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COMPLICATIONS DU TRAITEMENT PAR RADIOFREQUENCE DES LESIONS PULMONAIRES CHEZ 330 PATIENTS M. Cannella, V. Brouste, M. Lederlin, J.Palussière

COMPLICATIONS DU TRAITEMENT PAR …pe.sfrnet.org/Data/ModuleConsultationPoster/pdf/2011/1/7f1f2537... · Thermo-ablation percutanée • Technique de destruction tumorale par modification

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COMPLICATIONS DU TRAITEMENT

PAR RADIOFREQUENCE DES

LESIONS PULMONAIRES

CHEZ 330 PATIENTS

M. Cannella, V. Brouste, M. Lederlin,

J.Palussière

I – Rappels

Thermo-ablation percutanée

• Technique de destruction tumorale par modification locale de température

• Froid: Cryoablation

• Chaud:

– Laser

– Courant de Radiofréquence

– Micro-ondes

A – Aspects techniques

Bases Biophysiques de l’ablation par

radiofréquence

• Diathermie (Jacques-Arsène d’Arsonval, 1891):

échauffement des tissus traversés par un courant

électrique alternatif de haute fréquence

• Courant de radiofréquence: 450-500kHz

– Agitation ionique et frictions intermoléculaires

nécrose de coagulation en 5 minutes à 55°C

• Indication posée en Réunion de Concertation

Pluridisciplinaire (onco-pneumologues, chirurgiens thoraciques,

radiothérapeutes, anatomo-pathologistes, radiologues interventionnels)

• Consultations

– Pneumologique: • Évaluation de la fonction respiratoire (réalisation d’EFR)

• Planification des suites post procédurales (nécessité d’une surveillance en

soins intensifs pneumologiques si VEMS < 1L)

– Radiologique: • Explication technique de la procédure, des bénéfices, des risques

• Choix du système d’ablation (Valleylab, Boston Scientific…)

• Prescription du bilan d’hémostase et des imageries ultérieures

– Anesthésique: • Évaluation du risque anesthésique

Modalités pratiques: pré-procédural

• Procédure scano-guidée:

– Créneau de 2h en salle de scanner

– Procédure sous anesthésie générale

– Antibioprophylaxie per et post-

procédurale par Augmentin:

• 2g IV à l’induction anesthésique

• 3g/j IV pendant 48 heures

– Prélèvement percutané per-procédural

pour les métastases dont le primitif est

probable (dans les autres cas, le

prélèvement a eu lieu auparavant)

Modalités pratiques: per-procédural

Modalités pratiques: per-procédural

–Début du chauffage une fois l’aiguille positionnée

–Au début, faible impédance (résistance dans un circuit alternatif)

–Puis, avec le chauffage, l’eau se vaporise et l’impédance monte

–Fin du chauffage: lorsque l’impédance augmente d’un coup, et atteint des valeurs telles que le courant ne passe plus (lésion complètement déshydratée) = Roll-Off

2 types d’aiguilles:

– Déployable

– Droite (rincée par du sérum physiologique réfrigéré)

Thermodynamique de l’ablation par

radiofréquence

• Élévation thermique résistive

• Diminution thermique par conduction: – Limitée dans le poumon: le «Oven effect»1

• Diminution thermique par convection au contact d’un vaisseau de plus de 3mm: le «Heat Sink Effect»2: possible cause de récidive locale3,4

1Liu & al, Int J Hyperthermia 2006; 2Lu & al, AJR 2002; 3Hiraki & al, JVIR 2006; 4Gillams & al, Eur Radiol 2008

Marges de sécurité

• Aspect de la lésion de radiofréquence1: – Lésion fantôme2 (B)

– Verre dépoli (C, D): corrélé à la nécrose histologique2

– Front inflammatoire périphérique (D1, E)

• Marges de sécurité: – Études histologiques: extension microscopique

s’étend sur3:

• 8 mm pour les adénocarcinomes

• 6 mm pour les carcinomes épidermoïdes

– Marges recommandées en 2011: 1 cm

1Gadaleta & al, AJR 2004; 2Miao & al, J Surg Res 2001; 3Giraud & al, J Radiat Oncol Biol Phys 2000

Marges de sécurité

• Différences significatives de récidives locales entre les tumeurs de moins de 2-3cm et les lésions plus volumineuses1,2,3

• Efficacité locale pour les lésions ≤ 2cm: 75%2 à 93%4

1Hiraki & al JVIR 2006; 2Okuma & al CVIR 2009; 3Yan & al Ann Surg Oncol 2007; 4de Baere & al Radiology 2006;

• En service de pneumologie (VEMS ≥ 1L)

ou en soins intensifs (VEMS < 1L)

• H4: Radiographie

• Scanner à H48 post-procédure (ou post ablation du

drain si pneumothorax)

• Sortie à J3 (ou à J5 si pneumothorax drainé)

Modalités pratiques:

post-procédural précoce

B - Indications

Critères de résécabilité par RF

• Nombre de nodules ≤ 5

• Taille de la plus grosse cible < 40 mm

• Lésion située à > 10 mm des structures broncho vasculaires hilaires

• Absence de contact avec un vaisseau ≥ 3mm de calibre

• Absence d’invasion médiastinale

Indications du traitement par RF

dans le cancer pulmonaire non à petites cellules

A – CBPNPC de stade I (T1N0, T2N0) • Gold Standard: Résection anatomique + Curage: S5 ~ 701-802% (T1)

• Si tares cardio-pulmonaires: Résection sublobaire / wedge + Curage

– Lésions ≤ 2cm: S5 ~ 80%2

– Lésions > 2cm: S5 ~ 60%2

• Si chirurgie impossible et lésion résécable: – Radiothérapie stéréotaxique hypo fractionnée (S3 ~ 40%3)

– Ablathermie percutanée par RF (S3 ~ 40%, S5 ~ 30%4)

– Ablathermie percutanée par MO

1Ginsberg & al, STS 1995; 2Okumura & al, Lung Cancer 2007; 3Fakiris & al, IJROB 2009; 4Simon & al, Radiology 2007

A – CBPNPC de stade I (T1N0, T2N0)

• Si lésion non résécable: Radiothérapie externe conformationnelle

B – CBPNPC T1N+ ou T2N+

• Si lésion résécable / patient inopérable: possible association

– Thermoablation RF ou MO pour la lésion

– Radiothérapie conformationnelle sur le médiastin

Indications du traitement par RF

dans le cancer pulmonaire non à petites cellules

Indications de traitement local des

métastases pulmonaires

• Métastases pulmonaires:

– Traitement local si

• Maladie néoplasique stabilisée

• Traitement possible de toutes les localisations secondaires

• Exemple des métastases de cancer colorectal:

– Gold standard: Résection chirurgicale (S5 ~ 40%1)

– Radiofréquence pulmonaire (S5 ~ 35%2)

– Possible association

• Métastasectomies chirurgicales du côté le plus atteint

• Traitement par ablathermie des lésions controlatérales 1 Welter EJCS 2008; 2 Yamakado Oncol Rep 2009

II – Etude

Objectifs

• Objectif principal:

– Etude rétrospective de la fréquence des complications des 369 procédures d’ablation pulmonaires par RF réalisées à l’institut Bergonié entre 2002 et fin 2009.

• Objectifs secondaires:

– Etude des facteurs de risque de pneumothorax et de drainage dans cette population

– Etude des facteurs de risque d’hospitalisation prolongée

– Etude prospective des signes fonctionnels persistants après retour à domicile (N = 25)

– Etude qualitative des complications dans deux sous-populations de nos patients:

• Celle des procédures sur poumon unique (N = 6)

• Celle des ablations bilatérales en un temps (N = 27)

Matériels & Méthodes

• Critères d’inclusion: Patients traités par ablation entre 2002 et 2009

• Critères d’exclusion:

– Nombre de cibles > 5

– Taille d’une cible ≥ 40 mm (sauf exception)

– Topographie hilaire (<10 mm d’un gros tronc bronchique ou vasculaire)

– Invasion médiastinale

– Critères hémostatiques (TP < 70%, TCK > 1.5T, Plaquettes < 100.000/mm³)

Matériels & Méthodes

• Population:

– 330 patients, soit 369 procédures

– Sexe: 195 hommes (59%) / 135 femmes (41%)

– Age moyen: 64 ± 12.8 ans, [17-86 ans]

• Recueil de données:

– Données démographiques (Age, Sexe)

– Antécédents: cause d’inopérabilité, antécédent de chirurgie thoracique

– Données lésionnelles (nature, nombre, topographie, taille)

– Données techniques du matériel et des procédures

– Complications per et post-procédurales:

• Survenue de complications

• Questionnaire prospectif sur les symptômes suivant la sortie (N = 25)

Résultats: Lésions

• Nombre et Taille des nodules traités

• Nature histologique des nodules traités

– 71 (14%) cancers primitifs

– 444 (86%) métastases

– 66% Adénocarcinomes

– 25% Carcinomes Epidermoïdes

Résultats: Complications

Catégories de complications Nombre de complications observées sur

les 369 procédures

Pourcentages respectifs

Majeures 151 40.9%

Pneumothorax drainé 148 40.1 %

Embolie gazeuse symptomatique 2 0.5 %

Hémoptysie abondante - -

Abcès pulmonaire - -

Lésion thermique du plexus brachial 1 0.3 %

Modérées 117 31.6%

Pneumothorax non drainé 114 30.8 %

Hémothorax mineurs 2 0.5 %

Pneumopathie 1 0.3 %

Mineures 43 11.6%

Epanchement pleural mineur ou modéré 7 1.9 %

Embolie gazeuse asymptomatique 3 0.8 %

Hémorragie intra pulmonaire mineure ou modérée 30 8.1 %

Compression régressive du plexus brachial 3 0.8 %

Exemples de complications immédiates:

embolies gazeuses symptomatiques

–Patient de 64 ans traité pour 2 métastases d’un adénocarcinome pancréatique

–Lors de la procédure: apparition d’air dans les veines pulmonaires

–Lors du réveil: état de mal convulsif re-sédation du patient

–AVC sylvien droit constitué sur le scanner cérébral réalisé à H12

Exemples de complications immédiates: embolies gazeuses symptomatiques

– Patiente de 72 ans traitée pour un adénocarcinome pulmonaire du lobe inférieur gauche

– Lors de la procédure: apparition d’air dans l’oreillette gauche, le sinus de Valsalva et l’aorte thoracique descendante

– Modification du tracé cardioscopique en per-procédural, puis défaillance hémodynamique et arrêt cardio respiratoire

– Mesures immédiates:

– Remplissage et réanimation

– Réveil rapide pour testing neurologique et ECG: Infarctus artère circonflexe et AVC ischémique sylvien droit

– Oxygénothérapie hyperbare en urgence: régression partielle de la symptomatologie neurologique

– A M3: régression quasi-complète de l’hémiparésie

Exemple de complication retardée:

fistule broncho-pleurale

J0 J2

J35: ré-hospitalisation pour toux, douleurs puis dyspnée brutale

J56: après 2 drains pleuraux successifs

Résultats: Facteurs de risque de pneumothorax et de

drainage en rapport avec les patients

– La présence d’antécédents chirurgicaux homolatéraux est donc un facteur protecteur de l’apparition de pneumothorax (agression pleurale créant des adhérences lors de la cicatrisation)

– La présence d’un nombre plus important de pneumothorax et de drainages chez les patients métastatiques, en l’absence d’influence du nombre de lésions sur l’incidence de ces deux évènements, est difficile à expliquer

Résultats: Facteurs de risque

de pneumothorax et de drainage

en rapport avec les nodules

– La durée de chauffage du groupe de patients ayant eu un pneumothorax est significativement plus courte que celle du groupe sans pneumothorax. Il est difficile de formuler une hypothèse pour expliquer cette donnée

Résultats: Facteurs de risque

d’hospitalisation prolongée • Durée moyenne de séjour: 3.7 ± 2.9 jours [1-45jours]

–La survenue d’un drainage pleural allonge en moyenne l’hospitalisation d’une journée

Résultats: Signes fonctionnels suivant

le retour à domicile

Symptomatologie Nombre de patients sur les

25 interrogés Durée moyenne Pourcentages

respectifs

Toux 10 8.7j 40 %

Expectoration sanglante 5 13.6j 20 %

Expectoration blanche 4 14.4j 16%

Dyspnée modérée 5 8.5j 20%

Douleurs thoraciques 12 10.3j 48 %

Fièvre 1 2j 4 %

Consultation médecin traitant pour douleurs 2 8%

– Les deux signes fonctionnels les plus fréquents sont la douleur et la toux

– La durée moyenne des symptômes post procéduraux est de moins de deux semaines et n’entraine que rarement (8%) une consultation chez le médecin traitant

Résultats: Procédures bilatérales en un

temps • 64 patients traités pour métastases pulmonaires bilatérales, 27 dans le même

temps procédural

• Age moyen: 62 ans, [30-82 ans]

• Origine des métastases:

– Colorectales: 15 cas (56%)

– Rénale: 5 cas (19%)

– Sarcomateuse: 2 cas (7%)

– Autres: 5 cas (neuroendocrines, thyroïdiennes, mammaire)

• Taux de pneumothorax: 66.7% (18 cas)

• Taux de drainage: 30% (8 cas)

• 1 épisode de pneumopathie ayant nécessité une ré-hospitalisation

• Durée moyenne d’hospitalisation: 3 jours [2-8j]

Résultats: Procédures sur

poumon unique

• 6 cas de procédures sur poumon unique

• Durée moyenne de séjour: 5.7 jours (vs 3.7 j)

Discussion: pneumothorax

• Incidence des pneumothorax dans la littérature: entre 30 et 54%

• Les facteurs de risque décrits dans la littérature sont:

– Le sexe masculin1

– L'âge de plus de 60 ans7

– L’absence d’antécédent de chirurgie thoracique1 5

– L’importance du nombre de nodules traités1 3 6

– L’importance de la longueur parenchymateuse traversée par l’aiguille1 4 6

– La topographie lobaire moyenne ou inférieure1

– La présence d’emphysème au scanner2 5 7

– La durée totale de traitement3

– La taille des lésions inférieure à 15mm7

1Hiraki & al, Radiology 2006; 2Yamagami & al, JVIR 2006; 3Yan & al, Ann Surg Oncol, 2006; 4Gillams & al, Clin Radiol 2007; 5Okuma & al, CVIR 2008; 6Zhu & al, Ann Thorac Surg 2009; 7Nour-Eldin & al, AJR 2009

Discussion: Fistule broncho-pleurale

• Fistule broncho-pleurale: 0.6%1

– Étiologie de pneumothorax récidivant ou

d’apparition retardée (3% des

pneumothorax)

– Facteur de risque: contact entre la zone

l’ablation et la plèvre2

– Physiopathologie:

• Fistule entre la zone d’ablation et une

bronche: évolution cavitaire

• Si fistule avec la plèvre: pneumothorax

retardé (FBP)

– Traitement: les deux cas de notre série ont

été traités par un drainage pleural prolongé

1Sakurai & al, JVIR 2007; 2 Yoshimatsu & al, Chest 2009

Discussion: Embolie gazeuse

• Complication exceptionnelle

• Nous préconisons une recherche active de bulles de gaz dans

les vaisseaux pulmonaires sur l’hélice de contrôle avant

chauffage

• Notre algorithme en cas d’embolie gazeuse:

– Retrait immédiat de l’aiguille

– Scanner après quelques minutes

• Si disparition des bulles: repositionnement de l’aiguille

• Si persistance de bulles:

– Arrêt de la procédure

– Remplissage vasculaire

– Réveil rapide pour testing clinique (neurologique et cardiologique)

– Si symptômes: oxygénothérapie hyperbare en urgence

Limites de l’étude

• Caractère rétrospectif (mais registre rempli de façon prospective)

• Présence de données manquantes, en particulier sur la nature des contre-

indications chirurgicales (données disponibles pour 215 / 330 patients)

• Pas de données sur les EFR, la présence d’emphysème pulmonaire,

l’évolution cavitaire des zones de radiofréquence

• Quelques procédures ont été réalisées avec des aiguilles Covidien Cool-Tip

sans qu’il soit possible dans la base de données de les différencier des

aiguilles Boston Scientific Leveen

Conclusion

• Avec 3 complications ayant des conséquences graves sur 369 procédures réalisées, l’ablation thermique par radiofréquence est une technique sûre.

• Le principal facteur protecteur de pneumothorax est la présence d’antécédents chirurgicaux homolatéraux.

• La survenue de pneumothorax et le drainage sont des facteurs d’hospitalisation prolongée.

• Avec seulement deux visites chez le médecin traitant pour douleurs post procédurales chez les 25 patients interrogés, les signes fonctionnels après retour à domicile sont modérés.

• Les procédures sur poumon unique et bilatérales en un temps n’ont pas entraîné d’augmentation de la fréquence des complications dans notre population.