Consentement Et Objet Du Contrat

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Consentement et objet du contrat

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Les conditions d'existence du contrat : gnralits

Kauser Toorawa

Table des matires

I.- Le consentement des parties contractantes A.- La manifestation du consentement dans le contrat 1.- L'offre a.- Les caractristiques de l'offre b.- Les effets de l'offre 2.- L'acceptation a.- Les choix du destinataire de l'offre b.- Les formes d'acceptation B.- L'intgrit du consentement 1.- La capacit contracter 2.- L'absence de vices du consentement a.- L'erreur b.- Le dol c.- La violence II.- L'objet dans le contrat A.- La nature juridique de l'objet B.- Les caractres de l'objet 1.- Un objet rel 2.- Un objet dtermin a.- La dtermination de la chose b.- La dtermination du prix 3.- Un objet licite III.- La cause dans le contrat A.- Absence de cause B.- Illicit de la cause

Sans voir dans le contrat informatique une nouvelle catgorie juridique, les contrats informatiques s'inscrivent dans le domaine des contrats spciaux, et il semble plus exact de parler de contrats relatifs l'informatique1, vu que la plupart de ces contrats ne sont en fait que des descendants directs de contrats nomms dans le Code civil, obissant la thorie gnrale du droit des obligations. Autrement dit, les contrats relatifs l'informatique sont des contrats ordinaires, soumis au rgime des figures juridiques qu'ils utilisent (vente, louage, entreprise, prt, etc.), et comme tels, ils obissent au droit commun des contrats2 et au droit de la concurrence3. C'est pourquoi, le contrat informatique comme tout autre contrat exige au moment de la formalisation des engagements contractuels le respect des conditions de fond. L'article 1108 du Code civil nonce, ce titre, qu'il ne saurait y avoir d'obligation valable sans le consentement des parties (I), un objet certain (II) et une cause licite (III). En recourant au droit commun des obligations, voyons tour tour ces diffrentes conditions de fond.

I.- Le consentement des parties contractantesPour qu'un contrat se forme, le consentement des parties doit non seulement exister (A) mais doit tre intgre, c'est--dire donn par des volonts libres et claires (B). Les exigences relatives au consentement des parties en matire informatique ne prsentent pas de relles particularits par rapport au droit commun des obligations.

A.- La manifestation du consentement dans le contratLe consentement est un des lments essentiels de tout contrat. Bien que l'article 1108 du Code civil n'en donne pas la dfinition et n'expose pas les conditions de son existence, le consentement existe lorsque deux ou plusieurs volonts libres et concordantes se rencontrent. Le consentement suppose la rencontre d'une offre et d'une acceptation. En principe, l'acceptation de l'offre suffit former le contrat sans qu'aucune forme ne soit ncessaire. Autrement dit, en matire informatique comme ailleurs, le principe est celui de la suffisance de l'lment consensuel. Aucun crit et, a fortiori, aucun acte notari n'est exig pour la validit des contrats les plus frquents. La question aurait certes pu se poser pour certaines oprations de mise disposition de logiciels dans la mesure o, les articles L. 131-2 et L. 131-3 du CPI prcisent que les contrats de reprsentation, d'dition et de productions audiovisuelles doivent tre constats par crit. Mais gnralement, le contrat informatique se forme par la seule rencontre de deux facteurs : l'offre (1) et l'acceptation (2).

1.- L'offreParfois dnomm pollicitation, l'offre de contracter se dfinit comme une proposition qui comporte tous les lments du contrat projet, de telle sorte que l'acceptation suffit former le contrat. L'offre est la manifestation de la volont de l'offrant, en ce sens qu'elle exprime son consentement. Reste dterminer les caractristiques de l'offre (a) et ses effets (b).

a.- Les caractristiques de l'offreAu sens courant, on entend par offre toute proposition de contracter. Au sens juridique, le terme est plus prcis. L'offre est la proposition ferme de conclure, des conditions dtermines, un contrat de telle sorte que son acceptation suffit la formation de celui-ci. Aussi, toute proposition de contracter qui ne rpond pas cette dfinition, soit parce qu'insuffisamment prcise ou manquant de fermet, doit tre qualifie de simple invitation entrer en pourparlers ou encore d'appel d'offres. En effet, la proposition de contracter n'est pas ferme lorsqu'elle comporte des rserves. Toutefois, il convient d'observer qu'en matire informatique, l'offre est souvent assortie de rserves, et ce en raison, essentiellement, de la complexit de certaines oprations. On ne saurait cependant considrer, de faon gnrale et absolue, qu'une offre est disqualifie en invitation entrer en pourparlers par le seul fait qu'elle soit assortie d'une rserve. Tout dpend en ralit de la nature de celle-ci, le critre tenant au point de savoir si la rserve laisse ou non l'auteur de l'offre la possibilit de se dgager de faon purement arbitraire. Si tel est le cas, l'offre est une simple invitation entrer en pourparlers. En outre, pour qu'une offre soit suffisamment prcise, elle doit contenir les lments essentiels du contrat futur et dtailler les principales conditions conomiques proposes par l'offrant. Enfin, en application de la rgle du consensualisme qui prvaut en droit franais, l'offre n'est soumise aucune condition. Aussi, l'offre qui doit tre extriorise et non quivoque, peut l'tre soit de faon expresse, soit de faon tacite, et peut-tre faite au public ou une ou plusieurs personnes dtermines, avec ou sans dlai. ce propos, si la loi n'impose aucun dlai durant lequel l'offrant est tenu de maintenir son offre, en revanche, la jurisprudence impose un dlai raisonnable4 pendant lequel l'offrant ne saurait, sans commettre une faute, se rtracter.

b.- Les effets de l'offreTant que l'offre n'a pas t porte la connaissance de son destinataire, et tant que ce dernier ne l'a pas accepte, l'metteur peut toujour la retirer. L'offrant peut ainsi rvoquer son offre sans engager sa responsabilit, condition que cette rvocation n'intervienne pas dans des conditions vexatoires et que soit respect le dlai d'acceptation fix exprssement ou implicitement. En dehors de ces cas lgaux et, bien sr, de ceux dans lesquels l'offrant lui-mme aurait assortie son offre d'un dlai, l'offrant est tenu de maintenir son offre pendant un dlai raisonnable apprci par les juges du fond. Aussi, le retrait de l'offre ffectu en violation de ce dlai est sanctionn par des dommages-intrts sur le fondement des rgles relatives la responsabilit civile dlictuelle pour faute. Certains auteurs enseignent que ds lors qu'il y a une offre et que la rvocation est illicite, il faut admettre dans tous les cas que cette rvocation est inefficace, ce qui suppose que l'acceptant puisse exiger que l'on constate la formation du contrat5. Une telle solution admissible en droit, n'a cependant jamais t explicitement consacre par la jurisprudence. Tant que l'offre n'a pas t rvoque, elle persiste indfiniement. Toutefois, si le dcs ou l'incapait de l'offrant survienne avant l'acceptation ou si le dlai d'acceptation est expir, l'offre devient caduque. Aprs avoir admis que le dcs de l'offrant pendant le dlai de maintien de l'offre rendait celle-ci caduque6, un arrt plus rcent semble avoir admis la survie de l'offre7. On rappellera, que ds l'instant o le destinataire de l'offre donne son accord, l'offrant ne peut revenir sur son offre aprs qu'elle ait t accepte.

2.- L'acceptationL'acceptation constitue la dernire tape de la formation du consentement ; elle doit tre donne par le destinataire et doit concorder avec le contenu de l'offre. Toutefois, il convient de redire que la jurisprudence, prenant appui sur le principe de la libert du commerce et de l'industrie proclam par la Rvolution (L. 2-17 mars 1791), a pos qu'une personne est toujours libre de refuser de contracter avec une autre8, ce qui implique que le destinataire d'une offre de contracter n'est en principe pas oblig de l'accepter. Il convient donc, avant de dterminer les formes d'acceptation (b), de prciser quels peuvent tre les choix du destinataire de l'offre (a).

a.- Les choix du destinataire de l'offreLorsque le destinataire de l'offre l'accepte purement et simplement, le contrat est form entre les parties. La rencontre de l'offre et de l'acceptation entrane la conclusion du contrat. Dans l'hypothse d'un refus total, la discussion entre les parties prend fin. Reste savoir si le refus oppos par le destinataire est susceptible d'tre considr comme fautif au point d'engager sa responsabilit. Selon que ce refus mane d'un non-professionnel ou d'un professionnel, la rponse sera diffrente. Dans le premier cas de figure, le refus n'est pas constitutif d'une faute9. La situation est quelque peu diffrente losque le refus mane d'un professionnel. La jurisprudence semble admettre une faute imputable au professionnel10. Entre ces hypothses extrmes d'acceptation pure et simple et de refus total d'acceptation, il faut faire une place l'ventualit d'une acceptation assortie de rserves. L'hypothse est vrai dire assez frquente en matire informatique. On rappellera, en principe, lorsque le destinataire de l'offre n'accepte pas celle-ci purement et simplement mais en l'assortissant de rserves ou de conditions, on est en prsence d'une contre-proposition impropre former le contrat11 : il n'y a pas de contrat tant que l'offant d'origine n'a pas accept la contre-proposition. On ajoutera qu'il n'est pas exclu que l'accord du bnficiaire de l'offre ne soit que partiel. Dans une telle hypothse, tout dpendra de l'analyse de l'offre : si l'offrant entendait lier tous les lments de l'offre, l'accord partiel est sans effet ; il est au contraire efficace si l'offre tait divisible. Il ne faut pas alors s'attacher une divisibilit matrielle mais l'intention de l'offrant.

b.- Les formes d'acceptationLa forme de l'acceptation est libre, du moment qu'elle exprime la volont d'accepter. Celle-ci ressortira le plus souvent d'un crit ou d'une signature appose au contrat. Mais l'acceptation peut-tre aussi verbale ou rsulter d'un comportement. On a ainsi vu se dvelopper, dans le domaine de l'informatique, la pratique d'origine amricaine dite de shrink-wap license, technique par laquelle des fabricants de progiciels apposent, pour partie sur l'emballage d'une disquette ou d'un CD-Rom, pour partie sur la disquette ou le CD-Rom mme, une vignette. Le fait de dchirer la vignette pour librer le produit et pour faire fonctionner le programme12 implique une acceptation du client. L'acceptation peut encore rsulter de l'excution ou du commencement d'excution du contrat par le destinataire de l'offre. L'acceptation est tacite ou implicite, c'est--dire que sans tre expresse, elle se traduit par des actes manifestant sans quivoque la volont de l'acceptant. On rappellera, s'agissant d'une volont, celle-ci doit tre extriorise. Moins l'acceptation est exprime exprssement, plus on peut douter de son existence. La question s'est pose de savoir si le silence du destinataire de l'offre entrane acceptation de l'offre. Contrairement l'adage qui ne dit mot consent, le principe est le silence ne vaut pas acceptation. Toutefois, dans certains cas, le silence oblige et peut valoir acceptation : lorsque l'offre est faite dans l'intrt exclusif du destinataire, on prsume qu'il accepte13, ou encore, la jurisprudence attache une valeur au silence s'il existe des relations d'affaire antrieures entre les parties14.

B.- L'intgrit du consentementPour produire des effets juridiques, le consentement doit maner d'une personne capable (1) et doit tre exempt de tout vice (2). Le domaine de l'informatique ne prsentant aucune spcificit, c'est par renvoi au droit commun des incapacits et au droit commun des obligations que l'on traitera de la question de l'intgrit du consentement.

1.- La capacit contracterEn matire de capacit, l'aptitude contracter est le principe, tel qu'il est nonc l'article 1123 du Code civil, et l'inaptitude c'est--dire l'incapacit en est l'exception. Cette capacit reconnue toute personne, constitue l'un des attributs fondamentaux de la personnalit juridique ; pourtant, elle concerne aussi bien les personnes physiques que les personnes morales15. On rappellera brivement que les incapacits sont lies deux sortes de considrations. Tantt elles tiennent au statut propre des personnes en cause, tantt elles tiennent la nature du contrat qui est interdit entre certaines personnes en raison de leurs situations respectives. On ajoutera, qu'il convient de distinguer les incapacits d'exercice, correspondant au statut personnel, des incapacits de jouissance, correspondant la nature du contrat. Notons, qu'il est trs rare qu'en matire informatique que des litiges portent sur la capacit de l'un des contractants. Plus relle est l'hypothse d'un vice du consentement.

2.- L'absence de vices du consentementL'article 1109 du Code civil nonce qu'il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a t donn que par erreur (a), ou s'il a t extorqu par violence (c) ou surpris par dol (b). Trois vices sont donc susceptibles d'altrer la qualit du consentement et d'entraner la nullit du contrat.

a.- L'erreurConformment l'alina premier de l'article 1110 du Code civil, l'erreur est une cause de nullit du contrat lorsqu'elle porte sur la substance de la chose. Aprs avoir retenu une conception objective de la substance dfinie comme la matire de la chose, la jurisprudence a volu au profit d'une conception subjective, la substance renvoyant toutes les qualits de la chose dterminantes du consentement du contractant, de telle sorte que ce dernier n'aurait pas contracter s'il avait su que ces qualits n'existaient pas au moment de la souscription du contrat. En outre, l'alina 2 du texte prvoit que l'erreur sur la personne ne sera prise en considration que si la qualit du cocontractant a t dterminante lors de la conclusion du contrat. Cette hypothse serait susceptible de concerner les contrats informatiques et, plus prcisment, les relations fournisseurs-clients o les comptences du professionnel sont dterminantes. Il reste que, pratiquement, la jurisprudence ne semble pas porter de trace de cette situation. En plus de ces deux cas d'erreur-nullit, il existe trois cas dans lesquels l'erreur-obstacle constitue un obstacle la formation du contrat : il s'agit de l'erreur sur la nature du contrat, de l'erreur sur l'identit de la chose objet du contrat et de l'erreur sur l'existence de la cause. Hormis les hypothses prcites, l'erreur sur les qualits non essentielles du contrat et l'erreur sur la personne, l'erreur sur les motifs du contrat16 et l'erreur sur la valeur de la chose , sont des erreurs indiffrentes la validit du contrat17.

b.- Le dolConsidr par l'article 1116 du Code civil comme une cause de nullit du contrat, le dol se dfinit comme une tromperie qui a pour effet de provoquer dans l'esprit du contractant une erreur qui le dtermine contracter. On voit le rapprochement faire avec l'erreur. C'est la raison pour laquelle, il est parfois difficile de dlimiter le domaine de l'une et de l'autre. Toutefois, le dol est beaucoup plus svrement puni dans la mesure o il revt un caractre dlictuel qui permet la victime d'obtenir, outre l'anantissement du contrat, le versement de dommages-intrts sur le fondament de l'article 1382 du Code civil ; et il a un domaine beaucoup plus large que celui de l'erreur de l'article 1110. S'agissant des conditions de mise en uvre du dol18, on rappellera que pour qu'il y ait dol, il faut des manuvres frauduleuses qui doivent tre intentionnelles et suffisamment graves. Celles-ci permettent de faciliter la preuve de l'erreur commise. En outre, ces manuvres doivent maner du cocontractant et non d'un tiers, moins que l'on puisse tablir une complicit entre eux, et doivent tre dterminantes. La gravit du dol s'apprcie in concreto par rapport la victime, sa plus ou moins grande navet ou exprience. En matire de dol, on retrouve la distinction bien connue du dol principal et du dol incident. Enfin, pour bien marquer l'importance du domaine du dol, il convient de rappeler que la jurisprudence a largement tendu la notion de manuvres de l'article 1116 en admettant que le silence puisse cinstituer un dol ngatif surtout dans les contrats o existe une obligation, mme tacite d'information et d'une faon gnrale l'encontre des professionnels19. La matire informatique l'illustrant bien.

c.- La violenceVise par l'article 1111 et suivants du Code civil, la violence est constitue par une contrainte physique ou morale exerce sur une personne pour l'amener contracter. Pour constituer un vice du consentement susceptible d'entraner l'annulation du contrat, la violence doit prsenter certains caractres d'ordre objectif et subjectif. Sont concerns tous les comportements contraignant contracter, soit par la violence physique directe, peu probable en matire informatique, soit au moyen de menaces sur la personne intresse, contre ses biens ou sur des tiers qui lui sont proches. Il s'agit dans ce cas l d'une violence morale. La menace qu'elle soit physique ou morale, doit tre injuste, illgitime, suffisamment importante et dterminante. Contrairement au dol, la violence est une cause de nullit mme si elle mane d'un tiers ou du cocontractant. En la matire, la jurisprudence a manifest la tendance de solliciter les articles 1111 et suivants en cas de consentement donn en situation de dpendance conomique ; l'informatique pouvant engendrer des hypothses de ce type. Lors, par exemple, du renouvellement du matriel informatique d'une entreprise, le client qui s'tait quip en lments prsentant une grande originalit ou singularit technique pourrait se trouver contraint, a-t-on dit, de recourir au fournisseur originel. vrai dire, supposer mme que la violence puisse, en pareil cas, tre retenue, force est de constater que la question tend aujourd'hui s'estomper en raison de la multiplication des matriels compatibles et des efforts effectus vers une plus grande portabilit des logiciels et d'une plus grande souplesse. Outre la capacit et le consentement, le Code civil exige un objet certain qui forme la matire de l'engagement.

II.- L'objet dans le contratAvant d'envisager les caractres de l'objet (B), il convient de s'intresser d'abord sa nature juridique (A).

A.- La nature juridique de l'objetL'objet du contrat doit se distinguer de l'objet de l'obligation et de l'objet de la prestation. En effet, l'objet du contrat c'est l'opration juridique raliser. Ces oprations sont en nombre illimit puisque, avec le principe du consensualisme, les parties peuvent varier l'infini l'objet de leur contrat condition de respecter l'ordre public et les bonnes murs. L'objet de l'obligation est constitu par la prestation promise. Selon la classification classique tablie par les articles 1101 et 1126 du Code civil, il peut s'agir d'une obligation de faire ou de ne pas faire, ou, d'une obligation de donner. Enfin, l'objet de la prestation c'est le bien sur lequel porte la prestation.

B.- Les caractres de l'objetL'objet doit non seulement exister (1), mais doit tre dtermin (2) et licite (3).

1.- Un objet relL'objet en tant qu'lment matriel est aussi ncessaire que le consentement, lment psychologique, la formation du contrat. S'agissant de matriels informatiques et de contrats de vente ou de louage par exemple, le contrat ne sera valablement form qu'autant que son objet sera une chose prsente, c'est--dire existant au moment de sa conclusion. En outre, le contrat peut porter sur une chose future conformment l'article 1130 du Code civil. On peut parfaitement envisager l'hypothse selon laquelle un fournisseur vendrait, par avance, une version d'un ordinateur qui ne serait pas encore ralise. On rappellera, que la considration que le chose n'existe pas au moment de la formation du contrat, en matire informatique, ne prive pas celui-ci de sa validit20. Prcisons ce titre, que la cession globale des uvres futures est nulle, selon l'article L.131-1 du CPI. Cette rgle fondamentale vise protger les auteurs contre les engagements abusifs, susceptibles d'hypothquer leur avenir. Elle ne s'oppose toutefois pas ce qu'un auteur cde ses droits sur une ou plusieurs crations futures identifies. Ainsi, la clause par laquelle les droits d'auteur sur un logiciel ralis dans le cadre d'un contrat de dveloppement seront cds l'utilisateur ne soulve aucune difficult. En revanche, la validit d'une clause prvoyant le principe de cession des droits d'auteur sur tout logiciel ou cration, non pralablement identifi, ralis dans le cadre d'une relation contractuelle de longue dure, tel un contrat d'assistance technique ou un contrat de rgie est assurment plus douteuse.

2.- Un objet dterminLa question de la dtermination de l'objet soulve deux difficults. La premire tient la dtermination de la chose (a), et la seconde la dtermination du prix (b).

a.- La dtermination de la choseL'article 1129 du Code civil dispose : il faut que l'obligation ait pour objet une chose au moins dtermine quant son espce. Autrement dit, il faut, pour que le contrat soit valable, que les parties aient dtermin la chose ou le service qui forme la matire de l'engagement. C'est dire que l'une des difficults, commune tous les contrats et particulirement vidente en matire informatique, tient au degr de prcision apporte par les parties la dtermination de la chose ou du service , objet de l'obligation. dfaut de pouvoir dterminer suffisance quelle a t la matire des engagements, ceux-ci devront tre rputs nuls comme ayant un objet inexistant. En revanche, il n'est pas indispensable que la chose ou le service soient dtermins ds la formation du contrat. Ils doivent pouvoir tre dterminables, condition que la dtermination ultrieure de l'objet ne dpende plus de la volont des parties mais de considrations objectives, comme c'est le cas avec les contrats d'informatisation ou les contrats cl en main, la prestation pouvant tre suffisamment dfinie par rfrence aux besoins relevs par l'utilisateur.

b.- La dtermination du prix Il s'agit de savoir si le prix doit tre dtermin ou au moins dterminable lors de la formation du contrat. Autrement dit, la dtermination du prix est-elle une condition de validit du contrat? L'indtermination du prix dans les contrats-cadres a longtemps t considr comme une cause de nullit du contrat pour violation de l'article 1129 du Code civil. En 1995, un important revirement jurisprudentiel a lieu. Par quatre arrts, L'Assemble plnire de la Cour de cassation le 1er dcembre 1995, dcide que l'article 1129 n'est pas applicable la dtermination du prix dans les contrats-cadres21. Il n'est donc plus question de nullit. Ainsi, l'absence d'exigence de dtermination du prix est devenue la rgle, la ncessit que le prix soit dtermin ab initio l'exception. Toutefois, certains auteurs dnoncent, prcisment cette volution disparatre du traitement du prix dans les contrats et mettent en vidence la cohrence douteuse des solutions du droit abusif22 concernant notamment la question de l'abus dans la fixation du prix.

3.- Un objet licite Le contrat pour tre valable, doit porter sur un objet licite c'est--dire un objet se trouvant dans le commerce juridique conformment l'article 1128 du Code civil. Peu importante en pratique dans notre domaine de savoir si l'objet et ou non dans le commerce juridique, c'est la licit des stipulations contractuelles travers la thorie des clauses abusives dont il sera ici question. Plus prcisment, il s'agira de savoir si la lgislation relative la protection des consommateurs contre les clauses abusives est susceptible d'tre appliques aux professionnels. Ce n'est donc pas de la dfinition mme de clause abusive qui nous intresse mais le domaine de l'application quant aux personnes de la lgislation consumriste contre les clauses abusives. Les contrats informatiques visant essentiellement les rapports entre professionnels, il est donc ncessaire de savoir comment la jurisprudence entend la notion de professionnel, cette qualfication ayant, bien sr, une incidence immdiate sur le rgime juridique applicable au contrat23. Au regard d'une tendance actuelle de la jurisprudence24 et de l'article L. 132-1 du Code la consommation issu de la loi du 1er fvrier 1995 qui cantonnent le champ d'application de la lgislation protectrice contre les clauses abusives au consommateur stricto sensu, le professionnel ne peut se prvaloir de la lgislation sur les clauses abusives. Aujourd'hui donc, il semble exclu que l'une des parties au contrat informatique qui aurait contract pour les besoins de sa profession ou l'occasion de son activit professionnelle puisse bnficier de la lgislation consumriste de lutte contre les clauses abusives. Toutefois, les professionnels ne restent pas dsarms face des clauses qui rompent trs significativement l'quilibre contractuel, comme par exemple des clauses limitatives de responsabilit ou des clauses pnales25, la jurisprudence, prenant le relai du lgislateur, n'ayant pas hsit, dans certaines hypothses faire appel aux concepts de droit commun. Outre l'objet du contrat, le Code civil exige galement une cause licite dans l'obligation.

III.- La cause dans le contratL'article 1131 du Code civil indique que pour tre valable, un engagement doit avoir una cause, c'est--dire une raison relle. La cause constitue donc, un lment de validit du contrat (C. civ., art. 1108) et, comme le prcise le Code civil l'obligation sans cause (...) ne peut avoir avoir aucun effet. C'est ce qui explique que l'absence de cause (A) ou l'illicit de la cause (B) emportent l'anantissement du contrat.

A.- Absence de causeIl existe deux motifs d'annulation du contrat lis l'existence de la cause : l'absence de cause et la fausse cause. En dehors du seul fait que l'article 1131 assimile la cause inexistante la fausse cause, ces deux notions distinctes, en ce qu'elles produisent les mmes consquences juridiques, feront l'objet d'une tude commune en se rfrant au droit commun des obligations. On retiendra tout d'abord que c'est au moment de la formation du contrat que l'on apprcie l'existence de la cause et que c'est toujours celui qui demande le nullit de l'engagement pour dfaut de cause d'tablir qu'elle n'existe pas (C. civ., art. 1135). En effet, il faut se placer au moment de la conclusion du contrat pour rechercher si l'engagement est caus. Le contrat doit prsenter un intrt rel pour celui qui s'oblige et le juge contrle si l'obligation a un fondement juridique. ce propos, il convient de rappeler les limites du contrle classique de l'existence d'une cause. On l'aura compris, la condition pose par les articles 1108 et 1131 du Code civil relative l'existence d'une cause l'obligation souscrite par les parties, ne permet, selon la thorie classique, que d'assurer une quilvalence abstraite des obligations contractuelles. En restant attache une comprhension objective de la cause, la jurisprudence traditionnelle se refuse ainsi sanctionner le caractre excessif de la prestation due par l'une des parties eu gard celle fournie par son cocontractant. La solution est d'autant plus significative que la cause aurait pu constituer un instrument efficace de sanction des obligations excessives. L'volution26 que semble connatre, selon la jurisprudence la plus rcente, le contrle de l'existence de la cause, n'en prend cet gard, que plus d'importance. S'agissant de la fausse cause, l'erreur sur l'existence de la cause, ft-elle inexcusable, justifie l'annulation de l'engagement pour dfaut de cause. La fausse cause quivaut alors une absence de cause. Pour finir, il convient de rappeler qu'un engagement sans cause ne peut avoir aucun effet. Par consquent, l'absence totale de cause suffit pour justifier l'anantissement du contrat. En revanche, l'absence partielle de cause n'entrane pas la nullit de l'obligation, celle-ci tant seulement rductible.

B.- Illicit de la causeLa cause de l'obligation doit tre licite et morale. Tel ne serait pas le cas si la contrepartie avait pour objet une chose hors du commerce par exemple. On sait que, pour savoir si la cause est ou non licite ou morale, les juges entendent la cause dans son sens subjectif comme tant le mobile dterminant du consentement des parties. Il s'agit de la cause impulsive et dterminante du consentement. Par un arrt de la premire chambre civile de la Cour de cassation du 7 octobre 1998, un contrat a pu tre annul pour cause illicite ou immorale mme lorsque le motif qui a dtermin l'une des parties conclure ce contrat n'a pas t connu de l'autre27. Cet arrt marque une rupture avec une jurisprudence antrieure qui exigeait que le motif illicite ou immoral soit connu des deux parties pour la mise en uvre de l'action en nullit pour cause illicite ou immorale28. tant absolue, la nullit peut tre demande par l'une ou l'autre des parties. Mais il est toujours possible de sauvegarder les intrts du cocontractant de bonne foi en faisant appel aux rgles de la responsabilit civile dlictuelle ou en paralysant le jeu des restitutions conscutives l'annulation.

Notes

1H. Bitan, Contrats informatiques, Litec, coll. droit@litec, 2002, pp. 31-80.

2Paris, 15 sept. 1995 : Gaz. Pal. 1996, 2, somm. p. 329, obs. H. Gabadou, posant bien ce principe, propos de la rsolution judiciaire : C. civ., art. 1184, pour inexcution d'un contrat relatif un logiciel.

3Ph. Le Tourneau, Thorie et pratique des contrats informatiques, Dalloz, Rfrence Droit priv, 2000, p. 2.

4Cass. 3me civ., 20 mai 1992 : D. 1992, somm. p. 397, obs. J. -L. Aubert.

5Ph. Malaurie et L. Ayns, Droit civil, Les obligations, Cujas, 9me d., 1998, n385.

6Cass. 3me civ., 10 mars 1989 : Bull. civ. III, n222.

7Cass. 3me civ., 10 dc. 1997 : Bull. civ. III, n223.

8V. n. J. -C. Serna, Le refus de contracter, thse, Paris, 1965.

9Paris, 30 avr. 1986 : Juris-Data n1986-21861.

10Sur cette question, v. not. Lamy droit de l'informatique et des rseaux, 2000, n808.

11Cass. 2me civ., 16 mai 1990 : Bull. civ. II, n98.

12V. n. M. Vivant, Le contrat dit de shrink-wap license : Cah. Lamy, nov. 1989 (H), p. 3.

13Pour une application en matire informatique, v. not. Montpellier, 18 juin 1987 : Juris-Data n1766-84.

14Cass. com., 23 mars 1996 : Contrats, conc., consom. 1996, p. 99, obs. L. Leveneur.

15Sur la reconnaissance de la personnalit juridique aux personnes morales, v. J. Carbonnier, Droit civil, Les personnes, PUF, coll. Thmis, Droit priv, 21me d., 2000, n176 et s.

16V. cass. 1re civ., 13 fvr. 2001 : Bull. civ. I, n31.

17Pour une application en matire informatique, v. Paris, 15 mai 1975 : JCP 1976, II, 18265, note M. Boitard et J. -C. Dubarry.

18Pour une application en matire informatique, v. Versailles, 14 avr. 1988, n 2822/87.

19V. en matire informatique, Paris, 11 janv. 1984 : Juris-Data n1984-020002.

20V. sur cette question, Lamy Droit de l'informatique et des rseaux, 2000, n923.

21Cass. ass. pln., 1er dc. 1995 : JCP 1995, II, 22565, concl. Jol, note J. Ghestin ; Defrnois 1996, p. 748, obs. Ph. Delebecque.

22V. N. Molfessis, Les exigences relatives au prix en droit des contrats, in Le contrat : questions d'actualit : Petites affiches 5 mai 2000, n90, p. 41 et s. ; Th. Revet, La dtermination unilatrale de l'objet dans le contrat, in L'unilatralisme et le droit des obligations, ss dir. Ch. Jamin et D. Mazeaud, colloque Universits de Lille II et de Paris-Val-de Marne (Paris XII), conomica, coll. tudes juridiques, 1999, n18, p. 44.

23V. en matire informatique, N. Balbo-Izarn, Le professionnel face aux risques informatiques : Petites affiches 16 fvr. 2001, n34.

24Cass. com., 14 mars 2000, Juris-Data n2000-001156 ( la lgislation de lutte contre les clauses abusives ne s'applique pas aux contrats de fourniture de biens ou de services ayant un rapport direct avec l'activit professionnelle exerce par le contractant).

25V. art. consacr la responsabilit contractuelle.26Cass. com., 22 oct. 1996, Chronopost : Bull. civ. IV, n261 ; D. 1997, jurispr. p.121, note A. Sriaux ; J. -P. Chazal, Thorie de la cause et justice contractuelle, propos de l'arrt Chronopost : JCP 1998, I, 152 ; Cass. 1re civ., 3 juill. 1996 : Bull. civ. I, n286; D. 1997, jurispr. p. 500 note Ph. Reign ; Cass. 1re civ., 10 fvr. 1998 : Bull. civ. I, n53 ; D. 1998, jurispr. p. 539, note D. Mazeaud ; Cass. 1re civ., 11 mai 1999 : Defrnois 1999, art. 37041 p. 992, obs. D. Mazeaud.

27Cass. civ., 7 oct. 1998 : D. 1998, jurispr. p. 563, concl. Sainte-Rose ; JCP 1998, II, 10202, note Malville.

28V. not. Cass. 1re civ., 12 juill. 1989 : Bull. civ. I, n292.

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