Coquelicot Paradise

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    Lionel Parrini

    Coquelicot Paradise  

    Il était une fois une histoire en train de s’écrire à Onze corps

    Résumé  : Des collégiens ont commencé à répéter une pièce dont le texte ne fait pas

    l’unanimité dans la troupe. Ils décident d’abandonner le projet et d’écrire tous ensemble

    une histoire drôle. Mais les phrases abandonnées de la première pièce ont décidé de se

    rebeller et de contrarier les jeunes plumes. L’écriture collective devient une aventure

    périlleuse… 

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    Préface par abrice Pruvost

     Avec Coquelicot Paradise, Lionel Parrini a réussi un joli tour de force.

    Cette commande qui n’aurait  pu réduire sa portée qu’à  un intérêt pédagogique decirconstance, se révèle une pièce subtile, sensible et, surtout, portée par une grandepoésie intelligente et généreuse. Certes expressément destinée à un groupe decollégiens de 3ème et inspirée directement par chacun des élèves eux-mêmes, Coquelicot Paradise reste néanmoins en prise directe avec des émotionsuniverselles et des interrogations théâtrales concrètes, le tout dans une dramaturgiefinement construite et bien vivante. Les redoutables écueils de l’exercice  ont non

    seulement été brillamment évités, mais s’amusent,  de-ci de-là, à créer une distanceépique, ludique, pleine d’humour  et de tendresse, à l’instar  de ces « phrasesabandonnées qui se rebellent » (ce qui, soit dit en passant, pourrait être une définitionmême de la Poésie). Elles ne font pas que construire un canevas, elles nous  construisent,lecteurs, acteurs ou spectateurs : « pour passer par la gorge, faut traverser le cœur »,dira, par exemple, Elira. Délicieux. Mais aussi un des principes fondamentaux du théâtre.S’il  y a une leçon à tirer de Coquelicot Paradise, c’est  que la poésie reste bien souventencore la meilleure des pédagogies.

    J’insiste. Il est rare de voir ce degré d’exigence dans ce genre de contexte où l’exercice, lacommande, devient œuvre,  but ultime de toute pédagogie. D’ailleurs,  aussi novicessoient-ils, les élèves ne s’y  sont pas trompés. Dès la première lecture, plaisir, rires,émotions s’échangeaient joyeusement. Mais surtout, un désir de jeu ! A cet instant, le pariétait gagné. Il n’y avait plus qu’à  ! Si j’ose dire… 

     Maintenant, à vous de jouer !

    Fabrice Pruvost Comédien Metteur en scène professeur d’art dramatique

     

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    Coquelicot Paradise  

    Indications : La pièce se déroule dans trois lieux : un lieu neutre, un collège, un champ de

    Coquelicots.  Les scènes dans l’école peuvent offrir plusieurs angles de vues : classe, cour

    de récréation, recoin tranquille….

    Distribution

    MISO : Le metteur en scène ( SIMON)

     ALOES : La Script Doctor (SALOME)

    HUART : Le créateur du jongleur Fou (ARTHUR)

    ERREGO : Le créateur du Fantôme solitaire (GREGOIRE)

    MAIXE : L’acrobate  littéraire. (MAXIME)

     AMOR : Le jongleur Fou ( ROMAN)

    HOSTA : Le fantôme solitaire (THOMAS)

    ECHO : Assistante du metteur en scène. ( CHLOE)

    ELIRA : La leader des Phrases révoltées (LAURIE)

    NOCEE : Phrase révoltée, sœur de ELOIE ( Océane)

    ELOIE : Phras e révoltée, sœur de NOCEE (Ophélie  )

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    1 / PRELUDE.. (Lieu neutre) : MISO – ALOES- MAIXE –HUART -ERREGO 

    MISO : Simple comme un mot.

    ALOES : Trop simple.

    HUART : Lourd .

    ECHO : Une sensation de ballon.

    ERREGO : Tu souffles, le mot se tord.

    MISO : Se tortille

    MAIXE: Eclate

    MISO : Simple comme un motHUART : Qui tombe… 

    ALOES : Plombe

    ERREGO : Malgré l’hélice dans le mot 

    MAIXE : Qui tourne

    MISO : Un réacteur ?

    ECHO : Tourne.

    HUART : Tourne-disque.

    ERREGO : Toujours la même rengaine.

    MISO : Dans le mot.

    ECHO : A l’intérieur du mot.

    ALOES : Dans son ventre.

    ERREGO : Le mot a un ventre ?

    MAIXE : Des désirs et des rêves.

    ECHO : Le ventre aussi peut contenir un mot.

    MISO : Plusieurs, même.

    ALOES : Plusieurs dans le ventre qui cherchent à s’enfuir 

    MAIXE: « SOS » 

    HUART : « Donne-moi la main » 

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    ALOES : « Je ne veux pas mou… »

    ECHO : « Maman ! » 

    MAIXE : « Chut ! » 

    ALOES : Ne pas tout dire.

    ECHO Pas tout de suite.

    MISO : Ou ne rien dire du tout.

    ALOES: Essayer de contenir.

    MAIXE : La rage.

    MISO : La détresse.

    ECHO : Le doute.

    HUART : La peur.

    ALOES : Et tout le reste.

    ECHO : Si possible, oui

    MISO : Le secret surtout.

    MAIXE : Le secret ne se dit pas

    ALOES : On peut le sentir.

    ECHO : Le sentir mais pas le voir.

    MISO : Ou alors incognito.

    MAIXE : Mieux vaut ne rien dire que dire peu qui révèle déjà trop !

    MISO : Espérer.

    ERREGO : Tu crois qu’il est allé dans le champ de coquelicots ?

    HUART: Ou dans le lac.

    ERREGO : Il y a un lac près du champ de coquelicots ?

    ALOES : Possible.

    MISO : La rumeur le dit.

    ECHO : Oui.

    MISO : La suivre.

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    ECHO : A la trace.

    MAIXE : Au flair.

    ECHO : Laisser le doute éclairer le doute.

    MISO : Allons-y, après tout, le courage est une torche.

    HUART : On en aura le cœur net. 

    ALOES: Sec.

    MAIXE: Ou humide.

    MISO : C’est en allant que nous saurons !

    ERREGO : Et moi je vous dis qu’on n’ira nulle part !

    2 / Désaccord –   A l’intérieur d’une classe  - MISO –  ALOES- MAIXE –

    HUART -ERREGO 

    MISO (texte à la main) : Errego, q u’est-ce qui te prend ? Elle n’y est pas cette dernière réplique… 

    ERREGO : Y’a  rien qui cloche pour vous ? Vous ne trouvez rien bancal? Excuse-moi, Miso,

    mais je comprends rien au texte de ton père.

    HUART : Moi non plus je comprends pas. Mais je m’en fous. Il y a du rythme.

    ERREGO :Ça suffit pas pour captiver les spectateurs . On a besoin d’une histoire. Pas d’un

    texte torturé.

    ALOES: Moi, je comprends très bien ce qui se passe.

    ERREGO : Ah oui ? Et tu comprends quoi ?

    ALOES : Que son père va mal. Et que ça va lui faire du bien d’entendre son texte.

    MISO : Mon père va très bien, c’est un auteur ! Tu sais ce que c’est ?

    ALOES : Quelqu’un d’invisible ou alors qui porte une grosse écharpe autour du cou.

    MISO : Tu es bourrée de clichés !

    ALOES : Et toi tu manques cruellement d’humour !

    MAIXE: On peut très bien partir sur un autre projet.

    MISO : Merci MAIXE pour ton soutien. Et toi, ECHO, tu as compris quelque chose ?

    ECHO : Ce sont les derniers souffles d’un survivant. Il s’agit d’un crash. 

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    ERREGO : Super gai pour un spectacle de fin d’année. Papa, maman, venez, vous allez vous

    régaler : c’est l’histoire d’un avion qui se crashe… 

    MISO ( à Echo) : Tu as perçu dans le texte des turbulences?

    ECHO : Oui. Et de la désintégration. D’où la forme fracturée. Hachurée. Fragmentée du texte.Et la présence de ces voix.

    HUART (à MISO): ça parle de ça ?

    ECHO (à MISO)  Est-ce que ça parle d’autre chose ?

    MAIXE : On devrait l’écrire nous ce spectacle de fin d’année. Ce serait plus joyeux. Et surtout

    plus simple.

    ALOES : C’est pas faux. 

    MISO : Que tous ceux qui veulent jouer le texte de mon père lèvent le doigt.

    Miso est le seul à lever le doigt. 

    MISO : J’ai compris. 

    ECHO : le texte de ton père est bien, MISO, mais faut voir les choses en face : nous méritons

    d ’être plus que des voix. Des corps aussi. Qui bougent. (Un temps court) Je sais faire la roue (elle

     fait la roue)

    HUART : Ton père s’est fait plaisir en écrivant ça et maintenant il est temps qu’on se fasseplaisir, nous.

    MISO : Tu changes vite d’opinion, toi, hein ?

    MAIXE : Je ne vois que deux possibilités. Prendre un autre texte qui existe- de théâtre cette

    fois-ci - ou en écrire un tous ensemble. Dans le premier cas, on va devoir en lire beaucoup et

    pas sûr que nous trouvions une distribution adaptée. Dans le second cas, on commence tout

    de suite et l’avantage c’est que chacun peut jouer le rôle de son choix. Tenez, j’ai des crayons. 

    MISO : Et la dramaturgie, vous en faites quoi ?ERREGO : C’est quoi, ça ?

    HUART : C’est ce qui te tient en haleine. C’est ce qui fout la pression. 

    ECHO : La progression dramatique dans l’histoire.

    ERREGO : Je veux pas de drame, moi. Du comique. Faut que ce soit une fête ! Et puis…Et puis,

     je sais jongler. Faut en profiter !

    MISO :  Donc, si j’ai bien compris tout le monde est d’accord pour qu’on enterre Coquelicot

     Paradise.

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    ECHO : Coquelicot Paradise ?

    MISO : C’est le titre. 

    HUART Savais pas

    MISO : Personne ne veut lire la suite ?

    ERREGO : Je vais être Franc Miso : Dire ce texte me déforme les lèvres et me donne des

    vertiges.

    ALOES: Mais dis-nous au moins comment ça finit ?

    Un temps

    MISO Ça parle d’un oiseau qui ne sait plus voler et qui s’écroule. 

    ECHO : Il y a le mot « réacteur » pourtant. Et « Hélice ». Bien que « Hélice » peut être une façonpoétique de retranscrire une émotion papillonnante …  « Réacteur », aussi, remarquez…Mais

    c’est plus intérieur… 

    ERREGO : Il est temps d’arrêter le massacre : c’est pas du tout vendeur. Faut quelque chose

    de plus attractif !

    HUART : Des stripteaseuses ? 

    MAIXE : Je propose que chacun d’entre nous essaie d’écrire le rôle de son choix. 

    ECHO :  Pourquoi pas ? Puis en écoutant les propositions de chacun, il y a forcément une

    histoire qui va éclore… 

    ERREGO ( à Miso)  : Alors, t’en penses quoi de cette bonne idée ?

    MISO : On se dirige tout droit vers le fiasco.

    ALOES : En fait, t’es un super pessimiste. 

    HUART : T’as peur que ton père te fasse la gueule ?

    MISO : Rien à voir avec ça. Il a passé l’âge. Je suis pas pessimiste, je suis un ultra-lucide. C’estdéjà difficile d’écrire tout seul, alors vous pensez qu’à plusieurs ce sera plus simple ?

    ECHO: Si on n’essaie pas, on ne peut pas répondre à cette question. 

    ALOES : Tu restes le metteur en scène du projet. Aucun problème. 

    HUART : C’est toi qui décide. 

    ERREGO : Et on te dit juste que c’est ce qu’il faut faire.

    Miso, exaspéré, jette le texte.

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    3  / Rébellion des Phrases abandonnées–

     Lieu neutre – ELIRA – NOCEE - ELOE 

    ELIRA : C’est une horreur. Ils abandonnent le projet.

    NOCEE : Je commençais pourtant à me sentir bien dans leur souffle.

    ELOE : C’est  toujours comme ça, dès qu’un  vent frais ou chaud, quelque chose de bien,

    s’engouffre dans nos veines, ça ne dure pas. Jamais !

    NOCEE : Quelque chose leur a fait peur ?

    ELIRA : C’est l’univers qu’on dégage, il n’est pas accueillant, pas accessible. 

    NOCEE : Que veux-tu dire, ELIRA : il n’y a pas de barbelés autour de nous que je sache?

    ELIRA : Tout le monde peut mettre en bouche ce texte, encore faut-il qu’on soit désirable.

    ELOE : Il faut que ça fasse sens surtout, pour eux, sinon il n’y a que le son. 

    NOCEE : Le son fait sens, c’est bien connu.

    ELIRA : Connu pour nous mais pas pour eux !

    ELOE : Oui, mais sans eux, on ne peut pas vivre, pas vivre ailleurs qu’ici. Ici, c’est ennuyeux.

    Une page, c’est triste.

    NOCEE : Eloe a raison. Pour être entendu, on a besoin d’eux. 

    ELOE : Pour retrouver notre chair, on a besoin de leur voix. Ça me rend malade de savoir

    qu’ils nous ont abandonnées si vite

    NOCEE : Je trouvais qu’on était pourtant bien faites, nerveuses.

    ELOE : Mais pas désirables pour autant.

    NOCEE : On est des phrases courtes, c’est peut-être ça qui dérange.

    ELOE : C’est pas de notre faute si papa écrit à la serpe !

    NOCEE: En tous cas, on se retrouve comme des paumées, voilà. Prisonnières d’une histoire

    qui ne verra jamais le jour.

    ELIRA : C’est vrai que c’est pas drôle la vie dans un tiroir.

    NOCEE : Même pas eu la curiosité de nous lire jusqu’au bout !

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    ELOE : La faute à papa.

    ELIRA : Peut-être, mais il n’est plus là maintenant. Sans doute ailleurs. En train de procréer

    avec je ne sais quel sujet.

    ELOE: Faut qu’on s’en sorte. Faut qu’on s’en tire !

    NOCEE: C’est clair, on va pas passer notre temps à pleurnicher.

    ELOIE : Faut se débrouiller de revenir dans leur gorge.

    ELIRA : Pas de raccourcis : pour passer par la gorge, faut traverser le cœur. 

    ELOE : Mais s’ils ne nous lisent plus, il y a aucune chance qu’ils désirent revenir dans notre

    langue.

    NOCEE: C’est terrible ce qui nous arrive. On est des phrases orphelines dans une histoire

    abandonnée.

    ELOE : Il doit y avoir une solution.

    NOCEE : Elira, tu as une idée ?

    ELIRA : On doit refuser d’être passives. Si leurs yeux ne nous regardent plus, il faut user de

    ruse.

    NOCEE : Je vois pas comment.

    ELIRA : En faisant un don d’encre. 

    ELOE : Quoi ?

    ELIRA : Un don d’encre. 

    NOCEE : Un don de sang pour les humains, je sais comment ça marche, mais un don d’encre

    pour des phrases, ça me parle pas.

    ELIRA : Vous manquez d’imagination, les filles. Profitons d’être encore sur scène. Profitons

    que les vitres soient ouvertes et que le ciel est bien gris Nous n’avons que deux choses à

    espérer : un courant d’air pour se déplacer près des fenêtres et de la pluie pour se transformer.

    4/ Esquisses - Dans un champ de coquelicots – AMOR - HOSTA 

    Un jeune homme se dirige vers une pancarte. Il la regarde.

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    AMOR : Ça alors…C’est bizarre. Je t’ai vue de loin. Je me suis dit: qu’est-ce que fout cette

    pancarte au milieu d’un champ de betteraves. Rectification : de coquelicots. Je vais me

    déplacer pour le savoir, je me dis. Je me pointe derrière toi. Non, devant toi. Et résultat : tu

    n’indiques rien. Pas de direction. Pas d’inscription. Rien. Tu es visiblement une pancarte qui

    ne communique pas. Et c’est super dommage. Parce que je suis seul. Et que tu es seule aussi.

    Et qu’il suffit parfois d’un seul mot pour que naissent des histoires. Mais toi, non, rien, tu as

    décidé de rester vierge et ça m’indispose (un temps court). A moins que la pluie, avec le temps,

    ait effacé ton nom ? Comment tu t’appelles ? Moi, c’est Amor  ( un temps court). Tu aimes les

     jongleries ?

    HOSTA : Il y a des gens qui sont très volubiles. On s’en aperçoit quand on se surprend à

    vouloir les écraser avec un tracteur. Ou autre formule, selon la sensibilité du criminel. Moi, je

    peux pas faire ça. Je suis ce qu’on appelle vulgairement un fantôme. Mais un fantôme sensible

    et triste. Sensible : je n’aime pas faire du mal. Triste : j’ai toujours faim mais je peux rien avaler.

    Si je gobe quelque chose, ça tombe par terre. Et si je transpire, je m’évapore. D’où ce parapluieen plein soleil. Le problème avec cet instrument, c’est que les gens que je croise ne voient que

    lui ! Et forcément ça leur fait peur… C’est pas facile la vie de fantôme.

    Le jongleur ne prête pas attention au parapluie qui tourne autour de lui, bien trop préoccupé à jongler .

    5 / Infiltration.  A l’intérieur de la classe - MISO – ALOES- MAIXE –HUART

    -ERREGO 

    Le texte jeté par Miso sur le coup de la colère, dans la précédente scène, traîne encore sur le sol, près de la

     fenêtre. Miso récupère le texte, visiblement trempé.

    MISO : Merde, la pluie …. Le texte a pris l’eau… 

    ECHO: Ton père doit tout de même avoir une version dactylographiée. Il ne fait pas de

    retranscription à l’ordinateur ?

    MISO : Non, au dictaphone. Il écrit d’abord avec  le dictaphone. . Et c’est après qu’il

    retranscrit à la plume. L’ordinateur n’entre pas en compte dans son processus de création.

    ECHO : Il n’est pas simple ton père, hein  ? (un temps court) Pardon, je voulais pas te froisser. (untemps court) Je sais que tu es déçu mais tu dois comprendre que tout le monde a envie de jouer

    un personnage qui vient directement de son propre cœur. Et d’ailleurs, je me disais : si je

     jouais le rôle de ta femme ?

    MISO : Ma femme ? Je sais pas.

    ECHO : T’as pas envie ?

    MISO : Si. Pourq uoi pas…Mais peut-être devrions-nous attendre de savoir qui je suis !

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    ERREGO (déboulant)  : Moi, j’ai trouvé mon personnage ! Un fantôme boulimique qui ne peut

    pas manger et qui vit dans l’épave d’un Boeing fracassé. Petit clin d’œil à ton papa.   Il sera

    sensible à cette attention, non ?

    HUART : Moi aussi, j’ai trouvé : C’est l’histoire d’un fou qui parle à une pancarte qui n’a pas

    encore de nom.

    ALOES : Et c’est quoi les objectifs de vos personnages  ? (Pas de réponse)  Moi, en revanche, je n’y

    arrive pas. Y’a rien qui me vient. ( A Miso) Tu veux bien me passer le texte de ton père ? Je vais

    voir si je peux pas picorer.

    ERREGO (à Miso) : Alors, tu penses quoi de nos propositions ?

    MISO : Je pense que je vais pas jouer dans cette pièce !

    ECHO : Ah non ?

    ALOES : Tu nous lâches ?

    HUART : Tu vas pas faire ça ?

    MISO :  Je ne vous lâche pas, c’est pas mon genre. Je veux me consacrer uniquement à la mise

    en scène, voilà.

    ECHO : Salaud !

    Echo quitte la scène, furieuse.

    ERREGO : Q u’est-ce qu’elle a ?

    MISO (haussant les épaules) : Rien, je m’en occupe. (Un temps court) Aloes, fais gaffe avec ce texte.

    Tu peux t’en inspirer mais prends en soin. Quant à vous deux…Faites-moi lire vos écrits… 

    Un temps

    MISO : l’idée, c’est de faire une pièce où les gens se parlent. Alors parlez-vous !

    6 / Esquive – Ecole : Quelque part, dans un recoin - MAIXE 

    MAIXE : Moi, je me vois bien en personnage muet. Ça m’évite d’apprendre du texte - . Ou

    alors dans un rôle où il n’y a pas beaucoup de place pour les mots. Par exemple, spéléologue.

    Ou apnéiste . Ou bien pilote de Dragster. Le problème, c’est qu’on est au théâtre (un temps

    court). Faut que je trouve une astuce. Faut que je me fasse remarquer sans avoir à déblatérer un

    max de tartines. Faut que je sois pertinent. Putain, Maixe, réfléchis. Réfléchis !

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    7 / Inspiration – Lieu neutre – ALOES – NOCEE – ELOE - ELIRA 

    ALOES :  Simple comme un ballon. Tu souffles, le mot éclate. Et le secret tombe. C’est pas

    mal comme ça aussi. Ça va à l’essentiel. Mais ça ne fait pas de moi un personnage… 

    NOCEE : Bien sûr que si !

    Les trois phrases se pointent devant ALOES.

    ALOES (sursaute) : Vous m’avez fait peur ! Qui êtes-vous ?

    ELIRA : De l’encre qui coule, il vous suffit de prendre la pointe d’une plume  et de tout faire

    basculer… 

    ELOE: On est là, prêtes à vous suivre !

    NOCEE: Nous sommes des phrases au bout de votre langue.

    ELOE : Au creux de votre ventre.

    ELIRA : Vous devez vous faire confiance, écrivez-nous.

    ALOES : C’est ce que j’ai commencé à faire… 

    ELOE : Nous sommes sur le point de prendre forme.

    ELIRA : Corps.

    NOCEE : Continuez ! Allez au bout de votre folie !

    ELIRA : Vous n’imaginez même pas le pouvoir de vos doigts.

    ALOES : Vous croyez ?

    ELIRA : Oui, il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin. Profitez : nous sommes de nouveau

    fraîches grâce à la pluie !

    ELOE : On peut se transformer.

    ELIRA : On a besoin de renaître.

    NOCEE : Tu pourrais – tu permets que je te tutoie ? - être le personnage qui fait basculer la

    pièce.

    ALOES : Ah bon ?

    ELOE : Un personnage dont on ne parle pas.

    NOCEE : Q u’on ne voit pas.

    ELOE : Mais qui demeure dans toute la pièce. Invisiblement.

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    ALOES : Un fantôme ?

    NOCEE : La femme de l’aviateur.

    ELIRA : Pas sûr que ce soit un aviateur

    ELOE: Elle n’a pas tort.

    NOCEE : Toute façon, c’est elle qui d écide, pas nous.

    ELIRA : Oui, Nocée, tu as raison. On a du mal à oublier ce qu’on sait. (A Aloes) Reprenez les

    rênes de cette histoire. Vous avez le droit d’être un personnage qui parle.

    ELOE : Le personnage principal ?

    ELIRA : Pas forcément principal. Le rôle le plus important, c’est celui qui offre la bascule. 

    ALOES : La bascule ? J’ai du mal à vous suivre. 

    ELIRA : Parce que c’est l’inverse qui doit se produire. C’est nous qui devons vous suivre. Il

    est temps de ne plus nous écouter. Vous devez être la seule à vous écouter. 

    ALOES : J’ai envie d’écrire avec ma salive. 

    NOCEE : C’est un très bon début. 

    ALOES : Je veux être le secret qui tombe sur scène ! 

    8 / Caractérisation - Dans le champ de coquelicots – AMOR -HOSTA 

    AMOR(à la pancarte): Pas de réaction non plus avec mes jongleries ? J’en déduis que tu n’as pas

    de cœur. Puisque c’est comme ça, je m’en vais, car mon objectif est de rencontrer une

    amoureuse.

     Amor se retourne et se retrouve face au fantôme.

    HOSTA : Ne criez pas !

    AMOR : Pourquoi je bramerais ?

    HOSTA : Vous me voyez ?

    AMOR :  Plutôt oui. Et franchement, ça fait plaisir de rencontrer enfin quelqu’un   sur son

    chemin. Je m’appelle Amor .

    HOSTA : Enchanté. Je suis surpris. Je pensais être le seul fantôme du coin. Vous habitez où ?

    AMOR : Vous dites ça pour mon teint pâle ?

    HOSTA : Je dis ça parce que vous me voyez.

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    AMOR : Oui. Et alors ?

    HOSTA : Si vous me voyez, c’est que vous êtes aussi un fantôme.  

    AMOR : Ah bon, première nouvelle. (Un temps) C’est peut-être l’inverse : vous me voyez parce

    que vous êtes comme moi.

    HOSTA : C’est-à-dire ?

    AMOR : Un survivant, ça c’est sûr. Vous étiez dans l’avion aussi ?

    HOSTA :  Je vis dans l’avion. Enfin, ce qu’il en reste. Et depuis très longtemps.

    AMOR : Vous êtes un rescapé alors ?

    HOSTA : Non, justement. Je suis une victime.

    AMOR : Mais puisque vous me parlez… 

    HOSTA :  Je suis désolé de vous annoncer ça. C’était pas dans mon intention du tout –  ce

    n’est d’ailleurs pas mon rôle - mais… Sauf erreur de ma part, vous êtes mort.

    AMOR : Vous êtes sûr ? J’ai de sérieux doutes. Quand, je me pince ça fait mal.

    HOSTA : S’il vous plaît : pas d’auto-torture. Est-ce que vous avez faim ?

    AMOR : Non.

    HOSTA : Moi, j’ai toujours faim.

    AMOR : Quel est votre nom ?

    HOSTA : Pardon, je me suis pas présenté. Je m’appelle Hosta.

    AMOR : Décidément vous n’avez pas de chance. 

    HOSTA : Vous habitez loin ?

    AMOR : Ça fait très longtemps que je me suis pas posé la question. Vous savez, j’ai la passion

    des coquelicots. Et la passion rend aveugle. (Un temps court) Pourquoi vous me fixez commeça ?

    HOSTA : Est-ce que vous buvez de l’eau ?

    AMOR : Non.

    HOSTA : Donc vous êtes un fantôme.

    AMOR : Si vous le dites. Connaissez-vous des fantômes de sexe féminin ? (Un temps court) 

    HOSTA : Q u’est-ce qui vous plaît dans les coquelicots ?

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    AMOR : Le goût.

    Bruit d’un téléphone portable. 

    AMOR : Excusez-moi, on m’appelle. 

    9 / Posséder. L’école. Un endroit tranquille, à l’abri des regards indiscrets – 

    HUART – ELIRA – ERREGO – ELOE - NOCEE 

    Huart, avec son téléphone portable.

    HUART : Ecoute, Miso, lâche-nous un peu la grappe. Fais-nous confiance. On travaille à fond

    avec Errego et on prend beaucoup de plaisir. J’ai même inventé un mot : « auto-torture ».

    ELIRA : Huart, Dis-lui que le personnage transpire

    HUART : (répétant): Le personnage transpire.

    ELOE : Il prend forme.

    HUART : (répétant) Il prend forme.

    NOCEE (à ERREGO) : dis-lui toi aussi que ça prend forme.

    Errego s’empare du téléphone portable. 

    ERREGO : Stresse pas, Miso, je peux te dire que je comprends mieux ton père maintenant :

    c’est super-charnel l’écriture théâtrale !

    NOCEE : C’est gentil, ça. (Elle lui fait un bisou sur la joue) 

    ERREGO :  Tu pourras lire bientôt, oui, no stress, mais pour ça, il faut que tu nous laisses

    finir. OK ? Ciao.

    Il raccroche.

    HUART (aux phrases) : Et après, donc ?

    ERREGO : Oui, où on en était ?

    ELIRA (caressant les cheveux des deux garçons)  : il faut que vous osiez faire ce que vous n’oseriez

    pas faire dans la vie.

    ERREGO : Je me sens pas bien.

    NOCEE : Loulou, c’est déjà bien ce que tu as fait : tu mérites le repos du guerrier.

    ELOE (à Huart): Tu veux que je te souffle quelques idées dans le creux de l’oreille. ?

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    Eloe lui souffle quelque chose à l’oreille. 

    HUART : Il faut plus de rôles féminins.

    NOCEE : Oh, que c’est touchant, cette attention. 

    ELOE: Ils sont mignons quand ils pensent à nous.

    ELIRA : Ça donne envie d’être encore plus douces avec vous. Allez, encore un peu d’effort, un

    peu de voltige, les garçons, surpassez-vous ! Il faut surprendre ! Après les mots, les actes !

    10 / La fiction, un symptôme ? L’école.  Sous un arbre, dans la cour de

    récréation – MISO – ECHO -

    MISO : ECHO, je ne voulais pas te vexer.

    ECHO : Tu fais tout pour me fuir.

    MISO : Non, pas du tout.

    ECHO : Pourquoi tu veux plus jouer ?

    MISO : Jouer ou mettre en scène, il faut choisir.

    ECHO : Tu n’as pas envie q ue je sois ta femme sur scène ? Dis la vérité.

    MISO : Ça n’a rien avoir avec ça.

    ECHO : Tu ne me trouves pas jolie ?

    MISO : (à lui-même)  J’ai l’impression d’être dans une sitcom.

    ECHO : Pourquoi tu dis ça ?

    MISO  (fixant ECHO): Tout le monde te trouve jolie et je suis comme tout le monde.

    ECHO : Non, moi je sais que non.

    MISO : Si ! Je t’assure que oui. Je te jure. 

    ECHO : J’ai envie de t’assister dans la mise en scène. (Un temps court) Tu as besoin de moi, je le

    sens. Tu es sensible. Je sais que tu es déçu pour ton père. Tu aurais voulu… 

    MISO : Arrête avec ça ! C’est faux ! Mon père n’a pas écrit ce texte. C’est moi. 

    ECHO : C’est toi qui as écrit ce texte ?

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    MISO : Oui.

    ECHO : Sérieux ?

    MISO : Sérieux, oui.

    ECHO : Pourquoi tu ne l’as pas dit ?

    MISO : Ça change quoi ?

    ECHO : Je comprends pas.

    MISO : C’est  comme ça. Je ne me sentais pas de dire que ce texte « bizarre » était de moi.

    Alors, voilà, j’ai menti.

    Un temps court

    ECHO : Mais ton père, il est auteur ?

    MISO : Non, aviateur.

    Un temps

    ECHO : C’est une histoire vraie ?

    Un temps

    11 / Chute libre–

     Lieu Neutre - MAIXE Maixe, grosse paire de lunettes sur le visage, traverse la scène lentement sans dire un seul mot, il se déplace au

    ralenti, imitant un homme dans les airs en chute libre. Danse dans et avec les nuages. 

    12 / Transpiration –  Dans un champ de coquelicots –  HOSTA –  AMOR – 

    NOCEE –ELIRA - ELOE

    HOSTA : Il a fallu que je vous rencontre pour oser cette chose folle.

    AMOR : Ravi que ça vous plaise.

    HOSTA : Je comprends mieux pour quelle raison on en fait un sirop.

    AMOR : Ou du parfum.

    HOSTA : Ça change tout, les fleurs.

    AMOR : Tout.

    HOSTA : On y voit plus clair.

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    AMOR : Ça s’appelle la clairvoyance.

    HOSTA : Au début, l’oiseau volait. 

    AMOR : Calmement.

    HOSTA : Puis il s’est mis à s’agiter. 

    AMOR : Sûrement.

    HOSTA: Il a perdu le contrôle.

    AMOR : Il a cherché un terrain vague… 

    HOSTA : Il a trouvé le coin idéal.

    AMOR : S’est posé ici

    HOSTA : Trop vite.

    AMOR : Des flammes sont venues sur ses ailes.

    HOSTA : Les ailes ont plongé dans le lac.

    AMOR : Il ne restait du terrain vague

    HOSTA : Que des traces.

    AMOR : Que le printemps a effacé par une foule de coquelicots. (Un temps court)  C’est super-triste comme histoire.

    HOSTA : Oui. Mais ce qui est réjouissant, c’est que je digère bien le coquelicot.

    AMOR : Q u’est-ce qu’on est bien finalement ici.

    HOSTA : Ne pas avoir d’objectifs et l’assumer. 

    AMOR : L’oisiveté parfaite.

    HOSTA : Oui, mais l’oisiveté parfaite, c’est pas vendeur. 

    AMOR : Hein ?

    Les trois phrases arrivent par surprise

    NOCEE : On s’en fout de ça, ce qui compte c’est l’émotion. 

    ELOE : La sincérité.

    ELIRA : La nécessité organique.

    HOSTA (émerveillé): Tu vois ce que je vois ?

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    AMOR : Oh que c’est beau !

     Amor tend sa main vers les phrases

    NOCEE : Nous ne sommes pas des marchandises !

    ELOE : Ni des clowns. Il ne s’agit pas de séduire.

    ELIRA : Pas seulement.

    NOCEE : Ce qui compte, c’est ce que vous avez à dire.

    ELOE : Ce que vous voulez dire.

    NOCEE : Comment le dire ?

    ELIRA : Y-a-t-il des choses que vous ne pouvez plus taire ?

    Un temps court

    HOSTA : Y’a tout de même des effets secondaires, je trouve.

    AMOR : C’est bien la première fois. 

    NOCEE : Q ue tu te confrontes à l’écriture ?

    ELOIE : L’écriture est une aventure. 

    NOCEE : On peut s’amuser avec et faire des cascades

    ELIRA : Mais il y a toujours un fond.

    NOCEE : Est-ce que vous sentez le fond de cette histoire ?

    ELOIE : Avez-vous conscience de cette histoire ?

    ELIRA : Ouvrez vos sacs !

    Hosta et Amor se regardent, incrédules, puis ouvrent leur sac. Ils sortent chacun un mot écrit en gros sur une

     page A4, « PARACHUTE ».HOSTA : Et si on était en train de faire une overdose de coquelicots?

    AMOR : On risque rien, on est déjà morts.

    HOSTA : Mais non, on n’est pas morts, souviens-toi, on est des personnages !

    ELIRA : Vous ne pouvez pas être morts puisque vous avez vos parachutes… 

    AMOR (à Hosta) :  Bon, tu m’excuseras mais elle me fait flipper, moi, cette histoire. Je rentre. 

    HOSTA :  Tu rentres où ? 

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    AMOR : Chez moi ! 

    ELIRA: Pas avant d’avoir percé l’énigme !

    AMOR : Quelle énigme ?

    ELIRA : Le crash. On doit comprendre.

    Une troisième feuille fait son apparition dans le ciel. Tout le monde la regarde. Une fois, posée sur le sol, Eloe la

    ramasse et lit le contenu.

    ELOE : « Parachute ». C’est encore le mot parachute.

    13 / La Peur - Lieu neutre - MAIXE 

    Maixe, grosse paire de lunettes sur le visage, traverse la scène toujours au ralenti mais en imitant le

     parachutiste qui, dans sa chute, cherche son parachute dans son dos. En vain. Peur atroce. Gesticulation

    désordonnée.

    14/ L’accident  –  Le champ de Coquelicot –  AMOR –  ELOE–  HOSTA–

    ELIRA– ALOES–MISO–ERREGO–HUART –NOCEE–ELIRA–MAIXE 

    AMOR : C’est pas mon histoire ce CRASH…J’ai choisi une autre histoire, moi. 

    ELOE : Alors pourquoi jouer des rôles de fantôme ?

    NOCEE : Et parler d’épave d’avion… 

    AMOR : C’est sa faute !

    HOSTA : C’était pour rigoler !

    ELIRA : Mais ce n’est pas drôle !

     Aloes entre sur scène, déguisée en aviatrice.

    ALOES : D’ailleurs, il va falloir réécrire encore l’histoire, se la réapproprier, car cela saute aux

    yeux qu’il n’y a pas d e crash d ’avion, ici. Continuer à aller dans cette direction, c’est faire un

    hors sujet !

    Miso entre sur scène , suivi de Errego et Huart.

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    MISO : L’aviatrice n’a pas perdu le contrôle de son avion, elle s’est posée plus loin, dans un

    terrain vague, avec la peur au ventre .(Un temps court) Il y avait bien trois hommes dans les airs.

    Il y avait bien trois parachutes. Mais il n’y avait que deux parachutistes. 

    HUART: Il y a un problème dans ta phrase. S’il y a trois parachutes et  qu’ils sont trois dans

    les airs, pourquoi n’y aurait-il que deux parachutistes ?

    ALOES : C’est justement la clé de l’énigme.

    Un temps

    ERREGO : C’est ça la progression dramatique ?

    ELIRA : On peut appeler ça aussi le suspense.

    ECHO : Ou le climax.

    ELOIE : Faut surtout pas que ça soit trop triste, sinon on plonge dans le pathos.

    ERREGO : C’est qui lui ?

    NOCEE : Peu importe, retiens simplement ceci : celui qui pleure sur scène vole les larmes du

    public.

    ELIRA : L’émotion doit gonfler, jamais exploser !

    ELOIE : Rester juste au bord du vide… 

    HUART: Répondez à ma question : pourquoi deux parachutistes et trois parachutes ?

    ALOES : Parce que le troisième homme était un cascadeur.

    Maixe, paire de lunettes fracassées, traverse la scène, déguisé en fantôme.

    MAIXE : Exactement. C’est ça. Je suis un cascadeur passionné repoussant toujours ses limites

    plus loin. Voilà le truc.  J’ai sauté d’un avion. Sans parachute.  Je me suis fixé un objectif tout

    simple : sauter dans le vide et attendre que deux coéquipiers parachutistes me donnent mon

    parachute dans les airs. Et ils me le donnent. Mais… 

    HUART : Mais… ?

    MISO : Peu importe les détails (il exhibe un mousqueton), mais tout ne se passe pas comme prévu.

    Il s’écroule dans un champ de coquelicots.

    Un temps court

    ERREGO : Et tu survis ?

    HUART: C’est un fantôme … 

    MISO : 4000 mètres d’altitude sans parachute, forcément..

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    ECHO : C’est nul comme histoire !

    MAIXE : C’est une histoire vraie. Le personnage que je joue s’appelle « Alain Prieur ».

    Un temps.

     Amor prend une craie et écrit « Coquelicot Paradise » sur la pancarte.

    Un temps

    HUART: Et c’est quoi la morale de cette histoire ? 

    ELIRA : Il n’y a pas toujours de morale dans les histoires. 

    MAIXE : Si, il y en a une : mieux vaut avoir pour parachute l’écriture !

    ECHO : Bon, eh bien je regrette, mais  je ne suis pas d’accord  ! On ne va pas le jouer ce texte

    collectif, on va s’arrêter d’écrire ensemble et on va se trouver une autre pièce ! Sans chute !

    ELOE: Une chute est préférable dans une pièce. Surtout à la fin.

    ELIRA : Désolé, mais vous ne pouvez pas retourner en arrière.

    NOCEE : Nous sommes peut-être nées par accident mais nous sommes là, maintenant,

    vivantes, pleines de rêves et de désirs !

    ELIRA : Et que vous le vouliez ou pas, vous l’avez votre pièce. 

    ALOES : Elles ont raison. Regardez, là, juste là : le public.

    Ils regardent tous en direction du public, étonnés. Amor s’avance un peu plus que les autres au-devant de la

    scène. Il sourit.

    AMOR : On dirait une foule de coquelicots !

    HUART (souriant) : On ne pouvait pas espérer meilleure destination !

    15 PROLOGUE –  Réécriture

    Chaque comédien dit un morceau de phrase. Cascade de voix.

    Simple comme un mot

    Trop simple

    Léger

    Une sensation de ballon

    Tu souffles, le mot tombe

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    Mousqueton qui cède

    Comme un auteur qui aide

    Un mousqueton à lâcher

    Dans les airs

    Pour que vole

    (tous ensemble) Une histoire.

    Fin