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GUIDE POUR UNE DEMARCHE PLURIELLE DE CONDUITE DU
CHANGEMENT
Comment mobiliser le projet de vie et de soins des personnes longuement hospitalisées en psychiatrie
[Juin 2011]
PREAMBULE
2
PRÉAMBULE
La Mission Nationale d’Appui en Santé Mentale (MNASM) a, depuis sa création en 1993, visité, au titre de
sa mission sur sites, près des deux tiers des départements français et la totalité des régions ; grâce au
travail de ses permanents et de son réseau de correspondants, elle a ainsi constitué un capital de
connaissances sur les problématiques de planification et d’organisation des soins dans le champ de la
psychiatrie. C’est à ce titre qu’elle a été chargée par les pouvoirs publics de contribuer à l’élaboration de
préconisations pour l’analyse des besoins des
personnes dont l’hospitalisation en psychiatrie est
considérée « inadéquate », pour reprendre un
terme souvent utilisé, même s’il pose problème.
Le courrier de renouvellement de la MNASM, daté
du 4 février 2008 et signé par les directeurs de la
DHOS, de la DGAS, de la DGS et de la CNSA,
mentionnait, parmi les objectifs de la MNASM,
« l’articulation entre les acteurs sanitaires de la
psychiatrie et les acteurs sociaux et médico-
sociaux ». Cette articulation, précisait cette lettre,
« est indispensable pour éviter les hospitalisations
inadéquates de patients en psychiatrie, favoriser
les solutions adaptées en matière d’hébergement,
d’insertion professionnelle et plus largement
d’insertion dans la cité des patients présentant des
troubles psychiques ».
Ce mandat a été confirmé par la circulaire du 8 avril
2009 qui a repris la thématique des « situations
d’inadéquation » et mentionne « l’élaboration d’un
guide national »1. Dans cette optique, le
programme de travail de la MNASM pour 2009-2010 présente un de ses objectifs de la façon suivante :
« établir des préconisations destinées à aider les établissements qui souhaitent se lancer dans cette
démarche, qui dépasse le simple repérage des patients pris en charge au long cours (état des lieux,
préparation à la sortie, continuité des soins à assurer une fois ces patients sortis, réorganisation de
l’hospitalisation, renforcement de l’extrahospitalier…) ».
Ce document a été élaboré dans le cadre d’un groupe de travail animé par la Mission Nationale d’Appui
en Santé Mentale (MNASM) en lien avec les administrations concernées, à partir de septembre 2009
grâce à de nombreux échanges avec un groupe de professionnels du secteur social et médico-social. Des
avis d’usagers, de représentants d’usagers et d’élus ont, par ailleurs, été sollicités.
1 Circulaire DHOS-DGAS-DGS-CNSA du 8 avril 2009 relative aux modalités concertées de mise en œuvre de l’allocation de ressources
2009 dans le champ de la psychiatrie et de la santé mentale.
L’interrogation sur « l’adéquation » de la
prise en charge n’est ni récente ni propre
à la psychiatrie : la question « telle
personne est-elle soignée et
accompagnée selon les modalités les
mieux adaptées à ses besoins ? »
concerne de nombreuses situations à
l’hôpital autant en MCO qu’en SSR ou en
psychiatrie, mais aussi dans les structures
d’hébergement, par exemple pour les
personnes âgées ou celles demeurant à
leur domicile. Elle apparaît comme un
enjeu majeur pour les pouvoirs publics,
notamment avec le Plan psychiatrie et
santé mentale 2005-2008 qui l’a inscrit
comme une priorité dès son préambule et
l’a reprise ensuite dans plusieurs
dispositions de ses axes stratégiques.
PREAMBULE
3
Les réflexions et les propositions évoquées ici s’inscrivent dans un contexte marqué par la mise en
application de plusieurs textes législatifs importants qui ont transformé le paysage institutionnel: lois du 2
janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et
à la qualité du système de santé, du 11 février 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la
participation et la citoyenneté des personnes handicapées ». Tous ces textes amènent à se pencher plus
précisément sur les parcours de soins et de vie des personnes, sous l’angle de leur mobilisation et celle de
leur entourage.
En effet, ces textes, en accord avec la politique de l’OMS2, (Guide des politiques et des services de santé
mentale, 2005) ont en commun de souligner que les usagers et les familles bénéficiaires des
accompagnements et des prestations sont au centre des dispositifs : il ne s’agit pas seulement de les
informer ou de les consulter, mais de les associer aussi bien en amont qu’en aval à la construction des
projets les concernant en s’efforçant de tout mettre en œuvre pour limiter leur exclusion sociale.
L’environnement dans lequel se trouvent les personnes a en effet une grande importance sur l’expression
de leurs troubles. Ainsi, la question de l’articulation entre les champs sanitaire, social et médico-social en
psychiatrie pose celle de l’estimation des besoins en emploi/activité, en logement/hébergement et en
accompagnement des personnes atteintes de troubles mentaux ou en situation de handicap psychique du
fait de ces troubles, ainsi que celle des besoins en santé mentale de personnes vivant chez elles, dans leur
famille ou en institution, et de leur accès aux soins. Elle inclut donc, mais ne se réduit pas à la situation
des patients hospitalisés sur de longues durées en psychiatrie. De ce fait, et dans tous les cas, doit être
interrogé le parcours de la vie des personnes, dont le parcours de soins est l’une des dimensions.
Dans ce contexte, il importe d’analyser un certain nombre de difficultés et d’aider tous les acteurs
concernés à faire évoluer les réponses aux besoins et attentes des personnes longuement hospitalisées
en psychiatrie. Un autre élément d’actualité est intervenu avec l’application de la loi HPST du 21 juillet
2009: les complémentarités entre les établissements de santé et les structures médico-sociales sont
amenées à se renforcer. En effet, cette loi introduit un nouveau cadre : les établissements de santé
« participent à la coordination des soins en relation avec les membres des professions de santé exerçant
en pratique de ville et les établissements et services médico-sociaux, dans le cadre défini par l’agence
régionale de santé en concertation avec les conseils généraux pour les compétences qui les
concernent »3.
La MNASM apporte donc ici sa contribution avec un travail qui pourrait concerner toutes les catégories
d’âge et de pathologies. Sur certains points, il fait apparaître des spécificités en ce qui concerne les
enfants et adolescents ou les personnes âgées, et sans les isoler, intègre donc la différence d’âge chez les
personnes considérées.
2 Le principe de la solution la moins restrictive exige que le traitement soit toujours administré aux personnes dans des milieux qui affectent le moins possible leur liberté personnelle et leur statut et privilèges dans la communauté, notamment leur aptitude à continuer de travailler, à se déplacer et à s’occuper de leurs affaires. En pratique, cela signifie qu’il faut promouvoir les traitements au sein de la communauté et ne recourir au milieu institutionnel que dans des circonstances rares. 3 Article 1 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), devenu article L. 6111-1 du code de la santé publique.
La MNASM met, à la disposition des ARS et des acteurs locaux, un ensemble d’outils (document d’appui, guide, fiches
pratiques et recueil de données) pour les aider à réaliser, dans chaque territoire pertinent, au-delà de la cartographie des
établissements, structures et services existants, une synthèse des données relatives à l’amélioration des réponses aux
besoins de soins, d’aide et d’accompagnement des personnes hospitalisées en psychiatrie, utiles à l’élaboration des
schémas d’organisation de l’offre de soins sanitaire et médico social au niveau régional et territorial dans l’optique de la
construction d’un nouvel ensemble articulant les dispositifs psychiatriques, sociaux et médico-sociaux avec la médecine de
ville.
Le document qui suit explique la complexité de la démarche et ne prétend pas à emporter l’adhésion inconditionnelle de
tous les acteurs mais il développe les idées de la MNASM sur ses conditions de réussite et peut devenir le support de
débats entre les différents partenaires locaux sur la façon la plus adéquate de procéder sur le territoire pour une
mobilisation coordonnée des projets de vie et de soins des personnes longuement hospitalisées en psychiatrie.
SOMMAIRE
5
SOMMAIRE
PRÉAMBULE ........................................................................................................................................................... 2
INTRODUCTION ..................................................................................................................................................... 7
1. POSER LE PROBLÈME DES SITUATIONS D’« HOSPITALISATIONS INADÉQUATES » EN PSYCHIATRIE : ............... 9
1.1. Trouver un langage commun ......................................................................................................... 9
1.2. Une place et un sens pour l’hospitalisation en psychiatrie : toute sa place, rien que sa place ... 13
1.3. Mobiliser des réponses sociales et médico-sociales .................................................................... 20
2. ÉLABORER UN PROJET DE MOBILISATION DES PERSONNES ............................................................................. 25
2.1. Qui sont les personnes concernées ? ........................................................................................... 25
2.2. Faire des évaluations personnalisées une pratique courante : ................................................... 27
2.3. Mobiliser le projet de soins de chaque personne ........................................................................ 28
2.4. Accompagner l’élaboration des projets de vie ............................................................................ 31
2.5. Toujours introduire ou réintroduire la famille et les proches dans la construction du projet de vie de
la personne............................................................................................................................................... 32
3. MOBILISER LES INSTITUTIONS ............................................................................................................................ 33
3.1. Préparer le changement .............................................................................................................. 33
3.2. Engager le processus de mobilisation des acteurs ...................................................................... 33
3.3. Construire un diagnostic partagé ................................................................................................. 35
3.4. Recueillir les données globales relatives á la situation des personnes ........................................ 36
3.5. Promouvoir la participation des usagers et des familles ............................................................. 40
3.6. Organiser les coordinations ......................................................................................................... 40
3.7. Développer des partenariats formalisés ...................................................................................... 45
3.8. Favoriser les formations pluriprofessionnelles ............................................................................ 48
4. ASSURER LE PORTAGE INSTITUTIONNEL DU PROJET DE L’ÉTABLISSEMENT DE SANTÉ .................................... 50
4.1. Définir les objectifs....................................................................................................................... 50
4.2. Établir un programme .................................................................................................................. 50
4.3. Mettre en place les conditions de réussite .................................................................................. 50
4.4. Commencer la réorganisation de l’établissement ....................................................................... 52
4.5. Remplir les conditions de remobilisation des moyens de l’établissement .................................. 54
5. PRENDRE EN COMPTE L’IMPACT BUDGÉTAIRE.................................................................................................. 57
SOMMAIRE
6
Annexe N° 1 : Synthèse et analyse des enquêtes réalisées : ....................................................................................... 59
Annexe N° 2 : Méthodologie du travail de la MNASM (2009-2010) : .......................................................................... 65
Annexe N°3 : Groupes de travail .................................................................................................................................. 66
INTRODUCTION
INTRODUCTION
Si le texte qui suit et les documents joints visent, selon le contenu du programme tri annuel de travail fixé par
les pouvoirs publics à la MNASM, « à aider les établissements à se lancer dans … une démarche *concernant+…
la prise en charge des patients hospitalisés [en psychiatrie] ayant de longs séjours », cette démarche ne s’arrête
pas là et propose une façon intégrative de concevoir le projet thérapeutique et une méthode de travail pour
construire le projet de soins en articulation avec les autres dimensions nécessaires à la vie de la personne,
quels que soient le moment du parcours de soin et la durée de l’hospitalisation.
Passer d’un mode de réflexion et d’action cloisonné, où chacun s’approprie ou bien ne considère qu’une part
de la réponse aux besoins de la personne, à une logique
holistique et partagée de projet de vie des personnes, ne va
pas de soi.
De même, passer d’une approche par segment des
dispositifs (chacun pour soi) à une logique systémique
d’interdépendance revendiquée, et non plus seulement
subie, des champs d’intervention entre médical et social,
reste encore difficile dans la pratique.
Enfin, synchroniser les projets d’acteurs institutionnels
différents par des coordinations plus obligées et anticipées,
suppose des modalités d’accompagnement actives et
engagées de la part des planificateurs pour que les
questions de chronologie du financement et de mise en
œuvre de ces projets partagés ne se paralysent pas. C’est
pourquoi, une préparation pédagogique peut aussi être
utile:
Préparation documentaire qui justifie un
« argumentaire » assez développé exposant l’esprit de cette démarche, elle-même insérée dans une
éthique des soins à la personne en psychiatrie dont il n’est pas certain qu’elle soit, à ce jour,
consensuelle. C’est l’objectif de ce document.
Préparation stratégique au démarrage d’un travail pluri institutionnel via les premières rencontres
avec les acteurs concernés par la démarche, à l’initiative des ARS.
Ceci afin d’initier un processus partagé sans lequel l’appropriation des outils techniques par les acteurs locaux
et les changements d’organisation et de projets en découlant, a peu de chance de se produire.
Un établissement ne peut s’engager dans une démarche de mobilisation des projets de vie des personnes
hospitalisées sur de longues durées avec des chances de réussite seulement si
il se mobilise lui-même en interne pour définir un programme stratégique impliquant le directoire et le
conseil de surveillance, mais aussi les différentes instances institutionnelles et les équipes incluant
tous les acteurs : médecins, cadres, assistants socio éducatifs, infirmiers, aides soignants … sur ce
L’expérience de nombreuses
situations rencontrées par la
MNASM sur le terrain montre que
les modifications nécessaires pour
limiter le risque de chronicisation
et de dépendance institutionnelle
liées à l’hospitalisation mettent en
jeu des changements de
représentations et de culture chez
les acteurs concernés et donc des
résistances fortes, depuis les
personnes elles-mêmes et leur
entourage, jusqu’aux acteurs des
établissements et aux
planificateurs.
INTRODUCTION
8
thème. Une définition claire de la place du service social et l’organisation de délégations sur la
conduite de projet pour initier les changements au niveau de l’établissement, et non plus par service,
font partie de cette mobilisation stratégique.
il parvient à mobiliser simultanément, sur un calendrier relativement resserré, les différentes
personnes et acteurs concernés :
o au niveau individuel : les personnes malades, surtout si elles ont été hospitalisées au long
cours, pour leur permettre d’envisager leur vie en dehors de l’établissement de soins, et leur
entourage ou leur représentant, afin que ceux-ci soient prêts à soutenir et étayer la
démarche
o au niveau collectif : les associations représentatives des personnes et de leurs besoins, et les
responsables des établissements et services sociaux et médico-sociaux existants susceptibles
de les accompagner dans leurs besoins de logement ou d’hébergement et de travail ou
d’activité
o les organismes faisant fonction d’interface : les MDPH
o les services régionaux et territoriaux de l’État,
o les collectivités territoriales : élus locaux et responsables des services du Conseil Général et
des municipalités.
Les expériences passées mettent en évidence la complexité de la mobilisation d’un processus multi systèmes et
permettent d’identifier des conditions de réussite du projet :
il doit se dérouler dans une temporalité limitée, faisant sens pour la vie des personnes et des
institutions impliquées. La mise en œuvre de réels changements dans un horizon de l’ordre de 2 ans
nous semble être un objectif optimal pour que les projets se structurent sans que les énergies ne
s’épuisent
il ne doit pas reposer seulement sur la bonne volonté ou le degré d’aptitude variable d’acteurs
nombreux à se coordonner, mais sur un pilotage effectif à déterminer l’engagement des planificateurs,
leur communication sur la planification des équipements à créer ou ajuster et, conjointement, son
financement, sa chronologie, ses modalités ainsi que ses contreparties, doivent êtres lisibles, connus
des acteurs, et partagés.
D’où la nécessité d’une mobilisation simultanée et d’un accompagnement par les ARS sur ce dernier point, s’ils
décident d’approuver ou de susciter la démarche de l’établissement, sachant les nombreux enjeux qu’elle
recèle : pour la qualité de vie des personnes et leur famille, pour la réorganisation interne des moyens de la
psychiatrie, pour une meilleure articulation hôpital/ambulatoire et sanitaire/médico-social et social, au sein
d’un ou plusieurs territoires.
POSER LE PROBLÈME DES SITUATIONS
D’« HOSPITALISATION INADÉQUATE » EN PSYCHIATRIE :
1. POSER LE PROBLÈME DES SITUATIONS D’« HOSPITALISATIONS INADÉQUATES »
EN PSYCHIATRIE :
1.1. TROUVER UN LANGAGE COMMUN
ABANDONNER LE MOT « INADEQUATION »
Le terme « inadéquation » est d’emploi usuel, assez parlant, lorsqu’il s’agit d’attirer l’attention sur un
phénomène appelant une redéfinition des parcours de soins de personnes dont le maintien en hospitalisation
complète en psychiatrie pourrait ne plus se justifier. Il est utilisé dans d’autres domaines avec le semblable
souci de rendre compte « des situations qu’il convient de faire changer. ».
Mais il présente des inconvénients majeurs:
Un risque de jugement négatif, stigmatisant, renforcé par des images associées au profil des
personnes et aux réponses qui leur sont données, conduisant à ce que des réorientations prennent la
forme d’une nouvelle exclusion. On se rappellera les synonymes d’inadéquat : impropre, inadapté,
inapproprié, incongru, incorrect, inexact, mauvais…
Une perception négative des politiques menées, culpabilisante pour les professionnels au regard de
leurs possibilités d’apporter des réponses adaptées aux besoins des personnes. D’autant qu’en
français, le terme d’hospitalisation désigne à la fois un état (le fait d’être hospitalisé) et un processus
(la décision de se faire hospitaliser ou la décision d’hospitaliser
une personne). Ainsi, derrière la notion d’hospitalisation
« inadéquate » se profilent les idées de prescriptions
« inadéquates », de pratiques « inadéquates », quand ce n’est
pas d’incompétences. Une forte tonalité rationaliste, pour ne
pas dire « scientiste » suggérant, à l’inverse, que les
institutions pourraient viser et atteindre une « adéquation » à
la fois illusoire et dangereuse. Cela supposerait, en effet, des
déterminations normatives, sans espace possible
d’ajustement, de fluctuations qui caractérisent la vie de toute
institution.
Une représentation binaire assez figée, suggérant une
frontière nette entre des situations « adéquates » et d’autres
qui ne le seraient pas, alors que, bien souvent, les situations
sont complexes, fluctuantes et contextuelles : on pourrait
aussi bien parler d’adéquations partielles ou d’inadéquations
temporaires.
Une ambigüité suggérant que les personnes ne relevant plus de l’hospitalisation ne relèveraient plus
de la psychiatrie, alors que des soins autres qu’en hospitalisation leur sont nécessaires.
Il conviendrait donc de sortir de ces
apories et des jugements de valeur
péjoratifs en mettant l’accent sur
une dynamique de projet et en
commençant par utiliser des
expressions qui l’illustrent mieux :
projet personnalisé, projet de
sortie, réactivation de projet,
projet de vie, ou encore en
intégrant les notions d’« inclusion
sociale », de « participation
sociale , ou encore de
« rétablissement »…
POSER LE PROBLÈME DES SITUATIONS
D’« HOSPITALISATION INADÉQUATE » EN PSYCHIATRIE :
10
Enfin, puisque le mot ou l’adjectif peuvent se décliner de différentes manières, il restera toujours un
flou sur l’objet, ouvrant ainsi des débats sans fin : qu’est-ce qui est inadéquat ? La personne
hospitalisée ? La décision de l’hospitaliser ? La durée, les modalités de son hospitalisation ? Le
fonctionnement de l’établissement hospitalier ?
CHANGER DE CULTURE
Les questions sémantiques peuvent paraître secondaires, voire sans intérêt. Cependant, elles ont une forte
valeur symbolique; elles sont liées à des représentations sociales qui pèsent parfois lourdement sur la culture
des différents acteurs.
C’est une des raisons pour lesquelles l’OMS a décidé de
remplacer, en 2001, la Classification Internationale des
handicaps (CIH), dite de Wood, dont l’architecture
encore assez proche du modèle médical s’appuyait sur
des termes négatifs (déficience, incapacité,
désavantage), par la Classification internationale du
fonctionnement humain, du handicap et de la
santé (CIF). Cette dernière promeut une approche en
termes de situation vécue par la personne en
interaction avec son environnement et un vocabulaire
beaucoup plus valorisant, utilisant les mots
« participation », « activité »…
Dans le même esprit, la loi du 11 février 2005 « pour
l’égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées » supprime du
vocabulaire officiel les mots « éducation spéciale », « intégration scolaire », jugés stigmatisants, au profit des
notions d’ « accessibilité », « compensation », « équité », « citoyenneté », « participation »… La définition du
handicap inscrite dans cette loi fait référence à la CIF et désigne les altérations des fonctions psychiques
comme pouvant être à l’origine de handicap c'est-à-dire, pour la personne, à l’origine de limitations de son
activité et de restrictions de sa participation sociale, en fonction de son environnement.
Dans les relations entre les professionnels de la santé et ceux de l’action sociale, il est donc indispensable de
tenir compte de la langue des uns et des autres : les coopérations seront favorisées par la reconnaissance des
cultures, des habitudes de pensée et de parole et des histoires respectives. Mais tous doivent avoir en commun
le souci de traduire le respect des personnes (qu’on les appelle, de manière réductrice, « patients »,
« résidents »/« résidants »…) par l’emploi d’une terminologie au plus près de la vie sociale ordinaire et des
attentes des personnes elles-mêmes. Un souci semblable doit se retrouver lorsqu’il s’agit d’énoncer les étapes
d’un parcours de soins ou d’un parcours de vie, ou de définir des moments peu satisfaisants dans ces parcours.
INTRODUIRE LA NOTION DE PROCESSUS
Centrée sur la situation de la personne, l’inadéquation peut se définir comme la distorsion forte entre les
besoins, les attentes et les ressources mobilisées ou disponibles pour y répondre. L’inadéquation se replace
La mise en œuvre conjuguée de soins et
d’un accompagnement auprès des
personnes, et les éventuels allers-
retours des personnes entre l’hôpital et
une structure sociale ou médico-sociale,
seront d’autant plus facilités que des
coopérations entre équipes sanitaires,
sociales et médico-sociales s’appuieront
sur des processus et modalités
semblables, ou possèderont des
références harmonisées, autour de la
notion de projet.
POSER LE PROBLÈME DES SITUATIONS
D’« HOSPITALISATION INADÉQUATE » EN PSYCHIATRIE :
11
alors dans le cadre du parcours (complexe, incertain, fluctuant mais dynamique et réversible) de la personne
confrontée à la maladie et à ses conséquences dans l’ensemble des domaines de sa vie.
Introduire la notion de processus dans le parcours de vie de la personne implique une réflexion continue sur les
déterminants du passage progressif d’un individu d’une situation d’équilibre à une autre en passant par une
situation instable et fragilisée. Si l’on n’y prend garde l’hospitalisation, au cours de cette période de
vulnérabilité, introduit le risque de parachever le processus jusqu’à aboutir à une situation de désaffiliation
stabilisée en hospitalisation complète :
dans les premiers temps de l’hospitalisation, les facteurs déterminant la vulnérabilité peuvent devenir, si l’on en tient compte, les leviers possibles de remobilisation des personnes et d’élaboration d’un projet de soins et de vie à court, moyen et long terme par les équipes.
Lorsque l’hospitalisation se prolonge, le fil de ce parcours antérieur se perd dans la mémoire de la personne et de l’institution elle-même. L’hospitalisation joue alors un rôle aggravant lorsque se conjugue une absence totale de liens institutionnels et sociaux avec les systèmes de protection et de soutien extérieurs.
Cela peut aboutir à une exclusion dramatique caractérisée par une disparition complète des réseaux
de sociabilité primaire et des capacités de rétablissement de la personne.
L’analyse de ce processus serait incomplète si l’on ne prenait également en compte, en amont, les
interventions possibles des dispositifs et des services. Ceux-ci contribuent à stabiliser/sécuriser le parcours de
vie de la personne pour éviter d’aggraver ces risques en agissant sur les facteurs de vulnérabilité pouvant
conduire à une hospitalisation psychiatrique potentiellement évitable.
Dans la pratique, il est possible de proposer quelques points de repères, utiles à l’évaluation/compréhension
de ce processus et à la mise en œuvre de pratiques et dispositifs permettant la remobilisation des personnes et
des acteurs.
INTÉGRER LA NOTION DE PROJET
Le recours à la notion de projet semble aujourd’hui une évidence clinique et institutionnelle : projet de soins,
projet de vie, projet institutionnel ; la notion de projet se décline sous des modalités différentes et
complémentaires.
L’inadéquation peut être appréhendée comme la résultante d’un processus global et complexe de désaffiliation ou, dit
autrement, d’augmentation de la vulnérabilité de la personne tant au niveau psychique et somatique, social que relationnel.
La désaffiliation partage avec l’inadéquation l’hypothèse selon laquelle une personne se trouve peu à peu définie par ce qui,
progressivement, lui fait défaut (individualité négative). L’individu perd peu à peu ses capacités à agir sur son propre devenir,
perd l’accès à ses systèmes sociaux de protection et d’intégration (santé, logement, travail, droits sociaux, revenus…etc.).
Dans le même temps, son réseau primaire de sociabilité et de soutien (familles, proches et entourage, voisinage…etc.)
s’effrite et conduit à un isolement majeur où la personne risque de perdre jusqu’à sa citoyenneté voire son identité.
POSER LE PROBLÈME DES SITUATIONS
D’« HOSPITALISATION INADÉQUATE » EN PSYCHIATRIE :
12
La vocation d’un projet est d’élaborer une vision partagée d’un changement possible par l’anticipation des
problèmes à résoudre et des moyens pour y parvenir, en tenant compte des contraintes existantes.
Rapportée à la problématique des personnes hospitalisées en psychiatrie, le recours à une démarche de projet
dans les pratiques quotidiennes présuppose de clarifier le type de projet4 auquel les équipes se référent :
Le projet comme anticipation partagée sur la situation de vie de la personne : o Projet personnel o Projet de vie à court, moyen et long terme o Projet d’insertion sociale et professionnelle
Le projet comme déclinaison des activités et supports de cette anticipation partagée : o Projet de soins o Projet éducatif o Projet de formation et d’acquisitions de compétences
Le projet comme organisation structurée visant à expliciter les conditions de mise en œuvre: o Projet de référence (volet institutionnel des actions éducatives, thérapeutiques et sociales) o Projet institutionnel
Pour articuler ces trois dimensions, le point d’ancrage doit être la situation de vie de la personne à partir d’une élaboration en trois étapes à court, moyen et long terme.
le court terme est surdéterminé par la stabilisation de l’état clinique de la personne au premier temps de l’hospitalisation et, lorsqu’il s’agit d’une hospitalisation déjà ancienne, par le rythme régulé des actes de la vie quotidienne au sein du service. La mise en œuvre d’une dynamique de projet de vie à court terme peut se comprendre comme la volonté de la personne et des proches de retrouver une mobilité de trajectoire concernant le lieu de vie, les relations sociales, l’autonomie, la participation sociale, les moyens financiers…etc.
le moyen terme fonctionne comme une anticipation visant à définir les conditions de choix possibles qui se posent aux étapes clés d’une trajectoire de vie dont les âges charnières sont souvent les points de repère (les âges scolaires, les âges structurant l’autonomisation et la mobilité, les âges de réalisation personnelle et professionnelle, le vieillissement, la fin de vie…etc.).
le long terme est la vision à laquelle on se réfère habituellement lorsque l’on parle de projet de vie de la personne. Le long terme interroge les modèles sociaux et les représentations du style de vie attendus par la personne et ses proches et la problématique de l’idéalisation des projets prévus avant que la maladie et ses conséquences ne viennent en restreindre la réalisation effective.
Ces trois étapes du projet de vie doivent se penser collectivement et simultanément :
Collectivement, dans un travail d’équipe impliquant les partenaires, dont la personne et les proches sont la clé de voûte,
Simultanément, car le court terme doit mettre en perspective les choix de vie à long terme et inversement, le long terme interrogeant la cohérence de ce qui se décide à court terme ; le moyen terme permettant de s’interroger sur la variation entre les choix exprimés et l’adaptation des moyens pour y parvenir.
4 Boutinet JP, Anthropologie du projet, PUF, 1990 (6ème
édition, 2001), Paris, [p. 123].
POSER LE PROBLÈME DES SITUATIONS
D’« HOSPITALISATION INADÉQUATE » EN PSYCHIATRIE :
13
Vu sous cet angle, le projet de soins constitue le modus operandi du projet de vie de la personne – et non sa
finalité - s’appuyant sur les déterminants de la relation thérapeutique pour mettre en œuvre les actions
nécessaires à sa réalisation. Les écarts entre l’évaluation des besoins de la personne, qu’ils soient exprimés par
elle même, ses proches et/ou des professionnels et les objectifs et les moyens mis en œuvre dans le projet de
soins, peuvent être des indicateurs de la prise en compte plus ou moins effective de ces trois étapes du projet
de vie.
1.2. UNE PLACE ET UN SENS POUR L’HOSPITALISATION EN PSYCHIATRIE : TOUTE SA PLACE, RIEN QUE SA PLACE
L’hospitalisation ne
constitue qu’un temps
d’un parcours de soins
qui, lui-même, n’est que
l’une des composantes
du parcours de vie de la
personne. Le point de
bascule que constitue
l’hospitalisation en
psychiatrie dans la trajectoire de vie des personnes qui doit être interrogé. C’est dans cette optique qu’il
importe d’aider tous les acteurs concernés à faire évoluer les réponses aux besoins et attentes des personnes
suivies en psychiatrie.
La question de l’articulation entre sanitaire, médico-social et social pose également celle de l’estimation des
besoins en logement et en accompagnement social des personnes handicapées psychiques ainsi que celle des
besoins en santé mentale des personnes vivant dans la communauté (chez elles, dans leurs familles ou dans
des résidences supervisées). Elle inclut donc, mais ne se réduit pas, à la situation des patients hospitalisés au
long cours en psychiatrie.
S’INTERROGER SUR L’ADÉQUATION DE L’OFFRE DE SOINS
Sous l’angle médical, l’hospitalisation psychiatrique se
définit comme une offre de traitement qui, en théorie,
concentre le plateau technique le plus performant
(personnel spécialisé compétent et en nombre
suffisant) dans des conditions d’accueil contenantes et
de sécurité pour les soignés et les soignants.
L’hospitalisation à temps plein est habituellement
considérée comme le recours pour le traitement des
cas les plus compliqués et les plus graves. Son objectif
est - ou devrait être - de traiter en temps réel, 24
heures sur 24, sept jours sur sept, les troubles mentaux
décompensés de courte ou de plus longue durée ainsi
L’OMS souligne que, vu la concentration
des moyens humains qualifiés qu’il
nécessite, le coût de fonctionnement qui
en résulte et ses effets potentiellement
délétères lorsqu’il se prolonge, le
traitement hospitalier est non seulement
le traitement le plus cher mais aussi le
plus stigmatisant pour la personne et ses
proches. Toute organisation rationnelle
d’un dispositif de santé doit apprécier
jusqu’à quel point l’ampleur d’un tel
dispositif est indispensable.
La finalité de toute hospitalisation devrait être de mettre en œuvre de
façon immédiate, intensive et continue, tous les moyens nécessaires à la
réussite, dans les meilleures conditions, du retour de la personne dans
son environnement ordinaire, dans le délai le plus court possible.
..conditions de vie possibles
POSER LE PROBLÈME DES SITUATIONS
D’« HOSPITALISATION INADÉQUATE » EN PSYCHIATRIE :
14
qu’un certain nombre de troubles mentaux subaigus instables, parfois sur une très longue durée.
Cependant, une importante littérature anglaise sur le suivi à long terme de patients sortis de l’hôpital à
l’occasion de la fermeture d’établissements psychiatriques dans la banlieue de Londres souligne que d’autres
organisations sont possibles, montrant qu’un suivi intensif dans la communauté incluant le soutien des proches
permet d’assurer le traitement de la plupart de ces patients à qualité de soins équivalente. Les bénéfices se
mesurent en termes de rétablissement et de qualité de vie pour les personnes. Pour autant, les moyens à
mettre en œuvre et leurs coûts, lorsqu’on les considère dans leur globalité, n’en sont pas diminués5.
Au-delà de sa fonction médicale et thérapeutique, l’hospitalisation remplit une fonction sociale de protection,
de surveillance et de contrôle des personnes présentant des troubles mentaux sévères, de contrainte parfois,
de séparation et de répit pour la personne hospitalisée et ses proches. La DREES constate que
« l’hospitalisation à temps plein reste un mode de prise en charge incontournable et que (…) les alternatives
qui ont pu se développer à temps complet sont restées limitées et réservées à des patients ou pathologies
spécifiques »6. La brièveté actuelle de la plupart des séjours hospitaliers en psychiatrie peut finir par faire
oublier aux soignants que, en particulier pour les primo-arrivants, l’hospitalisation est un marqueur social
extrêmement fort et stigmatisant pour la personne et son entourage. De même, la discontinuité de séjours
répétitifs peut traduire/induire une dépendance continue entre la personne et son entourage et la réponse la
plus lourde du dispositif de psychiatrie.
PRENDRE QUELQUES CHIFFRES REPÈRES DONNÉS PAR LA DREES POUR DONNER UN
APERÇU DE L’ÉVOLUTION RÉCENTE DU RECOURS À L’HOSPITALISATION7
Entre 1987 et 2005, les lits de psychiatrie générale sont passés de 120 000 à 56 500 (-56%), répartis entre 37 500 lits publics et 10 900 lits privés, 1690 lits publics pour enfants et adolescents et 410 lits privés.
5 TAPS Project 44 Long-term outcome of long-stay psychiatric in-patients considered unsuitable to live in the community
The British Journal of Psychiatry (2002) 181: 428-432 The Royal College of Psychiatrists 6DREES, Données statistiques 2005, in : Rapport sur la prise en charge psychiatrique en France par le Sénateur Alain Milon,
Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé, 2009, annexe 3.2. « La durée de séjour reculant plus vite que
n’augmente la file active, le nombre total de journées d’hospitalisation à temps plein a donc diminué régulièrement depuis
1989 ». 7 Idem.
L’OMS Europe pour la santé mentale (2004) indique que 40% des personnes se présentant ou adressés dans
les services d’hospitalisation psychiatrique pourraient bénéficier, sans augmentation du risque auto ou
hétéro agressif, d’une alternative non hospitalière de traitement, pour peu qu’elle soit effective et
immédiatement disponible.
POSER LE PROBLÈME DES SITUATIONS
D’« HOSPITALISATION INADÉQUATE » EN PSYCHIATRIE :
15
Entre 1989 et 2003, la DMS moyenne en psychiatrie générale est passées de 86 j à 41 j (- 62 %) en psychiatrie générale et à 39 j en pédopsychiatrie
Malgré tout, et probablement parce cette diminution très conséquente du nombre de lits ne s’est pas
accompagnée d’une redistribution des moyens vers les soins ambulatoires, environ les deux tiers des
ressources d’un secteur psychiatrique sont encore consacrés, en moyenne nationale, à l’hospitalisation.
SOULIGNER LES DIFFICULTÉS Á DÉFINIR LES FINALITÉS DE L’HOSPITALISATION EN
PSYCHIATRIE
Les indications, et la décision d’hospitaliser en psychiatrie qui en résulte, sont complexes car soumises à une
pluralité de déterminants :
L’état de santé de la personne et les besoins qui en découlent : en première approximation, on pourrait penser que les indications sont liées (et uniquement liées) à l’état de santé de la personne. C’est probablement vrai dans des conditions extrêmes : troubles très légers où l’hospitalisation pourra être aisément écartée ou bien, à l’opposé, personne malade décompensée, incapable de consentir, agressive et dangereuse pour autrui et/ou immédiatement suicidaire, qui devra être admise sans tergiversation.
La convergence de pressions influençant la décision : dans les situations de loin les plus nombreuses, dans un environnement facilitateur ou au contraire limitant, la décision dépendra, à un moment donné, de la résultante des différentes stratégies d’acteurs :
o celle de la personne elle-même, en premier lieu, qui peut vouloir renoncer/s’opposer à la vie sociale et ses contraintes, et entrer dans un dispositif où il pourra se sentir protégé et vivre avec un niveau d’exigences extrêmement bas, ou poussée par les professionnels et/ou sa famille,
o celle de sa famille qui peut, elle-même, être poussée par les professionnels ou la personne malade, ou bien en raison du fardeau trop lourd, extrême, que représente le proche du fait de ses symptômes, entraînant usure, besoin de protection, de répit, de séparation voire rejet ,
o celle du professionnel, par idéologie de l’hospitalisation comme traitement de référence, d’évaluation, ou bien celle de la séparation entre personne et famille, pour les protéger,
o celle, enfin, du contexte social plus large, qui peut gagner à médicaliser ou à psychiatriser une situation, ce qui change sa catégorisation et, de ce fait, suscite un transfert de responsabilité et de charge de l’individuel/ familial/social vers le système de soins.
L’apprentissage collectif des réponses, source de répétition : si l’hospitalisation est vue la première fois comme la « solution » univoque à un « problème » - la crise psychiatrique - à savoir l’émergence de symptômes intenses et/ou extrêmes, une fois « réussie » comme modèle de solution, elle peut avoir tendance à se répéter, renforcée par l’apprentissage de tous les acteurs, indépendamment du rapport avantages/inconvénients pour la personne et son entourage. Dans les services d’urgence, un des critères importants pour hospitaliser quelqu’un en psychiatrie est qu’il l’a déjà été auparavant. Cela signifie que les « solutions » déjà connues ont tendance à se répéter automatiquement, à s’auto-entretenir.
POSER LE PROBLÈME DES SITUATIONS
D’« HOSPITALISATION INADÉQUATE » EN PSYCHIATRIE :
16
L’absence d’autres solutions connues ou disponibles : l’indication d’hospitalisation peut être posée également par manque de pratique et de formation aux alternatives, ou bien du fait de l’isolement du professionnel au sein d’un dispositif où toute réponse est moins disponible, parfois moins rapide et moins fiable que l’hospitalisation elle-même. Il est souvent plus simple et moins risqué d’hospitaliser que de ne pas le faire.=
INSISTER SUR LES MESURES Á PRENDRE POUR PRÉVENIR LES HOSPITALISATIONS PROLONGÉES
Prévenir la prolongation d’une hospitalisation en psychiatrie
consiste tout d’abord à :
proposer des traitements et modalités adaptés, qu’ils soient sanitaires, sociaux ou médico-sociaux, efficaces, aisément et rapidement accessibles avant, pendant et après l’hospitalisation, qui l’évitent ou la limitent en général ;
adopter des pratiques soignantes qui en limitent la durée et en réussissent la sortie, en particulier en incluant les proches et le support social dans tout projet thérapeutique.
Pour chaque personne malade, il est important d’identifier les
différents facteurs menant à une prolongation de
l’hospitalisation. Cette identification devrait permettre de
mettre en œuvre les mesures nécessaires pour poursuivre la
mobilisation des patients et des équipes dans un projet qui
s’oriente toujours vers la recherche d’une solution la plus
inclusive possible.
Tout ceci impose de retracer pour chaque patient le
processus ayant conduit à la décision d’hospitalisation, d’en
formuler précisément les objectifs et de réévaluer ceux-ci
régulièrement.
IDENTIFIER LES DIFFÉRENTES SITUATIONS POUVANT MENER Á UNE PROLONGATION DE L’HOSPITALISATION
La plupart des troubles mentaux décompensés s’améliorent rapidement en quelques jours, quelques semaines ou plus rarement quelques mois, grâce à des approches psychothérapiques et socio-familiales couplées à des chimiothérapies efficaces, qui accélèrent et consolident l’amélioration et préparent le retour à une vie plus ou moins normale.
Chez un certains nombre de patients, on constate des résistances partielles ou totales aux traitements médicamenteux. La non compliance, la prise concomitante d’alcool et de drogue, retentissent très
Un retour historique peut être utile à la
compréhension de la situation actuelle.
Jusque dans les années soixante
l’institution psychiatrique organisait les
unités par populations de malades :
admissions, travailleurs, incurables ...
La sectorisation moderne a rompu avec
cette ségrégation avec succès, en
revendiquant simultanément une
protection et des soins pour tous les
malades. Cette mixité de populations
ayant des besoins différents, utile en
son temps pour redynamiser les soins, a
contribué à organiser durablement
l’hôpital autour des besoins spécifiques
des personnes en hospitalisation
prolongée. Mais désormais
hospitalisations courtes sont les plus
fréquentes et d’autres services se sont
développés pour accompagner les
personnes instutitionellement
dépendantes
POSER LE PROBLÈME DES SITUATIONS
D’« HOSPITALISATION INADÉQUATE » EN PSYCHIATRIE :
17
péjorativement sur l’évaluation et l’efficacité du traitement, amenant une multiplication de séjours relativement brefs ou à une prolongation de la durée de l’hospitalisation quelques mois ou plus.
Un petit nombre de patients présentent, dès l’admission, des troubles graves qui vont persister ou montrent, au fil du temps, que leur pathologie s’accompagne d’une altération importante des aptitudes cognitives, sociales et relationnelles conduisant à une perte d’autonomie et à une dépendance institutionnelle. Pour ces patients les hospitalisations sont souvent longues, de quelques mois à quelques années. La préparation à la sortie doit être inscrite d’emblée dans leur projet et donner lieu à un travail de réhabilitation intensif et continu.
La prolongation de l’hospitalisation, c’est maintenant un fait largement reconnu, entraîne par elle-même des effets iatrogènes de désinsertion et de régression : la personne hospitalisée migre en quelques mois de la participation à un double système d’appartenance, familial-social d’un côté, institutionnel et psychiatrique de l’autre, à l’inclusion dans un système unique, institutionnel, qui est devenu sa nouvelle famille (cf. le processus de désaffiliation précédemment décrit).
IDENTIFIER LES DIFFÉRENTS FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX CONCOURANT Á LA
PROLONGATION DES HOSPITALISATIONS
Les éléments environnementaux qui concourent à la
prologation d’une hospitalisation sont bien connus et
très prégnants :
la stigmatisation, et la peur que la psychiatrie génère
l’isolement, de ces patients
les faibles ressources et
l’ absence de logement,
l’absence ou l’insuffisance de services d’accompagnement social différenciés pour la personne,
l’absence de service de soutien à la famille ou à l’entourage,
…
La question du logement est cruciale. Elle se présente de diverses façons, selon que la personne :
n’a jamais eu de logement personnel (hébergée en institution depuis son enfance, ou restée hébergée dans sa famille),
a perdu son logement, se trouve en logement précaire ou à la rue,
risque de perdre son logement à l’occasion de l’hospitalisation.
En l’absence d’accompagnement de la personne et de son entourage dans son lieu de résidence, en effet, l’hospitalisation peut être le facteur déclenchant de la perte du logement personnel, de l’hébergement dans la famille ou de la place en institution. Dès lors, un cercle vicieux peut s’installer: la perte d’autonomie augmente la durée de l’hospitalisation qui aggrave la perte d’autonomie, ce qui rend la réinsertion dans le logement beaucoup plus difficile et, à terme, improbable, et conduit à la recherche de solutions institutionnelles plus lourdes.
La prolongation de la durée de séjour, parfois
sur des années, n’a pas forcément de rapport
direct avec l’absence de stabilisation de l’état
psychique de la personne, pas plus qu’avec
son incapacité à quitter l’hôpital. De
nombreux facteurs, immédiats ou secondaires,
intrinsèques ou extrinsèques aux personnes,
vont converger pour mettre hors de portée
une fin réussie de l’hospitalisation, malgré de
nombreuses tentatives.
POSER LE PROBLÈME DES SITUATIONS
D’« HOSPITALISATION INADÉQUATE » EN PSYCHIATRIE :
18
PRENDRE LA MESURE DES CHANGEMENTS QUE CETTE QUESTION SOULÈVE EN LA
REPLACANT DANS SON CONTEXTE :
Il s’agit d’une question extrêmement sensible au sein de la communauté psychiatrique, pour plusieurs raisons :
La psychiatrie est actuellement confrontée à une redéfinition critique de ses missions et de ses frontières, de ce qui est à l'intérieur ou à l'extérieur de son champ de compétence et donc d'intervention (psychiatrie versus santé mentale). Dans cette réflexion, la question posée par cette part de patientèle habituelle de la psychiatrie, les patients en dépendance institutionnelle, tient donc une place importante et sensible.
Un certain nombre de soignants acceptent difficilement d’abandonner à d’autres certaines tâches pour lesquelles ils estiment avoir acquis, avec des années d’expérience, une réelle compétence. Cette question concerne davantage les générations plus anciennes.
A contrario, on observe plutôt dans les hôpitaux une évolution tendant à mettre au contact des personnes les plus anciennement hospitalisées les soignants les plus récemment formés. Non seulement, ils sont souvent rebutés par ce contexte, mais ils se disent souvent peu formés pour assurer ces fonctions. La perte de la compétence des institutions, quelles qu’elles soient, dans l’abord des problématiques spécifiques posées par les personnes en situation de dépendance institutionnelle peut être une opportunité pour se poser la question de l’adéquation des propositions de soins qui leur sont faites.
C’est également une vraie question qui interroge les contenus de la formation utiles pour l’exercice des soins en santé mentale. La discussion touche donc également l’enseignement, la formation, la recherche et l’innovation pour un grand nombre d’acteurs. La recherche sur l’intégration des soins et des services, sur le changement des pratiques professionnelles incluant une pluralité d’acteurs, est actuellement trop limitée.
La dimension éthique et de bientraitance est majeure. En effet, les personnes concernées ont moins de possibilités de se représenter elles-mêmes si bien que, lorsqu’elles sont représentées par des tiers, il convient toujours de se demander si ceux qui parlent en leur nom le font effectivement ou bien défendent leurs propres intérêts.
Ces questions interrogent donc les évolutions profondes de la discipline vers la déségrégation, le respect croissant des droits et de la dignité des personnes, ce qui suppose un effort de « déshospitalisation » raisonnable accru, conjugué à un renforcement des soins psychiatriques dans la communauté.
PRENDRE LA MESURE DE L’AMPLEUR DU PROBLÈME
Plusieurs enquêtes confirment l’existence, avec le même ordre de grandeur, d’un nombre significativement
important d’hospitalisations prolongées qui se scindent en :
hospitalisations de longue durée pertinentes,
hospitalisations plus ou moins prolongées par défaut de solution « en aval »
Certaines enquêtes ont été conçues délibérément comme des enquêtes « d’inadéquation », mais leur finalité
était plutôt de mettre en évidence les « hospitalisations par défaut » de patients « en sortie retardée » ou « en
attente de sortie», ou bien encore « réorientables ».
POSER LE PROBLÈME DES SITUATIONS
D’« HOSPITALISATION INADÉQUATE » EN PSYCHIATRIE :
19
La synthèse qui suit montre des constantes dans les chiffres relatifs à l’hospitalisation complète : globalement,
un jour donné, entre 20 et 40 % des lits sont occupés par des patients en séjour prolongé dont 60 et 70 % sont
définis comme « inadéquats ».
Enquêtes régionales consacrées aux hospitalisations en psychiatrie Séjours
prolongés
dont « inadéquats »
Île-de-France 2003-1 (« patients au long cours ») 31 % 74 % des LS
Île-de-France 2003-2 (« dépendance institutionnelle ») 13 % 62 % des LS
Picardie 2003-1 (tous les adultes hospitalisés un jour J) 32 % des présents
Picardie 2003-2 (tous les enfants hospitalisés un jour J) 21 % des présents
Aquitaine 2003 28 % 61 % des LS
PACA 2005 27 % 73 % des LS
Bretagne 2006 27 % 63 % des LS
Haute-Normandie 2006 43 % 64 % des LS
Midi-Pyrénées 2007 25 % 62 % des LS
Basse-Normandie 2007 26 % 68 % des LS
Rhône-Alpes 2008 (hospitalisations jugées inadéquates 1 jour J) 19 % 60 % des LS
PACA 2008 19 % 71 % des LS
Martinique 2008 (hospitalisations jugées inadéquates 1 jour J) 36% des présents
Rhône-Alpes 2009 (hospitalisations jugées inadéquates 1 jour J) 20,5 % des présents
Dans la plupart des enquêtes, cette notion d’inadéquation est utilisée à propos des « personnes hospitalisées
au long cours, pour lesquelles il n’existe plus de projet de soins en tant que tel »8. Cette question ne se résume
pourtant pas à celle des durées de séjour, car des hospitalisations de longue durée peuvent se justifier et ne
traduisent pas automatiquement une inadéquation, et parce que des hospitalisations de très courte durée
peuvent aussi être inadéquates.
Ces études mettent en évidence que certaines personnes trouvent difficilement leur place tant dans le champ
sanitaire que médico-social9 : personnes âgées, personnes présentant des polypathologies ou atteintes de TED
avec troubles du comportement. Il en va de même d’un certain nombre de personnes dont les troubles du
8 Selon la définition donnée dans l’enquête Les inadéquations de prise en charge des personnes ayant un handicap psychique ou des troubles apparentés accueillis dans les services d’hospitalisation complète de psychiatrie et dans les maisons de retraite de Basse-Normandie, CREAI Basse-Normandie, décembre 2007. 9 Bernard Guitton, Les doubles inadéquations, Observatoire en santé mentale du Syndicat inter hospitalier santé mentale Loire-Atlantique (SISMLA), 2004.
POSER LE PROBLÈME DES SITUATIONS
D’« HOSPITALISATION INADÉQUATE » EN PSYCHIATRIE :
20
comportement, quelle que soit leur origine, mettent en difficulté leur accueil dans des structures
d’hébergement social (CHRS, foyers de l’ASE ou de la PJJ….).
L’enquête réalisée en Rhône-Alpes apporte une précision : « Il est important de souligner que 833
hospitalisations prolongées ne signifient pas 833 orientations en structures médico-sociales. La majorité des
personnes nécessitent des soins psychiatriques plus ou moins lourds en fonction des pathologies et des
capacités psychosociales. Toutefois un grand nombre de ces personnes pourraient sortir de l’enceinte
hospitalière sous réserve d’un étayage suffisant des équipes des secteurs psychiatriques et d’un « cadre de
vie » adapté à leurs besoins »10
.
Les enquêtes régionales (voir en annexe) présentent, de ce point de vue, un intérêt supplémentaire en ce
qu’elles éclairent :
d’une part, les inégalités de situation des personnes du point de vue de leurs droits sociaux : par
exemple, 70 % des patients hospitalisés au long cours, selon l’enquête en Ile-de-France, bénéficient de
l’AAH et 76,9 % en Haute-Normandie ;
d’autre part les difficultés dans lesquelles ces personnes se trouvent, face à une absence de
perspective pour leur projet de vie, voire de leur projet de soins : pour nombre d’entre elles, il n’y a
pas de saisine de la MDPH.
1.3. MOBILISER DES RÉPONSES SOCIALES ET MÉDICO-SOCIALES
ABORDER UNE QUESTION SENSIBLE
Avec la question des personnes hospitalisées sans perspective
de sortie se posent celles, délicate, des limites thérapeutiques,
ainsi que de l’évaluation de la qualité et de l’efficacité des soins
en psychiatrie.
Pour des soignants orientés vers le changement et la guérison,
il est encore difficile de reconnaître qu’une personne atteinte
d’une maladie mentale puisse aussi être considérée comme
une personne handicapée alors même que parfois, des
pronostics irréversibles sont prononcés par la psychiatrie à
l’encontre de certaines maladies graves. En ont témoigné par
le passé les résistances de la profession à l’égard de la loi
d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin
1975 au moment de sa promulgation.
On peut craindre aussi que les progrès thérapeutiques réels, réalisés ces dernières années, ne soient masqués
car regardés à travers le prisme déformant des limites thérapeutiques auprès d’une population extrêmement
10 Enquête relative aux hospitalisations inadéquates, ARH-DRASS Rhône-Alpes, mai 2009.
La communauté psychiatrique peut, à
juste titre, se montrer très méfiante
vis-à-vis d’attitudes ou de décisions
qui, à partir d’enquêtes, sous couvert
de rationalité thérapeutique,
organisationnelle ou stratégique,
mais en réalité principalement
économique, relèveraient en fait,
« pour le bien des patients », d’un
renforcement ségrégatif médico-
social néo-asilaire.
POSER LE PROBLÈME DES SITUATIONS
D’« HOSPITALISATION INADÉQUATE » EN PSYCHIATRIE :
21
difficile. Le taux « d’inadéquation » ne peut pas servir à mesurer, de façon inversement proportionnelle, la
qualité ou le dynamisme d’un service.
Par ailleurs, les acteurs de la psychiatrie craignent souvent que la réorientation des personnes vers des
réponses de type social ou médico-social ne corresponde pas à une amélioration à leur bénéfice, en raison d’un
risque supposé d’appauvrissement des financements conduisant à une déqualification des métiers. Il est juste
de reconnaître que la réorientation vers des réponses médico-sociales ou sociales ne garantit pas, en elle-
même, la qualité, de la même manière, d’ailleurs, que le maintien dans le système de soins. La MNASM a
rencontré un certain nombre de situations où la réponse était sanitaire et totalement inacceptable.
En même temps, certaines résistances rencontrées de la part du milieu professionnel correspondent à des
préoccupations liées à l’intérêt propre des institutions autant qu’à celui des professionnels : maintien du site et
des emplois.
S’ajoutent un niveau de connaissance technique limité d’un certain nombre de psychiatres en matière de
handicap, voire une hostilité à cette notion appliquée de façon réductrice au seul polyhandicap. Le concept de
handicap psychique est une notion nouvelle dont la
connaissance progresse différemment :
peu de connaissance des travaux de l’OMS :
Wood, CIF,
réponses connues, et donc proposées, limitées
aux MAS ou aux FAM.
patients enfants ou adultes, atteints de
psychoses chroniques, part essentielle des
situations de séjours prolongés, vus comme
relevant, pour la plupart, de la psychothérapie
institutionnelle ou d’un improbable lieu de vie
possibilité de réponses sous forme
d’hébergement individuel ou collectif, supervisé
socialement ou pas, n’apparaissant quasiment
pas dans les projets.
La MNASM a pu constater que jusqu’à ces dernières années, les travailleurs sociaux ne participaient pas ou peu
à la politique de l’établissement. La stratégie des services, encore plus celle de l’établissement, était
essentiellement médicale et fondée sur les soins et très peu sur la combinaison soins/accompagnement social
en vue du rétablissement des personnes.
Cependant, dernièrement un certain nombre d’évènements ont fait bouger les lignes :
le Plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008 a posé le problème de la nécessaire articulation entre
sanitaire, médico-social et social en psychiatrie.
Les obstacles les plus fréquemment retrouvés lorsqu’il s’agit d’initier un processus de diagnostic partagé sont :
un niveau technique modeste concernant l’aspect autonomie,
une recherche de solutions au cas par cas, sans analyse de l’ensemble des besoins au niveau d’un territoire,
une absence de stratégie d’articulation dans les projets médicaux et d’établissement.
un rôle restreint des travailleurs sociaux
une méconnaissance de l’environnement médico-social.
POSER LE PROBLÈME DES SITUATIONS
D’« HOSPITALISATION INADÉQUATE » EN PSYCHIATRIE :
22
La loi du 11 février 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté
des personnes handicapées » a donné une place au handicap psychique,
les efforts constants de l’UNAFAM et de la FNAPSY ont œuvré pour la reconnaissance du handicap et
l’accès au logement des personnes souffrant de troubles mentaux.
APPRÉCIER LES ENJEUX LOCAUX DU CHANGEMENT
Pour la discipline psychiatrique, l’articulation avec le social et le médico social améliore les possibilités d’une
réorganisation efficiente, centrée sur des soins hospitaliers actifs de longue comme de courte durée et des
soins ambulatoires majoritaires comportant les métiers diversifiés nécessaires à la qualité des soins et des
articulations.
L’IMPACT SUR LA PSYCHIATRIE:
O SUR LA FILIÈRE HOSPITALIÈRE, VERS UNE PLUS GRANDE FLUIDITÉ DE L’OCCUPATION DES
LITS
Selon le Plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008,
une partie non négligeable des personnes hospitalisées
au long cours en psychiatrie, ce qui représente, environ
26 % des patients présents un jour donné, soit environ
13.000 personnes, relèvent d’autres réponses de soins
articulées avec les réponses sociales et médico-
sociales.
Répondre à ce besoin constitue une partie très
importante de la résolution de la crise hospitalière en
psychiatrie, caractérisée par la coexistence entre
l’impossibilité de faire sortir à des conditions correctes
des personnes qui pourraient ne pas rester à l’hôpital,
tandis que des patients décompensés, qui le
nécessitent sans délai, ont du mal à y entrer, faute de
place.
Chaque personne indûment hospitalisée en psychiatrie, bénéficiant d’une sortie réussie et respectueuse de ses
besoins, « libère » la place pour une douzaine d’admissions par an au moins, sur la base d’une durée moyenne
de séjour d’un mois.
O SUR LES SERVICES AMBULATOIRES OU ALTERNATIFS Á L’HOSPITALISATION COMPLÈTE EN
PSYCHIATRIE : VERS UNE DIVERSIFICATION DES MÉTIERS
Une partie importante des réponses de longue durée, ambulatoires ou alternatives à l’hospitalisation
complète : CMP, CATTP, hôpitaux de jour, foyers de post-cure, appartements thérapeutiques ou associatifs,
comprend des activités d’accompagnement social, des activités occupationnelles, culturelles ou d’animation.
Dans les programmes d’investissement
hospitalier (constructions et
reconstructions) la saturation récurrente
des lits d’hospitalisation complète en
psychiatrie rend inévitable de réexaminer
les besoins capacitaires et de faire un choix
entre augmenter le nombre de lits en
psychiatrie ou améliorer significativement
la réponse médico-sociale et sociale en
faveur des personnes hospitalisées, afin
d’améliorer en même temps la réponse à
leurs besoins et la fluidité hospitalière.
POSER LE PROBLÈME DES SITUATIONS
D’« HOSPITALISATION INADÉQUATE » EN PSYCHIATRIE :
23
Nombre de ces activités ne sont pas toujours définies ou réévaluées régulièrement, floues sur les finalités,
inadaptées sous l’angle de la chronologie (offre non disponible les fins de journées, les week-ends, les
vacances), du rythme (quotidien ou pluriquotidien) et de la durée, parfois indéterminée.
Elles sont mises en œuvre par un personnel sanitaire ne disposant pas, initialement, de cette compétence, et
l’exerçant selon des modalités souvent acquises et développées à partir d’un apprentissage technique de durée
limitée.
Á l’opposé, les métiers susceptibles de les développer efficacement : animateurs, artistes, auxiliaires de vie
sociale, etc., ne sont pas présents, ou faiblement, dans les dispositifs sanitaires de soins et de réinsertion.
Autrement dit, de même qu’il existe des « inadéquations hospitalières », il existe également des
« inadéquations » de soins ambulatoires.
L’IMPACT DES CHANGEMENTS SUR LES DISPOSITIFS SOCIAUX ET MÉDICO-SOCIAUX :
O VERS DES BESOINS CROISSANTS DE SOUTIEN ET D’INTERVENTION PAR LA PSYCHIATRIE
Les dispositifs sociaux et médico-sociaux accueillent, depuis
longtemps, une part non négligeable de résidents ou d’usagers
présentant des troubles mentaux ayant pour conséquence un
handicap psychique et qui continuent à nécessiter des soins.
Le besoin de soins de ces personnes malades et
d’accompagnement médico-psychologique des personnes non
malades mais vulnérables et susceptibles de décompenser sur
un plan psychiatrique, ainsi que de soutien des équipes les
accompagnant, est de plus en plus reconnu et donc croissant.
Mais, parallèlement, le nombre de spécialistes du soin dans ce
champ stagne, voire se réduit, car les soignants les plus jeunes,
nouvellement arrivés dans la profession, n’ont pas été formés à
prendre en charge ce type de population et se tournent
préférentiellement vers des soins plus techniques et perçus comme plus nobles pour des personnes malades
en phase d’acuité.
C’est pourquoi la MNASM considère que ces besoins devraient nécessiter réorganisation de la psychiatrie
ambulatoire vers le développement d’une psychiatrie de liaison médico sociale mobile, réactive, continue,
conditions de sa crédibilité et donc de la facilitation et du maintien de l’accès aux dispositifs sociaux et médico-
sociaux des personnes sortant d’une hospitalisation en psychiatrie. Cette psychiatrie de liaison doit inclure les
patients connus de l’équipe de psychiatrie de proximité ainsi que ceux, non connus d’elle, présentant des
troubles ou des maladies, ou bien posant des problèmes du fait de l’intensité et/ou de la complexité médico-
psychologique de leur situation.
O VERS DES BESOINS CROISSANTS D’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL DES PERSONNES SOUFFRANT DE TROUBLES PSYCHIQUES
La mobilisation autour de
l’amélioration du projet des
personnes hospitalisées en
psychiatrie devrait accroître encore
l’ensemble des besoins de soins
médico-psychologiques ou
psychiatriques des personnes suivies
ou admises dans des services ou
structures sociaux et médico-
sociaux, dont l’interlocuteur
principal est le plus souvent la
psychiatrie publique.
POSER LE PROBLÈME DES SITUATIONS
D’« HOSPITALISATION INADÉQUATE » EN PSYCHIATRIE :
24
Une partie des patients non hospitalisés, ou rarement hospitalisés, de la psychiatrie, une grande partie de ceux
qui font la navette entre l’hôpital et les soins ambulatoires, qu’ils bénéficient d’un logement individuel, qu’ils
soient hébergés de façon précaire, sans hébergement, ou bien qu’ils vivent à la charge de leur famille
vieillissante, nécessitent un accompagnement dans leur vie quotidienne.
Les services d’accompagnement à la vie sociale (accès et
maintien dans le logement, accompagnement pour l’insertion
professionnelle) et les structures d’hébergement adaptées, ne
sont pas, à l’heure actuelle, suffisamment développés pour les
personnes vivant avec un handicap psychique. Sans cet
accompagnement par des équipes sociales spécifiquement
formées, associé à des soins ambulatoires actifs, les
réhospitalisations risquent d’être fréquentes, venant conforter
l’idée que seul un milieu hospitalier moins exigeant peut
convenir à ces personnes.
Visites préalables, périodes d’essai
ou de transition, engagement de
retour en cas de besoin, assurance
d’une psychiatrie de liaison,
d’urgence et de crise, sont
susceptibles de limiter le recours à
des hospitalisations évitables et de
faciliter sans délai celles qui sont
indispensables.
ÉLABORER UN PROJET DE MOBILISATION DES PERSONNES :
2. ÉLABORER UN PROJET DE MOBILISATION DES PERSONNES
« Mobiliser les personnes » pour leur permettre de mener
leur vie hors de l'hôpital, dans un contexte qui apporte de
nouvelles perspectives, nécessite de conjuguer deux
démarches :
mener avec cette personne et son entourage une
évaluation renouvelée de sa situation,
l'aider à élaborer de nouveaux projets pour sa vie
personnelle.
Ceci suppose que l'élaboration d'un projet thérapeutique
régulièrement actualisé soit mise en perspective avec des
possibilités d'accueil et d'accompagnement par les acteurs
sociaux et médico-sociaux.
L'évaluation personnalisée et l'élaboration de projets peuvent ainsi se trouver plus ou moins intriquées dans la
démarche, selon un processus et un temps propres à chaque personne.
2.1. QUI SONT LES PERSONNES CONCERNÉES ?
Les personnes pour lesquelles doit être reformulé un projet conjuguant soins, accompagnement social et/ou médico-
social sont aussi bien hospitalisées dans les établissements hospitaliers que des personnes accueillies en institutions
sociales et médico-sociales.
Seule sera abordée ici la question de la réorientation du projet des personnes hospitalisées en psychiatrie, susceptibles
de bénéficier d’autres actions sociales et thérapeutiques. Mais, même si ce n’est pas l’objet de ce document, il ne
faudra pas perdre de vue la question symétrique : celle de personnes accueillies dans le secteur social ou médico-
social11 qui nécessitent des soins plus importants, voire de nature différente, et éventuellement, un accompagnement
ou un accueil différents de ceux dont ils bénéficient jusqu’à maintenant.
IDENTIFIER LES DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE SITUATIONS CONCERNÉES PAR LES SÉJOURS
DE LONGUE DURÉE, POUR MIEUX ADAPTER LES SOINS
Maintenir l’adéquation et la dynamique du projet de soins suppose une attention particulière à l’égard de toute
personne hospitalisée dès son admission. La démarche doit s’appliquer à toutes les personnes hospitalisées, que
l’hospitalisation soit, à priori, prévue sur une courte durée, ou que la fin de l’hospitalisation puisse sembler non
programmable dans l’immédiat. A fortiori, la démarche proposée doit s’appliquer à toute personne, adulte, adolescent
ou enfant dont l’hospitalisation se poursuit, bien qu’elle ne soit plus nécessaire de l’avis même des soignants.
La situation des personnes durablement hospitalisées peut se présenter selon deux groupes :
Le premier concerne la situation de personnes très difficiles ou impossibles à faire sortir. La prolongation de
l’hospitalisation peut paraitre indispensable ou son interruption hors de portée (personnes hospitalisées en HO
médico-légal, ou bien présentant durablement une dangerosité persistante évidente, par exemple). D’après
11 Cf. Haute Autorité de Santé, Accès aux soins des personnes en situation de handicap, Audition publique, 22 et 23 octobre 2008.
Faire en sorte que chaque personne, aidée de
son entourage, dispose d’une orientation
adaptée à sa situation et à ses attentes,
implique de resituer l’hospitalisation comme
un moment du parcours de soins faisant partie,
lui-même, d’un parcours de vie.
Pour leur ouvrir un parcours de droit commun,
il faut que les personnes concernées trouvent
leur place dans une dynamique de projet à
laquelle les professionnels puissent se référer.
ÉLABORER UN PROJET DE MOBILISATION DES PERSONNES :
26
certaines études étrangères12, elles représenteraient 10 à 15 % des hospitalisations prolongées alors qu’elles
représentent 25 % environ des hospitalisations prolongées un jour donné dans plusieurs enquêtes françaises.
Les expériences étrangères suggèrent qu’il est possible d’en faire évoluer lentement (sur 4-5 ans) une petite
moitié vers des réponses médico-sociales appuyées par un encadrement renforcé et des prestations de soins
continues par les services de psychiatrie. Ces expériences étrangères prônent l’abandon des approches
thérapeutiques n’ayant pas fait la preuve de leur efficacité, et la mise en œuvre :
o de techniques de réhabilitation portant sur le contrôle de l’impulsivité et de l’agressivité,
o de méthodes de développement des habiletés sociales,
Les chimiothérapies renouvelées ou ajustées, dans ces situations, n’ont pas semblé faire la preuve d’une
efficacité accrue.
Le deuxième groupe de situations inclut des personnes susceptibles de sortir en bénéficiant de réponses
sociales et médico-sociales. Selon plusieurs enquêtes françaises, elles représenteraient 70 à 75 % des
personnes hospitalisées au long cours.
o entre la moitié et les deux tiers relèveraient de MAS ou de FAM (il faut cependant tenir compte de la
méconnaissance des autres formes de réponse).
o le tiers restant serait concerné par un manque de logement, avec toute la palette des possibilités :
hébergements ou logements individuels, collectifs ou semi-collectifs, plus ou moins
supervisés/accompagnés socialement ou médico-socialement.
Il va sans dire que les proportions indiquées sont seulement indicatives. Des disparités importantes peuvent être
observées selon les territoires notamment pour des raisons qui tiennent le plus souvent à l’histoire des établissements
et des départements :
asile départemental ancien ayant accueilli de longue date des enfants handicapés devenus adultes, ce qui a
participé à la sous-planification médico-sociale des réponses nécessaires et à leur maintien sur le site
hospitalier,
hôpital psychiatrique de création récente (années soixante-soixante-dix) n’ayant accueilli que peu de
personnes handicapées ou établissements ayant organisé la désinstitutionalisation de la psychiatrie infanto-
juvénile avant que les enfants ne deviennent adultes, tandis que l’environnement médico-social était
relativement perméable,
plus rarement, services rattachés aux hôpitaux généraux dans des départements ayant fait de l’accueil médico-
social une politique systématique (Corrèze, Lozère, Cher, Allier).
COMPRENDRE LES DIFFÉRENCES D’APPRÉCIATIONS SANS SE RÉFÉRER Á UNE NORME
Celles-ci tiennent à plusieurs facteurs :
La méconnaissance et la différence d’utilisation et de flexibilité réciproques des outils utilisés dans les systèmes
hospitalier, social et médico-social. Les outils de référence permettant d’apprécier les besoins d’une personne,
12 Traduction d’un article anglais : Trieman N. & Leff J. (1997) : la transition de l’hôpital vers les services implantés dans la communauté, quelques résultats d’études du TAPS, in L’Information Psychiatrique, 1997, 8, 773-779. Leff J, Trieman N (2000): Long-stay patients discharged from psychiatric hospitals. Social and clinical outcomes after five years in the community. TAPS Project 46, Br J Psychiatry, 2000 Mar; 176: 217-23. Thornicroft G, Gooch C, Dayson D (1992): Readmission to hospital for long term psychiatric patients after discharge to the community, BMJ 1992; 305: 996-8 et Trieman N, Leff J (2002): Long-term outcome of long-stay psychiatric in-patients considered insuitable to live in the community, TAPS Project 44, Br J Psychiatry (2002) 181: 428-432 François Chapireau, « Connaissances nouvelles à propos des personnes recevant des soins en santé mentale », in : Enquête Handicap Incapacité Dépendance, pp. 181-207, 2003 ; Revue Française des Affaires Sociales, n° 1-2, janvier-juin 2003, La Documentation Française éd., Paris.
ÉLABORER UN PROJET DE MOBILISATION DES PERSONNES :
27
avant de se prononcer sur son orientation institutionnelle ou non, diffèrent selon l’un ou l’autre champ,
sanitaire et/ou social et médico-social :
o CIM 10 pour la psychiatrie (ou DSM IV), qui ne peut servir à l’orientation d’un projet de vie,
o CIF et GEVA dans le domaine du handicap, qui ne définissent pas les besoins de soins médicaux,
o la grille AGGIR pour les personnes âgées de plus de 60 ans peu autonomes, qui ne définit que la
charge de la dépendance.
Ceci suppose que les professionnels aient tous une meilleure connaissance de l’ensemble de ces outils.
Les représentations des besoins des personnes parfois difficile à préciser peuvent être différentes selon les expertises :
les professionnels de la psychiatrie ont parfois du mal à apprécier la frontière entre patients stabilisés ou non stabilisés du fait notamment de la variation clinique de l’état des patients, (qui peut aussi bien permettre, contre toute attente, la sortie de personnes malades réputées « insortables », alors que d’autres, réputés plus « faciles » à accompagner dans leur projet de sortie, peuvent ne jamais réussir à quitter l’hôpital ou revenir assez vite),
les personnes malades elles-mêmes, leurs proches ou leurs tuteurs peuvent ne pas s’approprier des projets remettant en question leurs habitudes, et limiter l’exactitude de la prospective,
les professionnels des secteurs social et médico-social peuvent se montrer restrictifs vis-à-vis de l’accueil de personnes sortant de la psychiatrie du fait des inquiétude provoquée par la persistance éventuelle de troubles du comportement ou de leurs mauvaises expériences antérieures et de l’absence de garanties d’un suivi par l’équipe de psychiatrie. Même dans le domaine de l’enfance, la représentation qu’un adolescent ou enfant, y compris très jeune, pourrait « relever de la psychiatrie » au sens d’une hospitalisation prolongée et sans perspective d’évolution positive, reste présente auprès de professionnels qui, par ailleurs, n’ont jamais visualisé réellement un hôpital psychiatrique.
Pour éviter cela, il est nécessaire d’organiser, une préparation à l’admission en structure médicosociale et aussi préciser avec les équipes de psychiatrie leur engagement de suivi des personnes orientées, en routine, et en cas de crise.
2.2. FAIRE DES ÉVALUATIONS PERSONNALISÉES UNE PRATIQUE COURANTE :
La présentation de la démarche à la personne et à ses proches, et la recherche de leur adhésion, sont un préalable
indispensable. Il s’agit de faire le point avec chaque personne et ses proches sur son parcours, son état de santé, ses
compétences et ses difficultés, ses besoins de soins et d’accompagnement, en vue d’élaborer avec elle de nouveaux
projets, qui peuvent impliquer le soutien de divers acteurs.
Ce questionnement doit donc à la fois prendre sens pour la personne et ses proches, et être intelligible par l’ensemble
des acteurs potentiellement concernés par l’élaboration de propositions ainsi que par la mise en œuvre de réponses aux
besoins des personnes.
L’outil proposé par la MNASM pour le recueil de données est, à cet effet, multidimensionnel : il allie l’approche clinique
et l’évaluation des besoins de soins, comportant l’évaluation des limitations d’activité et de la restriction de
participation sociale de la personne et les préconisations de réponses à y apporter en termes d’éducation et de
scolarisation, d’accompagnement, de logement, d’accueil en structures sociales ou médico-sociales, d’aide aux aidants.
Il est conçu pour devenir un document du dossier patient qui rassemble :
un récapitulatif du parcours antérieur à l’hospitalisation, aussi bien au niveau des soins que des aides et des accompagnements sociaux et médico-sociaux dont la personne a déjà bénéficié, ainsi que du projet à l’origine de l’hospitalisation, avec ses objectifs
un ajustement permanent du projet de soins mis en œuvre pendant l’hospitalisation o différentes modalités thérapeutiques y compris les soins de réhabilitation, o suivi du traitement chimiothérapique comportant la mise en évidence des effets secondaires, o travail avec les familles et les aidants sociaux et médicaux sociaux,
ÉLABORER UN PROJET DE MOBILISATION DES PERSONNES :
28
o appui sur des soins en dehors de l’hospitalisation, o évaluation régulière de l’amélioration de la situation du patient et définition de nouveaux objectifs
pour la poursuite du projet de soins.
une évaluation régulière o différents bilans psychiques et somatiques réalisés (psychométrique, mnésique, cognitif etc.), o évaluation des besoins d’aide et d’accompagnement dans la vie quotidienne selon des critères
compatibles avec le GÉVA de façon à faciliter l’évaluation par l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH, o évaluation des capacités d’adaptation professionnelle.
une réflexion sur l’orientation pour mettre fin à l’hospitalisation complète o les modalités envisageables et les conditions de réalisation nécessaires en termes de logement, de
soins, d’activité et d’accompagnement, o les démarches entreprises, o l’avis de la personne et de son entourage.
Le document devra être réactualisé à échéance régulière de façon à suivre l’évolution de la personne malade, à
maintenir avec elle une dynamique de projet et à en marquer les différentes étapes.
L’intérêt de cet outil est de permettre un recueil standardisé en vue du traitement collectif de certaines données, pour
une approche des diverses solutions à mettre en œuvre tant au niveau d’un établissement qu’à celui du territoire
concerné.
2.3. MOBILISER LE PROJET DE SOINS DE CHAQUE PERSONNE
DÉFINIR LE CADRE DU PROJET THÉRAPEUTIQUE DE L’UNITÉ DE SOINS
Fruit de l’expérience et d’une réflexion continue, en évolution et ouverte sur l’extérieur, le projet thérapeutique des unités de soins gagne à être formalisé et régulièrement requestionné pour :
définir les axes majeurs de la qualité des soins et de la recherche de réduction des risques liée au traitement de personnes vulnérables qui constituent le squelette du projet,
détailler les modalités d’intervention de chaque soignant,
préciser les objectifs d’efficience et les modalités d’évaluation de la qualité recherchée.
Le « projet de soins infirmiers, de rééducation et médico-
techniques »13, qui représente une partie du projet d’établissement
formalisant les orientations et les objectifs de soins sur lesquels
portent les actions de pratique clinique, d’organisation, de
formation et de recherche, donne du sens à l’action entreprise
auprès de la personne. Ce projet de soins est la déclinaison au
quotidien des orientations du projet médical de l’unité, les deux
devant être complémentaires.
13 Article 10 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), devenu article L. 6143-7 du code de la santé publique.
Le projet de soins est le reflet de la
contribution des différents
professionnels au traitement et à
l’accompagnement de la personne
et de son entourage ainsi qu’au
développement de leurs
connaissances en matière de santé.
ÉLABORER UN PROJET DE MOBILISATION DES PERSONNES :
29
Vis-à-vis de personnes en situation de dépendance, une attention toute particulière doit être apportée aux actions
relatives aux risques en matière de santé mentale14 :
la fonction d’accueil, d’admission et d’information
le recueil du consentement aux soins
les modalités des soins respectueuses des rythmes de vie propres à chaque personne,
le contexte de « bientraitance » l’organisation des activités structurant le
déroulement de la journée15
l’hospitalité, l’information et le soutien vis-à-vis de la famille et des proches
le développement d’un travail ouvert sur l’extérieur.
ÉLABORER UN PROJET DE SOINS INDIVIDUEL
FONDÉ SUR LA NOTION DE QUALITÉ DE VIE
La référence à la vie est devenue de plus en plus insistante
dans les référentiels des pratiques concernant l’aide aux
personnes en difficulté : foyer de vie, centre d’adaptation à la
vie active, lieu de vie, conseil de la vie sociale, auxiliaire de vie.
Cette caractéristique sémantique conforte l’objectif de
réduire le clivage entre la « prise en charge » en institution et
ce qui passe pour la « vraie vie », la vie à l’extérieur, en milieu
dit ordinaire. Le premier mouvement a été de rappeler que la
vie devrait être partout, y compris dans l’institution, pour mieux mettre en avant ce qu’elle devait impulser. D’où
l’intérêt pour la notion de « qualité de vie », avant même de parler de « projet de vie ».
Le problème du professionnel, lorsqu’il envisage de faire sortir une personne malade hospitalisée au long cours, ne doit
pas être confondu avec le problème de cette personne. Certains patients restent hospitalisés par choix, pour éviter les
exigences ou les stimulations de la vie sociale que diverses expériences non réussies ou très douloureuses leur ont fait
traverser : ils apprécient la sécurité de l’hospitalisation psychiatrique à durée indéterminée, ainsi que son bas niveau
d’exigence de fonctionnement, même si elle se paye d’une image interne et externe dégradée. D’autres restent à
l’hôpital parce qu’ils pensent qu’ils n’ont pas le choix et qu’ils ont été rejetés ou abandonnés par leur entourage.
INSCRIRE LE PROJET DE SOINS DE LA PERSONNE AUTOUR DE L’IDÉE DE CHANGEMENT:
l’espoir d’un changement possible : d’une façon générale, les équipes de soins hospitalières sont surtout en contact prolongé avec les personnes qui continuent d’aller mal et restent sous leurs yeux dans l’hospitalisation, et perdent de vue celles qui se rétablissent et sortent de l’hôpital, ou qui deviennent peu visibles dans l’unité d’hospitalisation. Ceci peut induire une position foncièrement pessimiste sur le plan professionnel. Vis-à-vis des personnes longuement hospitalisées, promouvoir l’idée de rétablissement rend possible un changement de posture ;
la réintroduction du temps : l’hospitalisation prolongée, avec son organisation dans un quotidien répétitif, abolit la perception du temps personnel et social. L’ouverture vers l’extérieur et, notamment, les relations avec la famille et les proches, permettent de rétablir cette temporalité en lien avec la vie du dehors ;
14 Manuel d’accréditation des établissements de santé. Deuxième procédure d’accréditation, ANAES, septembre 2004.
15 Rapport du contrôleur généra l des lieux de privation de liberté sur la pauvreté des activités et l’ennui profond qui règnent
dans les unités de soin en psychiatrie, cf. n° 84 de PLURIELS, www.mnasm.com.
En 1994, l’OMS a défini la « qualité de la vie »
comme « la perception qu’a un individu de sa
place dans l’existence, dans le contexte de la
culture et du système de valeurs dans
lesquels il vit, en relation avec ses objectifs,
ses attentes, ses normes et ses
préoccupations. Il s’agit d’un large champ
conceptuel, englobant de manière complexe
la santé physique de la personne, son état
psychologique, son niveau d’indépendance,
ses relations sociales, ses croyances
personnelles et sa relation avec les
spécificités de son environnement ». Cette
vision anticipe l’approche interactionniste et
environnementaliste à l’œuvre dans la
Classification internationale du
fonctionnement humain, du handicap et de
la santé.
ÉLABORER UN PROJET DE MOBILISATION DES PERSONNES :
30
l’appui sur les principes et techniques de réhabilitation : celle-ci ne vise pas seulement à la restauration des capacités, mais aussi à l’acquisition d’une nouvelle dynamique ;
l’anticipation et l’acceptation d’une résurgence possible des symptômes : accepter la résurgence des symptômes nécessite de pouvoir accueillir tous les aspects de crise susceptibles d’être suscités par la mobilisation sans les interpréter systématiquement comme un refus de la personne.
L’ensemble doit s’appuyer sur des valeurs communes qui fédèrent une équipe autour d’un projet de soins avec et pour
la personne malade. Lorsque celui-ci se fonde sur sa mobilisation et celle de la place de ses proches dans la démarche
de soins proposée, les valeurs qui sous-tendent les attitudes thérapeutiques deviennent différemment porteuses du
sens des actes de soins. Ceci suppose de questionner régulièrement le sens des pratiques et, prioritairement, la relation
thérapeutique et l’alliance qui la sous-tend.
INSCRIRE LE PROJET DE SOINS DE LA PERSONNE DANS LES PRINCIPES DE BIENTRAITANCE
Il s’agit d’abord de distinguer la bienveillance, fondée sur l’empathie, nécessaire aux soins, qui reste auto référée et
favorise éventuellement une relation de dépendance, et la bientraitance, qui se réfère une pratique et à des valeurs
collectives.
Les valeurs humanistes d’un projet de soins adapté pour chaque personne reposent sur les principes suivants :
un ensemble d’attitudes respectueuses de la personne tant dans la relation thérapeutique qu’interprofessionnelle
la non soumission à une pensée unique, avec des temps donnés au partage, à l’échange, la coopération, et la transmission
la mise en œuvre de soins offrant la possibilité, pour chacun, d’interroger ses attitudes, ses affects, les jeux transférentiels, notamment dans le cadre de la vie institutionnelle
la priorité de la relation soignante sur la formalisation, qui va de pair avec la nécessité du professionnalisme de tous les acteurs
la recherche d’un environnement sécurisé
le désir d’auto amélioration permanent.
Les structures collectives induisent une dépendance et une interdépendance entre les intérêts du groupe et ceux de
chaque individu. L’institution hospitalière, plus encore que toutes les autres, s’organise autour de cette question de la
dépendance avec, comme présupposé, que le patient n’est pas en mesure de subvenir à ses besoins et que l’institution
doit donc y pourvoir. Cela conduit à mettre les patients en situation de recevoir passivement des soignants et en
position de soumission vis-à-vis d’eux et ce, d’autant plus qu’ils sont plus vulnérables. Un travail sur la bientraitance
devrait être systématique et constamment entretenu au sein des équipes prenant soin des personnes les plus
dépendantes.
Le travail autour de la notion de bientraitance constitue un puissant moteur de rassemblement
des équipes : évaluer et modifier leurs pratiques en focalisant leurs regards sur les facteurs
générant une dépendance ou facilitant le respect et l’autonomie de la personne, et le recentrer
sur les besoins des patients, contribue à la remobilisation du projet soignant des équipes et du
projet thérapeutique de chaque personne.
ÉLABORER UN PROJET DE MOBILISATION DES PERSONNES :
31
Ces notions s’objectivent au travers d’attitudes quotidiennes dans la relation entretenue avec les patients (et entre les
membres de l’équipe) :
2.4. ACCOMPAGNER L’ÉLABORATION DES PROJETS DE VIE
Si la notion de qualité de vie est déjà présente dans les référentiels de qualité des pratiques de soins en santé mentale, celle de projet de vie, telle qu’elle est abordée dans les champs social et médico-social depuis la loi 11 février 2005, a trouvé sa place de façon inégale dans le milieu sanitaire, où il plus est souvent question d’adapter le projet de vie en fonction du projet de soins que l’inverse.
C’est en effet la loi du 11 février 2005 relative à « l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » qui, sous l’impulsion des associations d’usagers et de familles, a permis d’associer les deux notions de « projet » et de « vie ». Affaire de symbole, sans doute, mais qui a son importance, tout particulièrement quand la vie des personnes se déroule longuement en institution.
Á travers l’affirmation de la priorité du projet de vie se manifeste, également, une volonté de reconnaissance des « compétences » de la personne, aussi limitées soient-elles, que la perte d’autonomie ne doit pas faire perdre de vue. L’affirmation que la dépendance n’annihile pas toute référence à un projet pour la personne est ainsi une nouvelle façon de consolider le droit des « usagers » et de viser l’horizon d’une citoyenneté encore à conquérir.
La Loi du 11 février 2005 indique, dans son article 11, que « les besoins de compensation sont inscrits dans un plan élaboré en considération des besoins et des aspirations de la personne handicapée tels qu’ils sont exprimés dans son projet de vie, formulé par la personne elle-même ou, à défaut, avec ou pour elle par son représentant légal lorsqu’elle ne peut exprimer son avis ».
Le rôle des équipes de soins auprès de chaque personne est primordial, en amont de la formalisation d’un « projet de
vie », en vue d’un plan personnalisé de compensation ou dans toute autre perspective pour son parcours futur.
Dans tous les cas, il s’agit d’accompagner cette personne dans l’élaboration et souvent l’émergence, puis l’expression,
d’un projet de sortie de l’hôpital et de vie dans la communauté.
Cette élaboration peut nécessiter la levée d’appréhensions majeures chez la personne elle-même et ses proches. Il
s’agit donc, pour les équipes de soins, d’accompagner la construction d’un projet multidimensionnel : logement, activité
professionnelle, relations familiales et sociales, qui nécessite :
le non jugement
les capacités d’écoute et de compréhension des besoins des patients
la disponibilité
l’authenticité
la tolérance
le respect de la personne, de son intimité, de sa dignité et de ses choix
le respect de l’intégrité psychique et physique
le respect du droit à l’information et la garantie de la confidentialité
la politesse
la confiance
l’absence de discrimination.
ÉLABORER UN PROJET DE MOBILISATION DES PERSONNES :
32
la reconnaissance par la personne de ses difficultés et de ses compétences
l’acceptation du besoin d’aide
une représentation par la personne des soutiens possibles
la formulation des aspirations et des attentes.
Les phases de formalisation « règlementaires » ne doivent en effet
être conçues que comme un aboutissement de ce travail mais
toujours provisoire, dans un parcours que la personne construit tout
au long de sa vie, accompagnée en tant que de besoin par ses proches
et par des professionnels des champs sanitaire, social ou médico-
social.
2.5. TOUJOURS INTRODUIRE OU RÉINTRODUIRE LA FAMILLE ET LES PROCHES DANS LA CONSTRUCTION DU PROJET DE VIE DE LA PERSONNE
La mobilisation du projet des personnes durablement hospitalisées en psychiatrie, outre qu’il s’agit de réengager des
proches qu’on a parfois conduits durablement, sans s’en rendre compte, à se désengager, peut être perçue comme une
attitude consistant à « chercher à se débarrasser » d’un malade vulnérable ou inquiétant, à moindre coût et aux dépens
de ses proches .
En effet, la prolongation indéterminée de l’hospitalisation peut être, dans certains cas, la résultante de stratégies
implicites ou explicites d’acteurs, qu’il s’agisse des personnes elles-mêmes, de leur entourage, des professionnels et
leurs orientations, du contexte social plus large. Hospitaliser transfère la charge du soin de la personne et de son
entourage vers les professionnels, la fin de l’hospitalisation transfère la charge du soin vers la personne et s famille. Loin
de vouloir abandonner le patient à ses proches, en faisant porter sur eux toute la charge, il s’agit de mettre en avant de
bonnes pratiques évidentes concernant la personne elle-même, son entourage ou son représentant, et les partenaires
individuels et institutionnels.
La présence et l’engagement des différents protagonistes avec, au
premier rang, la famille, augmentent les chances de réussir un projet
individualisé pertinent pour la personne :
Portée par un travail avec les proches sur les changements, la réactualisation d’un projet de vie pour des personnes durablement hospitalisées s’inscrit dans un parcours de vie et réintroduit le temps de la vie en société, qui contraste avec le temps suspendu de l’hôpital psychiatrique.
Cette période de transition est donc critique, autant pour la personne malade que pour ses proches, qui se sont eux-même, réorganisés en son absence. Les proches doivent donc être soutenus sachant que, pour s’allier de nouveau à sa famille, la personne
malade peut être tentée d’entendre davantage le message de maintien à l’hôpital qui peut émaner des craintes ou des doutes de son entourage que l’ambivalence et les prises de risques d’une situation qui s’ouvre et de relations nouvelles.
Sans manifester clairement d’opposition, certaines personnes peuvent, à l’occasion de réévaluation, décompenser de nouveau ou exacerber leurs symptômes jusque-là stabilisés. Les proches peuvent y voir, s’ils ne sont pas étroitement associés à la démarche des risques de déstabilisation et d’aggravation peu propice à l’élaboration d’un projet de sortie de l’hôpital. Cela ne signifie pas que les projets doivent être abandonnés pour toutes ces raisons, ni que la personne les refuse. Cela signifie que ces questions doivent être anticipées et traitées avec patience et une extrême attention au risque suicidaire.
L’évaluation des besoins de la
personne et l’élaboration, par elle,
de projets pour sa vie, s’intriquent
dans un processus dynamique qui
pourra s’appuyer sur des essais en
situation réelle comme jalons de
son parcours.
La participation des personnes
elles-mêmes, de leurs proches ou
de leurs représentants, à tous les
niveaux et à toutes les étapes de la
construction du projet de vie, ainsi
que des groupes de patients et des
groupes de proches, des groupes
familles/patients, est une nécessité
pour préparer, expliquer,
encourager, tester….
MOBILISER LES INSTITUTIONS
33
3. MOBILISER LES INSTITUTIONS
3.1. PRÉPARER LE CHANGEMENT
On ne peut mobiliser les personnes et les personnels qui les entourent sans mobiliser les institutions. Vouloir
traiter de tous ces changements suppose la mise en partage de l’expression des perceptions, collectives et
sociales, des professionnels, des usagers, des proches, et de tout l’environnement (le voisinage, les élus etc.) de
l’institution psychiatrique. Du côté des établissements on
pourrait y voir :
une remise en cause du travail clinique et thérapeutique jusque-là accompli. La perspective de voir les personnes malades durablement hospitalisées dépourvues d’une présence soignante protectrice permanente, parfois très ancienne et donc familière, alimente la crainte, parfois fondée, que ces personnes ne puissent pas se passer de cette permanence soignante.
le risque d’un appauvrissement des ressources du service ou de l’hôpital ou, en tout cas, l’absence de garanties les
concernant.
Comment éviter qu’une démarche de soin améliorant la qualité de la prise en charge ne soit immédiatement confondue avec un risque de perte de ressources ?
Afin d’accepter l’idée que la prise en charge du handicap peut contribuer à l’amélioration de l’état de la
personne, les équipes soignantes devraient être davantage en contact avec des personnes qui ont retrouvé
une stabilité en dehors de l’hôpital. Cela leur permettrait probablement de modifier leurs représentations
empreintes de pessimisme sur les capacités potentielles de remobilisation des personnes et ne pas surestimer
l’irréversibilité. De la même façon les équipes médico sociales se représentent mal les conditions de vie à
l’hôpital lorsqu’elles imaginent que la personne dont les troubles du comportement les mettent en difficulté
pourrait y rester de façon indéterminée. Ce travail peut passer par des visites de structures sociales de
personnes handicapées, des rencontres avec les équipes qui accompagnent, dans leur logement, les personnes
qui ne sont plus hospitalisées, ou des stages et formations croisées.
Il s’agit donc d’un véritable travail d’apprentissage de nouveaux repères, d’apprivoisement du changement, qui
va reposer sur une confiance mutuelle des différents acteurs et décideurs et des règles partagées.
3.2. ENGAGER LE PROCESSUS DE MOBILISATION DES ACTEURS
Pour engager le processus de mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés par la situation des personnes
et la mise en œuvre des réponses à leurs besoins et dans le respect de leurs droits, il importe de réunir :
les équipes concernées : celles qui adressent comme celles qui accueillent
les représentants d’usagers et de familles/proches qui doivent accompagner ce processus
les organismes qui, telles les MDPH, exercent une fonction d’interface
les services de l’État (Travail et Emploi notamment)
les collectivités territoriales (élus locaux des communes et départements, responsables des services d’action sociale, bailleurs sociaux)
La mobilisation des personnes
ne peut s’entendre sans une
mobilisation des réponses
nécessaires aux niveaux
individuel et collectif.
MOBILISER LES INSTITUTIONS
34
les associations de services et d’établissements.
Des réunions préalables sont nécessaires afin que les acteurs s’informent mutuellement sur leurs compétences
et leurs limites, échangent les observations issues de leurs expériences, créent les conditions d’un diagnostic
partagé des besoins à satisfaire et des solutions à mettre en œuvre, et se dotent de systèmes d’information qui
y concourent.
La démarche qu’ils ont à structurer ensemble comporte deux volets : l’un correspond à une approche collective
du problème, de façon à rendre visibles les besoins
globaux (types de réponses et nombre de personnes
concernées), l’autre correspond à la somme des
approches individuelles des besoins et projets de
chaque personne ; cette démarche suppose des
allers-retours entre les deux niveaux/approches, pour
concourir à un ajustement constant, au fil du temps,
entre l’offre dans un projet territorial et
l’organisation partenariale des réponses aux besoins
individuels.
Ce travail est indispensable pour apprécier les démarches de coopération dans lesquelles les professionnels de
santé peuvent s’engager, de façon à opérer des transferts d’activités ou d’actes de soins, ou de réorganiser
leurs modes d’intervention auprès des patients 16.
16 Id., article 51, article L. 4011 du Code de la santé publique.
Prendre du temps de discussion, de
confrontation, de réflexion, de
reconnaissance n’est en aucun cas du
temps perdu ; bien au contraire, ce sont
simplement les préliminaires des
changements à venir.
MOBILISER LES INSTITUTIONS
35
3.3. CONSTRUIRE UN DIAGNOSTIC PARTAGÉ
Pour les acteurs situés au plus près des personnes concernées, la première étape dans la recherche
d’alternatives à la poursuite d’hospitalisations « par défaut » consiste à créer les conditions d’un diagnostic
partagé entre patients, proches, soignants, accueillants, planificateurs et financeurs. Préciser davantage les
éléments et les difficultés permettant de construire ce diagnostic partagé permet de mieux en cerner le
processus et d’en approcher les éléments de standardisation.
Il s’agit donc de dresser un état des lieux sur un territoire donné concernant :
l’analyse croisée et dynamique entre les besoins des personnes, l’offre de soins et de services proposés et les mécanismes de coopération entre les acteurs qui y répondent,
l’évolution de l’organisation de la psychiatrie dans son ensemble,
A partir duquel, pourront être définies :
la planification évolutive, accompagnée et évaluée régulièrement17
, de l’offre médico-sociale et sociale ouverte aux personnes souffrant de troubles mentaux pouvant en bénéficier,
la planification évolutive, accompagnée et évaluée régulièrement, de l’offre de soins psychiatriques nécessaire aux personnes accueillies dans les secteurs social et médico-social.
L’organisation de ce diagnostic systémique partagé s’effectue de façon fine à l’échelon de chaque département, afin de s’inscrire pleinement dans la cartographie sanitaire et médico-sociale existante (Délégations Territoriales ARS, MDPH, Conseils généraux). Il implique tous les niveaux d’organisation et de décisions : tutelles, élus locaux…etc. Le calendrier de ce diagnostic tient compte des instances et procédures mises en place par les ARS (Programmes Régionaux de Santé) dans le cadre de la Loi HPST et du cadre national défini pour l’élaboration des différents schémas régionaux
18.
.
Cela suppose de réaliser un recueil de données selon une méthodologie standardisée et répétable en routine
comportant plusieurs objectifs :, évaluer systématiquement la situation des personnes et leur entourage,
sensibiliser et impliquer les différents partenaires, adapter et coordonner l’offre de soins et de services.
SENSIBILISER ET IMPLIQUER LES POUVOIRS PUBLICS
Les services de l’État sont concernés, ainsi que les Conseils Généraux et l’Assurance Maladie, par l’ampleur et le
périmètre des besoins, les réciprocités possibles. La fonction d’une enquête, qui gagne à être menée
conjointement, est à la fois diagnostique et pédagogique. Le processus peut être initié à partir de portes
d’entrée différentes : impulsion de l’ARS vis-à-vis d’un ou plusieurs territoires de santé, initiatives
d’établissements appuyées par l’ARS, négociation d’un processus mené conjointement avec les services du
Conseil Général… mais il doit être lancé.
17 Par exemple : répéter chaque année ou tous les deux ans, ou plus, une telle enquête standardisée pour suivre l’évolution quantitative des personnes restant inadéquatement hospitalisées en psychiatrie, vérifier l’orientation de ceux qui sont sortis et la qualité de leur devenir, l’impact sur les taux d’occupation de la psychiatrie hospitalière et l’utilisation de ses ressources par la psychiatrie en fonction des changement observés dans les flux. Rendre obligatoire, dans les enquêtes ESS, le renseignement sur la structure précédant le séjour actuel de la personne… 18
CIRCULAIRE DGOS/R5/2011/74 du 24 février 2011 relative au guide méthodologique d’élaboration du schéma régional d’organisation des soins (SROS-PRS). source : http://www.sante.gouv.fr/circulaire-nodgos-r5-2011-74-du-24-fevrier-2011.html Guide CNSA « Guide méthodologique pour l’élaboration du SROSMS, version 1, 2011
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36
INFORMER, SENSIBILISER ET IMPLIQUER LES PSYCHIATRES, LES SERVICES ET
LES ÉTABLISSEMENTS
Il s’agit de passer d’une orientation au cas par cas, initiée ou relayée par les travailleurs sociaux de chaque
service de psychiatrie et plus ou moins reconnue comme objet collectif à construire, à un travail en commun
représentant une dimension stratégique du projet d’établissement et du contrat pluriannuel d’objectifs et de
moyens (CPOM), avec des répercussions sur le fonctionnement de chaque unité de soins pour :
fonder le projet d’établissement sur les besoins des personnes, leur projet de soins et leur projet de vie.
faire reconnaître cette question comme un volet stratégique d’évolution des pratiques et des organisations des établissements, insérés dans un projet territorial de santé mentale.
INFORMER, SENSIBILISER ET IMPLIQUER LES PATIENTS, LES FAMILLES OU
LEURS REPRESENTANTS
La fonction d’une enquête est de faire apparaître ou de confirmer l’existence et l’ampleur des besoins
individuels et globaux auprès des représentants d’usagers et de familles, l’enjeu stratégique pour
l’établissement qu’ils contribuent à administrer, les enjeux éthiques et pratiques de préparation de projets
individualisés, en collaboration avec les soignants et les personnes malades elles-mêmes et leur entourage.
Cela aide à inclure les réponses aux besoins globaux du projet de vie des personnes dans une démarche
d’amélioration de la qualité de vie.
3.4. RECUEILLIR LES DONNÉES GLOBALES RELATIVES Á LA SITUATION DES PERSONNES
Il existe déjà plusieurs sources d’information, transmises aux services de l’État, concernant la situation des
personnes soignées en psychiatrie.
le « RIM Psy » (Recueil d’Information Médicalisée en Psychiatrie)19
renseigne déjà, par exemple, la situation des personnes : le code de résidence, le diagnostic, les actes de soins, la dépendance dans les activités de la vie quotidienne, la situation familiale, l’existence d’une protection juridique et les patients présents depuis plus de 292 jours…etc.
le « Rapsy » (données issues des anciens rapports de secteurs) renseigne, quant à lui, les indicateurs de quantité annuelle des équipes de psychiatrie en démarches, accompagnements, réunions partenariales autour des projets partagés, interventions de liaison, accompagnement thérapeutique en milieu scolaire, etc.
19 Prévu par la L oi de santé publique du 13 août 2004 et l’arrêté du 29 juin 2006 relatif au recueil et au traitement des données d’activité médicale des établissements de santé privés ou publics ayant une activité psychiatrique. Voir Coldefy M, « L’actualité des sources statistiques en psychiatrie », in Coldefy M (coord.), La prise en charge de la santé mentale, Recueil d’études statistiques, La Documentation Française, 2007, pp. 267-281.
MOBILISER LES INSTITUTIONS
37
les données brutes de la SAE et leur retraitement comptable font apparaitre les charges financières en personnel réparties par type d’activités
20.
d’autres données à caractère social peuvent être retrouvées dans les dossiers des patients : la nature du domicile, la situation scolaire et professionnelle, les prestations sociales ou liées à un handicap.
Toutes ces données ne peuvent fournir que des indications très indirectes sur le problème à traiter, à savoir
l’évaluation des besoins des personnes, et ne peuvent que partiellement contribuer à la planification et à
l’organisation d’une offre territoriale sanitaire, sociale et médico sociale adaptée aux besoins des personnes
suivies en psychiatrie.
Des enquêtes plus spécifiques sont donc nécessaires, notamment ciblées sur la question des hospitalisations
prolongées par défaut d’articulation entre le projet de soins et le projet de vie.
RÉALISER DES ENQUÊTES METTANT EN ÉVIDENCE LES BESOINS DES PERSONNES
Les nombreuses enquêtes déjà réalisées ces dernières années, concernant les hospitalisations de longue durée en psychiatrie, ont mis en évidence l’ampleur du problème, même si elles présentaient sur certains points de grandes différences.
en matière d’échantillonnage (considérés comme « inadéquats » un jours donné ou présents depuis plus de « X temps ») et de période de référence (9 mois ou 12 mois en continu, 292 jours ou plus de 270 jours/an en discontinu, ou plus de 18 mois …)
dans l’utilisation des grilles et des classifications : CIM (toutes les enquêtes), CIF (seule Ile-de-France s’y réfère), AGGIR (seule l’enquête en Haute Normandie s’y réfère), GÉVA
21 (aucune enquête n’en
parle).
dans la méthode associant plus ou moins l’ensemble des acteurs du territoire.
Si ces enquêtes permettent de donner une estimation de l’ampleur du problème en nombre de situations
nécessitant d’envisager une réorientation parmi les hospitalisations prolongées, elles n’ont aucune efficacité
pour mobiliser les réponses adéquates aux besoins des personnes.
En effet, ces enquêtes ne permettent pas de prendre la mesure des besoins de soins et des besoins d’aide et d’accompagnement social des personnes concernées et de leurs proches, les données recueillies portant directement sur les orientations estimées souhaitables par les équipes. Ce faisant, les besoins des personnes restent implicites, particulièrement les besoins de soins.
La plupart du temps les résultats sont marqués par une approche du médico-social, de la part des équipes de
psychiatrie, en décalage avec ce que peuvent apporter aujourd’hui les acteurs du champ social et médico-
social, y compris pour des personnes malades ayant un très long parcours en psychiatrie, dés lors qu’une
collaboration pour des projets conjuguant les soins et l’accompagnement est établie.
20 Coldefy M. (coord.), La prise en charge de la santé mentale, 2007, IRDES. 21 Guide d'évaluation des besoins de compensation de la personne handicapée (GEVA), utilisé par les MDPH, prévu par l’article L. 146-8 du code de l'action sociale et des familles. Il existe beaucoup d’autres outils pour l’évaluation des besoins des personnes. La Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) a conduit ou piloté des travaux visant à en faire un état des lieux. Cf. Dossier des premières rencontres scientifiques sur l’autonomie, CNSA, février 2009.
MOBILISER LES INSTITUTIONS
38
C’est pourquoi la MNASM met à disposition des équipes, un recueil d’information pour les personnes adultes hospitalisées à temps complet en psychiatrie qui puisse permettre de réaliser plus facilement des enquêtes rendant compte des différents besoins de soin et d’aide des personnes concernées avec une bonne qualité des réponses (cf. au point 2.2).
S’APPUYER SUR UN RECUEIL DE DONNÉES OPÉRANT
Certaines enquêtes, comme celle réalisée en Île de France (v. encadré), ont exploré globalement la situation
des personnes afin de dégager leurs besoins d’aide et d’accompagnement, en même temps qu’elles
comportaient des indications sur les orientations souhaitées. La démarche proposée ici s’inspire de ces
expériences.
Aujourd’hui, s’il est difficile d’exiger qu’un même type d’outils de recueil de données soit imposé au niveau
national, il est cependant souhaitable d’harmoniser un minimum la conception du recueil de données afin
d’aider à l’objectivation des situations à un échelon territorial.
L’objectif est d’utiliser une fiche aisée à mettre en œuvre, aussi standardisée que possible, légitime pour tous
les acteurs impliqués, renouvelable périodiquement en routine, de faire remonter les données anonymisées à
l’ARS, et de s’assurer d’un retour dans les établissement vers les équipes.
Lors des enquêtes, la mobilisation des équipes soignantes et des autres acteurs sera facilitée par le questionnement de données correspondant à des réalités proches d’elles, dont le recueil assez simple à utiliser aura pu être intégré à leur pratique courante.
Pour ce qui est de l’utilisation des enquêtes, il importe :
de maintenir la commission pluridisciplinaire restreinte qui aura travaillé sur une enquête jusqu’au retour des résultats pour, ensuite, en tirer les conséquences en matière de réorganisation des circuits de soins
d’organiser à court terme ce retour d’information aux personnels des établissements : ne pas couper l’équipe médicale et les soignants de l’avenir de leurs patients est essentiel afin qu’ils puissent concevoir que ceux ci peuvent bénéficier d’autres conditions de vie comportant de nouvelles modalités de recours aux soins, et qu’ils puissent adapter leurs interventions nécessaires dans le milieu de vie de la personne sans obligatoirement faire appel à une réhospitalisation
de faire de cet outil d’objectivation des besoins personnalisés un instrument de dialogue à partager avec les partenaires, en premier lieu la MDPH. Cet échange permettra notamment d’affiner l’évaluation des besoins de ces groupes de situations de personnes aux confins des champs social, médico-social et sanitaire sur des bases communes, facilitant ainsi un suivi, mais aussi les orientations et les relais éventuels, sachant qu’il appartient à la MDPH de valider ces orientations
MOBILISER LES INSTITUTIONS
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Exemple de l’enquête réalisée par l’ARHIF – Délégation ANCREAI IDF -CEDIAS
La démarche s’appuyait sur un comité de pilotage (administrations : DRASSIF, DDASS, CRAMIF, AP-HP ; associations :
URIOPSS, UNAPEI… ; usagers : FNAPSY, UNAFAM ; établissements : FEHAP, URHIF… ; professionnels ; MNASM) et un
comité technique (DIM, psychiatres et personnels soignants, directeurs, représentants d’usagers et de familles,
personnalités qualifiées…). La population à inclure en psychiatrie générale avait été la suivante : personnes présentes un
jour J, ayant été hospitalisées pendant une durée égale ou supérieure à 292 jours dans l’année précédant le recueil des
données (80 % de leur temps dans l’année en hospitalisation complète), soit la « population 1 ».
Pour être exhaustive, l’enquête avait dû inclure les personnes adultes ne répondant pas aux critères précédents, mais
considérées par l’équipe les prenant en charge comme inscrites dans un processus de dépendance institutionnelle et ce,
quels que soient les durées de séjour, les types et modalités de prise en charge, soit la « population 2 ».
Cela permettait d’inclure des décisions d’hospitalisation en urgence et/ou liées à un manque immédiat de solution
alternative. Dans le même ordre d’idées, lors d’une visite de la MNASM dans un établissement de santé où cette question
d’hospitalisation de longue durée était abordée, il nous a été cité le cas d’un patient traumatisé crânien grave, hospitalisé
depuis un mois, adressé contre l’avis du psychiatre du centre hospitalier d’accueil par le service de neuro logie du CHG
voisin qui refusait définitivement de le suivre. Il était évident que, dès le premier jour, vu le refus du service de neurologie
et la rareté des places spécialisées pour les traumatisés crâniens, le patient allait rester hospitalisé en psychiatrie des
mois ou des années. Il arrive également que des personnes soient hospitalisées au long cours faute de papiers régularisés.
S’ils ne sont pas très nombreux, l’ensemble de ces cas atypiques occupe un lit de psychiatrie à l’année, mais parfois sur
plusieurs années.
Autrement dit, les durées de séjour ne sont pas le seul critère « d’inadéquation », ni les hospitalisations le seul critère de
besoin d’accompagnement social des personnes handicapées psychiques. Ceci est particulièrement vrai pour les enfants
qui, bien qu’ils puissent parfois rester plusieurs années hospitalisés et appartenir à la population 1 au sens de l’enquête
ARHIF-ANCREAI, ne répondent pas au critère des 292 jours du fait des nombreuses sorties de fin de semaine, de vacances
ou de séjours de rupture. De même, la population 2 concerne des hospitalisations contestables qui sont, parfois encore,
effectuées par les mesures d’ordonnance de placement provisoire, des poursuites d’hospitalisation par défaut de
structures d’accueil d’enfants et, surtout, d’adolescents très difficiles dont les troubles sont associés à des carences
éducatives et des états de détresse psychologique, aux marges du socio-éducatif et du sanitaire.
Enfin, le questionnaire avait du renseigner six domaines d’information :
les types de structures sanitaires et/ou sociales et médico-sociales fréquentées par la personne et le
type de soins reçus ;
les diagnostics et les symptômes ;
les aptitudes (ou capacités) élémentaires ou supérieures ;
les habitudes de vie et les réalisations de la vie quotidienne ;
les réseaux social et familial ;
le projet d’orientation.
MOBILISER LES INSTITUTIONS
40
3.5. PROMOUVOIR LA PARTICIPATION DES USAGERS ET DES FAMILLES
L’implication des associations d’usagers, de familles ou de leurs
représentants, à tous les niveaux et à toutes les étapes du
processus de changement est une condition indispensable de la
réussite des projets.
Au niveau national, les usagers ont pu participer à l’élaboration
de priorités au sein des conférences nationales de santé (CNS)
et d’actions souvent appelées « programmes nationaux de
santé ou PNS » tels que le Plan de Santé Mentale.
Au niveau régional, au sein des conférences régionales de santé,
ils participent aussi, depuis 1996, à la mise en œuvre des
priorités régionales de santé sous la forme de programmes
régionaux de santé (PRS) et de programmes régionaux d’accès à
la prévention et aux soins.
Avec l’élaboration de programmes territoriaux de santé, ils sont
acteurs au même titre que les professionnels : programmation, suivi et pilotage, ils proposent et mènent des
actions. Cette organisation favorise la mise en œuvre de «micro projets » et rejoint celle de la politique de la
ville qui œuvre pour la promotion de la santé et de l’éducation pour la santé.
Au niveau des établissements, ils jouent un rôle important dans les dispositifs qualité, dans la construction des
projets de réinsertion et dans les groupes d’éducation à la santé.
Leur présence doit servir à rendre les débats plus transparents et concrets face à des logiques pouvant
apparaître moins humanisées, qu’elles soient professionnelles ou technico-administratives.
3.6. ORGANISER LES COORDINATIONS
Afin que ces besoins soient pris en compte dans les programmations départementales et régionales, une
action concomitante sur différents leviers (SROS, PRIAC, PARSA….) doit être menée. L’ARS, les services
déconcentrés de l’État et le Conseil Général doivent être encouragés à coordonner leurs actions pour
promouvoir les projets et prévoir leur financement comme leur articulation, tant en termes de prises en
charges que d’adaptation vers une utilisation optimum de l’offre existante, dans un principe de réciprocité :
garantie du soutien par la psychiatrie des patients pris en charge dans les champs médico-social et social, et
inversement, par exemple, maintien de la place de résidence des personnes pendant qu’elles sont
temporairement hospitalisées en psychiatrie pendant une période critique.
La MNASM, considère que la nécessité d’un renforcement de la coordination des soins et des services donnés à
la personne, au-delà de ce qu’évoque le travail d’équipe, est essentielle. En psychiatrie, la notion de travail de
secteur correspond à ce souci de donner une cohérence entre les différentes modalités de prise en charge. La
coordination des pratiques et des structures est toujours au service de la continuité et de la globalité des soins
et services rendus à la personne : organiser les coordinations entre partenaires suppose alors de réfléchir à la
gradation des pratiques mises en œuvre en fonction de la complexité de la situation des personnes.
Au milieu des années quatre-vingt-dix, à l’instar de certains pays porteurs d’une forte culture de santé publique, comme le Canada, considérant que toute action de santé publique devient légitime dès lors qu’il y a consensus des usagers eux-mêmes sur les actions à mettre en œuvre pour modifier les comportements, les pouvoirs publics on décidé de promouvoir la participation des usagers dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de santé.
MOBILISER LES INSTITUTIONS
41
INTÉGRER LA PSYCHIATRIE DANS LES COORDINATIONS DÉJÀ EXISTANTES
Avec le « parcours de soins coordonnés » mis en place par la loi du 13 août 2004 réformant l’Assurance
maladie, la coordination des soins doit s’organiser autour du rôle du médecin traitant22
. Le médecin généraliste
occupe déjà une place centrale dans l’ordonnancement du parcours de soins. Mais, dans les faits, le médecin
traitant est encore très peu intégré dans le recours à la
psychiatrie.
Ce dispositif peut s’organiser autour de plusieurs niveaux
possibles de configuration:
depuis le niveau le plus simple, comprenant l’accueil, l’écoute, l’information, le conseil et le soutien aux proches,
jusqu’à des dispositifs de soins partagés ou intégrés prévoyant la mise en œuvre du plan d’aide personnalisée et des soins en coordonant les partenariats entre les établissements sanitaires et médico-sociaux.
Cette gradation de l’offre de soins et de services permet de
mieux définir les pratiques de réseau efficientes tant est
complexe la coordination d’actions et d’acteurs qui concernent à la fois le dispositif psychiatrique, les
structures sociales et médico-sociales publiques ou privées associatives, mais aussi la première ligne23
.
Trois principes peuvent structurer ce processus d’intégration/mise en réseau des pratiques et des organisations :
La subsidiarité de l’action : autant que faire se peut, les pratiques en psychiatrie doivent s’appuyer sur les dispositifs de droit commun ordinaires, de première ligne, afin de garantir aux personnes l’accès aux soins, aux services et aux droits
24.
La facilitation des processus : autant que faire se peut, les pratiques en psychiatrie doivent contribuer à renforcer le savoir-faire des partenaires non spécialisés et faciliter les processus de soins et d’accompagnement mis en œuvre par ces acteurs.
La transversalité de l’offre : l’approche globale des besoins et attentes de la personne nécessite une vision transversale et partagée de l’offre de soins et de services existantes, des ressources informelles existantes et des modalités concrètes de leur mobilisation au bénéfice de la personne.
Ces principes fondamentaux peuvent se décliner à partir de pratiques et d’outils concrets faisant référence aux
expériences déjà menées dans le domaine des réseaux. Leur mise en œuvre fait aussi appel à la créativité
d’abord clinique puis institutionnelle des équipes et des partenaires présents sur le territoire.
22 Voir le paragraphe « La psychiatrie : un parcours de soins à part », in Marie Gouyon, « Spécialistes et patients face au parcours de soins coordonnés : comportements et opinions », DREES, Dossiers solidarité et santé, n° 11, 2009, p. 13. 23 Concernant les sources permettant d’établir un diagnostic partagé concernant l’offre de soins ambulatoire et de première ligne, se reporter utilement à l’annexe 4 de la Circulaire DGOS/R5/2011/74 du 24 février 2011 relative au guide méthodologique d’élaboration du schéma régional d’organisation des soins (SROS-PRS). 24 cf. Guide CNSA « Elaboration des SROSMS », pages 7-8
« La médecine générale représente le plus souvent le premier contact de la population avec le système de soins. Elle prend en charge tous les problèmes de santé, indépendamment de l’âge, du sexe ou de toute autre caractéristique de la personne concernée. Pour ces raisons, le médecin traitant, acteur de la société civile, est au cœur du parcours de vie ».
MOBILISER LES INSTITUTIONS
42
RENFORCER LES COMPÉTENCES EN TERMES DE SUIVIS DE PARCOURS
Dans le contexte français, il existe des formes apparentées au case management dans les pratiques de
certaines infirmières ou certains travailleurs sociaux. La référence soignante ou éducative, les fonctions de
coordonnateur des soins ou de parcours/projet, sont des notions inscrites dans les pratiques et discours
professionnels, dans les champs de la psychiatrie et du médico-social. Les référentiels de compétences et les
recommandations de bonnes pratiques reprennent ces notions dans le cadre plus global de la qualité de
l’accompagnement et du projet de vie.
Compte tenu de ces pratiques existantes, il est inutile de créer un nouveau métier de case manager en santé mentale déconnecté des métiers et fonctions existantes. Par contre, il est essentiel de renforcer la formation des professionnels dans le domaine de la coordination des soins et des services permettant une continuité effective des parcours de soins et d’accompagnement des personnes.
Le but principal de ces pratiques 25 est de favoriser la continuité des soins et de permettre que les différents
professionnels et partenaires du système de santé soient accessibles, en renforçant leurs responsabilités
partagées et leurs actions coordonnées. Cependant le case-management ne se résume pas à la rationalisation
de l’utilisation du système de santé par la gestion du plan d’intervention, il a démontré son efficacité pour :
faciliter l’accès aux soins et aux services,
améliorer la circulation entre opérateurs,
assurer une continuité préventive qui limite les décompensations fortuites,
améliorer l’observance,
diminuer le nombre et la fréquence des réhospitalisations,
réduire la durée moyenne de séjour en hospitalisation.
La coordination des interventions favorise la réadaptation et
augmente la qualité de vie de l’usager et de sa famille. Dans
les secteurs social et médico-social, les professionnels
prévoient souvent la désignation d’un coordinateur du
projet personnalisé, appelé en général « référent ». Cela
peut être un chef de service ou un travailleur social. Cette
fonction de coordination, précise l’ANESM, est
« particulièrement importante quand le projet personnalisé
est suspendu du fait d’une hospitalisation, d’un incident de parcours involontaire, etc. (…). Pour autant, la
désignation d’un coordinateur de projet n’exonère pas l’ensemble des professionnels qui interviennent autour
de la personne de maintenir un lien attentif et respectueux avec elle. La personne est d’ailleurs susceptible de
25 « Le case management est le processus par lequel on obtient, coordonne et assure l’utilisation, par les usagers souffrant d’incapacités psychiatriques, des soins et des services qui les aideront à satisfaire d’une façon à la fois efficace et efficiente leurs besoins multiples et complexes ». Corrigan & al (2008): Practices of psychiatric rehabilitation; an empirical approach. éd. Guilford Press, NY.
Les modèles d’intervention en psychiatrie organisés selon les concepts du case-management sont, pour la plupart, dispensés au Québec, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Le case management propose un cadre de référence clinique à la prise en charge ambulatoire des personnes atteintes de pathologies chroniques en santé mentale. La philosophie de l’intervention vise à favoriser pour l’usager un accompagnement global et progressif vers le rétablissement dans son milieu de vie ordinaire, ses proches et l’environnement.
MOBILISER LES INSTITUTIONS
43
choisir un moment et un professionnel pour exprimer ses avis ou montrer insatisfaction ou malaise, qui ne sont
ni les moments officiels de bilan, ni le coordinateur désigné26
»
METTRE EN PLACE DES PRATIQUES DE RÉSEAU EFFECTIVES ET DURABLES
Les pratiques de réseau visent à renforcer l’intégration des
soins et des services. Leurs modalités concrètes vont au-delà
de la signature de convention ou de charte voire du
recrutement d’un coordonnateur unique. Ces deux outils
sont nécessaires, car ils contribuent à la pérennisation des
pratiques de réseau, mais ils sont insuffisants pour modifier
en profondeur, et durablement, les choses.
Plus la situation de la personne est complexe et instable, plus
les pratiques de réseau devront être diverses, intenses et
durablement installées entre les partenaires. Compte tenu de
ce pré requis lié au degré de vulnérabilité de la personne, il
est possible de définir trois niveaux de pratiques de réseau
(cf. la fiche pratique « Intégration des soins et services en
réseau »).
LA LIAISON POUR RÉGULER DES SITUATIONS STABLES ET SIMPLES
Les mécanismes de liaison permettent aux professionnels de se tenir informés de l’évolution de la situation et
d’être formés à l’évaluation et au suivi des besoins des usagers qu’ils accompagnent. Les critères d’échange
ponctuels d’information sont préalablement définis afin que chacun connaisse la conduite à tenir si nécessaire.
Chaque partenaire maîtrise la connaissance des différentes ressources existantes et leurs critères
d’accessibilité.
De manière pratique, des fiches de liaison, prévues lorsqu’une personne change de structure, peuvent être un
outil élaboré en commun pour favoriser le suivi. Cette fiche expose de façon simple les principales
caractéristiques et les précautions à prévoir pour le type de handicap présenté par la personne :
une fiche à l’intention d’un médecin, présentant les informations médicales relatives à la personne ;
une fiche de liaison paramédicale indiquant les soins quotidiens et les éventuelles aides techniques dont la personne a besoin ;
une fiche sur les habitudes de vie et les conduites à tenir propres à la personne.
LA COORDINATION POUR DES SITUATIONS EN COURS DE STABILISATION ET PLUS COMPLEXES
26 Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM), Recommandations de bonnes pratiques professionnelles, Les attentes de la personne et le projet personnalisé, janvier 2009.
Pour tous les partenariats engagés, il est utile de constituer un comité de suivi ARS/ Conseil Général pour s’assurer du bon déroulement de la démarche et caler au mieux les étapes intermédiaires : validation des financements et des opérations tiroirs…, pour accompagner et soutenir l’établissement (ou les établissements) dans sa démarche. Un maximum de visibilité sur les ressources potentielles, les délais de leur mobilisation, doit être fourni à l’établissement, afin qu’il organise ces réorientations et anticipe l’organisation future de la psychiatrie.
MOBILISER LES INSTITUTIONS
44
La coordination engage une plus forte densité et étendue des liens entre les partenaires afin de garantir l’accès
aux soins et la cohérence entre les soins primaires et les services spécialisés. Elle correspond à des situations
individuelles plus complexes (besoins, soutien et autonomie) dans l’évolution des troubles et de ses
conséquences. La coordination suppose d’identifier préalablement les processus cliniques et organisationnels à
structurer entre les différents acteurs du parcours de soins.
De manière pratique, les outils permettant une coordination efficiente sont (liste non exhaustive) :
les formations croisées : analyse des pratiques, formations pluridisciplinaires, stages inter-organisationnels, rotations positionnelles
27…etc.,
les protocoles d’évaluation clinique : demande initiale, évaluation globale…etc.,
les plans de soins et de services individualisés : projet personnalisé unique élaboré entre les différents partenaires,
les réunions de concertation pluri-professionnelle incluant les pivots de prise en charge dont le médecin traitant,
les consultations conjointes (avis, diagnostic, suivi clinique et somatique) entre services spécialisés et professionnels de première ligne,
les systèmes d’informations : annuaires, dossier patient partagé,
la mise en place d’un référent de parcours : case manager.
Plusieurs dispositifs de coordination existent d’ores et déjà ou sont possibles du côté sanitaire (telles des
expériences significatives de secteur de psychiatrie ayant développé en routine ces pratiques de réseau)
comme du côté du médico-social (les Samsah « handicap psychique » contribuent à ces actions de suivi
coordonné dans la communauté), voire des réseaux de santé formalisés au sens du Code de la Santé Publique.
Selon la MNASM, l’intégration de ces fonctions de coordination peut entrer dans le cadre des
délégations/transfert de tâches prévues par l’article 51 de la Loi HPST notamment quand celles-ci impliquent la
reconnaissance de l’expertise clinique et le rôle propre des infirmiers. A plus grande échelle, l’évolution des
métiers peut s’appuyer sur la mise en œuvre d’un modèle de pratiques infirmières avancées qui contribuerait à
la valorisation des compétences et à l’attractivité du métier sous réserve évidemment de formations ad hoc28
.
L’INTÉGRATION COMPLÈTE POUR DES SITUATIONS DURABLEMENT INSTABLES ET Á HAUT RISQUE DE RECHUTE
L’intégration complète est réservée aux situations les plus instables, complexes, et se réfère donc aux troubles
graves, persistants, à haut risque de rupture ou d’effet négatifs quant à l’observance, la compliance, la stabilité
et la qualité de vie de la personne. Les pratiques de réseau et de coordination entre des partenaires autonomes
et rattachés à plusieurs institutions trouvent ici toutes leurs limites. Il s’agit alors de constituer une équipe
pluridisciplinaire unique, réactive et compétente pour assurer le continuum et l’intensité des soins des soins et
services requis par la situation.
27 Expression utilisée au Québec pour décrire des programmes d’action permettant simultanément à des acteurs de statut et d’institutions différents (soins, social, éducation, justice police….) d’effectuer des stages croisés préparés et évalués. 28
Rapport HENART, Rapport relatif aux métiers en santé de niveau intermédiaire - Professionnels d’aujourd’hui et nouveaux métiers : des pistes pour avancer, janvier 2011, rapport remis aux Ministère de l’Emploi du travail et de la Santé, Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
MOBILISER LES INSTITUTIONS
45
De manière pratique, sont évoqués ici les équipes mobiles de psychiatrie ou tout autre dispositif permettant
de garantir un suivi intensif et continu de la personne dans la communauté. Quel que soit l’agrément de ces
équipes, les rôles et limites d’intervention y sont clairement définis ; la présence d’un référent de parcours au
sein de l’équipe est nécessaire au même titre qu’une supervision médicale par un psychiatre.
S’APPUYER SUR UNE COORDINATION ENTRE UN SERVICE SOCIAL RECONNU DANS
L’HÔPITAL ET DES SERVICES SOCIAUX HORS DE L’HÔPITAL
Le décret du 26 mars 1993 précise les missions et l’organisation du service social à l’hôpital29
.
Dans leurs fonctions au sein des services et unités de soins, les cadres socio-éducatifs doivent participer à
l’élaboration des projets personnalisés en lien étroit avec les équipes soignantes, et donc participer aux
réunions de ces dernières. Pour autant, il est souhaitable de ne pas les limiter au traitement de cas individuels
et de constituer le service social hospitalier en plate-forme.
En effet, les assistants socio-éducatifs ont une double appartenance : au secteur social d’une part, du fait de
leur formation initiale, et au secteur sanitaire d’autre part, du fait de leur employeur actuel. Leur métier les
situe à l’interface du soin et du social : leur regard est différent de celui des soignants, car il ne porte pas
attention sur les mêmes éléments de la vie des personnes. S’ils sont acteurs à part entière dans le processus de
soins auprès des patients et de leurs proches, ils exercent aussi un rôle de conseiller technique auprès des
professionnels.
Encore faut-il, pour que leur fonction soit valorisée institutionnellement dans cette dimension de coordination
et d’interface, que leur action soit elle-même coordonnée avec et par un cadre socio-éducatif et ceci, aussi bien
à l’échelle de l’établissement qu’à celle du département. Cela permettrait de faire la jonction entre le besoin de
soins et l’amélioration de qualité de vie chez les patients sur un territoire.
3.7. DÉVELOPPER DES PARTENARIATS FORMALISÉS
AVEC LES ÉTABLISSEMENTS ET SERVICES SOCIAUX ET MÉDICO-SOCIAUX
Il existe plusieurs formules, comportant différents niveaux de formalisation : des conventions simples aux
groupements de coopération. Plus largement, il importe de construire des partenariats et des collaborations
avec des organismes susceptibles d’être promoteurs ou co-promoteurs de projets de création d’établissements
et services sociaux et médico-sociaux.
Ces organismes peuvent être publics ou privés, du secteur marchand ou associatif, bailleurs sociaux, etc.,
impliquant des élus locaux, des usagers, des professionnels de différents domaines, à condition que leurs
actions ne viennent pas seulement combler un manque mais s’intègrent et s’articulent avec les acteurs déjà en
place.
29 Article 2 du décret n° 93-652 du 26 mars 1993 portant statut particulier des assistants socio-éducatifs de la fonction publique hospitalière. Voir aussi le référentiel professionnel des assistants de service social dans l’arrêté du 29 juin 2004 réformant leur diplôme d’État.
MOBILISER LES INSTITUTIONS
46
Les leviers cliniques, fonctionnels et institutionnels de la coopération avec les établissements et services
médico-sociaux sont nombreux Il convient d’insister ici sur les facteurs-clés de succès et les obstacles à une
telle démarche de synergie locale et opérationnelle.
Les principaux facteurs facilitant la mise en œuvre de partenariats structurés et opérationnels peuvent être:
o Une approche du partenariat en réseau fondée sur les besoins de l’usager et des partenaires non spécialisés (champ social, professionnels de santé…etc.);
o Un diagnostic partagé et réactualisé sur les problèmes à résoudre ensemble, le champ de compétences et d’intervention de chacun pour aboutir à une vision explicite du «qui fait quoi, comment? » et des axes de mutualisation pertinents;
o Une prise de position forte et une implication claire, importante, des tutelles et décideurs compétents;
o L’existence d’une gouvernance forte et partagée pour la régulation des partenariats en réseau;
o Une vision partagée des objectifs et des gains attendus dans l’amélioration de la qualité des soins et des services;
o La clarification des mandats de chacun concernant les procédures de fonctionnement, de partenariat et de mutualisation;
o L’implantation suffisante de stratégies d’intégration et d’incitatifs appropriés au changement attendu;
o L’équilibre constant entre la souplesse et la réactivité nécessaires au changement et la formalisation juridique et institutionnelle nécessaire à la pérennité du partenariat;
Certains des obstacles connus à la mise en œuvre des partenariats peuvent être pris en compte
d’emblée ou découvert en cours de projet, ce sont :
o L’absence de copilotage participatif du projet de partenariat/coopération ou de mutualisation ;
o La résistance au changement (inertie et entropie du système, i.e. les difficultés à faire apparaître
des équilibres nouveaux ou simplement, du nouveau dans un contexte asservi aux répétitions…);
o La peur de la perte d’autonomie et la volonté de prise de pouvoir par un ou plusieurs partenaires;
o La pénurie de ressources et de services sur le territoire, laissant à penser que les coopérations et
partenariats sont une réponse par défaut;
o La lourdeur des contraintes institutionnelles et financières de chacune des organisations;
o Le manque de connaissance du réseau et la complexité du système de santé;
o La divergence trop forte d’approche et d’évaluation des besoins et des modes
d’intervention/pratiques;
o La faible implication de l’un des partenaires principaux;
o Le déséquilibre entre la formalisation juridique et institutionnelle (dérive bureaucratique) et les
outils permettant de modifier les pratiques et la culture professionnelle des acteurs;
o Le manque de compétences en management du changement et en gestion des conflits;
Pour tous les partenariats engagés, il est utile de constituer un comité de suivi ARS /Conseil Général pour s’assurer du bon déroulement de la démarche et caler au mieux les étapes intermédiaires : validation des financements et des opérations tiroirs…, pour accompagner et soutenir l’établissement (ou les établissements) dans sa démarche. Un maximum de visibilité sur les ressources potentielles, les délais de leur mobilisation, doit être fourni à l’établissement, afin qu’il organise ces réorientations et anticipe l’organisation future de la psychiatrie.
MOBILISER LES INSTITUTIONS
47
Ces critères constituent des points de vigilance dans la mise en œuvre des partenariats formalisés dont la
finalité est toujours de structurer des pratiques en réseau (cf. la fiche pratique « Développer des pratiques de
réseau ») permettant de résoudre ensemble ce que chacun ne peut résoudre seul.
AVEC LES MDPH
L’objectif est, ici, d’affiner l’évaluation des besoins sur une base commune, pour faciliter le suivi par celles-ci,
mais aussi les orientations et les relais éventuels, sachant qu’il appartient à la CDA-PH de valider ces
orientations. Ce dialogue permet en outre, à chacun, de se familiariser avec le fonctionnement et les modes
d’organisation de l’autre.
Dans la mesure où la question du handicap d’origine psychique est de plus en plus mise en avant, il est logique
de se tourner plus particulièrement vers les équipes pluridisciplinaires au sein des MDPH. Dans ce domaine, il
faut pouvoir développer les collaborations en vue d’évaluations conjointes de la situation des personnes, en
s’appuyant sur les initiatives recensées et valorisées par la CNSA30
. La MNASM a consacré un numéro de la
revue PLURIELS à ce sujet31
.
De ce point de vue, les assistants de service social
ont un rôle important à jouer dans les relations
entre les équipes psychiatriques et les MDPH : « Il
est souvent nécessaire d’aider une personne
handicapée psychique (ou la famille d’un enfant
handicapé) pour expliquer le sens et la portée de ce
projet de vie, élaborer et formuler ce projet,
d’autant que ces personnes connaissent une
évolution de leur état qui fluctue entre des temps
de crises et des temps de stabilisation. Le service
social apporte souvent cet appui adapté (…). Bien
souvent les équipes pluridisciplinaires de la MDPH
manquent de compétences spécialisées dans le
domaine du handicap psychique»32
.
L’effectivité des orientations repose sur la qualité
des informations dont dispose la MDPH sur l’existence de places réellement disponibles dans chacune des
structures du département ; son système d’information doit être pensé en conséquence pour que les
orientations prononcées ne restent pas, pour partie, fictives. Mais les réorientations peuvent aussi bien
concerner d’autres instances d’admission dans un circuit de l’Aide Sociale à l’Enfance, de l’Éducation Nationale,
du champ de l’insertion professionnelle, de l’hébergement social, etc. Dans tous les cas, cela implique le
30 CÉDIAS, Handicap d'origine psychique et évaluation des situations, Volet 2 : Synthèse de la phase « terrains », recherche action dans quinze départements français, mars 2009 ; Situation de handicap psychique. Expérimentation prospective des ESEHP (équipes spécialisées d’évaluation du handicap psychique), Rapport d’étude, Galaxie-CNSA, juillet 2009. 31 PLURIELS n° 82, www.mnasm.com . 32 Jacques Houver, Le service social du dispositif public de la psychiatrie, Audition pour la commission chargée de la réflexion sur les
missions et l’organisation des soins en psychiatrie, octobre 2008.
Des conventions de collaboration peuvent être signées entre la MDPH et les établissements de santé mentale pour la mise à disposition d’assistants sociaux de psychiatrie « experts » dans le domaine des enfants ou des adultes handicapés psychiques. Ce type de coopération a déjà été instauré dans certains départements et mériterait d’être développé, compte tenu des remontées actuelles d’information concernant les difficultés rencontrées par un certain nombre de MDPH à répondre de manière adaptée aux demandes du public des personnes handicapées psychiques et/ou de leurs proches.
MOBILISER LES INSTITUTIONS
48
maintien, par l’équipe soignante, de contacts avec la personne sortie, dans le cadre d’une relation partenariale,
organisée ou non par une convention.
3.8. FAVORISER LES FORMATIONS PLURIPROFESSIONNELLES
La formation des professionnels représente un enjeu
crucial et est une condition forte de réussite de la
démarche. Le changement de regard sur les situations,
l’évolution des pratiques professionnelles, prennent
appui sur un plan d’actions progressif et fonctionnel,
allant d’une consolidation des savoir-faire et des
compétences des équipes de psychiatrie vers des
formations pluri-professionnelles. Il s’agit d’agir
simultanément sur les leviers suivants :
La consolidation des savoir-faire des équipes de psychiatrie en matière d’évaluation du handicap et de réhabilitation/rétablissement ;
Des programmes de formation construits sur des objectifs clairs, structurés, inscrits dans la durée et respectant les identités professionnelles des différents acteurs de la psychiatrie ;
Des dispositifs d’analyse des pratiques régulant les projets mis en œuvre et instaurant en routine un dispositif d’amélioration continue de la qualité du suivi des personnes ;
Une véritable politique de formations pluri-professionnelles couplant, à minima, les équipes de psychiatrie, des établissements et services médico-sociaux, et des MDPH.
En effet, Les enquêtes présentées plus haut notent toutes « une certaine méconnaissance des dispositifs
médico-sociaux par les équipes soignantes ». Certaines équipes de psychiatrie connaissent insuffisamment les
structures médico-sociales existantes et les modes d’accompagnement qu’elles proposent, ce qui peut avoir
des répercussions importantes sur la dynamique d’orientation et d’accueil des personnes : « Une mauvaise
appréciation des compétences et des savoir-faire des équipes médico-sociales, de leurs règles de vie, de leur
encadrement en personnel ou encore du profil de la population accueillie, peut conduire à des orientations
inadaptées qui, au mieux, se traduisent par des candidatures n’aboutissant jamais ou, au pire, engendrent des
expériences douloureuses pour les personnes concernées et les professionnels impliqués (démoralisation,
épuisement, perte de sens). Elle peut également induire des sorties d’hospitalisation non ou insuffisamment
concertées »33. Les conséquences en sont une surreprésentation des besoins en FAM et en MAS au détriment
des autres dispositifs.
33 ARHIF-ANCREAI, La santé mentale dans le Val de Marne : élaboration d’un plan d’action – groupe de travail n° 1 : Personnes présentant des troubles psychiques graves et persistants, Synthèse et Recommandations, mars 2005, p. 21.
Parmi les leviers à travailler dans le cadre d’une politique et d’un plan de formation continue, il convient de concevoir et de mettre en place des formations croisées, pluri ou trans professionnelles , comme cela s’est fait dans certaines régions pour l’application de la loi de lutte contre les exclusions, avec le volet formations des PRAPS .
MOBILISER LES INSTITUTIONS
49
Sur la thématique du décloisonnement et de l’articulation du sanitaire et du social, le Conseil Supérieur du
Travail Social avait déjà engagé un travail de réflexion et émis plusieurs propositions susceptibles de favoriser
l’acquisition d’éléments de culture commune et une meilleure perception des possibilités de coopération34
.
En effet, les collaborations entre les équipes hospitalières et celles du secteur social et médico-social hors de
l’hôpital supposent que les différents professionnels de chacune des filières (médecins, infirmiers,
psychologues, éducateurs spécialisés, assistants de service social, enseignants spécialisés...) se connaissent et
apprennent à travailler ensemble. Cela peut passer par des conventions de coopération entre des instituts de
formation en soins infirmiers et d’aide soignants d’une part, des instituts de formations sociales et éducatives
d’autre part.
Il est possible, également, de s’inspirer du principe énoncé par l’article 25 de la loi du 5 mars 2007 réformant la
Protection de l’Enfance : « Les médecins, l’ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs
sociaux, les magistrats, les personnels enseignants, les personnels d’animation sportive, culturelle et de loisirs
(…) reçoivent une formation initiale et continue, en partie commune aux différentes professions et institutions
dans le domaine de la protection de l’enfance en danger. Cette formation est dispensée dans des conditions
fixées par voie réglementaire »35.
Dans tous les cas, les rencontres des différentes catégories professionnelles doivent se faire sur fond
d'identités claires.
34 Conseil Supérieur du Travail Social, Le décloisonnement et l’articulation du sanitaire et du social, Ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, Rennes, Editions de l’ENSP, 2007. 35 Nouvel article L. 542-1 du Code de l’Éducation.
« Concernant la gestion du parcours de soins du patient, l’exercice requiert un équilibre entre les dispositifs de structures ou de services mais aussi des relations entre eux. Le fait qu’une seule et même autorité publique décide de la création d’un établissement médico-social ou de l’évolution d’un établissement de court séjour sera de nature à simplifier les évolutions et les restructurations nécessaires. S’agissant de l’accompagnement de la personne, il dépend des initiatives des professionnels pour construire un projet adapté, mais aussi des initiatives prises par l’autorité compétente pour faciliter ces approches collectives. Les directeurs des ARS disposeront, par le biais des contractualisations, de leviers pour inciter les professionnels à s’engager dans de telles évolutions de pratiques. Le succès de l’organisation présentée dépendra de la capacité de chacun à faire évoluer ses pratiques actuelles. Il revient à l’administration d’accompagner un tel changement »
30 .
ASSURER LE PORTAGE INSTITUTIONNEL
50
4. ASSURER LE PORTAGE INSTITUTIONNEL DU PROJET DE L’ÉTABLISSEMENT DE
SANTÉ
4.1. DÉFINIR LES OBJECTIFS
Obtenir un cheminement vers des négociations avec les pouvoirs publics (ARS, Conseils Généraux, etc.) et les
autres acteurs (bailleurs, établissements ou services sociaux et médico-sociaux, services du Travail et de
l’Emploi) permettant d’obtenir la visibilité nécessaire pour passer du traitement d’une situation individuelle à
une action collective qui ne s’enferme pas dans une logique hospitalo-centrée.
4.2. ÉTABLIR UN PROGRAMME
Il s’agit de définir puis d’établir un programme de diminution/résorption des hospitalisations considérées par
défaut et de mobilisation du parcours des personnes, de l’intégrer au projet d’établissement et au CPOM, de
l’afficher comme une priorité stratégique. Autrement dit, cela implique de passer du niveau « cas par cas »,
sans visibilité, à une identification claire et à un portage institutionnels de cette question.
L’existence d’un tel programme est la condition préalable absolue à la relocalisation de lits, à la reconstruction
partielle ou totale de services de psychiatrie. En dehors de ces situations, l’ARS peut demander à chaque
établissement de définir ou d’actualiser régulièrement un tel projet opérationnel. L’établissement peut en
prendre l’initiative et en négocier la priorité du processus avec l’ARS.
4.3. METTRE EN PLACE LES CONDITIONS DE RÉUSSITE
ÉTABLIR UN CALENDRIER RESSERRÉ
La rapidité de la mobilisation est un facteur très important de la réussite. Il ne sert à rien de laisser les
réflexions s’enliser dans un temps sans limites. Ce cheminement devra aboutir, dans un délai inférieur à 2 ans,
à des engagements précis concrétisant la création ou la mise en œuvre de réponses portant sur tout ou partie
des besoins. Au-delà, et quelle que soit l’ampleur des réponses, la visibilité pour les personnes, leurs familles,
les équipes et les établissements, se perd ; les données recueillies par les questionnaires deviennent obsolètes ;
les patients chroniques vieillissent, certains meurent, d’autres arrivent, les équipes et les familles changent,
etc.
Les premières rencontres avec les Conseils Généraux, les équipes sociales et médico-sociales, les bailleurs, devront amener, une fois engagée l’étape d’information et de coopération, la formalisation d’une psychiatrie de liaison répondant notamment aux besoins des futurs sortants de la psychiatrie comme aux besoins non satisfaits des utilisateurs des services sociaux et médico-sociaux, notamment pour des résidents non connus de la psychiatrie.
ASSURER LE PORTAGE INSTITUTIONNEL
51
Le plus souvent entre la première rencontre soignant/soigné/famille -proche abordant la question d’une
réorientation possible de l’organisation de l’établissement, l’acceptation par tous, la validation avec la MDPH et
la concomitance ou quasi concomitance de la disponibilité d’une réponse, il peut s’écouler un délai de 12 à 36
mois, voire plus . Si les processus individuels/familiaux, d’une part, et institutionnels, d’autre part, ne sont pas
coordonnés dans leur temporalité, seule une démarche individualisée reste possible, d’autant plus aléatoire et
épuisante qu’elle repose, alors, sur la mise en évidence de la faiblesse de la solidarité ou l’absence de réel souci
de s’attacher à cette problématique au sein de l’établissement, de l’indifférence ou du déni des pouvoirs
publics, et de la prédominance du chacun pour soi de la part des acteurs médico-sociaux ou sociaux.
MOBILISER LES FORCES DE LA GOUVERNANCE INSTITUTIONNELLE
Cet aboutissement dans un temps court reflète la mobilisation inter institutionnelle indispensable et la
concordance des temps des projets autour de la problématique, pour passer des encouragements théoriques à
une contractualisation d’engagements réciproques.
UNE IMPLICATION DE TOUTES LES INSTANCES DE L’ÉTABLISSEMENT :
Le processus peut s’enclencher par une délibération des instances de l’établissement définissant, dans un
document unique consensuel, la nature du problème, les enjeux et les objectifs et la méthodologie (y compris
l’éventuelle demande à effectuer auprès de la CNIL).
LA CRÉATION D’UN COMITÉ DE PILOTAGE RESSERRÉ :
Dix personnes environ dont 6 à 8 de l’établissement, associant un élu membre du conseil de surveillance, un
membre de l’équipe de direction, un membre représentant la communauté médicale, un cadre soignant, un
travailleur social et les administrateurs représentants d’usagers et de familles. La participation de
représentants des secteurs social et médico-social est indispensable à ce pilotage.
Le comité de pilotage rencontrera ensemble le ou les représentants de l’ARS concernés, ceux du Conseil
Général, la MDPH et, si c’est possible simultanément, des représentants du secteur social et médico-social du
ou des territoires concernés, de même que les représentants départementaux des associations d’usagers et de
familles et des associations gestionnaires de services et d’établissement.
Ces rencontres visent à informer de la démarche, à en préparer les étapes possibles, à écarter ou dissiper les
malentendus, à tenir compte des objections, à vérifier la compatibilité de l’approche de l’établissement avec
celle de la MDPH. Bref, il s’agit de gagner en légitimation du processus. On peut imaginer également que toutes
ces rencontres se fassent sous couvert de l’ARS et en sa présence.
Le comité de pilotage désignera une équipe de suivi, à qui elle déléguera un certain nombre de missions et qui
lui rendra compte régulièrement dans un calendrier fixé à l’avance.
ASSURER LE PORTAGE INSTITUTIONNEL
52
LA DÉLÉGATION Á UNE ÉQUIPE DE SUIVI
COMPOSITION
En termes de professions, un cadre socio-éducatif représentant la plate forme de service social, un médecin, un
cadre de santé, un membre de l’équipe de direction et un membre du DIM composeront cette équipe et
désigneront un porteur institutionnel du projet. La MNASM recommande la désignation d’un binôme cadre
socio-éducatif/cadre de santé, ou cadre socio-éducatif/médecin, réunissant régulièrement le comité de suivi.
MISSIONS DU BINOME DE L’ÉQUIPE DE SUIVI
Préparer, par toutes les réunions internes nécessaires, la collecte des données sur une base « GÉVA compatible », par une première mobilisation des équipes soignantes, des personnes et des familles, sous forme de recherche préliminaire. Il est à noter que, souvent, le temps proposé pour s’occuper des patients est juste suffisant pour gérer le quotidien et organiser des projets et des accompagnements dans la perspective d’une insertion en dehors de l’hôpital. Il faut prévoir du temps pour coordonner l’ensemble de ces actions.
Suivre les indicateurs globaux de l’établissement : les séjours de plus de 292 jours, mais pas seulement,
Élaborer des bonnes pratiques en intégrant dans le projet d’établissement :
o l’anticipation du besoin de soins des personnes qui pourront sortir des structures de soins, en lien avec le service qui pourrait à nouveau les recevoir en cas de réhospitalisation
o le déclenchement automatique des réunions multidisciplinaires avec les partenaires concernés, en vue de l’élaboration de son projet de vie (MDPH, services sociaux…)
o la préparation des conventions entre l’établissement de soins et les établissements d’accueil sur la poursuite des soins et les moyens mis à disposition
o le travail avec les réseaux extérieurs : la crédibilité et l’efficacité du processus de réorientation dépendront de la qualité du travail effectué avec ces réseaux à partir de l’adhésion et de la préparation des personnes malades, de la mobilisation et du soutien des familles et des proches.
UNE VIGILANCE ET UNE VEILLE SUR LE SUIVI DES PRATIQUES
La démarche devra être suivie sur la durée à l’aide de repères de vigilance et d’une veille sur des indicateurs qui permettront de corriger et d’améliorer d’éventuels errements dans les pratiques qu’il s’agisse de la préparation à la sortie ou du suivi en aval. Si un certain nombre de réhospitalisations précoces (dans le premier mois) peut être attendu, leur taux devra cependant être surveillé de même que celui des réhospitalisations de longue durée, qui sans signer l’échec de la démarche, inciteront cependant de l’ensemble des acteurs à faire à chaque fois une analyse sur les raisons qui y ont conduit.
4.4. COMMENCER LA RÉORGANISATION DE L’ÉTABLISSEMENT
L’INSCRIRE DANS UN PROJET TERRITORIAL
ASSURER LE PORTAGE INSTITUTIONNEL
53
ORGANISER LA RÉPONSE INTERNE AUX BESOINS DE CES PERSONNES
De manière plus prospective, au niveau de l’établissement ou des établissements du territoire, il convient de
conforter un projet intersectoriel ou inter institutionnel de territoire pour les personnes hospitalisées au long
cours, comportant une prise en charge différenciée selon deux groupes de besoins :
RÉPONSE AUX BESOINS DE PRISE EN CHARGE ACTIVE ET PROLONGÉE :
Par une prise en charge combinant, pour un même ensemble, projet de soins et projet vie pour les
patients dont l’hospitalisation paraît rester nécessaire de façon prolongée, quel que soit le mode
d’accueil, telle que des « maisonnées hospitalières » ne dépassant pas 20 personnes et faisant appel à de
nouveaux métiers (AMP, gouvernantes, etc.) et de nouvelles techniques36
.
RÉPONSE AUX BESOINS DE PRISE EN CHARGE ACTIVE POUR LES PERSONNES
SUSCEPTIBLES DE SORTIR DE L’HOPITAL :
Par une prise en charge de la préparation à la sortie pour les patients considérés comme accessibles à
d’autres solutions alternatives que l’hospitalisation à temps plein. Ceci peut s’effectuer dans le cadre d’un
pôle de réhabilitation psychosociale avec réapprentissage aux habiletés sociales, actions de remédiation
cognitive, à l’intérieur mais de plus en plus à l’extérieur de l’hôpital37
, s’appuyant sur les acteurs des
réseaux naturels sociaux, familiaux, professionnels et culturels des personnes, ainsi que sur les
établissements/services dont les orientations sont spécialisées dans la réhabilitation psychosociale, etc.
RÉORGANISER LA RÉPONSE GLOBALE DE L’ÉTABLISSEMENT DANS SON TERRITOIRE
Les équipes dédiées à ces personnes, ces activités, ces structures, ces services devront être définis en qualité
et quantité ce qui suppose, bien sûr, un rééquilibrage de moyens au sein de l’établissement.
Les propositions doivent prendre en compte l’ensemble de l’organisation du suivi :
En amont :
Assurer des réponses rapides et adaptées, voire en urgence, ce qui permet d’éviter certaines réhospitalisations
et de faciliter sans délai celles qui sont indispensables, pour l’ensemble de la population de patients/résidents
connus ou non ; une réponse téléphonique 24h sur 24, afin que les usagers et les équipes prenant part à
l’accompagnement des personnes présentant des troubles puissent obtenir une réponse et un accès aux soins
adapté, est le minimum indispensable.
En aval
36 Cf. Note supra, n°11. Maisonnée hospitalière est un terme hybridant les deux fonctions, dont l’implantation sur un site hospitalier ou dans la ville peut se discuter. 37 Rq. Cette approche progressive (step by step) est remise en question dans la littérature évaluative au profit du logement d’abord (housing first) ou du travail d’abord (working first), c'est-à-dire une mise en situation plus directe associée à un soutien intensif, portée par les professionnels, les usagers/pairs usagers dans une logique de rétablissement (cf. n° de Pluriels, ibid., à paraître).
ASSURER LE PORTAGE INSTITUTIONNEL
54
o Dynamiser la politique de « places » de prises en charge alternatives (HAD, accueil familial,
appartement thérapeutique, appartement associatif, Hôpital de jour…).
o Assurer des soins et un accompagnement in situ.
o Aider à la réinsertion à travers la question du logement ou, plus généralement, de l’accueil en
dehors d’une structure de soins.
S’APPUYER SUR UNE ÉQUIPE DE PSYCHIATRIE DE LIAISON TERRITORIALE MOBILE
Exclusivement dédiée ou non aux personnes sorties de
l’hôpital, accueillies dans des structures sociales ou médico-
sociales ou dans un domicile et, également, aux résidents de
ces structures non connus de la psychiatrie mais nécessitant
son appui, elle sera:
mobile et réactive
multidisciplinaire, de taille modeste,
facilitatrice de passage,
intervenant pour un temps court.
Cette équipe, doit être constituée dès le départ et
rapidement opérationnelle dans le processus. Qu’elle soit référente de l’articulation de la psychiatrie vers
l’extérieur et réciproquement à un niveau local ou territorial, elle n’a pas vocation à se substituer à la réponse
thérapeutique individuelle sectorisée existante, ni aux partenariats déjà constitués. Elle peut préfigurer une
organisation de plus grande ampleur qui sera nécessaire dans le conseil local de santé mentale si et quand le
projet collectif prendra forme.
4.5. REMPLIR LES CONDITIONS DE REMOBILISATION DES MOYENS DE L’ÉTABLISSEMENT
La psychiatrie devra continuer à mobiliser des moyens pour assurer les soins psychiatriques nécessaires aux
personnes concernées, en ambulatoire comme en matière de réhospitalisation. Trois conditions sont
indispensables :
Conserver un potentiel de lits pour les personnes sorties après un séjour prolongé
Renforcer la psychiatrie ambulatoire dans les CMP
Assurer la fluidité du système.
CONSERVER UN POTENTIEL DE LITS POUR LES PERSONNES SORTIES APRÈS UN
SÉJOUR PROLONGÉ
Créée dès le début du processus, si elle n’existe déjà, l’équipe mobile de liaison psychiatrie/secteur social et médico-social est un message fort de volonté de collaboration et de disponibilité, d’engagement, et donc de crédibilité de la psychiatrie vis-à-vis de ses partenaires et utilisateurs.
ASSURER LE PORTAGE INSTITUTIONNEL
55
Des lits dédiés, et les moyens nécessaires à leur fonctionnement, sont nécessaires pour garantir la
réhospitalisation sporadique sans délai, éventuellement durable autant que de besoin, des personnes
considérées comme pouvant potentiellement bénéficier d’un projet de vie extérieur à l’établissement. La
MNASM souligne le danger qu’il y aurait à diminuer strictement à due proportion les lits des patients sortis.
Sur la base des études anglaises sus citées, le nombre de lits nécessaires pourra être estimé en tenant compte
du principe général de la conservation indispensable d’environ 15 % des lits occupés actuellement par les
personnes hospitalisées durablement et pour qui d’autres solutions de vie durablement réussies auront été
trouvées.
Les moyens ainsi dégagés pourront servir pour partie à constituer ou renforcer, si le processus est déjà amorcé,
les équipes de liaison territoriales et selon les situations locales à désengorger le système, soit en augmentant
les lits disponibles pour les séjours de courte durée dont on sait que la pression se fait ressentir de plus en plus
forte (dans une unité d’admission, un lit libéré qui était occupé de façon continue, permet de faire face à 10 à
12 séjours sur une année) soit en créant des compétences de réhabilitation visant à poursuivre le processus
auprès des autres patients nécessitant un travail de longue durée.
RENFORCER LA PSYCHIATRIE AMBULATOIRE DANS LES CMP
ASSURER LA LIAISON ET L’INTERVENTION DE CRISE
Une présence, un accueil et des interventions à partir des CMP sous forme d’une psychiatrie de liaison
continue, mobile et réactive, limitent les hospitalisations par un soutien préventif et des interventions
d’urgence et de crise, éventuellement à domicile, d’une équipe soignante. Mais elle assure également, sans
détour et sans délai, les hospitalisations indispensables. C’est à ces conditions d’accès rapide aux soins dans
leur globalité que se concrétiseront la crédibilité de la psychiatrie et la confiance des partenaires.
RENFORCER LES CAPACITÉS DE SOINS AMBULATOIRES ORDINAIRES
Cette réorganisation autour des pathologies de longue durée ne doit pas s’effectuer au détriment du travail
habituel de la psychiatrie auprès des personnes présentant des troubles aigus et de la prise en charge précoce
des nouveaux patients. Les autres missions de la psychiatrie, telles celles en direction des patients en situation
de précarité, peuvent aussi nécessiter d’autres équipes mobiles selon les besoins identifiés localement
(mobilité, réactivité, prise en charge rapprochée de patients difficiles à suivre, tâches transversales….). S’il
existe deux équipes, leur cohésion doit être forte, la meilleure façon de fonctionner étant une seule équipe.
Les expériences étrangères suggèrent de conserver 10 à 15 % de la capacité hospitalière correspondant aux patients durablement sortis pour garder la possibilité de réadmettre ceux qui le nécessitent sporadiquement ou durablement. Au-delà de ce chiffre, il faut également tenir compte de l’arrivée de nouveaux patients nécessitant une réhabilitation de longue durée. Enfin, il faut retrouver un taux d’occupation réaliste de l’hospitalisation complète (moins de 90%).
ASSURER LE PORTAGE INSTITUTIONNEL
56
ASSURER LA FLUIDITÉ DU SYSTÈME
Il faut anticiper l’incidence de ces restructurations sur la réorganisation ultérieure de l’hospitalisation complète
d’admission et de court séjour, pour garantir l’encadrement et les soins intensifs de patients non coopérants en
proportion croissante. En effet, l’hospitalisation se réduit et se concentre sur sa partie la plus inévitable de
patients difficiles et instables, non coopérants (Hospitalisation sous contrainte : HDT + HO). De telles unités
d’admission devront être de taille plus limitée pour être gérables, car leur activité se rapprochera de celle d’un
Centre d’Accueil et de Crise, mais qui accueille substantiellement des patients sous contrainte. Qualité,
intensité et réactivité des soins hospitaliers, sécurité des soignants et des soignés, prévention du burn out
professionnel, etc. seront des éléments déterminants à prendre en considération.
Il est donc conseillé de tendre vers l’objectif d’un taux d’occupation de 85 % pour l’hospitalisation complète.
C’est ce qui permet de faire face aux pics d’activité, de tenir compte de l’évolution démographique si elle croît,
et de l’incidence des pathologies chroniques prévisibles du vieillissement. C’est la condition garantissant
l’admission sans délai des patients qui le nécessitent y compris l’admission, même en plus faible taux, de
nouveaux patients nécessitant des séjours prolongés.
PRENDRE EN COMPTE L’IMPACT BUDGETAIRE
57
5. PRENDRE EN COMPTE L’IMPACT BUDGÉTAIRE
Les impacts budgétaires des réorganisations qu’implique la démarche entreprise pour une meilleure
adéquation de la réponse aux besoins des personnes sont à envisager d’emblée dans leur ensemble.
Il faut donc, dés le départ, définir le périmètre concerné par ce processus.
En effet, la démarche exerce un impact sur l’ensemble des dépenses consacrées à la prise en charge des
personnes souffrant de troubles ou de maladies, quel que soit le lieu où elles se trouvent, et donc quel que soit
le champ concerné : sanitaire, médico-social ou social.
Il importe, tout d’abord, de considérer que la diminution progressive et sous condition du nombre de lits
d’hospitalisation complète, au fur et à mesure de la réussite durable de la réorientation des personnes, ne peut
être envisagée sans que des moyens de soins soient simultanément mobilisés et anticipés :
au sein de chaque établissement, pour renforcer des interventions auprès des personnes en hospitalisation prolongée, afin de préparer et finaliser le processus pouvant mener à une fin réussie de l’hospitalisation,
dans la communauté, pour le suivi de ces personnes, le soutien à leur entourage et la prévention de nouvelles hospitalisations prolongées.
Cela implique un mécanisme de maintien des ressources dans le périmètre considéré, pour le redéploiement
des soins psychiatriques :
le renforcement de l’activité ambulatoire générale: amélioration de la réactivité et de la mobilité, suivi rapproché des patients difficiles, nouvelles tâches transversales, renforcement et diversification de l’encadrement…
La mise en œuvre de soins de réhabilitation, s’appuyant sur des partenariats multiples dans le domaine du logement, des réseaux de santé mentale, de l’insertion professionnelle, de la culture et des loisirs…
La psychiatrie de liaison et de crise, de soins et d’accompagnement pour les personnes accueillies dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux et les professionnels qui les entourent.
La reconfiguration de l’hospitalisation.
L’atteinte d’un objectif cible durable de 85 % de taux d’occupation de l’hospitalisation complète permettant la disponibilité et la fluidité des hospitalisations,
o le renforcement de l’encadrement de l’activité hospitalière d’admissions de court séjour, qui est le segment le plus fragilisé,
o la conservation d’un potentiel de lits et d’un encadrement adaptés permettant, en tant que de besoin, la réhospitalisation des personnes suivies au long cours (notamment celles dont la démarche aura permis la sortie mais qui devront être réhospitalisées temporairement ou durablement), et l’accueil de nouveaux malades chroniques.
PRENDRE EN COMPTE L’IMPACT BUDGETAIRE
58
Il faut insister sur l’importance de l’apport de prestations de la psychiatrie auprès des personnes souffrant de
troubles psychiques, accueillies dans les dispositifs sociaux et médico-sociaux et auprès des professionnels qui
les accompagnent. Car c’est d’abord en assurant des soins à ces personnes que la psychiatrie peut contribuer
au développement d’une offre sociale et médico-sociale qui leur soit adaptée, et, plus largement, qu’elle peut
construire les partenariats favorisant leur accueil durable dans la communauté.
Après considération de ces nécessités, ce n’est que secondairement, et en fonction de la situation locale, que
pourra être envisagé le transfert de crédits de la psychiatrie vers l’enveloppe médico-sociale, pour la création
ou l’extension de structures médicalisées d’accueil ou d’accompagnement (FAM, MAS, ou SAMSAH
notamment, pour les adultes) destinées aux personnes dont le handicap résulte de troubles psychiques.
En toute hypothèse, les règles du jeu des réallocations budgétaires que la mise en mouvement des trajectoires
de soins et/ou de vie des personnes considérées va entraîner, doivent être établies au départ, puis être
respectées tout au long du processus.
ANNEXES
59
ANNEXE 1 : SYNTHÈSE ET ANALYSE DES ENQUÊTES RÉALISÉES
Les enquêtes sont présentées ici dans l’ordre chronologique de leur réalisation.
LES PATIENTS SÉJOURNANT AU LONG COURS DANS LES SERVICES DE PSYCHIATRIE GÉNÉRALE EN
ÎLE-DE-FRANCE, ARHIF- DELEGATION ANCREAI ÎLE-DE-FRANCE-CEDIAS, DECEMBRE 2003 38
CATÉGORISATION (TOUTES LES ENQUÊTES SE RÉFÈRENT A LA CIM 10) : - Population 1 (2 203 patients au long cours sur 7 065 hospitalisés) :
- 60,4 % schizophrénies et psychoses délirantes chroniques - 13,4 % « troubles du développement psychologique » - 7,5 % « retard mental »
- Population 2 (969 patients en « dépendance institutionnelle » sur 7 065 hospitalisés) : - 65,7 % schizophrénies et psychoses délirantes chroniques - 4,6 % « troubles du développement psychologique » - 3,3 % « retard mental »
RECHERCHES D’ORIENTATION: - Population 1 : il existe un projet d’orientation pour 74 % ; 62 % vers une structure avec hébergement, 12 % vers un retour en milieu ordinaire, - Population 2 : il existe un projet d’orientation pour 62 % ; 36 % vers une structure avec hébergement, 26 % vers un retour en milieu ordinaire.
ÉTUDE RELATIVE AUX INADÉQUATIONS DANS LES SERVICES D’HOSPITALISATION COMPLÈTE DE
PSYCHIATRIE, DRSM-DRASS NORD/PICARDIE, 2003
CATÉGORISATION : - Population d’adultes (541 en « inadéquation » sur 1 666 hospitalisés) :
- 33,6 % « schizophrénies, troubles schizotypiques ou délirants » - 15,2 % « troubles de l’humeur » - 13,4 % « retard mental »
- Population d’enfants (11 en « hospitalisation non justifiée » sur les 52 présents) : 30,8 % troubles du développement psychologique et autisme.
RECHERCHES D’ORIENTATION:
38 Les patients séjournant au long cours dans les services de psychiatrie adulte en Ile-de-France, ARHIF- Délégation ANCREAI Île-de-France-
CEDIAS, 2003 (http://www.parhtage.sante.gouv.fr). Cette enquête a été suivie d’une exploitation par département, publiée en septembre
2005, ainsi que d’un travail spécifique mené avec la MNASM, la DDASS du Val de Marne associant, notamment, les équipes des secteurs
psychiatriques, des représentants du Conseil général du Val de Marne et l’UNAFAM : La santé mentale dans le Val de Marne : élaboration
d’un plan d’action – groupe de travail n° 1 : Personnes présentant des troubles psychiques graves et persistants, Synthèse et
Recommandations, mars 2005.
ANNEXES
60
- Population d’adultes : « la part d’orientations en médico-social a augmenté, passant de 75 % en 1997 à 88 % en 2003 ; la part représentée par les besoins exprimés en orientation MAS-Foyer reste stable, passant de 29 % en 1997 à 28 % en 2003 ».
- Population d’enfants : les « orientations souhaitables » concernent des structures sanitaires pour 3 et médico-sociales pour 8 des 11 enfants en situation d’inadéquation ; dans 5 cas sur 11 « se pose le problème d’un hébergement de l’enfant » ; 3 demandes sont faites pour un « centre pour autistes ».
LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS HOSPITALISÉS AU LONG COURS DANS LA RÉGION
AQUITAINE, SERVICE RÉGIONAL DE L’ASSURANCE MALADIE ET ARH, 2003 39
CATÉGORISATION (CONCERNANT 800 PATIENTS AU LONG COURS POUR 2 855 LITS) : - 38 % schizophrénies et psychoses délirantes chroniques - 38 % TED - 14,5 % « troubles du développement psychologique », principalement autisme.
RECHERCHES D’ORIENTATION: - « les soignants estiment que 23 % pourraient être pris en charge en MAS, 28 % en foyer occupationnel ou
médicalisé, 10 % en maison de retraite » - « seul un quart des patients hospitalisés au long cours nécessiteraient réellement la prolongation de leur
séjour en milieu hospitalier » - point de vue « partiellement confirmé par la Cotorep
40 » : « les équipes soignantes ont tendance à ne plus
demander d’avis ni d’orientation à la Cotorep, sachant que ces orientations ne pourront être suivies, faute de places dans les structures médico-sociales ».
MALADES HOSPITALISÉS AU LONG COURS EN BRE TAGNE, ASSURANCE MALADIE (SERVICE
MÉDICAL DE BRETAGNE) ET ARH, MARS 2006
CATEGORISATION (POUR 877 « MALADES CHRONIQUES ») : - 45,8 % schizophrénies et psychoses délirantes chroniques - 20 % « retard mental » - 14,5 % « troubles du développement psychologique », principalement autisme.
RECHERCHES D’ORIENTATION: - 90 % des 358 patients de moins de 60 ans orientés par la COTOREP bénéficiaient d’une orientation MAS ou
FAM (56 %) ou Foyer de vie (31 %), mais respectivement 14 % et 20 % souhaités par les établissements de santé, ce qui laisse penser à un écart important dans l’évaluation des potentialités des personnes, selon que l’on se place du point de vue de l’hôpital et de ses personnels ou de celui des équipes techniques des MDPH.
- 1 % « domicile ou substitut » (orientation Cotorep), mais 12 % souhaités par les établissements de santé - Unité pour malades difficiles (UMD) suggérée par la COTOREP pour 2 %, mais 4 % de réorientations souhaitées
39 Cette étude a fait l’objet d’une publication d’Hélène Brun-Rousseau, in : Magali Coldefy (coord.), La prise en charge de la santé mentale,
Recueil d’études statistiques, La Documentation française, 2007, pp. 183-191. 40 Les rapports utilisent ce sigle avant et parfois après que les Cotorep aient laissé place aux Commissions des droits et de l’autonomie
(CDA-PH), en application de la loi du 11 février 2005.
ANNEXES
61
vers une UMD par les établissements de santé.
RAISONS INVOQUÉES DES DIFFICULTÉS : - « Les tentatives d’orientation réalisées par les établissements apparaissent souvent différentes des
propositions de la Cotorep puisque, pour les malades concernés, seules 39 % sont identiques aux propositions de la Cotorep. Il s’agit d’orientation en MAS ou en foyer de vie ». En effet, « les établissements tentent des orientations plus variées ».
- Pour 37 % des patients au long cours, l’hospitalisation est apparue justifiée : « dans 8 cas sur 10, le maintien dans la structure est motivé par l’absence de stabilisation de l’état du malade ».
HOSPITALISATIONS PROLONGÉES EN PSYCHIATRIE EN HAUTE-NORMANDIE, ASSURANCE
MALADIE (SERVICE MEDICAL HAUTE-NORMANDIE) ET ARH, SEPTEMBRE 2006
CATÉGORISATION (CONCERNANT 512 PATIENTS AU LONG COURS POUR 1 179 LITS) : - 24,4 % : « retard mental » - 15,2 % cérébrolésés - 93 % « cotés lourds et moyens sur l’échelle globale de fonctionnement EGF » (DSM-IV) ; GIR « plutôt légers » :
43 % GIR 5-6 (grille AGGIR).
RECHERCHES D’ORIENTATION: - 65,8 % des 512 « susceptibles, selon les équipes pluridisciplinaires de psychiatrie, de bénéficier d’une autre
prise en charge de leur pathologie » - Parmi les 220 pour lesquels le projet définissait une structure d’orientation, 45 % sont orientés vers une
structure médico-sociale, 26,4 % vers une structure sociale41
.
RAISONS INVOQUEES DES DIFFICULTÉS: - « dysfonctionnements de la filière d’aval » (36,6 % des cas) - manque de places dans le médico-social (27,1 % des cas) - opposition du patient ou de la famille à la sortie (16 % des cas).
LES HOSPITALISATIONS DE PLUS DE 12 MOIS DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE PSYCHIATRIE DE
MIDI-PYRÉNÉES, ARH-DRASS MIDI-PYRÉNÉES, 2007
CATÉGORISATION (CONCERNANT 425 PATIENTS POUR 1 679 LITS) : - 57,5 % schizophrénies et psychoses délirantes chroniques - 20,8 % « retard mental »
41 Il existe parfois un certain flottement dans les termes. Souvent, dans les enquêtes, la distinction médico-social/social ne correspond pas
à la définition législative (lois de 2002, 2005) : il arrive que soient rangés dans « les structures sociales » non seulement les CHRS, mais
aussi les foyers de vie ou occupationnels, le critère retenu alors étant la présence ou non de personnel soignant dans la structure.
ANNEXES
62
- 8,4 % autistes
RECHERCHES D’ORIENTATION: - « pour la grande majorité, il manque une solution médico-sociale » - 33 % pourraient être en logement autonome
RAISONS INVOQUEES DES DIFFICULTÉS: « manque de solution d’aval » pour 62,4 % des plus de 12 mois (276 patients)
42.
LES INADÉQUATIONS DE PRISE EN CHARGE DES PERSONNES AYANT UN HANDICAP PSYCHIQUE
OU DES TROUBLES APPARENTÉS ACCUEILLIS DANS LES SERVICES D’HOSPITALISATION COMPLÈ TE
DE PSYCHIATRIE ET DANS LES MAISONS DE RETRAITE DE BASSE-NORMANDIE, CREAI BASSE-
NORMANDIE, DÉCEMBRE 2007
CATÉGORISATION (CONCERNANT LES 322 PATIENTS EN LONGUE DUREE POUR 1 241
LITS) :
- 40 % « schizophrénies, troubles schizotypiques ou délirants »
- 13,7 % « troubles mentaux organiques » - 12,7 % « retard mental »
RECHERCHES D’ORIENTATION:
- pour 70 % des 221 « inadéquats », des démarches de réorientation ont été effectuées ou sont en cours :
- 45% attendent que l’orientation prononcée par la MDPH puisse devenir effective, dont 23,1% ont une orientation en MAS/FAM - 17,7% sont déjà inscrits en liste d’attente en maison de retraite, appartement ou placement familial thérapeutique, maison relais…
RAISONS INVOQUEES DES DIFFICULTÉS: - manque de places dans le médico-social, en particulier de structures « spécialisées dans le handicap
psychique » (22,8 % des cas).
ENQUÊTE RELATIVE AUX HOSPITALISATIONS INADÉQUATES, ARH-DRASS RHONE-ALPES, JUIN
2008
CATÉGORISATION (855 SUR 4.400 HOSPITALISÉS) : - 45 % troubles psychotiques - 21,6 % TED
42 Rapport présenté par Mireille Bouchet et Michelle Labie, « Besoins de structures d’aval, une enquête pour l’objectiver », IASS La Revue,
n° 61, septembre 2009, pp. 45-49.
ANNEXES
63
- 15 % « pathologies dégénératives ou lésions du SNC »
RECHERCHES D’ORIENTATION : « Indications préconisées par les équipes soignantes pour le parcours idéal du patient »
43 : 80,3 % vers une
structure médico-sociale, 4,3 % vers une structure sociale, 5,3 % vers un habitat en milieu ordinaire.
ENQUÊTE SÉJOURS LONGS EN PSYCHIATRIE, ARH PROVENCE ALPES COTE D’AZUR, 2008
RECHERCHES D’ORIENTATION CONCERNANT LES 970 PATIENTS EN LONGUE DURÉE
(POUR 5 269 LITS) : - 689 patients « réorientables » sur 970 (71 % de ces patients et 13 % des lits occupés), - dont 644 (94 %) en termes d’hébergement (128 en MAS, 124 en FAM, 258 en foyer d’hébergement, 141 en
appartements associatif ou maison relais, 57 en EHPAD), - dont 55 en combinaison avec du travail adapté et 54 avec un GEM. - Par ailleurs, 337 patients sont « identifiés » comme ré-orientables en termes de prise en charge sanitaire en
alternatives ou en ambulatoire (souvent corrélée avec une demande d’hébergement social ou médico-social), ainsi :
o 76 hospitalisations de jour ou de nuit o 57 en accueil familial ou appartement thérapeutique o 185 suivis en CMP ou CATTP.
LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS AUJOURD’HUI HOSPITALISÉS AU LONG COURS EN
PSYCHIATRIE Á L’EPDSM COLSON, MARTINIQUE, MNASM, OCTOBRE 2008
RECHERCHES D’ORIENTATION 442 personnes prises en charge un jour donné par le CHS, dont 271 hospitalisés, 75 en alternative sanitaire à
l’hospitalisation et 96 dans des structures « à vocation médico-sociale » gérées par l’établissement) : - Pour les 271 patients hospitalisés, 98 (36 %) identifiés comme « susceptibles de bénéficier de prises en charge
sociales ou médico-sociales plus adaptées » (dont 13 en EHPAD, 16 en MAS, 40 en FAM/Foyer de vie, 10 en diverses formes d’hébergement, 2 en CHRS).
- Souhait de 21 accompagnements par des SAVS ou SAMSAH.
ENQUÊTE RELATIVE AUX HOSPITALISATIONS INADÉQUATES, ARH-DRASS RHONE-ALPES, MAI
2009
CATEGORISATION (833 SUR 4 535 HOSPITALISES) : - 45 % troubles psychotiques - 22,3 % TED - 16 % « pathologies dégénératives ou lésions du SNC »
43 La question de l’accord du patient ou de sa famille n’est pas évoquée dans la définition de cet « idéal ».
ANNEXES
64
RECHERCHES D’ORIENTATION : « Indications préconisées par les équipes soignantes pour le parcours idéal du patient », en l’occurrence pour 752 des
833 patients considérés « inadéquats » : 62,8 % vers une structure médico-sociale pour personnes handicapées, 18,4 % vers une structure médico-sociale pour personnes âgées, 10 % vers un hébergement thérapeutique, 4,5 % vers une structure ou un logement social, 4,5 % vers un habitat en milieu ordinaire.
Résultat des enquêtes régionales réalisées
Enquêtes régionales consacrées aux hospitalisations en psychiatrie
Hospitalisations au long cours (HLC)
dont « inadéquates »
Ile-de-France 2003-1 (« patients au long cours ») 31 % 74 % des HLC
Ile-de-France 2003-2 (« dépendance institutionnelle ») 13 % 62 % des HLC
Picardie 2003-1 (tous les adultes hospitalisés un jour J) 32 % des présents
Picardie 2003-2 (tous les enfants hospitalisés un jour J) 21 % des présents
Aquitaine 2003 28 % 61 % des HLC
PACA 2005 27 % 73 % des HLC
Bretagne 2006 27 % 63 % des HLC
Haute-Normandie 2006 43 % 64 % des HLC
Midi-Pyrénées 2007 25 % 62 % des HLC
Basse-Normandie 2007 26 % 68 % des HLC
Rhône-Alpes 2008 (hospit. jugées inadéquates 1 jour J) 19 % 60 % des HLC
PACA 2008 19 % 71 % des HLC
Martinique 2008 (hospit. jugées inadéquates 1 jour J) 36% des présents
Rhône-Alpes 2009 (hospit. jugées inadéquates 1 jour J) 20,5 % des présents
ANNEXES
65
ANNEXE N° 2 : MÉTHODOLOGIE DUTRAVAIL DE LA MNASM (2009-2010) :
« AXE 2/OBJECTIF 2 : CONTRIBUER Á L’ÉLABORATION DE RECOMMANDATIONS POUR
L’ANALYSE DES BESOINS DES PERSONNES HOSPITALISÉES INADÉQUATEMENT EN
PSYCHIATRIE
PROPOSITION DE LA MNASM
Mise en place d’un groupe de travail piloté par la MNASM destiné à élaborer des recommandations pour l’analyse des
besoins des personnes hospitalisées inadéquatement en psychiatrie.
OBJECTIFS
Établir des recommandations destinées à aider les établissements qui souhaitent se lancer dans cette démarche, qui
dépasse le simple repérage des patients pris en charge au long cours (état des lieux, préparation à la sortie, continuité des
soins à assurer une fois ces patients sortis, réorganisation de l’hospitalisation, renforcement de l’extrahospitalier…).
METHODE
Recueil de données.
- Recueil des méthodologies mises en œuvre en région via les référents du plan de santé mentale (enquêtes
ARHIF-ANCREAI, Haute Normandie, Rhône-Alpes, Picardie, Poitou-Charentes, Centre…).
- Synthèse des démarches observées / initiées sur site par la MNASM.
- Regard sur les démarches menées dans d’autres disciplines (cf. articulation MCO/SSR).
Analyse critique.
Elaboration de recommandations avec propositions d’outils et de repères : fiche d’analyse des besoins, conseils sur
l’organisation de la démarche au sein de l’établissement (étapes, professionnels associés, retour d’information, …).
« MATÉRIAUX » A DISPOSITION DU GROUPE
Synthèse et analyse critique des démarches menées dans les départements.
Note de problématique de la MNASM.
COMPOSITION DU GROUPE
2 permanents de la MNASM (1 animateur/1 rapporteur).
Quelques référents du Plan de santé mentale ou les référents psychiatrie des ARH.
Quelques correspondants de la MNASM ayant participé à ce type de démarche.
Administration Centrale et CNSA, CREAI
CALENDRIER - Début des travaux : courant septembre 2009.
- Remise des recommandations: juin 2010. »
ANNEXES
66
ANNEXE N°3 : GROUPES DE TRAVAIL
COMPOSITION DES GROUPES DE TRAVAIL
Noms Organisme
Morin Catherine CNSA Defromont Laurent EPSM Lille Métropole Barrès Martine DGCS, MNASM44 Lombard Catherine DRASS Rhône-Alpes Caillault Pierre PH, CH Saint-Nazaire Charpentier Alain Médecin-conseil, ARH Pays de la Loire Gouiffes Alain PH, CH Le Rouvray Rouen Gilbert Pascale CNSA Jaeger Marcel MNASM, professeur au CNAM Bonnefoy Cécile DDASS Seine-Maritime Brandého Daniel Directeur d’hôpital, CH George Sand Laurain Fabrice Directeur d’hôpital, ARH Picardie Labie Michelle DRASS Midi-Pyrénées Bouchet Mireille DRASS Midi-Pyrénées Blanchard Marie-Christine CSS, CH Meulan-Les Mureaux Canta Rolland CRAM Sud-Est / ARH Barreyre Jean-Yves Carole Peintre
CÉDIAS – CREAHI CÉDIAS - CREAHI
Collombet-Migeon Frédérique Anglade Cécile Lavy Laurence Dubuisson Fabienne Marie Hélène
Ministère, DGOS Ministère, DGOS Ministère DGS Ministère DGCS CNSA
Juhan Pierre MNASM Kannas Serge MNASM Isserlis Catherine MNASM Benoît-Rigeot Martine Directrice CH de Grasse Martin-le-Ray Catherine ARH Île-de-France
44 Certaines personnes ont changé de fonction.
ANNEXES
67
COMPOSITION DU GROUPE DE RÉFÉRENCE DES PROFESSIONNELS DU SECTEUR SOCIAL
ET MÉDICO-SOCIAL
Jean-Marc Antoine, Directeur du Pôle Habitat de l’association Aurore Gil Augis, Directeur d’ITEP, Les Mureaux, 78, SEAY Christian Bonal, Directeur Général du CEREP Philippe Camberlein, Directeur Général du CESAP Alice Casagrande, Déléguée nationale « qualité, gestion des risques, bientraitance », Croix Rouge Jean-Yves Châtaigner, Directeur de l’ESAT de Gonesse, APAJH 95 Brigitte Cheval, Directrice adjointe de l’ETSUP, Paris Claude Jacquard, Directeur de MAS, Champs-sur-Marne, 77, CESAP Marcel Jaeger, MNASM, professeur au CNAM Pierre Juhan, MNASM Serge Kannas, MNASM Martine Leonhart, Directrice de FAM pour personnes handicapées vieillissantes, ADAPEI 91 Marc Livet, Directeur d’IME Colonie Franco-Britannique de Sillery, 91 Bernard Lucas, Professeur à l’EHESP, Rennes Germaine Peyronnet, Directrice adjointe de l’action sociale, Croix Rouge Michèle Pivin, Directrice-adjointe de la MDPH 75 Yves Quernin, Directeur d’établissements pour adultes handicapés, Neuilly-sur-Seine, APEI 92 Jean-Yves Barreyre, Directeur du CEDIAS Annick Hennion, Directrice Générale de l’Oeuvre Falret Catherine Isserlis, MNASM Serge Kroichvili, Directeur du CREAI de Basse-Normandie François Roche, Membre du Conseil Supérieur du travail Social, Clermont-Ferrand
AUTRES PERSONNES DESTINATAIRES DU DOCUMENT DE FIN 2009, CONSULTÉES
Jean Canneva, UNAFAM Dr. François Chapireau, INED Claude Deutsch, Advocacy France Martine Dutoit, Advocacy France Dr Laurent Elghozi, Conseiller municipal de Nanterre Claude Finkelstein, FNAPSY Pasteur Galtier, Fondation John Bost, Dordogne Jacques Houver, Cadre socio éducatif, Ch Le Vinatier, Lyon, MNASM Dr Karine Martin, Fondation John Bost, Dordogne Dominique Prudhomme, Cadre socio éducatif, CH Pinel, Amiens
Pascal Terrasse, Président du Conseil Général de l’Ardèche Certaines équipes de MDPH et de psychiatrie générale et infanto juvénile pour tester le recueil d’information Autres psychiatres et pédopsychiatres
RÉDACTEURS/RELECTEURS DU DOCUMENT FINAL :
Saïd Acef, responsable du réseau de santé mentale AURA 77, MNASM Martine Barrès, Médecin de Santé Publique, DGCS, MNASM, Dr Catherine Isserlis, pédopsychiatre, PHCS, MNASM Pierre Juhan, directeur d’hôpital, MNASM, Dr Serge Kannas, psychiatre, ex PHCS, MNASM (coord.) Sabine Rivet, directrice d’hôpital, MNASM Mise en forme éditoriale : Sounia Blidi, Farida Messif