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N°1 Monsieur SANDALGI a épousé, en 2 nde noces, Mme SANDALGI, sous le régime légal. Il a eu un fils de son 1 er mariage. Il est décédé le 16 juin 2007 à Jonzac. Il avait un testament olographe aux termes duquel il instituait Mme SANDALGI légataire à titre particulier de « l’usufruit de ce qui sera le domicile conjugal au jour de son décès » précisant ne pas vouloir « grever son fils par un usufruit sur la totalité des biens ou par une indivision en pleine propriété». Depuis le décès ni la communauté ayant existé entre les époux, ni la succession de M. SANDALGI n’ont été liquidée et partagée. Mme SANDALGI désire sortir de cette situation, étant précisé qu’elle ne s’entend pas du tout avec son beau-fils. 1) Rechercher les solutions qui s’offrent à Mme SANDALGI pour mettre à un terme l’indivision dans laquelle elle se trouve depuis près de trois ans avec son beau-fils (donner les solutions au fond et la procédure à suivre) 2) Déterminer les droits de Mme SANDALGI dans la succession de son défunt mari en tenant compte des dispositions lapidaires du testament. I- L’indivision Tant que la succession n’est pas partagée, le conjoint survivant reste en indivision avec les enfants de défunt. En effet, le conjoint survivant recueillit l'usufruit mais les enfants auront la nue propriété et se retrouveront dans l'indivision avec le conjoint survivant au niveau de la nue propriété de sa partie de l'immeuble. En l’espèce, Mme SANDALGI conserve l’usufruit sur le domicile

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Page 1: Consultation juridique

N°1

Monsieur SANDALGI a épousé, en 2nde noces, Mme SANDALGI, sous le régime légal.

Il a eu un fils de son 1er mariage. Il est décédé le 16 juin 2007 à Jonzac.

Il avait un testament olographe aux termes duquel il instituait Mme SANDALGI légataire à titre particulier de « l’usufruit de ce qui sera le domicile conjugal au jour de son décès » précisant ne pas vouloir « grever son fils par un usufruit sur la totalité des biens ou par une indivision en pleine propriété».

Depuis le décès ni la communauté ayant existé entre les époux, ni la succession de M. SANDALGI n’ont été liquidée et partagée.

Mme SANDALGI désire sortir de cette situation, étant précisé qu’elle ne s’entend pas du tout avec son beau-fils.

1) Rechercher les solutions qui s’offrent à Mme SANDALGI pour mettre à un terme l’indivision dans laquelle elle se trouve depuis près de trois ans avec son beau-fils (donner les solutions au fond et la procédure à suivre)

2) Déterminer les droits de Mme SANDALGI dans la succession de son défunt mari en tenant compte des dispositions lapidaires du testament.

I- L’indivision

Tant que la succession n’est pas partagée, le conjoint survivant reste en indivision avec les enfants de défunt. En effet, le conjoint survivant recueillit l'usufruit mais les enfants auront la nue propriété et se retrouveront dans l'indivision avec le conjoint survivant au niveau de la nue propriété de sa partie de l'immeuble.

En l’espèce, Mme SANDALGI conserve l’usufruit sur le domicile conjugal tandis que le fils de défunt est nue propriétaire de la maison.

En principe, au terme de l’article 815 du code civil, « Nul ne peut être contraint à rester dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué… » par tout l’indivisaire. La Cour de cassation refuse aux juges du fond le pouvoir d'apprécier les motifs de la demande en partage présentée par l'un des indivisaires (Cass. civ., 26 déc. 1866). Le droit de demander le partage est un droit imprescriptible (Cass. req., 13 déc.

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1937). Le partage peut se faire soit avec l’accord des indivisaires soit en saisissant le tribunal en cas de désaccord.

En l’espèce, Mme SANDALGI ou le fils de défunt peuvent demander, à tout moment, le partage.

A- Partage amiable

Le partage amiable est régit par les articles 835 à 839 du code civil. Ainsi, au terme de l’article 835 du code civil dispose que si tous les indivisaires sont présents et capables, le partage peut intervenir dans la forme et selon les modalités choisies par les parties. Lorsque l'indivision porte sur des biens soumis à la publicité foncière, l'acte de partage doit être passé par acte notarié.

Par ailleurs, le partage amiable peut intervenir même en cas d’indivisaire absent. (art. 836). L’art. 837 du code civil dispose que tout copartageant peut mettre l'indivisaire défaillant en demeure, par acte d'huissier, de se faire représenter au partage amiable. Le défaillant a alors trois mois pour désigner un mandataire. S'il ne le fait pas, un copartageant peut saisir le juge pour obtenir la désignation d'une personne qualifiée qui représentera l'indivisaire défaillant jusqu'à la réalisation complète du partage. Toutefois, ce représentant aura tout de même besoin de l'autorisation du juge pour consentir au partage.

En l’espèce, Mme SANDAGLI et le fils de 1er lit sont capables. Par conséquent, dans l’hypothèse où Mme SANDAGLI trouve un terrain d’entente avec le fils de défunt sur l’indivision alors ils pourront procéder au partage selon les modalités qu’ils choisiront. Par exemple, les indivisaires peuvent décider de vendre le domicile conjugal et de partager le prix de vente entre eux.

B- Partage judiciaire

Le partage judiciaire est limité aux situations litigieuses. L'article 840 énumère les situations dans lesquels un indivisaire y a recours.  Cependant, le partage judiciaire doit demeurer exceptionnel, aussi l'article 842 autorise-t-il les copartageants à abandonner les voies judiciaires pour poursuivre le partage à l'amiable, lorsque les conditions d'un tel partage sont réunies.

En l’espèce, dans l’hypothèse où l’un des indivisaires refuse de procéder au partage amiable alors l’autre indivisaire peut saisir le tribunal pour demander le partage judiciaire.

C- Procédure du partage judiciaire

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Cette action est introduite sous forme d'assignation devant le tribunal de grande instance du lieu d'ouverture de la succession conformément à l’art. 54 du code de procédure civile. De plus, aux termes de l’article 841 du code civil, le tribunal compétent en cas de litiges concernant le maintien dans l'indivision ou les opérations de partage, est le tribunal du lieu d'ouverture de la succession. Par ailleurs, au titre de l’article 841-1, un notaire est commis pour établir l'état liquidatif. En cas d'inertie d'un indivisaire, le notaire a la possibilité de le mettre en demeure de constituer mandataire, par acte extrajudiciaire. L'indivisaire taisant dispose alors d'un délai de trois mois. Passé ce délai, s'il n'a pas constitué mandataire, le notaire demande au juge de désigner une personne qualifiée chargé de le représenter jusqu'à la réalisation complète des opérations de partage. Le partage ne peut plus être entravé par la réticence d'un indivisaire.

En l’espèce, dans l’hypothèse où la situation est bloquée à la suite d’un désaccord entre l’indivisaire, l’indivisaire qui veut sortir de l’indivision doit saisir le juge du lieu d’ouverture de la succession d'une demande en partage.

D- D’autres solutions de sortie de l’indivision

a) licitation

Les articles 817 à 819 du code civil prévoient la licitation ou le cantonnement comme voie de sortie de l’indivision. Si l'un des indivisaires en usufruit ou en nue-propriété souhaite sortir de l'indivision, il peut demander le partage par voie de cantonnement sur un bien qu'il recevra en usufruit ou en nue-propriété, selon la nature de son droit. Si le cantonnement n'est pas possible, il peut exiger la licitation de l'usufruit s'il est usufruitier ou de la nue-propriété s'il est nu-propriétaire. La licitation peut porter sur la pleine propriété si « elle apparaît seule protectrice de l'intérêt de tous les titulaires de droits sur le bien indivis » (art. 817 du code civil). Cependant, l'article 818 prévoit une limite à cette possibilité de vendre la pleine propriété : le juge ne peut, à la demande d'un nu-propriétaire, ordonner la vente de la pleine propriété d'un bien grevé d'usufruit contre la volonté de l'usufruitier. Il résulte de ces articles que la licitation est un substitut du partage en nature et que les immeubles ne doivent faire l'objet d'une vente aux enchères que lorsque ce dernier se révèle impossible. C'est le juge qui va apprécier souverainement si le partage peut ou non se faire en nature. C'est aussi lui qui va apprécier le caractère « commodément partageable » ou non des immeubles (Cass. civ., 1e, 12 janvier 1972). En effet, l’article 1377 du code de procédure civile prévoit que le tribunal ordonne, dans les conditions qu'il détermine,

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la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués.

En l’espèce, dans l’hypothèse où il n’y a pas d’accord possible sur le partage entre les indivisaires, Mme SANDAGLI ou le fils de défunt peuvent demander au juge d’ordonner la licitation de l’immeuble, c'est-à-dire la vente aux enchères.

b) attribution préférentielle

L’article 827 alinéa 1er du code civil subordonne la licitation des immeubles à la condition également, qu'ils ne puissent être « attribués dans les conditions prévues par le présent Code » c'est-à-dire les conditions de l'attribution préférentielle. En effet, l’attribution préférentielle peut être obtenue par simple accord des copartageants ou à défaut, une action judiciaire est possible tant que le partage n’a pas été ordonné (Cass. civ., 1re 9 janv. 2008). L’art. 833 du code civil dispose que l’attribution préférentielle peut être accordée « à tout héritier ou le conjoint, qu’il soit copropriétaire en pleine propriété ou en nue-propriété à charge pour lui de verser une soulte à ses copartageants, si nécessaire, afin de respecter le principe de l'égalité. Pour la cour de cassation, le conjoint survivant ne peut demander l’attribution préférentielle lorsqu’il ne vient qu’en usufruit (Cass. civ., 1re 27 juin 2000).

En l’espèce Mme SANDAGLI peut demander au tribunal l'attribution préférentielle du domicile conjugal, sans morcellement, à charge pour elle de verser une soulte au fils de défunt, si nécessaire. Mais cette attribution préférentielle n’est pas automatique car elle dépend de l’appréciation souveraine du juge.

c) céder ses droits à un tiers

L'un des indivisaires peut sortir également de l'indivision en cédant ses droits indivis à titre onéreux à un tiers. Cependant l'autre indivisaire est protégé par un droit de préemption légal prévu par l'article 815-14 du code civil. En effet, l’indivisaire, qui souhaite céder ses droits à un tiers, doit notifier, par acte extrajudiciaire, son intention aux autres indivisaires. Cette notification ouvre un délai d’un mois à tout indivisaire pour préempter. Si l’autre indivisaire souhaite faire cette acquisition, il dispose, sous peine de nullité de sa déclaration de préemption, de deux mois pour la réaliser à compter de la date d’envoi de sa réponse adressée à l’indivisaire vendeur.

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En l’espèce, Mme SANDAGLI peut vendre ses droits indivis soit au fils de défunt soit à une personne étrangère à l’indivision. Mais dans cette hypothèse, elle doit le notifier au fils de son mari afin qu’il puisse exercer sont droit de préemption.

d) rente viagère

L’art. 759 du code civil prévoit que tout usufruit appartenant au conjoint sur les biens du prédécédé donne ouverture à une faculté de conversion en rente viagère. En effet, l’usufruit peut être convertit en rente viagère ce qui évite le démembrement de la propriété tout en aboutissant au même résultat. Tous les héritiers peuvent demander cette conversion que le tribunal accorde ou apprécie souverainement en cas de mésentente. Cependant, le juge ne peut ordonner la conversion contre la volonté du conjoint de l’usufruit portant sur la résidence principale (art. 760). Cette faculté de conversion n’est pas susceptible de renonciation et ne peut pas être écarté par la volonté du défunt (art. 759-1). Elle peut être demandé jusqu’au jour du partage.

En l’espèce, Mme SANDGALI ou le fils du prédécédé peuvent demander la conversion de l’usufruit de domicile conjugal en rente viagère mais il faut que Mme SANDAGLI soit d’accord avec cette conversion.

En l’espèce, plusieurs solutions s’offrent aux indivisaires pour sortir de l’indivision. Cependant, il faudra privilégier les sorties amiables car elles sont moins contraignantes et moins longues.

II- Les droits de Mme SANDGALI dans la succession

A- Les droits du conjoint survivant en présence d’enfant du défunt

a) liquidation matrimoniale

Avant de procéder à une liquidation de la succession, il faut d’abord faire une liquidation matrimoniale. En cas de régime communautaire (régime matrimonial légal adopté par la majorité des époux – article 1400 et s. du code civil), le conjoint survivant grâce à la liquidation matrimoniale qui précède la liquidation successorale, conserve ses biens propres et obtient la moitié des biens communs.

L’autre moitié des biens communs ainsi que les biens propres du défunt constitueront la succession, dont une partie reviendra de plein droit au conjoint survivant. Une fois ce partage effectué, la part qui aurait dû revenir au défunt tombe dans sa succession et se partage entre ses héritiers.

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En l’espèce, Mme SANGALI était mariée sous le régime légal. Par conséquent, après la liquidation matrimoniale, elle conservera ses biens propres et la moitié des biens communs. La moitié des biens communs et les biens propres de son défunt mari vont constituer la masse partageable de la succession.

b) liquidation successorale

L’art. 732 du code civil dispose « est conjoint successible le conjoint survivant non divorcé ».

Au titre de l’article 757 du code civil, le conjoint survivant, en concours avec les enfants ou des descendants du de cujus, a, en principe, la possibilité de choisir d’obtenir soit la totalité de la succession en usufruit, soit le quart de celle-ci en pleine propriété. Cependant, quand il y a des enfants des précédentes unions alors le conjoint survivant n'a pas le choix : il reçoit le quart des biens en toute propriété. L'article 758-5 énonce la règle suivante pour le calcul du droit en pleine propriété: il faut tout d'abord établir une masse de calcul comprenant tous les biens existants au décès mais aussi, par réunion fictive, les biens dont le défunt aurait disposés soit par donation soit par testament, au profit de successibles, sans dispense de rapport. Le quart de cette masse représentera les droits du conjoint survivant qui ne pourra exercer son droit que sur les biens dont le défunt n’aura pas disposé ni par acte entre vifs, ni par acte testamentaire.

En l’espèce, Mme SANDAGLI a droit à ¼ de la succession et l’usufruit du domicile conjugal d’après le testament de son mari décédé.

B- Le logement

L'article 763 du Code civil prévoit la possibilité pour l'époux survivant d'occuper gratuitement le logement familial qui appartenait aux deux époux ou qui dépendait totalement de la succession pendant un an. Le conjoint successible est protégé par la loi qui lui accorde un droit à la conversion de l’usufruit (art 759 et s du C. civ), un droit au logement temporaire et un droit viager au logement (art 763 et s du C. civ) et un droit à pension (art 767). Mais ces droits ne sont pas automatiques car aux termes de l’art. 765-1 le conjoint survivant dispose d’un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de ces droits d'habitation et d'usage. L’article 765 précise que la valeur s'impute sur les droits successoraux recueillis par le conjoint. Donc si cette valeur se trouve être inférieure aux droits du conjoint survivant, ce dernier pourra prendre le

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complément sur les autres biens existants. En revanche si cette valeur est supérieure, le conjoint survivant ne sera pas tenu à réduction.

Il peut ensuite continuer de l'occuper sa vie durant, s'il appartenait aux époux ou dépendait entièrement de la succession. La valeur de ce droit d'habitation est déduite de sa part d'héritage.

En l’espèce, Mme SANDAGLI devait manifester sa volonté au bout d’un an pour bénéficier des droits d’habitation et d’usage. Mais 3 ans sont passés, donc elle ne peut plus manifester sa volonté. En revanche, elle continue de jouir du domicile conjugal en vertu des dispositions contenues dans le testament de son mari.

C Le droit à pension

L’article 767 du code civil dispose que la succession de l'époux prédécédé doit une pension au conjoint successible qui est dans le besoin.... Le délai pour réclamer la pension est d'un an à compter du décès ou à compter du moment où les héritiers cessent de s'acquitter des prestations qu'ils fournissaient auparavant au conjoint. Le délai se prolonge, en cas d'indivision, jusqu'à l'achèvement du partage. C’est la succession qui doit les aliments et non la personne des héritiers car c’est le défunt qui est censé être le débiteur (Cass. civ. 1re 9 mars 1994).

En l’espèce, et seulement si Mme SANDAGLI se trouve dans le besoin, elle peut faire la demande de la pension.

N°2

Un contrat de bail a été conclu entre M. et Mme PLAGNARD, aux droits desquels vient la SCI JEMMAPES SAINT LOUIS et M. et Mme JACQUART, aux droits desquels vient la SARL JMAP, pour une durée de neuf années à compter du 1er mai 1983.

Ce contrat a été reconduit tacitement.Le loyer a été révisé par le Juge des loyers en 1997.Par exploit délivré par Maître Eric CRUSARD et Olivier BOUDOT, huissiers de justice, le 23 septembre 2009, le bailleur a donné congé à la société JMAP avec offre de renouvellement à compter du 1er avril 2010, indiquant qu’il entendait voir porter le loyer du nouveau bail à la somme de 30 000 par an.

La société JMAP est d’accord sur le principe du renouvellement du bail mais conteste le montant du loyer proposé.

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1) Comment le locataire peut-il contester le montant du loyer proposé par le bailleur ?

2) Quelle juridiction est compétente ? Délais pour agir ?

I- Le renouvellement du bail commercial par le bailleur

Au terme de l’article L145-8 et L145-12 du code de commerce, le bail commercial peut faire l'objet d'un renouvellement pour une durée de 9 ans ou plus. L’article L145-9 du code de commerce prévoit le déroulement de la procédure de renouvellement à l’initiative du bailleur. En effet, l'offre de renouvellement doit être faite sous forme d'un congé qui doit impérativement être signifié au locataire par huissier, au moins 6 mois avant le terme du bail. Par ailleurs, l'offre doit indiquer à peine de nullité, les nouvelles conditions proposées pour le renouvellement.

En l’espèce, le bailleur a donné congé à la société JMAP le 23 septembre 2009 par exploit d’huissier avec offre de renouvellement à compter du 1er avril 2010 stipulant une augmentation du loyer du nouveau bail. Donc la signification de l’offre de renouvellement est valablement formée.

II - La procédure

A- La saisine du tribunal

En principe, le bail se renouvelle aux clauses et conditions du bail expiré, sauf convention contraire ou fixation du loyer par le juge (Cass. 3e civ., 17 mai 2006).

Le locataire peut accepter l’offre de renouvellement, tout en contestant le montant du loyer exigé. Dans ce cas, après la contre-proposition effectuée par le locataire et si elle est restée infructueuse, le litige peut être soumis à la commission départementale de conciliation. Mais le locataire peut également saisir, aux termes de l’article 29 du décret du 30 septembre 1953, le président du Tribunal de Grande Instance ou le juge qui le remplace pour contester la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, quel que soit le montant du loyer.

En l’espèce, la société JMAP doit saisir le président du TGI ou le juge qui le remplace afin de contester le nouveau montant du loyer.

B- La prescription

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Les articles L.145-9 et L.145-10 du Code de commerce prévoient un délai de forclusion de deux ans à l'intérieur duquel le locataire doit soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction. Dans le cas du congé à l'initiative du bailleur, le délai de deux ans court à compter de la date pour laquelle le congé a été donné. Le délai de deux ans est extrêmement strict car il ne peut être ni interrompu ni suspendu. Les tribunaux appliquent la forclusion avec rigueur (Cass. 3e civ., 21 juin 1995). Cependant, la loi du 4 août 2008 a mis fin à cette situation en supprimant des textes la qualification de forclusion attachée au délai. Le délai redevient un délai de prescription de deux ans régit par l’article L.145-60.

L'article L.145-60 du Code de commerce prévoit une prescription biennale laquelle est applicable à toutes les actions tirées de statut. Pour la cour de cassation, le point de départ du délai de prescription de la demande du bailleur, après congé avec offre de renouvellement pour un prix non accepté par le preneur, est fixé au jour de la prise d'effet du nouveau bail (Civ. 3e, 27 févr. 1979).

Il en résulte que cette action doit être exercée, en l'espèce, dans le délai de deux ans à compter de la date à partir de laquelle le principe du renouvellement s'est trouvé acquis, c'est-à-dire à partir du jour pour lequel le congé a été délivré soit à compter du 23 septembre 2009.

N°3

La société PRATOL employait M. ROBICHOU en qualité de directeur des affaires financières jusqu’en 2003.A compté de 2003, M.ROBICHOU s’est mis en son compte en créant la société ART CONSULTING. Il a continué à travailler avec la société PRATOL en tant que consultant et percevait alors des honoraires.De 2004 à 2008, M.ROBICHOU a détourné à la société PRATOL une somme totale d’environ 1 600 000 euros.

Pour procéder à ces détournements il utilisait tout simplement les carnets de chèques de la société PRATOL et en les signant avec sa propre signature. Il effectuait également des ordres de virement par fax en procédant à un copier coller de la signature du président de la société.

La société PRATOL a déposé plainte pour abus de confiance et une instruction pénale est actuellement en cours. La grande majorité des détournements a été effectué à partir des comptes BNP de la société PRATOL, cette dernière veut agir en responsabilité contre la banque, sans

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attendre l’issue du procès pénal.

1) Quelles solutions s’offrent à la société PRATOL ? Quelles juridictions doit elle saisir ? Sur quel fondement agir ?

2) Faut il attendre la fin de l’instruction pénale ? Si on agit tout de suite, l’avocat de la banque peut-il opposer le sursis à statuer en attendant l’issue du procès pénal ?

3) Les procès verbaux dressés par les OPJ au cours de l’enquête préliminaire peuvent ils être utilisés dans le cadre de la responsabilité contre la banque ?

M. ROBICHOU a détourné 1 600 000 euros à la société PRATOL en utilisant les carnets de chèques de la société et en les signant avec sa propre signature ainsi qu’en effectuant des ordres de virements par le fax en faisant le copier coller de la signature du président de la société.

La société PRATOL peut agir contre M.ROBICHOU, l’auteur de l’infraction et la banque.

I- ACTION EN JUSTICE À L’ENCONTRE DE L’AUTEUR DE L’INFRACTION

Dans ce cas précis, trois infractions paraissent pouvoir a priori être envisagée : le faux, l’escroquerie et l’abus de confiance.

A- Le faux

L’article 441- 1 du Code pénal définit le faux comme « toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques ».

Pour qualifier une infraction de faux, il faut réunir les éléments constitutifs : élément matériel du faux et élément moral du faux.

a) Elément matériel du faux

D’après la définition donnée par l’art.441-1 CP, l’élément matériel doit impliquer un document constituant le support matériel de l’altération de la vérité de laquelle doit découler un préjudice.

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1- le support matériel

L’art.441-1 CP vise « un écrit ou tout autre support ».

En l’espèce, M. ROBICHOU a utilisé un fax comme support matériel pour passer les ordres de virement.

2- l’altération de la vérité

L’art. 441-1 CP prévoit que l’altération de la vérité peut être « accomplie par quelque moyen que se soit ». Ainsi, la cour de cassation estime que la falsification peut prendre la forme d’une signature d’un acte au nom d’un tiers ou d’un nom imaginaire (Cass. crim., 28 nov. 1963). Elle estime que constitue un faux par apposition d’une fausse signature, le fait de signer un acte pour une autre personne sans son autorisation (Cass. Crim. 21 mai 1963) ou caractérise un faux en écriture de commerce la falsification des documents informatisés par l'introduction de fausses données, afin de réaliser de faux virements informatiques (CA Paris, 22 mai 1989).

En l’espèce, M.ROBICHOU a falsifié la signature du président de la société PRATOL sur les ordres de virements en procédant en un copier coller. Et il a également signé les chèques à son profit sans l’autorisation de la société PRATOL.

3- préjudice

L’art. 441-1 CP précise que l’altération de la vérité doit être « de nature à causer un préjudice ».

En l’espèce, la société PRATOL a subi un préjudice matériel, la perte d’une importante somme d’argent détourné par M.ROBICHOU.

b) Elément moral du faux

La chambre criminelle pose le principe que l’intention se déduit de la seule fabrication d’un acte destiné à violer la loi et à créer l’apparence d’une situation juridique préjudiciable à autrui. Le seul fait pour une juridiction de relever que l’auteur de l’infraction a sciemment fabriqué les fausses pièces suffit à caractériser l’élément intentionnel (Cass. crim. 25 févr. 1958).

En l’espèce, M. ROBICHOU a sciemment fabriqué des faux ordres de virement car il avait l’intention de détourner de l’argent.

Dans ce cas, tous les éléments constitutifs de faux sont réunis pour agir contre M.ROBICHOU sur le fondement de l’art. 441-1 CP. Donc il encourt une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

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B- L’abus de confiance

L’art. 314-1 CP définit l’abus de confiance comme « le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ».Pour qualifier une infraction de l’abus de confiance, il faut réunir les éléments constitutifs : la remise préalable, l’élément matériel et l’élément intentionnel.

a) remise préalable

L’art.314-1 CP fait référence à une remise acceptée. Donc pour que l'infraction soit constituée, il faut un accord préalable entre la victime et l'auteur de l'infraction. En plus, la remise de la chose doit avoir été volontaire (dans le cas contraire, les faits pourraient alors être qualifiés de vol). La chambre criminelle ajoute que la remise induite par l’abus de confiance ne doit pas s’accompagner du transfert de propriété ou de la libre disposition d’un bien (Cass. crim., 8 avr. 2009). Par conséquent, la remise doit être rendue.

En l’espèce, il existait un accord entre M.ROBICHOU et la société PRATOL car il travaillait avec cette société en tant que consultant. Et le carnet de chèque a été remis volontairement à M.ROBICHOU mais pour une durée déterminée.

b) élément matériel

L’art. 314-1 CP fait référence pour caractériser l’élément matériel de l’infraction au seul détournement du bien remis. La Cour de cassation précise que pour que l’infraction soit constitué il suffit que le propriétaire ne puisse plus exercer sur le bien remis ses droits (Cass. crim. 2 déc. 2003).

En l’espèce, M.ROBICHOU a utilisé les carnets de chèques remis par la société PRATOL pour détourner l’argent à son profit.

c) élément intentionnel

En vertu de l’article 121-3 CP « Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ».

En l’espèce, M.ROBICHOU s’est approprié sciemment le carnet de chèque de la société PRATOL en y apposant sa signature pour s’en servir comme un moyen de détournement de l’argent qui ne lui appartenait pas.

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Dans ce cas, tous les éléments constitutifs d’abus de confiance sont réunis pour agir contre M.ROBICHOU sur le fondement de l’art.314-1 CP. Donc il encourt une peine de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.

C- L’escroquerie

L’art. 313-1 CP définit l'escroquerie comme « le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ».

Pour qualifier une infraction de l’escroquerie, il faut réunir les éléments constitutifs : la tromperie, la remise, le préjudice et l’élément intentionnel.

a) la tromperie

L’art. 313-1 CP énumère limitativement les procédés frauduleux destinés à tromper : l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, de l'abus d'une qualité vraie, de l'emploi de manoeuvres frauduleuses. Ainsi, la cour de cassation sanctionne pour l’escroquerie, l’agent qui a obtenu la remise de fonds sur la base d’une facture falsifié (Cass. crim., 6 avr. 1994).

En l’espèce, les ordres de virement adressés à la banque constituent des manœuvres frauduleuses car ils étaient falsifiés par le procédé de copier coller de la signature du président. Par ailleurs, le détournement des chèques de la société par M.ROBICHOU est également constitutif de la tromperie.

b) la remise

L’art.313-1 CP rappelle que l’infraction de l’escroquerie suppose une remise des fonds, des valeurs ou un bien quelconque ainsi qu’une fourniture d’un service ou un consentement d’un acte opérant obligation ou décharge.  La commission de l’infraction suppose que les moyens utilisés aient été déterminants de la remise. Donc la remise doit être la conséquence des manœuvres frauduleuses.

En l’espèce, il y a eu une remise des carnets de chèque et des ordres de virement qui ont servis à la pratique des manœuvres frauduleuses.

c) préjudice

Page 14: Consultation juridique

L’art. 313-1 se réfère à une remise faite au « préjudice de la victime ou d’un tiers ».

En l’espèce, la société PRATOL a subi un préjudice provoqué par le détournement de 1 600 000 euros.

d) élément intentionnel

Conformément à l’article 121-3 CP « Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Par conséquent, cela suppose que l’auteur de l’infraction ait voulu tromper la victime en recourant aux moyens frauduleux.

En l’espèce, M.ROBICHOU a sciemment utiliser les carnets de chèques et les ordres de virement falsifiés pour détourner de l’argent à la société PRATOL.

Dans ce cas, tous les éléments constitutifs d’escroquerie sont réunis pour agir contre M.ROBICHOU sur le fondement de l’art. 313-1 CP. Donc il encourt une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.

D- Concours des qualifications

Les trois qualifications (faux, abus de confiance, escroquerie) sont unies entre elles par un résultat identique : s’approprier frauduleusement le bien d’autrui. Par conséquent, il est possible que les poursuites à l’encontre M. ROBICHOU puissent être engagées sur le fondement de ces 3 qualifications à raison des mêmes faits. C’est ainsi que la chambre criminelle a jugé que les condamnations pouvaient porter alternativement sur l’usage de faux ou l’escroquerie (Cass. Crim., 30 mars 1992). Dans un autre arrêt, la chambre criminelle a jugé que les qualifications d’abus de confiance et d’un faux étaient cumulatives (Cass. crim., 19 déc., 1935).

Par conséquent, M.ROBICHOU peut donc être poursuivi simultanément pour plusieurs qualifications : de faux, d’abus de confiance et d’escroquerie, ou être repris alternativement pour faux après avoir été jugé pour abus de confiance ou l’escroquerie.

E- Saisine du tribunal

La personne qui se prétend victime d'une infraction pénale peut classiquement porter son action civile devant la juridiction répressive, à fin d'indemnisation du préjudice subi il qui doit être « direct et personnel » engendré par l'infraction (art. 2 alinéa 1er CPP). Le tribunal compétent, pour connaître des infractions punies d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende d’un montant supérieur ou égal à 3750 euros, est le

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tribunal correctionnel (art. 381 CPP). En principe, le tribunal compétent est soit celui dans le ressort duquel l’infraction a été commise soit dans le ressort duquel le prévenu réside ou a été arrêté (art. 382 CPP).

En l’espèce, la société PRATOL a subi personnellement le préjudice lié au détournement de 1 600 000 euros. Donc elle peut se constituer partie civile et saisir le tribunal correctionnel compétent territorialement.

Cependant, l’action à l’encontre de M.ROBICHOU peut s’avérer pas très intéressante car il peut arriver qu’il soit insolvable par exemple, en dépensant tout l’argent détourné. Par conséquent, il paraît judicieux d’engager une action contre la banque.

II- L’ACTION EN JUSTICE À L’ENCONTRE DE LA BANQUE   : RESPONSABILITÉ DE LA BANQUE

La société PRATOL peut également rechercher à engager la responsabilité de la banque. En effet, l’art. 1382 du code civil prévoit que chaque faute qui crée un préjudice peut entrainer la réparation du dommage subi. D’ailleurs, l’obligation à réparation découlant de la faute est considérée par le Conseil constitutionnel comme un principe de valeur constitutionnelle (Cons. Const. 22 oct. 1982).

Pour obtenir la réparation sur le fondement des art. 1382 et 1383 du code civil, il faut prouver la faute, le préjudice et le lien de causalité.

A- Les éléments constitutifs de la responsabilité

a) La faute

L’art. 1383 du code civil admet que la faute puisse découlée de l’imprudence ou de négligence. La jurisprudence est hésitante dans le domaine de la responsabilité du banquier. En effet, la cour de cassation admet la responsabilité de plein droit du banquier en qualifiant ce dernier de dépositaire (Cass.com., 10 oct. 2000; Cass.com. 3 nov. 2004). Ainsi, dans l’hypothèse d’un ordre de payement faux la responsabilité sans faute du banquier s’impose sauf en cas de faute du client (Cass. com., 9 juil. 1996 ; Cass. Com., 26 nov. 1996). Cependant parfois, la cour de cassation penche pour la responsabilité pour faute qui doit être établie par la victime (Cass. com., 29 janvier 2002).

En principe, le banquier recevant un ordre de virement est tenu d'un certain nombre d'obligations. Aussi doit-il vérifier la régularité de cet ordre, et notamment la signature du titulaire du compte et l'absence d'anomalies (Cass. Com. 6 janv. 1955). La Cour de cassation qui estime

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que « la banque réceptionnaire d'un ordre de virement ne peut se borner à un traitement automatique sur son seul numéro de compte, sans aucune vérification sur le nom du bénéficiaire » (Cass. com., 29 janv. 2002). En effet, il a été jugé qu’un ordre de virement douteux devrait normalement inciter le banquier à se rapprocher de son client pour lui demander la confirmation de celui-ci (Cass. Com., 27 févr. 1996).

En l’espèce, société PRATOL peut soutenir que la banque a commis une faute de négligence car elle aurait dû appeler le donneur d’ordre afin de vérifier que c’était bien lui qui donnait l’ordre de passer les virements surtout que les montants des virements étaient très importants. Cette vérification aurait permis de s’assurer s’il s’agit bien d’un virement autorisé par la société PRATOL et qu’il n’y a pas eu d’erreur de montant.

b) préjudice

La cour de cassation estime que le préjudice doit être direct, actuel et certain (Cass. civ.1re 24 nov. 1942).

En l’espèce, le préjudice subi par la société PRATOL rempli ces critères car c’est elle qui a subi personnellement le dommage en raison de détournements.

c) lien de causalité

La cour de cassation estime qu’une faute n’engage la responsabilité de son auteur que si elle est la cause de dommage (Cass. civ. 2e, 2 mars 1956).

En l’espèce, le défaut de non vérification supplémentaire en présence d’anomalies, comme des sommes très importantes des virements passés par fax, est la cause des détournements réalisés par M.ROBICHOU. Par conséquent, tous les éléments de la responsabilité fondée sur la faute sont réunis.

B- Exonération de la responsabilité

La cour de cassation fait l’obligation au dépositaire de restituer les fonds déposés à la personne qui les lui a confiés en vertu de l’article 1937 du code civil (Cass. Com., 26 nov. 1996). Ainsi, la chambre commerciale de la Cour de cassation retient qu'en l'absence de faute du déposant, le banquier tiré qui, même en l'absence de faute de sa part (imitation parfaite de la signature) a payé sur présentation d'un faux ordre, n'est pas libéré de son obligation de restitution à l'égard de son client et doit donc

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recréditer son compte du montant du chèque (Cass.com., 24 nov. 2000). Par conséquent, le banquier tiré reste soumis à une obligation de restitution alors même qu'il aurait respecté son obligation générale de vigilance et comparé scrupuleusement la signature figurant sur le chèque à celle du spécimen en sa possession, l'application de cette solution est sans condition du constat de la matérialité de la contrefaçon. Ainsi, il a été jugé que la banque avait commis une faute, dans une affaire où un préposé avait émis, par voie électronique, des faux ordres de virements mentionnant en chiffres les références de son propre compte et en lettres les noms des véritables créanciers (Cass. com. 29 juin 2002).

Mais la banque a la possibilité de limiter cette obligation de restitution, voire de l'exclure en prouvant que le titulaire du compte a commis une faute à l'origine de la création de son propre préjudice (CA Paris, 3 janv. 1975). Par exemple, peut constituer une faute la confiance qu'il a témoignée au faussaire en lui indiquant le numéro de son compte, ou sa position, ou en lui donnant un spécimen de sa signature (CA Paris 29 avr. 1964).

En l’espèce, la société PRATOL pourra prétendre à la restitution des sommes détournées mais cette restitution pourra être limitée si la banque prouve que la société a été négligente par exemple qu’elle n’a pas surveillé ses relevés de compte bancaires surtout qu’il est probable que le détournement s’est déroulé progressivement (sur plusieurs mois).

C- La saisine du tribunal

Même si l’action civile en réparation a pour cause une infraction pénale, elle peut aussi être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique (art. 4 alinéa 1er CPP), sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil.

Le tribunal compétent, pour statuer sur les contestations en matière commerciale relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit ou entre eux, est le tribunal de commerce (art. L721-3 du code du commerce). Conformément à l’art. 42 du code de procédure civile, le tribunal de commerce territorialement compétent est celui du défendeur. Ainsi, le Tribunal de commerce peut intervenir sur les matières traitées par le Tribunal de Grande Instance, dès lors que les parties sont commerçantes.

Néanmoins, dans les circonscriptions où il n'est pas établi de tribunal de commerce, le tribunal de grande instance connaît des matières attribuées aux tribunaux de commerce. En effet, la procédure applicable devant le

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tribunal de commerce l'est également devant le tribunal de grande instance lorsque celui-ci est désigné pour statuer en matière commerciale au motif que le tribunal de commerce ne peut pas se constituer ou statuer (art. 878-1 CPC et art. L.722-4 C.com).

En l’espèce, la société PRATOL peut porter son action civile devant le tribunal de commerce mais également le tribunal de grande instance car l’une des parties est commerçante et l’autre un établissement du crédit. Cependant, la procédure devant le tribunal de commerce est plus simplifiée.

III- Le sursis à statuer

L’avocat du banquier, assigné devant la juridiction civile, a la possibilité d’opposer une exception de sursis à statuer dans l'attente de la décision du juge pénal sur le fondement des dispositions de l'article 4 du Code de procédure pénale qui énoncent qu'il est sursis au jugement de l'action exercée devant la juridiction civile tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.

En effet, selon l’art. 4, alinéa 2, du C.P.P, « il est sursis au jugement de l’action civile exercée devant la juridiction civile tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement ». Cette règle est un moyen d’assurer le respect du principe de l’autorité de la chose jugée qui permet d’éviter la contradiction entre le criminel et le civil. Cependant, l’art. 4, alinéa 3, introduit par la loi du 5 mars 2007, dispose que la mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des actions exercées devant la juridiction civile. La cour de cassation rappelle que le juge civil conserve la faculté de surseoir à statuer s’il le souhaite et que cette décision relève de son pouvoir discrétionnaire (Cass. soc. 17 sept. 2008). Par conséquent, le juge civil dispose d’un certain pouvoir d’appréciation en matière de sursis

mais le sursis s'impose toujours pour les actions en réparation du préjudice causé par une infraction.

En l’espèce, l’avocat de la banque pourra opposer les sursis à statuer mais uniquement dans le cadre de l’action est en réparation c'est-à-dire si la victime, société PRATOL, demande les dommages et intérêts. En effet, dans le cadre d’autres hypothèses d’actions civiles le sursis n’est plus obligatoire et laissé à l’appréciation du juge qui va rechercher si la banque, le défendeur, oppose le sursis uniquement pour retarder le jugement principal en déclenchant des poursuites pénales. Mais un tel

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comportement peut être sanctionné du chef d'abus de constitution de partie civile (l'article 472 CPP prévoit que la partie civile qui a mis en mouvement l'action publique peut être condamnée s'il est prouvé qu'elle avait agi de mauvaise foi ou témérairement).

IV- Les procès verbaux

Conformément à la règle de l’intime conviction, les procès-verbaux constatant les infractions ne valent en principe qu’à titre de renseignements (art. 430 CPP). Ainsi, les éléments consignés dans le procès-verbal pourraient valoir à titre de renseignements (Cass. Crim., 5 nov. 1996).

Selon l’art. 429 CPP, un procès-verbal n’a de valeur probante que s’il est régulier en la forme et que le rédacteur a personnellement vu ou entendu. Le procès-verbal fait foi jusqu’à la preuve de contraire (art. 537 CPP). En effet, il ne peut être infirmé que « par écrit ou par témoins» (art. 431 CPP).

En l’espèce, les procès-verbaux dressés par les OPJ peuvent être utilisés dans le cadre de la procédure en responsabilité contre la banque dans l’hypothèse où ils ont été rédigés de façon règulière.