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Au-delà de la danse janv. - mai 15 Nr. 1

d - Au-delà de la danse # 1

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DESCRIPTION

La brochure traditionnelle du TROIS C-L – Centre de Création Chorégraphique Luxembourgeois fait peau neuve et paraît désormais 3 fois par an sous le nom « d – Au-delà de la danse ». Cette nouvelle revue, la première du genre au Luxembourg, présente l’ensemble de la programmation du TROIS C-L ainsi que celles de ses partenaires. étoffée de textes critiques, d’analyses historiques, d’entretiens et de portraits d’artistes, « d » raconte la danse comme une matière vivante qui ne cesse de se réinventer. Découvrez les créations à l’affiche, partagez les réflexions de nos contributeurs, immergez-vous dans le monde du spectacle vivant et laissez-vous porter au-delà de la scène en jetant un regard nouveau sur l’art du mouvement.

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Au-delà de la danse

janv. - mai 15

Nr. 1

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ÉDITORIAL

Chers lecteurs,

Vous aurez certainement remarqué l’évolution visuelle qui s’est opérée en-tre le numéro 0 et la présente édition de « d ». Outre cet aspect esthétique, c’est particulièrement la ligne édito-riale qui a été re-visitée. Vos nombreux retours nous ont en effet permis de revoir « d », afin que cette revue, seule en son genre en Grande Région, soit au plus près de vos attentes.

Une approche plus thématique avec dans cette édition, entre autres, un focus sur les rapports entre danse et littérature, la nudité sur scène, les nouveaux visages de la scène chorégraphique luxembourgeoise et le phénomène de la décentralisation culturelle. Interviews, réflexions et articles de fond vous immergeront encore davantage dans le monde du spectacle vivant… et au-delà.

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Nous avons voulu un agenda plus pra-tique, dorénavant détachable, afin de vous permettre de ne plus manquer aucun spectacle présenté au Luxem-bourg et de suivre nos chorégraphes à l’étranger.

Plus que jamais, il est particulière-ment important en cette période de doute de tout un secteur - pour ne pas dire de crise - que la scène, que les scènes, soient proches de vous et qu’à l’inverse vous les fréquentiez. Pour découvrir des créations certes, mais au-delà, pour aller à la rencontre de la création, découvrir des métiers, des hommes et des femmes qui vous in-citent à appréhender le monde d’une autre manière, qui vous questionnent, qui suscitent la réflexion et influen-cent sans aucun doute vos manières d’être au monde. C’est le sens de nos cartes blanches : elles doivent initier le dialogue, tant nécessaire, en culture.

Tout comme nous vous encourageons à parcourir les pages qui suivent, nous vous invitons à aller à la rencontre des auteurs et des acteurs culturels du pays.

Nous vous souhaitons une bonne lecture.

L'Équipe du TROIS C-L

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Qui est Yuki-onna ? Un personnage de conte merveilleux japonais, une personnification de l’hiver et de ses affres : le froid, le vent, la tempête, la neige, la glace... Une jeune femme dotée de pouvoirs surnaturels. Mais malgré sa beauté, elle provoque l’effroi, puis la mort. Comme une fatalité. À sa cruauté, il y a forcé-ment une raison. Car dans les con-tes, rien n’est dû au hasard. Le mal ultime qu’elle fait subir ne fait que refléter le mal qui l’habite. Comme

une malédiction. Lisse, elle ne peut pas être. Comme tous les personn- ages de conte d’ailleurs. C’est donc complexe qu’elle se révèle. Son royaume ? La forêt, si dénuée de vie, aride, hostile et piégeuse en hiver.

Les lignes qui précèdent ne font que planter le décor du conte. L’action, plus tardive, n’y est pas évoquée. Les contes, quelle que soit leur origine, allemande, danoise, française, per-sane, indienne ou autre, apparaissent

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LE CONTE DANSÉEt Yuko devint Yuki-onna…

FLORENCE BÉCANNE sous le format de courts récits, quoique leur longueur soit variable. Le conte est donc un condensé de mots. Nul délayage, chacun y a sa place et sa justification : décrire les lieux et acteurs, accompagner la dramaturgie, donner vie aux personnages, créer du suspense, faire jaillir le dénoue-ment et éventuellement une morale. Bref, à la base de tout conte sont les mots. Oraux à l’origine, puis écrits dans le but de perpétuer une tradi-tion littéraire d’un autre âge, trans-mise de génération en génération, mais inexorablement vouée un jour à l’oubli. Certains les ont collectés ri-goureusement et obsessionnellement, tels les frères Grimm, d’autres les ont édulcorés pour qu’ils soient au goût du public, la Cour de Louis XIV pour Charles Perrault. Quant à la version la plus connue de Yuki-onna, il s’agit de celle de Lafcadio Hearn, un écrivain ir-landais qui parcourut le monde avant de s’installer définitivement au Japon. Ayant opté pour la nationalité de son pays d’adoption, il porte également le nom de Yakumo Koizumi.

Sans ces historiens-linguistes, la littérature aurait perdu un genre aujourd’hui. L’univers des enfants et des adultes serait plus fade, moins peuplé d’imaginaire,une qualité réhabilitée il y peu. Et outre les ouvra-ges mettant le fabuleux à l’honneur, de plus en plus de conteurs refont surface, sous le statut d’artistes dorénavant. La boucle serait-elle bouclée ? Eh bien, non. Preuve en est le dernier spectacle chorégraphique de Yuko Kominami, Three short stories, un spectacle qui met en scène, par le biais de la danse et de la musique, trois contes de prov-enances diverses, l’un du Japon, l’un du Pérou et l’un de Pologne, celui du Japon étant bien entendu Yuki-onna.

A propos de l’AuteurRiche d’une longue expérience dans le secteur culturel au Luxembourg, Florence Bécanne travaille aujourd’hui en tant que journaliste indépendante. Elle collabore, entre autres, aux pages culturelles du « Jeudi » et du « d'Lëtzebuerger Land ». Son travail de fin d’études s’articula autour de la question de l’animal dans les contes de l’enfance et du foyer des Frères Grimm.

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photos1. / 2. Yuko Kominami, reMEMBRANEce, © Patrick Galbats, 2009. 3. Yuki-onna © b_milum, Photobucket

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rendez-vousThree shorT sTories

• Vendredi 20 mars | 20:00 opderschmelz 1a, rue du centenaire | L-3475 Dudelange

• Dimanche 22 mars | 16:00 Lundi 23 mars | 09:30 Mierscher Kulturhaus 53, rue G.-D. Charlotte | L-7520 Mersch

Spectacle au croisement de la danse et de la musique, Three short stories raconte trois histoires fantastiques issues des folklores japo-nais, polonais et péruviens. Enfants et adultes se retrouveront plongés dans un univers enchanté, qui leur permettra d’aller à la rencontre de trois cultures différentes, l’une plus riche que l’autre.

À partir de 7 ans.

Chorégraphie et interprétation : Yuko Kominami, Sayoko OnishiCréation musicale : Tomás Tello, Lukasz SzalankiewiczCréation lumières et dramaturgie : Brice DurandChargé de production : Jérôme Konen

Coproduction : TROIS C-L - Centre de Création Chorégraphique Luxembourgeois, Rhysom Danz Kollektiv, opderschmelz - Centre Culturel Régional Dudelange, Mierscher Kulturhaus

Three short stories est un spectacle sans mots, cela va sans dire. Même si c’est là justement que résident toutes les difficultés. Car comment ne pas trahir l’original ? Les mouve-ments dansés peuvent-ils se substi-tuer aux mots ? Et même si le corps véhicule un langage et des mots, peuvent-ils être suffisamment pré-cis pour faire résonner la complexité des personnages ? La danse peut-elle se faire stricto sensu narrative ? N’est-il pas préjudiciable que Yuki-onna ait une apparence définie alors qu’elle pourrait, décrite en mots, en revêtir une multitude selon le récep-teur ? Comment rendre l’imagination fertile quand il y un décor et des cos-tumes ? La danse peut-elle engendrer des mots, qui, mis bout à bout, cons-titueraient un récit ? La danse peut-elle se faire aussi subtile que la littérature ? La danse serait-elle un langage uni-versel ?

La danse, un art total ? Tel est au moins le défi que s’est lancé la danseuse-chorégraphe. [FB]

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2.

opderschmelz.lu kulturhaus.lu

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LA DANSE, UN ART VIVANT ! ET LA LITTERATURE ?Réflexion d’un auteur…

NATHALIE RONVAUX

A propos de l’AuteurNathalie Ronvaux est née au Luxembourg. Son manuscrit Vignes et louves reçoit, en 2010, le prix d’encouragement de la Fondation Servais. La même année, elle est invitée à la résidence d’auteurs du Château du Pont d’Oye (BE). En juin 2012, une exposition temporaire au Musée de la Résistance met en espace des poèmes de son recueil « La liberté meurt chaque jour au bout d’une corde » (Editions Phi). Elle participe entre autres aux projets et publications « Fabula Rasa » et « Fragment 3793 » (Hydre Editions). Ses textes courts Echographie (2010) et Enterre-moi (2014) sont présentés au Théâtre du Centaure à Luxembourg. Sa pièce de théâtre La vérité m’appartient obtient le 1er prix au Concours littéraire national 2013

À priori entre un livre et un corps en mouvement le seul point de rencontre envisageable est un point quasiment figé, immobile, dont l’action pourrait se résumer par une lecture individuelle et autonome. Mais voilà, derrière chaque livre se cache un auteur. Depuis l’invention de l’écriture littéraire, l’auteur est un être de peau. Une chair dont l’écriture est le mouvement, alors que le livre est un support dont la matière et la forme évoluent au fil des innovations. Les disciplines dont il est question ici, la danse et l’écriture, sont-elles des conditions satisfaisantes pour envisager de créer ensemble, de donner naissance à un corps commun, un même langage vivant ? Ces corps dont les fonctions d’expression artis-tique diffèrent peuvent-ils trouver des points de rencontre ?

Le danseur danse, l’écrivain écrit. Le danseur explore, articule, désarticule son corps. Emploie le mouvement. Il met son corps en espace. L’explore. L’auteur articule, désarticule les mots. Et lorsqu’il transmet ses textes, il uti-lise sa voix, cultive les silences. Certes ensemble, ils peuvent se substituer à l’autre. Ils peuvent prendre le parti d’illustrer le travail de l’autre. L’orner, le déchiffrer, l’interpréter. Le mettre en danse ou le mettre en texte. En-semble, ils doivent établir le dialogue. L’étendre au public. Le danseur inscrit le langage par son corps et peut par ce biais directement expérimenter l’espace et le temps. Du dedans au dehors ! Voici une trajectoire dont l’auteur envie le danseur car il a déjà franchi l’étape lorsque son texte ap-paraît sur son support. Et bien que

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l’écriture chorégraphique assure et maintienne l’identité d’une œuvre contemporaine, elle n’est qu’un outil de travail. Le corps du danseur reste la trame de son langage alors que la lec-ture d’un texte n’est qu’un prolonge-ment du fruit du travail de l’auteur ; du dedans - au dehors - au dehors.

L’auteur est rarement acteur. Il trans-met son travail par le son. Le visuel d’une lecture reste généralement sta-tique, figé, sans verticalité, unilatéral et face au public. L’émotion se traduit par le son du mot, du texte dit ou lu, des images construites ou se laissant construire. Il y a évidemment une idée de mouvement dans le son et dans l’écriture, de rythme, de pauses, de suffocations, de respirations, de construction et de déconstruction, mais elle n’est visuelle que sur la page d’un livre, l’écran d’un ordinateur, par le biais d’une projection ou de l’imagination. Si la voix de l’auteur n’empreinte aucun artifice, il lui est difficile de transgresser l’espace. Et même si l’auteur transmet volon-tairement ou bien involontairement

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photos1. / 2. Cécile Loyer (Chorégraphe) / Violaine Schwartz (Écrivain), L’hippocampe mais l’hipoccampe © Delphine Micheli, « Concordan(s)e 2014 »

« ConCordAn(s)e »Anne-Mareike Hess et Nathalie Ronvaux partici-peront à l’édition 2015 du festival « Concordan(s)e », une aventure singulière où un écrivain rencontre un chorégraphe.

Selon le principe établi, deux artistes, qui ne se sont au préalable jamais rencontrés, s’observent et s’interrogent sur ce qui attise leur désir de créer. De cette plongée dans leur intimité créa-tive, une création commune et inédite est présen-tée, qui illustre la complicité qui s’est établie et la place que chacun propose à l’autre.

Ce qui semble pertinent dans cette exploration des écritures, ce sont les rencontres qu’elles génèrent, les temps de recherches, les échanges et les partages entre les deux artistes, mais aussi avec le public, qui devient un élément catalyseur : il ouvre de nouvelles perspectives et interroge les fondements mêmes de la création. De ce fait, même si le festival reste le temps fort de la sai-son, tout au long de l’année, différentes formes de rencontres sont mises en place dans des lieux très divers, qui ne sont pas forcément ouverts au spectacle vivant : des ateliers d’écriture en danse et en littérature, des répétitions publiques, des lectures croisées danse / écriture, … En somme, de nouveaux prétextes pour aller à la rencontre du public, lui donner l’opportunité de découvrir le processus de création, tout en étant au plus proche des artistes.

Plus d’informations : www.concordanse.com

rendez-vousLe 3 Du TROIS : Textes en mouvement

Mardi 3 février | 19:00 Banannefabrik 12, rue du Puits | L-2355 Luxembourg

Avec la participation, entre autres, d’Anne-Mareike Hess, Nathalie Ronvaux, Léa Thomen et Isabelle Federkeil.

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une certaine tension ou un langage corporel, la lecture en public reste, à moins de rentrer dans le champ de l’action ou de la performance, un acte principalement auditif. Unique-ment compréhensible pour un public pratiquant la même langue. Tandis que la danse est un art visuel qui unit l’humain dans une compréhension et une communication par le corps en mouvement.

Certes, le texte littéraire cherche à aller au-delà de ses limites et trouve de nouveaux chemins. La littérature englobe bien entendu le théâtre, le ci-néma et d’autres formes de spectacles vivants qui mettent des corps et des

univers visuels en scène. Mais l’auteur et son texte, face au public, peuvent-ils s’imposer dans l’espace ? Peuvent-ils ensemble avec un danseur / choré-graphe trouver des rapports de conflits et de résonances pour créer un langage vivant, actuel, propre à une commu-nication qui rassemble deux formes d’expression artistique différentes et œuvrer ainsi vers une composition mouvement-verbe ? Une expérience à tenter… [NR]

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QUêTES mULTIpLESExtraits d’interviews réalisées avec les nouveaux visages de la création chorégraphique luxembourgeoise.

SÉVERINE zImmER

Emerger vient du latin emergere. Si étymologiquement, il signifie « sortir de », les jeunes créateurs qualifiés d’ « émergents » se l’approprient selon leurs quêtes, singulièrement. Tel un bouchon qui émerge d’une grande étendue d’eau, l’émergent est, en ce qui concerne Jennifer Gohier, celui qui va sortir de son univers habituel de travail. « Émerger de la scène, de son métier, de son art en permettant de présenter son travail et de prouver sa singularité » est précieux pour Giovan-ni Zazzera, lauréat du dernier « Lëtze- buerger Danzpräis ». Être émergent veut dire « ramener quelque chose de nouveau » pour Jill Crovisier ; est « l’occasion de mettre à l’épreuve

son talent » pour Simone Mousset ; résonne pour Léa Tirabasso comme « une page blanche à écrire, une pos-sibilité infinie où tout est faisable ». Même si le risque est que la notion soit perçue de manière négative à un niveau professionnel, dans l’idée qu’« un émergent est assimilé à quelqu’un de jeune, parfois un peu naïf, peu expérimenté, le danger se situe quand sa pratique aléatoire devient excusable ou justifiable ».

« C’est bien d’être émergent, mais pas trop longtemps ! » (Léa)

S’il n’est pas nécessairement naïf, il reste toutefois peu expérimenté

dans la gestion de son projet. L’apprentissage et l’expérience de la gestion d’une première création pro-pre peut parfois s’avérer traumatisante tant les connaissances doivent être multiples et l’organisation aiguisée. Chorégraphier commence seulement quand les aspects financiers, adminis-tratifs, logistiques et de communica-tion sont gérés et planifiés. Il en va de la professionnalisation de l’activité de créateur.

« être chorégraphe, c’est être producteur exécutif et donc tout devoir chapeauter. » (Jennifer)

Budget, administration du projet, communication pour le volet logis-tique, technique et création pour le volet artistique, sont des aspects pour lesquels l’artiste émergent à besoin de conseils, de réponses, de méthodolo-gie.

L’aspect financier, dédaigné trop souvent dans le milieu artistique, est pourtant l’un des principaux ingrédi-ents d’une pratique artistique profes-sionnelle.

« Réaliser un budget est une épreuve, mais payer ses danseurs est un luxe. » (Léa)

Pour Léa, comme pour tous les choré-graphes interviewés, il est indéniable qu’avoir les moyens permet de faire autre chose que des « petites choré-graphies entre amis », de prendre le temps nécessaire pour créer, sans →

Jennifer Gohier et Grégory Beaumont Née en 1984, né en 1983, d’origine françaiseRésident à Metz, travaillent en France et au LuxembourgDanseurs professionnels depuis 2005 et 2004Chorégraphes depuis 2013 et 2008

Pour ce premier travail que Jennifer et Grégory chorégraphieront, mais qu’ils n’interpréteront pas, le défi est de parvenir à déléguer l’interprétation de leur propos, de leur idée, à d’autres ; en d’autres termes, de faire confiance. Intitulé Soli-Tude, leur projet s’articulera autour de deux soli, qui, interprétés simultanément, exploreront les deux revers de la solitude – celle subie, source d’anxiété, et celle choisie, l’une des conditions sine qua non de l’acte créatif.

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Léa Tirabasso Née en 1985, d’origine françaiseRéside à Londres, travaille au Royaume-uni et au LuxembourgDanseuse professionnelle depuis 2009Chorégraphe depuis 2012Héritier de la danse théâtrale, le travail de Léa Tirabasso risque, gratte et décape avec un humour - parfois un sarcasme - qui autorise un propos grinçant de vérité. Love me tender, projet qu’elle souhaite monter depuis deux ans, est l’occasion pour la jeune choré-graphe de développer et de faire évoluer son esthétique. « Histoire secrète des âmes aimantes », ce duo ponctué d’une imagerie tragi-comique et d’une physicalité à la fois suave et dissonante, dresse le portrait d’un couple soumis aux absurdités sentimentales du quotidien.

Simone moussetNée en 1988, d’origine luxembourgeoiseRéside et travaille entre Londres et LuxembourgDanseuse professionnelle depuis 2012Chorégraphe depuis 2014Pour Simone, les bases classiques de sa formation, associées à celles plus traditionnelles et culturelles des danses étudiées au Liban notamment, constituent déjà un point de vue en soi. Pour son projet – un duo - elle veut s’approprier ces bases pour, ensuite, les faire évoluer par le biais d’une approche foncièrement contemporaine. Sans jamais verser dans la reproduction, elle sait que ces influences nourriront un travail singulier dans lequel un autre aspect revêt une grande importance pour elle : la musicalité et le rythme que ces danses renferment.

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périodes de répétitions décousues en fonction des aléas des plannings des un et des autres, à la recherche de contrats rémunérés. Pour se payer ce « luxe » – qui, dans tout autre secteur profes-sionnel, n’est que pratique logique et indiscutable – l’artiste doit se former aux usages de la gestion de projet, à fortiori quand il débute.

Après seulement la mise en place du projet, la création artistique à propre-ment parler débute. Si tous cherchent implicitement une reconnaissance, chacun a sa manière de travailler. Pour Jill « il est important de ne pas rester face à soi-même, d’avoir des retours sur ce qu’on est en train de créer ». Hannah, veut également partager l’expérience de créer individuellement dans un cadre qui facilite les échanges, les partages d’idées avec d’autres émer-gents. Si reconnaissance il y a, l’artiste bénéficiera ensuite de la confiance, de l’aide et de la crédibilité de la part de programmateurs ou de bailleurs de fonds. Si.

Car : « Telle une fleur qui commence à éclore, le langage chorégraphique d’un émergent commence à se former. A ce stade, on ne sait pas encore à quoi il ressemblera. » (Hannah)

C’est en cela que la situation est com-plexe. D’une part, parce qu’il est rare de trouver, à l’heure actuelle, des programmateurs ou des directeurs de théâtres qui donnent la chance à un jeune talent d’émerger. Outre le fait que le climat et la politique cul-turelle actuels rendent frileux les rares téméraires, il est un fait que le risque est bien présent et l’enjeu de taille. De l’autre, parce que le plus grand défi de ces émergents est bien la recherche d’un langage chorégraphique propre, qui deviendra « leur » style. [Sz] 4.

Giovanni Zazzera Né en 1981, d’origine italienne Réside et travaille au LuxembourgDanseur professionnel depuis 2010Chorégraphe depuis 2013

Les thèmes développés par Giovanni sont de l’ordre du sensible, de l’émotion, du spirituel sans pour autant tomber dans le religieux. Il se dit en effet non croyant, mais inspiré par ce qui est historique et source de foi. Sa première création émergente ne fait pas exception en faisant se rencontrer sur scène plusieurs êtres accablés par le poids de leurs secrets respectifs.

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Jill CrovisierNée en 1987, d’origine luxembourgeoiseRéside et travaille, entre autres, au LuxembourgDanseuse professionnelle depuis 2007Chorégraphe depuis 2013La formation classique de Jill a été enrichie dès son enfance par des approches chorégraphiques multiples. Son goût pour les voyages l’emmène à 16 ans en Chine, puis plus tard aux Etats-Unis où elle cherche, approfondit, et va à la source des techniques enseignées au Conservatoire, mais pas seulement. Pour sa première création chorégraphique, Jill s’intéressera à la notion de « puissance », et, plus particulièrement, aux différences et similitudes entre la représentation, tant chorégraphique que sociale, de forces dites « féminines » et « masculines ».

piera Jovic et George maikel pires monteiro Nés en 1988Piera est d’origine serbe, de nationalités italienne et luxembourgeoiseGeorges est d’origine cap verdienne et de nationalité luxembourgeoiseRésident et travaillent au Luxembourg, en France et en espagneDanseurs professionnels depuis 2012Chorégraphes depuis 2014Pour le jeune duo, la construction d’un langage chorégraphique propre constitue la base de leur recherche. « Rester authentique et arriver à s’inspirer sans reproduire, est la plus grande difficulté. » Le fait de travailler en duo est pour eux rassurant : sous condition d’avoir un esprit ouvert et d’accepter les idées de l’autre, le travail en com-mun permet de développer des idées plus nourries, mais aussi un regard en miroir sur ce que l’un et l’autre font. D’ailleurs, leur création, dont le titre de travail est Fest, s’intéressera aux méandres d’une « vie à deux » mené en huis clos.

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photos1. - 7. © Bohumil Kostohryz

rendez-vousLeS eMeRGeNCeS : VOLuMe 1

• Jeudi 23, Vendredi 24 et Samedi 25 avril 2015 | 20:00

• Dimanche 26 avril | 17:00 Banannefabrik 12, rue du Puits | L-2355 Luxembourg

Au mois d’avril, les spectateurs pourront aller à la rencontre de Jill Crovisier, Simone Mousset, Léa Tirabasso, ainsi que de Michèle Tonteling et d’Annick Schadeck. Chaque soirée permettra au public de plonger dans quatre univers distincts !

les ÉMerGenCes« Les Émergences » est le titre d’un nouveau programme initié par le TROIS C-L en 2015 et destiné aux jeunes chorégraphes émergents. Outre un soutien financier, le TROIS C-L encadrera l’ensemble des artistes sélectionnés tout au long de leur processus de création en leur proposant, notamment, des workshops théoriques (gestion de production et de budget, communication…) et pratiques (dramaturgie, création lumières…). Le Centre de Création Chorégraphique Luxem-bourgeois souhaite ainsi, à la fois, encourager la professionnalisation de ces jeunes créateurs et leur faciliter, de manière ludique, la gestion de leur première création propre.

Le public, quant à lui, pourra découvrir le travail des huit talents émergents lors de quatre soirées dédiées, organisées respectivement en avril et en novembre 2015.

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A propos de l’AuteurSéverine Zimmer est diplômée en histoire de l’art contemporain. Après avoir travaillé dans le secteur muséal, elle est critique d’art et d’architecture pour des quotidiens nationaux et contribue en outre à diverses publications. Après avoir passé sept années en tant que directrice ad-ministrative au TROIS C-L, elle mettra à profit son expérience en management culturel et artistique pour lancer, au printemps 2015, ART_is(t), société de services adaptés aux secteurs créatifs.

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Annick Schadeck et michèle TontelingNées en 1986 et 1989, d’origine luxembourgeoiseRésident à Berlin, travaillent en Allemagne et au LuxembourgDanseuse professionnelle depuis 2008 / Chorégraphe depuis 2014Artiste plasticienne depuis 2011Pour Michèle, qui n’est pas chorégraphe, mais artiste plasticienne, la plus grande difficulté d’une collaboration artistique interdisciplinaire réside dans ce qu’il a de plus fondamental : le développement d’un langage commun. Partant de l’idée de « transformation » imaginée par Franz Kafka, les deux artistes proposeront un univers aux multiples réalités et remettront ainsi en question notre perception du monde, fondée principalement sur la raison.

Hannah maNée en 1979, d’origine allemande et chinoiseRéside à Trèves, travaille en Allemagne et au LuxembourgDanseuse professionnelle depuis 1999Chorégraphe depuis 2009Le défi pour Hannah est de chorégraphier son premier solo, l’une des formes les plus périlleuse à créer et à monter sur scène. Même si la chorégraphe a plusieurs pièces à son actif, il s’agira d’arriver à nourrir son propos sans dévier, le tout dans une justesse de mouvement, d’expression, de présence qui rend possible l’alchimie avec le public. Nommée Dieu / Monstre, sa pièce fera s’affronter rites musicaux asiatiques et…alpins. Un projet audacieux !

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Des seins, des postérieurs, des envers, des endroits, des poils, des fentes et des saillies : en France, dans les an-nées 1990, « la danse contemporaine s’exerce à une revue d’anatomie* ». Ici, une langue explore une oreille, un avant-bras s’insinue dans la bé-ance formée par l’entre-deux cuisses, là, le corps se lâche, l’urine s’échappe. Ailleurs, des artistes enchevêtrés les uns dans les autres roulent insensible-ment en tas ; plus loin, un godemiché dans l’anus, des danseurs évoluent avec conscience sur le plateau. À fleur de peau, la fiction théâtrale re-dessine les marges d’un art où, désor-mais, les orifices sont de la partie. Au mépris des usages, ces hommes et ces femmes enfantent sur scène des

corporéités inédites ; créant de nou-veaux modes d’existence, ils les of-frent en partage. L’idée ? Explorer et investir toutes les régions du corps ; sans relâche, les chercher, les constru-ire et les déconstruire pour les inventer et les réinventer. Habillant la nudité de qualités singulières, chaque œuvre, à sa manière, annexe des territoires de peau qui jusque-là lui étaient étrang-ers. Mise sur la place publique, cette gestion de l’intime ébranle le mo-ment. Les repères usuels s’abîment. Altérant inopinément la familiarité du monde, l’émotion envahit le profond de la chair, car au bout des regards, ces nudités troublent et touchent. Parlant à nos propres nudités, elles modifient notre façon de percevoir, de sentir, de

ressentir et de penser. Nous plongeant dans les abysses de l’émoi, elles nous font vivre l’ivresse du connu et de l’inconnu, du proche et de l’étranger. Impossible d’y échapper !

Au milieu des années 1990, dans une atmosphère alourdie par les ravages du sida, une poignée de chorégraphes se détache des vertiges jubilatoires, in-souciants et iconoclastes d’une « jeune danse française » dynamisée par la pas-sion et le labeur acharné de quelques chorégraphes, autodidactes le plus souvent. L’heure est au concept, aux questionnements, à la déconstruction des savoirs sur le corps, le spectacle, l’histoire. Vingt plus tard, la violence du choc que représente le sida n’a →

DANSE DES ORIFICESAnnées 1990. Des figures de la nudité gagnent les scènes chorégraphiques. Conceptuelles puis dionysiaques, elle ne cessent d’explorer les énigmes du corps.

ROLAND HUESCA

* Dominique Frétard, Quatre chorégraphes dénudent les corps pour mieux les disséquer, Le Monde, 1er novembre 1996.

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plus le même impact. Contemporaine de ce fléau, une nouvelle génération s’en est accommodée, sans pour au-tant totalement l’apprivoiser. Le retour du refoulé se met alors à l’affiche. Parfois, sous l’égide des mouvements queers, d’un féminisme pro-sexe ou d’un appel au dionysi-aque, « l’ivresse » gagne les corps et les esprits.

Concepts, ivresse : entre ces deux bornes cependant, les marges res-tent poreuses, car toujours sous les mots affleure la chair et sous la chair se tiennent les mots. Toutefois, si des climats cognitifs, émotionnels et moraux nimbent sans cesse le dépouillé de ces corps, ces artistes ne se limitent pas à appliquer une

30 & 31/01/2015 À 20H00ABOU LAGRAAEL DJOUDOUR

07/02/2015ANTONIO RUZ & JUAN KRUZ DÍAZ DE GARAIO ESNAOLAVAIVÉN

05 & 06/03/2015 À 20H00AKRAM KHAN & ISRAEL GALVÁNTOROBAKA

20 & 21/03/2015 À 20H00BOY BLUE ENTERTAINMENTTHE FIVE & THE PROPHECY OF PRANA

27 & 28/03/2015 À 20H00CLOUD GATE DANCE THEATRE OF TAIWANWATER STAINS ON THE WALL

01 & 02/04/2015 À 20H00ROBYN ORLINAT THE SAME TIME WE WERE POINTING A FINGER AT YOU, WE REALIZED WE WERE POINTING THREE AT OURSELVES...

29 & 30/04/2015 À 20H00NEDERLANDS DANS THEATER 1CHORÉGRAPHIES DE SHARON EYAL & GAI BEHAR, CRYSTAL PITE & HANS VAN MANEN

12 & 13/05/2015 À 20H00ALAIN PLATELEN AVANT, MARCHE!

15 & 16 MAI 2015 À 20H00GALA DES ÉTOILESJUWELEN DES WELTBALLETTS

19 & 20/05/2015 À 20H00GAUTHIER DANCE/DANCE COMPANY THEATERHAUS STUTTGARTALICE

02 & 03/06/2015 À 20H00JANT-BI / GERMAINE ACOGNYA UN ENDROIT DU DÉBUT

04 & 05/06/2015 À 20H00EASTMAN / SIDI LARBI CHERKAOUI & YABIN DANCE STUDIO GENESIS

11 & 13/06/2015 À 20H00JEAN-GUILLAUME WEISFLOCK

18 & 20/06/2015 À 20H00MARTIN ZIMMERMANNHALLO

25 & 27/06/2015 À 20H00GALLIM DANCE COMPANYBLUSH (2009)

30/06/2015 À 20H00ROSAS / ANNE TERESA DE KEERSMAEKERGOLDEN HOURS Ne

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2.

Page 15: d - Au-delà de la danse # 1

danse.lu

rendez-vousLe 3 Du TROIS : Question(s) de nudité

Vendredi 3 avril | 19:00Banannefabrik | 12, rue du Puits | L-2355 Luxembourg

Avec la participation, entre autres, de Camille Mutel et de Giorgia Nadin.

photos1. Punchdrunk, The Drowned Man: A Hollywood Fable © Birgit & Ralf, 2013 2. Sylvia Camarda, Martyr © Patrick Galbats, 2014 3. Compagnie Li (Luo) / Camille Mutel, Etna ! © Alain Julien, 2014

pour Aller plus loin Roland HuescaLa danse des orifices : étude sur la nuditéNouvelles éditions Jean-Michel Place jeanmichelplace.comParution : début 2015

Charnel et cérébral, cet ouvrage retrace l’histoire de la nudité dans le monde de la chorégraphie de la fin du XXe siècle à nos jours. Page à page, l’élégance de la pensée construit et contextualise avec minutie ce sujet éminemment complexe qui pourrait paraître scabreux. Analysant les œuvres et leurs réceptions, en les confrontant si besoin au passé, le texte nous fait entrer dans les coulisses des scènes françaises où nous pouvons voir comment, au cœur d’un univers résolument nihiliste et conceptuel, certains artistes - à la marge - travaillent à la découverte incessante de nouvelles vérités du corps.

Qu’est-ce qu’être nus ensemble ? Qu’est-ce que donner chair aux concepts ? Que dire de la nudité des femmes ? Peut-on parler de (s)expérience ?... Autant de thèmes qui, parmi d’autres, donnent ici corps au débat !

vue de l’esprit. Dans leurs œuvres, ils sélectionnent, intériorisent, modi-fient et bien sûr incorporent ces énon-cés et ces modes d’existence, parfois même inconsciemment pour faire de leurs pratiques de la marge un sujet de débat esthético-politique luttant, le plus souvent, contre le poids des certitudes et la paresse des évidences.

Dans la lignée des apports nietzsché-ens, ces déconstructions postmo-dernes faisant l’apologie de la limite, ont acquis, depuis trente ans, un stat-ut épistémologique également exploré par le discours philosophique et his-torique. Magnifiant le statut ambigu

des choses, ces approches mettent en tension, sans les anéantir pour au-tant, les préjugés monolithiques des postulats visant l’univocité du sens. Ainsi, elles s’attaquent à la supréma-tie idéaliste des rationalismes homo- généisant. Contemporain de la défla-tion des idéologies et des transcend-ances, ce regard a insensiblement gagné en légitimité. Dans un réel sans pensée, sans Vérité, sans Dieu, et tou-jours plus soumis à la dispersion, il s’agit alors de s’instruire, aussi, de ce qui semblait n’être qu’un reste, un avatar de l’extériorité. Dans cet uni-vers nihiliste et conceptuel, l’heure est à la découverte de nouvelles vérités du corps, à la mise en place de modes de subjectivation inédits. Car, ici, cette « danse des orifices » ne cherche pas le corps dans le corps. Elle ne veut pas rendre claires ses significations obscures, mais explore simplement le dépouillé sur lequel s’incarnent des corporéités historiquement détermi-nées, et de fait relatives et contingen-tes. Et si ces peaux exhibées portent en elles une vérité du corps, elles dénient à chacune d’elles la capacité d’incarner le corps en sa vérité. [RH]

15

3.

A propos de l’AuteurRoland Huesca est professeur d’esthétique au département « Arts » de l’Université de Lorraine et membre du Laboratoire lorrain de sciences sociales. Ses recherches portent sur l’histoire et l’esthétique du spectacle vivant : le corps et les dispositifs de ses mises en spectacle, l’art et nudité. Collaborateur régulier de France Culture, il a signé de nombreux articles sur le corps nu en scène, en danse notamment.

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mOUVEmENTS CRISTALLISÉS« Il y a toujours une immense solitude à la base et tout au long de la création. C’est une solitude insupportable, qui serait insurmontable sans la création elle-même. » Camille Mutel nous a accordé quelques longs instants pour comprendre son travail, mais aussi sa sensibilité. Infiniment précise dans son travail et dans la transmission de celui-ci.

KAROLINA mARKIEWICz

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Karolina markiewicz : Comment est mar-quée l’évolution de votre travail ? Que pouvez-vous dire du mouvement et de la trace ?

Camille mutel : Entre Le Sceau de Kali en 2007 et ma dernière création en 2013, Soror, je dirais que ma recherche s’est cristallisée justement autour du mou-vement et de son écriture afin d’entrer au plus près de la présence.

Le Sceau de Kali a été créé à la fin de ma formation en danse butô et au début de ma carrière solo. Tout comme Sym-phonie pour une dissolution présentée en 2008, il porte encore une forte trace de cette « révolte de la chair », prônée par le butô. Les mouvements sont la résultante d’une énergie qui traverse le corps. Je pourrais pour cela paraphraser André Breton : « la beauté sera convulsive ou ne sera pas ».

À partir de 2010, avec Effraction de l’oubli et la rencontre avec l’éclairagiste Matthieu Ferry, je démarre une écri-ture précise ; elle est due aux nécessités de la collaboration et à nos deux per-sonnalités qui vont se révéler l’une à l’autre.

J’utiliserais alors encore un terme de la danse butô, mes énergies se « cristallisent » et je rentre dans une écriture « maîtrisée » du mouvement — l’écriture comme une partition qu’il faut connaître parfaitement. Et lors de l’exécution de celle-ci devant un pu-blic, quelque chose de la présence, du vivant, échappe à cette partition ; c’est ici que je ressens et que j’offre quelque chose de l’ordre de la présence.

Dans Nu(e) muet, le mouvement quelque peu lyrique, technique et, presque de l’ordre du spectaculaire Effraction de l’oubli, va se raréfier pour atteindre dans Soror une sorte de

climax : un mouvement de l’ordre de la non-représentation, marches, re-gards, souffles. J’ai cherché au cours de ce travail d’épure à atteindre le noyau de ce que serait la présence en scène, débarrassée des artifices de gestes.

En contrepartie, la scène se peuple.Lorsque le mouvement s’est raréfié, l’espace autour du corps se remplit. Il y a donc une sorte de vase commu-nicant.

Km : Quel est votre rapport au corps ?

Cm : Mon rapport au corps est en con-stante métamorphose. C’est quelque chose de l’ordre de l’indicible. Le →

compagnie-li-luo.fr

CAMille Mutel dAnseuse / ChorÉGrAphe Formée auprès d’Hervé Diasnas et de Masaki Iwana, Camille Mutel fonde en 2004 la compagnie Li (luo). La même année, elle présente un premier solo Vestale. En 2005, elle crée un deuxième seul en scène, Le Sceau de Kali, et un troisième en 2008, Symphonie pour une dissolution. Celui-ci sera entre autres présenté à Danse à Lille et Charleroi Danse, à Die Pratze à Tokyo, au Tala Dance Center à Zagreb et au Grand Théâtre du Luxembourg.

En 2010, elle rencontre Matthieu Ferry, éclaira-giste, avec qui elle crée Effraction de l’oubli. A la suite de cette pièce, elle obtient une résidence au Centre Culturel André Malraux – Scène Nationale de Vandoeuvre-lès-Nancy et à Mains d’Œuvres à Saint-Ouen. Elle sera aussi sélectionnée pour le réseau « Aerowaves ».

En 2011, sur une commande du TROIS C-L, elle crée une forme courte, Etna !, qui sera, entre autres, invitée au « Danz Festival Lëtzebuerg ».

Actuellement, elle continue à tourner les pièces du répertoire de sa compagnie ; est interprète dans le spectacle (nou) de Matthieu Hocquemiller ; et termine une résidence de deux mois au Japon, réalisée dans le cadre du programme « Hors les Murs » de l’Institut Français.

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1.

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corps échappe sans cesse à une dé-nomination précise, à une délimita-tion précise.

Parfois je me positionne en tant que sujet dans ce corps, et parfois il est objet de ma création, objet de mon travail. Je le présente comme objet sur une scène pour le regard du spectateur comme un plasticien le ferait avec une sculpture, en invitant le spectateur à voir quelque chose de ce mystère, là où justement l’objet n’appartient plus à aucune dénomination possible, là où il échappe à tout ce qui pourrait être dit et même pensé de lui.

Km : Comment appréhendez-vous le public dans la phase de création et comment le ressentez-vous pendant les représentations ?

Cm : Le public est pour moi une multi-tude de regards qui se concentrent en un seul regard. Le public est ce regard. Il est la nécessité pour créer. Je vois la représentation comme une sorte de rituel. Où chacun des participants vit son rôle.

Km : Etes-vous seule dans la création ou avez-vous besoin de vous confron-ter, d’échanger ?

Cm : Il y a toujours une immense soli-tude à la base et tout au long de la créa-tion. C’est une solitude insupportable, qui serait insurmontable sans la créa-tion elle-même.

Km : Peut-on parler d’un certain en-gagement, même politique, dans le cadre de votre travail ?

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2.

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danse.lu

rendez-vousCamille Mutel sera en résidence au TROIS C-L du 23 mars au 4 avril 2015. Le 3 avril, dans le cadre d’un « 3 du TROIS » dédié à la nudité, elle présentera les prémisses d’une nouvelle création interrogeant l’érotisme et sa représentation en scène.

Outre la chorégraphe nancéenne, les artistes suivants ont choisi le TROIS C-L comme lieu de création et de recherche :

• Du 23 janvier au 4 février Christian Ubl et Kylie Walters (AT / AU) Présentation publique le mardi 3 février à 19:00.

• Du 26 janvier au 8 février Anne-Mareike Hess et Nathalie Ronvaux (LU)Présentation publique le mardi 3 février à 19:00.

• Du 17 février au 4 mars Jaakko Toivonen (FI) Présentation publique le mardi 3 mars à 19:00, dans le cadre d’un « 3 du TROIS » mettant à l’honneur la danse contemporaine finlandaise.

• Du 17 février au 4 mars Satu Tuomisto (FI) Présentation publique le mardi 3 mars à 19:00.

• Du 20 avril au 4 mai Elīna Gaitjukeviča et Dmitrijs Gaitjukevičs (LV) Présentation publique le dimanche 3 mai à 19:00, dans le cadre d’un « 3 du TROIS » dédié à la création chorégraphique lettone.

photos1. Compagnie Li (luo) / Camille Mutel, Nu (e) muet © Alain Julien, 2012 2. Compagnie Li (luo) / Camille Mutel, Symphonie pour une dissolution, © Y.Tsukada, 2008 3. Compagnie Li (luo) / Camille Mutel, Effraction de l’oubli, © Anne-Violaine Tisserand, 2010

3.

Cm : L’engagement politique est une question délicate sur laquelle je suis encore très balbutiante.

Ce que je peux en dire c’est que je m’engage en totalité dans mon travail. Je poursuis une quête artistique qui me mène bien souvent hors des lieux de conforts.

J’explore le corps, la sexualité, le lien, j’interroge. Je tourne et reviens sans cesse autour de la question de l’amour. Je constate que le lieu de l’intime est un territoire inconnu, un lieu sans cesse dénaturé, menacé par la société et par nous-mêmes. Mon exploration est une recherche vers l’existence.

Trouver vers soi est dur, et pourtant c’est le chemin le plus intense pour parvenir à l’autre, je pense. Alors si je peux parler d’engagement politique, c’est simplement à cet endroit. [Km]

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„BARRIEREN, DIE ES EINZUREIßEN GILT“Carl Adalsteinsson, künstlerischer Leiter des Centre des Arts Pluriels Ed. Juncker (CAPe) in Ettelbruck, über die Dezentralisierung des kulturellen Angebots in Luxemburg und den schweren Stand der gegenwärtigen Kunstformen hierzulande.

mAX THOLL

max Tholl: Braucht ein kleines Land wie Luxemburg so viele lokale Kultur-zentren wie eben das CAPe?

Carl Adalsteinsson: Die Dezentra-lisierung des kulturellen Angebots ist insbesondere in einem kleinen Land äußerst wichtig. Der Großteil der Bevölkerung wohnt nicht etwa in der Hauptstadt, sondern verteilt übers ganze Land. Diese Menschen zu erreichen war Grundgedanke, als Ende der 90er Jahre das kulturelle Angebot des Landes dezentralisiert wurde. Ich denke nach wie vor, dass das die richtige Entscheidung war.

mT: Die Kehrseite der Dezentrali-sierung sind aber viele kleine Kultur- zentren mit begrenzten Möglich-keiten – statt ein paar Zentren mit großem Budget und Publikum.

CA: Es gibt in der Tat mittlerweile zahlreiche regionale Kulturhäuser,

1.

allen voran die acht die das „Ré-seau“ bilden. Jedes Haus hat seine Daseinsberechtigung, aber mit steigender Anzahl der Häuser wird notgedrung-en der Anteil am Kuchen für jedes einzelne kleiner. Es kann nicht die Hauptaufgabe dieser Häu-ser sein, große Projekte oder Events mit großen Budgets auf die Beine zu stellen. Das würde meines Erachtens zu kurz greifen. Die Häuser werden ja vielfältig genutzt und verfolgen auch mehrere Ziele. Uns beim CAPe geht es nicht darum, eine „Event-Kultur“ zu etablieren indem wir gigantische Pro-jekte auf die Bühne bringen. Es geht uns in erster Linie darum, Kultur in der Region zu vermitteln.

mT: Das ginge doch auch mit ein paar Häusern in Luxemburg-Stadt und Esch-sur-Alzette zum Beispiel.

CA: Sie unterschätzen wie wichtig der Faktor „Nähe“ ist und dass die Men-schen, wenn es um Kultur geht, nicht immer bereit sind, auch nur geringe Distanzen in Kauf zu nehmen. Dafür ist es wichtig, das Angebot zu dezen-tralisieren.

mT: Geht der Erfolg der lokalen Häu-ser denn auf eine reale Nachfrage zurück oder wurde diese erst durch das Angebot begünstigt?

CA: Es gibt ganz klar ein Verlangen nach Kultur, die im Heimatkreis an-geboten wird. Lassen Sie mich ein Beispiel geben: Wir haben jüngst in Ettelbruck ein Konzert des Or-chestre Philharmonique du Luxem- bourg veranstaltet. Das gleiche Konzert fand zwei Tage vorher in der Philharmonie statt. Dies ist nicht üblich und trotzdem fand unser Konzert vor vollem Haus statt. Das Publikum aus der Gegend hatte die

Wahl und hat Ettelbruck der Haupt-stadt vorgezogen. Des Weiteren gibt es in den Regionen auch ein deutliches Verlangen nach maßge- schneiderten Produktionen für jung-es Publikum, da auf der einen Seite das Angebot in Luxemburg-Stadt nicht ausreicht und auf der anderen Seite für Familien der „Proximity-Faktor“ wichtig ist. Es stimmt aber im Allgemeinen, dass die kleineren Häuser mit dem Angebot die Nach-frage teilweise stimulieren müssen. Ein interessantes und vielfältiges Programm aufzustellen, das beim heimischen Publikum Anklang fin-det, ist die Hauptherausforderung eines jeden Kulturhauses.

mT: Wie schwierig ist es abzuschätzen, was beim Publikum ankommt und was nicht ?

CA: Was beim Publikum gut an- kommt ist nicht unbedingt schwierig abzuschätzen, aber über eine Saison hinweg den richtigen Angebotsmix zu finden, ist eine Herausforderung. Es ist vor allem wichtig, etwas zu riskieren und auch zeitgenössischer Kultur eine Plattform zu bieten.

mT: Die regionalen Häuser leisten hier Pionierarbeit.

CA: Absolut, aber nicht nur die re-gionalen Häuser. Wir sind für viele Menschen die erste Anlaufstelle für zeitgenössische Kultur. Viele unserer Besucher würden nicht unbedingt bis nach Luxemburg-Stadt fahren, um sich beispielsweise eine zeitgenös-sische Ausstellung anzuschauen.

mT: Sie stellen mit dem „Printemps Danse“ das mittlerweile einzige Tanz-festival des Landes auf die Beine. Würden Sie zustimmen, dass →

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3.

2.

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zeitgenössischer Tanz immer noch einen schweren Stand hierzulande hat?

CA: Ich würde diese Aussage nicht nur auf zeitgenössischen Tanz be-schränken, sondern auch auf andere künstlerische Disziplinen mit gegen-wärtigen Tendenzen ausweiten. Es gibt hier noch viel Vermittlungs- arbeit zu leisten und einige Barrieren, die es einzureißen gilt. Tanz bietet sich für eben diese Vermittlung her-vorragend an, da es eine sehr natür-liche Ausdrucksform des künstle-rischen Empfindens ist.

mT: Sie sind optimistisch, dass man ein größeres Publikum für Tanz be-geistern kann?

CA: Es liegt noch viel Vermittlungs- arbeit vor uns, aber wenn man sich vor Augen führt, was alles in jüngster Vergangenheit in diesem Bereich passiert ist – nicht zuletzt dank des TROIS C-L – muss man optimistisch sein. Es gibt definitiv ein Publikum, aber auch Potentiale – das müssen wir nutzen.

mT: Ist das der Impetus für das „Print-emps Danse“?

cape.lu

photos1. Carl Adalsteinsson © CAPe / Raoul Somers 2. Mauro Astolfi, Carmina Burana, 2006 © Spell-bound Contemporary Ballet 3. La Tipica Roulotte Tango, Bal de Tango © Collectif Roulotte Tango 4. Gianfranco Celestino / Annalisa Derossi, Duo con Piano, 2014 © Jonas Maron

4.

rendez-vous

PRINTeMPS DANSe 2015

Vom 12. Februar bis zum 30. April CAPe Ettelbruck 1, Place Marie-Adélaïde | L-9063 Ettelbruck

Getreu seiner Tradition, organisiert das CAPe im Frühling 2015 eine neue Ausgabe seiner Tanz-Biennale „Printemps Danse“, die durch ihre Vielfalt an aktuellen Tanzströmungen und nation-alen Produktionen besticht:

• Donnerstag, 12. & Freitag, 13. Februar | 20:00 Play Time | Jean-Guillaume Weis

• Sonntag, 1. März | 16:00 Il était une chaise | Compagnie Nathalie Cornille

• Freitag, 20. & Samstag, 21. März | 20:00 Duo con Piano | G. Celestino und A. Derossi

• Samstag, 28. März | 19:00 Bal Tango | La Tipica Roulotte Tango |

• Donnerstag, 30. April | 20:00 Carmina Burana | Spellbound Contemporary Ballet

Über den AutorDer gebürtige Luxemburger Max Tholl arbeitet beim Berliner Debatten-Magazin „The European“ und betreut dort das internationale Online-Maga-zin und das Kulturressort.

CA: Meine Vorgängerin, Ainhoa Achutegui, hatte eine besondere und persönliche Vorliebe für zeitgenös-sischen Tanz und diese teile ich mit ihr. Wir sind also gut aufgestellt um ein solches Festival zu organisieren. Außerdem gibt es die Erkenntnis, dass Tanz einen gewissen Stellen-wert in der heimischen Kultur ha-ben muss. Das „Printemps Danse“ ist unsere Möglichkeit auch der jungen Tanzszene eine Plattform zu bieten und ich kann nur hoffen, dass unser Erfolg sich positiv auf die Wahrneh- mung von zeitgenössischem Tanz hierzulande auswirken wird. [mT]

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pERFECTION INCLINÉE Une écriture chorégraphique qui efface aussi bien le féminin que le masculin, qui marque par ses puissantes inscriptions de contrastes : la danse de Li Hwai-min navigue en technicité et légèreté, prenant ses influences aussi bien à l’est qu’à l’ouest, entre le Japon, la Chine, les Etats-Unis et l’Europe.

KAROLINA mARKIEWICz

Li Hwai-min est un homme ambi-tieux et perfectionniste, semble-t-il. Né en 1947 à Taiwan, il est issu d’une famille d’intellectuels qui célèbre les arts et l’ouvre très tôt particulière-ment à la musique, la littérature, ainsi qu’à la danse. Ainsi, dès l’âge de cinq ans, ce futur prodige danse pour sa famille. En 1969, il quitte Taiwan et étudie la littérature et le journalisme aux Etats-Unis, où il redécouvre l’art chorégraphique de manière profes-sionnelle. Il s’inscrit au Martha Gra-ham Center of Contemporary Dance pour un stage d’été et y finalise par la suite, un diplôme. Grâce à ce parcours, inexorablement parfait et fluide, il intègre deux cultures diamétrale-ment opposées, en particulier en ce qui concerne la danse. D’ailleurs, au début de sa carrière, dans les années soixante-dix et après son retour à Tai-wan, il passe avec sa compagnie une période très « chinoise », où il ne crée des spectacles qu’en songeant au →

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1.

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© Miikka Heinonen

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public taiwanais, auquel il révèle la danse contemporaine. En parallèle, il réussit cependant à créer une iden-tité particulière pour cette com-munauté. La danse est, en ce sens, un transcripteur, un véhiculeur de culture : Lin Hwai-min la définit en fonction de ses besoins et de sa propre compréhension identitaire. En effet, il semble avoir longtemps cherché à maîtriser ses racines, incluant dans ses chorégraphies tous les éléments dan-sés qu’il connaît ou qu’il découvre : opéra traditionnel chinois, médita-tion bouddhiste, arts martiaux, thaï chi, les danses rituelles aborigènes taïwanaises, mais aussi le ballet clas-

sique. Il intègre tout, créant ainsi des spectacles monumentaux qui transpirent la perfection. Au fil des années, il réussira cependant à es-tomper ces ancrages culturels.

C’est en ce sens aussi que Water Stains on the Wall, créé en 2011 et représenté à travers tous les grands théâtres du monde, est intrigant : ce spectacle est non seulement exécuté de façon magistrale, mais il apporte une mise en commun harmonieuse de deux univers, de deux cultures, de deux philosophies – asiatiques et occi-dentales – et de deux genres, faisant évoluer des personnages androgynes,

vêtus de costumes fluides. Il réussit ainsi à faire se nouer les éléments entre eux, sans cependant que les danseurs sur scène ne se touchent. Ceux-ci évoluent sur un plateau in-cliné à huit degrés, immaculé, qui rappelle la feuille de riz sur laquelle on appose une autre danse, celle de la calligraphie. Des soli, des duos ou encore des trios élégants portent vers l’abstraction une légende à laquelle le titre fait d’ailleurs référence : une célèbre discussion entre deux maî-tres de l’art calligraphique, issus de la Dynastie Tang (618-907), qui établît

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theatres.lu

rendez-vousWATer sTAiNs oN The WAll

Vendredi 27 et samedi 28 mars | 20:00Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg 1, Rond-Point Schuman | L-2525 Luxembourg

Concept, chorégraphie et scénographie : Lin Hwai-minCréation musicale : Toshio HosokawaCréation lumières : Lulu W.L. LeeCréation costumes : Lin Ching-juProjections : Ethan Wang

Coproduction : National Chiang Kai-Shek Cultural Center, R.O.C. (Taiwan), Esplanade – Theatres on the Bay (Singapore), « Movimentos Festwochen » der Autostadt in Wolfsburg (DE).

photos1. / 2. Cloud Gate Dance Theatre of Taiwan / Lin Hwai-Min, Water Stains on the Wall, © Thomas Ammerpohl, 2010

A propos de l’Auteur Karolina Markiewicz est enseignante, journaliste et critique d'art indépendante. Elle est diplômée en sciences politiques et philosophie et a, en outre, suivi des cours d'études théâtrales à la Humboldt Universität de Berlin. Elle est membre de l'Association Internationale des Critiques d'Art Luxembourg et du jury presse du « Discovery - Luxembourg City Film Festival ». Elle est correspondante en théâtre, danse, film et art contemporain, notamment pour l'hebdomadaire « d'Lëtzebuerger Land » et pour « Mouvement ».

ces « gouttes d’eau sur le mur » (water stains on the wall), résultat d’un long processus évolutif naturel, organique et fluide, comme métaphore de cet art hautement esthétique qu’est la calligraphie.

En partant de cette image couplée à cette vaste idée de perfection, le spectacle crée des séquences sub-limes grâce à une technicité specta-culaire. Le chorégraphe Li Hwai-min est et reste avant tout un danseur, qui permet à ses interprètes d’atteindre perfection, beauté et justesse du mou-

vement, D’aucuns ne s’y retrouveront peut être pas, puisque tout y est par-fait – Alastair Macaulay du « New York Times » voyant même dans le travail de Li Hwai-min une course étrange à un « Oscar de la danse ». [Km]

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2.

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mAppING THE SpACE: A pEEK INTO SITE-SpECIFIC pERFORmANCE pRACTICESProductions outside of the traditional theatre space have been at the forefront of innovative performance pieces, coining such terms as site-specific, site-responsive or site-immersive. But what exactly do these performance practices entail, and how do they re-negotiate the relationship between spectators and performers?

LARISA FABER

After graduating from drama school I was lucky enough to be part of two unusual productions set in alternative spaces: Sonnet Walks, a promenade piece devised by Mark Rylance in part-nership with Shakespeare’s Globe, and Absent at the Royal Opera House, devised by Brighton-based company dreamthinkspeak. Both productions were eye-opening experiences, which allowed me to explore performance outside of the proscenium arch set-ting. The concept for Sonnet Walks, for instance, was that spectators were given a map with a path leading them through historic London to the

1.

Globe, discovering Shakespeare’s son-nets along the way. The actors were to integrate the sonnets into their specific location and could spot the audience by long-stemmed white roses, which came in a package with the map and the general sense for ad-venture. The relationship between the performers, the text, the space and the audience was fluid, bursting with sto-rytelling opportunities. This fluidity of styles, ownership and narrative is integral to site-specific work. In Luxembourg, artist collective MASKéNADA has been experiment-ing with hybrid performance practices

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Page 27: d - Au-delà de la danse # 1

2.

4.3.

in site-specific settings since 1995. Devised site-responsive productions such as PLAN(g) B (2013, Luxem-bourg-Bonnevoie) or it felt empty when the heart went at first but it is alright now by Lucy Kirkwood (2014, disused Ori-ent Shop, Hamilius) were designed with the respective spaces in mind and fed off their surroundings. Anoth-er characteristic of these productions was that the set-up allowed the spec-tators’ and the characters’ worlds to merge: the spectators became part →

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Page 28: d - Au-delà de la danse # 1

of the characters’ world and were with the performers in the production.

British companies dreamthinkspeak and Punchdrunk chose large multi-storey buildings as settings for their pieces Before I Sleep (2010-2011) and The Drowned Man: A Hollywood Fable (2013-2014) respectively. In contrast to a production like PLAN(g) B, where the space provides the set, these pro-ductions were defined by intricate custom-made sets and props, span-ning various floors, which could be seen as large art installations in their own right. Both productions were inspired by classical texts, Chekhov’s The Cherry Orchard and Büchner’s Woyzeck respectively, and both shows gave their site a new fictional identity: an abandoned department store and a Hollywood film studio. While the play texts did not feature as such, they provided the show’s core themes and images, which the spectators were im-mersed in. I still vividly recall a large floor full of cut-down cherry trees in Before I Sleep, which seemed to encap-

sulate Chekhov’s play in one striking metaphor.

All of the above-mentioned produc-tions have one major feature in com-mon: they place the audience in a completely different position. The spectators becomes active, shaping the show they are seeing. In The Drowned Man the audience were made to wear white masks, then sent off to roam the space with performers looping multiple narratives. Audience mem-bers could decide to follow just one character, or switch, found themselves sometimes completely on their own and sometimes in a cloud of eerie white masks. A quick anecdote related to The Drowned Man: while the show was still on, I attended a workshop with the company. Quite a few of the participants had seen the production more than once, some of them had even pulled a double, i.e. two shows in a row resulting in up to six hours of theatrical discoveries. No two shows were the same. The production has created such a following that eager

6.

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fans set up a Facebook group to share discoveries, from minimal prop details to new-found performance moments.

As a performer, such practices carry incredible artistic freedom. They tear down conventional barriers and place both performers and spectators in an altogether unusual set-up. There is an inherent element of excitement, surprise and adventure as the narra-tive is being written on the night. The audience members gains a certain amount of ownership over the perfor-mance they are experiencing. These performance practices allow the spec-tators to write their own narrative, which will be intrinsically unique. [LF]

Printemps Danse 2015

JEUDI 12.02 À 20H (PREMIÈRE)VENDREDI 13.02 À 20H

Play TimeDance Theatre Luxembourg

Jean-Guillaume Weis / Marc Fol / Jean Muller

DIMANCHE 01.03 À 16H

Il était une chaise Compagnie Nathalie Cornille

Ciné-danse jeune public

VENDREDI 20.03 ET SAMEDI 21.03 À 20H

Duo con PianoGianfranco Celestino / Annalisa Derossi

SAMEDI 28.03

Bal TangoLa Tipica Roulotte Tango

JEUDI 30.04 À 20H

Carmina Burana Spellbound Contemporary Ballet

CRÉATION

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photos1. / 2. Punchdrunk, The Drowned Man: A Hollywood Fable © Birgit & Ralf, 2013 3. / 4. dreamthinkspeak / Tristan Sharps, Before I sleep © Jim Stephenson, 2010 - 2011 5. Lucy Kirkwood / MASKéNADA / Rafaël Kohn, It felt empty when the heart went at first but it is alright now © Misch Feinen, 2014

About the Author Larisa Faber was born in Romania and raised in Luxembourg. She trained at Drama Centre London. Credits include: PLAN(g) B, Fräulein Else & Leutnant Gustl, it felt empty... (all with MASKéNADA), Frrrups (TRAFFO_CarréRotondes), Bout’Chou (Philharmonie), Olga’s Room (Arcola Theatre London / Neimënster) and Der Revisor ("Ruhr-festspiele Recklinghausen" / Théâtre National du Luxembourg). Larisa is co-artistic director of bi-national theatre company Speaking in Tongues and member of MASKéNADA.

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« d - au-delà de la danse » est publiée par le :

TROIS C-L - Centre de création chorégraphique luxembourgeois 12, rue du PuitsL-2355 LuxembourgT (+352) 40 45 [email protected]

L’Équipe du TROIS C-L :Bernard Baumgarten (Directeur artistique)Veronika Meindl (Directrice administrative)Jérôme Konen (Coordinateur de projets)

Notre Bureau exécutif :Robert Bohnert (Président)Christiane Eiffes (Vice-Présidente)Emmanuel Servais (Trésorier)Lydia Bintener (Secrétaire)Carlo Hourscht (Membre consultant)Marie-Laure Neiseler (Membre)Florence Ahlborn (Membre conseiller)

Nos partenaires nationaux :

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rien de plus simple !

• En ligne : www.danse.lu• Par E-Mail : [email protected]• Par courrier : TROIS C-L

12, rue du Puits L-2355 Luxembourg

retrouvez le prochain numéro le 25 mai 2015.

« d – Au-delà de la danse »Rédacteurs en chef :Jérôme Konen, Séverine ZimmerConception initiale :Elvire BastendorffConcept graphique :Julie ConradMise en page :Tessy Margue

Ont participé à ce numéro :Florence Bécanne, Larisa Faber, Roland Huesca, Karolina Markiewicz, Nathalie Ronvaux, Max Tholl

Impression :Imprimerie Centrale, LuxembourgTirage :3.000 exemplairesDistribution :Luxembourg et Grande-RégionVersion numérique :www.danse.lu

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LE mOT DE FINIl va bien arriver un moment ou on va toucher le fond et remonter, hein ?

On égrène désormais sans complexe – on dit prendre les responsabilités de l’avenir. Et c’est bien de prendre ses responsabilités, c’est utile – mais avec quels moyens, au détriment de qui ?

Récemment, à l’appel du 10 décem-bre, au Théâtre de la Colline, à Paris, la chorégraphe Maguy Marin lançait un appel émouvant et plein de sens. Elle disait entre autres que l’art, les arts en général, sont là pour surpasser la dureté du quotidien, mais aussi pour faire face à la réalité civile, à son ap-préhension, sa compréhension. Elle rappelait qu’au prétexte d’une crise appelée économique, mais qui sem-ble principalement être une crise de la répartition des richesses, on ef-face la possibilité pour nos jeunes d’apprendre, de pouvoir mettre les choses dans un contexte plus large et surtout de pouvoir s’exprimer. J’ajouterais ici, autrement que par la colère ou la violence. Maguy Marin, dans son analyse ne s’étonnait pas de la résurgence des mouvements d’extrême droite et ce dans toute l’Europe.

Jean-Marc Adolphe, journaliste, spé-cialiste de la danse et fondateur de la revue « Mouvement » quant à lui, sur son blog « Mediapart » (en date du 18 décembre) lançait un appel fort, cette fois-ci européen. Celui de marquer son désaccord face aux fer-metures de lieux, aux coupes budgé-taires drastiques, aux coupes dans les programmes de différentes grandes maisons. Parce que oui, la danse a tout simplement été rayée du pro-gramme de la Monnaie à Bruxelles – dans LA capitale de la danse. C’est désormais un symptôme indéniable, celui que rien ne va plus. Anne Teresa de Keersmaeker, touchée de près, l’a commenté : « L’annonce de la direc-tion de la Monnaie de supprimer toute sa programmation danse me frappe d’incrédulité. La danse fait his-toriquement partie de la mission de la Monnaie. Après l’époque glorieuse

du duo Béjart / Huisman, le budget de la danse a été systématiquement réduit. La Monnaie, d’abord sous la direction de Gérard Mortier puis sous celle de Bernard Foccroulle, n’a cessé de diminuer ses investissements dans la danse. À présent, Peter De Caluwe supprime tout. Cette évolution op-pose un contraste criant au statut de capitale internationale de la danse de Bruxelles.

Depuis trente ans déjà, Rosas donne ses spectacles de danse dans des mé-tropoles comme Paris, Londres, Ber-lin, Amsterdam, New York, et, en Bel-gique, à Anvers, Gand et Bruxelles. La décision de Peter De Caluwe implique que Rosas n’aura désormais plus de « maison » pour l’accueillir à Brux-elles. Cherche-t-on à me faire passer le message que je dois chercher un autre lieu / une autre ville ? »

Il semble que les moyens manquent, et pas juste les moyens économiques, mais également ceux d’un dialogue pour envisager un avenir économique

viable, en conservant au maximum les acquis sociaux ; un avenir serein en général, et ce pour une large majorité. Les moyens ne sont pas les bons, parce que la méthode est mauvaise. Les manifestations ou les soulèvements de voix sont sans doute utiles pour recommencer à parler, recommencer à vouloir trouver des solutions. Mais il faut à tout prix un travail de réflex-ion, il faut l’organiser vite et partout, à tous les niveaux. Il faut renouer ce dialogue défaillant entre le terrain et les dirigeants. Car il s’agit là également d’une prise de responsabilité néces-saire. La masse critique, celle qui vote, se réveille, elle recherche le dialogue. Et puis, il le faut également parce que, comme disait encore Maguy Marin, nous, on est un peu « foutus » et qu’il est maintenant question de nos jeunes. Et tous, on préfère les voir sur des plateaux de théâtre ou dans le pub-lic des différentes pièces d’Anne Teresa de Keersmaeker, que partir s’engager pour des causes extrêmes.

Karolina markiewicz (19.12.2014)

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photos1. © Bohumil Kostohryz

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MARSJANVIER

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LIEUX DE REPRÉSENTATION

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SOmmAIRE2Éditorial

4Le conte danséFlorence Bécanne

6La danse, un art vivant ! et la littérature ?Nathalie Ronvaux

8Quêtes multiplesSéverine Zimmer

13Danse des orificesRoland Huesca

16Mouvements cristallisésEntretien avec Camille Mutel | Par K. Markiewicz

20„Barrieren, die es einzureissen gilt“ Interview mit Carl Adalsteinsson | Von Max Tholl

23Perfection inclinéeKarolina Markiewicz

26Mapping the space: a peek into site-specific performance practices Larisa Faber

30Mentions légales

31Le mot de fin

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Au-delà de la danse

janv. - mai 15

Nr. 1

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