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Dr Arsène H. YONLI UNIVERSITE DE OUAGADOUGOU ------------------------ UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE EN SCIENCES EXACTES ET APPLIQUEES ------------------------------ INSTITUT DE GENIE DE L’ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE (IGEDD) FORMATIONS OUVERTES ET A DISTANCE (FOAD) ANALYSE DU CYCLE DE VIE (ACV)

Cours Analyse Du Cycle de Vie - ACV

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Dr Arsène H. YONLI

UNIVERSITE DE OUAGADOUGOU ------------------------

UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE EN SCIENCES EXACTES ET APPLIQUEES

------------------------------ INSTITUT DE GENIE DE L’ENVIRONNEMENT ET

DU DEVELOPPEMENT DURABLE (IGEDD)

FORMATIONS OUVERTES ET A DISTANCE (FOAD)

ANALYSE DU CYCLE DE VIE (ACV)

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Objectifs spécifiques du cours

• Maîtriser l’évaluation environnementale

• Comprendre la technique d’analyse du cycle de vie

• Appliquer l’analyse du cycle de vie à un cas concret.

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Genèse de l’Analyse du Cycle de Vie (ACV)

L’accroissement de la production et la diversification des produits sont une caractéristique essentielle des sociétés industrielles, au stade actuel de leur développement. Tous les observateurs actuels s’accordent aujourd’hui pour attribuer aux produits de grande consommation, une responsabilité majeure dans la dégradation de l’environnement et ce à tous les stades du cycle de vie : extraction des matières premières – production – distribution – consommation – valorisation – élimination. La prise de conscience de ces problèmes de pollution et de gestion des ressources naturelles rend nécessaire une meilleure connaissance des cycles de vie des produits ainsi qu’une évaluation contingente des impacts sur l’environnement aux différents stades de ces cycles. Pour mieux comprendre cette prise de conscience progressive, examinons rapidement la chronologie des problèmes environnementaux dans notre société. ● Pollutions chroniques locales

Les problèmes ont été perçus dans un premier temps comme des pollutions chroniques locales qui affectaient essentiellement les écosystèmes aquatiques, car ces derniers sont les plus fragiles. Il s’ensuivit une mise en œuvre de traitements efficaces des effluents liquides. Il est vite apparu que ces traitements engendraient de grandes quantités de déchets solides. Ce transfert de pollution s’est aggravé par la production importante des déchets urbains et industriels, qu’il fallait également traiter. ● Épuisement des ressources naturelles

Parallèlement aux problèmes de pollution chronique locale, une autre préoccupation relative à la gestion des ressources naturelles est apparue, en 1972, à travers les travaux du Club de Rome ou à la suite des différents chocs pétroliers. ● Pollutions chroniques globales

Une nouvelle dimension des problèmes d’environnement est ensuite apparue avec la notion de pollutions chroniques globales. Des phénomènes comme les pluies acides, la dégradation de la couche d’ozone stratosphérique, l’effet de serre, sont présentés comme perturbateurs à moyen et long terme de grands mécanismes de fonctionnement de la planète. On voit là apparaître en plus de l’impact des rejets liquides et des déchets, l’impact des émissions gazeuses. Ceci a donné l’idée encore difficilement admise par certains grands lobbies du principe du pollueur-payeur. ● Pollutions accidentelles

Aux notions de pollutions chroniques locales et globales s’ajoute également celle de pollution accidentelle. Des accidents mémorables (Seveso, Bhopal, Tchernobyl,...) ont montré qu’il ne fallait pas seulement se contenter de réduire le flux de polluants rejetés en permanence, mais qu’il fallait aussi faire face à des situations imprévues. La nécessité d’intégrer la prévention des risques technologiques majeurs dans le fonctionnement des installations industrielles est devenue évidente.

La prise en compte simultanée des problèmes de pollution et de gestion des ressources aboutissait à la fin des années 1970 à la notion de technologies propres qui prend en compte la nécessité de réduire les pollutions et d’économiser les matières premières et l’énergie. Enfin, un palier supplémentaire a été franchi dans les années 1980, lorsque la réflexion, au départ limitée à la production, a également porté sur le produit, ce fut le concept d’écoproduit. De ce fait, les produits eux-mêmes et leur utilisation sont maintenant en première ligne (lessives, emballages, carburants, peintures...). Ainsi, des secteurs pour lesquels la protection de l’environnement ne constituait qu’un aspect périphérique de la compétitivité voient-ils désormais cette préoccupation jouer un rôle plus central dans leur stratégie de marketing ou de recherche et développement. C’est dans ce contexte que l’outil ACV a été créé et qu’il est devenu rapidement incontournable dans l’évaluation environnementale des produits.

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Méthodologie ACV

L’ACV consiste à évaluer tous les impacts environnementaux potentiels d’un système (produit, service voire procédé) assurant une (ou plusieurs) fonction(s), le long de son cycle de vie.

Le cadre méthodologique de l’ACV a été normalisé entre 1997et 2000 par la série de normes ISO 14040 à 14043. Selon ces normes, cette méthodologie se construit en quatre phases : objectifs, inventaire (bilan matière et énergie), analyse des impacts et interprétation.

Objectifs Les deux principaux objectifs sont : - l’évaluation comparative des étapes d’un cycle de vie afin d’identifier les transferts de

pollution; - l’évaluation comparative de plusieurs cycles de vie « concurrents », afin d’identifier les

systèmes les plus respectueux de l’environnement. Lorsque que l’on veut comparer ces différents systèmes, leur définition est établie sur la base de

leur fonction. Cette base de comparaison, appelée « unité fonctionnelle », est définie avec précision à partir de l’objectif de l’étude, de son utilisation et de la fonction étudiée. Dès lors que l’objectif a été fixé, les systèmes à étudier doivent être parfaitement explicités. Nous détaillerons cette partie dans le cours « Réalisation de l’inventaire en ACV ».

Inventaire Il s’agit d’identifier et de quantifier les flux de matière et d’énergie entrant et sortant des

systèmes. L’existence d’erreurs est inhérente à l’élaboration de tels bilans. Il est donc indispensable de pouvoir estimer raisonnablement ces erreurs. Il convient de souligner également que le bilan matière énergie de différentes installations peut présenter des différences significatives. Afin d’éviter, dans certains cas, des généralisations abusives, il convient alors de bien décrire chaque système (nature du procédé, paramètres de fonctionnement...). On comptabilise ainsi les entrants (matières premières et énergie) et les sortants (produit, coproduit, rejets dans l’air et l’eau, et déchets solides) pour tout ou partie du cycle de vie étudié. La réalisation de ces bilans exige une recherche bibliographique importante et de nombreux contacts avec les industriels. Cf. cours sur « Réalisation de l’inventaire en ACV ».

Analyse des impacts Cette phase consiste à :

- traduire les flux de matière et d’énergie précédemment recensés en termes d’impacts potentiels sur l’environnement ; on peut ainsi regrouper ces impacts en deux familles principales : • impacts locaux : conséquences toxiques et écotoxiques, et nuisances telles que le bruit et les odeurs • impacts globaux : effet de serre, dégradation de la couche d’ozone, épuisement des ressources naturelles.

La prise en compte de tous ces éléments permet la réalisation d’un bilan environnemental ; - comparer ces bilans environnementaux : il alors faut tenter de répondre à la question suivante : « au regard des impacts évalués, quel est le système globalement le plus respectueux de l’environnement? » Ce problème devient vite complexe lorsqu’impacts et systèmes se multiplient.

Interprétation Il s’agit notamment :

- de réaliser une synthèse des bilans environnementaux ; - d’exploiter ces bilans pour répondre au mieux aux objectifs choisis.

En terme de champs disciplinaires, la phase 1 (objectifs) relève d’une approche systémique classique, la phase 2 (inventaire) concerne essentiellement le génie des procédés et des systèmes industriels, la phase 3 (analyse des impacts) fait appel pour la caractérisation des impacts aux disciplines

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Dr Arsène H. YONLI comme la toxicologie, l’écotoxicologie, l’écologie, et pour la comparaison des bilans environnementaux, aux méthodes mathématiques d’analyse multicritère ; enfin la phase 4 (interprétations), relève de l’aide à la décision.

Applications de l’ACV

Pour ce qui est des applications, l’ACV a surtout été utilisée pour étudier et labéliser des produits

simples comme les emballages, les lessives ou les peintures et vernis. L’objectif de ces labels est de favoriser les produits qui, à valeur d’usage et qualité égales, ont l’impact global jugé le plus faible sur l’environnement à tous les stades de leur vie.

Les principales autres applications possibles et non exhaustives de l’ACV sont : - éco-conception des produits et des procédés (prise en compte de l’environnement dès la phase

de conception ; - sélection (choix) du produit ou du procédé le plus respectueux de l’environnement parmi

plusieurs solutions proposées (comparaison des cycles de vie de ces solutions) ; - amélioration d’un produit ou procédé (du point de vue de son impact environnemental) par

observation des points faibles pour l’environnement durant son cycle de vie ; - gestion d’un procédé par son suivi et son contrôle, en le comparant à une situation de référence

ou à des résultats escomptés ; - proposition de réglementations concernant l’environnement, par comparaison d’ACV de

plusieurs procédés rendant le même service. Il est important de noter que la norme ISO prévoit une revue critique pour toute ACV

comparative divulguée au public. Cette revue critique consiste en une expertise de l’ACV par des personnes indépendantes du commanditaire et du réalisateur de l’étude.

Certains logiciels comme SimaPro 5.0 permettent de faciliter l’application de l’ACV. Comme tout outil d’analyse l’ACV présente des points forts et des points faibles, qui seront

succinctement présentés ci-dessous. Points forts de l’ACV

Les principaux points forts sont la notion de cycle de vie et l’évaluation quantitative des impacts. La notion de cycle de vie Cette notion permet d’identifier et de prendre en compte les transferts de pollution, ce qui n’est

pas le cas des autres méthodes comme l’étude d’impact, le SME (Système de management environnemental), l’observatoire de l’environnement... Par exemple, une étape du cycle de vie d’une filière peut s’avérer très « propre » au niveau de ses frontières, mais poser en amont et en aval des problèmes d’environnement. L’importance de l’impact du transport des matières et de l’énergie dans une filière peut également être évaluée. L’ACV a pu montrer aussi que le recyclage n’est pas, dans tous les cas, synonyme de bénéfice pour l’environnement. En fin de compte, l’ACV, par la prise en compte de toutes les étapes du cycle de vie, est très utile dans la recherche d’amélioration pour savoir où agir dans la réduction de l’impact environnemental des produits, procédés et services. En revanche, la réponse à la question du « comment agir » est de la compétence du spécialiste du système étudié.

L’évaluation quantitative des impacts La méthode ACV permet, en dépit des difficultés inhérentes à cet objectif, la quantification des

impacts potentiels vis-à-vis de l’environnement, à travers les indicateurs d’impact. Cette quantification constitue une donnée nouvelle intéressante dans la mesure où certains types d’impact vont être de plus en plus utilisés par les pouvoirs publics pour fixer des objectifs de qualité environnementale aux systèmes industriels. On peut citer par exemple la contribution à la réduction de l’effet de serre.

Points faibles de l’ACV

Les principaux points faibles sont les suivants : la disponibilité et la qualité des données, et les

lacunes méthodologiques persistantes.

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Dr Arsène H. YONLI Disponibilité et qualité des données Aujourd’hui, les principales limites de l’ACV résident dans la disponibilité des données.

Plusieurs problèmes sont rencontrés : - les données nécessaires à la conduite d’une étude ACV ne sont pas souvent habituellement

mesurées par les exploitants ; - les données sont confidentielles et difficilement accessibles ; - les données sont trop agrégées dans les bases de données existantes et sont difficilement

exploitables ; - les incertitudes sur les données ne sont pas précisées ; - les données informatisées sont parfois non disponibles et peu uniformes. De plus, l’ACV demande la mise à disposition de trois types principaux de données : - des données d’exploitation et des bilans sur les procédés unitaires pour les inventaires ; - des données techniques, économiques et sociales sur les produits et déchets; - des données sur les effets des polluants, notamment les données toxicologiques. Pour faire face aux problèmes de disponibilité des données, il faudrait utiliser de façon

systématique un format des données standard. Les principales répercussions de cette mauvaise disponibilité des données sont le nombre

important d’hypothèses, des simplifications parfois peul justifiables, des incertitudes dans les données et la mauvaise transportabilité des informations d’une étude à une autre.

Assurer une bonne qualité des données d’inventaire du cycle de vie (ICV) et gérer les incertitudes sur les impacts environnementaux sont également un enjeu primordial pour la crédibilité de l’outil ACV.

Des lacunes méthodologiques persistantes Les principales lacunes dans l’évaluation des impacts sont : - la nécessité d’intégrer des paramètres spatio-temporels dans les bilans matière-énergie (en

accord avec les objectifs de l’étude et les possibilités offertes) ; - l’amélioration de la pertinence des indicateurs d’impact. La robustesse des recommandations et la qualité des études sont trop peu évaluées. Il est alors

difficile de se lancer dans une boucle d’amélioration continue. L’ACV ne doit pas être perçue comme un outil à tout faire. C’est un outil d’évaluation

environnementale grossière car il ne prend pas en compte les impacts locaux réels. En effet, s’il l’on veut comparer les impacts environnementaux des différentes étapes d’un cycle de vie (qui généralement ne se trouvent pas au même endroit et qui de plus n’ont pas fonctionné en même temps), on est obligé de définir le même référentiel environnemental pour chacune de ces étapes. Ce référentiel, complètement fictif, est défini à partir de concentrations de référence. Cette approche permet alors de disqualifier un cycle de vie qui serait très mauvais d’un point de vue environnemental. Puis, s’il l’on veut affiner l’étude, il faut alors se tourner vers d’autres outils comme par exemple, les études d’impact qui prennent en compte le contexte local réel.

En conclusion, la plupart des secteurs d’activité (industries de la grande consommation, industries chimiques, secteur de la construction, filières énergétiques...) utilisent depuis quelques années les ACV. Animés par le souci de prendre le pas sur les pressions législatives et réglementaires à venir en matière d’environnement (normes ISO 14000, directives sur les produits en fin de vie, écolabels), ces différents acteurs se tournent vers l’outil ACV qui, à l’heure actuelle, leur fournit des éléments pour mettre en place une politique environnementale à la fois transparente et cohérente.

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