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GUIDE TECHNIQUE SDAGE Bassin Rhône-Méditerranée Restaurer et préserver les cours d’eau RESTAURATION HYDROMORPHOLOGIQUE ET TERRITOIRES Concevoir pour négocier

Concevoir pour négocier...Porter les arguments écologiques 2.3. Donner à voir des arguments culturels et identitaires 3. Intégrer ces atouts dans une vision globale et historique

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Remerciements et processus de construction de ce guideLa coordination générale de ce travail a été réalisée par Laurent Bourdin et Stéphane Stroffek.Ce guide découle d’un double processus de construction :

Il est le fruit d’un processus interne à l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée et Corse qui s’est dérouléentre 2007 et 2009, le projet Garp. Ce groupe d’accompagnement à la restauration physique (Garp) avaitun double objet :

renforcer les capacités d’expertise de l’Agence de l’eau RM&C sur l’hydromorphologie ;proposer des outils, en interne et en externe, pour faciliter la mise en œuvre de ces opérations surcertains points (problématiques foncières, argumentation économique et sociale).

Dans ce cadre, 7 projets ont été accompagnés et ont donc contribué à la construction de ce guide enapportant un ancrage local : les Gardons, le Buëch, la Reyssouze, le Guiers, la Dheune, les affluents duMacônnais (Saône), le Lirou.

Ce groupe de travail était constitué à la fois de personnels de l’Agence et de prestataires externes.

Prestataires externes impliquésChristophe Bouni (AScA)

Jean-Baptiste Narcy (AScA)Bernard Couvert (SOGREAH)

Michèle Dufour (Ginger)Bruno Ledoux (Ledoux consultant)

Agathe Dufour (AScA)Gaëlle Chevillotte (AScA)Claire Bouteloup (AScA)

Personnels Agence de l’eauCéline Pigeaud

Christelle l’HuillierFabrice CathelinFrédéric Housset

Jérôme BretLaurent BourdinMichel CombeNicolas Loss

Sébastien BloyonVincent Porteret

Ensuite, un groupe de travail élargi a été constitué pour finaliser et valoriser le contenu de ce qui faitaujourd’hui l’objet d’un guide technique du SDAGE.

Ce groupe était constitué des membres suivants :David Arnaud (Syndicat Ardèche claire)

Dominique Baril (Onema – DIR de Montpellier)Christophe Bouni (AScA)

Laurent Bourdin (Agence de l’eau – DIAB)Hervé Caltran (Conseil Général 39)

Maeva Carrère (Syndicat mixte du bassin du fleuve Hérault)Fabrice Cathelin (Agence de l’eau – Délégation régionale de Montpellier)

Emeric Charron (Conseil Général 66)Michel Combe (Agence de l’eau – Délégation régionale de Marseille)

Denis Cœur (Acthys-Diffusion)Julien Corget (Syndicat de la Veyle)

Michelle Dufour (Ginger)Elisabeth Favre (CREN)

Christel Francart (Région PACA)Stéphane Guérin (Syndicat de l’Yzeron)

Jean-André Guillermin (DREAL de bassin Rhône-Mediterranée)Marion Langon (Onema – DIR de Lyon)

Jean-Baptiste Narçy (AScA)Hervé Piégay (CNRS- UMR 5600 “Environnement, ville, société”)

Vincent Porteret (Agence de l’eau – Délégation régionale de Besançon)Jean-Louis Simonnot (Agence de l’eau- DPP)Stéphane Stroffek (Agence de l’eau – DPP)

Céline Thicoipé (Syndicat de la basse vallée de l’Ain)Karine Tröger (Agence de l’eau – DPP)

Rédacteurs : L. Bourdin et S. Stroffek (Agence de l’eau RM&C),C. Bouni et J.B. Narcy (AscA) et M. Dufour (Ginger)

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SommairePréambuleIntroduction

Chapitre 1 PRINCIPES ET RÉSUMÉ DE LA DÉMARCHE

Chapitre 2 CONCEVOIR UNE STRATÉGIE DE PRÉSERVATIONET DE RESTAURATION

1. Les fondamentaux d’une stratégie1.1. Rappels sur l’hydromorphologie1.2. Hydromorphologie et DCE, une question d’évaluation1.3. Hydromorphologie et DCE, une question d’habitats

et de processus1.4. L’hydromorphologie dans le programme de mesures1.5. Les spécificités de l’approche hydromorphologique1.6. Une stratégie pour asseoir la pertinence technique

et territoriale du projet

2. Les points de repère pour la réflexion stratégique

3. Définir ce que serait une déclinaison concrète du SDAGE :une ambition pour la rivière dans son territoire

3.1. Rubrique A : Le programme de mesures3.2. Rubrique B : S’appuyer sur une approche territoriale3.3. Rubrique B’ : S’appuyer sur une expertise

physique sommaire3.4. Rubrique C : Clarifier la référence écologique

(géomorphologique et biologique)3.5. Rubrique D : traduire les objectifs visés

en grandeurs physiques, si possible quantifiées3.6. Rubrique E : Définir les périmètres techniques pertinents3.7. Rubrique F : Fixer un niveau de restauration par périmètre

technique pertinent compatible avec les objectifs environnementaux poursuivis

3.8. Rubrique G : Identifier les opportunités de développement attachées à la restauration des PTP

4. Penser l’articulation technique du projetavec les politiques publiques présentes

4.1. Rubrique H : Fixer la fourchette de négociation4.2. Rubrique I : Analyser les points de convergences

et de divergences4.3. Rubrique J : Avancer dans la connaissance foncière

des espaces

Chapitre 3 COMMENT CONVAINCRE ET MOBILISER ?

1. Identifier les cibles pour concevoir l’argumentation1.1. Les politiques sectorielles de l’eau1.2. Les politiques de préservation du patrimoine naturel1.3. Les politiques de développement et les filières économiques

1.4. Les demandes sociales à faire valoir

2. Etoffer l’analyse des atouts territoriaux du projet2.1. Bâtir une argumentation technico-économique2.2. Porter les arguments écologiques2.3. Donner à voir des arguments culturels et identitaires

3. Intégrer ces atouts dans une vision globale et historique du territoire

4. Saisir les occasions qu’offrent les actions publiques sur les territoires

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Chapitre 4 RÉCAPITULATIF DES INVESTIGATIONS À CONDUIRE

Annexes

Annexe 1 : Qu’est-ce que l’hydromorphologie ?annexe 2 : La question foncièreannexe 3 : Les convergences et les divergences

Exemple de l’hydromorphologie et des inondations

Liste des encarts méthodologiques

Encart méthodologique 1 :Analyse sommaire territorialeEncart méthodologique 2 :Réaliser une expertise physique sommaireEncart méthodologique 3 :Définir les périmètres techniques pertinents (PTP)Encart méthodologique 4 :Comment définir l’ambition R1/2/3 par PTPEncart méthodologique 5 :Analyser les effets de mon projet pour les autres acteursEncart méthodologique 6 :Analyse des divergences et des convergencesEncart méthodologique 7 :Les études économiquesEncart méthodologique 8 :Construction d’argumentaires culturel et identitaireEncart méthodologique 9 :Eléments de méthode pour l’étude historique et la construction du récit

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Liste des abréviations utilisées dans le guide

AEP : alimentation en eau potableASA : association syndicale autorisée (irrigation agricole)AZI : atlas des zones inondablesDCE : directive-cadre européenne sur l’eau (2000/60/CE du 26 octobre 2000)DCI : directive-cadre européenne sur les inondations (2007/60/CE du 23 octobre 2007)DICRIM : document d’information communale sur les risques majeursDIG : déclaration d’intérêt généralDOCOB Natura 2000 : document d’objectifs Natura 2000DREAL : direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logementDUP : déclaration d’utilité publiqueEBF : espace de bon fonctionnementEDF : électricité de FranceENS : espaces naturels sensiblesEPCI : établissement public de coopération intercommunaleEPF : établissement public foncierMEA : masse d’eau artificielle (au sens de la DCE)MEFM : masse d’eau fortement modifiée (au sens de la DCE)MISE : mission interservices de l’eau (au niveau du département)ONF : office national des forêtsOPAH : opération programmée de l’amélioration de l’habitatPAPI : programmes d’actions de prévention contre les inondationsPCS : plan communal de sauvegardePLU : plan local d’urbanismePNR : parc naturel régionalPPR : plan de prévention des risquesPPRI : plan de prévention des risques d’inondationPPRN : plan de prévention des risques naturelsPTP : périmètre technique pertinentSAGE : schéma d’aménagement et de gestion des eauxSAFER : société d’aménagement foncier et d’établissement ruralSCOT : schéma de cohérence territorialeSDAGE : schéma directeur d’aménagement et de gestion des eauxSYRAH-CE : système relationnel d’audit de l’hydromorphologie des cours d’eau (Cemagref)ZEC : zone d’expansion des crues

Bibliographie : les références utilisées sont mentionnées directement dans le texte du guideou dans les notes de bas de pages concernées.

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Ce guide est le fruit d’une réflexion entamée en 2006, avec la réalisation d’un bilanconcernant les opérations de restauration des milieux aquatiques. Ce bilan, réalisépar Biotec-Malavoi en 2006*, a permis de clarifier la question de l’ambition desopérations de restauration.

Trois niveaux de restauration ont été proposés, destinés à aider à mieux exprimerle niveau d’ambition vis-à-vis du recouvrement des processus physiques fonctionnelsdu cours d’eau, compte tenu de ses potentialités :

niveau R1 = restauration de certaines fonctionnalités par “jardinage”, mais pas dela capacité de la rivière à s’auto-restaurer et à s’auto-entretenir ;

niveau R2 = restauration d’une partie de l’autonomie de la rivière sans enlevertoutes les contraintes ;

niveau R3 = restauration par la levée de la quasi-totalité des contraintes sur lefonctionnement autonome du cours d’eau.

Parmi les autres ouvrages techniques parus récemment en appui à la mise en œuvrede la restauration physique des cours d'eau, on peut en particulier citer :

Agence de l'eau Adour-Garonne (2010) - Révision des programmes pluri-annuelsde gestion des cours d'eau, guide méthodologique, Agence de l'eau Adour-Garonne, 20 pages + film (DVD).

Comité de bassin Loire-Bretagne (mars 2011) - Guide technique SDAGE“Restauration des cours d'eau : communiquer pour se concerter”, Agence de l'eauLoire-Bretagne.

Comité de bassin Rhin-Meuse (2010) - Guide gestion des travaux de renaturationdes émissaires agricoles (ruisseaux et fossés) de plaine, Agence de l'eau Rhin-Meuse, 43 pages + annexes.

Agence de l'eau Seine-Normandie (2007) - Manuel de restauration del'hydromorphologie des cours d'eau, Agence de l'eau Seine-Normandie, 60 pages.

Malavoi J.R. & Bravard J.P. (2010) - Eléments d'hydromorphologie fluviale, Officenational de l'eau et des milieux aquatiques, 224 pages.

Office national de l'eau et des milieux aquatiques (2010), Recueil d'expériencessur l'hydromorphologie, Office national de l'eau et des milieux aquatiques, classeurde fiches.

Le guide édité par l'Agence de l'eau Seine-Normandie pose le “comment faire”technique de la restauration physique, avec comme axe directeur cette typologie R1-R2-R3. Le guide de Loire-Bretagne traite plus particulièrement de la question de lacommunication en appui à la concertation autour des projets.

Le présent guide se veut complémentaire en abordant, le plus en amont et le plusglobalement possible, la question des conditions de mise en œuvre de la restaurationphysique, en particulier le partage de ses objectifs et de la logique qui la sous-tendent.Ainsi, il pose la question suivante : “comment penser la restauration physique etconcevoir une stratégie à l’échelle de la rivière ?”.

Ce guide vise à aider la conception et la négociation des projets de restaurationhydromorphologique pour soutenir le bon état écologique des cours d’eau.Ces projets sont destinés à la mise en œuvre effective des orientations desSchémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des eaux (SDAGE) et desprogrammes de mesures. Les SDAGE intègrent les plans de gestion requis parla Directive cadre européenne sur l’Eau (DCE - 2000/60/CE).

* BIOTEC & Malavoi, J.R. 2006. Retour d'expérience d'opérations de restauration de cours d'eau et deleurs annexes, mené sur le bassin RMC. Agence de l'Eau Rhône-Méditerranée-Corse. Vol. 1 : rapport,129 p.; vol.2 fiches descriptives.

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Préambule

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Les objectifs du SDAGE doivent faire écho aux attentes des acteurs locaux,de manière à permettre la mise en œuvre d’actions (les “mesures” de la DCE)qui, parce qu’elles permettront tout à la fois de répondre aux engagementseuropéens du pays et aux besoins de développement économique et social,devraient satisfaire aux critères d’une gestion équilibrée et durable des coursd’eau.

Ce guide n’est pas centré sur les conditions matérielles de la mise en œuvre effectivede ces opérations (sur les plans technique, réglementaire, administratif, …) mêmesi un zoom sur la question foncière est présenté.

L’objectif de ce guide n’est pas tant de donner une recette technique préciseet figée que de proposer une démarche de travail et de conception des projetsde restauration hydromorphologique. A ce titre, ce guide diffère du guide SDAGEsur l’espace de mobilité** qui, lui, propose une méthode précise de déterminationde cet espace.

Il s’agit ici de construire, d’argumenter et de trouver des partenaires autourd’une stratégie qu’il s’agira ensuite de mettre en oeuvre.

** Comité de bassin Rhône-Méditerranée-Corse (1998). Guide technique SDAGE (1996-2009) n°2 :détermination de l'espace de liberté des cours d'eau, Agence de l’eau RMC, novembre 1998, 42 pages

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Introduction1. Rappel de l’importance de la restauration physique pour atteindre lesobjectifs du SDAGE

Dans les bassins Rhône-Méditerranée et Corse, les altérations physiques, témoinsde dysfonctionnements hydromorphologiques, constituent un risque susceptibled’empêcher la reconquête du bon état écologique des cours d’eau. Aujourd’hui, enRhône-Méditerranée, près d’un tiers de l’effectif des masses d’eau risque de ne pasatteindre le bon état en 2015 à cause d’altérations de l’hydromorphologie.

Ainsi, pour satisfaire aux exigences de la DCE et aux objectifs des SDAGE, lesréflexions sur la restauration physique doivent monter en puissance et se déclineren actions sur le terrain pour recréer une part des processus et les habitats quiconditionnent la présence et le maintien des communautés aquatiques du bon étatécologique. Il s’agit en effet de dépasser le stade des opérations expérimentales etd’opérer un changement d’échelle, notamment par l’engagement d’un plus grandnombre d’opérations de ce type dans un proche avenir.

Deux raisons majeures conduisent en effet à considérer la restauration physiquecomme un levier incontournable, raisons qu’il convient d’expliciter dans tout projetde ce type :

La restauration physique est unmoyen au service de diversesthématiques de la politique de l’eau.Il faut pouvoir en expliciter les lienspour justifier de son intérêt :

Quels sont donc les apports de larestauration physique à unemeilleure disponibilité en eau pourl’AEP ?

Quelles conséquences sur lescapacités auto-épuratoires et doncla gestion de l’assainissement ?

Quels impacts sur l’écologie de larivière et des milieux associés ?

Quels liens avec les problématiquesd’inondation ?

La restauration physique est unmoyen au service de la qualitéécologique.

Il est donc nécessaire de définir et deprésenter l’intérêt d’une stratégie auservice immédiat de divers usages dela ressource mais également commeune politique finalisée de reconquêted’un patrimoine : la rivière dans sonmilieu, objet de la DCE.

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La restauration physique renvoie ainsi à une approche systémique de la gestion del’eau qui dépasse la vision plus classique de l’eau en tant que ressource.

2. Bâtir une vision de la rivière à partager pour susciter l’émergencede projets : une nécessaire approche stratégique préalable

Ce changement d’approche nous engage à chercher un traitement spécifique de laproblématique hydromorphologique qui ne s’arrête pas à ses seules dimensionstechniques. En effet, modifier la morphologie d’un cours d’eau n’est réalisable qu’eninscrivant ce type d’opération dans une vision plus globale de la rivière, de sesusages et de ses fonctionnalités, ce qui revient finalement à redéfinir sa place et sonrôle dans le territoire. Cela nécessite alors le rassemblement de forces de propositionet donc le ralliement d’acteurs susceptibles de s’appuyer sur ces milieux, sur cecadre de vie “restauré”, pour développer de nouvelles opportunités pour le territoire.Un projet de restauration physique ne peut être que concerté.

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Classiquement, la concertation des projets peut être entendue comme une étape deco-construction impliquant divers partenaires : il s’agit alors d’initier toute la démarcheen réunissant l’ensemble des acteurs concernés afin, par un travail d’écoute mutuelle,de voir émerger des objectifs communs et les moyens de les réaliser. Toutefois, cetteapproche de la concertation, plaçant le processus de co-construction à l’amont detoute la démarche, n’est pas celle retenue ici, pour les raisons suivantes :

la restauration physique, contrairement à d’autres objectifs de politiques publiques,est encore un objet peu connu et donc non identifié comme un problème collectifà résoudre : il est donc difficile de vouloir réunir d’emblée une diversité d’acteursautour de cette question ;

si le problème à résoudre est rarement identifié pour tous, il apparaît en revancheclairement que les solutions techniques envisageables vont souvent s’avérercontraignantes et coûteuses : compter sur la seule dynamique de co-constructionpour surmonter cette difficulté est sans doute illusoire ;

enfin, ce guide s’inscrit à l’aval de l’élaboration du SDAGE : l’hydromorphologiequ’il s’agit ici de promouvoir est déjà porteuse d’objectifs définis, assortis d’obligationde résultat. L’hypothèse retenue est donc que c’est d’abord l’explicitation adaptéede ces objectifs qui pourra à la fois clarifier les enjeux de la restauration physiqueet déclencher une dynamique de discussion collective. Ainsi initiée, c’est biencette dynamique qui pourra alors articuler les objectifs du SDAGE avec d’autres,dans un projet commun.

Le parti pris choisi ici est donc d’inscrire d’emblée la conception d’un projet derestauration physique dans une visée stratégique.

Outil préalable à l’engagement dans une concertation, ce guide propose unedémarche pour définir les objectifs locaux de restauration physique conformesau SDAGE, les traduire de telle sorte qu’ils aient du sens pour le territoire etses acteurs, et concevoir une argumentation pour convaincre de leur intérêt.

3. Un guide stratégique pour décliner localement les objectifs du SDAGEet assurer leur traduction territoriale

Ce guide s’adresse aux personnels techniques engagés dans la mise en œuvre duSDAGE, à différents titres (agence de l’eau, services de l’État, services des collectivitésterritoriales ou des structures de maîtrise d’ouvrage, …). Par ailleurs, les élus et lesdécideurs politiques peuvent être impliqués dès la conception initiale du projet, àdes étapes plus ou moins précoces selon le contexte local de travail de l’utilisateurdu guide : ce dernier vise précisément à inscrire “en politique” les enjeux techniquesde l’hydromorphologie, de façon à ce que le niveau politique puisse s’en saisir.

Ce guide propose ainsi aux techniciens des repères concernant les sujets àaborder et il fournit des éléments de méthode pour être force de proposition et êtreainsi en mesure de susciter des initiatives concertées en matière de restaurationphysique des cours d’eau.

Il est composé de deux éléments complémentaires :

Un premier élément pose les bases de la stratégie (chapitre 1) et propose unedémarche de travail (chapitres 2 & 3). Le guide a été conçu pour être lu à plusieursniveaux de lecture :

des lignes de conduite qui donnent la direction à suivre,

des principes de travail qui constituent des points forts de la démarche proposée,

des encarts méthodologiques qui précisent les moyens mobilisables pour mettreen oeuvre la démarche,

et un exposé plus littéral qui démontre le raisonnement suivi par les rédacteurs.

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Un second élément propose des rappels et des compléments surl’hydromorphologie, sur la question foncière et sur l’analyse des convergenceset divergences entre différentes politiques (en prenant l’exemple de la restaurationphysique et des inondations).

Les renvois seront indiqués par le logo suivant :

4. Comment utiliser ce guide ?

Le guide propose une démarche de travail et peut être utilisé comme une boite àoutils.

En fonction de l’avancement de la démarche ou du projet local, le lecteur pourrautiliser ce guide pour l’aider à :

porter un regard sur les étapes déjà passées et prendre du recul sur sa démarchede construction ;

bâtir son projet (cible de restauration, argumentations…).

Trois exemples-type permettent d’illustrer cette utilisation différente du guide (cesexemples ne sont pas limitatifs de la diversité des situations qui peuvent êtrerencontrées localement) :

1er cas : une démarche de gestion globale de l’eau se met en place (SAGE,contrat de rivière…) sur le bassin versant.

Il est donc nécessaire de déterminer les thématiques prioritaires, les bons périmètresd’action, les acteurs en présence et les enjeux associés (monde de l’eau et horsmonde de l’eau). Dans l’hypothèse d’un bassin versant avec un fort historique deréaménagement (autoroute, extractions massives, remembrement…), il peut êtrepertinent de débuter par la construction d’un récit historique autour de la rivière.

2ème cas : une démarche de gestion est en cours et le sujet de la restaurationhydromorphologique est abordé suivant un angle spécifique : gestion sédimentairedes bancs alluviaux, restauration de la continuité écologique, restauration de lamobilité latérale…

En première étape, il est nécessaire de prendre du recul sur les enjeux liés à cetteapproche spécifique, analyser l’ensemble des enjeux potentiels (monde de l’eau ethors monde de l’eau), aborder les autres thématiques de l’hydromorphologie, définirles cibles et les objectifs de restauration. Concrètement, cela passe souvent par descompléments dans les cahiers des charges des études (gestion sédimentaire,continuité écologique).

Dans une seconde étape, si le projet de préservation et de restauration prend forme,il est nécessaire de mobiliser et de convaincre.

3ème cas : une démarche de gestion est en cours, le sujet de la restaurationhydromorphologique est abordé avec ou sans stratégie très précise mais des projets,portés par des tiers (inondation, espace naturels, aménagement), sont susceptiblesd’être un support ou un frein.

Pour être réactif, il est nécessaire de disposer d’une vision claire de ce que l’onsouhaite impulser en matière d’hydromorphologie : cibles biologiques, enjeuxbiologiques et humains associés au projet et objectifs et mesures de préservation-restauration.

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La démarche consiste à définir et décliner unevision de la rivière ancrée à la fois sur l’objectifd’atteinte d’un bon état ou d’un bon potentielécologique et sur la pertinence territoriale decette vision. En effet, si la restauration physiqueest bien une condition d’atteinte de cet objectif, etla préservation des processus physiques existantsune condition de la non-dégradation des eaux quisont déjà en bon état, il convient de justifier del’intérêt socio-économique d’un tel projet, enl’identifiant, en l’exprimant et en l’expliquant.

L’objectif opérationnel est de susciter lessynergies avec d’autres politiques publiqueset leurs acteurs.Le contenu de ce guide est articulé sur les lignesde conduites suivantes, que les porteurs de projetsdoivent s’approprier :

1. La première d’entre elles est de rendre lisiblele projet proposé pour les acteurs du territoireet de mobiliser autour de ses objectifs, et ceciavant même de négocier les mesures concrèteset leurs implications pour les acteurs du territoire.Pour ce faire, il faut connaître et faire émergerles objectifs qui sous-tendent les projets depréservation et de restauration physique quece soit pour le monde de l’eau (enjeuxenvironnementaux de la DCE, enjeux pour l’eaupotable, lutte contre les inondations) mais aussipour les autres mondes (tourisme, agriculture,culture, urbanisme…).

2. Le souci d’efficacité doit conduire à tirerpartie de l’autonomie du cours d’eau,autonomie à reconquérir ou à préserver, poursatisfaire nos ambitions. Il est évident qu’unelogique consistant à rendre son autonomie aucours d’eau ne peut être poussée au bout entout temps ni partout, et doit être fortementteintée de pragmatisme. Il ne s’agit pas desupprimer toute action humaine “au profit de larivière”, mais bien d’utiliser l’autonomie pourmettre en œuvre les projets. Pour cela, il convientde prendre cette autonomie comme uneréférence fonctionnelle en matière d’actions surl’hydromorphologie et, par la suite, de définirles niveaux d’ambition de chaque projet auregard de cette référence, qu’il n’est pasforcément question d’atteindre effectivement.L’intérêt de cette référence est de permettreune analyse objective des choix stratégiques,d’être clair sur les atouts à valoriser et d’identifierles solutions techniques à mettre en œuvre.

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3. Les politiques locales doivent définir et mettreen œuvre des stratégies de restauration, oude préservation, du fonctionnement physiquedes cours d’eau qui abordent les quatregrandes thématiques couvertes parl’hydromorphologie : les débits liquides, lesdébits solides, la morphologie et la continuité(cf. 2.1.1). Bien entendu, certaines thématiquespeuvent prendre des poids différents selon lescours d’eau et les bassins versants, que cesoit pour l’analyse des effets des activitéshumaines ou pour définir les prioritésd’intervention les plus efficaces.

4. Les projets de restauration hydromor-phologiques contribuent à la reconquête ouau maintien de la qualité de l’eau. Ils peuventmême dans certains cas être la seule pisteenvisageable pour compléter les actions demaîtrise des rejets polluants.

5. La gestion des quatre grands thèmes del’hydromorphologie constitue un acte territorial,qu’il s’agit de faire reconnaître, au sens où iltouche à l’avenir commun des habitants duterritoire en concrétisant et favorisant certainespréférences sociales.

6. Les porteurs de projet doivent être partieprenante de l’aménagement du territoire. Larestauration physique des rivières présente desparticularités techniques et politiques quiconduisent les porteurs de ces projets àrenouveler leurs discours et leurs actions. Ils’agit de faire évoluer la perception despartenaires du territoire vis-à-vis de ce quepromeut le porteur de projet. Ces préférencesne sont cependant pas toujours cristalliséessous forme de demandes sociales audibleset exprimées : il appartient au porteur de projetde les révéler, de leur offrir des occasions deprendre place dans le débat local. Tout projetde restauration physique doit alors trouversa place au sein de projets de territoire qu’ilest susceptible d’appuyer voire d’initier. Cefaisant, il est conduit à nouer des alliances età susciter des oppositions, à s’engager là oùcoexistent différentes visions et stratégies parrapport auxquelles il doit se situer.

7. Le porteur de projet doit rester pragmatique,c’est-à-dire se garder de l’autocensure commede l’idéalisme. Concevoir une stratégie derestauration physique revient à bâtir un projettechnique tout en assurant les conditions de

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son portage et de son appropriation par leterritoire. Deux écueils, opposés, sont à éviter :

l’autocensure lors de la définition du scénariode restauration le plus efficace a priori : celane veut pas dire qu’on méprise les réalitéslocales, au contraire. Mais il faut avoir unevision claire de ce que devrait être lefonctionnement physique pour ne pas obérerles objectifs environnementaux et pourpouvoir à terme conduire une “négociation”efficace ;

le scénario irréaliste qui pourraitdéconsidérer d’entrée de jeu toute ladémarche : ainsi, on ne détruira probablementpas une autoroute, on ne déplacera pas uneville ; en revanche, ne faut-il pas oserenvisager de déplacer une petite route ouune maison ?

8. Il est essentiel, pour exercer ce pragmatisme,de définir préalablement le “pourquoi” duprojet, avant d’entamer la négociation sur le“comment”.

9. Le domaine de négociation doit être cadrépar une explicitation des ambitions du projet et,autant qu’il est possible, par une quantificationdes objectifs techniques qui sous-tendent desactions. Le choix final d’un niveau de restaurationrésultera nécessairement d’un compromis avecles différents acteurs, mais il doit s’appuyerd’abord sur une vision de ce que devrait êtrele niveau de restauration efficace du pointde vue environnemental (ce que l’on voudrait),en faisant abstraction des contraintes qui nesont pas vraiment impératives, c'est-à-dire nonjustifiées par des impossibilités techniques ousocio-économiques.

10. Des synergies d'actions sont à initier et àdévelopper avec le monde des naturalistes, etde manière générale avec les autres politiquesenvironnementales, comme par exemple lacomplémentarité avec Natura 2000. Il en va demême avec la lutte contre les inondations et ledéveloppement économique (tourisme…).

11. Pour convaincre et mobiliser les acteursd'un territoire, il importe de construire autantque de révéler les demandes sociales autourde l'hydromorphologie. Il s'agit en effet dedépasser les problèmes liés à la gestionsectorielle et/ou au développement souventimplicite de certaines filières économiquesgênées par le projet pour, au contraire,rechercher auprès des acteurs d'autres filièreset les appuis nécessaires à la mise en œuvredes projets.

11

Idéalement, la démarche de conception desprojets de restauration physique devrait seconstruire en abordant les différentesrubriques résumées ci-dessous :

Définir ce que serait une déclinaison concrètedu SDAGE en matière d’objectifs biologiques etgéomorphologiques en s’appuyant sur unepremière analyse des autres acteurs et desautres “mondes” présents sur le territoire(identification de la cible biologique etgéomorphologique, traduction des objectifs enexigences physiques, définition des périmètresde travail et des ambitions).

Rubriques du guide :[A ; B ; C ; D ; E ; F ; G]

Penser l’articulation technique du projetavec les autres politiques publiquesprésentes

(Fixer la fourchette de négociation, analyserles convergences et les divergencestechniques avec les autres politiques).

Rubriques du guide :[H ; I ; J] et chapitre 3 (sections 1 et 2)

Donner un sens territorial au projet pourconvaincre et mobiliser (identifier les ciblesà mobiliser et convaincre, développer lesatouts du projet, les intégrer dans une visionglobale et historique du territoire).

Chapitre 3 (section 3)

Ces rubriques de A à J constituent des repèresà observer pour faciliter et rendre opérante lasynergie entre la restauration physique et les autrespolitiques publiques.

Le terme “repère” est utilisé à dessein : en effet,il ne s’agit pas de fournir au travers de ce guideune démarche figée et rigide, mais plutôt de délivrerdes messages et de fournir des méthodespermettant de s’adapter aux contextes locaux oude suggérer des compléments à apporter à desdémarches déjà engagées sur des rubriques déjàengagées.

Ce guide doit donc être pris comme une boiteà outils à l’attention des porteurs de projetspour faciliter l’appropriation et donc la mise enœuvre des projets de restauration physiquedes cours d’eau.

_ Chapitre 1 : Principes et résumé de la démarche _

Page 14: Concevoir pour négocier...Porter les arguments écologiques 2.3. Donner à voir des arguments culturels et identitaires 3. Intégrer ces atouts dans une vision globale et historique

12

_ Chapitre 1 : Principes et résumé de la démarche _

DEFINIR UNE AMBITION POUR LA RIVIERE ET SON TERRITOIRE

En régie Approche territoriale sommaire [B]

Recherche documentairesur les usages et le territoirePremière approche historiquePremière approche sociologiqueet économiqueAnalyse des typesd’occupation du solPremière approche foncière

Analysedes enjeuxSDAGE[A]

Expertisephysiquesommaire[B’]

Ce que l’on voudrait

Clarification de la référence biologiqueet géomorphologique visée [C]Traduire les objectifs biologiquesen caractéristiques physiques [D]Identifier les bons périmètres d’analyse(périmètres techniques pertinents – PTP) [E]

En régieet/ou avecune étudefondatrice

Elaboration d’un projet technique et territorial

Choix d’une ambition techniquepour chaque PTP [F]Identification des opportunitésde développement attaché au projet [G]Synthèse à plus large échelle(bassin versant, masse d’eau ou groupe demasses d’eau) de l’ambition du projet à défendre,examen de la cohérence avec les objectifs desmasses d’eau

Ce que l’on défend

En régieet/ou avecdes étudesspécifiques

Préparer la négociation

Evaluer les conséquenceséconomiqueset les convergences/divergencesentre le projet et les politiquespubliques en placeFixation de la fourchettede négociation [H]Analyse des convergenceset des divergences [I]Analyse foncièreplus poussée [J]

Préparer l’argumentation

Evaluer les enjeux de cadre de vieet d’attractivité territorialeattachée au projetArguments écologiquesArguments techniqueset économiquesArguments culturelset identitaires

Chapitre 3 sections 1 et 2

Intégration dans une vision globale et historique du territoire

Formalisation du projet : quel sens pour le territoire et pour ses acteurs ?Mise en perspective du projet et des changements induitspar le récit historique

Chapitre 3 section 3

ARTICULER LE PROJET AVEC LES AUTRES POLITIQUES PUBLIQUES

Page 15: Concevoir pour négocier...Porter les arguments écologiques 2.3. Donner à voir des arguments culturels et identitaires 3. Intégrer ces atouts dans une vision globale et historique

CH

AP

ITR

E2

13

CONCEVOIRUNE STRATÉGIE

DE PRÉSERVATIONET DE RESTAURATION

Page 16: Concevoir pour négocier...Porter les arguments écologiques 2.3. Donner à voir des arguments culturels et identitaires 3. Intégrer ces atouts dans une vision globale et historique

2CH

AP

ITR

E

1. Les fondamentauxd’une stratégie1.1. Rappels sur l’hydromorphologie

L’hydromorphologie des cours d’eau concernel’étude des relations dynamiques entre, d’une part,la caractéristique des fonds des lits (sédiments) etles caractéristiques hydrauliques (énergie de l’eau),et, d’autre part, les formes (morphologie des lits,des berges) qui résultent de leurs interactions.

Les processus hydromorphologiques sont à l’originede la création des habitats auxquels sont inféodéesles communautés vivantes aquatiques qui sont àla base, notamment, de l’évaluation de l’étatécologique.

La prise en compte des caractéristiqueshydromorphologiques (appelées aussi “physiques”)pour évaluer les habitats peut se décliner en quatregrandes thématiques interdépendantes illustréesci-après.

14

Elaborer des stratégies localesqui abordent les 4 thématiquesde l’hydromorphologie (débitl iquide - débi t sol ide -morphologie - continuité)Les politiques locales doiventdéfinir et mettre en œuvre desstratégies de préservation et derestauration qui abordent ces 4thématiques.B i e n e n t e n d u , c e r ta i n e sthématiques peuvent prendre despoids différents selon les coursd’eau et les bassins versants, quece soit pour l’analyse des effetsdes activités humaines ou pourdéfinir les priorités d’interventionles plus efficaces.

1.2. Hydromorphologie et DCE,une question d’évaluation

L’évaluation de l’état écologique des cours d’eau,selon les critères de la Directive Cadre sur l’Eau,repose principalement sur une appréciation deséléments de qualité biologique et physico-chimique.

Les indices ou indicateurs de qualité biologiquedes cours d’eau retenus dans le cadre de la DCEconcernent principalement les poissons, lesmacro-invertébrés, les macrophytes et lesdiatomées. Ces organismes répondentdifféremment aux différents types de perturbationssubies par le cours d’eau.

A noter que contrairement aux poissons, auxmacro-invertébrés et aux macrophytes qui sontplus ou moins sensibles aux variations desconditions d’habitat, les indices diatoméesrenseignent essentiellement sur les variationsde la qualité physicochimique de l’eau.

Dans le cadre de la DCE, les indices de qualitébiologique d’un cours d’eau expriment l’écart parrapport à un peuplement de référence (très bonétat), c’est-à-dire un peuplement, peu ou pasperturbé par les activités humaines, d’un coursd’eau de taille comparable et appartenant à lamême hydro-écorégion. L’évaluation de la qualitébiologique d’un cours d’eau tient donc comptedes spécificités régionales.

CONCEVOIR UNE STRATÉGIEDE PRÉSERVATION ET DE RESTAURATION

Pour aller plus loin, cf. Annexe 1 sur l’hydromorphologie

Débit liquide Débit solide

Morphologie Connectivité

Habitat

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La qualité biologique des cours d’eau estreprésentée par la diversité des organismes vivants,chacun ayant ses propres exigences ou sensibilitésen termes d’habitats, de climat, de régimealimentaire, … Ces capacités d’accueil oucaractéristiques physiques des cours d’eaurésultent en grande partie de leur fonctionnementhydromorphologique.

Les caractéristiques physiques ne constituent pasdirectement des critères d’évaluation de l’étatécologique, hormis pour qualifier le très bon état,et en dépit du fait qu’un bon fonctionnementhydromorphologique est une condition essentielleau bon état écologique des cours d’eau.

1.3. Hydromorphologie et DCE,une question d’habitats et de processus

Il est généralement admis que plus l’hétérogénéitédes habitats d’un cours d’eau est grande, plusgrande est sa diversité biologique. Celle-ci est àconsidérer à la fois dans le temps et aussi dansl’espace nécessaire au bon fonctionnement ducours d’eau.

Dans le cadre de la DCE, la recherche del’hétérogénéité des habitats doit tenir compte desexigences écologiques des peuplements deréférence. Les spécificités régionales ettypologiques des cours d’eau doivent êtreconsidérées pour évaluer ces exigencesécologiques.

Pour les masses d’eau naturelles, en effet, ce n’estpas la biodiversité maximale qui est recherchée,mais l’écart le plus faible possible avec lespeuplements de référence.

15

Il est essentiel de ne pas se tromper deréférences biologiques ou, pour le dire end’autres termes, de choix dans la trajectoirede restauration.

Certains cours d’eau sont naturellement pauvresd’un point de vue de la diversité biologique (têtede bassin versant, rivière à forte énergie et àfort transport solide). Il convient donc de resituerles objectifs biologiques poursuivis dans lecontexte typologique du bassin versant étudié,ainsi que de la situation des tronçons à restaurerdans le gradient amont-aval du réseauhydrographique auquel ces tronçonsappartiennent.

U n e r é f é r e n c e b i o l o g i q u e e tgéomorphologique inadaptée au contextelocal peut conduire à des impassestechniques (cf. rubrique C et annexe 1).

Les masses d’eau fortement modifiées (MEFM)sont des masses d’eau sur lesquelles lesmodifications de l’hydromorphologie sontsubstantielles et induisent un changement deréférence (par exemple, un cours d’eau transforméen plan d’eau, un chenal rendu profond, large etuniforme pour la navigation, etc). Pour ces massesd’eau c’est le bon potentiel qui est recherché : ceque le milieu peut donner de mieux en terme debiologie sans remettre en cause le ou les usagesà l’origine de la désignation en MEFM. Le statutde MEFM des masses d’eau est précisé dans lesdocuments des SDAGE.

_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

La Nartuby - Trans-en-Provence (83)

Le Doubs (39)

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Considérer le bon fonction-nement hydromorphologiquecomme une contribution à uneamélioration de la qualité del’eau, en complément decelle des habitats.

1.4. L’hydromorphologiedans le programme de mesures

L’hydromorphologie et la qualité de l’eau

La politique de restauration et de préservation del’hydromorphologie est bien dans la continuité dela politique de réduction de la pollution.

L’objectif commun à ces actions est la restaurationde la qualité de l’eau et des milieux aquatiques.La restauration hydromorphologique peutnotamment devenir la seule clef d’action quisubsiste pour améliorer la qualité de l’eau, lorsquela maîtrise des pollutions touche à ses limitestechniques ou économiques.

La lutte contre l’eutrophisation constitue un bonexemple d’objectif opérationnel qui requiert uneforte complémentarité entre la politique de réductiondes pollutions (réduction des intrants de nutrimentsqui fertilisent les cours d’eau et soutiennent ledéveloppement excessif d’algues ou de végétauxsupérieurs) et la politique de restauration physiquedes cours d’eau (qui peut contribuer à limiter laprésence des conditions hydrauliques oumorphologiques qui favorisent ces mêmesdéveloppements)*.

L’hydromorphologie et le choix des échellesspatiales et temporelles

La gestion de l’hydromorphologie est un voletmajeur du SDAGE.

Le programme de mesures (PdM) est un axe detravail mais ne constitue pas une stratégie locale.

Pour être mise en œuvre, cette approche globale“bassin versant et PdM” nécessite d’être incarnéeconcrètement :

dans les 4 thèmes auxquels renvoiel’hydromorphologie (débit liquide - débit solide -morphologie - continuité) : dans un bassinversant donné, quels sont les objectifs que l’onse fixe pour chacun de ces 4 thèmes ? Quelest ou quels sont les thème(s) à aborderprioritairement ? Lesquels constituent la bonneentrée pour enclencher une dynamique d’actionpour l’hydromorphologie ?

dans le choix des échelles spatiales les plusadaptées pour analyser et pour intervenirefficacement : en référence à ces 4 thèmes età leur éventuelle pondération, quel est lepérimètre cohérent pour penser les actions àprogrammer ?

dans le choix des échelles temporelles : enréférence à ces 4 thèmes et à leur éventuellepondération, quelles sont les étapes pour mettreen œuvre les actions identifiées, quelleséchéances pour atteindre les objectifs ?

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

Le Drac dans la plaine de Chabotte (05)

* Oraison F., Souchon Y., Van Looy K. (2010) - Restaurer l’hydromorphologiedes cours d’eau et mieux maîtriser les nutriments : une voie commune ? ,rapport Cemagref et Office national de l’eau et des milieux aquatiques , 41pages.

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La logique technique fondamentale surlaquelle elle repose : la recherche du maximumd’autonomie de la rivière sous tendue par cellede l’efficacité environnementale et l’efficience àmoyen et long terme.

L’emprise spatiale : la restauration physiqueconstitue de fait un acte d’aménagement duterritoire

Habituellement, la description des relations entrel’aménagement du territoire et l’hydromorphologiene se fait que dans un sens : le sens des pressionsqui découlent des politiques d’aménagement etqui altèrent les caractéristiques hydromorpho-logiques.

Le schéma conceptuel du SYstème Relationneld'Audit de l'Hydromorphologie des Cours d'Eau(SYRAH CE - Cemagref)* illustre bien cette relationde pression (cf. ci-dessous).

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

1.5. Les spécificités de l’approchehydromorphologique

Si l’hydromorphologie s’inscrit de façon cohérentedans l’approche globale attachée à la mise enœuvre de la DCE, elle présente également certainesspécificités techniques ayant des conséquencesstratégiques à anticiper et lui accordant unedimension politique à assumer. Ce constat justifiel’existence de ce guide.

Deux spécificités techniques générales de larestauration physique doivent ainsi être mises enavant pour introduire le propos développé dans ceguide :

L’emprise spatiale qu’elle induit, qui en fait unvéritable acte d’aménagement du territoire sous-tendu par une politique environnementale ;

Pour aller plus loin sur les altérations, cf. Annexe 2 sur l’hydromorphologie.

Activitéset occupation

du sol

Aménagementset usages

Altérations des structureset des processus naturels

Agriculture

Urbain

Transport

Energie

Tourisme

Bas

sin

vers

ant

Lit m

ajeu

rLi

t min

eur

Cultures intensivesBarrages

Extraction de granulatsImperméabilisation

StockagePrélèvementDérivation

DiguesSuppression de ripisylve

StabilisationRectification du tracé

RecalibrageSeuilsFiltre

spatial

Risque

Colmatage (excès de fines)Suppression du substrat alluvial

Augmentation / Réductionde la fréquence des cruesModification du régime hydrologiqueModification du débitVariations brutales et fréquentes du débitAggravation des étiages

Réduction de la sinuositéAltération du corridor rivulaireAltération de la dynamique latéraleDéconnexion des annexes(lit majeur/lit mineur)Ralentissement des écoulementsAltération des successions de facièsAugmentation du débit de plein bord(géométrie du lit mineur)

Fluxsolides

Fluxliquides

Morphologie

* Chandesris A., Mengin N., Malavoi J.R., Souchon Y., Wasson J.G. - 2009.SYstème Relationnel d'Audit de l'Hydromorphologie des Cours d'Eau SYRAH_CE.ATLAS A LARGE ECHELLE V2.0. 58 p.Chandesris A., Mengin N., Malavoi J.R., Souchon Y., Pella H., Wasson J.G. - 2008.Système relationnel d'audit de l'hydromorphologie des cours d'eau : principes et méthodes. 64 p.+ annexesValette L, Chandesris A., Mengin N., Malavoi J.R., Souchon Y., Wasson J.G. - 2008.SYstème Relationnel d'Audit de l'Hydromorphologie des Cours d'Eau SYRAH CE. Principes et méthodes de la sectorisationhydromorphologique. 27 p.

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

Cependant, l’hydromorphologie est aussi un supportphysique des activités économiques et socialesprésentes dans les fonds de vallées.

L’analyse des convergences et des divergencesva permettre d’objectiver et de quantifier cesrelations.

D’une manière générale, on peut considérer queles “métiers” de l’eau et leurs dispositifs de politiquespubliques manipulent des objets techniques quileur sont propres : l’assainissement et l’épurationconstituent une filière portant sur des objets qu’elleest seule à gérer (les flux de polluants, les réseauxqui les transportent, …), tout comme l’adductionen eau potable (les réseaux, les usines detraitement) ou même l’entretien des cours d’eautel qu’il a été développé depuis les années 1980(le lit mineur des cours d’eau, les berges).

Or, l’un des traits marquants de l’hydromorphologieest qu’elle induit, dès la conception technique, uneaction au-delà des objets qui sont propres aumonde de l’eau. En cherchant à restaurer la mobilitédu lit ou en reconnectant le cours principal et lesmilieux annexes, l’action technique portenécessairement sur une emprise spatialepotentiellement bien plus vaste qu’auparavant etdonc sur les usages ou les pratiques de cet espace.

Étant donnée l’importance relative de la restaurationphysique au sein du programme de mesures, cesspécificités induisent aujourd’hui pour les acteursde l’eau un changement de posture stratégiqueimportant : ils ne peuvent plus rester dans leur“monde” à part, mais seront nécessairementconfrontés à d’autres acteurs, d’autres culturesprofessionnelles, d’autres politiques publiques.

En effet, les espaces investis pour la restaurationphysique ne sont pas vierges : depuis desdécennies voire des siècles, des activités s’yexercent et des politiques publiques sectoriellesy sont présentes (politiques agricoles, planificationurbaine, préservation des espaces naturels, …).

Dès lors, les actions conduites par les acteurs del’eau sur ces espaces déjà investis par d’autresacteurs sont d’emblée porteuses de contraintes(incompatibilité avec ou gêne des usages en place)et/ou de potentiels de développement (nouveauxusages rendus possibles ou d’ampleurdémultipliée). Les actions brident certainespratiques tout en satisfaisant davantage d’autresdemandes sociales, modifient le paysage attachéà la rivière et influencent donc le cadre de vie etl’identité du territoire…

Ce faisant, même si l’action de restaurationphysique a pu être conçue initialement en référenceuniquement à des considérants techniques, sesconséquences socioéconomiques en font de faitun acte d’aménagement du territoire.

Considérer l’hydromorphologie comme un acteterritorial

Il s’agit de reconnaître la dimension politique d’un projetde restauration physique, au sens où il touche à l’avenircommun des habitants du territoire en concrétisant etfavorisant certaines préférences sociales.

Ces préférences ne sont cependant pas toujourscristallisées sous forme de demandes sociales audibleset exprimées : il appartient au porteur de projet de lesrévéler, de leur offrir des occasions de prendre placedans le débat local. Tout projet de restauration physiquedoit alors trouver sa place au sein de projets de territoirequ’il est susceptible d’appuyer voire d’initier.

Ce faisant, il est conduit à nouer des alliances et à susciterdes oppositions, bref à s’engager sur un “échiquier” oùcoexistent différentes visions et stratégies par rapportauxquelles il doit se situer – même si cet échiquier doitêtre relativisé en terme d’échelle : l’espace de la rivièren’est pas tout le territoire !

Pour être mené à bien, un projet de restauration physiquedoit assumer cette dimension territoriale, sauf à ignorer

certaines de ses implications qui ne manqueront pas,alors, d’entraver son bon déroulement.

Plaine Bourg d’Oisans (38)

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

La logique technique sous-jacente au projetde restauration physique : s’appuyer dans unecertaine mesure sur l’autonomie à la rivière.

L’ambition de la restauration physique, très souventjustifiée par l’objectif de restaurer les habitats descommunautés aquatiques caractéristiques du bonétat écologique, consiste à rétablir les fonctionsécologiques et, dans le même temps, la diversitédes services rendus aux sociétés humaines parles cours d’eau (appelés “fonctionnalités”) . Pourcela, on compte sur les processus naturelsintrinsèques aux milieux aquatiques pour qu’ilsrestaurent d’eux-mêmes ces fonctions et cesservices, pour peu qu’on réunisse les conditionspermettant à ces processus de se dérouler. Ainsi,ce que mobilise la restauration physique, c’estavant tout la capacité de la rivière à (re)modelerelle-même son lit et ses habitats.

Si cette logique n’est pas réellement nouvelle – lanotion déjà ancienne d’autoépuration des coursd’eau y renvoie également – elle prend avec larestauration physique une ampleur inédite quitranche de manière assez radicale avec leslogiques techniques qui ont présidé à la gestiondes cours d’eau depuis des siècles et ce jusqu’àune période récente, sans doute non encoretotalement achevée. Alors qu’il s’agissait jusqu’àprésent d’assurer la maîtrise des hydrosystèmespar les dispositifs techniques développésessentiellement pour assurer les services d’uneou d’un nombre réduit de filières économiques, ils’agit cette fois, au contraire, de leur rendre, dansune certaine mesure au moins, leur autonomiepour assurer (au-delà de l’atteinte des objectifsenvironnementaux) une gestion équilibrée etdurable des cours d’eau.

Pour le dire autrement, là où l’action de l’hommeétait jusqu’à présent au premier plan pour s’assurer

les bénéfices des hydrosystèmes et/ou éviter lesdésagréments qu’ils peuvent causer (barrages dediverses vocations, digues, moulins, etc. ), il s’agitmaintenant de donner à la rivière le premier rôle :pour respecter les engagements européens enmatière d’état des eaux, mais aussi pour assurerune gestion mieux partagée et équilibrée desressources aquatiques et éviter autant que fairese peut les actions, souvent très coûteuses, visantà corriger ou compenser les effets négatifs desaménagements historiques.

En outre, ce changement de posture techniqueinduit une gestion toute différente de l’incertitude.L’objectif de maîtrise de la rivière est inséparabled’une volonté d’améliorer la prévisibilité de soncomportement, en vertu des lois physiques ayantpermis de dimensionner les aménagements.Rendre à la r ivière son autonomie defonctionnement va en revanche forcément de pairavec une plus grande incertitude quant à soncomportement, la dynamique que l’on peut qualifierde “chaotique” de la rivière étant désormaisrespectée : si son comportement global resteprobabilisable, i l faut accepter que soncomportement local soit quant à lui beaucoup plusimprévisible.

Autonomie plutôt que maîtrise de la rivière,incertitude plutôt que prévisibilité de soncomportement : on pressent combien le projettechnique que porte la restauration physiquepeut, présenté ainsi, soulever des questionsd’acceptabilité sociale dans les territoires oùil s’applique.

Utiliser et valoriser l’autonomie du cours d’eau pourrépondre à nos ambitions

Il est évident qu’une logique consistant à rendre sonautonomie au cours d’eau ne peut être poussée au bouten tout temps ni partout, et doit être fortement teintée depragmatisme. Il ne s’agit pas de supprimer toute actionhumaine “au profit de la rivière”, mais bien de piloter defaçon proactive son autonomie pour en tirer parti.

Pour cela, il convient de prendre cette autonomie commeune référence fonctionnelle en matière d’actions surl’hydromorphologie et, par suite, de définir les niveauxd’ambition de chaque projet au regard de cette référence,qu’il n’est pas forcément question d’atteindre effectivement.L’intérêt de cette référence est de permettre une analyseobjective des choix stratégiques, d’être clair sur les atouts

à valoriser et d’identifier les solutions techniques àmettre en œuvre.

Drac noir à l'amont des Ricous

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

Il est donc primordial de clarifier l’ambition desactions menées sur l’hydromorphologie.

La typologie R1/2/3, à laquelle on peut ajouterla préservation de l’existant (P), constitue uncadre de travail pour aider à la définition destratégies locales qui soient les plus efficientes :

soit la préservation P des paramètres quicontrôlent l’hydromorphologie, à savoir le débitliquide, le débit solide et l’espace.

soit des niveaux de restauration R1/R2/R3 quise caractérisent par une autonomie plus oumoins importante accordée à la rivière, enfonction du contexte des projets :

R1 : ici, on reste en réalité dans la continuitéde la logique passée de gestion des coursd’eau. L’objectif reste la maîtrise ducomportement de l’hydrosystème. Cecin’empêche nullement d’être ambitieux et deprocéder réellement à la restauration defonctionnalités écologiques : celles-ci le sontcependant avant tout grâce aux techniquesmises en œuvre (génie écologique) plusqu’aux processus spontanés qu’abritel’hydrosystème ; l’homme, par ses actionstechniques jouant le premier rôle, maîtriseici le rythme des processus de restauration- par analogie, on pourra considérer qu’il“cultive” ou “jardine” la rivière par ses actionsde génie écologique.

R2 : il s’agit cette fois de s’engager dans unrétablissement partiel de l’autonomie de larivière, dans les limites cependant de ce quel’on est prêt à accepter sur ce plan localement.Par rapport à R1, la logique est biendifférente : dans une certaine mesure aumoins, on laisse les processus spontanés del’hydrosystème s’exprimer et influencer enpremier chef l’évolution du cours d’eau.L’autonomie est donc restaurée en partie (parexemple sur un certain espace de divagationseulement). Le projet peut constituer,considéré dans le long terme, une premièreétape vers une restauration complète de typeR3, selon l’évolution future du contexte.

R3 : incarnant le mode de restaurationphysique garantissant le mieux les objectifsenvironnementaux à atteindre, ce niveau estcelui où l’autonomie de la rivière estentièrement rétablie. Les fonctionnalités sontrestaurées avant tout par son fonctionnementpropre et son comportement laissé localementimprévisible.

L’ambition de ce guide est d’abord de proposerdes éléments de méthode d’analyse techniqueadaptés à cette logique orientée vers l’autonomie

de la rivière : il s’agit en particulier de concevoirdes projet au sein de “périmètres techniquespertinents” (PTP), dimensionnés en fonction del’échelle spatiale où s’expriment les processusphysiques du cours d’eau, à une échelle de tempsdonnée.

L’autonomie de la rivière s’exprimant de façonsfort différentes selon les types et configurationsdes cours d’eau, ces périmètres sont donc à définirau cas par cas, sans qu’il soit possible d’appliquerune méthode totalement standardisée à l’échelledu bassin versant.

Par ailleurs, ce guide s’attache à favoriserl’accompagnement social et politique duchangement de logique technique que porte larestauration physique. Pour être acceptée etrelayée, une telle évolution de la culture techniqueattachée à la gestion des cours d’eau doit en effetêtre justifiée, en explicitant à la fois :

sa pertinence technique (efficacité de cettelogique pour atteindre nos objectifs actuels) ;

son intérêt économique (efficience de cettelogique pour obtenir des résultats à moindrecoût) ;

son potentiel territorial (capacité de cette logiqueà induire des perceptions de cours d’eau plus“vivants” et donc à enrichir l’attractivité et l’identitédes territoires qu’ils traversent).

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

1.6. Une stratégie pour asseoirla pertinence technique et territorialedu projet

Les changements de culture technique sont eneffet à l’origine d’une évolution des perceptions dela rivière, que le porteur de projet doit faire connaîtreet reconnaître par les autres acteurs du territoireet au-delà même, par les populations de la vallée.C’est l’engagement européen de la France vis-à-vis de la DCE et ses objectifs de résultats de bonétat ou de bon potentiel, qui légitime de manièregénérale cette action de restauration physique.

Mais l’enjeu, sur chaque territoire concerné, estde susciter, à l’échelle locale, les préférencessociales et politiques qui résonnent avec cesobjectifs. Il s’agit d’une condition bien souventnécessaire pour que ces actions de restaurationpuissent être acceptées, mises en œuvre etappropriées par les acteurs et populations deterritoires particuliers.

Cette évolution du rôle joué par la gestion de l’eauau travers de la restauration physique ne s’imposeracependant pas d’elle-même dans les esprits et doits’accompagner d’une véritable stratégie deconviction démontrant à la fois la pertinencetechnique, l’intérêt économique et le potentielterritorial de ces projets.

Chaque opération doit s’inscrire dans unevision cohérente à une échelle pertinentesur les plans techniques et territoriaux.Les approches au coup par coup sont àproscrire. Les actions locales doivent êtreresituées dans une stratégie de restaurationou de protection qui soit appréhendée etpartagée dans ses composantes à la foisenvironnementales et socio-économiques.

La stratégie doit permettre ainsi d’éviter toutautant la conception de projets désincarnés quiseraient immédiatement repoussés par leterritoire, que celle de projets trop peu ambitieuxconçus pour éviter tout désagrément avec lesriverains.

Cette remise en contexte des actionsponctuelles au sein d’une stratégie plus généraledoit en particulier resituer quelles sont les partiesdu territoire concernées et quel est le calendrierde réalisation de la totalité du projet, de manièreà ne pas perdre de vue les objectifs poursuivis.

Concevoir une telle stratégie d’interventionnécessite donc de développer une séried’arguments :

pour affiner le projet technique lui-même etconcevoir les étapes de sa mise en œuvre. Onpropose ci-après un cadre de réflexion pouridentifier les entrées thématiques à privilégier,pour choisir les secteurs à enjeux autourdesquels définir les périmètres techniquespertinents, …

pour assurer l’appropriation minimum du projetpar le territoire afin de lui conférer une légitimité.Le chapitre 3 présente ainsi les cibles àconvaincre potentiellement, les typesd’arguments à développer pour nouer desalliances, les principaux outils mobilisables ence sens.

Le projet de restauration doit être partieprenante de l’aménagement du territoire

La restauration physique des rivières présente desparticularités techniques et politiques qui conduisent lesporteurs de projets à renouveler leurs discours et leursactions.

Il s’agit de faire évoluer la perception des partenairesdu territoire vis-à-vis de ce que promeut le porteurde projet.

La Veyle à St Denis-lès-Bourg (01)

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

2. Les points de repèrepour la réflexion stratégique

Pour cela, il convient de distinguer deux typesd’acteurs pour organiser les étapes de la conceptiondu projet et l’éventuelle concertation quil’accompagne :

les “acteurs intéressés” à ce que serait unedéclinaison concrète du SDAGE ayant dusens pour le territoire : il s’agit d’une part deceux à qui ce guide s’adresse, à savoir toutacteur susceptible de porter un projet derestauration physique ; plus largement d’autrepart, de l’ensemble des acteurs ayantpotentiellement un intérêt à ces projets.Pour pallier le risque d’autocensure, c’est d’aborden considérant ces acteurs que la conceptiondu projet doit être initiée : ses objectifs, sesthèmes prioritaires, sa légitimité dépendent avanttout des attentes de ces acteurs. A ce titre, il esttout à fait pertinent, dans la mesure du possible,d’associer à tout ou partie des étapes deconception du projet le niveau politique intéresséà la démarche ;

les “acteurs concernés” par l’articulation duprojet avec les politiques publiques et lecontexte local : cette fois, il s’agit des acteursqui, sans être de manière évidente intéressésau projet, sont susceptibles d’être impactés parsa réalisation, positivement ou négativement.

Pour pallier le risque de concevoir un projetirréaliste, ce second type d’acteur doit êtreconsidéré pour orienter le projet, affiner sesobjectifs et in fine définir une position denégociation à leur égard. Ainsi, les porteurs duprojet (techniciens et élus) sont alors en mesurede conduire les discussions avec lesresponsables techniques et politiques des autresprojets et politiques publiques présentes.

La prise en compte de ces acteurs intervient à desmoments bien différents de l’élaboration de lastratégie, ce qui structure la méthode proposéecomprenant trois étapes :

le diagnostic, qui permet d’une part d’identifierles enjeux et les diverses finalités locales d’unerestauration physique ainsi que, d’autre part, derepérer, parmi les usages et activités présents,les deux types d’acteurs qui viennent d’êtrementionnés. Il doit être issu d’un travail d’analyseportant sur les grandes caractéristiqueshydromorphologiques de la masse d’eauconcernée pour identifier les enjeux DCE quis’y rapportent, et repérer parmi les acteurs sontqui sont “intéressés” d’une part, et ceux qui sont“concernés” d’autre part (cf. définition ci-avant)par les usages et les activités du territoire enlien avec la rivière ;

la conception initiale du projet, qui définit lesmodalités d’une restauration physique pourrépondre pleinement aux attentes des “acteursintéressés” (ce que l’on voudrait). Elle doitdéboucher sur un ou plusieurs scénarios derestauration techniquement pertinent(s), ainsique sur une explication des changements qu’ilpromeut pour le territoire et ses “acteursintéressés” ;

l’articulation du projet, avec les autres projetset avec les politiques des “acteurs concernés”du territoire avec lesquels il interfère (ce quel’on défend). Elle s’appuie à la fois sur uneanalyse des convergences et divergencestechniques des projets portés par les uns et lesautres, et sur une appréciation des compromispossibles avec les “acteurs concernés” comptetenu de leurs intérêts supposés ou déclarés.

Se garder de l’autocensurecomme de l’idéalisme

Compte tenu de ce qui précède, concevoir une stratégiede restauration physique revient à bâtir un projet techniquetout en assurant les conditions de son portage et de sonappropriation par le territoire. Dans la conduite de cettedynamique de changement, deux écueils opposés sontà éviter :

l’autocensure lors de la définition du scénario derestauration a priori le plus efficace du point devue environnemental : cela ne veut pas dire qu’onméprise les réalités locales, au contraire. Mais il fautavoir une vision claire de ce que pourrait être lefonctionnement physique le plus propice à l’atteintedes objectifs environnementaux et ainsi pouvoir àterme conduire une négociation efficace ;

le scénario irréaliste qui pourrait déconsidérerd’entrée de jeu toute la démarche : ainsi, on nedémontera probablement pas une autoroute, on nedéplacera pas une ville; en revanche, ne faut-il pasoser envisager de déplacer une petite route ouune maison ?

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

Ces trois étapes doivent être poursuivies sur lesdimensions tant techniques que territoriales, afinde garantir la pertinence du projet sur ces deuxregistres.

L’objectif de la démarche est de développerune relation de proximité entre le porteur deprojet et le territoire. Le chargé de missionest le catalyseur de ces stratégies.Au-delà de cette démarche qui peut paraîtretrès cartésienne, il est bien évident que la relationde proximité entre le porteur de projet et sonterritoire est primordiale pour le bon déroulementdes différentes étapes.A ce titre, le guide peut constituer une aide pourse situer dans un processus de terrain qui paraîtintuitif, mais qui nécessite des étapes bienprécises pour arriver à terme.

3. Définir ce que seraitune déclinaison du SDAGE :une ambition pour la rivièredans son territoireOn dispose aujourd’hui sur la plupart des bassinsversants d’une information abondante, même sielle n’est pas toujours suffisamment structurée.

Sans recourir à de nouvelles études lourdes, il estpossible de poser un diagnostic du fonctionnementphysique, des grands enjeux et des axesd’intervention possibles sur la base des élémentsde connaissance disponibles. Il s’agit d’asseoirtechniquement le diagnostic de dysfonctionnementqui justifie ensuite le principe du projet (à défautde son contenu plus détaillé qu’il s’agira de définirultérieurement).

3.1. Rubrique A :Le programme de mesures

L’état des lieux du SDAGE a déjà esquissé cediagnostic, et le programme de mesures définitles axes principaux d’intervention.

Ce cadre doit donc être bien maîtrisé et interprété :quelles sont les orientations de la restaurationphysique qui sont déjà inscrites dans le SDAGEet qui vont donc définir les grands axes de travailqui l’incarneront et qui en déclineront les principes ?

3.2. Rubrique B :S’appuyer sur une approche territoriale

La définition et la mise en œuvre du projetd’hydromorphologie ne peuvent être penséesuniquement de manière technique. Pour éviterl’écueil d’une réflexion déconnectée des réalitéslocales, il faut conduire une approche territorialeamont, à l’échelle des masses d’eau notamment,qui devra répondre à la question : “Quels sont lesenjeux du territoire liés à l’hydromorphologie dela rivière ?”

Cette question est en effet essentielle, nonseulement pour la justification politique du projet,mais aussi pour sa conception technique elle-même : une première approche territorialepréalable permet de hiérarchiser les différentsenjeux techniques attachés à la restaurationphysique du cours d’eau et ainsi identifier lesentrées les plus pertinentes pour concevoir leprojet.

Il est essentiel de très clairementdéfinir le “pourquoi” du projet, avantd’entamer les réflexions et la négociation sur le“comment”.

Le Buëch à Serres (05)

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

Ce travail de diagnostic territorial consiste ainsi àidentifier :

les usages et activités présents expliquantl’état hydromorphologique du cours d’eau. Ils’agit de mettre en évidence les conditionsd’exercice de leurs pratiques (prélèvements,modes d’occupation du sols, turbinages,navigation, …) et de les traduire en exigencesquant aux paramètres hydromorphologiques(débit d’étiage, variabilité des écoulements,fréquences de crues tolérées, endigue-ments, …).Cette analyse doit être assortie d’une descriptionsocioéconomique succincte des enjeux et desdynamiques sous-jacents à ces activités. Ellepermet de mieux comprendre l’origine desconditions hydromorphologiques et d’identifierles principaux “acteurs concernés” susceptiblesd’être impactés par le projet à concevoir.

les usages et activités qui bénéficieraientd’une amélioration du fonctionnementhydromorphologique du cours d’eau (”acteursintéressés”).Cette étape s’appuie sur l’analyse techniquesommaire qui identifie les caractéristiqueshydromorphologiques envisageables dans leprojet de restauration à concevoir : les fonctionsaméliorables permettent de pointer les usageset pratiques susceptibles de bénéficier d’unetelle restauration.En retour, l’analyse de ces usages et pratiquestels qu’ils existent sur le territoire, et de leursaspirations permet d’identifier les thèmeshydromorphologiques les plus porteurslocalement. Quels sont les enjeux à cibler :ressources en eau, accompagnement d’unepolitique de protection contre les crues, qualitéécologique, etc. ? Qu’est-ce que le territoireattend comme questions à traiter ?

la dynamique globale de développement desterritoires où s’inscrit la rivière. Il s’agit d’unepart de resituer les usages identifiésprécédemment dans un contexte plus large(sont-ils en phase avec cette dynamique ou aucontraire marginaux ?) et, d’autre part, derepérer des convergences potentielles d’intérêtsentre des politiques territoriales et le projet derestauration.

Cette étape d’analyse sommaire des conditionsterritoriales ne nécessite pas d’investigationpoussée. Le repérage des acteurs “concernés”d’une part, “intéressés” d’autre part, ainsi que ladynamique générale de développement, doits’appuyer de manière privilégiée sur un regardhistorique (histoire des usages, des politiques etaménagements conduits pour les satisfaire ainsique des représentations locales vis-à-vis de la

rivière) et sur les connaissances produites par leséventuelles démarches concertées présentes(SAGE, contrats de rivières, …).

Il importe de ne pas s’engager dans desétudes foncières trop fines en début deprojet. Les études très précises sontcoûteuses et rarement utiles sur l’ensembledu linéaire concerné et rapidementobsolètes. Les études plus précises sejustifient lorsque les étapes des rubriquesA à G ont été dépassées et que les questionsfoncières sont notamment mieux identifiéeset localisées.

Par ailleurs, outre cette analyse d’acteurs, ilconvient dès ce stade d’identifier également leséchelles de décision et de planificationpréexistantes dans le domaine de l’eau et desmilieux aquatiques (là encore, SAGE et autresdémarches concertées, syndicats de rivière, …)et de manière plus générale en matière deplanification territoriale (SCOT, Charte de PNR,Contrats de Pays, d’agglomération, …).

Cette analyse territoriale permettra d’éclairer ladéfinition des périmètres techniques pertinents etpeut également contribuer à la définition d’uneréférence lorsque la référence “naturelle” n’estpas évidente (cf. rubriques C et suivantes).

La Nartuby - Aménagement des berges (83)

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

THO

DO

LOG

IE 1

Ce travail doit être réalisé en régie et constitueen outre, avec l’analyse technique sommaire(cf. rubrique B’), la base des connaissancesnécessaires à l’élaboration de cahiers descharges pour instruire des investigations pluspoussées par la suite.

Recherche documentaire

documents de planification territorialeincarnant des projets ou dynamiques dedéveloppement sur le territoire : SCOT,Charte PNR, contrats de Pays, analysesrégionales, fiches INSEE, … Une rechercheInternet permet généralement de réunirl’information recherchée à ce stade ;

usages recensés dans les atlas SDAGE etautres références établies pour la mise enœuvre de la DCE, diagnostic SAGE,programme de contrats de rivière s’ilsexistent ;

PPRI, DOCOB Natura 2000, …

quel est l’usage du sol autour de la rivière(l’espace rivière) ? S’agit-il d’un espaceurbain ou périurbain (où la contraintefoncière est a priori, et sans grand risquede se tromper, très forte), d’espacesnaturels (la contrainte foncière doit y êtrefaible), d’espaces agricoles (où la contraintefoncière peut être extrêmement variable) ?

s’il s’agit d’espaces agricoles, quelle estla nature des cultures ?

que sait-on de l’histoire des pratiquesagricoles, industrielles, énergétiques,urbaines, etc. vis-à-vis de l’espace rivièreet de l’histoire de l’aménagement de larivière ? Ce qui revient à s’interroger surla façon dont les acteurs locaux ont“consommé” et utilisé l’espace riverain ducours d’eau, et continuent de le faire.

Entretiens

L’objet de ces entretiens est de recueillir desinformations concernant le contexte :

historique : pratiques d’aménagementfluvial, projets d’aménagement territoriauxet leurs conflits, …

sociologique : quel les sont lesreprésentations et pratiques de la rivièreaujourd’hui et hier ? Au-delà de l’espacephysique de la rivière, quelles en sont lesimages perçues par les habitants ?

politique : culture politique dominante(modes de prise de décision, de mise enœuvre, …), climat politique global (placede l’environnement dans le débat et qualitéde traitement des enjeux environnemen-taux, degré de conflit, …) ;

économique : globalement, quelle a été etquelle est la place de la rivière dans lefonctionnement économique du territoire ?Quel partage de la ressource en eauprévaut aujourd’hui et de quelle histoiredécoule-t-il ?

participatif : systèmes de coordinationexistants, démarches collectives, partaged’information au sein de l’administration,niveau d’information des élus et de lapopulation, …

Parmi les profils devant faire l’objetd’entretien, on peut citer :

les chargés de mission et élus desstructures porteuses locales ;

l’Onema ;

les personnalités locales indiquées parles interlocuteurs précédents, enréférence aux usages repérés dans lesdocuments consultés.

L'Arve secteur de Sallanches, 1860 (Archivesdépartementales de la Haute Savoie)

Analyse sommaire territoriale

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THO

DO

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IE 1

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

Analyse

Sur la base des éléments collectés,identification des impacts positifs et négatifs,réels et potentiels, qui lient chaque activitéet chaque pratique aux conditions hydromor-phologiques de la rivière. Exemple : une zoned’habitat riveraine de la rivière est à la foissujette à inondation - et donc porteuse d’uneexigence potentielle de protection contre lesc r u e s ( pa r d i v e r s e s t e c h n i q u e senvisageables) - et intéressée à uneamélioration écologique et paysagère de sonenvironnement proche.

Produit

Pour chaque usage et pratique, réalisationd’une fiche caractérisant l’importancesocioéconomique de l’usage, son lienphysique à la rivière (en premier lieu au regardde ses caractéristiques hydromor-phologiques) et ses principales tendancesd’évolution ou aspirations de développement,son positionnement dans la dynamiqueglobale du territoire.L’ensemble de ces fiches s’articule avecl’analyse technique sommaire, en fournissantun éclairage sur les enjeux techniquesmajeurs pour le territoire. Il prépare le travailde mobilisation que le projet de restaurationnécessitera afin de l’inscrire dans unedynamique collective territoriale (cf. partie 3de ce guide).

Point sur le foncier

Lors de cette étape de définition sommairedes enjeux territoriaux, il convient d’éviterde recourir à des études mais plutôt de

chercher à répondre à une série de questions“simples”, en mobilisant les documentsexistants (cartes, études, photos…) et lesavoir des acteurs locaux (techniciens derivières, élus, pêcheurs, etc.).

A ce stade de la réflexion, il faut éviter deconclure à la faisabilité ou l’infaisabilité dela “maîtrise foncière”.

Celle-ci est souvent subordonnée à desfacteurs peu identifiables à cette étape del’analyse, facteurs qui peuvent souventévoluer plus rapidement que ce que l’on peutsupposer a priori. Il s’agit plutôt d’identifierles principales “contraintes” potentielles àcette future maîtrise foncière.

D’un cas à l’autre, ce premier niveaud’investigation est plus ou moins aisé etfournit des résultats plus ou moinssatisfaisants. Mais en règle générale, il doitpouvoir fournir une première vision suffisantepour apprécier l’ampleur et la nature desobstacles potentiels pour mener à leur termeles différentes actions du programme derestauration physique.

Enfin, lors de ce premier niveau, il estpréférable d’éviter d’utiliser le terme de“foncier” : celui-ci est trop connoténégativement et laisse trop entendre, lorsqu’ilest utilisé devant des élus ou despropriétaires, que le projet exigera - et a déjàdéfini - des acquisitions foncières importanteset incontournables. Le risque est grand deprovoquer une opposition ferme et durablede ces acteurs, situation préjudiciable à lapoursuite du projet.

Pour aller plus loin,cf. Annexe 1 sur le foncier.

La Tinée à St Etienne de Tinée en 1957 (06)

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IE 2 Réaliser une expertise physique sommaire

3.3. Rubrique B’ :S’appuyer sur une expertisephysique sommaire

La définition des objectifs idéaux de restaurationsuppose de disposer d’une vision globale dufonctionnement physique du cours d’eau. Mais ilne semble pas nécessaire de s’engager pour celadans des études lourdes et exhaustives.

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

L’expérience montre qu’un bon expert peutréaliser rapidement une synthèse pertinenteen s’appuyant sur une reconnaissance deterrain rapide et une exploitation desprincipales études existantes, qui permettentsouvent de disposer de l’essentiel sur lefonctionnement physique.

Cette expertise s’appuiera sur les élémentssuivants (les études existantes fournirontdirectement tout ou partie de cette analyse).

1. examen sur cartes et photographiesaériennes

structure des pentes (relevé sommaire àpartir de la carte au 1/25000e) qui doitpermettre d’identifier la gamme généraledes pentes et les éventuelles ruptures depente ;

relief du bassin versant ;

contexte géologique (roches résistantestype granite / roches produisant dessédiments grossiers type calcaires lités /roches produisant des sédiments fins typeschistes) ;

style fluvial (tressage, méandrage, litrectiligne, chenaux anastomosés, …)général, et anomalies locales ;

indices de mobilité : érosions apparentessur photos aériennes, localisation deslimites communales fixées à la Révolution,formes fossiles de méandres ou detressage, formes rajeunies de boisement,etc. ;

présences d’ouvrages perturbant le transitsédimentaire (barrages, seuils) ;

importance de l’endiguement, desrectifications de tracé, des protections deberge.

Certaines des couches d’informationcorrespondantes pré-interprètées peuventêtre acquises auprès des services del’Agence de l’eau, des DREAL ou de l’Onema.

2. reconnaissance sommaire de terrain

caractérisation succincte des sédiments(granulométrie générale, indices depavage, mobilité) ;

un calcul simple permet d’avoir unepremière idée de la mobilité des sédiments.On montre que le seuil de mobilité d’unmatériau de diamètre D s’écrit : D = 10.H.i,où H est la hauteur d’eau et i la pente.Exemple : un cours d’eau de 1‰ de pentedont le lit mineur est profond de 2 menviron, avec un large lit majeur (ce quisignifie que la hauteur d’eau en cruen’augmente pas beaucoup au-delà, dumoins pour les crues ordinaires). A pleinbord, on aura D = 10 Hi = 2 cm : si lesmatériaux du lit dépassent franchement 2cm de diamètre moyen, on peut penserque ces matériaux ne sont pas mobiles(héritage d’un système morphodynamiqueantérieur, d’époque glaciaire, parexemple) ; s’ils sont plus petits, on a sansdoute un cours d’eau actif peut-être enéquilibre avec son transit sédimentaire ;.

indices de mobilité (érosions de berge,fraîcheur des bancs) ;

La Reyssouze au moulin de Servignat (01)

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3.4. Rubrique C :Clarifier la référence écologique(géomorphologique et biologique)

Par référence écologique, il faut entendre l’état del’hydrosystème qui pourrait être atteint dansl’hypothèse d’une suppression de l’ensemble deseffets significatifs des activités humaines pourrecouvrer une autonomie fonctionnelle du coursd’eau (cf. section 1.5 du présent chapitre). De cettedéfinition apparemment simple et succinctedécoulent plusieurs enseignements pratiques :

la référence écologique n’est pas une référencedu passé, historique (l’état du cours d’eau telqu’il était avant les aménagements par l’homme),mais une référence future qui doit tenircompte de la trajectoire d’évolution dusystème aquatique lorsque les pressions lesplus importantes se verront réduites.L’hypothèse, implicite, selon laquelle cetteréduction des pressions permettrait de facto unretour à un état antérieur peut être discutable,notamment dans certains cas ;

THO

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

indices d’abaissement du lit (bergesperchées, ouvrages perchés ou affouillés,etc.) ;

premier diagnostic des ouvragestransversaux (seuils et barrage) : sont-ilsde vrais obstacles au transit sédimentaire ?Des indices de terrain peuvent apporterune première réponse : examen dessédiments à l’aval, éventuellement si desniveaux de crue sont visibles, déniveléede l’ouvrage en crue, …) ;

confirmation des éléments repérés surcartes (style fluvial, état de la végétation,etc.).

Une solution sans doute efficace peut êtrede rassembler autour d’une table les quelquespersonnes qui connaissent le mieux le coursd’eau (certains représentants des servicesde l’Etat ou d’autres organismes publics –Agence de l’Eau, Onema, etc. - présents delongue date sur le territoire, techniciens destructures de gestion, ingénieurs de bureauxd’étude qui ont étudié le bassin,universitaires, …) : de ces échanges devraientémerger une image assez claire despérimètres techniques pertinents (c’est-à-dire des unités géographiques et thématiquesà prendre en compte dans la réflexion : voirrubrique E) et des besoins d’étudescomplémentaires.

3. si nécessaire, l’exploitation de ladocumentation existante sur ce territoire,disponible notamment auprès du service deDocumentation de l’Agence de l’eau.

L’Ain (01)

l’évaluation des conditions de référence,conduite au titre de la DCE et utilisée dans lesSDAGE, se fonde sur la sélection de situationsnon ou très peu anthropisées à partir desquellesont été définies les conditions biologiques etphysicochimiques les plus probablescorrespondantes. Ces conditions sont nomméesà dessein “conditions de références”, c'est-à-dire qu’elles indiquent à la fois la direction verslaquelle le système pourrait évoluer à terme etles caractéristiques écologiques que celui-cipourrait montrer dans l’hypothèse d’un retourà cette situation ;

Pour autant cette situation d’absence ou de trèsfaible anthropisation ne constitue pas, dans lecas le plus général, l’objectif de restauration.En effet, le bon état (et a fortiori le bon potentiel)écologique doit être vu comme une plage decompromis pour laquelle peuvent s’exercer, demanière équilibrée et durable les activitéshumaines (marchandes ou non marchandes)sans remettre en cause le fonctionnementécologique des systèmes aquatiques. Enparticulier, les processus hydrologiques et

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morphologiques qui sous-tendent lefonctionnement des cours d’eau doivent êtrerestaurés ou préservés pour maintenir descommunautés aquatiques diversifiées etéquilibrés. C’est ce que l’on appelle lesconditions hydrogéomorphologiques du “bonfonctionnement”.

Il ressort donc de ce qui précède que la questionde la référence écologique (dans quelle directionagir ?) sert à définir le champ des possibles pouréclairer l’action (de quelle nature sont les mesurespour aller dans cette direction ?), mais qu’elle n’estpas en soi l’objectif poursuivi par ces actions (quelrésultat à atteindre ?).

Il est essentiel de clarifier très tôt la référenceécologique, géomorphologique etbiologique, des milieux à restaurer.

La question de la référence écologique peutparaître triviale pour certaines personnes outrop scientifique pour d’autres, mais elleconstitue bien la première question àaborder :

vers quel hydrosystème souhaite-onaller ? Le SDAGE et la DCE posent unprincipe général de retour vers des situationsles moins perturbées possibles par lesactivités humaines. Les conditions deréférence et les valeurs des indicateursbiologiques sont des données à prendre encompte.

vers quel hydrosystème peut-on aller enconsidérant la trajectoire écologiqueactuelle (et non pas les contraintes socio-économiques à ce stade de la démarche) ?Le SDAGE désigne des masses d’eaufortement modifiées (MEFM) ou artificielles(MEA) qui tiennent compte de la trajectoireimposée par certains usages (voir ci-après).Il n’est pas exclus que d’autres massesd’eau soient contraintes par leur trajectoirehistorique.

Dans tous les cas, le choix d’une référenceécologique différente de celle définie par leprincipe général (site de même type, non outrès peu perturbé par les activités humaines)doit être dûment justifié : soit par le statutde la masse d’eau (MEFM ou MEA), soit pardes études particulières établissant larecevabilité de ce choix.

La question de la référence géomorphologique

Cette question est à analyser à l’échelle destronçons de cours d’eau géomorphologiquementhomogènes dont un découpage et une typologiesont prédéterminés au travers de l’outil nationalSYRAH pour la majeure partie du réseauhydrographique. Ces éléments sont disponiblesauprès des services de l’Agence de l’eau, desDREAL ou de l’Onema (les tronçons sont d’oreset déjà disponibles - la typologie sera accessibleen 2012).

Cette typologie présente le style fluvial de référence,les pentes, l’énergie du cours d’eau, son contextegéologique, l’espace alluvial.

Cependant, dans un objectif très appliqué de cadrerla démarche à conduire pour définir la restaurationphysique des cours d’eau, il convient de distinguertrois grandes familles de cours d’eau :

Les rivières actives (rivières “torrentielles”,mais aussi rivières à plus faible pente qui ontune réelle mobilité), qui ont une véritable capacitéde dynamique propre. On pourra distinguer deuxsous-types :

les rivières torrentielles “alpines” (type Isère,Durance, Var) à forte dynamique fluviale : letransit des graviers est au cœur du système,et l’hydraulique ne peut être dissociée de lamorphologie ;

les rivières de moyennes montagnes :

type Cévennes (Ardèche, Gardon, etc.) etretombée du Massif Central (Azergues,Doux, etc.)

type Jura (Doubs, Loue, etc.)

type Pyrénées (Tech, Têt, …)

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La Romanche (38)

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type Alpes à faible transit sédimentaire :massifs calcaires (Bourne), avant-pays(Calavon, Galaure, …)

Le transit sédimentaire est plutôt faible malgrédes pentes et des puissances assezsoutenues, en raison du contexte géologique.Les curages et les extractions ont souventconduit à des affleurements du substratum.On constate une forte pression de protectiondes berges et les seuils jouent souvent unrôle important.

Les rivières naturellement peu ou pas actives(rivières de plaine, rivières coulant sur un substrathérité qu’elles n’arrivent pas à remobiliser), oùles enjeux de la restauration physique seposeront en termes très différents : faibledynamique fluviale, importance des milieuxannexes, rôle écologique des débordementsfréquents, etc.

Les rivières façonnées par l’homme depuisdes temps immémoriaux (rivières de drainagede plaines humides, rivières à moulins, rivièresde drainage des plaines de remplissage glaciaire,etc.), où la notion d’état de référence sera poséedifféremment.

La question de la référence biologique

La référence biologique est indiquée dans leSDAGE pour chaque type de cours d’eau, alorsque les objectifs sont affichés pour chaque massed’eau individuelle.

Il ressort donc de ce qui précède que la questionde la référence biologique (dans quelle directionfaut-il orienter la réponse des communautésaquatiques ?) sert aussi à définir le champ despossibles pour éclairer l’action : de quelle naturesont les mesures pour recouvrer les habitatsnécessaires aux communautés aquatiques du bonétat ? Mais la référence biologique n’estgénéralement pas en soi l’objectif à attendre parces actions.

La définition précise des actions à engager (leurnature, les modalités de mise en œuvre) au titredu programme de mesures doit donc tenir comptede cette double notion : la référence (qui précisela trajectoire de la restauration) et l’objectif (quiprécise le point à atteindre sur cette trajectoire).

Il convient de ne pas oublier que l’objectif généralde la DCE est un retour au bon état des eaux,écologique et chimique. Les exemptions éventuellessont précisées pour chaque masse d’eau dans lesSDAGE. Ainsi, lorsqu’il s’agira de mettre en œuvrele SDAGE et le programme de mesures, ilconviendra, le cas échéant, de justifier pleinementles éventuelles impossibilités d’atteinte des objectifsaffichés, que ce soit par des arguments relevantd’obstacles techniques (ex : inertie des systèmes)ou économiques (coûts disproportionnés), et d’enassurer la traçabilité.

Deux difficultés peuvent toutefois être rencontrées :la problématique des cours d’eau sans référenceclaire, et la transcription de la référence biologiqueet écologique en termes de fonctionnementphysique et morphologique.

La Brévenne (69)

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

La question des cours d’eau fortementfaçonnés par l’homme

La troisième famille identifiée plus haut recouvredes cours d’eau qui ont pu être classés en massed’eau naturelle en dépit du fait que la situationactuelle résulte d’une intervention majeure del’homme, souvent pluri-séculaire.

Pour ces cours d’eau, on pressent qu’il seratechniquement difficile – et/ou dans certains cassocialement mal compris - d’atteindre le bon étatdes eaux conforme au type naturel auquel lamasse d’eau est associée.

Dans ces situations, deux cas de figure sont àconsidérer :

soit le tronçon est concerné par une massed’eau de statut “fortement modifié” (MEFM –ce statut est mentionné dans le SDAGE) dufait des modifications par des usages encoreexercés dont la liste est indiquée par la DCE.Dans ce cas, les actions de restauration àengager sont celles qui permettent d’augmenterles potentialités biologiques de la rivière (laquestion de la référence ne se pose plusvéritablement, et c’est plutôt celle de l’objectifà atteindre qui, seule, subsiste) ;

soit les modifications du fonctionnementphysique du cours d’eau ne sont pas le faitd’usages actuellement exercés mais plutôtd’activités historiques. Il n’y a pas véritablementd’enjeu au regard d’activités (ou d’usages)actuels qui permettraient d’attribuer un statutde masse d’eau fortement modifiée (MEFM)à la masse d’eau concernée, et ceci d’autantmoins lorsque les usages concernés ne figurent

L’Yzeron (69)

pas dans la liste des activités spécifiées par laDCE. Ma lg ré ce la , l es p rocessushydromorphologiques du cours d’eau se sontajustés à ces contraintes héritées du passé.Pour déterminer des objectifs adaptés, il convientdonc dans ces situations particulières :

d’établir un diagnostic sur la faisabilité deréorienter la trajectoire évolutive du coursd’eau vers des processus plus conformes autype naturel (ex : possibilité de rechargesédimentaire pour recouvrer un cours d’eauà tresses, ou admettre la tendance à lamonochenalisation du lit en raison d’un déficitsédimentaire impossible à compenser). Cettefaisabilité doit être approchée sous les aspectstechniques, économiques et sociaux ;

d’identifier les actions qui pourraient (sinécessaire) permettre d’accroître lespotentialités écologiques (diversification deshabitats par exemple) en tenant compte dela trajectoire historique imposée ;

enfin d’établir un bilan sur ces deux pointspour envisager, soit un retour au bon étatconforme au type naturel, soit (en cas denon-faisabilité établie et justifiée) de proposerun objectif adapté aux actions prévues pouraméliorer le potentiel biologique du coursd’eau ;

de mettre en oeuvre un suivi des effetsécologiques des actions mises en œuvre.

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

Rivière à moulins :la Reyssouze à l’avalde Bourg-en-Bresse (01)

La rivière actuelle est une cascade de biefs demoulinage. Plus ou moins conservées dans lepaysage, les “mortes” témoignent sans douted’anciens lits, antérieurs à l’aménagementséculaire des moulins. Mais le véritable état deréférence n’était-il pas un fond de valléemarécageux, mal drainé, les “mortes” n’étantque des bras de décharge ouverts par l’homme,qui ont ensuite trouvé leur propre mode defonctionnement ?

Le niveau de restauration le plus efficace a priorin’est pas clair : faut-il supprimer les seuils demoulin pour restaurer la continuité de la rivièredans son lit actuel ? Restaurer la continuité desmortes ? Y renvoyer l’intégralité du cours d’eau ?Restaurer des marais mal drainés ? Ainsi posée,la question n’a pas grand sens.

Situation actuelle : des biefs de moulin au niveauartificiellement maintenu, qui interrompent lacontinuité piscicole, où les très faibles vitessespeuvent favoriser l’eutrophisation, mais quialimentent des milieux humides latéraux.

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1er niveau d’analyse : par analogie avecd’autres cours d’eau équipés, on pourraitimaginer l’état de référence comme la mêmerivière sans moulin (sans se prononcer ici surl’intérêt patrimonial, voire économique desmoulins) : mais on constate : un lit à l’évidenceartificiel, trop grand ; un risque d’avoir un filetd’eau surchauffé en été au fond d’un lit maldimensionné ; la disparition des zones humideslatérales.

2ème niveau : les “mortes” ne sont-elles pas larivière d’origine ? Faut-il alors les rétablir audétriment des biefs de moulins ?

3ème niveau : mais les “mortes” ne sont-ellespas elle-même issues de premières tentativesde drainage d’un fond de vallée marécageux,mal drainé ? Et les milieux humides maintenuspar le niveau artificiellement haut des biefs demoulins ne sont-ils pas finalement la meilleureapproche de la situation de référence ?

4ème niveau : on ressent bien que le débatpeut vite être vain. Ne faut-il pas mieux prendrela question autrement : quel serait lefonctionnement physique qui favoriserait lemeilleur état biologique. Ne serait-ce pas ici(sous réserve d’analyses complémentaires surles mécanismes d’eutrophisation) la conservationdes biefs de moulins assurant la préservationdes milieux humides latéraux, combinée à unerestauration des “mortes” qui pourrait assurer lacontinuité biologique ?

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3.5. Rubrique D :Traduire les objectifs visésen grandeurs physiques,si possible quantifiées

Cette étape consiste à identifier et à quantifier lesexigences hydromorphologiques sous-tendues parles objectifs biologiques visés. Il s’agit d’une étapetrès technique qui vise à traduire chacun desobjectifs biologiques en caractéristiques physiquesoptimales d’une part et minimales d’autre part,telles que par exemple : une gamme detempérature, une granulométrie, une cote de profilen long, une cote de nappe pour la ripisylve, unegamme de vitesse, un régime de débit liquide, etc.

Il s’agit à ce stade de définir des plages de valeurspour les grandeurs physiques de manière à nourrirles étapes de négociation ultérieures d’argumentsfactuels et permettre d’évaluer si les stratégiesd’actions mises au débat restent cohérentes, oupas, avec l’obtention probable de bénéficesenvironnementaux.

L’exercice peut paraître difficile à plusieurs titres :

paradoxalement, la notion de “bon état” peutêtre réductrice : on peut avoir un lit mineur quia un fonctionnement relativement équilibré quipermet d’être déjà au bon état, mais avec unedynamique latérale totalement bridée. Faut-ilrenoncer alors à améliorer le fonctionnementphysique ? Certes pas. D’une part, un meilleurfonctionnement physique permettra d’accroîtrela qualité environnementale de compartimentsqui n’entrent pas directement en compte dansle bon état écologique, mais qui sont tout aussiimportants (milieu terrestre des ripisylves,notamment). D’autre part, et sans doute surtout,une meilleure autonomie de fonctionnement dela rivière peut être la garantie de la pérennitédu bon état, illustrant ainsi concrètement leprincipe de non-dégradation au service de l’undes objectifs environnementaux du SDAGE ;

il n’y a pas de seuils clairs sur les différentsparamètres physiques pour atteindre le bon état.Le fait est bien connu sur les débits : le débitréservé est défini comme le débit minimumnécessaire au fonctionnement biologique ducours d’eau. Si la valeur plancher, fixée au1/10ème du module, est si souvent utilisée, c’estbien qu’il est scientifiquement difficile de définirles débits biologiques. On retrouvera la mêmedifficulté dans les largeurs nécessaires au bonfonctionnement du cours d’eau, notamment surles rivières très mobiles.

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

A la différence de la rubrique B’, il faut recourir icià des études complémentaires. Ces études trèstechniques ne sont pas forcément très lourdes,dès lors qu’el les sont ciblées sur descaractéristiques physiques bien identifiées. Il peutêtre utile d’identifier aussi, en exploitant l’analyseterritoriale sommaire de la rubrique B, lescaractéristiques physiques qui intéresseront plusparticulièrement les usages en présence et lesautres porteurs d’enjeux.

3.6. Rubrique E :Définir les périmètrestechniques pertinents

Pour conduire la démarche de restaurationphysique, il faut identifier les bonnes unitésgéographiques, celles qui sont pertinentes pourl’analyse de la situation et la mise en œuvre desactions. Les périmètres techniques concernés icisont ceux qui déterminent le fonctionnementécologique du cours d’eau (ou des tronçons decours d’eau concernés par le projet).

Le regard des gestionnaires sur les cours d’eau aévolué avec les évolutions scientifiques. D’unelogique amont/aval défendue dans les années 70,le champ de vision s’est élargi avec les quatredimensions (amont/aval - verticale - latérale -temporelle) de la théorie des hydrosystèmes.

Ainsi, l’approche par bassin versant a été mise enplace. Cette révolution des esprits a permis desensibiliser les acteurs sur l’importance desinteractions entre les différentes thématiques etentre l’amont et l’aval des cours d’eau.

Odonate - Basse vallée de l’Ain (01)

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

Mais la démarche a pu avoir quelques effetsindésirables : des périmètres calqués sur lesstructures de gestion qui ne sont pas toujourstechniquement pertinents. Pour exemple, un bassinversant peut contenir des entités géographiquesindépendantes, et inversement, la problématiqued’une confluence et la relation au cours d’eau avalpeuvent être mal traitées pour cause decompétence territoriale.

L’approche classique d’une étude est de définir unpérimètre, puis d’identifier les thèmes à étudier,qui seront traités de manière homogène sur lepérimètre.

Cette approche a deux inconvénients :

il y a un effet de frontière qui peut conduire àmal appréhender un phénomène parce qu’il sortdu périmètre fixé, même s’il peut avoir del’importance ;

il y a une perte d’énergie à vouloir traiter demanière homogène tous les thèmes sur tout leterritoire.

La démarche de construction des périmètrestechniques pertinents proposée ici se décline entrois temps.

1. En premier lieu, bien définir les thématiquesà aborder pour répondre aux enjeux et aux objectifsvisés par l’analyse physique sommaire et l’analyseterritoriale.

2. Ensuite, déterminer les espaces et leslinéaires à prendre en compte par thématique.Il s’agit de définir les unités géographiques debases selon une double approche, technique etterritoriale.

Pour l’approche technique, il faut définir la bonnemaille de réflexion : la cohérence du fonctionnementglobal du cours d’eau interdit bien sûr de travaillersur des unités trop petites ; mais il n’est pas nonplus efficace de vouloir manier de grands territoiressi le fonctionnement physique ne l’impose pas. Ilfaudra toutefois rester conscient que la bonnemaille technique n’est pas nécessairement la bonnemaille socio-politique. L’une et l’autre ont leurpertinence.

La masse d’eau définie dans le cadre de la DCEest une unité d’évaluation et de planification, maispas une unité de gestion. La définition des massesd’eau intègre de nombreux paramètres, et lesbesoins précis de la restauration physique peuventconduire à envisager une autre unité de gestion :

certains paramètres de la restauration physique(continuité sédimentaire, continuité biologique)

pourront nécessiter de rassembler dans l’analyseplusieurs masses d’eau : c’est le cas notammentde la continuité sur les cours d’eau à migrateurs,ou des rivières dont la continuité du transit desgraviers doit être étudiée sur de longuesdistances (Drôme, Var, Durance, etc.) ;

la bonne échelle technique peut être plus réduiteque la masse d’eau, mais il faudra alors s’assurerde la cohérence des actions envisagées àl’échelle de la masse d’eau, par rapport à sesobjectifs et au programme de mesures ;

en matière de continuité biologique certainséléments de stratégie sont déjà définis et doiventêtre pris en compte : plan anguilles, ouvragesprioritaires “Grenelle” (lot 1 , lot 2), classementsdes cours d’eau (article L. 214 -17 du code del’environnement, liste 1 et liste 2) ;

et en tout état de cause, il faut toujourss’interroger sur le comportement aux frontièresentre deux masses d’eau (notamment,interrelations entre affluents et cours d’eauprincipaux).

P o u r l ’ a p p r o c h eterritoriale, la réflexiondoit aussi s’interrogersur les bonnes échelles“humaines”. Pour cela,l’analyse territorialesommaire de la rubriqueB doit être mobilisée,p o u r d é t e r m i n e rnotamment les espaces“vécus” par les riverains,la géographie desusages dominants, lesterritoires de décision.Le croisement des deuxapproches ( techniqueet territoriale) doitpermettre de proposeren première approchedes unités d’analyse debase.

L’étape suivante vapermettre d’étendrel’analyse à tout ce qui estnécessaire pour assurer lacohérence de la réflexion : iln’est donc pas gênant que les unitéssoient relativement petites. Il faut toutefois resterà une maille suffisante pour que le projet ait unsens vis-à-vis de l’objectif biologique de bon état,qu’il s’agisse de sa restauration ou de sapérennisation lorsque le bon état est atteint ou envoie de l’être.

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

3. Enfin, synthétiser ces espaces dans despérimètres techniques pertinents.

La bonne échelle d’espace doit être :

ni trop étroite, pour disposer de tous les leviersd’action et embrasser toutes les implicationsdes solutions qui seront envisagées ;

ni trop large, pour ne pas noyer la réflexion dansdes inventaires techniques inutiles ou desréunions trop élargies.

L’échelle d’espace sera très différente selon lestypes de cours d’eau :

sur les rivières à forte dynamique, les périmètresd’analyse peuvent être très vastes, et dépasserparfois l’échelle des masses d’eau. La relationavec l’échelle de temps est très forte. L’échelled’espace sera fixée en s’appuyant surtout surles grands mécanismes morphologiques en jeu ;

sur les rivières à faibles dynamiques, l’échelled’espace sera fixée davantage en considérantles unités écologiques (longueur pertinente pourtraiter des problèmes de continuité, maille

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écologiquement nécessaire pour que desopérations de restauration bénéficient pleinementaux milieux, etc.).

La bonne échelle de temps doit prendre enconsidération :

les évolutions morphologiques, surtout“réparatrices”, qui peuvent être très longues(plusieurs décennies, voire parfois quelquessiècles) et il importe de spécifier clairement avecles acteurs les différentes échelles de tempsauxquelles on veut s’intéresser ;

l’approche DCE qui vise le bon état en 2015(ou, par exemption, 2021 ou 2027) et qui peutapparaître courte en regard des temps propresà la dynamique fluviale. Les réflexions derestauration physique doivent envisagerégalement des échéances plus lointaines : uneréflexion à 20 ou 30 ans paraît impérative, et ilest intéressant d’avoir à l’esprit les potentiels àl’échelle de 50 à 100 ans, de façon à imprimerà la restauration physique une forte ambition delong terme.

La Durance

Les extractions de granulats ont représentéplusieurs siècles de transit sédimentaire.L’aménagement hydroélectrique, en réduisant lesdébits morphologiquement actifs, a limité la capacitéde “cicatrisation” de la rivière.

Le schéma d’aménagement adopté par le SyndicatMixte d’Aménagement de la Vallée de la Durance(SMAVD) considère en pratique 3 niveauxtemporels :

l’échelle du Contrat de Rivière (2008 – 2014),avec des actions concrètes de restaurationphysique (accroissement des débi tsmorphologiques, transparence des barrages,

recharge sédimentaire) qui vont amorcer unedémarche de longue haleine ;

une vision à 20/30 ans, où sont définies déjàdes actions qui ne pourront être mis en œuvreque lorsque que certaines évolutions auront étéobservées (abaissement de seuils pouraccompagner le rétablissement du transitsédimentaire, par exemple) ;

une esquisse à 50/100 ans qui a permis detracer une voie vers un rétablissement de lacontinuité du transit sédimentaire, et vérifier queles actions proposées contribuaient à cet objectif.

Pour que cette vision à long terme ait un sens, laréflexion a dû être conduite sur près de 150 kmde cours d’eau.

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IE 3 Définir les périmètres techniques pertinents (PTP)

La définition des périmètres techniquespertinents (PTP) comprend trois étapes :

1. identification des thématiques à aborderpour répondre à mes enjeux et à mesobjectifs ;

2. identification des linéaires/espaces àprendre en compte pour chaque thème ;

3. agrégation des différents périmètres.

1. L’identification des thématiques à aborderpour répondre à mes enjeux et à mes objectifs

La restauration physique s’intéresse àplusieurs composantes qui ne sont pasnécessairement toujours liées :

la dynamique morphologique ;

les débits solides et le transit sédimentaire ;

les débits liquides ;

la continuité biologique.

Il n’est en général pas raisonnable de vouloirtraiter de tous les sujets sur tous les linéairesde cours d’eau d’un bassin versant.

En s’appuyant sur la traduction physique desobjectifs biologiques, il importe de bien cibler,en fonction des enjeux identifiés et desobjectifs visés sur le cours d’eau, les thèmesque l’on doit, ou souhaite, privilégier.

Voici quelques pistes pour mettre mener cesréflexions :

Sur les cours d’eau naturellement mobiles,le transit sédimentaire, les débits de crueet l’espace dédié au cours d’eau seront leplus souvent la porte d’entrée, parce qu’ilsconstituent la clé d’un bon fonctionnementphysique.

Sur les cours d’eau peu ou pas mobiles, lacontinuité biologique ou la diversité desfaciès pourront représenter la priorité parlaquelle on doit ou souhaite aborder lesystème.

Si il y a un enjeu central de correctiond’un dysfonctionnement morphologique,(lié par exemple à des extractionsmassives ou un endiguement trop étroit)on recherchera à travailler avec deséchelles de temps raisonnables pourobtenir un résultat (quelques décennies),soit l’équivalent de quelques dizaines dekilomètres au maximum. Les aspects

“continuité piscicole” ou “débit” neseront éventuellement abordés qu’à lamarge (par exemple, en travaillant surun seuil de stabilisation du lit).

Si il y a un enjeu d’amélioration deshabitats, il faudra analyser le lien avecles débits, la qualité de l’eau, la continuitébiologique, la ripisylve, mais guère avecle transit sédimentaire ou lesinondations.

Si i l y a un enjeu central derétablissement de la continuitébiologique pour les espèces migratrices,il faudra alors embrasser un champ pluslarge, travailler à la fois sur les obstacleset sur le fonctionnement morphologiques’il induit des discontinuités. La qualitéde l’eau (s’il y a des barrières depollution) et les débits (si leurinsuffisance empêche le franchissementdes radiers) et la ripisylve (ombrage etcaches) doivent être intégrés à laréflexion.

2. Identification des linéaires à prendre encompte pour chaque thème

Les tronçons géomorphologiques de l’outilSYRAH cours d’eau, fournis par l’Agence del’eau sous SIG, représentent une unitécohérente en matière de fonctionnementphysique et peuvent donc servir de base dansla définition des unités cibles.

le linéaire pertinent pour la continuitébiologique sera différent selon le type depopulation piscicole (plus restreint pourles cyprinidés que pour les salmonidés,par exemple) ;

le linéaire pertinent pour l’analyse dutransit sédimentaire dépendra de lapuissance et de la mobilité du cours d’eau :quelques kilomètres pour des cours d’eaupeu mobiles jusqu’à des dizaines dekilomètres pour les cours d’eau les plusactifs ;

pour les débits, le découpage s’appuierasur les points de contrôle des débits (prisesd’eau, rest i tut ions) qui inf luentsignificativement sur le secteur cible ;

pour les actions directes sur lamorphologie (reméandrage, espace demobilité, suppression d’enrochements etde contraintes latérales…) l’impact sur lesprocessus est directement lié avec la

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Pont d’Ain (01)

longueur du tronçon :

longueur du tronçon inférieure à 20 foisla largeur du lit de débit de plein bord :peu d’impact sur les processusgéomorphologiques ;

longueur du tronçon comprise entre 20et 50 fois la largeur : des impacts locauxsur les processus géomorphologiques ;

longueur du tronçon supérieure à 50 foisla largeur : des impacts durables sur lesprocessus géomorphologiques.

3. L’agrégation des différents périmètres

Par le principe même de la définition despérimètres pertinents, les PTP de deuxsecteurs cibles voisins pourront se recouperpour certains thèmes : il conviendra alors des’interroger sur les liens entre les deuxpérimètres.

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Si le recouvrement touche le cœur desproblématiques à traiter, cela peut indiquerla nécessité de regrouper les deux unitéscibles pour garder une cohérence d’approche.

Si le recouvrement porte sur des thèmessecondaires, il faudra simplement garder celien à l’esprit dans l’étude des deux entités,de façon à apprécier les incidencesréciproques des deux périmètres.

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PLELe Guiers

La réf lexion menée sur la restaurationhydromorphologique du Guiers dans la traverséede Saint-Laurent-du-Pont intègre les différentsespaces :

Vis-à-vis du transit sédimentaireLe secteur amont a connu peu de perturbations, ilprésente peu de risques de dégradation et il n’y aguère d’interaction possible avec le bassin médian.La sortie des gorges amont est donc une simpleentrée du système pour notre exemple.

Une première limite aval évidente est la rupturede pente des gorges de Chailles (affleurementsrocheux). L’évolution du transit dans la traverséede St-Laurent n’est pas un enjeu en aval des gorgesde Chailles où le fonctionnement morphodynamiqueest indépendant : affleurements de la molasse,apports solides d’affluents (Ainan, Tier), blocagedu transit au niveau d’ouvrages en travers.

Du fait des recalibrages anciens, des extractionsqui ont suivi et du blocage amont des apportssolides (ouvrages en sortie des gorges), le transit

Echelles spatiales et interactions thématiquesIncidences amont - aval d’une gestion des milieuxphysiques du Guiers dans la traversée de St Laurentdu Pont

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sédimentaire actuel dans le Guiers Mort estextrêmement faible (quelques centaines de m3par an contre quelques milliers). Actuellement, lesapports solides dans le Guiers proviennentessentiellement du Guiers Vif. Le rétablissementdu transit sédimentaire sur le Guiers Mort passepar :

La transparence des ouvrages amont, dèsl’amont de la traversée de St-Laurent du Pont,ainsi que l’arrêt des extractions sauvages ;

Un désendiguement raisonné et une réouverturefaçonnée du lit permettant de restaurer unespace alluvial de bon fonctionnement au seinduquel plusieurs fonctionnalités seraientredynamisées : ouverture d’espaces à l’érosion,ralentissement des vitesses d’écoulement encrue, tendance au dépôt, etc. de façon au finalà tendre vers un profil en long d’équilibre (pentede 0,55% au lieu de 0,4 % entre les seuils destabilisation) ;

La restauration d’une transparence adaptée del’ouvrage du Seuil du Moulin, en amont immédiatde la confluence (arasement ou gestionmécanique des apports) ;

La conservation des seuils intermédiaires nonbloquants car ils stabilisent le profil en longactuellement soumis à une érosion régressivegénéralisée. Avec le retour à un profil en longd’équilibre à long terme, ces seuils seretrouveraient noyés ou perdraient en dénivelé.

Avec de tels principes, la restauration du transitaurait peu de conséquences significatives à l’aval :le transit resterait modeste, on ne pourrait pass’attendre à des “bouffées” de sédiments et lesdélais seraient très longs (plusieurs décennies).Enfin, les effets sur le milieu physique resteraientcertainement discrets. On peut donc, d’un pointde vue technique, isoler le bassin médian (les deuxGuiers à l’aval des gorges, jusqu’aux gorges deChailles) pour l’analyse morphosédimentaire.

Mais peut-on distinguer dans cet espace un espaceplus restreint correspondant à la traversée de St-Laurent (le Guiers Mort jusqu’au confluent des deuxGuiers, par exemple) ? La réponse dépend del’échelle de temps :

à court terme (5 / 10 ans, le temps d’un contratde rivière), le déficit sur le Guiers Mort est telqu’il ne faut pas escompter une modification desapports au confluent, sauf si la transparencecomplète est obtenue au seuil du Moulin sur lapartie aval du Guiers Mort. On pourra doncdissocier les deux ensembles dans l’analyse.

à long terme (plusieurs décennies), unerestauration de la continuité morphodynamiquedu Guiers Mort aura des répercussions sur leGuiers à l’aval de la confluence, mais avec desrythmes suffisamment lents, généralementdésynchronisés de ceux du Guiers Vif, pourqu’on puisse accepter d’envisager les deuxespaces séparément, tout en gardant cette liaisonfuture à l’esprit.

Vis-à-vis de l’inondabilitéDans le cas du Guiers, les conséquences desévolutions morphologiques sur l’inondabilité serontimmédiates tant dans l’espace que dans le temps,mais elles peuvent rester compatibles avec lesusages du lit majeur.Un abaissement des seuils dans la traverséeurbaine permettrait des gains sur les risques (cf.seuil des Ecoles). Plus en aval, comme lesrecalibrages et l’incision postérieure ont favoriséla débitance du lit (capacité centennale en milieuagricole), il existe des degrés de latitude pourdévelopper le désendiguement, l’ouverture du litet son réengravement avec des incidencesacceptables. Inversement, de tels principescombinés avec la conservation du seuil du Moulinen aval dans son état actuel pourraient conduire àlong terme à un réalluvionnement du lit en zoneurbaine qui entraînerait des risques dedébordements non compatibles avec lesoccupations du lit majeur.

Vis-à-vis de la qualité des eauxLes enjeux de qualité des eaux ont déterminé unepart importante du premier Contrat de Rivière, maisle lien avec la restauration des milieux physiquesn’est pas évident : les pentes restent en touteshypothèses suffisantes pour assurer uneautoépuration sans doute importante ; les gains àattendre d’une plus grande mobilité latérale et d’unréalluvionnement du lit peuvent provenir d’échangesplus fréquents entre la nappe et la rivière, enparticulier dans les secteurs où les marnesargileuses ont été découvertes. Dans tous les cas,ces gains paraissent difficiles à quantifier.

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Dans le cas présent, une restauration du milieuphysique “ne peut pas faire de mal” sur la qualitédes eaux, mais les deux thématiques restentrelativement indépendantes.

Vis-à-vis de la continuité biologiqueTant le Guiers Mort que le Guiers Vif, dans leurpartie terminale au sortir de la Chartreuse,présentent des milieux aquatiques dégradés, avecde nombreux seuils infranchissables, uneartificialisation du lit (homogénéisation des fonds,étalement excessif de la lame d’eau à l’étiage) etune incision qui a dégagé des affleurements delentilles argileuses peu biogènes.À l’aval, les Gorges de Chailles sont historiquementinfranchissables (sauf peut-être pour la dévalaisonde certaines espèces) : il s’agit d’une limite avalévidente.À l’amont, les hautes vallées présentent desobstacles infranchissables naturels (Pas du Frou,etc.).Le bassin médian est donc naturellement isolé, etpeut être traité indépendamment. Au sein de cesecteur, quelques ouvrages comme le seuil duMoulin, ouvrant sur le Guiers Mort depuis laconfluence des deux Guiers, sont des ouvragesstratégiques.

Vis-à-vis des milieux alluviauxL’artificialisation du lit a conduit à une banalisationdes milieux alluviaux, et à une déconnexion de cesmilieux avec les espaces latéraux.La restauration physique du lit est doncfondamentale pour la restauration des milieuxalluviaux, qu’ils soient aquatiques (habitats pour lafaune aquatique) ou terrestres (nombreuses forêtsalluviales déconnectées, voire asséchées).

La notion de corridor biologique doit conduire àenvisager la restauration des milieux alluviaux dansune perspective plus large de gestion du corridorfluvial à l’échelle de la vallée. Toutefois, cenécessaire élargissement du point de vue n’estpas incompatible avec une approche locale de lagestion physique.

Vis-à-vis des relations nappe – rivièreLes études hydrogéologiques existantes et lesjaugeages du débit du Guiers Mort montrent quela nappe draine le Guiers Mort en sortie des gorges(nappe profonde sous un large cône de déjection)avant de le réalimenter plus aval par les apportsdes ruisseaux de nappe et le réaffleurement de lenappe devenue captive (partie aval d’un ancien lacglaciaire). Il est certain que l’enfoncement importantdu lit a eu des conséquences directes sur l’état desaquifères alluviaux mais d’une façon peu perceptiblesocialement car les usages de la nappe sont faibles.Le fonctionnement est donc réversible et a prioricompatible avec une restauration physique duGuiers Mort.

Vis-à-vis des enjeux socio-économiquesL’artificialisation du lit, en réduisant la largeur del’espace rivière, et en limitant les débordements,a favorisé une conquête urbaine du lit majeur, quireste toutefois limitée (zones d’activité entre St-Laurent et Entre-deux Guiers).La délimitation des zones inondables et d’un espacede bon fonctionnement intégrant notammentl’espace de mobilité et les zones humides contraintaujourd’hui les perspectives de développementurbain : il y a donc des enjeux forts et un contextesans doute favorable à une restauration d’un espacealluvial de bon fonctionnement compatible avec lesusages.

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

Identifier les actions susceptiblesde garantir les valeurs des grandeursphysiques nécessaires à l’atteinte des objectifsenvironnementaux recherchés

Le choix d’un niveau de restauration à l’échelle d’unpérimètre technique pertinent ou d’un tronçon plus courtrésultera nécessairement d’un compromis avec lesdifférents acteurs. Mais ce choix doit s’appuyer d’abordsur une vision des actions de restauration les plusefficaces, c'est-à-dire celles qui garantiraient au mieuxl’atteinte des objectifs poursuivis. Ces objectifs doiventêtre le plus souvent traduits techniquement en valeursà atteindre pour un certain nombre de grandeursphysiques (cf. rubrique D)

Il s’agit à ce stade de se forger une idée de ce quepourrait être la restauration physique du tronçon, enfaisant abstraction des contraintes qui ne sont pasvraiment impératives (personne n’imagine restaurer lamobilité du Rhône dans Lyon ou supprimer les barragesdu Drac ; mais une route communale, une digue, unezone agricole ne sont pas a priori intouchables dansla mesure où des solutions techniques et/oufinancières sont par principe envisageables).

3.7. Rubrique F :Fixer un niveau de restaurationpar périmètre technique pertinentcompatible avec les objectifsenvironnementaux poursuivis

Comme pour l’étape précédente, il serait judicieuxd’associer à la définition de ces objectifs, lorsquec’est possible, les élus et les acteurs déjà intéresséspar la démarche (outre les services techniquesdes structures locales de gestion et des servicesde l’Etat - DREAL et MISE notamment - et de sesEtablissements publics - Agence de l’eau, Onema)de manière à nourrir le croisement entre l’analysetechnique stricto sensu et l’analyse territoriale.

L’objectif n’est pas d’imposer une visiondogmatique de la rivière, mais d’engager laréflexion avec les acteurs en ayant en tête uneambition de restauration qui serait la plus à mêmede permettre d’atteindre les grandeurs physiquesnécessaires à l ’a t te inte des object i fsenvironnementaux, et en premier lieu le bon étatou le bon potentiel écologique. Il est en effetessentiel de montrer si un scénario d’action estpossible ou pas.

Cette stratégie servira de référence lors de la priseen compte ultérieure de tous les autres aspectsde la gestion du territoire.

Rappelons les quatre niveaux d’ambition qu’onpeut distinguer :

P : préservation des débits (liquides et solides)ou de l’espace de fonctionnement du coursd’eau, notamment en vue d’assurer la non-dégradation de l’existant ;

R1 : restauration parm a î t r i s e d ucomportement del ’ h y d r o s y s t è m e(”jardinage”). Jen’enlève pas lapression mais limiteson impact surl’hydrosystème. Jene change pas lesenjeux présents(inondations, voie detransport…) mais jefais mieux avecl’existant ;

R2 : rétablissementpartiel de l’autonomiede la rivière, dans lesl i m i t e s d e scontraintes locales.J’enlève partiellementles pressions physiquesen modifiant plus oumoins les enjeux installésmais sans faire émerger d’enjeuxou de perspectives nouvelles ;

R1 - La Leysse (73)

R2 - Plantations dans le Bas Chablais (74)

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THO

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IE 4 Comment définir l’ambition R1/2/3 par PTP

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

R3 : restauration complète de l’autonomie de larivière. J’enlève la pression et je suis doncamené à modifier les enjeux installés et en faireémerger de nouveaux.

1. Pour chacune des opérations :

je vise a priori les mesures de type P - R3

si des obstacles techniques émergent,j’analyse et j’explique pourquoi je doisrestreindre l’ambition de restauration.

Il est rappelé qu’à cette étape de la démarche,seuls les obstacles techniques sont àconsidérer, en excluant, pour l’instant, leseffets socio-économiques des ambitions derestauration. Ces obstacles peuvent avoirplusieurs origines :

des contraintes latérales majeures(urbanisation, par exemple) qui font qu’unerestauration complète de l’autonomie defonctionnement n’est pas envisageable ;

il faut toutefois éviter le piège del’autocensure, et ne pas esquiver dessituations où une remise en cause deslimites actuelles de l’espace rivière serontcertes socialement, économiquement oupolitiquement douloureuses, mais pastechniquement irréalistes : c’est dans lasuite de la démarche que ces aspectsseront intégrés à la réflexion ;

une inertie dans la réponse des paramètresdu fonctionnement physique : débits,apports sédimentaires, pente motrice : parexemple, avec une dynamique affaiblie par

un déficit sédimentaire qui mettra du tempsà être corrigé, il faudra durablement aiderla rivière à développer et entretenir desformes de lit favorables aux milieuxnature ls ( remodelage, rechargesédimentaire artificielle, etc.).

Dans l’hypothèse d’obstacles techniquesidentifiés :

le niveau R2 pourra être envisagé si lalargeur disponible est suffisante pourqu’une dynamique latérale partielle soitpossible ;

sinon le niveau R1 s’imposera : il s’agiraalors de chercher à «cultiver» certainesfonctions physiques locales du milieu (parexemple, diversité des faciès d’habitatsaquatiques, restauration des profils deberge) tout en cherchant à travailler surla continuité avec les tronçons amont etaval : continuité du transit sédimentaire(qui peut tout à fait être assurée même siles berges sont fixées), continuitépiscicole.

Les trois types d’ambition de restaurationne sont pas à opposer, mais bien à voircomme différents outils pour mettre en œuvreune vision par PTP et par bassin versant del’hydromorphologie.

R3 - La Bléone

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IE 4

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

Les opérations R1 (passe à poissons -diversification des habitats en lit mineur)permettent de relier des zones de R2 - R3,des zones à forte diversité biologique(réservoirs biologiques, zones Natura 2000,secteurs patrimoniaux…) et donc d’apporterde la rés i l ience à l ’ensemble del’hydrosystème.

Il y a sans doute lieu de traiter à part les casde modifications irréversibles (aménagementsmajeurs : Ain aval, Drac aval, Durance, Rhône,etc.). Le niveau R3 doit être alors compriscomme le rétablissement de l’autonomie dela rivière avec les conditions héritées del’aménagement : la politique de mobilitélatérale sur l’Ain aval, la restauration de lacontinuité sédimentaire sur la moyenneDurance sont des exemples de niveauxd’ambition de type R3 en conditions modifiées.

2. J’analyse le cumul des opérations par PTP

L’analyse par PTP doit permettre de mettreen lumière la cohérence ou l’incohérencetechnique des opérations prévues et de leurambition, d’une part par thématique (débitliquide, débit solide, morphologie, continuité)et, d’autre part, avec une vision inter-thématiques.

3. Je vérifie la cohérence des opérationsprévues au regard des ob jec t i fsenvironnementaux du SDAGE

Le niveau R1 ne doit pas compromettre unestratégie de restauration à plus large échelle.En effet, par essence une opération R1 estmise en place pour limiter ponctuellement lesimpacts d’une pression sur l’hydromor-phologie : elle ne doit pas empêcher d’autresopérations plus ambitieuses en amont ou enaval.

Une collectivité ayant investi de l’argent publicsur certains secteurs, en confortant la fixationdu lit et des processus (R1) pourradifficilement remettre en cause cesaménagements pour réaliser des opérationsR2-R3 ultérieur.

4. J’analyse le cumul des opérations parbassin versant

L’analyse à l’échelle bassin ne doit passimplement conduire à un exercice de cumuldes opérations mais bien à une vision plusglobale :

replacer l’hydrosystème dans son territoireavec les usages en présence et l’imageglobale qui en résulte ;

répartition des zones P, R1, R2, R3 tellequ’elle puisse favoriser la résilience desmilieux et donc de la faune et de la florequi s’y développent ;

vision à court, moyen et long terme desp a r a m è t r e s d e c o n t r ô l e d el’hydromorphologie (débits liquides etsolides et espace dédié au cours d’eau).

Les stratégies de restauration physiqueseront très différenciées selon les cas, avecbien évidemment toutes les situationsintermédiaires envisageables :

sur les rivières actives, l’objectif centralde la restauration physique devra être derendre à la rivière son autonomie defonctionnement : il faudrait qu’elle soitcapable de façonner elle-même son lit.Continuité du transit sédimentaire etespaces de mobilité seront les maîtresmots. Une intervention directe sur lagéométrie du lit est a priori discutable,même avec des buts louables (restaurationde faciès propices aux milieux aquatiques,ouvertures de terrasses submersibles,reméandrage) : elle suppose en effet qu’onrenonce à redonner à la rivière la capacitéde faire cette intervention elle-même. Cepeut être justifié si le contexte l’impose(fonctionnement morphologique trop

La Durance

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3.8. Rubrique G :Identifier les opportunitésde développement attachéesà la restauration des PTP

Plus encore que pour les rubriques précédentes,l’implication d’un éventuel élu déjà intéressé auprojet est ici particulièrement souhaitable, pour sonexpertise du territoire et pour nourrir dès ce stadela vision qu’il aura à promouvoir par la suite.

En effet, la définition précise des projets techniquesde restauration physique pour chaque PTP, et enparticulier du niveau d’ambition qui les fonde, doità ce stade être traduite en avantages etopportunités pour le territoire ou, pour être plusprécis, pour certains usages et pratiques présentsou qui pourraient l’être.

L’approche territoriale initialement développée pourinitier le projet (cf. rubrique B) avait permisd’identifier, d’une part, les différents usages etpratiques expliquant la situation hydromor-phologique initiale (acteurs concernés) et, d’autrepart, ceux susceptibles de bénéficier d’unerestauration physique (acteurs intéressés).

Il s’agit maintenant d’approfondir cette analyse enprécisant, sur la base des caractéristiquestechniques du projet établi pour chaque PTP, sesretombées positives pour les acteurs intéresséset ses éventuels impacts pour les acteursconcernés.

_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

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IE 4

dégradé, milieu trop contraint, aide à larelance de la mobilité naturelle, etc.),mais il s’agira toujours d’une ambitionde restauration limitée (niveau R1) ;

sur les rivières peu ou pas actives, laphilosophie d’action sera très différente.Par nature, la rivière a une faible capacité“d’auto-restauration” : il est doncpleinement légitime d’intervenirmécaniquement pour redonner unegéométrie plus proche des conditionsde référence (reprofilage de berge,diversification de faciès, etc.), et ce moded’intervention peut parfaitement icitrouver sa place dans une politiqueambitieuse de restauration (niveau R3) ;

sur les rivières artificielles, la situation deréférence est beaucoup moins claire.Autant dans les deux types précédents,la référence est souvent assez évidente(même si sa caractérisation précise peutêtre plus complexe), autant il peut êtrevain de la rechercher sur certains coursd’eau profondément façonnés de longuedate par l’homme (voir rubrique C).

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

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IE 5 Analyser les effets de mon projet pour les autres acteurs

Ce travail doit donner lieu à l’établissementd’une “cartographie” des acteurs liés auprojet, afin notamment d’identifier les contactsqui seront nécessaires pour asseoir et finalisercelui-ci. Pour le porteur de projet, il s’agit deprendre conscience des effets”politiques”que son ambition technique est susceptibled’induire :

quels acteurs verraient leur positionconfortée par la réalisation du projet ?Quelles caractéristiques physiquesexpliqueraient cette évolution ?

quels sont ceux qui devraient composeravec la nouvelle configuration du milieuinduite ? et sur quels paramètres ?

quels sont les acteurs qui, au contraire,pourraient voir se développer certaines deleurs aspirations et de quelles manières,quelles améliorations physiques de larivière leur profiteraient ?

Pour réaliser ce travail, il s’agit d’analyserfinement, PTP par PTP, les paramètreshydromorphologiques que l’on entendmodifier (débits, transport solide, érosionlatérale, capacité de divagation, cote de profilen long…) du point de vue des impacts positifsou négatifs qu’ils induisent sur les conditionsd’usages et de pratiques (volumesdisponibles, conditions biologiques,inondabilité, …).

Produits

Il s’agit d’apporter de la lucidité concernantles convergences et les divergencespotentielles entre objectifs.

Cette phase débouche, à l’échelle de chaquePTP, sur une idée précise des activitésimpactées qui se traduit par l’élaboration defiches présentant chacune de ces activitéset la nature des compatibilités et desincompatibilités.

Ensuite, ce jeu de fiches donnera lieu à unesynthèse réalisée à l’échelle de la massed’eau, pour qualifier l’ambition du projet surle territoire. Il s’agit de revisiter le diagnosticterritorial sommaire établi au début de ladémarche (cf.rubrique B), afin de qualifier laportée de ce projet sur les acteurs concernéset intéressés pour en saisir la philosophied’ensemble en termes de dynamiqueterritoriale.

Cette étape s’avère particulièrementimportante pour préparer les phasesultérieures de la conception du projet quivont se confronter à la prise en considérationd’autres logiques d’actions autour de larivière. Ainsi :

l’identification des acteurs concernés etintéressés permet de pointer les politiquespubliques développées à leur égard, quiseront donc susceptibles d’interférer avecle projet (tourisme, protection contre lesinondat ions, préservat ion de labiodiversité, développement local,adduction en eau, …) ;

l’analyse fine des impacts positifs etnégatifs de ce projet sur les acteurs,nourrira la construction des argumentairespour le défendre et le justifier sur la scènepublique (cf. chapitre 3).

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4. Penser l’articulationtechnique du projetavec les politiquespubliques présentesLa rubrique F a permis de définir les modalités derestauration requises pour atteindre les objectifsenvironnementaux poursuivis, sur la base d’unedouble analyse du fonctionnement de la rivière etdes acteurs du territoire qui y sont liés.

Il s’agit maintenant de préparer la mise en débatde cette ambition dans la gouvernance locale. Ilest dès lors nécessaire de se tourner versd’autres visions de la rivière portées par lesautres politiques publiques à l’œuvre sur leterritoire.

Pour faciliter son insertion dans la gouvernancelocale, le projet de restauration physique doit êtreconfronté aux logiques techniques d’action déjàprésentes au sein des politiques publiques localestouchant les mêmes acteurs.

C’est bien en effet d’abord par les acteurs quiportent ces politiques (État, collectivités,organismes consulaires, …) que le projet devraêtre reconnu. Il ne prendra sa forme définitivequ’après avoir convaincu de son intérêt à l’échelleterritoriale et susciter le soutien de ces acteurs.

Une dynamique d’entraînement ne peut se fairesans envisager de revenir au contenu mêmedu projet : il faut, à cette étape, le considérercomme un objet à négocier dans une logiquede compromis et/ou à enrichir dans une logiquede co-construction et d’accompagnement.

Cette dynamique est susceptible de revêtir diversesformes et de mobiliser des moyens différents :

négociations bilatérales auprès des porteursde politique concernés lorsqu’il s’agit de prévoirles compromis permettant d’assurer l’acceptationdu projet, ou de nouer des alliances pouraccompagner le projet de restauration physique ;

discussions multilatérales au sein d’instancesde concertation (comité de rivière, CLE, conseilde Pays, …), lorsqu’il s’agit d’insérer le projetdans une stratégie collective plus globale ;

conduite partenariale d’études à l’interfaceentre l’hydromorphologie et d’autres thèmesconnexes (inondation, ressources, habitat, milieunaturel, …), le comité de pilotage jouant alorsle rôle d’une instance de concertation entre lesdifférentes politiques publiques concernées ;

enfin, l’organisation de réunions publiquesde sensibilisation et d’information réunissantpopulations locales et décideurs, à l’occasiond’événements par exemple, pour faire partagerles enjeux de l’hydromorphologie et pour valoriserles opportunités qu’elle offre pour le territoire.

Ces différents ingrédients sont bien évidemmentà articuler sans que ce guide soit en mesure deproposer une recette type. En effet, chaque casprésente des caractéristiques de contexte physique,historique, institutionnel et politique propres,multipliant les possibilités stratégiques d’une telledémarche. Dans tous les cas néanmoins, uneapproche itérative sera privilégiée. En effet, ladynamique à installer nécessite des apprentissagessuccessifs qui impliqueront des allers-retours d’unescène à l’autre.

Bien se préparer à la négociation estessentiel :Cette phase stratégique doit donc être préparéeavec beaucoup d’attention. En ce sens, deuxrecommandations doivent ici être faites :

Il est indispensable d’avoir défini et précisé leniveau d’ambition qui permettra d’atteindreles objectifs recherchés (cf. rubrique F) avantd’entamer ces discussions afin de construireson propre discours et de le rendre crédible.

Il est nécessaire de conduire les discussionssans nourrir de faux espoirs ou buter sur defaux problèmes. Pour cela, deux conditions sontnécessaires :

savoir ce que l’on veut, et ce qu’on neveut pas. Quelle est la fourchette denégociation acceptable ? Quel est le seuil endeçà duquel on ne veut pas descendre pourconserver l’intérêt du projet ? (cf. rubrique D) ;

être lucide sur les divergences et lesconvergences entre les objectifs derestauration physique et les autres ”mondes”qui interviennent sur les cours d’eau : lespolitiques de prévention des inondations, lespolitiques de protection et de valorisation desmilieux naturels, la gestion de l’espace, lesusages… A condition d’être correctementtraités, ces enjeux constituent autant de motifsde discussion avec ces porteurs de politiqueet constitueront probablement des levierspour faire avancer le projet (cf. rubrique I).

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

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Compte tenu du caractère stratégique des rubriquesdécrites ci-après, il semble crucial qu’à ce stade,les réflexions soient conduites par un binôme ouune équipe de projet associant techniciens (pourle contenu encore très technique des analyses) etélus porteurs (pour leur responsabilité dans laconduite des négociations qu’il s’agira de mener).

4.1. Rubrique H :Fixer la fourchette de négociation

A l’échelle de chaque “périmètre techniquepertinent”, il convient de fixer la fourchette denégociation.

On a déjà identifié la position initiale de négociation :c’est ce que l’on voudrait, un scénario plausibledu point de vue de sa capacité à permettred’atteindre les objectifs visés. Le terme “plausible”est important : pour être crédible, et donc forte, laposition initiale doit être ambitieuse (et donc pasatténuée dès le départ par une auto-censureexcessive), mais crédible, c’est-à-dire perçue parles autres acteurs comme la position logique dequelqu’un qui a pour objectif de promouvoir lemeilleur fonctionnement physique possible, et noncomme une position dogmatique sans prise sur laréalité du territoire.

Il faut à l’inverse fixer le minimum acceptable :c’est ce qui est nécessaire pour que le projet aitun sens vis-à-vis des objectifs de bon étatécologique. L’un des intérêts de l’approche parpérimètres techniques pertinents (PTP) est defournir une échelle d’appréciation opérationnellepour évaluer si les termes de la négociationsont toujours en adéquation avec les objectifsenvironnementaux poursuivis. Ces PTP

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

permettent aussi de faire comprendre auxpartenaires du projet que le minimum acceptablepar opération ne peut être tenu comme un objectifacceptable pour l’ensemble des opérations d’unpérimètre, et que c’est bien au sein de cespérimètres que doit être évaluée et discutée lastratégie générale de restauration.

Enfin, cette réflexion doit être hiérarchisée àl’échelle de la masse d’eau : on pourra être plussouple sur des actions qui restent marginales parrapport aux grands enjeux de la masse d’eau, etplus intransigeant sur des actions qui déterminerontle fonctionnement général de la masse d’eau.

4.2. Rubrique I :Analyser les points de convergenceset de divergences

Après avoir défini “ce que l’on défend et ce quel’on veut” et ce qu’on ne veut pas, il est nécessaired’être lucide sur les divergences et lesconvergences entre les objectifs de restaurationphysique et les autres “mondes” qui interviennentsur les cours d’eau.

Cette nouvelle rubrique se nourrit de l’analyse desenjeux réalisée précédemment.

Elle ne constitue pas une “recette prête à l’emploi”mais plutôt un support de travail pour analyser lesliens réels entre l’hydromorphologie et les autrespolitiques publiques, les politiques de préventiondes inondations, les politiques de protection et devalorisation des milieux naturels, la gestion del’espace, les usages…

La Chantourne, bassin Bas Charlaix (38)

Inondations

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

Zone humide

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IE 6 Analyse des divergences et des convergences

1. Un préalable fondamental est de biendistinguer ces différents espaces defonctionnement.

Il faut identifier les espaces concernés parles objectifs des “autres modes” quis’expriment sur les territoires (souvent, lagestion des risques au travers de la luttecontre les risques les inondationsdommageables, les risques liés à l’instabilitédes terrains de montagne, la gestion desmilieux naturels, etc). Cela permet de mieuxsaisir de comprendre pourquoi, où etcomment s’expriment les divergences et defaire apparaître des pistes de convergencespotentielles entre les différentes politiquespubliques.

2. Ensuite, il est nécessaire de saisir la culturetechnique de chaque politique publique àapprocher.

Toute politique publique à contenu technique(inondation, milieu naturel notamment)s’inscrit dans une philosophie d’action quise traduit localement par des modalités degestion et d’aménagement. Cette culturetechnique conditionne la manière dont leprojet de restauration physique sera reçud’emblée par les porteurs de cette politique.

Il est donc nécessaire, avant d’ouvrir lesdiscussions, de connaître cette culturetechnique locale pour préparer les échanges.Pour cela, il est très utile de s’intéresser àl’historique des aménagements et desopérations de gestion réalisés sur le périmètrevisé.

Trois questions peuvent illustrer ce propos :

les aménagements contre les crues sont-ils inscrits dans une logique d’accélérationdes écoulements ou de préservation deschamps d’expansion de crues ?

la gestion de milieux naturels répond-elleà une logique de “laisser-faire” ou de génieécologique ?

dans tous les cas, cette logique est-ellemise en cause aujourd’hui par l’évolutiondes problèmes traités ?

3. Traduire (ou faire traduire) collectivementchacun des objectifs des “autres mondes”en caractéristiques physiques pour analyserconcrètement et non dogmatiquement lesconvergences et divergences des objectifs.

A titre d’exemple :

pour répondre aux enjeux d’eau potable, ilest nécessaire de disposer d’une nappe àtelle profondeur / de tel volume, donc dedisposer d’un profil en long à telle cote,etc ;

pour répondre aux enjeux inondation, ilest nécessaire de disposer de telle rugositémaximale dans le lit mineur, de telledébitance, de telle fréquence de crue, etc ;

pour répondre aux enjeux de tourisme…,il est nécessaire de disposer de tel espace,de telle fréquence d’inondation du litmajeur, de tel régime hydrologique, etc.

4. Comparer les exigences physiques desobjectifs biologiques avec les exigencesphysiques des “autres mondes”.

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Convergences et divergences :hydromorphologie et inondations

Il est souvent très judicieux d’utiliser lespolitiques de protection contre lesinondations pour faire émerger des projetshydromorphologiques, même si cela est apr ior i dé l icat : l a re la t ion en t rehydromorphologie et inondation est forte,incontournable, mais aussi parfois incompriseou dévoyée.

Un discours simpliste tend à accréditer l’idée queles actions favorables à la restauration physiquesont nécessairement favorables à la préventiondes inondations. De même, d’autres peuventpenser qu’il y a nécessairement antagonisme entreces deux objectifs. La réalité est plus complexe.

Concernant les espacesIl y a trop souvent confusion entre les espaces defonctionnement qui gouvernent les thématiques“ m i l i e u x n a t u r e l s ” , “ i n o n d a t i o n ” e t“hydromorphologie”.

Phrase souvent lue qui résume la confusion :“préserver des espaces de mobilité qui garantissentl’équilibre morphologique de la rivière, ralentissentles crues et assurent la diversité des milieuxnaturels”.

Ces espaces se recoupent bien évidemment, maisne se recouvrent pas totalement, et leurs fonctionsne sont pas nécessairement convergentes. Etrelucide sur ces réalités techniques est la base d’uneréflexion vraiment efficace pour rechercher ensuiteles convergences possibles entre ces différents“mondes”.

Quelques exemples pour montrer la complexitédes relations entre ces espaces :

les prairies à brochet de rivières du Val de Saônerequièrent, pour atteindre leur optimumécologique, une inondation longue et annuelle.

pour améliorer l’écrêtement de crues, il faudraitplutôt mettre ces espaces hors d’eau pour lespetites crues pour garder le potentield’écrêtement pour les crues moyennes ;

de nombreux milieux annexes très riches (lônes,gours selon les régions) se sont développéssur d’ancien bras vifs abandonnés par la rivièreen raison d’une réduction de son activitémorphologique : le rétablissement de la mobilitépourra remettre en cause ces milieux, avecl’espoir que la mobilité retrouvée contribue àcréer des milieux en constant renouvellementen lieu et place de milieux certes riches, maiscondamnés à vieillir ;

les “espaces de mobilité” sont des zones quicontribuent à l’équilibre morphologique et à ladiversité des milieux : en revanche, les vitessesen crue y sont notables, et leur rôle d’écrêtementà peu près nul.

Concernant les débits, la lutte contre lesinondations s’intéresse en général aux crues rares,de période de retour de 10 ans au minimum,souvent 100 ans. Le fonct ionnementhydromorphologique est, quant à lui, conditionnépar les débits dits “morphogènes” quicorrespondent aux crues bien plus fréquentes(crues annuelles à bisannuelles, en général).

Pour les milieux naturels, les crues rares n’ontguère d’impact, si ce n’est en provoquant descrises cycliques de l’hydrosystème. Les cruesannuelles jouent un rôle dans l’équilibre decertaines espèces, mais ce sont les débitsordinaires et surtout les étiages qui conditionnentla qualité et le fonctionnement des milieuxaquatiques (débit en rivière et niveau de la nappealluviale).

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

Espac

es

écolo

gique

s Espaces

morphologiques

Espaceshydrauliques

Castelnau le Lez (34)

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EX

EM

PLE

Convergences et divergences :hydromorphologie et milieux naturels

La restauration physique des cours d’eau s’affirmecomme une condition sine qua non de leurrestauration biologique :

la mobilité du lit favorise la diversité biologique,la diversité des faciès, le rajeunissement desformations végétales ;

le décloisonnement est également un gage dediversité ;

l’augmentation des débits favorise souvent lepotentiel biologique, notamment lorsqu’ellepermet d’accroître la surface des habitats,d’améliorer la continuité ;

la lutte contre l’affleurement et l’érosion dusubstratum est également importante pour lesmilieux. Des affleurements généralisés du rocherréduisent la qualité et la diversité des habitats,

l’érosion d’un substratum argileux augmente lecolmatage du lit.

Pourtant, paradoxalement, la restauration physiquepeut s’opposer parfois à la protection des milieux,du moins dans une vision statique, à court termeet en l’absence d’une vision globale desdysfonctionnements et d’une vision historique del’implantation des aménagements.

En effet, la restauration de la dynamiquemorphologique peut remettre en cause des milieuxidentifiés comme riches : la restauration du transitsédimentaire et de la mobilité latérale vont parexemple souvent perturber, voire faire disparaître,des milieux humides spécifiques qui s’étaientdéveloppés en prof i tant d’un systèmemorphologique perturbé :

roselières développées dans des milieux figés(retenues de barrage, anciennes extractions,etc.) ;

forêts alluviales matures ;

bras secondaires isolés par la moindre mobilitélatérale, autour duquel se sont développés desmilieux annexes précieux (les “adous” de laDrôme, par exemple).

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

Pour aller plus loin, cf. Annexe 3 sur les convergences et les divergences

Initier et développer des synergiesavec le monde des naturalistesA ce titre, la complémentarité avec Natura 2000 est àdévelopper

La Durance

1994 : année charnièrepremière c rue majeure depu is lesaménagements EDF ;interdiction des extractions en lit mineur = remiseen cause du schéma extractions / seuils ;projet TGV Méditerranée ;plan de protection de l’étang de Berre etmodification du fonctionnement de la chaînehydroélectrique.

Après 1994 : prise de conscience de lanécessité d’une nouvelle approche

repenser la gestion des graviers ;repenser le système de protection contre lescrues ;mise en évidence du lien étroit entrehydromorpho et inondation dès le début de ladémarche ;invention du volet B0 au cœur du contrat derivière = hydromorphologie ;des actions novatrices ont été programmées :modification de la gestion des barrages(augmentation des débits morphologiquement

actifs, transparence accrue en période de crue) ;programme d’abaissement des seuilsaccompagnant le rétablissement du transitsédimentaire ;remobilisation de terrasses alluviales ;définition d’un espace de mobilité recherchéeet d’un espace de mobilité acceptée ;suppression de digues, épis et protections deberge dans ces espaces ;restructuration du système de protection enarrière de ces espaces.

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

scénarios de recharge sédimentaire etd’apprécier parmi ces scénarios, quel est celuiqui permet la meilleure compatibilité entre unegestion des risques et un milieu physiqueécologiquement plus fonctionnel.

la restauration des espaces alluviaux peutconduire à une rivière moins présente dans lepaysage (masquage par la reconstitution d’uneripisylve, perception “négative” des érosions quisont le signe d’une dynamique latérale retrouvée,etc.) ;

enfin, il ne faut pas sous-estimer la fonctionpatrimoniale des ouvrages : les seuils anciensrappellent les usages ancestraux de l’eau etpeuvent structurer le paysage, les digues et lesouvrages de protection portent la mémoire dela “lutte” des hommes contre les éléments, lesseuils et moulins évoquent le passé agricole ouindustriel, … Négliger cette composante ne peutque retarder l’acceptation de la nouvelle politiquede gestion par les riverains.

En revanche, la restauration du paysage fluvialest un atout à valoriser dans une réflexion pluslarge d’aménagement du territoire (création d’unecoulée verte ou d’une frange verte).

Les réflexions sur la restauration physique peuventêtre l’occasion d’une clarification d’une partitionde l’espace entre un espace “rivière” et un espaceplus “économique” : la notion “d’espace de mobilitéaccepté” peut permettre de contractualiser unenouvelle gestion de l’espace, conciliantl’élargissement de l’espace de fonctionnement dela rivière et une vision plus claire pour les riverainsdes conséquences de la restauration del’autonomie de fonctionnement de la rivière surleur activité et leur vie quotidienne.

Ces points potentiels de blocage doivent êtreanticipés de façon que tous les atouts d’une réussitedu projet de restauration physique soientrassemblés :

expliquer encore et toujours qu’un cours d’eauautonome est la garantie de la pérennité demilieux humides riches (notamment en assurantle renouvellement des milieux, et donc enfavorisant la présence d’espèces pionnières) ;

corollairement, mettre en évidence que lesmilieux mêmes riches qui reposent sur unsystème morphologique perturbé sont voués àdisparaître, précisément parce qu’ils ne sontpas en équilibre : les roselières développéesdans les gravières ou les retenues de cours àfort t ransport sol ide connaissent unexhaussement tel qu’elles se transforment enquelques décennies en peupleraies, puis enchênaies…

réfléchir à des modes d’intervention quipermettent la meilleure gestion possible despériodes transitoires, pour éviter unappauvrissement temporaire excessif desmilieux.

Convergences et divergences :hydromorphologie et gestion de l’espace

La restauration physique doit conduire à uneréflexion approfondie sur la gestion des espacesautour de la rivière.

Elle peut en effet remettre en cause la gestiontraditionnelle de l’espace :

la restauration de la mobilité latérale remet encause la dynamique historique de conquête surl’espace fluvial, et peut donc être perçue commeune atteinte à la légitimité historique des acteurslocaux : il est donc primordial de montrer que larecherche d’une nouvelle gestion des espacesriverains répond à de nouvelles attentescollectives, sans qu’il y ait de jugement sur lesobjectifs antérieurs ;

la restauration de la mobilité latérale nécessiteune réaffectation des espaces, et notammentun travail avec le monde agricole ;

dans les zones de montagnes, les objectifstechniques et la stratégie de restaurationhydromorphologique, en particulier pour ce quiconcerne le rétablissement du transitsédimentaire, devront prendre en compte lesobjectifs de la politique de gestion des risquesconduite dans le cadre de la restauration desterrains de montagne (RTM). Au-delà de ladivergence forte de principe entre les deuxpolitiques publiques, il conviendra d’évaluer plusprécisément les gains attendus de différents

Basse vallée de l’Ain (01)

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4.3. Rubrique J :Avancer dans la connaissancefoncière des espaces

Un premier niveau d’analyse foncière a déjà étéréalisé au sein de l’analyse territoriale. Le projetétant maintenant mieux ciblé, il s’agit de menerune analyse plus fine.

Ce second niveau se caractérise par le recoursindispensable à une ou des études, études quel’on peut alors réellement qualifier de “foncières”.En effet, à ce stade, il convient de disposer d’uneparfaite connaissance de la propriété foncière etdes modes d’exploitation, à une échelle parcellaire.

Il convient de s’interroger sur l’échelle à laquellece type d’étude est nécessaire :

Doit-on disposer de ces connaissances surl’ensemble du linéaire ou faut-il privilégiercertains secteurs ?L’expérience tend à suggérer de limiter ce typed’étude à des secteurs bien circonscrits, où lesprojets techniques sont les plus avancés et où lavolonté politique d’avancer est la plus forte. Eneffet, cette connaissance est obsolète au bout dequelques années (changements de propriétaireset/ou d’exploitants, modification des cultures…).Or, un programme de restauration physique, àl’échelle d’un bassin versant ou d’un linéaireimportant, s’étale sur de longues années…

A l’occasion de ces études, il faut éviter dedemander aux prestataires de réaliser un bilancomparatif de tous les outils théoriquementdisponibles et de l’intérêt d’envisager tel outel de ces outils au regard du contexte local.

Ce bilan est aujourd’hui globalement disponible(guide DIREN Languedoc-Roussillon*). Il estsuggéré que la réflexion sur l’adéquation de cesoutils au contexte local soit conduite de manièreprivilégiée avec les partenaires du projet quimaîtrisent ces outils (Département, communes ouintercommunalités, Conservatoires des espacesnaturels, SAFER, établissements publics fonciers,etc.).

Cependant, une assistance à la maîtrise d’ouvrage,sur les questions stratégiques et juridiques ou desexpertises juridiques pointues sur des questionstrès précises peuvent être envisagées.

Dans certains cas, la démarche de connaissancedu foncier qui sera nécessaire au déroulementd’un projet de restauration physique d’un coursd’eau ne sera pas aussi schématique, entre une

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_ Chapitre 2 : Concevoir une stratégie de préservation et de restauration _

investigation rudimentaire et des étudesparcellaires extrêmement fines.

La maîtrise foncière ne doit pas êtreconsidérée comme une fin en soi mais l’undes volets, certes rarement négligeable, d’unprogramme de restauration physique.

Le projet peut être influencé, voir redéfini parles contraintes foncières, mais celles-ci doiventrester aussi longtemps que possible “en secondplan” dans la réflexion. Autrement dit, le foncieraiguillonne le projet mais celui-ci ne doit pasêtre dès le départ trop conditionné par lui.

La méthode de travail pour élaborer cettestratégie consiste en un aller-retour, dansl’analyse et le débat local, entre :

Le souhaitable, c'est-à-dire le scénario verslequel il conviendrait de tendre en matièrede restauration physique pour espérer unrésultat écologique ;

Le réalisable, compte tenu des contraintesfoncières.

Ce qu’il convient de garder à l’esprit, notammentlors du premier niveau d’investigation, c’est lecaractère très subjectif d’une contrainte foncièrejugée a priori, et parfois superficiellement,rédhibitoire. Une volonté politique forte et unestratégie de concertation adéquate peuvent parfoislever des obstacles jugés a priori insurmontables.

Enfin, la question foncière ne se réduit pas à desaspects techniques ; elle comporte une grandepart d’affectif, parfois déterminante : peu de genscèdent facilement et spontanément leur propriétéou certains droits attachés à cette propriété, quandbien même il s’agit d’une parcelle de petite taille,en friche et située à des centaines de kilomètresde la résidence principale de son propriétaire…

* Préfecture de la Région Languedoc Roussillon, 2003. Guide d’élaboration des plans de prévention des risques d’inondation enLanguedoc-Roussillon, juin 2003, 15 pages.

La Rochette - La Brévenne (69)

Pour aller plus loin, cf. Annexe 1 sur le foncier.

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COMMENTCONVAINCRE

ET MOBILISER ?

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Construire autantque révéler lesdemandes sociales autourde l’hydromorphologie.

COMMENT CONVAINCRE ET MOBILISER ?

Définir un projet cohérent et a priori adapté à soncontexte territorial et aux enjeux techniques qui ysont soulevés est nécessaire pour pouvoir ensuite,être force de proposition sur le territoire et, le caséchéant, initiateur d’une démarche locale derestauration physique.

Un tel travail préalable est en effet indispensablepour fonder la légitimité de la restauration physique,à la fois sur l’obligation de résultat portée par laDCE et sur des réalités tangibles et sur une ambitionlocale. La légitimité que confère l’obligationréglementaire est doublée par une reconnaissancelocale en tant que projet pour le territoire.

Ainsi, par exemple, l’analyse technique conduitesur la Dheune a permis de dégager despérimètres techniques pertinents (PTP) pourconcevoir des projets. Une première analyselégère des enjeux du territoire a également permisà la fois d’envisager des ambitions techniquesplausibles compte tenu du contexte (préservationen amont, restauration de type R1 en traverséedes villages viticoles, …) et des opportunitésstratégiques pour fonder la pertinence territorialede ces projets (projet de patrimoine mondial del’humanité sur la zone viticole, nature préservéeen amont, …).

Cependant, la reconnaissance locale du projet nese décrète pas et, pour l’obtenir, la pertinence apriori du projet défendu est certes nécessaire, maisnon suffisante. La conception du projet doit doncêtre accompagnée d’un travail “d’enrôlement”,“d’intéressement”, pour reprendre certainesexpressions courantes en sociologie de l’innovation :au-delà de son portage, le projet pour déboucherdoit fédérer autour de lui des objectifs d’actionpublique, des intérêts socioéconomiques, desdemandes sociales et des aspirations politiques.

La partie précédente identifiait des rubriques pourconcevoir un projet cohérent et une position denégociation quant à son contenu technique.

L’objet de cette partie que de fournir des élémentsde méthodes et des ressources pour un tel travail,fondé en premier lieu sur la constructiond’argumentaires différenciés selon les cibles àconvaincre. Une fois ce travail d’argumentairemené à bien, pourra s’ouvrir une phase deconstruction collective d’un projet partagé.

Un premier élément de cadrage consiste àreconnaître que ces enjeux d’enrôlementconduisent à réfléchir à des échellespotentiellement très différentes de celles desPTP.

L’identification de cibles à convaincre, ladescription des atouts et des retombées du projet,la vision globale dans laquelle ils sont mis enperspective, renvoient en effet à un espacepotentiellement bien plus vaste que celui pris encompte au stade initial de la conception du projet.

L’exemple de la Dheune, ou encore celui duGuiers, montrent ainsi que si les projets derestauration physique peuvent être conçus audépart à des échelles locales, sur despérimètres techniques indépendants les unsdes autres, compte tenu du fonctionnement ducours d’eau, leur mise en discussion par lesacteurs doit être réalisée à une échelle pluscohérente avec les enjeux du territoire. Dansles deux cas, le Comité de rivière et seséventuels groupes de travail s’avèrent ainsil’échelle pertinente pour partager les tenantset aboutissants des projets de restaurationphysique avec l’ensemble des acteurspotentiellement concernés.

Les différents éléments de la réflexion à conduirepar l’équipe de restauration physique sontdéclinées ci-après.

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1. Identifier les ciblespour concevoirl’argumentationLa conception initiale du projet à défendre, décritedans la partie précédente, comporte une analysedes convergences et divergences potentielles entrela restauration physique qu’il s’agit de mettre enœuvre et d’autres thèmes d’intervention du domainede l’environnement et en particulier de l’eau :inondations, milieux naturels, paysage etaménagement du territoire.

L’enjeu est ici, au-delà de ce regard technique,d’identifier les politiques publiques concernées etles demandes sociales locales avec lesquelleselles raisonnent. Les cibles des argumentations àconstruire sont en effet les acteurs en charge dela mise en œuvre de ces politiques et/ou del’expression de ces demandes sociales.

Ce repérage peut s’appuyer sur la mise en évidencedes projets ou des aspirations dont ces acteurssont les porteurs, en considérant principalementles catégories suivantes.

1.1. Les politiques sectorielles de l’eau

Une fois identifiées a priori les convergences àvaloriser et les divergences éventuelles à géreravec les autres thèmes d’intervention dans ledomaine de l’eau, il s’agit d’appréhender lesstructures et acteurs clés ainsi que les dispositifsen la matière :

les dispositifs intégrateurs et leurs structuresporteuses : contrats de rivières, SAGE, contratsde Pays lorsqu’ils comportent des volets portantsur l’eau ;

les dispositifs et acteurs spécialisés : syndicatsd’eau potable, syndicats de rivières,d’assainissement, PAPI, PPR, schéma AEP,démarches collectives agricoles ...

Ici, l’objectif du dialogue et des alliances à construireest de promouvoir une remise en perspective desthèmes traités par les interlocuteurs dans la visionécosystémique portée par l’hydromorphologie, afinque les synergies thématiques à exploiter soientintégrées dans les études conduites et les travauxprojetés. Pour cela, les discours à développer sontde deux types :

un argumentaire d’ensemble qui propose unevision globale de l’hydrosystème où s’articulentles thèmes d’intervention des uns et des autres.

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On rejoint ici les argumentaires familiers portéspar la DCE, le SDAGE et les acteurs qui lesportent (services de l’État, Agences de l’eau, …).Sur un plan stratégique, leur intérêt est de fonderune légitimité à être proactif vis-à-vis des ciblesvisées : proposer voire imposer des discussionset prendre l’initiative pour construire desalliances ;

des arguments technico-économiques,davantage centrés sur les thèmes d’interventionportés par les acteurs visés. L’hydromorphologieest ici présentée comme le moyen de renforcerl’efficacité et l’efficience des politiques sectoriellesde l’eau. Il s’agit d’une part de faire valoir lesfonctionnalités rétablies par la restaurationphysique et les avantages qu’elles induisentpour la qualité de l’eau, les inondations, etc. et,d’autre part, des économies d’échelles et coûtsévités qu’elles permettent (coûts de traitementeau potable, entretien des ouvrages, dégâtsévités, …). Sur un plan stratégique, ce typed’argument a l’intérêt d’équiper la vision globaleévoquée plus haut d’éléments concrets pourl’incarner, dans un langage qui s’insèrefacilement dans la culture d’ingénierie despolitiques sectorielles visées.

L’argumentaire technico-économique présente ungain ou une perte, relativement à une situationinitiale. Il s’appuie nécessairement sur les effetsphysiques qui auront été identifiés lors du travailsur les convergences et divergences (voir ci-après).

On peut imaginer deux exemples d’effets positifsde la restauration physique : l’amélioration de ladisponibilité en eau du fait des conséquencespotentielles sur le niveau des nappes etl’amélioration de la qualité de l’eau grâce à unpossib le renforcement de la capaci té

_ Chapitre 3 : Comment convaincre et mobiliser ? _

Buech - Barrage EDF Saint Sauveur

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d’autoépuration du milieu. Les effets positifsrejoignant ceux recherchés sur l’état écologiquedes eaux, on peut les qualifier de positifs d’un pointde vue non sectoriel.

On peut dans le même temps imaginer un exempled’effet négatif : la variabilité de la ressource du faitd’une plus grande variabilité des hauteurs d’eaudans la rivière. L’effet négatif est ici sectoriel, étantentendu que la variabilité ici mise en cause estl’une des conditions du bon fonctionnementécologique du cours d’eau.

Reprenons ces cas d’école pour décliner les étapesnécessaires à l’élaboration d’une argumentationéconomique :

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_ Chapitre 3 : Comment convaincre et mobiliser ? _

Pour réaliser ce travail, des données doivent êtrecompilées sur l’origine des volumes d’eau produitset consommés sur le bassin, sur les coûts de miseà disposition de l’eau potable (AEP) à partir del’eau brute, sur le coût de l’importation d’eau parles interconnexions. En outre, des avis d’expertsdoivent être mobilisés pour retenir les hypothèsesd’évolution du dispositif d’AEP suite à lamodification des conditions d’écoulement de larivière.

Ce travail réalisé, l’argumentation conduit ainsi àprésenter que : “le projet de restauration pourraitparticiper à baisser le coût de l’eau produite à partirde la rivière de Y centimes par m3. En revanche,il faudra importer un volume supplémentaire d’eaud’un coût supérieur, induisant une variation du prixde l’eau de S, mais le projet de restaurationphysique s’avère globalement plus avantageux,pouvant permettre une baisse du prix de l’eau deY – S = Z”.

Bien entendu, d’autres effets,positifs ou négatifs, peuventenrichir la démonstration, pardes approches si possiblesquant i ta t ives, mais pasnécessairement (un discoursintégrant une dimension semi-q u a n t i t a t i v e o u m ê m equalitative, peut venir éclairerl ’ a r g u m e n t a i r e s o c i o -économique).

1.2. Les politiques dep r é s e r v a t i o n d upatrimoine naturel

Les acteurs ici visés sont lesporteurs des dispositifs d’actionpublique dédiée à la préservationdes espaces naturels : Natura2000 et ses animateurs etopérateurs, les Espaces NaturelsSensibles et les services départementaux quiles portent, les Réserves Naturelles et leursgestionnaires, les Réserves Naturelles Régionales,les terrains des Conservatoires de sites, ceux duConservatoire du littoral, etc.

Ici, deux types d’objectifs peuvent être poursuivispour nouer ces alliances :

dans certains cas, les espèces que s’attachentà préserver les acteurs visés sont égalementdes indicateurs d’atteinte du bon état exigé parla DCE. La convergence est ici complète : ils’agit d’organiser des économies d’échelles pouroptimiser les moyens dévolus à un même objet(par exemple, la restauration de zone de fraiepour une espèce de poissons particulière). Surun plan stratégique, il s’agit d’articuler desprocédures susceptibles d’inclure les mêmesactions tout en préservant à chacun une bonnelisibilité et un certain équilibre dans le leadershipet le portage des actions.

dans d’autre cas, les objectifs naturalistes sontbeaucoup plus spécialisés que ceux portés parles hydromorphologues : par exemple, lares taura t ion d ’une cer ta ine qua l i tégranulométrique d’un tronçon de cours d’eauest à la fois un moyen de restaurer un habitatpour les uns et s’inscrit, pour les autres, dansle cadre plus large de la restauration dufonctionnement hydromorphologique de la rivière.Toutefois, les actions mises en œuvre par lesopérateurs des deux politiques sont bien lesmêmes. Sur le plan stratégique, l’enjeu est icid’être en mesure d’identifier, au-delà desobjectifs, la mise en œuvre de moyens dévolus

Seuil sur l'Ainau Pont de Poittes (01)

Hypothèses devariation desconditions deproduction etdistribution del’AEP

Quantificationdes hypothèses

Valorisationéconomique

Augmentationdu niveau de lanappe

moindreimportationd’eau enprovenanced’autres BV(-10%)

Plus grandevariabilité de laressource eneau de surface

abandon de laprise d’eau etrecours àl’importation(+15%)

Amélioration dela qualité del’eaupotabilisable

coût detraitement del’eau réduit(-20% deréactifs)

- 10 % de coûtde traitementpour l’eauproduitelocalement

(volumeprélevélocalement X0,1 X coûtactuel) = Y

-10 % + 15 % = + 5 %d’importation en volume

surcoût de l’utilisation de l’eauimportée (S) = {volume importésup X (px de l’eau importée –coût de l’eau locale)}

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à la restauration physique dansdes programmes d’actionétrangers à la gestion de l’eau,afin de ne pas déployer desefforts là où les opérationsvisées sont déjà prises encharge ailleurs. En outre,l’approche plus globale del ’hydromorpholog ie peutconduire à proposer l’enrichisse-ment de ces programmes pourservir des objectifs plus largesque la seule restaurationd’habitats. Comme précédem-ment avec les autres politiquessectorielles de l’eau, il s’agit icide défendre une remise enperspective des approchesnaturalistes, pouvant débouchersur une requalification des

opérations envisagées.

1.3. Les politiques de développementet les filières économiques

Les projets de restauration physique s’inscriventdans un temps long, dès lors en tous cas qu’ilsont une certaine ampleur. Il est donc crucial d’enassurer la légitimité de façon pérenne sur lesterritoires concernés.

Pour cela, l’inscription de ces projets techniquesdans des visions territoriales de long terme estune garantie de la pérennité recherchée. D’oùl’intérêt de rechercher le soutien des porteurs depolitiques en matière de développement duterritoire.

Pour concevoir des argumentaires en direction deces cibles, il convient de prendre la mesure dedeux constats préalables :

contrairement aux deux types de politiquespubliques précédemment évoqués, l’actionpublique s’attachant aux questions dedéveloppement est caractérisée par descontenus, techniques ou non, de naturesdifférentes de celles du monde de l’eau. Elle estdonc culturellement plus éloignée des structurestechniques qui portent aujourd’hui la restaurationphysique ;

par ailleurs, les fondements des politiques dedéveloppement sont explicitement plus politiquesdans les discours développés. Les chartes dePays ou de Parcs naturels régionaux, lesschémas de cohérence territoriale (SCOT), etc…

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s’appuient en premier lieu sur des visions duterritoire et de ses évolutions souhaitables.

Ces deux constats sont structurants pourpromouvoir la restauration physique à ces échelleset dans ces instances territoriales. En effet, lesargumentaires à construire doivent être audiblespour ces acteurs culturellement différents, ce quiconduit les porteurs de la restauration physique àprocéder à un véritable travail de traduction deleurs finalités dans un langage qui puisse êtrepartagé.

Par exemple, les termes attachés au monde del’eau, tels que “masses d’eau”, “transport solide”,et même “restauration physique” ne sont pasaisément compréhensibles et doivent laisser place,au moins dans un premier temps, à des notionsfaisant partie du sens commun. Il s’agit d’unecondition nécessaire pour être compris, mais aussipréalable pour que la restauration physique puisses’articuler avec la dimension politique des visionsterritoriales portées par les acteurs visés.

Pour donner un exemple, de ce point de vue,“rétablir le transport solide sur une masse d’eauafin d’atteindre le bon état écologique avant 2021”n’offre pas les mêmes prises à nos interlocuteursque “rendre son énergie naturelle et sa liberté defonctionnement à la rivière pour une nature plusvivante et diversifiée dans le territoire”.

Cette évolution de discours à opérer induitégalement une posture stratégique spécifique :

les interlocuteurs potentiellement visés (serviceset élus de communautés de communes,syndicats de pays, de parcs naturels régionaux,de communautés d’agglomération, mais ausside conseils généraux ou régionaux, …) sontporteurs de visions du territoire, qui, par leurglobalité et les valeurs qu’elles soutiennent, sontpotentiellement en concurrence. Dès lors, porterla restauration physique implique de choisircertains interlocuteurs plutôt que d’autres pourconstruire des alliances. Ainsi, pour rendre lisiblela restauration physique, on s’engage de faitsur un échiquier local. Un tel positionnementn’est pas neutre et il faut savoir qu’on est alorsperçu à son tour comme un acteur stratégiquedu territoire ;

par ailleurs, la posture que l’on a pour nouer ledialogue avec ces interlocuteurs est trèsdifférente de celle adoptée dans les deux casanalysés précédemment. Si pour les politiquesde l’eau ou de préservation des milieux naturels,la légitimité de la restauration physique s’appuiede manière centrale sur le caractère systémique,intégrateur, de la vision technique défendue, les

_ Chapitre 3 : Comment convaincre et mobiliser ? _

JuraDrugeon

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_ Chapitre 3 : Comment convaincre et mobiliser ? _

échanges avec les politiques territoriales nepeuvent ici s’appuyer sur de tels arguments. Eneffet, vis-à-vis des enjeux naturalistes ou dequalité de l’eau, l’hydromorphologie peutlégitimement revendiquer une postureenglobante : l’enjeu est de construire unargumentaire qui accueille en son sein les enjeuxde ses interlocuteurs. En revanche, vis-à-visdes acteurs du développement territorial, laposture est symétrique de la précédente – nosinterlocuteurs portent une vision globale et cellede la restauration physique apparaît encomparaison beaucoup plus partielle : il s’agitcette fois de construire un argumentaire autourde la restauration physique de telle sorte qu’ilpuisse être accueilli dans un discours plusenglobant, celui du développement.

Compte tenu de ces éléments, les argumentairesà développer doivent s’inscrire dans deux modesde partenariat différents :

l’un est d’ordre politique, il s’agit de proposerdes idées qui nourrissent les débats locauxrelatifs au développement du territoire, et lesélus des structures porteuses de la restaurationphysique doivent jouer ce rôle d’ambassadeursdans ces instances ;

l’autre est d’ordre plus technique, au niveau desservices des structures concernées.

L’enjeu est ici de nouer des relat ionsprofessionnelles avec les organismes en chargedes politiques de développement, au-delà mêmedes homologues en charge de l’eau et del’environnement mais bien au niveau des servicesspécialisés sur le développement territorial ouéconomique.

1.4. Les demandes socialesà faire valoir

La dimension politique des argumentaires etpartenariats qui viennent d’être évoqués nécessitede faire valoir les demandes sociales que larestauration physique contribue à satisfaire.

Pour cela, le pluriel qui vient d’être employé a sonimportance : il ne s’agit pas de considérer demanière unitaire “la” demande sociale, dontl’existence est toute théorique, mais bien la diversitédes perceptions, des intérêts et des aspirationsqui co-existent sur le territoire.

De même que la restauration physique s’inscritdans certaines visions politiques du territoire plutôtque d’autres, elle répond à certaines demandessociales plutôt qu’à d’autres, fussent-ellesminoritaires.

Ce sont elles qu’il s’agit de donner à voir aux yeuxdes acteurs que l’on cherche à mobiliser, ce quin’est pas facile car ce caractère non seulementdiversifié, mais aussi souvent latent, les rend, dansun premier temps, difficilement saisissables.

Le travail à conduire est donc d’aider à leurexpression et leur formulation, sans statuer a priorisur leur existence ou leur absence.

Par exemple, les investigations conduites surle Lirou (affluent de l’Orb) montrent qu’unerivière pourtant petite, très dégradée etdélaissée, à propos de laquelle certains éluslocaux disent que “d’un âne on ne fera pas uncheval de course”, fait pourtant l’objet d’unattachement de la part des habitants et élus quipeut être saisis en quelques entretiensseulement. Ce travail à la fois d’écoute et deréflexion conjointe nécessite de porter un regardouvert sur les attachements dont peut fairel’objet la rivière, au-delà des seuls riverainset/ou propriétaires, dont les perceptions sontsouvent m ieux connues ma is pasnécessairement représentatives de l’ensembledu territoire et du rôle qu’y joue la rivière.

Loisirs en Ardèche

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2. Etoffer l’analysedes atouts territoriauxdu projetLa réflexion sur les cibles mobilisables dans leterritoire et sur les types d’argumentaire qu’il fauten conséquence envisager, constitue la trame dudiscours de conviction qu’il s’agit de porter. Pourêtre réellement convaincant, il est nécessaired’équiper cette argumentation en rendant tangibleles atouts territoriaux du projet par des analysesad hoc.

Pour ce faire, nous proposons divers registresd’argumentaires auxquels sont attachés des outilsd’investigation spécifiques.

2.1. Bâtir une argumentationtechnico-économique

L’argumentation repose ici sur une traduction desatouts de la restauration physique en termesde “services rendus”. Il s’agit de présenter lesmodifications induites par le projet du point de vuedes avantages que peuvent en retirer les diversesactivités humaines s’appuyant sur ces milieux etces ressources.

Le langage privilégié par ce travail de traductionest celui de l’économie : les atouts techniques dela restauration prennent sens ici en tant quepermettant d’éviter des coûts, de rendreaccessibles des ressources de meilleurequalité, de mettre à disposition des milieuxdiversifiés susceptibles d’accueillir une plus grandnombre d’activités ou d’usages générant de larichesse.

L’argumentation comprend nécessairement laprésentation de chiffres économiques illustrant lesservices rendus. Depuis de nombreuses années,les méthodes d’évaluation économique en lamatière ont été développées et sont diffuséeslargement par le ministère en charge del’environnement. Dans la plupart des cas, cesméthodes permettent de comparer plusieurssituations - dans notre cas, avec ou sansrestauration physique.

La rivière physiquement restaurée est ainsientendue comme une infrastructure permettant desoutenir des activités économiques ou des actionspubliques. Le projet est ainsi comparé à d’autresmodalités d’exercice de ces activités ouinterventions publiques sur le plan des coûts induitsou des avantages générés.

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_ Chapitre 3 : Comment convaincre et mobiliser ? _

EX

EM

PLELe Buëch et ses ouvrages de défense

Caractéristiques techniques du projet etactivité intéresséeLa rivière du Buëch est aujourd’hui caractériséepar une instabilité de son lit qui se traduit parl’enfoncement du profil en long, notamment surdes secteurs où la pression anthropique estimportante (route, zones habitées, …). Lesdigues qui protègent ces espaces etinfrastructures sont de fait régulièrementfragilisées, ce qui induit d’importants coûtsd’entretien et de réfection des ouvrages dedéfense. Le projet de restauration se proposede stabiliser le profil en long, permettant delimiter l’érosion latérale du cours d’eau à l’aplombdes digues. Il est donc attendu du projet unemoindre fréquence des interventions publiques(entretien des ouvrages).

Analyse économiqueLes calculs devront mettre en évidence les coûtsévités pour les collectivités du projet derestauration. Ces coûts évités sont la traductionmonétaire de la baisse de fréquence des travauxd’entretien, qu’il faut donc être capable d’estimer.Dans un premier temps il s’agit de collecter lesdépenses d’entretien sur les 10 ou 20 dernièresannées. Dans un second temps, il convient defaire la part de ceux qui sont imputables auxdysfonctionnements de la rivière que le projetde restauration permettrait de supprimer.Ce calcul permettrait ainsi de présenter demanière annuelle ou cumulée sur 10 ans, lescoûts évités par le projet de restauration et deporter cette information auprès des maîtresd’ouvrage et financeurs concernés.

L’argument présente ainsi une différencemonétaire, susceptible d’appuyer la défense duprojet de restauration physique.

L’ensemble de l’analyse économique repose surune explicitation des caractères techniques duprojet à l’origine des services rendus. Le premiertravai l à conduire est d’ ident i f ier cescaractéristiques particulières du projet en destermes qui repèrent, puis intéressent, les activitéspotentiellement bénéficiaires. On s’appuiera, dansce but, sur les apports de connaissance conçusà l’occasion du travail sur les convergences etdivergences (voir rubrique I).

Il serait trop fastidieux de détailler dans ce guidetoutes les méthodes d’évaluation des servicesrendus. On présente ci-après, à titre illustratif,deux exemples en la matière :

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_ Chapitre 3 : Comment convaincre et mobiliser ? _

Au sein de ce processus de construction, laplace des structures de gestion et des bureauxd’étude est parfois à ré-inventer.Les bureaux d’étude doivent intégrer les contrainteslocales comme des contraintes potentielles maisne doivent pas censurer les projets. Leur missionest bien de mettre en lumière les raisons et lesatouts d’un projet autant que ses contraintes.Charge à la structure porteuse du projet de fairevivre ces éléments pour faire émerger une décisionpolitique.

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EM

PLE Le Blavet, ses saumons et sa section

canalisée et naviguée

Caractéristiques techniques du projet et activitéintéresséeLe Blavet est un fleuve breton comprenant unepartie canalisée navigable, la navigation deplaisance s’y pratiquant encore aujourd’hui bienque de façon assez peu développée. Dans lecadre de l’élaboration du SAGE du Blavet, unscénario de renaturation de cette section a étéenvisagée, afin de favoriser la remontée du saumonet l’expression de son potentiel de reproduction(frayères) : travaux d’arasement total ou partieldes ouvrages ainsi que les travaux connexesassociés, entretien du linéaire sur la partiepêchable. L’activité directement intéressée à ceprojet de renaturation est la pêche sportive ausaumon, le potentiel du Blavet permettantd’escompter une réputation de dimensioninternationale en la matière si ce projet était menéà bien.

Analyse économiqueLe calcul économique prend ici la forme d’uneana lyse coû ts -avan tages . Les coû tsd’investissement et de fonctionnement des travauxévoqués ci-dessus, ainsi que ceux attachés à lapromotion touristique autour du retour du saumon,sont comparés aux bénéfices attendus. Pourestimer ceux-ci, on se base sur les dépenses parjournée de pêche, des références bibliographiquesen la matière étant disponibles.L’essentiel du travail consiste alors à estimer unnombre plausible de pêcheurs attirés par un Blavetdevenu rivière à saumons. Pour cela, on part d’unehypothèse de nombre de captures annuelles, etd’un nombre de saumons capturés en moyennepar sortie de pêche. On en déduit le nombre dejournée de pêche par an induite par la présencedu saumon. On peut alors calculer les retombéeséconomiques liées au retour du saumon : le nombrede journée de pêche multiplié par les dépensesunitaires par journée de pêche. Cette analyse coûtavantage a pu être comparée à une autre, attachéeà un scénario alternatif d’aménagement fluvialpour le développement de la navigation deplaisance. On voit ainsi que la restaurationphysique, dans cet exercice d’analyse économique,est clairement attachée à un scénario dedéveloppement plutôt qu’un autre.

A titre d’exemple, pour la définition des espacesde mobilité d’un cours d’eau, le prestataire doitfaire apparaître les secteurs où la restauration decet espace est primordiale.Pour chacun des secteurs, le prestataire doitapporter les raisons de cette action (dissipationd’énergie, AEP, érosion latérale, biodiversité) ainsique les contraintes techniques, juridiques ethumaines. Il ne doit pas faire le choix à la placedu porteur de projet en intégrant trop tôt descontraintes foncières et politiques sans avoir lesatouts de ce projet pour le territoire.

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_ Chapitre 3 : Comment convaincre et mobiliser ? _

Il convient de ne pas intégrer les contraintesfoncières et politiques trop tôt, sans lesmettre en balance avec les atouts territoriauxdu projet.Au terme du processus, la prise en compteéventuelle de contraintes qui conduiraient àbaisser l’ambition de restauration doit êtredébattue localement, puis “tracée”. Lescontraintes doivent être identifiées et les choixde restauration justifiés par des argumentstechniques et/ou socio-économiques.

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IE 7 Les études économiques

Cette phase de la conception du projet devradonner lieu au lancement d’une étudespécifique dont l’organisation et l’objetdépendra étroitement du contexte local. Onpeut toutefois avancer quelques principesgénéraux :

L’objet de l’étude économique

L’identification des convergences etdivergences techniques entre le projet derestauration physique et les autres activitéset leurs politiques publiques devra être àl’origine de la définition de l’objet de l’étudeéconomique. C’est l’importance de cesdiverses convergences et divergences quipermettra d’identifier les thématiques del’étude économique et l’importance desmoyens qu’il conviendra de mettre en œuvrepour évaluer les conséquences de ces liensphysiques entre le projet de restauration etses politiques en place. Par exemple, si laquestion de l’emprise spatiale de la rivière estau cœur des convergences et divergences àgérer, l’analyse économique devra seconcentrer sur les questions d’évaluationéconomique de la vulnérabilité des activitésconcernées par les inondations, les coûtsd’aménagement et d’entretien des ouvragesde défense, … Si en revanche, le point centrals’avère être la gestion des usages quantitatifset des débits, l’analyse mettra en évidence les

éventuel les per tes de product ionhydroélectr ique, les répercussionséconomiques d’une sécurisation de laressource en eau potable, …

L’organisation de l’étude

Le contexte local, abordé par l’approcheterritoriale sommaire, fournira en outred’importants renseignements sur le degréd’ouverture souhaitable du comité de pilotagede l’étude. Il peut être en effet important àcette étape d’initier une démarche de co-construction de l’ambition territoriale du projetà l’occasion même de cette étude. C’estégalement cette approche territorialesommaire qui permettra de dimensionnerl’ambition de l’étude économique quant à sacapacité à illustrer les développements futursenvisageables autour d’une rivière restaurée.A l’inverse, certaines situations nenécessiteront pas de réunir les acteurs autourdu projet de restauration physique à ce stadede sa conception et il peut s’avérer préférablede piloter l’étude dans une configuration plusresserrée. Dans ce cas, les investigationsseront généralement moins poussées etgénéralement restreintes à la seulevalorisation économique des principalesconvergences et divergences.

Le produit de l’étude

Il devra permettre de concevoir l’argumentaireéconomique en tant que tel. Ce produit pourradonner lieu à une restitution large, pour autantqu’il soit important d’en organiser lacommunication dès ce stade de laconstruction du projet. Une attention touteparticulière devra être assurée quant auxmodalités de communication de ce qui peutconstituer des arguments importants pour lamise en œuvre du projet de restaurationphysique.

Comme le montrent les deux exemples présentésen encart, les arguments technico-économiquessont mobilisables aussi bien vis-à-vis des autrespolitiques de l’eau que l’on cherche à intéresserau projet de restauration physique, que despolitiques de développement territorial où l’onsouhaiterait voir ce projet s’inscrire. L’exemple duBuëch illustre ainsi un argument interpellant unepolitique de lutte contre les inondations, tandis quecelui du Blavet s’inscrit explicitement dans un débaten matière de politique de développement sur unterritoire.

Les Gardons

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2.2. Porter les arguments écologiques

Il s’agit de faire valoir ces convergences dans desargumentaires pour convaincre les porteurs desdispositifs de politiques publiques naturalistes et/oules demandes sociales qui y sont attachées, celles-ci étant des soutiens potentiels à la mise en œuvrede la DCE, en tant que bénéficiaires directs d’unerestauration de la qualité des milieux.

Ce type d’argumentaire vise bien sûr explicitementles porteurs de politiques de préservation dupatrimoine naturel ainsi que les demandes socialesdirectement attachées à leur mise en œuvre. Onaurait cependant tort de négliger ce registre pourconvaincre les porteurs de politiques dedéveloppement territorial : les atouts écologiquesde la restauration physique peuvent parfois nourrirune vision du développement territorial et constituerun facteur d’attractivité (comme le montre d’ailleursl’exemple du Blavet ci-avant).

Ce type d’argumentaire est à structurer selon deuxaxes :

l’intérêt pour la qualité écologique du lit mineurqui renvoie aux objectifs de bon état ou de bonpotentiel écologiques fixés dans le SDAGE ;

mais il y a souvent un intérêt en matière debiodiversité qui renvoie à des enjeux “bassinversant” et à des politiques nationales (pland’action national sur les zones humides, pland’action de la restauration des cours d’eau,préservation de la biodiversité…).

2.3. Donner à voir desarguments culturels etidentitaires

C e t r o i s i è m e r e g i s t r ed’argumentaire se distingue desdeux précédents par un contenunettement moins technique, plusproche du sens commun. De cefait, il est susceptible de toucherun plus large public, au-delà duseul cercle des politiquespubliques : non seulement lespor teurs de pro je ts dedéveloppement, mais aussi leshabitants du territoire où este n v i s a g é l e p r o j e t d erestauration physique.

Ces arguments sont par ailleurspertinents pour favoriser la

pérennité d’une restauration physiquede la rivière, pour deux raisons :

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_ Chapitre 3 : Comment convaincre et mobiliser ? _

ils permettent de faire valoirles atouts de la restaurationpour le développement duterritoire, ce qui assure soninscription dans une vision delong terme ;

i l s t en ten t d ’ assu re rl’intégration par les riverainset les usagers de la rivièredes contraintes attachées àla restauration physique dansdes représentations où ellesapparaissent constitutives deleur mode de vie, de leurident i té. Par exemple,l’objectif peut être de faire ensorte que dans la perceptiondes habitants, une rivièrerestaurée inonde certes plussouvent les secteurs à faibleenjeu de protection, maiss’inscrit davantage dans unpaysage où l’on se reconnaît plusvolontiers.

Ces arguments culturels et identitaires jouant surl’attractivité et le cadre de vie se déclinentdifféremment selon que l’on se situe en milieu ruralou périurbain. En effet, la restauration physiquedans les secteurs périurbains renvoie davantageà des enjeux de cadre de vie, tandis qu’en milieurural, elle est plutôt support d’attractivité pour leterritoire.

Sur les cours d’eau périurbains, valoriserl’hydromorphologie conduit ainsi à mettre enévidence :

la dimension esthétique de la rivière, celle quiest perceptible au quotidien pour lespromeneurs ;

la rivière comme élément de nature dans unenvironnement anthropisé ;

la dimension culturelle attachée à l’histoire longuedu cours d’eau au sein de laquelle doit s’insérerle projet de restauration physique, dans uneperspective de changement.

L’exemple du Lirou illustre des tels enjeuxd’insertion de la rivière dans son espacepériurbain. Cette rivière donne actuellement lieuà une perception négative de la part des riverainset habitants.Est reproché au Lirou la mauvaise qualité deson eau, son aspect abandonné avec des accèsinexistants et des comportements préjudiciablesqui s’exercent à son encontre (décharges etprélèvements sauvages).

L’Hérault

Le Rhône à Brangues

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Autrement dit, les demandes sociales de cesnouvelles populations peuvent être davantageen phase avec le projet et peuvent appuyer leschangements nécessaires.

Ces deux mutations renvoient à l’évolutionidentitaire des territoires ruraux. Celle-ci étantbeaucoup moins achevée qu’en secteur périurbain,l’argumentation à développer est ici plus délicate.L’identité collective du territoire est un enjeuconflictuel au sein duquel la restauration physiqueest conduite à prendre partie, en général ensoutenant des demandes sociales encoreminoritaires et/ou peu représentées dans lesinstances politiques locales.

La situation du Buëch est représentative decette difficulté à accompagner une mutationsociale encore très émergente. La rivière estaujourd’hui caractérisée par l’existence demilieux annexes qui ont motivé le classementdes rives en zone Natura 2000. Ces milieuxsont intimement liés aux fluctuations de la lamed’eau et donc au profil en long du Buëch. Enoutre, il s’agirait d’étendre les zones defonctionnement en tresse caractéristique de cetype de rivière. Au-delà des impératifsréglementaires de la Directive Habitats, il s’agitde modifier l’image de la rivière, en phase avecdes demandes sociales émergentes et portéesici notamment par les néo-ruraux, mais en seheurtant à certaines représentations localeshéritées de l’histoire de la rivière, de sesaménagements et des pratiques. D’un point devue économique, cette opposition se traduit parune opposition de visions du développement,la première promouvant un développementtouristique autour de l’atout environnementalque constitue le Buëch, la deuxième rappelantles bénéfices de l’extraction de granulats pourle territoire.

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_ Chapitre 3 : Comment convaincre et mobiliser ? _

Pourtant, on observe un réel attachement àcette rivière qui s’exprime à travers les souvenirsd’une fréquentation et de pratiques passées, oùla population apprenait à nager dans ce coursd’eau, y pêchait et qui constituait visiblementun écosystème vivant.Ces attachements ne renvoient pas uniquementà une nostalgie pour un passé révolu, maiss’incarnent également dans une véritabledemande pour une rivière “abordable”, laproblématique de l’accès et la dimensionesthétique de la rivière étant particulièrementmises en avant.Cet exemple montre également qu’une rivièrefortement dégradée et ne faisant plus l’objet depratiques ne doit pas laisser croire qu’elle n’estpas l’objet d’attachements. Ces derniers peuventau contraire constituer un potentiel très importantpour appuyer socialement et politiquement sarestauration.

Les exemples sont nombreux qui montrent cetattachement des populations riveraines à desrivières pourtant fort dégradées, voir enterrées ettransformées en émissaire, pour peu que desassociations ou des pouvoirs publics se saisissentde projets de restauration.

Sur les cours d’eau en milieu rural, d’autresargumentations peuvent être plus courammentdéveloppées. Elles visent à appuyer ou fairereconnaître des perceptions de la rivière et de sesusages qui s’inscrivent dans une mutation globaledu monde rural. Ainsi :

une mutation économique peut être à l’origined’une argumentation spécifique fondée surl’attractivité territoriale qui touche des politiquesde développement d’activités nouvelles ou enémergence telles que le tourisme ou desactivités tertiaires. La rivière restaurée est icinon seulement le support direct d’activité (cfl’argumentation économique développée ci-avant), mais plus largement un élément pharede l’image de marque du territoire ;

une mutation sociologique peut égalementfonder un argumentaire pour la restaurationphysique. Les changements induits par cesprojets quant au fonctionnement de la rivièreconduisent à révéler et susciter un nouveauregard sur la nature même de cette infrastructurenaturelle. En effet, nombreux sont les territoiresruraux qui connaissent aujourd’hui l’arrivée depopulations d’origine extérieure, souvent plusjeunes, qualifiées de “néo-rurales”. Celles-cisont susceptibles de porter un regard différentsur la rivière, n’étant pas attachées aux pratiqueshistoriques auxquelles les autres populationssont encore sensibles et qui sont remises encause par le projet de restauration physique.

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_ Chapitre 3 : Comment convaincre et mobiliser ? _

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IE 8 Construction d’argumentaires culturel et identitaire

Pour instruire ce registre d’argumentaire, ilconvient de disposer de différents outils deconnaissance :

études paysagères permettant de structurerles différents espaces de la rivière dansune perspective esthétique et culturelle,dont la valorisation en termes decommunication est quasi immédiate ;

enquêtes auprès des populations résidenteset saisonnières, afin de recueillir les attentessusceptibles d’appuyer le projet et lesécueils à contourner. Par exemple, sur laDrôme, une telle étude a été réalisée auprèsdes touristes et a permis de démontrer quele modèle de gestion de l’eau ardéchois(débit garanti pour le kayak), n’était paspertinent pour la majorité des personnesinterrogées, celles-ci mettant biendavantage en avant des éléments denaturalité pour expliquer l’attractivité de laDrôme ;

études sociologiques ou anthropologiquespermettant de saisir plus fondamentalementle rapport entretenu par les habitants à larivière, selon des méthodes qualitatives(entretiens approfondis) ou quantitatives(sondages, questionnaires, … ) ;

processus de concertation en tant queproduction de connaissance et outil

d’apprentissage collectif. La concertationest en effet l’occasion de débattre del’identité commune et de l’image que l’onse fait du territoire et dans lesquelles doits’inscrire le projet de restauration physique.Par exemple, l’analyse conduite sur leGuiers a montré qu’il était essentiel qu’unetelle concertation ait lieu au sein du comitéde rivière, afin que les divers projets locauxde restauration physique puissent trouverun sens au sein d’une image globale de larivière ainsi définie ;

monographie historique du territoire de larivière, pour identifier les origines desperceptions dont la rivière fait l’objet etpréparer les éventuels changements quel’on souhaite initier. Il s’agit d’étudesh i s t o r i q u e s e t h n o l o g i q u e s , o uvernaculaires qui sont souvent disponiblesdans la bibliographie locale, même s’il peuts’agir de travaux de bénévoles amateurs.

Ce dernier point dépasse largement le seulregistre culturel et identitaire de l’argumentaireà développer. On va voir en effet que lerecours à l’histoire ainsi qu’à la prospectivepermet d’inscrire l’ensemble des registresargumentaires qui viennent d’être développésdans un discours cohérent et global sur larivière dans son territoire.

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3. Intégrer ces atoutsdans une vision globaleet historique du territoireLes différents registres d’argumentaires présentésau paragraphe précédent doivent être intégrésdans un discours global pour répondre à lanécessité de justifier la restauration physique etlui donner une place dans les discours politiqueslocaux.

C’est l’articulation de ces registres qui donne toutesa portée au discours de projet que l’on souhaitediffuser.

On peut en effet citer deux inconvénients majeursà l’absence de discours global :

tenir parallèlement un discours technico-économique dans certaines instances, undiscours naturaliste ou culturel dans d’autres,risque d’être perçu comme la défense d’intérêtspartiels, sectoriels. Dès lors, le discours tenudans ces instances n’atteint pas la massecritique nécessaire pour être perçu et repris,notamment par les acteurs politiques.

L’analyse conduite sur le Lirou a par exempleconduit à recommander la mise en œuvrede deux volets parallèles, l’un orienté versles collectivités autour de la problématiquedes inondations et des milieux, l’autre endirection des viticulteurs en lien avec lagestion des berges et l’image de la filière.Il est apparu cependant essentiel de couplerces deux volets, mobilisant des registresd’argumentaires spécifiques, dans unedémarche commune qui fasse sens àl’échelle du territoire, pour leur donner lavisibilité politique nécessaire (par exemplepar la mise en place d’un label).

appuyer son argumentation sur l’un ou l’autredes registres pour mieux cibler certainsinterlocuteurs, risque bien souvent de conduireà des déconvenues. Ainsi, face à l’argumenttechnico-économique, par exemple des coûtsévités pour l’entretien des digues, il peut êtrerépondu une mise en perspective beaucoupplus globale, socioculturelle, mettant parexemple en évidence l’importance historiqued’une rivière parfaitement maîtrisée. Tenir undiscours articulant les différents registresmobilisables permet a contrario d’anticiper cetype de réactions et de placer d’emblée le débatà son bon niveau.

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_ Chapitre 3 : Comment convaincre et mobiliser ? _

Il n’est pas aisé d’articuler dans un seul et mêmediscours des arguments tels que des coûts évitéspour l’entretien d’ouvrages de défense, ledéveloppement d’une population d’écrevisses àpattes blanches et un glorieux passé de meunerieattaché à la rivière.

“Raconter l’histoire de la rivière est une approcheassez naturelle qui permet de résoudre cettedifficulté”.

Les aménagements de la rivière, les dynamiquesde population d’espèces, les activités économiquess’inscrivent tous dans le temps long et partagentun même support : la rivière. Raconter l’histoirede celle-ci permet donc bien de redonner de lacohérence à ces éléments disparates et de montrerles liens de causalité qui existent entre eux. De lasorte, c’est bien une vision globale de la rivièredans son territoire qui se dégage, dans la continuitéde laquelle le projet de restauration physique doitpouvoir trouver sa place et son sens.

Cette épaisseur temporelle dansla conception des registresd’argumentaire apparaît en outrenécessaire pour expliciter etassumer la log ique dechangement que porte le projetde restauration physique. Ilpourrait sembler paradoxald’insister ainsi sur l’histoire pourjustifier un projet tourné pardéfinition vers l’avenir. Ce seraitoublier qu’il n’y a pas de meilleurmoyen que de regarder l’histoirepour démontrer l’importance desdynamiques que le projet entendorienter.

L’Isère en aval de Grenoblevers 1690 (Archives nationales)

Profil en long Saône - amont St Jean de Losnevers 1890 (Archives départementales du Rhône)

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La prospective, qui consiste à envisager diversavenirs de manière méthodique, s’appuie d’ailleurstoujours sur un travail préalable de rétrospective.Enfin, sur un plan plus politique, tout changementnécessite de s’arranger avec son histoire et direl ’histoire est une ressource stratégiqueincontournable pour appuyer une entreprise deleadership sur le territoire.

Divers outils et méthodes sont mobilisablespour assurer ce travail de conception d’une visionglobale. La lecture transversale visée conduit, dansun premier temps, à réinterpréter et à mettre enperspective les registres d’argumentaires passésen revue précédemment :

le registre technico-économique doit être ainsiadapté pour mettre en évidence les gagnantset perdants des usages et pratiques passés dela rivière ouvrant la voie sur cette base à unepossible redistribution des intérêts guidant lagestion de la rivière.

Sur les Gardons, par exemple, une histoired’aménagements et de transferts financiersauxquels ils ont donné lieu a pu être écriteet a permis de mettre en évidence qu’ilss’ inscrivaient dans une logique dedéveloppement aujourd’hui achevée.

Le changement de logique technique qu’induiraitune restauration physique ambitieuse pourraitdès lors être mis en perspective avec cettehistoire, et articulé avec une nouvelle logiquede développement qui reste à inventer…

le registre patrimonial, car un tel travail derétrospective des aménagements de la rivièrerenvoie également à une dimension culturelleet identitaire en particulier au travers dupatrimoine bâti qui a marqué les usages dansle passé. Ces formes d’appropriation de la rivièrepeuvent être encore aujourd’hui vivaces etconstituent alors un point sensible pourl’acceptation du projet de restauration physiquequi peut nécessiter la disparition même de ceséléments patrimoniaux.

L’exemple de la Reyssouze permet d’illustrerqu’il est parfois envisageable de composerun projet de restauration avec le maintien deces éléments historiques (en l’occurrencedes moulins) : à une problématique initialed’enlèvement de seuils, il a en effet étéproposé de substituer une problématique derestauration des “mortes”, alimentées par lesseuils des moulins.

Dans d’autres cas, un tel compromis n’est paspossible.

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_ Chapitre 3 : Comment convaincre et mobiliser ? _

Comme le montre l’exemple du barrage deKernansquillec, il peut être alors nécessairede conduire un véritable travail de deuil etd’acceptation auprès des populations localesqui passe en particulier par de l’animationculturelle afin à la fois de reconnaître et declore un passé aujourd’hui révolu. Dans cecas précis, des animations théâtralesdiverses, un travail muséographique, desproductions littéraires des habitants et denombreuses autres manifestations ont étéorganisées par l’association en charge duprojet d’effacement du barrage et de sonusine.

ce registre patrimonial peut égalementinclure des éléments du registre naturaliste.Pour le nourrir, les inventaires parfois trèsanciennement établis par des naturalistes locauxou universitaires peuvent être exploités etillustrés par des recherches iconographiquessur la rivière et les milieux aquatiques (photosanciennes, dessins, …). Lorsque ces donnéesmanquent, il est possible de proposer desestimations de dynamiques de populations enfonction des connaissances sur les habitatspassés offerts par la rivière.

L’outil privilégié pour articuler ces rétrospectivesde différentes natures dans une même perspectiveglobale est la technique du récit.

Le Vidourle secteur Marsillargues, 1830(Archives départementales du Gard)

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Bien que familier pour chacun d’entre nous grâceà la littérature, le récit constitue en effet uneméthode rigoureuse et bien particulière pour rendrecompte des investigations et analyses conduites,dotée de qualités propres ici très utiles :

le récit constitue une médiation entre d’une partdes événements, des incidents individuels et,d’autre part, une histoire prise comme un tout,des structures et des évolutions plus largesdans lesquelles ces événements s’inscrivent.Dans notre cas, les évolutions de la rivière etde ses usages peuvent être remis dans uncontexte plus large renvoyant à “l’esprit d’uneépoque” ou encore à l’histoire économique etsociale d’un territoire ;

grâce aux connecteurs logiques de la langue(“car”, “par conséquent”, “du fait de”, etc.), lerécit permet de rendre compte de liens decausalité entre éléments hétérogènes. Le récitest donc éclairant pour le lecteur en ce qu’il luipropose une histoire ordonnée, des chaînes decausalité claires et exposées de façontransparente, sans pour autant lui imposer uneinterprétation théorique fermée – comme le faitpar exemple un modèle mathématique rendantcompte d’une dynamique. Cela facilite sonappropriation par les interlocuteurs.

Sur un plan pratique, les intérêts de la techniquedu récit sont les suivants :

pour celui qui l’élabore, il constitue un exercicetrès profitable, en le forçant à ramasser sousune forme synthétique l’ensemble deséléments de connaissance dont il dispose surun cours d’eau et son territoire, et en luipermettant ainsi de finaliser un argumentaireglobal ;

il constitue un bon support pour initier uneconcertation : un récit partagé est déjà undébut de vision commune d’un territoire et deses enjeux. Il peut en particulier être mobilisépour la concertation évoquée ci-dessus portantsur l’image de la rivière dans son territoire quel’on souhaite collectivement promouvoir ;

dans le même ordre d’idée, un récit rétrospectifconstitue la base d’un travail prospectifexplorant divers avenirs possibles, exercicelui aussi très adapté à une concertation etcohérent avec la logique de projet qui est cellede la restauration physique ;

enfin, par ses qualités didactiques et les diversesvalorisations auxquelles il peut se prêter, le récitpeut être à l’origine d’une sensibilisation despopulations au travers d’opérations decommunicat ion (p laque t tes , f i lms ,expositions, …).

Les Gardons

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IE 9 Éléments de méthode pour l’étude historique et la construction du récit

L’objectif poursuivi par la construction durécit est de ramasser sous une formeattrayante et synthétique l’ensemble desregistres d’argumentaires susceptibles defonder le projet de restauration physique, etde les introduire dans une perspectivehistorique.

Comme toute entreprise “littéraire”, l’enjeuest ici de réussir à livrer cette vision globalesous une forme plaisante – dans notre cas,la difficulté est renforcée par le caractèrehétérogène des informations et arguments àinclure dans le récit.

Pour se retrouver dans la masse desinformations rassemblées et réussir à lesarticuler au sein d’une histoire qui se“déroule” naturellement, trois étapes deconstruction du récit doivent être respectéesdans la rédaction et bien conçues aupréalable :

Le fil directeur du récit : la “mise en intrigue”

La mise en intrigue consiste à configurer oureconfigurer un ensemble d’éléments pourconstituer une histoire que le lecteur puissesuivre. On souhaite ici raconter l’histoire dela rivière dans son territoire… mais pourquelles raisons, pour quel propos ? Que veut-on montrer au destinataire du récit ? Quel fildirecteur lui propose-t-on pour interprétercette histoire ?

Telles sont les questions à instruire avantd’entamer la construction du récit, quipermettent en outre également de l’introduired’une façon attrayante pour le lecteur. Laréponse à ces questions dépend bien sûr ducontexte et de la problématique locale de larivière. Mais on peut mettre en avant ici deuxtypes génériques d’intrigues valorisant bienles capacités d’intégration du récit, à déclinerdans chaque cas particulier :

en quoi l’histoire particulière de notre rivières’inscrit-elle dans un contexte plus global,en quoi est-elle un témoin de notre histoirecollective ?

en quoi la rivière a-t-elle joué un rôle dansl’histoire de notre territoire, en quoi est-elle un acteur de notre histoire collective ?

Ces deux types de mises en intrigue :

placent d’emblée au cœur du récit lesrapports historiques entre la rivière et sonterritoire, notamment en mettant enexergue les principaux points durs qu’ilva s’agir de dépasser pour écrire une pagenouvelle de l’histoire de la rivière ;

permettent de l ier des élémentshétérogènes, des événements particuliersavec l’histoire prise comme un tout, detelle manière que les différents registresd’analyse à développer (technico-économique, écologique et socioculturel)puissent trouver leur place.

L’étude historique

L’objectif principal de l’étude historique estde rappeler les héritages et les processusqui ont concouru à la situation fluvialeactuelle, notamment la connaissance desenjeux successifs et des décisions prisesou non. Pour cela, il convient :

d’engager une étude historique sur uncours d’eau et son aménagement.

faire appel à des professionnels(historien, géographe).

L’enquête demande de la méthode.Surtout les éléments de connaissancelocaux doivent pouvoir faire l’objet d’uneexpertise au regard de connaissancesscientifiques plus générales et donnerlieu à une lecture problématique et passeulement factuelle.

établir un cahier des charges précismais souple.

le choix des thèmes et/ou registres estune étape importante du travail.

L’Arve à Sallanches vers 1860(Archives départementales de Haute Savoie)

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DO

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IE 9 Éléments de méthode pour l’étude historique et la construction du récit

Outre des éléments/thèmes déjàclairement identifiés par le maîtred’ouvrage, la première phase d’étudedoit permettre de dresser un état deslieux des principaux enjeux à l’échellehistorique. Le prestataire s’appuie pourcela sur la bibliographie existante, unepremière visite de terrain, et la rencontrede quelques acteurs ou personnalités.Cette étape permet aussi éventuellementde pointer certaines lacunes en termesde connaissance.

Ce premier temps doit déboucher surl’énoncé d’une ou plusieurs questionsproblématiques générales. Elles sontprésentées au maître d’ouvrage et l’ondécide à ce stade des orientations àprendre (choix) et des approfon-dissements à mener en fonction de lagestion globale du projet.

La deuxième phase de l’étude vachercher à approfondir ces points. Onmobilise pour cela une documentationélargie (archives, ouvrages spécialisés).Des enquêtes orales ou des visites deterrain complémentaires peuvent êtreengagées.

orienter le travail sur les points durs del’aménagement

Le choix des éléments à approfondirpeut être directement associé aux sitesactuellement concernés par les enjeuxde la restauration physique du coursd’eau (pont, portion de berge, siteparticulier, etc.).

On cherchera alors autant que faire sepeut à rapporter les éléments d’histoiregénérale à des situations historiqueslocales.

en travaillant sur des sites ouaménagements connus de tous ;

en mettant en lumière des noms delieux ou de familles et acteurs locaux(communes, élus, industriels,agriculteurs…) ;

en faisant appel à la mémoire deshabitants.

préciser les formes de diffusion.

De par sa nature, la connaissancehistorique peut participer directementau processus de co-construction duprojet (élément de diagnostic, aspectpédagogique). Il convient de précisercette place.

Le public doit également pouvoirs ’appropr ie r f ac i l ement ce t teconnaissance. Les formes de restitutionseront arrêtées en fonction des objectifs,mais suffisamment tôt dans ladémarche : rapport technique support àla concertation, publication (ouvrage,plaquette), exposition, conférence, film,etc.

d’identifier les thématiques à déclinerlocalement.

Chacune des thématiques citées ci-aprèsdont la liste n’est pas exhaustive carmentionnée à titre d’exemple) peut êtreabordée selon différents registres(technique, juridique, social, politique,culturel, etc.). Le recul chronologique estlui aussi variable selon le sujet, de quelquesdécennies à plusieurs siècles. Lesproblématiques locales permettent depréciser cela :

la place relative du cours d’eau au regardde la présence (naturelle ou non) del’eau sur le territoire (importance,formes).

l’approvisionnement en eau potable(maîtrise, rapport /concurrence avec lesautres usages de l’eau).

les besoins et usages agricoles de l’eau(drainage, collecte, irrigation).

les besoins et usages industriels de l’eau(moulinage, hydroélectricité, chimie,etc.).

les autres usages de l’espace fluvial( tourisme, extract ion, passaged’infrastructures, bois, pâture, etc.).

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_ Chapitre 3 : Comment convaincre et mobiliser ? _

La saône, secteur de Conflandey, vers 1890(Archives département du Rhône)

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_ Chapitre 3 : Comment convaincre et mobiliser ? _

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IE 9 Éléments de méthode pour l’étude historique et la construction du récit

Le corps du récit : la “ponctuation” proposéede l’histoire de la rivière dans son territoire

Le travail d’élaboration des différentsregistres d’argumentaire mobilisables(technico-économique, écologique etsocioculturel) aura permis de rassembler desinformations et analyses différentes qu’ils’agit maintenant d’articuler de manièreintelligible dans le récit.

Pour cela, le plan détaillé du récit peut êtreétabli en repérant, dans les différentsregistres, les éléments de chronologie. Despériodes historiques communes ou desévénements marquants (bouleversementspolitiques, aléas naturels, …) apparaissentalors généralement comme étant structurantspour les différents registres mobilisés(l’histoire technique des aménagementsn’étant pas indépendante des dynamiqueséconomiques et des processus écologiquesà l’œuvre, ou encore des demandes socialesqui émergent et se succèdent sur le territoire).

Ces périodes historiques ou ces évènementsmarquants constituent alors la trame du récità rédiger, ils fournissent les “têtes dechapitre” qui permettent de l’organiser enmêlant de façon conjointe les registrestechnico-économique, écologique etsocioculturel.

La “chute” : le projet de restauration commetransition vers l’avenir

La fin du récit – ce que dans une nouvellepar exemple, on nomme “la chute” – doit êtreparticulièrement soignée : c’est elle en effetqui “met en scène” le projet de restaurationphysique. Il s’agit de faire écho à la mise enintrigue explicitée au début du récit, enmontrant que ce projet constitue une nouvelleétape qui s’ouvre pour l’histoire de la rivièredans son territoire.

Le récit peut par exemple montrer en quoi larivière fut longtemps un “acteur” de la viedu territoire (comme voie de navigation,source d’énergie pour l’industrie ou encorecomme écosystème changeant dont lescycles rythmaient autrefois les usagesriverains), puis que son rôle s’est effacé enraison des mutations socioéconomiques etculturelles du territoire, n’étant plus qu’untémoin un peu oublié d’un passé révolu.

La “chute” du récit peut alors consister, parexemple, à présenter le projet comme lemoyen de restaurer le rôle actif de la rivièredans les dynamiques territoriales, ladémonstration étant faite que cette idée n’estpas utopique puisqu’elle fut longtempsinscrite dans la réalité du territoire.

Selon l ’ambition du projet et sesconvergences ou divergences avec la culturetechnique locale, il s’agit dans tous les casde présenter ce projet dans l’histoire en tantque “rupture” nécessaire, ou au contrairecomme élément trouvant naturellement saplace dans une certaine continuité historiqueque le récit donne à voir.

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4. Saisir les occasionsqu’offrent les actionspubliques sur les territoiresAfin de faire valoir les arguments ici passés enrevue, quatre types d’occasion favorables peuventêtre saisies :

les procédures attachées aux différentespolitiques publiques visées : PPRI, contrats derivières, SAGE, SCOT, … Pour faire valoirl’argumentaire dans ce type d’instance, l’enjeun’est pas le même selon qu’il s’agit d’un dispositifspécialisé (ex : PPR) ou d’emblée intégrateur(ex : SAGE, contrat de rivière, SCOT) :

dans le premier cas, il convient d’être attentifà ce que les cahiers des charges des étudesconduites ou leur suivi intègrent lesdimensions propres à la restauration physiqueet de tenter de replacer ces dispositifs dansune approche plus globale à laquelle ondonne une visibilité d’ensemble. L’enjeu estde rendre possible une articulation futureavec une démarche de restaurationphysique ;

dans le second cas, la vision globale est enprincipe déjà acquise, l’enjeu devient alorsde faire en sorte que la restauration physiquesoit un des éléments directeurs (voire centraldans le cas d’un contrat de rivière parexemple) porteur de sens pour l’ensemblede la démarche ;

les études : évoquées plus haut, elles sontl’occasion non seulement d’investigationsnourrissant les argumentaires à mobiliser, maisaussi, d’engager les partenaires à s’intéresserà une réflexion commune ;

les chantiers et travaux : ils constituent unmoment important et délicat des projets derestauration, ceux-ci devenant tangibles auxyeux de tous. Il est donc essentiel que lechangement technique parfois radical que larestauration physique met en œuvre soitaccompagné auprès du public pour le rendreintelligible et le justifier. Ainsi par exemple,l’érosion de berge, la dégradation assuméed’ouvrage, la chute d’arbres, etc. sont perçusspontanément comme des “désordres”,intuitivement contraires au respect del’environnement. Il est donc indispensabled’expliquer les raisons de ces choix techniqueset de chercher à faire évoluer les représentationsde chacun en la matière. De même, la présenced’engins de travaux, associés dans l’esprit deshabitants davantage à l’univers du BTP qu’àcelui de l’écologie, peut également être source

d’incompréhension : là encore, un importanttravail de communication autour du chantier estnécessaire.

les opérations de sensibilisation : lesargumentaires doivent également toucher unlarge public au travers d’opérations decommunication et de sensibilisation mobilisantpar exemple les réseaux d’éducation àl’environnement et visant des publics variés.

Tous ces moments sont des occasions de partagerles enjeux du projet et d’offrir aux acteurs duterritoires des prises pour s’y reconnaître et l’inscriredans leurs propres actions et politiques.

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_ Chapitre 3 : Comment convaincre et mobiliser ? _

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CH

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E4

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RÉCAPITULATIFDES INVESTIGATIONS

À CONDUIRE

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4 CH

AP

ITR

E

Les diverses clés proposées par ce guide sontdestinées à aider les porteurs de projet derestauration physique des cours d'eau lors desphases de conception et de négociation, quiconstituent des étapes indispensables à la miseen œuvre effective des actions qui devrontpermettre d'atteindre les objectifs de la politiquede l'eau.

Les porteurs de projet mettent sans doute déjà enœuvre certaines de ces propositions. Le guidedevrait les aider à vérifier si des étapes essentiellesn'ont pas été omises. Par ailleurs il livre deséléments de méthode qui devraient permettred'améliorer, en fonction des contextes et enjeuxlocaux, la préparation de ces phases de travail.

Une première phase préparatoire consiste àconcevoir une stratégie de préservation ou derestauration physique des cours d'eau, en particulieridentifier les conditions de l'adéquation entre leprojet et les objectifs environnementaux poursuivis.Ces éléments sont explicités au travers desrubriques A à G de la démarche proposée (voirsommaire).

La référence préalable aux documents deplanification, en particulier le SDAGE, ainsi qu'uneapproche territoriale et une expertise physiquesommaires doivent en tout début de processusclarifier certains aspects incontournables du projettechnique :

clarifier les références biologiques etgéomorphologiques pour préciser la trajectoiredu projet de restauration, et pour assurer lacohérence entre cette trajectoire et les objectifsécologiques attendus ;

identifier les périmètres techniques pertinentsattachés à chaque thématique de larestauration ;

traduire autant qu'il est possible ces objectifsenvironnementaux en grandeurs physiques ;

engager une première analyse sur lesopportunités de développement socio-économique du territoire associées au projet.

Ces premières rubriques doivent être conduitesen régie car elles sont indispensables pour fonderdes démarches d’études ultérieures bien conduites.

74

Pour engager la démarche, il n’est pastoujours nécessaire de lancer de nouvellesétudes :Le besoin d’études complémentaires estsouvent exprimé par de nombreux partenaires,pour disposer d’une vision d’ensemble qui leurmanque et pour cerner les enjeux et lesconséquences des actions de restaurationenvisagées.

Or paradoxalement, on dispose aujourd’hui surla quasi-totalité des bassins versants d’étudeset de données sur le fonctionnement physiquequi s’avèrent souvent très riches, mais très malexploitées. On peut même rencontrer desétudes globales du fonct ionnementmorphologiques tombées dans l’oubli, alorsqu’en quelques dix ans, les données duproblème ont peu changé, même si leurperception et leur prise en compte ont pusensiblement évoluer.

Devant un besoin ressenti, la bonne démarchedoit consister à exploiter les études existantes,quitte à faire appel à un expert extérieur pourles synthétiser et les valoriser et à cibler lesbesoins de compléments sur les thématiqueset les périmètres vraiment utiles.

RÉCAPITULATIF DES INVESTIGATIONSÀ CONDUIRE

Vallée de la Clarée (05)

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Ainsi, l’analyse de la DCE (rubrique A), les analysesterritoriales et techniques sommaires (rubriquesB et B’) débouchant sur l’identification despérimètres techniques pertinents (cf. encartméthodologique n°3) doivent donner lieu à untravail interne, mené par le chargé de mission oud’intervention prenant en charge l’initiative duprojet.

Il dispose alors de l’analyse préalable nécessairepour concevoir une éventuelle commande d’étudebien ciblée.

Les thèmes à creuser de façon prioritaire par leprestataire sont fournis par les approchesterritoriales et techniques sommaires.

L’organisation géographique des investigations àconduire est structurée et optimisée grâce à ladéfinition des périmètres techniques pertinents(PTP), unités géographiques de référence del’étude.

Une telle démarche préparatoire permet d’éviter,de façon éclairée, le lancement d’une étude globalede bassin versant, longue et coûteuse.

L’étude à conduire vise alors à instruire, sinécessaire, la clarification de la référencebiologique visée (rubriques C et D) et dans tousles cas, la définition des objectifs idéaux derestauration de chaque PTP (rubrique E et F) etles opportunités de développement qui peuvent yêtre rattachées (rubrique G).

75

La préparation de la négociation se nourrit desrésultats de cette phase préparatoire, complétéspar une évaluation technique et économique desconvergences ou divergences avec d'autrespolitiques publiques, une analyse des enjeuxfonciers etc … qui conduit notamment à pouvoirapprécier la fourchette de négociation envisageablepour prendre en compte les autres politiques sansperdre de vue les conditions a priori nécessairesà l'atteinte des objectifs environnementaux. Ceséléments sont explicités au travers des rubriquesH à J de la démarche proposée (voir sommaire).

La préparation d'une argumentation qui puisetout à la fois dans les domaines de l'écologie, del'économie, de la culture et du social. Cettepréparation conditionne l 'acceptation etl'appropriation du projet, indispensables à sa miseen œuvre effective. L'attractivité territoriale duprojet doit se cristalliser dans une vision globaleet historique du territoire. Ces éléments sontexplicités dans le chapitre 3 du présent guide (voirsommaire).

_ Chapitre 4 : Récapitulatif des investigations à conduire _

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ANNEXES

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1. Les contoursde l’hydromorphologieL’hydromorphologie des cours d’eau est l’étude desrelations dynamiques entre, d’une part, leurscaractéristiques sédimentaires, certainescaractéristiques hydrauliques (énergie de l’eau), et,d’autre part, les formes (morphologie des lits, desberges, ...) qui en découlent.

A l’échelle régionale, le relief, le climat et la géologiedéterminent les caractéristiques physiques primairesd’un bassin versant, qui sont à l’origine deshydroécorégions et donc des grandes typologiesde références de très bon état de cours d’eau quien résultent.

La morphologie d’une vallée est le résultat de l'actionérosive du climat sur les roches du bassin, plus oumoins protégées par un couvert végétal. Cetteérosion produit également le stock sédimentaire ducours d’eau.

Dans des conditions naturelles, à partir de cescaractéristiques primaires, les cours d’eau établissentune combinaison entre différentes variables ditesde contrôle (ou de processus) et de réponse (oude structure).

2. Les variablesqui contrôlentl’hydromorphologieDeux variables de contrôle sont fondamentales etrégissent en grande partie l’hydromorphologienaturelle des cours d’eau :

le débit liquide (flux d’eau) Ql : il dépend de lagéométrie (largeur et pente) du fond de valléeet du régime hydrologique (débits) du cours d’eau.Combinées, ces deux variables déterminentl’énergie potentielle ou naturelle du cours d’eau

le débit solide (flux de sédiments) Qs : il résultedes processus d’arrachage, de transport et dedépôt des sédiments. Il dépend de l’énergie ducours d’eau, de la nature (granulométrie), de lacohésion et du volume de sédiments présentsau fond des lits des cours d’eau et sur leursberges.

78

Ces variables contrôlent dans le temps et dansl ’espace les var iab les de réponsesmorphologiques.

De cette dynamique spatio-temporelle découle lebesoin d’un espace dédié au cours d’eau, nommél’espace de bon fonctionnement (EBF) du coursd’eau. Que l’on se situe dans un contexte àfaible/fort débit solide, à faible/forte énergie, lecours d’eau a besoin d’un espace plus ou moinslarge pour réguler ses flux d’eau et de sédimentset son énergie, mais aussi pour échanger avecles autres milieux aquatiques : connectivités avecsa nappe alluviale, un ancien bras, sa ripisylve, …Pour des cours d’eau mobiles, comme la Drôme,l’espace de fonctionnement est nommé espacede mobilité.

3. Les variables de réponseLa morphologie (ou forme) du cours d’eau et leshabitats constituent la réponse aux variables decontrôle. C’est la résultante visible de la dissipationde l’énergie d’un cours d’eau. Celle-ci requiert del’espace (EBF). Si cet espace est contraint, lesmodalités de dissipation de l’énergie du coursd’eau sont modifiées.

Il en résulte généralement une incision du lit quimenace les ouvrages d’art, la ripisylve, les milieuxconnexes ainsi que le niveau et le rôle fonctionnelde la nappe alluviale. En effet, la nappe estrechargée en période de crue et la nappe soutientles débits en période d’étiage par restitution d’eauau cours d’eau.

Les principaux éléments qui caractérisent lamorphologie sont les suivants :

des profils en travers

un profil en long

des sinuosités

des vitesses d’écoulement

des successions des faciès

des variations granulométriques

un corridor rivulaire (ripisylve et/ou forêtalluviale)

les relations avec la nappe alluviale.

ANNEXE 1 : QU’EST-CE QUE L’HYDROMORPHOLOGIE ?

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Débit liquide Débit solide

Morphologie Connectivité

Habitat

Selon le contexte régional et les processushydromorphologiques en jeu, les variables deréponse sont plus ou moins mobiles dans le tempset dans l’espace, d’où la notion de dynamique, etinterdépendantes, d’où la notion de connectivité.

En résumé, la prise en compte de l’hydromor-phologie pour l’évaluation des habitats peut sedécliner en quatre grandes thématiquesinterdépendantes illustrées ci-après.

79

_ Annexe 1 : Qu’est-ce que l’hydromorphologie ? _

4. Quelques notionssur les habitats aquatiquesdes cours d’eauChaque organisme vivant perçoit de sonenvironnement naturel quelques facteurs-clés quilui sont favorables ou limitants. In fine ces facteursdétermineront la taille et la répartition despopulat ions des différents organismespotentiellement présents dans un milieu donné.

Les facteurs-clés du milieu aquatique peuventêtre regroupés en quatre catégories :

les facteurs “climatiques” et leurs conséquencesen terme de physico-chimie de l'eau :température (facteur de contrôle majeur de laprésence des espèces), oxygène dissous, pH,turbidité…

les facteurs “trophiques”, c'est-à-dire la natureet la quantité des ressources nutritionnellesdisponibles pour chaque type d'organisme :ions majeurs (Ca par exemple) ; élémentsnutritifs (P, N), producteurs primaires, débrisvégétaux ;

les facteurs “biotiques”, ou interactions directesentre les êtres vivants comme la compétition,la prédation, etc...

les facteurs “d’habitats”, ou caractéristiquesphysiques appréciées à l'échelle de la taille etde la mobilité des organismes : pente, débits,hauteurs et vitesses d’eau, taille des sédiments,abris...

Parmi ces quatre catégories de facteurs, l’habitatoccupe une place centrale : il est le support dudéveloppement des organismes.

L'habitat est un concept utilisé dans le domainede l'écologie pour décrire l'endroit (ou plusprécisément les caractéristiques du “milieu”) danslequel une population d'individus d'une espècedonnée (ou d'un groupe d'espèces symbiotes ouvivant en guilde...) peuvent normalement vivre etse développer. Un habitat désigne donc une zone,terrestre ou aquatique, dont l'identification reposesur des caractéristiques géographiques, abiotiqueset biotiques bien définies.

Les liens de cause à effet entre les différentsfacteurs-clés de la vie aquatique (y compris leshabitats) et les organismes vivants présents dansles cours d’eau sont particulièrement complexesà identifier et relèvent encore du domaine de larecherche. C’est pourquoi il est encore aujourd’huidifficile de prédire précisément les réponsesbiologiques qu’apportera telle ou telle intervention.

Selon leurs tailles, leurs besoins aux différentsstades de l’accomplissement de leur cycle de vie,les organismes aquatiques recherchent diversesconditions physiques, ou habitats, appréciées àplusieurs niveaux d’échelles géographiques. Achaque niveau correspond des fonctionsbiologiques, illustrées ci-après avec l’exemple despoissons.

C’est à l’échelle régionale – géologie, formes durelief, climat – que se distinguent les différentstypes de vallée et les hydroécorégions qui vontdéterminer les grandes caractéristiqueshydromorphologiques (pente, stock et nature dessédiments, régime hydrologique). Cette échelleest utilisée pour définir les aires de répartition desespèces piscicoles, en lien avec leurs histoires etleurs exigences écologiques. On distingueégalement à cette échelle les grands axes demigration des populations d’espèces amphihalinescomme l’anguille et l’alose.

A une échelle plus locale, les tronçons homogènesdoivent en théorie, selon les lois de lagéomorphologie f luviale, présenter descaractéristiques géomorphologiques homogènes :

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_ Annexe 1 : Qu’est-ce que l’hydromorphologie ? _

géométrie du lit, pente, sinuosité, style fluvial. Desmouvements de populations peuvent être observésà l’échelle des tronçons, soit pour accomplir desfonctions biologiques (déplacements vers les zonesde reproduction par exemple), soit pour retrouverdes conditions écologiques favorables (hydrologie,température).

Le faciès (radier ou rapide, plat, mouille) traduitune homogénéité en termes de pente, de profil entravers et de substrat, à l’échelle de quelquesdizaines de m², suivant la largeur du lit. Lasuccession relativement régulière de faciès estsouvent nommée station (distance de radier àradier) dont la longueur est estimée à 15 à 20 foisla largeur du lit à l’étiage. Les critères de définitiondes faciès, notamment la hauteur d’eau et la vitessedu courant, vont ainsi conditionner localement laprésence d’espèces piscicoles selon leursexigences écologiques (espèces limnophiles auniveau des mouilles, et rhéophiles au niveau desradiers). Les faciès constituent ainsi généralementl’échelle de territoire de vie quotidienne d’unpoisson.

Le microhabitat est l’échelle la plus fine, elle intègrela vitesse de courant, la hauteur d’eau, maiségalement la granulométrie. Cette échelle répondà la fonction biologique de repos et d’alimentationd’un individu. Les caractéristiques du microhabitat,en particulier la granulométrie, peuvent par ailleursdéfinir les potentialités du milieu à la reproductionde certaines espèces.

Les conditions à large échelle (hydroécorégion)structurent les conditions à des échelles plus fines(microhabitat), même si des facteurs locaux peuventavoir une incidence sur les habitats sur des linéairessignificatifs. La protection et la restauration deshabitats doivent donc tenir compte de cesemboîtements d’échelles. Une gestion durable etambitieuse des cours d’eau suppose d’identifierce qu’il est possible ou impossible de faire auxéchelles les plus larges avant d’aborder desinterventions aux échelles plus locales.

Echelle régionale

Echelle linéaire

Echelle locale

Hydro-écorégions Types de vallées Ordination du réseau

TronçonsStructures

géomorphologiques Dimensionamont - aval

11 1

1

1 2 2

3

4

1

Cadre physiqueFonctions

biologiques

Stock d’espèces

Biodiversitédes peuplements

Tronçon 103 w Segment 102 w Séquence 101 w

Forme et dynamiquedu lit

Unités morphodynamiquesFaciès agencés

en séquences régulières

Equilibre des populationsHabitat des phases critiques(zones de refuge, frayères)

Territoire quotidienRéalisation

de plusieurs fonctions(repos, nourrissage)

Faciès 100 w Ambiance 10-1 w Micro-habitat 10-2 w

Structures d’abrisHétérogénéité de l’écoulement

et du substrat

Variables physiques :vitesse du courant, hauteur d’eau,

Structure granulométrique

Réalisationd’une fonction biologique

Positionnementd’un individu

Les différentes échelles spatiales emboîtées de l’analysedu fonctionnement physique des cours d’eau

w : largeur du lit mineur à l’étiage d’après J.G. Wasson, Cemagref

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5. Les altérationshydromorphologiquesQuinze altérations physiques, les plus fréquenteset les plus susceptibles d’être à l’origine d’impactssur la qualité écologique des cours d’eau, sontprésentées ci-après, en relation avec les pressionsd’aménagement et d’usage correspondantes. Ellessont organisées en fonction des quatrecomposantes de l’hydromorphologie : débit solide,débit liquide, morphologie et connectivité.

81

_ Annexe 1 : Qu’est-ce que l’hydromorphologie ? _

Pressions physiquesPrésence de seuils / barrages,certaines pratiques agricoles,extract ion et curages dematériaux

Débit solideAltérations physiques

1. colmatage du plancher alluvial par un apport diffus de sédiments fins, enrelation avec certaines pratiques agricoles2. disparition ou forte réduction du stock de sédiments, par blocage du transitsédimentaire (seuil, barrage – p. 38) ou exportation des sédiments (extraction,curage – p. 40)

Débit liquidePressions physiques

Stockage d’eau (irrigation /hydroélectricité / alimentation eneau potable / tourisme) etprélèvements

Altérations physiques

3. modification (augmentation, diminution) des débits de crues fréquentes oucrues morphogènes (entre un et trois ans) par stockage de l’eau ouimperméabilisation des sols4. aggravation des étiages par prélèvements ou stockage d’eau5. modification continue du régime hydrologique (hydrogramme annuel) parstockage de l’eau et relargage différé6. modification continue du débit (dérivation)7. modifications de débit brutales et fréquentes (éclusées)

Des renvois (n° de page) au manuel de restaurationhydromorphologique des cours d’eau de l’Agence del’eau Seine-Normandie sont proposés à titre d’illustration.

Variables de contrôle

Variables de réponseMorphologiePressions physiques

Rectification pour gagner desterres, recalibrage pour gagneren débitance, protection deberges contre l’érosion, diguescontre les inondations

Altérations physiques

8. réduction ou suppression de la sinuosité du cours d’eau par rectification dutracé (p.27)9. réduction ou suppression du corridor ou végétation rivulaire (p.30)10. réduction ou suppression de la dynamique latérale du cours d’eau par lamise en place d’ouvrages de stabilisation des berges (p. 33) ou de limitationdu champ d’inondation (digues)11. réduction ou suppression des connectivités avec les milieux aquatiquesannexes (bras secondaires, zones humides) et les nappes alluviales par lamise en place d’ouvrages de stabilisation des berges ou de limitation du champd’inondation (digues), et par recalibrage du lit (p. 28)12. ralentissement des écoulements par la mise en place de seuils, barrages(p.36)13. altération des successions de faciès par la mise en place de seuils, barrages,par recalibrage (p.28), curage14. augmentation du débit de plein bord par la modification de la géométrie dulit (p. 28)

Continuité biologiquePressions physiques

Présence de seuils / barragespour stockage d’eau (irrigation /hydroélectricité / alimentation eneau potab le / tour isme)prélèvements

Altérations physiques

15. obstacle à la migration (montaison ou dévalaison) par la mise en place deseuils ou barrages (p.36)

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1. Introduction généraleà la question foncière1.1. La restauration physiqueest consommatrice d’espace

Dans le domaine de la gestion des cours d’eau,la restauration physique est probablement le voletle plus consommateur d’espace. Et l’on peutavancer que, en règle générale, plus les actionsdans ce domaine sont ambitieuses et plus laconsommation d’espace est importante.

Cependant, en matière de restauration physique,les expériences sont encore en petit nombre etl’on observe que beaucoup de celles qui sont bienavancées ont avant tout été mises en œuvre là oùla contrainte foncière était la moins forte (parexemple sur des terrains appartenant déjà auxcollectivités). C’est la raison principale pour laquellela question de la maîtrise foncière dans le cadredes actions de restauration physique est si peudéveloppée.

Néanmoins, si l’on s’intéresse à la gestion de laressource et des milieux aquatiques, la maîtrisefoncière constitue un volet plus répandu, parexemple en matière de protection des captagesd’alimentation en eau potable ou de gestion deszones humides.

Le guide juridique et pratique pour la gestionéquilibrée de l’eau et la gestion de l’espace.DIREN Languedoc-Roussillon, version réviséede 2009. Ce document très complet passe enrevue, pour 8 grands types d’action (entretiendes cours d’eau, protection des captages,préservation et restauration de l’espace demobilité et des champs d’expansion des crues,gestion des zones humides…) les stratégies de“maîtrise” du foncier privé et les outils à mobiliser.

Que faut-il entendre par “maîtrise foncière” enmatière de gestion des cours d’eau ?

Dans le cadre de la gestion des cours d’eau,l’expression de “maîtrise foncière” doit, êtreentendue comme l’ensemble des actions quicontribuent à la maîtrise de l’usage des milieuxaquatiques. Autrement dit, cette notion est pluslarge que l’acceptation courante de maîtrise de lapropriété des parcelles riveraines du cours d’eau,

ANNEXE 2 : LA QUESTION FONCIÈRE

par le biais de l’acquisition, qui contribuent àpermettre la cohérence des usages des milieuxaquatiques et de leurs espaces de fonctionnement.

Elle recouvre également les conventions de gestionque la structure en charge de l’aménagement desrivières peut passer avec les propriétaires riverainsou avec d’autres usagers (par exemple desagricultures venant exploiter des parcellesdevenues propriété d’une collectivité). La mise enplace de servitudes doit également être entenduecomme une composante possible d’une démarchede maîtrise foncière.

La maîtrise foncière désigne donc l’ensemble desactes juridiques et procédures conventionnellesqui vont permettre de s’assurer que la vocationdes terrains concernés par, ou nécessaires à, larestauration physique restera dans le tempscompatible avec cet objectif de restauration.

Gestion des territoires et “consommation” del’espace : les outils de la maîtrise foncière nesont pas propres au domaine de l’eau

La maîtrise foncière n’est évidemment pas propreà la restauration physique ni plus largement à lagestion des milieux aquatiques. Toutes lespolitiques de développement et d’aménagementconsomment de l’espace, au détriment d’usagesdu sol préexistants - et il s’agit bien souvent d’unusage agricole ou naturel - à l’aide d’outils et deprocédures particuliers.

Pour mettre en œuvre les diverses politiquespubliques (urbanisme, habitat, développementéconomique, développement touristique, maisaussi protection des milieux naturels…), l’Etat etles collectivités disposent d’une vaste panoplied’outils de maîtrise foncière.

Ces outils étant donc rarement spécifiques à lagestion des cours d’eau, les porteurs de projet derestauration physique doivent construire des“stratégies” foncières afin de :

mobiliser et faire converger (articuler) lesdifférentes procédures disponibles et utiles àl’objectif visé ;

mobiliser de nombreux acteurs – qui deviennentde fait de véritables partenaires – puisque cesoutils sont de la compétence d’une palette variéed’acteurs.

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_ Annexe 2 : La question foncière _

1.2. Quelle place doit tenir la réflexionsur le foncier dans une démarchede restauration physiquedu cours d’eau ?

Une question essentielle, sans réponsedéfinitive

Il s’agit là d’une question essentielle, à laquellece guide ne prétend pas apporter une réponsedéfinitive et univoque. Chaque projet, en fonctionde son niveau de maturité, de son contextegéographique, socio-économique et institutionnel,nécessitera une démarche ad hoc pour aborderla dimension foncière. L’importance de celle-ci estd’ailleurs propre à chaque situation.

Néanmoins, il semble que l’on puisse proposerune “règle” assez générale, qui consiste àdistinguer deux niveaux d’investigation pour traiterde la dimension foncière d’un projet de restaurationphysique. Ces deux niveaux correspondent à deuxtemps de la réflexion et de la mobilisation desacteurs locaux. Ils se caractérisent également pardes exigences très différentes quant à laconnaissance nécessaire du foncier concerné parles projets.

Distinguer deux temps dans la réflexionfoncière, et donc deux niveaux d’investigation

Au prmier niveau d’investigation, il convient d’éviterde recourir à des études mais plutôt chercher àrépondre à une série de questions “simples”, enmobilisant les documents existants (cartes, études,photos…) et le savoir des acteurs locaux(techniciens de rivières, élus, pêcheurs, etc.) :

quel est l’usage du sol autour de la rivière(l’espace rivière) ? S’agit-il d’un espace urbainou périurbain (où la contrainte foncière est apriori, et sans grand risque de se tromper, trèsforte), d’espaces naturels (la contrainte foncièredoit y être faible), d’espaces agricoles (où lacontrainte foncière peut être extrêmementvariable) ?

s’il s’agit d’espaces agricoles, quelle est la naturedes cultures ?

que sait-on de l’histoire des pratiques agricolesvis-à-vis de l’espace rivière et de l’histoire del’aménagement de la rivière ? Ce qui revient às’interroger sur la façon dont les acteurs locauxont “consommé” et utilisé l’espace riverain ducours d’eau, et continuent de le faire.

Il est suggéré que le premier niveau d’investigationsoit engagé très tôt dans la réflexion, au momentmême où s’engagent les premières réflexions sur

les dimensions techniques des projets [Cf. Analyseterritoriale - rubrique B].

A ce stade de la réflexion, il faut éviter de conclureà la faisabilité ou l’infaisabilité de la “maîtrisefoncière”.

Celle-ci est souvent subordonnée à des facteurspeu identifiables à ce stade de l’analyse, facteursqui peuvent souvent évoluer bien plus rapidementque ce que l’on croit. Il s’agit plutôt d’identifier lesprincipales “contraintes” potentielles à cette futuremaîtrise foncière.

D’un cas à l’autre, ce premier niveau d’investigationest plus ou moins aisé et donne des résultats plusou moins satisfaisants. Mais en règle générale, ildoit pouvoir fournir une première vision suffisantepour apprécier l’ampleur et la nature des obstaclespotentiels pour mener à leur terme les différentesactions du programme de restauration physique.

Enfin, lors de ce premier niveau, il est préférabled’éviter d’utiliser le terme de “foncier” : celui-ci estconnoté trop négativement et laisse trop entendre,lorsqu’il est utilisé devant des élus ou despropriétaires, que le projet exigera – et a déjàdéfini – des acquisitions foncières importantes etincontournables. Le risque est grand de provoquerune opposition ferme et durable de ces acteurs,situation préjudiciable à la poursuite du projet.

Le second niveau d’investigation se caractérisepar le recours indispensable à une ou des études,études que l’on peut alors réellement qualifier de“foncières”. En effet, à ce stade, il convient dedisposer d’une parfaite connaissance de lapropriété foncière et des modes d’exploitation, àune échelle parcellaire.

Il convient de s’interroger sur l’échelle à laquellece type d’étude est nécessaire : doit-on disposerde ces connaissances sur l’ensemble du linéaireou faut-il privilégier certains secteurs ? L’expériencetend à suggérer de limiter ce type d’étude à dessecteurs bien circonscrits, où les projets techniquessont les plus avancés et où la volonté politiqued’avancer est la plus forte. En effet, cetteconnaissance est souvent rapidement – enquelques années – obsolète (changements depropriétaires et/ou d’exploitants, modification descultures…). Or, un programme de restaurationphysique, à l’échelle d’un bassin versant ou d’unlinéaire important, s’étale sur de longues années…

A l’occasion de ces études, il faut éviter dedemander aux prestataires de réaliser un bilancomparatif de tous les outils théoriquementdisponibles et de l’intérêt d’envisager tel ou tel deces outils au regard du contexte local. Ce bilan

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_ Annexe 2 : La question foncière _

part, parfois déterminante, d’affectif : peu de genscèdent facilement et spontanément leur propriétéou certains droits attachés à cette propriété, quandbien même il s’agit d’une parcelle de petite taille,en friche et située à des centaines de kilomètresde la résidence principale de son propriétaire…

est aujourd’hui globalement disponible (guideDIREN Languedoc-Roussillon op.cit.) et il estsuggéré que la réflexion sur l’adéquation de cesoutils au contexte local soit conduite de manièreprivilégiée avec les partenaires du projet quimaîtrisent ces outils (Départements, communesou intercommunalités, conservatoires des espacesnaturels, SAFER, établissements publics fonciers,etc.). Cependant, une assistance à la maîtrised’ouvrage, sur les questions stratégiques etjuridiques, peut être envisagée, ou des expertisesjuridiques pointues sur des questions très précises.

Dans certains cas, la démarche de connaissancedu foncier qui sera nécessaire au déroulementd’un projet de restauration physique d’un coursd’eau ne sera pas aussi schématique, entre uneinvestigation rudimentaire et des études parcellairesextrêmement fines. Reste que le principeprobablement essentiel est qu’il faut éviter des’engager trop tôt sur des études trop précises,qui sont coûteuses, rarement utiles sur l’ensembledu linéaire concerné et rapidement obsolètes.

La définition de la stratégie de maîtrise foncièreest au service du projet de restaurationphysique et nécessite une véritable méthodede travail

La maîtrise foncière n’est pas une fin en soit maisl’un des volets, certes rarement négligeable, d’unprogramme de restauration physique.

Le projet peut être influencé, voire redéfini par lescontraintes foncières, mais celles-ci doivent resteraussi longtemps que possible “en second plan”dans la réflexion. Autrement dit, le foncieraiguillonne le projet mais celui-ci ne doit pas êtredès le départ trop conditionné par lui. La méthodede travail pour élaborer cette stratégie consiste enun aller-retour, dans l’analyse et le débat local,entre :

le souhaitable, c'est-à-dire les modalitéstechniques de restauration physique les plusfavorables à l ’at te inte des object i fsenvironnementaux ;

le réalisable, compte tenu des contraintesfoncières.

Ce qu’il convient de garder à l’esprit, notammentlors du premier niveau d’investigation, c’est lecaractère très subjectif d’une contrainte foncièrejugée a priori, et parfois superficiellement,rédhibitoire. Une volonté politique forte et unestratégie de concertation adéquate peuvent parfoislever des obstacles jugés a priori insurmontables.Enfin, la question foncière ne se réduit pas à desaspects techniques. Elle comporte une grande

2. Les acteursde la maîtrise foncière2.1. Les maîtres d’ouvragedes programmes de restaurationphysique ne sont pas toujoursles principaux acteursde la maîtrise foncière

Les structures de gestion des cours d’eau,principaux acteurs de la restauration physique, nesont pas forcément les acteurs principaux de lam a î t r i s e f o n c i è r e d ’ u n p r o g r a m m ed’hydrogéomorphologie. En effet, une partieimportante des outils disponibles en matière demaîtrise foncière n’est pas de leur compétence.

Autrement dit, ces maîtres d’ouvrage ont dans laplupart des cas besoin de (beaucoup) departenaires sur la question du foncier. Dans lamesure où ils souhaitent assumer tout ou partiede ce volet (acquisition amiable, recours à unedéclaration d’utilité publique, mise en place deservitudes…), il convient naturellement de s’assurerque leurs statuts autorisent cette maîtrise foncière.

Mais les syndicats de rivière sont le plus souventconstitués de communes et/ou de structuresintercommunales qui elles sont compétentes pourcertains outils. Une complémentarité doit doncêtre recherchée entre l’action du syndicat et cellesque peuvent assurer les collectivités locales.

2.2. L’importance du Département

Les Conseils généraux sont en règle générale despartenaires privilégiés des structures de bassin,d’un point de vue financier, mais également assezsouvent membres de ces structures.De plus,ils sont aujourd’hui des acteurs importantsdu volet foncier de plusieurs politiques publiques,en matière de gestion des espaces naturels etagricoles (politique des “espaces naturelssens ib les ” , aménagement fonc ie r /ex -remembrement…).

A ce double titre, les Départements doivent être,et sont souvent, des interlocuteurs privilégiés dessyndicats de rivière pour la mise sur pied de

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_ Annexe 2 : La question foncière _

stratégie de maîtrise foncière en matière de gestiondes cours d’eau en général, de restaurationphysique en particulier.

2.3. Le rôle des opérateurs fonciersinvestis de mission de service public

Il est rare que les syndicats de rivière, lescommunes ou les EPCI assument l’ensemble destâches nécessaires à la maîtrise foncière,notamment lorsque celle-ci réside dans uneacquisition en pleine propriété. Il s’agit en effetd’une démarche nécessitant un grand savoir faire,une certaine légitimé vis-à-vis des propriétaires(du monde agricole en particulier), et aussi descapacités financières pour acquérir au coup parcoup.

C’est pourquoi il est fréquent, et souventrecommandé, de solliciter des opérateurs fonciers :ceux-ci n’ont pas vocation à être des propriétairessur le long terme ni à être des aménageurs ; leurrôle est d’acquérir puis de rétrocéder.

Il faut distinguer deux principaux types d’opérateursfonciers : les SAFER (société d’aménagementfoncier et d’établissement rural) d’une part, lesétablissements publics fonciers (EPF) d’autre part.

Les SAFER ont vocation à acquérir des terres àvocation agricole, destinées à être rétrocédées àdes agriculteurs mais aussi des collectivités, dansle but d’améliorer les structures foncières ruralesmais aussi – et c’est une vocation plus récente –dans celui de concourir à la préservation del’environnement.

Une collectivité peut faire appel à une SAFER nonpas forcément pour des acquisitions mais celle-cipeut intervenir comme prestataire de services, enapportant son concours technique à la mise enœuvre d’opérations foncières, selon différentesmodalités.

La SAFER peut par exemple réaliser unesurveillance du marché foncier (les SAFER sontdestinataires des déclarations d’intention d’aliéner)mais aussi des études liées à l’aménagementfoncier. Les SAFER disposent d’une boite à outilsdont le plus connu est un droit de préemptionspécifique.

Si les SAFER sont des partenaires fréquents dessyndicats de rivière en matière de maîtrise foncièredes bords de cours d’eau, les EPF peuvent enthéorie jouer un rôle similaire, ce que certainscommencent à faire.

Il existe deux types d’EPF : les EPF d’Etat, et lesEPF locaux, opérateurs fonciers investis demissions de service public, qui ont pour vocationde traiter le volet foncier des politiques publiques,à des échelles différentes. Les premiers sont crééspar un décret en Conseil d’Etat et après avisnotamment des Conseils régionaux et générauxintéressés ; ils couvrent en général de vastesterritoires, du Département à la Région. Lesseconds sont créés à l’initiative des collectivitéslocales, en général à l’échelle d’un SCOT.

Les EPF, qui ne couvrent pas tout le territoirenational, sont avant tout mobilisés sur les territoiresurbains, avec une vocation prioritaire en matièred’habitat. Mais il existe une concurrence indéniableavec les SAFER, quoique variable d’une région àl’autre.

Si les EPF se caractérisent par des coûts de portagetrès peu élevés, bien inférieurs à ceux pratiquéspar les SAFER, leur implication en matière degestion de cours d’eau reste encore modeste.

2.4. Les conservatoires

Les conservatoires régionaux d’espaces naturelssont des associations intervenant au moyen defonds publics et privés dans l’objectif desauvegarder des sites naturels remarquables parl’acquisition foncière ou la maîtrise d’usage(location, conventions de mise à disposition…). Ilsassurent un suivi des espaces qu’ils gèrent. Cettegestion se décline sous la forme d’un plan degestion.

Si les conservatoires régionaux d’espaces naturelssont parfois propriétaires, ils sont avant toutgestionnaires de terrains que les propriétairesfonciers leur donnent en gestion.

Le conservatoire de l’espace littoral et des rivageslacustres mène une politique foncière de protectiondes espaces naturels et des paysages maritimeslacustres fragiles ou menacés. Il peut procéder àtoutes opérations foncières.

2.5. Les partenaires financiers

L’Etat, les Agences de l’eau, les Régions maisaussi les Départements subventionnent lesstructures de gestion des cours d’eau pour lamaîtrise foncière. La principale difficulté pour cesfinanceurs et surtout les maîtres d’ouvrage tient àla programmation : les opportunités d’acquisitionsont souvent difficiles à anticiper et nécessitentune grande réactivité, ce qui rend difficile uneestimation des besoins financiers annuels plusd’un an à l’avance…

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_ Annexe 2 : La question foncière _

3. Les outilsde la maîtrise foncière3.1. Une boite à outils richeet complexe, mais pas d’outil idéal

Dans le domaine de la maîtrise foncière au sensle plus large, les outils sont nombreux et très divers,avec des vocations et des modalités d’utilisationdifférentes. Ces outils ont été élaborés au fur et àmesure des besoins d’aménagement des territoires,si bien qu’ils sont codifiés dans pas moins de septcodes différents (urbanisme, construction ethabitation, expropriation, rural, code général descollectivités territoriales, des impôts, code civil,code de l’environnement…).

Dans les faits, et au regard de la diversité dessituations, on peut avancer qu’en matière d’actionsde restauration physique des cours d’eau, il n’existepas un outil idéal, ni plusieurs. Chaque programme,chaque action, chaque situation nécessite unmontage ad hoc, souvent combinaison de plusieursoutils : le principe opérationnel d’une stratégie demaîtrise foncière en matière de restaurationphysique consiste en effet à faire convergerdifférents outils vers un objectif commun, plusprécisément à rechercher une synergie de cesoutils dans l’objectif visé de maîtrise foncière (qui,rappelons le, consiste soit à acquérir puis gérerles terrains, soit à seulement s’assurer d’uneutilisation des terrains compatibles avec l’objectifde restauration physique, par le biais deconventions ou de servitudes).

La typologie adoptée dans ce guide pour décrirecette boite à outils est la suivante :

les outils de planification (PLU, SCOT, PPR,SAGE) ;

les outils de préservation des espaces naturels ;

les outils opérationnels de maîtrise foncière(acquisition par les droits de préemption et parexpropriation) ;

les servitudes ;

les outils de l’aménagement foncier agricole etforestier.

3.2. Les outils de planification

Le plan local d’urbanisme (PLU) et le schéma decohérence territorial (SCOT) sont des outils deplanification urbaine qui peuvent jouer un rôleimportant pour maintenir ou renforcer les fonctionsde l’espace rivière. Le PLU est de compétencecommunale alors que le SCOT est de compétenceintercommunale.

Obligation est faite à ces documents de prendreen compte le risque inondation, dans le zonageet le règlement et ils doivent être compatibles avecle plan de prévention des risques (PPR) lorsquecelui-ci existe.

On rappelle d’ailleurs que la circulaire importantedu 24 janvier 1994 “relative à la prévention desinondations et à la gestion des zones inondables”a défini les trois objectifs fondamentaux desdémarches de prévention portées par l’Etat,principalement à travers les PPR, dont celui de“Sauvegarder l’équilibre des milieux dépendantdes petites crues et la qualité des paysagessouvent remarquables du fait de la proximité del’eau et du caractère encore naturel des valléesconcernées”.

La préservation des champs d’expansion descrues et de leur fonctionnalité est donc l’un desobjectifs le plus souvent décliné à travers les outilsde planification urbaine, surtout lorsque ceux-cidoivent intégrer les contraintes introduites en lamatière par un PPR.

Mais au-delà de la fonctionnalité “écrêtement descrues”, la dimension foncière des projets derestauration physique des cours d’eau devrait êtreinscrite autant que faire se peut dans lesdocuments d’urbanisme.

C’est pourquoi les porteurs de projet d’actions derestauration physique doivent chercher à êtrepartie prenante des instances en charge de larévision des PLU et de l’élaboration des SCOTafin que soient maintenus dans les zonesconcernées des usages et des vocationsd’occupation et d’utilisation des sols compatiblesavec l’évolution morphologique souhaitée descours d’eau. Si le zonage introduit par cesdocuments d’urbanisme ne constitue en rien lagarantie de la mise en œuvre réussie d’actionsde restauration physique, il peut en constituer unepremière pierre déterminante.

On rappelle également que ces documents doiventêtre compatibles avec les SAGE, dont la secondegénération issue de la loi sur l’eau de 2006 peutdisposer d’un règlement qui s’impose au tiers…

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_ Annexe 2 : La question foncière _

3.4. Les outils d’acquisition foncière(mécanismes d’appropriation publiquedes sols)

Trois mécanismes d’appropriation publique dessols sont à distinguer :

l’acquisition amiable, qui est la procédure àprivilégier. Elle présente l’intérêt d’être simpleet d’intégrer les propriétaires comme des acteursdes projets. Mais a contrario, les projets sontsuspendus à la bonne volonté des propriétaires,ce qui dans certains cas peut s’avérer unobstacle…

l’acquisition par le biais du droit de préemption.Dans ce cas, il s’agit d’attendre que lespropriétaires des parcelles convoitées soientvendeurs. De plus, le droit de préemption nes’applique pas sur n’importe quelle partie duterritoire et l’on distingue son utilisation en zonesurbaines, en zones agricoles et dans les“espaces naturels” ;

le dernier type correspond à l’expropriation pourcause d’utilité publique. Cet outil est utilisé endernier ressort, lorsque le ou les propriétairesrefusent l’accord amiable. Il nécessite une fortevolonté politique de la part du maître d’ouvrage.

Syndicat de l’Yzeron (Rhône) – Lutte contreles inondations et restauration des cours d’eau

Dans la perspective d’augmenter la capacitéd’écoulement des eaux, le Syndicat de l’Yzeronengage l’élargissement et la restauration du litdes rivières.Les contraintes liées à la présence deconstructions ou d’infrastructures à proximiténécessitent parfois la réalisation de digues deprotection complémentaires en haut de berge.Le Syndicat juge indispensable d’êtrepropriétaire de ces ouvrages et de leursemprises, pour des raisons de sécurité et pourassurer la gestion courante des rivières. Lamaîtrise foncière de l’ensemble des terrainsest donc indispensable.Le Syndicat a mandaté un opérateur spécialiséprivé pour engager les négociations amiablesavec une centaine de propriétaires. Le Syndicatprivilégie les négociations amiables mais sicelles-ci ne permettent pas d’aboutir à unaccord, une Déclaration d’Utilité Publique (DUP)est prévue afin, en dernier ressort, de recourirà l’expropriation.

3.5. L’acquisition par le biais du droitde préemption

En milieu urbain, le droit de préemption urbainpeut être institué – ce n’est pas une obligation pardélibération de la commune (ou des EPCI). Il nepeut s’exercer qu’en vue de la réalisation d’unprojet d’aménagement urbain (dont l’intérêt généraldoit être démontré) et il ne s’applique qu’aux zonesurbaines et à urbaniser des PLU.

Cependant, cette règle connaît quelques exceptionset le droit de préemption urbain peut égalements’appliquer :

sur les périmètres de protection rapprochés descaptages d’eau potable ;

dans les zones de servitude de “rétentiontemporaire des eaux de crues ou de mobilitéd’un cours d’eau” (voir chapitre servitude ci-après). Dans ce cas, il peut alors être déléguéà la collectivité qui a demandé l'institution de laservitude, et donc en théorie à un syndicat derivière…

Signalons enfin que ce droit de préemption urbainpeut être délégué à un établissement public foncier.

En matière d’espaces naturels, les Départements(et le Conservatoire de l’espace littoral) peuventcréer des zones – dites espaces naturelssensibles – à l’intérieur desquelles ils disposentd’un droit de préemption. Il s’agit d’une possibilité,pas d’une obligation. La création des périmètresde préemption doit se faire avec l’autorisation descommunes (dotées de PLU).

Ce droit s’applique donc dans des zones devantrépondre à la notion d’espaces naturels sensibles,que la loi définit comme “Sites, paysages, milieuxnaturels et habitats naturels à valeur écologiqueet paysagère” (loi Barnier 1995). Les départementspeuvent déléguer leur droit de préemption auxcommunes. Les secteurs acquis doivent êtreouverts au public.

La Loi Risques de 2003 a étendu la possibilitéd’appliquer ce droit pour acquérir des terrains utilesà l’expansion des crues.

Les Départements dispose également de lapossibilité (loi du 23 février 2005 relative audéveloppement des territoires ruraux) de créer despérimètres de protection et de mise en valeur desespaces agricoles et naturels périurbains. Leurvocation est de lutter contre la spéculation liée àla périurbanisation. Ces périmètres doivent êtreinstaurés avec l’accord des communes concernéeset sur avis de la Chambre d’agriculture. Ils doiventêtre compatibles avec le SCOT et situés hors zoneurbaine ou à urbaniser des PLU.

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_ Annexe 2 : La question foncière _

Un programme d’action est élaboré par leDépartement, avec l’accord des communes et avisde la Chambre d’agriculture, de l’ONF, du Parc. Ilprécise les aménagements et les orientations degestion permettant de favoriser l’exploitationagricole, la gestion forestière ainsi que lapréservation et la valorisation des espaces naturelset des paysages.

Peu de périmètres ont vu le jour et l’on disposed’insuffisamment de recul pour apprécier lapertinence de cet outil et pour conforter la mise enœuvre de programme de gestion de l’espace rivière.

A l’intérieur de ce périmètre, le Département ou,avec son accord, une autre collectivité territorialeou un EPCI, peut réaliser des acquisitions foncièresà l’amiable ou par préemption :

en zone espace naturel sensible (ENS), lapréemption se fait par exercice du droit depréemption ENS ;

hors zone ENS, elle se fait par mobilisation dudroit de préemption SAFER, à la demande etau nom du Département, dans le cadre d’uneconvention Département-SAFER ;

elle peut également se faire par un établissementpublic foncier local, agissant à la demande etau nom du Département ou, avec son accord,d'une autre collectivité territoriale ou d'un EPCI.

Les espaces acquis doivent être utilisés pourréaliser les objectifs du programme d’action.

En milieu agricole, les SAFER disposent d’un droitde préemption qui leur est propre. Les SAFERprivilégient néanmoins les acquisitions amiables,le droit de préemption étant mobilisé dans moinsde 10% des transactions.

Ce droit s’exerce essentiellement pour des objectifsagricoles, mais aussi pour des objectifsenvironnementaux.

Le foncier acquis doit être du foncier à vocationagricole ou visant “La réalisation des projets demise en valeur des paysages et de protection del'environnement approuvés par l'Etat ou lescollectivités locales et leurs établissements publics”.

Dans ce dernier cas, les parcelles doivent êtresituées dans des secteurs délimités ayant faitl’objet d’une enquête d’utilité publique ou encoresur proposition du Directeur de la DREAL(éventuellement sollicité par une commune ou unsyndicat), d’un PNR ou du Conservatoire del’Espace Littoral, pour répondre à des enjeuxspécifiques lorsque le projet de remise en valeurdes paysages et de l’environnement ne s’inscrit

pas dans une opération soumise à enquêtepublique.

Comme évoqué précédemment, la SAFER peutégalement acquérir par préemption dans lessecteurs délimités par le Département pour “laprotection et la mise en valeur des espacesagricoles et naturels périurbains”.

3.6. L’expropriation

La procédure d’expropriation pour cause d’utilitépublique est une mesure lourde et radicale, queles porteurs de projet hésitent à mobiliser, ce qu’ilsne font finalement qu’en dernier recours.

A la condition de justifier du bien fondé de cetteprocédure – l’utilité publique – il s’agit pourtant làd’un outil efficace. Le principal obstacle à sonutilisation réside plutôt dans l’appréhension desmaîtres d’ouvrage vis-à-vis de la perception queles acteurs locaux, au premier rang desquels lespropriétaires, auront de cette démarche, souventvécue comme autoritaire.

C’est pourquoi la DUP est presque plus souventutilisée comme une menace – en cas d’échec desnégociations amiables qui sont privilégiées – plutôtqu’effectivement mise en œuvre.

Une question parfois soulevée est de savoir s’ilest envisageable de procéder à l’acquisition deparcelles riveraines des cours d’eau parexpropriation, par le biais d’une DUP, dans l’uniqueobjectif soit d’entretenir le cours d’eau (donc sanstravaux lourds), soit de le restaurer (là encoresans aménagements lourds, voire même sansintervention du tout).

Les juristes spécialistes du droit de l’environnements’accordent à considérer que l’obstacle à une telleutilisation n’est pas de nature juridique mais tientplutôt à la culture des services de l’Etat quiinstruisent les DUP et qui le font depuis longtempspour des aménagements lourds (travaux routiersou ferroviaires par exemple).

Une demande visant une DUP pour des travauxécologiques est peu répandue. En dernier ressort,il appartiendra au juge de vérifier l’utilité publiqueattachée à l’opération, en cas de contentieux…

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Ne pas confondre DUP et DIGLa procédure de déclaration d’intérêt général(DIG) est une obligation lorsqu’un maîtred’ouvrage public entreprend des travaux dansun domaine qui ne relève pas normalement desa compétence et qui nécessiteront desinvestissements publics sur des propriétésprivés. Omettre de conduire une DIG exposedonc le maître d’ouvrage à voir remis en causele bien fondé de son intervention par un tiers,au motif d’avoir consacré de l’argent public surdes parcelles privées sans avoir démontré lecaractère d’intérêt général de l’opération. Il nes’agit donc pas d’un outil de maîtrise foncièremais d’un outil qui légitime l’intervention descollectivités et de leurs groupements.La déclaration d’utilité publique (DUP) estuniquement requise dans l’hypothèse où lesactions envisagées nécessitent l’expropriationde riverains. Cette procédure peut donc êtremenée conjointement à la DIG si un programmed’ensemble nécessite ces deux procédures.DIG et DUP sont délivrées par le Préfet, auterme d’une enquête publique.

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_ Annexe 2 : La question foncière _

dommages matériels agricoles, véhicules,bâtiments causés par la surinondation).

Toute la difficulté réside donc dans l’évaluation deces indemnités, qui sont, pour les quelques raresexemples disponibles (concernant uniquement leszones de rétention et non les zones de mobilité)le fruit d’une négociation serrée entre maîtresd’ouvrage et représentants du monde agricole.

La servitude de mobilité reste pour l’heure assezthéorique (pas d’exemple connu à ce jour). Cellede surinondation, encore peu répandue, est enthéorie assez puissante : ainsi l’arrêté préfectoralpeut-il interdire ou limiter les ouvrages contrairesà l’objectif de la servitude, voire obliger lasuppression des obstacles existants.

En contre partie, les propriétaires ont un droit dedélaissement pendant dix ans, ce qui peutconstituer un risque financier pour la collectivitébénéficiaire de la servitude.

Rappelons que dans ces zones de servitude –espace de mobilité ou de surinondation –, lescommunes ou les établissements publics decoopération intercommunale compétents peuventinstaurer le droit de préemption urbain et mêmedéléguer ce droit à la collectivité qui a demandél’institution de la servitude.

3.8. Les outils de l’aménagementfoncier agricole et forestier(ex remembrement)

La loi relative au développement des territoiresruraux (2005) a transféré la responsabilité desopérations d’aménagement foncier rural de l’Etat(Préfet) vers le Conseil général. Cette réforme aégalement élargi la compétence en aménagementfoncier aux notions de mise en valeur des espacesnaturels ruraux et d'aménagement du territoirecommunal et intercommunal.

Trois objectifs sont dorénavant assignés àl’aménagement foncier et placés sur un piedd’égalité :

améliorer les conditions d’exploitation despropriétés rurales ou forestières ;

assurer la mise en valeur des espaces naturelsruraux (concernant par exemple la préservationdes espaces naturels et des paysages existants,la reconstitution des corridors biologiques parplantation de haies, ou encore la protection descours d’eau, par la mise en place de zonesenherbées…) ;

3.7. Les servitudes

Les servitudes d'utilité publique sont justifiées parl'intérêt général qui prime sur les intérêts privés.La loi Risques de 2003 a introduit deux nouvellesservitudes susceptibles d’intéresser des actionsde restauration physique :

création de “zones de rétention temporaire deseaux de crues”, par des aménagementspermettant d’accroître artificiellement leurcapacité de stockage. On emploie souventl’expression de servitude de surinondation ;

création ou restauration de “zones de mobilitédu lit mineur d’un cours d’eau en amont deszones urbanisées dans des zones dites zonesde mobilité d’un cours d’eau, afin de préserverou de restaurer ses caractères hydrologiqueset géomorphologiques essentiels”.

Ces servitudes peuvent être instituées à la demandede l’Etat, des collectivités territoriales ou de leursgroupements sur des terrains riverains d’un coursd’eau.

Elles sont délimitées par arrêté préfectoral, aprèsenquête publique.

Elles ouvrent droit à indemnités, à la charge de lacollectivité qui a demandé l’institution de la servitude(indemnités aux propriétaires pour réparation dupréjudice matériel, direct et certain) et à un droità indemnités lors des dommages poursurinondation (indemnités à l’occupant, pour les

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_ Annexe 2 : La question foncière _

contribuer à l’aménagement du territoire ruraldéfini dans les documents d’urbanisme(Constitution de réserves foncières communalesnotamment).

Les Départements sont donc désormaisresponsables des procédures d'aménagementfoncier. A ce titre, ils doivent être des partenairesessentiels des maîtres d’ouvrage des programmesde restauration physique.

Deux procédures d’aménagement (elles sontpassées de 9 à 3 avec cette réforme) sont en effetsusceptibles d’être utiles à la maîtrise foncière desterrains concernés par l’hydromorphologie :“l’aménagement foncier agricole et forestier” quiregroupe les anciennes procédures deremembrement et “les échanges et cessionsamiables d’immeubles ruraux ou forestiers” (fondéssur le volontariat).

Le remembrement et autres procédures voisinesont longtemps eu pour seule finalité larestructuration des propriétés agricoles etforestières pour la mise en valeur et l’améliorationdes conditions d’exploitation.

Elles furent peu à peu, mais modestement, utiliséesde manière incidente à des fins de gestion de laressource en eau. L’élargissement de lacompétence en aménagement foncier aux notionsde mise en valeur des espaces naturels ruraux etd'aménagement du territoire communal etintercommunal permet d’envisager une utilisationplus fréquente et plus orientée vers une dimensionenvironnementale.

Néanmoins, ces procédures restent des outilsspécifiques au monde agricole, lourds et complexesà mettre en œuvre.

4. La gestiondes terrains acquisLa question des modalités d’entretien des terrainsacquis se pose de manière toute particulière pourceux à vocation agricole et qui peuvent – comptetenu de la nature des actions de restaurationphysique envisagées – conserver cette vocation.Elle revient à s’interroger sur la façon de confierla mise en valeur de ces terrains à un agriculteursans recourir au bail rural.En effet, le statut du bail rural est, historiquement,très favorable à l’agriculteur, le bailleur étant dansune incapacité quasi-totale de lui interdire telle outelle pratique qu’il jugerait non conforme avec desobjectifs de protection environnementale.

Plusieurs types de convention de gestion sontdisponibles, plus ou moins adaptées aux différentessituations.Leur utilisation est notamment contrainte par lanature des terrains acquis : s’ils font partie dudomaine public des maîtres d’ouvrage (il s’agitnotamment de ceux acquis par la voie du droit depréemption des espaces naturels sensibles), lesoutils mobilisables ne sont pas les mêmes ques’ils font partie de leur domaine privé. La collectivitépeut également confier les terrains à la SAFER,qui dispose d’un type de bail particulier luipermettant d’en confier la gestion à des agriculteursavec des conditions particulières d’exploitation(mais ce type de convention a une durée maximalede 12 ans).

La loi d’orientation agricole (janvier 2006) a introduitce que l’on nomme un “bail environnemental”, quia été créé par décret en mars 2007 : il ne s’agitpas en fait d’un nouveau type de bail mais de lapossibilité d’inclure des clauses environnementalesdans les baux ruraux, clauses visant l’usage desparcelles ou imposant des pratiques culturalesrespectueuses de l’environnement.

Mais le décret décline une liste limitative depratiques culturales susceptibles de protégerl'environnement (non-retournement des prairies,interdiction de l'irrigation, du drainage et de toutesformes d'assainissement, modalités de submersiondes parcelles et de gestion des niveaux d'eau…),dont il n’est pas sûr qu’elles soient bien adaptéesà la problématique de la restauration physique.Le caractère récent de ce texte fait que l’on nedispose à ce jour que de peu d’exemples de samise en œuvre.

Dans le cas où l’objectif est de maintenir la vocationnaturelle des terrains acquis, ou de restaurer unetelle vocation, leur gestion consistera en une nonintervention contrôlée et peut être prise en chargepar la collectivité acquéreuse ou être confiée à unconservatoire régional des espaces naturels.

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_ Annexe 2 : La question foncière _

5. Construire une stratégiede maîtrise foncièreQuel que soit le programme de restaurationphysique envisagé, lorsque celui-ci dépasse lesactions modestes de type R1 (et encore…), unestratégie de maîtrise foncière (acquisition et/oumaîtrise des usages) doit être envisagée quis’articule toujours autour des principales questionssuivantes :

à quel moment est-il opportun d’engager laréflexion sur le foncier ?

quelles investigations faut-il conduire pour définirl’emprise foncière des projets ?

faut-il tout “maîtriser” ou seulement certainssecteurs ?

comment “partager” le coût de cette maîtrisefoncière ?

avec qui et comment faut-il “concerter” ?

La recherche d’une plus ou moins grandeautonomie de la rivière (soit d’un “retour” à uneplus grande autonomie, soit de la préservation decette autonomie) va induire une exigence plus oumoins forte de “maîtrise” de tout ou partie del’espace rivière. Cette dimension spatiale estcomplétée par une dimension temporelle : auregard des dynamiques actuelles à préserver oude celles à restaurer, la maîtrise des terrains et/oudes usages peut être plus ou moins décalée dansle temps.

La question du moment opportun pours’intéresser au foncier a été abordée dans lepoint 1.2 de cette annexe, en suggérant deuxtemps : une analyse sommaire de l’usage dessols dans l’espace rivière, dès la réflexiontechnique ; des études foncières lorsque leprogramme d’actions est bien avancé. Il faut garderà l’esprit que la “faisabilité” de la maîtrise foncièreest une notion subjective tant que l’on n’a paspoussé la réflexion suffisamment loin, avec lespartenaires potentiels du projet et les principauxintéressés… Mais le foncier peut être in fine unesource de blocage.

La définition de l’emprise foncière des projetset du contenu des études nécessaires est unequestion également déjà en partie abordée :peut-on dans un premier temps se contenter d’uneestimation grossière de la disponibilité foncière etdes coûts d’acquisition afférents ? Il faut en réalitéêtre prudent, car des estimations financières tropsimplistes – par exemple ne prenant pas en compteles indemnités dites accessoires mais seulement

les valeurs vénales des terrains – peut conduireà des estimations financières erronées (c'est-à-dire très sous-estimées), sources à terme dedéconvenues.

Il est donc impératif de prévoir, à un stade plutôtavancé du projet, de conduire des étudesapprofondies sur la nature de l’occupation dessols (dont les cultures) et l’identification desexploitants et des propriétaires. Sur cette base,nécessitant à ce stade une certaine “publicité” duprojet vis-à-vis des propriétaires, peuvent êtreconduites des estimations financière fiables.

De nombreux prestataires sont susceptibles demener ce type d’études, mais il est évident qu’ellesrevêtent en général une indéniable dimensionstratégique : il est difficile d’enquêter finement surla nature et la propriété du parcellaire sans quelocalement cela se sache… Il est donc des casoù il est préférable que ces études soient conduitespar un acteur qui jouera également un rôle fortdans les démarches de négociation foncière avecles propriétaires. Autrement dit, la SAFER peutparfois être un prestataire de serviceincontournable. Rappelons toutefois que la SAFERpeut être mandatée pour une mission denégociation foncière sans qu’elle soit la structurequi acquiert.

Un programme de restauration physiquenécessite-t-il, compte tenu des contraintesqu’il induit (préservation ou restauration del’autonomie de la rivière), une maîtrise fortede tous les secteurs concernés ? Autrementdit, l’acquisition foncière est-elle la meilleuregarantie d’une gestion pérenne ? S’il est tentantde répondre par l’affirmatif - on voit mal des actionsde type R2/R3 mises en œuvre sans une maîtriseforte des terrains concernés - le pragmatisme,dont la contrainte financière, exigera souvent derechercher un équilibre entre acquisition en pleinepropriété et convention de gestion ou servitudes.

Mais comme il a été déjà dit, il faut égalementintégrer la dimension temporelle de ces projets :la dynamique des cours d’eau se traduit par desévolutions aléatoires et par à coup, qui permetpeut-être d’envisager une maîtrise foncièreprogressive, plus ou moins “calquée” sur l’évolutionde cette dynamique. Restaurer une érosion latéralejusqu’ici bridée par des protections que l’on faitdisparaître n’induit pas une “consommation” desparcelles riveraines immédiate et totale. Descompromis peuvent être probablement trouvés,afin d’acquérir - et donc de compenser les pertes- au fur et à mesure de l’évolution du phénomène.

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_ Annexe 2 : La question foncière _

La maîtrise foncière a un coût, parfois faible etsupportable par un syndicat, même modeste,parfois très élevé rendant alors inenvisageabletoute opération d’acquisition par le porteur deprojet. Il est indispensable que ce coût soitévalué au plus près lorsque la décisiond’engager un programme d’actions est prise.Il n’est pas rare qu’une évaluation grossièrepréalable soit multipliée par deux après uneestimation fine des coûts réels.

L’acquisition proprement dite n’est pas la seulesource des coûts : les différentes actionsenvisageables génèrent des dépenses denégociation, de compensations financières etd’indemnisations en tout genre. Il est donc souventindispensable que ces coûts soient partagés entreles différents partenaires.

On observe cependant une certaine réticence dela part des Départements et des communes àdevenir propriétaires de parcelles de petites tailleset dispersées le long des cours d’eau ; cesstructures préfèrent plutôt déléguer leur droit depréemption et/ou subventionner les syndicats derivière, jugés plus légitimes pour gérer les terrainsconcernés par la restauration physique.

La maîtrise foncière exige une concertationapprofondie non seulement avec lespropriétaires mais aussi, en amont, avec les élusdes communes concernées et les représentantsdu monde agricole. En d’autres termes, lanégociation foncière ultime (pour conclure unevente ou une servitude) aura d’autant plus dechance d’aboutir que des “facilitateurs” auront étémobilisés et auront “défriché”, voire “déminé”, leterrain. Comme il a été dit à plusieurs reprises,céder une parcelle ou accepter une servitude n’estpas le plus souvent, du point de vue du propriétaire,un acte bénin. Dans bien des cas, la contrainteou la gêne introduite par cet acte est réelle,objective mais la dimension affective est égalementsouvent présente. L’enrôlement de ces“facilitateurs”, de ces intermédiaires, exige de lapart du porteur de projet une grande force deconviction et de faire la démonstration de l’intérêtdes actions de restauration physique.

D’une façon générale, tout ce qui facilitera cettemaîtrise foncière, et notamment dans le cas del’acquisition, doit être mobilisé. Ainsi, un dispositifd’échange de parcelles peut être dans certainscas ce qui garantira la réussite de l’opération.L’enrôlement du représentant de la SAFER ou dela chambre d’agriculture, ou même de quelquesuns des agriculteurs “clés” du secteur, est souventindispensable.

Mais il est important que le porteur du projetne soit pas seul, même s’il doit conserver un rôledéterminant, dans cet effort de concertation. Sespartenaires doivent saisir toutes lesopportunités (réunions, publications…) pourafficher leur adhésion au projet et leur souhaitde le voir aboutir.

La dimension foncière des programmes derestauration physique, si elle se traduit au finalpar un acte juridique passé entre deux parties,n’en est pas moins, du début jusqu’à sonaboutissement, une démarche collective.

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PréambuleLe risque inondation est le premier risque naturelen France : en 2008, les zones inondables surlesquelles un atlas des zones inondables existe,s’étendent ainsi sur plus de 27 000 km2* ; le risqueconcerne 16134 communes ou quelques 5,1 millionsde personnes. Les trois inondations majeures de1999, 2002 et 2003 dans le bassin RM&C, ontcausé une soixantaine de victimes et impliqués plusde 3M€ de dommages.Ces quelques repères laissent bien présager toutl’enjeu à se saisir du thème inondation pour luiassocier, autant que possib le et p lussystématiquement, une dimension de restaurationphysique. Les initiatives relevant des politiques deprotection et/ou de prévention des inondations etque pouvent concerner à la fois les objetsinondation/hydro-morphologie recouvrent dans lesfaits différentes réalités. Allant de la “correction”passée des rivières à la prévention des risquesactuellement recherchée, elles s’expriment par :

des travaux et opérations d’aménagements etd’entretien du réseau hydrographique.

Associant de très nombreux types d’ouvrages deprotections à caractère curatif, mais aussi leszones d’expansion des crues, la gestion de lavégétation rivulaire, celles des bancs,l’abaissement de seuils, etc … ils comprennentnotamment les curages, les recalibrages, lesendiguements, les barrages écrêteurs, les bassinsde rétention ;

des démarches relevant de la compétence desservices de l’Etat.

Elles cherchent pour l’essentiel à favoriserl’intégration du risque inondation dans lesdocuments de planification et d’aménagementdu territoire et posent depuis peu aussi la réflexionsur le devenir des digues ;

la mise en œuvre, pour le court terme, de ladirective inondation.

Selon une logique assez similaire à celle de ladirective cadre européenne sur l’eau, cettedirective vise à améliorer la gestion du risqued'inondation partout en Europe. Les étatsmembres sont en conséquence invités à se doterd'outils appropriés pour réduire le risque et limiterles impacts des inondations sur la santé humaine,l'environnement et l'activité économique.

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Pour examiner le panel de situations que lesporteurs de projets seront amenés à considérerpour bâtir leurs stratégies et en décliner lesoptions techniques, deux positions sontabordées en suivant en vue de :

gérer l’héritage des politiques du passé, d’unepart ;

tirer partie des politiques actuelles, d’autrepart.

Les aborder permet en particulier :

de formuler une check-list ou d’indiquerquelques repères clefs en soutien éventuelà une démarche de territoire ;

d’évoquer certaines des principalesconvergences et divergences à intégrer, voireà devancer, en préparation de la conceptionpuis de la construction négociée d’un projetde préservat ion / restaurat ion dufonctionnement physique.

1. Gérer l’héritagedes politiques passéesQu’il s’agisse du développement des cités, decelui des activités économiques et desinfrastructures de communication, nos sociétésont largement investi l’espace des bassinsversant, les lits majeurs, les lits moyens etparfois même les cours d’eau. Pourl’implantation, mais aussi pour la protection desbiens et des personnes contre les inondations,divers travaux d’aménagement hydrauliquesont de longue date permis de s’affranchirlocalement des contraintes hydrodynamiques,en zones urbaines comme en zones rurales.

Parmi les principaux types d’aménagement dontla mise en œuvre dans le contexte actuelsusciterait des préalables réglementaires (DUP,Dossiers “loi sur l’eau”, études d’impact), etmême s’ils peuvent se juxtaposer sur un mêmecours d’eau ou bassin, trois groupes peuventêtre arbitrairement distingués.

ANNEXE 3 : LES CONVERGENCES ET LES DIVERGENCESExemple de l’hydromorphologie et des inondations

* Direction générale de la prévention des risques – Prévention des inondations - Novembre 2009

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_ Annexe 3 : Les convergences et les divergences _

Ces t ro is groupes conduisent à desquestionnements, à des positionnements et surtoutà des options et/ou objectifs techniques différentesfonctions naturellement du type de cours d’eau enprésence :

groupe 1 : les remaniements qui affectentdirectement les lits mineurs sur des linéairesparfois conséquents.

Ils regroupent les rectifications de tracé, les re-scindements, les calibrages, les curages, etc.Fréquemment pratiquées dans le passé pouraccroître la capacité du lit avant débordement,ces opérations, aujourd’hui dénoncées, sont engrande partie responsables de l’altérationphysique des cours d’eau.

Les dysfonctionnements symptômatiques ensont l’homogénéisation des sections, leralentissement et l’étalement des écoulementsà l’étiage, la banalisation, voire la destructiond’habitats (lit, berges, ripisylves), la perturbationdes processus d’équilibres (rupture de pavage,modification des pentes d’équilibre, érosionrégressive consécutive à des coupures deméandres).

groupe 2 : les remaniements en lit moyen,voire en champ majeur.

Ils présentent deux configurations principales :les endiguements latéraux et les remblaiementsde terrain en arrière berges. Edifiés sur l’uneou l’autre des rives, voire de part et d’autre dulit, ils se soldent notamment par la suppressionde toute aptitude à la mobilité du lit. A l’extrême,ils vont parfois même jusqu'à réduire le lit à laplus simple expression de la fonctionescomptée ; chenal, ou drain d’évacuation deseaux de crues.

groupe 3 : les aménagements localisésd’ouvrages de type barrage écrêteur, oubarrage de rétention.

Ils peuvent aussi compléter la panoplie desdispositifs listés ci-avant pour réduire lacontrainte. En corollaire, et outre lestransformations radicales au droit même del’implantation (transformation de la rivière enplan d’eau), les altérations qui se répercutentsouvent significativement sur les équilibrespréexistants portent cette fois sur la continuitéécologique (transport solide, migration despoissons) mais aussi sur la modification durégime des crues.

Une démarche et des questions à se poser sontproposées ici, en tenant compte du contextespécifique du projet de restauration physique, pouranalyser la convergence et la divergence despolitiques de réduction des risques d’inondationet de restauration de l’hydromorphologie :

quelles justifications techniques et économiquesont été développées pour la réalisation de cesouvrages ? (approche historique) ;

quelles ont été les implications techniques deces projets et quelles sont les altérationshydromorphologiques résultantes ? (approchetechnique) ;

quelles sont les idées reçues qui gravitent autourde ces aménagements et de ces pratiques degestion ? (approche tournée vers les scienceshumaines).

1.1. Cerner autant que possiblela justification premièredes aménagements visant à contenirle risque et en repérer à grands traitsles implications socio-économiques

I l s’agit de replacer les aménagementshydrauliques opérés dans leur contexte historique,pour ensuite être en mesure d’en qualifierl’efficience dans le contexte actuel et à moyenterme. Outre les investissements initiaux pour unobjectif donné, l’entretien des aménagements estaussi à considérer.

Exemples de questions pouvant être abordées :

quelles instances ont initié, soutenu et procédéaux travaux de protection contre les crues(maître d’ouvrage, maître d’œuvre)? Pour quelsusages ? L’usage bénéficiaire en premier chefest-il toujours pratiqué ? Quels en sont à présentles acteurs, les représentants (commune,syndicat, ASA, etc) ?

quel coût global pour la réalisation des travauxde protection contre les inondations ?

quels coûts engagés pour l’entretien régulierdes ouvrages dans un scénario de maintien àl ’ ident ique? Quels sont les usagesbénéficiaires ? Quelles sont les origines desfinancements ? Quels coûts à engager pourl’entretien régulier des ouvrages à 5 / 10 ans,voire au delà ?

quels coûts engagés pour maintenir le lit et lesberges selon l’état projet, et à engager pour les5 / 10 ans à venir voire au delà ? Quelles sontles origines des financements ?

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_ Annexe 3 : Les convergences et les divergences _

la protection contre les inondations a-t-ellefacilité l’appropriation de l’espace par d’autresmode d’occupation des sols que ceux qui l’ontinitialement favorisée ? Lesquels ? Pour quelstypes d’intérêts (privés, publics, infrastructureset réseau collectifs) ? Y a-t-il des projets denature à modifier à nouveau l’affectation dessols et /ou les zonages des documentsd’urbanismes ? Admettent-ils de nouvellesimplantations? Lesquelles ? Sur quellesemprises du lit, du lit moyen et/ou majeurs’applique cette protection ?

la réduction des inondations a-t-elle induit desdommages pour les usages amont ou aval (ex :amplification des crues, AEP en cas d’incision,etc). Ces incidences ont-elles à leur tournécessité des aménagements concrétisés pardes modifications/corrections du cours d’eau ?Quels coûts engagés ?

1.2. Poser les premiers éléments“techniques”

Il s’agit de faire la synthèse des élémentstechniques disponibles sur le secteur d’étude demanière à pouvoir les compléter par la suite etaffiner le projet : données topographiques,synthèse bibliographique, dossiers règlementaires,connaissance de terrain ou travail cartogra-phique …

Exemples de questions génériques, pouvantêtre abordées pour les groupes 1 à 3 :

y a-t-il trace d’un projet technique (ex : projetpouvant contenir des plans d’état antérieur auprojet, profils en travers et coupes, profil enlong, etc) à exploiter pour qualifier lescaractéristiques initiales du cours d’eau (ex :style fluvial, lit actif ou passif, géométrie ducours d’eau; profil en long/tracé du lit, facièsd’écoulement, substrats, nature et emprise dela ripisylve, etc.) ?

les évolutions du bassin versant induisent-ellesdes modifications du régime hydrologique et/oudes flux solides à prendre en compte ? (ex :équilibre du transit amont-aval en lien avec lacontribution des affluents, zones hier productivesen matériaux de charriage mais à présentapportant peu de charge sédimentaire) ?

à quels types de projets sommes-nousconfrontés (ex : calibrage avec surcapacité dulit à l’étiage, modification de la structure et/oudu profil des berges, mise en place de seuils,etc) ?

quels sont les impacts directs desaménagements de protections ?

quels sont les signes tangibles établis et /ou prévisibles à court terme des altérationshydromorphologiques résultantes des travauxde luttes contre les inondations ?

sur quelles étendues se manifestent-ils?Quel linéaire de tronçon, de masse d’eau ouau-delà est ainsi concerné ? Quelle empriseinondable est soustraite aux débordementspour les événements structurant lamorphologie du lit ?

quelles sont les dynamiques actuelles (ex :stabilité de la géométrie du lit, stabilité duprofil en long et en travers, stabilité desouvrages, volumes de charriage, taille dessédiments, ripisylve, etc.) ?

quels sont les impacts indirects desaménagements de protections ?

y a-t-il des ajustements (généralement nonprévus) consécutifs aux aménagementshydrauliques (incision du lit, affouillementd’ouvrage et/ou de berge, décapage de lamatrice alluviale, colonisation du lit par lespionniers) se répercutant sur les autresdimensions du système (rabattement denappe, déconnexion des zones humides,déconnexion de la ripisylve, etc) ?

ces ajustements sont-ils “stabilisés” (ycompris par des aménagements spécifiques)ou toujours “agissants” ?

sur quelle(s) étendue(s) se manifestent-ils?Quel linéaire de tronçon, de masse d’eau ouau-delà, est ainsi concerné ?

ces ajustements affectent-ils, ou peuvent-ilsaffecter, des usages, des enjeux, des milieuxen équilibre avec le système ?

quels sont les effets vis-à-vis des cruesmorphogènes et les comportements aux pointslimites amont et aval des endiguements si ceux-ci sont proches du lit mineur : rétrécissementde la section hydraulique avec perturbation dutransit des matériaux ; augmentation de lacapacité de transport dans le lit endigué pouvantengendrer un creusement du lit mais aussi unengravement en amont (induit par la perte decharge dûe à la restriction) ?

les descripteurs DCE* traduisent-ils lesperturbations hydromorphologiques ? Quelsautres descripteurs attestent des perturbations(ex : déconnexion ripisylve, déconnexiond’annexes, anciens méandres, incision,eutrophisation, etc,) ?

En sus des questions précédentes, peuvent êtreaussi abordées des questions plus spécifiquesaux trois groupes identifiés précédemment :

*Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour une politique communautaire dans ledomaine de l’eau – Annexe V page 3

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_ Annexe 3 : Les convergences et les divergences _

pour le groupe 1 : “Remaniements litsmineurs”

S’inscrivant dans une logique d’accélérationdes écoulements, quelles sont les gammes dedébit qui ont été visées par les opérations ?

Quels effets vis-à-vis des étiages (écoulement,température, etc) sur la masse d’eau, voire au-delà ?

pour le groupe 2: “Remaniements en litmoyen / champ majeur”

S’inscrivant dans une logique de mise horsd’eau des terres riveraines quelles sont lesgammes de crues qui ont été visées?

Quelle est l’évolution de l’utilisation ou de lavocation des terrains protégés ? Quels sont lesenjeux existants, initialement et contemporains,en arrière des protections ? Quel est le risquesur la tenue des ouvrages et de rupture parsurverse en période de crue ?

Quels sont les natures et coûts (projet, travaux,entretien) pour la mise en conformité desouvrages existants avec les prescriptionsréglementaires (ex : sécurisation des digues) ?

pour le groupe 3 : barrages écrêteurs,rétention

Outre les caractéristiques géographiques(implantation sur la vallée, pourcentage dubassin contrôlé, linéaire, surface de plan d’eau),et les caractéristiques géométriques (dont lanature et le positionnement des différentsorganes d’évacuation : pertuis, déversoir,vidange de fond, etc), quelles sont les modalitésde fonctionnement et de gestion du barrage(volume stocké dans la retenue à la pointe dedébit, vidanges, débits réservés, etc) ?

pour quelles occurrences l'ouvrage a t-il étédimensionné ?

quelle est l’efficacité par rapport à la crue deprojet ?

quels sont les enjeux en aval et l’évolutionde l’occupation du sol induite ?

quelles autres vocations sont éventuellementassignées à l’ouvrage (irrigation, soutiend’étiage, hydroélectricité, alimentation eneau potable, etc) et quelles en sont lesmodalités de gestion spécifiques ?

la transparence pour les crues ordinaires est-elle possible ? Quelle est la fréquence dedébordement ? Quels sont les effets sur lescrues ordinaires et sur les débits morphogènesefficaces? Quel linéaire est sous influence ?

quels sont les effets sur le transit des graviers ?

1.3. Repérer les idées reçues et visionsrelevant de l’inconscient populaireà lever, autant que faire se peut,pour faciliter l’adhésion au projet

En matière d’intervention concernant la réductiondes contraintes des inondations, les dimensionstechniques et les représentations sociales occupentdes plans forts différents qui ne se rejoignent quepartiellement. La part de conviction ressentie,souvent erronée mais corroborée aux yeux desriverains et des élus par des événementstraumatisants, s’exprime souvent par unevigoureuse demande en interventions lourdes etpalpables (ex : travaux dits d’urgence, suppressiond’atterrissements jugés à l’origine des désordreshydrauliques vécus, etc).

Exemples de questions pouvant être abordéeset de divergences liées aux “idées reçues” :

quels sont les niveaux d’enjeux ressentis, vécus,exprimés par les populations ? Comment serépartissent-ils sur le territoire ?

les demandes et attentes des acteurss’inscrivent-elles dans un registre de“perpétuation a priori” de la tradition ou sont-elles susceptibles d’admettre une nouvellelogique ?

la prise en compte et le traitement dessingularités locales à enjeu pour les acteurs,même sans portée sur l’objectif du projet derestauration, peuvent-ils constituer un levierpour introduire plus avant des actions efficaces ?

Exemples de divergences courantes à anticiperen vue de positionner le projet

“Un réalluvionnement réduit la capacitéd’écoulement du lit”

l’appréhension a priori d’un réalluvionnementqui réduirait la capacité d’écoulement du lit està mentionner en premier lieu parmi cesexemples ;

l’abaissement du lit des cours d’eau, qu’il soitdû aux curages, aux extractions ou autresinterventions, a certes pû avoir des effetsnégatifs conséquents sur le cours d’eau (milieux,équilibre morphologique, nappes alluviales voirepropagation des crues). Mais son intérêt majeurpour les riverains fut bien de réduire localementla fréquence des débordements ;

dans ce cas de figure, un projet d’améliorationdu fonctionnement hydromorphologique, conduitsans précaution et visant une restauration del’équilibre sédimentaire, avec pour corollaire un

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_ Annexe 3 : Les convergences et les divergences _

réalluvionnement du lit, pourra être jugéinacceptable pour les riverains et ce d’autantplus que l’occupation de la plaine aura évoluéen profitant de cette moindre inondabilité(urbanisation, zones d’activités, …).

pour prévenir ici tout écueil d’opposition, il seraitalors nécessaire de :

définir un objectif de profil en long qui soitle compromis entre la restauration de lacontinuité du transit sédimentaire (continuitédes pentes) et la nécessité de conserverune capacité suffisante pour l’écoulementdes crues ;

rechercher un élargissement du lit à mêmede contrebalancer son alluvionnement.

“Les îlots et atterrissements font obstacle aubon écoulement en crue”

pour ce cas, assez répandu, où les acteurssoucieux de se protéger contre les inondationsplébiscitent des interventions drastiques pouraccroître la capacité du lit, viennent aussi lescurages ou recalibrages ;

bien que ces opérations relèvent à présent pourl’essentiel de procédures administratives, doncd’études devant justifier en amont de leur utilité,de leurs incidences sur les milieux (avec, sibesoin, des mesures correct ives oucompensatoires), la demande locale quis’exprime selon ce registre doit être entendue.Etant à l’origine de nombreuses perturbationsces interventions sont bien pour l’essentiel àproscrire mais sont aussi à “utiliser” pourconstru i re l ’argumenta i re du pro jetd ’ a m é l i o r a t i o n d u f o n c t i o n n e m e n tmorphologique.

A l’exception de cas singuliers pouvant les justifier(cf. encart suivant), il faut retenir :

que les curages ne sont (plus) autorisés quepour contrarier, localement sur une zone àenjeu, une tendance à l’exhaussement du lit ;

qu’ils cherchent à enrayer un processus résultantd’un équilibre fragilisé et que leur efficacité serasouvent insignifiante. Ils ne sont en effet qu’unpalliatif dans un contexte d’éloignement“anormal” par rapport à la situation de référenceou l’immense majorité des cours d’eau étaitnaturellement stable, du moins à l’échellehumaine, et ne connaissait pas de tendance àl’exhaussement : la preuve tangible en est laproximité assez générale du substratum sousles alluvions.

Dans cette logique :

les dépôts de matériaux dénoncés après lescrues comme principaux responsables desdébordements ne sont plus que des “formesnormales” du lit qui s’ajustent pour recouvrerune pente d’équilibre ; il n’y a pas “dépôtgénéralisé” et un éventuel arasementn’apportera aucun gain significatif carspatialement trop restreint pour influer sur lesniveaux de crue ;

les “atterrissements” localisés, dont l’évolutionaprès une crue est décriée, sont à relier auxdiverses singularités du lit (pont, gorge, coude,seuils, etc.) qui sont, par contre, seulesresponsables des débordements. Leursuppression systématique sera sans effet surl’écoulement en crue tant que ces singularitéshydrauliques seront présentes.

Situations particulières pouvant donner lieuà des curages

Les systèmes torrentiels, et notammentl’évolution des cônes de déjection au débouchédans les vallées principales, qui requièrent desanalyses spécifiques.

Les zones d’accumulation dans desretenues artificielles, qui seules peuventjustifier des prélèvements réguliers, à conditiond’être parfaitement encadrés.

Les débouchés en mer ou dans des plaines :en théorie, on peut observer une tendance àla sédimentation si le profil du cours d’eau n’apas atteint son équilibre, mais les systèmesmorphologiques sont en général si perturbésque les cas effectifs d’exhaussement audébouché en mer sont rarissimes. On noteratoutefois les pièges à gravier justifiés del’Aygues à Orange et de l’Ouvèze à Bédarrides,au débouché de ces cours d’eau dans la plainedu Rhône, où la continuité du transit desgraviers n’était naturellement pas assurée.

Les tronçons qui ont connu un fortabaissement et qui se ré-alluvionnent : ils’agira là de fixer un objectif de profil en longassurant un compromis entre la continuité dutransit des graviers et la maîtrise desdébordements ; le maintien de cet objectifpourra conduire à des curages, mais lesvolumes en jeu resteront le plus souvent trèsmodestes pendant de nombreuses décennies,en raison du déficit accumulé.

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_ Annexe 3 : Les convergences et les divergences _

2. Tirer parti des politiquesactuellesL’affirmation de méthodes et de concepts quiintègrent plus formellement le fonctionnementhydromorphologique des cours d’eau supposeque les gestionnaires :

disposent d’outils en appui à leurs réflexionssur le développement et l’aménagement desterritoires ;

inscrivent et justifient leur action dans undispositif de procédures réglementaires quidemande une prise en compte des milieuxaquatiques et de leur fonctionnement. Sontaussi bien visées ici les opérations localiséespouvant relever de demandes de travauxd’urgence que les travaux spatialement plusconséquents qui sont conduits dans le cadrede démarches globales encadrées par certainsoutils (PAPI, contrats de rivières, etc).

Il existe d’ores et déjà une boîte à outilsréglementaires relativement bien fournie en matièrede connaissance, de prévention et de réductionde la vulnérabilité (AZI, PAPI, PPR, DICRIM, PCS).Ces outils sommairement décrits attestent, lorsqu’ilsexistent, d’un enjeu spécifique à intégrer au projetde restauration et constituent par ailleurs un cadrepour la mise en œuvre d’actions et de travaux pluslocalisés visant à mieux gérer le risque.

Utilisables à différents niveaux pour alimenter laconstruction de projets de restauration, ilscontiennent certains repères restant toutefois àobjectiver pour qu’ils concordent avec lespréoccupations propres à un projet de préservation-restauration du fonctionnement hydromor-phologique.

2.1. Les atlas de zones inondables

Recourant à la mise en œuvre de la méthodehydrogéomorphologique version 1* recommandéepar les services de l’Etat, les atlas de zonesinondables (AZI), qui couvrent aujourd’hui 73 %du territoire**, constituent des outils de référencepour la connaissance des zones inondablesdestinés à guider les collectivités territoriales (portéà connaissance des service au titre du R 111-2)dans leurs réflexions sur le développement et

l’aménagement du territoire. Dans le bassin Rhône-Méditerranée, cet outil a bien été utilisé dans lesrégions PACA et Languedoc-Roussillon alorsqu’ailleurs sont plutôt prises en compte, en général,la crue centennale ou une crue historique.

Il s’agit de favoriser l’intégration du risqued’inondation dans les documents d’urbanisme telsque les Schémas de Cohérence Territoriale(SCOT), les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU), lescartes communales.

Outil d’information de l’état sur les risques naturelsprévisibles, ils fournissent les emprises des zonesinondables naturelles en associant la démarchegéomorphologique (photo-interprétation,investigations de terrain…) et l’analyse des crueshistoriques (sans modélisation mathématique)pour des unités spatiales cohérentes. La méthodehydrogéomorphologique de détermination deszones inondables fournit les limites physiquesnaturelles du champ d’expansion des crues etpermet de délimiter sur carte :

le lit mineur : espace inondé en totalité par unecrue fréquente annuelle ou bisannuelle ;

le lit moyen : espace inondé en cas de cruemoyenne, de fréquence généralement inférieureà 10 ans ;

le lit majeur et exceptionnel : espace inondépar les crues les plus rares ou exceptionnelles;

la plaine alluviale : enveloppe maximale desc r u e s ( z o n e i n o n d a b l e a u s e n sgéomorphologique).

* Le guide Cartographie des zones inondables : approche hydrogéomophologique, publié aux éditions du ministère de l’équipementen 1996, présente la méthode d’analyse et de cartographie (lien http://catalogue.prim.net/147_cartographie-des-zones-inondables-approche-hydrogéomophologique.html.Une version 2 actualisée en cours de préparation sera publiée par le ministère en fin d’année 2010** Direction générale de la prévention des risques – Prévention des inondations - Novembre 2009

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_ Annexe 3 : Les convergences et les divergences _

La cartographie positionne aussi, mais sansquantification toutefois de leurs incidences, leséléments de l’occupation du sol pouvant modifierles écoulements (éléments naturels tel lesripisylves et les éléments anthropiques : remblais,digues, protections de berges...,)

Convergence / divergence possiblesDisponibles en ligne, et bien que les élémentssoient hétérogènes d’une région à l’autre, voired’un département à l ’autre, les at las*comprennent :

un rapport d’analyse des cartes expliquant lefonctionnement des plaines alluviales maisaussi l’analyse qualitative des éventuellesper tu rba t ions p rovoquées pa r l esaménagements ;

une cartographie numérisée avec deux typesde produits : les cartes générales d’informationglobale sur la localisation des zones inondablesà vocation grand public et les cartes techniquesde localisation plus précise des informations.

Les cartographies couvrent l’emprise maximaledes zones potentiellement inondables, ellesdonnent des limites qui ne sont pas liées à despériodes précises de retour de crue mais enrevanche des limites physiques naturelles duchamp d’expansion.

L’AZI prend en compte et fournit donc des élémentsà croiser avec les enveloppes, les secteurs àrestaurer :

la continuité des champs d’inondation sur unevallée, un bassin versant ;

certains éléments particuliers (axes de crues,zones d’érosion) apportant une visiondynamique du cours d’eau ;

des informations qualitatives (ex : effetshydrauliques néfastes des aménagementsanthropiques mais non quantifiés en termesde hauteurs et/ou de vitesses).

2.2. L’espace de mobilité, de “liberté”ou “fuseau de divagation”

Pour mémoire, ce concept de gestion, qui participed’une prise en compte plus assurée desfonctionnalités hydromorphologiques du coursd'eau pour garantir son potentiel d'ajustement enplan et en long et lui permet de se recharger ensédiments grâce à l’érosion des berges, estapproprié pour les rivières à dynamique fluvialeactive ou potentiellement active (en faisant doncabstraction des protections de berges existantes).Il ne se limite pas à la seule fonction d’expansiondes crues, mais désigne bien l’enveloppe où larivière évolue naturellement, en érodant etdéposant çà et là ses sédiments, rajeunissantainsi en permanence les écosystèmes aquatiqueset rivulaires.

Sa délimitation constitue un “porté à connaissance”qui n’est pas précis à la parcelle et encore moinsau mètre près.

Convergence / divergence possibles avec unprojetLa loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à laprévention des risques technologiques et naturelsprévoit au code de l'environnement Art. L. 211-12. (Utilisation du sol et aménagement) :

I. - Des servitudes d'utilité publique peuventêtre instituées à la demande de l'Etat, descollectivités territoriales ou de leurs groupementssur des terrains riverains d'un cours d'eau oude la dérivation d'un cours d'eau, ou situés dansleur bassin versant, ou dans une zoneestuarienne.

II. - Ces servitudes peuvent avoir un ou plusieursdes objets suivants :

1° Créer des zones de rétention temporairedes eaux de crues ou de ruissellement, pardes aménagements permettant d'accroîtreartificiellement leur capacité de stockage deces eaux, afin de réduire les crues ou lesruissellements dans des secteurs situés enaval ;

2° Créer ou restaurer des zones de mobilitédu lit mineur d'un cours d'eau en amont deszones urbanisées dans des zones dites"zones de mobilité d'un cours d'eau, afin depréserver ou de restaurer ses caractèreshydrologiques et géomorphologiquesessentiels.”

* Le guide Cartographie des zones inondables : approche hydrogéomophologique, publié aux éditions du ministère de l’équipementen 1996, présente la méthode d’analyse et de cartographie (lien http://catalogue.prim.net/147_cartographie-des-zones-inondables-approche-hydrogeomophologique.html).

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_ Annexe 3 : Les convergences et les divergences _

Trois types de textes plus ou moins contraignantsy font référence : le SDAGE, l’arrêté ministériel du24/01/2001 sur les gravières et la loi sur les risques.

La convergence entre préservation/restaurationdu fonctionnement hydromorphologique etaménagement du territoire afin de réduirel’incidence des crues en zones à enjeux estexplicitement relayée par la réglementation“risques”.

2.3. Les plans de prévention desrisques naturels d’inondations

Les plans de prévention des risques naturelsd’inondations (PPRN inondations) sont élaboréssur les communes qui ont connu des inondationsimportantes. Au 1er août 2009, 7500 communessont dotées d’un PPRN, dont 85 % traitent durisque d’inondations. Selon les décisions desPréfets (arrêtés de prescription), 4500 autrescommunes vont être dotées d’un PPRN. Prescritspar les Préfets en association avec les communesou structures intercommunales, ils définissent deszones à risque dans lesquelles les constructionssont soit interdites “zones rouges” soit soumisesà des restrictions ou des prescriptions particulières“zones bleues” (utilisations du sol, modes deconstruction et gestion des terrains). Le PPRNvaut servitude d’utilité publique : il est opposableaux tiers, annexé au plan local d’urbanisme et lespermis de construire doivent respecter ses règlesde construction.

Outil réglementaire institué par la loi du 22 juillet1987 relative à la sécurité civile, à la protection dela forêt contre l’incendie et la prévention des risquesmajeurs, le PPRI est conçu à l’échelle d’un bassinversant ou d’un tronçon de vallée important,permettant d’avoir une vision globale duphénomène. Basé sur l'identification de l'aléa etdes enjeux qui lui sont soumis, il définit les zonagespar le biais de méthodes simples d’analyse desdonnées h i s to r i ques , de l ’ app rochehydrogéomorphologique et de modélisationshydrauliques.

Convergence / divergence possibles avec unprojetLe PPRI comprend :

un rapport de présentation ;

un document cartographique délimitant les zonesréglementées ;

un règlement, qui fixe les mesures d'interdiction,de prévention et les prescriptions applicablesdans les zones délimitées par le documentgraphique.

Trois documents cartographiques, nonréglementaires, en constituent les étapes pour lacompréhension contraintes du zonage : la carteinformative des phénomènes naturels, la cartedes aléas, la carte des enjeux.

Il classe des surfaces plus ou moins importantesen zones rouges inconstructibles (zones d’aléasles plus forts, champs d’expansion des crues).Ces terrains ne sont plus urbanisables, ce qui peutfaciliter leur acquisition ou la mise en œuvre deprojets de restauration hydromorphologiques(espace de mobilité notamment).

Les cartographies non réglementaires apportentdes informations précieuses pour cerner lesspécificités des vallées mais pour des occurrencessignificatives et plus importantes que celles descrues morphogènes.

2.4. Les programmes d’actions deprévention des risques d’inondation(PAPI)

Déployés depuis 2002 sur une cinquantaine deterritoires (plus d’un quart du territoire national*),les PAPI constituent l'un des outils contractuelsentre l'Etat et les collectivités locales de mise enœuvre de la politique de prévention desinondations.

Découlant d’une volonté du Ministère chargé del’environnement de stopper le saupoudrage descrédits liés aux inondations, ils visent à privilégier :

des approches globales (intégrées) ;

des plans ciblés sur le ralentissement du débità l'amont ;

des actions (communes à tous les PAPI) :

informer le public pour développer laconscience du risque ;

privilégier la concertation avec les riverainsdes zones inondables ;

* Source Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer en charge des Technologies vertes et desNégociations sur le climat -Direction générale de la prévention des risques - Novembre 2009

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_ Annexe 3 : Les convergences et les divergences _

recréer des zones d'expansion de crues enamont pour retarder l'écoulement de l'eau ;

réduire la vulnérabilité des biens existantspar des travaux et, éventuellement, endéménageant les habitations exposées àdes risques menaçant gravement des vies.

Tous les PAPI ont une structure commune :

axe 1 : culture du risque et de la prévention,amélioration des connaissances ;

axe 2 : surveillance, prévision et alerte ;

axe 3 : maîtrise de l’urbanisation et réductionde la vulnérabilité ;

axe 4 : ralentissement des écoulements àl’amont ;

axe 5 : aménagements collectifs de protectionlocalisée ;

axe 6 : équipe projet.

Les axes PAPI pouvant donner lieu à desaménagements de cours d’eau et de leurs champsd’expansion (axes 3, 4, et 5) sont de nature àinterférer avec l’état hydromorphologique selondeux cas de figure :

ils occultent notre thématique et sontpotentiellement (travaux lourds) de nature àinduire des perturbations du fonctionnementhydromorphologique ;

ils en intègrent certains concepts (ex :restauration de zones d’expansion de crues)mais n’en déclinent pas systématiquement lesliens avec le fonctionnement hydromor-phologique.

En lien avec la mise en œuvre la directiveinondation, le dispositif PAPI est en phase derénovation. Dans ce contexte de transitionpréfigurant la mise en œuvre des plans de gestiondu risque inondation et des stratégies localesdestinées à réduire les conséquencesdommageables des inondations au sein desterritoires à risque important, les objectifs dunouveau dispositif consistent, pour l'État et lescollectivités territoriales, à :

faire émerger des stratégies locales expliciteset partagées de gestion des inondations ;

réduire les conséquences dommageables desinondations pour tous les types d’inondations ;

renforcer les capacités des maîtres d'ouvrage,notamment en ce qui concerne leur adaptationaux enjeux ;

optimiser et rationaliser les moyens publics misà disposition de la réalisation de cesprogrammes.

Le projet finalisé d’une “démarche PAPI” complètecontiendra ainsi les informations suivantes :

une partie stratégie :

un diagnostic approfondi et partagé duterritoire face au risque inondation ;

une stratégie locale cohérente et adaptéeaux problématiques identifiées s’appuyantsur le diagnostic de territoire et présentantles objectifs poursuivis en terme de gestiondes risques d’inondation et l’identificationdes mesures à mettre en œuvre sur la basede la réflexion stratégique locale, et couvranttoutes les composantes de la stratégie deréduction de l ’exposition au risqued’inondation.

une partie programme d’actions : programmed’actions global et transversal et hiérarchisépar priorité, le calendrier et le financement.

une partie gouvernance : traitant des modalitésde gouvernance locale et des liens avec lesdémarches de gestion de l’eau du type SAGEou contrat de milieu.

Pour en savoir plus : Programmes d’actionsde prévention des inondations (PAPI) : De lastratégie au programme d’actions - Directiongénérale de la prévention des risques -septembre 2010

Pour le nouveau dispositif PAPI qui s'inscrit dansun cadre d'appel à projet permanent et non plusd'un appel à projet unique accompagnant lesdébuts de la mise en œuvre de la directiveInondation Évaluation Préliminaire du Risqueinondation*. On retiendra que des synergies entreles thématiques sur le plan stratégique serontfacilitées par les éléments suivant prévus pour lagouvernance et le suivi de la démarche PAPI :

mise en place par le Préfet coordonnateur debassin d’un comité de pilotage assurant lacoordination de la réalisation des PAPI et leurcohérence au regard des objectifs définis pourle district hydrographique (plans grands fleuves,SDAGE…),

organisation d’un partenariat entre lesreprésentants des maîtres d’ouvrage locaux etde l'État autour d’un comité de pilotage et d’uncomité technique,

* (EPRI) d'ici fin 2011, sélection des Territoires à Risque Important d'Inondation (TRI, territoires prioritaires pour l'intervention del'État) d'ici mi-2012, cartographie des risques (2013) puis rédaction des plans de gestion des risques d'inondation (PGRI) pour2015.

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_ Annexe 3 : Les convergences et les divergences _

Convergence / divergence possibles avec unprojetLes PAPI de première génération, dans lesquelsles actions de restauration physique soient engénéral absentes, peuvent contenir des projetsd’aménagement hydraulique ou de protectionsrapprochées (axes 4 et 5) susceptibles d’influersur le fonctionnement hydromorphologique descours d’eau. En effet, et même si les opérationsde ralentissement dynamique y occupent uneplace non négligeable, la part des travauxhydrauliques reste largement prépondérante*.Traduisant peut-être le prolongement de lacompétence acquise en ce domaine par lesstructures porteuses, les travaux lourds deprotection prédominent au détriment d'opérationsde réduction de la vulnérabilité.

Concernant, les zones d’expansion des crues(ZEC), on note que les ZEC connaissent unemontée en puissance mais sans convergencesystématique avec la préservation - restaurationdes caractères essentiels à la dynamique du coursd’eau. Ces ZEC qui peuvent apporter des réponsesdu point de vue des inondations, par stockagemomentané des eaux de débordement des coursd'eau dans un espace naturel ou aménagé du litmajeur, ne contribuent toutefois pas a priori demarière tangible à l’état morphologique du coursd’eau.

Leur par t ic ipat ion au fonct ionnementhydromorphologique peut alors supposer desdispositions spécifiques :

modalité de mise en eau n’impliquant pasd’ouvrages susceptibles d’entraver la mobilitélatérale ;

fréquence de submersion ;

restauration de la végétation dans les futureszones inondées.

Toutefois les divergences éventuelles, à considérerau cas par cas, ont principalement trait auxéléments suivants :

les gammes de débit ne sont pas les mêmesselon que la préoccupation est hydraulique(inondation: Q100) / hydromorphologique ; milieuphysique, naturels: Q1/Q2),

l’optimisation des ZEC suppose une certaineartificialisation pour réduire d’une part lafréquence de débordement afin de mieux écrêterles crues rares et fixer d’autre part les débits dedébordement ;

comme évoqué précédemment, le calage desouvrages implique une certaine rigueur qui nelaisse que peu de marge à la restauration d’unfonctionnement morphologique autonome et nepeut s’accompagner d’une variabilité plus fortedes niveaux de crue et de la mobilité.

Dans ces conditions il convient de bien identifierles deux stratégies possibles :

la préservation passive des débordementsnaturels : il y a un réel potentiel d’accroîtrel’espace fonctionnel de la rivière dans desespaces pouvant alors aussi être perçus comme“sacrifiés” ;

les aménagements volontaristes de ZEC dontles ouvrages de régulation contribuent àl’artificialisation du système. Pour ce secondcas, les complémentarités supposent que lanégociation porte sur :

l’implantation même des ouvrages pour qu’ilsse situent assez loin du lit, et le cas échéant,

le fonctionnement écologique de la ZEC(mode et fréquence de mise en eau, type devégétation, etc.).

Dans les deux cas, l’argumentaire sur le gain d’unélargissement de l’espace rivière : auto-entretiendu lit, abaissement des niveaux de crue, est aussià faire valoir.

En outre, les étapes même du projet PAPI(diagnostic approfondi et partagé du territoire,définition d'une stratégie locale cohérente etadaptée aux problématiques identifiées dans lediagnostic de territoire, programme d’actions)constituent autant de moments pour que lathématique de restauration physique émerge etprenne corps :

le diagnostic comportera en effet un volet“analyse des dispositifs existants” recensantl’ensemble des démarches et des dispositifssusceptibles d’avoir un impact sur la prévention,au sens large (eau et milieux aquatiques :SAGE, contrats de rivières, aménagement duterritoire et urbanisme ; OPAH, SCOT, tramesvertes et bleues, développement durable auplan local : agenda 21, charte del’environnement,…etc) ;

la stratégie qui devra être élaborée, enconcertation avec l’ensemble des acteursconcernés définira des objectifs à l’échéancede la réalisation du programme de mesuresassocié dans une vision à très long terme (au-delà de 10 ans par exemple). Elle consistera à

* Source Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de l’aménagement du territoire - Premiers enseignementstirés de la mise en œuvre des programmes d'action de prévention des inondations (PAPI) – avril 2009 (43 pages)Lien téléchargement http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/094000253/index.shtmlsur les 305 M€ programmés en août 2007, 205 M€ concernent des travaux hydrauliques

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_ Annexe 3 : Les convergences et les divergences _

sélectionner les zones d’intervention et à définirles priorités avant analyser les moyensdisponibles et les contraintes à prendre encompte ;

pour le programme d’actions décliné sous formede fiches-actions et par thèmes*, la recherchedes synergies avec les autres politiquespubliques privilégiera en particulier les actionsconciliant la gestion des inondations avec laqualité écologique des milieux, le rétablissementde l’espace de liberté des cours d’eau et larestauration des zones humides. Le projetdémontrera comment le programme d’actionsde prévention des inondations s’articule ets’avère compatible avec les mesures desdifférents outils de protection ou de gestion desmilieux aquatiques (notamment les SDAGE,les SAGE et les contrats de rivière).

la charge de l’exploitant, elle doit exposer nonseulement les risques que présente l’ouvrage enterme de sécurité, mais aussi les mesures misesen place pour prévenir ces risques. Les étudesde dangers seront à réaliser par des organismesagréés au plus tard pour le 31 décembre 2012pour les ouvrages de classe A et pour le 31décembre 2014 pour les autres ouvrages.

Convergence / divergence possibles avec unprojetLa fiabilisation des digues nécessite une protectioncontre les érosions a priori incompatible avec larestauration physique du cours d’eau. Mais lesexigences aujourd’hui imposées par le décret“digue” de décembre 2007 vont conduire de plusen plus de maîtres d’ouvrages à envisager unrecul des digues pour alléger les besoins deconfortement. Ce “décorsetage” sera l’occasiond’accroître l’espace de libre fonctionnement de larivière.

Donnant un coup d’accélérateur aux réflexionssur la fiabilisation des digues, avec des exigencesde résultat, cette réglementation ouvre une fenêtred’opportunité pour considérer différemmentl’espace de mobilité et le confortement desprotections contre les inondations.

Compte tenu des difficultés qui se poseront (pourprès de 3.600 km de digues, il n’est pas sûr queles propriétaires puissent faire face à leursobligations) et dès lors que des investissementset travaux seraient nécessaires pour fiabiliser lesouv rages en p l ace , l e s po in ts deconvergences/divergences portent sur ledéplacement ou le recul des digues permettantde concilier la nécessité d’ouvrages pérennesmoins vulnérables et la restauration de certainsprocessus de mobilité latérale.

Sous l’angle hydraulique, l’éloignement del’ouvrage du courant vif permet de réduire lesbesoins de protection mais aussi d’accroître lacapacité hydraulique du lit principal. Pour que lesdeux objectifs “sécurité de l’ouvrage” et“préservation/restauration de la mobilité” soientmis en cohérence, la réserve porte sur la largeurde recul à établir en tenant compte aussi desbesoins du milieu.

Sous l’angle de l’autonomie de la rivière, ledécorsetage s’accompagne d’un accroissementde l’espace rivière mais aussi d’une réduction desbesoins d’artificialisation en berges. Il peut, dansle cas d’un décorsetage limité (ex.: petit Rhône),supposer aussi d’accepter la ruine de protections,

2.5 La réglementation“sécurité des digues”

Les digues de protection contre les inondationsreprésentent un linéaire estimé à environ 9 000km de digues fluviales ou côtières. Correspondantle plus souvent à des ouvrages anciens, construitspar étapes avec les matériaux et les moyensdisponibles, elles impliquent environ un millier degestionnaires différents, particuliers ou collectivités.

Suite à l'inventaire exhaustif des digues (Ministèrechargé de l'écologie à compter de 1994) et auxévènements dramatiques de 2002 et 2003 qui ontmis en évidence les limites des digues deprotection, le caractère illusoire d'une protectionabsolue et les dangers qu’elles peuvent engendrersi elles sont déficientes, le renforcement récentde la réglementation (décret du 11/12/2007 etarrêté du 29/02/2008) fait évoluer la question dela sécurité des digues.

Cette nouvelle réglementation sur l’obligationd’entretien et de surveillance des digues comme“ouvrage de danger” rappelle aux propriétairesleurs devoirs et les oblige à assumer leurresponsabilité. Ainsi toute digue de plus d’un mètrede hauteur et protégeant plus de 10 habitantsdevient un “ouvrage de danger” devant faire l’objetd’une surveillance régulière de son état.

Les exploitants sont notamment tenus à desexamens périodiques de leurs ouvrages et doiventen fournir les rapports à l’État. Pour les ouvragesles plus importants (barrages A et B, et digues A,B et C), une étude de dangers est obligatoire. A

* Connaissance du risque et conscience du risque - Surveillance, prévision des crues et des inondations - Alerte et gestion decrise.- Approbation des PPRNi - Traduction de la prise en compte du programme d’actions dans les documents d’urbanisme -Actions (obligatoires) de réduction de la vulnérabilité des personnes et des biens - Ralentissement des écoulements - Protectionpar des ouvrages hydrauliques

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_ Annexe 3 : Les convergences et les divergences _

voire le démantèlement de protections existantes.Selon la largeur de recul, ceci peut générer ànouveau un risque pour la sécurité même de ladigue. De cet exemple, les conditions pour unevéritable restauration physique seraient :

de fixer le recul des digues en fonction d’unespace de mobilité acceptée, qui intègre lefonctionnement morphologique réel,

de démanteler les protections des anciennesdigues pour que l’espace soit effectivementmobilisable.

3. Conclusion :anticiper la mise en œuvrede la directive inondationsLa directive européenne 2007/60/CE du 23 octobre2007 relative à l’évaluation et à la gestion desrisques d’inondation constitue le texte règlementairede référence. Elle a été transposée en droit françaispar le décret n° 2011-227 du 2 mars 2011. Ellemet notamment l’accent sur la prise en compte deces risques en amont dans les différentespolitiques.

La politique de gestion du risque inondation actuelles'appuie sur des outils qui couvrent l'ensembledes composantes de la prévention des risquesnaturels. Malgré ce panel d’outils conséquent enmatière de connaissance, de prévention et deréduction de la vulnérabilité (AZI, PAPI, PPRI, etc),le dispositif français va devoir être reconsidéré etrénové pour être en phase avec cette directiveeuropéenne.

Introduisant un discours novateur sur la nature etl’occurrence des crues, donc des inondations - quirelèvent d’un phénomène d’abord naturel, qui peutêtre aggravé par l’homme et son influence sur leterritoire et qui se reproduira toujours dans leszones inondables – elle sous-tend une descriptionpréalable des risques portée à la connaissancedu public et par conséquent soumise à débat (oùest le risque ? d’où vient il ? que peut-on faire ?).

Vis-à-vis de son référentiel, elle prévoit une analysesur trois niveaux de crue parmi lesquels la crue“centennale” est considérée comme la crue“moyenne” et non pas exceptionnelle (en particulierau regard des enjeux économiques exposés).Autrement dit, la crue centennale n’est pas unmaximum - ni la référence telle que la prévoientnos dispositifs actuels - c’est même, selon ladirective, un évènement “moyen” au regard des

enjeux. Alors que les scénarios extrêmes sont lespremiers étudiés (sans précisions toutefois surleur période de retour), les évènements courants(crues décennales ou cinquantennales classiquespour nos outils) ne sont pas indispensables etanalysés le cas échéant.

Concernant les objectifs, la directive requiert, cequi est nouveau pour nos démarches, unedescription, dès les premiers plans, des objectifsappropriés en matière de gestion des risquesd'inondation préalablement définis. En substance,dans quel but réduit-on le risque ? quels sont lesobjectifs partagés ?

Cette directive définit, comme pour la directive surl’eau, mais selon sa thématique propre, un cadrepour évaluer et gérer les risques découlant desinondations. Rappelant qu’il s’agit d’un phénomènenaturel inévitable que l’activité humaine peutaggraver, la directive stipule :

que “certaines activités humaines” (telles quel’accroissement des implantations humaines etdes biens économiques dans les plainesd’inondation ainsi que la réduction de la capacitéde rétention naturelle de l’eau du fait del’occupation des sols) et les changementsclimatiques contribuent à en augmenter laprobabilité et les effets négatifs ;

qu’il est possible et souhaitable de réduire lesrisques des conséquences négatives associéesaux inondations, en particulier sur la santé et lavie humaines, l’environnement, le patrimoineculturel, l ’act ivi té économique et lesinfrastructures. Toutefois, les mesures deréduction de ces risques devraient, dans lamesure du possible, être coordonnées à l’échelled’un bassin hydrographique pour être efficaces.

La directive définit ainsi à son article 2 l'inondationcomme la “submersion temporaire par l’eau deterres qui ne sont pas submergées en tempsnormal. Cette notion recouvre les inondations duesaux crues des rivières, des torrents de montagneet des cours d’eau intermittents méditerranéensainsi que les inondations dues à la mer dans leszones côtières et elle peut exclure les inondationsdues aux réseaux d’égouts”.

Imposant aux États membres l'obligation deprivilégier une approche de planification à longterme pour réduire les risques d'inondation samise en œuvre se décline pour l’heure autour de3 axes évoqués ci-avant :

dispositif rénové de Plans d’action de préventiondes inondations sur la période 2010-2015permettant d’améliorer les compétences en

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_ Annexe 3 : Les convergences et les divergences _

termes de maîtrise d’ouvrage et de mieuxintégrer les pol i t iques de l ’eau, del’aménagement de l’espace et de l’urbanismedans des stratégies locales cohérentes ;

réorganisation et renforcement du dispositif decontrôle de la sécurité des ouvrageshydrauliques ;

accent sur les opérations de réduction de lavulnérabilité des bâtiments, des activités et despopulations, au lieu de privilégier des mesureslourdes de protection contre les inondations.

Dans ce cadre, l'analyse des convergences etdes divergences dans la caractérisation descontextes et dans l'identification des moyens pouratteindre des objectifs, a priori peu conciliables,est indispensable. Elle permet de dégager despistes d'action tirant parti des points deconvergence et au bénéfice réciproque, dansl'idéal, des deux directives, eau et inondation :par exemple, la restauration de crues justedébordantes (relativement fréquentes etmorphogènes) soutiendra un objectif écologiquealors que la lutte contre les risques d'inondationvise essentiellement les aléas dommageablespour les biens et les personnes (débits plus élevés,de fréquences de retour plus faibles).

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Avril 2011