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contrats Edité par Pascal Pichonnaz Franz Werro La pratique contractuelle 3 Symposium en droit des contrats

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Edité par

Pascal Pichonnaz Franz Werro

La pratique contractuelle 3

Symposium en droit des contrats

Le présent ouvrage fait suite au troisième colloque de la pratique contractuelle qui s’est tenu à l’Université de Fribourg le 22 novembre 2012. Ce colloque entend pré-senter l’actualité en droit des contrats et livrer quelques analyses de fond en cette matière.

Les contributions réunies dans ce volume ont pour objet le contrat de leasing, le contrat de franchise, le contrat de distribution, le contrat de licence, les négocia-tions et les accords précontractuels. L’une d’elles livre une analyse de l’évolution de la jurisprudence fédérale en matière de conflits d’intérêts de l’avocat.

L’ouvrage contient par ailleurs un résumé de la jurisprudence récente relative à l’ensemble du droit des contrats.

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Edité par

Pascal Pichonnaz / Franz Werro

La pratique contractuelle 3

Edité par

Pascal Pichonnaz Franz Werro

La pratique contractuelle 3Symposium en droit des contrats

Information bibliographique de la Deutsche NationalbibliothekLa Deutsche Nationalbibliothek a répertorié cette publication dans la Deutsche Nationalbibliografie; les données bibliographiques détaillées peuvent être consultées sur Internet à l’adresse http://dnb.d-nb.de.

Tous droits réservés. Toute traduction, reproduction, représentation ou adaptation intégrale ou partielle de cette publication, par quelque procédé que ce soit (graphique, électronique ou mécanique, y compris photocopie et microfilm), et toutes formes d’enregistrement sont strictement interdites sans l’autorisation expresse et écrite de l’éditeur.

© Schulthess Médias Juridiques SA, Genève · Zurich · Bâle 2012 ISBN 978-3-7255-6693-8

www.schulthess.com

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Table des matières

Franz Werro

Le contrat de leasing dans la pratique 3

Pascal Pichonnaz

Le contrat de franchise : état de son évolution 41

Benoît chaPPuis

Les conflits d’intérêts de l’avocat et leurs conséquences à la lumière des évolutions jurisprudentielle et législative récentes 69

thomas ProBst

Le contrat de licence 105

Dominique Dreyer

Contrats de distribution : deux questions 129

nicolas Kuonen

Négociations et accords précontractuels : incartades à l’unité des acteurs, du lieu et de l’action 149

anne-christine Fornage/Pascal Pichonnaz/Franz Werro

Jurisprudence choisie en droit des contrats 177

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anne-christine Fornage/Pascal Pichonnaz/Franz Werro*

Jurisprudence choisie en droit des contrats

I. Le contrat de vente 179

II. Le contrat de bail 179 A. Les dispositions générales 179 B. La protection contre les loyers abusifs ou d’autres prétentions abusives du bailleur 183 C. Les autorités et la procédure 191 D. Le bail à ferme 192

III. Le contrat de travail 193 A. La formation du contrat 193 B. Les obligations de l’employeur 194 C. La fin du contrat 199

IV. Le contrat d’entreprise 204 A. Les dispositions générales 204 B. La garantie pour les défauts de l’ouvrage 206 C. Le prix 207

V. Le contrat de mandat 208 A. Le mandat dans le domaine de la construction 208 B. Le mandat dans le domaine bancaire et financier 208 C. Le mandat dans le domaine médical 212 D. Le mandat dans le domaine judiciaire 214

VI. Le contrat de courtage 215

VII. Le contrat de représentation commerciale 215

VIII. Le contrat d’agence 216

* Avocate à Sion, docteure en droit, LL.M., professeure remplaçante à l’Université de Lausanne, chargée de cours à l’Université Fribourg/Professeur à l’Université de Fribourg/Professeur à l’Université de Fribourg et au Georgetown University Law Center (Washington D.C.)/.

Les résumés de jurisprudence portent sur une sélection d’arrêts publiés sur le site internet du Tribunal fédéral (consulté pour la dernière fois le 19 septembre 2012). Nos remerciements vont à Béatrice Hurni (MLaw, avocate), Jessica Mabillard (MLaw), Aurélie Cornamusaz (BLaw), Arnaud Nussbaumer (MLaw), Martino Rizzello (MLaw) et Alborz Tolou pour leur aide dans la préparation de ce texte.

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IX. Le contrat de prêt 216

X. Le contrat de cautionnement 217

XI. Le contrat d’assurance 218

XII. Les contrats innommés 220 A. Le contrat de garantie indépendante 220 B. Le contrat d’enseignement et d’internat 221 C. Le contrat de franchise 221 D. Le contrat de transaction 222 E. Le contrat de cession de contrat 223

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I. Le contrat de vente1. effets du dol du vendeur – co 203, co 28 – Le vendeur ne peut invoquer le

caractère tardif de l’avis des défauts lorsqu’il a induit en erreur l’acheteur intentionnelle-ment. Le comportement dolosif peut notamment consister dans la dissimulation de faits, si l’un des contractants a un devoir d’information à l’égard de l’autre. Un tel devoir peut découler de la loi, du contrat ou des règles de la bonne foi. Le juge en décide d’après les particularités de l’espèce. En l’occurrence, le vendeur a commis un dol en passant sous silence les coûts de réfection du chauffage. Ceux-ci étaient suffisamment importants pour justifier une information de sa part et pour retenir que les acheteurs n’auraient pas acheté l’immeuble pour le prix fixé, sans avoir été informés de ces dépenses. TF, 03.05.2012, 4A_721/2011.

2.Clauseexclusivedegarantie,venteimmobilière–CO199– Le Tribunal fédéral rappelle que le régime de la garantie pour les défauts est de nature dispositive. Il est donc loisible aux parties d’exclure toute garantie de la chose vendue, même en matière de vente immobilière. Le fait que la garantie pour les défauts soit en pratique régulièrement exclue des contrats de vente immobilière lorsque l’objet n’est pas vendu à l’état de neuf ne permet pas de conclure à l’existence d’une lacune de la loi ; ce constat montre simplement que les parties utilisent régulièrement le pouvoir de régler leurs rela-tions juridiques de manière différente de ce que propose le législateur. Il faut toutefois rappeler que l’exclusion de garantie ne vaut pas pour les défauts intentionnellement cachés (art. 192 al. 3 et 199 CO) ou pour les défauts avec lesquels l’acquéresse pouvait raisonnablement ne pas compter qu’ils grèveraient la chose vendue. Enfin, demeurent couvertes par les règles usuelles applicables en matière de garantie pour les défauts, les qualités expressément promises par la venderesse par rapport à la chose vendue. TF, 22.08.2011, 4A_272/2011.

3. garantie pour les défauts – co 197 – Le Tribunal fédéral confirme le juge-ment cantonal qui avait retenu, en se fondant sur une expertise judiciaire, que n’était pas un défaut un jeu de 9 mm sur le pilier principal d’une grue. Ce problème handicapait certes le fonctionnement de l’engin, mais pouvait être corrigé sans frais considérables. Il rejette par ailleurs les prétentions liées au manque à gagner résultant de l’arrêt néces-saire de la grue pendant les travaux de réparation, celles-ci étant insuffisamment établies. TF, 18.01.2012, 4A_401/2011.

II. Le contrat de bail

A. Les dispositions générales

4. contrat de bail tacite – co 1 al. 2 – occupation illicite d’un local, action en revendication–CC641al.2– Le bail peut certes être conclu tacitement (art. 1 al. 2 CO),

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mais le silence opposé à l’autre partie à réception d’une offre ne vaut en principe pas acceptation. Le Tribunal fédéral se prononce dans ce sens s’agissant de l’absence de réac-tion du bailleur au courrier de sous-locataires qui souhaitaient régulariser leur situation. Il confirme par là le jugement de l’autorité précédente donnant raison au bailleur dans son droit de revendiquer la chose louée en application de l’art. 641 al. 2 CC. Les faits retenus ne révèlent pas de circonstances qui, prises isolément ou dans leur ensemble, auraient de bonne foi pu être interprétées par les sous-locataires comme la manifestation de volonté du bailleur de se lier à eux par un contrat de bail, quelle qu’ait pu être sa volonté interne. TF, 01.05.2012, 4A_188/2012.

5. prescription des prétentions en répétition d’acomptes de charges ou de frais accessoirespayésentrop–CO67,128– Le remboursement d’acomptes de charges ou de frais accessoires versés en trop obéit à des règles distinctes selon que l’on se trouve avant ou après la présentation du décompte par le locataire. Dans la première hypothèse, la restitution doit avoir lieu selon les règles contractuelles. Le délai de prescription est de cinq ans en vertu de l’art. 128 ch. 1 CO. Dans la seconde hypothèse, la correction du décompte et la prétention qui en découle se fondent sur les dispositions en matière d’enrichissement illégitime. Conformément à l’art. 67 al. 1 CO, le délai relatif est d’un an à compter du jour où la partie a eu connaissance de son droit de répétition. La connaissance propre à faire courir le délai annal existe lorsque le créancier a acquis un degré de certitude tel sur les faits fondant son droit de répétition que l’on peut dire, selon les règles de la bonne foi, qu’il n’a plus de raison ou n’a plus de possibilité de recueillir davantage d’informations. Seule compte la connaissance effective de la prétention, non le moment auquel le créancier aurait pu connaître son droit de répétition en faisant preuve de l’attention requise par les circonstances. On exige cependant du créancier qui connaît les éléments essentiels de sa prétention qu’il se renseigne sur les détails et qu’il recueille les informations nécessaires à la conduite de la procédure. Quel que soit le fondement du droit de répétition dans le cas d’espèce, l’action en restitution des montants versés en trop n’est pas prescrite. En particulier, si l’on considère que le locataire a accepté les décomptes litigieux, le dies a quo ne saurait être celui de la réception de la clé de répartition et des frais accessoires. Les doutes que le locataire a exprimés au bailleur sur l’exactitude des montants articulés sont en effet restés sans réponse, laissant planer l’incertitude. Ce n’est que lorsque le bailleur a communiqué au locataire un tableau indiquant le pourcentage de charges dû, lui permet-tant par là de comprendre l’erreur qui avait été commise et d’acquérir la certitude d’une atteinte à son patrimoine, que celui-ci disposait des éléments suffisants pour agir en justice. TF, 29.06.2011, 4A_267/2011.

6.Invalidationpourerreuressentielle–CO23,24–Présenced’undéfaut – co 258 s. – Lorsque le locataire demande une réduction de loyer en raison d’un défaut, il ne saurait se prévaloir d’une erreur essentielle. De l’attitude du locataire, il faut déduire que celui-ci ratifie par actes concluants le contrat sur lequel il fonde sa prétention, laquelle suppose qu’un contrat a été valablement conclu. En l’occurrence, la mise en herbe par

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le bailleur d’une surface de dix mètres rendait cette partie du terrain inutilisable pour le locataire. Cette interdiction d’aménagement existait toutefois déjà lors de la conclusion du contrat. La chose présentait donc un défaut initial que le locataire a accepté. Il ne peut en conséquence faire valoir que des prétentions qu’il serait en droit d’élever si le défaut était survenu en cours de bail (art. 258 al. 2 CO). En vertu des art. 259a al. 1 let. b et 259d CO, le locataire peut réclamer une réduction proportionnelle du loyer, laquelle se déter-mine en principe selon la méthode relative ou proportionnelle. La valeur objective de la chose avec défaut est comparée avec sa valeur objective sans défaut. Le loyer est ensuite réduit dans la même proportion. Cette méthode se révèle toutefois difficilement applicable lorsque, comme en l’espèce, le défaut est de moyenne importance. On admet dès lors une appréciation en équité, par référence à l’expérience générale de la vie, au bon sens et à la casuistique. TF, 02.12.2011, 4A_483/2011.

7.Présenced’undéfaut–CO259al.1let.aetb–Travauxréalisésparleloca-taire–CO260a– En droit du bail, la chose est défectueuse lorsqu’elle ne présente pas une qualité promise par le bailleur ou lorsqu’elle ne présente pas une qualité sur laquelle le locataire pouvait légitimement compter en considération de son droit de recevoir la chose dans un état approprié à l’usage convenu. En l’occurrence, le locataire allègue l’existence d’un défaut dès lors que les locaux loués sont inaptes à l’exploitation d’un café-restaurant. L’interprétation à laquelle se livre le Tribunal fédéral met en lumière que si la convention des parties contient bien une clause prévoyant que la destination des locaux était celle d’un « café restaurant tea-room », lesdits locaux étaient dépourvus de tout aménagement à cette fin. Rien dans l’état de fait ne permet de conclure que le locataire ne pouvait de bonne foi croire que le bailleur prendrait à sa charge un tel aménagement. Il incombe donc au loca-taire de faire réaliser les travaux nécessaires et d’assumer les frais qui y sont liés. Confor-mément à l’art. 260a al. 1 CO, le locataire doit obtenir le consentement écrit du bailleur pour apporter des modifications à la chose louée. Celui-ci ne pourra en l’occurrence guère lui refuser son autorisation, dans la mesure où cet accord tendra à un usage des locaux explicitement prévu par le contrat. TF, 11.11.2011, 4A_476/2011.

8.Modificationparlelocatairedelachoselouée–CO260a– Selon l’art. 260a al. 1 CO, le locataire n’a le droit de rénover ou de modifier la chose louée qu’avec le consentement écrit du bailleur. Une modification consiste en une atteinte volontaire à la substance de la chose louée, dont résulte une divergence dans la conception et dans l’état convenus conventionnellement de la chose louée. En guise d’exemples, la doctrine cite la pose d’un revêtement en tissu sur un sol en parquet, l’installation d’un raccordement téléphonique ou encore la plantation d’arbres. Le Tribunal fédéral confirme le jugement de l’autorité cantonale en ce sens que le montage d’une parabole de 1.6 mètre de haut, fixée sur un tuyau en fer planté dans un socle de béton de 0.24 x 0.24 mètre de large et 0.57 mètre de haut, alors qu’une partie de celui-ci est enterrée dans le gazon du jardin de l’appartement loué, de telle sorte que l’installation, certes petite (0.24 x 0.24 mètre), ne peut être déplacée que de quelques centimètres par deux jeunes hommes, ne peut être assimilée à un parasol,

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un banc de jardin ou des plantes de jardin en pot. Il faut au contraire y voir une modifica-tion de la chose louée, indépendamment du fait que l’installation soit cachée derrière un buisson. TF, 28.03.2012, 4A_ 541/2011.

9. egards du locataire pour les autres habitants – co 257f – A teneur de l’art. 257f al. 2 CO, le locataire doit avoir pour les personnes habitant la maison et les voisins les égards qui leur sont dus. Lorsque le maintien du bail est devenu insuppor-table pour le bailleur ou les personnes habitant la maison parce que le locataire, nonobs-tant une protestation écrite du bailleur, persiste à manquer d’égards envers les voisins, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat. Les baux d’habitations peuvent être résiliés moyennant un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d’un mois (art. 257f al. 3 CO). Ils peuvent cependant être résiliés avec effet immédiat si le loca-taire cause volontairement un préjudice grave à la chose (art. 257f al. 4 CO). Dans sa protestation écrite, le bailleur doit indiquer précisément quelle violation il reproche au locataire, afin de lui permettre de rectifier son comportement. La doctrine majoritaire et la jurisprudence admettent que le bailleur peut exceptionnellement renoncer à l’avertis-sement si une telle mesure apparaît d’emblée inutile. En l’occurrence, le locataire avait un comportement consistant à vociférer et à insulter ses voisins et leurs enfants. Il leur inspirait de la peur, claquait les portes, tapait les murs et cassait des objets chez lui. Ce comportement donnait au bailleur le droit de résilier le bail en vertu de l’art. 257f al. 2 et 3 CO, bien que le locataire ait été privé de discernement. Celui-ci ne saurait se prévaloir du fait que le bail avait été signé avec son tuteur. Cela ne suffit pas à établir que le bailleur aurait eu connaissance des problèmes comportementaux constatés par la suite. On ne peut en conséquence voir dans la résiliation du bail une violation du principe de la bonne foi. TF, 20.09.2011, 4A_263/2011.

10. egards du locataire pour les autres habitants – co 257f – L’art. 257f al. 3 CO permet au bailleur, moyennant un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d’un mois, de résilier le contrat de bail, lorsque le maintien de celui-ci est devenu insupportable pour lui ou les personnes habitant la maison, parce que le locataire persiste à enfreindre son devoir de diligence ou à manquer d’égards envers les voisins, malgré une protestation écrite du bailleur. Le droit de résilier au sens de cette disposition suppose que les conditions suivantes soient cumulativement remplies : une violation grave du devoir de diligence incombant au locataire, un avertissement écrit du bailleur, la persistance du locataire à violer son devoir en relation avec le manquement invoqué par le bailleur dans son avertissement, le caractère insupportable du maintien du contrat pour le bailleur ou les personnes habitant la maison et, finalement, le respect du préavis de trente jours pour la fin d’un mois. En l’espèce, le Tribunal fédéral confirme le jugement de l’autorité précédente constatant que ces conditions sont remplies. Il n’est notamment pas arbitraire d’accorder plus de crédit aux témoignages concordants des personnes qui s’étaient plaintes des bruits excessifs provenant de l’appartement litigieux, plutôt qu’aux allégations de la personne principale visée par les protestations des voisins. Enfin, une période de huit mois entre

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l’ultime protestation écrite du bailleur et la résiliation du bail ne peut être tenue pour inadmissible. En l’occurrence, rien n’indiquait que, en attendant huit mois, le bailleur aurait manifesté que le maintien du bail ne lui était plus insupportable. TF, 10.04.2012, 4A_87/2012.

B. La protection contre les loyers abusifs ou d’autres prétentions abusives du bailleur

11. demeure du locataire, avis comminatoire – co 257d – L’avis comminatoire de l’art. 257d al. 1 CO produit ses effets dès que le locataire reçoit le pli recommandé et qu’il atteste par sa signature en avoir pris livraison auprès de l’agent distributeur ou, s’il n’est pas remis immédiatement au locataire et qu’un avis de retrait est déposé dans sa boîte aux lettres ou sa case postale, au moment où le locataire le retire effectivement au guichet postal, voire, si le locataire ne le retire pas dans ce délai, le 7e jour du délai de garde. Par ailleurs, l’envoi par le bailleur de la résiliation du bail le dernier jour du délai de paiement ne viole pas l’art. 257d al. 1 CO si le locataire a effectivement reçu le pli après l’expiration du délai et qu’il n’a pas été induit en erreur ou n’a pas été empêché d’effectuer son paie-ment à temps. TF, 29.11.2011, 4A_451/2011.

12. résiliation anticipée du bail, demeure du locataire dans le paiement du loyer – co 257d, co 271 – Selon l’art. 257d CO, le bailleur peut fixer au locataire en demeure d’un terme ou de frais accessoires échus un délai pour s’acquitter des montants dus. L’avis comminatoire doit indiquer clairement et précisément le montant impayé. Il n’a pas à répertorier d’autres dettes du locataire envers le bailleur qui ne font pas l’objet de la sommation. Une indication chiffrée n’est cependant pas indispensable, il suffit que l’objet de la mise en demeure soit déterminable sans discussion, par exemple avec une désignation précise des mois de loyers impayés. Tel est le cas en l’occurrence. Le locataire a en effet reçu quatre avis lui fixant quatre délais de paiement pour les loyers mensuels correspondants. Il ne s’est toutefois acquitté que de trois versements dans le laps de temps imparti. Même si le dernier avis comminatoire ne mentionnait qu’un seul loyer mensuel impayé, le locataire ne pouvait penser qu’il était à jour dans ses paiements. C’est dès lors à tort qu’il reproche au bailleur de ne pas avoir récapitulé dans ce dernier avis le montant des loyers encore dus. Il ne saurait de surcroît obtenir l’annulation du congé sur la base de l’art. 271 CO en invoquant le caractère insignifiant du montant impayé. Celui-ci correspond à un loyer mensuel, lequel ne saurait être qualifié d’insignifiant, soit de dérisoire ou d’infime. La notion doit en effet être interprétée restrictivement, afin de ne pas remettre en question le droit du bailleur à recevoir le loyer à l’échéance. Pour le surplus, la résiliation signifiée un mois après l’expiration du délai comminatoire n’est pas un motif d’annulation, puisque, en l’espèce, le locataire ne s’est pas acquitté du loyer impayé durant cette période qui a de surcroît donné lieu à des pourparlers entre les parties. TF, 27.01.2012, 4A_641/2011.

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13. résiliation anticipée du bail, demeure du locataire dans le paiement du loyer – co 257d, co 271 – Le bailleur peut résilier de manière anticipée le bail lorsque le locataire est en demeure de payer le loyer (art. 257d CO). Il est admis que le congé prononcé conformément à cette disposition peut, à titre très exceptionnel, contrevenir aux règles de la bonne foi et justifier une annulation fondée sur l’art. 271 al. 1 CO. Une telle hypothèse doit toutefois être admise très restrictivement, afin de ne pas mettre en ques-tion le droit du bailleur à recevoir le loyer à l’échéance. De telles circonstances spéciales sont notamment réalisées lorsque le montant impayé est insignifiant ou lorsque le bailleur éprouve un doute sur le montant de sa créance et invite le locataire à vérifier le montant réclamé, tout en le menaçant de résiliation avant d’avoir acquis la certitude que la somme demandée était justifiée. Le congé peut également être abusif si l’arriéré a été réglé très peu de temps après l’expiration du délai, alors que le locataire s’était jusqu’alors toujours acquitté à temps du loyer, ou encore si le bailleur résilie le contrat longtemps après l’expi-ration de ce délai. Sur le principe, une résiliation fondée sur la réelle demeure du locataire ne contrevient pas à la bonne foi ; demeure réservée l’hypothèse où le bailleur était mû par un motif réel autre que le défaut de paiement, motif qui constitue un abus de droit. En l’occurrence, le locataire n’a pas payé un arriéré de loyer de quatre mois sans fournir d’explication. Il a persisté à ne rien verser tout en occupant les locaux et a laissé encore s’écouler une quinzaine de jours après le dépôt d’une requête en évacuation. Au vu des travaux qu’il a effectués, le locataire a certes un intérêt au maintien du contrat. Cet élément ne suffit toutefois pas à rendre le congé abusif et à reléguer au second plan l’intérêt du bailleur à recevoir le loyer à l’échéance. TF, 11.06.2012, 4A_108/2012.

14. résiliation anticipée du bail, demeure du locataire dans le paiement du loyer – co 257d, 271 s. – L’art. 257d CO permet au bailleur, lorsque le locataire a du retard pour s’acquitter d’un terme ou de frais accessoires échus après réception de la chose louée, de lui octroyer un délai de paiement et de lui signifier qu’à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail. Ce délai doit être de dix jours au moins (al. 1). L’absence de paiement dans ce délai ouvre au bailleur le droit de résilier le contrat avec effet immédiat. Les baux d’habitation et les baux de locaux commerciaux peuvent être résiliés moyennant un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d’un mois (al. 2). La demeure du loca-taire au sens de cette disposition suppose que la créance soit exigible et que celui-ci soit en retard dans son paiement, soit qu’il ne se soit pas acquitté de cette créance au terme prévu. Une interpellation du créancier n’est pas nécessaire. Il s’agit là de conditions qui doivent être cumulativement remplies. A défaut, la résiliation par le bailleur reste sans effet. Par ailleurs, la sommation du bailleur doit indiquer le montant payé de façon suffisamment claire et précise. Il n’est toutefois pas nécessaire que l’indication soit chiffrée. Il suffit que l’objet de la mise en demeure soit déterminable sans discussion. Ce n’est en outre que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que l’on peut concevoir qu’un congé donné conformément à l’art. 257d CO puisse être annulable en vertu de l’art. 271a al. 1 let. a CO. De telles circonstances ne sont pas données dans le cas d’espèce. TF, 06.12.2011, 4A_566/2011.

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15. contrat de bail lié à un rapport coopératif avec une société coopérative d’habitation–Relationentrelarésiliationdubailetl’exclusiondelasociétécoopé-rative–CO266a–Le rapport entre le coopérateur/locataire et la coopérative d’habitation est double : d’une part, un rapport corporatif, de caractère social, se crée entre la société coopérative et son nouveau membre lors de l’acquisition de la qualité d’associé et, d’autre part, un rapport d’obligation, de caractère individuel, résulte de la conclusion du contrat de bail à loyer par la société coopérative avec ce nouveau membre. Ce double rapport contrac-tuel génère certaines interférences, essentiellement au stade de la résiliation, compte tenu notamment de la convergence des buts. La résiliation ne peut en effet intervenir que pour des motifs justifiant également l’exclusion de la société coopérative pour un juste motif ou un autre motif statutaire, sauf disposition particulière du contrat de bail. Il en résulte que le congé donné au locataire pour effectuer des travaux dans les locaux qu’il exploite est inefficace, dès lors qu’un tel motif n’est pas prévu dans les statuts de la coopérative. TF, 12.07.2011, 4A_258/2011.

16.Modificationunilatéraledurégimedesfraisaccessoires–CO269d,oBLF 19 – Le bailleur peut modifier le régime des frais accessoires en cours de bail. Il doit toutefois procéder conformément à l’art. 269d CO. L’art. 19 al. 1 let. b OBLF exige en outre que l’avis du bailleur contienne la désignation des prétentions, la date de leur entrée en vigueur et les motifs de la modification. Selon la jurisprudence, l’art. 269d CO prescrit une forme qualifiée s’étendant à la motivation de la modification annoncée. En l’occurrence, le bailleur n’a pas indiqué sur la formule officielle quelles dépenses occasionnent les frais qui devaient à l’avenir être refacturés au locataire. Il n’a pas non plus précisé la base de calcul retenue pour fixer la provision. L’avis ne permettait pas au locataire d’apprécier si la modifi-cation requise était économiquement neutre ou si elle impliquait une augmentation de loyer, voire l’introduction de nouveaux coûts. A défaut d’être motivée de façon suffisamment précise, la modification unilatérale est nulle. TF, 06.07.2011, 4A_268/2011, ATF 137 III 189.

17.Questionjuridiquedeprincipe–LTF74al.2let.a– Majorationdeloyer,loyersindexés,clausedereconductiontacite–CO269d,270c– Même lorsque la valeur litigieuse est insuffisante, le recours en matière civile est recevable devant le Tribunal fédéral lorsque la question juridique posée soulève une incertitude caracté-risée qui appelle de manière pressante un éclaircissement. Tel est le cas du calcul de la prochaine indexation lorsque le bail est assorti d’une clause d’indexation valablement reconduite pour une période déterminée. Le Tribunal fédéral précise que la prochaine indexation doit être calculée en se référant à l’indice des prix à la consommation connu au moment de la dernière fixation du loyer, sans égard à la reconduction tacite intervenue dans l’intervalle. Le bail se poursuit donc aux conditions en vigueur à l’échéance, lorsque, comme en l’espèce, ni le montant du loyer, ni la clause d’indexation qui en régit la fixa-tion n’ont été modifiés. En d’autres termes, l’indexation ne doit pas être calculée à partir de la date de la reconduction, mais à partir de la date de la précédente fixation du loyer. TF, 06.07.2011, 4A_268/2011, ATF 137 III 189.

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18. Modification du loyer pour prestations supplémentaires du bailleur, améliorationsénergétiques–CO269a,OBLF14– L’augmentation de loyer justifiée par des prestations supplémentaires du bailleur n’est pas abusive (art. 269a CO). En vertu de l’art. 14 al. 1 OBLF, sont de telles prestations les investissements qui aboutissent à des améliorations créant des plus-values. Cette disposition énonce que les frais causés par des réparations importantes sont en général considérés comme des investissements créant des plus-values à raison de 50 % à 70 %. Ce taux forfaitaire est une mesure de simplification, car, en présence d’importantes réparations, la distinction est souvent difficile à opérer entre travaux d’entretien couverts par le loyer actuel et travaux engendrant une plus-value justi-fiant une hausse de loyer. Le taux forfaitaire n’est toutefois qu’une simple alternative à la détermination exacte des plus-values créées par de tels travaux. Selon l’art. 14 al. 2 OBLF, certaines améliorations énergétiques sont également des prestations supplémentaires. Elles peuvent être retenues dans leur totalité, pour autant qu’elles soient de nature à engendrer une réduction des frais accessoires. Comme la hausse de loyer est liée au montant des investissements ayant créé une plus-value, il se justifie de déduire d’éventuelles subven-tions de ces investissements. TF, 02.11.2011, 4A_484/2011.

19. Modification du loyer pour prestations supplémentaires du bailleur –CO269a,OBLF14– L’augmentation de loyer justifiée par des prestations supplé-mentaires du bailleur n’est pas abusive (art. 269a CO). En vertu de l’art. 14 al. 1 OBLF, sont de telles prestations les investissements qui aboutissent à des améliorations créant des plus-values. Elles se distinguent des réparations habituelles et de l’entretien courant d’un point de vue essentiellement quantitatif. Elles se caractérisent par le fait qu’elles touchent de nombreuses parties de l’immeuble et qu’elles génèrent un coût considérable par comparaison avec l’état locatif de l’immeuble. La règle de l’art. 14 al. 1 OBLF consiste à considérer que les frais causés par des réparations importantes sont des investissements créant des plus-values à raison de 50 % à 70 %. Elle poursuit un but de simplification pour éviter d’avoir à déterminer la part exacte des travaux à plus-value. Elle vise également à encourager ou du moins à ne pas décourager le bailleur d’entreprendre des travaux plus importants que nécessaires, ce dont les locataires bénéficient également. Il s’agit toutefois d’une présomption qui peut être renversée. Le bailleur peut donc établir que la part des frais donnant lieu à plus-value est supérieure à 70 %, tandis que le locataire peut établir que cette part est inférieure à 50 %. La détermination concrète ne doit toutefois intervenir que lorsqu’il est aisé de distinguer la part qui donne lieu à plus-value, afin de ne pas ignorer purement et simplement la présomption. En l’occurrence, les coûts avancés par le bailleur résultent de travaux conséquents sur le bâtiment. Il s’agit d’importantes réparations au sens de l’art. 14 al. 1 OBLF. La règle de simplification posée par cette disposition s’applique, dès lors que les locataires ne sont pas parvenus à apporter la preuve qu’il était aisé de distinguer la part de coûts correspondant à des travaux d’entretien de celle qui a généré des plus-values. Dans la fourchette entre 50 % et 70 %, dire quel est le pourcentage qu’il faut retenir est une question d’appréciation que le Tribunal fédéral ne peut revoir qu’avec retenue. En l’espèce, ce point n’avait pas à être réexaminé. La cour cantonale ayant choisi

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le minimum fixé par la présomption, il n’y avait pas d’intérêt au recours sur ce point pour les locataires. TF, 30.05.2012, 4A_102/2012.

20.Contestationduloyerinitial,critèredefixationparl’autorité–CO269–L’interprétation de la déclaration du bailleur contenue dans la formule officielle ne permet pas de déterminer si celui-ci a entendu privilégier le critère de calcul fondé sur la hausse des coûts (rendement excessif) ou celui fondé sur les prix du marché pratiqués pour des objets comparables (loyers usuels). Le Tribunal fédéral confirme le jugement de l’autorité précédente constatant la nullité du loyer initial et fixe celui-ci en application du critère du rendement, car le locataire doit être en mesure de pouvoir prouver que le loyer est abusif selon l’art. 269 CO. Conformément à la jurisprudence prononcée dans ce domaine, le critère des loyers usuels n’est utilisé que dans les situations dans lesquelles le rendement n’est pas abusif ou lorsqu’il n’est pas possible de le déterminer, notamment en présence d’immeubles anciens TF, 11.10.2011, 4A_276/2011.

21.Contestationduloyerinitial–CO269,269a,270,OBLF11al.4– Pour que le locataire puisse contester le loyer initial (art. 270 al. 1 CO), il doit avoir été contraint de conclure le bail, soit par nécessité personnelle ou familiale, soit en raison de la situation du marché local, soit encore parce que le loyer a été sensiblement augmenté par rapport à celui payé par le locataire précédent. La demande de diminution de loyer initial n’est rece-vable que si l’une de ces conditions au moins est remplie. Dans le cas d’espèce, le locataire invoque la situation de contrainte engendrée par le marché local genevois. Le nouveau locataire peut admettre que seule cette situation a entraîné l’augmentation de son loyer initial par rapport au précédent loyer. La bonne foi du locataire doit être protégée ; le juge ne saurait examiner l’admissibilité de la hausse à la lumière d’autres critères, à moins que le locataire lui-même ne le réclame. En l’occurrence, le bailleur a justifié l’augmentation du loyer en invoquant les loyers usuels dans le quartier (art. 269a let. a CO). Le locataire s’est pour sa part prévalu du rendement abusif au sens de l’art. 269 CO. Le premier s’est donc fondé sur un critère absolu de fixation du loyer, fondé sur le marché, tandis que le second s’est basé sur autre un critère absolu, déterminant le loyer à partir des coûts. Ces deux critères, s’ils sont antinomiques, obéissent à une hiérarchie. Les exceptions prévues à l’art. 269a CO sont subsidiaires ; ces exceptions ne s’appliquent que si la présomption ne peut être renversée par le locataire. La présomption légale de l’art. 269a let. a CO peut par exemple être renversée si le locataire prouve que le rendement de l’immeuble est exagéré au sens de l’art. 269 CO. Il y a donc en principe une prééminence du critère absolu du rendement net (art. 269 CO) par rapport à celui des loyers usuels du quartier (art. 269a let. a CO). Toutefois, pour les immeubles anciens, à savoir ceux qui ont été acquis ou construits il y a quelques décennies et pour lesquels il est impossible d’établir le rendement excessif faute de connaître les fonds propres entrant dans le calcul du loyer, la hiérarchie des critères absolus est inversée. Ainsi, si le loyer initial ne dépasse pas les limites des loyers usuels, il n’est pas considéré comme abusif, sans qu’il se justifie de procéder à un calcul de rende-ment net de l’art. 269 CO par rapport à celui des loyers usuels du quartier de l’art. 269a

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let. a CO. Dans le cas d’espèce, il n’y a pas lieu d’inverser l’ordre des critères absolus, car l’immeuble dans lequel se trouve l’appartement remis à bail n’est pas ancien. En vertu de l’art. 269 CO, les loyers sont abusifs lorsqu’ils permettent au bailleur d’obtenir un rende-ment excessif de la chose louée. Le prix de vente des actions de la société immobilière versé par le bailleur ne saurait en principe servir de base à la détermination du rendement admissible au sens de cette disposition. La jurisprudence admet un correctif au prix d’ac-quisition lorsque le bailleur a acquis le bien à un prix préférentiel, au motif que l’avantage consenti est destiné exclusivement à favoriser le bailleur, et non pas ses locataires. Dans un tel cas, le calcul de rendement peut se fonder sur la valeur du marché au moment de l’acquisition. La preuve d’un tel rendement incombe certes au locataire, mais le bailleur doit collaborer loyalement à l’administration des preuves et fournir les éléments qu’il est le seul à détenir. En l’espèce, le bailleur n’a pas établi la valeur du marché d’un appartement tel que celui loué au moment de l’acquisition des actions. On peut ainsi admettre avec la cour cantonale que le prix d’achat des actions est déterminant pour le calcul du rendement. A la lumière de ce calcul, le loyer apparaît abusif. Les statistiques genevoises sur les loyers ne sont dans ce contexte d’aucun secours pour le bailleur, car elles ne fournissent pas de données suffisamment différenciées sur les éléments nécessaires à des comparaisons concluantes. Il ne s’agit donc pas des statistiques officielles envisagées par l’art. 11 al. 4 OBLF. TF, 27.01.2012, 4A_645/2011.

22.Nullitépartielduloyerinitial,abusdedroit–CO269,270al.2– S’agissant de la contestation du loyer initial, l’abus de droit peut entrer en considération lorsque la partie a eu conscience d’emblée du vice de forme et qu’elle s’est abstenue intentionnel-lement de l’invoquer immédiatement afin d’en tirer avantage par la suite. En revanche, le fait de payer sans discuter pendant cinq ans un loyer surévalué par rapport aux critères contenus aux art. 269 ss CO et de ne s’inquiéter de cette situation qu’après la survenance d’un litige ne saurait, à lui seul, suffire pour admettre que le locataire commet un abus de droit en se prévalant de l’absence de l’usage de la formule officielle lors de la fixation du loyer initial. Le Tribunal fédéral confirme le jugement de dernière instance cantonale prononçant la nullité partielle du bail sur la base de l’art. 270 al. 2 CO. Pour fixer le loyer initial, le juge doit se fonder sur toutes les circonstances du cas. Parmi les facteurs à prendre en compte, il y a notamment le montant admissible selon l’art. 269 CO (qui intègre la notion de rendement), les loyers non abusifs pratiqués dans le quartier, le loyer payé par le précédent locataire. Le rendement d’une sous-location ne peut toutefois être fixé pour le locataire (sous-bailleur) de la même manière que pour le propriétaire de l’immeuble, du fait que le premier ne peut au mieux que faire un léger bénéfice de la sous-location. Si le local est régulièrement sous-loué, le loyer du précédent sous-locataire représente pour le juge un élément d’appréciation important puisqu’il constitue la rémunération pour l’usage de la même chose. En présence d’une première sous-location, comme c’est le cas en l’occurrence, le seul loyer permettant de servir de point de comparaison est celui fixé dans le bail principal. Le Tribunal fédéral admet toutefois le recours sur ce point, dès lors que la cour cantonale a fixé le montant du loyer en omettant de tenir compte des

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frais accessoires. Disposant des éléments nécessaires pour faire usage de la faculté de réformer l’arrêt entrepris, la Haute Cour fixe le loyer en tenant compte de ces charges. TF, 10.01.2012, 4A_490/2011.

23.Résiliationordinaire,vastestravauxd’assainissementdelachoselouée,caractère abusif – co 271 – La résiliation pour le prochain terme ordinaire n’exige pas de motif particulier, cela même si elle entraîne des conséquences pénibles pour le loca-taire. Elle est annulable uniquement si elle contrevient aux règles de la bonne foi. De telles règles sont violées lorsque la résiliation ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection, qu’elle est purement chicanière ou encore qu’elle est fondée sur un motif qui ne constitue manifestement qu’un prétexte. La résiliation en vue de vastes travaux d’assainissement de la chose louée ne contrevient pas aux règles de la bonne foi. Il en va de même si le locataire se dit prêt à rester dans l’appartement le temps des travaux et à s’accommoder des désagréments qui en résultent. Sa présence entraîne en règle générale des complications, des coûts supplémentaires ou une prolongation de la durée des travaux. La résiliation est contestable uniquement s’il apparaît que la présence du locataire compli-quera tout au plus de manière insignifiante les travaux, par exemple en cas de réfection des peintures ou en cas de travaux extérieurs (rénovation de façade, agrandissement d’un balcon, etc.). La décision sur la nature et l’étendue de la rénovation est en principe l’affaire exclusive du propriétaire. En règle générale, celui-ci est en droit d’entretenir et d’améliorer l’état de l’immeuble à sa guise et de procéder à des travaux d’entretien ou de rénovation même s’ils ne sont pas urgents ou absolument nécessaires. En l’espèce, le Tribunal fédéral confirme le jugement de dernière instance cantonale constatant le caractère non abusif du congé donné pour les travaux importants que le bailleur souhaite effectuer sur l’objet du bail, à la lumière des travaux qu’il a précédemment exécutés dans l’immeuble. Le fait que le locataire ait oralement proposé au bailleur de se reloger le temps des travaux ne suffit de surcroît pas pour annuler la résiliation. Il faut bien plus que le bailleur obtienne des garanties sérieuses que le locataire peut se loger ailleurs. On ne saurait exiger du bailleur qu’il renonce à mettre fin au contrat de bail sur la base de vagues promesses du locataire. TF, 03.08.12, 4A_126/2012.

24. Annulabilité du congé, calcul de la valeur litigieuse – co 271a – preuve du besoinurgentdubailleur–CO261al.2let.a–Lorsque l’action tend à faire annuler la résiliation d’un bail à durée indéterminée, la valeur litigieuse équivaut au loyer de la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n’est pas valable, laquelle s’étend jusqu’à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné. Si, comme en l’espèce, la contestation émane du locataire, la durée déterminante ne saurait être infé-rieure à la période de trois ans pendant laquelle l’art. 271a let. e CO consacre l’annulabilité d’une résiliation signifiée après une procédure judiciaire. Le dies a quo de ce délai triennal – dans l’optique du calcul de la valeur litigieuse – est la date de la décision cantonale atta-quée. Il faut ensuite se placer à l’échéance de cette période de protection pour déterminer le terme de résiliation le plus proche. S’agissant en outre du besoin urgent pour lui-même

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ou pour ses parents ou alliés permettant au nouveau propriétaire de locaux d’habitation ou de locaux commerciaux de résilier un contrat de bail conformément à l’art. 261 al. 2 let. a CO, celui-ci doit être établi par le bailleur. Un tel besoin ne présuppose pas une situa-tion de contrainte, voire un état de nécessité. Des motifs économiques ou d’autres raisons peuvent suffire. En l’occurrence, le bailleur a indiqué dans sa résiliation vouloir installer sa sœur dans les locaux loués. Il a également invoqué l’insuffisance de rendement de ceux-ci, ne permettant pas à l’autorité cantonale d’être convaincue de la réalité du besoin urgent invoqué. Lorsque l’existence de ce besoin n’est pas établie, il n’y a pas lieu de convertir la résiliation pour motif extraordinaire en résiliation pour motif ordinaire pour le prochain terme pertinent. Le bailleur peut toutefois notifier à titre préventif une nouvelle résilia-tion pour le cas où celle signifiée précédemment est nulle ou inefficace. Il faut cependant que cette manifestation de volonté du bailleur puisse être comprise comme telle par le locataire. En l’occurrence, la résiliation pour rendement insuffisant apparaissait comme un motif accessoire. Même en application du principe de la confiance, le locataire ne pouvait comprendre qu’on lui signifiait subsidiairement un congé ordinaire. TF, 04.07.2011, 4A_189/2011, ATF 137 III 389.

25. diminution du loyer en cours de bail – co 270a, oBLF 13 al. 4 – Une demande de diminution de loyer s’apprécie selon la méthode relative. Le locataire peut demander une diminution notamment à cause d’une baisse des charges du bailleur, en particulier en raison d’une baisse du taux hypothécaire de référence intervenue depuis la dernière fixation du loyer. Lors d’une modification du loyer faisant suite à une variation du taux hypothécaire, il y a lieu de vérifier si et dans quelle mesure les variations anté-rieures ont entraîné une variation du loyer (art. 13 al. 4 OBLF). Il s’agit d’une brèche pratiquée dans la méthode relative. La portée de cette règle a toutefois été atténuée dans diverses circonstances. Renoncer durant une longue période n’a toutefois pas pour effet de priver le locataire du droit de se prévaloir d’une diminution du loyer ultérieurement. Est seul pertinent le point de savoir si une fixation de loyer a eu lieu dans l’intervalle et sur quelle base. En l’occurrence, aucune fixation de loyer n’est survenue durant la période considérée. C’est donc à tort que le bailleur se plaint de la violation de l’art. 270a CO. TF, 09.02.2012, 4A_677/2011.

26.Résiliationordinaire,bonnefoi–CO262,271et271aal.1let.a–Le congé ordinaire ne suppose pas un motif de résiliation particulier. En principe, chacune des parties est libre de résilier le contrat de bail pour son échéance en respectant le délai de congé. Pour les baux d’habitations et de locaux commerciaux, une résiliation ordinaire valable à la forme est annulable uniquement si elle contrevient aux règles de la bonne foi, ce qu’il appartient au locataire de prouver (art. 271 al. 1 let. a CO). De manière générale, tel est le cas lorsque le congé ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection, en particulier lorsqu’il est purement chicanier ou qu’il y a une disproportion manifeste entre les intérêts des parties. La protection du locataire comprend le droit de sous-louer la chose, à la condition toutefois de ne pas perdre de vue le but dans lequel la sous-location

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a été conclue. Elle vise notamment les cas dans lesquels le locataire n’occupe plus son logement pour une durée déterminée et que, pour des motifs financiers, il a besoin de le sous-louer durant cette période. Le locataire ne saurait toutefois invoquer l’art. 271a al. 1 let. a CO lorsqu’il n’a pas l’intention de jouir à nouveau de la chose louée. En l’occurrence, le locataire a sous-loué l’objet du bail sans le consentement du bailleur. Il n’a toutefois pas établi, alors qu’il lui appartenait de le faire, qu’il avait la volonté d’user à nouveau person-nellement de la chose louée. Il ne peut donc se prévaloir de la protection de l’art. 271a al. 1 let. a CO. Il ne saurait davantage se fonder sur le fait que le bailleur a invoqué de nouveaux motifs de résiliation devant le juge de première instance. Sous réserve de l’abus de droit, la loi n’exclut en effet pas la possibilité d’invoquer a posteriori de nouveaux motifs à l’appui de la résiliation. Cela constituera tout au plus un indice de congé contraire à la bonne foi en défaveur de la partie qui résilie, voire jouera un rôle dans l’attribution des frais de procé-dure. TF, 10.01.2012, 4A_227/2011, ATF 138 III 59.

c. Les autorités et la procédure1

27.Rôledelaformuleofficielle–CO269dal.1,CO270al.2–Tant l’art. 269d al. 1 let. d CO que l’art. 270 al. 2 CO se réfèrent à la formule officielle agréée par le canton de situation de l’objet du bail. Cette formule a pour but d’informer le locataire de la possi-bilité de saisir l’autorité de conciliation pour contester le montant du loyer en lui fournis-sant les indications utiles à cet effet. Le locataire ne doit toutefois pas être désavantagé du fait que celle-ci ne lui a pas été notifiée. Cependant, il doit agir sans retard dès le moment où il a reçu les informations nécessaires pour agir. Lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, la formule n’a pas été utilisée pour un loyer initial alors qu’elle était obligatoire, ce vice n’entraîne pas la nullité du contrat de bail, mais n’a qu’un impact sur le montant fixé. En d’autres termes, l’absence de notification sur la formule officielle n’affecte dès lors pas le droit de chaque partie de résilier le contrat pour l’échéance, ni la convention des parties sur le moment auquel le loyer doit être versé. Tout au plus a-t-elle une influence sur le montant du loyer convenu. Dans le cas d’espèce, les locataires ont eu connaissance du vice résultant du fait que la formule officielle ne leur avait pas été notifiée en cours de procédure. Ils n’ont toutefois pas contesté le montant du loyer à ce moment-là. La situation est donc identique à celle où les locataires auraient reçu la formule officielle et où ils n’auraient pas saisi l’autorité de conciliation dans les trente jours. Par leur absence de réaction, les locataires ont donc validé le montant convenu et guéri les effets du vice de forme. TF, 07.11.2011, 4A_305/2011, ATF 137 III 547.

1 Les art. 274 à 274g CO ont été abrogés au 1er janvier 2011, à l’entrée en vigueur du Code de procédure civile.

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d. Le bail à ferme

28. eléments essentiels du bail à ferme, résiliation – co 275, co 295 à 298 – Le bail à ferme non agricole se distingue du bail à loyer par l’objet du contrat. Le bailleur ne cède pas l’usage de n’importe quel objet, mais l’usage d’un droit ou d’un bien productif dont le fermier peut percevoir les fruits ou les produits (art. 275 CO). Il y a bail à ferme notamment lorsque le bailleur cède l’exploitation d’une entreprise entièrement équipée, c’est-à-dire un outil de production. Le bail peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. Dans la première hypothèse, le contrat prend fin sans congé à l’expiration du délai convenu (art. 295 al. 1 CO). Si le fermier reste cependant dans les locaux sans protes-tation de l’autre partie, le bail est reconduit tacitement et se renouvelle ensuite d’année en année aux mêmes conditions, conformément à l’art. 295 al. 2 CO. Chacune des parties peut résilier le bail renouvelé en observant le délai de congé légal pour la fin d’une année de bail (art. 295 al. 3 CO). Lorsque le bail est de durée indéterminée, la résiliation est soumise au délai de congé de six mois pour n’importe quel terme, s’il n’existe ni convention ni usage local contraire et si la nature de la chose ne laisse présumer aucune autre volonté des parties (art. 296 al. 1 CO). En vertu de l’art. 296 al. 2 CO, le délai de congé d’un bail portant sur des locaux commerciaux est au minimum de six mois. Le congé doit respecter le terme fixé par l’usage local ou, à défaut d’un tel usage, pour la fin d’un trimestre de bail. Les parties peuvent toutefois convenir d’un autre terme (art. 296 al. 3 CO). Le congé doit être donné par écrit pour les habitations ou les locaux commerciaux (art. 298 al. 1 CO). S’il est donné par le bailleur, celui-ci doit utiliser la formule officielle du canton (art. 298 al. 2 CO). Si cette exigence n’est pas respectée, le congé est nul (art. 298 al. 3 CO). Les dispositions du bail à loyer sur l’annulabilité du congé et la possibilité de solliciter une prolongation du bail s’appliquent par analogie au bail à ferme portant sur une habitation ou un local commercial. TF, 02.10.2011, 4A_379/2011.

29. demeure dans le paiement des termes ou frais accessoires échus, évacua-tion, calcul de la valeur litigieuse – co 282, LTF 74 al. 1 let. b – Le recours en matière civile devant le TF en présence d’un litige portant sur un bail à ferme non agricole n’est ouvert que si la valeur litigieuse atteint au moins la limite de 30’000 francs. Lorsque les conclusions ne tendent pas au paiement d’une somme d’argent, mais à l’évacuation des locaux affermés, la valeur litigieuse se détermine selon l’intérêt économique du bailleur à la cession des locaux au fermier pendant la période où le déguerpissement de celui-ci ne peut pas être exécuté par la force publique. En l’occurrence, le prononcé de l’évacua-tion par le Tribunal fédéral et l’exécution de cette décision prendrait au moins six mois. Compte tenu du fait que le fermage se monte à 5’000 francs par mois, la valeur litigieuse requise par l’art. 74 al. 1 let. b LTF est atteinte. En l’occurrence, le fermier n’a pas constitué la garantie bancaire qu’elle s’était engagée à remettre au bailleur. La réglementation de l’art. 282 CO sur la demeure du fermier quant au versement du fermage est calquée sur celle de l’art. 257d CO. Il y a donc lieu d’interpréter ces deux dispositions de manière iden-tique. Par conséquent, la demeure au sens de l’art. 282 CO, à l’instar de ce qui vaut pour

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l’art. 257d CO, ne peut être invoquée lorsque le retard porte en particulier sur la constitu-tion de sûretés. TF, 24.11.2011, 4A_574/2011.

30. résiliation anticipée en cas de violation du contrat – co 257f al. 3, co 285 – S’agissant des baux à ferme, l’art. 285 CO prévoit, pour les conséquences juridiques de la violation de l’obligation de diligence et d’égards (art. 283 CO) et de l’obligation d’entre-tien (art. 284 CO) du fermier, une réglementation analogue à celle prévue pour les baux à loyer (art. 257f al. 3 et 4 CO). Selon l’art. 257f al. 3 CO, le bail peut être résilié avec effet immédiat si le locataire persiste à enfreindre son devoir de diligence ou à manquer d’égards envers les voisins. Cette disposition impose un usage de la chose louée non seulement empreint de diligence et d’égards mais, de manière générale, conforme au contrat. L’usage peut donc être contraire au contrat de bail, quand bien même la violation ne se manifeste pas par un manque de diligence ou d’égards. Ainsi, le contrat de bail à ferme d’un fermier qui ne réalise pas le chiffre d’affaires minimum fixé conventionnellement, peut faire l’objet d’une résiliation anticipée au sens de l’art. 257f al. 3 CO, moyennant un avertissement écrit au fermier afin que celui-ci sache ce qu’on lui reproche et qu’il puisse corriger dans le futur son comportement. TF, 10.02.2012, 4A_644/2011.

III. Le contrat de travailA. La formation du contrat

31.Qualificationducontrat–sociétésimpleoucontratdetravail–CO319ss,co 530 ss – C’est avant tout la position des parties qui permet de distinguer le contrat de travail de la société simple. Le travailleur se trouve dans un rapport de subordination avec l’employeur. Il n’a donc pas d’influence, voire de droit de contrôle étendu, sur la marche des affaires. Les associés sont au contraire sur un pied d’égalité. Si le lien de subordination constitue le critère distinctif essentiel s’agissant de la qualification du contrat de travail, ce critère doit être relativisé dans le cas des personnes exerçant des professions typique-ment libérales ou des dirigeants. L’indépendance du travailleur est beaucoup plus grande et la subordination est alors essentiellement organisationnelle. Dans une telle hypothèse, plaident notamment en faveur du contrat de travail la rémunération fixe, périodique, la mise à disposition d’une place de travail et des outils de travail, ainsi que la prise en charge par l’employeur du risque de l’entreprise. D’autres indices peuvent également plaider en faveur du contrat de travail, tels que le prélèvement de cotisations sociales sur la rémunération due ou la qualification d’activité lucrative dépendante opérée par les autorités fiscales ou en matière d’assurances sociales. Ces critères ne sont toutefois pas déterminants, car les notions ne coïncident pas entièrement au sein de l’ordre juridique. En l’occurrence, le contrat conclu entre deux vétérinaires ayant exercé leur pratique dans le cabinet d’un troi-sième et ce dernier est un contrat de travail. Les deux premiers n’ont en effet assumé aucun risque économique et touchaient une rémunération mensuelle fixe indépendante de leur activité ou des résultats de l’entreprise, tandis que celle du troisième dépendait du solde du

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compte de pertes et profits. Ce dernier a assumé seul les investissements effectués pour le cabinet. L’autonomie dans l’organisation de leurs tâches est contrebalancée par le fait que les deux premiers vétérinaires exerçaient leur activité dans le cadre organisationnel mis à disposition par le troisième, soit dans ses locaux, avec le matériel fourni par ce dernier, qui facturait en son nom les prestations qu’ils exécutaient. TF, 05.07.2011, 4A_194/2011.

32. Interprétation du contrat, couverture d’un capital ou garantie de non-réalisation – co 18 – Confronté à l’interprétation d’une clause figurant dans le contrat de travail du directeur d’une multinationale visant à lui garantir une rente de vieillesse en cas de retraite anticipée, le Tribunal fédéral confirme les résultats de l’interprétation subjective à laquelle s’était livrée l’instance précédente. Les circonstances justifiaient en particulier que l’autorité cantonale retienne un taux de capitalisation de la rente autre que le taux usuel de 3,5 %. Les compétences professionnelles du retraité, son sens des affaires et le montant important (4’100’000 fr.) dont il disposait à des fins de placement, justi-fiaient de retenir un taux de 6 % pour le calcul du montant à compenser par l’employeur. TF, 04.07.2011, 4A_99/2011.

33. prétentions en dommages et intérêts de l’employeur pour violation d’une clause contractuelle, remise de dette par actes concluants – co 115 – Lorsque l’em-ployeur manifeste sa volonté de réserver ses prétentions en dommages et intérêts par rapport à un événement, l’employé ne peut en principe conclure à sa renonciation à les invoquer. L’employeur peut toutefois manifester par actes concluants une telle volonté, constitutive de remise de dette au sens de l’art. 115 CO. La doctrine est divisée sur le moment à partir duquel une telle renonciation peut se déduire des circonstances. Pour certains, tel est le cas si l’employeur n’a pas fait valoir ses prétentions par compensa-tion lorsqu’il paie le salaire suivant, voire qu’il ne se réserve pas à ce moment-là le droit de les faire valoir ultérieurement. Le Tribunal fédéral se range à l’avis des auteurs pour lesquels l’employeur doit manifester sa volonté de ne pas renoncer au plus tard à la fin des rapports contractuels. En l’occurrence, l’employeur s’était réservé le droit de réclamer des dommages-intérêts dans plusieurs courriers antérieurs à sa lettre de résiliation. A la fin des rapports de travail, il s’est toutefois abstenu de faire valoir sa créance en dommages et inté-rêts alors qu’il en avait connaissance, de sorte que le travailleur était légitimé à admettre qu’il y avait renoncé. TF, 05.09.2011, 4A_351/2011.

B. Les obligations de l’employeur

34. paiement des heures supplémentaires, fardeau de la preuve – co 321c, co 42 al. 2 – La charge de la preuve des heures supplémentaires régies par l’art. 321c CO incombe au travailleur qui entend être indemnisé pour celles-ci. L’art. 42 al. 2 CO peut s’appliquer par analogie et conduire à une réduction des exigences en matière de preuve lorsqu’une preuve stricte ne peut être établie ou qu’elle ne peut être imposée en fonction de la nature de l’affaire. En l’occurrence, l’application de cette disposition n’est

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pas nécessaire, dès lors qu’il ressort des faits que l’état physique de la personne dont la travailleuse prenait soin nécessitait d’effectuer des heures supplémentaires. La dernière instance cantonale n’est en outre pas tombée dans l’arbitraire en recourant aux tables de l’enquête suisse sur la population active (ESPA) pour fixer le nombre d’heures supplé-mentaires à retenir. TF, 15.07.2011, 4A_42/2011, 4A_68/2011. Sur cette question, cf. ég. TF, 17.10.2011, 4A_543/2011, TF, 23.11.2011, 4A_419/2011 et TF, 14.12.2011, 4A_338/2011.

35. décompte de provision – co 322c – S’agissant de l’obligation de l’employeur de remettre à chaque échéance un décompte indiquant les affaires qui donnent droit à une provision et d’en prouver l’exactitude, la loi prévoit une procédure en deux étapes. La remise du décompte est en effet suivie du droit pour l’employé de consulter les livres et pièces justificatives de l’employeur. L’employé peut exercer ce droit par l’intermédiaire d’un expert, qui peut aussi servir à protéger le droit au secret de l’employeur. En cas de désaccord sur la personne de l’expert, les parties doivent saisir le juge. En l’occur-rence, l’employé a engagé une fiduciaire pour vérifier l’exactitude des décomptes. A défaut de désignation conjointe par les parties ou par le juge, il doit supporter les frais qui en résultent. TF, 17.05.2011, 4A_121/2010.

36.Caractèrefacultatifdubonus–CO322d– Des règles différentes s’appliquent au salaire (art. 322 CO) et à une éventuelle gratification (art. 322d CO). Le salaire est en effet une prestation en argent versée en contrepartie du travail. Il se calcule en fonction du travail effectivement fourni, dans le cas du travail aux pièces ou à la tâche, ou en fonc-tion du temps que le travailleur consacre à l’employeur (art. 319 al. 1 et 323b al. 1 CO). La gratification est une rétribution spéciale que l’employeur verse en plus du salaire, par exemple une fois par an. Elle se distingue du salaire en ceci qu’elle dépend au moins partiellement du bon vouloir de l’employeur. Si le versement d’une gratification n’a pas été convenu, il est entièrement facultatif. Dans le cas contraire, l’employeur est tenu de verser la gratification. Il jouit toutefois d’une certaine liberté dans la fixation du montant alloué. Selon les circonstances spécifiques du cas d’espèce, un bonus peut être considéré comme une gratification au sens de l’art. 322d CO ou comme un élément du salaire au sens de l’art. 322 CO. En particulier, la gratification est considérée comme convenue, en l’absence d’accord explicite, lorsqu’elle est versée durant plus de trois années consécutives, sans qu’il y ait interruption et sans en réserver, par une déclaration adressée au travailleur, le caractère facultatif. Selon les circonstances, la gratification peut être due alors même que, d’année en année, l’employeur a exprimé et répété une réserve à ce sujet. La gratifi-cation doit en outre rester accessoire par rapport au salaire et ne peut avoir qu’un caractère secondaire dans la rétribution du travailleur. Par conséquent, un montant très élevé en comparaison du salaire annuel, égal ou même supérieur à celui-ci, et versé régulièrement, doit être considéré comme un salaire variable même si l’employeur en réservait le carac-tère facultatif. Dans le cas d’espèce, l’employeur avait réservé constamment le caractère facultatif du versement durant huit des neuf années où il y avait procédé. On ne pouvait dès lors considérer cette réserve comme une formule vide. Conformément à la jurisprudence

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fédérale en présence d’une telle réserve, le nombre des versements était en outre inférieur à dix. Enfin, le salaire fixe de la travailleuse était élevé, de sorte que le bonus apparaissait comme accessoire. Le montant versé devait donc être considéré comme une gratification, et non comme un élément du salaire. TF, 15.05.2012, 4A_26/2012.

37.Salaire,gratification–CO322,322d– Le salaire régi par l’art. 322 al. 1 CO est une prétention en argent versée en contrepartie du travail. Il se calcule en fonction du travail effectivement fourni, dans le cas du travail aux pièces ou à la tâche, ou en fonc-tion du temps que le travailleur consacre à l’employeur (art. 319 al. 1 et 323b al. 1 CO). La gratification est une rétribution spéciale que l’employeur verse à l’employé en sus du salaire, par exemple une fois par année (art. 322d CO). Elle se distingue du salaire en ceci qu’elle dépend au moins partiellement du bon vouloir de l’employeur. Si le versement d’une gratification n’a pas été convenu, expressément ou par actes concluants, cette presta-tion est entièrement facultative. Si un versement de ce genre a été convenu, l’employeur est tenu d’y procéder mais il jouit d’une certaine liberté dans la fixation du montant à allouer. La gratification est accessoire par rapport au salaire et elle ne peut avoir qu’une importance secondaire dans la rétribution du travailleur. En l’espèce le salaire expressément convenu était dû pour chaque année de travail et réparti sur 13 mensualités. L’employé était par ailleurs « éligible au plan de bonus » à la condition de recevoir « l’appréciation positive » de la performance personnelle du travailleur par l’employeur. Il n’appartient pas au juge de s’immiscer dans la conduite d’une entreprise et d’évaluer lui-même la performance du travailleur prétendant à un bonus. Cette condition oblige néanmoins l’employeur à se comporter conformément à la bonne foi et de manière loyale. Il ne saurait en particulier porter une appréciation négative seulement parce que les rapports de travail ont entre-temps pris fin et qu’il n’a plus intérêt à récompenser le travailleur. Le Tribunal fédéral confirme le jugement de l’autorité précédente qui a constaté en fait que le travailleur était loin d’avoir réalisé les objectifs fixés par l’employeur et qu’il ne pouvait dès lors prétendre au verse-ment d’un bonus. TF, 20.12.2011, 4A_705/2011.

38. paiement d’une commission, interprétation du contrat – co 18 – En matière de hedge funds, la rémunération des gérants de fonds (managers) comprend habituellement deux postes. Le premier consiste en une commission de gestion (management fee) corres-pondant à un pourcentage donné des actifs du fonds, généralement entre 1 et 4 %, le taux de 2 % étant un standard. Le second poste est une commission de performance ou commis-sion liée aux résultats (performance fee), typiquement fixée à 20 % des profits réalisés par le fonds ; la fourchette est toutefois large, le taux pouvant monter jusqu’à 50 %. Des cautèles peuvent être prévues pour que le gérant du fonds ne touche une commission de performance que si le fonds excède un certain seuil de profit ou si les pertes réalisées lors des exercices précédents ont été compensées. Appelé à interpréter une clause du contrat prévoyant que l’employé a le droit, en plus de son salaire, à 17,5 % de la commission de performance générée par un fonds, le Tribunal fédéral admet le recours. Contrairement à la cour cantonale, il juge que le taux de rétrocession à l’employé ne portait pas sur la

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commission entière, mais sur une partie seulement de celle-ci. Même si la clause litigieuse se réfère à la commission de performance générée par le fonds, et non à la part de commis-sion due à la recourante, un fonds ne génère pas à proprement parler de commission, mais des profits sur lesquels une commission peut être perçue. La clause ne donne aucune préci-sion sur le montant de cette commission, ni aucun détail. En bonne logique économique, l’employé devait comprendre que l’employeur souhaitait lui rétrocéder une part de ce qu’elle avait elle-même touché. En s’abstenant de faire préciser le taux de cette commission et les éventuelles réserves dont elle était assortie, l’employé a montré qu’il s’accommodait, quelle qu’elle soit, de la commission due à l’employeur. L’employé pouvait dès lors au plus prétendre au 17,5 % des performance fees qui revenaient à l’employeur. TF, 03.04.2012, 4A_716/2011.

39.Salairerelatifauxvacances–CO329d– Tant que durent les rapports de travail, les vacances ne peuvent pas être remplacées par des prestations en argent ou d’autres avantages. Une prétention pécuniaire en remplacement de vacances non prises ne peut donc en principe naître qu’à la fin des rapports de travail. La jurisprudence et la doctrine admettent toutefois que des prestations en argent peuvent remplacer les vacances, lorsque celles-ci ne peuvent être prises avant la fin des rapports de travail ou lorsqu’on ne peut pas attendre qu’elles le soient. Durant cette période, le travailleur doit cependant avoir la possibilité de chercher un autre emploi. Ce droit a le pas sur les vacances et limite dans cette mesure l’interdiction d’indemniser celles-ci. Cette réglementation s’applique également lorsque, comme en l’espèce, la résiliation intervient durant la période d’essai. Même si le travailleur disposait de deux demi-journées pour chercher un nouvel emploi et qu’il a été engagé immédiatement après la fin des rapports de travail, on ne saurait conclure qu’il n’aurait de toute façon pas profité de ses vacances pour renoncer à les remplacer par de prestations en argent. TF, 16.05.2011, 4A_11/2011.

40.Salairerelatifauxvacances,délaideprescription–CO329d,128ch.3,134al. 1 ch. 4 – renonciation à invoquer une prétention – co 341 – indemnité pour licen-ciement immédiat – co 337c al. 3 – La prescription des actions des travailleurs pour leurs services est de cinq ans en vertu de l’art. 128 ch. 3 CO. L’art. 134 al. 1 ch. 4 CO prévoit cependant que la prescription ne court pas à l’égard des prétentions du travailleur qui vit dans le ménage de l’employeur tant que durent les rapports de travail. Dans le cas d’espèce, la prescription n’est pas acquise, dès lors qu’elle a commencé à courir le lendemain du jour où les rapports de travail ont pris fin. Conformément à l’art. 341 CO, le travailleur ne peut pas renoncer au salaire afférent aux vacances tant que dure le contrat de travail et dans le mois qui suit la fin de celui-ci. A partir de ce moment, le travailleur est libre de renoncer à ses créances. On ne saurait toutefois considérer dans le fait de laisser du temps s’écouler avant d’agir en justice un abus de droit à invoquer une prétention. Il faut plutôt que l’exer-cice par le travailleur de son droit soit en complète contradiction avec son comportement passif jusque-là. De même, l’acceptation sans réserve par le travailleur d’un nouvel emploi au service de la même personne, a fortiori lorsque celui-ci est de nationalité philippine et

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qu’il n’a vraisemblablement pas connaissance de ses droits, ne peut être assimilée à une renonciation par actes concluants au salaire relatif aux vacances. En vertu de l’art. 329d al. 1 CO, l’employeur doit verser au travailleur le salaire total afférent aux vacances et une indemnité équitable en compensation du salaire en nature. Cette indemnité se détermine selon les tarifs convenus ou usuels, fréquemment selon les tarifs AVS en vigueur. Le tarif convenu doit impérativement être équitable. En l’espèce, le fait d’offrir un logement à son employé durant les vacances ne suffit pas à établir que les frais de nourriture ont également été pris en charge durant cette période. L’employeur a ainsi échoué à apporter la preuve qu’il avait satisfait à ses obligations. Lorsque l’employeur libère l’employé de son obli-gation de travailler en lui payant le salaire dû jusqu’à l’expiration du délai de congé, il ne s’agit pas d’un cas de résiliation anticipée. Le contrat dure jusqu’à l’échéance du délai de congé. En d’autres termes, les conditions d’une résiliation immédiate au sens de l’art. 337 c al. 3 CO ne sont pas réalisées. TF, 23.11.2011, 4A_419/2011.

41.Maximeinquisitoireenmatièred’égalitésalariale– aLeg 12, aco 343 al. 4, cpc 243 al. 1 let. 1 et 247 al. 2 let. a – Les litiges relevant de la loi fédérale sur l’égalité (LEg) sont soumis, indépendamment de leur valeur litigieuse, à la maxime inquisitoire en vertu des articles 12 aLEg et 343 al. 4 aCO et, depuis le 1er janvier 2011, des art. 243 al. 1 let. 1 et 247 al. 2 let. a CPC. Lorsqu’il doit déterminer si un salaire est ou non discriminatoire comparé à un salaire octroyé à un employé de l’autre sexe, le juge doit vérifier d’office si un critère objectif invoqué justifie effectivement une divergence salariale entre des employés de sexes différents. Néanmoins, lorsqu’il est clair que les critères pour définir le salaire d’employés de sexes différents mais ayant des tâches identiques sont les mêmes, une comparaison complète desdits salaires est suffisante. Dans ces cas, l’égalité salariale est prouvée, sans qu’il soit nécessaire de déterminer et de comparer des postes équivalents dans l’entreprise. En l’occurrence, le Tribunal fédéral confirme la décision du juge précédent. Celui-ci n’a donc pas violé son devoir d’établir les faits d’office en refusant de procéder à une expertise portant sur l’équivalence du travail des directeurs des ventes et des autres employés de la direction. TF, 20.03.2012, 4A_614/2011.

42. obligation de sécurité de l’employeur – co 328 – L’employeur doit prendre, pour protéger la vie, la santé et l’intégrité personnelle du travailleur, les mesures comman-dées par l’expérience, applicables en l’état de la technique, et adaptées aux conditions de l’exploitation ou du ménage, dans la mesure où les rapports de travail et la nature du travail permettent équitablement de l’exiger de lui. Tel n’est pas le cas lorsque l’employeur omet de former son employé de manière spécifique à l’utilisation d’une machine à compacter les déchets en carton dont le dispositif de sécurité était hors service depuis plusieurs jours et que la main de celui-ci est sectionnée après avoir été prise dans le mécanisme. TF, 05.05.2011, 4A_132/2010.

43. remboursement de frais de formation. Transfert de l’entreprise – co 333, 333a – En cas de transfert d’une entreprise à un tiers, le travailleur peut faire opposition au transfert des rapports de travail. Ceux-ci prennent alors fin, selon l’art. 333 al. 2 CO,

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à l’échéance du délai de congé légal. Le travailleur dispose d’un délai de réflexion de quelques semaines durant lequel il doit déclarer son opposition. Ce délai commence à courir quand le travailleur a connaissance du transfert, soit, en général, lors de la procé-dure d’information et de consultation prévue par l’art. 333a CO. Dans le cas d’espèce, le contrat de travail a été résilié par le travailleur postérieurement à l’annonce de l’employeur du fait que le transfert d’une unité de production était en cours d’examen. Le travailleur ne pouvait toutefois, à ce moment-là, avoir une connaissance certaine du transfert, de sorte qu’il ne pouvait s’y opposer. Le Tribunal fédéral confirme le jugement de la dernière instance cantonale en ce sens que le travailleur doit, conformément au contrat, rembourser à l’employeur des frais de formation. Il ne saurait donc se prévaloir du fait que les rapports de travail ont été résiliés pour une raison économique, sans faute de sa part. TF, 21.03.2012, 4A_616/2011.

C. Lafinducontrat

44.Résiliationabusive,devoirdefidélité–CO336,CO321a,CC27al.2– Les droits constitutionnels visés par l’art. 336 al. 1 let. b CO consistent notamment dans la liberté d’association, la liberté de conscience et de croyance, la liberté économique et la liberté personnelle qui inclut le droit d’organiser librement son temps. La restriction à un droit constitutionnel doit toutefois se faire dans les limites de la liberté contractuelle, soit notamment de l’art. 27 al. 2 CC. Le congé n’est pas abusif lorsqu’il est donné en raison de l’exercice d’un tel droit, mais que celui-ci viole une obligation découlant du contrat de travail. Dans le cas d’espèce, les parties ont défini le devoir de fidélité de manière plus stricte que ce que prévoit l’art. 321a CO. En particulier, l’employé s’était engagé à requérir l’accord de l’employeur avant de s’intéresser d’une quelconque manière à une entreprise concurrente. En prenant des participations dans une société qui, par son but social, était susceptible de concurrencer l’employeur, l’employé a violé le contrat. L’hypothèse d’un congé abusif au sens de l’art. 336 CO ne saurait dès lors être retenue. TF, 15.11.2011, 4A_408/2011.

45. résiliation abusive – CO336– La clause du contrat de travail promettant au travailleur « la plus grande autonomie » dans l’exécution de ses tâches est certes de nature à éveiller de grandes espérances auprès d’un collaborateur désireux de faire ses preuves. Elle ne saurait toutefois être interprétée comme octroyant à l’employé le droit de faire préva-loir, en cas de divergence d’opinions avec l’employeur, sa propre vision de l’organisation à adopter dans l’entreprise. La subordination est en effet une caractéristique du contrat de travail. En l’occurrence, le Tribunal fédéral confirme le jugement de l’autorité précédente qui a retenu que la résiliation du contrat de travail n’est pas abusive au sens de l’art. 336 CO. Ce sont les critiques persistantes de l’employé et l’insatisfaction manifestée par celui-ci qui ont altéré le climat de travail et compromis son intégration dans l’entreprise, non le fait de l’employeur. TF, 24.10.2011, 4A_381/2011.

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46.Résiliationabusive–Licenciementéconomiqued’unreprésentantéludestravailleurs–CO336al.2let.a– Une entreprise confrontée à des difficultés économiques supprime 57 emplois dans le contexte d’un plan de restructuration. L’un des travailleurs licenciés, membre de la commission du personnel au moment de la rési-liation, s’oppose au congé en invoquant l’art. 366 al. 2 let. a CO. Selon cette disposi-tion, est abusif le congé donné par l’employeur pendant que le travailleur, représentant élu des travailleurs, est membre d’une commission d’entreprise et que l’employeur ne peut prouver un motif justifié de résiliation. En se fondant sur les travaux préparatoires et le but de la loi, l’employé remet en cause la jurisprudence (ATF 133 III 512, JdT 2008 I 29) selon laquelle un motif économique permet de renverser la présomption du carac-tère abusif du licenciement d’un représentant élu des travailleurs. Le Tribunal fédéral revient sur les débats parlementaires qui ont précédé l’adoption de l’art. 336 al. 2 let. a CO. Il rappelle que le licenciement économique est admis en droit suisse. L’employeur peut en effet adapter le niveau de ses charges salariales à son activité et prendre les mesures de restructuration nécessaires pour éviter les difficultés économiques. Les représentants élus des travailleurs ne bénéficient pas d’une protection absolue. L’inter-prétation de l’art. 336 al. 2 let. a CO proposée par le recourant conduirait à privilé-gier les représentants élus des travailleurs par rapport aux autres travailleurs dans le cadre d’un plan de restructuration, d’une manière que ne justifie pas le but de la loi. Cette protection accrue pourrait aussi empêcher l’employeur de prendre les mesures les plus efficaces et les plus socialement admissibles. La jurisprudence de l’ATF 133 III 512 doit donc être confirmée. TF, 19.03.2012, 4A_415/2011, ATF 138 III 359.

47.Résiliationpourjustesmotifs–CO337– La partie qui résilie un contrat de travail en invoquant des justes motifs ne dispose que d’un court délai de réflexion pour signifier la rupture immédiate des relations de travail. Un délai de sept jours dont quatre jours ouvrables est admissible dans la mesure où l’employeur est une personne morale qui doit recueillir l’approbation de ses organes. TF, 27.09.2011, 4A_477/2011.

48.Résiliationpourjustesmotifs–CO337– L’art. 337 CO prévoit que l’em-ployeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour justes motifs. Sont notamment considérés comme de tels motifs les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de celui qui a donné le congé la conti-nuation des rapports de travail. Un licenciement avec effet immédiat n’est justifié qu’en cas de manquements graves de l’employé. Ceux-ci doivent être objectivement de nature à détruire le rapport de confiance essentiel à une relation de travail, ou du moins à ébranler si profondément cette relation que l’on ne puisse plus attendre de l’employeur qu’il pour-suive les rapports contractuels. Il faut que ces manquements aient effectivement provoqué la destruction ou l’affaiblissement du lien de confiance réciproque. Si les manquements sont moins graves, ils doivent avoir été réitérés nonobstant des avertissements. Le compor-tement des cadres doit être apprécié avec une rigueur accrue en raison du crédit particulier et de la responsabilité que leur confère leur fonction dans l’entreprise. En l’occurrence, le

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Tribunal fédéral confirme le jugement cantonal retenant deux motifs justifiant une résilia-tion immédiate. Le premier motif réside dans le fait que le travailleur, employé en qualité de directeur d’une société, avait conclu un contrat de travail avec une autre société pour exercer une fonction similaire sans le consentement de l’employeur. Le second motif réside dans la perception par le travailleur de primes destinées à son employeur. TF, 24.05.2012, 4A_485/2012.

49.Résiliationinjustifiée,abusdedroit–CO337c,CC2al.2–Seul l’abus manifeste est sanctionné par la loi. L’existence d’un tel abus doit être établie sur la base des circonstances concrètes du cas particulier, en prenant en considération les groupes de cas développés par la doctrine et la jurisprudence. En l’occurrence, le fait que l’employée a ouvert action à l’encontre de l’employeur pour avoir été congédiée de manière abrupte plus de cinq ans après la fin des rapports de travail n’est pas constitutif d’un abus de droit. En effet, il est de jurisprudence constante que le fait de surseoir à faire valoir ses prétentions, sans pour autant laisser s’écouler le délai de prescription, ne constitue pas encore un abus de droit proscrit par l’art. 2 al. 2 CC. Il faut que se réalisent des circons-tances particulières qui fassent apparaître l’exercice du droit en contradiction avec la précédente inaction de son titulaire. Tel est le cas lorsque le débiteur de la prestation subit un dommage reconnaissable provoqué par l’action exercée tardivement alors que l’on aurait pu attendre du titulaire du droit qu’il exerce sa prétention sans tarder ou encore quand l’ayant droit diffère son action pour se procurer un avantage injustifié. TF, 13.10.2011, 4A_403/2011.

50.Résiliationinjustifiée,résiliationabusive–CO337,CO336– Après avoir résilié le contrat en observant le délai de congé, l’employeur notifie à l’employé une résilia-tion immédiate dans ce délai. Appelé à statuer sur le caractère injustifié du premier congé, le Tribunal fédéral confirme l’appréciation de l’autorité précédente selon laquelle le fait pour l’employé d’avoir conservé et produit en procédure des documents visés par l’obliga-tion de discrétion prévue par le contrat de travail et de refuser de les restituer à l’employeur ne fait pas apparaître la résiliation immédiate des rapports de travail comme injustifiée au sens de l’art. 337 CO. La résiliation ordinaire n’est pas davantage abusive selon l’art. 336 CO, car, nonobstant l’établissement d’un harcèlement psychologique subi par l’employé, le lien de cause à effet entre celui-ci et la maladie l’ayant empêché de travailler de manière durable n’est pas établi. TF, 11.11.2011, 4A_329/2011.

51. résiliation immédiate – co 337c al. 3 – Indemnité – co 49 – En cas de résiliation immédiate injustifiée, l’art. 337 c al. 3 CO prévoit que le juge peut allouer au travailleur une indemnité dont il fixera librement le montant, en tenant compte de toutes les circonstances, sans dépasser l’équivalent de six mois de salaire. Cette indemnité s’ajoute aux droits de l’art. 337c al. 1 CO. Elle revêt une finalité réparatrice et punitive, même s’il ne s’agit pas de dommages-intérêts au sens classique, puisqu’elle peut également être due lorsque la victime ne subit ou ne prouve aucun dommage. Son caractère sui generis la rapproche d’une peine conventionnelle. L’indemnité est calculée

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d’après la gravité de la faute de l’employeur, la mesure de l’atteinte portée aux droits de la personnalité du travailleur et la manière dont la résiliation est annoncée. D’autres critères comme la durée des rapports de travail, l’âge de l’employé peuvent entrer en considération. Le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation et le Tribunal fédéral n’intervient que si la décision s’écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence. Tel n’est pas le cas en l’occurrence. Le Tribunal fédéral constate que la cour cantonale a jugé que les atteintes subies par le travailleur justifiaient le versement d’une indemnité de six mois de salaire en tenant compte du fait qu’il avait travaillé durant douze ans au service de l’employeur à la satisfaction manifeste de celui-ci. Elle a également tenu compte des accusations ayant conduit au licenciement et qui se sont révélées infondées au cours d’une procédure pénale soldée par un acquittement et des conséquences de ces accusations sur l’état de santé de l’employé. Les effets économiques du licenciement n’ont en revanche pas plaidé en sa faveur, dès lors qu’il a relativement rapidement retrouvé une activité professionnelle comparable. Ce dernier critère a incité la cour cantonale à juger que l’indemnité fondée sur l’art. 337c al. 3 CO était suffisante et qu’il n’était pas nécessaire d’octroyer à l’employé des dommages-intérêts plus élevés sur la base de l’art. 49 al. 1 CO. Ces deux dispositions ne s’appliquent en principe pas de manière cumulative, dès lors que l’art. 337c al. 3 CO a également une fonction réparatrice. L’art. 49 al. 1 CO peut toutefois s’appliquer dans des cas où l’atteinte subie par l’employé est grave au point que l’indemnité maximale prévue par l’art. 337c al. 3 CO ne suffirait pas à la réparer. Dans le cas d’espèce, le préjudice subi par l’employé ne résulte pas uniquement de la résiliation injustifiée, mais également de la procédure pénale menée à son encontre. Il ressort des constatations cantonales que ce procès a certes causé de réelles souffrances au travailleur. Il ne justifie toutefois pas l’application (cumulative) de l’art. 49 al. 1 CO, à défaut pour l’employé d’avoir établi l’existence d’un lien de causalité naturelle entre les souffrances subies dans le contexte de la procédure pénale et le comportement de l’employeur au cours de celle-ci. TF, 24.07.2012, 4A_218/2012.

52. clause de prohibition de concurrence – co 340a – La prohibition de faire concurrence doit être limitée convenablement de façon à ne pas compromettre l’avenir du travailleur. En l’occurrence, il se justifiait de réduire l’interdiction de faire concurrence de trois ans à six mois. Un tel délai était suffisant pour permettre à l’employeur de former un nouveau collaborateur au service extérieur de façon à gagner la confiance de la clientèle, de sorte qu’une fois revenu sur le marché, l’ancien employé n‘était plus en mesure de détourner les clients de son ancien employeur à son profit. TF, 20.05.2011, 4A_62/2011.

53. Validité d’une clause de prohibition de concurrence, secrets de fabrica-tionetd’affairesdel’employeur–CO340al.2–Devoirdefidélitédutravailleur– co 321a – 1. Selon l’art. 340 al. 2 CO, une clause de prohibition de concurrence n’est valable que si les rapports de travail permettent au travailleur d’avoir connaissance de la clientèle ou des secrets de fabrication ou d’affaires de l’employeur et si l’utilisation de ces renseignements est de nature à causer à l’employeur un préjudice sensible. Lorsque

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l’employé a établi une relation personnelle avec les clients, de telle sorte que ces derniers attachent plus d’importance aux capacités personnelles de l’employé qu’à l’identité de l’employeur, la clause de prohibition de concurrence n’est pas valable. Dans cette hypo-thèse, la personnalité de l’employé revêt une importance prépondérante et interrompt le rapport de causalité entre la connaissance de la clientèle acquise par le travailleur et la possibilité de causer un dommage à l’employeur. Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral confirme le jugement de la dernière instance cantonale sur ce point. Appelé à examiner la validité d’une clause de prohibition de concurrence à laquelle étaient soumis deux employés d’une société active dans le domaine des ressources humaines et dans l’organi-sation de séminaires de formation, il juge que les qualités personnelles des employés en question étaient décisives pour les clients, alors que l’employeur ne disposait pas d’une méthode particulière d’enseignement qui aurait joué un rôle prépondérant dans l’acqui-sition de la clientèle. La clause de prohibition de concurrence n’est en conséquence pas valable. 2. Est également dénué de pertinence l’argument selon lequel les anciens employés auraient détourné la clientèle, en annonçant leur départ et la création de leur propre entre-prise à des clients avant le terme des rapports de travail, en violation de leur devoir de fidélité au sens de l’art. 321a CO. Cette disposition prévoit en effet que le travailleur ne doit pas utiliser ni révéler des faits destinés à rester confidentiels, tels que les secrets de fabrication et d’affaires dont il a pris connaissance au service de l’employeur. Il est tenu de garder le secret même après la fin du contrat en tant que l’exige la sauvegarde des intérêts légitimes de l’employeur. Or la seule connaissance de la clientèle n’est pas un secret d’affaires que le travailleur devrait garder confidentiel. Par ailleurs, le devoir de fidélité prend fin avec le contrat de travail. Dès la fin des rapports contractuels, l’employé est libre d’exercer une nouvelle activité ; il est également autorisé à entreprendre certains préparatifs avant son départ, même si la limite entre préparatifs admissibles et détourne-ment de clientèle n’est pas facile à tracer. En l’espèce, les travailleurs ont certes annoncé la création de leur entreprise à des clients, mais sans tenir de propos réellement préjudi-ciables contre leur employeur, qui n’est d’ailleurs pas parvenu à établir qu’il avait subi un préjudice en rapport de causalité avec les actes reprochés à ses anciens employés. TF, 10.01.2012, 4A_489/2011 et 4A_491/2011, ATF 138 III 67.

54. renonciation à invoquer une prétention, concessions réciproques – co 341 al. 1 – L’art. 341 al. 1 CO interdit au travailleur de renoncer aux créances résultant de dispositions impératives de la loi ou d’une convention collective, pendant le contrat et durant le mois qui suit la fin de celui-ci. Cette norme repose sur la considération que le travailleur se trouve en situation de dépendance aiguë à l’égard de l’employeur et que celle-ci est susceptible de l’entraîner à accepter une réduction de ses prétentions, en particulier s’il redoute de perdre son emploi. Il n’est toutefois pas possible de se prévaloir de l’art. 341 al. 1 CO lorsque les deux parties sont parvenues à un arrangement impli-quant des concessions de part et d’autre. Le Tribunal fédéral s’est prononcé dans ce sens dans le cas d’espèce. Il a en effet jugé que l’appréciation de l’autorité précédente consis-tant à considérer comme non négligeable la concession de l’employeur qui avait prêté à

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l’employé une somme d’argent lui permettant de rembourser un emprunt bancaire, tout en consentant à une remise de dette à concurrence de la moitié du montant versé. Il en va de même de l’engagement à renoncer au découvert éventuel en cas de décès du travailleur, y compris à l’égard des successeurs universels de celui-ci. Les héritiers du travailleur décédé ne peuvent donc faire obstacle à la validité de l’accord signé avec le défunt en invoquant l’art. 341 al. 1 CO, nonobstant la renonciation de celui-ci à percevoir un salaire de l’em-ployeur pour la poursuite de son activité ecclésiastique après avoir atteint l’âge statutaire de la retraite, fixé en l’occurrence à 75 ans. TF, 11.11.2011, 4A_343/2011.

IV. Le contrat d’entreprise

A. Les dispositions générales

55. renonciation à la prescription, abus de droit – co 141, cc 2 al. 2 – En vertu de l’art. 141 al. 1 CO, est nulle toute renonciation anticipée à invoquer la prescription. Dans un arrêt de principe, le Tribunal fédéral a jugé que le débiteur peut toutefois renoncer à se prévaloir de la prescription après la conclusion du contrat avec le créancier, tant que court le délai et même une fois qu’il est écoulé. La déclaration unilatérale de renonciation à invoquer la prescription doit être interprétée au regard du principe de la confiance. En conséquence, elle a le sens que son destinataire pouvait raisonnablement lui attribuer dans les circonstances du cas d’espèce. La renonciation peut résulter d’actes concluants, mais il faut des indices clairs et univoques du débiteur, par exemple la constitution de sûretés. Tel n’est pas le cas en l’occurrence, dès lors que les courriers de l’entrepreneur aux maîtres de l’ouvrage ne reflètent pas sa volonté de renoncer à se prévaloir de la prescription quinquen-nale de l’art. 371 al. 2 CO. Celui-ci n’a en outre pas commis d’abus de droit en se prévalant de la prescription. En sollicitant le concours des maîtres de l’ouvrage pour obtenir une liste des travaux à exécuter, il ne les a pas amenés astucieusement à ne pas agir en temps utile, ni même eu, sans mauvaise intention, un comportement les incitant à renoncer à entreprendre des démarches juridiques pendant le délai de prescription. Il ne ressort en effet pas de l’état de fait que des critères objectifs rendent le retard des maîtres de l’ouvrage compréhensible. TF, 15.11.2011, 4A_495/2011.

56.Garantiepourlesdéfauts,pointdedépartdudélaideprescription – co 371, 129 et 141 al. 1 – Le délai de prescription de l’action en garantie contre l’entre-preneur se détermine d’après l’art. 371 CO. Il échappe au champ d’application de l’art. 129 CO et n’est donc pas visé par l’interdiction posée par cette disposition. Pour ce motif, il n’est pas contraire aux art. 129 et 141 al. 1 CO de faire débuter le délai de prescription de l’action en garantie pour les défauts du contrat d’entreprise pour les sous-traitants au moment où l’entrepreneur général livre l’ouvrage au maître. Le Tribunal fédéral admet sur ce point le recours contre la décision du Tribunal de commerce de Zurich qui avait déclaré prescrite l’action intentée par le maître. TF, 12.1.2012, 4A_221/2010.

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57.Contratd’entreprisetotale–CO363– Le contrat par lequel l’entrepreneur s’engage à réaliser l’étude et la construction d’un chalet en choisissant les entreprises sous-traitantes pour un prix forfaitaire est un contrat d’entreprise totale. Seule partie au contrat avec le corps de métier, l’entrepreneur doit supporter les coûts dépassant le forfait qu’il a approuvés. L’envoi, sur instruction de l’entrepreneur, d’une facture finale par l’entreprise sous-traitante au maître de l’ouvrage ne saurait suffire à établir l’existence d’une relation contractuelle entre ces deux parties. TF, 16.05.2011, 4A_87/2011.

58.Remboursementdesfraisliésàl’exécutionparsubstitution–CO366al.2– Le remboursement des frais supportés lors de l’exécution par substitution sur la base de l’art. 366 al. 2 CO suppose que le contrat soit maintenu. Il en découle que l’obligation de rembourser les frais est de nature contractuelle. Le contrat passé entre le maître et le tiers exécutant implique que le tiers répond de la qualité de l’exécution directement à l’égard du maître qui doit le rémunérer, le maître se retournant ensuite contre l’entrepreneur pour qu’il lui rembourse les frais de l’exécution par substitution. L’art. 42 al. 2 CO n’est en principe pas applicable, de sorte que le juge ne peut déterminer équitablement le montant du dommage selon les cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie lorsque le montant exact ne peut être établi. Une application par analogie est réservée si la preuve du dommage est impossible à apporter, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. L’art. 366 al. 2 CO est de droit dispositif, de sorte qu’il est loisible aux parties au contrat d’en-treprise d’y déroger. Tel est le cas en l’occurrence, une disposition du contrat entre les parties réglant l’hypothèse d’une intervention durant le contrat pour cause de retard ou de prestations défectueuses et, notamment, la possibilité d’agir par substitution. La cour cantonale n’ayant pas traité la question en relation avec cette clause, mais exclusivement à la lumière de l’art. 366 al. 2 CO, le Tribunal fédéral admet le recours sur ce point. TF, 20.01.2012, 4A_556/2011.

59. Contratd’ingénieurcivil,qualificationmixte(entrepriseetmandat)–Avistardif des défauts – cf. résumé n° 68, TF, 31.07.2012, 4A_53/2012 et 4A_55/2012.

60.Acceptationdudécomptefinaldel’entrepreneur,caractèreinsolitedelanorme sIA 118 – L’art. 154 al. 3 de la Norme SIA 118 prévoit que lorsque la direc-tion des travaux approuve après examen le décompte final présenté par l’entrepreneur, ce décompte est réputé accepté par le maître d’ouvrage. Le Tribunal fédéral relativise la portée de cette règle en particulier si le maître d’ouvrage, non professionnel et ignorant la Norme SIA 118, ne peut pas raisonnablement s’attendre à ce que son architecte l’oblige en reconnaissant le décompte à payer le montant qui en ressort. L’interprétation des normes SIA vise, comme l’interprétation de toute disposition contractuelle, à déterminer la réelle et commune intention des parties. En présence de clauses pré-formulées, cette règle est limitée par le principe qui veut que le cocontractant inexpérimenté ne va pas accepter une clause inhabituelle, c’est-à-dire une clause qu’il ne peut pas raisonnablement s’attendre à voir figurer dans le contrat. En conséquence, le Tribunal fédéral a confirmé le jugement de la dernière instance cantonale qui n’avait admis que très partiellement la demande d’un

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entrepreneur en paiement du montant ressortant du décompte final, lequel avait pourtant été reconnu par la direction des travaux. TF, 09.03.2012, 4A_538/2011.

B. La garantie pour les défauts de l’ouvrage

61.Contratd’entreprisegénérale–Prixforfaitaire–Prestationssupplémen-taires – co 373, 374 – Le maître de l’ouvrage, qui a partiellement obtenu gain de cause devant la dernière instance cantonale en ce qui concerne la diminution du prix de l’ou-vrage et les dommages-intérêts, notamment pour livraison tardive, fait recours au Tribunal fédéral. Lorsque la Haute Cour ne procède qu’à une très légère correction d’une erreur de calcul, en l’occurrence de 4,4 % en faveur du recourant, et qu’elle confirme pour le reste le jugement de l’instance précédente, il se justifie de mettre les frais et dépens à la charge de celui-ci, sans qu’il y ait lieu de modifier la décision attaquée sur ce point. TF, 29.06.2011, 4A_233/2011.

62.Dépassementdedevis–CO375–Le cas d’espèce porte sur le devis établi par un bureau de géomètres lors d’une mensuration officielle. Alors que le nombre d’opposi-tions estimées oscillait entre 15 entre 20, celui-ci a dû au final traiter 46 oppositions. La collectivité publique cocontractante, en l’occurrence une commune, se réfère au devis et refuse d’acquitter le montant supplémentaire facturé par le bureau de géomètres. Le Tribunal fédéral laisse indécise la question de la qualification du contrat, car les parties ne remettent pas en cause la décision cantonale qualifiant leurs rapports de contrat d’entre-prise. Au regard de l’art. 375 CO, la Haute Cour juge que lorsque le devis fait partie des éléments subjectivement essentiels du contrat et qu’il se trouve dépassé dans une mesure excessive, le maître, s’il s’agit d’une construction érigée sur son fonds, peut demander une réduction convenable du prix des travaux fixé sur la base de l’art. 374 CO (art. 375 al. 2 CO). Cette règle s’examine à la lumière de deux principes cardinaux. Premièrement, le dépassement du devis est excessif lorsque la marge de tolérance admise par la doctrine et la jurisprudence de 10 % n’est pas respectée. Deuxièmement, le prix de l’ouvrage est, dans les cas usuels, réduit de la moitié du dépassement du devis augmenté de la marge de tolérance de 10 %. L’application stricte de ces deux principes cardinaux peut être relati-visée par l’application de l’art. 4 CC à la lumière des circonstances du cas d’espèce. La survenance de circonstances imprévisibles ou exclues par les parties au contrat peut en particulier justifier une augmentation du prix en faveur de l’entrepreneur même en présence d’un prix forfaitaire. De même, si le maître d’ouvrage devait connaître l’inexactitude du devis présenté par l’entrepreneur, il doit se laisser opposer un prix supérieur au prix estimé. TF, 3.5.2011, 4A_15/2011.

63. Contratd’ingénieurcivil,qualificationmixte(entrepriseetmandat)–Avistardif des défauts – Dans cette affaire qui a donné lieu au prononcé de deux arrêts, le Tribunal fédéral confirme la qualification adoptée par le Tribunal de commerce de Zurich d’un contrat d’ingénieur civil de contrat mixte auquel s’appliquent pour partie les règles du

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contrat d’entreprise (calculs statiques ; élaboration des plans ; rédaction d’une convention d’utilisation) et pour partie les règles du contrat de mandat (surveillance de l’exécution des plans élaborés). La qualification de contrat d’entreprise de la partie du contrat relative à l’élaboration des plans a pour conséquence que l’avis des défauts est en l’occurrence tardif, celui-ci ayant été donné un mois après la livraison de l’ouvrage (soit des plans). La Haute Cour confirme par là la motivation de la cour cantonale, à savoir qu’en cas de fin anticipée du contrat, les mêmes règles relatives à la garantie pour les défauts valent pour la partie d’ouvrage acceptée par le maître. Elle précise en outre que les accords particu-liers priment l’application de la Norme SIA 103, laquelle avait en l’espèce été intégrée au contrat. En l’occurrence, un tel accord a pour conséquence qu’il faut retenir un délai d’avis immédiat pour les défauts contenus dans les plans de l’ingénieur (et non l’avis de deux ans prévu à l’art. 1.11.21 SIA 103). Au vu des circonstances et, en particulier, du risque que le dommage augmente avec l’écoulement du temps, l’avis donné un mois après avoir appris l’existence du défaut doit être qualifié de tardif. TF, 31.07.2012, 4A_53/2012 (procès entre le maître et l’ingénieur) et 4A_55/2012 (procès entre le maître, l’ingénieur et l’entreprise d’étanchéité).

64.Défautdelasurfacehabitabledel’ouvragelivré,interprétationdesvolontés – co 18 – Le juge de première instance puis la cour cantonale ont condamné l’entrepreneur à rembourser une partie du prix déjà versé pour une construction immobi-lière pour défaut de l’ouvrage. L’entrepreneur avait en effet suscité la confusion chez les acquéreurs entre les surfaces brutes et nettes de plancher. Le Tribunal fédéral confirme l’absence de concordance des volontés réelles s’agissant de la surface à construire. L’inter-prétation objective des déclarations sur la surface a pour conséquence que le manque de contenance de l’ouvrage constitue un défaut objectif de la chose livrée (absence d’une qualité promise) justifiant une réduction du prix conformément à la méthode relative déve-loppée par le Tribunal fédéral. Lorsqu’une moins-value objective est établie, le droit à la réduction existe même si le coût pour réparer l’ouvrage défectueux est le même – voire plus élevé – que le coût d’un ouvrage exempt de défaut. TF, 21.05.2012, 4A_65/2012.

C. Leprix

65.Natureduprixdel’ouvrage–CO373–Rectificationd’officedesconsta-tations de faits opérées par la cour cantonale – LTF 105 al. 2 – L’art. 373 al. 1 et 3 CO prévoit que le maître de l’ouvrage doit payer le prix intégral lorsque celui-ci a été fixé forfaitairement, même si l’ouvrage a exigé moins de de travail que ce qui était prévu. Le recourant conteste l’appréciation de la cour cantonale qui a en l’occurrence retenu l’exis-tence d’un prix forfaitaire. En cas de litige sur la portée d’une convention, l’interprétation des manifestations de volonté de parties obéit à l’art. 18 al. 1 CO, la théorie de la confiance ne s’appliquant que si le juge ne parvient pas à établir la réelle et commune intention des parties. Si le Tribunal fédéral constate que l’instance précédente s’est conformée à ces prin-cipes, il souligne en revanche le caractère lacunaire du raisonnement que celle-ci a adopté.

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La Haute Cour précise qu’il est dans le cas d’espèce nécessaire et suffisant de procéder à un examen détaillé de la soumission produite dans le procès et sur laquelle les parties ont eu l’occasion de se prononcer, puisque celle-ci se trouve à la base de leur négociation qu’elle demeure une référence essentielle dans leurs relations. En application exception-nelle de l’art. 105 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral corrige l’appréciation des faits retenue par l’autorité cantonale pour retenir l’absence de convention des parties sur un prix forfaitaire. TF, 23.02.2012, 4A_88/2011.

V. Le contrat de mandat

A. Le mandat dans le domaine de la construction

66.Contratd’architecte–rémunération–CO394al.3,398al.2– La mauvaise exécution du contrat peut entraîner une réduction des honoraires du mandataire, appréciée selon l’utilité pour le mandant des prestations fournies. Elle peut également engendrer l’obligation, pour le mandataire, de réparer le dommage. En l’occurrence, l’architecte a certes violé son obligation de diligence en omettant de surveiller l’évolution des prix. La réduction de la rémunération doit toutefois s’apprécier eu égard au comportement des mandants qui ont commandé à plusieurs reprises des travaux supplémentaires aux corps de métier, sans en informer l’architecte. TF, 10.05.2011, 4A_34/2011.

B. Lemandatdansledomainebancaireetfinancier

67.Responsabilitédumandatairedansuneprocédurefiscale–CO398– Lorsque le contribuable se fait conseiller, assister ou représenter dans une procédure fiscale, le mandataire doit sauvegarder les intérêts de son client et s’efforcer de parvenir à la charge fiscale la plus faible possible. Le paiement des impôts n’est pas une libéralité en faveur de la collectivité publique. L’impôt entraîne au contraire une diminution involontaire du patri-moine, raison pour laquelle le mandataire doit parvenir au montant d’impôt le plus modeste possible. Lorsque l’autorité fiscale refuse les déductions calculées sur l’impôt préalable par une fiduciaire, le dommage correspond à la différence entre le montant effectivement payé par le mandant et celui qu’il aurait payé en cas d’exécution correcte du mandat. TF, 24.11.2011, 4A_506/2011.

68.Remboursementdesavancesetfraisencourusparlemandant–CO402– Un mandataire se charge régulièrement des formalités douanières de son mandant impor-tateur en Suisse de divers produits. Lors de l’importation de Slovénie en Suisse d’un chargement de produits aviaires, le mandant a dû acquitter des taxes douanières, l’impor-tation n’ayant pas pu avoir lieu en franchise d’impôts pour diverses raisons partiellement imputables au comportement du mandataire. Celui-ci a demandé le remboursement des taxes acquittées à son mandant augmenté de sa provision. Dans le contrat de mandat, les

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parties s’entendent sur le remboursement au mandataire des avances et frais nécessaires à l’exécution de son mandat. Le mandant peut toutefois refuser de rembourser au manda-taire les avances et frais qui se révèlent inutiles ou injustifiés. Point n’est besoin pour ce faire que le mandant oppose au mandataire une prétention récursoire ou une exception de compensation. Par rapport aux avances et frais inutiles ou injustifiés, il ne s’agit pas d’une mauvaise exécution du mandat susceptible de fonder une prétention en dommages-intérêts mais bien de dépenses qui n’entrent pas dans l’exécution du mandat et qui, par conséquent, n’ouvrent pas le droit à remboursement. Le Tribunal fédéral juge que viole le droit fédéral la cour cantonale qui n’examine pas si la perception des droits douaniers litigieux était liée à une négligence du mandataire. Le Tribunal de commerce de Zurich avait constaté que les droits ne pouvaient plus faire l’objet d’un remboursement de la part de l’autorité douanière et que cette impossibilité d’en obtenir le remboursement était liée au fait que le mandant n’avait pas transféré suffisamment de contingents pour couvrir l’entier de son chargement. La Haute Cour admet le recours. TF, 01.07.2011, 4A_128/2011.

69.Fraisliésàl’exécutiondumandat,casclair–CPC257– Lorsque l’état de fait n’est pas litigieux ou est susceptible d’être immédiatement prouvé et que la situation juridique est claire, la procédure est régie par l’art. 257 CPC. La situation juridique est claire si les conséquences juridiques liées à l’application de la loi découlent sans autre de la loi, en prenant en considération la doctrine et la jurisprudence et que l’application du droit conduit à un résultat univoque. Le litige porte en l’occurrence sur la responsabilité d’une banque mandataire à l’égard de sa cliente, une société incorporée dans les Îles Vierges britanniques. Le Tribunal fédéral juge que la question qui lui est soumise, à savoir celle du remboursement à la banque des frais encourus comme mandataire, n’est pas simple à résoudre. A cela s’ajoute qu’une autre procédure est pendante devant un tribunal améri-cain. Par conséquent, il est exclu de retenir l’existence d’un cas clair. TF, 22.02.2012, 4A_443/2011.

70. renonciation à la rétrocession des ristournes versées au gestionnaire de fortune par la banque de dépôt – nullité partielle du contrat – Une caisse de pension réclame à son gestionnaire de fortune la restitution des ristournes reçues par le gestion-naire de la banque de dépôt. Le gestionnaire oppose à sa mandante une clause du contrat de mandat dans laquelle figurait la renonciation par le mandant à ces ristournes. Cet arrêt donne l’occasion au Tribunal fédéral de revenir sur les conditions mises à l’information que le mandataire doit donner à son mandant pour que la renonciation soit considérée comme valablement conclue. D’après l’art. 400 al. 1 CO, le mandataire est tenu de rendre des comptes sur sa gestion à son mandant et de lui remettre tout ce qui est parvenu au mandataire dans le cadre de sa gestion. L’obligation de restitution porte sur les valeurs qui ont été remises au mandataire par le mandant pour l’accomplissement de son mandat, mais également sur les avantages indirects que le mandant a reçu de la part de tiers suite à l’accomplissement de son mandat. Le mandataire ne peut conserver que les avantages qu’il a reçus de la part de tiers à l’occasion de l’accomplissement de son mandat sans lien

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organique avec le mandat. Parmi les avantages qui échoient au mandataire figurent notam-ment les ristournes et les autres formes de rémunération en retour ; on comprend sous ces termes les paiements qui échoient au gérant de fortune fondés sur un contrat spécifique conclu entre le gérant de fortune et la banque de dépôt des fonds appartenant à son client. Dans la mesure où ces paiements sont directement liés à l’administration de la fortune propriété du mandant et administrée par le mandataire, ils sont soumis à l’obligation de restitution du mandataire de l’art. 400 al. 1 CO. La règle de l’art. 400 al. 1 CO est toutefois de nature dispositive. Cela signifie que le mandant peut renoncer à la restitution par le mandataire d’avantages obtenus par le passé. Pour l’avenir, le Tribunal fédéral souligne qu’en matière de gestion de fortune, le mandant doit être informé des paramètres utilisés pour calculer la ristourne afin de pouvoir comparer l’importance de celle-ci avec les hono-raires convenus avec le mandataire. Ce n’est qu’à cette condition, d’avoir été suffisam-ment informé des modalités servant à calculer la rémunération future du mandataire, que la renonciation éclairée du mandant au bénéfice du mandataire sur les ristournes attendues peut être admise. La preuve de l’information incombe au mandataire. En l’occurrence, le Tribunal fédéral estime, contrairement à la cour cantonale, que l’information n’a pas été donnée de manière suffisante même à compter que la mandante ait été expérimentée de ce genre de contrats. Il renvoie l’affaire à l’instance précédente pour nouveau jugement dans le sens des considérants, la pertinence des compensations alléguées par l’intimée devant de surcroît être réexaminée. TF, 29.08.2011, 4A_266/2010, ATF 137 III 393.

71.Mandatvisantàlaconclusionetàl’administrationd’unplacementfinan-cier – renonciation à la rétrocession – Le contrat en cause porte sur la conclusion et l’administration d’un placement financier entre un gérant de fortune (le mandataire) et un investisseur (le mandant). Le Tribunal fédéral retient la qualification de contrat de mandat, dans la mesure où elle n’a pas été mise en cause dans l’arrêt rendu. L’art. 400 al. 1 CO oblige le mandataire à rendre des comptes sur sa gestion au mandant et de lui remettre tout ce qui lui a été versé dans le cadre de sa gestion. L’obligation de restitution porte en effet sur les valeurs qui ont été remises au mandataire par le mandant pour l’accomplisse-ment de son mandat, mais également sur les avantages indirects que le mandant a reçu de la part de tiers suite à l’accomplissement de son mandat. Le mandataire ne peut conserver que les avantages qu’il a reçus de la part de tiers à l’occasion de l’accomplissement de son mandat qui sont sans lien organique avec le mandat. Parmi les avantages qui échoient au mandataire figurent notamment les ristournes et les autres formes de rémunération en retour. S’agissant des paiements fondés sur un contrat spécifique entre le gérant de fortune et la banque de dépôt des fonds appartenant au client, il s’agit d’examiner dans quelle mesure ceux-ci sont directement liés à l’administration de la fortune propriété du mandant. Dans cette hypothèse, ces paiements sont soumis à l’obligation de restitution du mandataire de l’art. 400 al. 1 CO. Cette règle est toutefois de nature dispositive. Cela signifie que le mandant peut renoncer à la restitution par le mandataire d’avantages obtenus par le passé. Pour ce qui concerne les avantages futurs, le Tribunal fédéral précise qu’en matière de gestion de fortune, le mandant doit être informé des paramètres utilisés pour calculer la

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ristourne afin de pouvoir comparer l’importance de celle-ci avec les honoraires convenus avec le mandataire. Ce n’est qu’à la condition d’avoir été suffisamment informé des moda-lités servant à calculer la rémunération future du mandataire que la renonciation éclairée du mandant au bénéfice du mandataire sur les ristournes attendues peut être admise. La renonciation doit en sus clairement ressortir de l’accord conclu. En l’espèce, le Tribunal fédéral casse partiellement la décision du tribunal cantonal pour ce qui a trait à la restitution des profits liés au mandat et renvoyé l’affaire pour complément d’instruction. Il précise qu’il convient en particulier de vérifier si le mandataire a effectivement perçu une commis-sion en intervenant comme intermédiaire pour replacer l’argent investi avant le terme du contrat d’investissement en ordonnant au mandataire de rendre des comptes sur sa gestion. La Haute Cour a par ailleurs constaté qu’il n’était pas certain que les critères relatifs à la renonciation soient en l’espèce remplis. Elle laisse toutefois le soin à l’instance précédente de réexaminer ce point. TF, 29.11.2011, 4A_427/2011.

72. responsabilité de la banque gestionnaire, lien de causalité, preuve du dommage – co 97, 398 al. 2 – Lorsqu’un client ouvre un compte bancaire en vue d’y virer des fonds et de procéder à des placements, il noue avec la banque une relation contrac-tuelle « complexe » revêtant les caractéristiques du compte-courant (pour le décompte des opérations), du dépôt irrégulier (pour les fonds remis), du mandat (au moins pour la gestion administrative des titres), de la commission (pour l’achat ou la vente de titres au nom de la banque), voire du dépôt (pour les titres placés en portefeuille). Si le client souhaite procéder à des placements, ses rapports juridiques avec la banque peuvent se concevoir de trois façons : (1) le simple dépôt bancaire avec ordre donné par le client, (2) le conseil en place-ment, où le client décide toujours lui-même des opérations à effectuer ou (3) le mandat de gestion, où le gérant s’oblige à gérer tout ou partie de la fortune du client, en déterminant lui-même les opérations boursières à effectuer, dans les limites fixées par le mandant. Cette troisième construction, retenue dans le cas d’espèce, n’exclut pas que le client puisse occa-sionnellement donner des instructions à la banque. En tant que mandataire, la banque a un devoir de bonne et fidèle exécution du contrat (art. 398 CO). Elle engage sa responsabilité contractuelle conformément à l’art. 97 CO. Il incombe donc au client de prouver la conclu-sion du contrat et la violation de l’obligation de diligence, de même que le lien de causalité entre la survenance du dommage et cette violation. En l’occurrence, la banque a violé le contrat en ne consultant pas son client sur la politique de gestion à suivre. Néanmoins, celui-ci a échoué à apporter la preuve de la causalité. Il ressortait en effet de son attitude générale qu’il souhaitait un rendement élevé et qu’il faisait confiance au gestionnaire, de sorte que l’on pouvait conclure de ces éléments qu’une précision de la banque n’aurait rien changé au cours des événements. Défini de manière large, le pouvoir de gestion n’engage la responsabilité du mandataire en cas de pertes qu’en présence d’opérations déraisonnables. Dans une telle hypothèse, il incombe au client de prouver son dommage, lequel suppose d’établir la liste de toutes les opérations prohibées, et non seulement de celles qui se sont soldées par une perte. A défaut d’avoir rempli cette exigence, le mandant n’a pas satisfait aux conditions présidant à l’octroi de dommages-intérêts. TF, 22.06.2011, 4A_90/2011.

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73. responsabilité de la banque gestionnaire, étendue du devoir de diligence, contenu du devoir d’information – co 398 al. 2 – Appelé à statuer sur la violation du devoir de diligence de la banque dans le mandat de gestion de fortune, le Tribunal fédéral rappelle que l’étendue de ce devoir se détermine selon des critères objectifs. L’exigence est plus haute s’agissant du mandataire qui exerce une activité professionnelle moyennant rémunération. S’il existe, dans la profession ou dans un secteur de l’économie, des usances ou des règles généralement suivies, on peut les prendre en considération pour déterminer la diligence requise. Fait notamment partie du devoir de diligence, l’établissement par la banque d’un profil de risques, avant ou lors de la conclusion du mandat de gestion, pour fixer une limite de pertes. Lorsque le client a donné son accord à une politique de gestion spéculative, il ne saurait ensuite se prévaloir d’une violation du devoir de diligence, quand bien même le mandataire n’a pas satisfait à son devoir d’établir un profil de risques et malgré le fait qu’une telle mesure aurait permis au gestionnaire de conclure qu’une poli-tique de gestion conservatrice devait être privilégiée au regard de la situation personnelle du mandant. Un tel comportement est en effet abusif au sens de l’art. 2 al. 2 CC. Le Tribunal fédéral parvient à cette conclusion dans le cas d’espèce, dès lors que les clients ont manifesté leur accord à une stratégie risquée de la banque en matière de placements lors de la conclusion du mandat de gestion. Par ailleurs, si les professionnels en matière de placements sont soumis à une obligation particulière d’information lors de la conclusion et de l’exécution des contrats de gestion de fortune, la Haute Cour a confirmé le jugement cantonal en considérant que la banque n’avait dans le cas particulier pas violé ce devoir. Les clients connaissaient en effet les risques liés aux placements opérés, de sorte qu’ils n’avaient besoin d’aucune explication. TF, 27.06.2011, 4A_140/2011.

74. responsabilité de la banque gestionnaire, connaissance des risques – co 398 al. 2 – Le Tribunal fédéral dénie la responsabilité de la banque pour ses conseils en placements. Le client connaissait les risques principaux liés aux investissements effectués. Il n’avait de surcroît pas manifesté sa volonté de ne pas acquérir des actions américaines ou des devises en dollars (investissements indirects). Comme le mandant était un client de longue date dans le domaine des placements, avec un profil de risques des plus élevés, la banque pouvait admettre qu’il s’y connaissait dans les grandes lignes. TF, 12.12.2011, 4A_383/2011, RSJ 2012 194.

c. Le mandat dans le domaine médical

75. responsabilité du médecin, devoir de diligence – co 398 – Un acte chirur-gical constitue une atteinte portée au corps humain. Une telle atteinte n’est licite que si le médecin apporte la preuve qu’il a obtenu le consentement éclairé du patient, sauf consente-ment hypothétique ou état de nécessité. En l’occurrence, les griefs du recourant ne portent pas sur un tel acte, de sorte que cette condition n’a pas à être examinée. Est en revanche reproché au médecin le respect de son obligation de diligence. Le Tribunal fédéral ne décèle pas d’arbitraire dans l’appréciation des faits de la cour précédente qui serait de nature à

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retenir la violation d’une telle obligation. Selon la version des faits retenue, le médecin a indiqué au patient qu’il lui appartenait de prendre rendez-vous avec un spécialiste en vue d’effectuer des examens plus approfondis en milieu hospitalier. Par conséquent, le fait que rien ne se soit passé du point de vue médical entre cet entretien et la consultation du patient pour des douleurs thoraciques révélant la présence d’un cancer prostatique avec métastases multiples, soit durant près de trois ans, n’est pas constitutif d’une violation de l’obligation de diligence. Il appartient au patient de prendre rendez-vous avec le médecin, puisqu’il reste libre de se soigner, de choisir le médecin qu’il veut consulter et de déterminer s’il veut ou non solliciter des prestations médicales qui entraîneront des dépenses pour lui. En cas de malentendu, il incombe également au patient, inquiet de son sort et ne recevant pas de nouvelles, de prendre contact avec son médecin traitant, voire le spécialiste qui lui a été recommandé. En l’occurrence, le Tribunal fédéral constate avec l’autorité cantonale que le médecin a donné à son patient les indications correspondant aux notes figurant dans les dossiers médicaux, il n’a donc pas violé son obligation de diligence en ne prenant pas rendez-vous avec le spécialiste. Il est du libre arbitre du patient de choisir de consulter ou non. TF, 02.05.2012, 4A_737/2011.

76.Révocationdumandat–CO404al.2– La révocation en temps inopportun au sens de l’art. 404 al. 2 CO est celle que le mandant ne justifie par aucun motif sérieux et qui entraîne un préjudice particulier pour le mandataire, tels que les frais désormais inutilement engagés en vue de l’exécution du mandat concerné, ou les gains auxquels le mandataire a renoncé en vue de se consacrer à ce même mandat. En revanche, cette disposition ne permet pas de réclamer le remplacement du gain que la continuation du mandat aurait procuré au mandataire. Par ailleurs, la notion d’inopportunité est étroite-ment liée au préjudice qui résulte de la révocation du mandat. Seule l’existence d’un préjudice particulier justifie une sanction à l’exercice inopportun du droit de révocation. Il n’y a donc lieu à discussion des motifs de la révocation que lorsque celle-ci cause un préjudice particulier, autre que la perte de la rémunération attendue par le mandataire. Pour ce motif, le Tribunal fédéral rejette les conclusions du recourant visant à l’octroi de dommages-intérêts consistant dans le revenu qu’il aurait retiré de son activité de médecin si l’établissement hospitalier n’y avait pas mis fin après avoir pris connaissance des résul-tats d’un rapport d’évaluation sévère à l’égard du mandataire. Il réserve le même sort aux conclusions du médecin tendant au versement d’une somme d’argent, sur la base de l’art. 41 al. 1 CO, et à un communiqué « valant réhabilitation du demandeur dans ses fonctions professionnelles », sur la base de l’art. 28a al. 2 CC. L’établissement hospitalier n’avait en effet fait aucune communication au public ou aux médias sur les manquements reprochés au médecin. Bien qu’il ait transmis le rapport du spécialiste engagé pour juger des compétences du mandataire à deux médecins cantonaux, on ne saurait y voir une atteinte illicite, dès lors que ces médecins sont notamment chargés de contribuer à la surveillance des établissements sanitaires et des professions de la santé. Une informa-tion succincte des médecins de l’établissement hospitalier était par ailleurs indispensable

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compte tenu du fait que le départ du mandataire ne pouvait pas demeurer secrète. TF, 14.05.2012, 4A_155/2012.

D. Lemandatdansledomainejudiciaire

77. responsabilité de l’avocat, nature du droit au remboursement des acomptes versés – L’avocat recourant ne conteste pas avoir violé son obligation de dili-gence, mais invoque la prescription du droit de son client à réclamer les montants perçus à titre d’acomptes. Le Tribunal fédéral rejette son argumentation dès lors que l’action en restitution des montants versés repose sur un accord des parties. Elle est donc de nature contractuelle. Le Tribunal fédéral rappelle que celui qui fournit sans aucune réserve une prestation supérieure à ce qu’il doit selon le contrat en s’imaginant devoir l’exécuter ne peut toutefois réclamer la différence que selon les règles de l’enrichissement illégitime. Il en va différemment lorsque la prestation fournie était effectivement due d’après le contrat, mais qu’un décompte ultérieur était réservé. Cependant, même dans un décompte de nature contractuelle, une écriture erronée doit être régularisée en vertu des règles sur l’enrichissement illégitime lorsque le bouclement du décompte a été établi. Cette jurispru-dence s’applique notamment aux frais accessoires payés en trop en matière de bail à loyer. TF, 17.07.2012, 4A_89/2012.

78. responsabilité de l’avocat-conseil, preuve du dommage et du lien de causalité hypothétique – A l’issue d’une procédure portant sur le rachat d’une part de société simple, l’acquéresse est condamnée par un tribunal arbitral à rembourser à son associé une créance fiscale d’un peu plus de 6 millions de francs. Elle actionne en responsabilité le cabinet d’avocats l’ayant conseillée dans les démarches relatives au rachat. Le Tribunal de commerce de Zurich a rejeté la prétention du fait que la deman-deresse avait insuffisamment motivé (ungenügend substantiiert) le lien de causalité et le dommage, tout en reconnaissant une violation du devoir de diligence du manda-taire. En refusant de se prononcer sur le fond de l’affaire, le Tribunal fédéral admet le recours au motif que le rejet de la demande pour violation du devoir de motiver le dommage ainsi que le lien de causalité hypothétique viole le droit fédéral. La Haute Cour rappelle les principes applicables en matière d’allégation et de preuve des alléga-tions de fait par le demandeur qui entend faire découler un droit des faits qu’il allègue (consid. 2.2.1). Dans la mesure où une omission était reprochée au mandataire attaqué (manque d’une clause pour solde de tous comptes ou clause d’exclusion de responsa-bilité dans le contrat d’achat), le Tribunal fédéral souligne également les principes du droit fédéral applicable en matière de preuve du lien de causalité hypothétique sans qu’une preuve directe ne soit possible (consid. 2.2.4). En particulier, il ne peut pas être reproché à la demanderesse d’avoir échafaudé des hypothèses tendant à démontrer que, si la clause manquante avait été soumise à la partie en pourparlers contractuels le compor-tement de celle-ci aurait été tel ou tel et, dans tous les cas, apte à éviter le dommage subi. TF, 03.05.2012, 4A_588/2011.

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VI. Le contrat de courtage79. rémunération du courtier, lien psychologique – co 412, 413 – L’art. 412 CO

s’applique tant au courtage d’indication, soit le contrat par lequel le courtier est chargé d’indiquer à l’autre partie l’occasion de conclure une convention, qu’au courtage de négo-ciation, soit le contrat par lequel le courtier est chargé de servir d’intermédiaire à l’autre partie pour la négociation d’un contrat. En l’occurrence, les parties étaient liées par les deux types de courtage. En vertu de l’art. 413 al. 1 CO, le courtier a droit à son salaire dès que l’indication qu’il a donnée ou la négociation qu’il a conduite aboutit à la conclusion du contrat. Il doit apporter la preuve qu’il a agi et que son intervention a été couronnée de succès. Il n’est pas nécessaire que la conclusion du contrat principal soit la conséquence immédiate de l’activité fournie. Il suffit que celle-ci ait été une cause même éloignée de la décision du tiers, satisfaisant à l’objectif du mandant ; en d’autres termes, la jurispru-dence se contente d’un lien psychologique entre les efforts du courtier et la décision du tiers, lien qui peut subsister en dépit d’une rupture des pourparlers. Il importe peu que le courtier n’ait pas participé jusqu’au bout aux négociations du vendeur et de l’acheteur, ni qu’un autre courtier ait aussi été mis en œuvre. L’exigence d’un lien psychologique entre les efforts du courtier et la décision du tiers n’a véritablement de sens que dans le courtage de négociation, puisque, dans le courtage d’indication, le courtier se limite à communiquer au mandant le nom de personnes intéressées à conclure et qu’il n’exerce pas d’influence sur la volonté de celles-ci. L’exigence du rapport de causalité entre l’activité du courtier et la conclusion du contrat principal est remplie si le courtier prouve qu’il a été le premier à désigner la personne qui a acheté et que c’est précisément sur son indication que les parties sont entrées en relation. Tel est le cas en l’espèce. Même si l’acheteur savait que le mandant cherchait à vendre son immeuble avant la conclusion du contrat de courtage, ce n’est qu’après avoir été approché par la courtière qu’il s’est adressé directement au vendeur pour lui faire part de son intérêt à l’acquisition de l’objet. Avant l’intervention de la courtière, il n’avait jamais discuté avec le propriétaire de la possibilité d’acquérir le bien immobilier. TF, 15.11.2011, 4A_337/2011.

VII. Le contrat de représentation commerciale80. prohibition de concurrence imposée au fondé de procuration ou au

mandatairecommercial,remisedugain–CO464–La question à résoudre est celle de savoir si un employeur est en droit d’exiger d’un travailleur exerçant une fonction de fondé de procuration ou de mandataire commercial la restitution des profits que celui-ci a réalisés durant son travail en contravention de son interdiction de concurrence. Le Tribunal fédéral y répond en trois étapes : (i) Le fondé de procuration ou le mandataire commercial est tenu par l’art. 464 CO de ne pas faire concurrence au chef d’entreprise. La disposition tend à protéger le second et à éviter les conflits d’intérêts. Cette interdiction se fonde sur une disposition spéciale, soit l’art. 464 CO, et non sur les règles générales

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applicables au travailleur (art. 321a et 321b CO). Le fondé de procuration ou le manda-taire commercial ne peut, de ce fait, offrir les mêmes services et les mêmes produits que son employeur. (ii) L’interdiction vise des actes juridiques, soit la conclusion d’affaires pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers, et non de simples actions de fait en faveur d’un tiers. Peu importe en revanche que les contrats aient pu ou non intéresser le chef d’entreprise. (iii) La violation de l’interdiction de concurrence autorise l’em-ployeur non seulement à prendre les affaires à son compte, mais également à exiger la restitution des profits réalisés. On notera que le Tribunal fédéral a volontairement laissé indécise la question de savoir si un tel droit pouvait aussi être déduit, par le détour de l’art. 423 CO, d’une violation de l’art. 321a al. 3 CO par le travailleur. Une majorité de la doctrine citée par l’arrêt y est favorable ; l’institution paraît en effet plus appropriée à la compensation de la perte subie. TF, 28.11.2011, 4A_345/2011, ATF 137 III 607.

VIII. Le contrat d’agence81. Indemnité pour la clientèle – co 418u – Les conditions générales sont

soumises aux mêmes règles d’interprétation que les accords négociés individuellement. Ce n’est donc que si les volontés réelles ne concordent pas au terme de l’interpréta-tion subjective qu’il convient de recourir à l’interprétation objective. Il s’agit alors de déterminer le sens que le destinataire d’une manifestation de volonté pouvait et devait comprendre de bonne foi. C’est le principe de la confiance qui découle de l’art. 2 al. 1 CC. En l’occurrence, n’est pas contraire à la bonne foi la clause aux termes de laquelle l’employé d’une compagnie d’assurances, devenu agent général indépendant, peut exploiter gratuitement un portefeuille de clients constitué par ses soins alors qu’il était salarié, mais que l’indemnité pour clientèle à laquelle il peut prétendre à la fin du contrat conformément à l’art. 418u CO doit être réduite en proportion. Avant de devenir agent, le travailleur avait en effet été rémunéré pour la constitution de la clientèle et il appartenait à la compagnie d’exploiter le portefeuille. TF, 09.12.2011, 4A_316/2011.

IX. Le contrat de prêt82. remboursement à première réclamation, départ du délai de prescription

– co 318, c0 130 – Lorsque l’emprunteur s’est engagé à rembourser la somme prêtée conformément à l’art. 318 CO, c’est-à-dire dans un délai de 6 semaines dès la première réclamation du prêteur, le point de départ du délai de prescription se détermine confor-mément à l’art. 130 CO. L’alinéa second de cette disposition prévoit que si l’exigibilité est soumise à un avertissement du créancier, la prescription court dès le jour pour lequel cet avertissement pouvait être donné. En l’occurrence, le contrat date du 29 mars 1999, de sorte que l’avertissement pouvait être donné au plus tôt 6 semaines plus tard, soit le 11 mai suivant. Le délai de prescription s’est écoulé depuis ce jour et il est lui-même arrivé

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à échéance le 11 mai 2009. La créance en remboursement était donc prescrite lorsque le prêteur a fait notifier un commandement de payer à l’emprunteur, le 19 mars 2010. Le Tribunal fédéral confirme par là une jurisprudence prononcée en 1924 et confirmée depuis. Il précise qu’il n’y a pas lieu de s’en écarter. TF, 22.12.2011, 4A_699/2011.

83. remboursement anticipé – Intérêts – co 313 s., co 81 al. 2 – Le contrat par lequel les parties conviennent de la mise à disposition par l’une d’un montant pendant une certaine durée contre le remboursement de cette somme à l’échéance et le versement d’un intérêt annuel par l’autre doit être qualifié de contrat de prêt. La clause des condi-tions générales qui prévoit que l’emprunteur peut mettre fin prématurément en paiement des intérêts (« perte d’intérêts constatée ») doit être interprétée en ce sens que l’emprun-teur a l’obligation de couvrir la perte d’intérêts résultant pour le prêteur du fait que celui-ci ne recevra pas les intérêts jusqu’à l’échéance. Pour éviter que le prêteur se trouve enrichi du fait qu’il peut disposer d’une somme avant le moment convenu, il y a lieu de déduire un escompte conforme à l’usage pour l’exécution anticipée (art. 81 al. 2 CO). En l’occurrence, le prêteur a réduit le taux d’intérêt convenu du taux d’intérêt applicable au moment de la résiliation anticipée pour un placement bancaire sur le marché monétaire ou le marché des capitaux pour la durée résiduelle. Le Tribunal fédéral juge cette pratique bancaire conforme à l’art. 81 al. 2 CO. Il précise par ailleurs que l’on ne peut reprocher au prêteur de ne pas avoir diminué son dommage, dès lors que l’on se trouve dans un cas d’exécution anticipée, non dans un cas de violation du contrat au sens de l’art. 97 CO. A noter que les dispositions du droit du bail ou du droit du travail ne s’appliquent pas par analogie, car il est de jurisprudence que les considérations de politique sociale à l’origine de l’adoption de ces normes ne sont pas transposables en matière de prêt. TF, 16.12.2011, 4A_409/2011.

X. Le contrat de cautionnement84. Accessoriété du cautionnement, renonciation du débiteur à invoquer

la compensation, – co 502, co 121 – protection de la caution – co 492 al. 4 – 1. Aux termes de l’art. 492 al. 1 CO, la caution s’engage envers le créancier d’un débiteur principal à répondre accessoirement de l’exécution de la dette. L’art. 502 al. 1 CO illustre l’une des conséquences de l’accessoriété en donnant à la caution le droit d’opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur ou à ses héritiers. Il s’agit d’un droit propre, comme l’illustre l’art. 502 al. 2 CO. Cette disposition prévoit en effet que si le débiteur principal renonce à invoquer une exception qui lui appartient, la caution peut néanmoins l’opposer au créancier. La loi ne vise toutefois que l’abandon volontaire d’une exception qui pourrait en principe être invoquée. Tel n’est pas le cas d’un droit formateur comme la compensation. Lorsque le débiteur principal s’abstient d’invoquer la compensation, le principe d’accessoriété voudrait en effet que la caution réponde de l’exécution de la dette. Or l’art. 121 CO permet à celle-ci de refuser de payer le créancier,

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aussi longtemps que le débiteur est en droit d’invoquer la compensation. La question se pose de savoir si l’art. 502 al. 2 CO s’applique par analogie dans le cas où le débiteur a renoncé à invoquer une créance compensatrice et permettrait par là à la caution de refuser de s’exécuter. Dans l’ATF 126 III 25, le Tribunal fédéral ne s’était pas prononcé sur ce point, dès lors que la caution avait consenti à la renonciation. En l’espèce, il rappelle que l’art. 502 al. 2 CO vise à protéger la caution en lui permettant de refuser sa prestation lorsque le débiteur principal a aggravé sa situation et précise que celle-ci peut refuser de prester lorsque la renonciation à invoquer la prescription intervient postérieurement à la conclusion du contrat et sans l’accord de la caution. Tel n’est en l’occurrence pas le cas, puisque la caution était administrateur unique de la société débitrice principale. Il avait donc connaissance de la renonciation au moment de la conclusion du cautionne-ment puisqu’il avait engagé la société pour la dette principale. 2. La caution ne peut par ailleurs invoquer l’art. 492 al. 4 CO qui lui interdit de renoncer par avance aux droits que lui confère le Code des obligations. Cette disposition vise en effet les droits propres de la caution. Elle ne l’empêche toutefois pas de répondre de l’exécution d’une dette pour laquelle le débiteur principal a renoncé à invoquer une exception ou une objection conformément à la loi. Pour la même raison, les exigences de forme de l’art. 493 CO ne s’appliquent pas. A noter que le Tribunal fédéral a en revanche laissée indécise la ques-tion de savoir si la renonciation de la caution à se prévaloir de l’art. 121 CO est couverte par l’art. 492 al. 4 CO. TF, 02.05.2012, 4A_678/2011.

XI. Le contrat d’assurance85. Modification d’une police d’assurance, obligation d’informer de l’assureur

– LcA 11, 12 – L’assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale relève de la LCA. En vertu de l’art. 11 de cette loi, l’assureur a l’obligation de remettre au preneur d’assurance une police constatant les droits et obligations des parties. En cas de contra-diction entre les conventions intervenues, le preneur d’assurance doit demander la modi-fication de la police d’assurance dans les quatre semaines dès la réception de la nouvelle police. En l’absence de réaction dans le délai imparti, la teneur de celle-ci est considérée comme acceptée (art. 12 al. 1 LCA). Cette règle, adoptée dans l’intérêt de l’assureur, est tempérée par l’obligation lui incombant de la faire figurer textuellement dans chaque police, afin que le preneur d’assurance y soit rendu attentif (art. 12 al. 2 LCA). En l’oc-currence, il n’est pas contesté que le preneur n’a pas réagi dans le délai de l’art. 12 al. 1 LCA. Il peut certes invalider le contrat pour vice du consentement, mais il n’a pas intérêt à se prévaloir d’une erreur, puisqu’il entend se faire rembourser les frais d’hospitalisation litigieux. Néanmoins, il résulte de l’état de fait que la suppression du risque accident dans la nouvelle police n’avait pas été demandée par le preneur d’assurances et que le gain obtenu par cette suppression était minime pour lui. En outre, seule la police de l’assuré avait été modifiée, non celle des autres membres de sa famille. De ces éléments, il faut conclure à une inadvertance de l’assureur, dès lors que la volonté réelle des parties n’était

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pas de modifier la police initiale sur ce point. Les règles de la bonne foi ne conduisent pas à un autre résultat, puisque l’assureur n’a pas informé le preneur d’assurance de la suppression intervenue dans la nouvelle police, transgressant par là un de ses devoirs accessoires issu du contrat d’assurance. TF, 16.12.2011, 4A_219/2011.

86.Titularitédelacréancedécoulantducontratd’assurance–LCA60,LCR65– Seul le contrat d’assurance de responsabilité civile du détenteur de véhicule automo-bile au sens de l’art. 63 LCR permet au lésé d’agir directement contre l’assureur (art. 65 al. 1 LCR). Si, comme en l’espèce, il n’est pas question d’une telle assurance, le lésé n’est pas titulaire de la créance à l’égard de l’assureur. Il ne peut exiger le paiement de l’assureur qu’en vertu d’une cession conventionnelle ou légale selon les art. 164 ss CO. L’art. 60 al. 1 LCA prévoit certes que l’assureur peut se libérer directement entre les mains du lésé. Cette disposition ne permet toutefois pas au lésé d’agir directement contre l’assureur, pas plus qu’elle ne lui transfère la créance appartenant au preneur. Elle octroie toutefois un droit de gage sur l’indemnité due au preneur par l’assureur. Lorsque, comme en l’espèce, l’auteur du dommage est tombé en faillite, le lésé doit produire dans la faillite sa créance en dommages-intérêts contre le preneur d’assurance, puis invoquer, au stade de l’établissement de l’état de collocation, son droit de gage légal découlant de l’art. 60 LCA. TF, 15.11.2011, 4A_185/2011.

87. Justification des prétentions – LcA 39 – Après s’être marié, l’assuré a exigé de l’assurance le paiement du montant de la police dont une des clauses prévoit le verse-ment de la somme assurée en cas de mariage. L’assurance a différé le versement jusqu’à réception d’une copie certifiée conforme du certificat de mariage. L’ayant droit réclame le versement d’intérêts moratoires à compter du jour où il a fait parvenir à l’assurance une copie certifiée conforme du passeport de son conjoint. Le Tribunal fédéral confirme sous l’angle de l’arbitraire le jugement précédent rejetant les prétentions pécuniaires de l’assuré. L’art. 39 al. 1 LCA habilite en effet l’assurance à exiger tous les renseigne-ments utiles pour établir le bien-fondé des prétentions de l’ayant droit. Or celle-ci était en droit de différer le paiement, dès lors que l’assuré ne lui avait fourni qu’une copie certifiée conforme du passeport de son conjoint. Nonobstant le fait que les conditions générales mentionnaient la possibilité de produire une copie d’une pièce d’identité pour établir le mariage, l’assurance était en droit de surseoir au versement du montant convenu dans la mesure où l’ayant droit n’avait pas satisfait à sa demande de renseignements. L’établissement de l’identité du conjoint n’apparaît en effet pas comme étranger à l’affaire. TF, 27.09.2011, 4D_62/2011.

88. Assurance-maladie complémentaire. prescription de la créance contre l’as-sureur–LCA46al.1– La créance contre l’assureur en réparation du dommage assuré se prescrit par deux ans, conformément à l’art. 46 al. 1 LCA. Pour ce motif et à la suite d’une erreur dans la voie judiciaire choisie pour faire valoir la créance d’un assuré, la cour cantonale des assurances sociales saisie a rejeté la nouvelle demande déposée. Le Tribunal fédéral confirme le jugement de l’autorité précédente. Il constate que le paiement d’un

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montant par l’assureur n’a pas interrompu le délai car celui-ci avait informé le mandataire de l’assuré qu’il s’agissait du dernier paiement et non du paiement d’un acompte. La Haute Cour rejette l’argument selon lequel l’assureur aurait reconnu la dette en soulignant qu’une telle reconnaissance ne doit être admise que restrictivement, dès lors qu’elle prolonge le délai de prescription légal au détriment du débiteur. La volonté du débiteur de reconnaître la créance de l’assuré doit donc être établie. En l’espèce, cette volonté ne ressort que pour une partie de la créance et l’assureur s’est acquitté du montant correspondant entre les mains de l’assuré. TF, 24.11.2011, 4A_153/2011.

89. contrat d’assurance-maladie complémentaire, psychothérapie. L’assureur peut prévoir dans ses conditions générales que ne sont pas couverts les traitements médi-caux non reconnus par le Conseil fédéral dans le cadre de la loi fédérale sur l’assurance-maladie. Ce renvoi n’inclut pas seulement la liste des traitements édictée par le Conseil fédéral mais également les restrictions et conditions issues de la LaMal. En l’occurrence, l’assureur n’est pas obligé de prendre en charge les frais liés à des psychothérapies dont a bénéficié l’assuré lors d’un séjour de réhabilitation. TF 04.05.2011, 4D_11/2011.

90. recevabilité du recours au TF, contestation en matière d’assurance complé-mentaire à l’assurance-maladie – LcA 20 al. 1 – Dans la mesure où le Tribunal des assurances sociales du canton de Zurich connaît en instance unique d’après l’art. 7 CPC des contestations en matière d’assurance complémentaire à l’assurance-maladie, le recours en matière civile au Tribunal fédéral est recevable contre ses décisions, même si la valeur litigieuse n’atteint pas 30’000 fr. (art. 74 al. 2 let. b et 75 al. 2 let. a LTF). En l’occurrence, le Tribunal fédéral souligne l’obligation pour l’assureur d’informer explicitement, clai-rement et complètement le débiteur en demeure des conséquences du non-paiement du montant réclamé. L’assureur doit en particulier indiquer que la demeure lui ouvre le droit de se retirer du contrat. Sont en particulier insuffisantes des références à la loi ou aux condi-tions générales de l’assureur. Il en va de même de l’avis au débiteur indiquant que celui-ci peut obtenir des informations complémentaires auprès de l’assureur. TF, 30.01.2012, 4A_416/2011, ATF 138 III 2.

XII. Les contrats innommés

A. Le contrat de garantie indépendante

91. rapports avec le contrat de base – Le contrat de garantie indépendante implique que le garant honore son engagement sans égard à un éventuel litige relatif au contrat de base, aussitôt après l’appel du bénéficiaire, dans les circonstances précisées dans la lettre d’engagement. Le garant ne peut en principe opposer au bénéficiaire d’autres exceptions que celles tirées du contrat de garantie et il ne peut exiger d’autres justifica-tions que celles prévues dans le contrat. Néanmoins, une garantie indépendante n’est jamais totalement sans rapport avec le contrat de base. Son caractère abstrait ou autonome

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trouve certaines limites, notamment dans la loi. Ainsi en va-t-il des règles de la bonne foi (art. 2 CC). La garantie indépendante a pour fonction de couvrir un risque particulier. Le bénéficiaire ne peut donc l’invoquer en lien avec l’inexécution d’un autre contrat que le contrat de base. Lorsqu’une garantie est appelée pour une prétention qu’elle n’a pas pour but d’assurer, l’appel est abusif. Pour éviter de porter atteinte au principe de l’indépen-dance de la garantie bancaire, l’abus doit toutefois être manifeste. Le refus de paiement au motif que l’appel du bénéficiaire est abusif doit en effet rester exceptionnel. Tel n’est en l’occurrence pas le cas, car les exigences fixées contractuellement par les parties pour l’appel en garantie étaient remplies, de sorte que la banque garante devait honorer ses engagements. Même si la garantie visait la « bonne fin des travaux », le Tribunal fédéral confirme l’appréciation de l’autorité précédente consistant à considérer que la garantie avait été constituée en vue de couvrir le risque de l’inachèvement des travaux commandés par le bénéficiaire à l’entrepreneur, et non à couvrir le risque de défauts. La banque ne pouvait invoquer le litige qui opposait ceux-ci en lien avec le contrat d’entreprise qui les liaient. En tant que garante, elle était en effet tenue de s’exécuter dès que le bénéficiaire avait porté à sa connaissance le fait que l’entrepreneur n’avait pas rempli ses obligations contractuelles. TF, 05.10.2011, 4A_463/2011.

B. Le contrat d’enseignement et d’internat

92. contrat d’enseignement et d’internat – résiliation en temps inopportun – co 404 – N’est pas une question juridique de principe celle liée à la position du Tribunal fédéral sur la nature impérative de l’art. 404 al. 1 CO et sur le pouvoir des parties de résilier en tout temps le contrat de mandat. La Haute Cour s’est en effet prononcée clairement sur ce point dans de nombreux arrêts. Dans la conception retenue, cette disposition permet donc à une étudiante de mettre fin à un contrat d’enseignement et d’internat après le début des cours. Il se justifie en effet d’appliquer l’art. 404 al. 1 CO aux contrats mixtes comme le contrat d’enseignement et d’internat en raison de la durée de l’engagement des parties. La clause des conditions générales prévoyant que le montant des frais d’écolage reste dû à l’établissement scolaire dans une telle situation doit être qualifiée de clause pénale. La rési-liation étant survenue au milieu du semestre, soit en temps inopportun au sens de l’art. 404 al. 2, une telle clause est valable (sous l’angle de l’arbitraire) et l’établissement est en droit de conserver l’argent versé. CO. TF, 06.07.2011, 4A_141/2011.

c. Le contrat de franchise

93. résiliation anticipée, distinction entre franchise de subordination et fran-chise de partenariat – co 337 et 418r – Le contrat de franchise est un contrat innommé qui peut prendre diverses formes. Les règles qui lui sont applicables varient selon les éléments qui le composent. Le contrat de franchise peut en effet présenter des simili-tudes avec les contrats de société, justifiant d’appliquer les règles du droit des sociétés,

anne-christine Fornage/Pascal Pichonnaz/Franz Werro

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en particulier lorsque les parties sont dans un rapport d’égalité. On parle alors de « fran-chise de partenariat ». Lorsque les relations contractuelles se caractérisent par un lien de subordination, on se trouve en présence d’un contrat de franchise dit « de subordination ». Les règles en matière de contrat de travail et de contrat d’agence peuvent alors s’appli-quer. La qualification du contrat n’est pas sans conséquence sur le droit de résilier pour justes motifs. Ce droit peut ou non être de nature impérative. Tel est le cas en présence d’un contrat de travail ou d’agence, en vertu des art. 337 et 418r CO. Il en découle que les parties au contrat de franchise de subordination ne peuvent exclure conventionnellement le droit de résilier le contrat pour justes motifs. Lorsque de telles dispositions ne régissent pas le contrat de franchise, la résiliation peut avoir lieu à des conditions facilitées. En d’autres termes, les parties peuvent convenir d’une résiliation immédiate pour des motifs autres que des justes motifs. Dans le cas d’espèce, le contrat de franchise a été conclu entre deux sociétés dont les relations ne se caractérisaient pas par un lien de subordination. Le Tribunal fédéral a par conséquent jugé valable la clause aménageant un droit de résiliation anticipée en cas de violation fondamentale du contrat, précisant que cette notion ne se confond pas avec celle de justes motifs. Il n’est dès lors pas nécessaire d’examiner si la continuation des rapports contractuels pouvait ou non être raisonnablement exigée de la partie dont émane la résiliation, à la suite de la violation fondamentale du contrat par l’autre partie. En l’occurrence a été jugée fondamentale la violation par la société franchisée de son l’obligation de promouvoir les ventes. TF, 08.09.2011, 4A_148/2011.

d. Le contrat de transaction

94. conclusion du contrat – co 1 ss – Le contrat de transaction ou règlement transactionnel est un contrat sui generis par lequel les parties mettent fin par des conces-sions réciproques à un litige ou à une incertitude dans laquelle elles se trouvent au sujet d’un rapport de droit. A l’instar de la négociation de tout contrat, celle d’une transaction est soumise aux art. 1 à 10 CO. La conclusion d’une transaction suppose donc que les parties aient échangé une offre et une acceptation concordantes (art. 1 al. 1 CO). L’offre constitue une manifestation de volonté ferme de conclure un contrat qui lie son auteur. La perfection de la convention au sens de l’art. 1 al. 1 CO ne dépend alors plus que de l’accep-tation de l’autre partie. La durée de validité de l’offre diffère selon que celle-ci a eu lieu « entre présents » ou « entre absents ». Dans la seconde hypothèse, l’offre peut être faite sans limite de temps. Son auteur reste lié jusqu’au moment où il peut s’attendre à l’arrivée d’une réponse expédiée à temps et régulièrement (art. 5 al. 1 CO) compte tenu d’un délai de réflexion adéquat dont la durée dépend des circonstances du cas d’espèce. En l’occur-rence, l’offre de la banque était soumise à une limite de temps, laquelle était dépassée lors de l’envoi par l’autre partie de sa réponse par pli postal. L’absence de réaction de la banque à cette missive ne saurait être considérée comme une acceptation, puisque l’art. 5 al. 3 CO n’exige de réponse immédiate de l’auteur de l’offre que lorsque l’acceptation, bien qu’expédiée à temps, lui parvient tardivement. TF, 01.12.2011, 4A_649/2011.

Jurisprudence choisie en droit des contrats

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95.Transactionextrajudiciaire,reconnaissancederesponsabilité–La tran-saction est le contrat par lequel les parties mettent fin, par des concessions réciproques, à un litige ou à des incertitudes touchant un rapport de droit. Tel n’est pas le cas du courrier de l’assurance responsabilité civile informant la partie adverse du fait que son client, un médecin, reconnaît avoir commis une erreur de diagnostic, tout en réservant le lien de causalité entre cette erreur et le décès du patient. Cette déclaration unilatérale peut en l’espèce tout au plus se comprendre comme une reconnaissance de responsabilité, qui nécessite d’être interprétée pour déterminer si elle contient une reconnaissance de dette. L’interprétation de la volonté réelle ou supposée des parties, en application du principe de la confiance, ne permet en l’occurrence pas de conclure à l’existence d’une telle reconnais-sance. TF, 23.05.2012, 4A_760/2011.

e. Le contrat de cession de contrat

96.Distinctionentrecessionlimitéeouillimitée,interprétationsubjective–La cession de contrat est un contrat sui generis qui ne correspond pas à une combinaison de la cession de créance et de la reprise de dette. L’entrée d’un tiers à la place d’un des cocontractants à un rapport de droit bilatéral n’est possible que s’il y a accord entre la partie sortante et la partie reprenante, d’une part, et entre celle-ci et la partie restante, d’autre part. Le transfert peut être prévu de manière illimitée, le nouveau contractant prenant la place de la partie sortante dans le contrat de base pour la période précédant le transfert. Le transfert peut également être convenu de manière limitée : le nouveau contractant remplace la partie sortante dans le contrat de base uniquement pour la période postérieure au transfert. La qualification du contrat est une question d’interprétation. En l’espèce, les résultats de l’interprétation subjective excluent la conclusion d’une cession de contrat entre le maître de l’ouvrage et le sous-traitant de l’entrepreneur chargé des travaux. TF, 19.07.2011, 4A_311/2011.

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Edité par

Pascal Pichonnaz Franz Werro

La pratique contractuelle 3

Symposium en droit des contrats

Le présent ouvrage fait suite au troisième colloque de la pratique contractuelle qui s’est tenu à l’Université de Fribourg le 22 novembre 2012. Ce colloque entend pré-senter l’actualité en droit des contrats et livrer quelques analyses de fond en cette matière.

Les contributions réunies dans ce volume ont pour objet le contrat de leasing, le contrat de franchise, le contrat de distribution, le contrat de licence, les négocia-tions et les accords précontractuels. L’une d’elles livre une analyse de l’évolution de la jurisprudence fédérale en matière de conflits d’intérêts de l’avocat.

L’ouvrage contient par ailleurs un résumé de la jurisprudence récente relative à l’ensemble du droit des contrats.

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