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RENFORCER LA CAPACITÉ DE RDT DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT ÉLÉMENTS D'ANALYSE STRATÉGIQUE Contrat B7-651O/96NIII/S&T/Coordination par MM. R. Waast, G.J.Gül, V. Dollé, experts; Jérôme Claude, junior expert. Version révisée suite au Comité de pilotage par les experts des Etats membres (3 Décembre 1996)

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RENFORCER LA CAPACITÉ DE RDT

DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

ÉLÉMENTS D'ANALYSE STRATÉGIQUE

Contrat B7-651O/96NIII/S&T/Coordination

par MM. R. Waast, G.J.Gül, V. Dollé, experts; Jérôme Claude, junior expert.

Version révisée suite au Comité de pilotage par les experts des Etats membres (3 Décembre 1996)

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Ce texte comporte cinq chapitres:

1 : Concepts et défmitions

2 : Soutien à la RDT : l'action de quelques donateurs.

3 : Soutien à la RDT : qu'a fait la Commission?

4 : Enjeux et défis.

5 : Conclusion et suggestions.

et trois Annexes:

A. Tableaux comparatifs (Union Européenne, Canada, Etats-Unis, France, Suède)

B. Fiches donateurs (Union Européenne, Canada, Etats-Unis. France. Suède)

C. Eléments bibliographiques.

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RESUME

Tout responsable de l'aide publique au développement a trois raisons de s'intéresser à laRecherche et au Développement Technologique aujourd'hui :

1) L'innovation (donc le développement) est de plus en plus liée à la RDT. Cela ne vaut passeulement pour les secteurs "de pointe".

2) Les savoirs, en particulier techniques et même scientifiques, sont désormais considéréscomme une ressource des nations. Ils sont indispensables pour attirer les coopérationstechnologiques, réussir les apprentissages techniques, concevoir des projets à jour. Cetteressource est capable d'effets multiplicateurs, et renouvelable avec des rendements croissants.

3) Dans un contexte incertain et changeant, tout responsable du développement (ou de l'aideau développement) a lui-même besoin de capacités d'analyse stratégique. Il doit disposerd'études concernant:

- les domaines sensibles d'intervention- la façon d'y mener opérations

Nous avons essayé de tirer leçon des expériences de coopération réalisées par quelques grandsbailleurs dans ce domaine (Canada, Suède, France, Etats-Unis; et bien sOr Union Européenne).

De la mesure des enjeux, et de la comparaison de ces expériences, nous tirons quelquessuggestions.

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Chapitre 1. Concepts et Définitions

Les mots employés sont marqués par l'histoire. Ils recouvrent des divergences dedoctrine sur les rapports Nord/Sud; et des oppositions, dans la stratégie d'aide audéveloppement. Ils sont susceptibles d'entendements divers.

Sans exhaustivité, et sans prétendre fixer le langage, nous attirons l'attention à la suitesur quelques concepts. Il s'agit de faciliter la lecture de ce rapport, en prévenant dusens dans lequel nous-mêmes emploierons ces notions à la suite. TI s'agit aussi d'établirquelques distinctions, qui nous semblent utiles pour favoriser le débat. C'est enfinl'occasion d'introduire notre sujet (quels soutiens accorder à la RDT, dans le cadre del'aide au développement ?) en rappelant les discussions qui s 'y rapportent.

Nous nous concentrerons sur quelques termes d'usage courant (aide, coopération,construction de capacités; développement. intérêt mutuel; RDT, sociétés de savoir...).

- Les astérisques (*) renvoient à une entrée du lexique.- Les références dans le texte renvoient à la bibliographie.

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AIDE

Le terme désigne tous transferts de ressources, hors marché, du Nord * au Sud.

- L'Aide a des contenus très divers. Une partie seulement (et pas la principale) esttournée vers le soutien au Développement. Mais il est aussi une Aide humanitaire(dont grande part est faite de dons alimentaires); une Aide militaire; une Aide"sécuritaire" qui l'accompagne l . Elles répondent à des objectifs diplomatiques oucaritatifs, instantanés, sans rapport avec un soutien au Développement (celui-ci est enprincipe de long terme, et vise à l'autonomisation de ses bénéficiaires).

- L'Aide publique au développement (APD) proprement dite fait l'objet d'un agrégat dela comptabilité nationale. En le comparant, dans les pays du Nord, au Produit NationalBrut (PNB) on construit un indicateur témoignant de l'intérêt que les gouvernements decette région portent aux problèmes du Sud (voir Tableaux annexés).

1 Le terme d'aide "sécuritaire" est emprunté au vocabulaire des USA. n désigne des financements accordés àdes gouvernements alliés. pour stabiliser leur position (hors coopération directement militaire).

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Aide à la science

C'est une partie de l'Aide au développement. G. Oldham (Oldham, 1996) propose dedistinguer :

- l'aide à la science, et

- les coopérations scientifiques *.

L'aide à la science recouvre les flux de ressources transférés aux PED, pour les aider àdévelopper leurs propres capacités scientifiques et technologiques (infrastructures,construction de capacités *; construction institutionnelle *);

La coopération scientifique (informelle entre chercheurs, ou plus organisée autour deprojets scientifiques) est une activité directe de production de nouveaux savoirs.La distinction a le mérite de différencier deux objectifs, qui relèvent de gestionsséparées. (Dans le cas de la Commission Européenne, le premier relèverait plutôt desDG VIII et lb, le second de la DG XII).

Comme nous le verrons, les deux objectifs n'ont de sens que l'un par (ou pour) l'autre.(Voir infra : § coopération scientifique *). Une question est donc celle de lacoordination des instruments mis en oeuvre.

Assistance (voir a contrario: intérêt mutuel *, œuvre commune *, et partenariat *)

L'Aide au développement (y compris l'aide à la science et au développementtechnique) a longtemps revêtu les formes d'une Assistance; voire d'une substitution auxinstitutions et aux compétences locales défaillantes.Historiquement, ce fut le cas sitôt après les colonisations. Plus généralement, cetteapproche accompagne une conception plutôt « technicienne» de l'aide audéveloppement (transfert * de résultats efficaces, hors apprentissage). Les expatriésvenus du Nord pour participer aux actions de développement ont d'ailleurs été désignéscomme des "Assistants techniques".

A partir des années 1970, cette approche est vivement combattue par des paysnouveaux venus à l'Aide (Canada, Suède, cf. fiches donateurs), qui y voient unobstacle structurel à l'autonomisation progressive des pays en développement.Par opposition, ils donnent priorité à la construction de capacités locales *, et mettenten avant le concept de partenariat *. Le terme d'assistance est tombé en désuétude. licomporte aujourd'hui une connotation péjorative. L'approche techniciste n'a pasdisparu pour autant; elle est sous-jacente à nombre d'actions actuelles, dites de"Coopération" .

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Construction/renforcement des capacités

C'est le concept opposé à celui d'Assistance. La construction locale de capacitésScientifiques et Techniques apparaît comme un préalable aux partenariats * en matièrede RDT. Elle s'étend à de nombreux domaines : formation à l'entrepreneuriat, aumanagement (y compris au management de la S&n; éducation technique ;apprentissage technologique; popularisation des savoirs... La politique deconstruction de capacités consiste à miser sur le développement des ressourceshumaines, considérées de rendement croissant, plus que sur l'exploitation de ressourcesnaturelles. Les indicateurs mondiaux actuels montrent que cette stratégie, si elle estmenée avec persévérance, est robuste et de bon rapport.

Construction et renforcement institutionnels

Peut-on miser sur les talents personnels, sans ou avant d'aménager un environnementdurable pour les former et les entretenir? Certains donateurs (voir fiches donateurs:Suède) veulent d'abord aider à l'épanouissement de pratiques gestionnaires, de cadresréglementaires, favorisant l'initiative et l'expression des talents, ainsi que l'esprit deréalisation.Leur soutien se porte volontiers vers des institutions choisies, appelées à devenir desinstitutions-phares qui sauront s'autonomiser (y compris des aides extérieures etgouvernementale). Mais la construction institutionnelle ne se limite pas au soutiend'établissements particuliers. Son ambition n'est pas de protéger des enclavesperformantes. Mais de faire tâche d'huile, en aménageant peu à peu le milieu ambiantpour qu'il se prête à l'efficacité.

- Notons que, sous le même vocable, certains donateurs pratiquent l'exportation deleurs propres institutions ; c'est une pratique différente, qui a donné des résultatsmitigés (voir chap. 2 : Que font différents donateurs; notamment Etats-Unis).

COOPERATION

Le mot de Coopération est ambigu. il remplace en France celui d'Aide (connotécomme condescendant). Au sens propre, il désigne la collaboration à une oeuvrecommune*. TI connote (mais c'est à préciser cas par cas), l'équité, la solidarité oul'intérêt mutuel *. En pratique, la "Coopération", politique par laquelle des pays duNord apportent leur contribution au développement de nations moins "avancées", secompose de beaucoup d'opérations à sens unique (transferts de fonds, de techniques...),négociées dans la dissymétrie.Le mot "Coopération" réfère à des objectifs variés. TI ne recouvre pas la seulepréoccupation de développement. TI est devenu synonyme d'Aide *, ou d'entreprisecommerciale conjointe. Il demande à être qualifié.

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Coopération au développement

Sa meilleure qualité est de faire preuve de constance. Son approche peut être plustechniciste (transférer des techniques); ou plus centrée sur la ressource humaine(construire des capacités et des institutions locales, n'agir qu'en partenariat). L'objectifest en tous cas d'amener les bénéficiaires à s'autonomiser ; il s'agit de déclencher desdynamiques endogènes, plus que d'aider à survivre dans un état de pauvreté.

Les domaines d'intervention sont multiples: ils ont été longtemps centrés sur la mise àdisposition d'infrastructures (Universités, hôpitaux, transports, périmètres irrigués...); surl'accroissement des productions (notamment agricoles); sur le "service" et la satisfactiondes besoins de base (santé. alimentation).Une révision de la stratégie est en cours. Elle tient compte de la redistribution des rôlesentre acteurs (production : privée; connaissance et aménagement des milieux : publique);de l'impératif d'internationalisation des échanges; et de préoccupations globales (enparticulier celles perçues au Nord comme importantes, concernant l'environnement, lecontrôle démographique, les risques de pandémies...)..

Coopération économique

La coopération économique relève d'interventions publiques, en ce qui concernel'aménagement des échanges (libéralisation, garantie de débouchés aux exportations depays en développement, négociations sur la propriété intellectuelle...). Les entreprises,privées ou semi-privées, paraissent mieux placées pour coopérer à la production. Ontend aujourd'hui à bien différencier ces responsabilités.

Précédemment, les donateurs se reconnaissaient une responsabilité dans les objectifs deproduction. lis appelaient à y collaborer des entreprises du Nord qu'ils subventionnaient,encadrant leur action. L'approche actuelle est de laisser libre cours aux motivationspropres de coopération des fIrmes (implantation sur de nouveaux marchés; recours à dutravail à bon prix, compte tenu de sa qualifIcation; captation de savoirs rares : voircoopérations technologiques *). Mais il n'est pas sûr que la puissance publique compenseson désengagement de la production par un engagement accru (fût-il seulementdiplomatique) dans l'aménagement de milieu qui facilite le travail des entreprises. Elle negarde pas toujours non plus les moyens de corriger les biais spontanés d'intervention desentreprises (collaboration préférentielle avec des pays émergents; faible exploration desentiers technologiques originaux; rétention des savoirs - surtout quand les partenairesméconnaissent le domaine et ne sont pas rompus à l'apprentissage technologique).

(Pour une analyse à jour de ces questions, on consultera: M. Callon 1996, et R. Coward, 1996).

Coopérations scientifiques

Ces coopérations se distinguent de l'aide à la science *, même si elles en sont lecomplément. Elles visent à créer de nouveaux savoirs (fondamentaux, élargissant lepouvoir-faire; ou appliqués, l'adaptant).Elles présupposent l'existence de milieux de spécialistes locaux, acteurs effectifscapables de se poser en partenaires. Elles contribuent à les entretenir.L'aide à la science en est le préalable (pour construire les capacités scientifiques), etl'accompagnement (par des actions de "maintenance", qui rendent plus efficace lapratique de la recherche: équipement en ordre de marche, accès à une information à

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jour, mise en réseaux régionaux ou mondiaux, échanges réguliers avec les pairsinternationaux; et des actions de "préservation" : assurance de conditions de viedécentes, lutte contre l'exode des cerveaux...).Symétriquement, il ne sert guère de construire des bâtiments, de les équiper, de lespeupler de compétences et de préparer l'institution à l'efficience, si ses membres sontprivés de pratique, dissociés de la communauté scientifique mondiale, et jugés surd'autres critères que leur perlormance professionnelle... Les deux actions sont doncindissolubles - même si elles relèvent de gestions différentes, dont on doit toutefoisexiger la cohérence.

Les coopérations proprement scientifiques, après avoir subi quelque désintérêt (unluxe, selon certains économistes) suscitent à nouveau l'attention de plusieurs bailleurs.Ceux-ci sont inquiets du délabrement des appareils nationaux scientifiques,difficilement construits au cours de trois décennies précédentes. ils sont persuadés qu'ilfaut préserver certaine recherche fondamentale ainsi que des capacités scientifiquesautonomes dans les pays en développement, pour construire de réels partenariats,guider les choix politiques, entretenir une veille techno-scientifique planétaire, etpermettre une appropriation et une adaptation locales imaginatives des ressources de lascience. Cette prise de conscience gagne du terrain au sein de la Banque mondiale, etde plusieurs Fondations importantes.

Coopération technologique

La coopération technologique s'entend dans un sens précis.Elle ne se confond pas avec l'assistance technique, consistant pour l'aide publique oucaritative à mettre à disposition des cadres expatriés, chargés de transférer et d'adapterdes techniques (en partenariat ou agissant en substituts).

La coopération technologique est généralement menée par des firmes, avec desobjectifs commerciaux. Son principe est l'intérêt mutuel *, souvent de court terme.L'intervention publique se concentre ici sur des mesures d'accompagnement (effortpour influer sur les législations, négociation d'une protection de la propriétéintellectuelle...) (Coward, 1996).

La coopération technologique peut aussi résulter d'une intervention de la puissancepublique, qui organise des consortiums de fumes et de laboratoires de recherche autour dethèmes précis. TI peut s'agir de développer des technologies, high tech ou pas, malmaîtrisées dans des niches que les grandes fumes ont peu tendance à explorer (dans ledomaine du développement : vaccins contre des maladies tropicales, sanitaires devillage...). li reste que les objectifs des fumes orientent cette forme de coopération. Celle-ciest conduite avec des homologues du Sud, selon les critères de l'intérêt mutuel *. Lorsquela puissance publique est intervenante, l'intérêt attendu peut être différé: exploration depanenariats, tâtonnement sur des procédés, exploration de techniques génériques. TI n'en estpas moins guidé par le marché.

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DEVELOPPEMENT

Le développement est un processus social, politique, économique (croissance,répartition). L'aide qui lui est apportée vise à favoriser l'éclosion de dynamiquesvertueuses sur tous ces plans, en tenant compte de l'état du monde - actuel etprospectif. Par sa visée de long tenne, elle se distingue des objectifs diplomatique,caritatif ou commercial à court tenue.

Développement durable

L'expression de "développement durable" apparaît après le sommet de Rio. Elle réfèreà la nécessité que toute la planète coopère à sauvegarder l'environnement. Elle désignecette question comme l'un des secteurs d'interdépendance réelle avec les pays endéveloppement. C'est donc un énoncé condensé pour "l'entreprise d'actions decoopération au développement, qui contribuent de façon durable à la sauvegarde del'environnement planétaire".Depuis cinq ans, cette orientation a fortement transfonné l'offre d'aide que lesdonateurs proposent. TI est naturel que la coopération internationale se positionne endes zones d'intersection d'intérêts. Mais on peut trouver excessive la restrictionenvisagée par certains donateurs de toute leur action à la mise en oeuvre de l'agendavingt et un 2.

Pour dissiper l'équivoque, il serait peut-être meilleur de penser l'aide comme unecontribution aux efforts de développement viable, s'auto-entretenant.

INTERET MUTUEL

La soumission des coopérations au principe de l'intérêt mutuel s'oppose à la pureAssistance *. Cet intérêt doit être reconnu par les partenaires (gouvernements,entreprises...). Cela suppose qu'eux-mêmes parient sur l'innovation technique; et qu'ilsaient en la matière une politique affichée. Le principe rejoint une leçon de l'Histoire:sciences et techniques n'ont été solidement appropriées, loin de leurs foyers deproduction, que dans la mesure où élites et pouvoirs locaux en témoignèrent la volontédécidée.Mais la capacité contributive des pays est variable; de même que leurs dispositionsimmédiates à l'égard de la science, des scientifiques, et de l'innovation. TI n'est pasraisonnable d'exclure pour ces raisons nombre d'entre eux de tout programme decoopération et d'aide à la science. Des fonnules sont à imaginer, des procédures deconcertation, conduisant à leur participation à des programmes mobilisateurs conjoints,sur objectifs précis3 •

- Compte tenu de cette difficulté, le vocable d'intérêt mutuel s'applique le plus souventà des coopérations technologiques, nouées par des finnes, avec objectif commercial,entre économies émergentes et industrielles.

2 a. fiches donateur annexées: Canada.3 Voir fiches donateur annexées: Union Européenne.

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Oeuvre commune

Mêmes remarques. TI faut savoir que la notion s'applique généralement à une "jointventure" entre firmes, pour développer un produit ou un process nouveau. Cetterestriction n'est pourtant pas inévitable. Un effort d'imagination est à faire, pour définirdes questions d'intérêt mutuel dont les solutions seraient développables dans les deuxpays (l'un des deux fût-il industriel, l'autre pas).

Partenariatvoir: Aide, Assistance, Coopération, Coopération technique

Substitutionvoir: Assistance, Coopération technique, Transfert

NORD/SUD, Pays en développement (PED), Tiers Monde.

Le vocabulaire a significativement évolué dans l'histoire. Selon G. Balandier (1996) :Dans "Tiers-Monde" (expression forgée au temps des Indépendances), "l'accent principalest d'ordre politique (libération) et culturel (identité)....La politique de non alignement atémoigné de l'orientation vers plus d'autonomie sur la scène internationale""Pays en développement accentue l'aspect économique, la recherche du progrès par lacroissance et la modernisation". La formule admet aujourd'hui de multiples déclinaisons(Pays moins avancés, Pays intennédiaires, Economies émergentes...)"Pays du Nord/du Sud suggère le jeu de forces et de conditions d'action inégales dans lecadre de l'économie mondiale en voie d'unification. La distinction est métaphorique: le Sud(géographique) comporte un Nord intérieur Oes économies émergentes), et le Nord un Sudintérieur (celui des marginalités économiques et sociales, désertées par la modernité). Lelangage de la "modernité" a d'ailleurs le mérite de déplacer l'accentuation vers lesprocessus, qui la réalisent et qui en accroissent le dynamisme; au premier rang desquelsceux qui tirent leur force des avancées des techno-sciences".

Dans la suite de ce texte, nous retiendrons le plus souvent l'expression: "Nord/Sud".

RDT (Recherche et Développement Technologique)

L'évolution présente fait ressortir l'existence d'un continuum, entre la création deconnaissances et le développement de technologies qui les mettent en oeuvre.

La vieille opposition entre science fondamentale et application est ainsi battue en brèche,ainsi que les vieilles formes d'organisation du travail technique et scientifique (gestionautonome de communautés scientifiques académiques, affinité de l'appareil scientifiqueavec les projets technologiques ambitieux - souvent militaires - et sans marché, défiance etméconnaissance mutuelles entre les deux mondes Universitaire et Industriel...)Le retournement n'est peut-être pas si bouleversant: faut-il rappeler que les savants de cedébut de siècle (Pasteur, ou Curie, pour prendre des exemples français) travaillaient enliaison quasi-constante avec l'industrie? Plus que jamais on constate que la recherche et ledéveloppement technologique sont entrelacés - et que s'ils ne le sont pas des dispositifs lesrapprochant sont indispensables pour assurer le progrès de l'une et de l'autre.

De ce constat est née l'expression de "RDT" : elle fait de l'espace techno-scientifiqueun seul et même domaine à gérer de façon cohérente.

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Malgré certaines lectures (hâtives) de l'expérience menée par quelques économiesémergentes (la "séquence inverse" des "dragons" asiatiques), le diagnostic vaut pourl'ensemble des pays en développement. Elle est même enrichie d'une leçon précisémentvenue des "dragons" : l'essor de la RDT ne peut se déployer sans investissementpersévérant dans l'éducation, celle de base comme l'enseignement technique.A l'époque où l'avantage comparatif semble durablement devoir revenir aux sociétés desavoir * , conduire de façon décidée une politique d'aide à la RDT est certainementstratégique. Mais il faut y voir une oeuvre complexe, qui dépasse l'investissementdirect dans les appareils de recherche. Elle comprend notamment:

- L'aménagement du milieu (voir: Construction institutionnelle *)- L'aide à la construction de capacités *- Le transfert * de techniques, et l'aide à l'apprentissage technologique 4

- Un soutien à l'innovation, à la mobilisation du secteur privé, à lavalorisation des résultats de recherche.- Et l'attention portée à la vulgarisation des sciences et techniques.

SOCIÉTÉS DE SAVOIR

On désigne sous ce tenne les communautés, les sociétés, les nations qui témoignentd'un intérêt soutenu pour l'appropriation de connaissances nouvelles, éventuellementempruntées.Toute société a bien sûr ses systèmes de représentation. Toute action met évidemmenten œuvre des connaissances. Toute production combine en particulier trois sortes desavoirs : pratiques, techniques (formalisés dans des manuels), scientifiques(susceptibles de parer aux aléas que les précédents ne maîtrisent pas). Cescombinaisons font preuve en général d'une grande inertie, avec laquelle doit composerl'innovation. Selon les communautés, le régime, l'organisation de la brancheéconomique et la période historique, la valorisation de la connaissance et le goût dusavoir varient fortement. Divers indicateurs montrent qu'il s'agit aujourd'hui d'unparamètre sensible du développement.

AvfX, recul historique, les indicateurs de développement social du PNUD font ressortir queles économies émergentes se caractérisent par leur investissement persévérant dansl'éducation. Nombre d'observateurs discernent la raison profonde du succès des « dragons ))asiatiques dans leur entreprise continue d'acquisition, de diffusion puis de construction desavoirs; et dans le consensus social qui valorise les efforts personnels et communautairesen ce sens. A contrario, les pays qui ont eu dans ces domaines des politiques versatiles oudésajustées accusent tous des retards qui s'aggravent.

Cette simple corrélation ne serait pas démonstrative. Mais le diagnostic s'appuie surdes analyses fouillées et explicatives, qui font aujourd'hui considérer que "les nationsqui développeront dans les prochaines décades une solide capacité à s'approprier et àutiliser les savoirs scientifiques et techniques acquerront un avantage décisif' (cf. Dalyet Ming Ivory, 1995). Cette proposition de base vient d'être reprise par le texte deréflexion, lancé sur le Web par la Banque mondiale et un consortium de Fondations(mené par la Fondation Carnegie), en prélude à un forum informatique mondialconcernant l'aide au développement (TechNet Think Tank).

4 .Sur l'apprentissage technologique. voir Arvanitis et al. 1993.

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TRANSFERT technologique.

C'est un volet de l'aide à la RDT, comme des coopérations technologiques.S'il s'agit d'un simple transfert de résultats, on se trouvera en situation d'assistance *plus que de partenariat *.S'il s'accompagne d'apprentissage technologique (Arvanitis et al. 1993), il contribuera à laconstruction locale de capacités, qu'il s'agit ensuite de consolider en culture debranches et d'entreprises.

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Chapitre 2. Hors Commission: que font d'autres donateurs? *

Ce chapitre exanùne quelle aide à la RDT apportent divers donateurs. Onpourra tirer parti de leur expérience; et leçon des changements où ils s'engagent.

Nous fonderons l'analyse sur le cas de pays ou d'institutions fortement engagésdans l'aide au développements. L'objectif est en effet de faire ressortir des approchestypiques (distinctives et accentuées), que permettent de lire une action étoffée. D'autrepart, les changements d'état du monde, post guerre froide, ont conduit les uns ou lesautres à reconsidérer leur aide et leur dispositif : une nouvelle ligne de partage endécoule.

Nous appuierons donc notre typologie sur quatre pays offreurs: le Canada, laSuède, la France, et les Etats-Unis. fis ont pris des positions marquées, et mis en placedes dispositifs qui en font des "modèles" éclairants. fis permettent de comprendre lagamme des politiques (généralement intermédiaires) qu'il est possible d'observer.

En première partie (les approches), nous distinguerons la Suède et le Canadade la France et des Etats-Unis. Nous examinerons:- les fondements de deux politiques (science partagée, ou science transférée)- les dispositifs inventés pour les traduire

En seconde partie (la révision des politiques), nous opposerons les payseuropéens (Suède et France, plus fermes dans leurs dispositions à l'égard des pays endéveloppement) aux pays américains (Canada, Etats-Unis, en reconversion).

En troisième partie (évaluations), nous examinerons les leçons tirées par lesdonneurs d'un changement du contexte et de l'évaluation de leurs programmes.

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* L'information contenue dans ce chapitre repose largement sur le travail d'enquête, actuellement conduit à cesujet par Jacques Gaillard. Un ouvrage est en préparation.

S Certains offreurs potentiels n'ont pas pour politique d'aider au développement. D'autres n'attribuent que faibleimportance à la RDT. lis y ont des raisons. que nous saisirons mieux en fin de chapitre. Mais leur dispositifd'intervention est trop restreint pour soutenir ici l'analyse.

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1) Deux politiques : partage de science, transfert de science.Suède et Canada versus France-Etats-Unis.

11. Les fondements.

111. Contribuer à la paix dans le monde.

La Suède et le Canada sont deux pays de taille moyenne, sans ambitionhégémonique, sans passé colonial, dont le territoire ne jouxte aucune zone sous­développée. Tard venus à l'aide au développement (mise en oeuvre dans les années1970), ils n'y sont pas moins vigoureusement impliqués. fis y ont fait figure derénovateurs, par leurs conceptions et par leur dispositif.

Le fort engagement Canadien dans la coopération au développement est mûpar le souci de Paix dans le monde; et par deux idées : les pauvres sont les plusconcernés; leur accès à la science et aux avancées techniques est leur voie de progrèsla plus sûre6 • Depuis 1970, l'Aide Publique au Développement (APD dans la suite de ce

texte) s'est accrue jusqu'à absorber 0, 5 % du Produit National Brut (PNB). En son sein,la Recherche pour le Développement Technologique bénéficie d'une forte priorité 7 •

C'est que, pour la Coopération Canadienne, la première tâche est de créer chez lesbénéficiaires une capacité de prise en charge de leurs propres problèmes - dont lasolution massive ne peut venir que d'une culture scientifique et de solutionstechniques.

La Suède a une position proche. Depuis vingt ans, elle consacre à l'aide audéveloppement près de 1 % de son PNB : en proportion, cinq fois plus que les Etats­Unis. C'est devenu part de l'identité du pays que de contribuer à la paix et à l'équitédans le monde, en s'efforçant d'y atténuer disparités, oppressions et aliénations. Ledéveloppement scientifique et technique est censé jouer un rôle à la fois culturel etopératoire dans ce processus. Le consensus politique est fort autour de cette politique.

Ces deux pays privilégient la stabilité du monde, notamment dans ses partiesturbulentes ou marginalisées. fis misent sur les ressources humaines locales. fisdonnent priorité à la constitution sur place et à la maintenance de capacités etd'institutions durables. Le potentiel de RDT leur parait un ferment de stabilisation et demodernisation: ils en soutiennent fermement la construction.

112. La grandeur et la responsabilité des puissances.

La France et les Etats-Unis ont un vieil engagement dans l'aide audéveloppement. La première est une ancienne puissance coloniale, qui n'a pas voulubriser les liens avec son empire. Les USA (pays d'immigration) se sentent- concernéspar le monde et pénétrés d'une responsabilité planétaire (liée, depuis 1945, à leurposition de grande puissance).

6 C'est la doctrine de "l'internationalisme Pearsonien", du nom du Premier ministre qui l'impulsa dans lesannées 1960.7 15 % de l'APD lui sont attribués. Voir fiches "donateurs" annexées.

­...

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L'action des deux pays est nuancée par leur culture et colorée par l'histoire.Celle de la France tient au sentiment d'une dette historique à l'égard des peuplescolonisés; à l'idée d'une ancienne vocation à témoigner dans les relationsinternationales de grandeur et de générosité; et au souci de rayonnement culturel. Ladiffusion des sciences et techniques nationales en est l'un des emblèmes : lescoopérations scientifiques en particulier, offertes par des établissements de recherchegouvernementaux et largement subventionnées, sont considérées comme une missionde service public.

L'aide des USA au développement repose sur la confiance des américains dansleurs oeuvres et dans leurs institutions; sur le sentiment qu'elles sont exportables enl'état, et devraient permettre de résoudre les problèmes où qu'ils soient. Elle a diversmobiles : préoccupation humanitaire, espoir de nouveaux marchés; mais surtout,englobante, la peur des errements de la nature humaine : au départ, celle d'unedissémination du conununisme et de la révolution. Le rôle, important, accordé auxsciences et techniques tient à l'imprégnation de la société par leurs valeurs, à laconviction qu'elles sont la marque de la civilisation Occidentale, et que c'est d'elles quedérive la culture matérielle, enviée, des Etats-Unis.

12. Les dispositifs.

121. Suède et Canada des Agences centralisées pour la mise en oeuvre d'unepolitique globale.

Le dispositif imaginé par le Canada a servi de modèle à la Suède (mais aussi àl'Australie, et à plusieurs Fondations). li est centralisé: une Agence gère l'aide audéveloppement. Le rôle important accordé à la RDT a détenniné la création à ses côtésd'une seconde Agence, spécialisée dans ce volet. Au Canada, cette dernière porte lenom de CRDI; en Suède celui de SAREe.

Leurs champs d'action ne sont pas identiques. Au Canada, le CRDI concentre son action surla consolidation des capacités de recherche dans les pays en développement. C'est à l'ACDI(Agence d'aide au développement) qu'il revient de financer les études dont peuvent avoirbesoin ses propres projets; ainsi que des institutions de recherche multilatérales (GCRAI...), etmaintenant des jumelages universitaires nord-sud. La SAREC a toutes ces fonctions (sauf lapremière).

Le CRDI est une Agence autonome, administrée par un Conseil de 21 gouverneursdont moitié sont des personnalités scientifiques des pays du Tiers-monde. Le CRDI alargement contribué à révolutionner la conception de la coopération techno­scientifique. TI a opposé à la substitution le partenariat, à l'assistance technique lesouci de construction de capacités locales, à la coopération scientifique l'aide à lascience. L'exécution des travaux est confiée principalement à des équipes des paysconcernés, avec une faible implication des professionnels Canadiens. Cette optiondevait contribuer à résoudre le problème du lien recherche/développement : lespropositions éligibles ne peuvent émaner que de groupes locaux, précisant le problèmepratique à résoudre, les bénéficiaires-cible, et le lien établi avec eux. La coopérationCanadienne, centrée sur les producteurs directs de science, évite le plus possible lamédiation par les institutions et par les gouvernements.

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C'est sa principale différence avec la coopération bilatérale Suédoise. Celle-ci mise surle renforcement des systèmes nationaux de recherche.

Les projets agréés sont inscrits dans le cadre d'un soutien de longue durée à des institutionschoisies. L'initiative des propositions reviem à ces institutions, et aux chercheurs concernés,

avec l'aval de leur gouvernement.

La SAREC a signé des accords de coopération dans une quinzaine de pays,principalement avec des Universités (mais aussi parfois des Ministères de la rechercheou des gouvernements). Le pragmatisme de la SAREC l'a conduite à éviter si possibleles accords intergouvernementaux, qui entraînent souvent retards etdysfonctionnements. Mais pour aider à l'émergence de véritables politiques et prioritésnationales de recherche, cette option est en train d'être reconsidérée.

On pourrait résumer en disant que les deux Agences privilégient une voie de partage dela science, l'une en insistant sur la construction et la maintenance des capacitéslocales, l'autre sur la construction d'institutions locales spécialisées.

122. France et USA : Un polycentrisme d'initiatives, et des stratégies sectoriellesaffirmées.

C'est leur caractère diffus qui rapproche les dispositifs d'aide à la RDT, entretenus parla France et les Etats-Unis. En France, le système est largement piloté par leschercheurs engagés dans la coopération scientifique (ou par les institutions auxquellesils appartiennent). Aux Etats-Unis, l'aide publique transite par une Agence centrale(l'US-AID); mais de nombreuses Fondations privées agissent avec d'importants moyenset une vision indépendante. Importants (en termes de budgets et de personnesmobilisées), les deux dispositifs méritent une présentation séparée.

En France, les Ministères concernés (Coopération, Recherche, AffairesEtrangères) financent des centres de recherche spécialisés (ORSTOM et CIRAD),établis de longue date8 , étoffés, et fins connaisseurs des terrains sur lesquels ils sontinstallés. Leurs employés sont fonctionnaires, ou contractuels de longue durée, etstatutairement tenus à de longues périodes d'expatriation. L'initiative des programmesest largement laissée à l'appréciation des scientifiques, sous le contrôle a posteriori detutelles changeantes9 • Les opérations menées sont négociées entre institutions du Nordet du Sud, donnant lieu à convention. Elles sont périodiquement examinées par lesdeux gouvernements, en principe réunis en "Commission mixte" de coopération tousles deux à quatre ans.

Le dispositif est amplifié par l'intervention d'autres établissements nationaux de recherche,même si ce n'est pas leur vocation première. Le CNRS (toutes sciences), l'INSERM et

8 L'ORSTOM et le CIRAD comptent chacun quelque mille chercheurs. Le CIRAD est l'héritier lointain desinstituts coloniaux de recherche agronomique, spécialisés par produits. L'Orstom est l'héritier d'un Comitéchargé en 1943 de coordonner les recherches françaises dans l'empire et de combler les manques (Petitjean.1996).9 Après avoir longtemps dépendu du ministère de la Coopération. l'activité est depuis 15 ans rattachée à celuide la Recherche. Mais on ne saurait dire qu'un corps de managers de la recherche-développement se soitprofessionnalisé dans l'une ou l'autre de ces tutelles. à l'inverse de ceux qui se sont formés dans les Agencesanglo-saxonnes spécialisées.

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l'Institut Pasteur (sciences médicales), l'INRA (sciences agricoles) ont leur politiqueinternationale et leurs instruments spécifiques de coopération. Enfin, les Universités neforment pas seulement 17 000 étudiants de Pays en Développement inscrits en doctorat (etd'autres, à moindre niveau). Elles ont passé des conventions de collaboration avec leurshomologues du Sud; et nombre de leurs équipes de recherche sont engagées dans des travauxau Sud.

Au total, ce dispositif mobilise quelque 3 000 chercheurs en équivalent plein temps,sans compter les Universitaires. La diversité de ses critères de choix lui fait couvrir lemonde, et l'ensemble des problèmes du développement. Bien entendu, les Ministèresqui financent son action assortissent leur soutien d'un certain nombre d'orientations.Mais la permanence des institutions l'emporte sur les injonctions versatiles. Elle assureau système dynamisme et continuité. S'il s'élève périodiquement des voix pours'inquiéter d'un manque de stratégie globale (et de tutelle rapprochée), lesgouvernements se sont jusqu'ici entendus sur la nécessaire stabilité des fmancements,et la viabilité du dispositif.TI faut admettre toutefois que celui-ci se concentre sur la coopération scientifique. TI aquelques difficultés à se dévouer aux tâches de construction institutionnelle. Sesambitions sont d'abord celles de la découverte scientifique, de la création ou dutransfert de techniques, avec une forte exigence de qualité, et une préférence pour lacoopération avec les institutions déjà robustes.

Le dispositif d'aide américain a d'autres caractéristiques. Les fonds publicssont gérés par une Agence de moyens (lUS-AID), fondue dans le ministère desAffaires étrangères. Elle est chargée d'administrer, outre l'APD, l'aide alimentaire, etl'aide "sécuritaire". Chaque année, le Congrès examine ces trois aides de façon liée. TIles vise ou les refuse projet par projet et pays par pays. LUS-AID est donc trèssensible à la raison diplomatique - souvent de court terme - qui hiérarchise sespriorités.

il arrive que de lourds programmes soient fermés ou restent sans suite (l'aide se reportantailleurs). La raison de "sécurité" l'emporte souvent sur celle de "développement". Un turn-overimportant affecte responsables de postes locaux, et coopérants sur place. La compréhensionprofonde des situations locales en est rendue difficile, la mémoire institutionnelle réduite, lesprojets "nouveaux" sont incessants, mais sans grande suite. De ces traits structurels. lacoopération scientifique (exigeant une action de long terme) a le plus à souffrir (Busch etGaillard. 1993).

L'aide à la RDT n'en est pas moins importante, en valeur absolue. Elle a souvent pris laforme d'une assistance technique, voire d'une exportation de modèles institutionnels.L'idée est qu'il faut résoudre des problèmes, en contournant l'obstacle humain par latechnique. A condition d'explications (les programmes de vulgarisation feront l'objetd'un intérêt spécial), un homme nouveau peut alors émerger. Les projets sont négociéspar les représentants locaux de l'US-AID, à des niveaux élevés - gouvernemental ouinstitutionnel. L'innovation vient du haut. De nombreux spécialistes américains(surtout des universitaires) interviennent sur contrat (court et précaire), avec un certainniveau d'autorité dans les établissements où ils coopèrent. Les actions s'insèrent dansune grande variété de "Programmes", sectoriels et changeants.

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L'autre volet du dispositif américain, très décentralisé, repose sur l'engagement denombreuses Fondations. Avec une philosophie semblable, elles font preuve d'unevision à plus long terme. La Fondation Rockefeller a certainement été pionniére en lamatière (y compris du fait de sa vision pessimiste de la nature humaine suite à la criseéconomique des années 30; et à sa confiance dans les sciences "dures" pour y mettrede l'ordre). Implantant à sa charge et à l'étranger des enclaves de recherche, dirigéespar les meilleurs et fonctionnant aux normes américaines, la Fondation a inventé, nonsans succès, le modèle qui deviendra celui des Centres internationaux de rechercheagricole. La Fondation Ford a une tradition, ancienne aussi, de soutien à lavulgarisation et aux sciences sociales. Sa pratique est par contre de soutenir leschercheurs et les institutions autochtones. Une pléiade d'autres Fondations (Carnegie,Mac Arthur et tant d'autres...) s'intéressent aussi durablement au développement(notamment scientifique); et leur persévérance connue leur souci de réflexion lesrendent fort influentes.Le dispositif américain est donc lui aussi diffus, principalement tourné vers untransfert de science et de techniques; et pour sa partie publique, orienté vers le courttenne, et soumis aux aléas diplomatiques.

13. Les cibles (géostratégie et secteurs d'intervention).

131. Suède et Canada. Les pauvres. La construction institutionnelle.

Les choix Suédois ont depuis le départ privilégié les nations et les populations les pluspauvres. Ou celles en butte à une hostilité extérieure (Occidentale parfois), et lancéesdans un processus de "reconstruction" que le défaut de moyens rend fragile. On trouvedonc la SAREC là où bien souvent les autres ne vont pas. Cet engagement est durable:Afrique australe et orientale (mais ni au Kenya ni au Nigeria); Inde, Sri-Lanka et Viet­Nam en Asie; Cuba et Nicaragua en Amérique latine lO • L'objectif n'est pas desaupoudrer: plutôt de construire par points quelques pôles stables.Les projets essentiels visent à la construction institutionnelle. Ainsi sont financées desétudes du potentiel scientifique et technique national; ou des institutions de politique etde management de la science. Les programmes proprement de recherche s'inscriventdans le cadre d'un partenariat avec des Universités sélectionnées et continûmentsoutenues. Ils promeuvent les "sciences du développement", dans les classiquesdomaines de l'agriculture et de la santé. La SAREC a deux autres champs privilégiés:les sciences sociales; et - approche originale - une dose de sciences exactes, y comprisindustrialisation et technologie 11 • Le soutien à ces programmes n'intervient que pour"maintenir" les capacités scientifiques; mais l'aide à la construction institutionnellecomprend bien d'autres domaines (outils pédagogiques, bibliothèques, instruments dela communication; soutien à la gestion efficace; aide à l'innovation; aménagement d'unmilieu favorable ...)

10 Mais aussi Chili. Argentine. Uruguay. au temps des répressions dictatoriales et à celui de la convalescence.L'Asie a été attributaire de 20 % des fonds de coopération bilatérale. l'Afrique et l'Amérique latine de 40 %chacune. Voir fiche donateur. annexée.II En Afrique dans ce domaine sont par exemple soutenus des travaux sur les techniques et les politiquesénergétiques.

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La ventilation des budgets Canadiens (CRDI : 1970-1986) fait paraître des choixprogranunatiques analogues. Les progranunes soutenus sont très proches de larecherche-action; 43 % des ressources vont à la solution de problèmes d'alimentation­nutrition. La recherche en sciences sociales (économie, éducation, équité,démographie) absorbe 25 % des ressources. Et 15 % du budget revient au soutien desinfrastructures locales de recherche (équipement, fonctionnement courant,maintenance).La priorité est d'aider à satisfaire les besoins de base dans les pays les moins avancés.Un net privilège est allé à l'Afrique (du moins jusqu'en 1992); l'Amérique latine vienten second (un quart des budgets), puis l'Asie (15 %). La Méditerranée est l'absent demarque.

132. Etats-Unis et France. Les points d'appui d'une influence internationale.

La géopolitique française est resserrée. Suivant un récent rapport, 25 % dusoutien à la RDT hors métropole revient aux DOM-TOM, 35 % à l'Afrique(essentiellement francophone); moins de moitié se disperse dans le reste du mondel2 •

Le caractère ample et diffus du dispositif français fait que tous les thèmes sontabordés. Mais inégalement.

Héritiers d'instituts coloniaux largement ou totalement voués à la recherche agricole,l'üRSTüM et le CIRAD, deux pièces maîtresses, restent entièrement (Cirad) ou à moitié(ürstom) liés par cette orientation. 50 % de l'aide scientifique est focalisé sur l'agriculture. Lescultures commerciales, et l'approche par filière productive sont privilégiées. Un autre potentielimportant se voue à la lutte contre les maladies tropicales. Les Universités sont très activesdans le domaine des sciences sociales. Enfin, l'océanographie et les sciences naturelles (y

compris sous des aspects très fondamentaux) sont deux autres points forts du dispositiffrançais: plus que les sciences de l'ingénieur, et que les recherches technologiques au servicedu développement.

En général, il s'agit d'obtenir des résultats originaux et si possible utiles, quitte àsubstituer des partenaires insuffisants, ou des institutions défaillantes. La philosophieaméricaine de soutien à la RDT n'est pas très différente. Elle s'applique dans deuxsecteurs principaux. Conformément à l'idée qu'il faut contourner les problèmeshwnains, l'action se tourne vers l'obtention par la technique de sauts de productivité.L'accent est mis sur l'alimentation des plus pauvres, secondairement sur l'améliorationde leur santé (avec attention particulière aux progranunes de contraception). L'autrebout du problème de développement est perçu comme celui du gouvernement. Lediagnostic est qu'il manque des institutions "modernes", pour obliger les hommes (ycompris les gouvernants) à des pratiques efficaces. Le remède proposé est l'exportationde modèles institutionnels américains13 : par exemple en sciences ceux des Land GrantUniversities (pour l'agriculture), ou des Instituts universitaires de Technologie (enInde, au Brésil, en Corée...). C'est toujours autour de ces deux pôles (techniqueagricole, institutions) que se recentrera la stratégie, quand les changements degouvernement entraîneront de fortes variations budgétaires.

12 Amérique latine: 13 %; Asie: Il %; Méditerranée: 16 %. Données 1996. hors Universités.13 Le diagnostic est grossier. TI vaut tendanciellemnt pour l'US-AlDo et diverses Fondations (dont Rockefeller).Mais il est en défaut pour d'autres: Ford Foundation par exemple. qui soutient des chercheurs locaux.

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Enfin, l'aide américaine (y compris à la RDT) est très liée à la géopolitique. Le mondeentier semble couvert; mais la concentration est forte sur très peu de pays. Un grandprivilège va à Isra~l et l'Egypte. Suivent le Pakistan, la Turquie et les Philippines, pourdes raisons stratégiques. Les autres nations ne peuvent compter que sur un soutienfluctuant. Les intérêts commerciaux ont fait porter récemment plus d'attention aux paysd'économie émergente, sans pour autant primer la raison diplomatique.

2. La révision des politiques: pays américains versus pays européens.

Nous venons de faire ressortir deux approches opposées, justifiant et guidant l'aide à laRDT dans les pays en développement. Celle qu'illustrent Suède et Canada privilégie laressource humaine. Elle donne priorité à la construction de capacités et d'institutionslocales, notamment dans le domaine scientifique et technique. Une autre approche(illustrée par la France et les Etats-Unis) privilégie l'exploitation de la ressourcenaturelle. Elle fait appel aux sciences et techniques pour surmonter les obstacles dusous-développement, en contournant les problèmes humains.Un nouveau clivage apparaît, avec le récent constat d'un changement d'état du monde.Les pays Européens (Suède, France) restent plus fermes dans leurs dispositions àl'égard des pays en développement. Dans les pays américains (Canada, Etats-Unis) lesoutien politique en faveur de l'aide au développement s'estompe. Et les institutionsspécialisées, privées de crédits, sont tétanisées. Nous décrivons ici ce processus.

La fin des "blocs" a changé la dynamique des relations internationales. Le politique lesdominait. En lieu et place, la mondialisation du commerce et la globalisation desmarchés font primer la raison économique. Les technologies et les sciences, au servicedes firmes, jouent un rôle majeur dans la redistribution des chances et des puissances.Le rôle des Etats s'affaiblit et les réductions budgétaires sont à l'ordre du jour. Dans leTiers-monde, qui a éclaté, les trajectoires continuent de diverger; des compétitivitéss'affirment, des marginalisations s'aggravent; partout l'urbanisation explose, et lafracture sociale parfois s'approfondit. De nouvelles peurs en résultent au Nord : cellede la compétitivité montante de quelques pays; celle de maux exportés: menacesd'agression (terrorisme, surarmement), d'envahissement (population et migrationsincontrôlées), de contagion (pandémies, pollution). Cette nouvelle donne oblige àrepenser, radicalement, la raison d'être, le mandat et les dispositifs notamment decoopération au développement.

21. Le Nord amérü:ain : recentrage sur "des problèmes d'envergure mondiale"

Au Canada, l'heure de l'internationalisme Pearsonien semble bien passée. Les objectifsde la politique extérieure du pays viennent d'être redessinés et expliqués. lis mettent enavant et dans l'ordre : la prospérité et l'emploi du pays; sa sécurité dans un cadremondial stable; et finalement, le rayonnement de ses valeurs et de sa culture. Lacoopération Canadienne, plus connue à l'étranger que dans le pays même, est touchéedepuis 1990 par des baisses budgétaires drastiques. Elle a dû reformuler ses priorités.

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Le CRDI, encore moins connu 14 , et qui n'avait pas fait grand effort pour s'allier mêmeun groupe d'intérêt composé de coopérants scientifiques nationaux, manque de soutienpopulaire. Le soutien politique lui est désormais mesuré, en quête de raisons que lesthink-tanks de l'institution peinent à lui proposer. Aussi la "vocation" du Centre est-ellesans cesse remise en question: les autorités ne s'arrêtant à aucun projet, et l'action setrouvant paralysée.

Un premier plan de réforme du CRDI, intitulé "s'affranchir par le savoir", ne manquait pasd'atouts : il prenait acte d'une tendance actuelle : l'avantage comparatif semble apparteniraux "sociétés de savoir". Sur cette idée, une stratégie novatrice (au plan des programmes.comme de la géo-stratégie) pouvait s'envisager. Deux ans plus tard, une nouvelle réformelimitait formellement le mandat de l'agence à la mise en oeuvre de "l'agenda 21"(mondialisation du souci d'envirormement).

Au plan conceptuel, quelques déplacements de priorité valent d'être notés : du soucid'orienter la recherche vers des "problèmes" de société, à la préoccupation premièred'améliorer la capacité d'utilisation des résultats; de la notion de partenariat à celled'oeuvre commune à l'avantage mutuel; de la diversité des programmes localementadaptés à la concentration sur quelques problèmes d'envergure mondiale (Davis, 1997).

Tendanciellement, les Plans successifs réduisent le rôle (et le nombre) des représentantsrégionaux. ils dissolvent les instruments de la continuité sectorielle ("dépanements"),remplacés par des unités de production plus précaires ("programmes", chargés y comprisde démarcher leurs financements). ils font une place beaucoup plus grande à l'interventiond'équipes Canadiermes. ils s'alignent sur les préoccupations "universelles" du Nord(envirormement, Sida, contraception. .. ). ils organisent l'échange d'information et lerapprochement avec les autres grands bailleurs. Enfin. la localisation des interventions estdésormais plus liée à la géopolitique des intérêts du pays, commerciaux oudiplomatiques l5 .

Un tiers du budget reste affecté à une série "d'opérations spéciales", souvent originales,résidus de l'action antérieure ou produits d'initiatives prises à l'occasion des grandesConférences mondiales. 16 La coopération Canadienne sauve ainsi un crédit menacé parsa volte-face à l'égard des préoccupations locales, et par la valse-hésitation des tutelles.Les groupes de réflexion de ses professionnels qualifiés sont tétanisés, et l'action desinstitutions paralysée. Le CRDI vit sur une réputation ancienne, et sur la lancée de sonmouvement passé.

La situation n'est pas foncièrement différente aux Etats-Unis. Les budgets de l'US-AIDconnaissent des coupes sombres, promises à s'aggraver.

Nombre de Programmes ont fermé, y compris de RDT. Ceux conservés le sont pour desraisons le plus souvent diplomatiques (ainsi du Programme CDR, de coopération avec leMoyen-Orient par le canal d'Israel) (Voir fiches donateurs).

Les USA semblent se faire à l'idée d'un monde polycentrique, où coexisteront plusieursgrandes puissances économiques. lis cherchent à s'y positionner industriellement.Priorité revient aux coopérations technologiques avec des pays émergents (Coward 1996).

14 Une récente enquête d'opinion montrait que seuls 10 % des Canadiens savaient le nom de l'Agence (ACDI)chargée de mettre en oeuvre raide nationale au développement; et la notoriété du CRDI était quasi-inexistante.15 L'Afrique conserve toutefois certaine priorité (31 % des dépenses); mais toute action a cessé en Afriqueorientale et centrale.16 Soutien à des réseaux de chercheurs. à TV Monde... : à des recherches propres à développer les ressœrceshalieutiques. ou à contrer les carences en micro-nutriments...

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Soucieux de stabilité mondiale, le gouvernement se rapporte de ce soin à long terme aucommerce; et provisoirement à ses interventions diplomatiques, voire militaires. Endirection des PED, c'est l'aide humanitaire (alimentaire en particulier) qui a les faveursdu public. L'aide au développement ne se justifierait que sous l'effet de nouvellesgrandes peurs suscitées par le Tiers-monde. En attendant, les actions de long cours(notamment de soutien à la RDT) ne retiennent que peu l'attention.Les Fondations ont une autre vision : elles continuent de penser que les problèmes dusous-développement sont spécifiques et nécessitent d'être traités in situ. Elless'inquiètent du désintérêt pour l'action de long terme, y compris celle de coopérationscientifique et d'aide à la RDT. Se rapprochant en cela de la Banque mondiale, ellesont pris récemment l'initiative d'une analyse nouvelle à ce sujet. Elles sont désormaisles plus actives, les seules déterminées, et les plus réfléchies dans le domaine qui nousoccupe.

22. Les pays européens: fermeté politique et nouveaux dispositifs.

Nous référons ici aux deux "pays-types" que nous suivons dans ce chapitre. Letournant des relations internationales les a rapprochés. En Suède le consensuspopulaire reste ferme en faveur de l'aide au développement.

Pourtant, les avis commencent à diverger, entre partis, sur les cibles et les objectifs. Les"Modérés" souhaiteraient plus d'aide "liée" (à des exportations Suédoises, dans des payssemi-industriels). Le centre plaide pour négocier les programmes avec les acteurs directs,plutôt qu'avec les gouvernements. Les communistes voudraient élargir la liste des paysaidés, et annuler la dette des pays les plus défavorisés. Mais sur la nécessité d'une aidespécifique aux pays en développement, et sur l'utilité, pour qu'elle soit durable, d'un soutienà la capacité scientifique et technique locale, l'accord est entier.

Les budgets diminueront modérément (mais pas celui de l'aide à la RDT). C'estl'occasion de mettre en oeuvre quelques réfonnes de dispositif.

En premier lieu, la distinction entre plusieurs agences spécialisées a été abolie. La SARECa été absorbée par l'Agence gérant toute l'aide au développement (Sida); mais elle gardeson Conseil scientifique. et sa ligne budgétaire. C'est aussi l'occasion d'une réformeinterne: une division gérera les programmes thématiques (avec l'exigence de recherches dequalité conduisant à des résultats), l'autre le soutien aux Universités (avec le souci premierde renforcement des capacités). La stratégie sera différenciée selon les pays, plus holiste etplus institutionnelle s'ils sont moins avancés. En ce cas, elle sera resserrée sur une dizainede pays parmi les plus pauvres, et plus précisément sur quelques unes de leurs Universités,sélectionnées.

La France persiste aussi dans ses raisons et dans sa stratégie. TI n'est pas sûr que l'aideau développement y fasse encore l'objet d'un profond soutien populaire, TI existe desmilieux "Tiers-mondistes" conscients, organisés, souvent militants. Leur influence estréelle, mais leurs cercles s'étiolent. Cependant, aucun courant d'opinion ne se dessinepour revendiquer - comme dans les années 1960 - que la richesse nationale soitconsacrée "à la Corrèze, non au Zambèze". Les différents partis politiques s'accordentsur la nécessité de l'aide. il reste que le consensus est fragile : en réexpliquer lesraisons serait délicat, en trouver d'autres n'est pas sûr. C'est aussi ce qui expliquel'actuelle stabilité.

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Un récent rapport, faisant le bilan de l'aide française à la RDT, envisage toutefois unemodification de dispositif. La première proposition est de doter le pays d'un organe deréflexion stratégique, ("le CNC") capable et chargé de définir la politique du secteur. Uneseconde est de créer une agence de coopération scientifique et technique, qui gérerait lesactions incitatives et les "programmes fédérateurs" proposés par le CNe. Une troisième estde dissoudre les organismes scientifiques spécialisés (sauf en matière agricole; les autresdomaines feraient l'objet d'appels d'offres, ouverts à tout le dispositif français). Enfin,diverses dispositions devraient assurer la continuité du soutien à la formation et àl'insertion de chercheurs du Sud, à l'expatriation de scientifiques français, à la diffusion etau rayonnement des résultats obtenus...Ces propositions sont prudemment assorties del'exploration d'autres scénarios17 .

TI reste que pour les deux pays Européens, l'aide au développement demeure unemission de service public. Elle importe à la stabilité de la planète, et fait part intégrantedes conséquences à tirer de la mondialisation des échanges. Elle inclut, pour l'un etl'autre, une composante forte d'aide à la RDT, dans les deux dimensions du soutien auxcapacités locales, et de la qualité de sciences du développement. Sur ces points, lesmodèles se sont rapprochés.

3. Evaluations

Quelles leçons retenir de l'expérience des donateurs présentés? Certaines sont à tirerde changements récents de politique. Beaucoup d'autres sont consignées par lesévaluations, auxquelles eux-mêmes se sont livrés. Elles se sont traduites par l'inflexiondes doctrines, et l'hybridation des dispositifs.

31. L'aide au développement.

La préoccupation des intérêts commerciaux, ou diplomatiques, peut faire perdre de vuela spécificité du besoin d'aide au développement.

L'US-AID en fournit un exemple. Plusieurs rapports soulignent la nécessité de distinguer lagestion des aides "sécuritaire", humanitaire, et de développement. ils prônent la créationd'une nouvelle Agence, plus autonome, qui assurerait cette dernière fonction, seule. Touspointent que la persévérance fait défaut; que l'espoir des bénéfices en retour s'en trouveaffecté; et que l'ajustement des actions aux spécificités locales manque de finesse.

Les autres donateurs ne sont pas dans ce cas. Mais une question se pose à eux : leurfaut-il encore aider au développement?

Nous avons vu les positions divergentes des pays américains et européens. Ces derniersestiment qu'un accompagnement spécifique des pays en développement demeure nécessaire,pour qu'ils acquièrent stabilité et s'intègrent dans l'économie-monde.

La certitude est que la réponse donnée dépend d'une volonté politique; et que dans leprésent contexte, celle-ci a besoin d'être réaffirmée, voire réexpliquée. L'exempleCanadien montre quel désarroi se fait jour, si tel n'est pas le cas.

17 Quelques inconnues imposent cette prudence: ne risque-t-on pas. en bouleversant le dispositif, de fragiliserdes équipes et de perdre à terme une part du capital scientifique accumulé? Ne doit-on pas craindre dansl'opération une diminution des crédits affectés à la recherche-développement?

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32. La RDT et le développement.

La recherche scientifique n'est pas une fin en soi. Mais sa mise au service dudéveloppement nécessite de recourir à d'autres sciences et à d'autres dispositifs que lesvisées de puissance ou de compétitivité. Elle privilégie les sciences "pour ledéveloppement". Elle inclut les formes de la "recherche-action", et de la recherche àfins pédagogiques. Elle passe par la constitution de capacités et d'institutions locales,robustes et spécialisées; et par un aménagement du milieu, donnant efficacité ausystème.On peut certes s'interroger: le développement ne pourrait-il se passer de RDT ? Nousavons vu que les plus technicistes des bailleurs (France, Etats-Unis) considèrent que laconnaissance des milieux est indispensable à l'efficacité de l'aideI8 • D'autres (Suède,Canada) y ajoutent avec force la nécessité d'une meilleure compréhension des sociétésaidées. En outre, la construction de milieux intellectuels dynamiques, la révolution desmentalités par l'intégration d'une rationalité scientifique et technique, appellent lerecours à la RDT comme auxiliaire de l'éducation, de la construction institutionnellequi forme des acteurs effectifs, capables de se poser en "partenaires".

Ces considérations stratégiques ne doivent pas faire oublier des conclusions plusspécifiques, tirées d'évaluations commanditées par les donateurs et qui ont faitconverger leurs modèles.

33. Construction institutionnelle ou qualité des résultats.

Les plus élitistes se sont ralliés à la nécessité de partenariats locaux, et de contributionsà leur constitution. L'appropriation des résultats sur place est à ce prix.

La France (où "partenariat" est un maître-mot depuis 10 ans), et les Etats-Unis (au traversde Programmes comme les CRSPs, en agriculture) mènent dans le cadre de leursdispositifs des opérations qui ont beaucoup des qualités de la construction institutionnelle.

Symétriquement,La Suède, et le Canada (au travers de l'ACDI), financent à bonne hauteur les Centresinternationaux de recherche. Leurs travaux, plus amont, sont considérés commel'indispensable complément à la "recherche-action", volontiers soutenue dans un cadre deconstruction institutionnelle. La Suède a même initié des Programmes de coopération"régionaux", thématisés et plus exigeants sur le plan scientifique.

18 La Fondation Rockefeller a remporté de considérables succès. prolongés par ceux des Centre internationauxde recherche agricole, à partir du moment où elle a assigné des chercheurs à la sélection de variétés amélioréesde blé ou de riz avec pour cahier de charges de se plier aux conditions d'exercice du "paysan moyen". Leslimites actuelles de cette Révolution verte font penser que les nouveaux progrès viendront d'une connaissanceplus fme des milieux et des savoirs paysans ("Révolution doublement verte").

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34. La question des partenariats

L'importance de l'existence au Nord d'un potentiel de recherche, spécialiste dudéveloppement, est apparue même au CRDI Canadien qui d'abord y voyait un gage dedissymétrie dans les partenariats.

La reconnaissance mutuelle en est facilitée, tandis que les mariages à l'aveugle se révèlentstériles. D'autre part, l'existence de milieux scientifiques intéressés constitue un grouped'intérêts dans le pays donateur : il peut être de bonne aide, quand vacille le soutienpolitique. Un peu tard, l'Acdi a vivement soutenu des programmes de coopérationinteruniversitaires Nord/Sud. Et le CRDI s'efforce maintenant de développer lespartenariats Canadiens. La Suède, pour sa part, a de longue date financé ses Universitairespour de tels partenariats, à l'égal de ce qu'elle consacrait à la construction institutionnelle.

Comment traiter l'inégalité entre partenaires?Les capacités de proposition des communautés scientifiques locales, ou des systèmesnationaux de recherche, sont très inégales. Certains gouvernements de pays endéveloppement, sollicités, montrent peu d'intérêt. Tous les donateurs font aujourd'huipreuve d'une attitude plutôt interventionniste. Plutôt que de répondre "à la demande",ils font part d'un éventail d'offres.

Les Centres de recherche français ont leur programmation scientifique, au sein de laquelleils proposent l'entréeI9 • La Suède a développé des programmes de coopération entreentrepreneurs, et des programmes scientifiques de coopération régionale, "sur desproblèmes d'importance primordiale auxquels sont consacrées trop peu de recherches"20. Parti de rien, ce Programme dispose maintenant de plus du quart du budget (autant quela coopération de construction institutionnelle, avec plus d'exigences de qualitéscientifique).

Bien des problèmes pratiques, liés à l'inégalité des acteurs en présence, continuent parailleurs de soulever de mêmes interrogations chez tous les donateurs.21

35. Négocier avec des laboratoires ou des gouvernements?

Ici encore, les positions se sont rapprochées.Les évaluations de la SAREC montrent que le point le plus délicat concerne la vulnérabilitédes groupes impliqués en partenariat, du fait de leur faible taille que des années de soutienn'arrivent pas toujours à faire décoller. C'est reconnaître combien la science, en pays peuavancés, repose sur la vocation chevillée de quelques figures scientifiques. Une récenteétude (Waast. 1996 c) faisait ressortir que ce sont elles qui demeurent quand. les soutiens sedérobant. la capacité scientifique s'effondre dans les pays les plus démunis. A un degré dedélabrement moindre subsistent en outre des milieux de spécialistes ou des institutions­phare. C'est la capacité de management "professionnelle" de la science qui est la première

19 Evidemment modulable. sur des objets à négocier. Les relations préalables de laboratoire à laboratoirepréparent et facilitent cette mise en adéquation.20 Ou trop peu de propositions émanant des pays. Les programmes régionaux ont concerné par exemple sur :les sciences sociales en Amérique latine durant la période de fortes répressions politiques; ou porté sur"l'influence des transnationales sur la structure de l'agriculture en PED"...21 TI n'est pas toujours facile de se passer d'une configuration où le responsable du Nord a une staturescientifique très supérieure à celle de son homologue du Sud (parfois simple doctorant). TI n'est pas possible dene pas se poser la question de compléments de salaire pour des chercheurs locaux de qualité. souvent sous­payés et dénués de statut spécifique. TI n'est pas possible d'éviter le problème des incitations à offrir à deschercheurs du Nord. dont la carrière est évaluée chez eux sur l'excellence scientifique indépendamment de leursconditions de travail.

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atteinte et la plus labile. On conclura volontiers que pour (re-)construire des capacitésdurables, il importe de miser au premier chef sur les ressources les plus robustes : leschercheurs confirmés et prometteurs, puis les institutions capables de valoriser leur talent.Pour ne pas seulement travailler avec des institutions ou des gouvernements, la SARECfinance d'ailleurs régulièrement une Fondation petite mais à laquelle ses nombreux succèsont fait grande réputation. Cette "Fondation Internationale pour la Science" (FIS/lFS) apour principe de soutenir l'activité de jeunes chercheurs locaux. Les bourses sontstrictement personnelles, attribuées sur la base d'un travail de sourciers fait par lesmembres du Secrétariat de la FIS. Elles misent sur la qualité scientifique. Elles financent lefonctionnement courant du laboratoire, la documentation. et les déplacements pourcommunication et mise en réseau.

Symétriquement, la France (dont le dispositif passe principalement par des relationsinformelles entre chercheurs, puis négociées entre laboratoires) se préoccupe nonseulement de faire examiner les coopérations ainsi nouées en "Commissions mixtes"intergouvernementales, mais peut-être de se doter d'une Agence de gestion des moyensqui cadrerait davantage les choix thématiques et géographiques. Le Canada a un soucisemblable, tandis que lUS-Am s'oriente vers la multiplication de petits Fondsfinement gérés par des spécialistes, où l'initiative des scientifiques aurait plusd'influence.

36. Quels secteurs d'intervention?

Les choix thématiques ont été jusqu'ici fortement concentrés sur des objectifs deservice (santé, infrastructures) et de production (en agriculture), avec un fort contenude transfert de techniques. Il semble qu'on soit parvenu à un tournant.

D'une part, nombre de voix s'élèvent pour s'en remettre des objectifs de production aucapital-risque et à la coopération technologique de firmes, passant des accords de joint­venture avec des partenaires locaux : y compris dans le domaine agricole et même en payspauvres (Coward. 1996).Une autre idée est que les domaines d'intervention sont trop routiniers. Nombre dedomaines décisifs pour un développement durable restent hors champ et devraient êtreouverts. il peut s'agir de thèmes d'investigation et d'action nouveaux : la question urbaineest devenue incontournable; la connaissance des sociétés reste sous-développée; certainsthèmes d'intérêt planétaire sont sous-estimés (environnement, démographie, pandémies); larecherche de technologies appropriées n'est pas prise au sérieux. Les donateurs seredéploient maintenant en ce sens, avec plus ou moins de vigueur.Mais il s'agit aussi de savoir dans quels domaines l'aide publique s'emploierait mieux, sanssubstituer une initiative privée mieux placée pour produire. Les avis diffèrent sur cettemission de service public. Mais la RDT revient avec insistance dans la liste étroite("l'activité à plus fort taux de retour, et le plus en manque d'investissement"); ainsi que laformation (pas toujours dans le cadre des systèmes éducatifs); le conseil aux politiques;l'entraînement des entrepreneurs au management et à l'apprentissage technologique; et lesoutien aux capacités d'analyse stratégique (policy analysis).

Toutes ces propositions (et il en est d'autres) appellent à un "aggiornamento" despolitiques. Elles sont le signe que le consensus, non seulement autour du dispositifd'aide à la recherche-développement (et d'aide au développement tout court), maisautour de sa raison d'être est à renouveler.

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Chapitre 3. Que fait l'Union Européenne?

Depuis plus de deux décennies, l'Europe a déclaré son attachement à unepolitique d'aide au développement. Toutes les Directions générales ont vocation à ycontribuer. La DG vm y est particulièrement attachée. Mais diverses politiquessectorielles ont aussi prévu un volet de « Coopération au développement ». Elles ontcréé des instruments à cette fin. C'est le cas, particulièrement, en matière deCoopération scientifique (DG XII, Programme INCO-DC).

Divers outils de Coopération peuvent donc servir à l'aide à la RDT. TI vaut derappeler notamment les suivants:

- les Conventions de Yaoundé puis de Lomé, destinées à 70 pays d'Afrique,des Caraïbes et du Pacifique (pays ACP, qui comptent panni les pluspauvres du monde).Ces Conventions ont pour instrument financier le Fonds Européen de Développement (FED). Ladernière et 4ème Convention de Lomé est d'une durée de 10 ans (1990-2000). Elle a été révisée parl'accord de Maurice en novembre 1995 et couvre deux exercices du FED. le rme (12 milliardsd'EaJ. 1990-1995) et le gème (12,967 milliards d'ECU. 1995-2(00).

- Diverses lignes budgétaires (aide alimentaire; lutte contre le Sida, etc.)L'évaluation des opérations de RDT engagées dans ces cadres est en cours.- la Banque Européenne d'Investissements (qui ne dépend pas de laCommission) peut accorder des prêts aux pays ACP à hauteur de 1,658millions d'ECU, bonifiés sur le FED.

Et, au titre des instruments spécifiques liés à des politiques sectorielles :- les programmes de coopération scientifique, dont la palette s'estprogressivement enrichie:· Sciences et Techniques au service du Développement (STDI à STD3)· Coopérations Scientifiques Internationales· Avicenne (initiative du Parlement en faveur des pays Méditerranéens)Ces instruments sont désormais regroupés dans un seul ensemble, INCO­DC, inclus dans le Programme-Cadre et géré par la DG XII.• les accords méditerranéens avec tous les pays du Maghreb (sauf Libye),du Mashrak, et avec Isra~l. Ces accords bilatéraux UE/Pays essentiellementcommerciaux ont été complétés de protocoles financiers d'une durée de 5ans (le 4ème et dernier venant à échéance en 1996). Depuis 1994 les accordsavec les pays du bassin méditerranéen sont négociés d'une façonentièrement nouvelle. En ce qui concerne l'aide au développement, lesprotocoles financiers sont supprimés et remplacés par une dotationbudgétaire globale et quinquennale de 4,7 milliards d'ECU. Ces accordssont gérés par la DG lb.- la coopération avec les pays en développement d'Amérique latine etd'Asie. Le principe d'une aide financière date de 1974 (résolution duConseil). Elle est passée de 20 MECU en 1976 à 700 MECU actuellement.Cette coopération est gérée par la DG lb.

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1. Doctrine.

Périodiquement, plusieurs textes sont venus rappeler l'engagement Européen auservice du Développement. Le traité de Maastricht réaffirme notamment sonimportance (un chapitre lui est consacré "Titre xvn, Coopération auDéveloppement").

- il stipule que la politique de la Communauté est complémentaire en ce domaine de cellesmenées par les Etats-membres; il prévoit concertation, actions conjointes et coordination. ilsouligne que la politique Européenne doit contribuer à développer et consolider ladémocratie et l'état de droit; ainsi que le respect des droits de l'homme et des libertésfondamentales. il précise qu'elle tient compte des objectifs auxquels souscrivent les Etats­membres et l'Europe dans le cadre des Nations-Unies et autres organisationsinternationales.- TI souligne que pour sa pan, la politique Européenne entend favoriser:- le développement éCOfwmique et social durable des pays en développement, et plusparticulièrement celui des plus défavorisés- leur insertion harmonieuse et progressive dans l'économie mondiale- la lutte contre la pauvreté en leur sein.

La politique de recherche et de développement technologique fait aussi l'objet d'unChapitre du Traité.

Celui-ci prévoit explicitement de promouvoir les actions de recherche jugées nécessaires autitre d'autres chapitres. Et particulièrement "la promotion de la coopération en matière derecherche, de développement technologique et de démonstration avec les pays tiers et lesorganisations internationales" (y compris par des actions inscrites au programme-cadrepluriannuel de la RDT Européenne) (Articles 130 G, 130M).

Le Traité sanctionne et conforte ainsi un effort déjà engagé, particulièrement sous lafonne d'une politique de coopérations scientifiques, au travers de dispositifspersévérants institués dès le début des années 1980.

Le plus ancien. et le plus robuste est le Programme STD (Sciences et Techniques auservice du Développement). il a été créé dès 1982, à la suite de la Conférence mondiale deVienne sur la RDT; et tout de suite intégré au premier Programme-cadre de le rechercheCommunautaire (ce qui a garanti à l'initiative longévité, et budgétisation pluriannuelle).

L'éclatement du "Tiers-Monde", en pays plus ou moins "avancés" sur les voies de lacroissance et de la modernisation, montre que la tâche de développement a sesréussites. TI complique aussi le tableau. De mêmes instruments d'aide ne peuventrépondre à tous les cas. Des coopérations technologiques commencent à intéresserl'industrie Européenne (d'abord avec les pays d'économie émergente, ou/et aux savoirstechniques et scientifiques bien développés). S'il est mieux circonscrit, l'espace despays les moins avancés n'en suscite pas moins de graves préoccupations, puisque lesécarts se creusent et que des pays, dont les stratégies d'abord prometteuses se sontdésajustées22 , rentrent en involution et relèvent à leur tour d'un soutien adapté. Lespolitiques d'aide nécessitent une mise à jour, que divers textes entreprennentd'esquisser.

22 Par exemple des pays Méditerranéens aux stratégies "d'industrie industrialisante"; ou qui ont misé sur unerente pétrolière induisant distorsions et rigidités structurelles au sein des appareils de production.

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C'est ainsi qu'en 1992, une communication de la Commission puis une déclaration duConseil et des représentants des gouvernements des Etats-membres examinent lesproblèmes de "coopération au développement à l'horizon 2 000". Ces textes (et lesdocuments de réflexion attachés) relèvent la nécessité de moyens de coopérationrenforcés, mais différenciés. La stratégie globale envisagée retient le développementdes ressources humaines comme l'un des éléments essentiels du développementdurable à long terme. Conditionnant l'efficacité des transferts, la formation decapacités locales d'innovation et d'adaptation technologique est considérée comme unfacteur déterminant des compétitivités à construire. Ces objectifs sont spécifiés sousforme de priorités régionales, par grandes aires géographiques. Les coopérations enmatière de RDT en font souvent partie, sous la condition d'une meilleure organisationde l'économie et de réformes institutionnelles préalables.D'autres documents approfondiront ensuite les stratégies sectorielles (par exemplecelui concernant les actions d'éducation et de formation dans les PVD à l'horizon2000, dont certaines approches -priorité à l'innovation, amélioration de la qualité del'enseignement, préalable de la construction institutionnelle- pourraient être transféréesau domaine qui nous occupe). Pourtant, aucun document ne s'est encore attaché àpréciser la stratégie de coopération Européenne (coordonnée, "à l'horizon 2000", aveccelle des Etats-membres), en matière de RDT dans les Pays en Développement. Laquestion semble devoir bientôt venir à l'ordre du jour: diverses communications étantprojetées sur ce thème, soit à propos de catégories de pays particulières (les paysd'économie émergente) ou de régions particulièrement sensibles pour lEurope(Méditerranée), et peut-être plus globalement en ce qui concerne les pays endéveloppement.

2. Des coopérations scientifiques plus qu'une aide à la science.

Si l'aide à la S&T n'a pas encore fait l'objet d'une réflexion approfondie, lesinstruments de la coopération scientifique et technique en PED se sont par contrediversifiés et multipliés. Mis en oeuvre avec persévérance, un certain nombre d'entreeux sont stables. Sur leur expérience peuvent s'appuyer des propositions.

Paradoxalement, c'est donc sur une politique sectorielle (celle de Recherche),dont l'objet central n'est pas le développement, que reposent les principaux outils desoutien à la RDT dans les pays y compris ACP.

Depuis le traité de Maastricht, les principaux instruments de cette politique decoopération scientifique sont regroupés au sein du Programme-cadre sous gestion de laDG XII. Sous l'intitulé d'INCO-DC ont donc été remaniés et fusionnés:

- le Programme STD (Science et Techniques au service du Développement, déjà cité, leplus ancien, ouvert à tous les pays en développement et remarquablement actif dans lespays ACP);- mais aussi d'anciennes «APAS» (Actions de Programmation, d'Appui et de Soutien à larecherche), opérations dépendant de la seule Commission, hors contrôle du conseil desMinistres: notamment quelques interventions en matière de Télécommunications; ainsi queles "Coopérations Scientifiques Internationales", suivies par la DG XII mais financéespar la DG lb (Relations Extérieures. Coopération scientifique culturelle et technique), qui

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organisait les Commissions mixtes UE/Pays au cours desquelles se réalisait la sélection deprojets. Ces Coopérations Internationales ont visé les pays ayant des accords decoopération sans protocole financier avec la Commission - particulièrement en Asie et enAmérique latine;- enfin, le Programme "Avicenne" , conçu par le Parlement en 1991 au bénéfice des seulspays Méditerranéens. Financé dans le cadre de la politique Méditerranéenne (fondsMEDA, DG 1b), ce Programme scientifique était déjà techniquement suivi par la DG XII.

- Ces trois Programmes sont aujourd'hui fondus en un seul instrument de coopérationscientifique (nommé INCO-DC). Celui-ci s'est efforcé de retenir les traits les pluspertinents de chacune de ses composantes. C'est un Programme multilatéral, etmultidomaines. TI se signale par une approche thématique (héritage notamment de STD ;les trois thèmes principaux proposés à tous les pays concernant l'agriculture, la santé, etla gestion des ressources naturelles). TI met en outre l'accent, région par région, sur unepriorité particulière au sein de chaque thème (héritage d'Avicenne). La définition de cettepriorité fait l'objet de négociations avec les pays de la région concernée (apport de CSI), cequi devrait contribuer à une visibilité politique plus grande du Programme.

li est par contre difficile d'apercevoir quelles autres actions de coopérationexistent en matière de RDT. Quand il en est, elles sont récentes, plus ténues, moinssuivies. Elles n'avaient fait jusqu'ici l'objet de nulle évaluation23 • Les coopérationséconomiques entre firmes sont mal connues24 • Les coopérations technologiques,auxquelles s'intéressent plusieurs DG, sont à peine initiées ou peu répertoriées. Lestransferts technologiques, avec leur souhaitable accompagnement d'un soutien adéquataux apprentissages technologiques, ne font l'objet ni de répertoires, ni d'expérienceconsignée.

L'aide à la science, dans les différentes dimensions que nous avons définies(aménagement d'un milieu favorisant l'efficacité, construction de capacités et soutien àdes institutions-phare, popularisation et valorisation des résultats, facilitation de larencontre entre les deux mondes de la recherche et de la production....) n'a fait l'objetni d'attention suivie, ni semble-t-il d'efforts importants. Cette attitude est inverse decelle dont plusieurs Etats-membres font preuve (la Suède, les Pays-Bas...). Elle estaussi contradictoire avec l'intérêt réitéré, dont le Parlement et la Commission ont faitétat pour la coopération en matière de RDT. Il semble que manque ici un instrument,qui répondrait au besoin d'aide à la science en PED, et qui permettrait d'exprimer unestratégie globale d'action.

Tout se passe comme si la pratique était dissociée : d'un côté la confianceprofonde en des transferts techniques substitutifs; de l'autre un souci culturel, quesatisfont les coopérations scientifiques. Or, la maîtrise technologique apparaît de plus

23 Cette évaluation est en cours. Elle concerne les opérations fmancées notamment par les DG m. VIII. XIII.et la participation (très restreinte) de Pays en développement à des Programmes Européens de recherchetechnologique ouverts aux pays tiers. Les résultats n'en seront malheureusement pas disponibles avant quelquesmois. Le préalable de l'inventaire se révèle en effet ardu. faute de mention claire de l'objet RDT dansl'enregistrement d'opérations ou de missions qui s'y rapportent. Cette difficulté est symptomatique de la mal­identification présente de ce champ d'action.24 Un répertoire est en cours. concernant les pays du pourtour Méditerranéen. TI se révèle difficile à construire.

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en plus comme un "enjeu social total" 25 : sans communication, non seulement entrescience et techniques, mais entre le projet de développement matériel et l'espace desvaleurs et de l'identité, de redoutables retournements sont à tous moments possibles. listransfonnent en enclaves les pôles espérés de modernisation. L'histoire récente enfournit maints exemples.

Au vrai, la pratique de la Commission évolue : chaque DG découvre, dans sesfonctions, de nouveaux enjeux aux coopérations en PED. Une floraison d'initiativestraduit cette nouvelle sensibilité, au gré des considérations qui l'ont empiriquementimposée. Il vaut de noter particulièrement:

- l'ouverture récente à des pays tiers (dont les PED) de quelques Programmes Européensde recherche technologique avancée - à condition que leur contribution soit d'un apportoriginal à la mise au point de produits communs. A regarder les chiffres. cette porte est àpeine entrouverte.- l'intégration des préoccupations et de participations de PED au sein de programmesmobilisateurs industrie-recherche (sur des thèmes pour eux de haute pertinence. nécessitantle recours à une industrie avancée. et l'inflexion de ses agendas de recherche: "vaccins"."biotechnologies"...). Cene initiative de la DG III (Industrie) en est aux débuts.- la conception par la DG lb. à l'intention des pays Méditerranéens. de programmes detransfert technologique à forte dimension d'apprentissage (MED-Techno); eux aussi engestation.-la conduite par diverses DG "Techniques" de missions de reconnaissance. et l'initiation decoopérations technologiques (notamment dans le domaine des Télécommunications, DGXIII. ou de l'Information; et préférentiellement avec des pays aux marchés émergents. oudotés d'un fort potentiel scientifique).

- Enfin, la DG vrn (Développement) non seulement commandite des études (pour lesbesoins de ses projets, de sa connaissance du terrain, ou à la demande des Etats ACPpartenaires). Elle peut aussi consacrer des fonds au soutien de capacités techno­scientifiques locales. Elle le fait quelquefois par le financement de programmesrégionaux de recherche aussi «intégrés» que possible (réhabilitation d'infrastructures,équipement, personnel expatrié fourni par des CIRA ou des AROS, soutien aufonctionnement de projets visant l'obtention de résultats précis et si possible lerenforcement des capacités nationales de recherche - notamment en matière agricole).L'inventaire des actions est en cours. En première approximation elles semblent peunombreuses : les Etats partenaires (ACP) , dans les négociations de programmesindicatifs nationaux (PIN) qui cadrent l'aide, ne semblent pas leur accorder grandepriorité. Cela les conduit à reporter sur les programmes indicatifs régionaux (pIR) leursdemandes de financement en appui à la recherche (par exemple encore en agriculture).Les responsables locaux de l'Union et ceux de la DG vm n'ont pas su ou voulucontourner cette option - à l'opposé de leurs homologues de certains Etats-membres(voir chap. 2 : Suède).

25 Cf. A. El Kenz : Prométhée et Hermès. in Les sciences au Sud, état des lieux. Orstom. Paris. 1996. Ce texteanalyse l'affrontement des deux mondes opposés du "teukhein" et du "legein" dans l'Algérie contemporaine.

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Les programmes (souvent innovants) que nous venons d'évoquer sont troprécents pour donner lieu à des leçons. il faut attendre quelques mois les évaluationsprévues - et simplement l'inventaire des actions entreprises. Leur foisonnement montrecependant que prend forme le souci de coopérations. L'accent porte - c'est nouveau ­sur la dimension technologique. Des "pouvoir-faire" auxquels on ne songeait pasmême, la création d'une demande et de marchés inédits s'ouvrent ainsi à maints pays endéveloppement. Le paradoxe est que, dans l'action Communautaire, cette tendancen'est guère accompagnée par un effort lié de construction institutionnelle, technique etscientifique. La poussée, empirique et sectorielle, des nouvelles opérations, et parfoisde Programmes coopératifs techno-scientifiques, donnera peut-être lieu à des stratégiessectorielles; mais le moment semble venu de plus de coordination, et d'une stratégiecohérente, globale.

3. Dispositifs.

On ne peut parler de "dispositifs" qu'à propos de Programmes enfonctionnement, de quelque ancienneté. Nous sommes ainsi renvoyés aux Programmesde Coopération scientifique. Regroupés dans INCO-DC, ils y conservent des formesdifférenciées : ils gardent filiation avec STD, CS! ou Avicenne, même si leursévaluations successives et leur rapprochement les ont fait évoluer. Nous n'entrons pasici dans le descriptif de leurs mécanismes. ils sont décrits par de nombreusesbrochures, et probablement bien connus des lecteurs. Nous renvoyons simplement auxfiches donateurs annexées (Fiches 1 a et 1 b : Communauté Européenne), où nous lescaractérisons à grands traits.

Notre souhait est plutôt d'attirer l'attention sur le vide de mécanismes, assurantune aide à la science etfacilitant les coopérations technologiques. La disponibilité del'information sur les coopérations scientifiques porte souvent à s'étendre sur elles,oubliant qu'elles ne sont qu'un aspect de la RDT. TI ne s'agit certes pas de les substituerpar des coopérations techniques ou par la construction institutionnelle. Mais ce qui aété réalisé aurait eu plus d'efficacité si, de façon coordonnée, plus d'attention avait étéportée à l'aide à la science. Les deux aspects sont deux volets qu'il faut intégrer dansune seule stratégie (manquante elle aussi). On ne peut se passer ni de l'un ni de l'autre(l'accent variant selon la situation régionale). La difficulté est que contrairement à sesEtats-membres (dont les pratiques commencent à converger, cf. Chap. 2), l'Europemanque d'expérience dans le domaine entier de l'Aide à la science : il lui manque ducoup un instrument de coopération cohérente en matière de RDT.

4. Evaluations.

Nous ferons une remarque semblable, à propos des évaluations disponibles.Toutes concernent des Programmes de coopération scientifique. Les plus richescomme les plus nombreuses se rapportent au Programme le plus ancien : STD. TI estdonc courant de s'étendre sur ce Programme, et d'en tirer leçons comme s'il s'agissaitd'une action complète de soutien à la RDT dans les pays en développement. Voire : decroire que, parce qu'il y a là un dispositif, et qui marche, il devrait assumer toutes lesdimensions de cette action. Les évaluateurs n'ont pas toujours échappé à ce glissement.

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TI leur arrive de regretter que STD ne se consacre pas davantage à la fonnation, àl'articulation des chercheurs avec les milieux productifs, à de la constructioninstitutionnelle - tous objectifs qui nécessiteraient d'autres fonds et d'autresinstruments. Nous préférons ici souligner l'absence de ces instruments d'aide, et lemanque de stratégie d'ensemble pour les relier aux coopérations scientifiques. Celles-cis'inscrivent au contraire dans un cadre convenable, qu'il faut préserver (le Programme­Cadre de la Recherche), car il garantit la qualité des recherches conduites, et qu'il évitede soutenir travaux ou laboratoires de deuxième ordre.

Cela étant, les évaluations de STD livrent d'utiles enseignements. Nous référons icinon seulement aux conclusions de panels d'experts, mais aux études venues en appui :celles-ci constituent une radiographie des équipes de recherche engagées, et pennettentdes comparaisons qualitatives avec les Progranunes homologues d'autres donateurs.26

Retenons ceci pour notre propos :- Le Programme a montré que les efforts de construction de capacités scientifiques nese sont pas perdus, même dans des pays où la situation faite aux sciences s'estdégradée depuis une décennie. TI a su, par l'intennédiaire des centres de recherche depays d'Europe qu'il a intéressés, repérer et soutenir dans une centaine de PED deséquipes locales de qualité qu'il a mobilisées. Le succès de STD tient à son dispositiforiginal (il fait figure aujourd'hui de "modèle") : dans la conduite de chaque projet,obligation est faite de l'association d'au moins deux équipes de recherche appartenant àdifférents pays d'Europe, et d'au moins une équipe de PED. Le Progranune a d'abordbénéficié du capital d'interconnaissances scientifiques des Européens sélectionnés (surappel d'offre). Les équipes européennes se sont enrichies à leur tour d'un réseau d'alliésdans des parties du monde qu'elles ignoraient souvent, et de la confrontation théoriqueet méthodologique avec des partenaires aux approches différentes. C'est pour elles un. .gam acqUIS.- Les réponses à un "questionnaire aux chercheurs" (Waast et Schermer. 1993) apportentd'autres précisions. Si l'intention initiale des participants était de "contribuer à desapplications utiles", parvenus aux résultats ils sont désabusés : plus de moitién'attendent d'autres utilisateurs que les milieux scientifiques; et s'ils escomptent unemise en oeuvre, c'est plus de la part de milieux professionnels connexes (médicaux aucas de recherches en santé...), que d'institutions gouvernementales et surtoutd'entreprises. On aurait tort d'imputer ce fossé au mauvais choix spontané des sujetspar les scientifiques (ils sont ici orientés par STD), comme à leur incorrigible tendanceà la spéculation : les chercheurs interrogés sont moins de 10 % à viser une innovationthéorique, ou à vouloir "tester des modèles". Mais dans les pays en développementcomme ailleurs, la rencontre, la reconnaissance et la coopération entre des "mondes"aux cultures opposées (recherche et production) requièrent la mise en place demécanismes spécifiques: les pays Européens le savent bien, puisqu'ils ont eu à traiterla difficulté dans leur propre cas.- STD a su trouver et soutenir des "milieux de spécialistes", gens de métier défendantsolidement leur entreprise scientifique. C'est une pratique inverse de celle de nombreuxdonateurs, qui entendent dicter leur préoccupation (approche - souvent de recherche-

26 Cf. Bibliographie: Waast et al. (1993 b. 1993 c)

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action -, sujets, souvent changeants) à des chercheurs ato11Ùsés et tenus à merci parleur dépendance financière. L'analyse prouve que la qualité scientifique est meilleureau pre11Ùer cas; et que c'est une condition principale de résultats pratiques robustes(Idachaba l'avait mesuré au Nigeria, dans le cas des recherches agricoles).

5. Conclusion.

On peut conclure à grands traits que la COm11Ùssion met en oeuvre des fonnulesperformantes (voire "modèles") de coopération scientifique. Celles-ci pourraient êtreutilement développées, et s'étendre à de nouveaux domaines que l'actualité rendd'importance majeure (questions urbaines, sciences politiques et sociales, géniesdivers...). Les instruments d'aide à la science et de coopération technologique font parcontre défaut. C'est ce qui rend difficile la 11Ùse en oeuvre des résultats,compromettant l'efficacité des systèmes locaux. Et c'est ce qui empêche l'élaborationd'une politique d'ensemble.

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Chapitre 4. Enjeux et défis du développement

Pourquoi la question de l'aide aux pays en développement est-elle une question neuve?Pourquoi celle des capacités de RDT dans ces pays vient-elle à l'ordre du jour? C'estque ces questions s'inscrivent dans un nouveau contexte: celui d'un autre état dumonde, caractérisé par la fin des blocs et la globalisation des relations économiques etsociales.

1. A propos de l'aide au développement

Cet état du monde est aussi marqué par une asymétrie originelle: celle entre Nords etSuds27 • L'ambition des Nords est aujourd'hui de commercer en sécurité, de consoliderleurs positions dans l'actuelle redistribution des chances et des puissances, et d'enléguer jouissance à leur postérité. lis sont d'emblée au niveau global, et dans unetemporalité longue. Les Suds ne sont pas seulement dans la pauvreté. lis se trouvent enposition d'accès inégal à la redistribution des chances. lis se marginalisent, vivent dansl'urgence et la localité.

Pareille fracture n'est pas sans périls pour l'accomplissement des objectifs du Nord.Elle comporte - par réaction des Suds - les risques de blocage des processus de co­développement planétaire, et de ruine du legs aux générations futures. Certainesmenaces sont précises : dégradation de l'environnement, pandémies, drogue... D'autressont imaginables (au Nord: envahissement lié à la démographie incontrôlée du Sud,agressions par surarmement; au Sud : crises locales, affectant les échangesinternationaux...)

Peut-on s'en remettre au commerce et à l'industrie du soin d'entraîner les pays pauvresdans le sillage des riches; et les parties pauvres des pays émergents dans la prospérité?L'expérience suggère le contraire. Le caractère durement concurrentiel du monden'induit personne à la cession généreuse des clés actuelles du progrès : et surtout pasde la capacité techno-scientifique.

Peut-on se désintéresser des Suds, les abandonner à eux-mêmes28 , et contenir quelquessoubresauts par la force ? La globalisation en fait douter. Les frontières necontiendront pas les épidémies. L'écart des qualités de vie engendre des migrations demisère; mais aussi la frustration, les désirs de revanche, les possibles agressions, leterrorisme.

27 Au sens où nous l'entendons. il est des Suds (des personnes. des groupes. des régions. marginalisées) en paysdu Nord; et des têtes de pont du Nord (plus ou moins ancrées ou fragiles) dans tous les pays du Sud.28 TI n'est pas impossible que les Nords puissent à terme s'affranchir des Suds; en tous cas diminuersignificativement la dépendance où ils en sont. pour obtenir les matières premières. l'énergie et le travail bonmarché nécessaires à leur commerce et à leur industrie. Voir Busch (1996).

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La stabilisation du nouveau monde, sa 11Ùse en ordre durable renouvellent le devoir dedéveloppement. C'est une préoccupation de longue haleine. Elle est ancienne. Mais ilfaut reconnaître que la donne est changée, par la mutation de la situationinternationale. Et que les stratégies devront s'adapter, de façon parfois drastique.

La Communauté Européenne a pris vigoureusement position en ce sens, en indiquant:

a) que la coopération au développement contribuait à des objectifs essentiels(développement, consolidation de la démocratie et de l'Etat de droit, respect des droitsde l'homme et des libertés fondamentales).b) que la politique Européenne visait à un développement écono11Ùque et socialdurable des PED, particulièrement des plus défavorisés.c) qu'elle passerait par le soutien à leur insertion harmonieuse et progressive dansl'économie mondialed) qu'elle prêterait attention spéciale à la lutte contre la pauvreté.(Traité de Maastricht), article 130 U)

Pour donner forme à ces orientations, il faut garder en vue quelques éléments de lasituation:

- L'économie mondiale est en voie d'unification, ses principes de fonctionnements'universalisent. C'est une contrainte nouvelle pour les pays en développement; mais ilspeuvent tirer parti d'opportunités inédites, qu'il leur revient d'identifier (Hill. 1996).

- Les teclmo-sciences ont acquis une dyna11Ùque propre. C'est d'elles qu'on attend auNord "des effets de développement accéléré, que les seuls mécanismes écono11Ùquesne parviennent pas à produire" (Balanclier. 1996). Leurs résultats sont rapidementincorporés aux produits, nourrissant l'innovation. Leur agenda n'est pas tourné vers lesbesoins, ni à l'avantage des PED. Leurs effets sont pourtant à prévoir, et leur capacitéde réalisation si possible à capter. li y faut de l'imagination, car leur accès est souventcher, et réservé à des pays dotés de solides capacités. li est donc inégal, et les écarts secreusent.

- Les disparités vont croissant, entre le pôle des pays industriels ou émergents et celuide pays les moins avancés. L'expérience des pre11Ùers montre que l'avantage appartientdésormais aux "sociétés de savoir"; et que la ressource humaine prime une ressourcenaturelle dont la tendance longue est à la dévalorisation.

- à défaut de trouver des emplois pour leur population dense et jeune, qui croît, lespays pauvres sont happés par une spirale de marginalisation : pauvreté, survie dansl'instant, exclusion des savoirs modernisants; parfois violences, économies illicites,encadrements féodaux et rente prélevée sur toute activité productive... Les logiques ducomportement ne peuvent être les mêmes, sous ces conditions de vie et dans les Nordsprospères.

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- Toutes ces données sont constitutives d'un handicap cumulatif des Suds. Le granddéfi est de dégager dans ces conditions une voie de développement robuste, durable,tenant compte à la fois des faits et préoccupations de globalisation, et de la scène,locale, de l'action.

Il faut en cela tenir compte que, par rapport aux décennies passées:

- les lieux d'ancrage des problèmes ne sont plus les mêmes. La population estaujourd'hui plus urbaine que rurale. La culture et les besoins sont différents; leschemins pour les satisfaire doivent être repensés; les leviers d'action ont changé.- les domaines-clé de l'intervention ne sont pas immuables. Si l'objectif est toujours desatisfaire les besoins de base, il s'agit aussi de développer les instruments de leur priseen charge autonome et durable dans un monde contemporain. Les "savoirs", les outilsde gestion, l'entrepreneuriat et l'aménagement d'un milieu qui lui soit favorable, laconscience de l'environnement mondial font partie de ces instruments.- la répartition des rôles entre acteurs mérite d'être reconsidérée. Que revient-il de faireaux secteurs public et privé? L'aide publique doit-elle s'attacher à des objectifs deproduction ? Ou les laisser aux entrepreneurs et se réserver pour d'autres tâches : parexemple, la formation (y compris des entrepreneurs), ou la recherche pour ledéveloppement?

- Tenant compte de ces données, une réévaluation des besoins est donc nécessaire,méthodique, en concertation avec les pays partenaires.

- Il est clair que la stratégie établie sur ces bases passera, à des degrés divers, par:

· le changement de systèmes techniques, insuffisamment adaptés aux exigences dequalité mondiales et peu performants. Ces systèmes techniques, branche par branche,ne sont pas faits seulement de dispositifs matériels; mais d'une combinaison efficientede savoirs pratiques, de savoirs techniques (codifiés par des manuels et vulgarisés), etde savoirs scientifiques nécessaires pour entretenir le système (parer à ses aléas) et sibesoin le changer.

· une gouvernance favorable au développement

· un changement des mentalités, une "Renaissance modernisante" (Balandier. 1996). TIs'agit de tirer parti (scientifique, économique) des pratiques traditionnelles et dessavoirs transmis; de faire épanouir, sur des assises culturelles et sociales originales, lespouvoir-faire inédits qu'offrent d'autres visions du monde, d'autres façons de construirele réel. Bien entendu, cela s'entend appliqué à des tâches pratiques, aux modesd'organisation, à l'imagination créatrice; et cela suppose l'appropriation desconnaissances et des conventions modernes, intériorisés et transposés.

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2. A propos des capacités de RDT dans les pays en développement.

Cette remise en perspective de la tâche de développement place la capacité de RDT aucarrefour des interventions. Mais il faut construire cette capacité dans toutes sesdimensions : pédagogie, transfert de techniques, apprentissage technologique, capacitéde création de connaissances... li est utile, pour tout pays, de développer ses proprescapacités scientifiques et techniques. En suivant notre argumentaire précédent:

- li faut savoir repérer les nouvelles opportunités qu'ouvre la globalisation deséchanges: quelles sont par exemple en agriculture les plantations envisageables, dontles produits à forte valeur ajoutée seront exportables? Quelles sont les technologies àcapter, dans le cadre de joint-ventures... ?Pour être exportables, les produits devront être "de qualité". Pour en arriver là, nombrede recherches, et de développements technologiques, sont à réaliser. li faut notammentcomprendre les systèmes techniques existants, et leurs leviers de modernisation;identifier les savoirs pratiques, évaluer les savoirs techniques, prendre la juste mesuredes savoirs scientifiques à maîtriser.

- L'agenda des techno-sciences du Nord (celui des par exemple des recherchesbiotechnologiques) menace de dévaloriser des ressources décisives pour certains paysen développement. Inversement, ces mêmes techno-sciences pourraient êtreappropriées par des pays du Sud, et tournées au service de leurs besoins. Une veillescientifique et technologique s'impose.

- Les sociétés de savoir ont aujourd'hui un avantage durable.La "chasse aux cerveaux" n'aboutit plus nécessairement à leur exportation. Des firmesinternationales montent des filiales locales ou des joint-venture, pour profiter de cestalents. Les compétences recherchées peuvent être de haute technicité (conception delogiciels en Inde); ou consister dans des savoirs traditionnels (réajustés selon lesconventions actuelles de la science : par exemple, identification et recueil depharmacopées au Costa-Rica). Au delà d'opérations ponctuelles, on peut songer àconstruire, sur cet avantage, une branche d'activité nationale.Les outils de gestion, ceux du management, le décryptage de l'information utile àl'innovation, indispensables à la mise en adéquation avec l'environnement mondial,nécessitent une appropriation locale; et de la part de qui les acquiert une rationalitédont la culture scientifique est un élément. De même à propos de l'apprentissagetechnologique.

- La lutte contre la marginalisation et la pauvreté a une dimension culturelle..La popularisation de la science en fait partie : des associations militantes, parfois detaille impressionnante, s'y attachent en Inde comme en Amérique Latine. Le désird'accès aux savoirs modernisants (et désaliénants) est un des leviers de l'action dedéveloppement. Les ressources scientifiques et techniques peuvent être aussi d'utilitédirecte pour trouver solution à des problèmes locaux de pauvreté : même s'il ne fautpas s'en reposer sur elles à tout coup, ni sur elles seules et pour des solutionsinstantanées. Les exemples montrent qu'il faut ici compter sur ses propres forces: c'est

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à dire sur ses capacités nationales de recherche. Car les travaux de cet ordren'intéressent bien souvent ni les grandes [mues (le marché n'étant pas solvable), ni lemainstream scientifique (dont l'agenda est commandé par les besoins du Nord, oùtravaillent 90 % des scientifiques mondiaux). Pourtant, et grâce au soutiend'organisations internationales (OMS), ainsi qu'à des coopérations Sud/Sud, la mise aupoint de vaccins contre la dengue (peut-être le paludisme) est en bonne voie: leurconception revient à des scientifiques de Colombie, du Vénézuéla, de Thaïlande. Elletient à leur talent, ainsi qu'à la solidité dans ces pays de la recherche fondamentale etdes communautés scientifiques. Des réalisations moins spectaculaires - mais aussiprécieuses dans la lutte contre la pauvreté - peuvent être citées dans le domaine agro­alimentaire (farines de sevrage, nouvelles préparations alimentaires à base de manioc,et bien d'autres).- La lutte contre la pauvreté, contre les maladies, pour une meilleure alimentation, pourune urbanisation viable... demande une accumulation de connaissances nouvelles, enparticulier dans le domaine des comportements et des logiques sociales. La gestion desvilles requiert aussi une meilleure connaissance des sociétés, et des instruments desuivi spécifiques (Atlas urbains infonnatisés...). De façon générale, on s'aperçoit queles recherches en sciences sociales ont été bridées (y compris en économie), et que lesinfonnations de base font souvent défaut, entravant l'analyse stratégique.- Si le secteur privé est appelé à prendre plus de responsabilités dans la production,c'est à la puissance publique de s'engager dans l'aménagement d'un environnementproductif favorable. Les tâches qui lui reviennent sont à repenser dans ce sens. Lafonnation, la RDT (dans toutes ses dimensions et ses conditions : institutionsefficientes, maintenance du potentiel, aide à la valorisation des résultats; lien avec desentrepreneurs préparés à l'innovation et soutien à l'apprentissage technologique...) fontpartie, d'avis courant, des objectifs qui lui reviennent.

Pour reprendre les éléments incontournables d'une stratégie du développement : lechangement de systèmes techniques est à fort contenu de RDT (recherche, articulationdes savoirs, valorisation et vulgarisation des résultats, entretien des capacités etdispositifs y contribuant); le changement de gouvernance exige de cultiver lescapacités d'analyse stratégique; le changement culturel nécessite le développement d'ungoût des savoirs (en particulier scientifiques et techniques), d'un tour d'esprit actif àl'égard des ressources savantes extérieures (à transposer en tirant parti des façonslocales de penser le monde et d'aborder l'action), ainsi que la capacité à créer denouvelles connaissances (en échappant à la dépendance qu'induit la pure utilisation desavoirs et de dispositifs instrumentaux importés).li est vrai que "personne ne croit plus aujourd'hui que la connaissance scientifique ettechnique ait le pouvoir de changer la société si certaines conditions économiques,politiques et sociales ne sont pas réunies". Mais lorsqu'elles le sont, "l'accès à desconnaissances de niveau international, et à une coopération technique élargie peutavoir une importance vitale... La richesse afflue en effet dans les lieux où lacompétence, l'efficacité et la qualité de vie existent; elle fuit ceux qui en sont privés"(Schwartzman. 1996). Cette loi vaut pour tous les pays en développement. La conséquenceest dans un pari à faire sur l'investissement global dans l'éducation et dans la "qualitéde vie".

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Mais si l'aide au développement "mise à jour" comprend une dimension essentielle desoutien à la RDT, quelle stratégie suivre, notamment dans les pays les moins avancés?Et d'abord comment éviter les errements du passé? Car, il faut le rappeler, il y eutdans les années 1960-1970 de réels efforts pour développer les systèmes éducatifs, ycompris universitaires, et pour construire des appareils de science nationaux. TI fautadmettre que la démarche a déçu. L'école publique, telle quelle, n'aide plus à s'orienterdans le monde des relations sociales; elle n'entraîne pas ses élèves à construire unprojet; elle ne satisfait plus les stratégies parentales de promotion. Les enseignementstechniques ont été sacrifiés. Les Universités sont asphyxiées par le nombre d'étudiants.Des centres de recherche stériles ont absorbé les ressources dans de vaines activités deroutine; les planifications prétentieuses de la science ont engendré des bureaucratiesparalysantes, et sans pragmatisme. Ces systèmes se sont déconsidérés. Leurs demandesde fonds réitérées ont peu de chances d'être crédibles. TI ne s'agit pas de conclure qu'iln'est plus de politique possible, en matière de RDT et d'éducation. Mais qu'il faut aiderà mettre en place des politiques radicalement nouvelles, en recherchant des dispositifsinnovants. Ceux-ci doivent tenir compte des nouvelles tendances à la privatisation et àl'internationalisation; et se garder des formes anciennes qui ont fait preuve deperverSIons.

3. La stratégie nécessite une approche holiste, coordonnant l'action sur plusieursfronts.- on ne saurait délaisser les actions de popularisation des sciences et techniques, danset hors école; ni la promotion des enseignements techniques (et dans les entreprises,celle de l'apprentissage technologique).- un effort essentiel est à consacrer à la formation et au soutien de scientifiques dequalité. li faut avant tout reconnaître et favoriser l'exercice des vrais talents, car leproblème des anciennes politiques a été trop souvent de soutenir des recherchesmédiocres. TI faut ensuite entretenir des milieux de spécialistes. Ceux-ci pourront seconsolider plus tard en communautés scientifiques. On pourra d'ailleurs songer à tirerparti des talents émigrés, sans pour autant compter sur leur retour.- Les coopérations scientifiques sont un volet de l'entreprise. Mais d'autres sont aussinécessaires. TI faut entretenir les bibliothèques, les instruments de la communication,les revues et les associations scientifiques locales; il faut créer les outils de lavalorisation, et ceux d'une articulation avec les deux mondes des décideurs et desproducteurs.- On pourrait commodément concentrer les moyens sur deux ou trois "institutions­phare" (dont au moins un "Institut de technologie") probablement régionales (pourconstituer plus vite des masses critiques).

Telle est peut-être la voie vers un dispositif stable, fiable et qualifié, qui permette deconsolider les capacités de RDT et de faire progresser la "société de savoir".

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Chapitre 5. Conclusion.

La fin de la guerre froide et la globalisation ont changé les relations internationales.L'Etat s'affaiblit et les réductions budgétaires sont à l'ordre du jour. Chances etpuissances se redistribuent : le secteur privé, l'innovation et les capacités techno­scientifiques en sont largement responsables.Le nouveau monde est aussi caractérisé par son asymétrie d'origine. li est partagé entredes Nords désireux de commercer en paix et soucieux de leur postérité: ils sontd'emblée au niveau global, et dans une temporalité longue; tandis que se marginalisentdes Suds désertés par la modernité, vivant dans l'urgence et la localité.li n'est pas impossible que le Nord s'affranchisse largement de ses dépendances àl'égard des ressources du Sud : de sa main d'oeuvre, de ses matières premières, de sessources d'énergie. Le pouvoir-faire techno-scientifique y travaille. D'un autre côté, lespopulations du Sud se déversent sur le monde développé, les pandémies ne connaissentpas de frontières. Le Nord s'inquiète aussi bien des sorties de pauvreté ( lacompétitivité montante d'économies émergentes) que des excès de pauvreté (le manquede contrôle démographique, les maux contagieux, les turbulences locales affectant lecommerce).Cette nouvelle donne oblige évidemment à repenser la raison d'être de l'aide audéveloppement; son mandat et son dispositif. Tandis que les pays nord-américains laréorientent vers "quelques problèmes d'envergure mondiale" (environnement, SIDA,contraception...), nous avons vu que les pays européens restent plus fennes dans leurspolitiques : ils se préoccupent non de traiter des symptômes épars, mais de susciter enprofondeur des dynamiques de réintégration.La Communauté Européenne a pris position dans ce sens de façon réitérée. Le Traitéde Maastricht consacre par exemple un chapitre à la coopération au développement, etlui assigne les objectifs suivants :- contribuer au développement économique et social durable des PED, particulièrementdes plus défavorisés.- soutenir leur insertion, hannonieuse et progressive, dans l'économie mondiale- lutter contre la pauvreté.Plusieurs DG ont mandat de s'y appliquer.

Puisqu'il s'agit de soutenir un développement viable, dans un monde où "l'avenirappartient aux sociétés de savoir" on ne peut manquer de s'interroger sur l'aide qu'ilconvient d'apporter à la science29 •• li est clair qu'il y faudra non seulement la créationde nombreuses connaissances nouvelles, mais des apprentissages technologiques,entrepris dans un autre esprit que celui de simple utilisateur de savoirs et de :dispositifsinstrumentaux, reçus d'ailleurs. C'est de l'imprégnation d'une rationalité technique etscientifique qu'il s'agit; mais tirant parti des dispositions à l'action et des façons depenser enracinées dans la culture propre.

29 Science. science et technologie. RDT forment aujourd'hui un seul domaine : il s'agit d'en assurer lacohérence.

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li ne fait pas de doute que les ressources de la science et de la technique soient utiles,pour lutter contre la maladie, les désajustements de systèmes techniques, et pouraugmenter significativement le pouvoir faire, face aux situations de pauvreté. Maisl'enjeu est plus grand. C'est du développement d'une disposition d'esprit qu'il s'agit,changeant la "ressource humaine" : permettant aux personnes de se poser en acteurseffectifs, informés, qualifiés, prêts à transposer les ressources extérieures dont ils semontrent curieux pour se les approprier.Dans l'ordre économique, cet esprit trouvera à s'appliquer à l'indispensable veilletechno-scientifique, au repérage des opportunités ouvertes par la globalisation desmarchés, à la recherche de "qualité", à la rationalité de gestion. Mais il importe qu'ilpénètre tous les compartiments de la vie.

Aussi, l'aide à la science passe-t-elle par bien autre chose que de seules coopérationsscientifiques. Elle vise une "construction institutionnelle", qui est aménagement d'unmilieu ambiant se prêtant à l'efficacité. Elle cherche à faire émerger des pratiquesgestionnaires, de cadres infrastructurels et réglementaires, favorisant l'initiative,l'expression des talents et l'esprit de réalisation. Elle s'attache à l'entretien desbibliothèques, des instruments de la conununication, des revues et des associationslocales. Elle cherche à créer les outils de l'articulation entre les mondes de larecherche, et de la production; et les cadres institutionnels qui favoriseront l'innovationet la valorisation. Elle ne se désintéresse pas plus de la popularisation de la science,que du soutien à la création de capacités d'analyse stratégique aux niveaux de décisionles plus hauts.

Cette approche "holiste" peut dérouter. C'est pourtant celle à laquelle se tiennent desdonateurs d'importance; et c'est celle, pour leur compte propre, des ministères "de lascience" (ou de la RDT, ou de l'industrie et de la recherche) dans les pays du Nord.Croira-t-on à ses vertus au Sud ? Deux obstacles se présentent. D'une part, lespolitiques de science, qui y ont été activement conduites dans les années 1960-80, yont souvent généré des appareils nationaux bureaucratiques: ceux-ci ont engendré tropde médiocres recherches. Sauf quelques institutions-phare, qui attirent talents etfinancements, ces dispositifs sont déconsidérés et discréditent la recherche. Si doit sefaire une reconstruction, elle en devra tirer les leçons. D'autre part, la tâche est moinsfacile que la substitution aux compétences défaillantes; ou que la création au seind'enclaves de résultats prometteurs, mais destinés à être transférés plutôt quetransposés et réappropriés. L'approche techniciste se satisfait assez de l'idée qu'il n'estbesoin pour le Tiers-monde que de se servir au supermarché des techniques existantes;et que point n'y est besoin de capacités propres de "découverte" - au risque d'uneperpétuelle dépendance et de la mise à l'écart, faute de pouvoir se poser en partenaireréel. Les apprentissages technologiques posent le même problème. li ne faut pas croireque ce sont simples processus machinaux. lis sont riches au contraire de contenusintellectuels: peu d'entreprises en ont la culture et peu d'entrepreneurs s'y risquent(Arvanitis & Pirela. 1993). Mais c'est sur leur réussite que se construisent les innovations30 •

30 Qu'on n'imagine pas que nous parlons ici de technologies avancées: il peut s'agir aussi bien de techniquesde préparation alimentaire paysannes.

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Les crédits sont rares. L'imagination en est entravée. Les finnes suivent la pente de larecherche de talents techniques et scientifiques là où ils sont déjà robustes. Les Etatsréservent leurs ressources à la promotion des intérêts nationaux essentiels - plusinquiets des menaces instantanées venues de PED que des moyens de leur donner lachance d'un développement à long tenne. L'Union Européenne n'a pas cettedisposition.

li faut admettre toutefois que malgré les mandats reçus, et malgré les rappels à sonimportance, l'aide à la RDT des pays en développement n'a fait l'objet que d'actionsmineures de la part de différentes DG. L'exception consiste dans l'organisation decoopérations scientifiques. La DG XII, avec son Programme spécialisé STD, a mis aupoint un "modèle" original de partenariats, orienté vers les «sciences dudéveloppement», qui donne globalement satisfaction aux participants. li peut se targuerde résultats appréciables. La DG lb de son côté a initié d'autres coopérationsscientifiques (depuis reprises dans le Programme-cadre de la recherche). Cellesconcernant la Méditerranée ont exploré des voies heuristiques, dont la défmition dethèmes régionaux de recherche, et la construction de Programmes à dimensiontechnologique imaginatifs, intéressant des pays "non encore industriels". Mais cesactions laissent large place pour d'autres initiatives d'aide à la science telle que nousl'avons définie. La DG vm, bien que gestionnaire de fonds importants et disposant detextes, qui lui pennettent d'apporter son soutien aux pays ACP pour le développementde capacités de recherche, n'est jusqu'à présent intervenue que de façon limitée dans cedomaine. li est vrai qu'elle est tenue par les contraintes qu'impose la mise en œuvredes Conventions de Lomé, et la priorité accordée (par la force des choses) par les paysACP aux actions à court tenne. L'évaluation de ses interventions dans ce domaine, encours, donnera plus précisions sur l'éventail de ses préoccupations (et sur cellesd'autres DG, également évaluées). li reste que les sonunes engagées (sauf coopérationsscientifiques) sont peu importantes au regard de l'effort porté dans ce domaine parcertains Etats-membres. C'est un paradoxe - compte tenu des intentions de laConununauté.

Sans doute manque-t-il un instrument, qui reste à trouver, pour donner de l'ampleur àl'aide scientifique (dans toutes ses dimensions); et pour coordonner dans une stratégieglobale les actions relevant de différents domaines.L'enjeu est majeur. C'est à leur investissement persévérant, dans l'éducation et dans laRDT, qu'on attribue aujourd'hui quelques grandes raisons des succès remportés par les"pays émergents". Le développement passe aujourd'hui par un changement de systèmestechniques, et par un changement des mentalités (cette "Renaissance modernisante"qu'appelle G. Balandier). Le développement de capacités locales de RDT est à leurcœur.

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ANNEXE A

Tableaux comparatifs (divers donateurs)

N.B. Les chiffres présentés sont des ordres de grandeur. Ils sont assez justes pour permettre descomparaisons. Ils seront affinés dans une prochaine rédaction.

La comparaison concerne les donateurs suivants :

Commission Européenne

Canada

Etats-Unis

France

Suède.

Elle porte sur :

L'Aide publique au développement

La RDT dans l'Aide publique au développement

Les domaines d'intervention de quelques Programmes de coopération S&T

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APD : Aide publique au développement

Divers bailleurs

1) Aide publique au développement

Dates CCE Suède France Canada USA1990 Valeur 4000 2100 7500 2600 Il 260Id. % PNB S.o. 1% 0,7% 0,45 % 0,2%1995 Valeur 5000 2000 1800 8ooo?Id. % PNB S.o. 0,9% 0,7% 0,30 %Valeurs: en M $ US

2) Coopération scientifique et technique dans l'APD

Dates CCE Suède France Canada USA1975-83 * 6 40 1201984-90 * 56 100 2501991-96 * 80 90 200Année 1990 60 125 400 350Année 1995 80 90 750 210 288Perspective 2000 ? 85 ? Peu différent? 160 ? 190 ?en % APD 2,5% 5% 9% 12 % 5%% spécialistes** 75 % 66% 66% 33 % 60%Valeurs: en M $ US* Moyenne annuelle** Agences d'APD mandatées pour gérer coop S&T. ou institutions de S&Ten coopération:CCE : DG Xll; Suède: Sarec; France: Orstom + Cirad; Canada: CRDI; USA: Us-Aïd

3) Priorités de quelques coopérations scientifiques et techniques (1995)

N.B. Les données présentées ICI concernent STD 3. CSI (1990-94). Avicenne. La colonne CCE tient compte enoutre des contributions apportées au CGIAR. et des travaux fmancés par le 6 0 FED. Les autres donnéesconcernent. pour 1990-1995 : la SAREC (Suède); le CRDI (Canada); les institutions françaises de recherche.hors Universités.

Secteurs STD CSI Avicenne CCE Suède France Canada USAAgric-Alim- 37 % 17 % 42% 35 % 50% 45% 50%Dév RuralOcéan. Res. 18 % 15 % 12 % 13 % 20% *naturelles.Environt

Sc. Soc 3% 1% 15 % 8% 25 %Santé 40% 33 % 20% 27 % 25 % 17 % 10 %Sc. fondarn. 35 % 12 % 12 % 3%Techno

Eau, 80% 6% n.d. n.d. n.d. n.d.énergie

..

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ANNEXE B

Fiches donateurs

1) Canada

2) Suède

3) France

4) Etats-Unis

5) Union Européenne

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*1) Fiche donateur: Canada

1Dates 1970-1990 1991-1996

Philosophie Internationalisme Pearsonien Valeurs changeantes. Philosophie hésitante

Budget 0,45 % 0,30%APD/pNBBudget 15 % 12 %S&T/APDGestion - Une agence "développement" (ACDI) - Nouveau programme de l'ACDI ...

- Une autre de coop S&T (CRDI) - Incertitudes sur devenir du CRDICRDI (1990' M $ 125 5 % APD)' (1995 . M $ 80. 4.5 % APD).Concepts - Partenariat - Oeuvre commune d'intérêt mutuel

- Capacity buildin.~ - Capacité d'utilisation des résultatsApproche - Technique + Sciences sociales - Fonnulation de problèmes transverses

Dispositif - Propositions issues de groupes du Sud - Réforme tous les deux ans- Gestion fine par responsables - Moins de représentants locauxrégionaux, originaires et résidents - Dissolution des départements thématiques'"- Rapport direct aux producteurs; pas de - Concertation préalable avec donneursmédiation des gouvernements mondiaux- Exécution par professionnels du lieu - Développement partenariats Canadiens- 1/2 du Conseil d'admin vient du Sud

Stratégie -1) Agriculture-alimentation (45 %) - Environnement (66 %) ...(Domaines) -2) Sciences sociales (25 %) - Petites "opérations spéciales" (33 %) ......

-3) Santé publique (10 %)Stratégie - Tous continents, sauf Méditerranée - Désengagement de l'Afrique de l'Es1...)(Lieux) - Pays pauvres, ou de grande pauvreté - Pays pauvres ou émergents avec pauvreté

dans prospérité relative, ou à démocratie - Mrique : 30 %, Am Lat: 20 %, Asie: 15 %;menacée international et actions spéciales : 35 %

Diagnostic - Doctrine mondialement influente Avenir incertain. Think tank tétanisés.- Dispositif modèle (Australie, Suède, Institution paralysée. Réputation maintenueFondations...) par initiatives lors de Confs mondiales

Hors CRDI (pour S&T: 200 % de la dépense du CRDI: (1990 M $ 270. 11 % APD; 1995: M $ 130.7,5 %APD)

ACDI - Besoins propres aux projets dévelpmt Id (budget décroît)- Finance Centres internationaux Id(GCRAI, Institut Nord/Sud...) Renforcement partenariats Canadiens- Programmes Universitaires de coop

* N.B. : (1995) Nouvelles priorités de la politique internationale du pays:1) favoriser la prospérité et l'emploi; 2) protéger la sécurité du pays. dans un cadre mondialstable; 3) assurer le rayonnement des valeurs et de la culture Canadiennes

(1996) Traduction en 6 programmes prioritaires par l'ACDI (équivalent DG VIII) :a) besoins humains fondamentaux; b) intégration de la femme au développement; c) servicesd'infrastructure; d) droits de la personne. démocratie et bon gouvernement; e) développement dusecteur privé; f) environnement.

(1996) Traduction en 24 programmes par le CRDt autour de: Environnement et socio-économie : intégrationdes politiques; biodiversité; systèmes alimentaires menacés; technologie et environnement; information.** Sexes & développement; Secrétariats de réseaux mondiaux: Bella-Net (interbailleurs). WEIV : télévision...

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2) Fiche donateur: Suède

1Dates 1975-1990 1991-1996

Philosophie Solidarité Nord/sud pour monde en paix Philosophie inchan~ée.

Budget 1% 0, 7 % (en l'an 2 0(0)APD/pNBBudget 6% 6%S&T/APDGestion - Une agence "développement" (SIDA) - Fusion de Sarec dans Sida élargi

- Une autre de coop S&T (SAREC)SAREC (1990 . M $ 61 3 % APD)' (1995 . M $ 62 3 5 % APD). . , .Concepts - Partenariat - Les mêmes +

- Institution building Innovation thématique dans Progr régionauxApproche - Développement des capacités locales Inchangé

Dispositif - Mixte: 4 Programmes égaux: - Le Département S&T a sa ligne budgétaire· bilatéral (construction institutionnelle) dans Sida, et son Conseil scientifique.· régional (thématisé) - Même "Mixte", mais 2 Divisions :· centres internationaux · Capacités nationales de recherche (bilatéral :· partenariat Suédois construction institutionnelle) (approche- En bilatéral : holiste)· Accords intergouvernementaux · Programmes thématiques (international,· Soutien durable à instits sélectionnées. régional et initiatives spéciales) (exigence 10

· Recherches par équipes de ces instituts de qualité scientifique)Stratégie -1) Développement rural (35 %) - Peu de changements; inflexion en faveur de :(Domaines) - 2) Santé (25 %) · Environnement, et science fondamentale

- 3) Sc nat, technologie-industrie (20 %) - au détriment de:- 4) Sciences sociales (15 %) · Santé, et agriculture-alimentation

Stratégie - En bilatéral, 15 pays très pauvres. - Resserrement en bilatéral (8 pays)(Lieux) - En régional, même centrage, et - S'ajoutent Progr "spéciaux" (planétaires:

démocraties menacées * SIDA, Environnement)

Diagnostic - Doctrine mondialement influente - Continuité- Options fermes et centralisées - L'institution prend de + en + d'initiatives

(Programmes régionaux et spéciaux)Hors SAREC (pour S&T : 50 % de la dépense de SAREC : (1990 M $ 44, 2.2 % APD; 1995 M 30 $ ,2%APD)

Sida ** - Besoins propres aux projets dévelpmt - Idem- Promotion coopérations techniquesavec pays intermédiaires (BITS) - Budgets décroissants (à l'inverse de ceux de- Formation coopérants Suédois S&T stricto sensu: ex Sarec)

* En Mrique: Botswana. Erythrée. Ethiopie, Mozambique. Namibie. Tanzanie, Zimbabwe; en Asie: Inde, Sri­Lanka, Vietnam; en Amérique latine: Argentine. Chili. Costa-Rica. Cuba, Nicaragua. Uruguay.** Structure d'ensemble Sida, en 1996 :5 départements géographiques: Mrique méridionale; Mrique de l'Est et de l'Ouest; Asie; Amérique latine;Europe centrale et de l'est.5 Départements sectoriels: Recherche en coopération (ex SAREC); Démocratie et développement social;Infrastructure et coopération économique; Ressources naturelles et environnement; ; Coopération avec les ONGet catastrophes.

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3) Fiche donateur: France

1Dates 1960-1990 1991-1996

Philosophie Par vocation nationale à : grandeur, Philosophie hésitante.générosité, et rayonnement culturel Maintien d'une mission de service public

Budget 0,6 % ? (en l'an 2000)APD/pNB

Budget 7% X%S&T/APDGestion ~ Initiative aux institutions de recherche - Création d'une instance d'orientation

(dont deux spécialisées: Orstom, Cirad) gouvernementale?- 3 Ministères et leurs actions incitatives - Dissolution des instituts spécialisés?

Instituts de recherche (1995 : M $ 550. sans compter les UIDversltés)(effort sans grandes vanatIons depws1981)

Concepts

Dispositif

Stratégie(Domaines)

Stratégie(Lieux) *

Diagnostic

- Qualité scientifique et technique- Substitution (Depuis 1980: partenariat)- Institutions spécialisées: négociationdes programmes avec labos partenaires;approbation en Commission mixte pargouvernements des pays- Autres instituts: programmesbilatéraux, de labo à labo- Ministères: inflexions suggéréesannuellement; tutelle a posteriori- Ministères: Actions incitatives, actionsbilatérales, Formation à la recherche...

1) Agriculture-dévelopment rural: 50 %2) Milieux physiques, ressourcesnaturelles, océans, énergie (20 %)3) Santé (17 %)4) Sciences sociales (8 %)- Autres 5 %

Afrique sud Sahara (francoph) (55 %);Am lat (17 %); Asie (13 %); Pays arabes(11 %); Divers et internat (4 %)

- Dispositif diffus et ubiquitaire; agilité,compétence, connaissance du terrain.

- Qualité scientifique et technique- Partenariat

?.Peut-être:

- Une instance d'orientation centrale (CNC)- Une agence de gestion des moyens. de la formation.du soutien aux labos du Sud- Des appels d'offre sur thèmes prioritaires- Une seule institution spécialisée. en agriculture- Contractualisation des rapports avec partenaires Sud- Mais demeurerait la pluralité des Ministèresintéressés: Recherche. Coopération. Affairesétrangères.

ou peut-être: statu quo?

Quelques nouveaux champs (ville. voies dudéveloppement...)

Importance de la formation. et de l'accès àl'information scientifique

ou peut-être : peu de chan~ements

- Diversification des lieux et modalités, maisspécificité Africaine reconnue- Alliances Européennes et internationales- Stratégie globale. lien plus direct avec utilisateurs.impact mondial accru ?- Risques d'une réforme brutale. entraînant perte decrédits. et de capital scientifiQue?

Hors Institutions de recherche (pour S&T 33 % de la dépense des instItutIons: (1994 M $ 2(0)

Min coop - Besoins propres aux projets dévelpmt Budgets lentement décroissantsMin Af ét - CGIAR, Centres internat (15 M $)Min Rech - Bilatéral et Bourses* Secteurs d'mteIVennon, hors DOM-TOM (ceUX-CI sont bénéficiaires de 25 % de l'aide à la RST pour ledéveloppement).

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4) Fiche donateur: Etats-Unis

1Dates

Philosophie

BudgetAPD/pNBBudgetS&T/APDGestion

1950-1990

Vocation de grande puissanceSécurité par prospérité et démocratie

0,2%

5%

- Des Fondations privées- Divers Ministères (Santé. agric...) pour 1/3 del'aide publique- Une Agence du Dept d'Etat (US-Am) gère lereste: aides sécuritaire. alimentaire. dévelpmt

1991-1996

Philosophie hésitante entre:sécurité. humanitaire. commerce et déveloPpement.

? (en l'an 2000)

? (en l'an 2 000)

- Les Fondations tendent à se coordonner- Vers une Agence séparée. gérant l'aide publique auseul développement?

uS-AID recherche (1995 M $ 288). (fortes vanatIOns depuis 1981) 200 M $ de + gérés par autres Ministères

Concepts - Aide (rares progr partenaires: CRSPs...)

- Instit building (Exportation d'institutions)

- Formation (Jumelage d'institutions)

Approche

Dispositif

Stratégie(Domaines)Stratégie(Lieux)

Diagnostic

- Accompagnement de la diplomatie(Etat)- Confiance dans technique et institutions US- Gouvernance + Productivité par technique- Orientations par desks sectoriels- Initiation projets et négociation avecgouvernements locaux par dessus régionaux.- Large appel pour l'exécution à UniversitairesUS (contrats précaires)- Fort tum-over des projets. des responsables etdes partenaires

- Diversité des Programmes. pour objectifsdivers '"- Tous Programmes visés par le Congrèsannuellement, par projet et par pays

1) Agriculture (production) (50 %)

1) Israel + Egypte2) Pakistan, Turquie, Philippines3) Reste du monde (diffus)- Quelques très bons projets- Vices courants: versatilité; difficile prise encompte du contexte socio-politique et local.Personnel instable et peu connaisseur des lieux.

- Importance accrue des coopérationstechnologiques, menées par des fIrmes

- Même processus d'initiation- "Dégraissage" des desks sectoriels- Fermeture de nombreux Programmes·- Conservation des Fonds "diplomatiques" •- Multiplication de petits Fonds spécialisés,s'adressant plus finement à des institutions oudes individus compétents

A compléter

A compléter

- Plus grande importance des pays d'économieémergente- Accom~a~ement diplomatiqueSystème en crise, et manquant de soutien.Baisse de 40 % des budgets en 4 ans. à poursuivre(1993 : 382 M $. 1996 : 222 M $)

Réformes incessantes, pas d'orientation claireFondations lDOur S&T X % de la dépense publique

Rockefeller - Visée à long terme, continuité d'actionFord - Variété des approches, des concepts,Carnegie. Mc des dispositifs, des champs d'action.Arthur. ete... - Dispositif diffus

Voir texte principal (à compléter)

- Budgets croissants, réflexion poussée- Coordination en cours, rapprochement deBanque mondiale, et Coopérations affInes.- Substituent l'Etat dans la préoccupation dedéveloppement. "Donnent le ton"

'" Viennent de fermer: Bosud (géré par l'AcadémIes des sciences). PSTC=BlOteehnologies. Nord/sud=partenariats entre labos)... Conservé: CDR (Coopérations par le canal d'Isra!l)

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Sa) Fiche donateur: Union Européenne

1Dates 1984·1995 Evolutions récentes

Philosophie Conférence de Vienne: les PED souhaitent: Traité de Maastricht: 3 objectifs:- Moins d'assistance. plus d'autocentrage · développement éc et social durable des PED. surtoutet spécialement: des plus défavorisés- Plus de recherche. faite par eux-mêmes. · leur insertion progressive dans l'économie mondiale

· la lutte contre la pauvreté

Budget - Depuis 1983. fortes augmentations. En 1991-

APD/pNB 1994: 15000 MEru (21000 M$)

Budget 2, S % ? (en l'an 2 000)

S&T/APDGestion Divers fonds aux objectifs et cibles distincts. au STD budgétisé dans Programme-cadre Recherche. dès

sein de la DG Recherche: STD. Coopération 1983. Initiatives additives d'autres DG (Avicenne.Scientifique Internationale (CSn. Avicenne CSI...). reorises dans ce cadre en 94 (INCO-DC)

DG XIII STD (depws 1983; STD 1 : 40 Mecu/4 ans; STD2 : 80 Mecu; STD3 : 120 Mecu; INCO-DC : 230Mecu)

Concepts Partenariat Les mêmes +Qualité scientifique Diffusion-valorisation des résultatsDomaines en rapport avec besoins PED"Communautés scientifiques". orientées Depuis INCO-DC (1994) :

Approche vers le "développement" - priorités régionales fixées, à l'intérieur des- Consolidation d'une capacité Européenne thèmes.- Entretien de capacités scientifiques au Sud - approches politique et socio-économique- Approche thématique. prises davantage en compte.- Parie sur liens durables. entre équipes etcollaborateurs s'appréciant.

(Ex. priorité: appropriation des savoir-faire locaux...)

- Soutien au fonctionnement de projetsconjoints. formation dans ce seul cadre.

Dispositif - Appels d'offre (ciblés sur domaines proches de - Introduction progressive d'objectifs supplémentairesla découpe des champs scientifiques). : STD1 Liens intraeuropéens; ST02 : partenariat- Construction des propositions par labos accru; STD3 : utilité des résultats;- Obligation. par proposition, d'au moins 2 - Evolution des champs: Dans STD3. identificationpartenaires européens et un des PED de "environnement" et "systèmes de production";- Evaluation par un Collège scientifique. puis extension de microbiologie et systèmes de santéexamen d'opportunité par un Comité PED- Evaluation et infléchissement chaque 4 ans

Stratégie - STD : Agriculture (2/3) et Santé (1/3) - Dans INCa-oc: outre la préoccupation de gestion

(Secteurs) - INCa-oc: Budget global doublé. Trois des ressources naturelles, s'ajoutent (pour 20 MEaJ)secteurs principaux: Gestion des ressources des programmes consacrés à l'info-communication et

naturelles. Agriculture et santé (190 MEaJ). aux technologies (biotechnologies. matériaux. énergieDroore).

Stratégie STD2 (Partenaires Sud): Afrique 51 %; STD 3 (partenaires Sud) : Afrique: 48 %. Am Lat:

(Lieux) Am Lat 20 %; Asie: 17 %; Médit: 12% 24 %. Asie: 24 %. Médit: 4 % (Avicenne relaie)

Diagnostic Succès avérés dans: En débat:- la création de réseaux durables de chercheurs Inhomogénéité des partenaires au Sud.Nord/sud Déséquilibre des partenariats Nord/Sud?- l'enrichissement du potentiel des Etats- Manque de liens avec utilisateurs?membres en recherche/développement. par Faible lisibilité politique. due à l'approche thématiquemobilisation de nouvelles équipes etconfrontation des approches.

Des résultats applicables et quelques-uns appliqués.

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5b) Fiche donateur: Union EuropéenneCoopération Scientifique Internationale (CSI, depuis 1984; 1991-94 :110 Mecu). Avicenne (depuis 1991;1991-94,25 Mecu). N.B. Ces programmes ont été absorbés en 1994 par le Programme INCO-DC (fiche Sa)

Concepts CS1: Coopération scientifique (non "fmalisée") CS! a d'abord été initié et fmancé par la DG lbAvicenne: Oeuvre commune d'intérêt mutuel Avicenne est une initiative du Parlement. fmancée surStructuration de régions par collaboration sctf budget Politique Méditerranéenne (mise en œuvre

confiée à la DG1 b. Relations extérieures).

Approche CS! : Géopolitique et diplomatique: les liens Le traité de Maastricht a regroupé dans lescientifiques permettent de s'ouvrir à pays ayant Programme-Cadre (Recherche) tous instruments deaccords de coopération sans protocole fmancier. coopération scientifique (Nouveau ProgrammeAvicenne: co-développement et diplomatie : "INCO-DC")les collaborations techno-scientifiquescontribuent à structurer une ré.f?ion.

Dispositif CS! : Bilatéral: sélection par Commissions - INCO-DC inclut désormais toutes les coopérationsmixtes (bilatérales). Soutien à projets présentés techno-scientifiques avec les PED. TI comprend diverspar deux labos (l Nord, l Sud); Bourses outils. dont certains d'objectif plus diplomatique (ex-personnelles. pour préparer ces projets. CS!..) ou industriel (Programmes technologie. initiésAvicenne: Constitution d'un réseau de labos de et gérés par les DG 3 et 13 : Industrie. Télécom)tous les pays de la région sur un thème unique. - La formule Avicenne a suscité la réflexion. etNégociation avec Etats ais thème+ participation déterminé la défmition de priorités régionales au seinSélection chercheurs sur critères scientifiques des thèmes d'INCO-DC

Stratégie CS!: Tous domaines. avec privilège aux voir Annexe "Tableaux", tableau nO 3(Domaines) sciences fondamentales et de l'ingénieur

Avicenne: Ciblage de thèmes liés à la viepratique, approchés sous angles opérationnels(Ex. : Eau. avec seulement 10 % des budgetspour la "compréhension des processus en jeu")

Stratégie CS! : Contingent de bourses et de projets par CS! : Privilège croissant aux pays "d'économie

(Lieux) pays. Amérique latine: 54 % des Bourses en émergente" : 1991-94: 80 % des Bourses et des1984-90.62% des Projets en 1991-94. Nouvelle Projets. contre 2/3 en 1984-90.orientation 1991-94: Asie. 60 % des Bourses.Avicenne: Exclusivement Méditerranée.

Diagnostic CS! : Vise moins l'impact "développement" que En débat:l'impact culturel et dlplomatlque. Réussites sur Les intérêts industriels et diplomatiques sont-ils biences plans. Gouvernements et ministères sont pris en compte par l'actuel dispositif?impliqués. Atténue l'exclusion de pays. et de Quel soutien aux "sciences fondamentales" ?pans entiers de la science par les autres fonds Comment moduler l'offre, selon l'intérêt des pays(fmalisés et thématisés). Satisfaction des partenaires pour la science; et leurs niveauxscientifiques qui se sont connu et apprécié. scientifique. technique. économique. social ?Le dispositif ne développe guère la dimension Faut-il revenir à quelques bourses individuelles. horsEuropéenne. mais des partenariats bilatéraux. cadre des programmes?Avicenne: évaluation en cours. Comment améliorer la lisibilité politique d'INCO-

DC

DG VIlI : FED, Etudes commandées par desks. Programmes intégrés de soutien à recherches finalisées: 125M . d . 1975ecu environ epUiSApproche Régionale. A la demande des Etats. ou des Appui aux organisations régionales de RDT agricole

desks régionaux (CORAF. ASARECA. SACCAR) ais planification etdéfmition de priorités régionales.

Dispositif Demandes initiées et soumises par Etats ACP.avec l'appui S&T des CIRA ou de Centreseuropéens de recherche (chargés ensuite defournir coordination et support).

(Domaines) Surtout agriculture. élevage. environnement.

(Lieux) Pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique)

Diagnostic Evaluation en cours

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d 1977 à 1996bd' . B7300 310 410) 134 MDG lb (R la . E": e tions xterleures . limes u IJ!etmres - . et ecu envIron eApproche Contributions annuelles aux budgets d'un Passage de contributions «unrestricted core» (à

nombre croissant de CIRA (Centres mondiaux disposition de CIRA choisis) à des contributionsde recherche agricole. parrainés par le «restricted core» (destinées à programmes précis).CGIAR).

Dispositif Négociation annuelle avec CGIAR et CIRA Initiative Européenne de recherche agricole pour ledéveloppement (EIARD). Elle vise à renforcer lacoordination des Etats-membres (plus Suisse etNorvège). entre eux et avec la Commission.particulièrement concernant la recherche agricolefmancée au travers du CGIAR.

(Domaines) Agriculture. pêche. élevage. environnement.forêts. systèmes de recherche... Il CIRA en1997 contre 1 seul en 1977.

(Lieux) Méditerranée sud. Moyen et Proche Orient.Amérique latine. Asie du Sud et du Sud-est.

Coopération Nord/Sud.

Diagnostic Evaluation en cours

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ss

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S6

ANNEXEe

BÜJliographie.

- Arvanitis R., Pirela A., Rengifo R. & Mercado A. (1993) Technologicallearning and entrepreneurialbehaviour. A taxonomy, Research Policy, vol 22 : 431-453

- Balandier G. (1996) : Science tranférée, science partagée, in Les sciences hors d'Occident au 20°siècle, Conférences, Paris, Orstom, p. 11-16.

- Bonneuil C. (1991) : Des savants pour l'empire, Paris, Orstom, 120 p

- Busch L. (1996) : Le Tiers-monde est-il encore nécessaire? Biotechnologies, robotique et fin de guerrefroide, in Les sciences hors d'Occident au 20° siècle, Conférences, Pàris, Orstom, p. 41-61.

- Callon M. (1996) : La privatisation de la science est elle inéluctable? in R. Waast éd. Les sciences ausud: Etat des lieux, Paris, Orstom, p. 153-174.

- Coward R. (1996) : Les coopérations technologiques dans le secteur privé (Etats-Unis), in R. Waastéd. Les sciences au sud: Etat des lieux, Paris, Orstom, p. 187-210.

- Davis C.H. (1996) Management value structure in international development Research : the case of aCanadian R&D funding Agency, Yearbook of the Sociology of the Sciences. Dordrecht, Kluwer, souspresse.

- Gaillard J. et Waast R. (1988) : La recherche scientifique en Afrique, Afrique contemporaine,Paris, vol 148, p. 3-29

- Gaillard J. (1990) : Les politiques d'aide à la recherche pour le développement: de l'assistance à lacoopération scientifique et technique? Le cas de la France, Cahiers des sciences sociales, Paris, vol. 26(3) : 405-425.

- Gaillard J. et Busch L. (1993) : French and American agricultural science for the third world, Scienceand Public Policy, Vol. 30 (4) : 222-234

- Gaillard J., Krishna v.v. & Waast R. éd. (1996) Scientific communities in the Developing World,Sage, New-Delhi/LondonfThousand Oaks,388 p.

- Gaillard J. Les politiques d'aide à la recherche pour le développement, En préparation, (voir Annexe: Canada, Suède, Etats-Unis....) .

- Hill S.c. (1996) : Small player advantage in a New Game : Capturing Opportunity as DevelopingCountries from the New Globalism of Technology, Science, Technology and Society, 1 (1) : 51-71.

- Kaplan D.E. (1996) : Science and Technology in a Democratie South Africa, in M. Barrère éd.Sciences et développement, Paris, Orstom, p. 49-66.

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- Kharbanda V.P. (1996 a) : Reforming Science and Technology System in China, 1985-1995, Science,Technology and Society, 1 (1) : 145-156.

- Krishna V.V. (1996 b): Science, Technology and Policy changes in India, Science, TechnologyandSociety, 1 (1) : 129-144.

- Oldham G. (1996) : La coopération internatioanle, in Les sciences hors d'Occident au 20° siècle,Conférences, Paris, Orstom, p. 87-98.

- Schwartzman S. (1996) : La coopération internationale en temps de crise, in Les sciences horsd'Occident au 20° siècle, Conférences, Paris, Orstom, p. 77-85.

- Waast R. et Gaillard J. (1993 a) : Stratégies scientifiques et processus productifs dans lescommunautés scientifiques, in R. Arvanitis & J. Gaillard éd. Indicateurs de science pour les pays endéveloppement, Paris, Orstom, p. 165-189.

- Waast R. et al. (1993 b) Positionnement scientifique et positionnement stratégique du progranuneEuropéen STD par rapport à ses homologues (Canada, Suède, Japon), Bruxelles, Commission desCommunautés Européennes, Contrat TS3/0043.FR (MNRE), 170 p.

- Waast R. & Schermer L. (1993 c) Indicators and survey of the researchers. A support study for theEvaluation of STD II , Luxembourg, Office for Official Publications of the European Communities,Science and Technology policy series, (EUR 14946 EN),107 p.

- Waast R. éd. (1996 a) Les sciences au Sud. Etat des lieux, Paris, Orstom, p- Waast R. (1996 b) Re-building sustainable science in the South, Communication à la Conférenceinternationale Scientfic Resarch Partnership for Sustainable Development, (KFPE-SAS-IUED), Berne,5-7 mars 1996