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COMMENTAIRE DE TEXTE CANDIDE, Voltaire (Chap. XVIII, Ce qu’ils virent dans le pays d’Eldorado) INTRODUCTION (Phrase d’accroche)Au XVIII ème siècle, la France et l’Europe sont inscrites dans une perspective de changement. (Développement) En effet, l’association de la montée des contestations et de la volonté d’amélioration de la condition humaine amène à l’apparition d’une pensée philosophique : le mouvement des Lumières. En France, Voltaire (François- Marie Arouet) est un des acteurs de cette philosophie. Les principaux axes de cette pensée renvoient à la critique du régime autoritaire du roi et à la recherche de solutions visant à l’amélioration de la société. (Contexte de l’œuvre) Dans ce contexte instable, Voltaire écrit de nombreuses œuvres, telle que le conte philosophique Candide (ou l’optimisme) . Cette œuvre raconte les aventures du jeune Candide, qui recherche - malgré ses nombreuses péripéties - sa bien-aimée, Cunégonde. A travers cet objectif et les différents obstacles qu’il rencontre, il construit sa réflexion sur la condition humaine. Cet ouvrage est animé de références anglo-saxonnes (Voltaire fut en exil en Angleterre) et de ses pensées philosophiques. (Bref résumé du texte) Le chapitre XVIII, Ce qu’ils virent dans le pays d’Eldorado, est la description d’une visite en un monde merveilleux, en opposition au monde européen. (Questionnement par rapport à ce texte) Quelles en sont les caractéristiques ? En quoi ce monde est-il plus merveilleux qu’un autre ? Quelle est la vraisemblance de ce monde ? Quel est le message de l’auteur ? (Présentation du plan) Dans un premier temps, nous analyserons le caractère extraordinaire de l’Eldorado. Dans un deuxième temps, nous caractériserons la population de ce monde merveilleux (son peuple et ses principes). Enfin, dans un troisième temps, nous aborderons les éléments du message de Voltaire, en précisant ses références. I. Une découverte extraordinaire, proche de l’illusion a) Une situation extraordinaire (Idée 1)Dans un premier temps, l’auteur - en focalisation omnisciente - décrit un monde merveilleux, digne d’un conte. Il s’agit d’ailleurs du genre de cette œuvre (conte philosophique). (Citation/Justification par la forme) En effet, on constate une multitude de termes renvoyant au thème du merveilleux. Ainsi on relève notamment des moutons rouges et volants ; de la terre d’or ; des cailloux de pierres précieuses ; un vieillard de cent soixante-

COMMENTAIRE DE TEXTE CANDIDE, Voltaire … · (Bref résumé du texte) Le chapitre XVIII, ... plus, on ressent la transformation de Candide vis-à-vis de la découverte de ce pays

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COMMENTAIRE DE TEXTE

CANDIDE, Voltaire (Chap. XVIII, Ce qu’ils virent dans le pays d’Eldorado)

INTRODUCTION

(Phrase d’accroche)Au XVIIIème siècle, la France et l’Europe sont inscrites dans une

perspective de changement. (Développement) En effet, l’association de la montée des

contestations et de la volonté d’amélioration de la condition humaine amène à l’apparition

d’une pensée philosophique : le mouvement des Lumières. En France, Voltaire (François-

Marie Arouet) est un des acteurs de cette philosophie. Les principaux axes de cette pensée

renvoient à la critique du régime autoritaire du roi et à la recherche de solutions visant à

l’amélioration de la société. (Contexte de l’œuvre) Dans ce contexte instable, Voltaire écrit

de nombreuses œuvres, telle que le conte philosophique Candide (ou l’optimisme). Cette

œuvre raconte les aventures du jeune Candide, qui recherche - malgré ses nombreuses

péripéties - sa bien-aimée, Cunégonde. A travers cet objectif et les différents obstacles qu’il

rencontre, il construit sa réflexion sur la condition humaine. Cet ouvrage est animé de

références anglo-saxonnes (Voltaire fut en exil en Angleterre) et de ses pensées

philosophiques.

(Bref résumé du texte) Le chapitre XVIII, Ce qu’ils virent dans le pays d’Eldorado, est

la description d’une visite en un monde merveilleux, en opposition au monde européen.

(Questionnement par rapport à ce texte) Quelles en sont les caractéristiques ? En quoi ce

monde est-il plus merveilleux qu’un autre ? Quelle est la vraisemblance de ce monde ? Quel

est le message de l’auteur ?

(Présentation du plan) Dans un premier temps, nous analyserons le caractère

extraordinaire de l’Eldorado. Dans un deuxième temps, nous caractériserons la population

de ce monde merveilleux (son peuple et ses principes). Enfin, dans un troisième temps, nous

aborderons les éléments du message de Voltaire, en précisant ses références.

I. Une découverte extraordinaire, proche de l’illusion

a) Une situation extraordinaire

(Idée 1)Dans un premier temps, l’auteur - en focalisation omnisciente - décrit un monde

merveilleux, digne d’un conte. Il s’agit d’ailleurs du genre de cette œuvre (conte

philosophique). (Citation/Justification par la forme) En effet, on constate une multitude de

termes renvoyant au thème du merveilleux. Ainsi on relève notamment des moutons rouges

et volants ; de la terre d’or ; des cailloux de pierres précieuses ; un vieillard de cent soixante-

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douze ans et des montagnes droites de dix milles pieds de hauteur. De plus, la tonalité

extraordinaire de ce texte mêlée à des éléments d’un monde réel accentue le caractère

inattendu de ce pays. (Explication) Tous les ingrédients sont donc réunis pour faire adhérer

le lecteur à ce pays merveilleux. Ce dernier, à travers l’auteur et les personnages, parait

entrer dans un rêve (pas si éloigné de la réalité) où tout semble possible.

(Idée 2) Dans un deuxième temps, le milieu naturel de ce pays parait être très riche. On

observe une certaine abondance de richesses. (Citation/Justification par la forme) En effet,

il n’est pas constitué de terre mais d’or et de pierres précieuses. C’est de cette composition

qu’il tire le nom d’Eldorado (le doré). Ceci s’associe à une accumulation de termes qui amène

l’idée de richesse tels que : « or ; argent ; rubis, émeraudes ; diamants ; plumes de colibri ».

Cependant, la présence d’antithèses et d’euphémismes (cf. b)) atténuent cet aspect luxueux.

(Explication) Cet Eldorado est un pays rempli de richesses, mais elles semblent n’avoir

aucune valeur pour ses habitants.

(Idée 3) Dans un troisième temps, ces richesses semblent être à la fois matérielles

(comme nous venons de le voir) et immatérielles. (Citation/Justification par la forme)

L’auteur décrit, en effet, une société qui fonctionne à merveille. Les termes employés pour

traduire la réaction des habitants et leur accueil (le vieillard, le roi et sa cour) renvoient à

une attitude courtoise et agréable, malgré les questionnements répétitifs de Candide sur

leur mode de vie. Ainsi on relève notamment : « il rougit ; il satisfit à leur curiosité ; qui les

reçut avec toute la grâce imaginable et qui les pria poliment à souper ». En outre, la

ponctuation des phrases de ces individus reste affirmative, contrairement aux propos de

Candide qui sont souvent exclamatifs et interrogatifs. (Explication) Cela traduit d’une

certaine sagesse des habitants de l’Eldorado et d’une civilité bien ancrée. On peut noter le

contraste qui apparait entre Candide et ces gens. Les propos de celui-ci montrent

l’émerveillement qu’il porte à ce monde inconnu.

b) Un monde antinomique, en opposition à la réalité

(Idée 1) Tout d’abord, ce texte présente de fortes oppositions notamment par rapport au

contraste antinomique que l’auteur fait avec la richesse du pays. (Citation/ Justification par

la forme) En effet, on observe que l’auteur associe cette opulence à la simplicité. Ainsi on

note, concernant la description des habitations luxueuses et celle du pays, les termes : « fort

simple ; extrême simplicité ; selon l’usage ordinaire ; mon pays est peu de chose ». Toutefois

dans la phrase : « Jamais on ne fit meilleure chère, et jamais on eut plus d’esprit à souper

qu’en eut Sa Majesté », la répétition du terme « jamais » montre que l’auteur conçoit la

magnificence de ce pays. (Explication) Il semble que cette association soit ironique, afin

qu’en suggérant la simplicité, on traduise - encore plus fortement - de l’importance de ces

richesses.

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(Idée 2) Ensuite, on constate un anticonformisme concernant les relations entre

humains. (Citation/ Justification par la forme) En effet, comme nous l’avons vu

précédemment, la richesse du milieu naturel de l’Eldorado, n’a aucune valeur pour ses

habitants. Ainsi on note : « Je ne conçois pas, dit-il, quel goût vos gens d’Europe ont pour

notre boue jaune ». (Explication) Par conséquent, on peut penser que ces richesses sont les

mêmes pour tous les habitants de l’Eldorado et donc qu’il n’y a pas de hiérarchie de richesse

entre eux. Mais cet aspect est contradictoire avec le fait que leur moyen d’échange soit la

Livre Sterling et qu’ils aient un roi. (Citation/ Justification par la forme) En outre, on

constate une situation en contradiction avec le contexte de l’œuvre. En effet, les gardes du

roi et ses officiers sont majoritairement des femmes : « Vingt belles filles de la garde […] les

grands officiers et les grandes officières ». (Explication) Ceci parait surprenant pour l’époque

(1759), car la parité homme-femme n’existait pas encore.

(Idée 3) Pour terminer, on constate une inversion des rôles entre Cacambo, le valet et

Candide, le maître. (Citation/ Justification par la forme) En effet, l’auteur emploie des

pronoms masculin singulier pour faire référence aux deux personnages : « son, lui ». De plus,

la phrase : « Candide ne jouait plus que le second personnage, et accompagnait son valet »

confirme cet échange de rôle. En outre les phrases : « fit demander par Cacambo ; Cacambo

demanda humblement ; dit Cacambo, qui servait toujours d’interprète aux doutes de

Candide ; Cacambo demanda à un grand officier ; Cacambo expliquait les bons mots du roi à

Candide » montrent que Cacambo a le pouvoir sur Candide. (Explication) Cette permutation

des rôles s’explique par la barrière de la langue. Le valet, d’origine étrangère, sait parler et

traduire la langue des habitants de l’Eldorado. Ceci accentue le caractère contradictoire du

texte et renforce l’étrangeté du monde dans lequel ils ont fait escale.

c) L’effet produit et les réactions des personnages : Candide et Cacambo

(Idée 1) Tout d’abord, du point de vue textuel, on constate que l’auteur fait preuve de

beaucoup d’humour et d’ironie dans ce texte. (Citation/ Justification par la forme) En effet,

il utilise une multitude d’antithèses telles que : « Ils entrèrent dans une maison fort simple,

car la porte n’était que d’argent […] ; au milieu de deux files chacune de mille musiciens,

selon l’usage ordinaire […] ; Après avoir parcouru, toute l’après-dinée, à peu près la

millième partie de la ville ». Il emploie aussi, de façon répétitive, le terme « que » qui semble

atténuer l’importance de ce qu’il décrit. En outre, lorsqu’il parle du vieillard de cent

soixante-douze ans, il ajoute ensuite : « Excusez-moi, leur dit-il, si mon âge me prive de

l’honneur de vous accompagner ». (Explication) Par conséquent, on observe que l’auteur se

joue de son propre texte en incorporant des pointes d’humour dans ses propos. Cela laisse

penser que l’auteur sait qu’il décrit quelque chose d’extraordinaire, mais laisse le lecteur

appréhender, de lui-même la véracité des faits.

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(Idée 2) Ensuite, on observe que Candide - contrairement à Cacambo - est subjugué par

ce pays qui lui était inconnu. (Citation/ Justification par la forme) En effet, Candide par ses

interrogations montre sa curiosité. Le nombre élevé de questions qu’il pose, traduit de son

désir d’en savoir plus sur ce pays. La litote : « De tout ce qui étonnait Candide, ce n’était pas

ce qui l’étonna le moins », précise son attitude et la surprise qu’il ressent de constater

l’extraordinaireté de ce pays. (Explication) Candide est littéralement en « extase » devant ce

monde dont il semble avoir toujours rêvé, compte tenu de ce qu’il a vécu depuis sa sortie du

château de Thunder-ten-tronckh.

(Idée 3) Enfin, face à tant de nouveautés, Candide effectue un parallèle entre ce monde

et le sien. (Citation/ Justification par la forme) En effet, dans la partie du texte où il fait

référence à Pangloss, Candide, pour la première fois, contredit les propos de son précepteur

de philosophie. Pour lui, l’Eldorado est le meilleur des mondes, contrairement au château de

Thunder-ten-tronckh. En outre « il est certain qu’il faut voyager », traduit la nécessité de

prendre du recul sur sa condition et ainsi de l’améliorer, en vivant des choses nouvelles. De

plus, on ressent la transformation de Candide vis-à-vis de la découverte de ce pays : « Si nous

restons ici, nous n’y serons que comme les autres ; au lieu que si nous retournons dans notre

monde seulement avec douze moutons chargés de cailloux de l’Eldorado, nous serons les

plus riches ». (Explication) On observe donc que Candide compare son propre monde à celui

de l’Eldorado et en tire de fines conclusions. Il est très surpris par ce pays et il l’apprécie

réellement, mais il sait aussi comment s’en servir. A l’inverse, Cacambo ne montre aucun

étonnement (ni sentiment) vis-à-vis de ce monde.

II. Un peuple parfait dans le meilleur des mondes

a) La situation du pays Eldorado

(Idée 1) Tout d’abord, il semble que ce pays soit inaccessible. (Citation/ Justification par

la forme) En effet, comme le décrit l’auteur, il est isolé du reste du monde. D’une part, cet

isolement provient, du relief qui l’entoure : « rivière rapide […] qui court sous des voûtes de

rochers. […] Les montagnes qui entourent mon royaume ont dix mille pieds de hauteur, et

sont droites comme des murailles ; elles occupent chacune en largeur un espace de plus de

dix lieues ; on ne peut en descendre que par des précipices. ». En outre, l’auteur, en

employant des termes faisant référence au danger et à l’inaccessibilité : « inabordable ;

précipices, abri ; rapacité ; fureur inconcevable ; tueraient » renforce le sentiment

d’impénétrabilité de l’Eldorado. D’autre part, l’isolement nait aussi de leurs richesses

naturelles et du fonctionnement idéal de leur société. D’ailleurs le roi évoque un « miracle »

en parlant de l’arrivée de Candide et Cacambo. (Explication) Au sens littéral du texte, ce

pays est isolé et ne permet pas l’accès aux étrangers. Dans un sens plus extrapolé, cette

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situation peut laisser entendre un certain protectionnisme de l’économie locale et des

richesses de l’Eldorado. Cet isolement permet peut être, aussi, de maintenir la population.

Ainsi : « vœu de ne jamais sortir de leur enceinte » s’oppose, dans le texte à : « il est certain

qu’il faut voyager ».

(Idée 2) Cependant, malgré cet isolement, le roi et les habitants ne sont pas incultes vis-

à-vis de ce qui les entoure. (Citation/ Justification par la forme) En effet, le vieillard et le roi

font mention du peuple européen, notamment des Espagnols (les conquistadors). Ainsi on

relève : « Les Espagnols ont eu une connaissance confuse de ce pays, ils l’ont appelé El

Dorado, et un Anglais, nommé le chevalier Raleigh, en a même approché il y a environ cent

années », alors qu’ils se disent inaccessibles, autant pour les étrangers, que pour eux-mêmes

(ils ne peuvent pas en sortir). C’est une contradiction de plus qui s’ajoute à toutes les autres.

(Explication) Ce paradoxe laisse penser que Voltaire, laisse, tout au long de son texte, des

indices pour le lecteur. Cela concerne à nouveau, la recherche de la véracité des faits et la

compréhension du message implicite de l’auteur. Enfin, le vieillard parle d’une « vision

confuse » des Espagnols par rapport à l’Eldorado, ce qui semble montrer que les habitants

de ce pays, ne considèrent pas l’or et les pierres précieuses comme des richesses.

b) L’esprit de la société

(Idée 1) Tout d’abord, les habitants d’Eldorado restent des gens simples, malgré le luxe

de leurs demeures et de leur pays. (Citation/ Justification par la forme) En effet,

l’association que l’auteur fait entre l’extravagance, le luxe et la simplicité (comme vu

précédemment) provoque un sentiment de sagesse à la lecture de ce texte. (Explication) Ce

sentiment caractérise, par voie de conséquence, le peuple de l’Eldorado. Leur simplicité se

traduit dans leur accueil, dans les réponses aux questions de Candide et dans leur mode de

vie. On notera l’ironie de l’auteur lorsqu’il évoque la rencontre avec le roi. Candide et

Cacambo pensent devoir se prosterner et se faire dominer par le roi (comme en Europe)

alors que « l’usage […] est d’embrasser le roi et de le baiser des deux côtés », tout

simplement. (L’accumulation du terme « si », montre une certaine impatience et envie de la

part de Candide et Cacambo).

(Idée 2) Ensuite, ils semblent être assez consensuels et vertueux. (Citation/ Justification

par la forme) En effet, en employant des termes du champ lexical de la morale « plus sages,

consentement ; innocence ; félicité ; respectable », l’auteur présente un peuple stable et

vertueux. En outre, le vieillard ajoute « nous sommes tous ici du même avis », ce qui montre

que le peuple aspire aux mêmes idéaux, et partage les mêmes idées. (Explication) De plus,

ce peuple sage, simple et soudé ne montre aucune animosité envers les deux étrangers, ce

qui est plutôt surprenant. Ils attribuent donc assez vite leur confiance, en suivant leur

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intuition. Ils n’ont ressenti aucun danger vis-à-vis de Candide et Cacambo. Cette attitude est

réellement vertueuse.

c) L’exagération dans la description de ce monde

(Idée 1) Tout d’abord, malgré cette simplicité reproduite par l’auteur, on ressent de

l’extravagance concernant l’Eldorado. (Citation/ Justification par la forme) En effet, comme

nous l’avons vu précédemment, l’auteur atténue les faits, ce qui accentue l’effet. En outre, la

phrase : « Ils passèrent un mois dans cet hospice. », ironise sur le lieu, qui est loin d’être une

maison d’accueil pour les plus démunis. Par ce procédé d’ironie, la superbe d’Eldorado est

accentuée. Enfin, les infrastructures du pays sont surprenantes : « marchés ornés de milles

colonnes, les fontaines d’eau pure, les fontaines d’eau rose, celles de liqueurs de canne de

sucre, qui coulaient continuellement dans de grandes places, pavées d’une espèce de

pierreries qui répandaient une odeur semblable à celle du gérofle et de la cannelle » ; tout

comme leur décoration d’intérieure : « la porte n’était que d’argent, et les lambris n’étaient

que d’or, mais travaillés avec tant de goût […] le vieillard reçu les deux étrangers sur un

sopha matelassé de plumes de colibri, et leur fit présenter des liqueurs dans des vases de

diamant ». Ceci fait d’Eldorado, un rêve éveillé, un paradis sur terre. (Explication) Ceci parait

donc invraisemblable et pourrait correspondre au monde idéal.

(Idée 2) Ensuite, ce paradis est conforté dans la description par l’excentricité des chiffres.

(Citation/ Justification par la forme) En effet, tout est dans la démesure, on note : «cent

soixante-douze ans […] ; cinq ou six mille musiciens les accompagnent […] ; vingt belles filles

[…] ; le portail était de deux cent vingt pieds de haut et cent de large […] ; chacune de mille

musiciens […] ; mille colonnes […] ; trois mille bons physiciens […] ; plus de vingt millions de

livres sterling […] ; [cent deux] moutons rouges [volants] ». En ce qui concerne les moutons,

Candide et Cacambo, n’ont demandé que douze moutons, et on leur en donne cent deux, ce

qui parait fantaisiste. (Explication) Cette démesure dans les chiffres, donne une tonalité

grotesque au texte qui lui ajoute au caractère extravagant.

(Idée 3) Malgré tout, quelques indices laissent à penser que ce monde est impossible.

(Citation/ Justification par la forme) En effet, les hyperboles contenues dans la description

deviennent, au fur et à mesure du texte, trop présentes et trop extravagantes pour exister.

De plus, on constate que Candide, même émerveillé par tant de richesse et de plénitude,

veut tout de même partir d’Eldorado. La raison de Cunégonde n’est pas la seule : il veut aussi

se servir des richesses qu’il voit partout dans ce pays. (Explication) Il semble que la seule

contrainte qui existe dans ce monde (le vœu de rester en Eldorado) ne convienne pas au

personnage de Candide, aventurier, libre et amoureux. Cacambo partage l’idée de d’élever

son statut : devenir plus riche que les rois eux-mêmes.

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III. L’œil de Voltaire, la critique européenne

a) L’influence anglo-saxonne et Candide permettent la critique

(Présentation) A la suite d’un conflit qui l’opposait au chevalier Rohan, Voltaire fut arrêté

et emprisonné. Sa liberté fut conditionnée par son exile. Il partit en Angleterre, où la société,

la culture et les mœurs lui plurent. Il inclut par la suite des éléments anglo-saxons dans ses

œuvres, notamment dans ce chapitre XVIII de Candide.

(Idée 1) Tout d’abord, il connote l’économie de l’Eldorado d’un certain style anglo-saxon.

(Citation/ Justification par la forme) En effet, ce pays étrange semble très peuplé : en une

après-midi, Candide ne parcourt qu’un millième de sa surface. En outre, si l’on ajoute tous

les personnages indiqués, la population est élevée (« cinq ou six mille musiciens […] ; douze

domestiques […] ; vingt belles filles […] ; deux files chacune de mille musiciens […] ; trois

milles bons physiciens… »). Leur monnaie - contrairement aux richesses du milieu naturel -

est la Livre Sterling (monnaie anglaise), ce qui peut sembler étrange vis-à-vis du fait que le

pays soit inaccessible. De surcroît, ce pays parait tout de même très riche : « ne coûta pas

plus de vingt millions de livres sterling », somme qui est plutôt importante. On peut alors se

demander ce qui leur permet d’être si prospère, sachant qu’il n’y a aucune exportation

possible, ni colonisation étrangère et que l’or n’est pas un repère monétaire pour eux.

(Explication) On note donc une zone d’ombre concernant cet aspect économique du pays

qui est tout de même fortement marqué par la culture anglaise. En effet, le système anglais,

à cette époque, est plus prospère que la France. Ils semblent plus en avance au niveau

technique et économique.

(Idée 2) En ce qui concerne le système judiciaire, l’Eldorado n’en présente pas.

(Citation/ Justification par la forme) En effet, lorsque Candide demande à voir la cour de

justice, le parlement et les prisons, on l’informe que la ville en est dépourvue, car ceci leur

parait inutile. La phrase qui suit : « Ce qui le surpris davantage… » (en parlant du palais des

sciences), montre que l’auteur, à travers son personnage, ne trouve pas surprenant qu’il n’y

ait pas de système judiciaire. (Explication) A l’époque où Voltaire écrit cette œuvre, les

lettres de cachet vont bon train en France. Sur une simple volonté, un simple argument, un

Homme peut être emprisonné. Le système anglais, plus tolérant ne présentait pas ce genre

d’inculpations. Par conséquent, on peut imaginer que l’Eldorado soit assez tolérant, que ses

habitants soient justes et loyaux entre eux et que le roi n’exerce pas de pouvoir absolu sur

ses sujets. Concernant ce dernier point, la phrase : « c’est une tyrannie qui n’est ni dans nos

mœurs, ni dans nos lois », le confirme. (Citation/ Justification par la forme) Enfin, la phrase :

« nous sommes tous ici du même avis », inclut une certaine homogénéité du peuple et une

absence de conflits. (Explication) Malgré l’enclavement du pays, la sagesse des habitants

leur permet de vivre sainement dans un esprit de tolérance.

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(Idée 3) Enfin, la religion d’Eldorado semble très tolérante, contrairement à la France de

1759. (Citation/ Justification par la forme) En effet, le vieillard, en répondant au

questionnement de Candide, montre qu’ils croient en une autorité supérieure : « nous

avons, je crois, la religion de tout le monde : nous adorons Dieu du soir jusqu’au matin ».

Mais ce qui diffère des autres modèles religieux, c’est l’absence de « clergé », de hiérarchie

religieuse et un culte assez simple (« Nous ne le prions point […] nous le remercions sans

cesse »). Candide, qui, à travers son interrogation et une assonance en « q » dans : « Quoi !

Vous n’avez point de moines qui enseignent, qui disputent, qui gouvernent, qui cabalent, et

qui font brûler les gens qui ne sont pas de leur avis ? », montre la surprise qu’il a de constater

cela. (Explication) Cette suite d’interrogations induit de façon ironique que la religion

catholique est partout en France à cette époque. Elle gère les différentes institutions qui

existent dans le pays. Ce qui, dit de cette manière, indique à quel point son emprise est

grande et peu pertinente. Voltaire est ainsi présent dans ces propos, puisqu’il était lui-même

déiste. Pour finir, la phrase qui suit ces interrogations : « Il faudrait que nous fussions fous »,

permet à Voltaire de caractériser cette emprise, de folie.

(Idée 4) Enfin, on observe que l’auteur aborde le sujet de la colonisation. (Citation/

Justification par la forme) En effet, au début du texte, le vieillard explique : « Le royaume où

nous sommes est l’ancienne patrie des Incas, qui en sortirent très imprudemment pour aller

subjuguer une partie du monde, et qui furent détruits par les Espagnols », il fait ainsi

référence aux conquistadors espagnols qui voulurent coloniser ce partie du monde. Il ajoute

en parlant de l’inaccessibilité du royaume : « nous avons toujours été jusqu’à présent à l’abri

de la rapacité des nations de l’Europe, qui ont une fureur inconcevable pour les cailloux et la

fange de notre terre, et qui pour en avoir, nous tueraient jusqu’au dernier. ». Les termes

employés sont forts et relèvent du lexique de l’attaque, ceci traduit de l’obstination des

européens en ce qui concerne la colonisation et l’exploitation des richesses de ces terres.

(Explication) Ces propos critiquent assez ouvertement la recherche de conquête et

d’exploitation des européens. Le peuple espagnol est le plus discuté. Et à travers ces propos

on voit apparaître la notion d’esclavagisme, que Voltaire réprimandait fortement. Ce texte et

cette œuvre, par son univers exotique, reste un bon outil pour Voltaire, qui transmet ainsi

ses idées, et celles des Lumières.

b) L’idéalisation de cette société

(Idée 1) Tout d’abord, à travers ce texte on constate une certaine surestimation de

l’Eldorado. (Citation/ Justification par la forme) En effet, les hyperboles associées aux

euphémismes et aux antithèses, accentuent le sentiment de monde merveilleux, mais

indiquent tout de même que ce paradis n’est pas tout à fait « entier ». L’auteur joue sur les

mots, atténue et renforce à la fois les propos, ce qui donne un sentiment d’instabilité au

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texte et porte à croire que l’extravagance de ce monde est surjouée. En outre, on peut

observer un paradoxe généralisé dans ce texte. Tout est paradoxal et contradictoire : la

monnaie et l’inaccessibilité du pays ; le voyage, la découverte et « l’emmuraillement »; l’or

en abondance et son dédain…Cet enchevêtrement d’idées paradoxales, semblent être là

pour choquer et provoquer le lecteur. (Explication) L’extravagance, l’instabilité, le paradoxe,

et la contradiction associés, mettent à la fois, le lecteur en admiration devant ce pays et à la

fois dans une situation incertaine.

(Idée 2) Ensuite, on peut se demander, vis-à-vis du désir de départ de Candide, quels

sont les éléments qui retiennent les habitants de l’Eldorado. (Citation/ Justification par la

forme) En effet, l’auteur dans l’extrait « Il est vrai mon ami, encore une fois, que le château

où je suis né […] se résolurent de ne plus l’être et de demander leur congé à Sa Majesté.», fait

référence, en quelque sorte à la déviance humaine. Candide, à travers des arguments bien

tournés et des connecteurs logiques : « mais enfin ; et ; Si ; au lieu que », convainc Cacambo

de leur départ. En outre, l’anaphore : « Si nous restons ici, nous n’y serons […] si nous

retournons dans notre monde […] nous serons plus riches […] nous n’aurons plus […] nous

pourrons aisément », renforce l’argumentaire de Candide et martèle ses raisons.

(Explication) Malgré « l’extase » de Candide devant ce monde merveilleux, son départ est

imminent. Et comme nous l’avons vu précédemment, l’absence de Cunégonde n’est pas la

seule raison. L’appel des richesses et le désir de vivre sans jamais être dans le besoin est le

principal intérêt à leur départ. Mais alors on peut imaginer que les habitants d’Eldorado qui

font vœu de rester au pays, soit ne connaissent pas le besoin, soit ne connaissent pas

l’extérieure et la richesse de voyager et découvrir, soit sont contraints à rester.

(Idée 3) Puisque, finalement, outre leur milieu naturel et leur façon de penser, l’Eldorado

n’a rien de différent avec les pays d’Europe. (Citation/ Justification par la forme) En effet, ils

ont une monnaie, qui ne dépend pas de leurs terres ; ils vivent en communauté avec des lois

et des mœurs acceptés par tous ; le roi a des « sujets »… . (Explication) L’Eldorado possède

toutes les caractéristiques d’un pays, mais l’auteur ne fait pas réellement mention de leur

façon de penser. Alors qu’est-ce qui les rend loyaux et justes ? Pourquoi n’y a-t-il pas de

conflits ? Cette question reste en suspens, mais on peut imaginer qu’il est dans leur nature

d’être sages et bons, et qu’ils partagent un intérêt commun qui peut être la protection de

leur pays.

CONCLUSION

[Bref rappel des découvertes](Ce qui marque le plus dans le texte) Ce chapitre XVIII

est particulier par rapport à l’œuvre de Candide. (Les effets produits pour le spectateur)

L’extravagance mêlée au merveilleux et à l’ironie, accroissent le paradoxe du texte et amène

le lecteur à être surpris et indécis sur ce monde qu’est l’Eldorado. Voltaire laisse des indices

Page 10: COMMENTAIRE DE TEXTE CANDIDE, Voltaire … · (Bref résumé du texte) Le chapitre XVIII, ... plus, on ressent la transformation de Candide vis-à-vis de la découverte de ce pays

au lecteur, et utilise le texte pour faire la critique de la société européenne et plus

particulièrement française.

(Apport culturel – ouverture) Cet outil assez répandu, qu’est le conte philosophique,

est très utile à Voltaire, et aux philosophes des Lumières, pour répandre leurs idées sur le

territoire.