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Annales de la Fondation Fyssen N° 32

de la Fondation Fyssen

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Annalesde la

Fondation FyssenN° 32

ISSN 0980-157X An

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Annalesde la Fondation

Fyssen2017

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Directeur de la publication : Daniel LALLIER

Administration : 194, rue de Rivoli — Paris 1erTél. : 01 42 97 53 16

Secrétariat de rédaction : Louise WASTINe-mail : l.wastinsfondationfyssen.fr

Copyright : Les Annales de la Fondation Fyssen 2017Cette publication ne peut être vendue / Publication not for sale

Tousdroits réservéspour touspays : toute reproduction,diffusionoureprésentation, en toutoupartie,sous quelque forme que ce soit, est interdite sans accord préalable et écrit de la Fondation Fyssen.

All rights reserved for all countries : no part of this publicationmay be reproduced or distributed in any formor by any means without the prior written permission of the Fyssen Foundation.

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Activités de la FONDATION FYSSEN

La FONDATION FYSSEN a pour objectif de promouvoir la recherche et l’étude scientifiquedes mécanismes logiques du comportement chez les êtres vivants et leur développementontogénétique et phylogénétique. Elle s’intéresse plus particulièrement aux processuscognitifs chez l’homme et chez les animaux, ainsi qu’aux fondements biologiques et culturelsde ces processus.

Cette Fondation soutient toutes les recherches qui permettront de rendre rigoureux et précisce domaine fondamental qui fait appel à desdisciplines telles que l’éthologie, la paléontologie,l’archéologie, l’anthropologie, la psychologie, la logique et les sciences du système nerveux.

La Fondation Fyssen a été reconnue d’utilité publique par décret du 20 mars 1979 et portele nom de son Fondateur, Monsieur Fyssen, intéressé depuis toujours par la compréhensionscientifique de ces questions.

En 1982,MadameA.H. Fyssen lui a succédé à la Présidence de la Fondation. Elle est décédéeen 2003.

LaFondationFyssenamisaupointundispositif originalpour soutenir les sciences cognitivesdans les domaines définis plus haut. Il comprend :

– des ALLOCATIONS POST-DOCTORALES, qui permettent la formation de jeunes cher-cheurs français ou étrangers, titulaires d’un doctorat étranger, qui souhaitent réaliser leurprojet dans des laboratoires enFrance ou à des chercheurs, français ou étrangers et titulairesd’un doctorat français, qui souhaitent réaliser leur projet dans un laboratoire étranger ;

– des SUBVENTIONSDERECHERCHE, destinées à des chercheurs français ou étrangers,pour réaliser un projet scientifique collectif au sein d’un laboratoire d’accueil en France dontl’activité entre dans les objectifs de la Fondation ;

Toutes les modalités de ces deux programmes sont disponibles sur le site internet de laFondation.

– des COLLOQUES, des SÉMINAIRES, des PUBLICATIONS sur des thèmes jugés impor-tants pour atteindre les buts de la Fondation ;

– la parution annuelle des « ANNALES FYSSEN » qui comportent des articles originauxdans les domaines soutenus par la Fondation ;

– un PRIX SCIENTIFIQUE INTERNATIONAL destiné à couronner une découverte, oul’ensemble d’une œuvre scientifique, ayant contribué d’une manière décisive aux progrès dela connaissance dans les domaines de recherche soutenus par la Fondation. Ce Prix estattribué chaque année à un chercheur de réputation internationale.

L’ensemble de ce dispositif doit permettre à la Fondation Fyssen de soutenir efficacement larecherche dans les sciences cognitives. Pour sa mise en œuvre, la Fondation dispose d’unConseil d’Administration composé de scientifiques, juristes, financiers et hauts fonction-naires, et d’un Conseil Scientifique.

Le Conseil Scientifique est chargé de lancer les appels à projets, d’évaluer la qualité desdossiers qui lui sont soumis, de suivre le déroulement des travaux qui bénéficient du soutiende la Fondation et enfin de désigner le lauréat du Prix International de la Fondation Fyssen.

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CONSEIL D’ADMINISTRATION AU 01/01/2019

Monsieur Daniel LALLIER, Président,

Inspecteur Général des Finances honoraire

Monsieur Bernard ZALC, Vice-Président,

Directeur de Recherche Emérite à l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière

Madame Jeanne-Marie PARLY, Trésorière,

Ancien Recteur et professeur d’Université Honoraire

Monsieur Jean-Claude HASSAN, Conseiller d’État,

Membre du Collège de l’Autorité des Marchés Financiers

Madame Catherine BRUN LORENZI,

Avocate au Barreau de Paris, ancien membre du Conseil de l’Ordre

COLLÈGE DE FRANCE,

Représenté par Monsieur Philippe DESCOLA,Professeur, Chaire d’Anthropologie de la nature

MUSEUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE,

Représenté par Monsieur Bruno DAVID,Président

UNIVERSITÉ PIERRE ET MARIE CURIE,

Représenté par Monsieur Bernard CAPELLE,Professeur, chargé de mission auprès du Président de l’UPMC

Commissaire du gouvernement : Monsieur Ludovic GUINAMANT,

Adjoint au sous-directeur des libertés publiques et des affaires juridiquesDirection des libertés publiques et des affaires juridiques au Ministère de l’intérieur

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CONSEIL SCIENTIFIQUE AU 01/01/2019

Monsieur Daniel LALLIER, Président,

Madame Ghislaine DEHAENE-LAMBERTZ (Psychologie cognitive), Vice-Présidente,

Directrice de Recherche CNRS, Laboratoire de Neuroimagerie,Neurospin, Université Paris Saclay, France

Monsieur Andrew BEVAN (Technologie et Histoire des Techniques),

Professeur d’Archéologie comparative à l’Institut d’Archéologie,University College de Londres, Grande-Bretagne

Madame Rosa COSSART (Neurobiologie),

Directrice de Recherche CNRS,Institut de Neurobiologie de la Méditerranée, Marseille, France

Monsieur Joël FAGOT (Primatologie),

Directeur de Recherche, Laboratoire de Psychologie Cognitive, Marseille, France

Madame Sonia GAREL (Neurobiologie),

Directrice de Recherche à l’Institut de Biologie,École Normale Supérieure, Paris, France

Monsieur Patrick HAGGARD (Neuropsychologie cognitive),

Professeur à l’University College de Londres, Grande-Bretagne

Madame Susanne KUECHLER (Anthropologie sociale),

Professeur à l’University College de Londres, Grande-Bretagne

Monsieur Heonik KWON (Anthropologie Sociale),

Professeur au Trinity College, Cambridge, Grande-Bretagne

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Madame Nathalie ROUACH (Neurobiologie),

Directrice de Recherche 2, Inserm, Collège de France, Paris, France

Monsieur Jean-Christophe SANDOZ (Ethologie),

Directeur de Recherche CNRS,Directeur du Programme de Recherche EVOLBEE,Laboratoire Évolution, Génomes, Comportement, Écologie, Gif-sur-Yvette, France

Madame Marie SORESSI (Archéologie-Hominim diversity Archaeology),

Professeur à l’Université de Leiden, Pays-Bas

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COMITÉ DE LECTURE

Docteur Brice BATHELLIER,

Chargé de RechercheDirecteur de l’équipe « Dynamique corticale et perception multisensorielle »Unité Neuroscience Information Complexité, CNRS FRE 3693, Gif-Sur-Yvette

Professeur Laurent COHEN,

Professeur de Neurologie, Hôpital de la Salpêtrière, ICM, Paris

Docteur Rémy CRASSARD

Chargé de Recherche,CEFAS Centre Français d’Archéologie et de Sciences Sociales,CNRS USR 3141, Koweït

Professeur Martin GIURFA,

Directeur du Centre de Recherches sur la Cognition AnimaleCNRS - Université Paul Sabatier Toulouse

Docteur Julie GREZES,

Directrice de Recherche INSERM,Laboratoire de Neurosciences Cognitives INSERM U960,Institut des Sciences Cognitives, Ecole Normale Supérieure, Paris

Professeur Sid KOUIDER,

Directeur de Recherche CNRS,Laboratoire de Sciences Cognitives et Psycholinguistique UMR 8554,Institut des Sciences Cognitives, École Normale Supérieure, ParisEndFragment

Docteur Hélène ROCHE,

Directrice de Recherches Emérite,UMR 7055, CNRS Université Paris Ouest Nanterre

Docteur Cédric SUEUR,

Maître de Conférences en Éthologie, Éthique et PrimatologieInstitut Pluridisciplinaire Hubert Curien, CNRS-Université de Strasbourg

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Valentina VAPNARSKY,

Directrice de Recherche CNRSSous-directrice du Laboratoire d’Ethnologie et de Sociologie Comparative, Nanterre

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ANTHROPOLOGIE SOCIALE – SOCIAL ANTHROPOLOGY

ANICHINI Giulia (Allocation post-doctorale 2016)Les expériences sont-elles encore nécessaires ? Les data scientistes commeporte-paroles d’unenouvelle objectivité ............................................................................................................. 11

FLETY Laura (Allocation post-doctorale 2016)Attirer la prospérité.Corps lourds, corps amplifiés (Bolivie) ..................................................................................... 23Attracting prosperity.Heavy bodies, amplified bodies (Bolivia) ............................................................................. 35

ÉTHOLOGIE / PSYCHOLOGIE – ETHOLOGY / PSYCHOLOGY

CHAMBON Valérian (Subvention de Recherche 2014)Fluidité cognitive et sentiment d’agentivité ......................................................................... 46

DE HEVIA Maria Dolores (Subvention de Recherche 2014)La notion de magnitude à la naissance ................................................................................ 54Representing Magnitudes at birth ....................................................................................... 63

MOLESTI Sandra (Allocation post-doctorale 2015)La communication gestuelle chez les babouins olive : répertoire et propriétés ..................... 70Gestual communication in olive baboons ............................................................................ 77

NEUROBIOLOGIE – NEUROBIOLOGY

ALCARAZ Fabien (Allocation post-doctorale 2016)Implication des voies cérébellothalamiques dans l’adaptation motrice ................................. 83Involvement of the cerebellothalamic pathways in motor adaptation ................................... 92

BONZANO Sara (Allocation post-doctorale 2016)Le facteur COUP-TFI/Nr2f1 module la production de neurones et d’astrocytes pendant laneurogenèse adulte chez la souris ....................................................................................... 100The factor COUP-TFI/Nr2f1modulates the production of neurons and astrocytes during adultneurogenesis in the mouse ................................................................................................. 109

PALÉONTOLOGIE / ARCHÉOLOGIE – PALEONTOLOGY / ARCHAEOLOGY

DELVIGNE Vincent (Allocation post-doctorale 2016)Matières, espaces et territoires des hommes : une approche des réseaux de lieux de l’ouesteuropéen au gravettien ancien ........................................................................................... 118Materials, spaces and territories of men : an approach of networks of places of the westernEurope during the ancient gravettian ................................................................................. 130

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SOMMAIRE / CONTENTS

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MANIN Aurélie (Allocation post-doctorale 2016)Archéozoologie, géochimie et concepts de domestication en Mésoamérique ......................... 141Zooarchaeology, geochemistry, and concepts of domestication in Mesoamerica ................... 149

VARALLI Alessandra (Allocation post-doctorale 2016)Alimentation, mobilité, modes de vie des groupes humains au cours de la préhistoire récente :approche anthropologique et multi-proxy ........................................................................... 155Food and society. An anthropological andmulti-proxy approach to reconstructing lifestyle, dietand mobility in late prehistory ............................................................................................ 165

BIBLIOTHÈQUE ............................................................................................................. 174

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SOMMAIRE / CONTENTS

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Les expériences sont-elles encore nécessaires ? Les datascientists comme porte-paroles d’une nouvelle objectivité

Giulia ANICHINI

Chercheuse correspondante au Centre Norbert Elias (UMR 8562)

RésuméCet article analyse certains enjeux liés à la gestion de Big Data dans le domaine des neurosciences

et émergeant des discours des scientifiques impliqués dans la conception et l’utilisation de bases dedonnées. Ces discours opposent une tradition scientifique dominée par les expériences de laboratoireet le contexte actuel qui privilégie l’utilisation secondaire de données. Une enquête empirique auprèsdesdata-scientists opérantdansdesunitésd’imagerie cérébrales canadiennes, apermisde révélerdestensions entre des idéaux associés à la science des données (partage désintéressé de la connaissance,reproductibilité computationnelle des expériences, neutralité théorique) et le travail quotidien desscientifiques. Les pratiques sont orientées par des nombreuses contraintes techniques, économiqueset sociales qui amènent à une coexistence de deux économies morales.

Mots-clésBig Data, neuro-imagerie, pratiques scientifiques, sociologie des bases de données, économie

morale et science

Are the experiments still necessary ? Data scientistsas spokespersons for a new objectivity

AbstractThis article focuses on some issues related to the management of Big Data in the field of

neuroscience expressed by scientists involved in the design and use of databases. These discoursescontrast an experimental tradition and the current scientific context favouring the secondary use ofdata. An empirical investigation of data-scientists working in Canadian brain imaging units revealedtensions between ideals associated with data-driven science (selfless sharing of knowledge, compu-tational reproducibility, theoretical neutrality) and thedailyworkof scientists.Scientificpractices areoriented bymany technical, economic and social constraints which lead to a coexistence of twomoraleconomies.

KeywordsBig Data, brain imaging, scientific practices, sociology of database, moral economy and science

Dans le domaine des neurosciences, en parti-culier au sein de la communauté de scientifiquesspécialisés dans les techniques de neuro-image-rie, des publications enflamment, depuis unedizaine d’années, un débat qui est commun à denombreuses disciplines scientifiques, celuiautour du manque de reproductibilité des résul-tats. La neuro-imagerie dont l’IRM est la techni-que la plus utilisée, a fait l’objet de plusieurs

articles dénonçant soit la faiblesse des étudesmises en circulation, soit la tendance des cher-cheurs à surévaluer des effets statistiques ou àmal interpréter des faux positifs (Bennet & Mil-ler, 2010 ;Eklund, et al., 2016 ;Vul, 2009 ;Boekelet al., 2015). Une crise de la confiance est de plusen plus évoquée pour décrire une situation, quitouche en particulier la recherche médicale etpsychologique. Pour expliquer cette « crise » les

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ANTHROPOLOGIE SOCIALE

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scientifiques font appel à des pratiques de pro-duction de résultats qui ont été définies récem-ment avec l’expression « questionable researchpractice » (Johnet al., 2012 ;LeslieK. J., Loewen-stein G., Prelec D., 2012) et qui se réfèrent à unlarge ensemble de procédés par lesquels les cher-cheurs peuvent « ajuster » ou choisir leurs ana-lyses en fonction de leurs hypothèses de départ.Dans le but évident de parvenir aux résultatssouhaités, les scientifiques agissent ainsi égale-ment pour atteindre les conclusions susceptiblesd’être le mieux reçues par les journaux et lesrevues et pour augmenter leur chance de publierleur étude. Ces pratiques que nous avons nous-mêmes observées lors du traitement des donnéesen neurosciences (Anichini, 2013) ne sont pasassimilées à des fraudes et sont distinguées de cequi relève du terme anglais « scientific miscon-duct ». Cette séparation est importante pourcomprendre l’étendue et la prégnance de cesconduites désormais très répandues et leur spé-cificité par rapport aux fraudes, car si elles sontgénéralement tenues responsables d’un affaiblis-sement de la qualité des résultats, elles sontsomme toute largement tolérées. L’émergenced’une catégorie pour définir ces pratiques dont ladétection et l’estimation des effets sur la connais-sance produite sont difficiles, marque un tour-nant nouveau où ces stratégies individuelles sontimplicitement reconnues comme étantcohérentes avec le système scientifique en place.

La variabilité des pratiques individuelles estsouvent imputée aux « petites » études de labora-toire statistiquement plus « faibles » et dont lavisibilité des traitements n’est pas toujours assu-rée. Dans les neurosciences, les professionnels,en particulier les développeurs et les data scien-tists1, engagés dans la transition vers l’openscience d’un côté, et l’élaboration d’infrastruc-tures et outils pour le partage et le traitement deBig Data de l’autre, se portent garants d’unrenouvèlement scientifique et avancent des dis-cours où des normes épistémologiques, sociales

et techniques sont associées à une nouvelle objec-tivité. La progressive adoption de larges bases dedonnées dans les sciences du cerveau, la techni-cisation du travail scientifique impulsée parl’informatique et la perte de confiance envers desrésultats peu concluants ou pas reproductibles aconduit à un déplacement de méthodes ainsi quedes idéaux qui les accompagnent. En fait, dans cecontexte, l’expérience de laboratoire, qui étaitjusque-là le dispositif principal d’élaboration desrésultats, semble être associée à une traditionscientifique qui n’est plus en adéquation avec lesnouvelles méthodes émergeantes.

Pour explorer la nature de ces normes valori-sées par les data scientists nous avons mené uneenquête auprès d’ingénieurs, data manager etchercheurs engagés à différents niveaux dans laconception et l’utilisation de banques de donnéeset d’infrastructures de traitement de donnéesmassives dans le domaine de neurosciences.Nous avons réalisé des entretiens avec des scien-tifiques de différents statuts (chefs d’équipes,responsables de centre d’imagerie, chercheurs,post-doctorants et doctorants) impliqués dansdes études prévoyant l’exploitation de base dedonnées et dans l’utilisation de méthodes auto-matiques d’extraction de connaissances. Pourcette enquête nous avons ciblé des instituts deneurosciences et des centres d’imageries deMon-tréal, où la présence d’experts et d’innovationstechnologiques adoptées internationalement faitde cette ville un des pôles le plus importants pourla recherche sur le cerveau.

On le verra, les discours des développeurs etdes chercheurs engagés dans la conception oul’utilisation de bases de données et d’outils detraitement deBigData révèlent certaines opposi-tions (entre expériences et analyses secondaires,expertise humaine et exploration automatiquedes données, réplication et reproductibilité) quitémoignent des tensions existantes ainsi que desobjectifs futurs qui structurent le champ de laneuro-imagerie. La rhétorique de la rupture quivoudrait que ces oppositions soient opérantes,cachemalgré toutuncontexte oùdeuxéconomiesmorales cohabitent et perdurent.

Le partage de données entre idéauxet pratiques

Dans un des instituts, l’expérience de la scien-ce ouverte passe avant tout par la conception

1 Cette catégorie se réfère à des professionnels capables degérer, organiser, orienter la production de données et leurexploitation. Selon Dagiral et Parasie (2017) : « Embauchépar les entreprises du Web et les organisations les plusdiverses, ce praticien est chargé de concevoir des dataproducts, c’est-à-dire des services ou des produits élaboréesà partir d’importants volumes de données souvent peustructurées. » (Dagiral, Parasie, 2017 : 85)

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ANTHROPOLOGIE SOCIALE

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d’infrastructures numériques de partage. Cesnouveaux projets visent par exemple à stockerdes images du cerveau, à donner de la visibilitéaux différents projets et à pouvoir à terme parta-ger les données. L’organisation des données estunedesprioritésde cegenred’outil qui permetdeclasser des images du cerveau selon la pathologieinvestiguée, les conditions expérimentales, latechnique utilisée.

Robert2, engagé à l’institut de neurosciencescomme data manager, développe une plateformeafin de rassembler des jeux de données au niveaudes laboratoires qui constituent le centre d’ima-gerie. Pour lui ce dispositif est avant tout uneressource pour la promotion de la communautédes scientifiques du centre d’imagerie et unmoyen de faire connaître les différents projets etdémarrer des collaborations parmi sesmembres.L’introductiondecette technologie serait respon-sable pour Robert de l’affirmation d’un écosys-tème communautaire de chercheurs (communityecosystem) plus « fluide » par rapport à l’organi-sation actuelle de l’établissement qu’il juge trophiérarchique. Il affirme que :

« Plus d’attention et d’ouverture envers ceque tout le monde fait, favorisent l’élaborationde solutions et le fait de travailler ensemble.Cela rend les relations beaucoup plus heureusesparce que si un individu garde les études pour luiet que je pense qu’il a un secret et qu’il garde cesecret pour lui... les gens ne se font pasconfiance »3

Souvent dans les discours des développeursinterrogés, un projet scientifique et social sesuperpose au projet technique sur lequel cesderniers travaillent. La coopération et la commu-nication entre chercheurs, qui découlerait natu-rellementd’une transparence renforcée, estmiseen parallèle avec le cadre épistémique qui carac-térise la science des données. En fait, selonRobert l’accès à l’ensemble des données ducentre d’imagerie conduirait les chercheurs àtrouver plus facilement des « connexions » entreles travaux de recherche qui ne se manifeste-raient pas autrement. Comme dans le cadre épis-témique proposé par la science dirigée par les

données (Allen, 2001 ; Strasser, 2011), ici lescorrélations semblent gouverner le processus dedécouverte scientifique.

Pour défendre sa plateforme, Robert évoque legâchisde tempsetd’argentquipourrait être évitéavec le dépôt des données dans l’infrastructure.L’argument d’une meilleure rationalisation dutravail au travers d’une gestion efficace des don-nées revient souvent, la visibilité sur les travauxdes autres permettrait pour lui d’éviter de refaireles mêmes expériences, mais aussi d’empêcherque le produit d’une recherche s’évanouisse et nelaisse pas de trace. Philippe, chef d’équipe d’unlaboratoire d’imagerie m’explique :« L’un des problèmes (...) c’est que les donnéessont éparpillées, sont facilement perdues ou sontfacilement égarées. Lorsqu’un étudiant terminesa thèse (...) c’est très difficile après (de les récu-pérer), même si ça peut sembler presque scanda-leux ... (Avant) on n’avait pas d’infrastructurespour les archiver, les stocker, les organiser, assu-rer leur longévité et leurs valeurs à long terme »La valeur économique des données est très

présente dans les discours qui mentionnentsouvent les subventions publiques qui financentles expériences et le devoir moral de rendrelargement accessibles les connaissances qui endécoulent. La transparence devient un gage de laqualité scientifique de l’étudemais aussi du cher-cheur qui le réalise. Même s’il est rare que lesrésultats soient effectivement reproduits, le par-tage des données est une qualité qui commence àforger la réputation du chercheur.

La première phase de conception de l’infras-tructure prévoit le choix de rendre disponible oupas lesmatériauxmis en ligne selon la volonté dechaque chercheur. Le partage n’étant pas unepratique consensuelle, Robert évoque lesdiverses réticences des chercheurs à rendreaccessibles leurs données. Le discours des déve-loppeurs accuse une certaine culture scientifiquequi vise selon eux à protéger les intérêts desindividus au détriment de la « communauté »toute entière. Un « changement des mentalités »est au cœur du rôle dont ces professionnels sesentent investis etqu’ilsmobilisentquand ils fontallusion aux défis qui les animent. L’égo deschercheurs est souventmis enavant comme freinmajeur à l’innovation, ne pas partager les don-nées serait une attitude adoptée pour engendrerdu profit personnel et qui nuirait à l’avance-ment de la science elle-même. Marc, principal

2 Tous les noms utilisés dans l’article sont des pseudo-nymes.3 Traduit de l’anglais par l’auteur.

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investigator dans une des Unités de neuroimage-rie fonctionnelle explique :« (...) il y a une remise en question d’un modèled’affaire c’est àdirequ’avant onavait 40 sujets, onfaisait deux ou trois papiers dessus et puis pro-chain grant. Là, il y a une nouvelle manière defaire de la science qui émerge et parfois les gens semettent en opposition par rapport à ça plutôtque de vouloir transitionner... (...) Ce sont desgens qui considèrent leur laboratoire comme uneespèce d’entreprise et qui sont là pour garder lebateau à flot. Ils se disent que libérer les donnéesquelque part ça va impacter négativement leurvisibilité... »À cet argument se heurtent les difficultés aux-

quelles chercheurs,mais aussi développeurs eux-mêmes doivent faire face lors du partage de leursdonnées ou de leurs logiciels. Un des problèmesconcerne la coexistence de divers formats desdonnées de neuro-imagerie. Cela est dû d’unepart à l’hétérogénéité des formats propriétairesimposés par les constructeurs des machines(IRM ou MEG par exemple) utilisées et d’autrepart, à la variabilité qui touche à l’organisationdes données. Quant à ce deuxième point, à cejour, les programmes de traitement des imagesproposent de nommer les fichiers différemmentce qui en empêche la standardisation.

Ce problème rend parfois impossible l’exploi-tation de jeux de données ou empêche les cher-cheurs de les partager avec d’autres. Dans ce cas,bien que les images soient mises à dispositionelles ne peuvent pas être réutilisées. Notammentles métadonnées – qui en neuro-imagerie ren-seignent, entre autres, sur le type de scannerutilisé, la résolution, l’ordre d’acquisition descoupes, les éventuels traitements apportés auximages – n’accompagnent pas toujours lesimages ou sont incomplètes. Le processus estentravé par l’absence de l’étape de « décontex-tualisation » des données qui permet, selon Leo-nelli (2016), de les extraire de leur conditionstechniques et théoriques d’origine, ou mieux, derendre explicites ces dernières à travers unelabellisation standardisée. Cette phase est néces-saire au scientifique pour les évaluer et les adap-ter à une nouvelle recherche.

Pour les chercheurs aussi, préparer les images- les rendre anonymes par exemple – leurdemande un travail considérable qui ne leur estpas reconnu. En fait si d’un côté, on incite leschercheurs à partager leurs données, de l’autre

côté, l’absence d’un système de récompense pourle travail nécessaire à leur mise en circulation(Millerand, 2011) entraîne un désengagementpalpable envers l’open access. Comme l’expliqueune chercheuse du centre d’imagerie : «À lafindela journée, tu obtiens du crédit pour publier et nonpas pour mettre tes données dans une base... ».

Une autre difficulté qui conduit les chercheursà considérer le partage comme une démarche quiles desservent est l’anxiété liée à l’exposition deleur travail au regard d’une communauté inter-nationale. Il a été déjà constaté que les scienti-fiques appréhendent qu’une fois libérées, les don-nées peuvent conférer un avantage à d’autres oufaire l’objet d’une mauvaise utilisation ou inter-prétation (Millerand, 2011). Mais un troisième« risque » qui est associé au partage concerne lejugement qui pèse sur leur réputation lorsqueleur données sont mises en circulation. La trans-parence est ainsi une arme à double tranchantsurtout pour les jeunes chercheurs qui doiventencore assoir leur crédibilité aux yeux des pairs.

Une fois dans la « nature », le chercheuréprouve le sentiment de perdre définitivement lecontrôle sur ses données et de déclencher deseffets qu’il est difficile de prévoir et de maîtriser.Ce sentiment n’est pas réservé aux chercheurs,les développeurs aussi savent que partager leur« code » est une opération délicate dont il fautparfois s’abstenir. Selon Marc ces craintesorientent la pratique comme il l’a pu observerdans son laboratoire :« Quand tu partages définitivement, tu as aussicette espèce de perfectionnisme... et puis les genssont jugés. Je dois dire que ce que tu entends leplus souvent comme réponse à ça c’est que lesgens disent : « tant mieux » ! S’il y a des erreurs« tant mieux », on est des scientifiques, on est làpour faire les choses bien c’est l’objectif du peerreview, quelque part il vaut mieux que les fautessoient attrapéesqu’ellesne soientpas vues...Maisdans les faits je sais que pour le code même desgens qui font des choses très bien ils disent tou-jours : mon code n’est pas clean... »Les data scientists évoquent souvent la

« saleté » de leur code commeraisonpour laquellecelui-ci n’est pas prêt à être partagé. Bien quedans le cadre d’une recherche expérimentale,l’élégance est le trait qui caractérise les solutionsles plus brillantes en termes de simplicité etd’efficacité, dans l’informatique la propretés’applique au code pour en évaluer la qualité.

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ANTHROPOLOGIE SOCIALE

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Dans le contexte expérimental l’élégance évoqueplus fortement le processus de création et duraisonnement rationnel, alors que le terme pro-preté, s’adapte le mieux à l’empirisme d’uneculture technicienne. Si l’élégance découle deshypothèses qui sont à l’œuvre dans le processusde découverte, la propreté appelle à la perfor-mance de l’action des algorithmes. Ces diffé-rences sémantiques obscurcissent la portée théo-rique des algorithmes et, vice-versa la dimensionprocéduraled’uneexpériencequi réussit. Fait estqu’il faut partager un code « propre » pour éviterde discréditer son image. Un code « propre » estun code généralisable, compréhensible, testé etbien documenté. Comme dans le cas du partagedes données, cette phase de « nettoyage » du coderequiert beaucoup de travail de la part des scien-tifiques. Par facilité en fait, les informaticiensutilisent sans cesse du code « sale » dans leurtravail quotidien. Gérard m’explique que sou-vent, il utilise des algorithmes dont il connaitl’inefficacité en termes de temps de travail.

Pour partager son travail il faut alors « net-toyer » son code, l’imagedu scientifique lui-mêmeen dépend. Parce que comme dit Gérard : « toutle monde va pouvoir avoir un jugement sur lafaçon dont je travaille. »

Neutralité théorique et données massivesdans l’étude du cerveau

Pour les professionnels impliqués dans l’openaccess, les grandes bases de données qui sontaujourd’hui mobilisées dans l’étude du cerveausemblent être aux fondements d’un renouveauépistémologique. L’argument statistique des BigDataestmobilisépar lesdéveloppeurs travaillanten neuro-imagerie, pour reprocher au dispositifexpérimental jusqu’ici majoritairement utilisépour produire les résultats, une moindre objecti-vité. Les « petites » études sont accusées d’êtreen partie responsables de la crise de reproduc-tibilité qui traverse les neurosciences d’unepart et d’avoir contribué à la mise en circulationde résultats statistiquement non-significatifsd’autre part. Certains développeurs décrivent uncontexte où les défenseurs de la neuro-imagerie« traditionnelle », pour eux liée à la réalisationd’expériences sur quelques dizaines de sujets, sevoientdémunis faceà ladiffusionprogressivedes« analyses secondaires » qui mobilisent descohortes de plusieurs centaines d’individus.

Marc assiste et accompagne, dans son labora-toire, l’émergence d’une nouvelle générationd’étudiants qui se forme à l’analyse des donnéeset à la conception de technologies. Dans sondiscours, une rupture se dessine entre cette géné-ration naissante et la précédente ancrée à unmode de production des connaissances de typeexpérimental :« Très concrètement je vois des gens qui faisaientde l’imagerie, qui aujourd’hui sont un peu décou-ragés... (...) Il y a des gens qui arrêtent et qui serendent compte qu’avec les petits échantillons çavadevenirdeplusenplusdur... (...) puis ilsdisent :« C’est quoi votre pouvoir statistique ? Ça ne serapas reproductible... ». Ils commencent à identifierça comme un problème.... et puis ils ne voient pascomment faire, c’est pas leur expertise et ilsabandonnent. »Les chercheurs, de leur côté, semblent

conscients de ces changements, qui se reflètentnotamment sur les politiques de publication.L’un d’eux m’explique avoir publié ses résultatsdans une revue prestigieuse. L’article se base suruneanalyse impliquantplusde400 images issuesd’une base de données financée par les NationalInstitutes of Health (NIH) et met en défaut lacorrélation entre épaisseur corticale et indice demasse corporelle, hypothèse qui semblait êtreconfirmée par d’autres études. Il est désormaisdémontré que dans les sciences de la vie, cesrésultats, appelés « négatifs », ne sont pas facile-mentpubliables, les journauxpréférantdes résul-tats confirmatoires (Fanelli, 2012). Le chercheurm’explique que pour lui, la raison principaled’acceptation de son article est la taille de sonéchantillon et le pouvoir statistique écrasantqu’on lui accorde.

Malgré cela, au quotidien, l’exploitation desbases de données n’est pas simple. Si les donnéessont souvent décrites comme des entités compa-rables, elles ne le sont pas toujours. Les imagesdu cerveau sont des données complexes rede-vables du contexte technique et théorique deproduction.Dansune enquête précédente auprèsdes neuroscientifiques (Anichini, 2018), nousavions observé que le type demachine utilisée, lesite d’acquisition, les consignes livrées au sujetlors du scan, sont autant de variables qui peuventrendre les données hétérogènes. Leur qualitén’est pas toujours assurée, et plusieurs imagesducerveau contenues dans les bases de données nesont pas utilisables. De plus, les données, doivent

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la plupart du temps être ultérieurement traitéespour faire l’objet d’usages spécifiques, pour êtreadaptées par exemple, à des logiciels particuliersselon les objectifs des chercheurs. L’utilisationdes données se complique par l’absence d’unsystème d’annotation et d’un mode d’organisa-tion standardisé.

La place de la théorie et du scientifique dans laproduction et le traitement des données sontdeux autres facteurs qui sont évoqués dans lesdiscours pour opposer la pratique expérimentaleau data-mining. La formulation des hypothèsesqui est préalable à la réalisation d’une expé-rience, semble restreindre les possibilitésoffertes par les données elles-mêmes et empêcherl’émergence d’une description plus fiable desmécanismes biologiques. Une démarche pluspragmatique, basée sur le data-mining, est pourles scientifiques interrogés plus susceptibled’aboutir à des résultats moins biaisés et derépondre plus rapidement aux contraintesposées par la pratique clinique. Ce cadre épisté-mologique épouse les objectifs de la recherchedite « translationnelle » (ou appliquée) et l’élabo-ration d’outils diagnostiques ou thérapeutiquesdans le cas des maladies neurologiques. Les neu-ro-informaticiens qui prônent cette approche, sedécrivent souvent comme des outsiders face à uncontexteoù l’étudede laboratoire reste, poureux,le dispositif dominant, au niveau matériel etsymbolique :« Beaucoup des avancées sont dues à des analysesexploratoires qui ontmauvaise réputation enneu-rosciences classique : quand tu dis qu’un truc estexploratoire en gros il est à peine digne d’êtrepublié voire il n’est pas digne d’être publié en fait.Maisquandturegardes les trucs lesplusgrosdansles dix ans qui se sont écoulés c’était avecdes techniques type clustoringou independent com-ponent analysis qui sont des analyses explora-toires. En fait, je pense qu’on est très très très loind’avoirdesbonneshypothèses suffisammentpourpouvoir vraiment aller comprendre ce qui sepasse »Pierre est responsable d’un centre d’imagerie.

Impliqués dans la conception de logiciels de trai-tement de données cérébrales issues de diversestechniques, il mentionne l’apparition deméthodes prometteuses qui visent la découvertedes marqueurs cérébraux de la maladie d’Alzhei-mer. Les « modèles » existant n’étant pas enmesure de rendre compte de la « réalité », unedémarche inductive et un changement d’échelle

sont pour lui indispensables. Dans une logiquepragmatique, fauted’une compréhensiondes fac-teurs qui rentrent en jeu dans le déclanchementde la maladie, il évoque la possibilité d’identifierdes marqueurs précoces parmi des vastes quan-tités de données. Le but est de pouvoir recon-naitre, à terme, les sujets « à risque ».

PourMarc, l’explorationdes données aboutit àune « description », considérée en opposition àune démarche à visée explicative, la premièreétant pour lui plus efficace :« C’est juste qu’en terme de la démarche scienti-fique habituelle si tu fais des hypothèses, tu as unmodèle, tu valides ton modèle et ça c’est intellec-tuellement élégant alors que quand tu utilises destechniques d’analyse de données pour juste mon-trer la structure des données ça c’est pas élégant,mais moi je pense qu’une grosse partie des avan-cées scientifiques à venir viennent de la 2e caté-gorie. »Cette opposition entre exploration et expéri-

mentation, au centre de la plupart des discours,ne se répercute pas sur le travail scientifique.Elleest le symptôme d’un discrédit de plus en plusimportant de la place de la théorie dans la pro-ductionde la connaissancealorsqu’enpratique la« neutralité » théorique de l’exploration des don-nées est loin d’être confirmée par l’observationdu travail. D’abord, dans la phase de « recueil » etde sélection des données, les scientifiques fontdes choix quant aux paramètres d’acquisition,aux groupes d’images qui sont censées représen-ter une catégorie d’individus (les « autistes », les« schizophrènes », les sujets « sains...). Ensuite,les bases de données véhiculent aussi des classi-fications particulières, qui, par exemple, répar-tissent les données selon des critères diagnosti-ques particuliers. Ces observations vont dans lesens du constat de la philosophe Sabina Leonelli,qui remarque comment, dans la recherche data-driven ou data-intensive, certains outils qui per-mettent la standardisation des données et leurcirculation, comme les bio-ontologies dans ledomaine de la biologie, fonctionnent en tant que« théories classificatoires ». De la mêmemanièreles bases de données, véhiculent une organisa-tion des informations qui n’est pas neutre (Bow-ker, Leigh Star, 1999). Enfin, les algorithmesimplémentés par le logiciel utilisé pour traiter lesimages sont souvent porteurs de modélisationsspécifiques du cerveau au prisme desquelles lesrésultats sont produits. Mais on a vu que, au-delà

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de la « charge » théorique des technologies utili-sées pour la production et le traitement desdonnées dont on vient de discuter, les chercheurslors des explorations peuvent aussi sélectionnerles résultats selon qu’ils soient ou pas « signifi-catifs » en fonction de certaines prédictions (Ani-chini, 2017, 2018). Ces stratégiesmises à l’œuvreen partie à cause des contraintes de publication,peuvent aussi orienter l’attention vers certainsrésultats lors de la démarche exploratoire.

Malgré l’émergence de nouvelles manières depenser la coexistence des deux traditions scien-tifiques4, la neutralité théorique devient un pilierde l’objectivité scientifique, et elle est attribuée àdesméthodologies de traitement automatique detype machine learning appliquées aux neuros-ciences. Marc m’explique que les algorithmespeuvent « révéler » des marqueurs cérébrauxdont la détection échappe aux experts humains.Lesdéveloppeursvalorisent l’automatisationdestraitements en raison de lamoindre interventionde l’humain dans le processus et bien que lesméthodes ne conduisent pas à une meilleurecompréhension de lamaladie, elles sontmises enavant comme des outils prédictifs. Malgré l’aveu-glement de cemode opératoire quant aux raisonsexpliquant les marqueurs identifiés, les déve-loppeurs valorisent ces outils en raison de leurcapacité à appuyer des décisions :«Moi si aujourd’hui j’avais une série d’examens etque j’étais capablededire : vous, vousavez99 %dechance de développer une démence Alzheimer en3 ans ça c’est quelque chose qui aurait énormé-ment de valeur même si je suis incapable de direqu’est-ce qui dans les images permet de dire quevous allez développer Alzheimer, ça c’est unexemple de machine learning, « boîte noire » : çadonne une réponse, une prédiction potentielle-ment beaucoup plus fiable de ce qu’un humain estcapable de faire aujourd’hui. Mais on n’est pasforcément capable de comprendre pourquoi on enarrive à cette conclusion-là5... »

La science des données impose une nouvelledéfinition de la pathologie où les régularitésempiriques, détectées sur des grandes quantitésde données conduisent à appréhender lamaladiementale autrement. Les profils pathologiquessont élaborés à partir d’une détection automa-tique des traits structurels (épaisseur corticale,volume de l’hippocampe) et d’une relation spéci-fiqueentreplusieurs typesdedonnées (imagesducerveau, informations sur le génotype, informa-tions démographiques). Ces algorithmes penséspour analyser les individus « à risque », identifierle stade de la maladie ou établir un diagnostic,commencent à être de plus en plus orientés versla prédiction des phénomènes. Dans le contextede l’analyse des données, le rôle des mathéma-tiques évolue et sa fonction se redéfinie autour dela description et la prédiction au détriment de lacompréhension, entendue comme résultat d’uneinterprétation théorique (Panza et al, 2011).

Reproductibilité versus RéplicationLa neuro-imagerie est un domaine particuliè-

rement touché par le problème de la reproducti-bilité (Abbot, 2009 ;Bennet,Miller, 2010). Il n’estdonc pas très surprenant que les développeurs sesentent responsables, dans leur travail autourdes infrastructures numériques de partage etd’outils d’analyse d’images, d’une résolution pro-gressive de cette « crise ». Pour eux, dans unavenir proche, les technologies seront enmesurede contraindre les chercheurs vers une standar-disationdesdonnées, àunpartagedeplus enplusinévitable des procédures de traitement. Cer-taines pratiques de traitement jugées tropvariables et dont la portée statistique est dou-teuse – et de plus en plus apparentées à la smallscience- sont attribuées à un stade d’avancementdes technologies encore embryonnaire. On attri-bue aux technologies un rôle « disciplinaire », oùle partage et le contrôle des données seraientgraduellement assuréspar les laboratoires via lesoutils dont ils disposent.

Dans la production des résultats en neuro-imagerie, des pratiques de traitement adhoc sonttoujours possibles. Quand ils génèrent une cartefonctionnelle du cerveau, par exemple, les cher-cheurs ont le choix entre plusieurs méthodes detraitement qui aboutiront à des résultats diffé-rents, au niveau des activations – qui peuvent serévéler plus oumoins fortes - et au niveau de leurlocalisation. Dans un contexte compétitif, cette

4 Voir : Bowker, 2010, Smalheiser 2002 ; Kell and Oliver2003 ; Waters K., 2007, Strasser, 2011 ; Keating and Cam-brosio 2012 ; Leonelli 2012 ;O’Malley, 2007 ;Ratti E., 2015.5 Concernant la nature des sciences computationnelles, lesphilosophes ont commencé à parler d’« opacitéépistémique » (Humphreys, 2009) pour désigner l’impossi-bilité humaine de comprendre la totalité des opérationseffectuées par un ordinateur.

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offre de « pipelines » (les chaînes d’opérationseffectuées sur les données) permet la comparai-son des résultats possibles et éventuellement lasélectionde ceuxqui concordent lemieuxavec leshypothèses du chercheur. C’est ce que les scien-tifiquesappellentP-Hackingqui consiste à choisiret rendre publique seulement les résultats statis-tiquement significatifs en fonction des prédic-tions de départ. Gérard m’explique :« donc en fait aujourd’hui c’est pas juste le choixentre 4 pipeline il y a des dizaines de milliers deméthodes pour traiter les mêmes données et quivont toutes donner des résultats différents donccela pose déjà des problèmes statistiques (...) si tupeux traiter tes données avec des dizaines demilliers deméthode différentes, tu peux peut-êtreinfluencer la chance... autrement dit : essayonsavec peut-être pas 10 000 mais 14 méthodes dif-férentes et puis s’il y en a deux qui ont desrésultats positifs prenons ces deux-là et publionsça »Pour lui, la solution c’est non seulement de

mettre le code à disposition des autres scienti-fiquesmais de le documenter et de rendre tous leséléments nécessaires à la reproduction des ana-lyses. En fait la parfaite reproduction des ana-lyses dépend de nombreux facteurs comme letype de méthode mathématique utilisée, le choixdes paramètres de laméthode, lamanière dont lelogiciel implémente laméthode, le jeu dedonnéesutilisées mais aussi le système d’exploitation del’ordinateur et la version des logiciels utilisés6.L’objectif des data scientists est alors d’amenerles chercheurs à rendre publics données et trai-tements pour pouvoir reproduire les résultats enligne.

Mais l’évaluation de la qualité des résultatssemble être de plus en plus confinée à la phase detraitement de données et cela se répercute sur ladéfinition de la reproductibilité. En neuro-image-rie c’est celle qui est proposéeparPeng (2011) quia été retenue et qui a été adoptée par COBIDAS(Committee on Best Practices in Data Analysis

and Sharing) organisme crée en 2014 parl’OHBM (Organization for Human Brain Map-ping) pour élaborer des recommandations quantaux conduites de recherche et de partage dansl’étudeducerveau.Pengdécrit la reproductibilitédans la science computationnelle comme étantlimitée à la vérification des résultats à travers laréitération des analyses sur les mêmes données.Pour lui la reproductibilité remplace la « culture »de la réplication, cette dernière étant une répéti-tion complète de la chaîne expérimentale pourtester la véracité des observations. La réplicationqu’ainsi définie semblemieux s’adapter à la smallscience, n’est pas pour lui envisageable quand laréplication nécessite l’utilisation d’instrumentscouteux et de temps longs. Pour Peng la repro-ductibilité est alors cantonnée à la répétition destraitements sur les données suite au partage decelles-ci ainsi que du code informatique. Gérardmentionne également cette différenciation :« Il faut distinguer entre réplication et reproduc-tibilité... réplication c’est arriver à la mêmeconclusion en reproduisant l’expérience complète(...) Pour la reproductibilité on parle des mêmesdonnées, les mêmes pipeline, avec les mêmesparamètres (...) je pense vraiment que c’est néces-saire de pouvoir reproduire pour faire avancer leschoses... c’est aussi une garantie de savoir qued’autres peuvent reproduire ce que tu as fait,contre les bug et la fraude... »On comprend que les deux démarches sont

distinctes et qu’une étude reproductible n’est pasforcement replicable, la phase d’acquisition dedonnées n’entrant pas en compte dans la refor-mulation des analyses. Cela nous conduit àquelques remarques : en premier lieu, la repro-ductibilité dans les neurosciences commence àêtre définie au prisme des standards de valida-tion des résultats posés par les sciences compu-tationnelles. Celles-ci réorientent et restreignentla définition de la reproductibilité autour du par-tage des données et du code. Ici, l’étape impor-tante dans la vérification est l’analyse des don-nées. Les données ne sont donc pas questionnéesen tantque telles, vuqu’il n’estpasquestionde lesréacquérir en suivant le même protocole. Dansles discours, la questionde l’intégrité scientifiqueest fortement associée à celle de la reproductibi-lité. Cette dernière est censée entrainer unedimi-nution des fraudes ou des pratiques douteuses etaboutir à une amélioration de la qualité desconnaissances. Mais la reproductibilité de la

6 Voir : Mackenzie-Graham et al., Provenance in neuroima-ging, Neuroimage, 2008 ; 42 : 178-195 ; Gronenschild et al.,The Effects of FreeSurfer Version, Workstation Type, andMacintosh Operating System Version on AnatomicalVolumeandCorticalThicknessMeasurements.HayasakaS,editor. PLoS One. 2012 ; Glatard T, et al. Reproducibility ofneuroimaging analyses across operating systems. FrontNeuroinform. Frontiers ; 2015 ; 9.

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phase d’analyse ne peut pas garantir l’absence depratiques de p-hacking, c’est-à-dire d’une sélec-tion des pipelines de traitement visant à aboutirà un certain résultat. Cela étant antérieure àl’analyse, la transparence ne joue pas en faveurd’une conduite plus « honnête ». En deuxièmelieu, les développeurs renvoient le problèmed’une crise de reproductibilité des résultats à unesolution technologique. Selon eux en fait, ce sontles infrastructures permettant de stocker et par-tager les données ainsi que de reproduire lestraitements, qui rendront la connaissance plusfiable. À cet idéal se heurte le possible détourne-ment des technologies auxquelles les chercheurspeuvent faire appel pour aboutir à des résultats« significatifs ». Cet usage des technologiesreflète les tensions structurelles du système où lacompétition qui régit l’acquisition du capitalmatériel et symbolique cohabite avec l’impératifdu partage désintéressé. Enfin il faut noter que siles développeurs voient la reproductibilité com-putationnelle et l’obligation de partager les don-nées et les traitements comme des réponses à lacrise de confiance, elles apparaissent plutôtcomme un symptôme de celle-ci. Dans les dis-cours, la transparence agit en tant qu’injonctionmorale et est utilisée de plus en plus dans laconstruction de la réputation scientifique. Cettevolonté de contrôle accrue sur les agissementsdes chercheurs atteste, voire renforce, une fragi-lisation de la confiance dans la science.

Pour les scientifiques interrogés, les infras-tructures numériques conçues pour partager etreproduire les analyses en ligne, semblent incar-ner et garantir l’idéal de l’universalisme. La pos-sibilité de reproduire des explorations dans lecloud représente l’espoir d’un affranchissementdes conditions matérielles qui peuvent entraverla reproductibilité des résultats :« (Aujourd’hui) je fais les analyses sur mon ordi-nateur avec cette version du logiciel et c’est vraique si je mets à jour le logiciel oups ça marcheplus, je ne peuxmême plus partager mes donnéesavec mon collègue parce que lui tourne sur Win-dows etmoi surLinux....Mais ça, ça va disparaîtreparce que la technologie va nous permettre denous affranchir de ces carcans et un moyen de lefaire c’est d’avoir des plateformes dans le nuageparce que chacun aura accès aux mêmes plate-formes... »Les pratiques témoignent de la difficulté des

chercheurs à embrasser de tels scénarios. Des

questions éthiques et légales concernant l’utili-sationsecondairedesdonnéesd’imagerienesontpas encore résolues et entravent leur stockage etleur mise à disposition via des plateformespubliques. Au Canada, en absence de protocolesstandardisés de partage, il n’y a pas encore deconsensus quant aux normes à adopter pour laconservation des données dans le domainemédi-cal. Les chercheurs peuvent faire face à desdivergences entre deux comités d’éthiques quiévaluent leur projet et qui peuvent exprimer desavis conflictuels sur les modalités d’applicationdes normes. En conséquence, une situation para-doxale s’installe : si d’uncôté, l’accèsauxdonnéesbrutes commence à devenir une conditiond’acceptation pour certains journaux en neuros-cienceset àungaged’intégrité scientifique (NRC,2003), de l’autre côté, le manque d’un cadrejuridique et éthique unifié empêchent les cher-cheurs de partager leurs données.

ConclusionNous avons analysé les discours des data scien-

tists pour faire ressortir les tensions qui tra-versent le domaine de la neuro-imagerie et quiaccompagnent une réorientation institution-nelle, technologique et épistémologique dans lessciences du cerveau. Les développeurs qui sontengagés dans la conception d’infrastructurespour le partage, la standardisation et le traite-ment de grands volumes de données d’imagerie,sont porteurs d’idéaux qui touchent l’intégrité etles vertus scientifiques d’un côté et les modalitésd’investigation et de découverte de l’autre. Nousavons abordé trois questions au travers desquelsle thème de la rupture se dégage : le partage desdonnées, la production des résultats, la vérificationdes connaissances.

Quant à la première question, si les déve-loppeurs expliquent l’échec d’une mise à disposi-tion des données par une mauvaise adaptationdes chercheurs aux changements, ceux-ci sontconfrontés à des difficultés techniques, socialeset économiques faceaupartageduproduit de leurrecherche. Autant le manque d’outils de standar-disationdes données que la difficile identificationdes bénéfices procurés par le partage, renforcentles réticences des chercheurs et compliquent leurtravail quotidien. À cela s’ajoutent les enjeux deréputation qui sont amplifiés par les nouvellesplateformes de partage.

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Concernant la deuxième question, à savoir lesmodes de production du savoir, l’oppositionentre l’expérience de laboratoire et les analysesdites « secondaires » structure fortement lespropos des data scientists. La neutralité théo-rique des explorations des bases des données etl’identification automatique de régularités empi-riques conduit à repenser l’articulation entreexpertise humaine et procédures automatiséesdans la définition du « normal » et du « patholo-gique ». De plus en plus conçus comme des outilsprédictifs, les algorithmes sont utilisés dansl’élaboration des diagnostics et la mise au pointde traitements thérapeutiques dans le cas desmaladies neurodégénératives. La détection desindividus « à risque » à travers l’analyse desimages cérébrales répond à la tendance d’unaffaiblissement des catégories en faveur d’unepersonnalisation de la statistique (Cardon,2015).

Enfin nous avons abordé la question de lareproductibilité computationnelle, qui semble,dans les discours, baliser la voie vers laquelleles pratiques scientifiques devraient confluer.Dans la nouvelle définition de la reproductibili-té, les traitementssont testés en lignemais les condi-tions expérimen-tales d’acquisitiondes données bru-tes ni le contextethéorique et tech-nique dans lequelcelles-ci sont stockées, diffusées et classéesne sont questionnées. Ces idéaux –le partage,la fin de la théorie, la neutralité des données -sont parfois bafoués par les « normes prati-ques » qui orientent le travail quotidien deschercheurs mais aussi des data scientists. Parexemple concernant le partage, si pour Rouvroy :« l’argument suivant lequel « qui n’a rien à cachern’a rien à craindre de la surveillance », ajouté auconfort de l’immédiateté, aux vertus de l’interac-tion et à la valorisation de l’exposition person-nelle l’emporte largement sur les réticences audévoilement de la vie privée et de l’intimité »(Rouvroy A., Berns T., 2010 : 90), on voit dans lecas des sciences, que la défense d’un certain idéalde transparence -qui fait écho aux impératifsmértoniens du désintéressement et du commu-nalisme -, n’est pas incompatible avec une utili-

sation stratégique du partage. Casilli (2013),dans un autre champ, celui des réseaux sociaux,relève de quelle façon la prétendue « abolitionde la vie privée » sert l’idéologie véhiculée parles responsables des plateformes comme Face-book qui agiraient en tant qu’ « entrepreneursde morale » (Becker, 1973), en imposant lesnormes-clé de la sociabilité en ligne. Mais suiteau constat d’un refus des publics à se confor-mer à ces normes et de l’existence d’initiativesvisant à garantir la protection de données per-sonnelles, Casilli (2013) fait remarquer que « lediscours des entrepreneurs de morale s’opposeaux pratiques des usagers. ». Pour certains scien-tifiques aussi, le dévoilement stratégique d’infor-mations est fonctionnel à la création d’une iden-tité numérique [Georges 2009, Cardon, 2008,Casilli, 2013]. La communication des informa-tions de la part des individus correspond alors àune gestion spécifique de leur « capital social »dont attestent les pratiques. Comme nousl’avons déjà constaté dans nos recherches précé-dentes (Anichini, 2018) les infrastructuresnumériques comme les bases de données,incarnent l’ethos scientifique invoqués par Mer-

ton (1973[1942])tout en laissant, enpratique, des pos-sibilités de con-tournement de cesnormes pour favo-riser des espacesde réussite indivi-duelle. Les prati-

ques témoignent également de frictions exis-tantes entre deux économies morales (Stras-ser 2011), chacune desquelles oriente la produc-tion des résultats, la vérification des connais-sances, l’acquisition du capital social et scienti-fique. En effet les normes véhiculées par lascience des données se superposent, à cellesde la tradition expérimentale dans un équilibreparfois fragile. Pour nuancer la portée idéolo-gique des technologies dans les sciences, il estimportant alors de s’intéresser aux formes spé-cifiques d’appropriation des normes de latransparence et du partage. Ces normes sontfaçonnées par les contraintes économiques, tech-niques et sociales que nous avons commencé àesquisser et qui attestent des frictions entredifférents cadres normatifs de production desconnaissances.

“Ces idéaux –le partage, la fin de lathéorie, la neutralité des données - sontparfois bafoués par les « normes pra-tiques » qui orientent le travail quotidiendes chercheurs.”

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RemerciementsJe remercie la Fondation Fyssen pour son

soutien et sans laquelle cette recherche n’auraitpas pu voir le jour. Je remercie le Cirst et leLabCMOdem’avoir accueillie pour la réalisationdu post-doctorat. Je remercie tout particulière-ment la professeure Florence Millerand, pourson suivi attentif et ses conseils qui ont permisd’approfondir et préciser mes réflexions.

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Attirer la prospérité.Corps lourds, corps amplifiés

(Bolivie)

Laura FLETY

Post-doctorante Labex Création, Arts, Patrimoines Rattachée à l’Institut interdisciplinaire d’anthro-pologie du contemporain (UMR 8177, EHESS)

RésuméCet article interroge la nature du lien entre corps, artefacts et prospérité dans une danse andine

urbaine appeléemorenada. Celle-ci est exécutée pour la célébration du Christ protecteur de la ville deLa Paz, en Bolivie, par une communauté d’artisans et de commerçants issus de lamigration indigèneaymara. Par différents processus esthétiques les danseurs-dévots élaborent des « corps-objets »pesants, amplifiés et ostentatoires, afin d’attirer la fortune. Comment actions, qualités des corps etpropriétés sensibles des artefacts concourent-elles à capter une richesse potentielle, individuelle etcollective ? A travers une ethnographie des langages corporels, il s’agira d’interroger la création d’unprototype de la prospérité.

Mots clefsDanse, corps, artefacts, Andes, Bolivie, dévotion, richesse

Attracting prosperityHeavy bodies, amplified bodies (Bolivia)

AbstractThis article investigates the nature of the link between body, artefacts and prosperity in an urban

Andean dance called morenada. It is performed at the celebration of Christ the Protector of La Paz,Bolivia, by a community of artisans and traders formed by Aymara indigenous migrants. Throughdifferent aesthetic processes, the devotees and dancers elaborate heavy, magnified and ostentatious’bodies-objects’ in order to attract good fortune. How do actions, the qualities of bodies and thesensible properties of artefacts contribute to the acquisition of potential wealth, both individual andcollective ? Through an ethnography of body languages, this article explores the creation of aprototype of prosperity.

KeywordsDance, Body, Artefacts, Andes, Bolivia, Devotion, Prosperity

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Dansles grandes villes boliviennes, lesnombreux cultes dédiés aux viergeset saints patrons catholiquesprennent la forme de somptueux cor-tèges rassemblant plusieurs milliers

de danseurs et musiciens. A La Paz, la grandecélébration annuelle dédiée à Jesús del GranPoder, le Christ protecteur de la ville, se déroulele samedi précédant la Sainte-Trinité1. Commede nombreux Christs dans les Andes, Jesús delGran Poder est un « objet-sujet » agissant sur lesfidèles qui entretiennent avec lui une relationd’offrande rituelle (Barcelos Neto, 2008). Ladanse est alors conçue comme une activité quel’on doit et que l’on donne au Christ, un objetd’échange qui permet d’attirer ses faveurs. Atravers un pacte appelé promesa (vœu) chaquefidèle s’engage à danser trois années consécu-tives. La danse et toute samatérialité –masques,ornements et costumes – ne constitue pas uni-quement un registre expressif, c’est sa dimen-sion performative2, sensible etmotrice (Beaudet,2010 ; Sklar, 1991) qui nous intéresse ici toutparticulièrement. Comment la danse devient-elleun outil rituel efficace pour attirer sur soi, et surtous, la prospérité ?

La littérature andiniste portant sur les pra-tiques religieuses des Aymaras3 en Bolivie s’estconcentrée sur le monde indigène, délaissantgénéralement le champ urbain. On peut néan-

moins citer les travaux pionniers de X. Albó &M.Preiswerk (1986), qui interrogent la nature de lafoi chrétienne dans les discours des migrantsaymaras de La Paz, et les recherches plusrécentes4 de G. Guaygua et al. (2008) quiexplorent le rôle de la religion catholique dans lesprocessus de construction de la différenciationsociale, chez la population aymara urbaine.Enfin, les travaux de N. Tassi (2010, 2012) ques-tionnent le lien complexe qu’elle tisse entrematé-rialité, commerce et religion. Dans les proces-sions dansées, tous les éléments accumulés surles corps des pratiquants mettent en scène uneforme d’excès et de multiplication matérielle quipermettrait de capter les faveurs du Christ. Pourfaire prospérer leurs commerces, les Aymarasurbains attirent « la chance » (suerte) par leursperformances matérielles et corporelles (Tassi,2012 ; Fléty, 2015).

1 Représenté aujourd’hui à La Paz par une image conven-tionnelle du Christ, Jesús del Gran Poder (Jésus de laGrande Puissance) a initialement été peint sous la formed’un Christ à trois visages, évoquant la Sainte Trinité(Gisbert, 2010). L’image fut déclarée non conforme au ritecatholiquedans lesannées1930et repeinteafindecacher lesdeux têtes latérales.2 Les études sur la performance (Schechner ([2002]2013) invitent à penser la manière dont la pratique cho-régraphique est génératrice d’expériences transforma-trices.3 Les Aymaras font partie des principaux groupes linguis-tiques de Bolivie avec les Quechuas et les Guaranís. Lapopulation indigène aymara vit majoritairement autour dulac Titicaca et La Paz et El Alto sont les principales villes quiaccueillent lesmigrantsde cette zone.Lapopulationaymaraoccupe également les territoires andins de la partie péru-vienne de l’Altiplano et le nord du Chili. 4 Voir également Spedding (2008).

Figure 1 : Danseur de morenada appelé le « SuperAchachi », « Super Ancêtre », (La Paz, Bolivie).

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Parmi toutes les danses exécutées lors de lacélébration au Christ Gran Poder, la morenadaest qualifiée de danse « lourde » de la fête, enallusion au poids des costumes, entre dix et vingtkilos, portés par les danseurs5 durant les sixheures de parcours des confréries (fraternidades)qui traversent la ville. Cette danse met en scèneun bataillon demorenos (littéralement « ceux quiont la peau foncée ») dont la cadence est lente, lepas répétitif et fatigué. Cette performances’ancre dans des pratiques sensori-motrices toutà fait spécifiques : une surenchère visuelle, descorps pesants et alimentés par l’alcool, unerichesse ornementale portée par des danseursextenués.

L’attention portée aux « configurations du sen-sible », c’est-à-dire les sens, les perceptions, lessensations, les émotions et les imaginaires quisoutiennent et modélisent les pratiques reli-gieuses (Cohen,Kerestezi etMottier, 2017), nousamèneàappréhender lecorpset lesmatièresaveclesquelles il interagit (Warnier 1999, 2000)comme un pilier fondamental de l’expériencerituelle.

Ce que l’on peut appréhender comme la maté-rialité de la danse morenada relève d’une pano-plie d’artefacts tels masques, plumes, sceptres,crécelles6 et costumes-carapaces, principalementélaborés et portés dans le contexte dévotionneldes fêtes patronales. Cette matérialité joue unrôle central dans la danse et plus largement

dans l’acte dévotionnel. S’ils ne sont pas consi-dérés en soi comme proprement « rituels », cesartefacts façonnent des « personnages-objets »définit par une dimension extra-ordinaire, uneforte ambiguïté sémantique et un registre kines-thésique relevant de l’amplification et de lapesanteur.

L’approche matérielle des pratiques reli-gieuses7, ses composantes gestuelles8 et plusgénéralement l’analyse desmodes d’engagementdu corps dans les activités cultuelles nous permetde comprendre comment surgit un « régime col-lectif de sens » (Cohen, Kerestezi et Mottier,2017 : 1) faisant de l’expérience religieuse nonseulement une expérience individuelle et intimemais partagée et « donnée à voir ».

Dans les contextes rituels des Andes, la puis-sance du son et de la musique, l’abondanteconsommation d’alcool et le déploiement collec-tif des corps par la danse9 apparaissent demanière récurrente, tant dans le monde ruralqu’urbain (Martínez, 2002, 2009 ; Fléty, 2015).Dans cet article10, j’interrogerai d’une part lesqualités corporelles et matérielles qui modèlentla danse morenada. D’autre part, je montreraiqu’au-delà de la relation qu’elle acte avec leChrist, le type de corporéité qu’elle construitdépasse le cadre dévotionnel de cette fête patro-nale. Charger, amplifier et activer le corps, for-ment une trilogie d’actions/sensations primor-diales qui renvoie à la construction d’un« Prototype de la prospérité », une modalitécorporelle, esthétique et rituelle, qui appelle lafortune.

5 Les danseurs de morenada sont majoritairement issus dela migration indigène aymara de première et deuxièmegénération et se sont intégrés à la société urbaine en déve-loppant une économie informelle très dynamique autour ducommerce et de l’artisanat. Ils proviennent des villages etdes communautés indigènes des provinces d’Ingavi, Oma-suyos ou Pacajes du département de La Paz, aux alentoursdu lac Titicaca, entre la frontière de la Bolivie et du Pérou.Les plus âgés d’entre eux parlent encore les langues indi-gènes (généralement l’aymara mais aussi parfois le que-chua). Installés depuis plusieurs dizaines d’années dans lesanciens faubourgs indigènes du nord-ouest de La Paz, ilsappartiennent aux couches supérieures de la populationmigrante.6 La crécelle est un idiophone en bois par raclement. Elle estconstituée d’un manche qui sert de poignée et d’une rouedentée dont la rotation autour d’un axe produit un soncrépitant et puissant.

7 Pour une synthèse de cette approche voir Cohen&Mottier(2016).8 Voir par exemple l’analyse des gestes cultuels à l’époquechrétienne médiévale dans le travail de Schmitt (1990).9 Il s’agit là d’une recherche constante de saturation senso-rielle qui caractériserait le rituel andin (Classen, 1990 ;Martínez, 2009).10 Les données de cet article sont issues d’un long terrainethnographique (2008-2012) réalisé au sein des confrériesde danseurs de morenada de La Paz, pour mon doctoratd’ethnologie (Fléty, 2015) et d’un terrain complémentaire réa-lisé en janvier et février 2017 avec l’aide de la FondationFYSSEN.

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Des qualités ambivalentes ou la marquedu surnaturel

L’origine et les significations attachées àla morenada sont controversées et font l’objetd’un débat dominé par des intérêts régionalistes.Si les écrits folkloristes11 ont longtemps affirméqu’elle représentait la souffrance des esclavesnoirs qui travaillaient dans les mines de Potosipendant l’époque coloniale, de récents travaux12

l’associent plutôt à la cosmovision andine, en

soulignant son origine préhispanique ou en affir-mant qu’elle est initialement apparue au sein descommunautés indigènes aymaras. Enfin, lamore-nada pourrait être assimilée au culte de saintJacques et aux danses « Maures et Chrétiens ».Ces danses exécutées en Espagne (Andalousie,pays valencien,Aragon) et dans toute l’Amériquecoloniale mettaient en scène différents épisodesde la lutte entre Maures et chrétiens. Le person-nage du « Maure » ou du « Turc » aurait étéprogressivement remplacé au XIXe siècle parcelui du moreno (Soux, 2007).

Tant les masques aux expressions hagardesdesmorenosque la présenced’éléments évoquantla domination coloniale – gants blancs, pipe,bâton de commandement, bottes – font effecti-vement référence à l’univers de l’esclavage et à lasouffrance du travail forcé des Noirs qui travail-laient dans lesminesdeBolivie. La crécelle, jouéeà l’unissonpar lesdanseursmarquerait le rythmelent du pas des esclaves enchaînés.

Ce discours sur la figure d’« esclave noir »qu’incarne lemoreno reste assez consensuel, quece soit chez les danseurs ou les écrivains folklo-ristes boliviens. Néanmoins, lors de la perfor-mance dansée, ce personnage révèle aux specta-teurs de multiples autres références et saconstruction esthétique complexe rend lescontours de son identité beaucoup moins saisis-sables que ne le présente le discours officiel. Si lemoreno est censé évoquer un esclave, son appa-rence riche et baroque contraste fortement avecl’image des esclaves dénudés et en haillons quel’on peut retrouver dans d’autres danses de lafête. Il porte à la fois les signes du dominé– expression de la souffrance, yeux exorbités etbouche difforme – et ceux de la domination espa-gnole – bottes, sifflet et pipe. Il évoque une figured’esclave tout en portant un vêtement richementbrodé et perlé et dont, par ailleurs, les symbolesconstituent des références au monde indigène :des puissances cosmiques andines comme leSoleil, la Lune ou les Montagnes ; des animauxsacrés tels le crapaud, le condor ou le dragon13 ; lawiphala, drapeau des ethnies indigènes. Il peut

11 Par exemple, l’œuvre d’Antonio Paredes Candia (1924-2004), l’un des plus prolifiques écrivains folkloristes boli-viens, compile un nombre conséquent de descriptions de plu-sieurs danses boliviennes rurales et urbaines qu’il présentesous forme demanuel explicatif : origine, dessin du costume,pasetmusiqueexécutée.Lesdansesysontprésentées commedes formesfixes et immuables et restant isolées des contextessocio-historiques dans lesquels elles sont exécutées.12 Voir Cuba & Flores (2007).

13 Le dragon est probablement une réinterprétation del’iconographie du combat de saint Georges terrassant ledragon (Karadimas, 2015 : 38).

Figure 2 : Danseur moreno.

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avoir la peau noire mais des yeux bleus et unebarbe blanche, il porte également une cravate,signe vestimentaire urbain et moderne témoi-gnant de l’ascension socio-économique des dan-seurs, symbole bien éloigné de l’univers esthé-tique colonial.

Enfin, lemorenoet lesautrespersonnagesmas-culins de la danse comme lesReyesmorenos (Roismorenos) ou les Achachis (Ancêtres) empruntentsimultanément des traits humains, des traitsappartenant au monde animal – bec, yeux dechouette, poils, carapace à queue–et des qualitésmonstrueuses – expression diabolique14, languependante, dentition proéminente – fusion esthé-tique à partir de laquelle il devient difficile dedéterminer la nature précise de ces personnages.Ils deviennent des hybrides qui transgressent lescatégories rationnelles.

En incarnant à la fois le faste et la souffrance,en marquant simultanément la référence àl’époque coloniale et au présent, en jouant le rôledu dominé et du dominant, la figure humaine etnon humaine, ces personnages donnent lieu àune série d’interprétations potentiellementcontradictoires. Ils synthétisent des états, desstatuts oudes temporalités considérés contrairesdans la vie ordinaire. Cette juxtaposition et« condensation »15 d’éléments confèrent aux per-sonnages de la morenada un statut extra-ordi-naire qui apporte à la danse toute son efficacitérituelle.

En outre, la morenada n’est pas une dansenarrative, elle ne délivre pas un message expli-cite aux spectateurs et ne propose aucun scéna-rio intelligible. Elle ne raconte pas, en soi, unehistoire. Contrairement à d’autres danses boli-viennes, elle nemet pas en scène des divinités dupanthéon andin, ne propose pas un récit danséd’un combat, ne se présente ni comme une satireni comme un jeu de séduction entre hommes et

femmes. Cette danse fabrique une forme d’opa-cité sémantique et agit moins par le sens qu’ellevéhicule que par la mise en relief d’une sensa-tion, celle de la pesanteur et de la démesurematérielle. Si par leurs qualités ambivalentes,les personnages de la morenada s’inscriventdans le registre du surnaturel, deux autresprocessus, l’amplification et le chargementdu corps, donnent à cette danse son potentielrituel et activent son pouvoir d’attraction de lafortune.

Pesanteur, amplification corporelle et jeuxgravitaires

Les artefacts de la danse sont animés par lesgestes des danseurs. Ce sont bien les qualités demouvement16 produites à cet effet qui signent laspécificité de cette performance dévotionnelle.La relation entre le corps du danseur et son cos-tume est ainsi révélée au moment de sa mise enmouvement. Le principal effort fourni par lesdanseurs de morenada s’établit dans un rapportde force constant avec le costume. Les danseursengagent tout un travail corporel pour porter etrepousser constamment ce poids imposé. Ils sup-portentune chargeprincipalementplacéedans lapartie haute de leurs corps et doivent redoublerd’effort pour effectuer leur danse, pour rendrevisibles leurs gestes, malgré les couches dematières qui les recouvrent. Le corps du danseurest ainsi rendu complètement invisible par lesartefacts qu’il porte ; même sesmains sont entiè-rement recouvertes. L’aspect humain est complè-tement gommé, le danseur devient la charge qu’ilporte.

14 Celle-ci se caractérise par exemple par des yeux globuleuxet injectés de sang, un nez aquilin, détails morphologiquesdu visage que l’on retrouve dans lesmasques de la Diablada,«dansedesdiables », autredansede la fêtedeJesúsdelGranPoder. Cette dernière partage avec la morenada un mêmeunivers sémantique.15 L’action rituelle se caractériserait par une « condensa-tion», dansunemêmeséquence, de relations et demodalitésd’action antithétiques et ordinairement séparées (House-man & Severi, 1994 :55).

16 Les « qualités » des gestes relève de ce queRudolphLabana conceptualisé comme l’« expressivité du mouvement »([1950], 1994). Lors de la description d’une danse, lesdifficultés subsistent lorsque nous cherchons à nommer nonla forme du geste, mais ce qui concerne ses modulationsexpressives, sa force communicative, ce que l’on peut appe-ler des « qualités de mouvement ». La chorégraphe améri-caine Trisha Brown travaillait par exemple cette notion dequalité demouvement avec ses danseurs. Après les avoir tousplacé sur une ligne, elle leur demandait de la quitter de façon« soudaine », en « coupant les ponts » avec leurs partenaires.Cette même action était réalisée ensuite de façon « soute-nue », en préservant une certaine « qualité de regret » àquitter les autres. Les deux exercices renvoient à la mêmeaction motrice mais, modelées par des imaginaires dis-tincts, leurs qualités expressives deviennent opposées.

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Dans ce costume, le volume est principale-ment déployé au niveau des épaules et de latête. Les proéminentes épaulettes sont cons-truites verticalement et sur plusieurs niveaux, cequi donne toute son amplitude au costume dontles formes et proportions transforment complè-tement celles du corps du danseur. Il s’agit là

d’une version maximale du personnage dumoreno.

Pour supporter le poids, le danseur doit répar-tir ses forces afin de se dégager de cette charge,c’est sonmouvement continuqui lui permetdenepas se sentir écrasé. De petits mouvements sac-cadés des épaules, une alternance d’appuis sur la

Figure 3 : Le danseur « Super Ancêtre », une figure décuplée du moreno.

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jambe gauche puis droite, lui permettent de résis-ter au poids de lamatière. Les corps sont dans uneffort physique constant, une forte contractionmusculaire est nécessaire pour porter la chargeducostumependantplusieursheures.Cetterésis-tance au poids et cette force sont mises en relief :il ne suffit pas de montrer que le costume estvolumineux, il faut signifier qu’il est lourd etqu’eux, les hommes de lamorenada, sont àmêmede le porter.

Les danseurs donnent ainsi à voir une perfor-mance physique et affichent une attitude dyna-mique et tonique. Ils frappent vigoureusement lesol de leurs pieds, ce qui a des conséquencesdirectes sur le costume : les différents étages decelui-ci bougent et se désolidarisent, les frangesde perles qui les séparent se soulèvent ets’agitent. C’est donc également par la mise enmouvementducostumeque lesdanseurs rendentvisible l’effort physique fourni.

Les danseurs portent un costume dont la jupeest composée de différents plateaux qui bougentde manière indépendante car un tissu souple lesrelie entre eux. Le costume en tube qui encercleles jambes et hanches déstabilise le danseur. Ceteffet est renforcé lorsqu’il exécute des petits paslatéraux en se penchant sur les côtés ou lorsqu’ilréalise un parcours circulaire sur place en titu-bant. Les constructions volumineuses deshommes montrent un empilement fragile de dif-férents étages de matière avec lequel ils jouentgrâce à un déséquilibre constant.

Comme l’a analysé Rudolph Laban dans sestravaux, l’expressivité dumouvement est étroite-ment liée au rapport que le danseur entretientavec la gravité. Laban distingue la notion de«Poids »de celle de lamasse s’évaluant en termesde kilos. Le facteurPoids serait en effet une « atti-tude » avec des intensités variables. Si la pesan-teur, elle, est une contrainte invariable, le dan-

Figure 4 : Morenos en mouvement.

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Figure 5 : Altération de l’équilibre. Super Achachi qui s’incline vers le sol.

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seur peut en revanche choisir son attitude enverselle en s’y soumettant ou au contraire en y résis-tant (Laban, [1950] 1994 : 108). Par ses gestes, ledanseur peut créer une échelle de nuances pos-sibles pour exprimer des qualités qui vont de lalégèreté à la lourdeur. A travers les variations dela gravité, on décèle « une certaine qualité deprésence modulée par différentes tensions mus-culaires », qui dénote « l’intention ou l’engage-ment d’une personne » (Loureiro, 2013 : 29).

Dans un autre registre de mouvements, lesdanseurs jouent encore avec la gravité. Ici ledanseur paraît tituber, la masse du costume estballotée et déséquilibrée sur les côtés et surl’avant, le costume accentue la sensation d’unéquilibre précaire. En inclinant son costume versl’avant, quasiment à l’horizontal, puis en se rele-vant brusquement, il déplace son centre de gra-vité, faisant valoiruneprisede risquepar rapportà la chute et un contrôle total de sa force muscu-laire. Il doit se confronter au poids, enmaîtrisantl’encombrement de son costume-carapace, sansse laisser emporter. La tonicité qu’il met ainsidans ses mouvements et les inclinaisons dansl’axe sagittal sont une preuve de force et devirtuosité dans la danse.

L’agencement desmatériaux corporels et arte-factuels de la morenada élabore une « scénogra-phie en mouvement » (Barba & Savarese, 2008 :234) autour d’effets de Volume et de Poids descorps. La danse fait émerger un collectif qui sedéfinit par l’amplification de la matière qu’il pro-duit et par l’effort qu’il crée pour le faire. Laperformance chorégraphique apparaît comme lelieu privilégié où l’on actualise sans cesse unetension entre opulence (expansion des corps) etdépense d’énergie (effort physique, résistance aupoids).Larelationaumonde invisible s’activeparla consécration d’une matérialité ostentatoireque l’on expose dans la danse, mais plus encore àtravers la représentation d’une richesse à acqué-rir dans le futur, par samise enmouvement dansle présent.

Un prototype de la prospéritéAfin de mieux saisir comment s’opère cette

matérialisation corporelle de la prospérité, éloi-gnons nous de la pratique dansée pour faire undétour vers un autre type de pratique dévotion-nelle qui attire et « active » la richesse.

Le principe d’attraction de l’abondancemis enœuvre dans la fête patronale par la constructionde corps ostentatoires se retrouve enmiroir dansle rite réalisé pour Eqeqo. Appelé couramment«Dieu de l’abondance »,Eqeqo est représenté parune figurine en plâtre : un homme blanc, bedon-

Figure 6 : Eqeqo vendus sur un stand du marchédes Alasitas (La Paz).

Figure 7 : Produits alimentaires et ménagersminiatures vendus au marché desAlasitas (La Paz,2017).

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nant et de petite stature. Il porte sur lui unemultitude d’objets miniatures fabriqués en car-ton, plastique ou métal, qui imitent de manièreextrêmementréa-l i s t e l es b iensmatériels et quo-tidiens : liassesde dollars, télé-vision, produitsalimentaires,pro-duits d’entretien,camions , im -meubles, cuisi-nière etc.

Ces miniatures sont vendues en grande quan-tité tous les ans à la Paz sur un marché appeléAlasitas17qui s’installe dans la ville durant lemoisde janvier. Chacun y achète les modèles réduitsdes objets qu’il désire posséder.

Si ces pièces miniatures constituent des mar-chandises18 fabriquées par des artisans spéciali-sés et vendues pour servir d’offrandes votives19 àEqeqo, leur spécificité est également de contenirune force vitale20, d’être investies de « l’énergiede devenir réalité dans un proche avenir » (Moli-nié, 2012 : 184), une « force d’autoréalisation »(Van Kessel, 1991 : 201).

Ceux qui possèdent chez eux un Eqeqo vont lecharger chaque année de couches successives deces biens miniatures qui, en s’accumulant, for-ment progressivement une masse compacted’élémentsmulticolores autour et sur la figurine.La saturation visuelle et l’accumulation maté-rielle sur un corps qui devient amplifié par sesartefacts incarne exactement le même principeesthétique qui régit la construction des person-nages de lamorenada. On le retrouve par ailleurs,

plus explicitement encore, sur une figure du pres-tige présente dans tous les groupes qui exécutentcette danse : Le pasante.

Lespasantes, sontdes personnes dési-gnées annuellementdans chaque confré-rie de danseurs demorenada pour rece-voir le cargo, chargerituelle et économi-que qui consiste àassumer l’organisa-tion, le déroulement

et lefinancementde laparticipationdesdanseursà la fête patronale.Une fois la célébration passée,les pasantes désigneront leurs successeurs pourl’année suivante. Leur statut engendre un grandprestige social car cette responsabilité est assu-mée comme un sacrifice réalisé en faveur desdanseurs. Idéalement, leur investissement doitêtre total, affectant vie professionnelle et fami-liale : il constituesimultanémentundevoirenversle groupe et un acte de dévotion suprême enversJesús del Gran Poder.

Avant lacélébration, lespasantess’alignentsurle trottoirpourrecevoir leshonneursqu’impliqueleur rang. Les danseurs se précipitent vers euxpar centaines, pour témoigner leur gratitude,puis les recouvrent progressivement d’une séried’ornements colorés : pluie de confettis, colliersde fleurs, serpentins, chapeaux, médailles, certi-ficatsetpeluchesmulticoloresque l’onpendàleurcou. On leur offre également des paniers débor-dants de produits alimentaires et de bouteillesd’alcool. Tous ces éléments forment une accumu-lation de couches successives de matières, der-rière lesquelles les pasantes, immobiles et fiers,paraissent disparaître peu à peu.

La surenchère se déploie sur la figure despasantes, l’image d’opulence qu’ils projettentn’est pas le seul reflet du prestige social de leurstatut, elle est construite collectivement par tousles danseurs qui accumulent des éléments sur lescorps de ces derniers. Par ce traitement esthé-tique, le pasante se transforme en véritable icônede la richesse collective, il devient une sorted’Eqeqo, emblème de croissance matérielleconcentrant tous les désirs de prospérité.

Ces deux icônes se répondent à la fois sur leplan visuel – abondance, saturation et accumu-

17 Le terme Alasitas désigne les foires de miniatures qui sesont développées dans les villes boliviennes à partir de lamoitié de XIXe siècle et que l’on retrouve également auPérou et en Argentine.18 Lesminiatures s’insèrent dans tout un réseau de produc-tion économique impliquant des compétences artisanales,des convictions religieuses et des valeursmorales partagéespar les commerçants et les clients des foires. Pour uneanalyse économique de ce type de phénomène, voir Angé(2016).19 Voir Allen (2016) et Sillar (2016).20 A propos du concept de « vitalité » des miniaturesandines, voir Allen (2016).

“ La relation au monde invisible s’activepar la consécration d’une matérialitéostentatoire que l’on expose dans ladanse, mais plus encore à travers lareprésentation d’une richesse à acquérirdans le futur, par sa mise en mouvementdans le présent. ”

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lation matérielle – et sur le plan des qualitéscorporelles : pesanteur, amplification. En outre,on retrouve également des correspondancesentre les actions motrices qui vont rendre cesdeux icônes rituellement efficaces.

Chez l’Eqeqo, l’activation des miniaturess’opère par deux types d’actions concrètes surla figurine. On la fait tout d’abord « boire »,puisque de l’alcool est versé dans l’orifice desa bouche, puis « fumer », une cigarette estinsérée dans cemême orifice. En agissant sur lesfonctions vitales (respiration, digestion) del’Eqeqo, c’est le potentiel d’auto-réalisation desminiatures qu’il charge qui va pouvoir se déclen-cher. En miroir, si le pasante est statique lors-qu’il est chargé par les danseurs, c’est sa miseen mouvement par la danse, c’est-à-dire soninvestissement dynamique, qui marque concrè-tement la réalisation de l’acte dévotionnel.Commepour lesminiatures, sa chargematérielledevient une force de projection de la prospérité,puisque c’est endansant qu’il attire la fortune surle collectif dont il est en charge et qu’il repré-sente.

On retrouve donc tant dans le registre de ladansemorenada que dans les figures enmiroir dupasante et d’Eqeqo, unmême prototype de la pros-périté.Ala lumièredecesdeuxderniersexemples,on peut saisir en retour la singularité que revêtl’acte dansé dans la célébration du Christ GranPoder. Les contenus matériels, esthétiques etkinesthésiques de cette danse dévotionnellemodélisent lamanière dont la réussite et le succèsmatériel peuvent être concrétisés. La danseconstitueainsiunemodalité rituelle agissanteparles imaginaires etmotricités qu’elle engage et parsa capacité à « corporéiser » la richesse.

RemerciementsCet article a été réalisé grâce au généreux par-

tage des danseurs de morenada de La Paz et ausoutienfinancerde laFondationFyssen. Je remer-cie également toute l’équipe de mon laboratoired’accueil à Rio de Janeiro (PPGAS). J’ai notam-ment bénéficié des conseils avisés et d’une colla-boration scientifique de grande qualité auprès deLuisa Belaunde, à qui je témoigne toute ma grati-tude ainsi qu’aux collègues du Séminaire d’Anthr-

Figure 8 : Autel particulier d’un Eqeqo.

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Attracting prosperityHeavy bodies, amplified bodies (Bolivia)

IInthe large towns and cities of Bolivia, thenumerous cults devoted to the Catholicvirgins and patron saints take the form ofsumptuous processions composed of seve-ral thousand dancers andmusicians. In La

Paz, the large annual celebration dedicated toJesús del Gran Poder, Christ the Protector of thecity, takes place on the Saturday before TrinitySunday.21 LikemanyChrists in theAndes, Jesús-del GranPoder is an ‘object-subject’ acting on thefaithful whomaintain a relation of ritual offering

21 Today depicted in La Paz by a conventional image ofChrist, Jesús del GranPoder (Jesus of theGreat Power) wasinitially painted as a three-faced Christ, evoking the HolyTrinity (Gisbert 2010). The image was declared non-com-pliant with the Catholic rite in the 1930s and repainted toconceal the two lateral heads.

Figure 1 : A morenada dancer called ‘SuperAchachi’, ‘Super Ancestor’. (La Paz, Bolivia).

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with him (Barcelos Neto 2008, Fléty 2015). Thedance is thus conceived as an activity that is bothdue and given to Christ, an exchange object thatattracts his favours. Through a pact called apromesa (vow), each worshipper commits todance for three years in succession. The danceand all its material elements – masks, decora-tions and costumes – not only constitute anexpressive register, they form its performative22

and sensory dimension and its driving force(Beaudet 2010, Sklar 1991), the aspects thatespecially interest me here. How does dancebecome an effective ritual tool to attract prospe-rity to oneself and everyone else?

The Andean literature on the religious prac-tices of the Aymara23 in Bolivia has generallyfocused on the indigenous world, neglecting theurban domain. Nonetheless, we can cite the pio-neering work of X. Albó & M. Preiswerk (1986),who inquire into the nature of the Christian faithin the discourse of Aymara migrants in La Paz,and the more recent research24 of G. Guaygua etal. (2008), exploring the role of the Catholicreligion in the process of constructing socialdifference among the urban Aymara population.Finally, the works of N. Tassi (2010, 2012) inter-rogate the complex connection woven by thereligion betweenmateriality, commerce and reli-gion. In the dance processions, all the elementsaccumulated on the bodies of the practitionersenact a form of excess and a material multiplica-tion that attracts Christ’s favours. To enabletheir trade to prosper, the urban Aymara attract‘luck’ (suerte) through their material and bodilyperformances (Tassi 2012, Fléty 2015).

Among all the dances performed during thecelebration of Christ Gran Poder, the morenadais described as the festivals ‘heavy’ dance, in anallusion to the weight of the costumes, between

tenand twentykilos,wornby thedancers25 throu-ghout the six-hour journey of the religious frater-nities (fraternidades) cross the city. This dancefeatures a battalion of morenos (literally, ‘darkskinned’) whose pace is slow, their steps repeti-tive and tired. This performance is anchored invery specific sensory-motor practices: a visualsurfeit of heavy bodies fuelled by alcohol, anornamental wealth carried by exhausted dan-cers.

Paying attention to the ‘configurations of thesensible’ – that is, to the senses, perceptions,sensations, emotions and imaginaries that sup-port and shape religious practices (Cohen,Keres-tezi & Mottier 2017) – enables us to apprehendthe body and the material objects with which itinteracts (Warnier 1999, 2000) as a fundamentalpillar of religious experience.

What can be apprehended as themateriality ofthe morenada dance is based on a panoply ofartefacts like masks, feathers, sceptres, rattles26and shell costumes, mainly fabricated and wornin the devotional context of the patron saintfestivals. This materiality plays a central role inthe dance and in the act of worshipmore broadly.Although not considered ‘rituals’ per se, theseartefacts form‘figure-objects’ definedbyanextra-ordinary dimension, a strong semantic ambi-guity and an important kinaesthetic register ofamplification and heaviness.

A material approach to religious practices,27their gestural components28 and more generally

22 The studies of performance (Schechner ([2002] 2013)invite us to think about how choreographic practice gene-rates transformative experiences.23 TheAymara compriseoneof themain linguistic groupsofBoliviaalongside theQuechuaand theGuarani.TheAymaraindigenous populations lives mostly around Lake Titicaca,while La Paz and El Alto are the main cities receivingmigrants from this zone. The Aymara population also occu-pies the Andean territories in the Peruvian portion of theAltiplano and the north of Chile.24 Also see Spedding (2008).

25 Most of the morenada dancers are first and second gene-ration indigenous Aymara migrants and have become inte-grated into urban society by developing a highly dynamicinformal economy around trade and craftwork. They comefrom indigenous villages and communities in the Ingavi,Omasuyos andPacajes provinces in the LaPazDepartment,an area surrounding Lake Titicaca located on the borderbetween Bolivia and Peru. Older people among them stillspeak indigenous languages (usually Aymara but also some-times Quechua). Settled for several decades in the formerindigenous suburbs of northwest La Paz, they belong to theupper strata of the migrant population.26 The rattle is a wooden scraped idiophone. It consists of around neck that serves as a handle and a toothed wheelaround an axis that produces a very loud crackling sound.27 For a synthesis of this approach, see Cohen & Mottier(2016).28 See for example the analysis of gestures of worship in theMedieval Christian period in the work of Schmitt (1990).

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the analysis of the body’s modes of engagementin cultural activities, allows us to comprehendhow a «collective regime of meaning» emerges(Cohen, Kerestezi & Mottier 2017: 1), makingreligious experience not only individual and inti-mate but also shared and ‘rendered visible.’

In the ritual contexts of the Andes, the powerof sound and music, the abundant consumptionof alcohol and the collective deployment of thebody through dance29 appear recurrently in boththe rural and urban worlds (Martínez 2002,2009, Fléty 2015). In this article,30 I explore thecorporal and material qualities that shape themorenada dance. At the same time, I shall alsoshow that beyond the relation that the dance actsout with Christ, the type of corporality that itconstructs goes beyond the devotional fra-mework of this holy festival. Loading, amplifyingand activating the body form a trilogy of primor-dial actions/sensations that relate to the cons-truction of a ‘rototype of prosperity,’ a bodily,aesthetic and ritual modality that attracts for-tune.

Ambivalent qualities or the markof the supernatural

The origin andmeanings attached to themore-nada are controversial and the subject of a debatedominated by regionalist interests. While folk-lorist writings31 have long claimed that it repre-sents the suffering of black slaves who workedin the Potosi mines during the colonial period,recent works32 associate the dance instead withthe Andean cosmovision, emphasizing its pre-

Hispanic origin or claiming that it initially appea-red among indigenous Aymara communities.Finally, the morenada can perhaps be linked tothe cult of Saint Jacques and to the ‘Moorishand Christian’ dances. Performed in Spain(Andalusia, Valencian Community, Aragon)and throughout colonial America, these dancesenact different episodes of the struggle betweenMoors and Christians. In this view, the figure ofthe ‘Moor’ or the ‘Turk’was gradually replaced inthe nineteenth century by the moreno (Soux2007).

Both the masks with the haggard expressionsof the morenos and the presence of elementsevoking colonial domination – white gloves,pipes, ceremonial baton, boots– effectively recallthe universe of slavery and the suffering of theblack labour force that worked in the mines ofBolivia. Played in unison by the dancers, therattles mark the slow pace of the steps taken bythe enchained slaves.

29 This involves a constant search for sensory saturationcharacteristic of the Andean ritual (Classen 1990, Martínez2009).30 The data in this article derives from long-term ethnogra-phic research (2008-2012) conducted among brotherhoodsofmorenadadancers inLaPaz formydoctorate in ethnology(Fléty 2015), as well as complementary field research car-ried out in January and February 2017 with the support ofthe Fyssen Foundation.31 For example, the work of Antonio Paredes Candia (1924-2004), one of Bolivia’s most prolific folklorist writers,gathers a large number of descriptions of diverse rural andurban Bolivian dances, which he presents in the form of anexplanatory manual: origin, costume design, steps andmusic performed. The dances are presented as fixed andimmutable forms and remain isolated from the sociohisto-rical contexts in which they are performed.32 See Cuba & Flores (2007).

Figure 2 : Moreno dancer.

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This discourse on the figure of the ‘black slave’embodied by the moreno remains fairly widelyaccepted among the dancers and Bolivian folk-lorist writers alike. Nevertheless, during thedance performance, this persona reveals a mul-titude of other references to spectators and itscomplex aesthetic construction makes thecontours of its identity a lot less clear thanpresented in the official discourse. Although themoreno is presumed to evoke a slave, its rich andbaroque appearance contrasts strongly with theimage of naked and ragged slaves found in otherdances performed during the festival. The figurecarries both the signs of the dominated – thesuffering expression, bulging eyes and twistedmouth – and those of Spanish domination –boots, whistle and pipe. The moreno evokes aslave figure while wearing a richly embroideredand pearled garment whose symbols, further-more, conjure the indigenous world: Andeancosmic powers like the Sun, Moon and Moun-tains; sacred animals like the toad, condor ordragon;33 the wiphala, the flag of indigenousethnic groups. Thefiguremayhave black skin butit also has blue eyes and a white beard and wearsa tie, an example of urban and modern clothingtestifying to the socio-economic rise of the dan-cers, and a symbol far removed from the colonialaesthetic universe.

Finally, the moreno and other male dancefigures like the Reyes morenos (moreno Kings) orthe Achachis (Ancestors) simultaneously borrowhumantraits, traitsbelongingtotheanimalworld– beak, owl eyes, hair, shell and tail – and mons-trousqualities–adiabolic expression,34 droopingtongue, jutting teeth – an aesthetic fusionthrough which it becomes difficult to determinethe precise nature of these figures. They becomehybrids that transgress rational categories.

By embodying both splendour and suffering,simultaneouslymarking the reference to thecolo-

nial era and the present, playing the role of thedominated and the dominant, the human and thenon-human, these figures give rise to a series ofpotentially contradictory interpretations. Theysynthesize states, statusesor temporalities takento be contrary in ordinary life. This juxtapositionand ’condensation’35 of elements confers themorenada figures an extra-ordinary status thatgives the dance all its ritual efficacy.

Furthermore, the morenada is not a narrativedance. It does not deliver an explicit message tospectators or offer any intelligible scenario, nordoes it tell a story in itself. Unlike other Boliviandances, it neither enacts divinities from theAndean pantheon, nor offers a danced narrativeof a fight, nor takes the form of a satire or gameof seduction between men and women. Themorenada dance creates a form of semanticopacity and acts less through the meaningconveyed than through the foregrounding of asensation, a feeling of heaviness and materialexcess. If the ambivalent qualities of the more-nada figures inscribe them in the supernaturalregister, two other processes, the amplificationand loading of the body, give this dance its ritualpotential and activate its power to attract for-tune.

Heaviness, bodily amplificationand weighty games

Dance artefacts are animated by the gesturesof the dancers. It is the qualities of movement36produced for this purpose that make this devo-tional performance so specific. The relationship

33 The dragon is probably a reinterpretation of the icono-graphy of the Saint George’s vanquishing of the dragon(Karadimas 2015: 38).34 This is characterized, for example, by bulging and blood-shot eyes and an aquiline nose, morphological facial detailsthat can be found in the masks of the Diablada, ‘ance of thedevils,’ another dance from the festival of Jesús del GranPoder. The latter dance shares the same semantic universewith the morenada.

35 Ritual action is characterized by a ‘condensation,’ in thesame sequence, of antithetical and normally separate rela-tions and modalities of action (Houseman & Severi 1994:55).36 The ‘qualities’ of gestures relate to what Rudolph Labanconceived as the «expressivity of movement» ([1950] 1994).When describing a dance, problems arise when we try toname not the form of the gesture but its expressive modu-lations, its communicative force, what we could call its‘qualities of movement.’ The American choreographer Tri-sha Brown, for example, worked with this notion of qualityof movement with her dancers. After placing them all in aline, she asked the dancers to leave it ‘suddenly’ by quicklyreleasing the hold with their partners. This same action wasthen performed ’steadily,’ preserving a certain ‘quality ofregret’ about leaving the others. The two exercises involvethe same motor action but, shaped by distinct imaginaries,their expressive qualities become the opposite of each other.

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between the dancer’s body and costume is thusrevealed at the moment of being setting inmotion.Theeffortmadeby themorenadadancersprimarily involves maintaining a constantbalance of power with the costume. The dancersengage in intense bodily work to carry and sus-tain this imposed weight. The load is distributed

mainly on the upper part of their body and thedancers have to expend considerable energy toperform their dance and make their gesturesvisible despite the layers of material coveringthem. Their body is thus rendered completelyinvisible by the artefacts that they wear; even themen’s hands are entirely covered. The human

Figure 3 : The ‘Super Ancestor’ dancer, an amplified moreno figure.

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aspect is completely erased, the dancer becomingthe load that he carries.

In this costume, the volume is mainly distri-buted at shoulder level and on the head. Theprominent shoulder pads are constructed verti-cally and in various levels, which gives the cos-tume its amplitude, its shapes and dimensionscompletely transforming those of the dancer’sbody. It comprises a maximum version of themoreno character.

To support the weight, the dancer needs todistribute his strength in order to wriggle free ofthe load: it his continuous movements that allowhim to bear the costume. Small jerks of theshoulders, shifting its bulk from left leg to rightand back again, enable him to withstand theweight of the material. The dancers’ bodies areinvolved in a constant physical effort with strongmuscle contraction needed to support the cos-tume for several hours. This resistance to the

weight and the force needed are highlighted: it isnot enough to show that the costume is volumi-nous, it must be made clearly apparent that it isheavyand that they, themenof themorenada, areable to wear it.

The dancers thus make visible a physical per-formance and display a dynamic and muscularattitude. They strike their feet vigorously on theground, which has a direct effect on the costume:its different layers shift about and move inde-pendently, the fringes of pearls that separatethem jumping in the air and shaking. It is also bysetting the costume inmotion, therefore, that thedancers render their own physical effort visible.

The dance costume includes a skirt composedof different layers that can move about inde-pendently because of the supple fabric connec-ting them. The tubular costume wrapping thelegs and hips destabilizes the dancer. This effectis enhancedwhen hemakes small lateral steps by

Figure 4 : Morenos in movement.

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Figure 5 : Alteration of balance. Super Achachi leaning towards the ground.

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leaning over to one side or when he staggersaround in a circle on the same spot. The men’svoluminous constructions display a fragile stackof layers of material with which they play thanksto a perpetual disequilibrium.

As Rudolph Laban analysed in his work, theexpressiveness of themovement is closely linkedto the dancer’s relationship with gravity. Labandistinguishes the notion of ‘weight’ from that ofmass evaluated in kilos. In effect, the weightfactor is an ‘attitude’ with variable intensities.While gravity is an invariable constraint, thedancer by contrast can choose the attitude toadopt towards it by either submitting to it orresisting (Laban [1950] 1994: 108). Through hisgestures, the dan-cer can create ascale of possiblenuances to expressqualities thatrangefrom lightness toheaviness.Throughthe variations ofgravity, we candetect ”a certainquality of presencemodulated by dif-ferent muscular tensions,“ which denotes ”a per-son’s intention or engagement“ (Loureiro 2013:29).

The dancers also play with gravity in anotherregister of movements. Here the dancer appearsto stagger, the costume’s mass is tossed about

and becomes unbalanced both laterally and fron-tally, the costume heightening the sensation ofthe dancer being precariously balanced. By til-ting his costume forwards, almost horizontal,then quickly rising, the dancer shifts his centre

of gravity, empha-sizing that he isalmost falling butstill in completecontrol of his mus-cular force. Hemust handle theweight adeptly bymanoeuvring theparaphernalia ofhis shell costumewithout losing his

balance. The muscle tone that he puts into hismovements and the tilting on the sagittal axis areproof of his strength and virtuosity.

The morenada’s arrangement of bodily andartefactual material produces a ”scenography inmotion“ (Barba & Savarese 2008: 234) around

Figure 6 : Eqeqo sold on a market stall in Alasitas(La Paz).

Figure 7 : Miniature food and household productssold at the Alasitas market (La Paz, 2017).

“ The relation to the invisible world isactivated by the consecration of anostentatious materiality exposed in thedance, but even more so by therepresentation of a wealth to be acquiredin the future by being set in motion inthe present. ”

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the effects of the volume and weight of the dan-cers’ bodies. The dance elicits the emergence of acollectivedefinedthroughtheamplificationof thematerial it produces and the effort it expends inthe process. The choreographic performanceappears as the privileged site where a tensionbetween opulence (expansion of the body) andenergy expenditure (physical effort, resistance toweight) is actualized without pause. The relationto the invisible world is activated by the conse-cration of an ostentatious materiality exposed inthedance, but evenmoresoby the representationof a wealth to be acquired in the future by beingset in motion in the present.

A prototype of prosperity

In order to better understand how this corpo-ral materialization of prosperity operates, weneed to take a short detour away from the danceitself to consider another kind of devotional prac-tice that attracts and ’activates’ wealth.

The principle of attraction of abundance set towork in the patron saint festival through theconstruction of ostentatious bodies is mirrored

in the rite performed forEqeqo. Commonly calledthe ‘God of Abundance,’ Eqeqo is represented bya plaster figurine: a white man, sturdy and smallin stature. He carries a multitude of miniatureobjects made from cardboard, plastic or metal,which mimic material and everyday goods in ahighly realistic fashion: bundles of dollars, tele-visions, food produce, cleaning products, trucks,buildings, cookers and so on.

These miniatures are sold in large quanti-ties every year in La Paz in a market calledAlasitas37 which is held in the city throughoutJanuary. Everyone buys there the scale modelsof objects they wish to own.

While theseminiaturepiecesaregoods38manu-factured by specialized artisans and sold to be

40 The termAlasitas refers to theminiature fairs that beganto flourish in Bolivian towns from the mid-nineteenth cen-tury, also found in Peru and Argentina.41 The miniatures form part of a network of economicproduction involving artisanal skills, religious convictionsandmoral values shared bymarket vendors and customers.

Figure 8 : Private altar to an Eqeqo.

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used as votive offerings39 to Eqeqo, their specifi-city also derives from their containment of a vitalforce,40 invested with ”the energy to become rea-lity in the near future“ (Molinié 2012: 184), a”force of self-realization“ (VanKessel 1991: 201).

People who own an Eqeqo at home will load iteach year with layers and layers of miniaturegoods that, as they accumulate, gradually form acompact mass of multicoloured elements aroundand on the figurine. The visual saturation andmaterial accumulation on a body amplified by itsartefacts embodies precisely the same aestheticprinciple governing the construction of themore-nada figures. It is also encountered elsewhere,evenmore explicitly, on a figure of prestige found

in all the groups that perform this dance: thepasante.

The pasantes are people appointed annually ineach brotherhood ofmorenadadancers to receivethe cargo, assuming the ritual and economicresponsibility for the organization, developmentand financing of the dancers’ participation in thepatronal festival. Once the celebration is over,the pasantes will name their successors for thefollowing year. Their status generates conside-rable social prestige since this responsibility istaken as a sacrifice realized for the dancers’benefit. Ideally their investment should be total,affecting their professional and family life: itsimultaneously comprises a duty to the groupand an act of supreme devotion to Jesús del GranPoder.

Before the celebration, the pasantes line up onthesidewalk to receive thehonoursbefitting theirrank. The dancers rush towards them in theirhundreds to demonstrate their gratitude, thengradually cover them with a series of colourful

For an economic analysis of this type of phenomenon, seeAngé (2016).39 See Allen (2016) and Sillar (2016).40 On the concept of the ‘vitality’ of Andeanminiatures, seeAllen (2016).

Figure 9 : Eqeqo and Pasante profusely laden with items.

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ornaments: a rain of confetti, flower garlands,streamers, hats, medals, certificates and multi-coloured soft toys draped around their neck.They are also offered baskets overflowing withfood produce and bottles of alcohol. All theseelements form an accretion of successive layersofmaterials, behindwhich the pasantes, standingmotionless and proud, seem to disappear little bylittle.

The surfeit is deployed on the figure of thepasantes. The image of opulence that they projectis not the only reflection of the social prestige oftheir status: it is also collectively constructed bythe dancers as a whole who accumulate elementson the bodies of the former. Through this aesthe-tic treatment, the pasante is transformed into anicon of collective wealth, becoming a kind ofEqeqo, an emblem of material growth concentra-ting all the desires for prosperity.

These two icons correspond to each other bothon the visual plane – material abundance, satu-ration and accumulation – and on the plane ofbodily qualities: heaviness, amplification. At thesame time, we can also note correspondences inthemotor actions thatmake both of them rituallyactive.

In the case of the Eqeqo, the activation of theminiatures operates through two types ofconcrete actions on the figurine. First it is madeto ‘drink’ by alcohol being poured into the openmouth, thenmade to ‘smoke’ a cigarette insertedin the same orifice. By acting on the vital func-tions (respiration, digestion) of the Eqeqo, it isthe potential for self-realization of the minia-tures that the figurine carries that will beunleashed. Conversely, although the pasante is

static when he is being laden with offeringsby the dancers, it is his being set in motion bythe dance – that is, his dynamic investment –that concretely marks the realization of theact of worship. As with the miniatures, hismaterial load becomes a force projecting prospe-rity, since it is through the dancing that heattracts fortune to the collective that he headsand represents.

Both in the register of themorenada dance andin the mirrored figures of the pasante and theEqeqo, therefore, we encounter the same proto-type of prosperity. In light of these last twoexamples, we can grasp in return the singularityof the act of dancing in the celebration of ChristGran Poder. The material, aesthetic andkinaesthetic materials of this devotional danceshape the way in which success, including mate-rial, can be concretized. The dance thus com-prises a ritual modality acting through the ima-ginaries and motricities that it engages andthrough its capacity to ‘corporalize’ wealth.

AcknowledgmentsThis articlewasmade possible by the generous

sharing of the morenada dancers of La Paz andthe financial support of the Fyssen Foundation. Iwould also like to thank the entire team of myhost research centre in Rio de Janeiro (PPGAS).I have benefitted especially from the wise adviceand fine scientific collaboration of LuisaBelaunde, to whom I express my gratitude, aswell as to my colleagues from the AmericanistAnthropology Seminar whose feedback allowedme to enrich this work. Finally I thank DavidRodgers for the translation of this text intoEnglish.

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Fluidité cognitive et sentiment d’agentivité

Valérian CHAMBON

Chargé de Recherche à l’Institut Jean Nicod, CNRS-UMR 8129, Ecole Normale Supérieure, Paris

RésuméL’agentivité désigne le sentiment d’être en contrôle de ses actions, et des événements que ces

actions produisent dans le monde extérieur. Selon un modèle influent, le sentiment d’agentivitédépendrait avant tout du caractère prédictible des conséquences de nos actions : l’expérience d’êtreagent serait d’autant plus forte que les conséquences de nos actions surviendraient tel que nousl’aurionsprédit.Notreagentivité serait donc inféréedemanière essentiellement rétrospective, une foisl’action réalisée et ses conséquences connues. Ce modèle ne rend toutefois pas compte de lacontribution des processus de planification et de sélection de l’action à l’élaboration du sens de l’agir.Dans cet article, nous présentons plusieurs séries d’études suggérant que ces processus, antérieursà l’exécution de l’action et étroitement liés à l’expérience de fluidité cognitive, informent prospecti-vement notre sentiment d’agentivité.

Mots-clésAgentivité, sélection de l’action, fluidité, amorçage, IRMf, TMS, schizophrénie, expertise

Cognitive fluency and sense of agencyAbstract

”Sense of agency“ refers to the feeling of controlling an external event through one’s own action.On one influential view, agency depends on how predictable the consequences of one’s action are,getting stronger as thematch between predicted and actual effect of an action gets closer. Thus, senseof agency arises when external events that follow our action are consistent with predictions of actioneffects made by themotor systemwhile we perform or simply intend to perform an action. Accordingto this view, agency is inferred retrospectively, after anactionhasbeenperformedand its consequencesare known. In contrast, little is known about whether and how internal processes involved in theselection of actions may influence subjective sense of control, in advance of the action itself, andirrespective of effect predictability. In this article, we review several classes of behavioural andneuroimagingdata suggesting that earlierprocesses, linked tofluencyofactionselection,prospectivelycontribute to sense of agency.

KeywordsAgency, action selection, fluency, priming, fMRI, TMS, schizophrenia, expertise

Introduction

LL’expériencede l’actionestunequalitésubjective associée à la réalisation decette action. Cette qualité peutprendre la forme d’un sentiment decontrôle subjectif : le sentiment d’être

encontrôledesespropresactions, et à travers cesactions, des événements qui surviennent dans lemonde extérieur. Ce sentiment de contrôle,

appelé « sens de l’agentivité » (ou sens d’êtrel’auteur de ses propres actions), a longtemps étéétudié du point de vue du lien que l’action entre-tient avec ses conséquences (Synofzik et al., 2008,pour revue).Dans ce cadre, le sentiment d’être encontrôle de son action dépendrait plus précisé-ment de la prédictibilité des conséquences del’action elle-même : j’ai d’autant plus le sentimentd’être en contrôle demon action (appuyer sur uninterrupteur, viser le centred’une cible) que cette

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action produit les conséquences prédites (allu-mer la lumière dans une pièce, atteindre le centrede la cible) ; inversement, ce sentiment decontrôle devrait naturellement décroître lorsquemon action n’est suivi d’aucune conséquence, oulorsque survient une conséquence qui n’était pasinitialement prévue (le climatiseur se met enmarche, je rate complètement la cible). Intro-duire un biais artificiel (une déviation temporelleou spatiale) dans l’obtention de la conséquencepeut même conduire le sujet à considérer que laconséquence perçue n’est pas le fait de sa propreaction (e.g., Farrer, Frey, VanHorn, et al., 2008).

Ces observations ont conduit à la formulationd’un postulat important, inspiré du cadre de lathéorie dite « idéomotrice » de l’action, selonlequel l’expérience de l’action se construitd’après les conséquences perçues de l’action seu-lement (Chambon&Haggard, 2013). Toute expé-rience serait donc reconstruite après-coup, sur lafoi de ses conséquences prédites, c’est-à-dire unefois l’action réalisée, et ses conséquences,connues. Or, dans une série d’études réalisées encomportement et en neuro-imagerie, nous avonsmontré que l’expérience de l’action ne dépendaitpas uniquement des conséquences de cetteaction, ni même de l’action effectivement réali-sée, mais qu’elle était déjà informée par desprocessus opérant lors de la sélection de l’actionelle-même (e.g., Chambon, Wenke, Fleming, etal., 2013). En particulier, nous avonsmontré quela fluidité (fluency) avec laquelle nous sélection-nons une action prédisait à l’avance notre senti-ment d’être en contrôle de l’action sélectionnée,et des conséquences produites par cette action.

Fluidité de la sélection et sentimentd’agentivité

Lorsque les sujets humains ont à traiter desinformations complexes, ou ambiguës, ilstendent à simplifier le traitement en se reposantsur des heuristiques mentales (Kahneman et al.,1982). Ainsi, les individus ont tendance à jugerplus positivement un stimulus facile à traiterqu’un stimulus dont le traitement demande uneffort plus important. Par exemple, la présenta-tion subliminale des contours d’une image faci-lite le traitement subséquent de cette image,et, ce faisant, induit des jugements esthétiquesanormalement positifs sur l’image présentée(e.g., Reber et al., 2004). Des décisions écono-miques aussi complexes que l’investissement sur

les marchés financiers sont elles aussi suscep-tibles d’être guidées par des heuristiques liées àla fluidité du traitement cognitif (cognitivefluency) : manipuler la lisibilité d’un mot, lorsquece mot désigne le nom d’une entreprise, inciteles sujets à investir davantage d’argent dansl’entreprise dont le nom se lit plus aisément(e.g., Foleman vs. Mextskry) (Alter & Oppenhei-mer, 2006). Plus généralement, il a été montréque le sentiment de fluidité cognitive, consécutifd’un traitement qui minimise l’effort cognitifinvesti, affectait les jugementsdes individusdansdes domaines aussi variés que la catégorisationperceptive, les processus d’argumentation, lesjugementsdepréférence, les jugementsde vérité,ou les jugements de fréquence (Oppenheimer,2008, pour revue).

La fluidité cognitive pourrait également jouerun rôle important dans le domaine de l’action, etde son expérience : l’exécution fluide et sansheurts de séquencesmotrices complexes est asso-ciée à un sentiment de maîtrise totale souventrapportée chez les pianistes experts ou chez cer-tains sportifs professionnels (Csikszentmihalyi,1980). Ce sentiment de maîtrise pourrait tra-duire le fait que, chez l’individu expert, les pro-grammes moteurs sont extrêmement bien diffé-renciés ; la sélection de l’action serait doncfacilitée par l’absence de compétition entre desprogrammes moteurs alternatifs. Avec PatrickHaggard et Dorit Wenke, nous avons donc faitl’hypothèse que la fluidité avec laquelle uneaction est sélectionnée parmi des actions concur-rentes, devait affecter l’expérience que l’agentfait de son action, et ce, indépendamment desconséquences produites par cette action.

Pour tester cette hypothèse, nous avonsadapté une tâche classique de sélection del’action associée à une procédure d’amorçagesubliminal (Wenke et al., 2010). La tâche consis-tait à indiquer la direction (gauche ou droite)pointée par une flèche (Figure 1). La fluidité desélection était manipulée via la présentationd’amorces subliminales pointant dans une direc-tion similaire (condition de sélection fluide) ouopposée (condition de sélection non-fluide) à laflèche-cible. Une fois la réponse sélectionnée, etaprès un délai (variable d’un essai à l’autre), uncercle de couleur apparaissait à l’écran. Lessujets devaient ensuite juger, sur une échelleallant de 1 à 8, dans quelle mesure il considérait

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que leur réponse avait effectivement causél’apparitionducerclede couleur.Laprédictibilitédes cercles de couleur, mesurée par le délai entrela réponse et leur apparition, était strictementidentique entre les conditions de sélection fluideet non-fluide.

L’introduction d’une amorce compatible ouincompatible avec la cible permettait ici de fairevarier le sentiment de contrôle des participants(avoir causé l’apparition du cercle de couleur) enmanipulant seulement la fluidité de sélection de laréponse – i.e., sansmanipuler la prédictibilité desconséquences de cette action. Conformément ànos prédictions, nous avons trouvé que les sujetsse sentaient davantage en contrôle des effets deleur action dans la condition de sélection fluide(amorce compatible avec la cible), en dépit du faitque ces effets n’étaient pas plus prédictibles quedans la condition non-fluide (amorce incompa-tible). La fluidité de la sélection informait doncprospectivement – i.e., avant même que l’actionne soit réalisée – le sentiment des sujets d’avoirproduit, à travers leur action, l’apparition decerclesde couleur.Nousavonségalementmontréque les sujets ne représentaient pas explicitementles effets de cette fluidité de sélection sur lecontrôle de leur action. Il ne serait donc pasnécessaire de faire l’expérience explicite de « cequi ne va pas » durant la sélection d’une action,pour que cela affecte le sentiment de contrôle dessujets. Le simple fait de faire l’expérience que« quelque chose ne va pas » suffirait à altérer cesentiment, indépendamment des conséquencesperçues de l’action. Nous avons fait l’hypothèseque la fluidité de sélection pouvait donc jouer lerôle de marqueur implicite du sentiment d’agen-tivité, et que les réseaux de sélection contri-buaient à pré-construire ce sentiment en amontdes conséquences de l’action elles-mêmes, etindépendamment de la nature de ces consé-quences (Chambon, Wenke, Fleming, et al.,2013 ; Haggard & Chambon, 2012).

Dans une seconde étude comportementale,nous avons montré que cette modulation du sen-timent de contrôle était bien due à l’effet prospec-tif de la fluidité de sélection, plutôt qu’à un moni-torage rétrospectifdes tempsde réaction.Eneffet,les temps de réaction sont logiquement pluscourts dans la condition où l’amorce subliminaleest compatible avec la réponse à produire. Unsentiment accru de contrôle dans cette condition

pourrait donc être la conséquence de réponsesplus rapides (i.e., j’estime après-coup avoir étéplus en contrôle dans les conditions où j’airépondu leplusvite).Pour tester cettehypothèse,nous avons utilisé un paradigme permettantd’inverser le rapport entre fluidité de sélection ettemps de réaction, de sorte que les sujets répon-daient plus lentement dans les conditions oùl’amorce subliminale était pourtant compatibleavec la réponse à produire (negative compatibilityeffect). Nous avons montré qu’en dépit deréponses plus lentes, les sujets continuaient de sesentir davantage en contrôle dans la conditionfluide, comparée à la condition non-fluide où lestemps de réaction étaient pourtant plus rapides.Nous avons proposé d’interpréter cette dissocia-tion entre sentiment de contrôle et performancesmotrices à la lumière d’un modèle computation-nel du contrôle moteur (Miall, Weir, Wolpert, etal., 1993). Dans cemodèle, les signaux de fluidité

Figure 1 : Procédure expérimental et stimuli.La figure présente un essai compatible (gauche) etun essai incompatible (droite) typiques. Dans lesdeux types d’essai, les participants devaientindiquer la direction (gauche oudroite) d’uneflèchesupraliminale (Mask/Target) et n’étaient pasinformés de la présence d’amorces subliminales(i.e., une flèche pointant à gauche ou à droite,Prime). Les stimuli (amorces et cibles) pouvaientapparaître au-dessus ou au-dessous de la croix defixation. L’effet (i.e., un cercle de couleur, ActionEffect) apparaissait entre 100 et 500 ms après laréponse du sujet. Après un délai variant de 1 à2 secondes, les sujets devaient indiquer le contrôleressenti sur l’apparition du cercle de couleur(i.e., dans quelle mesure ils estimaient que leurréponse avait causé l’apparition du cercle).

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sont placés dans un espace de stockage abstraitdont le contenu est ensuite mobilisé pour vérifi-cation, lorsque les conséquences d’une action nesurviennent pas comme attendu (Chambon& Haggard, 2012).

Bases neurales du sentiment prospectifd’agentivité

Sélection de l’action et sentiment d’agentivitésont habituellement étudiés au sein de tâchesspécifiques, indépendantes l’une de l’autre. Cesdeux processus semblent en conséquence recru-ter des réseaux cérébraux distincts. Or, les résul-tats décrits ci-dessus suggèrent que ces réseauxpourraient interagir. Nous avons exploré cettehypothèse plus avant dans une troisième étudeen neuroimagerie fonctionnelle (IRMf), conduiteen collaboration avec Patrick Haggard, StephenFleming, Dorit Wenke, et Wolfgang Prinz. Plusprécisément, nous nous sommes intéressé à lamanièredont le cerveaucodait l’interactionentrela fluidité de sélection et le sentiment prospectifde contrôle. Les résultats obtenus ont permis demettre en évidence deux effets principaux :

i) La période de sélection de l’action recrute lecortex dorso-latéral préfrontal (CPL), et ce, dansla condition non-fluide seulement (i.e., la condi-tion dans laquelle amorce et cible ont incompa-tibles). Le CPL est connu pour le rôle qu’il jouedans le contrôle cognitif de l’action (e.g., Koe-chlin et al., 2003) et nous avons suggéré que sonimplication témoignait ici du contrôle exercé parle sujet pour court-circuiter l’influence del’amorce subliminale, incompatible avec la ré-ponse à produire.

ii)Nousavonsobservé,danscettemêmecondi-tion non-fluide, unemodulation de l’activité dansle gyrus angulaire (GA), proportionnelle au sen-timent de contrôle ressenti par les sujets. Ainsi,plus l’activité était réduite dans cette partie infé-rieure du cortex pariétal, plus les sujets rappor-taient se sentir en contrôle des effets de leuraction.

Nous avons ensuite réalisé des analyses deconnectivité (interactions psychophysiologi-ques, PPI) entre ces deux régions pour tenter dedéterminer comment le CPL – impliqué dans larésolution du conflit objectif entre l’amorce et lacible –, interagissait avec le GA – dont l’activitéprédisait le contrôle ressenti par les participantssur les effets de leur action. Nous avons trouvé,dans la condition non-fluide, une corrélation

négative entre l’activité de ces deux régions :ainsi, plus le niveau d’activité du CPL était élevé(plus l’influence de l’amorce incompatible étaitcourt-circuitée), moins le gyrus angulaire étaitactivé, et plus les sujets se sentaient en contrôlede leur action (Figure 2). Le gyrus angulaire(GA) sous-tendrait le sentiment de contrôle dessujets en monitorant les signaux de fluidité desélection dans le CPL. Cet échange de signauxfronto-pariétal représenterait la signature neu-rale de ce que nous avons appelé ‘sentimentprospectif d’agentivité’, c’est-à-dire la traductiond’un conflit de sélectionpré-moteur objectif (CPL)en expérience subjective de ce conflit (GA). Lessujets utiliseraient ce codage subjectif afin deprédire la survenue, et la valeur, des consé-quences de leur action – un signal de dis-fluidité(disfluency) élevé traduisant une faible probabi-lité d’obtenir la conséquence attendue (Chambonet al., 2013).

Dans une étude conduite en stimulationmagnétique transcrânienne (TMS), nous avonspar ailleurs confirmé le rôle du gyrus angulairedans le codage « en ligne » de ce sentimentprospectif d’agentivité. Nous avons en effet mon-tré qu’une perturbation de GA, au moment de lasélection de l’action, abolissait l’effet prospectifde la dis-fluidité sur le sentiment de contrôlesubjectif des sujets (les sujets continuent de sesentir en contrôle), sans pour autant abolirl’effet objectif du conflit amorce-cible sur leursperformances motrices (les sujets répondentplus lentement) (Chambon, Moore, & Haggard,2015).

Le sens de l’agir dans la schizophrénieEn collaboration avec Martin Voss et Simone

Kühn, nous avons ensuite adapté l’expérienceprinceps (Chambon et al., 2013) pour la sou-mettre à un groupe de patients souffrant deschizophrénie. L’objectif de cette étude était declarifier le rôle fonctionnel des signauxdefluiditéde sélection sur le sens de l’agir. Une manière decaractériser la fonction d’un signal consiste àmesurer ce qu’il se passe quand ce signal estabsent, ou anormalement traité, comme celapourrait être le cas chez les patientsschizophrènes souffrant de symptômes dits « depassivité », dont la lecturedepensée, le syndromed’influence (« je suis contrôlé par des forcesétrangères ») ou l’insertion de pensées (« onimplante des pensées dansma boite crânienne »)

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sont des manifestations typiques. Nous avonsdonc conduit la même tâche avec 18 patientsschizophrènes et 18 participants non psychia-triques. Les résultats comportementaux ontrévélé une dissociation frappante. Les patientsschizophrènes avaient, comme les sujets decomparaison, des temps de réaction facilités parla présentation d’une amorce subliminale com-patible ; en revanche, l’effet bénéfique de la flui-dité de sélection sur le sentiment d’agentivité

n’était pas présent chez les patients. Dans legroupe de patients, l’effet facilitateur du senti-ment de fluidité sur la sélection de l’action ne setraduisait donc pas en une expérience subjectivede contrôle.

Nous avons également retrouvé cette dissocia-tion entre sélection et agentivité au niveau neu-ral, avec, chez les patients schizophrènes, unecommunication défaillante entre le gyrus angu-laire (GA) et le cortex préfrontal dorsolatéral

Figure 2 : (a) Interaction paramétrique entre contrôle subjectif estimé et fluidité objective de lasélection dans le gyrus angulaire (GA). Le gyrus angulaire gauche est différemment modulé par lesestimations de contrôle subjectif (bas, moyen, ou haut) selon que la sélection de l’action était fluide oudis-fluide. Dans la condition non-fluide (bleue), plus le gyrus angulaire est activé, moins le sujets se sentent encontrôle de leur action. (b) Analyses de connectivité fonctionnelle entre GA et CPL dans la conditiondisfluente. Une sélection dis-fluide est associée à une connectivité qui décroît entre les deux régions (rouge :condition fluente ; bleue : condition disfluente). La différence entre les pentes de régression constituel’interaction psychophysiologique (PPI) testée. Figure adaptée de Chambon, Wenke, Fleming, et al., 2012,Cerebral Cortex.

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(CPL) dans les essais incompatibles (e.g. dis-fluides) (Figure 3). Cette dysconnexion fronto-pariétale dans la pathologie psychiatrique pour-rait traduire une anomalie dans la manière dontces régionscérébrales communiquententreelles.Cette communication anormale pourrait à sontour rendre compte de certaines anomalies del’expérience agentive, telles qu’elles se mani-festent dans les symptômes de passivité (Voss,Chambon, Wenke et al., 2017).

Le rôle de la fluidité dans la pratiqueexperte

Enfin, nous nous sommes intéressés à lavariété des signaux qui contribuent à l’élabora-tion de notre sentiment d’agentivité. Si l’on a vuque la fluidité contribuait à cette élaboration, laprédictibilité des conséquences de l’action joue-rait également un rôle important. En effet, si lesconséquences de votre action ne sont pas telles

que vous l’aviez prédit, il y a peu de chance quevous vous sentiez agent de vos actions simple-ment sur la foi du sentiment de fluidité éprouvédurant leur planification. Se pose donc la ques-tion de savoir comment ces deux types designaux, fluidité de sélection et prédictibilité desconséquences, interagissent – en particulierlorsqu’ils sont en conflit l’un avec l’autre.

Pour répondre à cette question, nous avonsconduit, avec Nura Sidarus, une dernière étudequi se fondait sur un paradigme extrêmementsimilaire à celui utilisé précédemment, sauf quenous avons cette fois fait varier la fréquence desconséquences de l’action – i.e., nous les rendionsplus oumoins prédictibles. Les résultats que nousavons obtenus sont assez éloquents : lorsqu’il n’ya aucun problème dans le processus de sélectionde l’action (essais fluides), la prédictibilité desconséquences de l’action n’a absolument aucuneffet sur le sentiment d’agentivité. Ça n’est que

Figure3 :Analysesdeconnectivité fonctionnelleentre leGAgauche(panelhaut)et leGAdroit (panelbas) et leCPL chez les sujets de comparaison et les patient souffrant de schizophrénie. La sélection dis-fluide(ligne noire) est associée à une connectivité qui décroît entre les deux régions chez les sujets de comparaisonuniquement (panel gauche). On observe en revanche une absence de connectivité fonctionnelle entre les deuxrégions chez les patients (panel droit), quelle que soit la condition, fluide (ligne grise) oudis-fluide (lignenoire).Figure adaptée de Voss, Chambon, Wenke, et al., 2017, Brain.

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lorsque le sujet enregistre de la difficulté dans leprocessus de sélection de l’action (essais dis-fluides), que le caractère prédictible des consé-quences de l’action importe vraiment. Enrésumé, on ne vérifierait les conséquences quelorsque quelque chose ne vapasdurant la sélectionde l’action (Sidarus, Chambon, & Haggard,2013).

Nous concluronsen revenant briève-ment sur la fonc-tion des signaux defluidité et leur rôledans l’apprentis-sage et l’acquisition de l’expertise motrice. Ilconvient souligner que dans les expériences quenous avons élaborées, les participants n’avaientpas vraiment de contrôle sur ce qui apparaissait àl’écran – les cercles de couleurs. Ils prenaientdonc à tort le sentiment de fluidité de sélec-tion pour du contrôle instrumental sur lesévénements qui suivaient directement leursactions. Or, si la fluidité est prise à tort pourdu contrôle instrumental, c’est précisémentparce qu’en général la fluidité de sélection estun indice fiable du contrôle que vous avez sur vosactions et sur leurs conséquences (Haggard& Chambon, 2012). Quand l’action à réaliser mevient naturellement et sans effort – quand elle estfluide –, il y a de fortes chances pour que lesconséquences de cette action soient telles que je lesouhaitais. Nous avons donc formulé l’hypothèseselon laquelle la fluidité serait un bon prédicteurdu contrôle que nous exerçons sur nos actions etsur leurs conséquences. Cette idée transparaîtassez clairement dans le rapport subjectif quecertains athlètes professionnels font de leur pra-tique, dont le tennisman Roger Federer (Opend’Australie, 2009) :

« [...] Quand je fais un beau revers, c’est trèsfluide, ça se fait sans effort. Je sais exactement àl’avance que la balle vaatterrir dans le court. Je n’aimême pas besoin de vérifier »

Cette formule est intéressante pour notrepropos car elle suggère que l’expérience de flui-dité éprouvée durant la sélection ou l’exécutionde l’action peut être utilisée pour court-circuiter lemodèle comparateur – ce modèle qui consiste àcomparer les conséquences observées de votreaction avec ses conséquences prédites (Synofziket al., 2008). Pour le dire autrement, les signaux

de fluidité peuvent être utilisés comme dessignaux approximatifs, mais utiles, du contrôleque l’agent exerce sur le monde. Ces approxima-tions pourraient être utilisées pour court-circui-ter un mécanisme coûteux, qui consiste à jugerrétrospectivement l’action exécutée sur la simplefoi d’indices extérieurs – les conséquences

de cette action.Quand vous faitesl’expérience de lafluidité dans vosmouvements – unrevers fluide, parexemple –, il est

fort probable que la balle atterrisse dans le court,et il est donc inutile de vérifier si oui ou non votreaction – votre revers – va être suivi des consé-quences prédites. Vous feriez mieux d’allouer cetemps à faire d’autres choses plus importantescomme vous replacer sur le court ou préparer leprochain coup.

Cette capacité à utiliser la fluidité comme unmarqueur prospectif de contrôle pourrait cepen-dant ne pas être donnée d’emblée, mais pourraitnécessiter d’apprendre au préalable qu’il existedes relations stables entre l’expériencedefluiditéde sélection et la succès de la conséquence – i.e.,entre le fait d’exécuter un revers fluide et le faitd’avoir la balle qui atterrissedans le court (Cham-bon, Sidarus, Haggard, 2013). Il est donc pro-bable que les comportements qui se basent sur cesignal de fluidité ne se développent qu’avecl’acquisitiond’unecertaine expertise. Cette exper-tise se traduirait par le glissement d’un mode decontrôle supervisé, conscient, soutenu, à unmode de contrôle de l’action automatique, qu’onappelle aussi mode de contrôle expert, et quenous qualifierons ici d’heuristique, en ce qu’ilrepose sur une approximation fiable de l’environ-nement telle qu’elle est mesurée ou traduite parces signaux de fluidité.

RemerciementsL’auteur a été financé par une bourse de séjour

post-doctoral, ainsi que par une subvention derecherche, toutesdeuxdélivréespar laFondationFyssen.

Bibliographiee Synofzik M, Vosgerau G, Newen A (2008)

Beyond the comparator model: a multifactorial

“les signaux de fluidité peuvent êtreutiliséscommedessignauxapproximatifs,mais utiles, du contrôle que l’agentexerce sur le monde.”

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two-step account of agency. Conscious Cogn17:219–239.

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La notion de magnitude à la naissance

Maria Dolores DE HEVIA

Chargée de Recherche CNRSLaboratoire Psychologie de la Perception (UMR 8242) & Université Paris Descartes

RésuméUne capacité cognitive fondamentale, présente chez le nouveau-né humain et partagée par d’autres

espèces animales, est de discriminer et de se représenter les informations de grandeur (par exemple,les quantités ou les nombres). Un aspect spécifique de cette capacité est son lien avec l’informationspatiale. En effet, nous nous représentons les nombres sur un continuum spatial connu sous le nomde « ligne numérique mentale ». Il existe deux manières dont le nombre et l’espace sont reliés :1. Différentes quantités correspondent à des extensions spatiales congruentes et 2. Différentesquantités correspondent à différentes positions dans l’espace. Ici, nous présenterons deux étudespermettant de savoir si, à la naissance, les nourrissons humains associent également les quantités àdes niveaux de luminosité congruents, et si ils associent les petites quantités à gauche et les grandesà droite de l’espace. Les résultats de ces études suggèrent qu’au début de la vie post-natale le nombreétablit encore un lien privilégié avec l’espace qui ne se généralise pas à la dimension de luminosité.Aussi seules les quantités, ni l’espace ou la durée, sont associées à différentes localisations spatialesdépendantes de leur grandeur relative, petite vs grande.

Mots-clésCognition, nombres, origines, développement, nouveau-nés, espace, magnitude

Representing magnitudes at birthAbstract

A fundamental cognitive ability, present from birth in humans and shared with other non-humanspecies, is the ability to discriminate and represent magnitude information (e.g., numerosity). Aspecific aspect of this ability is the use of spatial information, so that we represent number along aspatial continuum (known as the ”mental number line“). There are two ways in which number andspace relate to one another: 1. different numerosities correspond to corresponding spatial extents,and2. different numerosities correspond to different spatial positions.Here, Iwill present two studiesasking whether, at birth, human newborns associate numerosities also to corresponding levels ofbrightness, and whether they associate small with the left side of space and large with the right sideof space. The results of these studies suggest at the start of postnatal life number establishes aprivileged linkwith space that does not extend to the dimension of brightness, and that numerosities,but not space or duration, are associated to different spatial locations depending on their relativemagnitude, small vs. large.

KeywordsCognition, number, origins, development, newborns, space, magnitude

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Introduction

Lacapacité à discriminer et se représen-ter l’information de magnitude/gran-deur est fondamentale au raisonne-ment humain. Nous humains, et biend’autres individus d’espèces non-hu-

maines, utilisons cette habilité dans nos expé-riences quotidiennes, comme par exemple esti-mer le nombre de convives à un dîner. Face à ungroupe, cela nous permet, ainsi qu’aux autresanimaux dotés de cette capacité, d’opter pour lastratégie la plus optimale : l’attaque ou la fuite.Elle intervient également lorsque nous devonscalculer le tempsnécessaire à la réalisationd’uneaction.L’originedeces concepts fait débatdepuislongue date. Les représentations de quantitésont-elles présentes àunâge très précocede la viequ’elles peuvent avoir un rôle déterminant dansla structuration de l’expérience ultérieure ? Ousont-elles issues des mécanismes d’apprentis-sage émergeant de l’exposition à un monde phy-sique très structuré ? Investiguer les originesdéveloppementales de ces concepts peut appor-ter un éclairage sur ces questions.

Une habilité cognitive fondamentale liée àcette capacité est la propension à utiliser l’infor-mation spatiale pour représenter des conceptsnon-spatiaux. Parexemple, nous utili-sons un axe spatialvertical pour repré-senter les différentsniveaux sociaux, les niveaux de pouvoir, etmêmepour se figurer les niveaux d’estime de soi ouencore de moralité. Nous pensons aux événe-ments passés comme s’ils se situaient derrièrenous et ceux à venir, devant nous, avec l’idée quele temps pourrait se mouvoir d’un lieu (le pré-sent) vers un autre (le passé) (Boroditsky, 2000).Ces liens apparaissent en outre dans les outilscommuns demesure avec lesquels nous utilisonsdes formats spatiaux pour représenter lesniveaux de température, de pression et de temps.

Parmi les nombreuses représentations men-tales entre les différentes dimensions que leshumains peuvent établir, la cartographienombre-espace est essentielle à la cognitionhumaine. Ceci a été relevé très tôt par les psycho-logues comme Francis Galton (1880), qui a mon-tré que les personnes visualisent de manièreconsciente les nombres dans des configurations

spatiales. Ce phénomène se reflète aussi dansdeux branches de la science : les mathématiqueset la géométrie. En mathémathique, tous lesnombres se réfèrent à une ’ligne réelle’, surlaquelle chaque nombre correspond à un pointsur une ligne uni-dimensionnelle. En géométrie,lesnombres sontutiles pour étudier les questionsde forme, taille, position par rapport à unefigure,et dans les propriétés de l’espace, avec commeillustration claire, l’invention des coordonnéescartésiennes.

Lespremières idéesquant à l’associationentrenombre et espace ont été suivies d’une impor-tante cohorte de recherches supportant cettehypothèse. Ces recherches montrent que lesreprésentations dunombre et de l’espace chez lesadultes s’associent de manière à suggérer uneorganisation en ’lignenumériquementale’. Cettereprésentation en ligne numérique mentaleconsiste en un continuum de magnitudes numé-riques. Les quantités sont représentées dans uneorganisation spatiale en ligne horizontale(Dehaene, 1992). Une importante propriété de cecontinuum mental est son orientation spatiale.En effet, les adultes se représentent mentale-ment les nombres sous un format spatial cohé-rent avec leur système de lecture et d’écriture,

c’est-à-dire de gauche àdroite (Dehaene et al.,1993) ou de droite àgauche (Zebian, 2005).En outre chez les

adultes, les nombres peuventmoduler les estima-tions visuo-spatiales (Fischer et al., 2003 ; deHevia et al., 2006 ; de Hevia et al., 2008) etvisuo-motrices (Andres et al., 2004 ; Fischer,2003) en exerçant une influence sur le traitementspatial, même lorsque les nombres ne sont paspertinents pour la tâche à accomplir. Ce phéno-mène confirme l’idée qu’aux nombres corres-pondent différentes longueurs spatiales variantde manière paramétrique avec la magnitude dunombre (Restle, 1970). De plus, l’étroite relationexistant entre le nombre et l’espace se reflèteégalement au niveau cérébral : des zones derecouvrement dans le cortex pariétal sont enga-gées dans le traitement numérique et spatial(Fias et al., 2001 ; Nieder, 2005 ; Pinel et al.,2004), et certains troubles visuo-spatiaux résul-tant de lésions cérébrales peuvent affecter cer-tains calculs numériques (Vuilleumier et al.,2004 ; Zorzi et al., 2002).

“la cartographie nombre-espace estessentielle à la cognition humaine”

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De récentes études sur le développement ontmontré que déjà les enfants d’âge préscolaire (deHevia & Spelke, 2009 ; Opfer et al., 2010), etmême les nourrissons préverbaux (de Hevia &Spelke, 2010 ; Lourenco & Longo, 2010) sereprésentent spontanément mentalement lesnombres et le temps au travers de l’espace. Parexemple, les nourrissons de huit mois trans-fèrent la discrimination d’une série ordonnée denombres à celle d’une série ordonnée de lon-gueurs de ligne. Ils sont également capablesd’apprendre une règle établissant une relationpositive entre le nombre et la longueur, et d’enfaire une utilisation productive, alors qu’ils ne lefont pas avec une relation inverse (d’après deHevia & Spelke, 2010). Ces résultats montrentque le lien nombre-espace ne se réfère pas uni-quement à l’orientation spécifique de la repré-sentation mentale (par exemple, de gauche àdroite), mais inclut également une cartographiefondamentale et non-orientée, entre les deuxdimensions, déjà présentes dans la petiteenfance.

Basée sur des recherches sur les interactionsspatio-numériques chez l’adulte (de Hevia et al.,2006, 2008), l’étude des origines de ce phéno-mène repose sur l’idée que l’interaction entre lenombre et l’espace peut revêtir deux formes (voirde Hevia et al., 2006). D’une part, les nombrespeuvent être représentés dans l’espace en fonc-tion de leur grandeur, sous la forme d’étenduesspatiales (« cartographie non directionnelle ») ;d’autre part, les nombres peuvent être associésà différentes positions spatiales, en fonctionde leur grandeur et/ou de leur ordre relatifs(« cartographie directionnelle »). Ces dernièresannées, les recherches ont accumulé nombre depreuves de l’existence de ces deux cartographiesmentales spatio-numériques, chez les adultes(Dehaene et al., 1993 ; de Hevia et al., 2006,2008 ; de Hevia & Spelke, 2009), chez les enfants(de Hevia & Spelke, 2009 ; van Galen & Reitsma,2008), et chez les nourrissons dès leur premièreannée de vie (de Hevia & Spelke, 2010 ; de Heviaet al., 2014a).

Les études décrites ci-dessous sont lesrecherches les plus récentes sur ce phénomène etconstituent un point de départ à la compréhen-siondesorigines, de lanatureetdespropriétésdeces deux types d’interactions entre les domainesnumérique et spatial.

Les liens existants entre les différentesdimensions à la naissanceLe processus comparatif entre le nombre, la

longueur spatiale et la durée est régi par lamêmefonction psychophysiologique, la loi de Weber,dans laquelle la performance de discriminationest modulée par le rapport des grandeurs (VanOeffelen & Vos, 1982). De plus, l’acuité de ladiscrimination dans ces dimensions montre undéveloppement semblable ; les ratios nécessairesaux nourrissons pour distinguer deux grandeursdiminuent avec l’âge à un rythme similaire dansces trois dimensions (Brannon et al., 2007 ; Izardet al., 2009 ; Lipton & Spelke, 2003 ; vanMarle &Wynn, 2006 ; Xu & Spelke, 2000). Cependant,cette similitude n’est pas exclusive à la longueur,le nombre et le temps, mais est partagée par tousles continua, y compris les dimensions telles quela luminosité et le volume sonore. Concrètement,les adultes peuvent traduire n’importe quellemagnitude ou grandeur en termes d’une autre(Stevens & Marks, 1965), et nous utilisonsl’espace pour se représenter différents typesd’informations, y compris la tonalité (Rusconi etal., 2006) et l’apprentissage en série (Previtali etal., 2010).

Dans de précédentes recherches sur les nou-veau-nés humains, nous avons montré qu’à lanaissance, les êtres humains associaient sponta-nément les changements de magnitude ou degrandeur au travers des dimensions du nombre,de la longueur et de la durée (de Hevia et al.,2014b). Plus particulièrement, lorsque nousavons présenté une augmentation de la numéro-sité et/ou de la durée aux nourrissons, ils s’atten-daient à ceque cette augmentation s’accompagned’une augmentation de la longueur visuelle équi-valente. De même, lorsque nous leur avons pré-sentéunediminutionde lanumérosité et/oude ladurée, ils s’attendaient à une diminution de lalongueur visuelle. En revanche, lorsque les chan-gements de grandeur (nombre et/ou durée)n’étaient pas accompagnés de modification équi-valente de la longueur visuelle, les nouveau-nésn’ont montré aucune réaction à ces présenta-tions. Enfin, les nouveau-nés ont manifesté cettehabilité aussi bien lorsque des indices numé-riques et de durée étaient présentés conjointe-ment ou séparément.

Sur la base de cette étude, nous nous sommesensuite demandé si ces associations particulières

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se généralisaient de manière similaire à d’autresappariements demagnitudes à la naissance, ou sielles reflétaient une prédisposition précoce à pré-sumer des relations spécifiques entre les repré-sentations spatiales, temporelles et numériques.Pour répondre à cette question, nous avons testéles correspondances de nombres avec la lumino-sité visuelle, une autre dimension également for-mulable en termes de « plus » ou de « moins ».Nous voulions savoir si les nouveau-nés regarde-raient plus longtemps les présentations à l’écrandans les conditions congruentes ; c’est-à-direlorsqu’une augmentation de la numérosité seraitsuivie par une augmentation de la luminosité, ouencore quand une diminution de la numérositéserait suivie par une diminution de la luminosité.

Nousavons testéun total dequarante-huitnou-veau-nés assignés à trois conditions différentesdans lesquelles nous avons associé des numéro-sités auditives croissantes ou décroissantes à desobjets visuels à la luminosité ou à la forme chan-geantes (contrôle de non-magnitude). Dans lacondition congruente, les nourrissons étaientfamiliarisésavecunstimulusde faible luminositéassocié à un petit nombre de syllabes (c’est-à-dire6) ou un stimulus de luminosité élevée associé àun grand nombre de syllabes (18) ; dans la condi-tion incongruente, les nourrissons étaient fami-liarisés avec un stimulus à faible luminosité asso-cié à un grand nombre de syllabes ou à unstimulus à luminosité élevée associé à un petitnombre de syllabes. De plus, afin de contrôler lanouveauté visuelle, une condition de contrôle dechangement de forme, dans laquelle deux formesdifférentes, plutôt que deux valeurs de lumino-sité, étaient associées à un petit ou un grandnombre de syllabes.

La familiarisation était suivie de deux essaisavec un nouveau stimulus numérique ; les nour-rissons familiarisés avec un petit nombre de syl-labesontété testésavecungrandnombredans lesdeux essais, tandis que les nourrissons familiari-sés avec un grand nombre de syllabes ont ensuiteété testés avec un petit nombre. Lamanipulationcruciale se situait au niveau du type de change-ment visuel : pendant les essais à 1 changement,aucun changement de caractéristique visuellen’appariait le changementnumérique.Durant lesessais à 2 changements, aussi bien la caractéris-tique visuelle (luminosité ou forme), que lenombre de syllabes entendues, changeaient.

Les résultats ont indiqué que les nouveau-nésontmontré unepréférence pour les changementsde luminosité congruents par rapport à l’absencede changement de luminosité : ils ont présentédes temps de regard plus longs lorsqu’une aug-mentation (ou une diminution) du nombre étaitaccompagnée d’une augmentation (ou d’unediminution) du niveau de luminosité. Enrevanche, les nourrissons n’ont montré aucunepréférence pour un changement de forme parrapport à une absence de changement de forme.Lorsqu’une augmentation de la luminosité étaitaccompagnée d’une diminution du nombre (etvice versa), les nouveau-nés ont présenté unensemble de temps de regard intermédiaires,aucunement distinguables des changementssimples de la luminosité ou des changementsneutres demagnitude de la forme (Figure 1). Cetype de performances contraste avec celui que lesnouveau-nés ont montré lorsqu’on leur a pré-senté des représentations nombre-longueur danslesquelles ils ont très fortement évité les change-ments incongruents de longueur accompagnantles numérosités auditives : ils regardaient signi-ficativement moins les représentations où l’aug-mentation du nombre était accompagné d’unediminution de la longueur, et celles où la diminu-tion du nombre était accompagnée d’une aug-mentation de la longueur (Figure 2). Par consé-quent, les nouveau-nés semblent plus flexiblesdans un traitement de changements parallèles deluminosité et de nombre plutôt que les change-ments parallèles de longueur et de nombre.

Figure 1 : Moyennes et intervalles de confiance à95 % pour chaque groupe. Données brutesindiquées par les petits points

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L’interprétation de ce résultat vient supporterl’hypothèse que lesmagnitudes numériques, spa-tiales et temporelles sont plus fortement asso-ciées les unes aux autres à la naissance, qu’à laluminosité. Ce travail a été récemment soumispour publication (Bonn, Netskou, Streri, & deHevia, submitted).

Utiliser l’espace pour se représenter desséquences ordonnées non-spatiales à lanaissanceLes humains, ainsi que d’autres animaux, uti-

lisent naturellement et sans effort l’espace pourorganiser le monde. L’un des exemples les plusconnus est la « ligne numérique mentale », danslaquelle les petites valeurs sont associées au côtégauche de l’espace et les grandes valeurs au côtédroit (Dehaene et al., 1993 ; Moyer & Landauer,1967). Les preuves classiques de ce phénomèneproviennentde l’effetSNARC(SpatialNumericalAssociation of Response Codes, Dehaene et al.,1993 ou Association Spatio-Numérique desCodes de Réponses), dans lequel les petitsnombres (présentés au centre d’un écran) sonttraités plus rapidement avec la main gauche, etles grands nombres avec la main droite. Despreuves de l’existence d’une ligne numériquementale façonnant les concepts quantitatifs ontété établies chez des nourrissons humains (deHevia et al., 2014a) et des adultes (Dehaene& al.,1993), ainsi que chez des animaux non humains

(Rugani et al., 2015) : ces populations ont ten-dance à associer le côté gauche de l’espace auxpetits nombres et le côté droit de l’espace auxgrands nombres. Par exemple, les nourrissonsapprennent à ordonner une série d’items s’ilssont présentés du plus petit à gauche au plusgrand à droite,mais pas l’inverse (deHevia et al.,2014a). Ils sont également plus rapides à suivreun objet du côté gauche de l’écran après avoir vuun petit nombre (au centre de l’écran) et un objetsur le côté droit après avoir vu un grand nombre(au centre de l’écran) (Bulf et al., 2016).

Bien que cette représentation particulière entrelesnombres et l’espace ait jouéun rôle central dansnotrecompréhensiondesconceptsmathématiqueshumains, son origine chez l’homme reste incer-taine : est-ce le résultat d’un biais inné ou se déve-loppe-t-elle après la naissance ? Pour répondre àcette question, nous avons adopté la méthodologieutilisée précédemment pour mettre en évidence lacapacité des nouveau-nés humains à présager leschangements de magnitude allant dans la mêmedirection au travers différentes dimensions (deHevia et al., 2014b).Plusparticulièrement, lorsqueles nouveau-nés assistent à desmodifications audi-tives de la numérosité et/ou de la durée, ilss’attendent à une modification correspondante delongueur de la ligne visuelle (augmentant ou dimi-nuant, conjointement). Dans cette étude, nousavons utilisé la méthodologie bimodale interdi-mensionnelle (de Hevia et al., 2014b) : nous avonsprésenté aux nouveau-nés des changements demagnitude congruents dans toutes les dimensions(les changements auditifs de grandeur étaient tou-jours accompagnés de changements attendus etcongruents de la taille visuelle) ; le test décisif étaitde savoir si le nouveau-né préférait voir une dimi-nution de la magnitude auditive associée à la dimi-nution de la taille visuelle à gauche et une augmen-tation de la magnitude auditive associée àl’augmentation de la taille visuelle à droite, parrapport à la représentation inverse.

Le paradigme comportait deux phases : unephase de familiarisation (60 secondes) immédia-tement suivie d’une phase de test constituée dedeux essais. Dans une série de 5 expériences,nous avons familiarisé la moitié des nourrissonsà une petite quantité et l’autre moitié à unegrande quantité, associées à une figure géomé-trique centrée. Nous avons ensuite testé les nour-rissons avec une autre quantité pendant deux

Figure2 : Les prédictions dumodèle et les donnéesbrutes comparant les données actuelles avec deHevia et al. (2014b). Notez l’extension del’intervalle de prédiction de 95 % dans les essaisCongruents/Longueur/2 Changements ; Celareflète les prévisions du modèle concernant lestemps de regard partiellement observés.

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essais avec une nouvelle figure géométrique, pré-sentée une fois à gauche et une fois à droite del’écran. Les nourrissons familiarisés avec lapetite quantité ont été testés avec la grandequantité, tandis que ceux familiarisés avec lagrande quantité ont été testés avec la petitequantité. Les nouveau-nés ont donc été exposésaux deux quantités (petite et grande) au cours del’expérimentation, de la familiarisation au test,ce qui, nous le présumons, leur a permis d’endéduire des quantités relatives. Nous avonsconstaté que les nouveau-nés possèdent effecti-vement le biais gauche/droite, ce qui suggèrequ’unmécanisme innéprésageducomportementultérieur (Figure 3). Plus frappant encore, nousavons touvé que cette représentation est privilé-giée pour le nombre, car nous ne la retrouvonspasdansd’autresmagnitudes continues, dans lesmodalités auditives ou bien visuelles, et prévautmême lorsque la durée et la longueur visuellesont contrôlées (Figure 4). Cela suggère que latendance plus générale à associer les petitesmagnitudes au côté gauche et les grandes magni-tudes au côté droit de l’espace se développe à unepériode plus tardive, peut-être telle une généra-lisation de l’association innée de l’espaces-nombre. Ce travail a été récemment publié dansla revue Current Biology (de Hevia, Veggiotti,Streri, & Bonn, 2017).

DiscussionAvec cesdeux études, nousmettons en lumière

la capacité des nouveau-nés à la naissance à créerspontanément des associations (cartographiesnon-directionnelles) entre le nombre, l’espace etle temps, et ce, de manière unique ; en effet, cesassociations ne s’étendent vers d’autres dimen-sions, telle que la luminosité. En outre, nousrapportons l’existence d’un biais (cartographiedirectionnelle), fonctionnel dès la naissance, per-mettantd’associerunediminution (ou« cequi estpetit ») au côté gauche de l’espace, et une aug-mentation (ou « ce qui est grand ») du côté droitde l’espace. Cette association avec l’espacesemble être spécifique au nombre et ne s’étendpas aux dimensions de l’aire spatiale (surface) oude la durée. La propension précoce à faire cetteassociation de grandeur relative avec des côtésopposés de l’espace ne dépend donc pas de l’uti-lisation de symboles, de la langue, de l’éducationmathématiqueoumêmed’unegrandeexpériencede l’environnement. Elle pourrait être à l’origined’une ligne numérique mentale plus sophisti-quée.

Il existe plusieurs questions ouvertes pour defutures recherches. Par exemple, nous ne savonspas exactement à quel moment la culture vientinfluencer ces représentations. Bien que nous

Figure 3 : Expérience 1 de l’étude : A. Expérience 1, familiarisation avec des séquences de 18 syllabesassociées à une longue ligne, se déplaçant de manière stroboscopique mais asynchrone avec les syllabes ;Essaisde test avecdes séquencesde6syllabesappariéesavecune lignecourteapparaissantàgauchede l’écrandans un essai, et avec une ligne courte apparaissant à droite dans un autre essai. B. Familiarisation avec desséquences de 6 syllabes associées à une ligne courte, se déplaçant demanière stroboscopiquemais asynchroneavec les syllabes ; Essais de test avec des séquences de 18 syllabes associées à une longue ligne apparaissantà gauche dans un essai, et avec une ligne courte apparaissant à droite dans un autre essai. Les nouveau-nésenconditionAregardentplus longtemps la lignesituéeàgaucheaumomentdu test, tandisque lesnouveau-nésen condition B regardent plus longtemps la ligne à droite durant le test ; cela concorde avec un biaispetit-gauche/grand-droite. D’après de Hevia, M.D., Veggiotti, L., Streri, A. & Bonn, C. (2017). À la naissance,les humains associent « peu » à gauche et « beaucoup » à droite. Current Biology, 27, 3879-3884.e2.

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sachions que son influence est effective dèsl’enfance : les enfants utilisent une représenta-tion mentale de gauche à droite, ou de droite àgauche en fonction des biais spatiaux de leurculture (gauche-à-droite occidental vs. droite-à-gauche arabe ; Shaki et al., 2012), nous man-quons de connaissances pour définir à quel stadedu développement l’environnement culturel spé-cifique dans lequel nous vivons amorce unemodulation de ces biais. Il est possible que cetteinfluencedébuteaucoursde lapremièreannéedeviepuisquenous interagissonsavecd’autres indi-vidus manifestant leurs propres biais spatiaux.Les futures recherches devront montrer à quel

moment exactement ce changement culturelapparaît. Une autre problèmatique concernel’utilité pratique d’un tel biais de cartographiedirectionnelle. En effet, nous ne savons pas siprésenter ce biais particulier provoquedes consé-quences directes du point de vue de l’évolution,car il pourrait être un sous-produit de l’asymétriehémisphérique, qui ensoipourrait comporterdesavantages, ou pourrait être tout à fait fortuit. Lesrecherches actuelles portent sur les origines deces biais spatio-numériques. Selon notre point devue (deHevia et al., 2012), un biais pour amorcerune analyse visuelle à partir du côté gauche del’espace est associé à un biais amenant à préférer

Figure 4 : Expériences 2-5 de l’étude. Le biais petit-gauche/grand-droite est uniquement présent lorsque lestimulus contient une quantité numérique. Il est absent lorsque la durée et/ou la longueur visuelle sontprésentées auxnouveau-nés.D’aprèsdeHevia,M.D.,Veggiotti, L., Streri,A.&Bonn,C. (2017).À lanaissance,les humains associent « peu » à gauche et « beaucoup » à droite. Current Biology, 27, 3879-3884.e2

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les séquences dont la grandeur augmente (deHevia et al., 2014a, 2017). C’est donc un biaisspatial qui relève du traitement latéralisé dunombre, expérimenté depuis la naissance. Noustestons si l’avantage de l’hémisphère gauche,dirigé par nos asymétries hémisphériques et pré-sent chez les enfants et les adultes, est déjàfonctionnel à la naissance, et par conséquent, sidès la naissance, les nouveau-nés privilégient lesinformations situées à gauche de l’espace.

Néanmoins, des recherches récentes ont com-mencé à mettre en lumière les avantages d’unereprésentation spatiale asymétrique de l’infor-mation.Enparticulier, il a étémontré que l’orien-tation spatiale spécifique avec laquelle nous four-nissons des informations en série peut avoir unimpact sur le décodage de ces informations (Bulfet al., 2017).Par exemple, nousavonsmontréquesi nous présentons à des nourrissons de 7 moisune règle de type ABB (par exemple, carré rouge,cercle bleu, cercle bleu), ils peuvent apprendrecette règle abstraite et l’appliquer à d’autresséquences si les éléments sont présentés degauche à droite, mais pas s’ils sont présentés dedroite à gauche. Il en va de même lorsque nousleur présentons une règle du type ABA (parexemple, le carré rouge, le cercle bleu, le carrérouge), alors même qu’un tel type de règle soitplus difficile à apprendre pour les nourrissons.Dans ces cas énoncés, nous pourrions avancerque l’organisation dans l’espace de l’informationordinale peut soit stimuler, soit gêner sonapprentissage, en fonction de l’orientation spé-cifique que nous utilisons. Ce même phénomènea été observé pour les séquences numériques : lesnourrissons de 7mois peuvent distinguer l’ordrecroissant et décroissant lorsque l’information estprésentée de gauche à droite, mais pas quandcettemême information est présentée de droite àgauche (de Hevia et al., 2014a). Par conséquent,enmanipulant l’agencement spatial de l’informa-tion en série, nous pouvons aussi bien soutenirqu’entraver l’apprentissage par les jeunesenfants de séquences ordonnées. Ces associa-tions spatiales asymétriques, loin d’être un phé-nomène complexe mesuré en laboratoire,peuvent apporter un éclairage sur la manièredont nous organisons, encodons et nous nousremémorons spontanément les informations, cequi pourrait fournir des applications pratiques,notamment dans les milieux éducatifs.

RemerciementsUn grand merci aux étudiants et aux collabo-

rateurs ayant contribué à ces recherches : CoryBonn, Alice Debost, Viviane Huet, Yu-Na Lee,Eirini Netskou, Arlette Streri et Ludovica Veg-giotti. Un grand merci aussi à Lucie Martin pourla traduction de cet article de l’anglais au fran-çais. Je voudrais également exprimer toute magratitude aux enfants et familles pour leur parti-cipation à ces études. Cette recherche a été finan-cée par une Subvention de Recherche de la Fon-dation Fyssen et par l’Agence Nationale de laRecherche Scientifique (ANR-15-CE28-0003-01NUMSPA) à MDdH.

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Introduction

The ability to discriminate and repre-sent information of magnitude is foun-dational to human reasoning. We, andmany species of non-human creatures,use this ability in everyday expe-

riences, such as estimating the number of peopleattending adinner, it allowsus andother animalsto decide whether the best bet when facing agroup is to attack orto escape, and it alsointervenes whenone needs to calcu-late the time avai-lable to complete an action. The origin of theseconcepts is a long-standing debate. Are quantityrepresentations available early in life so that theycan have a determining role in structuring sub-sequentexperience?Orare theyextractedby lear-ning mechanisms following exposure to a richlystructured physical world? Investigating thedevelopmental origins of these concepts can shedlight on these questions.

A related fundamental cognitive ability is thepropensity to use spatial information in order torepresent other non-spatial concepts. For ins-tance, we use a vertical spatial axis to representlevels of social status, of power, even to conveylevels of self-esteem, and ofmorality.We think of

past events as if they were located behind us andfuture events as if they were in front of us, just asif time could move from one location (present) tothe other (past) (Boroditsky, 2000). These linksare also evident in common measurement tools,where we use a spatial format to represent levelsof temperature, pressure, and time.

Among the many mappings between differentdimensions that humans can establish, the num-ber-space mapping is essential for human cogni-tion. Noted early by psychologists like FrancisGalton (1880), who documented peopleconsciously visualizing numbers in spatial confi-gurations, this phenomenon is also well reflectedin two branches of science: mathematics andgeometry. In mathematics, all real numbers arereferred to as the ’real line’, where each numbercorresponds to a point in a one-dimensional line;in geometry, numbers are used in order to studyquestions of shape, size, relative position offigures, and the properties of space, with theinvention of the Cartesian coordinates as a clearexample.

Early insights for anassociationbetweennum-ber and space have been followed by an increa-sing body of scientific research showing thatadults’ representations of number and space arerelated to one another in ways suggestive of a’mental number line’. The mental number linerepresentation consists of a continuum of nume-rical magnitude where quantities are represen-

ted in a spatially-orga-nized horizontal line(Dehaene, 1992). A re-levant property of thismental continuum is

its spatial orientation: Adultsmentally representnumbers in a spatial format that is consistentwith their reading/writing system, left-to-right(Dehaene et al., 1993) or right-to-left oriented(Zebian, 2005). Additionally, numbers canmodu-late adults’ visuo-spatial (Fischer et al., 2003; deHevia et al., 2006; de Hevia et al., 2008), andvisuo-motor (Andres et al., 2004; Fischer, 2003)computations, exerting an influence on spatialprocessing even when numbers are not relevantto the task at hand. This phenomenon supportsthe idea that numbers correspond to differentspatial lengths, varyingparametricallywithnum-bermagnitude(Restle,1970).Moreover, thecloserelationship between number and space is also

“the number-space mapping isessential for human cognition”

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reflected at the brain level: overlapping areas inthe parietal cortex are engaged in numerical andspatialprocessing (Fiasetal., 2001;Nieder,2005;Pinel et al., 2004), and some visuo-spatial disor-ders resulting from brain damage can affect cer-tain numerical computations (Vuilleumier et al.,2004; Zorzi et al., 2002).

Recentdevelopmental studieshaveshownthatalready preschool children (de Hevia & Spelke,2009; Opfer et al., 2010), and even preverbalhuman infants (de Hevia & Spelke, 2010; Lou-renco & Longo, 2010) spontaneously map num-bers and time onto space. For instance, eight-month-old infants transfer the discrimination ofan ordered series of numbers to the discrimina-tion of an ordered series of line lengths, and areable to learn, and productively use, a rule thatestablishes a positive relationship between num-ber and length, while they fail to do so with aninverse relationship (de Hevia & Spelke, 2010).These findings show that the number-space linknot only refers to the specific orientation of themental representation (e.g., left-to-right), butthat it also includes a non-oriented, fundamentalmapping between the two dimensions that ispresent already in infancy.

Based on studies on numerical-spatial interac-tions in adults (de Hevia et al., 2006, 2008), theinvestigation of the origins of this phenomenonhas been based on the idea that the number-spaceinteraction can take two forms (see de Hevia etal., 2006). On the one hand, numbers can bemapped onto space in the form of correspondingspatial extents depending on their magnitude(’non-directional mapping’); on the other hand,numbers can be associated to different spatialpositions, depending on their relativemagnitudeand/or order (’directional mapping’). In the lastfew years, research has accumulated providingevidence for the existence of these two number-space mappings, in adults (Dehaene et al., 1993;de Hevia et al., 2006, 2008; de Hevia & Spelke,2009), children (de Hevia & Spelke, 2009; vanGalen &Reitsma, 2008), and infants in their firstyear of life (de Hevia & Spelke, 2010; de Hevia etal., 2014a).

The studies described below constitute themost recent research on this phenomenon and astarting point to understand the early origins,nature and properties of these two types of inte-

ractions between the numerical and spatialdomains.

Links between Different Dimensionsat Birth

The comparison process for number, spatiallength, and duration is governed by the samepsychophysical function, Weber’s law, wherebydiscrimination performance is modulated by theratio of the magnitudes (Van Oeffelen & Vos,1982).Moreover, the acuity in discrimination forthese dimensions shows a similar development:the ratios required by infants to discriminate twomagnitudes shrink with age at a similar paceacross these three dimensions (Brannon et al.,2007; Izard et al., 2009; Lipton & Spelke, 2003;vanMarle & Wynn, 2006; Xu & Spelke, 2000).However, this similarity is not exclusive oflength, number, and time but is shared for allcontinua, including dimensions such asbrightness and loudness. In fact, adults cantranslate any magnitude in terms of another one(Stevens & Marks, 1965), and we use space torepresent different types of information, inclu-ding pitch tones (Rusconi et al., 2006), and seriallearning (Previtali et al., 2010).

In previous research on human newborns weshowed that at birth humans spontaneously asso-ciate changes in magnitude across the dimen-sions of number, length, and duration (de Heviaet al., 2014b). In particular, when infants expe-rienced an increase in numerosity and/or dura-tion, they expected this increase to be accompa-niedbya corresponding increase in visual length;when they experienced a decrease in numerosityand/or duration, they expected the decrease invisual length. In contrast, when changes inmagnitude (number and/or duration) were notaccompaniedbyacorrespondingchange invisuallength, newborns did not react to the displays.Finally, newborns expressed this ability whennumerical and duration cues were presented inconjunction, as well as when each of these cueswas presented in isolation.

Based on this study, we next asked whetherthese particular associations generalize to otherpairs of magnitudes in the same way at birth, orwhether they reflect an early predisposition toexpect specific relations between spatial, tempo-ral, and numerical representations. In order toaddress this question, we tested mappingsof number onto visual brightness, another

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dimension that we can express in terms of ’more’or ’less’.We askedwhether newbornswould looklonger when an increasing in numerosity is fol-lowed by an increasing in brightness, andwhen adecreasing in numerosity is followed by a decrea-sing in brightness.

We tested a total of forty-eight newborninfants assigned to three different conditions inwhich increasing or decreasing auditory nume-rositieswere pairedwith visual objects that chan-ged in luminance/contrast or shape (a non-ma-gnitude control). In the Congruent condition,infants were familiarized to either a low-lumi-nance stimulus paired with a small number ofsyllables (i.e., 6), or a high-luminance stimuluspaired with a large number of syllables (i.e., 18);in the Incongruent condition, infants were fami-liarized toeithera low-luminancestimuluspairedwith a large number of syllables or a high-lumi-nance stimulus paired with a small number ofsyllables. Moreover, in order to control for visualnovelty, a Shape-Change control condition, inwhich two different shapes, rather than two lumi-nance values, were paired with a small or largenumber of syllables.

Following familiarization, infants experiencedtwo test trials with a novel numerical stimulus;infants familiarized to a small number of syl-lables experienced a large number in the two testtrials, while infants familiarized to a large num-ber of syllables were tested with a small number.The crucialmanipulationwas in the type of visual

change: during 1-Change test trials, no visualfeature change accompanied the numericalchange. During 2-Change trials, both the visualfeature (brightness or shape) changed as well asthe number of syllables heard.

Results indicated that newborns preferredcongruent changes in brightness over no changein brightness: they looked longer when anincrease (decrease) in number was accompaniedby an increase (decrease) in brightness level. Incontrast, infants showed no relative preferencefor a shape change over no shape change. Whenan increase in brightness accompanied adecrease in number (and vice versa), newbornsshowed an intermediate pattern of looking timesindistinguishable from sign-matched changes inbrightness or magnitude-neutral changes inshape (Figure 1). This performance patterncontrasts with the one newborns exhibit whenpresented with number-length mappings, inwhich newborns strongly dispreferredincongruent changes in length accompanyingauditorynumber: they looked significantly less tomappings where an increase in number wasaccompanied by a decrease in length, and wherea decrease in number was accompanied by anincrease in length (Figure 2). Therefore,newborns seem to treat parallel changes inbrightness and number more flexibly than paral-lel changes in length and number. We interpretthis result as support for the hypothesis thatnumerical, spatial, and temporalmagnitudes are

Figure 1 : Means and 95%Confidence Intervals foreach group. Raw data indicated by smaller dots.

Figure 2 : Model predictions and raw datacomparingcurrentdatawithdeHeviaetal. (2014b).Note the extension of the 95% prediction interval inthe Congruent/Length/2-Change trials; thisreflects the model’s predictions about partiallyobserved looking times.

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more strongly associatedwith each other at birththan with brightness. This study has beenrecently submitted for publication (Bonn, Nets-kou, Streri, & de Hevia, submitted).

Using space to represent non-spatial,ordered sequences at birth

Humans, as well as other animals, naturallyand effortlessly use space to organize the world.One of the most well-known examples is the’mental number line’, in which small values areassociated with the left side of space, and largevalueswith the right (Dehaene et al., 1993;Moyer& Landauer, 1967). Classical evidence for thisphenomenon comes from theSNARCeffect (Spa-tial Numerical Association of Response Codes,Dehaene et al., 1993), in which small numbers(presented in the center of a screen) are res-ponded to faster with the left hand and largenumbers with the right hand. Evidence for amental number line that shapes quantitativeconcepts has been shown in human infants (deHevia et al., 2014a) and adults (Dehaene et al.,1993), as well as non-human animals (Rugani etal., 2015): these populations tend to associate theleft side of space with small numbers and theright side of space with large numbers. For ins-tance, infants learn to order a set of arrays if theyare presented from smallest on the left to largeston the right, but not vice versa (de Hevia et al.,2014a), and are quicker to attend to an object onthe left side of the screen after seeing a smallnumber (in the center of the screen), and anobject on the right side after seeing a large num-ber (in the center of the screen) (Bulf et al., 2016).

Though this particularmapping between num-bers and space has played a central role in ourunderstandingofhumanmathematical concepts,its origins in humans remain unclear: is it theresult of an innate bias or does it develop afterbirth? To address this question, we adopted themethodology used in the past to show thathuman newborns expect changes in magnitudeto occur in the same direction across differentdimensions (de Hevia et al., 2014b). In particu-lar, when newborns experience changes in audi-tory numerosity and/or duration they expect achange in visual line length in the same magni-tude direction (i.e., both increasing or bothdecreasing). In the present studywe adopted thisbimodal, cross-dimensional methodology (deHevia et al., 2014b): newborns were presented

with congruent changes in magnitude acrossdimensions (auditory changes in magnitudewere always accompanied by the expected,congruent changes in visual size); the critical testwas whether the newborn preferred to view adecrease in auditory magnitude paired with thecongruent decrease in visual size on the left andan increase in auditory magnitude paired withthe congruent increase in visual size on the right,relative to the reverse mapping.

The paradigm had two phases: a familiariza-tion phase (60 seconds) immediately followed bya test phase constituted by two trials. In a seriesof 5 experiments, we familiarized half the infantsto a small quantity and the other half to a largequantity, paired with a centered geometricfigure. We then tested infants with the otherquantity across two trials with a new geometricfigure, presented once on the left and once on theright side of the screen. Infants familiarized withthe small quantity were tested with the largequantity, while infants familiarized with thelarge quantity were tested with the small quan-tity. Newborns were thus stimulated with bothquantities (small and large) across the experi-mental session from familiarization to test,which we assumed allowed them to infer relativequantities. We found that newborns do, in fact,possess the left-few/right-many bias, suggestingthat an innate mechanism presages later beha-vior (Figure 3). Even more strikingly, we findthat thismapping is privileged for number, as wedo not find it in other continuous magnitudes ineither the auditory or visual modalities, and pre-vails even when controlling for duration andvisual length (Figure 4). This suggests that themore general tendency to associate small magni-tudes with the left and largemagnitudes with theright side of space develops later, perhaps as ageneralization of the innate number-space asso-ciation. This work has been recent published inthe journal Current Biology (de Hevia, Veggiotti,Streri, & Bonn, 2017).

DiscussionWith these two studies we report that at birth

newborns spontaneously create associations(non-directional mappings) between number,space and time in an unique way, such that theseassociations do not extend in the same way toother dimensions such as brightness. Also,we report the existence of a bias (directional

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mapping) that is functional from birth to asso-ciate a decrease (or relatively small) with the leftside of space and an increase (or relatively large)with the right side of space. This associationwithspace seems tobe specific tonumber anddoesnotextend to the dimensions of spatial extent (area)or duration. The early propensity to make thisassociation of relative magnitude with oppositesides of space therefore does not depend on theuse of symbols, language, maths education oreven extensive experience with the environmentand it couldbeat thebasis of amoresophisticatedmental number line.

There are several questions open for futureresearch. For instance, we do not know whenexactly the influenceof culture in thesemappingstakes place. While we know that his influence isfunctional already in childhood, with childrenusing a left-to-right vs. a right-to-left mappingdepending on the spatial biases of their culture(Western left-to-right vs. Arabic right-to-left;Shaki et al., 2012), we lack knowledge on howearly our basic biases are modulated by the spe-cific cultural environment we are living in. It ispossible that this influence might take placeduring the first year of life, as we interact withother individuals that demonstrate their ownspatial biases. Future research will need to showwhen exactly this cultural shift takes place. Ano-ther issue concerns the practical utility of having

suchadirectionalmappingbias. In fact,wedonotknow whether having this particular bias hasdirect consequences from an evolutionary pointof view, as it could be a by-product of hemisphericasymmetry, which by itself could have advan-tagesorbecompletely casual.Current research isaddressing the origins of these spatial-numericalbiases. According to our view (de Hevia et al.,2012), a bias to start a visual scan with the leftside of space is paired with a bias to prefersequences that increase in magnitude (de Heviaet al., 2014a, 2017). It is therefore a spatial biasthat gives rise to the lateralized processing ofnumber seen from birth.We are testing whetherthe left hemispace advantage, driven by ourhemispheric asymmetries and present in child-ren and adults, is already functional at birth, andtherefore that already from birth newborns pri-vilege information located on the left side ofspace.

Nonetheless, recent research has started toshed some light on the advantages of having anasymmetric spatial mapping of information. Inparticular, it has been shown that the specificspatial orientation with which we provide serialinformation can have an impact in the decodingof this information (Bulf et al., 2017). For ins-tance, we have shown that if 7-m-o babies arepresented with a rule of the type ABB (e.g., redsquare, blue circle, blue circle), they are able to

Figure 3 : Experiment 1 of the study: A. Experiment 1, familiarization to 18-syllable sequences paired witha long line,movingstroboscopicallybutasynchronouslywith thesyllables;Test trialswith6-syllable sequencespairedwith a short line appearing on the left in one trial andwith a short line appearing on the right in anothertrial. B. familiarization to 6-syllable sequences paired with a short line, moving stroboscopically butasynchronously with the syllables; Test trials with 18-syllable sequences paired with a long line appearing onthe left in one trial and with a short line appearing on the right in another trial. Newborns in condition A looklonger to the left-sided line at test, whereas newborns in condition B look longer to the right-sided line at test,consistent with a small-left/large-right bias. From deHevia, M.D., Veggiotti, L., Streri, A., & Bonn, C. (2017).At birth humans associate ”few“ with left and ”many“ with right. Current Biology, 27, 3879–3884.e2.

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learn this abstract rule and apply it to othersequences if the elements are presented from leftto right, but not if they are presented from rightto left. The same applies when we present themwith a rule of the type ABA (e.g., red square, bluecircle, red square), which is a harder one forinfants to learn. In these cases, we could say thatorganizing ordinal information in space caneither boost or hinder its learning depending onthe specific orientation we use. This same pheno-menon has been observed for numericalsequences: 7-m-o infants can discriminate increa-sing vs. decreasing order when information waspresented from left to right, but not when thesame information was presented from right to

left (de Hevia et al., 2014a). Therefore, by mani-pulating the spatial arrangement of serial infor-mation we can either boost or hinder younginfants’ learning of ordered sequences. Theseasymmetric spatial associations, far frombeing acomplex phenomenon measured in a laboratorysetting, can inform the way we spontaneouslyorganize, encode and recall information of theworld, which could provide practical applicationsin educational settings.

AcknowledgementsA warm thank you to the students and colla-

borators that contributed to this research: CoryBonn, Alice Debost, Viviane Huet, Yu-Na Lee,

Figure 4 : Experiments 2-5 of the study. The bias small/left-large/right is only present when the stimuluscontains numerical quantity, and it is absent when duration and/or visual length are presented to newborns.From de Hevia, M.D., Veggiotti, L., Streri, A., & Bonn, C. (2017). At birth humans associate ”few“ with leftand ”many“ with right. Current Biology, 27, 3879–3884.e2.

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Eirini Netskou, Arlette Streri, and Ludovica Veg-giotti. A big thank you goes to Lucie Martin forthe translation of this article from English toFrench. Finally, I would like to express my gra-titude to all the children and families participa-

ting in these studies. This research has beensupported by a Research Grant from the FyssenFoundation and by a grant from the AgenceNationale de la Recherche Scientifique (ANR-15-CE28-0003-01 NUMSPA) to MDdH.

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La communication gestuelle chez le babouin olive

Sandra MOLESTI

ATER, Centre PsyCLÉ, EA 3273, Université Aix-Marseille

RésuméEn raison de leur proximité phylogénétique avec l’humain, les primates non-humains sont utilisés

comme modèles pour étudier l’évolution du langage. A cet égard, les études sur la communicationgestuelle connaissent un regain d’intérêt. Cependant, comparée à celle des grands singes, lacommunication gestuelle des autres singes a été très peu étudiée. L’objectif de cette étude étaitd’établir le répertoire de communication gestuelle du babouin olive, et d’en déterminer les propriétés.Premièrement, nous avons établi le premier répertoire de communication gestuelle du babouin olive,avec une liste de 67 gestes produits. Deuxièmement, nous avons montré que ce système gestuel estintentionnel (celui qui produit le geste regarde le destinataire, attendune réponse, et prend en comptel’attention du destinataire), flexible (un geste peut être utilisé dans plusieurs contextes, et plusieursgestes peuvent être utilisés dans un même contexte), et variable selon les individus et leur âge. Cespropriétés, qui sous-tendraient l’évolution du langage humain, auraient donc été présentes chezl’ancêtre commun de l’humain et du babouin, il y a environ 30-40 millions d’années.

Mots-clésGeste, communication, primate, langage, intentionnalité

Gestural communication in olive baboonsAbstract

Given their close phylogenetic proximity with humans, non-human primates are used asmodels toinvestigate the evolution of language. In this regard, there is renewed interest in studies concerninggestural communication. However, compare to apes the gestural communicative system of monkeyshas been understudied. The aim of this study was to establish the repertoire of gestural communi-cation of olive baboons and determine the properties of their gestural system. First, we establishedthe first repertoire of gestural communication of olive baboons, with a list of 67 gestures produced.Second, we showed that this gestural system is intentional (the signaller looks at the recipient, waitsfor a response, and takes into account the attentional state of recipient), flexible (one gesture can beused in several contexts and several gestures can be used in one context), and variable acrossindividuals and age. Thus, these properties, that may underlie the evolution of human language, mayhave been present in the common ancestor of baboons and humans, around 30-40 million years ago.

KeywordsGesture, communication, primate, language, intentionality

Introduction

En raison de leur proximité phylogéné-tique avec l’humain, les primates non-humains sont utilisés commemodèlesafin de mieux comprendre l’origineévolutive du langage. En effet, l’objec-

tif est notamment d’examiner si des précurseursévolutifsdu langagehumainpeuventseretrouver

dans le système communicatif des primates non-humains. Alors que les recherches se sont princi-palement concentrées sur la communicationvocale des primates, les gestes communicatifs,qui ont jusqu’ici été relativement peu étudiés parrapport aux vocalisations, sont d’un intérêt pri-mordial pour reconstruire un scénario évolutifcohérent (Call & Tomasello, 2007 ; Arbib et al,2008).Eneffet, ilyadeplusenplusd’élémentsqui

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tendent à démontrer que le système communica-tif gestueldesprimatesnon-humainspossèdecer-taines propriétés qui sont proches du langagehumain, suggérant que ces propriétés, qui sous-tendraient l’évolution du langage humain,auraient émergéprincipalementdans le domainegestuel (Arbib et al, 2008 ; Liebal & Call, 2012).

L’une des propriétés principales du langagehumain est son incroyable flexibilité d’acquisi-tion et d’utilisation. Cependant, des étudesrécentes ont montré que les gestes des grandssinges sont également produits de manièreflexible. Cette flexibilité est caractérisée par unedissociation entre les gestes utilisés et les objec-tifs pour lesquels ils sont émis (un critère utilisé àl’originepour l’étudede la communicationchez lejeune enfant), c’est-à-dire que différents gestespeuvent être utilisés pour un même objectif, etqu’unmêmegestepeutêtreutilisépourdifférentsobjectifs (Call & Tomasello, 2007). Chez les pri-mates non-humains, cette flexibilité est générale-ment mesurée en analysant la variété descontextes fonctionnels (tels que le jeu ou lesconflits) dans lesquels un geste est produit, et lavariété des gestes qui peuvent être produits dansun seul contexte. Un tel niveau de flexibilité a ététrouvé chez plusieurs espèces de grands singes,aussi bien chez des populations captives que sau-vages (chimpanzés,Pan troglodytes : Call &Toma-sello, 2007 ; Hobaiter & Byrne, 2011 ; bonobos,Pan paniscus : Pika et al, 2005b ; Graham et al,2017 ; gorilles, Gorilla gorilla : Pika et al, 2003 ;Genty et al, 2009 ; orangs-outans, pongo pyg-maeus : Liebal et al, 2006 et siamangs, symphalan-gus syndactulus : Liebal et al, 2004b) : plusieursgestes sont utilisés dans un même contexte, etbeaucoup de gestes sont utilisés dans plusieurscontextes. En plus de cette flexibilité d’usage, lesgrands singes sont également capablesd’apprendre de nouveaux gestes qui leur sontenseignés par les humains, tel que la langue dessignes (Patterson&Linden, 1981 ; Gardner et al,1989). De plus, la communication gestuelle desgrands singes est non seulement utilisée demanièreflexible,maiselleestégalementvariable,car les individus n’utilisent pas le mêmeensemble de gestes (e.g. Liebal et al, 2004b ; Pikaet al, 2005b ; Liebal et al, 2006). Des gestes idio-syncrasiques, définis comme étant des gestes quisontproduits exclusivementparunseul individu,ont été observés chez plusieurs espèces (e.g. Pikaet al., 2003 ; Liebal et al., 2004b ; Pika et al,2005b ; Liebal et al., 2006). Cependant, en raison

de différences dans les méthodes d’échantillon-nage entre les études, certains gestes que l’onpensait idiosyncratiques,ontétéfinalementaussidécouvert chez d’autres individus (Genty et al,2009 ; Hobaiter & Byrne, 2011). La taille desrépertoires individuels (c’est-à-dire le nombre degestes différents produits par un individu) varieégalement selon l’âge, les juvéniles utilisant uneplus grande variété de gestes que les adultes (Lie-bal et al, 2004b ; 2006 ; Genty et al, 2009 ; Hobai-ter & Byrne, 2011). En revanche, les différencesd’utilisation de gestes entre les mâles et lesfemelles sont beaucoup plus rares, et souventlimitées au contexte sexuel (e.g. Liebal et al,2004b ;Scott,2013).Lacommunicationgestuelledes grands singes est donc variable d’un individuà l’autre et est utilisée de manière flexible.

Plus important encore, l’intentionnalité estl’une des propriétés clés du langage humain, et ily adeplus enplusd’éléments qui démontrent quela production de gestes chez les grands singespossède les principales caractéristiques d’unecommunication intentionnelle (e.g. Call & Toma-sello, 2007 ;Byrne et al, 2017).Eneffet, les gestessont dirigés vers une audience et le signaleur faitbrièvementunepauseaprèsavoirproduit legestedans l’attente de recevoir une réponse comporte-mentale de la part du destinataire (Call & Toma-sello, 2007). Ces critères d’intentionnalité ontensuite été notamment utilisés comme condi-tions de base pour sélectionner les types de gesteà enregistrer ou non, lors des études sur le réper-toire de communication gestuelle des primatesnon-humains (e.g. Pika et al, 2003 ; Liebal et al,2006 ; Hobaiter & Byrne, 2011). De plus, il aégalement été démontré que lors de la productiondu geste, le signaleur prend également en consi-dération l’état attentionnel dudestinataire. C’estce qu’on appelle ’l’effet d’audience’, qui est définipar une sensibilité à la présence/absence d’undestinatairepotentiel, et par l’ajustementdu typede geste utilisé à l’état attentionnel du destina-taire (Call & Tomasello, 2007). En particulier, lesgestes peuvent varier en modalité, et les gestesvisuels silencieux (i.e. qui ne produisent pas deson,ni de contact avec le destinataire) nepeuventêtre perçus que par un destinataire qui est visuel-lement attentif, alors que les gestes tactiles (i.e.avec un contact avec le destinataire) ou audibles(i.e. qui produisent un son) peuvent être perçusmême par un destinataire qui n’est pas visuelle-ment attentif. En effet, il a été montré que lesgrands singes préfèrent se positionner en face du

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destinataire avant d’émettre un geste visuel (Lie-bal et al, 2004a ; b). De plus, des études expéri-mentales et observationnelles ontmontré que lesgrands singes utilisent préférentiellement desgestes visuels lorsque le destinataire est déjàattentif, et peuvent, dans une certaine mesure,adapter leur utilisation de gestes tactiles ouaudibles lorsque le destinataire n’est pas attentif(Leavensetal, 2004 ;Possetal, 2006 ;Gentyetal,2009 ; Hobaiter & Byrne, 2011).

Cependant, la plupart de ces études ont étéréalisées chez les grands singes, et les recherchesactuelles se sont beaucoup moins penchées surl’étude des autres singes, dont on sait très peu dechose (e.g. Maestripieri, 2005 ; Meguerditchianet al, 2011). En effet, comparé aux grands singes,il y a un réel manque d’études systématiques etcomparables sur le système communicatif ges-tuel des singes non-anthropoïdes. Notamment,les études qui ont démontré que la production degestes est intentionnelle chez ces espèces,concernent principalement des gestes de qué-mandedenourriture,qui sontdesgestesapprisetdirigés vers un destinataire humain. Parexemple, ces études ont montré que les babouinsolive (Papio anubis) sont capables d’ajuster leurutilisation de gestes visuels et audibles à l’atten-tion du destinataire humain, lorsqu’ils qué-mandent de la nourriture (Meunier et al, 2013 ;Bourjade et al, 2014). Cependant, on peut sedemander si les singes ont appris ces compé-tences au cours de ces expériences, ou s’ils pos-sèdent déjà un système de communication inten-tionnel. Par conséquent, denouvelles études sontnécessaires afin de déterminer quels sont lestypes de gestes intraspécifiques et spontanés uti-liséspar ces espèces, et d’analyser si leur systèmecommunicatifgestuelpossède lesmêmesproprié-tés avancées que celui des grands singes (Pika etal, 2005a). Les objectifs de cette étude étaientdonc (1) d’établir le premier répertoire de com-munication gestuelle chez une espèce de singenon-anthropoïde, le babouin olive, et (2) de déter-miner les propriétés de leur système de commu-nication gestuelle en termes de flexibilité, varia-bilité et intentionnalité.

MéthodesSujetsCette étude a été réalisée sur trois groupes

sociaux de babouins olive nés en captivité (Papioanubis), et vivant à la Station de Primatologie duCentre National de la Recherche Scientifique, à

Rousset en France. Au total, 47 sujets ont parti-cipé à cette étude (13 mâles, 34 femelles,27 adultes, 7 subadultes, 9 juvéniles et 4 bébés).

ProcédureDans cette étude, un geste communicatif est

défini comme étant un mouvement du corps oud’une partie du corps, dirigé vers un destinatairespécifique. Dans cette définition sont donc incluslesactionsproduitespar lecorpsentier, lesgestesproduits avec une partie du corps (e.g. le bras, latête) et les expressions faciales (i.e. les mouve-ments d’une partie du visage). Contrairementaux études réalisées sur les grands singes, nousavonsutilisé unenouvelle approche : au lieud’uti-liserdes critèresd’intentionnalité pour sélection-ner les types de geste à enregistrer ou non, nousavons décidé d’enregistrer tous les gestes com-municatifs spontanément émis par les babouins,puis d’analyser ensuite si ce système de commu-nication gestuelle est intentionnel ou pas.

Pour cela, les babouins ont été suivis pendantun an, en utilisant la méthode d’échantillonnage’focal sampling’ (Altmann, 1974) afin d’observerchaque sujet pendant un total de 5 h. Pour cela,chaque singe a été sélectionné au hasard, puisobservé pendant 60 sessions de 5 min. Tous lesgestes émis par le singe focal ont été décrits et lesinformations suivantes ont été enregistrées pourchaque geste produit :

1. Orientation du signaleur : a) ‘regarde’ estdéfini comme le signaleur ayant un contact visueldirect avec le destinataire ou ayant la tête dirigéevers le destinataire, b) ’ne regarde pas’ est définicomme le signaleur ayant la tête tournée loin dudestinataire, sans contact visuel.

2. Attente de réponse (Hobaiter & Byrne,2011) : si le signaleur attend à la fin du geste oumaintien un contact visuel avec le destinataire,ou non.

3. Attention du destinataire (Liebal et al.,2004b) : a) ’attentif’ est défini comme le destina-taire ayant un contact visuel direct avec le signa-leur ou ayant la tête dirigée vers le signaleur ; b)’pas attentif’ est défini comme le destinataireayant la tête tournée loin du signaleur ou ayantson attention détournée par un autre individu ouun autre événement.

4. Contexte comportemental, défini à partirdes informations disponibles avant et après laproduction du geste par le signaleur : (a) soinparental (comportements impliquant le soind’une mère envers son bébé), (b) agression (com-

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portements agressifs tels que chasser,mordre oumenacer), (c) soumission (comportements desoumission tels que fuir, qui font généralementsuite à un comportement agressif reçu), (d) jeu(les comportements de jeu tels que jouer à labagarre ou à la lutte), (e) sexuel (les comporte-ments qui accompagnent les accouplements), (f)toilettage (un singe toilette son partenaire, c’est-à-dire nettoie la fourrure du destinataire à l’aidede ses doigts), (g) affiliatif (approches non agres-sives envers d’autres individus tels que les salu-tations, à l’exclusion du toilettage), et (h) autre(i.e. un geste qui n’a pas pu être catégorisé dansun contexte particulier).

Analyse des donnéesAu total, 2820 sessions focales ont été collec-

tées, ce qui correspond à 60 sessions pour chacundes 47 sujets. Selon leur structure intrinsèque,les gestes ont été classés commeétant soit visuels(i.e. principalement silencieux sans contact avecle destinataire), audibles (i.e. qui génère un sonlorsqu’il est produit), ou tactiles (i.e. un contactphysique avec le destinataire). Tous les gestes quiont été observés aumoins deux fois ont été inclusdans le répertoire et dans les analyses.

RésultatsRépertoireAu total, 8855 occurrences de gestes émis ont

été enregistrées. Ces données nous ont permisd’établir le premier répertoire de communicationgestuelle du babouin olive, avec une liste de67 gestes produits, incluant des expressionsfaciales, des gestes manuels et des gestes pro-

duits avec le corps. Parmi ces gestes, 4 sont desgestes audibles, 24 sont des gestes tactiles et39 sont des gestes visuels. Nous avons égalementidentifié deux gestes idiosyncrasiques : un gesteproduit exclusivement par une femellesubadulte, et un geste produit exclusivement parun juvénile mâle.

FlexibilitéSi la communication gestuelle des babouins

olive est flexible, nous devrions observer unedissociation entre les gestes utilisés et les objec-tifs pour lesquels ils sont émis, donc nousdevrions observer différents gestes qui peuventêtre utilisés dans unmême contexte, et unmêmegeste qui peut être utilisé dans différentscontextes. En effet, nous avons systématique-mentenregistréplusieursgestesdanschacundescontextes (de 16 à 56 gestes, Figure 1a). Enmoyenne, 31 gestes différents sont utilisés danschaque contexte (moyenne ± erreur type = 31.1± 5.5). La plupart des gestes sont utilisés dans lescontextes affiliatif (83,6 % du répertoire), de jeu(74,6 %) et d’agression (61,2 %).

De plus, lorsque nous nous sommes penchéssur le nombre de contextes différents dans les-quels chaque geste a été enregistré, nous avonsobservé que la plupart des gestes sont utilisésdans plusieurs contextes (de 1 à 8 contextes,Figure 1b). En moyenne, 4 contextes diffé-rents sont utilisés pour chaque geste (moyenne± erreur type = 3.7 ± 0.2). En effet, 83,6 % desgestes du répertoire sont utilisés dans plusieurscontextes, alors que seulement 16,4 % sont

Figure 1 : Flexibilité du répertoire (a) Nombre de gestes différents enregistrés dans chaque contexte.(b) Nombre de gestes différents en fonction du nombre de contextes dans lesquels ils ont été enregistrés.

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utilisés dans un seul contexte. Cette proportionest significativement différente de celle attenduepar hasard (test binomial, p S 0.001, N = 67).

VariabilitéEn examinant la taille des répertoires indivi-

duels, nous avons observé une grande variabilitéentre les individus (de 15 à45gestes,Figure2a),avec en moyenne 31 gestes par sujet (moyenne ±erreur type = 31.1 ± 1). Aucun des 47 sujets n’aprésenté un répertoire contenant l’intégralitédes 67 gestes observés durant l’étude. Nousavons trouvé aucune différence significativeentre la taille du répertoire des mâles et desfemelles (test T, t (45) = 1.64, p = 0.11).

En revanche, nous avons trouvé que la taille durépertoire diffère significativement selon lesclassesd’âge (ANOVAàun facteur,F (3, 43)=8.5,p S 0.001, Figure 2b). Plus particulièrement,les juvéniles ont un répertoire de gestes signifi-cativement plus grand que celui des bébés (p =0.006), des subadultes (p = 0.005) et des adultes(p S 0.001). De plus, nous avons égalementobservé que la taille du répertoire diminue signi-ficativement lorsque l’âge (en années) augmente(corrélationdeSpearman, r (45) = -0.35, p =0.02).Egalement, la proportion de gestes tactiles pro-duits diminue lorsque l’âge augmente (corréla-tion de Spearman, r (45) = -0.35, p = 0.02), àl’inversedesgestesaudiblesquiaugmententavecl’âge (corrélation de Spearman, r (45) = 0.55,p S 0.001). Il n’y a pas de corrélation significa-

tive entre l’âge et la proportion de gestes visuels(corrélation de Spearman, r (45) = 0.08, p = 0.6).

IntentionnalitéSi la communication gestuelle des babouins

olive est intentionnelle, le signaleur devraitregarder le destinataire, attendreune réponse, etdevrait prendre en compte l’état attentionnel dudestinataire dans le choix du geste produit.

OrientationEn examinant le comportement des sujets

lorsque le geste est produit, nous avons observéque les babouins produisent significativementplus de gestes en regardant le destinataire qu’enne le regardant pas (GLMM:Z= -62.1, pS0.001,N = 47). En moyenne, les babouins produisent90.5% de gestes (± 0.9) en regardant le destina-taire.

Attente de réponseDe plus, les babouins produisent significative-

ment plus de gestes qui sont suivis par uneattente de réponse de la part du destinataire, quede gestes qui ne sont pas suivis d’attente deréponse (GLMM:Z= -60.6, pS0.001,N=47).Enmoyenne, les babouins attendent une réponsedans 87 % (± 1) des gestes produits.

AttentionEn examinant l’état attentionnel du destina-

taire lorsque le geste est produit, nous avonsobservé que les babouins produisent significati-vement plus de gestes lorsque le destinataire est

Figure 2 : (a) Expression faciale produite par une femelle adulte. (b) Moyenne ± erreur type des tailles derépertoire individuel selon les classes d’âge.

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attentif, que lorsque celui-ci n’est pas attentif(GLMM : Z = -53.4, p S 0.001, N = 47). Enmoyenne, les babouins produisent 81.2% degestes (± 1.2) lorsque le destinataire est visuelle-ment attentif.

Finalement, en examinant de plus près lamodalité des gestes produits, nous avons démon-tréque lesbabouinsproduisent significativementplus de gestes visuels, que de gestes tactiles etaudibles, lorsque le destinataire est visuellementattentif (GLMM, N = 47 : Audible vs Tactile,Z = 16.3, pS 0.001 ; Audible vs Visuel, Z = 38.6,pS 0.001, Tactile vs Visuel, Z = 28.9, pS 0.001,Figure 3). Au contraire, les babouins produisentsignificativement plus de gestes tactiles, que degestes visuels et audibles, lorsque le destinatairen’est pas attentif (GLMM, N = 47 : Audible vsTactile, Z = 19.4, p S 0.001 ; Audible vs Visuel,Z = 14.5, p S 0.001 ; Tactile vs Visuel, Z = -8.7,p S 0.001, Figure 3). Les babouins sont donccapables d’ajuster la modalité du geste à l’atten-tion du destinataire.

DiscussionCette étude constitue la première étude com-

plète à s’être intéressée non seulement aux dif-férents types de gestes utilisés par une espèce desinge non-anthropoïde, mais également aux pro-priétés de cette communication gestuelle. Pre-mièrement, les résultats de cette étude ontpermis d’établir le premier répertoire de commu-nication gestuelle intraspécifique du babouinolive, avec une liste de 67 gestes produits. Lesbabouins olive utilisent une variété de gestesaudibles, tactiles et visuels. Deux gestes idiosyn-crasiques, chacun produit exclusivement par unseul individu, ont également été découverts, indi-

quant que les babouins olive seraient capablesd’inventer de nouveaux gestes. Bien qu’il soitdifficile de comparer directement les tailles derépertoire entre différentes espèces, en raisonnotamment de différences méthodologiquesentre les différentes études (par exemple, desdifférences dans le niveau de détails dans lequelles gestes ont été décrits), nous pouvons néan-moins remarquer que la taille du répertoire desbabouins est assez importante et similaire auxtailles de répertoire observées chez les grandssinges comme les bonobos (68 gestes, Graham etal, 2017) et les chimpanzés (66 gestes,Hobaiter&Byrne, 2011).

Deuxièmement, les résultats de cette étudemontrent que, comme chez les grands singes, lacommunication gestuelle des babouins olive estvariable. En effet, les individus ne produisent pasle même ensemble de gestes, et le nombre et lamodalité des gestes utilisés changent avec l’âge.Notamment, les juvéniles présentent le plusgrand répertoire de gestes, et la taille du réper-toire diminue avec l’âge, ce qui est cohérent avecce qui a été observé chez les grands singes (Liebalet al, 2004b ; 2006 ; Genty et al, 2009 ; Hobaiter& Byrne, 2011). En effet, il a été suggéré que lesjeunes explorent d’abord la variété des gestesdisponibles, en utilisant de plus en plus de gestesdans des contextes et interactions variés, puis, àmesure qu’ils grandissent, ils réduisent l’utilisa-tion de ces gestes afin de garder ceux qui se sontrévélés être les plus efficaces dans les interac-tions avec les membres de leur groupe (Byrne etal, 2017). Ainsi, les juvéniles exploreraient dansun premier temps le répertoire spécifique de leurespèce, en utilisant un grand nombre de gestes,puis restreindraient progressivement l’utili-sation des gestes pour atteindre à l’âge adulte unrépertoire actif propre à chaque individu (Byrneet al, 2017).

Troisièmement, les résultats de cette étudemontrent que l’utilisation de la communicationgestuelle chez le babouin olive est égalementflexible, car une dissociation est observée entrelesgestesutilisés et les contextesdans lesquels ilssont émis. En effet, comme chez les grandssinges, le même geste peut être utilisé dans descontextes variés, et une variété de gestes peuventêtre utilisés dans un même contexte (e.g. Pika etal, 2005b ; Liebal et al, 2006 ; Genty et al, 2009).La communication gestuelle du babouin olive est

Figure 3 : Moyenne ± erreur type du pourcentagede gestes produits pour chaquemodalité, lorsque ledestinataire est attentif ou pas attentif.

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donc utilisée demanière flexible pour une variétéd’objectifs.

Enfin, les résultats de cette étude démon-trent que lors de la production d’un geste, lesbabouins olive regardent le destinataire, atten-dent une réponse et prennent en considérationl’état attentionnel du destinataire. Notamment,les babouins utilisent plus de gestes visuelslorsque le destinataire est déjà attentif, et uti-lisent plus de gestes tactiles lorsque le destina-taire n’est pas attentif. Ainsi, les babouins oliveproduisent des gestes afin d’influencer le com-portement de partenaire spécifique, et sontcapables d’ajuster la modalité du geste à l’étatattentionnel du destinataire, de la mêmemanière que lesgrands singes (e.g.Genty et al, 2009 ;Hobaiter & Byrne,2011). La commu-nication gestuelledes babouins olivepossède donc lescaractéristiquesprincipales d’unecommunicationintentionnelle.

Pour conclure,le systèmecommunicatif gestueldubabouinoliveest variable, flexible et intentionnel. Ainsi, lesystème communicatif gestuel d’une espèce desinges non-anthropoïdes partage certaines pro-priétés similaires avec le système communicatifdes humains et des grands singes. Ces propriétéscommunes, qui sous-tendraient l’évolution dulangage humain, auraient donc été présenteschez l’ancêtre commun des babouins et deshumains, il y a environ 30 à 40millions d’années.Les résultats de cette étude fournissent des élé-ments théoriques significatifs pour mieux com-prendre l’évolution du langage, et notammentson origine gestuelle.

RemerciementsJe suis très reconnaissante envers la Fonda-

tion Fyssen pour avoir soutenu cette rechercheavec une bourse d’étude postdoctorale. Cetteétude a également été soutenue par des boursesde recherche de l’ASAB (Association for theStudy of Animal Behaviour) et de la MSHS deToulouse (Maison des Sciences de l’Homme et dela Société). Je remercie égalementValérie Tartas

de m’avoir accueillie dans le laboratoire CLLE–LTC de l’Université Toulouse Jean-Jaurès, ainsique Marie Bourjade et Adrien Meguerditchianpour leur soutien et leurs précieuses discussions.Je remercie enfin les animaliers de la Station dePrimatologie de Rousset.

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“Pour conclure, le système communicatifgestuel du babouin olive est variable,flexible et intentionnel. Ces propriétéscommunes,quisous-tendraient l’évolutiondu langage humain, auraient donc étéprésentes chez l’ancêtre commun desbabouins et des humains, il y a environ30 à 40 millions d’années.”

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ÉTHOLOGIE / PSYCHOLOGIE

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Introduction

GGiven their close phylogenetic proxi-mitywith humans, there is an increa-sing interest in studying the commu-nicative system of non-humanprimates in order to better unders-

tand the evolutionary origin of human language.Indeed, the aim is notably to investigate whetherevolutionary precursors to human language canbe found in the communicative system of non-humanprimates.While primary researches havemainly focused on vocal signals, communicativegestures, which have so far been relatively littlestudied compared to vocalisations, are of pri-mary interest to reconstruct a coherent evolutio-nary scenario (Call & Tomasello, 2007; Arbib etal, 2008). Indeed, there is increasing evidencethat the gestural communicative system of non-human primates possesses some propertieswhich are close to human language, which sug-gest that these properties, that may underlie theevolution of human language,may have emergedprimarily in the gestural domain (Arbib et al,2008; Liebal & Call, 2012).

One of the main characteristic of human lan-guage is its incredible flexibility in acquisitionand usage. However, recent studies have showedthat gestures in apes are also used flexibly. Thisis the so-called ’means-ends dissociation’ (a cri-terion originally used for investigating commu-nication in human infants) characterised by theflexible relation between gesture and goal, wheredifferent gestures can be used for the same goaland the same gesture can be used for differentgoals (Call & Tomasello, 2007). In non-humanprimates, this is usually measured by analysingthe range of functional contexts (such as play oragonistic) in which a gesture occurs, and therange of gestures which occurs within a singlecontext. A means-ends dissociation between ges-ture type and context has been found in severalspecies of apes, both in captive and wild po-pulations (chimpanzees, Pan troglodytes: Call

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ETHOLOGY / PSYCHOLOGY

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& Tomasello, 2007; Hobaiter & Byrne, 2011;bonobos,Panpaniscus: Pika et al, 2005b;Grahamet al, 2017; gorillas,Gorilla gorilla: Pika et al,2003; Genty et al, 2009; orangutans, Pongo pyg-maeus: Liebal et al, 2006; and siamangs, Sympha-langus syndactulus: Liebal et al, 2004b): severalgestures were used within the same context, anda lot of gestures were used in multiple contexts.In addition to this flexibility of use, apes are alsoable to learnnewgestures taughtbyhumanssuchas sign language (Patterson & Linden, 1981;Gardner et al, 1989). Moreover, the gesturalcommunication of apes is also variable, as indi-viduals do not produce the same set of gestures(e.g. Liebal et al, 2004b; Pika et al, 2005b; Liebalet al, 2006). Idiosyncratic gestures, that is ges-tures that are exclusively produced by one indi-vidual, have been reported in several species(e.g. Pika et al, 2003; Liebal et al, 2004b; Pika etal, 2005b; Liebal et al, 2006), although this maysometimes be due to sampling method, as somegestures that were thought to be idiosyncraticwere finally also observed in other individuals(Genty et al, 2009; Hobaiter & Byrne, 2011).Individual repertoire size (i.e. the number ofdifferent gestures that an individual produces)varies also across age, with juveniles using alargervarietyofgestures thanadults (Liebal etal,2004b;2006;Gentyetal, 2009;Hobaiter&Byrne,2011). However, differences between sex arescarcer and often limited to the sexual context(e.g. Liebal et al, 2004b; Scott, 2013). The gestu-ral communication of apes is thus variable fromone individual to another and used flexibly.

More importantly, intentional signalling isoneof the key properties of human language andthere is increasing evidence that the productionof gestural communication in apes possesses themain criteria of intentionality (e.g. Call & Toma-sello, 2007; Byrne et al, 2017). Indeed, gesturesaredirected towardanaudience and the signallerwaits briefly after gesturing to monitor the reci-pient for behavioural response (i.e. responsewaiting; Call & Tomasello, 2007). These criteriahave then notably been used as baseline condi-tions to select which type of gesture to record ornot when investigating the repertoire of gesturalcommunication of non-human primates(e.g. Pika et al, 2003; Liebal et al, 2006; Hobaiter& Byrne, 2011). Moreover, the signaller takesinto account the attentional state of the recipientwhen producing a gesture. This is the so called

‘audience effect’, characterised by a sensitivity tothepresence/absence of apotential recipient andby the differential use of gestures as a function ofthe attentional state of the recipient (Call &Tomasello, 2007). Particularly, gestures can varyin modality, and silent, visual gestures (i.e. ges-tures that create no sound and no contact withthe recipient) can only be effective if producedtoward a recipient that is already attending to thesignaller, whereas tactile (i.e. gestures thatcreate a contact with the recipient) or audiblegestures (i.e. gestures that create a sound whilebeing performed) can potentially be effectiveeven if the recipient is not already attending tothe signaller. Indeed, individuals usuallymove infront of the recipient before producing a visuallybased gesture (Liebal et al, 2004a; b). Moreover,both experimental and observational studieshave shown that apes use more visual gestureswhen the recipient is already attending, and can,to some extent, modify their use of tactile oraudible gestures when the recipient is not atten-ding (Leavens et al, 2004; Poss et al, 2006; Gentyet al, 2009; Hobaiter & Byrne, 2011).

However, most of these studies have beenconducted on apes and very little is known aboutmonkeys which have received far less researchattention (e.g. Maestripieri, 2005; Meguerdit-chian et al, 2011). Indeed, compare to apes thereis really a lack of systematic and comparablestudies on the gestural communication ofmonkeys. Notably, studies that have showed thatthe production of gestures is intentional inmonkeys have only been done on trained ges-tures toward human such as food begging. Forexample, olive baboons (Papio anubis) were ableto adjust their visual and auditory gestures to thevisual attention of human when begging for food(Meunier et al, 2013; Bourjade et al, 2014).However, this poses the question of whetherthese skills have been learned during the expe-riments or whether monkeys already possessan intentional communicative system. Con-sequently, it remains unclear which types ofintra-specific gestures are used by monkeys, andwhether their gestural communicative systempossesses the same advanced properties as thecommunicative system found in apes (Pika et al,2005a). The aims of this study were (1) toestablish the first naturalistic repertoire of ges-tural communication in a species of monkey,olive baboons, and (2) to determine the

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properties of their gestural system in terms offlexibility, variability, and intentionality.

MethodSubjectsThis study was conducted on three social

groups of captive-born olive baboons (Papio anu-bis) living at the Station de Primatologie of theCentre National de la Recherche Scientifique, inRousset, France. In total, 47 subjects took part inthis study (13 males, 34 females; 27 adults,7 subadults, 9 juveniles, and 4 infants).

ProcedureCommunicative gesture was defined as move-

ment of the body or part of the body, directed toa specific partner. We included thus in this defi-nition the actions of the whole body, gesturesperformed with a body part (e.g. limb, head), andfacial expressions (i.e. movements of part of theface). Compared to studies in apes,weused anewapproach in that instead of using intentionalitycriteria to select which type of gesture to recordor not, we decided to record all the observedcommunicative gestures, and then to analysewhether this gestural communicative systemwasintentional or not.

The baboons were followed during one year,and focal animal sampling was used (Altmann,1974) toobserve eachsubject for a total of 5h.Forthis, each focal monkey was randomly selectedand followed for60sessionsof 5min.All gesturessent by the focal monkey were described and thefollowing information were recorded for eachgesture produced:

1.Orientationof the signaller: (a) ’looking’wasdefined as the signaller having direct eye contactwith the recipient or having its head directedtoward the recipient, (b) ’not looking’wasdefinedas the signaller having its head turn away fromthe recipient with no eye contact.

2. Responsewaiting (Hobaiter&Byrne, 2011):whether the signaller paused at the end of thegesture or maintained some visual contact withthe recipient, or not.

3. Recipient attention (Liebal et al, 2004b): (a)’attending’ was defined as the recipient havingdirect eye contact with the signaller or havingits head directed toward the signaller, (b) ’notattending’ was defined as the recipient having itshead turn away from the signaller or having its

attention distracted by another individual orevent.

4. Behavioural context, as judged by the avai-lable pre- and post- information that accompa-nied the signaller’s gesture: (a) parental care(behaviours involving the care of a mothertoward her infant), (b) agonistic (aggressivebehaviours such as chasing, biting or threate-ning), (c) submissive (submissive behaviourssuch as fleeing, usually following an aggressivebehaviour received), (d) play (play behaviourssuch as play-wrestle and rough and tumbleplay), (e) sexual (behaviours accompanyingmating interaction), (f) allo-grooming (a monkeygrooms a partner, i.e. goes through the fur ofanother monkey with its fingers, removing dirtand/or parasites), (g) affiliative (unaggressiveapproaches toward other individuals such asgreeting, excluding allo-grooming), and (h) other(i.e. gesture that could not be categorised in aparticular context).

Data analysisA total of 2820 focal sessions have been col-

lected, corresponding to 60 sessions for each ofthe 47 subjects.According to their intrinsic struc-ture, gestures were classified as either visual (i.e.mainly silent without contact with the recipient),audible (i.e. generate sound while being perfor-med), or tactile (i.e. physical contact with therecipient). All gestures that have been observedat least two times were included in the repertoireand in the analyses.

ResultsRepertoireIn total, 8855occurrencesof gesturehavebeen

recorded.This allowed to establish thefirst reper-toire of gestural communication in olive baboonswith a list of 67 gestures produced, whichincluded facial expressions, manual gestures,and bodily gestures. Among all these gestures,4 were audible gestures, 24 were tactile gestures,and 39 were visual gestures. There were twoidiosyncratic gestures: one gesture producedonly by a subadult female, and one gesture pro-duced only by a juvenile male.

FlexibilityIf thegestural communicationof olivebaboons

is flexible, we should have means-ends dissocia-tion between gesture and context, so we shouldhave different gestures that can be used in the

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same context, and the same gesture that can beused in different contexts. For each context,therewasalways several gestures recorded (from16 to 56 gestures,Figure1a). On average, 31 dif-ferent gestures were used in each context (mean± SE = 31.1 ± 5.5).Most of the gestures were usedin the affiliative (83.6% of the repertoire), play(74.6%) and agonistic (61.2%) contexts.

When looking at the number of differentcontexts in which the gestures were recorded,most of the gestures were used in severalcontexts (from 1 to 8 contexts, Figure 1b). Onaverage 4 different contexts were used for eachgesture (mean ± SE = 3.7 ± 0.2). Actually, 83.6%of the gestures of the repertoire were used inseveral contexts, while only 16.4 % were used inonly one context. This proportion was signifi-cantly different than the one expected by chance(Binomial test, p S 0.001, N = 67).

VariabilityWhen looking at individual repertoire size,

there was a high variability across individuals(from 15 to 45 gestures, Figure 2a), with onaverage 31 gestures per subject (mean ± SE= 31.1 ± 1). None of the 47 subjects showed theentirety of the 67 gestures observed.No signifi-cant differencewas found between the repertoiresize of males and females (T-test, t (45) = 1.64,p = 0.11).

An analysis of variance showed that repertoiresize differed significantly across age classes (Oneway ANOVA, F (3, 43) = 8.5, p S 0.001;Figure 2b). Bonferroni post hoc analyses indi-

cated that juveniles had significantly biggerrepertoire than infants (p = 0.006), subadults (p =0.005), and adults (p S 0.001). Repertoire sizesignificantly decreased when age (in years)increased (Spearman correlation, r (45) = -0.35, p= 0.02). Moreover, the proportion of tactile ges-tures produced decreased when age increased(Spearman correlation, r (45) = -0.35, p = 0.02),whereas the proportion of audible gesturesincreased when age increased (Spearman corre-lation, r (45) = 0.55, p S 0.001). There was nosignificant correlation between age and the pro-portion of visual gestures (Spearman correla-tion, r (45) = 0.08, p = 0.6).

IntentionalityIf thegestural communicationof olivebaboons

is intentional, the signaller should look at therecipient, wait for a response, and should takeinto account theattentional state of the recipient.

OrientationWhen looking at the behaviour of the subjects

while producing the gestures, subjects producedsignificantly more gestures when looking at therecipient than when not looking (GLMM:Z = -62.1, p S 0.001, N = 47). On average, thesubjects produced 90.5% of the gestures (± 0.9)when looking at the recipient.

Response waitingMoreover, subjects produced significantly

more gestures when waiting for a response fromthe recipient than when not waiting (GLMM:Z = -60.6, p S 0.001, N = 47). On average, the

Figure 1: Flexibility of the repertoire (a) Number of gesture types recorded in each context. (b) Number ofgesture types as a function of the number of contexts in which they were recorded.

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subjects produced 87% of the gestures (± 1) whenwaiting for a response.

AttentionWhen looking at the attentional state of the

recipient when the subjects produced the ges-tures, subjects produced significantly more ges-tures when the recipient was attending than notattending (GLMM: Z = -53.4, pS 0.001, N = 47).On average, the subjects produced 81.2% of thegestures (± 1.2) when the recipient was atten-ding.

When looking at the modality of the gesturesproduced, subjects produced significantly morevisual than tactile thanaudible gestureswhen therecipient was attending (GLMM, N = 47: Audiblevs. Tactile, Z = 16.3, p S 0.001; Audible vs.Visual, Z = 38.6, pS 0.001; Tactile vs. Visual, Z =28.9, p S 0.001; Figure 3). On the contrary,subjects produced significantly more tactile thanvisual than audible gestures when the recipientwas not attending (GLMM, N = 47: Audible vs.Tactile, Z = 19.4, p S 0.001; Audible vs. Visual,Z = 14.5, p S 0.001; Tactile vs. Visual, Z = -8.7,p S 0.001; Figure 3). Baboons are thus able toadjust themodality of the gesture to the attentionof the recipient.

Discussion

This is the first comprehensive study of thetypes and properties of gestural communicationin a species of monkey. First, this study esta-

blished the first repertoire of intra-specific gestu-ral communication of olive baboons, with a list of67 gestures produced. Olive baboons use avariety of audible, tactile andvisual gestures, andtwo gestures that were each specific to one indi-vidual were also reported, indicating that olivebaboons may be able to invent new gestures.Although repertoire size cannot be directly com-pared between species because of variation insampling methods across studies (such as diffe-rences in the details in which the gestures havebeendescribed), we can still notice that the reper-toire size of olive baboons is large and quitesimilar to the ones reported in apes such asbonobos (68 gestures, Graham et al, 2017) andchimpanzees (66 gestures, Hobaiter & Byrne,2011).

Figure 3: Mean ± SE of percentage of gesturesproduced for eachmodality, when the recipientwasattending or not attending.

Figure2: (a) Facial expressiondisplayed by anadult female. (b)Mean±SEof individual repertoire size acrossage classes.

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Second, the results showed that, like in apes,the gestural communication of olive baboons isvariable. Indeed, individuals do not produce thesame set of gestures, and the number and moda-lity of gestures used change with age. Notably,juveniles show the biggest repertoire of gestures,and repertoire size decreases with age which isconsistent with what has been found in apes(Liebal et al, 2004b; 2006; Genty et al, 2009;Hobaiter & Byrne, 2011). Indeed, it has beensuggested thatyoung individualsfirst explore thevariety of gesturesavailable, usingmore and moregestures in a varie-ty of contexts andinteractions, andthen, as age in-creases, reducetheir use of ges-tures to retain theones that have proved to be the most effective intheir social interactions and group (Byrne et al,2017). Thus, juvenilesmay first explore their spe-cies repertoire, using a large number of gestures,and then gradually restrict the use of gestures toreach an active adult repertoire which is specificto each individual (Byrne et al, 2017).

Third, this study showed that the use of gestu-ral communication in olive baboons is alsoflexible, as a means-ends dissociation betweengesture and context has been found. Indeed, likein apes, the same gesture can be used in a varietyof contexts, and a variety of gestures can be usedwithin the same context (e.g. Pika et al, 2005b;Liebal et al, 2006;Genty et al, 2009). The gesturalcommunication of olive baboons is thus usedflexibly for a variety of aims.

Finally, this study showed that when produ-cingagesture, olivebaboons lookat the recipient,wait for a response, and take into account theattentional state of the recipient. Notably,baboons use more visual gestures when the reci-

pient is already attending, and use more tactilegestures when the recipient is not attending.Thus, olive baboons produce gestures toinfluence specific target audiences, and are ableto adjust the modality of the gesture to the atten-tional state of the recipient like apes do(e.g. Genty et al, 2009; Hobaiter & Byrne, 2011).The gestural communication of olive baboonspossesses thus themain properties of intentionalcommunication.

To conclude, thegestural communi-cative system of oli-ve baboons is va-riable, flexible andintentional. Thus,the gestural com-municative systemof monkeys sharessome similar pro-perties with thecommunicative

systemof humans and apes. These properties, thatmay underlie the evolution of human language,may have been present in the common ancestor ofbaboons and humans, around 30-40 million yearsago. The results of this study provide significanttheoretical elements for better understanding theevolution of language, and notably its gestural ori-gin.

AcknowledgmentsI amverygrateful to theFyssenFoundation for

supporting this research with a postdoctoralstudy grant. This study was also supported byresearch grants from the ASAB (Association fortheStudy ofAnimalBehaviour) and theMSHSofToulouse (Maison des Sciences de l’Homme et dela Société). I am thankful to Valérie Tartas forwelcoming me to the laboratory CLLE–LTC ofthe University Toulouse Jean-Jaurès, and toMarie Bourjade and Adrien Meguerditchian fortheir support and valuable discussions. I finallythank the animal caretakers of the Station dePrimatologie de Rousset.

“Toconclude, thegestural communicativesystem of olive baboons is variable,flexible and intentional. These properties,that may underlie the evolution ofhuman language, may have been presentin the common ancestor of baboonsand humans, around 30-40 million yearsago.”

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ETHOLOGY / PSYCHOLOGY

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Implication des voies cerebellothalamiquesdans l’adaptation motrice

Fabien ALCARAZ

Docteur en Neuroscience

RésuméLacapacitéd’unanimalàadapter soncomportementmoteuràdes situationsnouvellesdépendd’un

réseau de structures distribuées, auquel le thalamus moteur et les noyaux cérébelleux profondsappartiennent. Cependant, la fonction précise de ces deux structures, ainsi que la façon dont ellesinteragissent ensemble, restent à ce jour peu comprises.

Dans ce but, cette étude s’est d’abord attelée à comprendre l’architecture des connexions entre lesnoyaux cérébelleux profonds et le thalamus moteur, par l’utilisation d’outils viraux d’anatomie chezla souris. Plusieurs voies cérébellothalamiques se dégagent, pour lesquelles il est possible d’émettredes hypothèses fonctionnelles au regard de leurs projections collatérales sur les noyaux moteurs dutronc cérébral. En particulier, la voie entre le noyau cérébral profond latéral et le thalamus moteurpourrait jouer un rôle dans les fonctionsmotrices impliquant lesmembres avant. Par des stimulationsdu noyau cérébral profond latéral et des lésions du thalamus moteur, nous montrons que cesstructures sont nécessaires pour des tâches d’adaptabilité motrice requérant les membres avant.

Ainsi, cette étude démontre l’existence de plusieurs voies cérébellothalamiques, impliquées dansl’adaptabilité de comportement moteur.

Mots-clésThalamus moteur, Noyaux cérébelleux profond, Apprentissage moteur, Adaptabilité motrice,

Souris.

Involvement of the cerebellothalamic pathwaysin motor adaptation

AbstractAnimal’s ability to adapt his motor behavior requires a distributed network of structures, among

which lie the motor thalamus and the deep cerebellar nuclei. However, the precise functions of thesetwo structures, and the way they interact together, remain unclear.

In a first part of this study, the architecture of the connexion between the deep cerebellar nuclei andthemotor thalamushavebeen explored, by themeanof tracing viral tools. Separate cerebellothalamicpathways are observed, from which functional hypotheses are postulated, based on theirs collateralsprojectionson themotornuclei of thebrainstem.Moreprecisely, thepathwaybetween the lateral deepcerebellar nucleus and the motor thalamus is hypothesized to play a role in behavioral motor tasksinvolving forelimbs.Thestimulationof thedeepcerebellarnucleus, and lesionsof themotor thalamus,revealed their implications in tasks requiring motor adaptation of the forelimbs.

Altogether, these results show distinct cerebellothalamic pathways, involved in the adaptation ofmotor behavior.

Key-wordsMotor thalamus, deep cerebellar nuclei, motor learning, motor adaptation, mice.

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NEUROBIOLOGIE

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Introduction

Adapter un comportement moteurprécédemment appris à des change-ments environnementaux est unecapacité essentielle pour tout orga-nisme. Elle permet par exemple de

s’adapter à la conduite d’un véhicule que l’onvient de changer, ou bien de compenser le frei-nage des transports en commun. Cependant, lesstructures cérébrales à l’origine de cette fonc-tion, ainsi que la façon dont elles interagissent,ne sont pas encore clairement comprises.

Parmi les candidats à ce rôle se trouve d’unepart les noyaux cérébelleux profonds 1,2 (NCPs,Fig. 1A et C). Situés à la base du cervelet, ilscorrespondent au noyau latéral, au noyau inter-posé, et au noyau médial. Les NCPs projettentfortement sur les noyaux moteurs du tronc céré-bral3, impliquant une influence sur les mouve-ments induits par ces centres. De plus, les NCPsaugmentent leur activité neuronale quand une

perturbation inattendue est appliquée à un mou-vement appris4, tel que l’ajout inattendu d’unpoids sur la tête d’un individu qui la tournevolontairement. Cette activité s’arrête une foisque le sujet a appris à ajuster son geste en fonc-tion de cette perturbation, suggérant un rôlespécifique des NCPs pendant l’adaptabilité ducomportement moteur.

D’autre part, le thalamusmoteur5 (Mthal), quiest une partie du thalamus regroupant le noyauventral latéral et le noyauventromédian (Fig.1Aet B). Des déficits spécifiques dans des tâchesd’apprentissage moteur sont visibles suite à lalésion de cette structure. En effet, des rats lésésdu Mthal sont incapable d’apprendre à se mou-voir sur un cylindre en rotation (rotarod), dont lavitesse augmente progressivement6. De même,des chats lésés de cette structure présentent desdéficits pour attraper une cible en mouvement7.Ainsi, cette structure semble impliquée dansl’apprentissage moteur, même si son rôle n’estpas clairement défini.

Figure 1 : A : vue longitudinale du cerveau de souris, montrant le thalamus (vert) et sasous-régionmotrice (orange), ainsi que lesNCPs (bleu). B : Coupe sagittale du thalamusC : Coupe sagittale des NCPs.

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NEUROBIOLOGIE

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De façon intéressante, les NCPs et le Mthalsont fortement connectés via le faisceau cérébel-lothalamique, suggérantunrôle fonctionnel simi-laire. Ainsi, il a été montré que la voie cérébello-thalamique présentait des phénomènes deplasticité cellulaire au niveau des terminaisonsthalamiques suite à une tache d’adaptabilitémotrice8. De plus, l’activation de cette voie chezl’humain entraine une meilleure adaptabilitémotrice9. Ainsi, ces différentes études suggèrentun rôle de la voie cérébellothalamique dansl’apprentissage moteur, et plus particulièrementdans l’adaptabilité du comportement moteur.

Pourdémontrercettehypothèse, cetteétudes’estd’abord attelée à comprendre l’organisation anato-mique entre les NCPs et le thalamus chez la souris.Les projections des NCPs vers les noyaux moteursdu tronc cérébral sont également étudiées, afind’orienter les hypothèses sur les rôles moteurs desvoies cérébellothalamiques observées. Ces postu-lats sont alors testés dans deux taches d’apprentis-sage et d’adaptation motrices, le rotarod et la tachede récupération de nourriture (TRN).

Des voies cérébellothalamiques multiplesPour savoir où projettent les NCPs au niveau

du Mthal et du tronc cérébral, des virus (AAV)

Figure 2 : Photos des projections du noyaumédian (panel I), du noyau latéral (panel II) et du noyau interposé(panel III) vers le thalamus moteur (A) et le tronc cérébral (C). Les zones colorées des schémas (B et D)représentent la densité des terminaisons nerveuses des photos correspondantes. Chaque zone à l’intérieurd’une autre indique une densité plus élevée de synapses. Les graphiques enhaut et à gauche de chaque schémareprésentent la densité synaptique sur l’axe x (haut) ou y (gauche) du schéma correspondant. Panel IV :Schéma des sous-régions thalamiques innervées par le NCPmédian (rouge), latéral (vert) et interposé (rouge)le long de l’axe rostro-caudal.

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sont injectés par stéréotaxie dans les différentsNCPs. Ces virus contiennent au sein de leursgénomes une protéine qui ne s’exprime qu’auniveau des terminaisons nerveuses. Avec cettetechnique, il est donc possible de connaitre avecprécision ou se termine les projections desNCPs.Les résultats indiquent que chaque NCP projettedans l’hémisphère opposé et dans une sous-ré-gion donnée du Mthal. Le NCP latéral (Fig. 2panel IA et B) privilégie une région centrale ausein duMthal (MthalC), le NCP interposé (Fig. 2panel IIA et B) une région latérale (MthalL), et leNCP médian (Fig. 2 panel IIIA et B) une régionventrale (MthalV). Une observation similaire estfaite pour le tronc cérébral : Le NCP latéralprojette préférentiellement dans le noyau para-gigantocellulaire réticulé (PCRt) ipsilatéral(Fig. 2 panel IC et D). Le NCP interposé projettedans la partie ventrale du noyau gigantocellu-laire contralatéral (Fig. 2 panel IIC et D), et leNCP médian dans la partie dorsale de ce mêmenoyau (Fig. 2 panel IIIC et D). Ainsi, il estpossible d’identifier 3 zones au sein du Mthal(MthalC, MthalL, et MthalV) qui reçoivent desprojections spécifiques de chacun des NCPs(Fig. 2 panel IV).

Pour confirmer ces résultats, la stratégieinverse est employée. Des virus rétrogrades(retro-AAV) sont injectés dans les différentessous-régions du Mthal. Ces virus infectent lesterminaisons nerveuses, et remontent jusqu’aucorps cellulaire où ils exprimeront une protéinefluorescente. Ainsi, toutes les structures proje-tant vers le site d’injection seront visibles.Comme il est difficile de restreindre l’injectionà une sous-région thalamique donnée, uneméthode corrélative est mise en place. Au niveau

du site d’injection, le pourcentage infecté par levirus de chaque sous-région thalamique est cal-culé. Cette mesure est ensuite corrélée aunombredeneuronesfluorescent dans chacundesNCPs. Ainsi, plus un NCP projettera vers unesous-région thalamique donnée, plus le coeffi-cient de corrélation r2 sera proche de 1. De fait, ilapparait que plus la région MthalV est infectée,plus il y a de neurones présents dans le NCPmédian (r2=0,89, Fig. 3A). En ce qui concerne leMthalC, plus cette région est infectée et plus lenombredeneuronesprésentsdans leNCP latéralest important (r2=0,98,Fig. 3B). Enfin, une forteinfection du MthalL entraine un grand nombrede neurones dans le NCP interposé (r2=0,97,Fig. 3C). Par contre, le coefficient de corrélationest faible lorsque l’on compare le MthalV avec leNCP interposé (r2=0.15) et latéral (r2=0.13), leMthalC avec le NCP interposé (r2=0.51) etmédian (r2=0.02), et le MthalL avec le NCPmédian (r2=0.10) et latéral (r2=0.61).

En conclusion, ces résultats démontrent l’exis-tence de sous régions au sein du thalamusmoteur, déterminéespar l’innervation spécifiqued’un NCP particulier.

Collatérales des voiescérébellothalamiques

Bien que les NCPs projettent vers le tronccérébral, il n’est pas clair si ce sont des projec-tions spécifiques, ou bien des collatérales desvoies cérébellothalamiques. Cette informationest essentielle puisqu’elle permettrait de formu-ler des hypothèses sur le rôle fonctionnel desvoies cérébellothalamiques. En effet, la fonctionmotrice des noyaux du tronc cérébral étant en

Figure3 : A. Corrélation entre le nombre de neuronesmarqués dans leNCPmédian et le% deMthalV infecté.B. Corrélation entre le nombre de neurones marqués dans le NCP latéral et le % de MthalC infecté. C.Corrélation entre le nombre de neurones marqués dans le NCP interposé et le % de MthalL infecté. Chaquecercle représente le nombre de neurones total chez une souris.

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partieconnu10,11, il estdoncprobablequ’unevoiecérébellothalamique formant des collatéralesvers l’une de ces régions soit impliquée dans desfonctions similaires.

Ainsi, deux retro-AAVs exprimant deux pro-téines fluorescentes différentes (rouge ou vert)sont injectés dans le PCRt (vert,Fig. 4A) et dansle Mthal (rouge, Fig. 4A). L’observation de neu-rones au sein des NCPs exprimant les deux mar-queurs confirme que les NCPs innervent à la foisle Mthal et le PCRt (Fig. 4D, E, F,G,H et I). Deplus, en conformité avec les résultats précédents,

ces neurones se situent majoritairement dans leNCP latéral (Fig. 4J).

Pour confirmer ces résultats, une approchealternative a été employée. Un retro-AAV estd’abord injecté dans le Mthal (Fig. 5A). Ensuite,un deuxième virus (virus 2) est injecté dans leNCP latéral (Fig. 5B, C et D). Ce dernier nepeut exprimer son génome qu’en la présence ausein de la même cellule du retro-AAV. Si c’est lecas, le virus 2 exprimera alors une protéine fluo-rescente spécifiquement aux terminaisons ner-veuses du neurone infecté. De fait, seulement les

Figure4 : Collatérales vers le PCRt des neurones desNCPs projetant vers le thalamus. Site d’injection au niveau duPCRt(A) et duMthal (B). D, E et F : exemple à unemême localisation de neurones projetant vers le PCRt (D), vers le thalamus (E)et ces deux images ensemble (F). Les photos G, H et I correspondent au zoom du carré blanc des images D, E et Fcorrespondantes. Lesflèches indiquent desneurones exprimant les deuxmarqueurs.K :Graphique représentant le nombretotal de neurones dans chaque NCP sur l’ensemble de l’axe rostro-caudal.

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projections vers le tronc cérébral des neuronesNCPs qui projettent aussi vers le Mthal serontvisibles. Ainsi, les figures 5E, F et G montrentque les neurones du NCP latéral projetant versle Mthal contralatéral innervent aussi le PCRt

ipsilatéral, ainsi que le noyau gigantocellulairecontralatéral.

Ces données anatomiques permettent doncd’identifier que la voie cérébellothalamique entrele NCP latéral et le Mthal forme des collatérales

Figure 5 : Méthode alternative d’identification des collatérales des voies cérébellothalamiques vers le tronccérébral. A : Site d’injection thalamique du retro-AAV (vert). B, C et D : Expression du retro-AAV (vert) et duvirus 2 (rouge) à 3 niveaux des NCPs. E, F, G : densité de la protéine fluorescente du virus 2 à 3 niveaux dutronc cérébral.

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vers le PCRt. Cette structure projette à son tourvers les motoneurones contrôlant les membresavant10. De fait, il est probable que cette voiecérébellothalamique soit impliquée dans les fonc-tions motrices requérant ces membres, hypo-thèse testée dans les expériences suivantes.

Le NCP latéral contrôle les membres avantL’implication du NCP latéral dans les mouve-

ments des membres avant est testé avec la tech-nique d’optogénétique. L’optogénétique permetd’activer une population neuronale précédem-ment infectée avec un virus avec de la lumière.Plusparticulièrement, unvirus est injecté dans leNCP latéral, et exprimera une molécule photo-sensible. Puis, une fibre optique émettant unfaisceau lumineux est insérée aux mêmes coor-données cérébrales. Quand la fibre optique estactivée, la lumière interagit avec la moléculephotosensible et provoque une activation du neu-rone. Chez la souris, l’activation du NCP latéralentraine une rétractation du bras, ainsi qu’uneflexion des doigts (données non montrées). Enrevanche, ni la tête, ni les membres postérieursne sont activés. Ainsi, le NCP latéral contrôle laflexion des membres avant.

Implication du Mthal dans l’apprentissagemoteur impliquant les membres avant

De par ces résultats, il est postulé que le Mthalest impliqué dans les fonctions motrices requé-rant les membres avant. Cependant, sonactivation par optogénétique n’entraine aucunphénotype visible (données non montrées). Il estdonc possible que cette structure soit plutôtimpliquée dans l’apprentissage ou l’adaptationmotrice. Pour tester cette hypothèse,deux groupes de souris sont formés. Un premiergroupe (VL) est lésé par des injections intracéré-brales de NMDA dans le Mthal (Fig. 6A). Ledeuxième groupe consiste en un groupe contrôle(Sham), ayant reçudes injections intracérébralesde solution saline. Ces deux groupes sont ensuitetestés dans 3 tâches. Le rotarod d’une part, quiconsiste à marcher sur un cylindre surélevé au-dessus du vide, tournant de plus en plus rapide-ment. La latence avant de tomber estmesurée, etrenseigne sur la capacité de l’animal à apprendreà coordonnermembresantérieurs et postérieurs,ainsi qu’à adapter ses mouvements à une vitesseen constant changement. Ensuite, la tâche derécupération de nourriture (TRN), qui est consi-

dérée comme un apprentissage moteur requé-rant les membres antérieurs. Cependant, àl’inverse du rotarod, ce test ne requiert pasd’adaptation motrice. Dans ce test, les animauxsont déposés dans une boite en plexiglas, dontune des extrémités comporte un interstice, parlequel l’animal peut attraper de la nourrituresituée de l’autre côté uniquement avec cesmembres antérieurs. Est alorsmesuré le nombrede pellet que l’animal attrape par minute. Enfin,les animaux sont testés dans un open-field, quiconsiste en une boite vide de 30 cm par 30 cm,dans laquelle ils sont libres de se mouvoir. Cettetâche permet de vérifier que la locomotion géné-rale n’est pas affectée, par lamesure de la vitessemoyenne de déplacement, du nombre de dépla-cement, du tempsmoyen de déplacement et de ladistance moyenne de déplacement.

En ce qui concerne le rotarod (Fig. 6B), lesrésultats montrent que le groupe Shamaugmente progressivement sa latence avant detomber au cours des sessions d’entrainement,pour atteindre un plateau de performance à lasession 6. En revanche, le groupe VL est totale-ment incapable d’apprendre la tâche, et tombepresque immédiatement. Pour la TRN (Fig. 6C),le groupe Sham montre un taux de récupérationde 1/min, qui augmente jusqu’à 3/min en find’entrainement. Par contre, les animaux VLdébutent à un taux de 0,25/min, jusqu’à 1,5/min.Bien qu’ils soient capables d’apprendre la tâche,ces animaux ont des performances bienmoindres que le groupe contrôle. Enfin, l’open-field (Fig. 6D, E, F et G) ne démontre aucundéficit de locomotion chez les deux groupes, quisont parfaitement comparable quel que soit leparamètre étudié. Ainsi, il apparaît que le Mthalest requis lors de tâche motrice d’apprentissagenécessitant les membres avant.

Cependant, ces données ne permettent pas dedistinguer entre un déficit d’apprentissage et undéficit d’adaptabilité motrice. Pour résoudrecette question, des souris sont injectées avec unAAV codant pour le récepteur à la toxine diphté-rique (DTR) dans le Mthal. L’injection consécu-tiveen intrapéritonéalde toxinediphtérique (DT)entraine lamort des neurones exprimant leDTR,environ 5 jours après l’injection (Fig. 6H). Cesanimaux sont divisés en deux groupes, et sontsoumis au test de rotarod et de TRN. Le premiergroupe, pre-ENT, a reçu la DT avant les deux

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tests, alors que le groupe post-ENT a reçu la DTaprès l’entrainement, une fois que les animauxont atteint leur plateau de performance. Ainsi, legroupe pre-ENT est lésé du Mthal pendantl’ensemble des deux taches, alors que le groupepost-ENT est lésé duMthal après l’apprentissagedes tâches motrices. Si le Mthal est uniquementrequis pour l’apprentissage, un déficit sera seu-lement visible chez les animaux pre-ENTdans lesdeux tâches. Au contraire, si le Mthal est néces-saire pour l’adaptation du comportementmoteur, un déficit sera visible seulement dans latâche de rotarod pour les deux groupes, aprèsl’injection de DT.

Comme le montre les résultats de la figure 6Iet J, il apparaît que le Mthal est nécessaire àl’adaptation du comportement moteur, mais pasà l’apprentissage. En effet, pour le rotarod etpendant l’entrainement (Fig. 6I), les animauxpre-ENT sontmoins performant que les animauxpost-ENT, mais sont quand même capable deréaliser la tâcheàbassevitessede rotation.Aprèsl’entrainement, l’injection de DT chez le groupepost-ENT entraine une diminution progressivede la performance, jusqu’à rejoindre celle desanimaux pre-ENT. En revanche, pour la TRN(Fig. 6J), les performances des deux groupesaugmentent progressivement et sont parfaite-

ment comparable, quel que soit la période consi-dérée.

Ainsi, l’ensemble de ces données indique unrôle prépondérant du Mthal dans l’adaptabilitédu comportement moteur, plutôt que dansl’apprentissage.

ConclusionCette étude démontre l’existence de plusieurs

voies cérébellothalamiques, potentiellementimpliquéesdansdescomportementsmoteursdis-tincts de par leurs collatérales spécifiques sur lesnoyaux pré-moteur du tronc cérébral. En parti-culier, la voie entre NCP latéral et Mthalinfluence l’activité des membres antérieurs, pro-bablement par ses collatérales sur le PCRt. Defaçon consistante, l’inactivation du Mthalentraine une inadaptabilité du comportementmoteur sur des tâches nécessitant les membresantérieurs.

Bien que la dense innervation du thalamus parle cervelet soit connue, aucune étude à ce journ’avait décrit une innervation spécifique du tha-lamus par chacun des NCPs. En effet, au lieud’une innervation confondue de l’ensemble desNCPs, ceci projette sur des sous-régions au seinmêmeduMthal. Il est ànoter cependant que cetteétude considère un NCP dans son entier, mais il

Figure 6 : Rôle du Mthal dans les comportements moteurs. A : Exemple d’une lésion bilatérale au NMDA duthalamus. Les cercles noirs entourent la lésion. B : Tâche de rotarod des animaux NMDA. C : Tâche derécupération de nourriture des animaux NMDA. D, E, F et G : mesure en open-field des animaux NMDA. H :lésion thalamique causée par l’injection de toxine diphtérique (DT). Les cercles noirs entourent la lésion. I.Tâche de rotarod chez les animaux DT. J. Tâche de récupération de nourriture chez les animaux DT. Pour Iet J, la barre pointillée noire représente l’injection de DT chez les animaux post-ENT, et sépare la phased’entrainement de la phase plateau.

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reste probable qu’unNCPparticulier possèdedessous régions pouvant elle-même projeter sur dessecteurs particuliers du thalamus, et du tronccérébral. Ces multiples voies cérébellothala-miques, associé au fait que chacun des NCPsprojettent sur une régionmotrice particulière dutronc cérébral3, suggèrent un rôle moteur spéci-fique à une partie du corps. Le fait qu’un neuronedu NCP projette à la fois sur le tronc cérébral etle Mthal amène às’interroger sur lanature de l’informa-tion envoyée. Unehypothèse probableest qu’une comman-de motrice est envo-yée au noyau mo-teur du tronc céré-bral par leNCPpourajuster un comportement moteur, et que la voievers le Mthal convoie une copie de cette com-mande motrice permettant de modifier un com-portement moteur précédemment appris.

Les expériences d’optogénétique vont dans cesens, puisque l’activation du NCP entraine uneflexion des membres avant, au contraire du tha-lamus dont l’activation n’a aucun effet visible.Ensuite, les résultats obtenus dans le rotarod etle TRN après la lésion duMthal corroborent ceuxobtenus précédemment chez le rat et le chat6,7, etsuggère un rôle dans l’apprentissage moteur.Plus particulièrement, le Mthal semble spécifi-quement requis lors de l’adaptabilité du compor-tement moteur, comme cela a été suggéré dansdes études précédentes 8,9. Au regard de la pré-sente étude cependant, des expériences supplé-mentaires doivent être menées pour confirmercette hypothèse. En effet, le rotarod utilisé icireste une méthode indirecte pour indiquer undéficit d’adaptabilité motrice des membres anté-rieurs, puisqu’il impliqueégalement lesmembrespostérieurs, ainsi qu’un apprentissage. Cetteexpérience doit être complétée par une tâcherequérant uniquement l’adaptabilité desmembres antérieurs, par exemple en ajoutant unobstacle pour atteindre la nourriture suite àl’apprentissage initial du TRN. Enfin, ces résul-tats ne suffisent pas à indiquer le rôle spécifiquede la voie NCP latéral - Mthal sur l’adaptabilitédes membres avant. Il reste ainsi nécessaire del’inactiver spécifiquement lors des différentestâches motrices.

En conclusion, bien que préliminaires, cesrésultats suggèrent un rôle majeur et inédit duthalamus moteur dans l’adaptabilité du compor-tement moteur, et ceci via l’influence des NCPs.

RemerciementsJe tiens à remercier la Fondation Fyssen pour

m’avoir permis de mener à bien cette étude. Jetiens également à remercier Silvia Arber et

l’ensemble de sonéquipe pour leuraide et leur sou-tien durant cetteannée de recher-che. Enfin, je re-mercie le Frie-drich MiescherInstitute ainsique le Biozen-

trum pour tout le support matériel qu’ils m’ontapporté.

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“Ces multiples voies cérébellothala-miques, associé au fait que chacun desNCPs projettent sur une région motriceparticulière du tronc cérébral, sug-gèrent un rôle moteur spécifique à unepartie du corps.”

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Introduction

Theability to adapt a previously learnedmotor behavior to the perturbations ofthe environment is essential for everyanimals. For example, this processenable us to adapt our driving to a

new car, or to compensate for the breaking ofpublic transports. However, the cerebral regionsinvolved in this function, and the way they inte-ract together, are still poorly understood.

Among these regions is a group of nuclei lyingat the basis of the cerebellum, named the deepcerebellar nuclei1,2 (DCNs,Fig. 1A andC). Theyare composed of the lateral nucleus, the interpo-situs nucleus, and themedial nucleus. The DCNsinfluence the motor programs through theirintense projections on the brainstem motorregions3. Indeed, the DCNs neurons increasetheir activities when an unexpected perturbationis added to a learned movement4, such as thesudden application of a weigh on the head of a

Figure 1: A: longitudinal view of the mouse brain, showing the thalamus (green) andhis motor subregion (orange). The DCNs are in blue. B: Sagittal view of the thalamus.C: Sagittal view of the DCNs.

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subject moving it voluntary. This neural activitystops once the subject has learned to adapt to thisnewperturbation, suggestingaspecific roleof theDCNs in the motor adaptation.

On the other side of the fence is the motorthalamus (Mthal)5, which is a region of the tha-lamus regrouping the ventrolateral and ventro-medial nuclei (Fig. 1A and B). Lesions of theseregions led to specific deficits in motor tasks.Indeed, ratswithMthal lesionsareunable towalkon an accelerating and rotating cylinder (rota-rod)6. Also, cats with the same lesions exhibitdeficits to catch a moving target7. As such, thisbrain structure seems to be involved in motor

learning, but his specific role remains to be iden-tified.

Interestingly, the DCNs and the Mthal arestrongly connected through the cerebellothala-mic pathway, suggesting a similar functionalrole. Interestingly, the thalamic terminals ofthis pathway are subject to cellular plasticityafter rats performed a task ofmotor adaptation8.Moreover, the activation of this pathway inhuman patients improves motor adaptation9.Altogether, these studies suggest an involve-ment of the cerebellothalamic pathway in motorlearning, and more specifically in motor adap-tation.

Figure 2: Pictures of the projection of the medial DCN (panel 1), of the lateral DCN (panel II), and of theinterpositus DCN (panel III) to the motor thalamus (A) and the brainstem (C). Colored areas on the schemas(B and D) represent the synaptic density of the corresponding pictures. Each area inside another indicatedenser synapses. Graphics above and on the left of each schemas represent the synaptic density on x (above)and y (left) axis of the corresponding schematic. Panel IV: Schematic of the thalamic subregions innervatedby themedial DCN (red), the lateral DCN (green), and the interpositus DCN (red) along the rostro-caudal axis.

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To demonstrate this hypothesis, the first partof this project has focused on the anatomicalorganization between the DCNs and theMthal inthe mouse. The DCNs projections to the brains-tem have also been analyzed, because the func-tional role of the different cerebellothalamicpathways can be hypothesized on the basis ofthese observations. In the last part, thesehypothesis havebeen tested in two tasks ofmotorlearning and adaptation, the rotarod and thesingle pellet reaching task.

Multiple cerebellothalamic pathwaysAdeno-associated viruses (AAV) have been

injected in theDCNstoobserve theirprojections tothe Mthal and the brainstem. In the infected neu-ron, the AAV will express a fluorescent proteinspecifically at the terminals of the cell. With thistechnic, it is therefore possible to know exactlywhereendtheprojectionsof theDNCs.EachDCNsproject to the opposite brain hemisphere (contra-laterally) and in a specific subregion of the Mthal.In details, the lateral DCN innervates a centralregion in theMthal (MthalC, fig. 2 panel IA andB).The interpositusDCNprojects toa lateral regionoftheMthal (MthalL,Fig.2panel IIAandB), andthemedial DCN send inputs to a ventral region of theMthal (MthalV, Fig. 2 panel IIIA and B). Projec-tions to the brainstem are also specific to particu-lar regions: The lateral DCN sends terminals pre-ferentially in the ispsilateral paragigantocellularreticular nucleus (PCRt, Fig. 2 panel IC and D).The interpositus DCN innervates the ventral partof the contralateral gigantocellular nucleus(Fig.2 panel IIC and D), whereas the medial DCNprojects to the dorsal part of this same nucleus

(Fig. 2 panel IIIC and D). In conclusion, 3 subre-gions inside the Mthal have been identified toreceive specific inputs from each DCNs(Fig.2 panel IV).

To confirm these findings, retrograde AAVs(retro-AAV) have been injected in the Mthalsubregions. These viruses are captured by theneuronal terminals in the injected region, andtravel retrogradely until the cell body,where theywill express a fluorescent protein.With this tech-nic, it is then possible to know the location of theneurons innervating the injected area. However,restrain the injections to specific thalamic subre-gions isdifficult toachieve, thereforeacorrelativeapproach has been employed to overcome thisissue. In details, the percentage of volume of athalamic subregion infected by the virus is calcu-lated. Thismeasure is then correlated to thenum-ber of neurons labelled in eachDCNs. That is, themoreaDCNprojects toathalamicsubregions, theclosest to 1 will be the correlative coefficient r2.

The results indicate that the more the MthalVis infected, the more neurons are labelled in themedial DCN (r2=0,89, Fig. 3A). Regarding theMthalC, themore this region is infected, themorethere are neurons labelled in the lateral DCN(r2=0,98, Fig. 3B). Finally, a large infection ofthe MthalL goes with an important number ofneurons labelled in the interpositus DCN(r2=0,97, Fig. 3C). On the other hand, the corre-lative coefficient is weak when comparing thepercentage of MthalV infected with the numberof neurons in the interpositus (r2=0.15) and thelateralDCN(r2=0.13). The same is true regardingthe percentage of MthalC volume infected incomparison with the number of labelled neurons

Figure 3: A. Correlation between the numbers of labelled neurons in the medial DCN and the % of MthalVvolume infected. B. Correlation between the numbers of labelled neurons in the lateral DCN and the % ofMthalC volume infected. C. Correlation between the numbers of labelled neurons in the interpositusDCNandthe % of MthalL volume infected. Each dot represents the total number of labelled neurons in one mouse.

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in the interpositus (r2=0.51) and medial DCN(r2=0.02), and for the percentage of MthalLinfected comparedwith thenumberofneurons inthe medial (r2=0.10) and lateral DCN (r2=0.61).

Altogether, these results indicate that themotor thalamus is composed of subregions diffe-rentially innervated by each DCN.

Collaterals of cerebellothalamic pathwaysThe previous experiments have shown that

DCNs project to the brainstem, but it is unclear ifthese projections are specific or are collaterals of

the cerebellothalamic pathways. This informa-tion is important because it will enable to postu-late hypothesis about the functional role of thecerebellothalamic pathways. Indeed, the motorfunction of the brainstem nuclei are partlyknown10,11, implicating that a cerebellothalamicpathway possessing collaterals on these regionscould share a common function.

To that end, two retro-AAVs expressing two dif-ferent fluorescent proteins (red or green) areinjected in thePCRt (green,Fig.4A) and theMthal(red,Fig. 4B). Neurons in theDCNswere found to

Figure4: Collaterals of cerebellothalamic neurons in thePCRt. Injection site in thePCRt (A) and in theMthal(B). D,E and F: Images at the same coordinates depicting neurons projecting to the PCRt (D), to theMthal (E)and both images together (F). Pictures G, H and I correspond to a magnified view of the white square in thecorresponding D, E and F images. Arrows indicate neurons expressing both labels. K: Graphics depicting thetotal number of neurons in every DCNs, all along the rostro-caudal axis.

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express both labels, confirming that a single DCNneuroncanproject toboththeMthalandthebrains-tem (Fig. 4D, E, F, G, H, et I). Moreover, themajorityof theseneuronsaresituated in the lateralDCN, in line with the previous findings (Fig. 4J).

To confirm these results, a different viralstrategy has been used. First, a retro-AAV hasbeen injected in the Mthal (Fig. 5A). In a secondtime, a second virus (virus 2) has been injected inthe lateral DCN (Fig. 5B, C and D). The virus 2

Figure 5: Alternative method of brainstem collaterals identification of the cerebellothalamic pathways. A:Thalamic injection site of the retro-AAV (green). B, C and D: Expression of the retro-AAV(green) and of thevirus 2 (red) in the DCNs at 3 brain coordinates. E, F and G: Density of the virus 2 fluorescent proteins(expressed in DCNs terminals) in the brainstem at 3 brain coordinates.

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can only expressed his genome in the neuron ifthe retro-AAV is in the same cell. In that case, thevirus 2 will expressed a fluorescent protein spe-cifically at the terminals of the infected neuron.That is, only the DCN projections to the brains-tem, projecting also to the Mthal region injected,will be visible. This experiment shows that thelateral DCN neurons projecting to the contrala-teral Mthal send as well collaterals to the ipsila-teral PCRt, and to the contralateral gigantocel-lular nucleus (Fig 5E, F and G).

In conclusion, these anatomical data show thatthe cerebellothalamic pathway between the late-ral DCN and the Mthal sends also collaterals tothe PCRt. This structure innervates in return themotoneuronal pools controlling the forelimbs.Assuch, it is possible that this cerebellothalamicpathway is involved in motor function requiringthe forelimb. This hypothesis is challenged in thefollowing experiments.

The lateral DCN controls the forelimbsThe involvement of the lateral DCN on the

forelimbs movements is tested with optogenetic.This technic allows to activate a neuronal popu-lation, previously infected with a virus, withlight. In details, a virus is injected in the lateralDCN, and will express in the neuron a photosen-sitive molecule. Then, an optical fiber deliveringlight is inserted at the same brain coordinates.When the optical fiber is switch on, the lightinteracts with the photosensitive molecule,which activates the neuron in return. In thisexperiment, the activation of the lateral DCNinduces a retraction of the arm, and a flexion ofthe fingers (data not shown). However, neitherthe head nor the hindlimbs are moving, indica-ting that the lateral DCN is specifically control-ling the flexion of the forelimbs.

Role of the Mthal in motor learningrequiring forelimbs

First of all, the Mthal activation with optoge-netic doesn’t induce any visiblemovements (datanot shown). However, it is possible that thisregion is preferentially involved in motor lear-ning or adaptation. To test this hypothesis, twogroups of mice are created. The first group (VL)received excitotoxic lesions of the Mthal(Fig. 6A). The second group consisted in a

control group, with harmless saline injections inthe Mthal. These two groups were then challen-ged in 3 motor tasks. The first of them was therotarod, which consisted in walking on a raisedcylinder, with an accelerating rotation over5 minutes. The latency before to fall wasrecorded, and represented the animal’s ability tocoordinate the forelimbs and the hindlimbs, butalso his capacity to adapt his movements to achanging speed. The second task was the singlepellet reaching task, a motor learning task requi-ring the forelimbs. In this test, the animals wereplaced in a Plexiglas box containing an intersticeon one of the wall, through which the mice couldcatch with the forelimbs a food pellet placed onthe other side. The number of food pellet caughtper minute represents an indicator of perfor-mance.The last taskwasanopen-field, consistingin anempty squareboxof 30 cmside, inwhich theanimal could move freely. This technic was usedto verify the general locomotion, by measuringthe average moving speed, the number of loco-motor bouts, the average time of the locomotorbouts and the average distance of the locomotorbouts.

Regarding the rotarod (Fig. 6B), Sham groupincreased the latency before to fall over the trai-ning sessions, to reach a plateau at session 6. Onthe other hand, the VL group was unable to learnthe task, and felt almost immediately. In thesingle pellet reaching task (Fig.6C), Shamgroupdisplayed a number of pellet caught/min equalsto 1/min at the beginning of the task, increasingto 3/min at the end of the training sessions. VLgroup started with a rate of 0,25/min, increasingto 1,5/min at the end of the training. Even if theVL group was able to learn the task, the animal’sperformances were lower than the Sham group.Finally, the open-field test (Fig. 6D, E, F and G)didn’t reveal any deficit in both groups, withsimilar performances in all measured parame-ters. Altogether, these behavioral results suggestthat the Mthal is involved in forelimb motorlearning tasks.

However, these data were not sufficient toconclude about a motor learning deficit or amotor adaptation deficit. To answer this ques-tion, mice have been injected in the Mthal with avirus coding for the diphtheria toxin receptor(DTR). A consecutive intraperitoneal injection of

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diphtheria toxins (DT) will lead to the death ofthe neurons expressing the DTR, about 5 daysafter the injection (Fig. 6H). These mice havebeen divided in two groups, and challenged in therotarod and the single pellet reaching tasks. Thefirst group, pre-TR, has received the DT injectionbefore the two tests, whereas the second grouppost-TR has received the DT after the training,once every animals have reached a performanceplateau. If the Mthal is required for the training,a deficit will only be visible in the pre-TR animalsin both tasks. On the other hand, if the Mthal isonly necessary for the adaptation of the motorprogram, a deficit will be visible only in therotarod, for the pre-TR but also for the post-TR,after the injection of the DT.

As displayed on figure 6I and J, the Mthal isrequired for the adaptation of the motor beha-vior, but not for the learning. Indeed, during therotarod training (Fig. 6I), pre-TR animals haveshown lower performances than the post-TR ani-mals, but were able to realize the tasks on lowrotating speed. After the training, the DT injec-tion in the post-TR group has led to a decrease ofperformance along the sessions, until reachingthe performance of the pre-TR group. However,in the single pellet reaching task (Fig. 6J), theperformance of both groups has increased pro-

gressively over the training sessions, and wascomparable in both periods.

In conclusion, these behavioral data indicate apreferential role of theMthal in the adaptation ofthe motor behavior, but not in the motor lear-ning.

ConclusionSeveral cerebellothalamic pathways have been

uncovered in this study, possibly involved indifferent motor behaviors because of their colla-terals on specific brainstem motor regions.Indeed, thepathwaybetween the lateralDCNandthe Mthal influences the forelimb movements,probably through the collaterals to the PCRt. Inline with these findings, the inactivation of theMthal have led to an inadaptability of the motorbehavior requiring the forelimbs.

Although the cerebellar projections to the tha-lamus are known, no study to this day has des-cribed a specific innervation of the thalamusfrom each of the DCNs. Indeed, instead of anoverlapping innervation from the DCNs, theyproject in a specificmanner on subregions insidetheMthal.Moreover, it is also possible thatDCNsare themselves composed of subregions, projec-tingonspecificnucleusof the thalamusandof thebrainstem, increasing the complexity of this

Figure 6: Role of the Mthal in motor behaviors. A: Thalamic bilateral NMDA lesion. Black circles surroundthe lesion. B: Results of the rotarod task in NMDA lesioned animals. C: Results of the single pellet reachingtask in NMDA lesioned animals. D,E,F and G: Open-field results of the NMDA lesioned animals. H: Thalamiclesion following diphtheria toxin injection. Black circles surround the lesion. I: Results of the rotarod task inDT animals. J: Results of the single pellet reaching task in DT animals. In I and J, dot points represent thetime of DT injection in the post-TR group, and dissociate the training phase from the plateau phase.

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network. These multiple cerebellothalamicpathways, togetherwith the specific projection ofthe DCNs on the brainstem motor regions3, sug-gest a specific involvement of each of them in themotor function of a specific body segment. Howe-ver, the nature ofthe informationsent through theDCN collaterals tothe thalamus andthe brainstem re-mains to be deter-mined. A hypothe-sis would be that amotor command issend from the DCNs to the brainstem motorregions to adjust an ongoing motor behavior. Inthe same time, a copy of this command would beconveyed to the thalamus, in order to modify thepreviously learn motor behavior.

The optogenetic experiments are in line withthe previous assessment, because the lateralDCN activation triggers a forelimb flexion, whe-reas the thalamic activation has no visible effect.Moreover, the results obtained in the rotarodandthe single pellet reaching tasks following thelesion of theMthal are similar to those describedin the rat and the cat6,7, and suggest a role inmotor learning. More specifically, the Mthalseems preferentially involved in motor adapta-tion, as it has been suggested in previous stu-dies8,9. Regarding this study however, more

experiments are required to confirm this role.Indeed, the rotarod is not only requiring theadaptation of the forelimb, but also of the hin-dlimb, and measured also the learning. As such,a supplementary task requiring only the adapta-

tionof the forelimbis mandatory, byexample by addingan obstacle afterthe learning of thesingle pellet rea-ching task. Finally,a specific inactiva-tion of the lateralDCN to Mthal

pathway during the motor tasks is required todraw a final conclusion about the motor role ofthis circuit.

In conclusion, these preliminary results sug-gest a major role of the motor thalamus in motoradaptation, through the projections from theDCNs.

Acknowledgements

I want to thank the Fondation Fyssen forhaving given me this great opportunity to per-form this study. I thank Silvia Arber and all herteamfor theirhelpand their supportall along thisyear of research. Finally, I thank the FriedrichMiescher Institute and the Biozentrum for theirmaterial and administrative support.

“These multiple cerebellothalamicpathways, together with the specificprojection of the DCNs on the brainstemmotor regions, suggest a specific invol-vement of each of them in the motorfunction of a specific body segment.”

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Le facteur COUP-TFI/Nr2f1 module la productionde neurones et d’astrocytes pendant la neurogenèse adulte

chez la sourisSara BONZANO

Position actuelle : Chercheuse au sein de l’Institut de Neurosciences Cavalieri Ottolenghi (NICO),UniversitédeTurin,Orbassano (TO), Italie (àpartir du01/01/2018).Positionprécédente :Postdoctoranteau sein de l’Institut de Biologie Valrose (iBV), Université Côte d’Azur (UCA), Inserm, Nice, France (du01/03/2016 au 31/12/2017).

RésuméLa production de nouveaux neurones et astrocytes persiste tout au long de la vie dans une région

restreinte du cerveau, appelée la niche neurogénique de l’hippocampe. Les neurones et les astrocytessont produits par des cellules souches neurales (CSN) dont la prolifération et le devenir sont influencéspar des facteurs environnementaux, tel que la neuroinflammation qui entraîne une diminution deneurones et une augmentation des astrocytes. Dans ces conditions, nous avons trouvé que l’expressiondu facteur transcriptionnel COUP-TFI est fortement diminuée, ce qui lui suggère un rôle de régulateurentreproductiondeneuronesetd’astrocytes.Enutilisantdesmanipulationsgénétiques in vivo coupléesavec lesuividescellules inactivées,nousavonsconfirméquel’absencedeCOUP-TFIdans lesCSNadultesréduit la neurogenèse et augmente la production d’astrocytes. Par contre, une surexpression deCOUP-TFI lorsd’uneneuroinflammationdiminue laproductiond’astrocytes et favorise laneurogenèse,récupérant ainsi l’effet pathologique de l’inflammation. Ces données ont permis d’identifier unnouveaufacteur qui pousse les CSN vers un destin neuronal en réprimant un programme gliogénique.

Mots-clésNeurogenèse adulte, hippocampe, neuroinflammation, COUP-TFI/Nr2f1, cellules souches neu-

rales adultes, astrogliogenèse

The factor COUP-TFI/Nr2f1 modulates the productionof neurons and astrocytes during adult neurogenesis

in the mouseAbstract

In the dentate gyrus (DG) of the hippocampus, in which production of new neurons persists throu-ghout life, generation of new astrocytes occurs in parallel to neurogenesis. Adult-born neurons andastrocytes are produced by neural stem cells (NSCs) whose proliferation and fate are tightly regulatedwithintheneurogenicnicheandinfluencedbyenvironmental factors, suchasneuroinflammation,whichleads to decreased neurogenesis and increased astrogliogenesis. We found that after acute neuroin-flammation, expression of the transcriptional regulator COUP-TFI is strongly downregulated, sugges-ting a role for this factor in the balance between astrogliogenesis and neurogenesis in the adult DG. Byusing in vivo genetic loss-of-function approaches and fate mapping, we confirmed that conditionalinactivation of COUP-TFI in adult NSCs reduces neurogenesis and increases astrocyte production. Onthe contrary, gain-of-functionofCOUP-TFIuponneuroinflammationdecreases astrocyte produtionandpromotes neurogenesis, rescuing in this way the pathological effect of inflammation. These findingsidentify a novel transcriptional regulator that cell-intrinsically drives NSCs towards a neurogenicself-renewal fate by repressing a gliogenic lineage and thus favoring the neurogenic one.

KeywordsAdult neurogenesis; hippocampus; neuroinflammation; COUP-TFI/Nr2f1; adult neural stem cells;

astrogliogenesis

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Introduction

Une fois considérées limitées auxpériodes embryonnaires et périna-tales, les cellules souches neurales(CSN) persistent dans deux régionsdistinctes du cerveau de mammifère

adulte : la zone sous-ventriculaire (ZSV) recou-vrant les ventricules latéraux et la zone sous-gré-gaire (ZSG) du gyrus denté hippocampique(GD) (1).ÀpartirduZSG, les cellulesnouveau-néessedifférencientenneuronesdeprojectionglutama-tergiques (les cellules granulaires) qui s’intègrentfonctionnellement dans des circuits hippocam-piques préexistants et jouent un rôle importantdans l’apprentissage et la mémoire (1). Au sein duGDadulte, les cellules souchesneurales (CSN)sontprincipalement quiescentes, présentent une mor-phologieradiale typiqueetsontappeléescellulesdetype 1 ou cellules souches radiales. Lors de l’acti-vation, une cellule CSN peut se diviser symétri-quement pour produire deux cellules CSN, ou asy-métriquement pour s’autorenouveler et générerune descendance différenciée (2). Pendant la divi-sion asymétrique neurogénique, les cellules CSNdonnent naissance à des progéniteurs intermé-diaires (type 2), qui génèrent des neuroblastes etfinissent par quitter le cycle cellulaire pour se dif-férencier en neurones matures (1, 2). La neuroge-nèse adulte du GD est un processus dépendant del’activité et son taux est modulé par plusieurs fac-teurs, notamment le stress, l’enrichissement envi-ronnemental et l’activité physique volontaire (1).Parallèlement à la neurogenèse, de nouveauxastrocytes sont produits dans le GD par divisionasymétrique ou par différenciation directe des cel-lules CSN en astrocytes, ce qui réduit le pool decellules CSN (3, 4). Les conditions pathologiques,telles que la neuroinflammation, modifient le rap-port entre la production de neurones et d’astro-cytes en faveur des astrocytes (5, 6). Cela soulignel’importance d’un contrôle strict entre productionde neurones et d’astrocytes, ce qui est très proba-blement lié à une régulation moléculaire fine dudestin des cellules CSN. Cependant, la nature d’unprogramme transcriptionnel sous-jacent à cettefonction est encore inconnue.

Dans cette étude, nous avons constaté quel’induction de la neuroinflammation modifiel’expression de COUP-TFI dans les CSN adultes.Ceci est associé à une augmentation de la produc-tion d’astrocytes et à une diminution de la neuro-genèse.COUP-TFI (également connu sous le nomde Nr2f1) est un régulateur transcriptionnel

important pendant le développement du systèmenerveux dont les fonctions vont du contrôle pro-lifératif des cellules souches embryonnaires (7) àla régulation de la migration neuronale dans lenéocortex et l’hippocampe en développement(8-10). L’inactivation corticale de COUP-TFI aucours des stades précoces se traduit par des défi-ciencesmotrices et spatiales (11, 12), et l’haploin-suffisancedeCOUP-TFI/NR2F1chez lespatientsentraîne un retard global du développement etune déficience intellectuelle (13, 14). L’expres-siondeCOUP-TFIpersistedans lecerveauadulte,mais sa fonction à l’âge adulte reste largementinconnue. À ce propos, nous avons directementévalué la fonction de COUP-TFI dans les CSNet les progéniteurs neurogéniques adultes parune approche génétique de souris inductibles.Nous avons pu constater que la perte de COUP-TFI entraîne une diminution de la neurogenèsehippocampique associée à une augmentationsignificative de l’astrogliogenèse, probablementdue à un changement de destin cellulaire auprèsdes cellules souches hippocampiques adultes.

RésultatsRéduction de l’expression de COUP-TFI àla suite d’une neuroinflammation aiguëPour comprendre la fonction de COUP-TFI

pendant la neurogenèse adulte, nous avons suivison expression à partir des CSN jusqu’aux neu-rones matures du GD adulte (Fig. 1).

Un grand nombre de cellules positives (+) pourCOUP-TFI se trouve dans la couche des cellulesgranulaires et dans laZSG tout au longde l’exten-sion antéro-postérieure du GD. En combinantune série demarqueurs spécifiques à une analysemorphologique (15), nous avons pu constater quetoute la lignée neurogénique (des CSN activésjusqu’aux neurones matures) exprimait COUP-TFI (Fig. 1A, B).

Nous avons voulu en suite vérifier si un étatinflammatoire induit au niveau duGD, qui norma-lement augmente la production d’astrocytes auxdépens de nouveaux neurones (16, 17), pourraitaltérer l’expression de COUP-TFI. Dans ce but, lelipopolysaccharide (LPS) dérivé de E. coli a étéadministré aux souris adultes induisant ainsi unecascade cellulaire/moléculaire capable d’initierune réponse inflammatoire. Un jour après le trai-tement, l’expression de le marqueur neuronalimmature DCX était diminué, tandis que l’expres-sion de GFAP, un marqueur de la population desastrocytes, étaient bien augmentées dans les

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Figure 1 : COUP-TFI est exprimé pendant la neurogenèse adulte dans le gyrus denté (GD) de l’hippocampe etsonexpressiondiminuedans lescellulessouchesneurales (CSN)adultesaprèsneuroinflammation. (A) Imagesen microscopie confocale montrant le marquage de la protéine COUP-TFI (rouge) dans les différentespopulations cellulairesde la lignéeneurogènede l’hippocampechez la souris adulteâgéede2mois.Les cellulesmarquées doubles et triples sont présentées à des grossissements plus élevés. (B) Pourcentage de noyauxCOUP-TFI+ parmi la sous-population de cellules exprimant le ou les marqueurs répertoriés en abscisse.(C) Plan expérimental utilisé pour atteindre la neuroinflammation in vivo : les souris de type sauvage (wt)adultes ont été injectées avec une solution de lipopolysaccharide (LPS) dérivée d’E. coli. (D) RT-PCR quanti-tative montrant que la neuroinflammation diminue les transcrits de gènes neuronales, tels que la double-cortine (DCX) et COUP-TFI, et augmente l’expression du marqueur astrocytaire GFAP (n = 5 souris/traitement). (E) Plan expérimental utilisé pour atteindre une neuroinflammation in vivo. (F) Densité deneurones immaturesDCX+(àgauche)etd’astrocytesmaturesGFAP+(àdroite)dans lesGDdessouris traitéesauLPSpar rapport aux témoins injectés avecune solution saline. (G) Images enmicroscopie confocale deSCNde type radiale exprimant GFAP, soit positives (+), soit négatives (neg) pour COUP-TFI dans le GD des deuxgroupes expérimentaux. Les flèches indiquent un processus cellulaire radial. (H) Pourcentage de noyauxCOUP-TFI+ parmi les cellules GFAP+ chez les souris traitées à la solution saline et au LPS (n = 3 souris/traitement). Barres d’échelle : A, G, encarts, 10mm ; Test t de Student * pS0,05, ** pS0,01, *** pS0,001.

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hippocampes enflammés (Fig. 1C, D). Notam-ment, nous avons aussi constaté une diminutionde l’expressiondeCOUP-TFI (Fig.1D), suggérantun possible lien direct de ce régulateur transcrip-tionnel à l’inflammation de l’hippocampe adulte.Après 4 jours consécutifs de traitement avec leLPS, le rapport entre neurones et astrocytes avaitencore été modifié (Fig. 1E), avec une réductionnette de neurones DCX+ et une expansion d’astro-cytes GFAP + par rapport aux souris témoins trai-tées avec une solution saline (Fig. 1F). En outre,nous avons également observé une diminutiond’une sous-population de cellules souches radialesGFAP+ exprimantCOUP-TFI dans lesGD traitéesau LPS (Fig. 1G, H). Dans l’ensemble, nos don-

néesmontrent qu’une inflammation de type aiguëaugmente l’astrogliogenèseetdiminue laneuroge-nèse en parallèle avec une diminution de l’expres-sion de COUP-TFI. Ceci nous suggère un lienfonctionnel entre COUP-TFI et le maintien del’équilibre neurogenèse versus astrogliogenèse ausein du GD adulte.

Invalidation génique de COUP-TFI dansles CSNs/progéniteurs adultes de l’hippo-campePour vérifier la fonction de COUP-TFI dans la

niche hippocampique adulte, le gène a été sup-primédans lesCSNendivision et les précurseursneuronauxgrâceàune lignéede souris inductible

Figure 2 : Invalidation de COUP-TFI dans les NSC et progéniteurs neuronaux actifs au sein du GD adulte. (A) Illustrationschématique montrant la délétion de COUP-TFI (cercles croisés rouges) dans les cellules exprimant Ascl1 (vert) et leursdescendances (jaune)dans lesGDdessourisCOUP-TFI-icKOAscl1.Lescellulesgrisesreprésentent lescellulesenvironnantesde type sauvage. (B, C) Stratégie génétique pour induire l’invalidation de COUP-TFI dans la lignée Ascl1+. (D, E) Image enmicroscopie confocale montrant comment l’administration de tamoxifène (TAM) déclenche la recombinaison de CSNradiaires et de précurseurs neuronaux précoces au sein de duGDadulte. (F) Conception expérimentale : TAMest administréquotidiennement dans les souris témoins (CtrlAscl1) etCOUP-TFI-icKOAscl1 pendant 5 jours consécutifs. Les cerveaux sontcollectés 10 jours après le premier traitement. (G) Images représentatives en microscopie confocale du GDmarqué en vertpour le YFP et en rouge pour le COUP-TFI (H) Histogramme montrant le pourcentage de cellules COUP-TFI + parmi lescellules YFP + dans les deux groupes expérimentaux. Barres d’échelle : E, G, 50mm. Test t de Student *** p S0,001.

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Ascl1-CreERT2 (18) sensible au tamoxifène(TAM). Nous avons croisé ces souris avec lessouris floxées pour COUP-TFI (COUP-TFIfl/fl)(19) et avec la lignée rapporteuse Rosa26-YFP(20). Ladescendance résultante, nomméeCOUP-TFI-icKOAscl1, permet de suivre le devenir descellules YFP+ ayant subi une perte de fonction deCOUP-TFI (Fig. 2A, B).

Pour les témoins, nous avons utilisé les sourisAscl1-CreERT2 portant le gène rapporteurRosa26-YFP dans un fond génétique de type sau-vage (CtrlAscl1) (Fig. 2C). Plusieurs sourisadultes COUP-TF-icKOAscl1 et CtrlAscl1 ontreçu leTAMpendant5 jours consécutifs et ont étéanalysées 10 jours après (Fig. 2D, F) permettantainsi d’obtenir une mosaïque de cellules YFP+dans un microenvironnement de type sauvage(Fig. 2E). La plupart des cellules YFP+ sontégalement des cellules exprimant COUP-TFIchez les souris CtrlAscl1, tandis que le pourcen-tage des cellules double-positives pourCOUP-TFIet YFP est diminué drastiquement àmoins de 5%dans les GD des mutants COUP-TFI-icKOAscl1

(Fig. 2G, H). Nous avons aussi pu constater quela viabilité cellulaire n’avait pas été altérée parl’absence de COUP-TFI, car la densité totale descellules YFP+ est inchangée (Fig. 2I). Nous

avons donc obtenu une souris génétiquementmodifiée dans laquelle le gène COUP-TFI estinactivé que dans les CSN et les progéniteurs duGD de l’hippocampe adulte.

Diminution de neurones et surproductiond’astrocytes à partir de CSNs/progéni-teurs dépourvues de COUP-TFINous avons ensuite analysé la population

totale de cellules YFP+ exprimant le marqueurneuronal immature DCX dans les deux groupesexpérimentaux (Fig. 3).

Nous avons observé une réduction substan-tielle des neurones DCX+ nouvellement générés,à la fois en terme de densité cellulaire de cellulesdouble positives pourDCXetYFP (diminutionde36% ; Fig. 3A, B) ou de pourcentage de cellulesDCX+ parmi la population YFP+ (diminution de43% ; Fig. 3A, C). Cette neurogenèse réduiteprovoquée par l’absence de COUP-TFI démontreque la présence du gène est importante pourinduire une production de neurones à partir desCSN et/ou progéniteurs.

Parallèlement à la neurogenèse, de nouveauxastrocytes sont normalement générés à partir decellules souches dans le GD adulte (24). Nousavons donc émis l’hypothèse que la réduction de

Figure3 : L’invalidationdeCOUP-TFIdans la lignéeAscl1+duGDadultediminue laneurogenèse. (A) Imagesen microscopie confocale du GD adulte positif pour DCX (rouge) et YFP (vert) chez les souris CtrlAscl1 etCOUP-TFI-icKOAscl1. Les flèches vides indiquent les corps cellulaires ; les flèches pleines indiquent lesprocessus cellulaires. (B, C) Histogrammes montrant la densité de neurones immatures DCX+YFP + (B) etla fraction parmi les cellules YFP+ (C) chez les deux groupes expérimentaux. Barre d’échelle : A, 50mm. Testt de Student * p S0,05, *** p S0,001.

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nouveaux neurones chez les souris mutantespour COUP-TFI pourrait entraîner une augmen-tation de l’astrogliogenèse dans le GD (Fig. 4).

En effet, nous avons observé que les souristémoins nemontrent que de rares astrocytesmatures exprimant GFAP, Sox2 et YFP(Fig. 4A, B), représentant moins de 3% de lapopulation cellulaire YFP+ totale (Fig. 4C). Parcontre, l’absence de COUP-TFI multiplie d’unfacteur 6 la densité des cellules astrogliales(Fig. 4B) avec une expansion prononcée de lafraction de la population d’astrocytes triple+parmi toutes les cellules YFP+ (Fig. 4C). Uneévaluation morphologique approfondie révèleégalement que la plupart des astrocytes YFP+dérivés de la lignée Ascl1 ont une morphologiepolarisée, leur soma étant largement localisédans la couche cellulaire granuleuse profonde, etavec multiples branches rappelant une morpho-logie d’astrocytes matures (Fig. 4A-gauche,milieu).Nous avons également observé des astro-cytesYFP+dans la couchede cellules granulairesles plus superficielles (Fig. 4A-droite) (22) expri-mant lemarqueur S100B caractéristique d’astro-cytes matures (Fig. 4D). Ainsi, l’absence deCOUP-TFI induit une astrogliogenèse à partir deCSN et de progéniteurs aux dépens de neurones.

Une surexpression de COUP-TFI dans lemodèle de neuroinflammation aiguë récu-père la neurogénèse en diminuant l’astro-gliogènèseA la lumière de nos données précédentes mon-

trant une expression diminuée de COUP-TFIdans les CSN suite à un évènement d’inflamma-tion aiguë induit par LPS (Fig. 1), nous noussommes demandés si forcer l’expression deCOUP-TFI dans de telles conditions permettraitd’empêcher l’astrogliogénèse et de récupérer laneurogénèse (Fig. 5).

Nous avons donc utilisé une autre souris trans-génique qui nécessite une Cre-recombinase pourque COUP-TFI et le rapporteur YFP soient expri-més à des hauts niveaux (lox-stop-lox-hCOUP-TFI ; 23). Après l’injection d’un virus exprimantla Cre dans le GD de ces souris transgéniques etle traitement deLPSpendant 4 jours consécutifs,nous avons évalué dans le GD le nombre denouveaux neurones et d’astrocytes au sein de lapopulation YFP+ (où la Cre avait fonctionné) desouris témoins (CtrlRV-Cre) et de souris ayantsurexprimé COUP-TFI (COUP-TFI-O/ERV-Cre)(Fig. 5A,B). Nos données montrent une récupé-ration remarquable de nouveauxneuronesDCX+et une diminution d’astrocytes GFAP+ dans les

Figure4 : Les cellules souchesneuronales adultes et lesprogéniteursde l’hippocampeprogéniteursdépourvusdeCOUP-TFIaugmentent l’astrogliogenèse. (A) Images en microscopie confocale montrant des astrocytes triple positif pour GFAP, Sox2et YFP dans les GD des souris CtrlAscl1 (gauche) et COUP-TFI-icKOAscl1 (milieu, droite). Des canaux séparés sont indiquésci-dessous. (B) Densité des astrocytes en CtrlAscl1 (blanc) et COUP-TFI-icKOAscl1 (noir) GD. (C) Pourcentage des astrocytesparmi toutes les cellules YFP + dans le GD témoin et mutant. (D)Image en microscopie confocale d’un double astrocyteS100B + YFP +mature dans la couche de cellules granulaires (GCL) des COUP-TFI-icKOAscl1GD. Les flèches vides indiquentles corps cellulaires ; les flèches pleines indiquent les processus cellulaires. MCL, couche cellulaire moléculaire, GCL, couchecellulaire granulaire. Barres d’échelle : A, D, 10mm. Les barres d’erreur indiquent SEM. Test t de Student * p S0,05.

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animaux présentant une surexpression deCOUP-TFI par rapport aux animaux dans les-quels l’expression de COUP-TFI avait baissé(Fig.5C,D). Ces résultatsmontrent que l’expres-sion forcée de COUP-TFI dans les CSN adulteshippocampiques est suffisante pour invertirl’équilibre altéré entre neurones et astrocytes encondition de neuroinflammation.

DiscussionLa production et l’intégration de nouveaux

neurones dans le GD des mammifères adultessont essentielles pour le maintien des fonctionshippocampiques (1), en particulier dans lamémoire explicite (la capacité à se souvenir defaits passés et d’un savoir sémantique). On saitdepuis longtemps que des lésions bilatérales del’hippocampe chez l’homme sont responsablesd’une amnésie sévère et que la neurogenèse

hippocampique altérée peut contribuer de ma-nière dramatique à des troubles cognitifs graveset à de multiples états pathologiques (24). L’exis-tence d’une neurogenèse continue dans unerégion aussi plastique que l’hippocampe suggèreque laproductiondenouveauxneuronespourraitreprésenteruneformedeplasticitécérébralesup-plémentaire à celle synaptique. Il convient denoter que parallèlement aux nouveaux neurones,les CSN adultes produisent également de nou-veaux astrocytes (21), dont la fonction n’est pasaussi bien caractérisée que celle de ces neu-rones (2). Plusieurs études ont montré que lesastrocytes locaux pourraient jouer un rôle actifpendant les différentes étapes de la neurogenèseadulte, enmodulantpar exemple, l’expansiondesprogéniteurs pour les pousser vers un devenirneuronal (25,26) et en régulant l’intégration

Figure 5 : Une surexpression de COUP-TFI aiguë récupère la neurogénèse en diminuant l’astrogliogènèse encondition de neuroinflammation. (A,B) Plan expérimental utilisé pour injecter un virus exprimant la Cre dansle GD et après pousser une neuroinflammation in vivo avec LPS. (C) Images en microscopie confocalemontrant des cellules YFP+ qui sont nouveaux neurones (lettre N, DCX+) ou nouveaux astrocytes (lettre A,GFAP+) dans les GD des sourisCtrlRV-Cr etCOUP-TFI-O/ERV-Cre. (D)Histogrammesmontrant la fraction desneurones (DCX+) ou astrocytes (GFAP+) parmi les cellules YFP+ chez les deux groupes expérimentaux. Barred’échelle : C, 50mm. Les barres d’erreur indiquent SEM. Test t de Student *** p S0,001.

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synaptique des neurones adultes, une étapemajeure dans la plasticité cérébrale (27).

L’établissement et le maintien d’un bon équi-libre entre les nouveaux neurones et les astro-cytes sont fondamentaux pour le bon fonctionne-ment de la neurogénèse adulte de l’hippocampe.En effet, une diminution de la neurogénèse asso-ciée à une augmentation de la génération d’astro-cytes est une caractéristique typique observéedans des modèles murins de neuroinflammation(5,6). Cependant, alors que des progrès significa-tifs ont été réalisés dans la compréhension dessignaux et l’identification de facteurs régulantl’auto-renouvellement et la différenciation neu-ronale des CSN adultes hippocampiques (28),peu d’études se sont penchées sur la compréhen-sion des mécanismes régissant la productiond’astrocytes pendant la neurogénèse adulte etdans des états de type inflammatoire.

Dans le GD adulte, les nouveaux astrocytesdérivent par auto-renouvellement des CSN oupardifférenciation terminale àpartir desmêmes,impliquant un épuisement de ces derniers (3, 4).Nos données mon-trent que le facteurCOUP-TFI pousseles CSN vers undestin neurogéni-que et que sa perte,induite par invali-dation génique oupar inflammationaiguë, stimule l’as-trogliogenèse sansdéplétion du pooldes CSNs. Ceci indique que la diminution deCOUP-TFI agit sur l’auto-renouvellement astro-gliogénique des CSNs et non sur leur différencia-tionterminale.Cetteétudemontreunrôlemajeurpour COUP-TFI dans la modulation du destinneurologique des CSN adultes avant que ces cel-lules commencent à se différencier. La perte deCOUP-TFI déplacera donc l’équilibre vers la pro-duction de nouveaux astrocytes aux dépens denouveaux neurones granulaires, indiquant quenormalement COUP-TFI réprime l’astroglioge-nèse et favorise la neurogenèse dans les cellulessouches hippocampiques adultes (Fig. 6).

En effet, un surdosage de COUP-TFI dans lesprogéniteurs après inflammation est suffisant derécupérer ladéficienceneuronale enréprimant la

production d’astrocytes. Ceci indique que COUP-TFI répond aux insultes inflammatoires et régulele bon équilibre entre production de neurones etd’astrocytes. Des investigations supplémentai-res sont nécessaires pour comprendre les méca-nismesprécis de l’actionCOUP-TFI dans lesSCN

adultes hippocam-piques. Pour con-clure, cette étudedévoile pour la pre-mière fois le rôled’un régulateurtranscriptionneldans le processusdécisionnel consis-tant à produire unnouveau neuroneou un nouvel astro-

cyte dans des conditions normales ou patholo-giques dans la niche d’hippocampe adulte.

Matériel et méthodesAnimaux, administration de Tamoxifène,traitements au LPSL’analyse de l’expression a été effectuée sur

des souris P60 C57BL/6J (n = 3 ; Charles River).Des animaux COUP-TFIfl/fl (19) ont été croisésavec des souris Ascl1-CreERT2 (18) et des sourisrapporteuses Rosa26-stop-YFP [(20) ; Rosa26-YFP] pour obtenir des souris Ascl-CreERT2 ;COUP-TFIfl/fl ;R26-YFP (c’est-à-dire COUP-TFI-icKOAscll). Les souris témoins (CtrlAscl1) ont étéobtenues en croisant des souris Ascl1-CreERT2avec des souris rapporteuses Rosa26-YFP. Le

“cette étude dévoile pour la premièrefois le rôle d’un régulateur transcrip-tionnel dans le processus décisionnelconsistant à produire un nouveau neu-rone ou un nouvel astrocyte dans desconditions normales ou pathologiquesdans la niche d’hippocampe adulte.”

Figure 6 : Modèle proposé pendant le choix dudestin cellulaire des CSNs/ progéniteurs adultes.COUP-TFI module intrinsèquement le bon rapportentre la neurogenèse et l’astrogliogenèse dans lecerveau murin l’adulte, en favorisant laneurogenèse et en inhibant l’astrogliogenèse.

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tamoxifène (TAM, Sigma) a été administré à desanimaux âgés de deux mois, une fois par jourpendant 5 jours consécutifs, et leur cerveau a étécollecté 10 jours plus tard. Pour forcer l’expres-sion de COUP-TFI après inflammation, lox-stop-lox-hCOUP-TFI (23) ont été croisés avec dessouris rapporteuses Rosa26-YFP pour obtenirdes souris pur induire la surexpression deCOUP-TFI (Rosa26-YFP ; lox-stop-lox-hCOUP-TFI). LeLPS (0,5 mg / kg) ou les solutions salines (0,9%)ont été administrées par voie intrapéritonéaleune fois par jour pendant 1 ou 4 jours consécutifset les cerveaux ont été prélevés le jour suivant oudix jours plus tard pour le retrovirus.

Préparation des tissues, immunofluores-cence (IF), RT-PCRLes souris adultes ont été anesthésiées pro-

fondément et perfusées trans-cardialement avecune solution saline à 0,9 %, puis du paraformal-déhyde (PFA) à 4% dans un tampon phosphate0,1 M (pH 7,4). Les cerveaux disséqués ont ététraités pour obtenir des sections sérielles coro-nales flottantes de 30 mm d’épaisseur, utiliséesensuite pour les réactions d’IF. Pour les RT-PCR,les souris adultes ont été anesthésiées et perfu-sées avec du PBS réfrigéré, les cerveaux ontété retirés et congelés. Les hippocampes ontété disséqués sous un microscope binoculaireà partir de cryosections congelées de 300 mmd’épaisseur. L’ARN de l’hippocampe a été isoléet retranscrit sous forme d’ADNc pour la RT-PCR.

Analyse au microscope, comptage cellu-laire, analyse statistiqueDes images représentatives de coupes doubles

ou triples immuno-marquées ont été acquisesavec un microscope confocal TCS SP5/SPE(Leica) et ensuite analysées sur Fiji. Nous avonsconsidéré au moins trois niveaux différents lelong de l’extension DG rostro-caudale. Lescomparaisons statistiques [en utilisant les logi-ciels Microsoft Excel et GraphPad (Prism 5)] ontété réalisées par un test t de Student à deuxqueues pour échantillons non appariés. La signi-fication a été établie à pS0,05. Les numérationscellulaires sont présentées sous forme demoyenne ± SEM.

Remerciements

Jesouhaite remercier laFondationFyssenpourson soutienfinancierd’uneannéedepost-doctorat

au sein de l’équipe de M. Studer à l’Institut deBiologie Valrose, à Nice. Je suis très reconnais-sante aux collègues scientifiques internationaux :C. Rolando – retrovirus, A. Podlesny-Drabiniok –RT-PCR, J. Johnson –Ascl1-CreERT2, S. Srinivas– Rosa26-lox-stop-lox-YFP, M. Studer –COUP-TFIfl/fl, Wu and M.J. Tsai- lox-stop-lox-hCOUP-TFI.Merci à S. De Marchis and I. Crisci de m’avoirdonné l’opportunité de poursuivre ce projet. Unepartie de cette étude fait partie d’un article publiéCell Reports (DOI:https://doi.org/10.1016/j.celrep.2018.06.044).

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Introduction

Once considered limited to theembryonic and perinatal periods,neural stem cells (NSCs) persist intwo discrete regions of the adultmammalian brain: the subventricu-

lar zone (SVZ) lining the lateral ventricles andthe subgranular zone (SGZ) of the hippocampaldentate gyrus (DG) (1). From the SGZ, newborncells differentiate into glutamatergic projectionneurons (i.e. the granule cells) that functionallyintegrate into pre-existing hippocampal circuitryplaying important roles in learning andmemory (1). Within the adult DG, NSCs aremostly quiescent, show a typical radial morpho-logy and are referred to as type 1 cells or radialglia-like stem cells. Upon activation, a NSC candivide symmetrically to produce two NSCs, orasymmetrically to self-renew and generate adifferentiated progeny (2). In neurogenic asym-metric division, NSCs give rise to rapidly divi-ding intermediate progenitors (type 2, IPCs),which generate neuroblasts and eventually exitthe cell cycle to differentiate into mature GCs(1, 2). Adult DG neurogenesis is an activity-dependent process and its rate is modulated by

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several factors, including stress, environmentalenrichment and voluntary physical activity (1).Alongside neurogenesis, astrocytes are conti-nuously produced in the adult DG,most probablyby NSC asymmetric division or by direct diffe-rentiation of NSC cells into astrocytes implyinga depletion in the NSC cell pool (3, 4). Interes-tingly, pathological conditions, such as neuroin-flammation, alter the ratio of neuron and astro-cyte production in favor of the latter one (5, 6).This highlights the importance of a tight controlof neurogenic versus astrogliogenic potential,most probably linked to intrinsic regulation ofNSC cell behavior. However, the nature of acell-intrinsic transcriptional program under-lying this function is still unknown.

In this study, we found that induction ofneuroinflammation alters COUP-TFI expressionin adult NSC stem cells together with increasedastrocyte production and decreased neurogene-sis. COUP-TFI (also known as Nr2f1) is a strongtranscriptional regulator whose functions rangefrom the control of embryonic NSC behavior (7)to the regulation of neuronal migration in theneocortex and developing DG (8–10). Corticaldepletion of COUP-TFI during early stagesresults in abnormal motor skills and spatialmemory deficits (11, 12), and haploinsufficiencyof COUP-TFI in patients leads to global develop-mental delay and intellectual disabilities (13, 14).COUP-TFI expression persists in the adult brain,nevertheless its function in adulthood remainslargely unknown. To this purpose, we directlyassessed COUP-TFI function in adult NSCs andneurogenic progenitors and we found COUP-TFIloss results in decreased hippocampal neuroge-nesis paralleled by a significant increase in astro-gliogenesis, likely due to a switch in NSC fromneurogenic to gliogenic commitment.

ResultsCOUP-TFI is downregulated followingacute neuroinflammationwithin the adultDGAs a first step in addressing COUP-TFI func-

tion in adult neurogenesis, we carefullymonitored its expression from adult neuralstem cells to mature neurons in the adult DG(Fig. 1).

A large number of COUP-TFI-immunoposi-tive (+) cells was found in the granule cell layerand SGZ all along the DG antero-posterior exten-sion. To determine the precise cell types expres-sing COUP-TFI, we used a series of cell stage-specific markers combined with morphologicalanalysis (15) and we found out that the entireneurogenic lineage (i.e. from activated NSCs upto mature neurons) does express COUP-TFI(Fig. 1A,B).

We next asked whether acute neuroinflamma-tion, which normally increases astrocyte produc-tion at the expense of new neurons (16, 17),would affect COUP-TFI expression. To this pur-pose, we acutely administrated the E. coli-de-rived lipopolysaccharide (LPS) to adult miceinducing in this way a cellular/molecular cas-cade able to initiate an inflammatory response.At day1 post-LPS treatment, the immature neu-ronal marker doublecortin (DCX) was downre-gulated, whereas the glial fibrillary acid protein(GFAP) was upregulated in the inflamed hippo-campi (Fig. 1C,D), suggesting an altered neu-rogenesis/astrogliogenesis balance (16, 17).Notably, we found that COUP-TFI was alsodownregulated (Fig. 1D), suggesting a directresponse of this transcriptional regulator toinflammation in the adult hippocampus. To eva-luate changes of the hippocampal DG cell popu-lations upon inflammation,we treated adultmicefor 4 consecutive days with LPS (d1-4) andanalyzed the amount of neurons and astrocytesthe day after (d5) (Fig. 1E). We found a netreduction in DCX+ newborn neurons and anexpansion of GFAP+ astrocytes compared tomice treated with saline solution (Fig. 1F).Moreover, we also observed a decrease of radialGFAP+ NSCs expressing COUP-TFI in LPS-treated DG (Fig. 1G,H). Taken together, thesedata indicate increased astrogliogenesis anddecreased neurogenesis upon inflammatoryinsults, and importantly, unravel COUP-TFIas a potential candidate in regulating the ba-lance between DG neurogenesis and astroglio-genesis.

Efficient COUP-TFI deletion in adult hip-pocampal NSCs/progenitorsTo directly challenge COUP-TFI function in

the adult hippocampal niche, COUP-TFI was

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Figure1: COUP-TFI expression correlateswithneurogenesiswithin thehippocampal dentate gyrus (DG) andisdownregulated inadultNSCsfollowingneuroinflammation. (A)Confocal imagesshowingCOUP-TFIproteinlabelling (red) in different cell populations of the adult hippocampal neurogenic lineage in 2-month-old mice.Double and triple labeled cells are shown below as single color channels at highermagnifications. (B) Percen-tage of COUP-TFI+ nuclei among the cell subpopulation expressing the marker(s) listed in the x-axis.(C) Experimental design used to achieve neuroinflammation in vivo by injecting adult (2-month-old) wildtype(wt) mice with E. coli-derived lipopolysaccharide solution (LPS). (D) Quantitative RT-PCR showing thatneuroinflammation decreases the content of neuronal-related gene transcripts, such as doublecortin (DCX)and COUP-TFI, and increases the expression of the astrocyticmarker GFAP (n=5mice/treatment). (E)Expe-rimental design used to achieve neuroinflammation in vivo.(F) DCX+ immature neuron (left) and GFAP+mature astrocyte (right) densities in the DG of LPS-treatedmice versus saline-injected controls. (G)Confocalimages of radial GFAP+neural stem cells (NSCs) either positive (+) or negative (neg) for COUP-TFIwithin theDGof salineandLPS-treatedmice.Arrowheads indicate radial cellularprocess. (H)PercentageofCOUP-TFI+nuclei among GFAP+ NSCs in saline and LPS-treated mice (n=3 mice/treatment). Error bars indicate SEM.Scale bars: A,G, insets, 10mm; Student’s t-test *pS0.05, **pS0.01, ***pS0.001.

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inactivated in actively-dividing NSCs and earlyneuronal progenitors by taking advantage of theinducibleAscl1-CreERT2mouse line (18) respon-ding to tamoxifen (TAM).We crossed these miceto theCOUP-TFIfl/flmice (19) and to theRosa26-YFP reporter line (20). The resulting progenywas namedCOUP-TFI-icKOAscl1 and allowed fatemapping of recombined (i.e. YFP+) Ascl1-expres-sing NSCs/progenitors that underwent COUP-TFI loss of function (Fig. 2A,B).

Ascl1-CreERT2mice carrying theRosa26-YFPreporter gene but wild type for COUP-TFI wereused as controls (CtrlAscl1) (Fig. 2C). AdultCOUP-TF-icKOAscl1 and CtrlAscl1 mice receivedTAM for 5 consecutive days and were analyzed10 days after (Fig. 2D,F) to achieve a mosaic ofYFP+ cells within a wildtype microenvironment(Fig. 2E). Most YFP+ cells are also COUP-TFI+in CtrlAscl1 mice, whereas the percentage ofdouble COUP-TFI+YFP+ cells drops to less than

Figure2: EfficientCOUP-TFIdeletion in theAscl1-lineage (i.e., activeNSCsandneuronal progenitors)withinthe adult DG. (A) Schematic illustration showing COUP-TFI deletion (red crossed circles) in Ascl1-expressingcells (green) and derived progeny (yellow) in COUP-TFI-icKOAscl1DGs. Grey cells represent wildtypesurrounding cells within the adult niche microenvironment. (B,C) Genetic recombination model forconditional inactivation of COUP-TFI in the adult hippocampal NSCs and progenitors. (D,E)Confocal imageshowing that tamoxifen (TAM) administration triggers the recombination of radial NSCs and early neuronalprogenitors (IPCs) within the adult DG. (F) Experimental design: TAM is administered daily to control(CtrlAscl1) andCOUP-TFI-icKOAscl1mice for5 consecutivedaysandbrainsare collectedafter a chaseof 10daysbefore immunostaining. (G) Confocal images of the DG labeled in green for YFP and in red for COUP-TFI inCtrlAscl1 and COUP-TFI-icKOAscl1 mice. (H) Histogram showing the percentage of COUP-TFI+ cells amongYFP+ cells inCtrlAscl1mice (white) andCOUP-TFI-icKOAscl1 (black). NSCs= neural stem cells; IPCs=neuronalintermediate progenitors; GCs=granule cells (i.e. neurons); Astro=astrocytes; TAM=tamoxifen;R26=Rosa26 promoter; pA=polyA; SGZ, subgranular zone;MCL,molecular cell layer. Scale bars: E,G, 50mm;Error bars indicate SEM. Student’s t-test ***pS0.001.

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5% in COUP-TFI-icKOAscl1DG (Fig. 2G,H), indi-cating an efficient genetic deletion of COUP-TFIin adult Ascl1-expressing NSCs/progenitors.Notably, cell viability was unaltered by COUP-TFI deletion, as total YFP+ cell density is unchan-ged (Fig. 2I). We thus obtained a geneticallymodified mouse in which the COUP-TFI gene isinactivated only in actively dividing NSCs andprogenitors of the adult hippocampal DG.

Decreased neurogenesis and enhancedastrogliogenesis from adult DG stemcells/progenitors devoid of COUP-TFIWe then analyzed the total YFP+ population

expressing the immature neuronal marker DCXand thus representing newborn granule neurons(Fig. 3).

We observed a substantial reduction in newlygenerated DG neurons, both in terms of doubleDCX+YFP+ cell density (36% decrease;Fig. 3A,B) and as percentage of DCX+ cellsamong the YFP+ population (43% decrease;Fig. 3A,C). These data strongly demonstrateimpaired neurogenesis upon COUP-TFI loss-of-function from adultNSCs/progenitors.

In parallel to neurogenesis, new astrocytes arecontinuously generated from adult stem cells in

the adult DG (21).We thus hypothesized that theobserved reduction of new neurons in COUP-TFImutant mice could entail increased DG astro-gliogenesis (Fig. 4).

Interestingly, we observed that CtrlAscl1 miceshow only rare triple GFAP+Sox2+YFP+matureastrocytes (Fig 4A,B),accounting for less than3% of the whole YFP+ cell population (Fig. 4C),thus indicating that the Ascl1-lineage is predomi-nantly neurogenic. Notably, a 6-fold increase inthe density of these astroglial cells (Fig. 4B) anda drastic expansion of the fraction of triple+astrocyte population among all YFP+ cells(Fig. 4C) was found upon COUP-TFI deletion inneurogenic NSCs/progenitors. Thorough mor-phological evaluation also reveals that mostAscl1-lineage-derived YFP+ astrocytes have apolarized morphology with their soma largelylocalized in the deep granule cell layer (Fig. 4A-left,middle) and multiple branches reminiscentof a mature astrocyte bushy morphology . Wealso observed some YFP+ astrocytes in the mostsuperficial granule cell layer (Fig. 4A-right) (22)and expressing the mature astrocyte markerS100B (Fig. 4D). Thus, COUP-TFI deletionenhances astrogliogenesis from Ascl1-expres-sing NSCs/progenitors.

Figure3:COUP-TFIdeletion in theAscl1-lineagedecreasesneurogenesiswithin theadultdentategyrus (DG).(A)Confocal imagesof theDGstained forDCX(red)andYFP(green) inCtrlAscl1andCOUP-TFI-icKOAscl1mice.Empty arrowheads indicate cell bodies; full arrows indicate cellular processes. (B,C) Double DCX+YFP+immature neuron density (B) and fraction among YFP+ cells (C) in CtrlAscl1 (white) and COUP-TFI-icKOAscl1

(black) DG. Scale bar: A 50mm. Error bars indicate SEM. Student’s t-test *pS0.05, ***pS0.001.

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Overexpression of COUP-TFI in theacute neuroinflammation model rescuesneurogenesis by decreasing astroglioge-nesisIn light of our previous data showing dimi-

nished COUP-TFI expression in NSCs followingacute LPS-induced inflammation (Fig. 1), wewondered whether forcing high expression ofCOUP-TFI in such conditions would preventastrogliogenesis and recover neurogenesis(Fig. 5).

We therefore used another transgenic mousethat requires a Cre-recombinase to induce COUP-TFI (23) and YFP at high levels (Rosa26-YFP;lox-stop-lox-hCOUP-TFI, i.e. COUP-TFI-O/E). Afterinjecting a Cre-expressing virus into the DG ofthese transgenic mice and treating them withLPS for 4 consecutive days, we evaluated thenumber of new neurons and astrocytes in theYFP+ population (where Cre had worked) ofcontrolmice andmice overexpressingCOUP-TFI(Fig. 5A,B). Our data show a remarkable reco-very of new DCX+ neurons and a decrease inGFAP+ astrocytes in animals with inducedCOUP-TFI levels compared to animals in which

COUP-TFI expression levels were diminished(Fig. 5C,D). These results show that the forcedexpression of COUP-TFI in adult hippocampalNSCs is sufficient to invert the altered balancebetween neurons and astrocytes under neuroin-flammation conditions.

Discussion

The lifelong production and integration of DGgranule neurons are important in maintaininghippocampal functions (1), particulalry in expli-cit memory (the ability to remember past factsandsemanticknowledge). It has longbeenknownthat bilateral lesions of the hippocampus inhumans are responsible for severe amnesia andthat altered hippocampal neurogenesis may dra-matically contribute to severe cognitive disor-ders and multiple pathological states (24). Theexistence of continued neurogenesis in a regionas plastic as the hippocampus suggests that theproduction of new neurons could represent aform of brain plasticity in addition to synapticplasticity. It is worth noting that in parallel tonew neurons, adult NSCs also produce newastrocytes (21), whose function is not as well

Figure4:AdultDGneural stemcells/progenitorsdevoidofCOUP-TFI increaseastrogliogenesis. (A)Confocalimages showing triple GFAP+Sox2+YFP+ astrocytes in the DG of CtrlAscl1 (left) and COUP-TFI-icKOAscl1

(middle, right) mice. Separate channels are shown below. (B) Triple GFAP+Sox2+YFP+ astrocyte density inCtrlAscl1 (white) andCOUP-TFI-icKOAscl1 (black) DG. (C)Percentage of GFAP+Sox2+YFP+ astrocytes amongall YFP+ cells in control and mutant DG. (D) Confocal image of a mature double S100B+YFP+ astrocyte inCOUP-TFI-icKOAscl1DGgranule cell layer (GCL). Empty arrowheads indicate cell bodies; full arrows indicatecellular processes. MCL, molecular cell layer, GCL, granule cell layer. Scale bars: A,D, 10mm. Error barsindicate SEM. Student’s t-test *pS0.05.

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characterized as that of new neurons (2). Severalstudies have reported that local astrocytes andastrocyte-derived factors might play active rolesduring different steps of adult neurogenesis, bymodulating progenitor expansion, instructingthem to adopt a neuronal fate (25, 26), andregulatingsynaptic integrationofadult-bornneu-rons, a major step in brain plasticity (27).

The establishment and maintenance of a pro-per ratio between new neurons and astrocytes isfundamental for a correct functioning of theadult neurogenic niche in the hippocampus.Indeed, decreased neurogenesis paralleled byincreased generation of astrocytes is a typicalfeature observed in mouse models of neuroin-

flammation (5, 6). However, while significantprogress has beenmade in understanding extrin-sic and intrinsic cues regulating adult NSC self-renewal and neuronal differentiation, and seve-ral transcription factors linked to particularsteps of neuronal development have been identi-fied in the adult DG (28), the transcriptionalprogramresponsible for the astroglial versusneu-ronal fate choice of adult hippocampal NSCs isstill largely unknown.

In the adult DG, new astrocytes derive eitherfrom NSC self-renewal or through NSC directterminal differentiation, implying NSCs exhaus-tion in this latter case (3, 4). Our data showingincreased astrogliogenesis without depletion of

Figure 5: Forced COUP-TFI expression rescues altered neurogenesis/astrogliogenesis balance uponneuroinflammation. (A,B) Experimental design to induce COUP-TFI overexpression in DG progenitorsthrough stereotaxic injection of a Cre- expressing retrovirus (RV-Cre; d0) into theDGofR26-YFP:hCOUP-TFImice (COUP-TFI-O/E). Neuroinflammation was then achieved by treating these mice with E. coli-derivedlipopolysaccharide solution (LPS; d1-d4) and analysis of YFP+ cells was carried out 10 days later (d14).(C) Confocal image of a newborn GFAP+ astrocytes (A) and DCX+ neurons (N) in control (CtrlRV-Cre) andCOUP-TFI-overexpressing mice (COUP-TFI-O/ERV-Cre) following neuroinflammation. (D) Percentage ofGFAP+ astrocytes (left) or DCX+ neurons (right) among all YFP+ cells in control and mutant DG. Scale bars:C, 50mm. Error bars indicate SEM. Student’s t-test ***pS0.001.

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the NSC pool strongly indicate that COUP-TFIloss-of-function enhances NSC astrogliogenicself-renewal, supporting a major role for COUP-TFI in modulating the neural versus astroglialfate choice in adult NSCs before cells start todifferentiate. Indeed, COUP-TFI loss shifts thebalance towards production of new astrocytes atthe expense of new granule neurons, indicatingthat COUP-TFI represses astrogliogenesis andpromotes neurogenesis in adult hippocampalNSCs (Fig. 6).

Accordingly, overexpression of COUP-TFIin the progenitors upon inflammation is suf-ficient to recover the neuronal deficiencyby repressing as-trogliogenic fate.This indicates thatCOUP-TFI res -ponds to inflam-matory insults andregulates the pro-per balance bet-weenproductionofneurons and astro-cy tes . Fur therinvestigations areneeded to unravel the real mechanistic basis ofCOUP-TFI action in adult DG NSCs.

To conclude, this study unravels for the firsttime the role of a transcriptional regulator in thedecision-making process of either producing anew neuron or a new astrocyte in normal and

pathological conditions within the adult hippo-campal niche.

Material and Methods

Animals, tamoxifen administration, LPStreatmentsExpression analysis was performed on

P60 C57BL/6J mice (n=3; Charles River).COUP-TFIfl/fl animals (19) were bred to Ascl1-CreERT2 mouse line (18) and Rosa26-floxedstop-YFP reporter mice [(20); Rosa26-YFP] toobtain Ascl1-CreERT2;COUP-TFIfl/fl;R26-YFPmice (i.e. COUP-TFI-icKOAscl1). Control mice(CtrlAscl1) were obtained by crossing Ascl1-CreERT2 mice with Rosa26-YFP reporter mice.For the rescue experiment, lox-stop-lox-hCOUP-TFI (23) were crossed withRosa26-YFP to obtainCOUP-TFI overexpressing mice (Rosa26-YFP;lox-stop-lox-hCOUP-TFI). Two-month-old animalswere administeredwith tamoxifen (TAM,Sigma)once aday for 5 consecutive days and their brainscollected 10 days later. LPS (0.5mg/kg) or salinesolutions (0.9%) was administered intraperito-neally once a day for 1 or 4 consecutive days andbrains were collected the following day for RT-PCRand in situanalysis onwildtypemiceor after10 days for the retrovirus experiment.

Tissue preparation, immunostainings,RT-PCRAdultmiceweredeeplyanesthetizedandtrans-

cardially perfused with 0.9% saline so-lution, followed by 4% paraformaldehyde (PFA)

in 0.1 M phos-phate buffer (PB),pH 7.4. Dissectedbrains were trea-ted and free- floa-ting 30mm-thickcoronal serial sec-tions were usedfor immunostai-ning reactions.Fortranscript quan-tifications, adult

micewere deeply anesthetized and perfusedwithice-cold PBS, and brains were removed and fro-zen. Hippocampi were dissected under the bino-cular microscope from frozen 300mm-thick cryo-sections. RNA fromhippocampiwas isolated andretro-transcribed as cDNA for RT-PCR.

Figure 6: Proposed model of adult hippocampalneural stem cell (NSC) fate choice. COUP-TFIcell-intrinsically modulates the proper ratiobetweenneurogenesis andastrogliogenesis inadulthippocampal NSC, by promoting neurogenesis andinhibiting astrogliogenesis.

“this study unravels for the first timethe role of a transcriptional regulator inthe decision-making process of eitherproducing a new neuron or a newastrocyte in normal and pathologicalconditions within the adult hippocampalniche.”

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Microscope analysis, cell counting, statis-tical analysisRepresentative imagesofdoubleor triple immu-

nolabeled sectionswere acquiredwith aTCSSP5/SPE confocal microscope (Leica) and multi-stackimages were then analyzed on Fiji. At least threedifferent levels along the rostro-caudal DG exten-sionwereanalyzed.Statisticalcomparisons[usingMicrosoft Excel and GraphPad softwares(Prism 5)] were conducted by two-tail unpairedStudent’s t-test. Significance was established atpS0.05.Cell counts are presented asmean±SEM.

AcknowledgementsIwould like to thank theFyssenFoundation for

its financial support of a post-doctoral year in Dr

Studer’s team at the Institute of Biology Valrosein Nice. I am also very grateful to internationalscientific colleagues: C. Rolando for providingthe retroviral vectors, A. Podlesny-Drabiniok forthe RT-PCR experiments, J. Johnson - Ascl1-CreERT2 mouse line, S. Srinivas - Rosa26-lox-stop-lox-YFP mouse line, M. Studer -COUP-TFIfl/fl mouse line, Wu and M.J. Tsai - lox-stop-lox-hCOUP-TFI mouse line. S. De Marchis and I.Crisci for givingme theopportunity to pursue theproject. Part of this study is includedonanarticlepublished on Cell Reports (DOI:https://doi.org/10.1016/j.celrep.2018.06.044).

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Matières, espaces et territoires des hommes : une approchedes réseaux de lieux de l’ouest européen au gravettien ancien

Vincent DELVIGNE

Chercheur associé, Service de Préhistoire, Université de Liège, 4000 Liège, Belgique et Chercheurassocié,UMR5199–PACEA,Université deBordeaux, alléeGeoffroySaint-Hilaire, 33615Pessac,France

RésuméChezHomo sapiens, la structuration et la conception de l’espace semblent intrinsèquement liées au

degré de mobilité des individus et/ou des groupes. Ce constat conduit à ne plus placer le seul sitearchéologique au cœur des réflexions, mais à l’insérer au sein d’un espace maillé de pleins (zonesd’intérêt) et de vides (non-lieux). Fondée sur les données de la pétroarchéologie, cette approchenovatrice de restitution des territoires passés sous forme de réseaux de lieux a déjà apporté desrésultats fondamentaux en ce qui concerne la seconde moitié du Paléolithique supérieur français. Leprojet METH se propose d’étendre chronologiquement et spatialement ce type de modélisationterritoriale dans laquelle le cadre régional n’est qu’un élément d’une vision plus globale, enl’appliquantauGravettienanciende lavalléede laMeuse (Belgique).Les résultatsobtenuspermettentde poser l’hypothèse d’un vaste réseau de lieux, qui lie au sien d’un même territoire (au sensgéographique du terme), la Belgique et le Bassin parisien, mais dont les mécanismes économiques etsociétaux restent encore à déterminer par le développement d’approches interdisciplinaires.

Mots clefsPétroarchéologie, Gravettien ancien, Europe de l’Ouest, Territoires, Paléogéographie, Réseau de

lieux.

Materials, spaces and territories of men:an approach of networks of places of the western europe

during the ancient gravettianAbstract

ForHomo sapiens, the structuration and design of space seem intrinsically linked to the degree ofmobility of individuals and / or groups. This observation leads to no longer placing the onlyarchaeological site at the heart of the reflections but to insert it within a meshed space of full (areasof interest) andvoids (non-places). Basedondata frompetroarchaeology, this innovative approach forrestitution of past territories in the form of networks of places has already brought fundamentalresults for the second half of the French Upper Paleolithic. The METH project proposes to extendchronologically and spatially this type of territorial modeling in which the regional framework is onlyone element of a more global vision, applying it to the ancient Gravettian of the Meuse valley(Belgium). The results obtained make it possible to hypothesize a vast network of places, which linksto one of the same territory (in the geographical sense of the term), Belgium and the Paris Basin, butwhose economic and societal mechanisms are still to be determined by the development of interdis-ciplinary approaches.

KeywordsPetroarchaeology, ancient Gravettian, Western Europe, Territories, Palaeogeography, Network of

places.

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1. Introduction

LLastationde l’Hermitage àHuccorgne(Prov. Liège, Belgique) est un site deplein-air découvert à la fin duXIXe siècle par M. De Puydt etM. Lohest (1884-1885), puis fouillé à

quatre reprises respectivement par F. Tihon de1886 à 1890 (1895-1896), par J. Destexhe-Jamottede1969à1971, parP.Haesaerts en1976et en 1980, ainsi que parM.Otte et L.G. Straus de1991 à 1993 (Straus et al., 2000). Il présente unesuccession de trois industries d’âges bien diffé-renciés, attribuées auNéolithique, auGravettienet au Moustérien (Haesaerts, 2000). L’essentielde la série gravettienne, qui fait l’objet de cettenote, se compose d’objets lithiques (N = 9277)dont la diagnose technologique a été récemmenteffectuée (Touzé, 2015)1 ; la faune, comme biensouventdans les sitesdeplein-air enBelgique, estquant à elle trèsmal conservée (N=200 ;Gautier,2000). Ces restes ont permis la réalisation de sixdates, dont quatre sont jugées valables, entre28390 +/- 430 BP et 26300 +/- 350 BP (pour unediscussion des dates voir Haesaerts, op. cit. etTouzé, op. cit.). Au contraire des autres gise-ments subcontemporains de Belgique, situésen grotte et dont les remplissages présententbien souvent un mélange d’industries du Paléo-lithique moyen, de l’Aurignacien, du Gravettienet du Magdalénien (Otte, 1979 ; Pesesse et Flas,2013), le Gravettien de la station de l’Hermitagetémoignerait d’une ou plusieurs occupationscourtes dans le temps, mais appartenant toute àun même groupe technoculturel : le Gravettienancien.

Par son emplacement géographique, en posi-tion dominante dans la vallée de la Méhaigne– affluent en rive gauche de la Meuse – à l’oréedes vastes plateaux lœssique de la Hesbaye, lastation de l’Hermitage se présente comme l’undes sites gravettiens les plus septentrionauxd’Europe de l’ouest. Il s’agit dès lors de s’inter-roger sur sa place dans lemondeduPaléolithiquesupérieur ancien, en considérant ce lieu dansune

perspective de gestion de l’espace. Si les précé-dentesétudesdematièrespremières, fondées surdes observations à l’œil nu (voir notammentMiller, 1997, 2000, 2001), avaient conclu à unefaible diversité de matériaux et à l’absence decirculationdessilex surde longuesdistances–unrésultat qui ne permettait pas d’identifier le jeudes relations inter-espaces en présence à l’aubedu Gravettien nord-occidental –, la méthodeemployée lors de ce travail (infra) dresse unportrait plus contrasté et autorise l’obtention derésultats inattendus.

2. Matériel et méthodeLa pétroarchéologie, c’est à dire la sous-disci-

pline de l’archéologie qui étudie la composition etl’origine des silicites2 retrouvées sur les sitesarchéologiques, a deux principaux intérêts enpréhistoire : 1) la reconstitution des systèmestechno-économiques, en documentant les pre-mières phases des chaînes opératoires de débi-tage – c’est à dire l’acquisition et, couplé à latechnologie lithique, le mode d’introduction surles sites – et 2) la mise en évidence des routesd’approvisionnement, des aires d’approvisionne-ment et plus généralement des territoires préhis-toriques.

Toutefois, si l’un des enjeux de la pétroarchéo-logie est bien la mise en évidence des lieux decollectes où les hommes sont venus prélever desmatières premières lithiques, la simple recon-naissance de l’origine stratigraphique et diagé-nétique d’une silicite (c’est à dire son gîte pri-maire) n’est pas suffisante dans le cadre d’unepétroarchéologie moderne (Turq, 2005). Face àce constat, et en se fondant sur différents travauxayant trait à l’altération des silex (– et notam-ment les patines, les lustrés, les modifications

1 Rappelons que l’essentiel des objets découverts parG. Destexhe-Jamotte a été perdu et que la collection réuniepar F. Tihon est partielle. Les pièces étudiées dans le cadrede ce travail ne constituent donc qu’un échantillon, certesimportant, de l’industrie lithique de la station de l’Hermi-tage.

2 Le terme de silicite, récemment introduit par le professeurA. Prichystal (2010) en Europe orientale et centrale,désigne l’ensemble des roches ayant subi une silicificationd’origine chimique, biochimique ou diagénétique. Il permetde s’affranchir du terme silex, dont le sens est sujet àcontroverse et à des incompréhensions tantôt qu’il estemployé par les géologues, les pétrographes, les sédimen-tologues ou les archéologues. Dans la suite de ce travail,nous emploierons le terme silicite pour désigner l’ensembledes roches sédimentaires siliceuses, le terme de silexsensustricto pour désigner les roches constituées par épigéniesiliceuse et portant un cortex, et le terme de silex au sensarchéologique pour désigner les objets lithiques travailléspar l’homme.

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minéralogiques liées aux variations de tempéra-tures et aux changements de lieux de résidence(Hurst et Kelly, 1961 ; Rottländer, 1975 ; Vilas-Boas, 1975 ; Aubry, 1975 ; Thiry, 1981 ; pour neciter que les principaux), P. Fernandes etJ.-P. Raynal ont développé au cours desannées 2000 le concept de « chaîne évolutive dessilex » (Fernandes et Raynal, 2006 ; Thiry et al.,2014). Cet ajout d’une composante altérologiqueauxméthodes classiques de diagnose des silicites(Masson, 1981 ; Séronie-Vivien et Séronie-Vivien, 1987) permet de définir les différentsdérivés gîtologiques d’un même type génétique ;dérivés qui correspondent à autant d’étapes dansla vie des silicites et permettent d’identifier lesformations de prélèvement des matières pre-mières lithiques, qui parfois sont très éloignéesdes gîtes primaires (Fernandes, 2012 ; Delvigne,2016).

Notre travail se fonde donc sur l’analyse pétro-graphique fine intégrant le concept de « chaîneévolutive des silex » de l’ensemble du matériellithique de la station de l’Hermitage, soutenuepar l’étude inédite de différentes lithothèques deBelgique (Préhistomuséum de Ramioul, InstitutRoyal des Sciences Naturelles de Belgique, Uni-versité deNamur) augmentée de la réalisation deprospections ciblées dans un espace d’une ving-taine de kilomètres autour du site. Chaque silexest décrit dans une base de données contenant160 champs et divisée en trois formulaires :pétrographique, altérologique, taphonomique.Cette démarche analytique, qui allie travail deterrain et observations à différentes échelles,permet de préciser l’origine des artefacts pré-sents sur le site et vientdiscuterde l’homogénéitédu dépôt archéologique. Dans le cadre de cetarticle nous appuierons principalement sur lepremier point, cherchant à identifier les consé-quences paléogéographiques induites par notredémarche.

La précision des analyses pétrographiques estd’autant plus importante en préhistoire que nousavons montré dans nos travaux précédents (Del-vigne et al., 2014 ; Delvigne, 2016) que seuls ladiversité, la quantité et le type d’apport de maté-riaux issus d’espaces géographiques cohérentspermettent de poser l’hypothèse d’une acquisi-tion directe ou indirecte des matériaux, et àréfléchir sur l’extension des territoires passés.Pour autant, la simple assimilation du litho-es-

pace3 d’un seul site à l’espace géographiqueexploité et/ou au territoire d’un groupe donnén’est pas suffisante, puisqu’elle ne considère, nilesmécanismessous-jacents relatifs à laprésencedesmatières sur les sites,ni les indices extérieursau site. Dès lors l’analyse reste sito-centrée, cequi d’un point de vue de la gestion de l’espace etde l’étude des territoires est paradoxal, puisqueles travaux de la géographie sociale ont bienmontréquec’est l’ensembledes interconnectionsentre lieux qui est porteur de sens dans un espacedonné et permet la territorialisation (Bonnemai-son, 1981 ; Collignon, 1996 ; Di Meo, 1998). Lesreprésentations graphiques des territoires pas-sés telles qu’on les rencontre dans la littératurescientifique sont faites sous la forme d’aplatscouvrant de vastes étendues. Or cette structura-tion de l’espace diffère totalement de celle despeuples nomades actuels et subactuels, peuimporte le systèmeéconomique, puisqu’aux lieuxnommés correspondant à des points d’intérêtreconnus au sein du territoire, répondent desitinérairesquinepossèdenteuxaucunstatut.Lesvides situés endehorsdes itinéraires réguliers oudes lieux identifiés sont des parties qui ne sontpas parcourues et qui sont comme en dehors duterritoire. Ainsi, afin de reconstituer les terri-toires passés sous forme de réseaux de lieux(Debarbieux, 2009), nous nous fondons sur troispostulats :

1) La vérité palethnographique des élémentsétudiés : ce postulat est en fait commun à touteétude archéologique et indique qu’il est possiblede traiter dans un même ensemble des objetsprovenant d’un même niveau ;

2) La stabilité temporelle des territoires : puisquele territoire est avant tout une constructionsociétale, sa structuration ne varie pas de façonsignificative tant que le système culturel qui legouverne perdure ; l’absence de stricte contem-poranéité entre les sites n’est donc pas gênantetant que nous réfléchissons sur des entités cultu-relles cohérentes (ici celles des techno-culturespréhistoriques) ;

3 Considérant unniveauarchéologiquedonné et pour lequella mise en place des dépôts est bien connue, nous nommonslitho-espace, l’espace géographique défini par l’étenduemaximale esquissée par l’origine des matières premièresretrouvées dans ce niveau.

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3) La simplification structurale du réseau : c’est-à-dire que la récurrence et le croisement desitinéraires autorisent l’inscription de deux lieuxdistincts dans un même réseau (Figure 1).

En se fondant sur les résultats que nous avonsobtenus à la station de l’Hermitage et en lesaugmentant de ceux des autres disciplines acquispour ce site etpour les sites subcontemporainsdulitho-espace tel que nous l’avons identifié (infra),nous verrons dans la suite de ce travail qu’ildevient possible de mettre en réseau l’espace duNord-Ouest européen au début du Gravettien.

3. Résultats3.1 GîtologieSur les 9 277 pièces analysées, 9 152 pré-

sentent des états de surfaces qui permettent leurcomparaison (patine blanche faible à moyenne,arêtes et nervures fraîches, traces de l’action dugel) ; les objets attribuables au Moustérienmontrent un état d’altération important (patineblanche totale, arêtes et nervures émoussées,traces de chocs sur les surfaces), alors que ceuxréputés néolithiques présentent un bon état defraîcheur, ainsi qu’une absence de patine et detrace liéeà l’actiondugel.Lesdonnéespareffectifet par poids pour chaque type de silicite sontsynthétisées dans le tableau 1.

Les silex locaux (S 10 km du site) dominentlargement l’assemblage (74,1 % de l’effectif et67,6 %dupoids).Ceux-ci semblentavoir été récol-tés dans tous les types de gîtes, illustrant notam-ment la fréquentation de la vallée de laMéhaignedepuis les altérites et colluvions de la région deBraives (type 01 ; Planche 1.1) jusqu’aux terrainsjurassiquesdesArdennes, situés immédiatementau sud du site, comme lemontrent les types 03 et05 (Planche 1.3). Parmi la variété de silex dit « deHesbaye » et en plus des types 01 et 02, nousavons reconnu toujours en petite proportion dif-férents silexmarins (types08, 10, 16, 17et21). Ilscorrespondent à des variations faciologiques dessilex campaniens de la formation de Gulpen fon-dées sur le nombre, la répartition et la diversitédes allochems – notamment les foraminifèresplanctoniques (cf. Heterohelix, Globigérinidés,Lenticulina...), le rapport fraction détritique /biogénique et le taux de fragmentation des spi-cules de spongiaires. Ces cinq types témoignentde collectes préférentiellement réalisées à proxi-mité des gîtes primaires (position subprimaire,altéritique ou colluviale).

La présence de silex semi-locaux (entre 10et 100 km du site), dont la proportion est infé-rieure à 5,0 % de l’effectif et 7,0 % du poids,témoigne de la fréquentation du reste de la

Figure 1 : Simplification du réseau. A : Chaque site (rond) présente un ensemble de faisceaux le reliant àdifférents gîtes ; B : En bleu, les liens conservés dans lemodèle définitif, en rouge, les liens supprimés d’aprèsles trois postulats (contemporanéité, représentativité, simplification) ; C : Mise en réseau des lieux (gîtes etsites).

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Hesbaye, à l’instarde la valléede laJette (type02,Planche 1.2) et notamment des terrains d’argilesà silex et de colluvions qui couvrent ses flancs àhauteur d’Orp. Il en va de même pour l’essentieldes silex maastrichtiens (types 12, 18 et 24), quiproviennent vraisemblablement du nord-est duBassin de Liège, à la limite entre Hesbaye etCampine. Une fréquentation des terrains plusoccidentaux (Brabant) est quant à elle attestéepar les grès éocènes (type 09 ; Planche 1.6), dontla lithoclase naturelle ne présente pas de trace detransport, ainsi que par de rares phtanites(Type 11 ; Planche 1.7) provenant probablementdes vallées du Dyle et du Thyle.

Enfin, les silicites lointaines (O100kmdusite),préférentiellementcollectéesàproximitédesgîtesprimaires à l’exception de celle du MaastrichtienduBassin deMons ramassées à part égale dans lescolluvions et les alluvions, témoignent d’une fré-quentation de deux espaces bien distincts. Le pre-mier correspond au nord du Bassin de Mons (àhauteur de 8,6 % de l’effectif et 14,0 % du poids),comme l’illustrent les différents types de silexmaastrichtiens de la formation de Ciply-Malogne(Types06, 25.1 et29 ; planche1.4), duTuroniendela formationdeSaint-Denis (Type27 ;planche2.8)

et du Campanien de la formation d’Obourg-Nou-velle (Type 13 ; planche 2.1). Le second est unespaceméridionaletencore inéditpour lessitesduPaléolithique belge : le Bassin parisien (4,9 % del’effectif et 2,1 % de la masse) et plus particulière-ment sa frange est-centre-est, comme entémoignent les silex marins à incertae sedis del’Oxfordien moyen de la vallée de la Meuse(Type 15 et probablement type 07 ; planche 2.2et 1.5) et les silex lacustres bartoniens des valléesde l’Aisne et de l’Oise (Type 20 ; planche 2.5).

Si les études précédentes (Miller, 1997, 2000,2001 ;Touzé, 2015) avaientbien identifié ladomi-nante locale des géoressources exploitées à l’Her-mitage – avec la présence de silex de Hesbaye dit« noirs ou gris » et des grès bruxelliens –, ladiversité identifiée (D = 27) dans le cadre de cetravail n’avait pas été perçue. Il en va de mêmedes silicites d’origine lointaine, notamment duBassin parisien qui, si elles avaient été suspec-tées (cf. « silex noirs d’Obourg » dansMiller, 2000et Touzé, 2015), n’avaient jamais été réellementattestées. Remarquons d’ailleurs que l’essentieldes silex de couleur noire de la station de l’Her-mitage, ne sont pas des silex dits « d’Obourg »,mais des silex de l’Oxfordien.

Tableau 1 : Station de l’Hermitage – Poids, effectif et types de gîte de collecte des différents types de silicite.

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Planche 1 : Station de l’Hermitage – Microfaciès siliceux : 1. Type 01 – Campanien (formation de Gulpen),vallée de la Méhaigne ; 2. Type 02 – Campanien (formation de Gulpen), vallée de la Jette ; 3. Type 05– Dinantien (formation de Lives), vallée de la Méhaigne ; 4. Type 06 – Maastrichtien (formation de Ciply–Malogne), nord du Bassin deMons ; 5. Type 07 –Oxfordienmoyen ?, Lorraine (Fr.) ? ; 6. Type 09 – Eocène,Brabant wallon ; 7. Type 11 – Cambrien (formation de Mousty), vallée du Dyle et du Thyle ; 8. Type 12 –Maastrichtien, nord-est de la Hesbaye.

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Planche 2 : Station de l’Hermitage – Microfaciès siliceux : 1. Type 13 – Campanien (formation d’Obourg– Nouvelles), nord du Bassin de Mons ; 2. Type 15 – Oxfordien moyen, Vallée de la Meuse (Fr.) ; 3. Type 17– Campanien (formation de Gulpen) ?, Hesbaye ; 4. Type 18 – Maastrichtien, Nord Hesbaye ; 5. Type 20– Bartonien, Tardenois (Fr.) ; 6. Type 23 – Maastrichtien, origine inconnue ; 7. Type 25.2 – Maastrichtien,origine inconnue ; 8. Type 27 – Turonien (formation de Saint Denis), nord du Bassin de Mons.

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3.2 TechnologieLa mise en relation des observations techno-

typologiques et lithologiquespermetd’approcherla gestion des géoressources d’un gisement(Geneste, 1985) ; les modes d’introduction etd’emport pour la station de l’Hermitage4, typepar type, sont détaillés dans le tableau 2.

Si nous observons que les types locaux– notamment le type 01 – ont été apportés sousla forme de blocs et/ou de matrices à lames et

lamelles prêtes à être débités, nous remarquonségalement que les silex semi-locaux ont été intro-duits sous forme de produits laminaires prédébi-tés et de matrices (laminaires et/ou lamellaires)envuede laproductionde supports bruts.Notonspar ailleurs qu’aumoins un bloc entier du type 02a vraisemblablement été apporté tel quel sur lesite. Chose peut-être plus surprenante, les sili-cites lointaines ont elles aussi été introduitessous forme de matrices de débitage lamellaire,comme en témoigne les nucléus encore présentssur le site. Au vu du nombre d’éléments produits,notons d’ailleurs qu’une partie des nucléus et desoutils (notamment les burins) réalisés dans cesmatériaux ont été emportés en dehors du site (oudu moins de la zone fouillée).

Il apparaît donc à la lumière des résultats del’étude pétroarchéologique que la collecte de

4 Rappelonsque la série lithiquede la stationde l’Hermitagea été amputée de l’extrême majorité des 16 000 objets issusdes fouillesdeJ.Destexhe-Jamotte.L’interprétation faite iciest donc nécessairement partielle puisque des élémentsaujourd’huivirtuellementmanquantsdans la reconstitutiondes chaînes opératoires, peuvent avoir été présents dans ladite collection.

Tableau 2 : Station de l’Hermitage – Mode d’introduction des différents types de silicite.

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matières premières lithiques par le(s) groupe(s)humain(s) ayant occupé la station de l’Hermitagea pris place dans toute laHesbaye, ainsi que dansdes domaines plus occidentaux, vers le nord duBassin de Mons5, et méridionaux, vers le Bassinparisien. Pour autant, la gestion des géo-ressources ne semble pas répondre à des critèresfondés sur la distance d’approvisionnement, quece soit en termes de quantités effective ou pon-dérale (silicites locales O silicites lointainesO silicites semi-locales O silicites d’origineinconnue) ou en termes de modalités d’introduc-tion et de traitement.

4. Discussion4.1. Implications archéologiquesOutre la fréquentation de toute la Hesbaye

illustrée par la diversité génétique et gîtologiquede types apportés sous des formes variées sur lesite, nous avons donc constaté l’existence dematériaux provenant de deux espaces bien dis-tincts ; matériaux pour lesquels il convient des’interroger sur les raisons de leur présence surle site.

La station de l’Hermitage est considéréecomme une occupation liée à des activités cyné-gétiques en relation avec des habitats sis dans lamoyenne vallée de la Meuse (Strauss et al.,2000)6. Or, la fréquentation de la butte d’Huc-corgne semble avoir été récurrente pendant toutle Gravettien ancien, avec demultiples passages,comme l’illustre, par exemple, la reprise d’unnucléus gélifracté (Martinez et Guilbaud, 2000).Ainsi, loin d’une occupation brève et ponctuelle,ce caractère continu de l’occupation durant leGravettien ancien illustre bien l’importanceprise par le lieu « station de l’Hermitage » dans lastructuration spatiale du territoire.

L’apport de matériaux issus d’espaces dis-tincts (Bassin de Mons et Bassin parisien) pour-rait correspondre 1) à la réunion d’individus pro-

venant de deux espaces distincts, comme le laissepenser la similarité des modes d’introduction etdes objectifs du débitage qu’importe l’origine desmatériaux : chaque groupe vient avec son bagagelithique et s’approvisionne en grande partieautour du site – un tel comportement est connudans leGravettienanciende laVignebrun (Loire,France) (Pesesse,2013)–ou2)àdes temporalitésdifférentes, à l’instar de ce que nous avons puobserver pour les niveaux gravettiens récents duBlot (Haute-Loire, France) (Delvigne et al., souspresse) ou épipaléolithiques du Cuze de Neussar-gue (Cantal,France) (Langlaisetal., souspresse),où les zones d’approvisionnement varient au furet à mesure du temps. Cette hypothèse pourraitêtre appuyée par la projection en coupe desdiverses matières premières, mais la vision tron-quéedusite (pertedescollections, fouillepartielledu gisement) questionne d’emblée la représenta-tivité de l’échantillonnage.

4.2. La place du site d’Huccorgne dansle Gravettien ancien du Nord-Ouest euro-péen : perspectives paléogéographiquesSi la mise en relation de l’Hermitage avec les

sites gravettiens anciens du Bassin versant de laMeuse (Trou Magritte à Walzin, Bètche-aux-Roches à Spy) semble très plausible, comme lemontre la présence de silex dits « gris et noir dela Hesbaye » dans les séries de ces gisements(Miller, 2001) et l’origineméridionale de certainssilex d’Huccorgne, il convient de s’interroger surles relations Hesbaye / Bassin deMons. En effet,le seul site Gravettien ancien reconnu dans cetespace géographique est le site de Maisières-Canal « Champ de Fouilles », qui développe unfaciès lithique bien particulier et présente desdates parmi les plus anciennes du Gravettienoccidental (aux environs de 28 ka BP ; Haesaertset de Heinzelin, 1979 ; Touzé et al. 2015). Rappe-lons également que l’assemblageGravettien de laBètche-aux-Roches à Spy, dans la vallée de laSambre, contient des éléments typiques du Gra-vettien ancien à pointe pédonculée et du Maisé-rien (cf. pointe de Maisières) (Pesesse et Flas,2013) et qu’elle se situe à mi-distance entre leBassin deMons et la vallée de laMéhaigne.Ainsi,doit-on considérer qu’il manque (au moins) unsite de la seconde partie du Gravettien anciendans le Bassin de Mons, ou que les matériauxprovenant de cet espace géographique tradui-sent une occupation ancienne de la station de

5 À l’exceptiond’un fragmentde lameensilex campaniendela formation de Spiennes dans le niveau supérieur attribuéauNéolithiquemoyen, nous n’avons reconnu aucune siliciteprovenant du sud du Bassin.6 Les occupations du Gravettien ancien ne sont documen-tées que ponctuellement dans les grottes belges puisque ceslongues séquences présentent d’importants mélanges deplusieurs cultures (p. ex. Bètche-aux-Roches à Spy voirPesesse et Flass, 2013)

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l’Hermitage – à relier au Maisérien – non locali-sée (ou fouillée) et dont les indices lithiquesseraient manquants7 ?

Concernant leBassinparisien, il existeuncom-plexe de gisements gravettiens anciens dans lavallée du Loing, dont le site d’Ormesson – Les

Bossats (Seine-et-Marne, France) qui, récem-ment fouillé, présente des dates proches de cellesobtenues à l’Hermitage (Lacarrière et al., 2014),ainsi que des convergences tant techniques(Touzé, com. pers.) que lithologiques (exploita-tion de silex lacustres du Bassin parisien, dontl’origineresteàpréciser).Coupléesà l’originedesmatériaux retrouvés à l’Hermitage, ces observa-tions permettent de poser l’hypothèse d’une com-munauté d’idées, reliée par des éléments phy-siques,dansunespace liantplainesbelges,massifardennais et Bassin parisien. Bien que probable-ment plus ancienne et à rapprocher de l’indus-trie de Maisières-Canal, la présence d’une pointe

7 Rappelons que deux dates aux alentours de 28 ka BP(28 170 +/- 430 BP et 28 390 +/- 430 BP) ont été obtenues àHuccorgne, mais qu’elles sont généralement écartées, carprovenant d’unniveau correspondant àune coulée dedébris(Touzé, 2015) et ne sont pas en accord avec la stratigraphiedu gisement (P. Haesaerts, com. pers.).

Figure 2 : Station de l’Hermitage – Litho-espace : Les points noirs représentent les sites archéologiques, lespoints de couleur représentent les gîtes de matières premières. Les tracés pleins noirs illustrent les relationsavérées entre lieux montrées lors de ce travail, les tracés tiretés blancs illustrent les relations avérées entrelieux d’après la littérature (d’après Miller, 2001 ; Moreau et al. 2016 ; Touzé et al. 2016).

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pédonculée découverte à Rimling (Moselle,France) ainsi que la récente mise en évidence depointesdeMaisièresauCirquede laPatrie (Seine-et-Marne, France) et à Melun –Montaigu (Seine-et-Marne, France) (Touzé et al., 2016) viennentappuyer laréalitédeces liens fortsquiparcourentle Nord-Ouest de l’Europe dès l’aube du Gravet-tien (Figure 2).

On le voit bien, l’étude de l’origine des ma-tières premières de la station de l’Hermitage àHuccorgne ouvre d’importantes perspectivespaléogéographiques. Toutefois, pour aller plusavant, il s’agira de multiplier les analyses pétro-graphiques finessur d’autres sitesdu Gravettien an-cien du Nord-Ouest de l’Euro-pe. Par exemple,quid des sites del’Allemagne occi-dentale (Rhens, Koblenz-Metternich, Geissen-klösterle, Brillenhöle...) pour lesquels, au moinsen Rhénanie-Palatinat, une circulation desmatières premières lithiques depuis les terrainscrétacés de Belgique est suspectée, mais nonprouvée (Moreau et al., 2016). Pareillement, ils’agira de se questionner sur la chronologie finedes premières phases duGravettien en Belgique,d’en mieux cerner les mécanismes, et de reposi-tionner la station de l’Hermitage dans cette his-toire évolutive.

5. ConclusionSuspectée par des éléments de parure en

coquillages à Spy, Goyet et Maisières (Otte,1979 ; Moreau, 2003) et par la similarité desprocédés techniques mis en œuvre (Touzé et al.,2015 ; Touzé, thèse en cours), l’existence de liensentre Bassin parisien et Belgique orientale estmaintenant montrée par la circulation de maté-riaux lithiques. Celle-ci permet de considérer lavallée de la Meuse comme axe de circulationmajeure, autorisant la traversée dumassif arden-nais. En restituant sa véritable valeur géogra-phique à la station de l’Hermitage – c’est-à-direcelle d’un lieu – puis en la mettant en relationavec les autres sites subcontemporains du Nord-Ouest européen et avec les gîtes de matièrespremières exploités, il devient possible de poserl’hypothèse d’un vaste réseau de lieux, qui lie ausein d’unmême territoire (au sens géographique

du terme), la Belgique et le Bassin parisien, maisdont les mécanismes économiques et sociétauxrestent encore à déterminer par le développe-ment d’approches interdisciplinaires.

RemerciementsCe travail a été effectué dans le cadre d’une

bourse d’étude de la fondation Fyssen sous ladirection de P. Noiret. Nous remercions l’en-sembledesmembresduServicedePréhistoire del’Université de Liège et du Tracéolab, incarné enla personne de sa directrice V. Rots, pour l’accèsau matériel d’ob-

servation. Nousexprimons égale-ment toute no-tre gratitude àC. Jungels et au per-sonnel du Préhisto-muséum ainsi qu’àI. Jadin, M. De Ceu-

kelaire, M. Otte et J.-L. Schütz pour l’accès auxcollectionsarchéologiquesetgéologiques intéres-sant notre problématique. Enfin, un remercie-ment particulier à J.-Ph. Collin, L. Moreau etO. Touzé pour leurs conseils et pour avoir suivi cetravail avec intérêt.

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1. Introduction

TThe Station de l’Hermitage inHuccorgne (Prov.Liège,Belgium) is anopen-air site discovered at the end ofthe 19th century by De Puydt andLohest (1884-1885), then searched

four times respectively by F. Tihon from 1886to 1890 (1895-1896), by J. Destexhe-Jamottefrom 1969 to 1971, by P. Haesaerts in 1976and 1980, and by M. Otte and LG Straus from1991 to 1993 (Straus et al., 2000). It presents asuccession of three industries of well differentia-ted ages, attributed to the Neolithic, the Gravet-tian and the Mousterian (Haesaerts, 2000). Themain part of the Gravettian series, which is thesubject of this note, is composed of lithic objects(N = 9277) whose technological diagnosis wasrecently made (Touzé, 2015); fauna, as is oftenthe case in open-air sites in Belgium, is poorlypreserved (N = 200, Gautier, 2000). Theseremains enabled the realization of six dates,whose four are considered valid, between

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28390 +/- 430 BP and 26300 +/- 350 BP (for adiscussion of the dates see Haesaerts, op cit andTouzé, op cit.). In contrast to other subcontem-porary deposits in Belgium, located in cave andwhose fills often present a mixture of MiddlePaleolithic, Aurignacian, Gravettian andMagda-lenian industries (Otte, 1979, Pesesse and Flas,2013), the Gravettian Station de l’Hermitagewould testify to one ormore occupations short intime, but all belonging to the same technoculturalgroup: the ancient Gravettian.

By its geographical location, in a dominantposition in the valley of the Méhaigne – a tribu-tary on the left bank of the Meuse – on the edgeof the vast loess plateaux of the Hesbaye, theStationde l’Hermitage is oneof themostnortherlygravettian sites in Western Europe. It is there-fore aquestionofwonderingabout its place in theworld of the early Upper Paleolithic, consideringthis place in a perspective of landscape manage-ment. Previous raw material studies, based onobservationswith thenakedeye (see inparticularMiller, 1997, 2000, 2001), founda lowdiversity ofmaterials and theabsenceofflint circulationoverlong distances – a result that did not allow us toidentify the inter-space relations at the dawn ofthe North-West Gravettian – the method used inthis work (infra) draws a more contrasted over-view and allows us to obtain unexpected results.

2. Material and MethodPetroarchaeology, that is to say the sub-disci-

pline of archeology which studies the composi-tion and origin of silicites1 found on archaeologi-cal sites, has two main interests: 1) thereconstitution of techno-economic systems, indocumenting the first phases of the chaîne opéra-toire – that is to say the acquisition phase and,coupled with the lithic technology, the mode ofintroduction into the sites – and 2) the highli-

ghting of the supply routes, the supply areas andmore generally prehistoric territories.

However, if oneof thegoal of petroarchaeologyis the highlighting of places where humans cameto collect lithic rawmaterials, the simple recogni-tion of the stratigraphic and diagenetic origin ofa silicite (that is to say its primary source) is notsufficient in the context of amodern petroarcheo-logic approach (Turq, 2005). Based on variousworks related to the alteration of silicites – inclu-ding patinas, luster, mineralogical changes rela-ted to temperature variations and changes ofresidence (Hurst and Kelly, 1961, Rottländer,1975,Vilas-Boas, 1975,Aubry, 1975,Thiry, 1981,to name only the main ones), P. Fernandes andJ.-P.Raynaldeveloped in the2000s theconceptof”evolutionary chain of flints“ (Fernandes andRaynal, 2006, Thiry et al., 2014). This addition ofan alterological component to classical silicitediagnose methods (Masson, 1981, Séronie-Vi-vien and Séronie-Vivien, 1987) makes it possibleto define the different gitological derivatives ofthe same genetic type; derivatives that corres-pond to many stages in the life of silicites andmake it possible to identify the formation inwhich lithic raw materials outcropped; forma-tions that are sometimes far away from primarysources (Fernandes 2012, Delvigne 2016).

Our work is therefore based on the precisepetrographic analysis integrating the concept of”evolutionary chain of flints“ of all the lithicmaterial of the Station de l’Hermitage, supportedby the unpublished study of different rock libraryin Belgium (Prehistomuseum of Ramioul, RoyalBelgian Institute of Natural Sciences, Universityof Namur) increased by the realization of targe-ted surveys in an area of twenty kilometersradius around the site. Each flint is described ina database containing 160 fields and divided intothree forms: 1) petrographic, 2) alterologic and3)taphonomic. This analytical approach, whichcombinesfieldworkandobservationsat differentscales, makes it possible to specify the origin ofthe artefacts present on the site and comes todiscuss the homogeneity of the archaeologicaldeposit. In the context of this article, we willmainly support the first point, seeking to identifythe paleogeographic consequences induced byour approach.

Theaccuracyofpetrographicanalyses is all themore important in prehistory, as we have shown

1 The term ”silicite“, recently introduced by Professor A.Prichystal (2010) in Eastern and Central Europe, refers toall silicified rocks of chemical, biochemical or diageneticorigin. It allows to free of the term ”flint“, whosemeaning iscontroversial and misunderstandings sometimes used bygeologists, petrographers, sedimentologists or archaeolo-gists. In the rest of this work, we will use the term ”silicite“to designate all the siliceous sedimentary rocks, the term”flint sensu stricto“ to designate the rocks constituted bysiliceous epigenesis and bearing a cortex, and the term”flint“ in the archaeological sense for designate lithic objectsknapped by humans.

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in our previous work (Delvigne et al., 2014, Del-vigne, 2016) that only the diversity, the quantityand the type of introduction of materials fromcoherent geographical spaces (i.e. geotops)makeit possible to hypothesis on a direct or indirectacquisitionofmaterials, and thus to reflect on theextension of past territories. However, thesimple assimilation of the litho-space2 of a singlesite to the exploited geographical space and / orthe territory of a given group is not sufficient,since it does not consider, nor the underlyingmechanisms relating to the presence of themate-rials on the sites, nor the indices outside the site.The analysis therefore remains sito-centered,which from a point of view of themanagement oflandscape and the study of territories is parado-xical, since the work of social and cultural geo-graphy has shown that it is the set of intercon-nections between places that carries meaning ina given geographical space and allows territoria-lization (Bonnemaison, 1981,Collignon, 1996,DiMeo, 1998).

The graphic representations of past territoriesas they are found in the scientific literature aremade in the formofflat areas coveringvast areas.However, this structuring of space differs totallyfrom that of current and sub-current nomadicpeoples, regardless of the economic system, sincethe named places corresponding to recognizedpoints of interest within the territory, respond toitineraries that do not possess any status. Voidslocatedoutside regular routesor identifiedplacesare parts that arenot traveled andare outside theterritory. Thus, in order to reconstitute the pastterritories in the form of networks of places(Debarbieux, 2009), we are based on three pos-tulates:

1) The palaethnographic truth of the studiedartifacts: this postulate is in fact common to anyarchaeological study and indicates that it is pos-sible to treat objects from the same level in asingle set;

2) The temporal stability of the territories: sincethe territory is above all a social building, itsstructure does not vary significantly as long as

the cultural system that governs it persists; theabsence of strict contemporaneity between sitesis therefore not a problemas long aswe reflect oncoherent cultural entities (here those of prehis-toric techno-cultures);

3) The structural simplification of the network:that is to say that the recurrence and the crossingof the routes allow the inscription of two distinctplaces in a same network (Figure 1).

Based on the results we obtained at Station del’Hermitage and by increasing them from those ofthe other disciplines acquired for this site and forthe subcontemporary sites of the litho-space aswe have identified it (infra), wewill see in the restof this work that it becomes possible to networkthe North-Western Europe at the beginning ofthe Gravettian.

3. Results3.1 GitologyOf the 9 277 pieces analysed, 9 152 present

surface conditions that allow their comparison(low to medium white patina, fresh edges andarris, action of the gel). Objects attributable tothe Mousterian show a significant degree ofalteration (total white patina, blunt edges andarris, traces of transportation on the surfaces),whereas those deemed neolithic seem fresh(absence of patina and absence of trace linked tothe action of the gel). The data by number andweight for each type of silicite are summarized inTable 1.

Local silicites (S10 km radius from the site)largely dominate the assemblage (74.1% of thetotal number and 67.6% of the total weight).These seem to have been collected in all types ofdeposits, illustrating the frequentation of all theMéhaigne valley from the alterites and collu-viums of Braives (type 01, Plate 1.1) to the Juras-sic lands of the Ardennes, located immediatelysouth of the site, as shown by types 03 and 05(Plate 1.3). Among the variety of flint known as”Silex de Hesbaye“ and in addition to types 01and 02, we have recognized in small proportiondifferent marine flints (types 08, 10, 16, 17 and21). They correspond to faciological variations ofthe Campanian flints of the Gulpen Formation.These variations are based on the number,distribution and diversity of allochems – nota-bly planktonic foraminifera (see Heterohelix,Globigerinidae, Lenticulina...), the detrital and

2 Considering a given archaeological level for which themechanisms dictating the establishment of deposits is wellknown,wecall litho-space, thegeographical spacedefinedbythe maximum extent sketched by the origin of the rawmaterials found in this level.

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biogenic fraction ratio and the fragmentationrate of spicules. These five types show collectionspreferentially near the primary deposits (subpri-mary, alteritic or colluvial position).

Presence of semi-local flints (between 10 and100 kmradius from the site), whose proportion isless than 5.0%of the total number and 7.0%of thetotal weight, testifies the visit of the rest of

Table 1: Station de l’Hermitage – Weight, number and sources of the different types of silicite.

Figure 1: Simplification of the network. A: Each site (round) has a set of lines connecting it to differentlodgings;B: Inblue, the linkspreserved in thedefinitivemodel, in red, the links removedaccording to the threepostulates (contemporaneity, representativeness, simplification); C: Networking of places (gites and sites).

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Hesbaye, like the Jette valley (type 02, Plate 1.2)and in particular clay with flints and colluviumsoils that cover its flanks atOrp. It is the same formost of theMaastrichtian flints (types 12, 18 and24), which probably come from the north-east ofthe Liège Basin, on the border between Hesbayeand Campine. Occupation of the western part ofthe country (Brabant) is attested by Eocenesandstone (type 09, Plate 1.6), whose naturallithoclase shows no signs of transport, and rarePhtanites (Type 11, Plate 1.7) probably from thevalleys of Dyle and Thyle.

Finally, distant silicites (O100kmradius fromthesite), preferentially collectednear theprimarysources with the exception of that of the Maas-trichtian of the Mons Basin collected in equalparts in the colluvium and alluvium formations,show an origin in two distinct geographicalspaces. The first corresponds to the north of theMonsBasin(8.6%of thetotalnumberand14.0%ofthe total weight), as illustrated by the differenttypes ofMaastrichtian flints of the Ciply-Malogneformation (Types 06 , 25.1 and 29, plate 1.4), theTuronian of the formation of Saint-Denis(Type 27, plate 2.8) and the Campanian of theformationofObourg-Nouvelle (Type13,plate2.1).The second is a southern space still unpublishedfor sites of the Belgian Palaeolithic: the ParisBasin (4.9% of the total number and 2.1% of thetotalweight), andmore particularly its center andeast fringes, as testify themarine flints at incertaesedis of the middle Oxfordian of the Meuse valley(Type 15 and probably type 07, plate 2.2 and 1.5)and the Bartonian lacustrine flints of the Aisneand Oise valleys (Type 20 board 2.5).

If thepreviousstudies(Miller,1997,2000,2001,Touzé, 2015) had identified the local dominantgeoresources exploited at the Hermitage – withthe presence of so called ”black or gray“ Hesbayeflint and Brussels sandstone –, the diversity iden-tified (D = 27) in this work was not perceived. It isthe same for silicites of distant origins, notablyfrom theParisBasin, that had been suspected (see”Obourg black flints“ in Miller, 2000 and Touzé,2015), but never really been attested. Note alsothat most of the black flints of the Station de l’Her-mitage are not so-called ”Obourg black flints“, butflints from the Oxfordian.

3.2 Lithic TechnologyThe linking of techno-typological and litholo-

gical observations makes it possible to approach

the management of the georesources of a parti-cular site (Geneste, 1985); the methods of intro-duction and export for the Station de l’Hermi-tage3, rawmaterial type by rawmaterial type, aredetailed in Table 2.

Ifweobserve that the local types– inparticularthe type 01 – were brought in the form of blocksand / or blades and bladelets cores ready to beknapped, we also notice that the semi-local flintswere introduced in the form of blade productsand cores (for blades and bladelets production).Note also that at least one whole block of type02 was probably brought on the site. Perhapsmoresurprisingly, distant siliciteshavealsobeenintroduced in the form of blades and bladeletscores, as evidenced by the still existing cores onthe site. In view of the number of elementsproduced, note that some of the cores and tools(particularly burins) made in these distant rawmaterials were taken away from the site (or atleast from the excavated area).

It therefore appears from the results of thepetroarchaeological study that the collection oflithic raw materials by the human group (s)that occupied the Station de l’Hermitage tookplace throughout the Hesbaye, as well as thanin more western, north of the Bassin de Mons4,and southern areas, towards the Paris Basin.However, the management of georesources doesnot seem to meet criteria based on the supplydistance, either in terms of quantity or weight(local silicitesO distant silicitesO semi-local sili-citesO silicites of unknown origin) or in terms ofintroduction mode and treatment modalities.

4. Discussion4.1. Archaeological ImplicationsIn addition to the use of all the Hesbaye illus-

trated by the genetic and geological diversity oftypes brought in various forms on the site, we

3 Let’s remember that the lithic series of the Station del’Hermitage has been cut off from the extreme majority ofthe 16,000 objects from the excavations of J. Destexhe-Jamotte. The interpretation made here is therefore neces-sarily partial since elements that are today virtuallymissingin the reconstruction of the operating chainsmay have beenpresent in the collection.4 With the exception of one Campanian flint fragment fromthe Spiennes formation in the upper level attributed to theMiddle Neolithic, we did not recognize any silicites from thesouthern part of the Mons basin.

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Plate 1: Station de l’Hermitage – Microfacies of silicites: 1. Type 01 – Campanian (Gulpen Formation),Méhaigne Valley; 2. Type 02 – Campanian (Gulpen Formation), Jette Valley; 3. Type 05 – Dinantian (LivesFormation), Méhaigne Valley; 4. Type 06 – Maastrichtian (Ciply – Malogne Formation), north of the MonsBasin; 5. Type 07 – middle Oxfordian?, Lorraine (Fr.)?; 6. Type 09 – Eocene, Brabant wallon; 7. Type 11– Cambrian (Mousty Formation), Dyle and Thyle Valley; 8. Type 12 – Maastrichtian, North-east of theHesbaye.

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Plate 2: Station de l’Hermitage – Microfacies of silicites: 1. Type 13 – Campanian (Obourg – NouvellesFormation), North of the Mons Basin; 2. Type 15 – Middle Oxfordian, Meuse Valley (Fr.); 3. Type 17– Campanian (Gulpen Formation)?, Hesbaye; 4. Type 18 – Maastrichtian, North of the Hesbaye; 5. Type 20– Bartonian, Tardenois (Fr.); 6. Type 23 – Maastrichtian, unknown origin; 7. Type 25.2 – Maastrichtian,unknown origin; 8. Type 27 – Turonian (Saint Denis Formation), Nord of the Mons Basin.

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have thus noted the existence of materialscoming from two distinct area; materials forwhich it is necessary to question the reasons fortheir presence on the site.

The Station de l’Hermitage is considered as anoccupation linked to hunting activities in relationto habitats located in the middle valley ofthe Meuse (Strauss et al., 2000)5. However, thefrequentation of Huccorgne’s hill seems to havebeen recurrent throughout the ancientGravettian,withmultiple passages, as illustrated, for example,by the knapping of a frozen core already knappedby previous humans (Martinez and Guilbaud,

2000). Far from a brief and punctual occupation,this continuous character of the occupation duringa long part of the ancientGravettian illustrates theimportance taken by the place ”Station de l’Hermi-tage“ in the spatial structuring of the territory.

The introduction ofmaterials fromdistinct geo-graphical spaces (Mons and Paris Basins) couldcorrespondto1) themeetingof individualscomingfrom two distinct area, as suggested by the simila-rityof themodesof introductionandtheobjectivesof thedébitagewhatevertheoriginof thematerials:each group comes with its lithic gears and gets itssupplies largelyaroundthesite–suchbehaviour isknown in the ancient Gravettian of La Vigne brun(Loire, France) (Pesesse, 2013) – or 2) at differenttemporalities, as we have observed for the recentGravettian levels of Le Blot rockshelter (Haute-Loire, France) (Delvigne et al., in press) or Epi-paleolithic levels ofLeCuze deNeussargue (Cantal,

5 The occupations of the ancient Gravettian are only occa-sionally documented in the Belgian caves since these longsequences present important mixtures of several cultures(eg Bètche-aux-Roches at Spy see Pesesse and Flass, 2013).

Table 2: Station de l’Hermitage – Introduction mode of the differents types of silicite.

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France) (Langlais et al., In press), where supplyareas vary over time. This hypothesis could besupportedby thespatialdistributionof thevariousraw materials, but the truncated vision of the site(loss of collections, partial excavation of the depo-sit) immediately questions the representativenessof the sampling.

4.2. Huccorgne’s site in the ancient Gra-vettian of North-West Europe world:paleogeographic perspectivesIf the connection between the Station de l’Her-

mitage and the ancient Gravettian sites of theMeuse catchement area (TrouMagritteatWalzin,Bètche-aux-Roches at Spy) seems very plausible,as shown by the presence of flint so called ”grayand black“ of the Hesbaye in these series (Miller,2001) and the southern origin of some flints ofStation de l’Hermitage, it is necessary to wonderabout the Hesbaye / Mons Basin relations.Indeed, the only ancient Gravettian site reco-gnized in this geographical space is theMaisières-Canal site ”Champ de Fouilles“, which develops avery particular lithic facies and has some of theoldest dates of western Europe Gravettian(around28kaBP,HaesaertsandHeinzelin,1979,Touzé et al., 2015). It should also be rememberedthat theGravettian assemblage of theBètche-aux-Roches in Spy, inthe Sambre val-ley, contains typi-calelementsoftheancient Gravet-tian with pedun-culate points andMaisérien (see Maisières point) (Pesesse et Flas,2013) and that it is located halfway between theBasin of Mons and the valley of the Méhaigne.Thus, should we consider that it lacks (at least)one site of the second part of the ancient Gravet-tian in theMonsBasin, or that thematerials fromthis geographical area reflect an ancient occupa-tion of the Station de l’Hermitage – to link toMaisérien – not localized (or excavated) andwhose lithic indices would be missing6?

Concerning theParis Basin, there is a complexof ancient Gravettian sites in the Loing Valley,including the site of Ormesson – Les Bossats(Seine-et-Marne, France) which, recently excava-ted, has dates close to those obtained at theStation de l’Hermitage (Lacarrière et al., 2014), aswell as convergences both technical (Touzé, com.pers.) and lithological (exploitation of lacustrineflint of the Paris Basin, whose origin remains tobe specified). Coupled with the origin of the rawmaterials found at the Station de l’Hermitage,these observationsmake it possible to hypothesisa community of ideas, connected by physicalelements, in a geographical space linking theBelgian plains, the Ardennes massif and theParis Basin. Although probably older and closerto the Maisières-Canal industry, the presence ofa pedunculate point discovered in Rimling(Moselle, France) as well as the recent highli-ghting of Maisières points at Cirque de la Patrie(Seine-et-Marne, France) and Melun-Montaigu(Seine-et-Marne, France) (Touzé et al., 2016) sup-port the reality of these strong links that cross thenorth-west of Europe from the dawn of Gravet-tian period (Figure 2).

As can be seen, the study of the origin of rawmaterials at the Station de l’Hermitage in Huc-

corgne opens impor-tant palaeogeogra-phic perspectives.However, to go fur-ther, iwehavetomul-tiply the precisepetrographic ana-

lyses on other sites of the ancient Gravettian ofNorth-West of Europe. For example, what aboutthe sites of western Germany (Rhens, Koblenz-Metternich, Geissenklösterle, Brillenhöle...) forwhich, at least in Rhineland-Palatinate, a circu-lation of lithic rawmaterials from theCretaceousformations of Belgium is suspected, but not pro-ven (Moreau et al., 2016)? Similarly, it will benecessary to question the chronology of the earlyphases of the Gravettian in Belgium, to betterunderstand its mechanisms, and to repositionthe Station de l’Hermitage in this evolutionaryhistory.

5. ConclusionSuspected by elements of shell adornment at

Spy, Goyet and Maisières (Otte, 1979, Moreau,2003) and by the similarity of the lithic technical

6 Remember that two dates around 28 ka BP (28,170 +/-430 BP and 28,390 +/- 430 BP) were obtained at Station del’Hermitage. They are generally discarded because theycome from a level corresponding to a debris flow (Touzé,2015) and are not in agreement with the stratigraphy of thedeposit (P. Haesaerts, com. pers.)

“ the study of the origin of raw materialsat theStation de l’Hermitagein Huccorgneopens important palaeogeographicperspectives. ”

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processes (Touzé et al., 2015; Touzé, thesis inprogress), the existence of links between theParisBasin andeasternBelgium isnowshownbythe circulation of lithic rawmaterials. It allows toconsider the valley of the Meuse as major axis ofcirculation, allowing the crossing of theArdennes massif. By restoring its true geogra-phical value to theStation de l’Hermitage– that isto say that of a place – and then putting it inrelation with the other subcontemporary sites ofNorth-West Europe and with the sources of rawmaterials exploited, it is possible to hypothesizea vast networkof places,which linksBelgiumandthe Paris Basin within the same territory (in the

geographical sense of the term), but whose eco-nomic and socialmechanisms remain to be deter-mined through the development of interdiscipli-nary approaches.

AcknowledgmentsThis work was done as part of a scholarship

from the Fyssen Foundation under the directionof P. Noiret. We thank all the members of theService de préhistoire of the University of Liègeandof theTracéolab, represented in thepersonofits director V. Rots, for the access to the obser-vation equipment.We also express our gratitudetoC.Jungelsand thestaffof thePrehistomuseum

Figure 2: Hermitage Station – Litho-space: The black dots represent the archaeological sites, the color dotsrepresent the deposits of raw materials. The black lines illustrate the proven relationships between placesshown in this work, the white dashed lines illustrate the relationships between places according to theliterature (after Miller, 2001, Moreau et al 2016, Touzé et al.).

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as well as to I. Jadin, M. De Ceukelaire, M. Otteand J.-L. Schütz for access to archaeological andgeological collections that interested our studies.

Finally, a special thanks to J.-Ph. Collin,L. Moreau and O. Touzé for their advice and forhaving followed this work with interest.

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Archéozoologie, géochimie et concepts de domesticationen Mésoamérique

Aurélie MANIN

Postdoctorante, Marie Skłodovska-Curie Fellow. University of York, Department of Archaeology,BioArCh.

RésuméLa domestication des animaux en Amérique, et en particulier enMésoamérique, a été réduite à un

tout petit nombre d’espèces, négligeant ainsi l’importance d’autres pratiques telles que le garden-hunting et le pet-keeping. Dans cet article, je passe en revue les principaux témoignages historiques etethnographiquesdesdifférentes formesdegestiondesanimauxet les limitationsde leur transpositionau registre archéologique. Les isotopes stables du carbone et de l’azote ont été perçus comme unemanière efficace d’identifier la gestion des animaux en Mésoamérique. Après une brève descriptionde la méthode, je présente quelques exemples issus de la littérature où la gestion des artiodactyles,des léporidés, des dindons ou des chiens ont été déduites à partir de l’analyse des isotopes stables.Cette revue confirme le fort potentiel de cette approche dans la compréhension des différentes formesde gestion des animaux en Mésoamérique.

Mots-clésArtiodactyles, Dindon, Chien, Léporidés, Garden-hunting, Pet-keeping, Élevage, Gestion animale.

Zooarchaeology, geochemistry, and conceptsof domestication in Mesoamerica

AbstractThe domestication of animals in America, and in particular inMesoamerica, was limited to a small

number of species, dismissing the role of other practices such as garden hunting and pet-keeping. Inthis paper, I review the main ethnographic and historic evidence for the different forms of animalmanagement and the caveats for their transposition to the archaeological record. Stable isotopes ofcarbon and nitrogen have been suggested as an accurate way to identify animal management inMesoamerica. After a brief description of the method, I present some examples from the literaturewhere artiodactyls, leporids, turkey or dog management were inferred from stable isotope analyses.This review confirms the high potential of this approach to understanding the different forms ofanimal management in Mesoamerica.

KeywordsArtiodactyls, Turkey, Dog, Leporids, Garden hunting, Pet-keeping, Husbandry, Animal manage-

ment.

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Introduction

Entempérant les effets des aléas clima-tiques et en agissant sur la conserva-tion des ressources naturelles, ladomestication animale est générale-ment considérée comme une étape

significative de l’évolution humaine permettantl’accroissement des sociétés (Alvard et Kuznar2001 ; Zeder et al. 2006). Ce processus dyna-mique se base sur une relation mutuelle durableentre les groupes culturels et leur environne-ment, avec souvent pour résultat le façonnagedes animaux domestiques que l’on connaîtaujourd’hui (Vigne 2011 ; Zeder 2015).

Peu d’animaux ont été domestiqués dansl’Amérique pré-contact : deux camélidés (le lama,Llama glama, et l’alpaga, Vicugna pacos) et lecochon d’Inde (Cavia porcellus) dans la régionandine, le canard de Barbarie (Cairinamoschata)en Amérique du Sud et Amérique Centrale et ledindon (Meleagris gallopavo) en Amérique duNord. Le chien est également présent dans lessites archéologiques pré-contact, mais sa domes-tication en Eurasie précède son introduction surle continent américain (Leonard et al. 2002).Avec seulement trois mammifères et deuxoiseaux localement domestiqués, le continentaméricain présente donc un certain déficit enanimaux domestiques,mais aussi une dispersionlimitée entre les différentes régions, ce quicontraste fortement avec la situation observée enEurasie (Diamond 2002).

Néanmoins, il semble que dans les culturesaméricaines la définitionmêmededomesticationmérite plus ample discussion. L’étude éco-an-thropologique de la perception du paysage dansdifférents groupes culturels non pastorauxmontreunediversité de conception.Notamment,la distinction faite à l’heure actuelle entre ani-mauxdomestiques et animaux sauvages apparaîtcomme le produit d’une perception occidentalenéedans l’EmpireRomain, au toutdébutdenotreère (Descola 2004). Mais qu’est-ce que serait unanimal « sauvage » pour une culture qui n’iden-tifie pas d’espaces proprement sauvages ?

Cet article a pour objectif de préciser la défi-nition d’animal domestique en Mésoamérique,en mettant en évidence les différents aspects desinteractions Homme-animal telles qu’on peutles identifier grâce aux sources historiques etethnographiques. Parmi les différentes façons de

transférer ces concepts au corpus archéozoolo-gique (profile d’âge et de sexe, paléopathologies,paléodiète, structure génétique des populations),je synthétise ici des analyses isotopiques du car-bone et de l’azote issues du collagène osseux afind’illustrer différents degrés de la gestion desanimaux en Mésoamérique.

Qu’est-ce que la domestication animaleen Mésoamérique ?

Si l’on s’en tient à la définition communémentadmise d’animal domestique (soit ceux dont lareproduction est entièrement contrôlée parl’Homme), seuls deux d’entre eux étaient présentenMésoamériqueavant laconquêteespagnole : lechien et le dindon. Il semble toutefois qu’aucunesociétémésoaméricaine n’ait développé une stra-tégiedesubsistanceprincipalementbaséesur cesdeux taxons. Au contraire, on observe l’exploita-tion d’un large panel d’animaux « sauvage » utili-sés dans des contextes domestiques, funérairesou rituels (p. ex. Götz 2008 ; Manin et Lefèvre2016 ; Sugiyama et al. 2017). Ces observationsamènent à considérer plus en détail les diffé-rentesmanières de percevoir les animaux, d’où ilsemble que les groupes natifs d’Amérique ne sesoient pas limités à une dichotomie entre domes-tique et sauvage.

Le garden hunting ou la culture des ani-maux « sauvages »Les observations ethnographiques réalisées

sur des populations indigènes mésoaméricainespermettent une distinction entre la sphèredomestique et la sphère sauvage, le monte. Maisplus qu’un contraste entre un paysage agricole etun espace sauvage, la sphère domestique et lemonte diffèrent dans lamanière dont sont traitésles animaux. En effet, d’après les observationsethnographiques et historiques, les animaux dumonte sont sous la protection du gardien des ani-maux (Olivier 2015).Afind’obtenir l’autorisationde les tuer, les chasseurs, exclusivement deshommes, doivent se plier à une série de rituels.Ces règles ont été décrites comme une manièred’assurer la conservation des ressources natu-relles et la régénération du gibier (Alvard et Kuz-nar 2001).

En revanche, il semble que tous les individus (ycompris les femmes et les enfants) sont autorisésà chasser les animaux de l’espace domestique, enparticulier s’il s’agit de protéger les cultures(Hémond 1996 ; Katz 2006), l’anthropisation de

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l’environnement favorisant le développementdes espèces commensales (Linares 1976 ; Szuter1991). Dans la région maya, certains groupesvont jusqu’à cultiver des parcelles spécialementdestinées à attirer ces espèces commensales et enfaciliter la chasse (Santos-Fita et al. 2013). Cetype de pratique a été considéré comme la phaseinitiale de la domestication de certaines espèces,suivant le chemin dénommé « commensal »(Zeder 2012). Cette gestion faiblementcontrainte peut aussi avoir persisté telle quelledans une activité parfois comparée à l’élevage, legarden hunting ou chasse de jardin (Linares1976), qui associe les travaux agricoles et la« collecte » d’animauxdansun système techniquecomparé aux activités agro-pastorales reconnuesdans l’Ancien Monde.

Animaux captifs et pet-keepingLorsqu’ilspénètrentdans lacapitalede l’Empire

Aztèque en 1519, les espagnols découvrent avecsurprise plusieurs collections d’animaux captifs(Nicholson 1955). Différentes observation ethno-graphiques du tout début de la période colonialementionnent également la présence d’animauxapprivoisés, en particulier des oiseaux, dans lesvillagesmésoaméricains.Plutôtquedemaintenirune population sous contrôle pour en assurer lareproduction (l’élevage), les animaux sont dansce cas-là des individus isolés retirés de leurenvironnement, souvent lorsqu’ils sont encorejeunes. Cette pratique est bien connue dans laforêt amazonienne où elle est décrite sous lenom de pet-keeping. Pour des sociétés qui nepratiquent pas d’autre forme de gestion animale,cette activité constituerait un corolaire à lachasse (Erikson 1987). Toutefois, alors que lesanimaux apprivoisés de la forêt amazoniennesont étroitement intégrés à la famille de leur gar-dien, les témoignages dont on dispose pour lesanimaux captifs mésoaméricains sont souventplus institutionnalisés, soulignant la dimensionpolitique de cette pratique (p. ex. Sugiyama et al.2015).

Transposition au registre archéologiqueLesobservationsethnographiqueset ethnohis-

toriquesénoncéesprécédemmentmontrentainsila richesse des relations Homme-animal enMésoamérique, qui s’exprime dans une diversitéd’activité. Chacune de ces activités reflète diffé-rents aspects de l’organisation sociale dontl’identification dans le registre archéologique est

essentielle pour accroître notre compréhensiondes économies passées. Cette transpositionrecèle toutefois plusieurs points à prendre encompte. Alors que la retranscription des pra-tiques d’acquisition est souvent proposée à partirde la liste taxinomique des animaux retrouvésdans un site, la même espèce peut être ciblée à lafois par la chasse ou le garden hunting (parexemple le cerf àqueueblanche,ManinetLefèvre2016). Certains auteurs ont réussi à identifier lesvestiges de cages ou de pathologies en accordavec un maintien en captivité (Sugiyama et al.2013 ; López Luján et al. 2012), mais ces décou-vertes sont exceptionnelle et ne reflètent proba-blement pas l’étendue réelle de ces pratiques. Aucours des dernières décennies, l’étude des rela-tions Homme-animal a également été enrichiepar l’analyse des isotopes stables (White 2004).Dans cet article, je synthétise les principauxconcepts de l’utilisation des isotopes stables ducarbone (C) et de l’azote (N) pour l’identificationde l’élevage, du garden hunting et des animaux« sauvages » captifs dans le registre archéolo-gique et en propose une application concrète àpartir de données publiées issues de 21 sitesmésoaméricains (Figure 1).

Isotopes stables du carbone et de l’azoteet gestion des animaux en Mésoamérique

Les rapports isotopiques du carbone (d13C) etde l’azote (d15N) des tissus animaux étant lereflet de ceux des aliments qu’ils ont consommés(DeNiro et Epstein 1981 ; DeNiro et Epstein1978), ces marqueurs ont souvent été utiliséspour reconstituer l’alimentation des animauxfossiles.

Chez les herbivores terrestres, les rapportsisotopiques du carbone reflètent principalementle type de plantes consommées (C3, CAM et C4),qui se distinguent par le type de photosynthèsepratiquée. Alors que les plantes de type C3 (ici lesarbres et les buissons) présentent les valeurs ded13C les plus basses (environ -27‰,Kohn 2010),les plantes de type C4 (maïs, amarante et autresgraminées sauvages tropicales) et CAM (cacta-cées et agave) présentent des valeurs plus élevées(environ -13,5‰,Warinner et al. 2013). De plus,le couvert forestier induit une diminution en 13Cdû à l’effet de canopée : les mêmes plantes pous-sant dans un environnement ouvert tendront àavoir des valeurs de d13Cplus élevées (jusqu’à2,5 ‰ de plus, van der Merwe et Medina 1991).

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C’est pourquoi les animaux se nourrissant souscouvert forestier tendront vers des valeurs plusbasses que les animaux se nourrissant dans lesespaces perturbés et ouverts. Finalement, laculture principale des populations mésoaméri-caines est le maïs, une céréale tropicale de typeC4 dont les valeurs sont particulièrement haute(environ -9 ‰, Tieszen et Fagre 1993). Puisqu’ils’agit de la principale ressource disponible dansl’environnement humain, on peut s’attendre à ceque l’alimentation des animaux captifs soit elleaussi largement centrée sur le maïs, que cesoit en le consommant tel quel ou à travers lesdéchets de l’activité humaine. Les animaux cap-tifs devraient alors présenter les valeurs de d13Cles plus élevées. Ces rapports isotopiques setransmettant le long de la chaîne alimentaireavec un taux de fractionnement négligeable,les animaux carnivores conserveront dans leurs

tissus la signature « C3 » ou « C4/CAM » desherbivores consommés.

Des expérimentations de nourrissage contrôléont montré que le d13C du collagène osseuxreflétait principalement la composition des pro-téines ingérées avec une augmentationd’environ5‰ (Kellner et Schoeninger 2007). En se basantsur lamoyenne et l’écart type des valeurs ded13Cdes plantes de type C3 et C4/CAM de Mésoamé-rique1 (Warinner et al. 2013), les individus nour-ris de protéines d’origine C3 devraient présenterdes valeurs de d13C de -21,1‰ ± 2,13 tandis queles individus nourris exclusivement de protéinesd’origine C4 ou CAM devraient présenter des

1 Afin de refléter les valeurs de d13C atmosphériques pré-indistrielles, les valeurs modernes ont été corrigées de1,5 ‰.

Figure 1 – Localisation des sites mésoaméricains compares dans cette étude. 1 : Vista Hermosa ; 2 :Malpaís Prieto ; 3 : El Tropel ; 4 : Xochicalco ; 5 : Ixtapaluca ; 6 : Tlaltenco ; 7 : Teotihuacan ; 8 : Santa AnaTeloxtoc ; 9 : Dzibilchaltun ; 10 : Champoton ; 11 : Calakmul ; 12 : Cuello ; 13 : Colha ; 14 : El Mirador ; 15 :Lamanai ; 16 : La Joyanca ; 17 : Tikal ; 18 : Pacibtun ; 19 : Tipu ; 20 : Lagartero ; 21 : Copan (données tiréesde Gerry 1997 ; Jacome 2012 ; Manin et al. 2018 ; Morales Puente et al. 2012 ; Somerville et al. 2017 ;Sugiyama et al. 2015 ; Thornton et al. 2016 ; van der Merwe et al. 2000 ; White and Schwarcz 1989 ; Whiteet al. 1993 ; White et al. 2001 ; White et al. 2004).

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valeurs de d13C de -7,0 ‰ ± 2,26. Les valeursintermédiaires (-19,0 ‰ à -9,2 ‰) représente-raient alors des individus avec un comportementalimentaire mixte.

Les valeurs isotopiques de l’azote des plantes,d’autre part, sont fortement influencées par lacomposition des sols, la température et les pré-cipitations. Les pratiques agricoles, l’amende-ment des sols en particulier, peuvent aussi aug-menter significativement les valeurs de d15N desplantes (Szpak 2014). Les valeurs de d15N destissus animaux sont influencées principalementpar le niveau trophique du consommateurpuisqu’on observe un enrichissement régulier en15N entre les différents niveaux de la chaînealimentaire. Les animaux se nourrissant deplantes cultivées tendraient donc à présenter desvaleurs de d15N plus élevées que les animauxsauvages dumêmeniveau trophique.Néanmoinsces valeurs peuvent aussi augmenter en réponseau confinement, aux stress alimentaires ou à lamalnutrition, ce qui en fait un paramètre plusdifficile à contrôler que les rapports isotopiquesdu carbone.

Ainsi, d’après la distribution des valeurs ded13C dans l’environnement mésoaméricain, onpeut espérer à prédire le degré de commensa-lisme et de proxi-mité à l’Hommepour les différen-tes espèces ter-restres. Les rap-ports isotopiquesde l’azote pour-raient égalementfournir une visioncomplémentaire,bien qu’ils soient àconsidérer avecprudence.

Test de ce modèle sur les échantillonsarchéologiques mésoaméricains

Ce modèle a été testé sur une large basede références bibliographiques regroupant untotal de 362 individus issus de différentesespèces terrestres, retrouvées dans 21 sitesarchéologiques mésoaméricains s’étendant duPréclassique Ancien – Moyen (1000 – 600 avJ.C.) au Postclassique Récent (1350-1521 aprJ.C.). Les principaux résultats de ce test sontprésentés ici.

La répartition générale des données montreune corrélation modérée mais significativementpositive entre les rapports isotopiques du car-bone et de l’azote (r = 0,41 ; p O 0,001), lesanimaux ayant des valeurs élevées de d13C pré-sentant également des valeurs élevées de d15N.Cette corrélation est plus faible mais égalementprésente entre les plantes sauvages de type C3 etles plantes domestiques de type C4/CAM (r =0,41 ; pS 0,001 ; données issues deWarinner etal. 2013). Ainsi l’augmentation des valeurs ded15N chez les animaux pourrait représenter unetransition d’une alimentation basées sur lesplantes sauvages de type C3 vers des plantesdomestiques de type C4/CAM. Cette tendanceest particulièrement visible parmi les carnivores(félidés, aigles et probables loups) et les dindons,moins marquée mais toujours présente chez lesherbivores strictes (léporidés et artiodactyles) etabsente chez les chiens et les dindons ocellés.Cette hétérogénéité souligne la complexité del’utilisation des rapports isotopiques de l’azotepour comprendre la gestion des animaux enMésoamérique.

De grandes tendances dans la distribution desvaleurs de d13C peuvent être observées entre lesdifférents groups d’animaux. Les artiodactyles

(cerf à queue blan-che, mazama etpécari) présententune alimentationtypique des ani-maux sauvagestandis que les lépo-ridéssontcertaine-mentcommensauxet les valeurs isoto-piquesdesdindonstémoignentde l’ali-mentation mixte

d’animaux commensaux à captifs (Figure 2).

Certains individus se retrouvent toutefois clai-rement en dehors de ces tendances. Dans larégion maya, des cerfs et des pécaris présententdes valeurs de d13C excédant -15 ‰, ce quiindique la consommation régulière de maïs. Ensebasant sur laprésencedecesanimauxdansdesdépôts cérémoniels, White (2004) émet l’hypo-thèse qu’ils aient été apprivoisés pour prendrepart à des rituels spécifiques. Ils pourraient aussireprésenter des animaux fréquentant très

“Les artiodactyles (cerf à queue blanche,mazama et pécari) présentent unealimentation typique des animauxsauvages tandis que les léporidés sontcertainement commensaux et les valeursisotopiques des dindons témoignent del’al imentation mixte d’animauxcommensaux à captifs”

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régulièrement les champs de maïs et ciblés parle garden hunting. Le dindon (Meleagris gallo-pavo) est généralement perçu comme unanimal contrôlé par les pratiques d’élevage, etde fait la plupart des individus présentent unealimentation riche en plantes C4/CAM. Certainsindividus font état de valeurs de d13C moinsélevées et cohérentes avec une alimentationmixte, en particulier dans le centre du Mexique.Cette tendance démontre l’existence de divers

degrés de gestion depuis les animaux élevés trèsextensivement jusqu’aux élevages intensifs(Manin et al. 2018). Le dindon ocellé est unparent proche seulement présent dans la pénin-sule du Yucatán. Ces oiseaux présentent desvaleurs variant d’une alimentation de type C3 àmixte, suggérant que certains d’entre euxauraient fréquenté les champs cultivés et été lacible du garden hunting (Thornton, Emery etSpeller 2016).

Figure 2 – Distribution des rapports isotopiques du carbone et de l’azote parmi les artiodactyles,les léporidés, les dindons et les chiens. Les ellipses représentent un intervalle de confiance de 0,95.

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Les chiens font état d’une variation particuliè-rement importante, avec des individus allantd’une signature typiquement C3 à typiquementC4/CAM. Cette variabilité a été attribuée à uncontinuum entre des animaux se nourrissant demanière opportuniste et libre et des animauxstrictement contraint. White (2004) met particu-lièrement l’accent sur l’association récurrentedes animaux présentant une alimentation detype C4/CAM aux contextes cérémoniels. Lacompilation de données de différentes régions duMexique, néanmoins, suggère que les chiensde larégionMayaprésententplusdevariabilitéque leschiens du centre et de l’Ouest du Mexique. Cesderniers font état de valeursded13Cplus élevées,en accord avec la consommation de déchets decuisine probablement riches en maïs.

Enfin, l’analyse de carnivores théoriquementsauvages (puma, loups et aigles royaux) indiqueune variabilité similaire, avec un gradient devaleurs caractérisant à la fois des animaux sau-vages et captifs. Dans ce cas, les valeurs particu-lièrement élevées de d13C auraient été atteintesà travers la consommation d’animaux déjà enri-chis en 13C. La présence d’os de léporidés dans lacavité stomacale de plusieurs de ces carnivoresretrouvés à Teotihuacan confirme cette hypo-thèse (Sugiyama et al. 2015).

ConclusionLes données présentées dans cette revue

mettent en évidence la diversité des comporte-ments alimentaires exprimés par les animaux enMésoamérique. Le grand nombre d’individuscomparés ici permet d’identifier des tendances àrapprocher de l’écologie et de l’éthologie desdifférentes espèces. Les hauts niveaux de d13Ccorrespondent certainement à une gestionanthropique tandis que lesniveaux lesplusbasded13C sont typiques des animaux sauvages oud’élevage très extensif. La plupart des taxonsexaminés ici montrent toutefois des variationsqui suggèrent différents degrés d’interventionhumaine. Cette observation souligne la diversitédes pratiques anthropiques et la définition com-plexe de la gestion des animaux en Mésoamé-rique. D’une manière générale, les résultats syn-thétisés dans cet article montrent la nécessité depoursuivre et d’étendre l’analyse des isotopesstablesdesosanimauxafindemieuxcomprendreles nuances de la relation Homme-animale aucours du temps.

RemerciementsCe projet a été financé par une subvention pos-

tdoctorale de la Fondation Fyssen et accueilli parl’équipe BioArCh, au sein du départementd’Archéologie de l’université de York, entrenovembre 2016 et août 2017. Je remercie CamillaSpeller,MichelleAlexander et tous lesmembresdeBioArCh pour leur soutien et les discussions fruc-tueuses sur ladomesticationet les isotopes stables.Ungrandmerci également àEleanorGreenpour larévision de la version anglaise de cet article.

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Introduction

The domestication of animals is oftenseen as significant step in human evo-lution and cultural construction, as itwould have acted as a buffer againstharsh environmental conditions and a

method for resource conservation, enabling thegrowth of societies (Alvard and Kuznar 2001;Zeder et al. 2006). Domestication is a dynamicprocess based on long-term mutualistic relation-ships between cultural groups and their environ-ment, often resulting in the modern domesticanimals (Vigne 2011; Zeder 2015).

It is commonly accepted that few animalsweredomesticated in pre-contact America: two came-lids (the llama, Llama glama, and the alpaca,Vicugna pacos) and the Guinea pig (Cavia porcel-lus) in the Andean region, the Muscovy duck(Cairina moschata) in South and Central Ame-rica, and the turkey (Meleagris gallopavo) inNorth America. The dog is also present in pre-contact archaeological contexts, but it is thoughtthatdomesticdogswere introduced fromEurasia(Leonard et al. 2002). With only three locallydomesticated mammals and two domestic birds,the American continent shows a deficit in animaldomestication with limited dispersion between

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regions, a starkcontrastof thesituationobservedin Eurasia (Diamond 2002).

However, themeredefinitionofdomesticate inAmerican cultures warrants discussion. Ethno-graphical and ecological investigations, focusingon landscape perception for different non-pasto-ral cultural groups, gives us an insight of themultiplicity of behaviours that might haveexisted. In particular, the opposition we usetoday between domestic and wild animals is theproduct of an Occidental perception born in theRoman Empire, at the beginning of our era (Des-cola 2004). But what is a ”wild“ animal for aculture that does not identify wilderness?

This paper aims to clarify the definition ofdomestic animals in Mesoamerica, highlightingthe different aspects of human-animal interactionsaccording tohistoric and ethnographic data. Thereare many different ways of transferring theseconcepts to the archaeozoological record (sex andagedistribution, paleopathology, palaeodiet, popu-lation genetic structure). Here I use published ana-lyses of carbon and nitrogen stable isotope valuesfrom bone collagen to illustrate varying degrees ofanimal management in Mesoamerica.Questioning animal domestication inMesoamerica

Following the common definition of domestica-tion (i.e., animals whose reproduction is fullycontrolledbyhumans),only twodomesticateswerepresent in Mesoamerica until the Spanishconquest: the dog and the turkey. However, noMesoamerican society employs a subsistence stra-tegy based solely on these two species, instead theyalso involve a range of ’wild’ animals used fordomestic, funerary or ritual purposes (e.g. Götz2008; Manin and Lefèvre 2016; Sugiyama et al.2017). These observations lead us to consider thedifferentwaysanimalswereperceivedand it seemslikely Native American groups were not limited toa domestic / wild dichotomy.

Garden hunting or the cultivation of ’wild’animalsEthnographic observations of indigenous

Mesoamerican populations enable a distinctionbetween a domestic sphere and a wilder one, themonte. This is more than a spatial differencebetween a cultivated landscape and a wild one;animals in the domestic sphere are treated diffe-rently to those in themonte. Indeed, according toethnographic and historic observations, animals

in themonteareunder theprotectionofananimalguardian (Olivier 2015). Before killing any of themonte animals, hunters, exclusively males, mustask the animal guardian for permission by per-forming a series of rituals. These rites have beenseenas a formof resource conservation to ensuregame regeneration (Alvard and Kuznar 2001).

On the contrary, any individual (includingwomen and children) in the community is per-mitted tohuntanimals in thedomestic area, espe-cially to protect the crops (Hémond 1996; Katz2006). Indeed, the proportion of commensal spe-cies is increased by the anthropicmodification ofthe landscape (Linares 1976; Szuter 1991). In theMaya region, some groups deliberately takeadvantage of this commensal nature by cultiva-ting specific fields in order to attract them andmake an easy catch (Santos-Fita et al. 2013). Theadoption of suchmethods has been considered asan initiation for the domestication of some spe-cies, following the so-called commensal pathway(Zeder 2012). This loosely constrained manage-mentmayhave also persisted in an activity some-times compared to husbandry: garden hunting(Linares 1976). Here, agricultural works and the”harvest“ of animals are associated in a technicalsystem comparable to other agro-pastoral activi-ties recognised in the Old World.

Captive animals and pet-keepingWhen they enter the capital of the Aztec

Empire in 1519, the Spanish discovered withastonishment several collections of captive ani-mals (Nicholson 1955). Numerous ethnographicrecords also mention the presence of tamed ani-mals, birds in particular, in early colonial Mesoa-merican villages (Corona-Manrique 2013).Rather than maintaining a population undercontrol to ensure its reproduction (husbandry),captive animals are isolated individuals that areremoved from their natural environment, oftenwhen still young. This practice is well known inthe Amazonian forest, and described as pet-kee-ping. In societies that do not present other formsof animal management, this activity would be acorollary to hunting (Erikson 1987). However,while Amazonian pets are tightly integrated wit-hin theirkeeper’s family, the testimonieswehavefor captive animals in Mesoamerica are oftenmore institutionalised suggesting also a strongpolitical dimension topet-keeping (e.g. Sugiyamaet al. 2015).

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Transposition to the archaeological recordEthnographic and historic records thus show

certain richness in human-animal relationshipsin Mesoamerica, expressing a diversity of activi-ties. These activities reflect different aspects ofsocial organisation whose identification in thearchaeological record would be essential tostrengthen our understanding of pasteconomies.However, there are several caveats tothis transposition. While animal acquisition isanalysed through the taxonomic list of animalremainsdiscoveredat a site, the samespecies canbe targeted either by hunting or garden hunting(e.g. the white-tailed deer, Manin and Lefèvre2016). Some authors have successfully identifiedpens or specific pathologies consistent with cap-tivity (Sugiyama et al. 2013; López Luján et al.2012), but these discoveries are exceptional andmight hide the real extent of these practices. In

recent decades, stable isotope analysis has pro-ved to be a valuable way to understand human-animal relationships (White 2004). Hereafter, Ipresent the main concepts underlying the use ofcarbon (C) and nitrogen (N) stable isotopes in theidentification of animal management. Then, Ireview the identification of husbandry, garden-hunting and captive ”wild“ animals in thearchaeological record using a set of publisheddata from 21 Mesoamerican sites (Figure 1).

Stable isotopes of carbon and nitrogen,and animal management in Mesoamerica

Because the carbon (d13C) andnitrogen (d15N)isotopic ratios of animal tissues reflect those ofthe food those animals consumed (DeNiro andEpstein 1981; DeNiro and Epstein 1978), theseproxies have often been used for palaeodietaryreconstruction.

Figure 1 – Location of the Mesoamerican sites compared in this study. 1: Vista Hermosa; 2: MalpaísPrieto; 3: El Tropel; 4: Xochicalco; 5: Ixtapaluca; 6: Tlaltenco; 7: Teotihuacan; 8: Santa Ana Teloxtoc; 9:Dzibilchaltun; 10: Champoton; 11: Calakmul; 12: Cuello; 13: Colha; 14: El Mirador; 15: Lamanai; 16: LaJoyanca; 17: Tikal; 18: Pacibtun; 19: Tipu; 20: Lagartero; 21: Copan (data from Gerry 1997; Jacome 2012;Maninetal. 2017;MoralesPuenteetal. 2012;Somervilleetal. 2017;Sugiyamaetal. 2015;Thorntonetal. 2016;van derMerwe et al. 2000;White and Schwarcz 1989;White et al. 1993;White et al. 2001;White et al. 2004).

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In terrestrial herbivores, carbon isotope ratiosprimarily reflect the type of plants that wereconsumed (C3, CAM and C4), based on diffe-rences in photosynthetic pathways. While C3plants (typically trees and shrubs) have thelowest d13C values (ca. -27 ‰, Kohn 2010), C4(maize, amaranth, and other tropical wild grass)and CAM (cacti, agave) plants display highervalues (ca. -13.5‰,Warinner et al. 2013).Moreo-ver, forest cover induces depletion in 13C due tothe canopy effect; the same plants in open envi-ronments will tend to have higher values (up to2.5‰ higher, van der Merwe and Medina 1991).Therefore animals eating in forests will have thelowest d13C values, while animals eating in dis-turbed open environments will tend to havehigher d13C values. Finally, the main crop culti-vated by theMesoamerican populations ismaize,a C4 tropical grass with particularly high valuesofd13C (ca. -9‰,TieszenandFagre 1993).As theprimary food resource for humans, the diet ofcaptive animals is also thought to have beenmainly comprised of maize, whether throughdirect feeding or via scavenging human foodwaste. Therefore captive animals would presentthe highest d13C values. These isotopic ratios aretransmitted along the food chain without signifi-cant fractionation: thus, carnivorous animalswill fix in their tissues the ”C3“ or ”C4/CAM“signature of the herbivores they consumed.

Experimental feeding of animals has shownthat d13C of bone collagen mostly reflects thecomposition of the proteins ingested with anoffset of ca. 5‰ (Kellner andSchoeninger 2007).According to themean and standard deviation ofd13C in C3 and C4/CAM plants from Mesoame-rica2 (Warinner et al. 2013), individuals only fedon C3 proteins are expected to display d13Cvalues of -21.1 ‰ ± 2.13 while individuals exclu-sively fed on C4 or CAM proteins are ought topresent d13C values of -7.0 ‰ ± 2.26. Interme-diate values (-19.0 ‰ to -9.2 ‰) are expected inanimals with a mixed feeding ecology.

On the other side, nitrogen isotope ratios inplants are strongly influenced by soil composi-tion, as well as precipitations and temperature.Agricultural practices, and soil manuring in par-

ticular, can significantly increase the plantsd15Nvalues (Szpak 2014). Levels of d15N in animaltissues are primarily influenced by the trophiclevel of the consumers’ food as they becomeregularly enriched in 15N each step up the foodchain. Thus, animals fed on cultivated cropswould tend to display higher d15N values thanwild animals from the same trophic level. Howe-ver, nitrogen isotopic ratios in animal tissues canalso increase with confinement, dietary stressand malnutrition, making it a parameter moredifficult to assess than carbon isotopic ratios.

Therefore, according to the distribution ofd13C values in the Mesoamerican environment,we are able to predict the degree of commensa-lism and human intervention in different terres-trial species. Nitrogen isotopic ratios would pro-vide a complementary vision, albeit d15N valuesmust be considered with care.

Testing the model against Mesoamericanarchaeological samples

Using an extensive literature encompassing atotal of 362 individuals from various terrestrialspecies found in 21 differentMesoamerican sitesranging fromtheEarly-MiddlePreclassic (1000–600 BCE) to the Late Postclassic (1350 –1521 CE), I tested the reliability of this model.Here, I present the main results of this assess-ment.

The overall repartition of the data shows amoderate but significant positive correlationbetween carbon and nitrogen isotopic ratios (r =0.50, p S 0.001), animals with higher d13C alsopresenting higher d15N values. This correlationisweakest, but still notable, betweenmodernwildC3 plants and domestic CAM/C4 plants (r = 0.41,p S 0.001; data from Warinner et al. 2013).Thus, the increase of d15N in animals couldrepresent a shift from a diet based on C3 wildplants to domestic C4/CAM plants. This trend isparticularly visible among carnivores (felids,eagles and probable wolves) and turkeys, lessprominent among obligate herbivores (leporidsand artiodactyls), andnot consistent amongdogsand ocellated turkeys. This heterogeneity under-lines the complexity of using nitrogen ratios tounderstand the management of animals inMesoamerica.

Different trends in the distribution of d13Cvalues canbe observeddepending on the groupofanimals. In particular, the artiodactyls (white-

2 Modern values of d13C have been corrected of 1.5 ‰ toreflect the pre-industrial values of atmospheric d13C.

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tailed deer, mazama and peccaries) display atypical wild diet, while the leporids are clearlycommensal animals and the turkey isotopicvalues suggest a mixed diet of commensal tocaptive feeding (Figure 2).

However, some individuals are clearly over thelimits of the main distribution. In the Mayaregion some deer and peccary present values ofd13Cexceeding -15‰which indicates the regularconsumptionofmaize.Relyingon thepresenceof

deer and peccary in ceremonial deposits, White(2004) hypothesized that these animalsmayhavebeen tamed to partake in specific rituals. Alter-natively, they could also represent animalswhichwere the targets forgardenhuntingas theywouldfrequent the maize fields to feed.

The wild turkey (Meleagris gallopavo) is oftenseen as an animal controlled by husbandry prac-tise, and indeed,most of the individuals display adiet strongly comprised of C4/CAMplants. Some

Figure 2 – Distribution of carbon and nitrogen isotopic ratios among artiodactyl, leporid, turkeyand dog. Ellipses represent 0.95 confidence interval.

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turkey individuals present lower d13C valuesconsistentwithamoremixeddiet, inparticular incentral Mexico. This demonstrates a diverserange of manage-ment practices,from free rangeor garden-huntedbirdsto intensivelyreared ones (Ma-nin et al. 2018).The ocellatedturkey (Meleagrisocellata) is a closerelative, only present in the Yucatán peninsula.Thesebirdspresent values consistentwithaC3 tomixed diet, indicating that many of them wouldhave grazed in the cultivated fields and becamethe targets of garden hunting (Thornton, Emery,and Speller 2016).

The dogs present a particularly wide variabi-lity ind13C values, with individuals ranging froma C3-based diet to a C4/CAM-based diet. Thisvariability has been attributed to a continuumbetween scavenging animals and penned ones.White (2004) in particular, emphasizes the rela-tionship between dog provisioning and ritualactivities, underlining the recurrent associationbetween C4/CAM-fed dogs and ceremonialcontexts. However, the compilation of data fromdifferent parts of Mesoamerica suggests that thedogs from theMayaarea showmore variability intheir feeding patterns than the dogs in Centraland Western Mexico. Dogs from Central andWestern Mexico display higher d13C valuesconsistent with the consumption of human foodscraps, probably rich in maize. Finally, the ana-lysis of theoretically wild carnivores (puma, wolfand golden eagles) indicates a similar variability,showing a gradient of values which characterizebothwild and captive animals. In these cases, thehigh levels of d13C would have been reached by

the consumption of animals already enriched in13C.Thepresenceof leporidbones in the stomachcavity of several carnivores from Teotihuacan

confirms this as-sumption (Sugiya-ma et al. 2015).

ConclusionThedata presen-

ted in this reviewreveal the diversi-ty of feeding prac-tices expressed by

animals in Mesoamerica. The large number ofindividuals compared here allows the identifica-tion of trends related to the ecology and ethologyof the different species. High levels of d13C arecertainly associated with human managementwhile low levels of d13C are typical of free-rangeor wild animals. However, most of the taxa exa-mined here show inter-individual variationsconsistent with varying degrees of human inter-vention.Thisobservationhighlights thediversityof human practices and the complex definition ofanimal management in Mesoamerica. The fin-dings summarised in this paper call for anincreased use of stable isotope analyses on ani-mal bones to strengthen our understanding ofpast human-animal relationship.

AcknowledgmentsThis project has been funded by a postdoctoral

subvention of the Fyssen Foundation and hostedby the BioArCh team, department of Archaeo-logy, University of York, between November2016 and August 2017. I am grateful to CamillaSpeller, Michelle Alexander and all the BioArChteam for supporting this project and for engagingdiscussions on animal domestication and stableisotopes. Thanks to Eleanor Green for reviewingthe English version of this paper.

“the artiodactyls (white-tailed deer,mazama and peccaries) display a typicalwild diet, while the leporids are clearlycommensal animals and the turkeyisotopic values suggest a mixed diet ofcommensal to captive feeding”

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Alimentation, mobilité, modes de vie des groupes humainsau cours de la Préhistoire récente :

approche anthropologique et multi-proxy

Alessandra VARALLI

Chercheuse post-doctorante au Laboratoire d’archéologie préhistorique et anthropologie, DépartementF.-A. Forel des Sciences de l’environnement et de l’eau, Université de Genève, Suisse

RésuméLes études archéologiquesmontrent de plus en plus que l’âge duBronze enEurope a été une période

très dynamique, mais plusieurs aspects concernant les comportements humains restent à éclaircir,comme la diffusion des nouvelles pratiques agricoles, les changements dans la gestion des ressourceslocales ainsi que l’apparitiondenouveaux réseauxd’échanges.Cette recherche, à travers une approchemulti-proxy et multi-isotopique se propose d’étudier les modifications des habitudes alimentaires et lamobilité des individus en Suisse occidentale, une région au carrefour de l’Europe. Les dents et les oshumainsontétéanalysésenassociationavecdesrestesd’animauxterrestresetaquatiquesainsiquedesplantes cultivées. Au niveau des stratégies agricoles, les analyses isotopiques réalisées sur les restescarpologiquessemblentsuggéreruneaugmentationdelafertilisationdusolaucoursde l’âgeduBronze.L’ensemble des résultats des animaux et des humains indiquent une alimentation à base de ressourcesterrestres pour les communautés considérées, néanmoins, on peut identifier un changement de choixalimentaires chez les individus du Bronze Final indiquant la consommation de nouvelles céréales,comme le millet, par rapport aux périodes précédentes. Au sujet de la mobilité, les analyses du soufretémoignent de l’absence de mobilité relative à l’exception de quelques individus isolés.

Mots-ClésSuisse occidentale, âge du Bronze, comportements alimentaires, stratégies de subsistance, pra-

tiques agricoles, dynamiques de peuplement

Food and society. An anthropological and multi-proxyapproach to reconstructing lifestyle,diet and mobility in late prehistory

AbstractIncreasing archaeological evidence suggests that the Bronze Age in Europe was a very dynamic

period, but several aspects concerning human behaviour must be clarified, such as the spread of newagricultural practices, changes in themanagement of local resources as well as the emergence of newnetworks of exchanges. This research, through a multi-proxy and multi-isotopic approach, aims tostudy changes in dietary habits and mobility of individuals in Western Switzerland, a region at thecrossroads of Europe. Human teeth and bones were analysed in association with terrestrial andaquaticanimalsandcropremains.Concerningagricultural strategies, isotopicanalysescarriedoutoncarpological remains seem to suggest an increase in soil fertilization during the Bronze Age. Theanimal and human results indicate a diet based on terrestrial resources for all the communitiesconsidered, nevertheless, we can identify a change in human food choices during theFinal Bronze agedue to the consumption of new cereals, such as millet, compared to previous periods. Regardingmobility, sulphuranalysesshowthat thehumangroupsare locals, except fora fewisolated individuals.

KeywordsWestern Switzerland, Bronze Age, dietary pattern, subsistence strategies, agricultural practices,

human mobility

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Introduction et état de l’art

Depuis le début du Néolithique(5500 av. J.-C.), les communautéshumaines du sud de l’Europe trans-forment progressivement leur modede vie suite au processus de sédenta-

risation, étroitement lié au développement del’agriculture et aux activités pastorales. Si cettepériode est relativement bien connue au traversd’études multidisciplinaires, les âges desMétaux, et en particulier l’âge du Bronze (2200-800 av. J.-C.), phase de transition entre cespremiers groupes agropastoraux et les pre-mières sociétés proto-urbaines, ont rarementété considérés dans des études globales pre-nant en compte plusieurs aspects de la vie del’homme.

La reconstruction des modes de vie et despratiques de subsistance des communautés pré-historiques ont toujours représenté un grandchallenge car le biais de la conservation desrestes archéolo-giques et orga-niques (e.g. restesbotaniques, zoolo-giques, humains)constitueunelimitepourune investiga-tion approfondie.L’étude des moda-lités de subsis-tances des commu-nautés préhistoriques représente un véritableaccès privilégié pour la compréhension des dyna-miques sociales et économiques qui sont la basedes sociétés modernes.

L’âge du Bronze, au cours duquel émergel’industrie métallurgique, voit le développementde nouvelles formes de vie sociale. C’est seule-ment à partir de cette période que l’on note uneremarquable phase de développement, avec uneintensification des relations au niveau local etrégional, accompagnée de l’augmentation pro-gressive des réseaux d’échanges au niveau euro-péen (David-Elbiali, 2017). La position straté-gique de la Suisse pour les échanges entrel’Europe centrale – région du Danube –, etl’Europe méridionale – implique un mélangeentre les traditions locales et les influencesvenant des sociétés alentours. Cette tendance sereflèteà la foisdans lesobjetsde«prestige», ainsi

quedans les outils dedifférents domaines, en liendirect avec la vie quotidienne, quinous informentsur les changements des modes de vie, des tradi-tions et des systèmes socio-économiques (David-Elbiali et al., 2006). En effet, dans ce contexte, unpays au carrefour entre le nord et le sud desAlpes, comme la Suisse, constitue un observa-toire exceptionnel pour la reconstruction desrégimes alimentaires, des pratiques de subsis-tance et des phénomènes de mobilité des com-munautés de l’âge du Bronze. Une vraie révo-lution s’enregistre au niveau des stratégies éco-nomiques étant donné que les activités anthro-piques commencent à impacter fortement l’envi-ronnement. Même si l’essentiel des commu-nautés montrent une économie de subsistanceautosuffisante et autarcique reposant sur l’agri-culture, l’élevage et la récolte de plantes sau-vages, à partir de cette période, de nouveauxvégétaux commencent à être cultivés et denouvelles techniques de production se mettenten place (e.g. Castella et al., 2012). En effet,

on observe uneactivité agricolede plus en plusintense et « ration-nalisée ».

Lavariabilitéquiapparaîtà l’issudespremières étudesbiochimiques surl’âge du Bronze

dans le sud de l’Europe (e.g. Tafuri et al., 2009 ;Varalli, 2015) et la question de la culture et laconsommation de nouveaux items végétaux, àpartir du Bronze moyen (plantes C4, type millet)danscesrégions,sontàl’originedecetterecherche.La conservation exceptionnelle des restes ostéo-logiques humains et animaux et des artefactsbotaniques de la Suisse occidentale et des payslimitrophes permet la mise en place d’un corpusd’étude pertinent. De plus, les cantons de Vaudet Valais sont bien documentés d’un point de vuarchéologique et anthropologique pour lespériodes considérées, ce qui est un véritableatout pour répondre à ces problématiques. Àtravers ces nouvelles études nous apportons unecontribution non négligeable à la compréhensiondes dynamiques de diffusion des nouvelles pra-tiques alimentaires et des traditions agricolesdans le but de clarifier les phénomènes de mobi-lités des individus pendant cette phase de tran-

“L’étude des modalités de subsistancesdes communautés préhistoriques repré-sente un véritable accès privilégié pourla compréhension des dynamiquessociales et économiques qui sont labase des sociétés modernes.”

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sition entre la préhistoire et les premières socié-tés « modernes ».

Application de l’analyse des isotopesstables

L’analyse des isotopes stables ayant pour butla reconstruction des schémas alimentaires per-met d’obtenir plusieurs informations au niveaude l’individu et de la population, mais égalementsur l’environnement où les communautés ontvécu. On obtient en particulier des renseigne-ments sur l’écosystème et surtout la nature desmilieux dans lesquels les individus ont acquisleurs ressources (e.g. terrestre/aquatique ;aride/tempéré ; plaine/sous-bois), la positiondans la chaînealimentairedessujetsanalysés, lesrelations entre l’alimentation et les comporte-ments socio-économiques et enfin sur lamobilité.De plus, cette approche consent d’apprécier lavariabilité des comportements alimentaires ausein des groupes humains et de les mettre enrelation avec les critères biologiques (âge, sexe,état sanitaire) et archéologiques (structure de latombe, pratique funéraire, dépôt funéraire) per-mettant de déceler l’impact des facteurs sociauxet culturels sur les choix alimentaires desgroupes humains.

Dans cette étude, multidisciplinaire, afin deconsidérer toute la chaîne trophique, on a réalisépour chaque site des analyses des isotopesstables du carbone (d13C), de l’azote (d15N) et dusoufre (d34S) des restes végétaux, animaux ethumains. L’importance d’échantillonner lesrestes de nature différente vient d’abord du faitque l’on peut estimer avec précision les valeursisotopiques des ressources locales qui étaient àdisposition et parallèlement la possibilité desaisir la gestion du territoire d’une communautébien ciblée. Les analyses des restes végétauxpermettent la reconstruction du climat et l’iden-tification des changements environnementauxpendant la période d’occupation humaine. Cetteapproche permet d’abord de définir les valeursdes plantes locales à partir desquelles il estpossible de comprendre les comportements ali-mentaires humains et animaux, et surtoutd’identifier des pratiques agricoles spécifiquescomme l’utilisation du fumier (Bogaard et al.,2013 ; Fraser et al., 2011). Les analyses isoto-piques des animaux locaux et contemporains del’occupation humaine permettent de définir lavariabilité isotopique locale pour un régime ali-

mentaire connu. Grâce aux espèces sauvages etdomestiques, les différentes caractéristiquesenvironnementales (altitude, milieu aride outempéré, fermé ou ouvert) sont considérées,mais aussi les pratiques d’élevage, qui peuventfortement influencer les valeurs isotopiques desanimaux domestiques. L’intégration des don-nées isotopiques de la végétation locale aveccelles de la faune permet d’évaluer la contribu-tion des cultures aux régimes alimentaires ani-maux et humains. De plus, à partir des donnéessur les herbivores, on peut évaluer les valeursisotopiques du fourrage dont ils se nourrissaient.On peut ainsi considérer que les mesures isoto-piques estimées du fourrage des herbivores four-nissent un « échantillonnage » de la végétationlocale à laquelle par exemple les valeurs desgraines des plantes cultivées peuvent être com-parées (Fiorentino et al., 2014). Cette comparai-son permet d’évaluer, de façon indirecte, despratiques agricoles comme l’utilisation dufumier ou des systèmes d’irrigation mis en placepour les cultures examinées.

Les analyses sur les restes anthropologi-ques sont effectuées à l’échelle individuelle etpopulationnelle, afin de réaliser une étude à dif-férents niveaux. En considérant différents tissus(os, dent), il est possible de tracer l’évolution desrégimes alimentaires au cours de la vie d’unindividu. En effet, les os et les dents ont desmodèles de croissance différents (Hillson, 1996 ;Scheuer et Black, 2000), et ils fournissent desinformations sur la petite enfance et l’enfance(dents), ainsi que sur la vie adulte (os). En com-parant les résultats d’un individu avec les autressujets de la communauté, on peut discuter deséventuelles relations avec les critères biolo-giques, archéologiques et chronologiques pourrépondre à diverses questions concernant lamobilité et l’alimentation. Du fait de leur granderésistance face aux processus diagénétiques, lesossements et les dents sont des matériaux privi-légiés pour les études isotopiques (Fig. 1). L’osest constitué d’une phase minérale, l’hydroxya-patite, et d’une phase organique, le collagène, quisont formées à partir des ressources consom-mées (aliments, boissons). Le collagène repré-sente la part protéique de l’alimentation et sacomposition chimique reflète une moyenne desressources ingérées au cours des dernièresannées de la vie d’un sujet (Hedges et al., 2007).Il est à noter que l’os se renouvelle en perma-

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nence avec un taux différent selon l’âge, le sexe etl’état de santé. Selon la chaine trophique, lesressources nutritives qui sont à la base de lachaine alimentaire (e.g. végétaux) conditionnentles teneurs isotopiques de l’ensemble des mail-lons qui leurs succèdent. Entre deux maillonsconsécutifs de la chaîne trophique s’opère unenrichissement en isotope lourd (13C, 15N, 34S)estimé entre 0 et 1 pour le carbone, entre 3 et5 pour l’azote et inférieur à 1 pour le soufre(DeNiro et Epstein, 1981 ; Minagawa et Wada,1984 ; Nehlich, 2015 ; Schoeninger et DeNiro,1984).

Les dents, quant à elles, ne se modifient pasune fois formées et les informations fourniesseront relatives à la période de formation et dedéveloppement de celle-ci, en enregistrant doncdes moments précis de la petite enfance et del’enfance. Les analyses réalisées ont porté sur lacouronne des deuxièmes molaires. Les analysesont été effectué sur l’émail, composé presqueuniquement de matière minérale, qui est utilisédans le cadre d’analyses portant sur les carbo-nates de la bioapatite et sur la dentine, qui estutilisée dans le cadre des analyses portant sur lecollagène. En intégrant les résultats du collagènedes os et de la dent, on peut donc élaborer uncadre détaillé sur plusieurs périodes de la vie del’individu analysé.

L’analyse des ratios isotopiques du carbone(d13C) permet de discerner l’environnementdans lequel l’homme se procure ses ressourcesalimentaires (e.g. terrestre vs marin) et en parti-culier le typede végétaux consommés, de typeC3,typiques d’un environnement tempéré (orge,blé), ou de type C4, typiques d’un environnementplutôt chaud et ouvert (millet, sorgho). L’analysedes ratios isotopiques de l’azote (d15N) révèle leniveau trophique au sein d’une chaîne alimen-taire. En effet, les végétaux, se trouvant à la basede cette chaîne, présentent des d15N plus faibles.Par conséquent, le d15N des prédateurs est plusélevé que celui de leurs proies (DeNiro etEpstein,1981 ; Schoeninger et DeNiro, 1984). Enfin, lesétudes relatives aux ratios isotopique du soufre(d34S) apportent des informations sur l’originedes ressources alimentaires consommées – sicelles-ci proviennent d’un écosystème terrestre,marin ou d’eau douce – et peuvent témoigner dela mobilité des individus (Nehlich et al., 2010 ;Vika, 2009).

Les sites archéologiquesLe site de Collombey-Muraz, Barmaz

(Valais) se situe dans le Chablais valaisan, àenviron 15 km de l’extrémité orientale du lacLéman. Le site est composé par les cimetières deBarmaz I et II et par les niveaux d’occupation dela colline du Refuge. La nécropole du Bronzeancien de Barmaz I (2200-1550 av. J.-C.), d’oùproviennent les individus analysés, se composede 15 sépultures individuelles en pleine terre(Fig. 1). Les analyses anthropologiques ont per-mis d’identifier 12 adultes des deux sexes ainsique 2 enfants et 1 individu indéterminé. Lemobi-lier funéraire n’est présent que dans 7 sépultureset n’est pas particulièrement riche (e.g. épingles,des anneaux spiralées, des perles, un pendentif àdouble spirale, un poignard et une hache) ;aucune distinction sociale est évidente (Honeg-ger, 1995).

Le cimetière de Vufflens-la-Ville, En Sency(Vaud) a livré des sépultures du Bronze moyen(1550-1300 av. J.-C.), Bronzefinal et du1er âge duFer et se trouve sur une petite colline, dans lavallée deVenoge, à environ9kmaunord-ouest deLausanne. Il s’agit d’une terrasse de terre autourd’un monument de pierre, dit tumulus. Les12 inhumés du Bronze moyen ont été retrouvésdans 6 tombes, constituées par des structures enfosse avec entourages et couvertures de pierres(Mariéthoz et David-Elbiali, 2005). Les sépul-tures sont individuelles, doubles et collectives etles individus sont de sexes et d’âges différents :l’analyse anthropologique a permis d’identifier7 adultes, 2 adolescents et 3 enfants. La richessedumobilier retrouvé, associé principalement auxsépultures féminines et composé de colliersparées de perles d’ambre, de coquillage et dedents perforées, a permis de considérer l’hypo-thèse que cette petite nécropole soit réservée àune élite locale (Mariéthoz et David-Elbiali,2005).

Le site deTolochenaz (Vaud), daté duBronzefinal (1050-800 av. J.-C.), se situe au nord du lacLéman, entre la commune de Tolochenaz et cellede Morge. Ce site est constitué d’une nécropolequi se pose sur deux terrasses,LeBoiron décou-vert au début duXIXe siècle etLaCaroline, dontla découverte la plus récente a été fouillée entre2009 et 2011. Tolochenaz est un cimetière biri-tuel où l’on distingue deux types de pratiquesfunéraires : l’inhumation, majoritairement en

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cercueils monoxyles, et la crémation. Il contientplus de 40 tombes, dont les individus sont majo-ritairement adultes (Beeching, 1977). Pour cetteétude nous avons considéré 10 individus de LaCaroline et 5 de Le Boiron, dont 11 adultes desexes différents et 4 enfants. Le mobilier associéauxsépultures estprincipalement représentépardes objets d’ornementation comme des épingles,des bracelets, des bagues, des perles et desrasoirs mais aussi des vases en céramique.

L’étude de la faune et des végétaux étant pri-mordiale pour la reconstruction des régimes ali-mentaires, nous avons échantillonné, pour lesdifférentes périodes, plusieurs espèces sauvageset domestiques, terrestres et aquatiques : Ovisaries etCapra hircus (n=8),Bos taurus (n=10),Susdomesticus (n=10), Cervus elaphus (n=2), Esoxlucius (n=4) des mêmes sites ou de sites voisins.En ce qui concerne les restes végétaux, nousavons considéré différentes espèces de céréalescomme l’orge vêtue (Hordeum vulgare), le bléamidonnier (Triticum dicoccum) et l’engrain (Tri-ticum monococcum), les millets (Panicum milia-ceum, Setaria italica), ainsi que des légumineusescomme la fève (Vicia faba) provenant du Chens-sur-Léman (Haute Savoie).

Gestion du sol et stratégies de subsistanceLes recherches archéobotaniques font de plus

en plus référence aux études expérimentales dessystèmes agricoles traditionnels car la produc-tion agricole contrôlée permet de saisir la gestion

directe de l’homme sur les cultures. Bien qu’unegrande variété de facteurs environnementauxnaturels comme le climat, la disponibilitéhydrique et la salinité influent sur les valeurs desplantes, sur la base des connaissances obtenuespar les études expérimentales, de récentesrecherches archéobotaniques ont mis en évi-dence l’influence des activités anthropiques,comme la fertilisation avec du fumier animal, surla production agricole depuis le Néolithique(Bogaard et al., 2013). Les changements de ratiosisotopiques de l’azote dans les sols et les plantes,permettent de tracer l’impact des activitésanthropiques à différentes échelles, temporelleset spatiales. L’utilisation du fumier pour amélio-rer la fertilité des sols provoque un enrichisse-ment en 15N des plantes cultivées, proportionnelà la durée et à l’intensité de la fumure. Engénéral, des valeurs de d15N inférieur à 3 ‰reflètent l’absence de pratiques de fertilisation,des valeurs comprises entre 3 ‰ et 6 ‰ sug-gèrent un niveau intermédiaire de fertilité etau-delà de 6 ‰, on considère une utilisationintense et constante de fumiers (Fraser et al.,2011). Sur la base de ces intervalles, les résultatsobtenusmontrent, pour les phases terminales del’âge du Bronze, à la fois une plus grande varia-bilité des valeurs de d15N et un enrichissementen 15N par rapport aux périodes précédentes.Cela semble être le résultat d’une intensificationde la fertilisation des sols et plus particulière-ment pour le Bronze final (Fig. 2). De plus, le faitque tous les échantillons proviennent du mêmesite nous permet de bien tracer le changement dusignal isotopique au cours du temps, changementqui reflète principalement les modifications despratiques agricoles humaines. Il est intéressantde remarquer que les légumineuses semblentégalement avoir été amendées. Ces plantes quiutilisent l’azote atmosphérique sont moins sen-sibles aux effets de l’utilisation du fumier etreprésentées principalement par les fèves (Viciafaba) dans cette étude, montrent des valeurs quitémoignent d’une activité humaine assez impor-tante. Un élément supplémentaire pour la com-préhension des stratégies agricoles et pastoralesvient des valeurs des d15N des herbivores sau-vages et domestiques : à partir de ces données ilest possible d’estimer les valeurs des plantesdont ils se sont nourris. Les ratios de d15Nestimés suggèrent que les végétaux consommésne s’insèrent pas dans les intervalles des cultures

Figure 1. Restes humains de l’individu N5 deCollombey, Barmaz. Mandibule avant l’extractionde la deuxième molaire (M2) inferieure droite(fig. A) et portion supérieure de la diaphyse etépiphyse proximale de l’ulna gauche avant leprélèvement du fragment osseux (fig. B).

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amendées. On peut donc envisager deux hypo-thèses : la première suggère que les animauxaient principalement consommé des plantes sau-vages ; la deuxième considère une culture sépa-rée de plantes destinées au fourrage, et dans cecas ces espèces étaient soumises à un régime defertilisation moins intense par rapport auxcultures destinées à l’alimentation humaine(Fig. 2).

De plus, les isotopes du carbone des restesvégétaux permettent d’estimer les conditionshydriques dans lesquelles les plantes ont poussé(Ferrio et al., 2005 ; Wallace et al., 2013). Il estdoncpossibled’aborder lesquestionssur lepaléo-climat et de façon plus ou moins direct d’inférerla gestion de l’eau dans les sols et dans lescultures ainsi que les systèmes agricoles dupassé. Sur la base des récentes recherches, noussavons que, même les plantes cultivées dans desconditions similaires présentent une certainevariabilité des valeurs de carbone (Wallace et al.,2013). À partir de formules qui prennent encompte les changements environnementaux1 quise sont vérifié tout au long de l’Holocène, nousavons estimé la disponibilité en eau pour lesplantes analysées (Ferrio et al., 2005) : en consi-dérant que la qualité (espèces disponibles) et la

quantité (nombre d’échantillons exploitables)étaient différentes selon les périodes de l’âge duBronze, nous avons mis en évidence de manièrepréliminaire que les différentes espèces d’orge,blé et de légumineuse analysées n’ont pas étéaffectées par des crises hydriques, mais que, aucontraire, il y a eu une disponibilité en eau consi-dérable pour les pratiques agricoles surl’ensemble de la période considérée. Les étudesarchéologiques semblent confirmer cette hypo-thèse : en effet, dans les sites d’oùproviennent lescarporestes, des chemins avec petits fossés bor-diers et des fossés de parcellaires pour canaliserl’eau des champs ont été retrouvés (Chens-sur-Leman, communication personnelle E. Néré). Deplus, la localisation des sites à proximité du lacLéman ou de cours d’eau et les conditions envi-ronnementales de la région ont certainementfavorisé l’actionde l’hommepouruneproductionagricole suffisante au besoin des communautéslocales.

Comment les comportements alimentairesdes humains ont-ils changé au coursde la Préhistoire récente ?

L’analyse des vestiges fauniques, ainsi que desvestiges botaniques, contribue à la compréhen-sion de la paléoéconomie et du paléoenvironne-ment. En outre, les données isotopiques desanimaux domestiques et sauvages locaux four-nissent des informations essentielles sur lacontribution de viande et des produits laitiers àl’alimentation humaine. Dans cette étude, lesrésultats isotopiques des animaux montrent laprésence d’une faible variabilité inter et intras-pécifique tout au long de l’âge du Bronze. Lesrésultats obtenus témoignent de l’acquisition deressources alimentaires originaires d’un milieutempéré ouvert ou fermé et d’un environnementconstitué majoritairement de plantes de type C3.En outre, comme nous l’avons mis en évidenceauparavant, le fourrage dont les herbivoresdomestiques se nourrissaient ou étaient nourrisne semble pas avoir été amendé. Ceci indiqueque les animaux domestiques ont pu consommerdes plantes sauvages, disponibles dans lanature, ou des plantes cultivées non fertilisées(Fig. 3).

En ce qui concerne les humains, les ratiosisotopiques du carbone et de l’azote contenusdans le collagène des os des individus du Bronzeancien de Collombey, Barmaz suggèrent une

1 Changement de d13Cair dû au changement de CO2 dansl’air au long de la période analysée.

Figure 2. d15N et d13C des restes végétauxanalysés (les valeurs de d15N des graines sontmodifiés et ont été corrigées de -1 ‰ pourcompenser l’effet de la carbonisation) BA, Bronzeancien ; BM, Bronzemoyen ; BF, Bronze final ; Ha,Hallstatt ancien.

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introduction de ressources terrestres, de typeC3. En effet, nous observons une alimentationassez homogène au sein de cette communauté,dans laquelle les individus consommaient lesmêmes produits ou des produits similaires. Tou-tefois, la différence des valeurs isotopiquesmoyennes entre les humains et les animauxsuggère que le régime alimentaire de ces indivi-dus devait être assez varié, constitué de produitsvégétaux et animaux (viande ou produits laitiers)(Fig. 3). En prenant en compte les donnéesarchéologiques et anthropologiques, aucune dif-férenciation n’est remarquée sur la base descritères biologiques, comme l’âge et le sexe, oufunéraires, comme la présence de différentesstructures et de mobilier associé aux inhumés.Les valeurs de d15N et d13C enregistrées à partirdu collagène osseux des individus du Bronzemoyen de Vufflens-la-Ville, sont similaires àcelles obtenues sur les sujets de Collombey,Barmaz. Les intervalles de distribution desratios isotopiques de carbone et azote sont res-treints et ce résultat suggère que l’alimentationau sein de cette communauté ait été très uni-forme, basée sur les mêmes ressources ter-restres d’origine animale et végétale (Fig. 3). Deplus, comme déjà observé à Collombey, Barmaz,nous ne distinguons pas de comportements ali-mentaires différents sur la base des informationsarchéologiques disponibles et des donnéesanthropologiques relevées.

Au Bronze final, d’après les données deTolochenaz Le Boiron et La Caroline, les

signatures isotopiques de d15N et d13Ctémoignent de plusieurs différences par rapportaux deux sites précédents. On remarque toutd’abord une dispersion des valeurs de carbone etd’azote plus prononcées. En effet, les intervallesde d15N et d13C sont plus larges, ce qui suggèreune alimentation plus variée au sein de cettecommunauté, suite à l’introduction de végétauxd’origines différentes, de type C4 et C3. De plus,nous observons un enrichissement remarquableen 13C entre la faune et les humains, ce qui estreprésentatif d’un apport considérable de res-sources enrichies en 13C, comme les plantes C4telles que le millet et le petit millet. Pour l’azote,la différence entre la faune et les humains sug-gère un apport réduit en protéines animales etdoncune consommationdeviandeoudeproduitsdérivés assez limitée (Fig. 3).

Les résultats obtenus à travers l’analyse ducollagène osseux, qui reflètent les protéines ingé-rées à la fin de la vie des individus des troisgroupes, sont globalement similaires à ceux de ladentine de la couronne des deuxièmes molairesqui reflètent les premières années de la vie (ca.3-8 ans)2. Toutefois, on remarque que pour laplupart des individus, les valeurs d’azote les plusélevées ont été retrouvées dans les dents (Fig. 3).Nous considérons que cela puisse être le résultat

2 Période de formation de la couronne de la dent M2 quienregistre donc l’apport protéinique concernant cette phasede la vie de l’individu.

Figure 3. d15N et d13C de collagène osseux humains (fig. A) et d15N et d13C de collagène de la dentine deshumains (fig.B) associés avec lesmoyennes et les écarts-typeded15Netd13Cde la faune et de restes végétaux.Sites : Collombey, Barmaz, Bronze ancien (BA), Vufflens-la-Ville, Bronze moyen (VUF) et Tolochenaz LeBoiron et La Caroline, Bronze final (LeB-LaC).

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d’une plus grande consommation de protéinesanimales durant la petite enfance, mais il estpossible que plusieurs facteurs, notamment phy-siologiques, aient pu contribuer à cette évidence.Néanmoins, en l’état actuel de nos connais-sances,nousnepouvonspasattribuer cettemodi-fication à une cause spécifique3.

L’utilisation conjointe des valeurs de d13C ducollagène de la dentine et de la bioapatite del’email dentaire permet d’avoir une vision pluscomplète des régimes alimentaires des individuspour les premières années de vie. Les ratiosisotopiques obtenus à partir de la bioapatiteconfirment les résultats de la dentine. De plus, led13C de la bioapatite, nous a également permisd’estimer la contribution effective des plantesC4 dans l’alimentation : en effet, si à Collombey,Barmaz et Vufflens-la-Ville la consommation deces plantes était presque négligeable, respective-ment estimée à 8 % et 14 %, à Tolochenaz LeBoiron et La Caroline, elle était équivalente à37 %, ce qui est donc peu en-dessous de la moitiédes ressources totales consommées4.

Ces résultats soulignent un changement consi-dérable des pratiques alimentaires au sein descommunautés locales au cours de l’âge duBronze, dans une région assez limitée. Si pour lespremières phases de l’âge du Bronze les culturestraditionnelles de l’orge, de l’engrain et de l’ami-donnier (plantesC3) restent à la base des régimesalimentaires, au Bronze final on observe l’intro-duction de nouvelles cultures, comme le millet etle petit millet, qui acquièrent immédiatementune importance fondamentale au niveau alimen-taire (plantes C4). Même la consommation deproduits d’origine animale change au cours dutemps : au Bronze ancien et moyen, la viande etles produits dérivés sont introduits de manièreplutôt abondante, tandis qu’au Bronze final, l’in-

troduction de ces ressources semble être moinsimportante. Il est aussi intéressant de remarquerque les trois communautés ne semblent pasenregistrer la consommationde ressources aqua-tiques,même si ces sites se situent à proximité derivières et de lacs. Toutefois, nous ne pouvonspas exclure une introduction occasionnelle depoissons, dont la consommation aurait été sifaible qu’elle ne se remarquerait pas au niveauisotopique.

Local ou d’ailleurs ? À la découvertede la mobilité des individus

Afin d’évaluer la présence d’éventuels phéno-mènes demobilité entre l’enfance et l’âge adulte,des analyses isotopiques du soufre ont été effec-tuées sur le collagènede la dentine et de l’os. Il estainsi possible d’estimer l’origine locale ou nond’un individu, et donc son éventuel déplacementau cours de la vie.

Le fractionnement isotopique au cours de lachaîne trophique étant considéré comme négli-geable (S1), les valeurs du d34S du collagènereflètent donc la composition moyenne des iso-topes du soufre biodisponible du biome à partirduquel l’animal et les humains ont obtenu leurnourriture. Les végétaux, les animaux et leshumains vivant dans le même milieu présente-ront donc des valeurs isotopiques similaires(Tanz et Schmidt, 2010).

En observant les signatures isotopiques ded34S de la faune, nous avons pu identifier unintervalle de référence local. Les valeurs du sou-fre des humains, associées aux ratios du carboneet de l’azote, permettent de faire plusieurs consi-dérations. Tout d’abord, on remarque qu’engénéral les dents ont des valeurs plus variées queles os, ceci étant probablement dû aux effetsphysiologiques de l’assimilation du soufre aucours de l’enfance (Fig. 4). Ensuite, on constateque les sujets de Vufflens ont les valeurs les plushomogènes, ce qui reflète probablement deuxchoses : une moindre mobilité entre la phaseinfantile et la phase adulte et une alimentationmoins variée, facteurs qui sembleraient concor-der avec l’hypothèse que cette nécropole soitréservée à une élite locale. De manière générale,les ratios isotopiques du soufre des trois com-munautés suggèrent que la majorité des indivi-dus soient locaux. Les données archéologiquesrelativement aux parures et aux rituels funé-

3 Les données archéologiques n’ont pas mis en évidence dedistinctions au niveau des structures funéraires, parures ouautres, entre ces individus et le reste du groupe. Noussommes actuellement dans l’attente de vérification d’unepotentielle différence d’origine de ces sujets (analyses dustrontium sur les dents), ce qui pourrait expliquer uneconsommation de ressources différentes entre les deuxphases de vie de ces individus.4 Pourcentage estimé à partir des équations élaborées parAmbrose et al., 2003, 1997.

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raires des trois sites ne suggéreraient pas laprésence d’individus non locaux non plus (Marié-thoz, 2005 ; études archéologiques par M. David-Elbiali et al. en cours). Toutefois, seulement4 individus se sont très probablement déplacésau cours de leur vie, étant donné qu’ils montrentdes valeurs de d34S qui s’éloignent des valeurslocales. Deux sujets du Barmaz, pour lesquels lesdonnées des dents et des os sont disponibles, sesont probablement déplacés en rejoignant cettecommunauté à l’âge adulte. Pour les deux autresindividus, un de Le Boiron et l’autre de LaCaroline, seules les dents sont disponibles. Il estdonc plus difficile de proposer des hypothèses.Les dynamiques demobilité de ces communautésseront toutefois plus amplement discutées sur labase des données 87Sr/86Sr de l’émail dentaire àpartir d’analyses actuellement en cours.

Conclusion

Cette recherche souligne l’importance et l’effi-cacité d’un travail multidisciplinaire pour com-prendre la complexité des changements des com-portements humains au cours du temps. Lesrésultats obtenus éclaircissent plusieurs aspectsde la vie de l’homme.

En ce qui concerne l’environnement, les ana-lyses isotopiques réalisées sur toute la chaînetrophique suggèrent l’installation de groupeshumains dans desmilieux ouverts avec un climattempéré. L’impact des activités anthropiques se

manifeste surtout à partir du Bronzemoyen avecl’utilisation de la fertilisation de plus en plusmarquée vers la fin de l’âge du Bronze. De plus,on constate que les pratiques agricoles sontfavorisées par une disponibilité en eau, qu’ellesoit directement ou indirectement gérée parl’homme. La combinaison d’informations issuesde disciplines différentes permet d’élaborer uncadre global sur les relations hommes-milieux et,par conséquent, de reconstruire la modificationdu paysage.

Les choix alimentaires des communautéssemblent montrer l’absence de relations avec lesdonnées biologiques, comme l’âge et le sexe, oules données archéologiques, qui pourraient indi-quer la présence de groupes familiaux ou élitaire.La comparaison entre les données des dents etdes os semble témoigner d’une consommationplus importante de produits animaux dansl’enfance, toutefois, des recherches supplémen-taires seront nécessaires pour confirmer ce résul-tat. De plus, on constate qu’un changement del’alimentation se manifeste à partir du Bronzefinal, dont les raisons restent actuellement peuclaires. Il s’agirait de la combinaisonde plusieursfacteurs comme l’introduction de nouvelles pra-tiques agricoles suite aux nouveaux contactssociaux et économiques avec des sociétés del’Europe orientale, l’intensification des activi-tés anthropiques, parmi lesquelles la défores-tation et l’utilisation du sol dans ses différentesarticulations – la sylviculture, l’agriculture et le

Figure 4. d15N et d34S de collagène osseux humains (fig. A) et d15N et d34S de collagène de la dentine deshumains (fig. B) associés avec les moyennes et les écarts-type de d15N et d34S de la faune. Sites : Collombey,Barmaz, Bronze ancien (BA), Vufflens-la-Ville, Bronze moyen (VUF) et Tolochenaz Le Boiron et La Caroline,Bronze final (LeB-LaC).

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pastoralisme – et enfin, l’influence des varia-tions climatiques, marquées par d’importantssignaux de crise d’aridité à la transition entrel’âge du Bronze et l’âge du Fer. C’est l’ensemblede ces événements, qui peut donc avoir conduit àla recherche, d’une part, de stratégies alterna-tives pour une production efficace et rapide afinde satisfaire des exigences accrues, et d’autrepart, à la diffusion de nouvelles espèces. Il estintéressant de souligner qu’il s’agit d’un phéno-mène d’ordre plutôt global, étant donné qu’on leremarque dans plusieurs pays du sud del’Europe, comme la France, l’Italie et la Croatie(Varalli, 2015).

Enfin, en ce qui concerne la mobilité, les ana-lyses du soufre ont mis en évidence une originemajoritairement locale des individus étudiés,même si quelques exceptions ont été identifiéeset dans ce cas, le déplacement se constateplus particulièrement dans la phase adulte. Desanalyses supplémentaires du strontium, actuel-lement en cours, permettront demieux compren-dre ces dynamiques qui semblent égalementêtre confirmées par les investigations archéolo-gique.

RemerciementsJe souhaite remercier la Fondation Fyssen

pour le financement de mon post-doctorat, ainsique Marie Besse de m’avoir accueillie dans leLaboratoire d’archéologie préhistorique etanthropologiedeUniversitédeGenève. Je remer-cie Gwenaëlle Goude (CNRS, Univ. d’Aix-Mar-seille) pour sa collaboration dans le projet etégalementpour sonaccueil au seindu laboratoirede biochimie du Laboratoire Méditerranéen dePréhistoire Europe Afrique (LAMPEA,UMR5579) à Aix-en-Provence. Je remercie J.Desideri et M. Gios (Univ. de Genève) pour leursupport à la bonne conduite de mes travaux. Jetiens à remercier M. David-Elbiali (Univ. deGenève) pour son importante contribution auniveau archéologique, et ensuite, A. Gallay(Archeodunum),M.E.Néré (INRAP),A.Marguet(UMR6249Laboratoire chrono-environnement),M. Honegger (Univ. de Neuchâtel), F. Mariéthoz(ARIA, Investigations Arquéologiques SA), J.Studer (MUSEUM de Genève), M. Cabanis(INRAP), L. Martin, J. Debard,D. Rosselet-Christ et A. Bystritzsky-Papilloud(Univ. de Genève), L. Pernet, J. Bullinger,G. Keller (Musée cantonal d’archéologie et d’his-

toire de Lausanne), C. Brunetti et E. Evequoz(Office des recherches archéologiques du Valais,Département des transports, de l’équipement etde l’environnement)pourm’avoir accordé l’accèsaux collections anthropologiques, fauniques etbotaniques et leur collaboration. Enfin, en cequi concerne le financement des analyses isoto-piques, je tiens à remercier le LAMPEA (Gwen-aelle Goude), la Fondation Schmidheiny et laFondationBoninchi pour leurs contributions res-pectives.

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Introduction and state of the research

Since the beginning of the Neolithicperiod (5500BC), human communitiesfrom southern Europe have progressi-vely changed theirway of life due to thesedentarization process, which is

linked to agricultural practices and pastoral acti-vities. Whilst these processes are relatively wellknown through several multi-disciplinary stu-dies, themetalages–andinparticular theBronzeAge (2200-800BC) –have rarely been consideredin their globality. Considering they represent thephase of transition between the first agro-pasto-ralist societiesand thefirstproto-urbanones, thisis an important knowledge gap to fill.

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The reconstruction of lifestyles and subsis-tence patterns of prehistoric communities hasalways been a challenge, due to the biases ofpreservation inherent to organic archaeologicalremains (e.g. plant remains, faunal and humanbones). On theother hand, thestudy of subsis-tencestrategiesofprehistoric com-munities is cru-cial toourunders-tanding of socialand economicdynamics, which form the basis of modern socie-ties.

The Bronze Age, during which the metallurgicindustryemerges, sawthegrowthofnewformsofsocial life. It marks the beginning of a phase ofremarkable economic and social progress. Thisleads to more intense relationships at both thelocal and regional level, and a gradual increase ofexchange networks at the European level (David-Elbiali, 2017). The strategic position of Switzer-land for both central European (the Danubianregion) and southernEuropeannetworks impliestheremusthavebeenamixof local traditions andinfluences from surrounding societies. Thistrend can be seen in the spread of «prestigegoods», as well as in everyday utensils thatdemonstrate lifestyle, traditions, and socio-eco-nomical system changes (David-Elbiali et al.,2006). Indeed, within this context, an area situa-ted between the northern and southern Alps likeSwitzerland constitutes an exceptional observa-tory for the reconstruction of dietary patterns,subsistence strategies, and mobility trendsduring the Bronze Age. These new economicalstrategies have a significant impact on the envi-ronment, with communities becoming self-suffi-cient, through agriculture, animal husbandry,and wild plant harvesting. Yet at the same time,new plants are cultivated and new productiontechniques are developed (e.g. Castella et al.,2012), leading to an increasingly intense andrationalized agricultural activity.

A high dietary variability was observed in thefirst biochemical studies of Bronze Age southernEurope (e.g. Tafuri et al., 2009; Varalli, 2015).This new investigation is concerned with thecultivation and consumption of new plant items

from the middle Bronze Age onwards, and therole they might have played in that variability.This includes C4 plants, such as common millet(Panicum miliaceum) and foxtail millet (Setariaitalica). The exceptional state of preservation of

human, animal, andbotanical remainsofwestern Switzer-land and neighbou-ring areas offers anexcellent researchcorpus to explorethese types of enqui-ries. Moreover, the

Swiss cantons of Vaud and Valais are well-documented in terms of archaeological back-ground for the chronological periods considered,which constitutes a real asset in addressing theseresearch questions. This new research stronglycontributes toourunderstandingofdietaryhabitsand agricultural practices, and is crucial in cla-rifying the impact of individual mobility duringthese transition phases of human prehistory.

Stable isotope analyses: applicationsThe analysis of stable isotopes allows us to

explore several aspects of individuals and popu-lations. Using both tooth and bone materialmeans the life history of an individual can beinvestigated, giving us a picture of his or her dietand mobility over an entire lifespan. In addition,the relationship between the human groups andtheir environment (type of resources exploited,placeon the trophic chain) canbedefined, and thelink between dietary patterns and socio-economi-cal systems characterised. Themobility and foodhabits within the population can be studied, andthis combined with the import of biological (age,sex, health) and archaeological (tomb structure,funerary ritual, grave goods) factors gives us aglobal picture of a community.

In this multidisciplinary study we take intoaccount thewhole trophic chain.For each site,weanalysed plant, animal, and human remains andwe performed carbon (d13C), nitrogen (d15N),and sulphur (d34S) stable isotope analyses. Byanalysing remains fromdifferent sources,we candefine the isotopic values of each, and thereforeunderstand how communitiesmanaged and inte-racted with the local territory. The analysis ofplant remains allows for climate reconstructionand the identification of environmental changes

“the study of subsistence strategies ofprehistoric communities is crucial toour understanding of social and economicdynamics, which form the basis ofmodern societies. ”

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duringhumanoccupationperiods.Thisapproachmakes it possible to define the isotopic values oflocal plants, from which we can better unders-tand human and animal feeding behaviour.Moreover, the archaeobotanical analysis contri-butes to identifying specific agricultural prac-tices, such as the use of manure (Bogaard et al.,2013; Fraser et al., 2011). Isotopic analysis offaunal remains, both local and contemporary ofthe human occupation period, means local isoto-pic variability for a diet can be determined.Thanks to wild and domestic species, the variousenvironmental factors (e.g. altitude, climate) aretaken into account. The same can be said foranimal husbandry practices, which stronglyinfluences isotopic values for domestic animals.The integration of both plant and animal datainto the research corpus allows us to evaluate thecontribution of various crops to animal andhumandiets.Moreover, based onherbivore data,it is possible to evaluate the isotopic value of thefodder they consumed. As such, the estimatedisotopic ratios from fodder provide a sample ofthe local vegetation, to which the values for culti-vated plants can be compared (Fiorentino et al.,2014). This in turn allows us to evaluate agricul-tural practices such as the use of manure or theirrigation systems established for the cultivatedplants.

The analyses on anthropological remainswere conducted at both the individual and popu-lation level. By taking into account various tis-sues (bones, teeth) it is possible to trace thechanges in diet over an individual’s lifespan.Indeed, bone and teeth have different growthpatterns (Hillson, 1996; Scheuer and Black,2000), and they provide information on infancyand childhood (teeth), as well as adult life (bone).By comparing those values with results fromother subjects of the same community, the rela-tionship between biological, archaeological, andchronological criteria as well as questions ofmobility and diet can be explored. Due to theirgreat resistance to taphonomical processes,bones and teeth are privileged materials for iso-topic analyses (Fig. 1). Bone is constituted of amineral component, hydroxyapatite, and anorganic component, collagen, whose composi-tions depend on the environment exploited andthe type of food consumed (food and drinks).Collagen records the protein components of thediet, and its chemical composition reflects the

food consumed over the last ca. 15 years of anindividual’s life (Hedges et al., 2007). It is worthnoting that bone has a permanent turnover witha different rate according to the age and healthstatus. According to the trophic chain, the plantsat the bottom of the chain have isotopic valuesthat vary in accordance to several parameters(species, environment, type of photosynthesis).They are therefore a determining element for theisotopic values of the rest of the food chain. Fromone consecutive link of the chain to the next, afractionation in favour of the heavy isotopeoccurs and the heavy isotope values increase(13C, 15N, 34S), at a rate estimated between 0 and1 for carbon, between 3 and 5 for nitrogen, andlower than 1 for sulphur (DeNiro and Epstein,1981;Minagawa andWada, 1984; Nehlich, 2015;Schoeninger and DeNiro, 1984)

Teeth, meanwhile, are not modified once for-med, and therefore represent a record of biogeo-chemical information at specific times duringinfancy and childhood. The teeth analyses per-formed in this study involved the crown of thesecondmolars, andwe investigated the apatite ofthe enamel (mineral part) and the collagen of thedentin (organic part). By mobilising both boneand tooth collagen analysis, we can study severalperiods of an individual’s life.

The analysis of carbon isotopic ratios (d13C)allows us to appreciate the environment wherehumans acquired their resources (e.g. terrestrialvs aquatic) and in particular the type of plantsconsumed. For example, C3 type plants are typi-cal of a temperate environment (barley, wheat),whilst C4 type plants usually reflect an open andwarm one (millet, sorghum). The analysis of iso-topic ratios of nitrogen (d15N) allow us to detectthe trophic level occupied by a subject within afood chain. Plants, being at the base of the foodchain, present lower d15N ratios, and as aconsequence d15N ratios of predators are higherthanthatof theirprey (DeNiroandEpstein,1981;Schoeninger andDeNiro, 1984). Finally, isotopicratios of sulphur (d34S) provide information onthe origin of food sources – from a terrestrial,marine, or freshwater ecosystem – and can bearwitness to the mobility of individuals within apopulation (Nehlich et al., 2010; Vika, 2009).

Archaeological sitesThe site of Collombey-Muraz, Barmaz

(Valais) is situated in the Valaisan Chablais,

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around 15km from the oriental extremity of LakeLeman. The site is composed of the two cemete-ries of Barmaz I and II and the occupation levelsof the refuge hill. The Early Bronze Age necropo-lis of Barmaz I (2200-1550 BC), from which theindividuals analysed in this study were found,contained 15 individual inhumations directlyburied in the ground (Fig. 1). Anthropologicalanalyses identified 12 adults, both sexes beingrepresented, as well as 2 children and 1 undeter-mined individual. Grave goods are observed onlyin 7 graves, and are not particularly rich (e.g.awls, spiralled rings, pearls, a double-spiral pen-dant, a dagger and an axe); no clear social dis-tinction can be attested (Honegger, 1995).

The cemetery of Vufflens-la-Ville, En Sency(Vaud) is represented by Middle Bronze Agetombs (1550-1300 BC), as well as tombs belon-ging to the Final Bronze Age and first Iron Age.It is situated on a small hill in the Venoge valley,around 9 km to the north west of Lausanne andit is placed in a platform with a stone monument(tumulus). The 12MiddleBronzeAge individualswere found in 6 tombs, constituted of pit struc-tures with stone surroundings and covering(Mariéthoz and David-Elbiali, 2005). There areindividual, double, and collective tombs, and sub-jects are of different ageand sex.Anthropologicalstudies demonstrated the presence of 7 adults,2 adolescents, and 3 children. The richness of theartefacts recovered, mostly associated to femaletombs and composed of amber pearls, perforatedshells, and teeth, suggest that this small necro-polis was reserved to a local elite (Mariéthoz andDavid-Elbiali, 2005).

The site ofTolochenaz (Vaud) dates from theFinalBronzeAge (1050-800BC)and is situated tothenorthofLakeLeman, between the communesof Tolochenaz andMorges. Thenecropolis is splitbetween two terraces, Le Boiron which wasdiscovered at the beginning of the XIXe centuryand La Caroline, excavated between 2009 and2011. Tolochenaz is a biritual cemetery, wheretwo distinct practices can be identified: inhuma-tion and cremation. Over 40 tombs were found,mostly adult individuals (Beeching, 1977). Forthis study 10 individuals from La Caroline and5 from Le Boiron were considered, for a total of11 adults and4 children. The associated artefactsare mostly ornaments such as awls, bracelets,rings, pearls, and razors, but also ceramic vases.

Considering that the botanical and animalremainsareessential to reconstructingpastdiets,several wild and domestic species were sampledon these sites or neighbouring ones. Theseincluded terrestrial and marine specimen, inclu-ding:Ovis aries andCapra hircus (n=8),Bos taurus(n=10), Sus domesticus (n=10), Cervus elaphus(n=2), and Esox lucius (n=4). Concerning plantremains, we sampled various cereal species suchas hulled barley (Hordeum vulgare), emmerwheat(Triticum dicoccum) and einkorn wheat (Triticummonococcum), millets (Panicum miliaceum, Seta-ria italica), as well as pulses such as beans (Viciafaba) from Chens-sur-Léman (Haute Savoie).

Soil management and subsistencestrategies

Archeobotanical studies increasingly refer toexperimental studies of traditional agriculturalsystems, because controlled agricultural produc-tion makes it possible to understand the directmanagement of crops by humans.Whilst severalnatural environmental factors such as climate,water status, and salinity can influence the iso-topic values of plants, experimental studies andrecent archaeobotanical research have broughtto light the impact of anthropic activities such asthe use of animalmanure on agricultural produc-tion since the Neolithic (Bogaard et al., 2013).Changes in nitrogen isotope ratios in soil andplants, for example, allows us to trace the impactof humanactivities at different temporal and spa-

Figure 1. Human remains of individual N5 ofCollombey, Barmaz. Mandible before the secondright inferior molar (M2) extraction (fig. A) andsuperior portion of the diaphysis and proximalepiphysis of the left ulna, before bone sampling(fig. B).

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tial scales. The use of manure to improve soilfertility leads to an enrichment in 15N of cultiva-tedplants,proportional to thedurationand inten-sity of fertilization. In general, d15N values infe-rior to 3 ‰ reflect the absence of manuring,values between3 ‰and6 ‰suggest an interme-diate level of fertilization, and values over 6 ‰indicate an intensive and permanent use ofmanure (Fraseretal.,2011).Basedonthese inter-vals, the results obtained for the final phases ofthe Bronze Age show a greater variability and anenrichment in d15N values compared to previouschronological phases. This could be due to anintensification of fertilisation practices overtime, with a particular increase during the FinalBronze Age (Fig. 2). Moreover, the fact that allthe samples come from the same site allows us toaccurately trace the change in the isotopic signalover time, a change thatmainly reflectsmodifica-tions in human agricultural practices. It is inte-resting to note that here the legumes also appeartohavebeenfertilisedwithmanure.Theseplants,which use atmospheric nitrogen, are less sensi-tive to the effects of this practice. In this studylegumes are mainly represented by beans (Viciafaba) and show values that indicate a fairly highlevel of fertilization, highlighting an importanthuman activity. Another element for understan-ding agricultural and pastoral strategies is d15Nvalues from wild and domesticated herbivores.From these, it is possible to estimate the values ofthe plants they have fed on. In our research,d15Nratios suggest that the plants these animalsconsumed do not fit within the intervals for theamended crops. Twohypotheses can therefore beproposed: thefirst suggests that the animalshavemainly consumed wild plants, while the secondsupposes a separate cultivation of plants for fod-der. If the latter proposition is retained, it ispossible that thesecropsunderwenta less intensefertilisation regime compared to crops destinedfor human consumption (Fig. 2).

The carbon isotopes values of plant remainsreflect the water conditions from which plantshave grown (Ferrio et al., 2005; Wallace et al.,2013). As such, it is possible to address paleocli-mate issues, and to infer water management insoils and crops in past agricultural systems.Recent research shows that even plants grown insimilarenvironmentshavesomevariability incar-bon values (Wallace et al., 2013). Using formulas

that take into account the environmentalchanges1 that occurred throughout the Holocene,we estimated the water availability for the plantsanalysed (Ferrio et al., 2005). Considering thatthe quality (available species) and quantity (num-ber of samples) were different according to thedifferentperiodsof theBronzeAge,wehavefoundpreliminary evidence that the various species ofbarley,wheat,andlegumesanalyseddidnotsufferany water stress. Quite the opposite, in fact, as itseems there was considerable water resourcesavailable for agricultural purposes. Archaeologi-cal studies seem to confirm this hypothesis: in thesites from which the carpological remains origi-nate researchers discovered paths lined by smallditches, as well as small artificial channel struc-tures to canalize water towards fields (Chens-sur-Leman, personal communication E. Néré).Moreover, the localisation of sites in proximity toLakeLemanorwatercoursesandtheenvironmen-tal conditions of the region must have favouredself-sufficient agricultural production.

How did the human diet change duringthe last stages of prehistory?

The analysis of faunal remains in addition tobotanical remains contributes to the understan-dingof thepaleoeconomyandpaleoenvironment.

1 Changes in d13Cair due to changes in CO2 levels in air forthe period studied.

Figure 2. Plant d15N and d13C plant values (d15Nof grains have beenmodified andwere corrected by-1 ‰ to compensate for carbonisation). EBA, EarlyBronze Age; MBA, Middle Bronze Age; FBA, FinalBronze Age; Ha, Early Hallstatt.

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Domesticandwild localanimaldataalsoprovidesessential informationon thecontributionofmeatand dairy products to the human diet. Isotopicresults from the faunal species sampled in thisstudy show small inter and intraspecific variabi-lity. Rather, we observe a global homogeneity ofisotopic values for the local fauna during thewhole Bronze Age. The results obtained suggestthe consumption of resources from a temperateenvironment, mostly constituted of C3 typeplants. As previously mentioned, the fodder forthe domestic herbivores does not appear to havebeen manured, indicating that these animalscouldhave consumedwild plants, freely availablein the natural environment, or non-fertilisedcultivated plants (Fig. 3).

In terms of humans, carbon and nitrogen iso-topic ratios from the bone collagen of EarlyBronze Age subjects from Collombey, Barmazsuggest a mixed terrestrial diet based on C3 typeplants and animal resources (meat or dairy pro-ducts). The individuals of this community show arather homogeneous diet, withinwhich everyoneconsumed the same or similar products. Further-more (Fig. 3), by taking into account botharchaeological and anthropological data, no dif-ferences were found in terms of biological (age,sex) and funerary variables (such as the presenceof various structures/architectures and associa-ted grave goods). d15N and d13C values registe-red from the bone collagen of the individualsfrom theMiddle Bronze Age ofVufflens-la-Villeare similar to those obtained for Collombey, Bar-maz. The carbon and nitrogen isotopic valueranges are restricted: this result suggests thatdiet within this community must have been veryuniform, based on similar vegetal and animalterrestrial resources (Fig. 3). Moreover, just likein Collombey, Barmaz’s cemetery, there does notseem to be any differences in dietary habitsaccording to the archaeological and anthropolo-gical data gathered.

The Final Bronze Age, according to the datacollected at Tolochenaz Le Boiron and LaCaroline, differs from the two previous BronzeAge periods. First, we observe that carbon andnitrogen values of Tolochenaz are more scatte-red compared to Barmaz and Vufflens. The d15Nand d13C ranges are larger, suggesting a morevaried diet within this community. This is pro-bably due to the introduction of plants of dif-

ferent origin, including both C4 and C3 types.Secondly, there is a remarkable enrichment in13C between fauna and humans, which reflects aconsiderable intake of resources enriched in 13C,such as C4 type plants like millets. Furthermore,in terms of nitrogen, the difference betweenfauna and humans highlights a limited introduc-tion of animal proteins and hence limitedconsumption of meat or derived products(Fig. 3).

For the three communities the bone collagenresults,which reflect theprotein intakeof the lastyears of the individual’s life, are globally similarto those of the dentin from the crown of thesecond molar, which reflect the same process forthe first years of life (ca. 3-8 years old)2. We didnotice, however, that for some individuals thehighest nitrogen values are found in teeth(Fig. 3). We consider this to be the result of agreater consumption of animal proteins duringinfancy, but we think that several factors, espe-cially physiological ones might have influencedthese results. Nonetheless, and considering thestate of knowledge in this area discipline, wecannot attribute this modification to a specificvariable3.

The combination of dentin collagen and ena-mel apatite data (d13C) allows us to have a morecomplete vision of the diet of individuals duringtheir first year of life. Isotopic ratios obtainedfrom apatite confirm the results from dentin.Moreover, d13C from apatite also allows us toestimate the effective contribution of C4 plants tothe diet. Whilst at Collombey, Barmaz and Vuff-lens-la-Ville the consumption of these plants wasalmost negligible (8% and 14% respectively), atTolochenaz Le Boiron and La Caroline, theyrepresent 37%, just slightly lower than half thetotal consumed resources4.

2 Formation period for the crown of theM2, which registersthe protein intake during this period of the individual’s life.3 Archaeological data did not bring to light any difference infunerary structure, ornaments or other, between these indi-viduals and the rest of the group. We are currently waitingfor a verification on the potential origin difference of thesesubjects (strontium tooth analysis), which could explain theconsumption of different resources during two life phases ofthese individuals.4 Percentage estimated based on equations elaborated byAmbrose et al., 2003, 1997.

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These results underline a considerable changein diet within the local communities during theBronze Age, in a region that is geographicallyrestricted. Whilst during the first phases of theBronze Age the traditional growing of barley,einkorn, and wheat (C3 type plants) remain thebasis of thediet, during theFinalBronzeAgenewcrops are introduced, such as commonmillet andfoxtail millet (C4 type plants), which almost ins-tantly become of fundamental importance to thediet. The consumption of animal products alsochanges over time: during the Early and MiddleBronze Age, meat and derived products arerather significant,whilst during theFinal BronzeAge these resources seemof lesser importance. Itis also interesting to note that the three commu-nities do not seem to show any indication ofaquatic resources exploitation, despite being inclose proximity to rivers and lakes. However, wecannotexclude theoccasional introductionoffishin the diet, whose consumption would have beenso low that it would not be noticeable at theisotopic level.

Local or from elsewhere? Discoveringindividual mobility

In order to evaluate mobility taking placebetween childhood and adulthood, sulphuranalyses were performed on dentin and bonecollagen. It is thus possible to estimate whetheran individual is local or not, and thereforeto detect possible migration events over a life-time.

The isotopic fractioning for sulphur isotopesover the trophic chain is considered negligible(S1). As a consequence of this, the sulphurisotopic composition of animals and humans isstrictly related, and is similar to the geochemicalcomposition of the habitat their food originatesfrom. Plants, animals, and humans that live inthe same environment should therefore presentsimilar isotopic values (Tanz et Schmidt, 2010).

By observing isotopic signatures for d34S infauna, we identified the local reference interval.The values of sulphur for humans, associatedwith the ratios for carbon and nitrogen, allowedus to make several observations. First, wenoticed that in general teeth have more variedvalues than bones, probably due to the physiolo-gical effects of sulphur assimilation during child-hood (Fig. 4). Secondly, it appears that the indi-viduals fromVufflenshave themost homogenousvalues, reflecting two facts: lower mobilitybetween childhood and adult life, and a lessvaried diet. Both these appear to support thehypothesis of this necropolis being reserved for alocal elite. From a general point of view, thesulphur isotopic values of the three communitiesseem to suggest the majority of individuals arelocals. The archaeological data concerning gravegoods and funerary rituals did not suggest thepresence of non-local individuals either (Marié-thoz, 2005; archaeological studies by M. David-Elbiali et al. ongoing). However, four individualsprobably moved over their lifetime, consideringthat their d34S values differ from the local ones.

Figure 3. d13C and d15N values of human bone collagen (fig. A) and d15N and d13C values of human dentincollagen (fig. B) associated with d15N and d13C averages and standards errors of bone animal collagen andplants. Sites: Collombey, Barmaz for the Early Bronze age (BA), of Vufflens-la-Ville for theMiddle Bronze Age(VUF) and of Tolochenaz Le Boiron and La Caroline for the Final Bronze Age (LeB-LaC).

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Two of them are from Barmaz, and tooth andbone data indicate they probably joined this com-munity after reaching adulthood. For the otherindividuals, one fromLe Boiron and one fromLaCaroline, only teeth are available. It is thereforemore difficult to hypothesize on their life’s mobi-lity. Themobility dynamics of these communitieswill however be further discussed upon the ana-lysis of 87Sr/86Srdata fromdental enamel,whichis currently underway.

Conclusion

This research highlights the importance andefficacy of a multidisciplinary approach tounderstanding the complexity of changes inhumanbehaviour over time.The results obtainedshed light on several aspects of human lifestyle.

Concerning the environment, isotopic analy-ses realised on the whole trophic chain suggestthe settling of human groups within open envi-ronmentswithatemperateclimate.Theimpactofanthropic activities is particularly visible fromthe beginning of theMiddle Bronze Age onwardsand continues during the Final Bronze Age,with the use of fertilisation beingmore andmoremarkedtowardstheendoftheBronzeAge.Moreo-ver, we see that agricultural practices seem to befavouredbywateravailability,whetherdirectlyorindirectly managed by humans. The combinationof different information from various disciplinesthus allows for the elaboration of a global fra-mework of human-environment interactions, and

as a logical consequence to detect the modifica-tions brought to the landscape.

Dietary choices made by the communitiesseem to show no correlation with biological fac-tors such as age and sex, or with archaeologicaldata, which could highlight the presence of kin-ship or elite groups. The comparison betweenteeth and bones data seem to suggest a greaterconsumption of animal products in childhoodthan in adult life. Further research is howevernecessary to confirm this result. Moreover, achange in diet was observed for the Final BronzeAge, the reasons forwhich are thus far unclear. Itcould be the result of several factors, such as theintroduction of new agricultural practices fol-lowingnewsocial andeconomiccontactswithsocieties from eastern Europe, or the intensifi-cation of anthropological activities, amongwhich deforestation and the use of land in itsvarious forms – forestry, agriculture and pasto-ralism. Finally, the influence of climate change,marked by important signs of aridity crises at thetransition between Bronze Age and Iron Age,must also be taken into account. It is the combi-nation of these events which could have led, onthe one hand, to the development of alternativestrategies for more efficient and fast agriculturalproduction, andontheotherhand to thediffusionof new species. It is worth noting that this phe-nomenon appears to be widespread, since it wasobserved during the Middle Bronze Age of seve-ral countries of southern Europe includingFrance, Italy, and Croatia (Varalli, 2015).

Figure 4. d34S and d15N values of human bone collagen (fig. A) and d15N and d34S values of human dentincollagen (fig. B) associated with d15N and d13C averages and standard errors of bone animal collagen. Sites:Collombey, Barmaz for the Early Bronze age (BA), of Vufflens-la-Ville for the Middle Bronze Age (VUF) andof Tolochenaz Le Boiron and La Caroline for the Final Bronze Age (LeB-LaC).

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Finally, concerningmobility, sulphur analysesbrought to light that most of the individualsstudied can be considered as locals, even if a fewexceptions could be identified. In those fewcases,the mobility seems to be limited to adulthood.Further strontium analyses, which are currentlyunderway, will allow us to better understandthese mobility trends, which also seem to beconfirmed by widespread archaeological investi-gations.

AcknowledgementsI thank the Fyssen Foundation for the finan-

cing of this post-doc, as well as Marie Besse forwelcoming me into the Laboratory for Prehisto-ric Archaeology and Anthropology at the Univer-sity of Geneva. I also thanks Gwenaëlle Goude(CNRS, Univ. of Aix-Marseille) for her collabo-ration in the project and to allowme to undertakeisotopic analyses in the biochemical lab of theMediterranean Laboratory of European – Afri-can Prehistory (LAMPEA, UMR5579) in Aix-en-Provence. I thank J. Desideri and M. Gios

(Univ. of Geneva) for their support to the under-taking of this research. I thank M. David-Elbiali(Univ. of Geneva) for her important contributionto the archaeological data, and A. Gallay(Archeodunum),M.E.Néré (INRAP),A.Marguet(UMR 6249 Laboratory for chrono-environ-ment), M. Honegger (Univ. of Neuchâtel),F. Mariéthoz (ARIA, Investigations Arquéolo-giques SA), J. Studer (MUSEUM of Geneva),M. Cabanis (INRAP), L. Martin, J. Debard,D. Rosselet-Christ and A. Bystritzsky-Papilloud(Univ. of Geneva), L. Pernet, J. Bullinger, G. Kel-ler (Cantonal Museum of archaeology and his-tory of Lausanne), C. Brunetti and E. Evequoz(Office for Archaeological Research of Valais,Department of Transports, Equipment andEnvironment) for giving me access to theiranthropological, faunal, and botanical collec-tions and their collaboration. Finally, manythanks to the LAMPEA (Gwenaëlle Goude), theSchmidheiny and Boninchi foundations for theirfinancial support regarding the isotopic ana-lyses.

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BIBLIOTHÈQUE

Nous remercions vivement les généreux donateurs avec lesquels nous échangeons nos Annales :

Cuadernos de Prehistoria y Arqueologíade la Universidad de Granada

No26 / 2016No27 / 2017No28 / 2018

Max Planck Research The Science Magazine No4.2018

Préhistoire, Art et Sociétés Ariège-Pyrénées Tome LXX

Préhistoires Méditerranéennes Vol.4 / Année 2013Vol.5 / Année 2016

Römisch-Germanische Kommission des Deutschenarchäologischen instituts Germania 95 / 2017

Nous remercions pour leur collaboration les auteurs soutenus dans leurs travaux de recherche par laFondation Fyssen, nos lecteurs pour leur fidélité, et tous nos correspondants et bibliothèques qui permettentla libre consultation de notre revue.

We thank for their collaboration the authors supported in their researchworks by the Fyssen Foundation, ourreaders for their fidelity, and all our correspondents and libraries which allow the free consultation of ourreview.

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