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Contribution au congres du Parti Socialiste

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Contribution au congres du Parti Socialiste présentée par Martine Aubry

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RéussirContribution au Congrès du Parti Socialiste

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Contribution présentéepar Martine Aubry,

et Bertrand AFFILE, Maire de Saint-Herblain ; Jacques AUXIETTE, Pdt du CR des Pays-de-la-Loire ; Hicham AFFANE, CNC ; Annick AGUIRRE, CN ; Michaël AURORA, 1er Fédéral du Gers ; Christian ASSAF, Député de l’Hérault ; Delphine BATAILLE, Sénatrice du Nord ; Dominique BAILLY, Séna-teur Maire d’Orchies ; Philippe BAUMEL, Député de Saône-et-Loire ; Serge BARDY, Député du Maine-et-Loire ; Jean-Réné BIHET, Maire de LOURCHES ; François BONNEAU, Pdt CR Centre ; Pierre BOULDOIRE, Maire de Frontignan ; Kheira BOUZIANE, Députée de Côte d’Or ; Jean-Louis BRICOUT, Député de l’Aisne ; Charlotte BRUN, Maire-Adjoint de Lille ; Pascal BUCHET, CN-lc ; Gwenegan BUI, Député du Finistère ; Laurent CATHALA, Député du Val-de-Marne, maire de Créteil ; Frédéric CHEREAU, Maire de Douai ; Pierre COHEN, Président de la FNESR ; Romain COLAS, Député de l’Essonne ; Catherine COUTELLE, Députée de la Vienne ; Pascale CROZON, Députée du Rhône ; Emmanuelle DE GENTILI, 1ère Fédérale de Haute-Corse ; Laurianne DE-NIAUD, Maire-Adjointe de Saint-Nazaire, BN ; Dominique DARIO, CNCF-lc ; Frédéric DELANNOY, Maire d’Hornaing ; Sandrine DOUCET, Députée de la Gironde ; Marie-Guite DUFAY, Pdte CR de Franche Comté ; Anne-Lise DUFOUR-TONINI, Députée, Maire de Denain ; Laurence DUMONT, Députée du Calvados, VP de l’Assemblée nationale ; Olivier DUSSOPT, Député de l’Ardèche ; Frédéric FAUVET, 1er Fédéral de la Somme ; Philippe FOURNIE, 1er Fédéral du Cher ; Delphine FLEURY, CN-lc ; Jean-Marc GERMAIN, Député des Hauts-de-Seine, BN ; Patrick GEENENS, Maire de Ronchin ; Daniel GOLDBERG, Député de Seine-Saint-Denis ; Chaynesse KHIROUNI, Dépu-tée de Meurthe-et-Moselle ; Marc GODEFROY, Maire de Lezennes ; Marc GRICOURT, Maire de Blois ; Chantal GUITTET, Députée du Finistère ; Dominique GUILCHER, CNCF ; Annie GUILLE-

RéussirContribution aux Etats-Généraux du Parti Socialiste

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MOT, Sénatrice, Maire de Bron ; Céline HENQUINET, CN-lc ; Antoine HOME, CN-lc, Maire de Wittenheim ; Léon JEAN-BAPTISTE-EDOUARD, 1er fédéral de Guyane ; Matthieu KLEIN, Pdt CG de Meurthe-et-Moselle ; Conchita LACUEY, Députée de la Gironde ; François LAMY, Député de l’Essonne, BN ; André LAIGNEL, Maire d’Issoudun ; David LEBON, CN-lc ; Christophe LÉONARD, Député des Ardennes ; Audrey LINKENHELD, Députée du Nord ; Christophe LUBAC, Maire de Ramonville ; Didier MANIER, PCG du Nord ; Nicolas MARANDON, 1er Fédéral de la Marne ; Ma-rie-Lou MARCEL, Députée de l’Aveyron ; Frédéric MARCHAND, Maire d’Hellemmes, VP CG du Nord ; Jacques MARISSIAUX, VP CG du Nord ; Benoit MARQUAILLE, BNA ; Jean-Louis MARSAC, maire de Villiers-le-Bel ; Jean-René MARSAC, Député d’Ille-et-Vilaine ; Bertrand MASSON, 1er Fédéral de Meurthe-et-Moselle ; Philippe MARTIN, Député du Gers, Pdt CG du Gers ; Sylvain MATHIEU, 1er Fédéral de la Nièvre ; Klébert MESQUIDA, Député de l’Hérault ; Michelle MEU-NIER, Sénatrice de Loire-Atlantique ; Franck MONTAUGE, Sénateur du Gers ; Pierre-Alain MUET, Député du Rhône ; Jonathan MUNOZ, 1er Fédéral de Charente ; Alain NERI, Sénateur du Puy-de-Dôme ; Maud OLIVIER, Députée de l’Essonne ; Thierry OCCRE, CNCF-lc ; Gilles PARGNEAUX, 1er Fédéral du Nord, SN ; Christian PAUL, Député de la Nièvre, BN ; Rémi PAUVROS, Député du Nord ; Gilles Christophe PERNY, Pt CG du Jura ; Dominique POTIER, Député de Meurthe-et-Moselle ; Eric QUENART, CNC ; Roland REVIL, ancien Maire de Voiron ; Rafika REZGUI, CN-lc ; Estelle RHODES, Maire-Adjointe de Lille ; Pernelle RICHARDOT, CN ; Bertrand RINGOT, Maire de Gravelines, VP CG du Nord ; Sylvain ROBERT, Maire de Lens ; Pierre-Alain ROIRON, maire de Langeais ; Dominique ROULLET, 1er Fédéral de l’Indre ; Jean-Paul RYCKELYNCK, Maire de D’Haveluy ; Pierre de SAINTIGNON, Maire-Adjoint de Lille, VP CR ; Nicolas SORET, 1er Fédéral de l’Yonne ; René SOUCHON, Pdt CR d’Auvergne ; Thierry SUAUD, Maire de Portet-sur-Garonne ; Jean-Michel SZATNY, Maire de Dechy ; Isabelle THIS-SAINT-JEAN, VP Région Ile-de-France, SN ; Sylvine THOMASSIN, Maire de Bondy ; Fabrice VERDIER, Député du Gard ; Michel VERGNIER, député de la Creuse ; André VEZINHET, Pdt CG Hérault ; Roger VICOT, Maire de Lomme, VP CG du Nord ; Frédéric VIGOUROUX, Maire de Miramas, CN ; Jean-Claude VILLEMAIN, Maire de Creil ; Sébastien VINCINI, 1er Fédéral de Haute-Garonne ; Fatima YADANI, CN, BN ; Denis WIESSER, 1er fédéral du Haut-Rhin ; Ludovic ZIENTECK, Maire de Bouchain …

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Introduction

Nous avons vécu ces trois jours de janvier comme une agression et une négation. Une agression contre des femmes et des hommes qui symbolisent, par leur diversité et leurs engagements, la France que l’on aime. La négation d’un patrimoine construit par mille combats : la République et la démocratie. Ces événements ont aussi mis à nu une société française en quête de sens et lui révèlent les fractures qui la minent.

Le Président de la République, comme le gouvernement, ont su faire face à ce moment dou-loureux avec autorité et fermeté, mais aussi avec empathie envers les victimes et les Français. La puissante offensive citoyenne du 11 janvier doit rester intacte et pour cela, il convient de rechercher les réponses politiques à la hauteur de la tragédie et du moment de fraternité re-trouvée.

Les Français, dans leur immense majorité, en appellent à la République. Ils attendent de nous que les principes qui la fondent soient mis avant : il ne peut y avoir de liberté sans égalité, pas d’égalité sans fraternité et pas de fraternité sans liberté.

Nous devons redire quelle France nous aimons et nous voulons. La France dont nous sommes fiers, c’est celle qui bouscule les certitudes établies, celle qui développe une pensée universelle pour la dignité, contre toute forme d’obscurantisme, une union populaire contre ceux, de tous ordres, qui cherchent à asservir le plus grand nombre au profit de quelques-uns. Celle aussi qui refuse le repli sur soi et les logiques de concurrence généralisée, entre les territoires et entre les femmes et les hommes qui les habitent. Celle, enfin, qui se sert de la culture comme rempart, de l’éducation comme outil, et de la bienveillance à l’autre comme boussole. Ils constituent les clés d’une nouvelle Renaissance.

Nous devons reconquérir l’esprit républicain. Le Pacte républicain n’est rien sans imagina-tion, sans confiance et sans moyens. Réveillons-le, dans nos villes comme dans le monde rural. Bâtissons un programme pour l’égalité réelle, par étapes, mais sans concession. Continuons à apporter à l’école un renfort réel et massif là où il le faut.

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Reconquérir l’esprit républicain, c’est aussi porter un modèle économique ambitieux et inno-vant, qui n’oppose pas l’efficacité et la justice. C’est remettre la France en mouvement et tout faire pour l’emploi. C’est revendiquer une société mobilisée à tous les niveaux, par une citoyen-neté active, dans les quartiers comme dans les entreprises. C’est la disponibilité pour engager la transition écologique.

Nous devons donner un cap à de nouvelles politiques. C’est vrai de l’Europe qui doit rompre avec son dogme libéral et de cette vision de l’économie, de l’euro et des normes budgétaires qui a créé un étau, là où il fallait soutenir l’activité après le crash de 2008 et les années de réces-sion. Les décisions tardives, mais historiques, de la BCE, le plan Junker –certes très timoré- et surtout le message du peuple grec sont des signes qui ne doivent pas rester sans lendemain. En Europe, beaucoup en conviennent désormais, il n’y a pas qu’une seule option, l’austérité. Notre pays doit être moteur pour cette réorientation. De même, en France, revendiquer « une seule politique possible » est destructeur pour la gauche, et surtout erroné. Conjuguer habilement, soutien ciblé aux entreprises qui investissent et qui embauchent, soutien aux infrastructures qui modernisent le pays, et soutien à la consommation des familles à faibles revenus, c’est faire le seul usage réellement efficace des marges de manœuvre de plus de 40 mds d’euros dégagés pour le Pacte de responsabilité.

Nous devons faire réussir la gauche au pouvoir. La force d’un grand moment collectif et pop-ulaire et l’émotion d’un drame national nous imposent plus que jamais une analyse lucide du moment. La politique attire surtout la défiance, en France et en Europe. Notre Parti, quant à lui, s’est affaibli, et notre majorité rétrécie, à l’épreuve du pouvoir. Pour en sortir, il nous faut réunir deux conditions inséparables : le respect de nos principes, de nos engagements, de notre con-trat avec le peuple français, et la réussite concrète du redressement du pays.

Nous nous engageons de manière claire pour permettre à François Hollande, notre Prési-dent de la République de réussir le quinquennat. Le Congrès de Poitiers doit produire l’antidote à la déception et au doute. Dans ce but, nous sommes déterminés à ce que les appels à l’unité ne soient pas de pure forme. Les débats artificiels nous condamneraient dans l’indifférence gé-nérale. Mais en l’absence de choix clairs, c’est l’échec qui nous menacera.

L’unité des socialistes se fonde sur la délibération et la confrontation des idées. Elle se con-struit dans la conscience de nos devoirs collectifs, parce que nous sommes tous responsables de notre maison commune. Mais on ne l’impose pas. Le Parti socialiste d’Épinay, auquel nous sommes tous attachés, y a trouvé le secret de sa durée : réunir les socialistes, autour d’un projet partagé et parvenir à des alliances constructives avec nos partenaires de gauche et écologistes. Il n’y a pas d’autre voie possible pour la gauche si elle veut rester elle-même…et réussir.

Nous abordons cette phase de contribution de manière ouverte, car les enjeux nous y invitent. Beaucoup de Français nous regardent, nous espèrent, nous attendent. Pour nombre d’entre eux, ce serait peut-être la dernière fois, si nous passions à côté de l’urgence et de la responsa-bilité. A nous tous de bâtir cette nouvelle social-démocratie du XXIème siècle dont la Ré-publique a besoin. A nous de faire vivre la République pour tous.

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I/ Réussir, c’est aller au bout de la promesse républicaine d’égalité.

Nous socialistes, aimons plus que tout la liberté, mais nous croyons au plus profond de nous qu’il n’y a pas de liberté sans égalité. Le socialisme, c’est l’une avec l’autre, l’une renforcée par l’autre. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes toujours battus pour que notre devise ne reste pas un slogan ou une promesse rituelle, mais devienne une réalité. La France connaît des fractures profondes, entre milieux sociaux, entre quartiers, entre grandes villes et espaces ruraux. C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, nous en appelons à un choc d’égalité dans notre pays. Partout. Pour toutes et tous. Nous devons faire de l’égalité la matrice de nos poli-tiques publiques.

Vouloir l’égalité réelle aujourd’hui, c’est aller au bout de la refondation de l’école. Beau-coup a été fait, mais être à la hauteur de l’esprit du 11 janvier impose d’aller encore plus loin. Ne perdons pas notre première priorité du début de mandat : la réussite de l’école, la réussite par l’école. Agissons pleinement en ce sens, dans l’acte II de la refondation de l’école.

Conforter l’autorité des professeurs, c’est le préalable. Pour être le lieu qui transmet des savoirs, mais aussi qui élève nos enfants, au sens propre, l’école a besoin d’être une institution forte et reconnue par tous. Reposons-nous, en termes renouvelés, la question de son autorité morale. Cela passe par le droit, par les symboles, par la formation initiale et continue, mais aussi par la reconnaissance salariale pour ceux qui exercent leur métier dans les conditions les plus difficiles. L’enseignant doit redevenir une figure forte dans la société française, à hauteur de l’importance de ses missions. C’est toute la société, les responsables publics comme les familles, qui doivent lui permettre d’accomplir sa mission.

Repenser aussi, avec les enseignants, les pédagogies souvent trop abstraites, est un enjeu ma-jeur. Sortons de la logique verticale, des cours « ex cathedra », qui empêchent la créativité des élèves. Tirons le meilleur de l’école numérique. Prise à bras le corps, elle donnera à chaque en-fant l’accompagnement personnalisé dont il a besoin, à son rythme et selon ses moyens.

L’échec de l’école, c’est le renvoi aux inégalités familiales et à l’assignation sociale au lieu où l’on est né. La relégation commence par la ségrégation scolaire. Malgré tous les efforts en matière d’éducation prioritaire, notre système scolaire consacre encore, paradoxalement, plus de moy-ens aux milieux les plus favorisés. Encourageons aussi, plus puissamment, les meilleurs ensei-gnants, les mieux préparés, les plus expérimentés, là où c’est le plus difficile, et continuons de doter l’école des moyens adéquats, en commençant par ajuster davantage la taille des classes.

Les nouveaux rythmes scolaires ont représenté une avancée sociale, mais aussi parfois une brèche supplémentaire dans les disparités d’accès à l’éveil scolaire, du fait des inégalités de ressources entre les communes. L’Etat doit prendre ses responsabilités et adopter une dota-

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tion pérenne là où les nouvelles activités périscolaires sont de qualité et apportent de nouvelles chances de réussite à chacun. Et, là comme ailleurs, les péréquations sont indispensables. Enfin, les futurs contrats de ville devront revoir la carte scolaire et fixer des objectifs annuels pour ren-forcer l’attractivité des écoles, collèges et lycées situés dans les quartiers prioritaires, notam-ment en développant, plus encore, les filières d’excellence dans chaque établissement.

Etre à la hauteur du 11 janvier, c’est aussi faire de l’école le centre de rayonnement d’une culture qui unit les Français, alors que les logiques identitaires prospèrent. La République est première et la laïcité est sa clef de voute. Cela doit être rappelé avec force. Pour cela, il faut renforcer l’enseignement de la laïcité. Elle unit, protège et respecte chacun : « celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas » comme disait Aragon. Mais les principes généraux ne suffisent pas à forger un peuple. Devant l’insécurité culturelle grandissante, il y a urgence à reconstru-ire un imaginaire commun, comme Michelet l’a fait pour la IIIe République. Les programmes d’histoire, de géographie et de langues doivent faire une place à un récit national dans lequel chacun puisse se retrouver. Regarder la France plurielle telle qu’elle est et la revendiquer : voilà le but.

Et puis, permettons la socialisation dès le plus jeune âge, en créant un service public universel de la petite enfance. Une grande partie du succès scolaire se joue dès les premières années. Faisons-en l’objet d’une grande avancée sociale, à la fois par les moyens collectifs liés à la petite enfance et aux écoles maternelles, et par le suivi effectif et le plus précoce possible des élèves en difficulté, avant qu’ils ne s’installent dans l’échec scolaire.

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Vouloir l’égalité réelle, c’est s’attaquer vigoureusement aux fractures territoriales. Les mots, aussi forts soient-ils, ne remplaceront jamais les actes. Venir à bout de la ségrégation ur-baine est le devoir de la gauche au pouvoir. Sinon, comment ne pas décevoir ? Le problème est connu. Les solutions aussi.

Elles sont d’abord urbaines : il faut repenser l’aménagement de nos quartiers et de nos ban-lieues. Mettre de la qualité et, même du beau partout, dans les espaces publics, les logements et les équipements, faire revenir des services publics qui reconnaissent chacun, c’est le préalable pour permettre à chaque citoyen de se construire dans la société et non contre elle ou à côté. Il faut aussi y faire revenir les activités, le commerce, les entreprises, les services de santé, le sport, la culture… bref en finir avec cette séparation absurde imaginée dans les années 1960 entre les lieux où l’on dort, ceux où l’on travaille et les lieux de loisirs.

Le deuxième enjeu, c’est la mixité sociale et donc la politique du logement. Vivre ensemble nécessite de vivre côte à côte, dans nos différences culturelles et sociales. Cela commence par encourager les maires bâtisseurs. Il faut ensuite généraliser des programmes de construction de logements systématiquement mixtes, associant, dans chaque ilot, des logements locatifs

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sociaux, des logements locatifs privés (dits « libres ») et de l’accession à la propriété. La mixité sociale exige en outre une application ferme de loi SRU (obligation de 25% de logements so-ciaux) et la mobilisation des sanctions quand l’égoïsme prend le dessus sur l’intérêt général, dans certaines communes.

La mixité sociale suppose également de mieux guider les politiques d’attribution de logement sociaux. Les différents bailleurs présents sur un territoire doivent mutualiser effectivement leurs pratiques et leur parc de logements, dans une meilleure transparence vis-à-vis des locataires et des élus. Les Préfets doivent être dotés de pouvoirs renforcés sur le contingent communal dans les communes qui ne construisent pas de logements sociaux et sur le dispositif DALO afin d’éviter qu’il ne conduise à ajouter des difficultés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

La ghettoïsation de la société française se constitue aussi par le haut, à travers l’envolée du prix des logements qui est devenu prohibitifs, dans les zones tendues, pour les familles des classes moyennes et populaires. Face aux replis sur soi et à la rente foncière, il faut pouvoir utiliser le foncier utile disponible, public mais aussi privé, pour construire là où sont les besoins. Cela passe aussi par des mesures de régulation et notamment par cette avancée votée par la gauche rassemblée dans la loi ALUR : l’encadrement des loyers, qui doit être mis en place pleinement, pour ramener progressivement ceux qui sont excessifs à des niveaux plus raisonnables.

Une politique de la ville efficace, c’est une politique qui allie l’urbain et l’humain : rien ne remplace l’action des collectivités locales, mais aussi du réseau associatif à travers les éduca-teurs de rue, les animateurs de centres sociaux, les accompagnateurs familiaux et à la paren-talité, les adultes-relais, les professionnels de l’action sociale et éducative, les associations.

Enfin, l’égalité territoriale se joue aussi dans les espaces ruraux et leurs villes moyennes. L’aveuglement collectif a amené la France à abandonner l’aménagement du territoire et à re-vendiquer un modèle exclusivement métropolitain. C’est une grave erreur, qui laisse de côté 25% de la population française. Elle a été condamnée à l’abandon des services publics et privés. L’école est à une heure chaque matin, la maternité à 70km ; la maison de santé ne suffit plus, quand elle existe ; les réseaux de téléphone mobile ou d’électricité sont maintenus à des niveaux dégradés ; l’internet à très haut débit, la fibre optique sont une cible mouvante, qui s’éloigne pour tant de territoires. Pourtant, une meilleure mobilisation des actions publiques, unissant l’Etat et les collectivités locales en réponse aux besoins réels des populations aurait un impact considérable. Innovation publique, stratégies construites ensemble, moins de dispersion des crédits : inventons une politique de la ruralité moderne.

N’acceptons plus, dans nos têtes comme dans nos politiques, le maintien d’une partie de la France à la périphérie. Etre à la hauteur du 11 janvier, c’est se doter des moyens pour vaincre la ségrégation spatiale en commençant par mettre fin aux baisses des dotations aux collectivités locales, rehausser puissamment la capacité d’intervention de l’ANRU et la dotation de soutien

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à l’investissement local. On nous dira que tout cela coûte cher. Nous répondons que s’engager dans cette voie coûte moins cher que de panser nos plaies d’hier et de demain. Et nous propo-sons un chemin qui préserve les comptes publics tout en relançant réellement la croissance notamment à travers le BTP : le gouvernement pourrait y consacrer les 6 milliards d’euros ac-tuellement programmés au titre de la suppression de la CSSS (contribution sociale de solidarité des sociétés), en renonçant à celle-ci, compte tenu de son effet plus qu’incertain.

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Vouloir l’égalité réelle, c’est réduire les inégalités de revenus. Seuls les plus libéraux, à droite, ont défendu la théorie dite « du ruissellement » qui prétend que certains enrichissements sans cause peuvent être utiles à tous, car ils « s’écouleront » bien, un jour, vers l’ensemble du corps social. Ceux qui, à gauche en Europe, à partir des années 1990, se sont perdus dans de tels raisonnements n’ont pu que constater que le ruissellement attendu se transforme toujours en mince filet d’eau, qui se tarit bien vite : ce ne peut être un choix progressiste.

C’est pourquoi nous préférons la grande réforme fiscale promise aux rafistolages successifs de notre système. Nous la pensons plus que jamais essentielle. Notre diagnostic sur l’injustice de notre système fiscal, au moment du projet de 2012, reste pertinent. Alors ne baissons pas les bras. Remettons l’ouvrage sur le métier. Réduisons la CSG sur les premières tranches de revenus pour redonner du pouvoir d’achat, et engageons sa fusion avec l’impôt sur le revenu, pour créer cet impôt citoyen, plus juste parce que plus progressif et prélevé à la source et qui ainsi réconciliera les Français avec l’impôt. Et puis, verdissons systématiquement les taxes à la consommation pour favoriser les achats écologiques. Repensons également la fiscalité locale, pour donner à chaque collectivité les moyens de lever l’impôt en lien avec ses missions, et en renforçant la péréquation. Enfin, réformer la fiscalité, c’est lutter contre l’évasion fiscale. L’enjeu est de taille : près de 80 milliards d’euros sont perdus chaque année par le fait de ceux qui, il-légalement ou légalement, passent à travers les mailles de la fiscalité.

C’est aussi au nom de la nécessaire réduction des inégalités que nous devons proscrire les gels des prestations sociales, tout nous comme estimons nécessaire d’agir sur la fiscalité du patri-moine. Le monde est en train de quitter l’économie du salaire, donc du travail, pour celle de la rente et du capital. Le succès planétaire du livre de Thomas Piketty n’est pas un hasard : il a mis des chiffres, des analyses et des propositions en face de l’un des plus grands maux de no-tre temps. Les inégalités dans ce domaine retrouvent les niveaux du XIXe siècle : faisons de la France le promoteur d’une taxe européenne sur le capital.

Vouloir l’égalité réelle, c’est aussi lutter contre toutes les discriminations en commençant par assurer l’égalité entre les femmes et les hommes. Déroulement de carrière, accès à l’emploi, au logement, vie quotidienne, mais aussi sphère politique, faisons vivre là aussi nos textes de loi et renforçons-les chaque fois que nécessaire.

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II/ Réussir, c’est répondre à la crise par le progrès : progrès économique, progrès social, progrès écologique

N’oublions pas les leçons de la crise de 2008. Ce fut la crise d’un système, construit patiem-ment par la droite libérale, pendant plus de trente ans. Notre devoir, c’est de penser un nouveau modèle de développement. Plus riche en emplois. Plus sobre écologiquement. Plus coopératif économiquement. Inspirons-nous du Conseil national de la Résistance, créant la Sécurité So-ciale. C’est notre mission. Personne ne le fera à notre place : ni l’Europe, ni la droite française bien sûr. Les Français, ce peuple si politique, attendent que nous nous hissions à la hauteur de l’Histoire et engagions ce changement. Répondons à la crise par le progrès.

Le progrès économique, tout d’abord, qui commence par la sortie de crise. La baisse du prix du pétrole et de l’Euro va nous aider, en donnant de l’air à nos entreprises. Le levier monétaire est enfin actionné à plein par la BCE, comme nous le demandions lors des états généraux. Mais cela ne suffira pas. Le carburant est là, mais manque le moteur. Le moteur, c’est l’investissement, privé comme public. Comment parvenir à le relancer, sans aggraver les déficits ? C’est la ques-tion économique principale à court terme.

Notre réponse est claire et constante : en ciblant les aides aux entreprises sur les marchés ex-posés à la concurrence et en fixant, par la loi, des contreparties aux 41 milliards du CICE et du Pacte de responsabilité. Les négociations demandées par le Président de la République n’ont pas permis de les obtenir. Il revient maintenant au législateur d’agir. La règle doit être simple : pas un euro ne doit être versé au titre du CICE sans être affecté à un projet d’investissement. Ni dividendes, ni thésaurisation avec l’argent public. L’investissement, c’est la relance, c’est l’emploi qui redémarre.

Créons pour cela une Agence nationale des investissements écologiques et numériques, cogé-rée par l’Etat, les entreprises et les collectivités locales. Elle se verrait affecter la moitié des 41 milliards d’euros d’ores-et-déjà mobilisés et interviendrait pour des projets structurants, por-teurs d’emplois dans la durée.

Voilà les contreparties qui doivent être demandées au Pacte de responsabilité. Les finances de l’Etat verraient leur équilibre inchangé, tandis que l’économie y trouverait le ressort qui lui manque pour redémarrer. Entendons les Français. Entendons la majorité des économistes, FMI compris. Entendons la gauche dans son ensemble. Prenons ce orientation à un moment majeur du quinquennat.

Pour emmener le secteur privé dans le mouvement ainsi lancé, nous proposons d’instaurer un impôt variable sur les sociétés, tenant compte de la part des bénéfices réinvestis dans l’entreprise et, inversement, taxant plus les stratégies tournées vers les dividendes. Le montant total de l’impôt sur les sociétés ne sera pas augmenté, mais son impact sera démultiplié.

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Le moment est venu pour la France d’aller vers la société de la créativité. Nous en parlons depuis dix ans et le temps file. Or, seule la gauche le fera. Les mois qui viennent vont compter. Pour cela, il faut sortir les universités du dénuement chronique dans lequel elles sont tombées et investir dans la recherche et le développement, où nous avons un retard considérable sur le monde anglo-saxon.

La structuration des filières d’avenir a commencé, c’est positif. Il faut aller beaucoup plus loin encore, pour relever le défi de l’emploi. Les filières numériques et les filières écologiques doivent faire l’objet de tous nos soins : elles porteront la croissance et l’emploi demain. Forts de ces nouvelles stratégies publiques, qui rompent avec le libéralisme ou avec les tiédeurs, mettons en place avant la fin du quinquennat un vrai capital-risque à la française, qui pourra être public-privé, via une BPI plus audacieuse et mieux dotée, pour soutenir les start-up et les PME, qui font l’essentiel de la création d’emplois aujourd’hui. C’est le contraire d’une France low-cost.

Nous sommes au pouvoir pendant une crise économique d’ampleur inédite, causée par la finance. Il est déterminant que nous engagions la bataille pour la définanciarisation de l’économie, tel que nous l’avions annoncé. De grandes mesures, fortes politiquement, en don-neront le signal. Adopter une véritable loi bancaire, séparant les activités de crédits des activ-ités financières, comme le prévoit le programme présidentiel et combattant la rente des frais bancaires. Défendre une taxe Tobin efficace au niveau européen. Enfin, achever la réforme de la transparence et de l’échange d’informations bancaires, en défendant l’inversion de la charge de la preuve, pour mettre fin aux paradis fiscaux. Des avancées majeures ont été rendues pos-sibles par les Etats-Unis dans ce domaine, qui ont tapé du poing sur la table. Profitons de cette ouverture, avant qu’elle ne se referme.

Cette nouvelle politique économique nationale doit s’articuler avec une autre politique euro-péenne. Rien n’est simple, nous le savons, mais les lignes bougent. Syriza en Grèce, les progres-sistes en Italie et peut-être demain en Espagne. Le plan Juncker, qui annonce des investissements européens et revisite les règles de comptabilité des déficits, pour en sortir les investissements d’avenir, sous des conditions malheureusement encore trop restrictives pour être à la hauteur des besoins. La BCE, qui est sortie des sentiers battus. Nous devons être pleinement acteurs de ces mouvements, qui sont autant de points d’appui pour la seconde moitié du quinquennat.

Il faut que l’Europe change véritablement de politique et nous devons pousser les curseurs. La France doit ouvrir la négociation pour que les dettes des Etats membres supérieures à 60 % de leur PIB soient mutualisées et en partie monétarisées, afin de partager un taux d’intérêt iden-tique et de prévenir les crises futures. Elle doit prendre la tête d’une initiative pour éviter que le projet de traité de libre-échange transatlantique TAFTA, négocié dans la plus grande opacité, ne fragilise le modèle social européen. Elle doit enfin relancer les discussions sur le SMIC euro-péen, et l’harmonisation des normes fiscales et sociales.

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Vouloir le progrès social, c’est choisir la compétitivité de la France par plus de social et non contre lui. La France ne gagnera ni en cohésion, ni en résultats économiques, en se ralliant à une forme de dumping social dans notre pays comme ailleurs en Europe. S’il faut remettre sur la table un certain nombre de sujets, il faut le faire dans un sens permettant le progrès. Ainsi la réforme des seuils sociaux doit-elle avoir pour objectif de renforcer la représentation des salariés, partout dans les entreprises, et non, sous couvert de simplification, l’affaiblissement de la participation des salariés à la vie de l’entreprise voulu à Libération et conforté par les lois Auroux, et qui est beaucoup plus forte dans des pays tels l’Allemagne.

Loin d’être un frein, le dialogue social et le droit du travail sont des forces, dans l’économie mondialisée. La démocratie sociale que nous devons construire, doit s’appuyer sur un syndical-isme fort et respecté, constructif sur l’innovation utile et intransigeant sur les régressions so-ciales. Et puis, il faut rétablir la hiérarchie des normes : la loi est plus forte que l’accord collectif et lui-même s’impose au contrat de travail. Parce qu’avec le chômage de masse, les salariés et leurs syndicats reculent encore dans le rapport de force avec les employeurs, la négociation sociale doit s’inscrire dans le cadre d’un Etat qui garantit le socle des règles sociales, impulse les négociations et en fixe les règles, et les fait respecter.

Chaque fois que la gauche a gouverné, elle a laissé sa trace dans de grandes avancées sociales : les congés payés, les lois Auroux, le RMI, les 35H, la CMU… La grande œuvre sociale de ce quin-quennat, ce doit être la sécurité sociale professionnelle. Des avancées en ce sens ont déjà été faites, comme avec la création du compte personnel de formation ou du compte pénibilité. Allons plus loin, et créons une véritable assurance temps-formation, qui pourrait devenir la cinquième branche de la sécurité sociale, aux côtés de la maladie, la famille, les retraites, les ac-cidents du travail et maladies professionnelles. Chaque actif serait doté, à la sortie du système scolaire, d’une « carte vitale » temps-formation, permettant, tout au long de la vie profession-nelle, de suivre des formations ou de reprendre des études, mais aussi de bénéficier de congés sabbatiques, pour s’occuper d’un enfant, d’un parent, exercer une activité associative, politique, culturelle ou sportive, et reprendre ensuite son activité professionnelle. Le financement serait assuré par les fonds existants et par un abondement des entreprises de 1%, pris sur les 6% du CICE et donc sans hausse, pour elles, des prélèvements.

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Enfin, vouloir le progrès écologique, c’est lancer véritablement la transition écologique. A la source, sur la question du mix énergétique, soyons volontaristes. Nous venons de voter une loi de transition énergétique qui porte une vraie ambition. Néanmoins, nous croyons nécessaire de préciser ses objectifs, par branche, tous les 3 ans, pour que cette ambition ne soit pas sans lendemain. Maintenons le cap de la sortie du tout nucléaire et du tout pétrole, et soutenons la recherche et le développement dans les énergies renouvelables, parent pauvre de la recherche énergétique en France. Enfin, tenons nos promesses sur Fessenheim. C’est un impératif de crédibilité et de cohésion de la gauche. Il est temps d’affirmer que nous voulons la sortie pro-

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gressive du nucléaire, sur la longue durée.

Pour que la transition écologique soit porteuse d’emplois, elle doit s’accompagner d’une struc-turation des filières industrielles françaises correspondantes. Nous proposons d’engager, avec l’Agence nationale des investissements écologiques et numériques, la création de « green clusters » répartis sur le territoire, accueillant les start-up vertes de demain. Pour cela, il convient d’amplifier la démarche engagée en France autour des filières d’avenir et de porter la création d’une Europe de l’énergie, qui ait un volet industriel majeur.

Soutenons l’économie circulaire. Elle intègre, dès la conception, l’objectif de recyclage comme une qualité intrinsèque des produits. Elle permettra de donner une seconde vie aux produits manufacturés, aussi bien par les Fab-lab que grâce à une industrie de la seconde main à développer. Elle se portera aussi sur le recyclage des déchets qui reste un domaine à fort po-tentiel, sur lesquels la France peut se positionner.

Afin d’accélérer la rénovation thermique du parc de logements, au-delà de la création de socié-tés de tiers-payant, assigner à l’Etat et aux collectivités le rôle de leader, à travers une obligation de rénovation de leur parc soutiendra l’apparition de PME françaises outillées et atteignant la taille critique. De plus, soutenons plus fortement les ménages dans leurs travaux d’isolation. C’est une mesure autant sociale qu’environnementale.

La question du ferroviaire mérite un grand débat national : le train est devenu trop cher pour les Français. Se pencher sur son modèle économique est nécessaire et repose la question de l’écotaxe, sur laquelle il faut une réponse claire et européenne.

La lutte pour les territoires durables est engagée. Contre l’étalement urbain, poussons les feux sur des mesures fortes et efficaces : le passage à l’échelle des agglomérations des plans locaux d’urbanisme, accompagnés d’un objectif annuel chiffré d’endiguement de l’étalement, et celui des autorisations d’ouverture de parcs commerciaux périphériques. Inscrivons dans la loi l’opposabilité des trames vertes et bleues. Créons une dotation incitative pour les territoires, selon leur bilan énergétique et la gestion de leurs déchets. San Francisco a d’ores et déjà atteint 90% de recyclage de ses déchets, ce qui montre les marges de progression possibles.

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III/ Réussir, c’est repenser la citoyenneté

Repenser la citoyenneté, c’est changer nos institutions et revivifier notre démocratie. Nous pensons que l’équilibre des pouvoirs n’est pas satisfaisant. Nous n’avons pas mesuré le change-ment profond engendré par le quinquennat et l’inversion du calendrier. Quelle place ont main-tenant nos élections législatives ? Aucune autre démocratie au monde ne permet au chef de l’État, élu en même temps que les députés, de mettre fin à leur mandat. Par ailleurs, le rôle du Parlement est cantonné depuis longtemps dans une soumission obligée des parlementaires de la majorité, plus que dans une co-élaboration réelle des textes législatifs avec l’exécutif. Nous proposons qu’un grand débat citoyen sur le sujet ait lieu dans le pays avant 2017, sur la base des hypothèses d’évolution qui ont largement été exposées par le passé.

Il faut introduire une part de proportionnelle aux élections législatives, pour que les Français soient mieux représentés. La logique trop exclusivement majoritaire éloigne les citoyens de leurs élus, car trop nombreux sont ceux qui ne s’y reconnaissent pas. Cela suppose une évolution de notre culture politique vers une authentique habitude des coalitions majoritaires au sein de la gauche. Notre conviction est que nous réformerons mieux alors. Nous aurons plus de chances de gouverner dans la durée. Nous défendons aussi le renforcement des pouvoirs du Parlement, à travers des prérogatives augmentées sur l’ordre du jour des débats et la co-construction lé-gislative et des moyens accrus de contrôle de l’action publique. De même, l’évolution du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental, voire leur rapprochement, est toujours d’actualité. Les questions du pouvoir de dissolution et du 49-3 ne doivent pas non plus être éludées.

Le « parlementarisme rationalisé », tel que le nomment poliment les constitutionnalistes, ne convient plus et fait place à une démocratie corsetée et en difficulté pour traduire les évolu-tions de la société. Au temps de la démocratie participative, des réseaux sociaux et du numéri-que, il nous faut sortir de l’hyper-concentration des pouvoirs.

Les concertations citoyennes doivent se multiplier bien en amont des grands projets. De nou-velles voies de l’implication des citoyens sont à coup sûr à organiser pour éviter les blocages que nous avons connus ces derniers temps. Les possibilités offertes en matière démocratique par la transition numérique sont immenses. Inspirons-nous du modèle de la co-construction, in-venté sur internet, pour revitaliser notre démocratie participative et lui faire dépasser les cercles habituels des acteurs constitués. Nous proposons la création d’une plateforme d’e-démocratie par institution, où seraient ouverts des débats sur l’opportunité et le contenu des mesures des-tinées à entrer en discussion au Parlement ou dans les conseils municipaux, départementaux et régionaux. Partout où cela s’est fait, l’agenda politique en a été réorienté et le contenu des décisions bonifié par l’expérience des citoyens.

Et si la République, ce sont des droits et des devoirs, il devrait y avoir injonction à s’exprimer au moment des choix importants pour la société. Si la force de conviction ne suffit pas, il faudra

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sans doute aller plus loin et rendre, sous une forme à définir, obligatoire le fait d’aller voter, tout en reconnaissant le vote blanc parmi les suffrages exprimés.

La citoyenneté doit aussi se penser au plan international. Sur le plan diplomatique, la France est à la hauteur de ses valeurs, par son engagement au service de la paix au Mali et en Irak. Sa voix est entendue à nouveau. Elle lui permet aujourd’hui d’aller au-delà et de porter le pro-jet d’une régulation démocratique de la mondialisation. Cela passe par le renforcement des instances politiques, dans leurs rapports avec les marchés, par la construction d’un monde multipolaire équilibré, où le co-développement devienne une réalité - conforter notre effort d’aide au développement est à cet égard plus que jamais nécessaire -, et par le renforcement de la place des citoyens, à travers la démocratisation des instances de régulation de la mondi-alisation.

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Repenser la citoyenneté, c’est repenser le lien politique et social entre les Français. La Ré-publique ne sera pleinement redevenue elle-même que quand nous aurons réinvesti la belle notion de fraternité. Les limites du chacun pour soi et du consumérisme apparaissent de plus en plus nettement à nos concitoyens. Il est à nouveau possible de parler de sens et de lien so-cial. Nous proposons de construire la société « du share, du dare et du care » : oser le partage et la bienveillance envers autrui, oser la rencontre avec les autres, sans a priori.

Pour cela, nous proposions, dans notre contribution aux Etats généraux, la généralisation du service civique. Les événements en ont montré tout le sens. Il faut qu’il tende à être universel, pour recréer un creuset du vivre-ensemble, et rémunéré,. Consacré à des actions de solidarité, il devrait être intégré dans le parcours scolaire, et permettre de faire découvrir la France des au-tres aux jeunes Français. Nous sommes désormais nombreux à le dire et c’est une bonne chose.

Cela représentera une avancée majeure, mais ne suffira pas. La société de consommation a pris le dessus dans les consciences, le travail du dimanche le montre bien, et un travail de fond est nécessaire pour réintroduire du sens. Intégrer la bienveillance et la coopération dans l’enseignement de la morale civique à l’école est indispensable. C’est le complément de la laïci-té dans la reconquête républicaine. D’autres mesures méritent notre attention, parmi les inno-vations sociales de terrain. Les ambassadeurs du vivre-ensemble apparaissent dans le logement social. Ils créent du lien entre les habitants, produisent une programmation culturelle et fes-tive dans l’immeuble et dans le quartier, avec les centres sociaux. Ainsi, ils réduisent les dégra-dations, au point de permettre un modèle financier équilibré, sans subventionnement. Nous proposons la généralisation de cette approche.

Provoquer le réveil citoyen réclame un train de mesures ambitieuses, dont certaines ne font pas consensus ou supposent une réforme constitutionnelle impossible, avec le retour de la droite au Sénat. Nous proposons une méthode, pour donner l’impulsion décisive qui nous emmènera

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vers 2017 : le recours à un référendum, en juin 2016. Il pourrait également porter sur d’autres questions et notamment sur le droit de vote des étrangers - dès lors que nous faisons le constat que la voie parlementaire n’est pas possible, faute de soutiens à droite - mais aussi le service civique, la protection des ressources naturelles, ou la lutte contre l’évasion fiscale.

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Repenser la citoyenneté, c’est régénérer le Parti socialiste et réassembler la gauche. No-tre parti est un parti de gouvernement, mais il a toujours du mal à trouver sa place comme parti au gouvernement. Il doit, plus que jamais quand nous sommes au pouvoir, continuer à penser l’avenir, en actualisant sans cesse nos réponses aux changements de la société, dans la fidélité à nos valeurs. Mais il doit aussi, sous peine de perdre de sa force et sa crédibilité par trop d’écart entre les proclamations et les actions, être pleinement investi dans la mise en œuvre du programme de gouvernement qu’il a lui-même conçu préalablement aux élections. Il ne peut déléguer à d’autres cette responsabilité. Et la courroie de transmission la plus naturelle, ce sont nos groupes parlementaires à l’Assemblée et au Sénat.

A cet égard, les orientations décidées par notre parti lors du congrès de Poitiers devront avoir prise sur le cours du quinquennat. Les parlementaires devront en faire une référence pour guid-er leur action. De même, les grands textes de loi devront donner lieu systématiquement à un débat avec vote en Conseil national, et, lorsque un tiers de ses membres le demandera, à une consultation des militants. Des questions comme l’extension du travail dominical devraient ain-si relever de ce mécanisme.

Au-delà, nous devons refaire du Parti socialiste un grand lieu d’éducation populaire ; nous devons faire évoluer nos sections et fédérations en des maisons communes et ouvertes aux débats, pour tous ceux qui veulent toujours changer la société dans le sens du progrès. Ainsi, après notre congrès, nous pourrions organiser, dès le mois de septembre, un « Forum citoyen du progrès » pour mettre largement en débat, avec les Français qui le souhaitent, les grandes questions de société. Nous avons organisé une primaire ouverte pour désigner notre candidat à l’élection présidentielle. Faisons de même pour les choix politiques ambitieux que nous voulons trancher.

Au sein du Parlement, la réduction de la majorité du 6 mai 2012, en quantité et en diversité, nous appauvrit et doit nous alerter. Cette dispersion de la gauche est une impasse pour tous et nous ne pouvons espérer nous sauver à long terme, en restant nous-mêmes, sans sortir d’un équili-bre politique aussi fragile. Nous croyons indispensable la recherche d’un nouveau contrat de majorité, dès le lendemain des élections départementales, qui ré-élargisse notre socle politique vers nos partenaires de gauche et de l’écologie et recrée une dynamique au cœur du quinquen-nat. Nous sommes la force politique principale de la gauche, c’est à nous de prendre l’initiative.

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Enfin, repenser la citoyenneté, nous amène, plus encore après les attentats de janvier et les réactions qui les ont suivis, à nous reposer clairement et lucidement la question de ce qui fait de chacun de nous la partie d’un tout, de ce qui lie les Français entre eux, culturellement et af-fectivement.

Nous devons repenser la République et pour mieux panser ses plaies. « C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal » nous disait Hannah Arendt. Alors pensons et réassemblons ce qui fait que nous ne sommes pas une simple somme d’individus, mais une seule communauté na-tionale, au destin lié. C’est un devoir aujourd’hui pour renforcer l’unité du corps social, traversé par des tensions identitaires diverses, qui s’opposent autant qu’elles se renforcent les unes par l’existence des autres.

Nous devons affronter la question de l’identité contemporaine de la France. Les crises sociales, environnementales et économiques nous sont malheureusement familières. Nous sommes, en revanche, restés très myopes et sans réponse à la hauteur sur la crise culturelle que traverse la France. Dans un monde ouvert qui change sans cesse et rapidement, les anciens repères sont brouillés ou en reconstruction constante : famille, commune, profession, religion, patrie, État. Les apports des quatre coins du monde sont plus nombreux et en flux constants sur les réseaux sociaux. C’est un progrès, mais il s’accompagne d’un vertige et d’une insécurité culturelle gran-dissante.

La République a un rôle majeur à jouer pour poser des repères collectifs, auxquels chacun peut, à la fois, apporter et se raccrocher. La République n’est pas seulement un droit, ni un État Provi-dence, elle est aussi un lieu de valeurs identifiées auquel chacun peut aussi apporter sa pierre. C’est une culture au sens plein du terme, vivante car non figée, bienveillante car en capacité de prendre soin de chacun, dans l’intérêt de tous et faisant respecter les règles communes. Il est temps que notre pays se vive tel qu’il est, qu’il se regarde au fond des yeux tel qu’il a toujours été d’ailleurs, divers, construit par des apports multiples qui ont sédimenté pour composer la réalité actuelle.

La patrie, tant qu’elle était universelle, a d’abord été une idée de gauche. Ne laissons plus Mari-anne aux mains de ceux qui l’abîment ou la nient. Mais, c’est aussi une digue qu’il faut constru-ire, contre les préjugés, les haines et les enfermements identitaires, y compris ceux qui peuvent tenter des Français insécurisés par le déclin, le déclassement et les inégalités. Les principes universels sont fondamentaux et nous avons raison d’être fermes sur la République. Mais ils ne peuvent suffire à unir un peuple. Nous l’avons trop souvent cru à tort.

Le pendant d’une affirmation claire de la laïcité est un travail profond sur notre roman national, pour aller vers l’identité généreuse. L’urgence est de construire un imaginaire commun, qui fasse une place à toute la France, celle d’aujourd’hui, sans démagogie, dans la pluralité des origines et le respect du passé. François Hollande a eu des gestes forts et nécessaires en ce sens. En inaugurant le Musée de l’histoire de l’Immigration en décembre 2014, sept ans après

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son ouverture, il a exprimé la reconnaissance officielle, par la République de cette pluralité des origines. En rendant hommage en décembre 2012 aux victimes de la répression de la mani-festation du 17 octobre 1961, à Paris, pour l’indépendance algérienne, il a fortement contribué à apaiser certains pans de notre passé, pour permettre d’écrire une nouvelle page de notre histoire. Il faut aller plus au bout de la construction collective de cette identité généreuse en s’appuyant notamment sur la jeunesse et l’éducation. Construisons cette identité ressourcée et transmettons-la à l’école, dans les livres d’histoire, et à travers les médias.

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Conclusion : pour une nouvelle social-démocratie

Les Français attendent des solutions, mais ils sont aussi en quête de sens. Il nous faut aussi aborder cette deuxième partie du quinquennat avec les idées claires sur la société que nous voulons bâtir.

Notre modèle ne peut être l’individualisme et le consumérisme avec des horizons tracés par de nouveaux Guizot qui clameraient encore « Enrichissez-vous » pour paraître modernes. Ne nous perdons pas dans d’ultimes débats sur des questions sans cesse remises sur la table, et qui n’ont jamais fait progresser la France. La modernité, ce n’est pas passer le XXIème siècle à déconstruire pierre par pierre ce que l’on a bâti au XXème siècle. Le repos dominical, c’était il y a un siècle en 1906 ! L’assurance chômage, il y a 56 ans ! Les lois Auroux et les seuils sociaux, il y a 33 ans ! Les 35h, voilà déjà 16 ans que les responsables de la droite les contestent sans jamais les remettre en cause. Sur tous ces sujets, les études sérieuses et précises montrent qu’il n’y a aucune création d’emplois à attendre du démantèlement de ces protections collectives, bien au contraire.

La social-démocratie s’était fixée, par un compromis entre l’Etat et le marché, l’objectif de con-struire un Etat-providence. Avec la mondialisation, le marché a pris le dessus sur les Etats. Cer-tains ont cru, Tony Blair et Gerhard Schröder en tête, qu’il fallait s’en accommoder. L’histoire leur a donné tort. La crise de 2008, la plus grave depuis 1929, a montré que la troisième voie n’en était pas une pour la gauche. L’avenir n’est pas le social-libéralisme. Car à la fin, il reste le libéralisme sans le social.

Et puis, sans l’égalité, sans la solidarité, sans les services publics, sans la protection sociale, le libéralisme n’est pas une liberté, mais un asservissement du faible par le fort, du démuni par le nanti, du créateur par le financier, du mérite par l’héritage, de l’effort par la rente. Une course sans fin au profit. Une tyrannie du court terme. Un consumérisme grégaire. Le règne du chacun pour soi. On spécule sur tout y compris les aliments. Tout se marchande, le travail, la santé, les retraites, jusqu’aux corps eux-mêmes.

L’avenir pour la gauche et pour la France est tout autre. Il est dans une social-démocratie

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refondée. Une nouvelle social-démocratie bâtie sur un nouveau compromis entre l’Etat et le marché, qui reconnaît les bienfaits du marché, mais lui fixe des règles nouvelles. Le bien-être plutôt que le tout-avoir, la préservation de l’avenir plutôt que le profit immédiat, la coopération avant la compétition.

Ce nouveau compromis doit marquer le retour de l’Etat, mais pas un retour en arrière, pas un Etat qui s’occupe de tout, un Etat moderne, plus stratège, plus audacieux et imaginatif pour oser produire du progrès social et écologique face au déclin, un Etat plus personnalisé pour ré-pondre aux aspirations de chacun. Un Etat plus décentralisé et en même temps mieux organisé aussi supra-nationalement, en Europe et à l’ONU, pour réguler la mondialisation, protéger les biens communs universels, l’accès à l’eau, les océans, les forêts, la biodiversité, le climat, le pat-rimoine, les droits humains fondamentaux, la paix.

La nouvelle social-démocratie doit aussi reposer davantage sur les citoyens, leurs mouvements syndicaux, associatifs et coopératifs, et à tous ceux qui expérimentent et défrichent de nou-velles façons d’agir, de produire et de vivre ensemble. `

Et au-delà des valeurs durables du socialisme, l’égalité sans laquelle il n’y a pas de liberté, la laïcité, l’internationalisme, le féminisme, le progrès social et écologique, la nouvelle social-dé-mocratie doit porter l’idée d’une société bienveillante.

Une société bienveillante, c’est une société de droits et de devoirs, à la fois attentive à chacun et demandant à chacun d’être attentif aux autres : le respect des règles, bien sûr, le sens des limites, aussi, face à tous les extrémismes et les obscurantismes, mais également le goût du commun, du partage, le soin des autres, l’attention aux générations futures.

Redonner un sens au pays, de l’engagement à chacune de nos vies, du commun à tous, voilà qui donnera une force nouvelle à la France.