Croix Rouge, Croissant Rouge, Cristal Rouge

8/9/2019 Croix Rouge, Croissant Rouge, Cristal Rouge

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Franois Bugnion

CROIX ROUGE, CROISSANT ROUGECRISTAL ROUGE


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Comit international de la Croix-Rouge

19, avenue de la Paix

1202 Genve, Suisse

T +41 22 734 60 01 F +41 22 733 20 57E-mail: [email protected]

www.cicr.org

CICR, mai 2007


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Franois Bugnion



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TABLE DES MATIRES

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

I. Historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

1. Les Confrences de Genve de 1863 et 1864 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32. Le conflit russo-turc de 1876-1878 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103. Les Confrences de la Paix (La Haye, 1899 et 1907)

et la Confrence de rvision (Genve, 1906) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

4. La Confrence de 1929 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125. La Confrence de 1949 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146. La Confrence diplomatique sur la raffirmation

et le dveloppement du droit international humanitaire(Genve, 1974-1977) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

7. Le lion-et-soleil rouge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178. La rserve isralienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189. La question du double emblme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

10. La reconnaissance des nouvelles Socits nationales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

II. La situation juridique rsultant des Conventionsde Genve de 1949 et des Statuts du Mouvement adoptspar la Vingt-Cinquime Confrence internationalede la Croix-Rouge, runie Genve en octobre 1986 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

1. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262. Les dispositions conventionnelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

3. Les dispositions statutaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 274. Les consquences de cette situation juridique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

C R O I X R O U G E, C R O I S SA N T R O U G E, C R I S TA L R O U G E


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III. Le risque de prolifration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

IV. La recherche dune solution globale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

1. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 352. Linitiative du CICR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 363. Le Conseil des Dlgus de 1997 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 374. Le Conseil des Dlgus de 1999 et la Vingt-Septime Confrence

internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge . . . . . . . . . . . . . . . 395. Vers ladoption dun troisime Protocole additionnel aux

Conventions de Genve du 12 aot 1949 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 426. Les sessions de 2001 et de 2003 du Conseil des Dlgus et la

Vingt-Huitime Confrence internationale de la Croix-Rouge etdu Croissant-Rouge (Genve, 30 novembre - 6 dcembre 2003) . . . . . . . 46

7. La Confrence diplomatique et ladoption du Troisime Protocoleadditionnel aux Conventions de Genve . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52

8. La Vingt-Neuvime Confrence internationale de la Croix-Rougeet du Croissant-Rouge et la rvision des Statuts du Mouvementinternational de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge . . . . . . . . . . . . . . . . 60

Un regard vers lavenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71

Indications bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

T A B L E D E S M A T I R E S


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Franois Bugnion*

Introduction

Au fil des conflits et des annes, des millions de victimes de la guerre ou decatastrophes naturelles blesss, naufrags, prisonniers, rfugis ou popula-tions sinistres ont vu dans les emblmes de la croix rouge et du croissant

rouge une protection contre la violence des combats ou larbitraire de len-nemi, une main secourable au milieu de la dtresse gnrale et lespoir dunefraternit retrouve.

Pourtant, depuis leur adoption, ces symboles qui servent la fois commeemblmes protecteurs des services de sant militaires et civils en temps de guerreet comme signes distinctifs des Socits de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge ont donn lieu des difficults rcurrentes et des discussions

presque continuelles, gnralement guides par un authentique esprit detolrance et par la volont de parvenir des solutions, mais greves aussi parde lgitimes frustrations et domines parfois par des ractions motives et parlincomprhension.

1

* Franois Bugnion est conseiller diplomatique de la Direction du Comit international de la Croix-Rouge.Il tait, de janvier 2000 juin 2006, directeur du droit international et de la coopration au sein duMouvement au CICR. Cet article a pour but de retracer lhistorique de la question de lemblme et dindi-quer la stratgie et les tapes qui ont permis de parvenir au rglement de ce problme qui est demeur troplongtemps sans solution. Il tient compte des dveloppements intervenus jusquau 15 janvier 2007.


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Depuis quelques annes, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du

Croissant-Rouge a entrepris de nouvelles consultations au sujet de ses embl-mes, en vue de parvenir une solution globale de cette question qui est restetrop longtemps sans solution.

Le prsent article a pour objet danalyser la situation juridique cre par lesConventions de Genve et les Statuts du Mouvement international de laCroix-Rouge et du Croissant-Rouge et de prsenter la stratgie que leMouvement a mise en uvre avec lappui des tats parties aux Conventions

de Genve en vue de parvenir une solution globale et durable de la questionde lemblme ; cette stratgie sest concrtise par ladoption du troisimeProtocole additionnel aux Conventions de Genve, le 8 dcembre 2005, et larvision des Statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et duCroissant-Rouge, adopte par la Vingt-Neuvime Confrence internationalede la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui sest runie Genve du 20 au22 juin 2006. Avant dexposer cette stratgie et les principales tapes de sa miseen uvre, il convient cependant de rappeler les circonstances dans lesquelles

les emblmes de la croix rouge et du croissant rouge ont t adopts et lesparamtres de la problmatique laquelle le Mouvement et les tats taientconfronts. On ne saurait, en effet, comprendre la question de lemblme silon fait abstraction du poids de lhistoire 1.

2


1 Conformment la recommandation faite par M. Jean Pictet dans le Commentaire des Conventions deGenve du 12 aot 1949, nous crivons signe de la croix rouge avec des lettres minuscules sans traitdunion lorsquil sagit de dsigner le symbole, afin de rserver la graphie Croix-Rouge avec majusculeset trait dunion linstitution de la Croix-Rouge (Les Conventions de Genve du 12 aot 1949, Commentaire,publi sous la direction de Jean S. Pictet, vol. I, La Convention de Genve pour lamlioration du sort des bles-ss et des malades dans les forces armes en campagne, Genve, CICR, 1952, p. 330) La mme rgle est appli-que pour les signes du croissant rouge, du lion-et-soleil rouge et du bouclier-de-David rouge, ainsi quepour les dnominations correspondantes. Pour les citations, nous avons respect les graphies utilises dansles documents cits.


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I. Historique

1. Les Confrences de Genve de 1863 et 1864

La fondation de la Croix-Rouge et ladoption de la premire Convention deGenve du 22 aot 1864 ne sont pas seulement les fruits du dveloppement dela conscience sociale et de la philanthropie qui florissaient en cette secondemoiti du XIXe sicle. Ce sont aussi les consquences indirectes dun perfec-tionnement fulgurant des armes feu. En une dcennie, en effet, la construc-

tion de ces armes a plus volu quau cours des trois sicles qui ont prcd2

.

Il en est rsult un accroissement dramatique du nombre des blesss et desmorts, ainsi que de la gravit des blessures. On en verra les consquences lorsde la guerre de Crime (1854-1856), lors de la guerre dItalie, notamment Magenta et Solfrino (1859), et bientt lors de la guerre civile amricaine(1861-1864).

Mais laccroissement de la puissance de feu de lartillerie et de linfanterie napas pour seul effet de multiplier le nombre des blesss et des morts ; il interditaussi de relever les blesss durant les combats.

Tmoin de linterminable sige de Sbastopol, le mdecin inspecteur LucienBaudens a constat plusieurs reprises que des mdecins et des brancardiersqui sefforaient de venir en aide aux blesss taient pris sous le feu de lun oude lautre belligrant. Il fut le premier, sans doute, prconiser un moyen sim-

ple et pratique dviter la rptition de telles mprises en proposant, dans unarticle publi en fvrier 1857 par la Revue des Deux Mondes, ladoption dunsigne distinctif uniforme pour le personnel de sant de tous les pays :

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2 La mise feu par percussion centrale accrot considrablement la cadence de tir, tandis que la gnralisationdes canons rays permet de quadrupler la vitesse initiale des projectiles, augmentant dautant la porte desarmes et la violence de limpact. Enfin, les balles cylindro-ogivales, qui font clater les os, provoquent deslsions infiniment plus graves que celles quentranaient les balles sphriques utilises jusque-l.De mme, lesobus cylindriques emportent des charges explosives bien plus lourdes et bien plus meurtrires que les bouletsdes guerres dautrefois. Jean Guillermand, La vision de la guerre de Crime du mdecin inspecteur LucienBaudens , in : Prludes et pionniers, les prcurseurs de la Croix-Rouge, dit par Roger Durand et JacquesMeurant, avec la collaboration de Youssef Cassis, Genve,Socit Henry Dunant, 1991, pp. 159-176,adp.159.


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En cheminant dans la valle [de la Tchernaa], on aperoit

gauche les rampes de Mackensie, vritables murailles droiteset inaccessibles. Au centre, une dpression semblerait permet-tre lassaut, si elle ntait protge en arrire par trois soul-vements de terrain superposs. Les Russes avaient hriss decanons ces escarpements : cest de l que tonnaient les batteries[...] qui se sont tristement signales aprs la bataille de Traktiren tirant sur les mdecins et les infirmiers occups panser et relever les blesss russes. Le mme fait stait dj produit

aprs la bataille dInkerman. Le gouvernement russe a haute-ment dsapprouv ces actes de barbarie [...]. On rendrait cesmprises impossibles si, par une entente commune entre lesnations, les mdecins et le personnel hospitalier portaient unsigne distinctif, le mme dans toutes les armes et dans tous lespays, qui les ft reconnatre aisment des deux partis3.

Malheureusement, cette proposition na pas eu dcho et le Dr Baudens mou-

rut peu aprs, des suites des maladies quil avait contractes en Crime. Privede son meilleur avocat, cette ide gnreuse tomba bientt dans loubli 4.

Simple touriste, Henry Dunant navait aucune connaissance de lart mili-taire ni de la chirurgie de guerre lorsque le hasard le conduisit aux abords deSolfrino au soir de la sanglante bataille du 24 juin 1859, mais il nen a pasmoins parfaitement identifi les consquences des nouvelles armes feu quiavaient t utilises de part et dautre 5. Tmoin du nombre effarant des bles-

ss et de labandon dans lequel ils furent laisss, il ne manqua pas de proposerdeux mesures qui devaient transformer lassistance aux victimes de la guerre :

4


3 Une mission mdicale lArme dOrient , Revue des Deux Mondes, XXVIIe anne, livraison du 15 fvrier 1857,pp. 876-908, adpp. 881-882 ; Guillermand, loc. cit., p. 170.

4 Guillermand, loc. cit., p. 173.5 Simple touriste, entirement tranger cette grande lutte, jeus le rare privilge, par un concours de circonstances

particulires, de pouvoir assister aux scnes mouvantes que je me suis dcid retracer, J. Henry Dunant, UnSouvenir de Solfrino, Genve, Imprimerie Jules-Guillaume Fick, 1862, p. 5 (LInstitut Henry-Dunant et lesditions Slatkine Reprints ont rdit par procd photomcanique ldition originale, suivie du fac-simil dumanuscrit autographe de la septime dition, avec une introduction de Roger Durand et Philippe Monnier et unavant-propos de Jean Pictet, Genve, Institut Henry-Dunant et Slatkine Reprints, 1980, XVII, 115 & 65 pages).


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- la cration de Socits de secours aux militaires blesss qui mobilise-

raient les ressources de la charit prive ; et

- ladoption dune Convention qui protgerait les blesss sur le champ debataille et tous ceux qui sefforcent de leur venir en aide 6.

La premire de ces propositions est lorigine des Socits de la Croix-Rougeet du Croissant-Rouge qui existent aujourdhui dans 186 pays ; la seconde est lorigine des Conventions de Genve auxquelles 194 tats ont adhr.

Dunant et les autres fondateurs de la Croix-Rouge avaient-ils connaissance delarticle du Dr Baudens, publi quelques annes auparavant ? Ce nest pas impos-sible mais rien, notre connaissance, ne le laisse supposer.

Quoi quil en soit, ds sa premire runion, le 17 fvrier 1863, le Comit inter-national de secours aux militaires blesss le futur Comit international de laCroix-Rouge se proposa, comme lun de ses objectifs essentiels, ladoption

dun signe distinctif uniforme, aussi bien pour les services de sant des armesque pour les volontaires des Socits de secours aux militaires blesss queDunant avait appeles de ses vux :

Enfin, il serait bon dadopter un signe, un uniforme ou unbrassard, afin que ceux qui se prsenteront avec cette marquedistinctive, adopte universellement, ne soient pas repousss7.

5

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6 Idem, pp. 101-102 et 113.7 Documents indits sur la fondation de la Croix-Rouge, Procs-verbaux du Comit des Cinq , dits par

Jean S.Pictet, Revue internationale de la Croix-Rouge, N 360, dcembre 1948, pp. 861-879, adp. 866 ; Procs-verbaux des sances du Comit international de la Croix-Rouge, 17 fvrier 1863 - 28 aot 1914, dits parJean-Franois Pitteloud avec la collaboration de Caroline Barnes et de Franoise Dubosson, Genve, CICRet Socit Henry Dunant, 1999, p. 18. Comme on le sait, la Confrence de 1863 na pas donn suite la pro-position dadopter un uniforme pour les infirmiers volontaires. Les dbats des Confrences de 1863 et 1864se sont concentrs sur ladoption dun signe distinctif, dun brassard et dun drapeau identiques dans tousles pays pour dsigner les infirmiers volontaires, les membres des services de sant des forces armes, lesambulances et les installations sanitaires.


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Lide dun signe unique, adopt dans tous les pays, tait reprise larticle 9

du Projet deconcordat que le Comit international avait prpar lintentionde la Confrence doctobre 1863 qui donna naissance la Croix-Rouge :

Les infirmiers volontaires portent, dans tous les pays, un uni-forme ou un signe distinctif identique. Leur personne est sacreet les chefs militaires leur doivent protection 8.

La fonction protectrice de lemblme tait ainsi, ds lorigine, troitement

rattache son universalit.

Au cours des dbats de la Confrence doctobre 1863, le Dr Appia, membre duComit, rappela la proposition dadopter un signe distinctif uniforme et pro-posa un brassard blanc :

M. le Dr Appia insiste sur limportance dun signe distinctifet international, et demande que lon ajoute dans le premier

paragraphe : La Confrence propose un brassard blanc aubras gauche. Il ne faut pas se priver de laction que peut exer-cer un symbole qui, comme le drapeau pour le soldat, rveilledans le cur par sa seule vue lesprit de corps qui serait iciattach une ide gnreuse entre toutes, une entreprisecommune toute lhumanit civilise9.

Pour des raisons qui napparaissent pas au procs-verbal, la Confrence dcida

dadopter la proposition du Dr Appia, mais en apposant une croix rouge surle brassard blanc. Le procs-verbal mentionne simplement :

6


8 Compte rendu de la Confrence internationale runie Genve les 26, 27, 28 et 29 octobre 1863 pour tudier lesmoyens de pourvoir linsuffisance du service sanitaire dans les armes en campagne, Genve, Imprimerie Fick,1863 (ci-aprs : Compte rendu... 1863), p. 16.

9 Compte rendu... 1863, p. 118.


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... aprs quelques discussions, la proposition de M. Appia est

adopte, modifie en ce sens que le brassard blanc portera unecroix rouge10.

On aboutit ainsi la Rsolution 8 de la Confrence qui pose le principe deluniformit du signe distinctif des infirmiers volontaires :

Ils portent dans tous les pays, comme signe distinctif uni-forme, un brassard blanc avec une croix rouge11.

Lors de la mme confrence, le Dr Brire, dlgu de la Suisse, proposadadopter un drapeau identique pour la protection des services de sant desforces armes. Donnant suite cette proposition, la Confrence formula lesouhait quun signe distinctif identique ft admis pour le personnel sanitairede toutes les armes. Ne pouvant en dcider, elle adopta le vu suivant :

Quun signe distinctif identique soit admis pour les corps

sanitaires de toutes les armes, ou tout au moins pour les per-sonnes dune mme arme attaches ce service.Quun drapeau identique soit aussi adopt, dans tous lespays, pour les ambulances et les hpitaux12.

Afin de convertir les vux de la Confrence de 1863 en un instrument de droitinternational, le gouvernement suisse convoqua une confrence diplomati-que qui se runit Genve en aot 1864. Le projet de convention, rdig par

le CICR, qui servit de base aux dlibrations de la Confrence diplomatique

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10 Compte rendu... 1863, p. 119.11 Compte rendu... 1863, p. 148 ; Manuel du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge,

treizime dition, Genve, Comit international de la Croix-Rouge et Fdration internationale des Socitsde la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 1994, p. 632 ; Droit des conflits arms, Recueil de conventions,rsolutions et autres documents, Documents recueillis et annots par Dietrich Schindler et Jir Toman,Genve, Comit international de la Croix-Rouge et Institut Henry-Dunant, 1996, p. 339.

12 Compte rendu... 1863,p .149 ; Manuel du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge,p. 633 ; Droit des conflits arms, p. 339.


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prvoyait galement ladoption dun signe distinctif uniforme 13. Cette propo-

sition fut adopte. On aboutit ainsi larticle 7 de la Convention de Genve du22 aot 1864 :

Un drapeau distinctif et uniforme sera adopt pour les hpi-taux, les ambulances et les vacuations. Il devra tre, en toutecirconstance, accompagn du drapeau national.Un brassard sera galement admis pour le personnel neutra-lis ; mais la dlivrance en sera laisse lautorit militaire.

Le drapeau et le brassard porteront croix rouge sur fond blanc14

.

Ainsi, ds lorigine, ladoption dun signe distinctif uniforme est apparuecomme lune des conditions essentielles de linviolabilit des services de santdes armes, des ambulances et des infirmiers volontaires.

Pour des raisons que lon na pas jug ncessaire dinscrire au procs-verbal dela Confrence doctobre 1863, on a choisi lemblme de la croix rouge sur fond

blanc. Les documents contemporains de la confrence ceux tout au moinsdont nous avons connaissance ne nous clairent point sur les raisons de cechoix. On en est rduit des conjectures.

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13 Compte rendu de la Confrence internationale pour la Neutralisation du Service de Sant militaire enCampagne, runie Genve du 8 au 22 aot 1864, exemplaire autographi la bibliothque du CICR (ci-aprs : Compte rendu... 1864), Annexe A, article 9. Ce compte rendu est reproduit dans le Nouveau Recueilgnral de Traits, dit par G. F. de Martens, vol. XX. pp. 375-399.

14 Compte rendu... 1864, Annexe B, article 7 ; Manuel du Mouvement international de la Croix-Rouge et duCroissant-Rouge, hors texte en face de la page 69 ; Droit des conflits arms, p. 343.


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De tout temps, le drapeau blanc avait t reconnu comme le signe distinctif du

parlementaire ou de lhomme qui se rend. Il tait interdit douvrir le feu surcelui qui larborait de bonne foi. Ladjonction dune croix rouge lui confraitune signification supplmentaire : le respect d aux blesss et tous ceux quileur viennent en aide. En outre, il sagissait dun signe facile confectionner,aisment reconnaissable distance en raison de ses couleurs contrastes 15.

Lemblme devant tre la manifestation visible de la neutralisation des ser-vices de sant des armes et de la protection qui leur tait ainsi assure, on

adopta un signe obtenu par linterversion des couleurs fdrales. La Suisse, eneffet, bnficiait dun statut de neutralit permanente solidement ancr dansune pratique de plusieurs sicles et confirm par les Traits de Vienne et deParis de 1815 qui avaient mis fin aux guerres napoloniennes.

Rien dans les travaux prparatoires ne laisse supposer quon ait voulu conf-rer au signe distinctif des infirmiers volontaires et des services de sant desarmes la moindre signification religieuse, ni que la Confrence doctobre

1863 ait eu conscience dadopter un emblme auquel on pourrait reconnatreune porte religieuse, puisque luvre que lon se proposait de crer devaitprcisment transcender les frontires nationales et les clivages confessionnels.

Toutefois, lEurope du XIXe sicle se considrait comme le centre du monde etlon na certainement pas imagin que le choix de la croix rouge pourrait donnerlieu contestation lorsque luvre franchirait les limites du vieux continent. Defait, cependant, les difficults nont pas tard se prsenter.

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15 Le signe de la croix est attest depuis des temps immmoriaux dans diffrentes civilisations. Il est gnralementconsidr comme un symbole de ltre humain et de sa position dans le monde, la branche horizontale sym-bolisant les bras tendus en direction des points cardinaux (relation au monde), alors que laxe vertical sym-bolise la relation la divinit. Les premiers chrtiens se sont appropri un symbole qui est bien antrieur auchristianisme et lont identifi avec linstrument de la passion du Christ, alors mme que la croix, commeinstrument de supplice, avait habituellement la forme dun T, le prolongement de laxe vertical au-del dela traverse horizontale ne jouant aucun rle dans la mise mort du supplici.


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2. Le conflit russo-turc de 1876-1878

Lors du conflit russo-turc de 1876-1878, lEmpire ottoman, qui avait adhr sans faire de rserve le 5 juillet 1865 la Convention de Genve de 1864, aunilatralement dclar, par une note du 16 novembre 1876, que tout en res-pectant le signe de la croix rouge qui protgeait les ambulances de larmeennemie, il adopterait lavenir le signe du croissant rouge sur fond blancpour la protection de ses propres ambulances. La Sublime Porte affirmait eneffet que dans lexercice des droits dcoulant de la Convention, la Turquie avait

t, jusqu prsent, paralyse par la nature mme du signe distinctif de laConvention qui blessait les susceptibilits du soldat musulman 16.

Cette dclaration unilatrale a donn lieu un important change de corres-pondance entre lEmpire ottoman, la Suisse, agissant en sa qualit dtat dpo-sitaire de la Convention, et les autres tats parties celle-ci. En dfinitive, lesigne du croissant rouge ne fut accept qu titre provisoire, pour la dure dela guerre en cours seulement 17.

Dans le mme temps, la Socit ottomane de secours aux blesss, dont le CICRavait annonc la cration le 8 aot 1868 et qui utilisait, daprs les documentsconservs aux archives du CICR, le signe de la croix rouge 18, se reconstituait Constantinople et adoptait lemblme du croissant rouge. Tout en informant lesautres Socits de la reconstitution de la Socit ottomane, le CICR soulignaitque la substitution du signe du croissant rouge celui de la croix rouge place-rait cette socit dans une situation irrgulire quant ses rapports avec les

autres socits de secours aux blesss19

.

10


16 Dpche de la Sublime Porte au Conseil fdral, 16 novembre 1876, reproduite dans le Bulletin internationaldes Socits de Secours aux Militaires blesss, N 29, janvier 1877, p. 36.

17 Dpche du Conseil fdral la Sublime Porte, 2 juin 1877, Bulletin international des Socits de Secours auxMilitaires blesss, N 31, juillet 1877, pp. 90-91.

18 Lettres du Dr Dicran Pchedimaldji, membre du Comit ottoman du Croissant-Rouge, Gustave Moynier,prsident du CICR, 17 aot et 12 novembre 1876, Archives du CICR, Ancien fonds, dossier correspondancereue.

19 Circulaire du 30 avril 1877, reproduite dans le Bulletin international des Socits de Secours aux Militairesblesss, N 30, avril 1877, p. 39.


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3. Les Confrences de la Paix (La Haye, 1899 et 1907)et la Confrence de rvision (Genve, 1906)

Lors des Confrences de la Paix de 1899 et de 1907 et lors de la Confrence dervision de Genve de 1906, les dlgations de lEmpire ottoman, de la Perseet du Siam ont demand la reconnaissance demblmes particuliers pour lasignalisation des ambulances et des navires hpitaux de ces trois pays, soit lecroissant rouge pour lEmpire ottoman, le lion-et-soleil rouge pour la Perse et

la flamme rouge pour le Siam.

Afin de souligner que lemblme protecteur navait pas de signification reli-gieuse, la Confrence de 1906 adopta une rdaction nouvelle qui rappelait quecet emblme avait t form par interversion des couleurs fdrales :

Par hommage pour la Suisse, le signe hraldique de la croixrouge sur fond blanc, form par interversion des couleurs fd-

rales, est maintenu comme emblme et signe distinctif du ser-vice sanitaire des armes20.

Toutefois, les Confrences de La Haye de 1899 et de 1907 et la Confrence deGenve de 1906 autorisrent les tats qui le souhaitaient faire des rserves auxarticles rgissant lemblme protecteur. LEmpire ottoman et la Perse ont pro-fit de cette possibilit et formul des rserves relatives au croissant rouge et aulion-et-soleil rouge, tandis que le Siam renonait user de cette possibilit 21.

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20 Article 18 de la Convention de Genve du 6 juillet 1906, Actes de la Confrence de Rvision runie Genvedu 11 juin au 6 juillet 1906, Genve, Imprimerie Henri Jarrys, 1906, p. 286 ; Droit des conflits arms, p. 373.

21 Confrence internationale de la Paix, La Haye, 18 mai - 29 juillet 1899, Nouvelle dition, La Haye, Ministredes Affaires trangres et Martinus Nijhoff, 1907, premire partie, Annexe, pp. 16-18 ; troisime partie,pp. 4-6, 54-55 et 59-60 ; Actes de la Confrence de Rvision runie Genve du 11 juin au 6 juillet 1906,pp. 17, 63, 160-163, 175, 260, 271, 286 et 292 ; Deuxime Confrence internationale de la Paix, La Haye, 15 juin- 18 octobre 1907, Actes et Documents, La Haye, Ministre des Affaires trangres, 1907, 3 volumes, tomeI, Sances plnires de la Confrence, pp. 66-68, 659-660 et 722 ; tome III, Deuxime, Troisime etQuatrime Commissions, pp. 292, 296-299 et 556-559.


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En autorisant lEmpire ottoman, la Perse et le Siam faire des rserves rela-

tives lusage demblmes particuliers, les Confrences de La Haye et laConfrence de rvision de 1906 ont accept de fait sans pour autant se lavouer la rupture du principe de lunit de lemblme protecteur.

4. La Confrence de 1929

La Convention de Genve fut une nouvelle fois rvise en 1929, afin de tenir

compte des enseignements de la Premire Guerre mondiale.

A cette occasion, les dlgus de la Turquie, de la Perse et de lgypte insist-rent pour la reconnaissance des emblmes du croissant rouge et du lion-et-soleil rouge et soulignrent que ces emblmes avaient t utiliss de fait etque cette utilisation navait pas rencontr dobjection. Ctait devenu un faitaccompli22 . Aprs un dbat prolong, la Confrence dcida de donner suite la requte de ces trois tats, mais, dans le souci dviter la prolifration des

emblmes protecteurs, elle limita la drogation aux trois pays qui avaientdemand la reconnaissance des emblmes effectivement utiliss par les servicesde sant de leurs forces armes.

On aboutit ainsi larticle 19 de la Convention de Genve du 27 juillet 1929 :

Par hommage pour la Suisse, le signe hraldique de la croixrouge sur fond blanc, form par interversion des couleurs

fdrales, est maintenu comme emblme et signe distinctif duservice sanitaire des armes.Toutefois, pour les pays qui emploient dj, la place de lacroix rouge, le croissant rouge ou le lion et le soleil rouges surfond blanc comme signe distinctif, ces emblmes sont galementadmis dans le sens de la prsente Convention 23.

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22 Actes de la Confrence diplomatique de Genve de 1929, Genve, Imprimerie du Journal de Genve, 1930(ci-aprs : Actes 1929), pp. 248-249.

23 Actes 1929, p. 666 ; Droit des conflits arms, p. 404.


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Avec cette formulation, la Confrence de 1929 avait le sentiment davoir

rpondu lattente des trois pays qui revendiquaient lusage dun signe parti-culier, tout en prservant la rgle de lunit du signe pour tous les autres. Cestdu moins ce que semble indiquer le libell de larticle 19 de la Convention. la lecture des comptes rendus de la Confrence de 1929, on doit toutefois sedemander si lintention principale ntait pas dviter la prolifration dessignes, plutt que dinterdire des pays nouveaux de choisir lemblme ducroissant rouge sils le souhaitaient. Cest aussi ce qui ressort dune note quePaul des Gouttes, secrtaire gnral de la Confrence, insra dans le Commentaire

de la Convention de 1929, publi par le CICR en 193024

.

Quoi quil en soit, la Confrence de 1929 a retenu une solution boiteuse. Ellea donn satisfaction aux requtes de la Turquie, de la Perse et de lgypte, touten proclamant que des requtes similaires ne seraient plus acceptes lavenir.

Cette solution ne pouvait se justifier que dans lhypothse o les circonstancesqui avaient amen la Turquie, la Perse et lgypte demander la reconnais-

sance de nouveaux symboles ne se rpteraient pas. Hypothse bien fragile, envrit, et laquelle lhistoire ne devait pas tarder apporter un dmenti. Eneffet, ds 1931, le CICR tait inform de la constitution en Palestine dunesocit de secours qui utilisait le bouclier-de-David rouge 25. En 1935, le gou-vernement afghan sollicitait la reconnaissance de la Socit de lArche-Rouge( Mehrab-e-Ahmar) 26. Dans les deux cas, le CICR mit immdiatement engarde les promoteurs de ces nouvelles Socits quant au fait que le choix dun

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24 Mais nous reconnaissons que si le Hejaz et le Ymen, par exemple, voulaient adhrer la Convention deGenve condition dadopter le croissant, on aurait logiquement quelque peine le leur refuser, Paul desGouttes, La Convention de Genve du 27 juillet 1929, Commentaire, Genve, CICR, 1930, p. 149.

25 Lemblme utilis par la Socit de secours isralienne du Bouclier-de-David-Rouge ( Magen David Adom )est une toile six branches ou hexagramme, forme de deux triangles quilatraux superposs dont lunpointe vers le haut et lautre vers le bas.

26 Lemblme propos tait une mosque rouge sur fond blanc. Le Ministre dAfghanistan Londres, que songouvernement avait charg dentreprendre auprs du CICR les dmarches ncessaires la reconnaissance dela socit de secours afghane traduit le nom de celle-ci par Socit de lArche-Rouge ( Red ArchwaySociety). Le mot mehrab, emprunt larabe, dsigne une niche en forme dabside amnage dans lundes murs de la mosque ; cette niche, o se place limam, indique la quibla, soit la direction de LaMecque, qui est aussi la direction de la prire pour tous les Musulmans.


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autre emblme que ceux qui taient expressment cits dans la Convention de

1929 ferait obstacle la reconnaissance de ces Socits et leur admission ausein du Mouvement 27.

5. La Confrence de 1949

La Confrence de 1949, qui fut charge de rviser les Conventions de Genve la suite de la Seconde Guerre mondiale, tait saisie de trois propositions :

a) une proposition nerlandaise en vue de ladoption dun signe uniquenouveau ;

b) le vu de la Dix-Septime Confrence internationale de la Croix-Rouge,runie Stockholm en 1948, de revenir au signe unique de la croix rouge ;

c) une proposition isralienne en vue de la reconnaissance dun nouvel

emblme, le bouclier-de-David rouge, qui tait utilis comme signe dis-tinctif des services de sant des forces armes israliennes.

Ces propositions ont donn lieu des dbats prolongs. Les deux premiresfurent abandonnes aprs quelques discussions, alors que la troisime a faitlobjet de dbats passionns. Le dlgu isralien, M. Najar, exposa longuementla porte historique, symbolique et culturelle du signe du bouclier-de-Davidrouge, et rappela que ce signe tait utilis depuis prs de vingt ans par la Socit

de secours isralienne du Magen David Adom (Bouclier-de-David-Rouge) etquil avait t utilis comme signe distinctif des services de sant des forcesarmes israliennes lors du rcent conflit de Palestine. Au vote, cependant, la

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27 Lettre du Dr M. Levontin, prsident du Magen David Adom, au CICR, 20 juillet 1931, et lettre du CICR auDr Levontin, 28 juillet 1931, Archives du CICR, dossier CR 195. Lettre de Ali Mohammad, ministredAfghanistan Londres, au CICR, 27 dcembre 1935 ; lettre du Professeur Max Huber, prsident du CICR, Ali Mohammad, 20 janvier 1936 ; lettre de Ali Mohammad Max Huber, 21 fvrier 1936 ; lettre de MaxHuber Ali Mohammad, 16 avril 1936 ; lettre de Ali Mohammad Max Huber, 23 juillet 1936, Archives duCICR, dossier B CR00/2, Afghanistan.


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Premire Commission de la Confrence carta le projet damendement isra-

lien par 21 voix contre 10 et 8 abstentions, 19 dlgations tant absentes28

.La question fut ensuite dfre la Confrence plnire. M. Paul Ruegger,prsident du CICR, demanda pouvoir sadresser la Confrence et fit unvibrant plaidoyer pour la mettre en garde contre le danger de prolifration desemblmes protecteurs, tandis que M. Najar renouvelait et dveloppait largu-mentation quil avait prcdemment expose devant la Premire Commission.Au vote, la proposition isralienne fut repousse par une seule voix de majorit(22 voix contre 21 et 7 abstentions), puis par 24 voix contre 18 et 3 abstentions

lissue dun nouveau dbat en Confrence plnire29

.

On aboutit ainsi larticle 38 de la Convention de Genve pour lamliorationdu sort des blesss et des malades dans les forces armes en campagne, du12 aot 1949, qui rpte presque mot pour mot larticle 19 de la Conventionde 1929 :

Par hommage pour la Suisse, le signe hraldique de la croix

rouge sur fond blanc, form par interversion des couleursfdrales, est maintenu comme emblme et signe distinctif duservice sanitaire des armes.Toutefois, pour les pays qui emploient dj comme signe dis-tinctif la place de la croix rouge, le croissant rouge ou le lionet le soleil rouges sur fond blanc, ces emblmes sont galementadmis dans le sens de la prsente Convention 30.

On a souvent ramen lensemble des dbats de la Confrence de 1949 au sujetde lemblme lexamen et au rejet du projet damendement isralien, ce quidnote, notre avis, un dfaut de perspective. En effet, si la requte isralienne

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28 Actes de la Confrence diplomatique de Genve de 1949, Berne, Dpartement politique fdral, 1949, 4 volumes(ci-aprs : Actes 1949), vol. II-A, pp. 87-90 et 145-146.

29 Actes 1949, vol. II-B, pp. 215-224 et 248-255.30 Actes 1949, vol. I, p. 213 ; Manuel du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge,

p.37 ; Droit des conflits arms, p. 479.


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a, sans doute possible, donn lieu aux discussions les plus vives, ce ntait cer-

tainement pas le seul enjeu des dlibrations. Dautres propositions doiventgalement tre prises en compte, notamment celles qui visaient le retour lunit de lemblme protecteur, quil sagt du retour au signe unique de lacroix rouge ou de ladoption dun signe entirement nouveau, libre de touteconnotation nationale ou religieuse. Quoi quil en soit, la Confrence carta laproposition qui aurait t la plus novatrice ladoption dun nouveau signeen lieu et place des emblmes existants qui fut rejete par les tats occiden-taux au nom de la tradition et par certains tats musulmans au titre de consi-

drations religieuses. Inversement, la Confrence rejeta un projet birmanqui aurait laiss chaque tat et chaque Socit nationale libres dadopterlemblme de leur choix, estimant quil entranerait une confusion inaccepta-ble. Ainsi, la Confrence carta les deux solutions qui taient irrprochablessur le plan de lquit, puisquelles auraient impos une rgle identique tousles tats et toutes les Socits nationales. Dans ces conditions, la Confrencede 1949 ne pouvait que rpter le compromis dont elle avait hrit de laConfrence de 1929 : tolrer certaines drogations la rgle de lunit de lem-

blme, tout en prtendant en limiter le nombre. En rejetant lamendementisralien, la Confrence a maintenu les deux exceptions qui avaient t admisesen 1929, tout en refusant den crer de nouvelles.

Le nombre des tats qui se sont opposs au projet damendement israliendpassait de beaucoup celui des tats qui taient en conflit avec Isral. On adonc tout lieu de penser que le facteur dcisif fut la crainte douvrir la porte un processus daccroissement continu du nombre des emblmes protecteurs,

alors que les anciens empires coloniaux commenaient se lzarder et que denombreux pays taient sur le point daccder lindpendance.

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6. La Confrence diplomatique sur la raffirmation

et le dveloppement du droit international humanitaire(Genve, 1974-1977)

Lors de la Confrence diplomatique sur la raffirmation et le dveloppementdu droit international humanitaire, Isral fit une nouvelle tentative pour obte-nir la reconnaissance internationale du signe du bouclier-de-David rouge, enproposant un amendement libell comme suit :

Lorsque le Bouclier-Rouge de David est dj utilis commesigne distinctif, cet emblme est galement reconnu en vertudes Conventions et du prsent Protocole31 .

Toutefois, constatant quil ny avait aucune perspective de runir la majoritrequise pour ladoption de cette proposition, Isral a prfr la retirer pluttque de risquer un vote dont le rsultat ngatif aurait consacr le rejet de cetemblme sur le plan international32.

7. Le lion-et-soleil rouge

La Perse a revendiqu lusage de lemblme du lion-et-soleil rouge ds laConfrence de La Haye de 1899 et a utilis le mcanisme des rserves pour enobtenir la reconnaissance. Cet emblme a t explicitement cit dans laConvention de 1929, puis dans les Conventions de 1949, au mme titre que

la croix rouge et le croissant rouge.

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31 Original : anglais : Where the Red Shield of David on a white ground is already used as a distinctive emblem,that emblem is also recognized by the terms of the Conventions and the present Protocol , Actes de la Confrencediplomatique sur la raffirmation et le dveloppement du droit international humanitaire applicable dans lesconflits arms (Genve, 1974 - 1977), Berne, Dpartement politique fdral, 1978,17 volumes (ci-aprs : ActesCDDH), vol. III, p. 14.

32 Actes CDDH, vol. IX, pp. 475-481.


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Toutefois, par une note du 4 septembre 1980, la Rpublique islamique dIran

a annonc quelle renonait son droit dutiliser cet emblme et quelle utili-serait lavenir le croissant rouge comme signe distinctif des services de santde ses forces armes, tout en se rservant le droit den revenir lemblme dulion-et-soleil rouge si de nouveaux emblmes taient reconnus 33.

Depuis lors, plus dun quart de sicle sest coul sans que le lion-et-soleilrouge soit utilis. Les Statuts du Mouvement, rviss en 1986, ne mentionnentpas cet emblme, pas plus que la dnomination correspondante.

8. La rserve isralienne

Nayant pas obtenu satisfaction lors de la Confrence diplomatique de 1949,ltat dIsral a formul une rserve lors de la signature des Conventions de 1949 ;Isral a confirm cette rserve lors du dpt des instruments de ratification le6 juillet 1951 :

Sous la rserve que, tout en respectant linviolabilit desemblmes et des signes distinctifs de la Convention, Isral seservira du Bouclier Rouge de David comme emblme et signedistinctif du service sanitaire de ses forces armes34 .

Seuls deux tats ont lev des objections lencontre de la rserve isralienne.Lors de la signature des Conventions, le dlgu du Liban dclara que son

gouvernement considrait cette rserve comme dpourvue de valeur vis--vis des autres tats signataires des Conventions du fait que la Confrence de1949 avait rejet de manire dfinitive la requte isralienne 35.

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33 Droit des conflits arms, pp. 689-690 ; Adoption du croissant rouge par la Rpublique islamique de lIran ,Revue internationale de la Croix-Rouge, N 726, novembre-dcembre 1980, pp. 324-325.

34 Actes 1949, vol. II-B, p. 539 ; pour le texte de la rserve isralienne, cf. Actes 1949, tome I, p. 342.35 Actes 1949, vol. II-B, p. 539.


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La seconde objection fut leve par les tats-Unis dAmrique. En effet, en rati-

fiant les Conventions de Genve, le 2 aot 1955, les tats-Unis ont insr dansleurs instruments de ratification des quatre Conventions la formule suivante :

Rejetant les rserves faites par certains tats lgard de laConvention de Genve pour lamlioration du sort des blessset des malades dans les forces armes en campagne, les tats-Unis dAmrique acceptent davoir avec toutes les parties laConvention les relations rsultant dun trait, sauf pour ce qui

est des modifications proposes par ces rserves36

.

9. La question du double emblme

Le libell de larticle 19 de la Convention de Genve de 1929 et celui de lar-ticle 38 de la Premire Convention de Genve de 1949, ainsi que les travauxprparatoires de ces deux conventions, dmontrent lvidence que les conf-

rences diplomatiques de 1929 et 1949 ont prvu lutilisation du croissantrouge en lieu et place de la croix rouge, mais nont pas prvu lutilisation dudouble emblme de la croix rouge et du croissant rouge. Se fondant sur larti-cle 38 de la Premire Convention et sur le libell des conditions de reconnais-sance des nouvelles Socits nationales 37, le CICR a toujours considr que lesConventions autorisaient lusage du croissant rouge en lieu et place de la croixrouge, mais nautorisaient pas lusage du double emblme de la croix rouge etdu croissant rouge sur fond blanc. Le CICR na donc jamais reconnu une

Socit portant le double emblme.

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36 Original anglais : Rejecting the reservations which States have made with respect to the Geneva Conventionfor the amelioration of the condition of the wounded and sick in armed forces in the field, the United Statesaccepts treaty relations with all parties to that convention, except as to the changes proposed by such reserva-tions. Dpartement politique fdral, Procs-verbal du dpt des instruments portant ratification par lestats-Unis dAmrique, copie certifie conforme du 8 aot 1955. Le libell de lobjection est adapt au titrede chaque convention. Nations Unies, Recueil des Traits, vol. 213, pp. 379-384 ; The Law of War : ADocumentary History, Edited by Leon Friedman, Random House, New York, 1972, vol. I, pp. 568-569 ; Droitdes conflits arms, pp. 683-684 ; Richard R. Baxter, The Geneva Conventions of 1949 before the UnitedStates Senate , American Journal of International Law, vol. 49, No. 4, October 1955, pp. 550-555, adp. 554.

37 Sur les conditions de reconnaissance des nouvelles Socits nationales, on pourra se reporter la section 10ci-dessous.


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Toutefois, la suite de ladoption de la Constitution sovitique du 31 janvier

1924, la Croix-Rouge russe a t rorganise dans le sens des principes fdra-listes de la nouvelle constitution. En se constituant en socits autonomes,certaines branches rpublicaines ont adopt lemblme du croissant rougealors que dautres conservaient celui de la croix rouge. Les Socits des diff-rentes rpubliques sovitiques se sont dotes dun organe de coordination, quiavait galement le monopole des relations extrieures : lAlliance des Socitsde la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge de lURSS. LAlliance utilisait ledouble emblme sur son papier en-tte, mais, officiellement tout au moins,

elle ne lutilisait pas dans le cadre dactivits oprationnelles, puisque ces der-nires taient du ressort des socits membres de lAlliance. Quant aux servicesde sant des forces armes sovitiques, ils nutilisaient, selon les informa-tions dont le CICR a pu disposer, que le signe distinctif de la croix rouge.

la suite de lclatement de lUnion sovitique, les branches de lAlliance sesont constitues en Socits nationales de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge selon llment majoritaire de la population. Seule la Socit du

Croissant-Rouge et de la Croix-Rouge du Kazakhstan a adopt le doubleemblme et la dnomination correspondante, du fait que la population de laRpublique se rpartissait alors de faon presque gale entre musulmanset chrtiens. Le 31 mars 1993, le parlement du Kazakhstan a adopt un dcretqui prvoyait que le Kazakhstan adhre aux Conventions de Genve avec larserve suivante :

La Rpublique du Kazakhstan utilise le double emblme

hraldique du croissant rouge et de la croix rouge sur fondblanc comme emblme et signe distinctif des services mdicauxdes forces armes38 .

Fidle sa pratique constante, le CICR a refus de reconnatre formellementcette Socit.

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38 Original anglais : The Republic of Kazakhstan uses a double heraldic emblem of the red crescent and red cross ona white ground as an emblem proper and as a distinctive sign of the Medical Services of armed forces, Lettre duDr Asylbek Konakbaev,Chairman, Kazakh Red Crescent and Red Cross Society, au CICR, 14 mai 1993 et annexe.


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Constatant que lusage du double emblme avait pour consquence de priver

les services de sant des forces armes du Kazakhstan dun signe protecteur encas de conflit et ne permettait pas la Socit nationale kazakhe dobtenir sareconnaissance par le CICR et son admission la Fdration internationale, ettenant compte du fait que les autres rpubliques dAsie centrale avaient adoptle croissant rouge, le gouvernement du Kazakhstan a soumis au parlementde ce pays un projet de loi aux termes duquel le Kazakhstan adoptait lecroissant rouge comme emblme et signe distinctif des services de sant deses forces armes et rvoquait les rserves adoptes le 31 mars 1993 39.

Cette loi est entre en vigueur le 20 dcembre 2001 40 et la Socit nationalekazakhe a modifi ses statuts et adopt lemblme et la dnomination duCroissant-Rouge, ce qui lui a permis de demander sa reconnaissance par leCICR et son admission la Fdration. Le Croissant-Rouge du Kazakhstan at reconnu le 20 novembre 2003 41.

La Socit de la Croix-Rouge drythre se trouve dans une situation com-

plexe du fait que son gouvernement souhaite faire usage du double emblmede la croix rouge et du croissant rouge aussi bien pour la signalisation desservices de sant des forces armes que comme signe distinctif de la Socitnationale rythrenne. Toutefois, en adhrant aux Conventions de Genve le14 aot 2000, lrythre na fait aucune rserve relative lemblme 42.

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39 Dcret N 863 du gouvernement de la Rpublique du Kazakhstan et projet de loi N 12/4287 du 26 juin 2001.40 Law of the Republic of Kazakhstan : On the emblem and distinctive sign of the sanitary services of the

Armed Forces of the Republic of Kazakhstan , 14 dcembre 2001, No 268-11 3RK, publie auJournalofficiel de la Rpublique du Kazakhstan (Kazakhstanskaya Pravda) le 20 dcembre 2001, Archives du CICR,dossier 122.11-KZ.

41 Reconnaissance de la Socit du Croissant-Rouge du Kazakhstan , 606e Circulaire aux Comits centrauxdes Socits nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 24 novembre 2003.

42 State of Eritrea, Ministry of Foreign Affairs, Instrument of accession to the Geneva Conventions of12 August 1949, 29 July 2000 ; Federal Department of Foreign Affairs, Notification to the Governments ofthe States parties to the Geneva Conventions of 12 August 1949 for the Protection of War Victims :Accession by Eritrea, 4 September 2000, Archives du CICR, dossier 121.11ER.


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Depuis 1983, la Fdration internationale des Socits de la Croix-Rouge et du

Croissant-Rouge a adopt le double emblme de la croix rouge et du croissantrouge, ainsi que la dnomination correspondante. Le personnel, les vhicules etles locaux de la Fdration portent le double emblme.

Dans le cadre de la recherche dune solution globale de la question de lem-blme, il convenait de tenir galement compte du cas de la Socit natio-nale rythrenne et de celui dautres Socits nationales qui souhaiteraient lavenir faire usage du double emblme.

On doit toutefois garder lesprit que lusage du double emblme soulvepour une Socit nationale autant de problmes quil en rsout. La juxtapo-sition des deux emblmes peut tre perue comme une preuve de la conno-tation religieuse de lun comme de lautre emblme. Le risque de division dela Socit nationale ne peut tre ignor, conduisant lapparition de sectionsde la Croix-Rouge dans certaines rgions et de sections du Croissant-Rougedans dautres. En cas de guerre civile, le risque dclatement de la Socit

nationale selon des lignes de fracture religieuse sera accru43

. Enfin, cette solu-tion nest daucune utilit pour les pays o cohabitent des populations qui nesont ni chrtiennes, ni musulmanes, etc.

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43 Ces risques ne sont nullement thoriques. Ainsi, lors de la guerre civile libanaise, on a vu se crer dans lesrgions prdominance musulmane ou druze une Socit du Croissant-Rouge libanais qui sest pose enrivale de la Croix-Rouge libanaise, aussi bien sur le terrain que lors de runions rgionales du Mouvement.Il en va de mme Chypre o la prsence dune Socit du Croissant-Rouge est signale dans la partie nordde lle. En Fdration de Russie, la section dIngouchie de la Croix-Rouge russe utilise lemblme et la dno-mination du Croissant-Rouge.


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10. La reconnaissance des nouvelles Socits nationales

Ds lorigine, les Socits nationales de la Croix-Rouge ont pris lhabitude decorrespondre entre elles, soit directement, soit par lentremise du Comitinternational. Le lien de solidarit qui les unissait par-dessus les frontires taitlune des caractristiques de la nouvelle institution.

Le rayonnement de luvre dpassa bientt le cercle des pays qui staientfait reprsenter la Confrence constitutive doctobre 1863. De nouvelles

Socits se sont formes en Europe balkanique, en Asie et dans le NouveauMonde. Tout naturellement, ces Socits sadressrent au CICR en le priant deles mettre en rapport avec les socits surs.

Cest ainsi que le CICR notifia la constitution des Socits de lEmpire otto-man (1868), du Montngro (1876), de Serbie (1876), de Roumanie (1876),de Grce (1877), du Prou (1880), dArgentine (1881), de Hongrie (1882), deBulgarie (1885), du Portugal (1887) et du Japon (1887).

Mais le succs mme de luvre menaait den diluer les principes. Il parutdonc ncessaire de sassurer que les statuts et les buts des nouvelles socitscorrespondaient bien aux objectifs fondamentaux de la Croix-Rouge. Cestencore le CICR, fondateur de linstitution et garant de ses principes fonda-mentaux, qui fut charg de sen assurer. Ce contrle, le CICR lentreprit toutdabord de sa propre initiative. La Quatrime Confrence internationale de laCroix-Rouge, runie Carlsruhe en 1887, le confirma dans cette fonction :

Dans lintrt gnral de la Croix-Rouge, il est utile de main-tenir tel quil existe depuis lorigine de luvre, le Comitinternational qui sige Genve.

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Il continuera comme prcdemment :

(b) notifier la constitution des nouvelles Socits nationales,aprs stre assur des bases sur lesquelles elles sont fondes.[] 44.

Cette disposition laissait au CICR une grande libert dapprciation. Aussi leCICR jugea-t-il ncessaire den prciser la porte en dfinissant douze condi-tions de reconnaissance qui, ses yeux, refltaient les principes fondamentaux

de linstitution et qui furent publies ds 1898.

Trois dentre elles concernent notre objet :

1) appartenir un pays o la Convention de Genve est en vigueur ;

4) porter le nom de Socit de la Croix-Rouge ;

5) adopter pour couleurs une croix rouge sur fond blanc45

.

Ces dispositions traduisaient linterdpendance entre la reconnaissance duneSocit nationale et lapplication de la Convention de Genve. Ce lien simpo-sait puisque les Socits nationales taient au premier chef les auxiliaires desservices de sant des armes, dont la protection tait assure par laConvention de Genve. Les mmes motifs imposaient dadopter le signe dis-tinctif de la Convention.

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44 Quatrime Confrence internationale des Socits de la Croix-Rouge tenue Carlsruhe du 22 au 27 septembre1887, Compte rendu, Berlin, Comit central des Associations allemandes de la Croix-Rouge, 1887, p. 90. LaConfrence internationale de la Croix-Rouge runit les reprsentants des Socits nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, du CICR et de la Fdration avec ceux des tats parties aux Conventions deGenve. Elle se runit en principe tous les quatre ans.

45 Organisation gnrale et Programme de la Croix-Rouge, deuxime dition, Genve, CICR, 1898, pp. 25-26.Ces conditions ont t reproduites dans toutes les ditions subsquentes du Manuel de la Croix-Rouge inter-nationale jusquen 1942.


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Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Confrence prliminaire des

Socits nationales de la Croix-Rouge, runie Genve en 1946, demanda quedes rgles plus prcises fussent adoptes 46. tablies par une commissionconjointe du CICR et de la Ligue des Socits de la Croix-Rouge 47, les condi-tions de reconnaissance furent adoptes par la Dix-Septime Confrenceinternationale de la Croix-Rouge, runie Stockholm en aot 1948.

Les conditions suivantes concernent notre objet :

La Socit postulante doit :

1) Etre constitue sur le territoire dun tat indpendant ola Convention de Genve pour lamlioration du sort desblesss et malades est en vigueur.

5) Faire usage de la dnomination et de lemblme de laCroix-Rouge (Croissant-Rouge, Lion-et-Soleil-Rouge)

conformment la Convention de Genve48

.

Enfin, lorsque la Vingt-Cinquime Confrence internationale de la Croix-Rouge, runie Genve en octobre 1986, rvisa les Statuts du Mouvementinternational de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, les conditions dereconnaissance des nouvelles Socits nationales devinrent partie intgrantedes Statuts eux-mmes, tandis que toute rfrence lemblme et la dnomi-nation du Lion-et-Soleil-Rouge tait abandonne, puisque lIran, qui tait seul

utiliser cet emblme, avait renonc en faire usage49

.

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H I S T O R I Q U E

46 Rapport sur les travaux de la Confrence prliminaire des Socits nationales de la Croix-Rouge pour ltude desConventions et de divers problmes ayant trait la Croix-Rouge (Genve, 26 juillet 3 aot 1946), Genve,CICR, janvier 1947, pp. 140-141.

47 Aujourdhui la Fdration internationale des Socits de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.48 Dix-Septime Confrence internationale de la Croix-Rouge tenue Stockholm du 20 au 30 aot 1948, Compte

rendu, Stockholm, Croix-Rouge sudoise, 1948, pp. 80-81 et 92.49 Article 4, Statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (adopts par la

XXVe Confrence internationale de la Croix-Rouge Genve en octobre 1986), Revue internationale de la

Croix-Rouge, N 763, janvier-fvrier 1987, pp. 25-59, adp. 32 ; Manuel du Mouvement international de laCroix-Rouge et du Croissant-Rouge, pp. 435-436.


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II. La situation juridique rsultant des Conventions

de Genve de 1949 et des Statuts du Mouvement adoptspar la Vingt-Cinquime Confrence internationalede la Croix-Rouge, runie Genve en octobre 1986

1. Introduction

Il convient de distinguer nettement deux niveaux de rflexion, correspondant deux ordres juridiques diffrents :

- les dispositions des Conventions de Genve et des Protocoles additionnelsI et II ces Conventions relatives lemblme protecteur des services desant, ainsi qu lemblme et la dnomination des Socits nationales ;

- les dispositions des Statuts du Mouvement et des Statuts de la Fdrationrelatives lemblme, la dnomination et la reconnaissance des Socitsnationales.

Bien quil y ait dvidentes interdpendances entre les dispositions conven-tionnelles, dune part, et les dispositions statutaires, de lautre, il convient degarder clairement lesprit ces deux niveaux de rflexion.

2. Les dispositions conventionnelles

Jusqu la Confrence diplomatique de dcembre 2005, lemblme protecteurdes services de sant des forces armes tait rgi par les dispositions pertinen-tes des Conventions de Genve, en particulier larticle 38 de la PremireConvention, que lon a dj cit. Les autres dispositions pertinentes desConventions et des Protocoles additionnels I et II taient les suivantes :

Premire Convention, articles 36, 39, 40, 41, 42, 44, 53, 54, annexe I,article 6, et annexe II ;

Deuxime Convention, articles 39, 41, 42, 43, 44, 45 et annexe I ; Quatrime Convention, articles 18, 20, 21, 22, 56 et annexe I, article 6 ;

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Protocole I, articles 8, 18, 23, 38, 85 et annexe I ;

Protocole II, article 12.

Les Conventions de Genve se rfrent plusieurs reprises aux Socits natio-nales de la Croix-Rouge (du Croissant-Rouge, du Lion-et-Soleil-Rouge) . Cestnotamment le cas aux articles 25, 30 et 63 de la Quatrime Convention ; auxarticles 6, 8, 17, 33 et 81 du Protocole I et larticle 18 du Protocole II. Dautresdispositions ne mentionnent que les Socits nationales de la Croix-Rouge et lesautres socits de secours volontaires dment reconnues. Cest notamment le cas

aux articles 26 et 44 de la Premire Convention et larticle 24 de la Deuxime.

Seule une Confrence diplomatique laquelle tous les tats parties auxConventions de Genve sont invits prendre part a qualit pour modifier cesdispositions50.

3. Les dispositions statutaires

Lemblme, la dnomination et la reconnaissance dune Socit nationaletaient galement rgis par les articles 4 et 5 des Statuts du Mouvementinternational de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, adopts par laVingt-Cinquime Confrence internationale de la Croix-Rouge, runie Genve en octobre 1986 :

Article 4 : Conditions de reconnaissance des Socits

nationales

Pour tre reconnue comme Socit nationale au sens de larti-cle 5, alina 2 b) des prsents Statuts, la Socit doit satisfaireaux conditions suivantes :[...]5. Faire usage du nom et de lemblme de la Croix-Rouge oudu Croissant-Rouge conformment aux Conventions de Genve.

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L A S I T U A T I O N J U R I D I Q U E

50 Convention de Vienne sur le droit des traits du 23 mai 1969, article 40.


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Article 5 : Le Comit international de la Croix-Rouge

[...]2. Selon ses statuts, le Comit international a notamment pourrle :[...]b) de reconnatre toute Socit nationale nouvellement creou reconstitue qui rpond aux conditions de reconnaissanceposes larticle 4 et de notifier cette reconnaissance aux autresSocits nationales51.

Les Statuts de la Fdration fixent par des dispositions appropries ladmis-sion des nouvelles Socits nationales. Les nouveaux Statuts de la Fdration,adopts par consensus en octobre 1999, ne reconnaissaient que deux emblmeset deux dnominations : la croix rouge et le croissant rouge.

Bien que les dispositions des Statuts de la Fdration qui se rapportent lem-blme et la dnomination des Socits nationales soient alignes sur les

dispositions correspondantes des Statuts du Mouvement, on doit garder les-prit quil nen va pas de mme en ce qui concerne ladmission dune Socitnationale au sein de la Fdration. En effet, la reconnaissance dune Socitnationale par le CICR nentrane pas automatiquement son admission laFdration. En vertu de larticle 4, chiffre 1, des Statuts de la Fdration, UneSocit nationale qui est une composante du Mouvement devient membre de laFdration en tant admise conformment aux Statuts et au Rglement int-rieur. En vertu de larticle 4, chiffre 2, Ladmission dune Socit nationale

est soumise lagrment de lAssemble, qui statue ce sujet une majorit qua-lifie de soixante pour cent des Socits membres prsentes et votantes52 .

28


51 Manuel du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, pp. 435-436.52 Statuts de la Fdration internationale des Socits de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Rviss et adopts

la XIIe session de lAssemble gnrale, Genve, 23-28 octobre 1999, Genve, Fdration internationale desSocits de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 1999, pp. 9-10. En pratique depuis de nombreusesannes, les conditions de reconnaissance par le CICR et dadmission au sein de la Fdration ont fait lob-

jet dun examen en commun par les deux institutions dans le cadre de la Commission conjointe pour les

Statuts des Socits nationales, de sorte que ladmission au sein de la Fdration a toujours pu se faire parconsensus lors de lAssemble de la Fdration qui a suivi la reconnaissance par le CICR.


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Seule une Confrence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-

Rouge, statuant la majorit des deux tiers, a qualit pour rviser les Statutsdu Mouvement 53.

4. Les consquences de cette situation juridique

La situation juridique rsultant des Conventions de Genve du 12 aot 1949et des Statuts du Mouvement prsentait de srieux inconvnients, que le CICR

a reconnus depuis longtemps54

et quil convient de rappeler :

a) Cette situation crait limpression dun parti pris en faveur des pays chr-tiens et musulmans, au dtriment des autres religions (judasme, hin-douisme, bouddhisme, etc.).

On a crit de nombreuses pages sur la question de la signification ou de lab-sence de signification religieuse des emblmes reconnus par les Conventions

de Genve, et nombreux sont ceux qui se sont contredits en traitant de cettequestion. Pour notre part, nous avons toujours vit de prendre position surce point, un emblme ayant au premier chef la signification que les gens luiprtent. On doit toutefois relever que la juxtaposition de deux emblmes la croix rouge et le croissant rouge projette sur lemblme originel uneconnotation religieuse que celui-ci navait pas ncessairement lorigine 55.

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53 Article 20 des Statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Manuel duMouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, p. 446.

54 Vingt-Quatrime Confrence internationale de la Croix-Rouge, Manille, novembre 1981, La question delemblme , Allocution de M. Alexandre Hay, reproduite dans la Revue internationale de la Croix-Rouge,N 733, janvier-fvrier 1982, pp. 36-38. Pour lessentiel, ces inconvnients avaient t dj relevs en 1975dans le Rapport sur la Rvaluation du rle de la Croix-Rouge : Comit conjoint pour la Rvaluation duRle de la Croix-Rouge, Rapport final : Un ordre du jour pour la Croix-Rouge, par Donald D. Tansley, Genve,Institut Henry-Dunant, 1975, pp. 135-137.

55 Cest ce que le CICR avait dailleurs parfaitement identifi ds 1877 : Ny aurait-il pas un inconvnient opposer la Croix de Genve, dans laquelle les musulmans voient tort un emblme religieux, le Croissant, quiest un autre emblme religieux. Une semblable opposition ne doit-elle pas tre vite, surtout dans une guerre ole fanatisme de races et de croyances sera ncessairement surexcit au suprme degr ? crivait le CICR pro-pos du projet de substitution du croissant rouge la croix rouge (Bulletin international des Socits de

Secours aux Militaires blesss, N 30, avril 1877, p. 44). Le lapsus calamimontre la difficult de se prononcersur une question de cette nature.


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b) La coexistence de deux emblmes ne refltait pas le principe de lunit du

Mouvement et portait en elle les germes dune division. On sest plu, lorsde ladoption des nouveaux Statuts du Mouvement en 1986, soulignerque lunit de celui-ci tait renforce par le fait que la croix rouge et lecroissant rouge taient dornavant placs sur un pied de parfaite galit.Il nempche que pour de nombreux observateurs et pour bien des volon-taires de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge, il est incomprhensiblequun Mouvement de solidarit internationale ne puisse se reconnatredans un emblme unique.

c) Cette situation portait atteinte luniversalit du Mouvement, puisque lamajorit de la population isralienne estimait et estime encore nepouvoir se reconnatre ni dans lun ni dans lautre des emblmes recon-nus par les Conventions de 1949 et les Statuts du Mouvement rviss en1986 56.

d) Cette situation tait une invite de nouveaux fractionnements. La reven-

dication isralienne ntait pas ici seule en cause ; dautres tats et dautresSocits nationales ont galement demand la reconnaissance de nou-veaux emblmes 57.

e) La coexistence de deux emblmes sur le plan international tait unesource de difficults dans les pays o cohabitent des communauts reli-gieuses diffrentes. Quels que soient ses efforts pour servir lensemble dela population, la Socit nationale sera identifie au groupe social quvo-

que son emblme ; ses possibilits de dveloppement en seront entraveset, en cas de conflit interne, elle sera menace dclatement.

30


56 Mme si, en pratique, le CICR et la Fdration ont toujours accept de collaborer avec la Socit isralienne,avec la Socit kazakhe, avec la Socit rythrenne et avec les autres Socits qui respectent les Principesfondamentaux du Mouvement mais qui nont pu tre reconnues, quelles quen soient les raisons, cette situa-tion nen tait pas moins douloureusement ressentie dans la mesure o ces Socits ne pouvaient participerde plein droit aux runions statutaires du Mouvement. Rappelons que ltat dIsral participe de plein droitaux Confrences internationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, et cela, depuis la Dix-SeptimeConfrence qui sest runie Stockholm en aot 1948.

57 On pourra se reporter aux cas cits dans notre tude Lemblme de la Croix-Rouge, Aperu historique, Genve,CICR, 1977, pp. 65-74.


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f) Enfin, et cest sans doute le plus grave, la coexistence de deux emblmes

trois si lon prend en compte la rserve isralienne compromet leurvaleur protectrice, en particulier lorsque chacun des adversaires fait usagedun emblme diffrent.Au lieu dapparatre comme un symbole de neutra-lit, le signe distinctif se trouve alors identifi lune ou lautre des partiesau conflit.

En effet, par del les dispositions conventionnelles, ce qui fait la valeurprotectrice de lemblme, cest quil est identique chez lami et chez lad-

versaire. Ds lors que lunit du signe est brise, le respect de lemblme et donc la scurit des blesss et de tous ceux qui sefforcent de leur veniren aide se trouve compromise.

Pour toutes ces raisons, il tait indispensable de chercher une solution qui per-mt, autant que possible, dobvier ces difficults.

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III. Le risque de prolifration

Depuis 1876, la proccupation dominante du CICR a t la crainte dune pro-lifration des emblmes protecteurs, celle en particulier que ladoption designes nationaux ou religieux ne fasse obstacle leur respect sur le champ debataille et donc la protection des blesss et du personnel de sant.

Au-del de toute argumentation juridique, lexprience montre que cette craintetait loin dtre sans fondement. Le risque de violations de lemblme est infini-

ment plus grand lorsquil est identifi lune ou lautre des parties au conflit,comme ce fut le cas, par exemple, tout au long de la guerre civile libanaise (1975-1990). Ainsi que lcrivait Max Huber prsident du CICR de 1928 1944 :

Seule lunit du signe distinctif peut assurer son respect surle plan international58.

De fait, le risque de prolifration des emblmes est bien rel. Ainsi, en 1936, le

CICR sopposa une proposition afghane qui visait ladoption de la mosquerouge sur fond blanc comme signe distinctif. Lors de la Confrence de 1949,le dlgu de la Birmanie 59 a ouvertement voqu la perspective que son payset dautres pays dAsie demandent lusage dun emblme qui leur soit propresi lon acceptait de reconnatre de nouveaux emblmes :

Les pays dOrient souvrent progressivement la vie interna-tionale ; ils veulent un emblme qui ne heurte ni leurs convic-

tions, ni celles des autres peuples. En revanche, si lon acceptedtendre le nombre des symboles, il faut sattendre ce que lespays dOrient en adoptent un qui leur soit propre60.

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58 Quatorzime Confrence internationale de la Croix-Rouge, runie Bruxelles en octobre 1930, Compte rendu,Bruxelles, Croix-Rouge de Belgique, 1930, p. 127.

59 Aujourdhui Myanmar.60 Actes 1949, vol. II-A, p. 146.


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Par une lettre du 2 novembre 1977, le gnral Maitra, secrtaire gnral de la

Croix-Rouge indienne, consulta le CICR au sujet de lusage de la svastikarouge sur fond blanc 61. De mme, au lendemain de lindpendance, le gouver-nement du Zimbabwe a propos dadopter une toile rouge sur fond blanc enlieu et place de la croix rouge et de transformer la Croix-Rouge duZimbabwe en toile-Rouge du Zimbabwe. Cette proposition a t abandon-ne la suite des interventions du CICR et de la Ligue des Socits de la Croix-Rouge (aujourdhui Fdration) 62.

Le danger de prolifration ne saurait donc tre nglig. Le CICR, pour sa part,ne soutiendra pas une solution qui laisserait chaque tat et chaque Socitnationale le droit de choisir librement lemblme qui lui convient. On risque-rait alors de voir se multiplier les signes connotation nationale ou religieuse,voire ouvertement partisane, au dtriment de la valeur protectrice de lem-blme, de mme quon risquerait de voir adopter dans certaines parties dumonde des signes protecteurs qui seraient perus comme offensants dansdautres rgions.

Bien entendu, on pourra faire observer que seuls Isral et le Kazakhstan ontnotifi des rserves relatives lemblme, et que rares sont les tats qui ne sontpas encore lis par les Conventions de Genve 63. Considrant que la scuritdu droit interdit un tat qui est dj partie un trait de notifier une rserveau trait en question 64, on pourrait affirmer que le risque de prolifration des

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L E R I S Q U E D E P R O L I F R A T I O N

61 Lettre du gnral Maitra, secrtaire gnral de la Croix-Rouge indienne, au CICR, 2 novembre 1977, etrponse de M. Alexandre Hay, prsident du CICR, 17 novembre 1977, Archives du CICR, dossier 121 (66).La Croix-Rouge du Sri Lanka avait dj demand en 1957 pouvoir faire usage de ce symbole, qui est attesten Inde et au Sri Lanka depuis de nombreux sicles. Archives du CICR, dossier 121 (32).

62 Archives du CICR, dossier 043.63 Comme indiqu ci-dessus, le Kazakhstan a maintenant dcid de rvoquer la rserve formule en 1993 au

sujet de lusage du double emblme.64 Telle est notamment la position juridique adopte par la Suisse, tat dpositaire des Conventions de Genve

de 1949 et dautres traits multilatraux. La position de la Suisse sur linadmissibilit des rserves tardivesest notamment expose dans une note que le Dpartement fdral des Affaires trangres a fait parvenir le2 fvrier 1922 au ministre de Bulgarie Berne, reproduite dans le Rpertoire suisse de droit international

public, dit par Paul Guggenheim et al., Ble, ditions Helbing & Lichtenhahn, vol. I, 1975, pp. 135-137.


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emblmes est aujourdhui ngligeable. Cet argument noffre malheureuse-

ment aucune assurance pour lavenir. En effet, rien ninterdirait un tat dednoncer les Conventions de Genve et dy adhrer nouveau par la suite enformulant des rserves. En outre, qui avait prvu lclatement de laYougoslavie et celui de lUnion sovitique ? La dernire dcennie a vu lappa-rition de plus de vingt tats nouvellement indpendants. Nul ne sait ce quenous rserve lavenir.

Le fait que pratiquement tous les membres de la communaut internationale

sont aujourdhui parties aux Conventions de Genve ne constitue donc pas lui seul une assurance suffisante contre le risque de prolifration des embl-mes protecteurs.

Et les mmes exigences dquit et de justice qui taitent invoques parceux qui rclamaient la reconnaissance de la Socit isralienne et de sonemblme pourront tre invoques demain pour demander la reconnaissancede nouveaux emblmes.

Le risque de prolifration ne saurait donc tre pris la lgre.

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IV. La recherche dune solution globale

1. Introduction

Ceux qui ont tudi de prs la question de lemblme ont t frapps par le faitque le Mouvement et la communaut internationale ont pris une succession dedcisions particulires, en vue de donner satisfaction un tat et une Socitnationale, ou encore un nombre limit dtats et de Socits nationales, etque ces solutions particulires ont chaque fois rendu plus hypothtique une

ventuelle solution densemble.

En vrit, la seule solution irrprochable sur le plan de la logique et de lquitserait ladoption dun nouvel emblme, libre de toute connotation nationale,politique et religieuse, qui serait adopt universellement en lieu et place desemblmes existants.

Aprs tout, les Nations Unies, le Mouvement olympique, le Mouvement scout

et dinnombrables autres organisations gouvernementales ou non gouverne-mentales ont t capables de trouver des emblmes qui sont universellementaccepts ; il ny a aucune raison que le Mouvement de la Croix-Rouge et duCroissant-Rouge ny parvienne pas.

Toutefois, les propositions qui ont t avances en vue de ladoption dunemblme unique nouveau qui serait appel remplacer les emblmes existantsont t immdiatement rejetes par tous ceux qui taient profondment atta-

chs ces emblmes. De fait, croix rouge et croissant rouge ont symbolislaide impartiale ceux qui souffrent travers dinnombrables conflits ycompris deux guerres mondiales et lors de catastrophes naturelles qui ontaffect pratiquement tous les points du globe. Peu de signes sont aussiconnus dans le monde entier et veillent aussi naturellement un sentimentde sympathie.

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L A R E C H E R C H E D U N E S O L U T I O N G L O B A L E


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2. Linitiative du CICR

Fort de cette constatation, le prsident du CICR a propos, dans un articlepubli en juillet 1992 dans la Revue internationale de la Croix-Rouge, un nou-vel examen de la question de lemblme et indiqu que le CICR souhaitait ycontribuer65. De lavis de M. Sommaruga, la recherche dune solution devaitrpondre quatre exigences dont les expriences passes avaient dmontrla pertinence :

- cette solution devra tre trs largement acceptable ;

- les tats et les Socits nationales qui utilisent lun dessignes reconnus ne devront pas tre contraints dy renoncerou de modifier leur emblme si telle nest pas leur intention ;

- tout ventuel nouveau signe devra avoir une simplicitgraphique qui lui assure une bonne visibilit distance,

tre dpourvu de connotation religieuse, politique, ethni-que ou autre, et faire lobjet dune large diffusion dj entemps de paix, afin de pouvoir tre identifi facilementpar ceux-l mmes qui doivent le respecter ;

- la multiplication des signes, qui ne manquerait pas desurvenir si une trop grande libert de choix tait accorde,doit tre vite66.

36


65 Cornelio Sommaruga, Unit et pluralit des emblmes , Revue internationale de la Croix-Rouge, N 796,juillet-aot 1992, pp. 347-352. Relevons que cet article a t publi dans la Revueplus dune anne avant quene filtrent les premires informations sur les ngociations isralo-palestiniennes qui devaient dboucher surlAccord de Washington du 13 septembre 1993 (Keesings Record of World Events, News Digest for September1993, p. 39658).

66 Sommaruga, loc. cit., p. 351.


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Le prsident Sommaruga prconisait donc ladoption dun emblme addi-

tionnel, libre de toute connotation nationale, politique ou religieuse, qui seraitmis disposition des tats et des Socits nationales qui ne peuvent adopterlun ou lautre des emblmes existants. Il reconnaissait que le retour lem-blme unique de la croix rouge, que le CICR avait longtemps appel de sesvux, ntait plus envisageable et que les composantes du Mouvementntaient pas prtes abandonner les emblmes existants auxquels desmillions de personnes sont attaches pour un emblme nouveau destin les remplacer 67.

lvidence, cet article, la signature de son prsident, refltait la position duCICR.

3. Le Conseil des Dlgus de 1997

Dans un premier temps, linitiative du CICR provoqua des ractions motives.

Il nen a pas moins t possible de constituer un groupe de travail duMouvement qui soumit une srie de propositions au Conseil des Dlgusruni Sville en novembre 1997 68.

Le rapport du groupe de travail prconisait notamment ladoption de sixcritres dvaluation de toute solution :

1. Toute solution doit tre apprcie premirement en fonc-

tion de la protection des victimes et doit aboutir effective-ment une amlioration de la protection des victimes.

37


67 Ibidem.68 Conseil des Dlgus, Sville, 26-27 novembre 1997, Rapport de la Commission permanente sur lemblme,

Document tabli par la Commission permanente (CD 97/4.1/1), Genve, juin 1997. Le Conseil des Dlgusdu Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge runit les reprsentants des Socitsnationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, du CICR et de la Fdration. Il se runit en principetous les deux ans. La Commission permanente de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge comprend cinqmembres lus par la Confrence internationale, deux reprsentants du CICR et deux reprsentants de la

Fdration. Elle se runit dans lintervalle de deux Confrences et a pour tche principale de prparer laConfrence et le Conseil des Dlgus.


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2. Toute solution doit partir de lexistence des deux embl-

mes en usage aujourdhui, la croix et le croissant, qui sontde fait placs sur un pied dgalit [...] et qui sont mon-dialement connus.

3. Toute solution doit viter de crer de nouveaux obstacles lidal dunit du Mouvement et doit au contraire trecompatible avec cet idal.

4. Mme si cet idal dunit stend naturellement lem-blme, lambition davoir un emblme protecteur etindicatif unique nest pas lordre du jour. Lobjectif estde rsoudre [les difficults auxquelles se heurtent les tatset les Socits nationales qui ne peuvent accepter de faireusage de la croix rouge ou du croissant rouge].

5. Toute solution doit tendre rsoudre ces problmes sans

en crer de nouveaux aux Socits nationales qui nenconnaissent pas. Celles-cidoivent pouvoir vivre durable-ment avec leur emblme actuel(statu quo).

6. Lemblme ne peut pas diviser le Mouvement : toute solu-tion devra tre trs largement acceptable et toute rsolu-tion sur cette question essentielle devra tre adopte parconsensus69.

Le Conseil des Dlgus adopta le rapport qui lui tait soumis, fit siens les sixprincipes susmentionns et dcida de consulter un groupe dexperts mixte,comprenant des experts gouvernementaux et des experts du Mouvement 70. Envue de cette consultation, Mme Christina Magnuson, prsidente de la Croix-Rouge sudoise et du groupe de travail de la Commission permanente sur

38


69 Idem, p. 13.70 Rsolution 2, Revue internationale de la Croix-Rouge, N 829, mars 1998, pp. 149-150.


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lemblme, a propos ladoption dun emblme protecteur additionnel, libre de

toute connotation nationale, politique ou religieuse, et qui pourrait tre com-bin, titre indicatif, avec lun des emblmes effectivement utiliss 71. Legroupe dexperts sest runi Genve du 31 aot au 2 septembre 1999, a exa-min cette proposition et recommand de poursuivre les consultations.

4. Le Conseil des Dlgus de 1999et la Vingt-Septime Confrence internationale

de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

Le Conseil des Dlgus, runi Genve les 28 et 29 octobre 1999, a adopt parconsensus une rsolution par laquelle il se flicitait des consultationsconduites sous les auspices de la Commission permanente et demandait celle-ci de crer un groupe de travail conjoint sur les emblmes, compos dereprsentants du Mouvement et des tats, et qui serait charg dapporter aussirapidement que possible une solution globale et acceptable, tant sur le fond

que du point de vue de la procdure, pour toutes les parties concernes. Parune rsolution adopte par consensus galement, la Vingt-SeptimeConfrence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a endosscette proposition et demand la poursuite des consultations 72.

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71 Perspective de mise en uvre de la rsolution 2 sur lemblme (Conseil des Dlgus, Sville, novembre 1997),Document de travail propos par Mme Christina Magnuson, membre de la Commission permanente de laCroix-Rouge et du Croissant-Rouge, Genve, octobre 1998. On parle dusage protecteur de lemblme lors-que celui-ci est la manifestation visible de la protection que les Conventions de Genve et les Protocolesadditionnels ces Conventions assurent aux installations sanitaires militaires ou civiles, leur personnel,leurs vhicules, leurs btiments et leurs quipements. On parle dusage indicatif lorsque lemblme est uti-lis par des Socits nationales de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge pour signaler des activits, despersonnes ou des biens qui ne sont pas protgs par les dispositions des Conventions de Genve et desProtocoles additionnels ces Conventions qui protgent les services de sant.

72 Rsolution 3 de la Vingt-Septime Confrence et Rsolution 2 du Conseil des Dlgus, Revue internationalede la Croix-Rouge, N 836, dcembre 1999, pp. 872-873.


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Pour sa part, le CICR a dcid de soutenir sans rserve la proposition de

Mme Magnuson et a rsolu dadopter une position qui sarticule autour deslments suivants :

a) Les emblmes de la croix rouge et du croissant rouge sont maintenuscomme emblmes protecteurs des services de sant et comme signes dis-tinctifs des Socits nationales des pays qui les utilisent dj et auxquelscette situation donne satisfaction. Aucune pression ne devrait tre exercepour amener un tat ou une Socit nationale qui utilise lemblme de la

croix rouge ou celui du croissant rouge y renoncer.

b) En plus de la croix rouge et d