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1 DE LA RENAISSANCE AUX LUMIÈRES Le 17 ème siècle apparaît comme un siècle de consolidation des connaissances acquises pendant la période foisonnante de la renaissance. Si en sciences, l’expérience et la démarche scientifique commencent à se développer, en médecine on reste très attaché aux notions hippocratiques et aux théories de Galien. La nouvelle manière de penser, d’observer et de déduire, dont Descartes fut le champion, effleure le monde médical sans en modifier profondément la structure, sinon dans le domaine de la physiologie qui connut, grâce à l’expérimentation, à la déduction et à l’observation un développement significatif. Deux grandes figures médicales dominent cependant cette période, celle de William Harvey, le premier à donner une description complète de la circulation sanguine et celle de Marcello Malpighi, père de l’histologie. La première partie du 18 ème siècle prolonge, sans grand bouleversement, le siècle précédent. Malgré la fin du Roi soleil et l’arrivée des lumières philosophiques, la médecine reste dans l’obscurité pour ne pas dire l’obscurantisme. L’opposition entre, le corps conçu comme une machine par Descartes, et la loi des forces vitales élaborée et défendue par Leibniz, n’influenceront pas significativement le corpus médical qui, fidèle à ses dogmes et à ses principes hippocratiques, ne sera réellement remis en question qu’à la révolution. Diafoirus, Purgon, les malades plus ou moins imaginaires, les médecins « malgré eux » changeront de perruques mais pas de raisonnement ni de thérapeutique ; on saigne et on purge on examine les urines* et les selles sans en tirer aucune information sémiologique. Les nouvelles théories fleurissent: vitalisme, phlogistique, théories du tonus (éther nerveux), des pores, de l’énergie nerveuse… L’organisme est alors dominé par trois esprits : La nature à son siège dans le foie La force vitale : dans le cœur L’esprit animal : dans le cerveau. * L’examen des urines est réalisé dans un vase renflé à sa base ou « metula ». Friedrich Hoffmann (1660-1742) définit la théorie des fibres qui ne peuvent se contracter que sous l’effet du « tonus » érigé ainsi en force vitale. Pour d’autre c’est « l’excitabilité » qui définit la santé du patient. La classification entre « sthénique » et « asthénique » était encore utilisée au début du 21 ème siècle. Bordeu (1722-1776) centre son raisonnement sur la force vitale qui proviendrait de sécrétions stomacales, cérébrales et cardiaques. Même si cette approche

DE LA RENAISSANCE AUX LUMIÈRES · sanguine et celle de Marcello Malpighi, père de l’histologie. La première partie du 18ème siècle prolonge, sans grand bouleversement, le siècle

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DE LA RENAISSANCE AUX LUMIÈRES

Le 17ème

siècle apparaît comme un siècle de consolidation des connaissances

acquises pendant la période foisonnante de la renaissance. Si en sciences,

l’expérience et la démarche scientifique commencent à se développer, en

médecine on reste très attaché aux notions hippocratiques et aux théories de

Galien. La nouvelle manière de penser, d’observer et de déduire, dont Descartes

fut le champion, effleure le monde médical sans en modifier profondément la

structure, sinon dans le domaine de la physiologie qui connut, grâce à

l’expérimentation, à la déduction et à l’observation un développement

significatif.

Deux grandes figures médicales dominent cependant cette période, celle de

William Harvey, le premier à donner une description complète de la circulation

sanguine et celle de Marcello Malpighi, père de l’histologie.

La première partie du 18ème

siècle prolonge, sans grand bouleversement, le

siècle précédent. Malgré la fin du Roi soleil et l’arrivée des lumières

philosophiques, la médecine reste dans l’obscurité pour ne pas dire

l’obscurantisme. L’opposition entre, le corps conçu comme une machine par

Descartes, et la loi des forces vitales élaborée et défendue par Leibniz,

n’influenceront pas significativement le corpus médical qui, fidèle à ses dogmes

et à ses principes hippocratiques, ne sera réellement remis en question qu’à la

révolution.

Diafoirus, Purgon, les malades plus ou moins imaginaires, les médecins «

malgré eux » changeront de perruques mais pas de raisonnement ni de

thérapeutique ; on saigne et on purge on examine les urines* et les selles sans

en tirer aucune information sémiologique. Les nouvelles théories fleurissent:

vitalisme, phlogistique, théories du tonus (éther nerveux), des pores, de

l’énergie nerveuse… L’organisme est alors dominé par trois esprits :

La nature à son siège dans le foie

La force vitale : dans le cœur

L’esprit animal : dans le cerveau.

* L’examen des urines est réalisé dans un vase renflé à sa base ou « metula ».

Friedrich Hoffmann (1660-1742) définit la théorie des fibres qui ne peuvent se

contracter que sous l’effet du « tonus » érigé ainsi en force vitale. Pour d’autre

c’est « l’excitabilité » qui définit la santé du patient. La classification entre «

sthénique » et « asthénique » était encore utilisée au début du 21ème

siècle.

Bordeu (1722-1776) centre son raisonnement sur la force vitale qui proviendrait

de sécrétions stomacales, cérébrales et cardiaques. Même si cette approche

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figure l’endocrinologie, on est encore très loin de cette discipline. La force

vitale sera remise à la mode au début de l’ostéopathie, reste pathétique d’un

onirisme qui refuse de s’éveiller.

PHYSIOLOGIE

Un seul nom domine cette période, celui de William Harvey.

= William Harvey (1578-1657)

Diplômé de Cambridge, William Harvey se rendit à Padoue, capitale de la

médecine et de la recherche en anatomie et physiologie depuis plus de deux

siècles. Élève d’Aquapendente (1537-1619), qui avait donné une très bonne

description des valvules veineuses, il fréquente toutes les célébrités médicales

de Padoue, Vésale, Fallopino… De retour à Londres, il est élu au College of

Physicians et devient le médecin de Jacques I et de Charles I d’Angleterre.

Bien que Galien (2ème

siècle) ait mis en évidence la rythmicité des contractions

cardiaques et les différences entre les deux ventricules sans évoquer cependant

un mécanisme de pompe (pour lui le sang passait directement du ventricule

droit au ventricule gauche par de minuscules orifices perforant le septum), la

petite circulation ne fut définitivement acquise qu’après les observations

anatomiques de Michel Servet (septum non perforé) et physiologiques de

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Matteo Colombo (1516-1559) qui nota la différence de couleur du sang se

rendant au poumon (rouge sombre) et celui qui en sortait (rouge vif).

Quelques années plus tard, Andrea Cesalpino (1519-1603) définit un système

en boucle et deux circulations (mineure et majeure). Il imagina même

l’existence de capillaires entre le système « chaud » (artériel), et le système «

froid » qui ramenait le sang vers le cœur. Cette conception restait cependant très

incomplète puisque pour lui le sang avait son origine dans le cœur et qu’il

existait des échanges directs et importants entre les artères et les veines.

William Harvey utilisa toutes ces données et, grâce à ses qualités

d’expérimentateur et d’anatomiste, décrivit la circulation sanguine telle que

nous la connaissons aujourd’hui. Dans un premier temps il nota que la

disposition des valvules veineuses interdisait un « retour en arrière », cette

observation donna le sens de la circulation. En étudiant des cœurs d’animaux

disséqués (chien, serpent…) il conclut que le cœur était un muscle destiné à

pomper le sang. Il établit que le débit était équivalent dans les deux ventricules.

En saignant un mouton il postula que le sang circulait bien dans un système

fermé et que le cœur n’était pas à l’origine de sa production.

Enfin il décrit les vaisseaux coronaires et établit que le cœur était, comme les

autres muscles, alimenté par un système artériel propre. Sa conception selon

laquelle le sang était « régénéré » dans les poumons fit disparaître

progressivement, mais après de nombreuses polémiques, le côté de la « saignée

», (du côté de l’affection ou de l’autre). Combattues par les partisans du

microcosme et ceux de Galien, ses idées finirent par triompher sans toutefois

bouleverser la médecine de l’époque qui ne sut établir le lien entre la circulation

sanguine et les différentes étiologies des maladies.

Pour la petite histoire, quand Harvey voulu publier sa découverte, aucun

éditeur n’accepta son manuscrit. C’est donc à compte d’auteur, dans la ville de

Frankfort qu’Harvey publia son traité sur la circulation sanguine. Très mal

reçue par l’ensemble des médecins de l’époque, sa thèse fut combattue dans

l’ensemble de l’Europe. A sa mort, en 1657, très peu de savants croyaient à la

réalité de sa théorie. Il fallut attendre 40 ans pour que la circulation du sang

décrite par Harvey, et défendue par quelques médecins, par Boileau et même

Molière, fut reconnue officiellement par…….. décret royal de Louis XIV.

Chronologie de la découverte de la circulation sanguine :

Egypte - 1000 Av JC Fréquence cardiaque

Galien 200 Ap JC Deux ventricules, septum perforé

M. Servet 1530 Septum non perforé

M. Colombo 1540 Sang chaud (rouge), sang froid (bleu)

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A Cesalpino 1540 Deux systèmes en boucle

Acquapendente 1570 Anatomie des valves veineuses

W. Harvey 1635 Sens de la circulation veineuse, Artères coronaires

M. Malpighi 1640 Capillaires pulmonaires

= Hermann Boerhaaven (1669-1738)

Hermann Boerhaaven mit en pratique les travaux de Huygens (1629-1695) et de

Fahrenheit (1686-1736) sur la mesure de la température, en inventant le premier

thermomètre médical. L’étude de la température corporelle et de ses variations

nycthémérales ou pathologiques fût ensuite conduite par De Haen qui nota,

entre autre, les relations entre la fréquence cardiaque et la température, la fièvre,

le frisson... Cette invention ne fut malheureusement pas prise en considération

par les médecins de l’époque qui n’en firent pratiquement pas usage malgré que

l’on sache depuis la période pharaonique qu’il existait une relation entre la

température corporelle et la maladie.

ANATOMIE

Les découvertes anatomiques des 17ème

et 18ème

siècles concernent

essentiellement l’anatomie microscopique, moins spectaculaire que la célèbre

leçon d’anatomie (ou de physiologie pour Masquelet), mais essentielle à la

compréhension des mécanismes intimes de fonctionnement de l’organisme.

= Marcello Malpighi (1628-1694)

Marcello Malpighi peut être considéré comme le premier histologiste. Curieux,

passionné, il utilisa pour la première fois de façon systématique la loupe

grossissante utilisée par Antonie van Leeuwenboek, marchand de tissu à Delft

(les marchands de tissu utilisaient ces loupes pour comptabiliser les fils de

trame et de chaîne). Antonie van Leeuwenboek, qui fut le premier à voir les

globules rouges, les stries musculaires et les spermatozoïdes, passait ses loisirs

à construire et perfectionner cette loupe qui, à la fin de sa vie, était devenue un

véritable microscope. Marcello Malpighi utilisa cette invention et inventoriera

l’ensemble des tissus humains, animaux et végétaux.

Ses planches de dessins anatomiques et physiologiques sont remarquables par

leur précision et leur qualité picturale.

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Cet observateur forcené décrira tous les tissus organiques, la peau, les viscères,

les glandes endocrines, les nerfs, le rein, les os… Cependant si les descriptions

et les dessins sont réalisés avec une très grande précision, les hypothèses

physiologiques ne sont pas toujours pertinentes, ce qui nuira à l’application

médicale de ses découvertes.

C’est à Malpighi que l’on doit la première observation des capillaires

pulmonaires dont Harvey avait suspecté l’existence mais qu’il n’avait pu mettre

en évidence.

Les travaux de Malpighi mirent en évidence la structure des glandes endocrines

et du rein et notamment des néphrons.

La très bonne description anatomo-histologique qu’il donna de ces derniers

l’amena à commettre une erreur concernant la physiologie des glandes

sudoripares eccrines. Devant l’extrême ressemblance entre les néphrons et les

pelotons sudoripares il conclut en effet que le tissu cutané pouvait jouer un rôle

identique à celui du rein. Cette erreur qui perdura jusqu’à la fin du 19ème

siècle

ne sera corrigée que tardivement lors de l’étude de la physiologie sécrétoire

des glandes sudoripares (milieu du 20ème

siècle).

= Thomas Wharton (1614-1673)

Thomas Wharton s’intéressa plus particulièrement aux systèmes glandulaires.

On lui doit notamment la description des glandes salivaires (canal de Wharton),

sexuelles et lymphatiques. Il décrivit pour la première fois les glandes sans

canaux, c'est-à-dire endocrines.

Pour la petite histoire il démontra que les larmes n’étaient pas issues de

sécrétions cérébrales comme on le pensait à l’époque et que l’expression «

rhume de cerveau » n’avait pas lieu d’être.

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= Jacques Bénigne Winslow (1669-1760)

Originaire du Danemark, Jacques Bénigne Winslow, étudia la médecine dans

son pays, puis aux Pays-Bas. Elève de Caspar Bartholin (l’homme des glandes

génitales féminines), il s’installe à Paris en 1693. Converti au catholicisme par

Bossuet, il ajoute à son prénom original celui de Bénigne. En 1707 il est

Docteur en médecine de l’Université de Paris et entre la même année à

l’Académie des sciences. Il est passionné de dissection et d’anatomie ce qui lui

vaudra le titre de « Premier anatomiste d’Europe ».

Pendant quarante ans Winslow étudia l’anatomie, l’embryologie, la tétralogie.

On lui doit la désignation du nerf grand sympathique.

Inventeur du hiatus qui fait communiquer la grande cavité abdominale avec la

cavité des épiploons, Winslow fut l’auteur de « L’exposition anatomique de la

structure du corps humain » en 1732 qui fut rééditée plus de trente fois. C’est

lui qui prononça, comme Docteur régent, professeur de la faculté, le discours

inaugural de l’amphithéâtre de la rue de la bûcherie.

= Valsalva (1666-1723)

Valsalva fit ses études de médecine à l'université de Bologne où il devint

docteur en médecine en 1687 (son maître fut Marcello Malpighi). Nommé

professeur d'anatomie dans cette ville, il fut plus tard Président de l'Académie

des Sciences et eut pour disciple Morgagni.

Valsalva travailla essentiellement sur l'anatomie de l'oreille (c’est à lui que l’on

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doit le terme de trompe d'Eustache). On lui doit également la description des

sinus aortiques qui portent son nom. Il existe encore aujourd’hui une collection

de pièces anatomiques exposée au Musée d’anatomie de Bologne.

La manœuvre de Valsalva (technique d'équilibrage de la pression de l'oreille

très utilisée en plongée) consiste, en se bouchant le nez et en déglutissant, à

ouvrir la trompe d’eustache, faisant ainsi communiquer la caisse du tympan

avec la cavité buccale. Cette technique est utilisée au moment de la descente.

= Giono-baptista Morgagni (1682-1771)

Giono-baptista Morgagni est reçu docteur en médecine à Bologne en 1701. Il a

pour maître Valsalva à qui il succède comme démonstrateur d’anatomie en

1712.

Titulaire de la chaire d’anatomie à Padoue. Pendant 60 ans il se consacrera à

l’anatomie et publia de très nombreux travaux résumés dans le traité « opera

omnia » (1762). Il est reconnu comme l’un des fondateurs de l’anatomie

pathologique.

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Au siècle précédent, quand un patient était transféré à la morgue de l’hôpital, et

que l’on souhaitait différer momentanément l’annonce de son décès aux

personnes étrangères au service, on disait qu’il était dans le service du

Professeur Morgagni.

= Honoré Fragonard (1732-1799)

Honoré Fragonard eut une vie singulière et une passion nom moins singulière.

Surnommé plus tard comme le Frankenstein du 18ème

siècle, H. Fragonard

consacra une grande partie de sa carrière à réaliser des pièces anatomiques

animales et humaines. Né à Grasse, dans une famille de parfumeur, le jeune

Fragonard s’initie à la chirurgie à Lyon, puis à Grasse. En 1763 il est nommé

directeur de la nouvelle école vétérinaire de Lyon où il exerça comme

professeur et démonstrateur d’anatomie.

En 1766, suite à la création de l’école royale vétérinaire d’Alfort par Bourgelat,

Fragonard est nommé directeur de cet établissement. Pendant cinq ans il

dissèque et prépare un nombre considérable de pièces anatomiques. Enfermé

dans son laboratoire, introverti, silencieux, besogneux il finit par être renvoyé

pour « folie » par Bourgelat. A partir de cette date Fragonard vit de son art en

fournissant les cabinets de curiosité très à la mode en cette fin de siècle. En

1794 il est chargé de recherches anatomiques à l’Ecole de santé de Paris.

C’est à cette époque qu’il produit le « cavalier de l’apocalypse » représentant un

homme écorché sur un cheval au galop. Son art macabre s’oppose aux

réalisations galantes de son cousin (Jean Honoré Fragonard) et de son petit

cousin (Alexandre Fragonard) beaucoup plus attirés par les demoiselles sur des

balançoires.

Il reste à ce jour quelques dizaines de pièces humaines et animales exposées au

Musée Dupuytren.

CHIRURGIE

La chirurgie des 17ème

et 18ème

siècles ne connut pas le développement que l’on

pouvait envisager avec les nouvelles acquisitions de l’anatomie et de la micro

anatomie. L’absence d’anesthésie, les difficultés à poser des indications, la

méconnaissance physiologique de beaucoup de chirurgiens et le risque

infectieux faisaient reculer beaucoup de patients et de praticiens.

A ces différentes raisons se surajoutait la formation sommaire de certains

chirurgiens (barbiers et guérisseurs, châtreurs de porcs…*) qui, il est vrai, avait

de quoi faire peur aux plus braves.

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* Si l’on excepte la naissance de César et d’Asclépios, on raconte que c’est un

châtreur de porc qui réussit la première césarienne (en sauvant l’enfant mais

pas la mère).

Les chirurgiens interviennent pour les fistules anales, les trépanations, les

amputations, les plaies du visage…, les barbiers chirurgiens extrayaient les

dents, opéraient les maladies de la pierre, réduisaient des fractures et les

luxations, enfin les rebouteux et autres soigneurs se contentaient des hernies

abdominales, des entorses, des luxations et de la cataracte.

TRANSFUSION SANGUINE

Jusqu’à l’avènement de Jean-Baptiste Denis, la transfusion sanguine n’avait

jamais été réellement explorée. Principe philosophique consistant à transmettre

le tonus et la force d’un individu à un autre, la transfusion ne s’élaborera

définitivement qu’avec la découverte des groupes sanguins.

= Jean-Baptiste Denis (1635-1704)

Originaire de Paris, Jean-Baptiste Denis, fit ses études à Montpellier. Diplômé

de théologie et de mathématique, il ne s’intéressera aux transfusions sanguines

qu’à partir de 1667, date de la première transfusion croisée animale.

Encouragé par des premiers succès (injection de quelques onces de sang de

veau à un homme qui survécut), il poursuit ses expériences avec son confrère

chirurgien Emmerez. Hormis la maladie de langueur et l’asthénie, les

indications proposées pour les premières transfusions paraissent quelques peu

curieuses (paralysie, folie…). Malheureusement plusieurs échecs, et un procès

intenté par la veuve de l’un de ses patients, devaient mettre un terme à ses

expérimentations et notamment aux tentatives de transfusion d’homme à

homme.

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OBSTÉTRIQUE, MALADIES VÉNÉRIENNES

L’obstétrique reste, pendant cette période encore, l’apanage des matrones*,

mais pour la première fois en Angleterre et en Europe des hommes assistent et

pratiquent des accouchements. Il est classique de citer parmi eux les

Chamberlen, obstétriciens anglo-saxons qui, dès le début du 17ème

siècle,

participèrent aux accouchements de la cour d’Angleterre. Hugues Chamberlen

accoucha notamment la reine Anne d’Angleterre en 1692.

* Depuis 1560, les matrones reçoivent des cours théoriques dispensés par les

chirurgiens jurés.

= François Moriceau (1637-1709)

Jean François Moriceau, obstétricien parisien fait partie de ces précurseurs.

Formé à l’Hôtel Dieu par le corps des sages-femmes, il utilise pour la première

fois en France le forceps inventé par Chamberlen (ou Chamberlayne) dans les

années 1650. Il s’agit d’une modification d’un instrument créé en 1621 par

Palfin (appelé mains) destiné à faciliter la délivrance.

Auteur « Des maladies des femmes grosses et accouchées », et d’ «

Observations sur la grossesse et l’accouchement des femmes et sur leurs

maladies et celles des enfants nouveau-nés », il développa l’utilisation du

forceps et reste connu pour la manœuvre dite de Moriceau qui consiste à

favoriser la flexion de la tête dernière.

= André Levret (1703-1780)

André Levret fut l’élève de Jean Louis Petit qui lui enseigna l’art de

l’accouchement. D’abord chirurgien, il s’oriente rapidement vers les maladies

des femmes et l’obstétrique. Il est l’auteur d’une communication à l’Académie

royale intitulée « Observations sur les causes et les accidents de plusieurs

accouchements laborieux ».

Nommé officiellement accoucheur de Madame la Dauphine (mère de Louis

XVI) en 1860, Levret peut être considéré comme le plus grand obstétricien de

ce siècle.

André Levret, inventa un forceps formé de deux branches aplaties

transversalement, les bords des fenêtres étant bordées de cannelures. En

position fermée les deux cuillères ne se touchent pas.

*Il n'est pas l'auteur de la position dite de "levrette", position connue pour

favoriser la conception.

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OPH

L’ophtalmologie du 18ème

siècle est l’objet de nombreux débats à l’Académie

des sciences (1708). Elle est sans conteste possible marquée par Jacques Daviel,

premier chirurgien du cristallin depuis l’antiquité.

= Jacques Daviel (1693-1762)

Originaire de Normandie, Jacques Daviel apprend les rudiments de la chirurgie

chez un oncle installé à Rouen avant de devenir aide chirurgien aux armées.

Formé à l’Hôtel Dieu de Paris, il exerce au début de sa carrière à Marseille. Le 8

avril 1745 il effectue sa célèbre intervention sur un ermite victime de cataracte

(intervention qui se soldera par un échec dû à une surinfection secondaire).

A partir de cette date, il ne pratiquera plus l’ablation du cristallin qu’en ouvrant

la cornée, base de la technique utilisée pour l’opération de la cataracte

(technique de l’abaissement).

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Il consacrera le reste de son existence à cette intervention qu’il pratiquera à

Paris et dans de nombreuses cours européennes. Ses travaux sont exposés dans

un mémoire qu’il adressera à l’Académie de chirurgie en 1752.

HYGIENE

L’hygiène et la santé publique du 17ème

siècle restent à l’état embryonnaire. La

malnutrition (Scorbut, rachitisme), les épidémies (varicelle, rougeole, syphilis,

diphtérie, typhus, paludisme, peste….) dévastent l’Europe. Il n’existe pas de

système d’évacuation des eaux, les logements des pauvres sont de véritables

cloaques (manque d’air, de lumière, humidité…) envahis de nuisibles (rats,

poux, insectes variés…).

Les prostituées et les nourrices transmettent à leurs clients et à leurs enfants les

maladies contagieuses dont elles sont porteuses.

Sur le plan médical, l’hygiène n’est pas plus avancée. Les mains ne sont pas

lavées. A titre d’exemple, le frein de la langue des nourrissons est coupé par la

sage-femme avec un ongle qu’elle s’est volontairement laissé pousser, les

autopsies sont pratiquées à mains nues…

Le 18ème

siècle reste lui aussi assez catastrophique en matière de santé publique.

Cependant, un certain nombre de progrès vont être réalisés au niveau des

armées de la marine et des prisons. Les effets dévastateurs de l’alcool sont mis

en évidence et dénoncés par J. Coakley Lettsom (1744-1815). James Lind

(1716-1796) met en évidence l’intérêt du jus de citron dans la lutte contre le

scorbut. Edward Jenner (1749-1823) expose l’intérêt de l’inoculation du

contenu des vésicules prélevé sur des vaches atteintes de cow pox (vaccine) en

1798.

Cette technique, fut introduite au début du siècle en Angleterre par Lady Mary

Wortley Montagu qui avait observé cette pratique en Turquie. Il s’agissait dans

ce cas de prélever du liquide vésiculaire d’un individu atteint, et de l’inoculer à

un autre sujet, qui présentait alors une forme atténuée de la maladie et

s’immunisait ainsi contre la variole.

= Théodore Tronchin (1709-1781)

Né à Genève, Théodore Tronchin dut rapidement gagner l’Angleterre du fait de

la faillite de son père au moment de la banqueroute de Law et de ses assignats.

Diplômé de Cambridge, il s’installe dans divers pays européens dont les pays

bas, à nouveau l’Angleterre pour finalement retourner à Genève et à Paris sur la

sollicitation du Duc D’Orléans en 1776.

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Théodore Tronchin a laissé son nom à la médecine comme médecin et ami de

Voltaire, mais aussi pour avoir, malgré les réticences de l’époque, inoculé la

vaccine au Duc de Chartres et à sa sœur, les enfants du Duc D’Orléans.

Ce médecin du siècle des lumières est également novateur en ce qui concerne

l’environnement (lumière, aération des appartements)… et comme Jean Jacques

Rousseau une sorte de retour à la nature par la prescription d’exercices

physiques.

Clinicien novateur, il interroge et observe ses patients à une époque où le latin

et les dogmes obscurcissent encore les recherches étiologiques et diagnostiques.

Révolutionnaire, il l’est encore quand il pose les principes de la médecine

psychosomatique « faites que votre âme soit tranquille, vous n’aurez ni

étourdissement, ni tintement d’oreilles ».

DERMATOLOGIE

Cette discipline, quoique traitée depuis les temps pharaoniques dans les

documents médicaux, prend véritablement naissance à la fin du 18ème

siècle

avec l’ouvrage de Joseph Plenck « Doctrina de Morbis cutaneis ».

Depuis les encyclopédistes médicaux du moyen âge, Henri de Mondeville

(1260-1320 et Guy de Chauliac (1300-1368,) peu de nouveautés avaient

enrichies cette discipline qui ne prendra véritablement son autonomie qu’au

début du 19ème

siècle.

Le 17ème

siècle peut être considéré comme un siècle charnière entre une

sémiologie encore toute empreinte de religiosité et de superstitions et l’éveil

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d’une sémiologie clinique encore engluée dans les humeurs hippocratiques. Les

tumeurs et les « anomalies cutanées » sont classées et traitées par les

chirurgiens qui sont amenés à les opérer. Les différentes dermatoses sont donc

naturellement exposées dans des traités de chirurgie comme (Chirurgia), œuvre

posthume de Jean Riolan éditée en 1601, « La grande chirurgie des tumeurs »

de Jean Vigier en 1611 et du même auteur « la grande chirurgie des ulcères »

(1614).

Beaucoup de pathologies sont décrites dans ces ouvrages sans que le caractère

cutané de ces lésions soit véritablement en cause. On retrouve ainsi pêle-mêle

les dermatoses proprement dites, mais aussi les troubles variqueux, les

déformations secondaires aux luxations ou aux déformations articulaires, les

tophi goutteux ainsi que les plaies et les fractures ouvertes…).

Font régulièrement l’objet de descriptions :

La couperose et le vitiligo

L’érysipèle

Les alopécies, ophiasis (pelade).

Les tubercules et les verrues

Les lentilles et bubons du visage

Les ulcères de toutes sortes (cancer, galles, furoncle, aphtes, varices, scrofules

tumeur ganglionnaire, vérole, gangrène, phlegmon, bubons, écrouelles,

panaris…).

De façon assez surprenante, la dermatologie que l’on pourrait nommer «

esthétique », déjà développée en Egypte, fait sa réapparition en 1615 avec le

traité intitulé « Le miroir de la beauté et santé corporelle » de Louis Guyon,

qui traite aussi bien des difformités que des procédés pour « s’entretenir en sa

beauté, bonnes dispositions et comment se rajeunir »

Dans la même veine, Nicolas de Blégny publie « Secrets concernant la beauté

et la santé » (1688). Ce recueil expose comme son nom l’indique des remèdes «

secrets » pour ôter les cicatrices, tirer les rides du ventre, embellir le visage,

conserver son teint et lutter contre les rougeurs, tâches et autres boutons,

blanchir les dents, teindre les cheveux, lutter contre les mauvaises odeurs de la

bouche, des aisselles et des pieds. En bref tout le contenu d’un magazine

féminin moderne.

Il faut attendre le 18ème

siècle pour que des médecins commencent à codifier les

différents types de lésions cutanées et à s’intéresser aux étiologies « organiques

» de ces lésions.

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= Joseph Plenck, (1735-1807)

Joseph Plenck est un médecin accoucheur hongrois, eut l’idée originale de

classer les maladies de la peau en fonction des critères méthodologiques établis

par Linné quelques années plutôt. A partir de quelques lésions cutanées

facilement identifiables, Plenck codifia les atteintes cutanées en décrivant les

macules, pustules, vésicules, bulbes, papules, croûtes, squames, callosités,

excroissances, ulcérations, blessures, lésions causées par les insectes. Il ajouta

également aux lésions cutanées celles des ongles et des cheveux. Son œuvre

publiée en 1776 « Doctrina de Morbis cutaneis » donna pour la première fois

les bases essentielles à l’établissement du diagnostic. C’est à partir des travaux

de ce novateur que Robert Willan établit la première nosologie des atteintes

cutanées.

Ce siècle est dominé en France, par trois médecins issus de la Faculté de

Montpellier (Jean Astruc, François Boissier de Sauvage et Thomas

Carrière) et d’un parisien Anne Charles Lorry, considéré comme le père de la

dermatologie moderne.

= Jean Astruc (1684-1766)

jean Zstruc est nommé docteur en médecine en 1703 puis professeur en 1716.

Médecin consultant du roi Louis XV, fait capitoul de la ville de Toulouse en

1711, il sera agrégé à Paris en 1743.

Jean Astruc est l’un des premiers, dans son traité « des tumeurs et des ulcères »,

paru en 1759 à donner des descriptions cliniques modernes des différentes

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atteintes cutanées et des troubles humoraux susceptibles de les provoquer. Il

établira notamment le lien entre les lésions syphilitiques et les troubles cutanés

et sera en ce domaine le précurseur de la vénérologie en France avec son

ouvrage «De morbis venereis, libri morbi sex ». Il décrira également pour la

première fois les troubles acnéiques et en définira l’origine folliculaire.

= François Boissier de Sauvage (1706-1767)

Boissier de Sauvage est surnommé dans un premier temps, et dans un siècle qui

en fit grand cas, « Médecin de l’amour » du fait de sa thèse de baccalauréat

intitulée « Si l’amour peut être guéri par les remèdes tirés des plantes ».

Admirateur et ami de Linné (que ses détracteurs surnommèrent le nouvel Adam

puisqu’il donnait, comme ce dernier, un nom à toutes les espèces animales), il

établit la « Nosologie méthodique » (1763) qui reprend l’ensemble des maladies

dans une classification toute linnéenne (classe, genre, espèce) pour 2400

maladies. Il reconnaît ainsi aux dermatoses six classes, divisées chacune en

plusieurs genres.

= Thomas Carrière (1714-1764)

T. Carrière est nommé professeur et titulaire d’une chaire de médecin à la

Faculté de Perpignan, puis recteur de cette faculté. Conseiller ordinaire du Roi,

Thomas Carrière est à l’origine de 13 traités rédigés en latin ou en français.

Parmi ces ouvrages on retiendra un « traité sur les eaux minérales du Roussillon

» et son ouvrage intitulé « De morbis cutaneis » paru en 1760 qui traite de la

dermatologie (19 chapitres), des tuméfactions cutanées (anévrisme, varice..),

des atteintes articulaires (goutte) et de l’ensemble des atteintes cutanées depuis

les croûtes de lait jusqu’aux ulcères et bubons…

= Anne Charles Lorry (1727-1783)

Lorry a pour maître Jean Astruc, professeur à la faculté de Paris. Auteur de très

nombreux ouvrages, on retiendra son « tractatus de morbis cutaneis » (1777)

qui est considéré comme l’ouvrage fondateur de la dermatologie. On retrouve

dans la division de cet ouvrage les données fondamentales de la médecine

moderne :

+ La peau humaine (anatomie et physiologie décrite par Malpighi et Astruc)

+ La pathologie cutanée et ses causes (humorales, externes, caustiques ou

parasitaires)

+ Le diagnostic sémiologique et le pronostic des affections cutanées.

+ Le traitement des maladies cutanées

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= Robert Willan (1757-1812)

En Angleterre, Robert Willan, médecin londonien, simplifia le tableau des

lésions initiales décrites par Joseph Plenck, en décrivant « huit aspects »

(papule, squame, exanthème, bulle, pustule, vésicule, tubercule et macule). Sa

doctrine (le willanisme) fut introduite en France en 1816 par Biett, médecin à

l’hôpital Saint louis, et élève d’Alibert, fondateur de la dermatologie dans cet

hôpital.

Parallèlement à ces travaux de classification et de sémiologie, d’autres auteurs

orientèrent leurs recherches vers les étiologies possibles des dermatoses.

= Noël Retz (1758-1810),

Retz publie en 1785 « Des maladies de la peau, particulièrement de celles du

visage et des affections morales qui les accompagnent : leur origine, leur

description et leur traitement ».

Dans ce document l’auteur affirme que les atteintes hépatiques sont à l’origine

des maladies de la peau et que certaines maladies morales comme la mélancolie

et l’hypochondrie, la monomanie donnent des atteintes cutanées au niveau du

visage. Naturellement les humeurs hippocratiques (bilieuses, sanguines…)

présentant toutes un rapport avec le foie, déterminent l’étiologie de très

nombreux troubles cutanés. Les traitements comprennent donc deux volets, le

rééquilibrage des humeurs (sudation, purgation, diète, bains, saignée,

émétique…) et un traitement local (cataplasmes, lotion, emplâtres

émollients…). Parmi les traitements proposés il faut retenir l’eau Dalibour

découverte vers 1700 par Jacques Dalibour et destinée préalablement au

traitement des blessures de guerre (il était médecin militaire). Tombée en

désuétude à la fin du 18ème

siècle, l’eau Dalibour sera remise à la mode au début

du 20ème

siècle par Raymond Sabouraud.

= Alexis Pujol (1739-1804)

Originaire de Béziers, Alexis Pujol fait ses études à Toulouse puis à

Montpellier. Il est l’auteur de nombreux mémoires dont « dissertation sur les

maladies de la peau, relativement à l’état du foie » (1786) et un essai sur les

inflammations chroniques des viscères en 1791, qui sera à l’origine des idées

développées par Broussais quelques dizaines d’années plus tard. Il classe les

maladies de la peau en deux grandes catégories, les maladies simples

(uniquement cutanées) et celles compliquées par une cause étrangère, virale,

bactérienne, carentielle ou métabolique. Vers la même époque (1782), le traité

des dartres de M. Poupart reprend de manière clinique l’étiologie, l’aspect

cutané, l’interrogatoire, les maladies associées et les traitements propres à guérir

ces affections (virales bactériennes, humorales…).

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Le 18ème

siècle a donc été pour la dermatologie celui des lumières et de la

genèse. Les découvertes réalisées pendant cette période féconde serviront de

bases à la dermatologie moderne telle que nous la connaissons aujourd’hui.

MÉDECINES DOUCES

= Franz Anton Mesmer (1734-1815)

Originaire de Vienne, Franz Anton Mesmer est obligé de quitter la capitale

austro-hongroise sous la pression de ses collègues qui lui reprochaient d’attirer

leurs patients par ses pratiques plus ou moins ésotériques. Sa vie et ses baquets

magnétiques sont traités dans le paragraphe « charlatanisme ».

= Samuel Hahnemann (1755-1843)

Dans un domaine à peu près semblable Hahnemann, un médecin allemand,

invente l’homéopathie. Sa vie et ses œuvres sont traités dans le paragraphe «

charlatanisme ».

MEDECINS DES GRANDS DE CE MONDE

Premier médecin du Roi était une place enviée mais instable, la disgrâce venant

parfois plus vite que l’ascension.

= Jean Heroard (1549-1627), médecin de Louis XIII

Jean Heroard est issu d’une famille de médecins montpelliérains. Il gagna Paris

et fit rapidement Carrière à la Cour. D’abord médecin de Charles IX, puis de

Henri III, il devint premier médecin du Dauphin (le futur Louis XIII). Il resta

médecin de ce Roi jusqu’à sa mort survenue au siège de La rochelle en 1627.

Jean Heroard ne commit pas d’écrits scientifiques ou médicaux mais rédigea

un savoureux journal intime concernant la vie et l’éveil sexuel du jeune Louis

XIII.

= Antoine Daquin (1632-1696) Médecin de Louis XIV

Antoine Daquin est le fils du médecin de la reine Catherine de Médicis. Issu

d’une famille juive de Carpentras, convertie au catholicisme, Antoine Daquin

naquit à Paris mais fit ses études à Montpellier où il obtint son doctorat en

1648. En épousant la nièce de Vallot, premier médecin du Roi Louis XIV, il

gagna la cour et fut nommé premier médecin de la reine, Marie Thérèse

d’Autriche. A la mort de Vallot, il devint premier médecin de Louis XIV.

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Pour la petite histoire, la nomination à ce poste fût l’objet de propos racistes «

pauvre cancre, race de juif et grand charlatan » de la part d’un professeur du

collège royal et de Saint Simon qui le traite de « grand courtisan mais reître,

avare, avide et qui voulait établir sa famille de toutes façons ». On n’a rien

inventé depuis, tous les poncifs du racisme sont déjà bien présents.

Son royal patient lui causa bien des soucis et l’occasion de montrer ses qualités

de médecin. Il eut ainsi à intervenir pour, une luxation du coude, une arthrose

du pied, un furoncle de l’aisselle, une nécrose de la voûte palatine avec

communication bucco nasale, l’ablation de toutes les dents de la mâchoire

supérieure, un abcès du périnée, une fistule borgne, une fistule anale, des plaies

variqueuses et des ulcères nécrotiques des deux membres inférieurs.

Les intrigues de cour et le remplacement de madame de Montespan par madame

de Maintenon, le firent tomber en disgrâce et en 1693 il fût exilé à Moulin.

= François Chicoyneau (1672-1752) médecin de Louis

XV

Diplômé de la faculté de Montpellier, François Chicoyneau est Docteur en

Médecine en mars 1693. A la mort de son père Michel Chicoyneau, il hérite de

sa chaire et de son titre de chancelier. Il acquit rapidement une grande

réputation de charité envers les pauvres. Il se fit notamment remarqué lors de

l’épidémie de peste qui sévit en 1720 à Montpellier.

Élève de Pierre Chirac, premier médecin du Roi, il en épousa la fille Marie et

suivit à Paris son beau-père qui lui ouvrit les portes de la maison du Roi. Il

succéda à ce dernier lors de sa mort en 1732, et devint ainsi premier médecin du

royaume, place qu’il occupa pendant une vingtaine d’années.

Un épisode à la fois dramatique et rocambolesque marqua son activité auprès

du monarque. De retour de la guerre en Flandre, Louis XV s’arrêta à Metz où

il tomba gravement malade au point que l’on craignit pour sa vie. Aidé de

Lapeyronie, premier chirurgien du Roi, Chicoyneau réussit à faire retrouver au

Roi sa santé en 15 jours. Pour la petite histoire le Roi vivait à cette époque une

liaison avec la Duchesse de Châteauroux. On raconte que le renvoi de cette

dernière par son confesseur fit autant pour la guérison du Roi que les

praticiens à son chevet.

= Jean Baptiste Silva (1682-1744), médecin de Louis

XV et de Voltaire

Jean Baptiste Silva était originaire d’une famille judéo portugaise de Bordeaux.

Thèsé à Montpellier en 1701, il monte à Paris et est reçu à la faculté de cette

ville en 1711. Fréquentant très tôt la cour, il devint médecin de la maison de

Condé. En mars 1738, le Roi lui fit présent de lettres de noblesse et l’admis

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dans son conseil de santé en qualité de médecin consultant. A la mort de Chirac,

premier médecin du Roi, il ne réussit pas à lui succéder malgré sa renommée

européenne (médecin de Voltaire, de Catherine I de Russie, des Ducs de

Bavière).

Hazon écrit à son sujet « La renommée le porta sur ses ailes rapides, mais il se

chargea de sonner lui-même la trompette ». Après une carrière de cour, il

s’éteignit en 1744 et fut enterré comme il avait vécu en grandes pompes à Saint

Sulpice. Il publia en 1728 un ouvrage portant sur la saignée « Traité à l’usage

de différentes espèces de saignées, principalement celle du pied », qui eut un

certain succès.