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1 Cours de M. Di Méo sur Anatole France (UE 5, MFLT84B) Commentaire composé : Les Dieux ont soif (p.14-18) Deuxième chapitre du livre : chapitre qui est encore un chapitre d’exposition. Présentation : o Des circonstances de la conception et de la naissance de Gamelin. o De son caractère. o De son rapport à la Révolution. Dans ce passage comme dans le reste du récit, présence d’une ironie qui est encore, à ce stade du récit, avant que les événements ne se précipitent, une ironie malicieuse. Anatole France présente la naissance de Gamelin avec humour et se moque de son personnage. Cependant, il pose habilement un certain nombre d’enjeux capitaux qui vont se retrouver dans tout le roman et qui annoncent le drame à venir. Problématique : en quoi cet extrait annonce-t-il avec humour et discrétion les principaux thèmes et enjeux du roman ? I/ Une naissance sous des auspices sanglants 1/ Le récit rétrospectif : un artifice de présentation Scène d’exposition : récit rétrospectif = un moyen habituel pour présenter les protagonistes. Souvenirs d’une femme avançant en âge et se souvenant du bon vieux temps ; les difficultés de la vie justifient ce récit, qui est un moyen d’échapper à un présent et à un quotidien difficiles. Récapitulation : de la rencontre des parents jusqu’à l’adolescence de G. Artifice de présentation : on suppose que G. a déjà entendu cette histoire > le récit en est donc fait à l’attention du lecteur. Le récit permet de mesurer les rapports entre les deux protagonistes : o Respect de G. pour sa mère. o Affection de celle-ci pour son fils. Rapports « harmonieux » : il s’agit là d’une manière, pour Anatole France, de situer le « dérapage » à venir de G. dans la perspective d’un strict aveuglement idéologique > G. est lui-même responsable de la démesure et de la folie dans lesquelles il tombe. Le récit permet aussi de mesurer l’ascendant que la mère de G. exerce sur son fils : c’est elle qui monopolise la parole ; c’est elle qui neutralise ses diatribes ; la mère aurait pu être un élément d’apaisement, mais elle va jouer un rôle trop effacé pour remplir réellement cette fonction. Cette exposition permet enfin de situer socialement le personnage de G. Issu du peuple – voire de la très petite bourgeoisie artisane. Carrière de peintre : époque où les peintres sont à la fois considérés comme des artisans et des artistes.

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Cours de M. Di Méo sur Anatole France (UE 5, MFLT84B)

Commentaire composé : Les Dieux ont soif (p.14-18)

• Deuxième chapitre du livre : chapitre qui est encore un chapitre d’exposition.

• Présentation :

o Des circonstances de la conception et de la naissance de Gamelin.

o De son caractère.

o De son rapport à la Révolution.

• Dans ce passage comme dans le reste du récit, présence d’une ironie qui est

encore, à ce stade du récit, avant que les événements ne se précipitent, une

ironie malicieuse.

• Anatole France présente la naissance de Gamelin avec humour et se moque de

son personnage.

• Cependant, il pose habilement un certain nombre d’enjeux capitaux qui vont

se retrouver dans tout le roman et qui annoncent le drame à venir.

• Problématique : en quoi cet extrait annonce-t-il avec humour et discrétion les

principaux thèmes et enjeux du roman ?

I/ Une naissance sous des auspices sanglants

1/ Le récit rétrospectif : un artifice de présentation

• Scène d’exposition : récit rétrospectif = un moyen habituel pour présenter les

protagonistes.

• Souvenirs d’une femme avançant en âge et se souvenant du bon vieux temps ;

les difficultés de la vie justifient ce récit, qui est un moyen d’échapper à un

présent et à un quotidien difficiles.

• Récapitulation : de la rencontre des parents jusqu’à l’adolescence de G.

• Artifice de présentation : on suppose que G. a déjà entendu cette histoire > le

récit en est donc fait à l’attention du lecteur.

• Le récit permet de mesurer les rapports entre les deux protagonistes :

o Respect de G. pour sa mère.

o Affection de celle-ci pour son fils.

• Rapports « harmonieux » : il s’agit là d’une manière, pour Anatole France, de

situer le « dérapage » à venir de G. dans la perspective d’un strict aveuglement

idéologique > G. est lui-même responsable de la démesure et de la folie dans

lesquelles il tombe.

• Le récit permet aussi de mesurer l’ascendant que la mère de G. exerce sur son

fils : c’est elle qui monopolise la parole ; c’est elle qui neutralise ses diatribes ;

la mère aurait pu être un élément d’apaisement, mais elle va jouer un rôle trop

effacé pour remplir réellement cette fonction.

• Cette exposition permet enfin de situer socialement le personnage de G.

• Issu du peuple – voire de la très petite bourgeoisie artisane.

• Carrière de peintre : époque où les peintres sont à la fois considérés comme

des artisans et des artistes.

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• G. est donc issu du peuple parisien – même s’il bénéficie d’une éducation

quelque peu supérieure à la moyenne ; mais il incarne bel et bien ce personnel

de la RF qui voue une haine terrible à l’Ancien Régime, qui incarne le monde

nouveau et qui va appeler à la Terreur entre 1793 et 1794.

• Ne pas négliger la dimension sociologique de cette présentation : A. France est

en effet très attentif aux milieux qu’il décrit (écrivain qui reste tout de même

influencé par les idées socialistes).

2/ Une présentation ironique

• Ironie très présente dans cet extrait, et notamment dans le récit de la mère.

• La scène de rencontre est particulièrement frappante :

o Rencontre arrangée : cf l’art de la litote d’A. France (« … et elle avait

compris tout de suite de quoi il retournait » (p.16)).

o Mais surtout, ce sont les circonstances de cette rencontre qui méritent

d’être commentées.

• Exécution de Damiens (1757) : coupable de tentative de régicide sur Louis XV

– même si Damiens n’avait apparemment voulu que blesser le roi.

• Exécution particulièrement terrible (torture, plomb fondu, etc.)

• Exécution publique.

• Tout cela était habituel – à ceci près que les exécutions de ce genre, au siècle

des Lumières, tendaient à être moins nombreuses qu’avant.

• Exécution en tout cas particulièrement célèbre.

• L’ironie réside ici dans le contraste entre la scène de séduction (les galanteries

de Joseph Gamelin) et l’horreur du supplice de Damiens.

• Insensibilité : peuple avide de sang.

• Terribles auspices pour l’enfant à naître.

• Commenter bien sûr l’opposition que contient la phrase concluant le premier

paragraphe de la page 16 – opposition que le narrateur fait mine de ne pas

souligner.

• cette idée d’auspices sanglants est renforcée par ailleurs par la présentation des

circonstances de la naissance : la mère de G. est effrayée par la foule courant à

une autre exécution.

• G. naît donc sous le signe de la violence et des exécutions capitales > sorte de

prédestination ironique.

II/ Le portrait de Gamelin : les excès de la vertu

1/ La vertu

• Insistance sur la vertu de G.

• Il prend soin de sa mère.

• Il n’est pas conscient de sa beauté > ni coquetterie ni vanité (p.17)

• Ne supporte pas la misère et l’oppression.

• Portrait positif dressé par sa mère.

• Mais éléments ironiques : en particulier la nécessité de fesser G. pour qu’il ne

ramène pas tous les pauvres de Paris à la maison.

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• Charité = belle vertu ; mais il ne faut pas non plus tomber dans l’excès (ce que

la mère de G. illustre, c’est une position de bon sens, ni insensible, ni trop

généreuse non plus > la mère de G. incarne l’humanité « normale », moyenne,

autrement dit une humanité qui contraste avec les excès dans lesquels son fils

va tomber).

• Ambiguïté du caractère de G., qui mêle férocité et générosité – générosité dont

il fera encore preuve dans le roman, quand il donnera la moitié de son pain à la

mère affamée (p.64).

2/ L’absence de finesse

• Méfiance, tout de même, à l’égard de la vertu de G.

• Le texte distille certains indices montrant que cette vertu est aussi le signe

d’un manque de finesse.

• Cf l’inconscience que G. a de sa propre beauté > G. contraste avec Desmahis,

qui incarne au contraire la sensualité.

• Cette inconscience de G. le conduit à se méprendre dans ses rapports avec les

femmes – avec Elodie d’abord, mais aussi avec Mme de Rochemaure, dont il

ne perçoit pas qu’elle le fait nommer juré au Tribunal Révolutionnaire pour le

manipuler, mais aussi en raison d’une attirance sensuelle indéniable.

• Il ne s’agit donc pas d’une simple timidité, mais d’une absence d’expérience

et d’une absence de pertinence dans sa perception du monde – autant de traits

qui auront de très graves conséquences dans son évolution.

• G. obéira à des idéologies, sans être capable de démêler la complexité de la vie

et des événements.

3/ L’aveuglement

• Cette vertu excessive conduit à un véritable aveuglement.

• Aveuglement présent dans la tirade ouvrant l’extrait.

• Exclamations et interrogations montrent la passion partisane de G. – ce qui

contraste avec l’idéal de mesure et de modération du narrateur.

• Dimension très assertive du discours de G.

• G. se fait l’écho de propos/discours qui ne sont pas de lui (toute une rhétorique

de la trahison et de la patrie en danger dont on verra dans la suite du roman

qu’elle est commune à la plupart des personnages « enragés »).

• Culte du chef.

• G. = suiveur ; personnage faible, capable de céder à tous les mouvements de

foule, à tous les délires collectifs > absence d’esprit critique > personnage en

ce sens très dangereux.

• L’ironie, qui permet de mettre le personnage de G. à distance et de souligner le

danger qu’il représente, remplit par conséquent une fonction capitale dans la

construction du portrait du protagoniste et complète les informations fournies

explicitement par le texte.

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III/ La défiance à l’égard de la Révolution

1/ La confiance insensée de Gamelin

• Le traitement ironique que subit le personnage de G. rejaillit nécessairement

sur la RF elle-même, à laquelle il adhère sans restrictions.

• Sa mère et le narrateur rappellent l’excès de ses enthousiasmes (p.14-15).

• Personnage qui manque de maturité ; mais le danger de la RF est justement

qu’elle va donner des responsabilités considérables à des individus de ce type.

• P.15 : « Elle recommença ses lamentations… » : la phrase montre que les deux

personnages sont enfermés dans leurs discours respectifs > caractère machinal

des convictions de G.

• Le problème est que la RF semble échouer à former des consciences critiques

> l’aveuglement de G. identifie la RF à une nouvelle religion, autrement dit à

un nouveau dogme, ce qui est pour le narrateur un moyen de la critiquer.

• Bien sûr, pour le lecteur moderne, la foi de G. en Robespierre est significative

> c’est Robespierre qui est l’incarnation des excès de la Terreur (même si cette

figure jouissait encore d’un certain prestige auprès des Républicains du début

du XXe siècle).

• Critique adressée au « nationalisme ouvert » de G. (p.15)

2/ Le bon sens de sa mère

• Par opposition à son fils, la mère de G. témoigne d’un certain bon sens (même

si elle est elle aussi victime de l’ironie du narrateur, qui la montre enfermée

dans son propre discours).

• + en phase que son fils avec la réalité du temps.

• + modérée.

• Critique à l’égard de l’AR (fin de la page 17)

• Attitude représentative du peuple parisien de l’époque :

o Exaspération à l’égard des privilèges

o Haine de Marie-Antoinette

o Sympathie à l’égard de Louis XVI (pendant longtemps)

• La mère de G. n’est pas le porte-parole de France ; elle est la représentation du

peuple parisien de l’époque.

• Modération = pas d’enthousiasme excessif pour les héros du jour.

• Bon sens réaliste, qui n’exclut pas un certain goût du plaisir (ce qui ne manque

pas de la distinguer de son fils).

• Le goût du plaisir et de la vie apparaissent tout au long du roman comme des

garants de la mesure et de la modération.

• La mise en regard des deux personnages est en tout cas une incitation à cette

modération qui est présentée dans Les Dieux ont soif comme la première des

vertus politiques.

Conclusion

• Scène d’exposition.

• L’ironie permet de révéler plusieurs enjeux capitaux du roman.

• L’aveuglement de G. rejaillit sur la RF qui fait l’objet de son adoration.

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La Révolution dans Les Dieux ont soif

• Roman historique situé entre le début de 1793 et la chute de Robespierre, soit

la fin du mois de juillet 1794. Période connue sous le nom de Terreur - il s’agit

en fait du moment où la politique de la Convention se radicalise, où la menace

intérieure et extérieure conduit le pouvoir en place à une réaction violente, qui

prend toutes les formes de l’arbitraire et de la démesure.

• Il s’agit donc du moment le plus terrible et le plus sanglant de la RF, celui qui

est resté dans les mémoires comme le plus négatif.

• Roman historique = nécessité de commenter la manière dont l’auteur s’y prend

pour recréer le contexte de l’époque.

• Mais nécessité de s’interroger aussi sur les rapports entre le contexte décrit et

le contexte d’écriture du livre.

• La RF est porteuse de valeurs et de significations politiques qu’il importe de

mettre au jour et d’expliciter.

• Ambiguïté de la position de France, qui n’est pas hostile à la RF (on ne peut le

ranger dans la mouvance contre-révolutionnaire), mais qui souligne les excès

et les abus de cet événement fondateur de la modernité politique.

• Problématique : comment l’évocation de la RF dans Les Dieux ont soif mêle-

t-elle les impératifs de la reconstitution historique et de la démonstration en

faveur de la tolérance politique ?

I/ La reconstitution historique

1/ Le contexte politique et économique

• Double héritage littéraire et intellectuel chez Anatole France :

o L’ironie et le sens de la modération des Lumières (cf en particulier la

notion de tolérance chez Voltaire).

o Le roman réaliste du 19e siècle.

• Le roman historique est lui-même un genre couramment pratiqué au XIXe

(Dumas, Mérimée, Balzac, etc.)

• Mais par opposition aux écrivains romantiques qui viennent d’être cités, la

reconstitution à laquelle procède A. France témoigne d’un plus grand souci de

réalisme et de fidélité à l’époque représentée – on mesure en ce sens tout le

chemin parcouru dans le roman depuis la 1ère

moitié du XIXe.

• Soin particulier accordé à la reconstitution du contexte politique des années

1793-1794.

• Les principaux enjeux politiques du moment :

o Le péril de l’invasion extérieure : armées européennes coalisées contre

la France – guerre ouverte à la suite de l’exécution de Louis XVI, qui a

eu lieu le 21 janvier 1793 (autrement dit qui a déjà eu lieu au moment

où s’ouvre le roman).

o La répression des Girondins (ou Brissotins), à partir de juin 1793 : il

s’agit de l’opposition entre les fédéralistes modérés et les montagnards

beaucoup plus intransigeants (expliciter un peu plus ces enjeux).

o La constitution du Tribunal Révolutionnaire de Paris, qui en raison de

son fonctionnement de plus en plus expéditif, est de + en + contesté.

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• A ces enjeux politiques s’ajoutent des enjeux économiques capitaux :

o La crise monétaire (dévaluation) et la pénurie alimentaire.

o A. France marque bien la défiance envers les assignats (i.e. la monnaie

papier : cf l’épisode de l’aubergiste, p.110).

o Description du contexte de manque dans lequel vit le peuple > or c’est

ce contexte que le narrateur rend en partie responsable du radicalisme

révolutionnaire.

• Reconstitution claire, possédant une véritable dimension pédagogique.

• Reconstitution d’autant plus lisible qu’elle met en scène des figures d’autant +

connues qu’elles appartiennent au panthéon républicain (Marat, Robespierre,

mais aussi les Girondins, réévalués depuis).

• Procédé typique du roman historique : insertion de personnages de fiction dans

la grande histoire – à la marge.

• Procédé utilisé par Flaubert dans L’Education sentimentale (1869).

• Cf ici la dévotion de Gamelin pour Marat ou Robespierre, qui n’apparaissent

toutefois que comme des ombres portées, des silhouettes.

2/ Les mœurs et les mentalités

• Importance accordée par France à la reconstitution des cadres de la pensée et

de la sensibilité à la fin du 18e siècle.

• Importance des questions relatives à la mode.

• Cf p.98.

• Humour : la référence à Winckelmann.

• Opposition (peut-être un peu simpliste en termes d’histoire de l’art) entre le

goût d’AR, jugé décadent par Gamelin, et le culte de l’antique caractérisant le

régime révolutionnaire.

• Importance, surtout, de la grande question de la religion/athéisme/raison :

o Père Longuemarre

o Brotteaux

o Culte de la raison et haine de l’athéisme dont témoignent Robespierre

et de ses suiveurs (p.135-136).

• Héritage du Siècle des Lumières : les philosophes étaient surtout déistes (avec

quelques notables exceptions athées : d’Holbach et surtout Diderot).

• Description des moyens utilisés pour survivre.

• Description des milieux :

o Artisans

o Artistes

o Aristocrates ruinés (Brotteaux)

o Personnel révolutionnaire, issu de l’artisanat et de la petite bourgeoisie

(cf Fortuné Trubert, opticien, etc. > France donne à voir l’implication

du peuple dans la RF, son organisation et ses excès).

3/ La géographie parisienne

• Précision des descriptions du Paris de l’époque.

• Paris qui a beaucoup changé depuis (travaux d’Haussmann)

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• Erudition + précision de France.

• Mais aussi goût du pittoresque associé depuis l’époque romantique au genre

du roman historique.

4/ Rupture et continuité

• La reconstitution historique pose le problème de la RF comme rupture ou au

contraire comme continuité.

• Rupture :

o Le personnel nouveau

o Le rejet de l’AR

o Les circonstances exceptionnelles

o Les institutions nouvelles

o Le culte de l’égalité

• Continuité :

o La satire de la justice et du pouvoir (cf Brotteaux et son éloge ironique

du Tribunal Révolutionnaire, p. 83 > satire faite au nom de principes

universels : l’incapacité des hommes à discerner le Bien du Mal et le

triomphe éternel des passions sur la raison et la modération).

o La continuité des comportements (Desmahis, Jean Blaise, etc.)

o Commenter à ce propos la place de l’amour, qui apparaît comme une

permanence face à un présent déraisonnable.

o La RF est vécue par beaucoup comme une situation passagère (cf le

scepticisme de la mère de Gamelin p.17-18, mais également celui de

Brotteaux tout au long du livre : influence de l’épicurisme de Lucrèce :

tout est transitoire, rien ne dure, pas même les régimes les plus forts en

apparence).

5/ L’ironie

• La reconstitution historique de la période révolutionnaire accorde à l’ironie

une place de choix.

• France se moque des engouements de l’époque, et en particulier de l’obsession

rousseauiste de la nature (p.45 notamment).

• Omniprésence de « Jean-Jacques » : penseur capital, mais aussi grand succès

de librairie au 18e siècle (La Nouvelle Héloïse notamment).

• Emploi amusé, récurrent et ironique de l’expression « ci-devant ».

• Cf dès le 1er

chapitre, page 2, la « ci-devant sacristie ».

• France se moque de l’obsession révolutionnaire de tout renommer – pour tout

détruire au mieux.

II/ Un appel à la tolérance et à la modération

1/ Les rapports entre le contexte décrit et le contexte d’écriture

• Le choix d’un moment significatif de la RF : la Terreur.

• Importance de la Révolution – y compris de la Terreur – dans la mythologie

républicaine.

• France favorable à la République – mais favorable aussi à la modération.

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• Les Dieux ont soif ne doit pas être lu comme une œuvre contre-révolutionnaire

– ce serait un contre-sens.

• Le catholicisme du père Longuemarre est d’ailleurs lui aussi soumis à l’ironie

du narrateur > le vieil homme reste en effet prisonnier de représentations et de

schémas qui n’ont plus cours > il ne perçoit pas que les temps ont changé.

• De nombreux personnages, à l’image de la mère de Gamelin, sont conscients

des inégalités et du caractère insupportable de l’AR.

• Contexte marqué par le déchaînement des passions politiques :

o Affaire Dreyfus

o Séparation de l’Eglise et de l’Etat (loi de 1905)

o Hostilité grandissante à l’égard de l’Allemagne.

• Tout en étant de gauche, France appelle à la modération et à la tolérance, dans

la tradition voltairienne.

• Le contexte de la RF pose à ses yeux des problèmes qui se situent dans un tout

autre contexte, mais qui, par certains aspects, sont encore d’actualité.

• La reconstitution d’un contexte pittoresque et la démonstration politique

en rapport avec le contexte d’écriture sont donc habilement articulés dans Les

Dieux ont soif.

2/ Une démonstration politique : la nécessité de la modération

• La condamnation ne vise donc pas l’ensemble du processus révolutionnaire,

mais un épisode bien précis de la RF, la Terreur.

• Le trajet de G. est exemplaire du dérapage de la RF.

• Nous sommes donc bien dans un roman à thèse, qui se sert d’une expérience et

d’un trajet individuels afin d’illustrer un épisode historique, mais aussi afin de

tenir un discours plus général sur le pouvoir politique.

• Importance des chapitres comme le chapitre XIII, qui résument la situation et

montrent l’évolution du contexte.

• Commenter en particulier l’emploi de l’impératif – aspect itératif + temps de

la description, autrement dit dressant une sorte de décor/toile de fond > tout se

passe comme si les personnages étaient dans ces chapitres entièrement soumis

à l’évolution d’un contexte les englobant et les dépassant (cf aussi le chapitre

XV, et notamment les premières phrases de ce chapitre).

• Ce qui est mis en scène, c’est une déshumanisation progressive de la RF :

o Horreur croissante

o Mais surtout dimension de plus en plus mécanique des comportements

et des décisions :

� Impossibilité d’acquitter en raison d’une folie de mort qui s’est

emparée de tous, y compris des accusés (p.139).

� Monstruosité de G. (p.140, aux yeux d’Elodie).

• Ce que dénonce France, c’est un univers où les comportements mécaniques et

où le conformisme aveugle remplacent peu à peu la raison, le bon sens et le

goût de la vie (dans les derniers chapitres du roman, on a le sentiment très net

d’un emballement du Tribunal Révolutionnaire : plus rien ne semble capable

d’arrêter la Terreur, si ce n’est un renversement du régime).

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Conclusion

• Bien noter la double dimension : reconstitution historique + démonstration.

• Autrement dit : complexité du roman réaliste + défense d’une thèse.

• Le jugement porté par France sur la RF reste ambigu > le roman possède en

effet une dimension non conclusive.

• Critique de la Terreur – mais pas dans une perspective contre-révolutionnaire.

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Amour et bonheur dans Les Dieux ont soif

• Amour :

o Humain, physique, la passion

o De l’humanité, du genre humain > thème important de la Philosophie

des Lumières et des discours plus ou moins officiels du pouvoir durant

la RF.

• Bonheur :

o Individuel

o Collectif > se pose alors le problème du rapport individu / nation > la

dimension individuelle doit-elle primer la dimension collective, c’est-

à-dire nationale ? Doit-on subordonner l’individu à la collectivité ? Ces

questions sont particulièrement d’actualité dans le contexte de l’Affaire

Dreyfus et des années qui suivent cet événement (expliquer dans quelle

mesure l’Affaire a mis cette question sous les feux de la rampe).

• Rappeler que la question du bonheur est une question clé du XVIIIe siècle : à

cette époque, les réflexions destinées à fonder et à garantir de bonheur de

l’humanité se sont multipliées.

• Importance dans Les Dieux ont soif de l’œuvre de Rousseau – présentée de

manière ironique comme une œuvre à la mode, réduite à une série de maximes

ou de principes censés garantir le bonheur individuel et collectif dans le cadre

d’une vie tranquille et champêtre.

• Bien sûr, l’ironie tient au décalage entre l’idéal rousseauiste (cf La Nouvelle

Héloϊse et la petite société « plus choisie que nombreuse » sur les bords du lac

Léman) et les exactions de la Terreur.

• Problématique : En quoi Anatole France présente-t-il la pratique de l’amour

et du plaisir comme un contrepoids aux excès des passions politiques, et en

particulier à la volonté de faire le bonheur des hommes malgré eux ?

I/ Faire le bonheur du genre humain

1/ Universalisme de la RF et « nationalisme ouvert »

• La RF se fonde sur le projet de « faire le bonheur du genre humain »

• Cf ce que dit Gamelin p.15. Ironie du narrateur.

• Discours « nationaliste ouvert » : expliquer la notion en faisant référence à M.

Winock et à Nationalisme, fascisme et antisémitisme en France, Paris, Seuil,

1990.

• L’idée dominante de la RF est que la France doit montrer au reste du monde le

chemin du bonheur et du progrès.

• Idée qui est encore dominante sous la Troisième République.

• France ne remet pas complètement en cause cette idée ; seulement, il souligne

les excès et les abus auxquels elle a pu servir de prétexte.

• Cette idée de bonheur collectif à imposer repose sur la conviction de détenir la

vérité : le livre va condamner le dogmatisme de Gamelin ou de Robespierre au

même titre que le catholicisme traditionaliste du père Longuemare ; toutefois,

la condamnation du Barnabite passe essentiellement par la moquerie, tandis

que celle des révolutionnaires radicaux est plus virulente, plus directe, surtout

dans la seconde moitié du roman (mais c’est que le père Longuemare est ici le

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représentant du catholicisme en tant que victime ; pas du catholicisme en tant

que bourreau, comme cela a pu être le cas plus tôt dans le siècle).

• Les Dieux ont soif montre les dérives des théories du bonheur : en particulier,

la référence à Rousseau est ici significative, dans la mesure où Rousseau est

réduit à un phénomène de mode, sans être capable de créer de l’esprit critique

chez ses lecteurs.

• Les thèmes de la liberté et du bonheur sont constamment utilisés en tant que

raisonnements et arguments d’auto-justification par les révolutionnaires les +

radicaux (cf notamment p. 211, où ils s’inscrivent dans un acte d’accusation

particulièrement grotesque).

2/ L’amour du genre humain : un discours perverti

• Ce que le roman montre en effet, c’est la perversion d’un discours.

• Le problème est donc moins l’idée de bonheur que le mauvais usage qui en est

fait.

• La notion de bonheur est associée aux Montagnards depuis la célèbre phrase

de Saint-Just : « Le bonheur est une idée neuve en Europe ».

• Or ce bonheur de plus en plus chimérique justifie tous les sacrifices (cf p. 196

sq.)

• La condamnation de Robespierre (p.134, fin du troisième paragraphe) se fait

au nom d’une abstraction que Robespierre a déifiée, au lieu d’être sensible au

bon sens et à la complexité des hommes.

• L’aveuglement de Gamelin le conduit à justifier tous les jugements qu’il a

rendus – et même son sacrifice – au nom du bonheur collectif à venir (p. 226 ;

aussi p. 231).

II/ Evariste et Elodie : une passion brutale

1/ La sensualité de Gamelin : violence et brutalité

• Fanatisme de Gamelin, littéralement aveuglé par la propagande robespierriste,

au sein de laquelle l’idée de bonheur remplit donc une fonction importante.

• Le fanatisme de Gamelin va avoir un équivalent dans le domaine des sens et

de l’amour, le personnage témoignant d’une sensualité violente, extrême.

• Gamelin ne comprend pas bien Elodie :

o Vrai lorsqu’il ne se rend pas compte que c’est elle qui rend leurs aveux

possibles.

o Vrai aussi au moment de la confession (le séducteur)

• Violence du désir qu’Elodie inspire à Gamelin : pas de raffinement, pas d’art

de la séduction, mais une passion brutale.

• Gamelin cherche « l’oubli » dans les bras d’Elodie (p.184 notamment).

• Cette sensualité lourde et violente est source de jalousie ; jalousie qui vient à

son tour compromettre le jugement de Gamelin et le pousser à commettre un

véritable critique à l’encontre de Jacques Maubel.

• Ironie du sort : Gamelin ne reconnaît à aucun moment son véritable rival, qu’il

a pourtant constamment sous les yeux,

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• Cette sensualité violente, quasi bestiale, a dans le roman un équivalent encore

plus monstrueux à travers le personnage du juge Renaudin qui oblige Julie à

coucher avec lui (p,202-203).

• Cf la brutalité du procédé.

• Surtout, la description physique de Renaudin (p.202) > véritable animalisation

du protagoniste.

• France établit une sorte de schéma récurrent : sensualité lourde et violente des

pires révolutionnaires > France établit une sorte de lien entre sexualité violente

et violence politique, absence de mesure.

• Il s’agit moins d’une explication que d’un profil type.

• Il s’agit bien sûr d’une critique du personnel le + radical de la RF.

2/ L’attirance ambiguë d’Elodie

• Ambiguϊté du personnage d’Elodie.

• Goût du plaisir + prudence (cf l’aveu à Gamelin)

• Mais dans le même temps, elle aussi est sensible à cette sensualité violente.

• Cf p. 140 ; cf aussi p. 166-167, après la condamnation de Jacques Maubel.

• Attirance pour la force, la violence, etc.

• France montre la complexité des relations amoureuses et sensuelles, ainsi que

le mélange de sentiments ou de sensations contradictoires.

III/ Un éloge du plaisir et de la sensualité

1/ Plaisir et sensualité

• Il n’en demeure pas moins que le récit fait l’éloge d’une sensualité saine,

vivante et équilibrée.

• Cf Desmahis ; cf Elodie quand elle n’est pas avec Gamelin ; cf enfin et surtout

la figure de Brotteaux.

• Brotteaux = homme qui a bien vécu.

• Goût du plaisir.

• Epicurisme dans les deux sens du terme :

o Matérialisme athée issu de Lucrèce (monde composé d’atomes qui se

combinent et se « recombinent » indefiniment).

o Sens + courant (mais moins exact) = profiter du moment présent.

• Brotteaux meurt en victime/martyr ; mais Desmahis, grâce à son insouciance,

réussit à passer à travers l’épisode de la Terreur.

• Dans la bouche de Brotteaux, valorisation des plaisirs de l’AR : nostalgie qu’il

exprime > sa perception du présent > mais aussi goût d’Anatole France pour

ce que l’on a appelé les « galanteries » du siècle de Louis XV.

2/ L’érotisme du roman

• Erotisme omniprésent.

• Les gravures érotiques.

• L’épisode de La Tronche (p.109-110) > montrer l’épanouissement des forces

de la vie chez les êtres sains (cf aussi l’influence du vitalisme de la fin du 19e

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et du début du 20e siècles sur Anatole France) > il s’agit de montrer que sous

l’humour sourdent des forces et des désirs constants.

• Valorisation de la tradition galante du 18e.

• Valorisation de Fragonard par exemple (valorisé car critique par Gamelin).

• Humour et malice du roman dans la façon de présenter les sentiments et les

rapports amoureux entre les protagonistes > ironie voltairienne fondée sur le

principe de l’euphémisme > cf p. 242 : elle était « plus qu’à demi résolue à ne

pas le laisser souffrir davantage ».

• Elodie placée sous le signe de la sensualité (« L’Amour peintre »).

3/ Une garantie contre les excès des passions

• L’amour et la sensualité apparaissent comme des synonymes de la modération.

• Plaisirs des sens = attachement à la vie et non aux dogmes/idées.

• Plaidoyer d’Anatole France pour ce que l’on pourrait appeler l’amour libre.

• Cf le contexte encore très traditionaliste de son époque.

• Idée de France : l’amour et la sensualité ne sont pas des problèmes, puisqu’ils

se situent plutôt du côté de ce qui attache l’homme – et la femme – à la raison,

à la mesure et au véritable bonheur (+ modeste et moins grandiloquent).

• Cf les prises de position publiques d’Anatole France, qui défendra Margueritte

en 1922, lors de l’affaire de La Garçonne (expliquer si assez de temps).

Conclusion

• Le roman oppose sensualité et passions politiques.

• Nuancer cependant : cf le personnage d’Elodie.

• Il reste que l’ouvrage est un éloge de tout ce qui rattache à l’existence et une

critique de toutes les croyances qui conduisent au mépris de l’humanité et de

la vie humaine – mépris d’autant plus condamnable lorsqu’il se fonde sur une

perversion des discours les plus généreux, c’est-à-dire ici des propositions des

penseurs des Lumières qui souhaitaient fonder le bonheur de l’humanité.

• Critique des principes trop abstraits.

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L’art dans Les Dieux ont soif

• Importance du thème de l’art, car le roman met en scène un milieu d’artistes

(Gamelin peintre, Desmahis graveur, Jean Blaise marchand d’art, etc.).

• Description des conditions de vie des artistes pendant la RF.

• Mais l’art possède dans le roman d’autres valeurs, essentiellement politiques.

• Les valeurs esthétiques – et surtout le néo-classicisme – sont instrumentalisées

par le pouvoir révolutionnaire. Elles entrent dans le cadre d’une propagande

qui tire ses origines du néo-classicisme et du culte de l’antique des Lumières.

• Problématique : comment Anatole France montre-t-il les valeurs politiques

assignées à l’art et aux critères du goût esthétique dans la France de la fin du

XVIIIe siècle ?

I/ Les artistes pendant la Révolution

1/ Les conditions de vie des artistes sous la RF

• Pauvreté, difficultés : cf l’atelier de Gamelin.

• Pauvreté = les débuts difficiles de tout artiste.

• Mais aussi pauvreté accrue par la crise économique :

o Perte de « pouvoir d’achat »

o Commanditaires habituels = émigrés

o Riches cachent leur argent – peur de la confiscation des biens afin de

financer l’effort de guerre.

• Artistes vivent de productions « pré-industrielles » (notamment des gravures

tirées en nombre assez grand et distribuées ensuite).

• Différence pauvreté de Gamelin / aisance de Jean Blaise.

• France pointe un marché de l’art où les profits vont aux marchands (même si

elle est très discrète dans Les Dieux ont soif, ne pas oublier l’influence des

idées socialistes sur l’écrivain).

• Cette situation rend les artistes dépendants des sujets du jour :

o Gamelin produit des volontaires et des patriotes (p.13)

o Cf aussi le jeu de cartes qu’il croit avoir inventé > ironie du narrateur

qui se moque du conformisme du personnage.

o Cf les sujets de commande et notamment le goût rousseauiste pour la

campagne, souligné lors de l’excursion hors de Paris.

• Plus tard, les sujets évolueront : gravures hostiles aux Girondins ; puis à la fin

du roman, gravures célébrant la chute de Robespierre (dernier chapitre).

• Jean Blaise demande même à Desmahis de graver un portrait de Charlotte

Corday – tout cela montre à quel point les artistes, pour leur survie, dépendent

des goûts du public et de ce que l’on appelle le « marché de l’art ».

2/ Le génie contestable de Gamelin

• Gamelin se situe dans ces contraintes.

• Il n’est pas un artiste exceptionnel.

• Elodie le croit génial (d’où une partie de son attirance), mais on peut tout à fait

interpréter cette opinion comme un produit de l’aveuglement amoureux.

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• Cela dit, pas d’évaluation définitive du talent de Gamelin.

• Les jugements portés sur son art dépendent de la façon dont les protagonistes

perçoivent le personnage lui-même :

o Haine de Julie (p.179) qui souligne la froideur, l’absence de sensibilité

de son frère.

o Indifférence bienveillante et amicale de Desmahis dans le tout dernier

chapitre.

• Néanmoins, il semblerait que le narrateur penche pour un art encore très froid

et mécanique, autrement dit « sentant l’école ».

• Gamelin reste très tributaire de ses modèles et de ses maîtres : David bien sûr,

mais aussi Hennequin (p.67), etc.

• Surtout, équivalence entre l’artiste et ses productions : ce point est très vrai en

ce qui concerne l’Oreste de Gamelin : non seulement l’Oreste lui ressemble,

mais surtout thème commun : l’homme obligé de verser le sang pour obéir a

un ordre et à des dieux qui le dépassent (même si Oreste est + encore que G. =

l’assassin de sa propre mère).

• France se moque légèrement du mythe du génie : être tout entier plongé dans

son œuvre, s’y mettre tout entier n’est pas suffisant pour produire de bonnes

peintures.

3/ L’art au service de l’érotique

• Dans le roman, l’art apparaît en fait au service de l’érotique.

• Dimension largement soulignée par A. France.

• Boutique de Jean Blaise = l’amour peintre.

• Epoque où il n’y avait pas d’autre moyen de voir des images érotiques.

• France montre bien l’importance du marché des gravures érotiques.

• L’art participe donc de la valorisation du plaisir et de la sensualité que contient

le roman et qui est aussi une valorisation du goût de la vie comme sens de la

modération (cf ce qui a été dit dans l’exposé précédent).

II/ Art et politique

1/ L’importance des commandes officielles

• Nombreuses commandes officielles : le pouvoir révolutionnaire se situe dans

la continuité du pouvoir d’AR (thème récurrent du récit) :

o Il veut montrer sa puissance en inscrivant son idéologie dans l’espace.

o Il prétend édifier des monuments durables à sa gloire.

• Bien faire apparaître l’ironie du narrateur, qui se moque de ces compositions

officielle pour lesquelles, au contraire, s’enflamme Gamelin (p.182 par ex.)

• Il s’agit de compositions allégoriques dénuées d’originalité.

• Opposition génie sincère et original / art de commande.

• L’aveuglement de Gamelin en matière esthétique consiste à vouloir concilier

les deux et à croire y parvenir.

• Une fois de plus, Gamelin, à travers sa pratique artistique, est rejeté du côté de

l’abstrait et du mécanique, au détriment du vivant et du concret (bien souligner

cette dichotomie structurante de l’ensemble du récit, voire de l’époque dans sa

totalité).

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2/ La condamnation du goût d’Ancien Régime

• Les révolutionnaires expriment une condamnation catégorique du goût d’AR,

jugé décadent et symbole – ou signe – de servitude.

• Cf p.54 notamment.

• Brotteaux = admiration pour les Flamands.

• Gamelin répète de façon dogmatique son culte de l’antique, tout en accordant

aux Flamands des qualités qui font entièrement défaut aux peintres français du

XVIIIe d’AR (Van Loo, Fragonard : portraits mondains, scènes galantes, etc.).

• Cette condamnation avait déjà été exprimée par Gamelin p.23. Elle avait été

d’ailleurs frappée par l’ironie du narrateur, dans la mesure où à cet endroit du

recit Gamelin ne se rendait pas compte qu’Elodie cherchait à provoquer ses

aveux.

• Dans l’esprit du révolutionnaire, association complète tyrannie/mœurs d’une

époque/critères du goût et de l’esthétique.

• Volonté de faire « table rase » du passé.

• Au contraire, les personnages plus mesurés, plus positifs, apprécient les scènes

de Fragonard et les grâces de cet art d’AR.

3/ Le néo-classicisme et le culte de l’Antique

• Culte de l’Antique

• Gamelin = élève de David (représentant le plus célèbre du néo-classicisme

français avec des œuvres ultérieures comme Le Serment des Horaces ou Le

Sacre de Napoléon).

• David déjà connu sous la RF.

• Député à la Convention, régicide.

• Compositions monumentales > là encore, France oppose l’esprit de système à

la vivacité et au naturel de peintres comme Fragonard.

• Néo-classicisme correspondant aussi aux modèles reconnus par les penseurs

des Lumières :

o Voltaire construit sa théorie de la tolérance en proposant sa lecture de

la politique de l’Empire romain.

o Rousseau fasciné par les exemples de vertu des grands hommes de

l’Antiquité.

• Plus généralement, classicisme = culte de la raison, de l’harmonie – et non des

valeurs féodales/médiévales (le XIXe siècle romantique sera une réaction à cet

état d’esprit).

• Dimension extrêmement politique de ce culte de l’Antique.

• L’idéal classique de Gamelin est affirmé de manière récurrente dans le récit :

p.23, p.66-67 à propos de l’Orestie, etc.).

• Ironie railleuse et légère p. 98, au sujet de Winckelmann (expliquer ce passage

en précisant qui était Winckelmann) > France critique ici un idéal qui ne reçoit

pas la sanction de la totalité du public et qui surtout est imposé pour des motifs

politiques bien plus que pour des raisons esthétiques.

• Cela dit, dans le dernier chapitre, après la Terreur, l’idéal néo-classique et les

références à l’antique ne disparaissent pas > preuve qu’il s’agit là de tendances

particulièrement lourdes du goût d’époque, i.e. inscrites dans la longue durée.

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• En France, il faudra attendre la fin de l’Empire et l’époque de la Restauration

pour que le courant romantique se développe – même s’il était déjà annoncé

par un certain nombre d’œuvres préromantiques, comme par exemple celles de

Chateaubriand.

Conclusion

• Reconstitution historique des conditions de vie des artistes sous la RF.

• Mais surtout, A. France souligne bien la dimension politique de l’art ainsi que

des critères du goût d’époque.

• Reconstitution historique des cadres de pensée et des critères esthétiques de la

période mise en scène.

• L’art participe de la propagande révolutionnaire et de l’aveuglement de figures

comme celle de Gamelin.

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Fanatisme et patriotisme dans Les Dieux ont soif

• La philosophie des Lumières s’est construite sur une critique du fanatisme

religieux et sur une valorisation de la raison.

• Valorisation, aussi, chez un auteur comme Voltaire, de l’esprit critique, de la

lucidité, de l’ironie.

• Les révolutionnaires se présentent comme les héritiers des philosophes des

Lumières ; or ce qu’Anatole France met en scène dans Les Dieux ont soif,

c’est une nouvelle forme de fanatisme – un culte de la raison, de la patrie et de

l’Etre Suprême tout aussi violent, contraignant et sanguinaire que le fanatisme

religieux qu’il est censé combattre.

• En ce qui concerne la notion de patrie, elle a elle aussi été très valorisée par la

propagande révolutionnaire :

o Défense de la patrie contre les armées étrangères (La Marseillaise, la

victoire de Valmy, etc.)

o « Nationalisme ouvert »

• Ce patriotisme censé éclairer le monde se révèle en fait ferment de violence et

de mort.

• D’une manière générale, France montre une subversion de l’idéal rationnel, le

culte de la raison aboutissant à transformer la raison en une passion, autrement

dit à brouiller la frontière entre rationalité et passion politique.

• Problématique : comment Anatole France montre-t-il le glissement de l’idéal

rationnel et patriotique en un culte identifiant la raison à la patrie à une idole et

la raison à une passion ?

I/ La critique du patriotisme fanatique

1/ Le « nationalisme ouvert »

• Gamelin p.15.

• Défense de la patrie attaquée par les armées étrangères.

• Patriotisme belliqueux > pousse à la guerre.

• Cf toute l’imagerie des armées révolutionnaires dans le chapitre 2 (à propos

des productions artistiques de Gamelin).

• Imagerie d’ailleurs présente à la fin du roman (p.240 : Jean Blaise) > ce qui

montre bien que le patriotisme militaire n’est pas le seul fait des Jacobins > ce

patriotisme belliqueux était combattu par France lui-même à son époque.

• La patrie est également jugée menacée par les « fédéralistes » (p.197).

• Idée selon laquelle la France va guider le monde sur la voie du progrès.

• Croyance toujours présente dans la première moitié du 20e siècle (cf le livre de

Michel Winock, à consulter pour se familiariser avec le contexte politique de

la 1ère

moitié du 20e siècle: Nationalisme, fascisme et antisémitisme en France,

Paris, Seuil, 1982).

• De la part des révolutionnaires, conviction d’avoir le droit et la justice de leur

côté.

2/ La patrie comme discours d’auto-justification

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• Le discours patriotique sert clairement de justification à tous les crimes.

• Chapitre XX, p. 196 > pour Gamelin, tous les comportements, même les plus

contradictoires, reviennent à « servir l’étranger ».

• Discours paranoïaque.

• Discours d’auto-justification, alors que les personnages – les révolutionnaires

– sont clairement emportés dans une folie meurtrière.

• Cf le principe selon lequel le sang appelle le sang (Britannicus de Racine).

• L’aveuglement de Gamelin le conduit à justifier son propre sacrifice – dans

un discours où les notions de patrie et de république sont synonymes (p.238).

3/ La patrie sanguinaire

• La patrie apparaît clairement comme une idole sanguinaire.

• Cf le titre du roman.

• Tout le monde devient ennemi : cf p.149 : les filles de joie > ironie de France

quant aux vertueux républicains.

• Patriotisme = vertu (pour les révolutionnaires)

• Mais en fait :

o Conformisme social (conservatisme moral)

o Hypocrisie (Renaudin, p.202).

II/ Le culte de la raison

1/ L’héritage des Lumières

• Lumières = valorisation de la raison.

• Voltaire = critique des documents ; ironie railleuse à l’égard des sots.

• Rousseau (très présent dans le roman) : sorte de raison naturelle : confiance en

la nature.

• Diderot : rationalisme critique ; matérialisme athée.

• La raison est opposée au fanatisme de l’Eglise catholique.

• Ici, comme dans l’histoire, les révolutionnaires se présentent comme les

héritiers des philosophes des Lumières.

• Cf échange Brotteaux/Gamelin (chapitre 6)

• Notamment p. 60-61 :

o Gamelin = culte de la raison

o Brotteaux met en garde contre le fanatisme de la raison

2/ Une raison dévoyée

• Ce culte de la Raison (avec un grand « R ») constitue un véritable dévoiement

de la notion de raison.

• La raison telle que l’entend France est une raison critique.

• Or ici elle est tout le contraire.

• Elle est une idole ; en d’autres termes elle est une nouvelle religion.

• France n’est pas plus tendre envers le catholicisme intransigeant et ridicule du

père Longuemare > il renvoie toutes les formes de fanatisme dos-à-dos.

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• Gamelin d’ailleurs montre à de très nombreuses reprises qu’il est absolument

incapable de faire usage de la raison critique.

• Cf la critique que Brotteaux fait du Tribunal Révolutionnaire page 83 : ironie

destinée à montrer un tribunal entièrement partial, donc complètement soumis

au jeu des passions.

3/ Le culte de l’Etre Suprême

• Philosophes des Lumières = Dieu architecte de l’univers (en tout cas position

qui n’est pas celle de tous, mais qui est très représentée, notamment chez

Voltaire).

• Dieu = horloger.

• Mécanique divine.

• Cette notion est reprise – et radicalisée – par Robespierre et ses suiveurs.

• Cf la condamnation du catholicisme de Longuemare, mais aussi de l’athéisme

(p.136).

• Fête de l’Etre Suprême (chapitre XXII, p. 204).

• Episode réel.

• Ironie consistant à faire semblant d’adopter le discours officiel et à le rapporter

au discours indirect libre.

• Là encore, les termes utilisés montrent les excès du pouvoir révolutionnaire :

« En vain l’athéisme dresse encore sa face hideuse… ».

III/ Des êtres déshumanisés

1/ Aveuglement et absence d’esprit critique

• Aveuglement de Gamelin pour ce qui est des choses de l’amour.

• Aveuglement dans son métier de juré.

• Aveuglement dans sa carrière artistique (suit des modèles)

• Aveuglement jaloux : l’exécution de Jacques Maubel, etc.

• Personnages fiévreux : cf Fortuné Trubert, le secrétaire du comité militaire de

la section du Pont-Neuf.

• Personnages obsédés ; dévorés par leur obsession.

• Personnages prêts à renoncer à toute individualité pour devenir les rouages

d’une machine gigantesque.

• Renoncement qui est là encore à replacer dans le contexte de l’Affaire Dreyfus

dont l’un des enjeux était précisément l’affirmation des droits et de la valeur

de la personne individuelle.

• Tout se passe ici comme si la RF broyait les êtres :

o Non seulement ceux qu’elle condamne

o Mais aussi ceux qui la servent et sur qui elle s’appuie.

2/ Le discours de la surenchère

• Rhétorique emphatique et presque systématiquement excessive.

• Cf le monologue de Gamelin sur les devoirs du juge, p. 197

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• Cf la non récusation de Gamelin (p.207) et le fait d’en appeler toujours aux

modèles antiques – dont celui, peu valorisé par l’historiographie du 20e siècle,

mais sans doute plus sous la RF, du Brutus assassin de son père César.

• Cf l’acte d’accusation lors de la conspiration des prisons (p.211 sq).

3/ Des « choses »

• Les monstres révolutionnaires sont comparés à des animaux (Renaudin p.202)

• Ou encore comparés à des choses (jugement de Brotteaux sur Gamelin, page

195).

• Déshumanisation ; rouages mécaniques ; personnages abstraits complètement

coupés de la réalité des choses et du vivant.

• Rapporter cette condamnation à la dévalorisation des grandes abstractions qui

caractérise le début du 20e siècle : mise en cause du scientisme, de l’idéologie

du progrès sous l’influence de Bergson, etc.

• Même si Anatole France était influencé par la pensée socialiste, il témoigne de

ce contexte et de cette « mentalité d’époque ».

Conclusion

• Condamnation du patriotisme excessif, thème de la RF, mais aussi du contexte

dans lequel écrit Anatole France.

• Condamnation de toutes les formes de cultes, religions, idoles, etc.

• Condamnation reposant sur l’opposition du vivant (concret) et de l’abstrait.

• Valorisation de l’expérience et de la vie par opposition aux principes abstraits.

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Commentaire composé : Les Dieux ont soif, chapitre IX, p.86-91

• Passage situé juste après la nomination de Gamelin comme juré au TR.

• Mise en scène du fonctionnement de deux institutions différentes de la RF :

o Le TR : émanation de la Convention et du Comité de Salut Public, i.e.

du pouvoir exécutif et législatif

o Une section – celle du Pont-Neuf, à laquelle appartient Gamelin (i.e.

une forme d’organisation locale (quartier) du peuple).

• Les deux sont montrées en train de fonctionner.

• Ou plutôt ce sont leurs dysfonctionnements que pointe ce passage.

• Là encore, on assiste à une critique des modes de fonctionnement de la RF – à

une critique destinée à expliquer comment les choses ont pu dégénérer.

• Problématique : comment Anatole France met-il en scène des institutions ou

des structures dont les dysfonctionnements annoncent les dérapages à venir ?

I/ Incompétence et arbitraire

1/ Incompétence militaire

• Procès d’un général vaincu.

• Discours antimilitariste d’Anatole France (cf contexte d’écriture : discours qui

situe France à gauche et apparaît nettement provocateur)

• P.87 : description peu flatteuse.

• Incompétence qui se traduit par des explications embrouillées, voire par une

incapacité à lire les cartes.

• Sentiment d’une très grande médiocrité.

• Attention toutefois : on ne sait pas s’il ne s’agit pas là du discours d’Evariste

au DIL – mais peu probable : on retrouve sans doute ici le narrateur avec ses

positions antimilitaristes.

• Incompétence de l’armée qui se traduit par l’énumération des désastres (p.87)

– même si, cette fois, on a clairement affaire au point de vue de Gamelin, et

par conséquent à une forme de dramatisation des événements.

2/ Incompétence judiciaire

• p.87 : le récit mêle incompétence militaire et incompétence judiciaire afin de

mieux faire ressortir la médiocrité de la scène, mais aussi la médiocrité d’une

grande partie du personnel de la RF.

• Conséquences désastreuses :

o Patrie menacée

o Fureur du peuple qui redouble

• Ce qui est montré, ici, ce sont des responsables incapables de gérer les choses

et de mener la guerre.

• Ambiguïté: la politique de Robespierre et des Jacobins s’accompagnera tout de

même d’un redressement des armées révolutionnaires. Mais à quel prix ?

3/ Arbitraire

• La pression populaire : « ils pressaient les jurés »

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• Interventions du peuple qui joueront un rôle important dans les divers procès

évoqués dans le roman.

• Justice qui ne peut s’exercer dans des conditions de sérénité.

• Pression populaire qui se ressent dans le texte à travers la réaction de Gamelin.

• Excitation : phrases exclamatives, discours indirect libre.

• Les sentiments du peuple sont aisément communicables – ici à Gamelin en

tant que membre du public, mais bientôt à Gamelin en tant que juré lui-même.

• Ambiance qui pousse Gamelin à des résolutions radicales : « Ce qu’il fallait,

c’était instruire les généraux à vaincre et à mourir » - cf d’ailleurs à ce propos

l’importance des modèles antiques.

• Gamelin fuit la salle pour ne pas céder à la pression populaire : il a encore une

certaine forme de conscience critique, qui disparaîtra bien vite.

II/ Hypocrisie et confusion

1/ Le respect des formes

• Respect des formes : défense et accusation.

• Respect des formes pour des procès arbitraires – à la fin du roman, d’ailleurs,

les formes ne seront plus même respectées.

• Respect des formes à la section :

o Jurer

o Sur l’autel de la patrie > France à ce propos souligne la continuité qui

existe à ses yeux entre le dogmatisme d’AR et le dogmatisme de la RF

(même autel).

• Formes ridiculisées par l’appel aux héros – comme des mânes ou des guides :

o Marat = incarnation de la virulence radicale

o Le Peltier : régicide assassiné peu après la mort du roi.

• Culte, déjà, des héros révolutionnaires – héros sanglants.

• Gamelin prétend respecter son rôle de juré – et sa discrétion : il apparaît

encore, dans ce passage, comme relativement modéré – mais on sait ce que

sera la suite.

2/ La stratégie de la surenchère

• Mise en scène, dans le cadre du fonctionnement de la section, d’une stratégie

que l’on peu qualifier de stratégie de la surenchère.

• Dramatisation de la situation : quelques informations vraies + beaucoup de

rumeurs (p.88 : le fils de Louis XVI n’a jamais été porté en triomphe)

• Attaques contre le TR, jugé trop modéré

• Stratégie = être plus patriote que les patriotes.

• Surenchère qui crée un climat propre à la radicalisation des positions et au

basculement dans la violence.

• Cf le personnage du dragon Henry, qui incarne cette attitude récurrente.

3/ La méfiance généralisée

• Accusations qui créent un climat de méfiance généralisée.

Page 24: Commentaire composé : Les Dieux ont soif (p.14-18)ddata.over-blog.com/xxxyyy/2/59/74/13/dimeo/Cours_Di_M-o...• Rapports « harmonieux » : il s’agit là d’une manière, pour

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• Basculement vers la Terreur = basculement vers une société où l’on ne peut

plus faire confiance à personne.

• Le texte mettra d’ailleurs en scène de nombreux personnages de délateurs (cf

au moment de l’arrestation de Brotteaux, chapitre XVII.

• Véritable pourrissement du climat politique.

• Hypocrisie des fauteurs de troubles : Dupont aîné aurait souhaité être juré à la

place de Gamelin > rancœur.

• Mise en scène d’une parodie de vertu : la plupart des orateurs et des membres

de la section suivent en fait leurs intérêts personnels, sans se soucier le moins

du monde du bien-être collectif, dont ils ne cessent pourtant de se réclamer.

III/ Dogmatisme

1/ La patrie comme idole

• Violence des réactions de Gamelin au tribunal.

• Gamelin prêt à sacrifier l’individu au profit de la collectivité et de la patrie : cf

p. 87 : « Il s’agissait bien, vraiment, de savoir si ce militaire était innocent ou

coupable ! ».

• Phrase qui bien sûr ne manque pas de faire écho à l’Affaire Dreyfus.

• Problématique capitale de l’individu et de ses droits.

• Ce que propose Gamelin = gouverner par la Terreur ; punir toute erreur de

mort.

• Cf par comparaison l’ironie de Brotteaux au début de l’extrait :

o Il faut bien qu’un général soit vainqueur ou vaincu

o Rejoint la position officielle, mais pour montrer qu’elle ne repose sur

aucune notion morale ; seulement sur une efficacité redoutable dans le

cadre de la loi du plus fort.

• Les blâmes par la louange de Brotteaux ont une double visée :

o Critiquer ironiquement les excès de la RF

o Montrer que tout repose sur la loi du plus fort et la violence instituée

en principe généralisé – comme le défend Lucrèce (Brotteaux lui-

même adhère intellectuellement à cette position, mais ne la pratique

pas, comme le montre les points de vue symétriques et inverses de

Gamelin et de lui sur la question de la peine de mort, p. 55.

2/ La résolution de Fortuné Trubert

• Présentation intéressante du personnage de Fortuné Trubert.

• Moins hypocrite que les autres – dévoué à sa cause.

• Plus résolu et plus efficace.

• N’hésite pas à recourir à des arguments de propagande : en témoigne l’exploit

invraisemblable du soldat Pommier (Augustin) > type de l’histoire destinée à

galvaniser et à stimuler les troupes.

• Mais tout aussi dangereux par son radicalisme et sa résolution, qui confirment

et redoublent le dogmatisme de Gamelin.

• Personnage fiévreux, en bout de course.

• Personnage d’un monde finissant bien plus que d’un monde nouveau.

• Personnage malade et obsessionnel.

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• Personnage qui une fois de plus s’oppose en tout à la sensualité heureuse que

défend le narrateur dans le reste de l’ouvrage.

• Les révolutionnaires sincères apparaissent ainsi tous, plus ou moins, comme

des illuminés.

Conclusion

• Passage qui pose bien les problèmes et les enjeux du livre.

• Tout est prêt, dans le fonctionnement, ou plutôt le dysfonctionnement de la RF

pour les dérapages à venir.

• La patrie, la liberté, le bonheur, etc., sont autant menacés par leurs soi-disant

ennemis que par ceux qui prétendent les servir.