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Échos des congrès Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. IV - n° 3 - juillet-août-septembre 2015 127 ©Davel De juin à septembre 2015 : quelques faits marquants F. Penault-Llorca* * Centre Jean-Perrin, Clermont-Ferrand. Cancer du sein au congrès américain en oncologie clinique Tumeurs hormonodépendantes (RH+, HER2−) : on note la confirmation d’une importante avancée thérapeutique avec les inhibiteurs du cycle cellulaire (anti-CDK4/6). Rationnel : la croissance des cancers du sein RH+ dépend de la cycline D1, une cible transcrip- tionnelle directe du récepteur aux estrogènes (RE). La cycline D1 active CDK4/6, entraînant une entrée dans le cycle cellulaire. In vitro, les lignées cellulaires résis- tantes à l’hormonothérapie restent dépendantes de la cycline D1 et des CDK4/6. L’essai PALOMA 3 a montré le bénéfice d’associer le palbociclib, un inhibiteur de CDK4/6, au fulvestrant (antiestrogène pur) en hormono- thérapie de deuxième ligne. Les 521 patientes de l’étude exprimaient les RE et étaient HER2–. Sous palbociclib, la médiane de survie sans progression passait de 3,8 à 9,2 mois (HR = 0,422 ; p < 0,0001). Ainsi, l’adjonction de cet inhibiteur CDK 4/6 permet de restaurer la sensibilité à l’hormonothérapie de tumeurs devenues résistantes. Il n’y a pas, à ce jour, de biomarqueur identifié, mais le niveau d’expression de la protéine Rb pourrait permettre d’identifier les patientes sensibles (Turner N et al., abstr. LBA502). Cancers HER2 + : en dehors de la surexpression de HER2, nous sommes toujours en attente de mar- queurs prédictifs de réponse aux traitements anti-HER2. Le modèle néoadjuvant est excellent pour évaluer les marqueurs prédictifs de réponse ou de résis- tance à une thérapie. Une méta-analyse des essais Neo-ALTTO (355 patientes), GEPAR (504 patientes) et CHERLOB (108 patientes) a été présentée par Sybille Loibl. Le taux de mutations dans la cohorte était uniforme : 21,7 % (dont 14,5 % sur l’exon 20 et 7,2 % sur l’exon 9). Cette étude conforte les tendances obser- vées : le taux de réponse pathologique complète (PCR) est plus faible en cas de mutations de la PI3KCA (16,2 contre 29,6 %). Cette différence n’était significative que pour les tumeurs HER2+, RH+, ce qui confirme la biologie différente de ces tumeurs. De plus, pour cette population RH+, les mutations de PI3KCA avaient un impact défavorable sur la survie (par rapport aux HER2+, RH−), et le taux de réponse à un double blo- cage anti-HER2 (sans chimiothérapie) était très faible (5 % versus 33 % en l’absence de mutation). S. Loibl a conclu en suggérant de tester, pour les mutations de PI3KCA, les tumeurs HER2+/RH+ avant un traitement anti-HER2 et, bien sûr, pour cette famille luminale B, d’évaluer de nouvelles molécules ciblant PI3KCA en association aux traitements anti-HER2 (Loibl S et al., abstr. 511). Cancers du sein triple négatifs (CSTN) : leur hétéro- généité maintenant bien établie (qui sera traitée dans un prochain numéro de Correspondances en Onco- Théranostic) complexifie un peu plus la prise en charge des patientes atteintes de ce cancer souvent agressif. Maggie Cheang a présenté une étude por- tant sur 216 CSTN, 66 métastases ganglionnaires et 13 lésions métastatiques à distance, issues de l’essai de phase III TNT visant à comparer les profils molé- culaires des tumeurs primitives et des localisations métastatiques. Pour mémoire, cette étude, présentée au San Antonio Breast Cancer par Andrew Tutt, évaluait le carboplatine comparativement au docétaxel dans les cancers du sein en première ligne métastatiques ou localement avancés en rechute. TNT avait montré une équivalence des 2 drogues, mais un bénéfice pour les BRCA mutées pour le carboplatine. En revanche, avec le test Myriad, analysant les déficiences en recombinaison homologue (HRD), il n’y avait pas de différence entre les 2 traitements. Au congrès américain en oncologie clinique, les résultats qui ont été présentés analysaient les données comparatives de la puce PAM50 évaluant la classification intrinsèque de Perou et Sorlie. Tout d’abord, 81 % (n = 175) des CSTN étaient classés comme “basal-like”, 74 % comme des ganglions et 92 % comme des métastases à distance. Dans la population étudiée (et compte tenu du faible effectif ), on observait une homogénéité entre la tumeur initiale CSTN de type “basal-like” ou “non basal-like” et les localisations à distance. La seule discordance portait pour un CSTN “basal-like” dont la métastase avait un profil HER2 enrichi (Cheang MC et al., abstr. 1019)

De juin à septembre 2015 : quelques faits marquants › Front › frontpost › getfiles › 23301.pdf · Échos des congrès 128 Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. IV -

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É c h o s d e s c o n g r è s

Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. IV - n° 3 - juillet-août-septembre 2015 127

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De juin à septembre 2015 : quelques faits marquantsF. Penault-Llorca*

* Centre Jean-Perrin, Clermont-Ferrand.

Cancer du sein au congrès américain en oncologie clinique

✓ Tumeurs hormonodépendantes (RH+, HER2−) : on note la confirmation d’une importante avancée thérapeutique avec les inhibiteurs du cycle cellulaire (anti-CDK4/6). Rationnel : la croissance des cancers du sein RH+ dépend de la cycline D1, une cible transcrip-tionnelle directe du récepteur aux estrogènes (RE). La cycline D1 active CDK4/6, entraînant une entrée dans le cycle cellulaire. In vitro, les lignées cellulaires résis-tantes à l’hormonothérapie restent dépendantes de la cycline D1 et des CDK4/6. L’essai PALOMA 3 a montré le bénéfice d’associer le palbo ciclib, un inhibiteur de CDK4/6, au fulvestrant (antiestrogène pur) en hormono-thérapie de deuxième ligne. Les 521 patientes de l’étude exprimaient les RE et étaient HER2–. Sous palbociclib, la médiane de survie sans progression passait de 3,8 à 9,2 mois (HR = 0,422 ; p < 0,0001). Ainsi, l’adjonction de cet inhibiteur CDK 4/6 permet de restaurer la sensibilité à l’hormonothérapie de tumeurs devenues résistantes. Il n’y a pas, à ce jour, de biomarqueur identifié, mais le niveau d’expression de la protéine Rb pourrait permettre d’identifier les patientes sensibles (Turner N et al., abstr. LBA502).

✓ Cancers HER2 + : en dehors de la surexpression de HER2, nous sommes toujours en attente de mar-queurs prédictifs de réponse aux traitements anti-HER2. Le modèle néoadjuvant est excellent pour évaluer les marqueurs prédictifs de réponse ou de résis-tance à une thérapie. Une méta-analyse des essais Neo-ALTTO (355 patientes), GEPAR (504 patientes) et CHERLOB (108 patientes) a été présentée par Sybille Loibl. Le taux de mutations dans la cohorte était uniforme : 21,7 % (dont 14,5 % sur l’exon 20 et 7,2 % sur l’exon 9). Cette étude conforte les tendances obser-vées : le taux de réponse pathologique complète (PCR) est plus faible en cas de mutations de la PI3KCA (16,2 contre 29,6 %). Cette différence n’était significative que pour les tumeurs HER2+, RH+, ce qui confirme la biologie différente de ces tumeurs. De plus, pour cette population RH+, les mutations de PI3KCA avaient

un impact défavorable sur la survie (par rapport aux HER2+, RH−), et le taux de réponse à un double blo-cage anti-HER2 (sans chimiothérapie) était très faible (5 % versus 33 % en l’absence de mutation). S. Loibl a conclu en suggérant de tester, pour les mutations de PI3KCA, les tumeurs HER2+/RH+ avant un traitement anti-HER2 et, bien sûr, pour cette famille luminale B, d’évaluer de nouvelles molécules ciblant PI3KCA en association aux traitements anti-HER2 (Loibl S et al., abstr. 511).

✓ Cancers du sein triple négatifs (CSTN) : leur hétéro-généité maintenant bien établie (qui sera traitée dans un prochain numéro de Correspondances en Onco-Théranostic) complexifie un peu plus la prise en charge des patientes atteintes de ce cancer souvent agressif. Maggie Cheang a présenté une étude por-tant sur 216 CSTN, 66 métastases ganglionnaires et 13 lésions métastatiques à distance, issues de l’essai de phase III TNT visant à comparer les profils molé-culaires des tumeurs primitives et des localisations métastatiques. Pour mémoire, cette étude, présentée au San Antonio Breast Cancer par Andrew Tutt, évaluait le carboplatine comparativement au docétaxel dans les cancers du sein en première ligne métastatiques ou localement avancés en rechute. TNT avait montré une équivalence des 2 drogues, mais un bénéfice pour les BRCA mutées pour le carboplatine. En revanche, avec le test Myriad, analysant les déficiences en recombinaison homologue (HRD), il n’y avait pas de différence entre les 2 traitements. Au congrès américain en oncologie clinique, les résultats qui ont été présentés analysaient les données comparatives de la puce PAM50 évaluant la classification intrinsèque de Perou et Sorlie. Tout d’abord, 81 % (n = 175) des CSTN étaient classés comme “ basal-like”, 74 % comme des ganglions et 92 % comme des métastases à distance. Dans la population étudiée (et compte tenu du faible effectif ), on observait une homogénéité entre la tumeur initiale CSTN de type “basal-like” ou “non basal-like” et les localisations à distance. La seule discordance portait pour un CSTN “basal-like” dont la métastase avait un profil HER2 enrichi (Cheang MC et al., abstr. 1019)

0127_COO 127 02/10/2015 10:45:27

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É c h o s d e s c o n g r è s

Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. IV - n° 3 - juillet-août-septembre 2015128

Cancer bronchique non à petites cellules au WCLC

Denis Moro-Sibilot a présenté en juin, au congrès américain en oncologie clinique (Moro-Sibilot D et al., abstr. 8065), les données de la cohorte MET+ dans le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) de l’essai AcSé-Crizotinib (étude nationale d’accès sécurisé au crizotinib, un inhibiteur d’ALK, de ROS1 et de MET). En septembre, il en a présenté les résultats préliminaires (Moro-Sibilot D et al., abstr. ORAL03.06). Le crizotinib confirme sa très bonne activité chez 37 patients por-teurs d’un réarrangement de ROS1, avec un taux de réponse de 53 %, un taux de contrôle de la maladie de 82 % et une médiane de survie globale non encore atteinte et dépassant largement 12 mois. Pour MET, l’éligibilité était une amplification d’au moins 6 copies (sur un minimum de 100 cellules comptées). Sur les 1 504 patients testés par FISH, 113 avaient une ampli-fication (7,3 %). Les résultats présentés concernent 25 patients traités dans le cadre du protocole. Il y a un bénéfice du crizotinib : dans ce groupe, le taux de réponse globale est de 32 % à 1 an, celui de la sur-vie globale de 34 %. Ce bénéfice n’est pas corrélé au niveau d’amplification de MET, comme cela avait été observé dans des études préliminaires, ni en termes de taux de réponse à 2 cycles (p = 0,19) ni en termes de meilleure réponse tumorale (p = 0,10). Le crizo-tinib démontre, dans cette cohorte avec amplification

de MET, sa potentielle activité, même si le nombre de copies ne semble pas être un facteur prédictif d’effica-cité, nous laissant entrevoir un champ de recherche pour trouver un biomarqueur plus précis. Deux études (Gitlitz B et al., abstr. ORAL22.05, et Tanaka K et al., abstr. ORAL22.07) se sont intéressées aux caractères moléculaires des cancers survenant chez des sujets jeunes de moins de 40 ans. Dans ces populations nord-américaines et asiatiques, les cancers touchent plus souvent les non-fumeurs que dans la population âgée. La fréquence des altérations d’ALK est très élevée dans les 2 études, montrant 44 % de réarrangements d’ALK (contre 5 à 10 % dans les populations de référence). On observe aussi, dans ces 2 séries, un enrichissement en tumeurs ayant une mutation d’EGFR (26 et 27 %, respectivement, pour des populations de référence de 10 à 15 % et 35 à 50 %, respectivement). Ces résultats demandent confirma-tion dans de plus grandes séries. De plus, le taux de patients fumeurs n’est pas connu dans l’étude de Gitlitz et il est de 39 % dans celle de Tanaka, ce qui est faible lorsqu’on le compare aux données de l’étude française du GFPC 10-01, portant aussi sur des patients de moins de 40 ans, dans laquelle il y avait 86 % de fumeurs. Néanmoins, l’observation de ce profil fréquent avec mutation d’EGFR et réarrangement d’ALK chez les patients jeunes est intéressant en termes de prise en charge et pour la compréhension de la carcinogenèse de ces tumeurs précoces. ■

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

0128_COO 128 02/10/2015 10:45:28