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Jean Hartwig. Maître-Artisan-d’Art. Meillleur Ouvrier de France 1010,Rue de la Nivelle. 45200 Amilly . www.cristallerie-hartwig.com De l’utilisation et de la préparation des cendres végétales par les verriers . Depuis l’antiquité jusqu’au XIX ème siècle Avec modélisation d’une des plus anciennes recettes de verre © Jean Hartwig Maître – Artisan d’Art - Meilleur Ouvrier de France

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Jean Hartwig. Maître-Artisan-d’Art. Meillleur Ouvrier de France

1010,Rue de la Nivelle. 45200 Amilly . www.cristallerie-hartwig.com

De l’utilisation et de la préparation des cendres végétales par les verriers . Depuis l’antiquité jusqu’au XIX ème siècle

Avec modélisation d’une des plus anciennes recettes de verre

© Jean Hartwig

Maître – Artisan d’Art - Meilleur Ouvrier de France

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1010,Rue de la Nivelle. 45200 Amilly . www.cristallerie-hartwig.com

Les cendres de plantes et végétaux divers ont été utilisées pendant des millénaires. Elles ont servi aux

hommes de laver et nettoyer leurs habits, de fertiliser leurs champs et même de saler leurs aliments devenant par là une véritable « monnaie » d’échanges. Elles ont été un des éléments de base pour

fabriquer du verre, et ce depuis l’origine de celui ci jusqu’à la fin du XVIII ème siècle pour ce qui est de notre vieux continent. Merveilleux et extraordinaire produit naturel issu du feu, et qui par le feu encore, se

transmute en verres et émaux multicolores.

La plus ancienne recette pour fabriquer du verre nous est parvenue indiquée sur une tablette en terre cuite issue de la bibliothèque du roi Assurbanipal (668-426 A JC) en Mésopotamie.

Tablette en grès donnant une formule pour obtenir du verre. La traduction nous dit pratiquement ceci :

« Prends 60 parties de sable, 180 parties de cendres de plantes maritimes et 5 parties de craie (calcaire) et

tu obtiens du verre »

Cette recette est tout de même technologiquement avancée, car on y voit l’introduction séparée d’un troisième élément : un stabilisant. (Basse Antiquité)

Au départ ….les cendres étaient acheminées à dos de chameaux…..

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Pendant plusieurs millénaires, la fabrication du verre a été basée sur une formule à deux (haute antiquité)

puis trois composants (basse antiquité). Le sable comme vitrifiant fournissant le SiO2, les cendres de végétaux et plantes maritimes fournissant l’apport du fondant qui est le sodium Na2O.

Les cendres de plantes maritimes ont été l’unique matière première connue et apportant le fondant sodique pour la fabrication du verre. Pratiquement tous les verres antiques sont sodiques et ont été

fabriqués avec ces diverses cendres. Les plantes halophytes des abords de mer et des lacs salés d’Egypte, de Syrie, de Mésopotamie et de

Judée ont fournit pendant des millénaires les cendres sodiques pour la fabrication du verre en Orient et en Europe occidentale.

Outre le sodium, les cendres apportaient également d’autres éléments tels le calcium, l’alumine, le potassium, le magnésium, ainsi que de l’oxyde de fer et une multitude d’éléments traces. Bien entendu

ceci était pratiquement ignoré des verriers de l’époque. La connaissance des verriers se limitait iniquement au pouvoir fondant de ces cendres.

Des analyses effectuées sur des débris anciens, démontrent que certains verres antiques élaborés a partir de cendres, mis a part l’affinage, approchaient pratiquement en qualités physico-chimiques les meilleurs

verres de bouteilles à champagne élaborés de nos jours ! D’extraordinaires gisements narrés dans les livres des anciens (Pline, Joseph, Tacitus, Strabon.. ) se

trouvaient dans les contrées du Moyen-Orient. Tel le fabuleux sable de l’embouchure du fleuve Belus qui était, selon l’emplacement d’extraction, pratiquement un mélange vitrifiable pouvant donner un verre, si

les fours verriers de l’antiquité avaient eu une puissance de chauffe adaptée et suffisante.

* Sable Cendres et Natron

L’autre site non moins extraordinaire se trouvait en basse Egypte. C’était la vallée, ou plutôt cuvette de Wadi al Natrûn proche du delta du Nil. La vallée aux sept lacs salés d’où on tirait le sel (le natron). Il y

poussait également dans cette immense cuvette une multitude de plantes et arbrisseaux qui étaient récoltés, séchés, calcinés et dont les cendres étaient commercialisées sous divers noms bien connus des

verriers. Selon la provenance, la qualité et l’aspect, les cendres étaient nommées : « Poudre du Levant, Rochetta du Levant, cendres d’Alexandrie et de Syrie. Le natron était désigné Al

Kali, sal Alkali, kali d’Egypte….. »

C’est de ces régions à l’est du bassin méditerranéen, que pendant des siècles, les cendres sodiques à l’usage des verriers occidentaux ont été importées.

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Dans un premier temps, la Mésopotamie occidentale, l’Egypte, ont été les principaux centres de

fabrication du verre où il y fut d’ailleurs découvert. Toutes les matières premières se trouvant sur place, les verriers en ont fait les premiers centres du verre. Ensuite les romains de par leur empire profitèrent de ces centres et gisements de matières premières. La chute de cet empire, fit que de nombreux verriers du

Moyen-Orient se joignirent aux légions en replis et s’installèrent dans les territoires romains d’occident. Il faudra attendre pratiquement un millénaire pour que la Sérénissime République de Venise prenne le

relais. Les Navires marchands vénitiens, maîtres de la Méditerranée déchargeaient à Murano des cales pleines de cendres sodiques d’Orient. Il en était de même dans tous les comptoirs que la Sérénissime

République possédait. Le problème d’approvisionnement en matières premières était déjà de mise pour les verriers. Les verriers vénitiens de Murano outre leur savoir- faire, ont eu durant plusieurs siècles un

énorme avantage sur toutes les autres contrées verrières de l’occident pour ce qui est de l’approvisionnement en cendres sodiques du Levant. La Sérénissime Venise qui avait hérité de la

décadence de l’empire romain, avait su attirer chez elle les habiles verriers orientaux et, forte de sa flotte marchande avait pris le monopole du commerce des cendres sodiques. Pour asseoir ce monopole, le Grand Conseil des Dix adopta un édit dans lequel il interdisait aux verriers de Murano d’utiliser des cendres de fougères continentales, et ce dès 1306 ! Cette mesure permettait dès le XIV ème siècle de garantir des cales pleines à ses navires de commerce qui sillonnaient les océans. Dans le domaine du

verre, Venise devenait ainsi la nation dominante et premier exportateur de verrerie. Cette prédominance se perpétua jusqu’au début du XVIII ème siècle.

Cette position dominante des verriers de la Sérénissime République, permit à ceux –ci aux XV ème et XVI ème siècles d’améliorer leurs verres ordinaires pour aboutir finalement au fameux « cristallo » de Venise. Verre blanc affiné qui approchait du point de vue physique l’aspect du cristal de roche. Cette

découverte issue d’une lente genèse était due au traitement des cendres. Les cendres brutes étaient épurées par des lessivages et filtrations successifs. On parvenait ainsi à obtenir de la soude sous forme plus ou

moins pure et concentrée de carbonate de sodium (Na2 Co3. Lors du dernier lessivage on y incorporait la « magnésia del Piemonte », c’est en fait de

l’oxyde de manganèse : Le fameux « savon des verriers. Celui –ci se trouvait ainsi également épuré et intimement mêlé au sodium avant de subir le frittage en présence du silicium. C’était là tout le « secret du cristallo de Venise. Une lente progression technologique s’étalant sur plusieurs dizaines de siècles. Ce fut

après l’invention de la canne à souffler, la plus grande avancée dans le domaine technologique de la verrerie.

C’était cette technologie d’épuration des cendres sodiques, qui permit après des siècles de stagnation,

d’obtenir un verre blanc bien affiné et très clair.

Dans le reste de l’Europe occidentale le verre est fabriqué à partir de cendres de forestières : c’est la couleur verdâtre et sale d’aspect des verres de fougères de nos forêts ou du « Wald Glas » d’Europe

centrale. La fabrication du verre introduit dans ces régions par les romains stagnera dans cet état pendant des siècles. Les verres étaient obtenus avec des cendres « telles quelles », c’est à dire « brutes. Ces verres sont très inférieurs à la qualité du verre commun de Venise qui se trouvait déjà élaboré à l’aide de cendres

lessivées.

C’est cette énorme avance technologique qui explique tout du moins en partie seulement, la non-poursuite de la part du Conseil des Dix de la Sérénissime République, à l’encontre des verriers vénitiens qui s’expatriaient durant la « Cavata1 . Tant que ces maîtres verriers travaillaient entre-eux, ne formaient

pas d’apprentis locaux, se limitaient à travailler le verre commun et ne dévoilaient aucun secret de

1 « Cavata » période de quatre à six mois, durant laquelle les fours étaient éteints pour des réparations éventuelles. On profitait de cette « pause » pour refaire les stocks de combustibles et de matières premières. Besognes confiées aux compagnons subalternes, le maître de verrerie lui, profitait de ce temps pour travailler en dehors de son atelier, et bien souvent hors Venise.Il s’assurait ainsi une rentrée d’argent indispensable à la poursuite de son activité.

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fabrication, mais imposaient l’utilisation et donc l’importation des cendres du Levant via les comptoirs et navires vénitiens, puis revenaient finalement à Murano, ils étaient plutôt considérés comme des agents

commerciaux avant la lettre. La capacité de chargement de la flotte marchande de Venise était très largement supérieure à la consommation de cendres des verreries de Murano. Aussi toute initiative

permettant de faire commerce avec des cendres sodiques « brutes » sans pour autant nuire aux « cristallo de Venise et autres miroirs et vitres » était considérée comme acte commercial positif et lucratif par le Conseil des Dix, et cette sorte d’expansion a même été soutenue. Cette pratique d’export au travers des

verriers expatriés momentanément ne fut « tolérée » néanmoins qu’à partir du XVI éme siècle, et sous un sévère contrôle. On constate que l’industrie du verre « façon Venise » au premier millénaire en Europe

Occidentale est bien souvent liée à la proximité d’un port où pouvaient mouiller les nefs marchandes des Doges. C’est le cas des verrières du sud - est de la France avec le Port de Marseille à proximité. L’essor en Europe septentrionale se trouvait dépendant quand à lui, principalement du port d’Anvers. Toutes les

verrières hors des territoires de la Sérénissime République et mises sur pied par des verriers vénitiens devenaient des clients potentiels et dépendants du commerce vénitien pour ce qui est de l’importation des cendres sodiques. Il ne faut pas oublier que si l’industrie du verre de Venise était un des fleurons de la cité

des Doges, La grande richesse première de la Sérénissime République, était sa puissance navale et la grande capacité de sa flotte marchande associée à des comptoirs établis dans les ports importants sur toute la Méditerranée et même au-delà. Il semblerait même que Venise ai autorisé épisodiquement l’export de « frittes » de verre commun : mais uniquement pour les verreries mises sur pied par ses ressortissants.

Une autre partie limitée et peu connue de l’industrie du verre de Venise A partir de la fin du XVII éme siècle la situation géo - politique change, La puissance maritime de la Sérénissime République est confrontée à la décadence, son industrie du verre dont les secrets ont été

découverts, est fortement mise à mal et concurrencée par les régions d’Europe centrale et tout particulièrement par la Bohême qui devient leader dans le domaine du verre. Mais l’essor et la mutation de la technologie du verre dans nos contrées forestières, avait été relancée et soutenue à partir du XI ème siècle, par les ordres chevaleresques et religieux .En effet ces moines alchimistes, chevaliers bâtisseurs et

savants érudits, sont propriétaires d’énormes contrées forestières à travers toute l’Europe. Un développement parallèle de la technologie des verriers s’ensuivait dans toute l’Europe septentrionale. Essor qui était axé sur les vitres et verres colorés dont on ornait les ouvertures des édifices religieux.

Tout ce qui est à même de rentabiliser leurs domaines est stigmatisé. C’est la mutation des XI, XII et XIII èmes siècles : le Moyen-âge et ses églises, ses cathédrales dotées de vitraux multicolores extraordinaires. L’alchimie est enseignée et elle fait son entrée dans le domaine du verre. Les connaissances tirées de l’Orient lors des croisades, étaient mises à profit partout en Occident.

Les verriers de Bohême profitent en premier de ces mutations, ils s’affranchissent totalement de la couleur verdâtre de leur verre à base de cendres de fougères et mettent entièrement à profit leurs

profondes forêts. Le combustible et les matières premières sont là sur place, pratiquement inépuisables et sans surcoût de frais de transport. On remplace les cendres « telles quelles » des plantes forestières par les cendres épurées : bois divers, fougères, arbrisseaux et buissons. Ces cendres fournissent un verre potasso-

calcique : « le cristal de Bohême » qui est plus blanc encore que le cristallo de Venise et se prête admirablement pour la gravure, la taille et les décors peints et cuits au moufle à base d’oxydes

métalliques. Ce verre potasso- calcique, qui est plus stable chimiquement prend le relais du verre sodique vénitien. Les oxydes métalliques et rares qui se trouvent également à profusion dans les Monts

Métallifères, et autres Monts des Géants de cette région, permettent au verre de Bohême de supplanter Venise et les verres de Murano. La gravure et la taille prennent le relais des verres façons Venise.

Il aura fallu attendre quelques siècles pour que les verriers de nos forêts prennent enfin connaissance du procédé d’épuration des cendres. Cette découverte, ce secret vénitien si convoité et finalement dévoilé,

grâce aux révélations d’un prêtre : Anthonii Neri2 , un florentin, qui au XVII ème siècle lève le voile dans la publication de ses recueils « Ars Vitraria » en sept livrets sur l’art de la verrerie. Durant des années ce

2 Antoni Neri ( Antonio Neri) auteur de ‘L’Ars Vitraria’ en sept livrets version Latine (1612 ).

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prêtre alchimiste avait été au contact du monde verrier et il avait collecté (les formules, la mise en œuvre, les tours de main etc.…) tout ce qu’il a pu trouver sur la fabrication du verre. Le recueil fit l’objet de

plusieurs éditions et ce, dans différentes langues.

Cet ouvrage a été repris, annoté plutôt, par un éminent membre de la société scientifique de Londres : le Pr. Christopher Merret.3 L’ouvrage est ensuite revu et corrigé par Johann Kunckel4, alchimiste fameux, savant chimiste et verrier accompli. Il deviendra l’ouvrage verrier de référence jusqu’à la fin du XVIII ème siècle. La « bible du verrier » en quelque sorte. Dans cet ouvrage d’anthologie, sont décrites toutes

les technologies, et particulièrement entre autres, les méthodes d’épuration des cendres, qu’elles soient de provenance maritime ou forestière.

A partir de là, les verreries forestières rattrapent leur retard technologique et arrivent à produire des verres

améliorés et beaucoup plus clairs d’aspect. Toutes cendres locales de bois et de fougères sont mises à profit judicieusement.

C’est ainsi que dans les verreries forestières de bohême et d’ailleurs, la consommation du bois jusqu’ aux

XVII / XVIII émes siècles se répartissait ainsi :

Sur 100 stères de bois consommés

% du bois servait à tirer des cendres % servaient pour la chauffe du four.

Il va de soi que cette consommation était celle de mise en route, de « début de campagne » et que

logiquement les cendres issues du four étaient recyclées pour la fritte.

Le rendement des cendres après épuration était variable, entre 5 et 20 % avec un maximum rarissime et exceptionnel de 30 % dans le meilleur des cas.

Ensuite venait s’ajouter le coefficient d’emploi appliqué à ces sels et on observe que des 9O Kgs du

départ à peine 15 Kgs (30 Kgs au grand maximum) seront retrouvés dans la masse de verre. Dans le cas de l’utilisation de cendres non épurées le rendement était encore plus faible, vu la volatilisation/perte au

feu dans la première partie de la fusion. La teneur en sels des cendres fluctuait selon l’année, le lieu et le climat de la récolte, ainsi que les

traitements ultérieurs de lessivage / épuration de celles –ci.

Néri dans son premier livret, explique qu’il réussissait couramment, en partant de 300 livres de cendres sodiques, d’obtenir entre 80 et 90 livres de sels épurés après lessivage.

Ce qui donne en moyenne un coefficient de rendement de 0,28. Ce rendement est encore réduit de quelques % dus à l’humidité de ces sels.

On calcinait donc ces sels à feu modéré pour ôter toute humidité, ce qui évitait la déliquescence et l’agglomération en blocs lors du stockage.

Une fois traitées, les sels des cendres étaient tamisées puis stockées dans des récipients en terre (grès en général) ou en bois, dans un endroit exempt d’humidité, aéré et en général proche du four.

Les cendres, dont quelques unes analysées de nos jours, se trouvaient être une extraordinaire matière première introduisant une multitude de composants utiles mais secondaires (certains sont des colorants et sont présents avec seulement quelques ppm)5. Ces constituants secondaires sont totalement méconnus des

verriers qui les considéraient comme « terres » nuisibles et dont il fallait se débarrasser.

3 Christopher Merret. Membre de la Société scientifique de Londres. Annota et traduisit en Anglais l’Ars Vitraria de Neri. 4 Johann Kunckel. Verrier chimiste. Les versions précédentes de l’Ars Vitraria revues et annotées. Version en Allemand. 1679. 5 Quelques parties pour mille

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De plus, ces cendres étaient difficilement contrôlables pratiquement, d’un point de vue quantitatif et qualitatif.

Pendant toute l’antiquité, la fabrication du verre est empirique, on prend du sable et des cendres, puis on porte au four. On sait simplement doser en fonction de la sensibilité du verrier : et chaque verrier à sa

propre sensibilité. - Si le verre est trop visqueux, pas assez fluide, on augmente les cendres.

- Au contraire s’il est trop fluide, on rajoute du sable. La proportion sable / cendres est relativement grande et le résultat est très loin d’être constant.

Ce mode opératoire issu directement de la découverte du verre, a été mis en application jusqu’aux périodes médiévales dans toutes les régions du moyen Orient et d’Europe.

Pratiquement tous les verres antiques ont été élaborés sur ces bases. En fonction du four, du sable et des cendres utilisées, les analyses de ces verres montreront des écarts et fluctuations certaines, mais tout à fait logiques. Le mode de fusion mis en œuvre par les verriers venant

accentuer cet état de fait. Une des constantes apparaissant néanmoins dans toutes les analyses de verres anciens, c’est le phosphore

qui comme un indicateur, confirme l’utilisation de cendres végétales comme matière première. L’inconstance des cendres est également la cause de la fluctuation des teintes rencontrées sur les verres antiques et médiévaux. En regard des cendres utilisées, et surtout en fonction du mode de fusion et de la

marche du four, la même composition pouvait donner du verre : bleu très léger, bleu vert, vert sale, jaune vert jusqu’à jaune- paille très clair.

Cette palette de teinte dépendait des rapports d’oxydo- réduction engendrés par la marche du four, et se trouvait influencée par les oxydes de fer, cuivre, manganèse introduits par les matières premières. On

pouvait donc avoir des fabrications de teintes différentes selon l’arrivage, sur un même site verrier. Les verriers de Murano ont été les premiers à remédier à ce phénomène.

Salsola Kali (plante halophyte)

Ces plantes étaient récoltées, séchées à l’air libre puis brûlées dans des fosses, où les cendres se retrouvaient concentrées au fond. Livrées telles quelles, soit humidifiées et agglomérées en « pains ».

Le « lessivage » fut principalement appliqué par les maîtres verriers de Murano.

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Détails de quelques analyses de cendres utilisées en verrerie.6

Eléments Cendres cendres Salicornia Fougères introduits Catania Catania méditerranée De forêts

Telles quelles lessivées Litoral

SiO2 7 0,1 6,5 8,04 Al2o3 1,3 0,1 1,82 1,4 CaO 9 0,4 3,37 17,91 MgO 2,5 0,1 3,27 8,09 Ba0

Na2O 23 44 37,65 0,41 K2O 5,7 5,5 4,2 55,5

Fe2o3 1,3 0,12 0,83 0,746 Mn0 0,04 0,01 0,021 0,49 CO2 40 38 1,22 P2o5 0,06 0,1 0,64 4

Cl 8 10 40,05 3,37 So3 1,3 1,3 1,39 S

ZnO 0,14 TiO2

coefficient D’emploi 0,499 0,504 0,583 0,967

Sur ce tableau on observe nettement que le lessivage des cendres sodiques de Catania, augmente la teneur

en sels de Sodium de 23 à 44 %, et que les autres éléments en sont réduits à moins de 1 % pour chacun d’entre eux. Le pourcentage du phosphore est par contre poussé vers le haut.

La fluctuation de la teneur était constante, car le lessivage se fait pratiquement en plein air de façon

empirique, dans des installations assez rustiques comme nous le montre la gravure d’une telle installation forestière.

Le lessivage des cendres de plantes halophytes (sodiques) et son association lors du dernier lavage avec

du manganèse, permit aux verriers de Murano d’obtenir le fameux verre incolore « le cristallo ». Par contre et c’est la caractéristique des verres vénitiens : le calcium qui se trouve introduit normalement avec l’emploi des cendres brutes est éliminé : le calcium, principal élément stabilisant, est pratiquement absent

de ces verres, et de ce fait, ce sont des verres instables chimiquement dans le temps. Cette anomalie fut décelée et corrigée par les vénitiens assez tardivement (XVIII ème siècle).

6 C.Moretti & T.Toninato. Rivista della Stazione Sperimentale Vetro. 1987 1 p 31/40.

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Atelier de traitement des cendres végétales tel qu’il était en usage jusqu’au XVIII ème siècle dans les verrières forestières des différentes contrées d’Europe occidentale, centrale et septentrionale.

Cette gravure est très explicite

On y distingue à gauche les systèmes de lessivage, de filtration/décantation, de dessiccation / précipitation des cendres (A, B, C, D, E.F.G.H.I).

A droite le four servant à la calcination / dessiccation finale des cendres. Cette installation fonctionnait au gré des récoltes et stocks de cendres qui en découlaient. Selon l’importance de la verrière, d’une manière

intermittente ou permanente. L’installation était accolée, sinon toujours très proche de la verrerie. Dans la zone méditerranéenne, la verrerie, fortement influencée par Venise, se sert toujours de cendres

maritimes comme fondant. Certes les plantes halophytes sodiques poussent dans certaines zones du Midi de la France , dans le Languedoc-Roussillon et aux abords des lacs salés, sur le littoral méditerranéen et

même de l’Atlantique : les « sansouires , salsona , salicornia , sont présentes mais leur teneur en soude est considérée trop faible ,et c’est donc l’Espagne, forte de sa puissante Armada et à l’apogée de son empire, qui prend le relais de Venise en tant que puissance maritime et s’impose pour le commerce des cendres.

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La Barilla Hispanica d’Alicante est considérée comme la meilleure cendre pour l’usage en verrerie. Elle est la plus concentrée en sels sodiques, et donne un reflet bleuté aux sels (reflet qui est du aux fleurs de

ces plantes lors de la récolte.) Du point de vue verrier, si la Barilla d’Alicante avait une forte teneur en soude, les verriers préféraient de

loin les cendres du Levant qui donnaient un verre plus clair et plus lumineux. Mais cette source d’approvisionnement cessera lentement et va s’éteindre définitivement avec la chute de Venise. Les vénitiens tenteront de palier à cette rupture de monopole, et utiliseront des cendres en provenance de

Catania, des cendres de salicornes de Provence et de la vallée du Rhône. Les verriers essayeront même du varech et de la salicorne du littoral atlantique. Mais ce dernier site avait une trop faible et inconstante

production, et de toute façon l’éloignement engendré par le contournement de l’Espagne, en faisait une source prohibitive. C’était l’Espagne qui avait dorénavant le monopole maritime et exportait les cendres

de ses provinces du sud, et particulièrement la région d’Alicante.

Salicorne du littoral atlantique.

Les cendres étaient livrées en vrac. Elles étaient agglomérées en blocs et grumeaux très durs qui étaient dus à l’action de l’humidité. Cet état favorisait le transport sur de longues distances sans pertes de poids. Les verriers la nommaient sous cette forme « Rochetta » (petits rochers, cailloux) du Levant, d’Egypte, de Syrie, d’Alexandrie etc.… De couleur blanche ; c’était la forme la plus prisée du monde verrier car elle donnait des verres très clairs et lumineux. Il semblerait vu cette description, que la Rochetta était

issue de cendres ayant subi un premier lessivage suivit d’une calcination, ce qui expliquerai les « cailloux » de couleur blanchâtre et dont la dureté rappelait celle des rochers.

La « poudre du Levant » désignait quant à elle : des cendres brutes telles quelles et tamisées grossièrement. Poudre blanche - grisâtre tirant parfois sur le noir selon la provenance de la récolte. Le

« Levant » désignant bien entendu toutes les régions du bassin est de la Méditerranée. La Barilla d’Alicante contenait en moyenne entre 5 à 30 % de soude, et cela, toujours en fonction des données climatiques lors des récoltes. La très Sainte et catholique Espagne sera l’unique et principal fournisseur de cendres sodiques pour les verriers travaillant le verre avec ces cendres. Cela va durer

jusqu’en 1834. Avec une moyenne annuelle de 11 000 tonnes de Barilla au prix 1200 à 1500 francs/or la tonne en ce début du XVIII ème siècle.

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Plan d’une installation d’extraction / traitement des cendres

et « sels sodiques ». France XVIII ème Siècle

ou A sont des chaudières de dissolution B étant une chaudière d’évaporation C sont des chaudières de réduction

D sont des bassins d’eaux froides E qui est le tisar (foyer)

Cet atelier était en fonction à la manufacture Royale des glaces. C’est la version « industrielle » des petits ateliers qui existaient dans les verreries forestières. Le procédé est le même, mais la capacité est adaptée à

la consommation des fours.

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La France est de loin le plus gros consommateur de cendres jusqu’à la fin du XVIII ème siècle et doit

débourser trente millions de Francs/or. Ce qui réactualisé au début du XX ème siècle représentait un peu plus de 4000 tonnes de cendres : soit 7500 Francs / or la tonne ! En faisant jouer le coefficient d’emploi

de 0,5 en moyenne la tonne de soude (dans le verre) se trouve à 15000 Francs / or ! Ceci explique et lève en partie le voile sur les prix des verres et glaces de Venise ! Il faut préciser que les cendres importées et

dont le prix était déjà fort coûteux une fois débarquées des navires marchands, elles subissaient des taxations (déjà !), droits d’entrées, de sorties, de passage etc.…) en cascades lors des différents trajets et

acheminements terrestres, avant d’arriver enfin sur les lieux de productions. L’isolation chimique du sodium en 1807 par Leblanc puis sa production industrielle mise en œuvre peu de temps après par le

procédé Solvay, feront cesser l’utilisation des cendres d’origine végétale en verrerie. Comme on le constate, le premier des postes à problèmes des verriers se trouvait être celui de trouver le fondant, (les cendres) le meilleur, et ce, au meilleur prix d’achat. Le coût élevé de ce produit inconstant,

avait rendu les verriers assez prudents lors de l’achat. Cette prudence, a été dictée par la méfiance à l’encontre certainement de produits frelatés par des marchands pas très honnêtes. Il arrivait que des

marchands indélicats vendent des cendres humides à la limite de la déliquescence (les cendres sodiques étant hydromorphes) et pour palier à cet état déliquescent, ils y ajoutaient sable ou autre terre… ce qui poussait le poids à la hausse et inversement baissait la teneur en sels, et par conséquent augmentait le

prix. Pour les verriers, le seul moyen de contrôler la qualité, la teneur en sels des cendres débarquées, a été celui de « goûter » du bout la langue. Par ce test tout simple, les verriers savaient juger empiriquement de la teneur approximative en sels des cendres proposées. Selon la puissance de l’acidité décelée du bout

de la langue, les cendres étaient considérées comme bonnes et achetées ou rejetées. La production d’un atelier ou verrière, la qualité du verre, la rentabilité même, dépendaient directement de ces cendres d’origine végétale. Souvent les verriers, pour l’achat des cendres stockées par les marchands,

n’hésitaient pas dans un premier temps, de tester la qualité par une fusion dans un mini creuset. Prenant comme base les proportions des fusions précédentes, le résultat de l’essai pratique effectué à bout

de canne, démontrait rapidement si la teneur en sels des cendres était jugée suffisante. A ces tests empiriques qui furent longtemps en usage, s’ensuivit le test par dosage humide de la teneur en sels aux XVII ème et XVIII ème siècles. On jetait une certaine quantité de cendres dans un volume d’eau défini, on décantait puis on filtrait. La solution était évaporée, et les sels précipités pesés. Le rapport sels

obtenus / solution utilisée indiquait la concentration en sels. Ce test était mis en pratique dans des verreries d’une certaine importance et possédant les structures adéquates. Le laboratoire chimique faisait

timidement sont entrée dans la verrerie. On peut en conclure que les cendres, qu’elles soient sodiques d’origine maritime, ou forestières et potassiques, ont été depuis la découverte du verre jusqu’au début du XIX ème siècle, « la matière

première » incontournable pour la fabrication des verres. Extraordinaire produit naturel, amenant une multitude d’éléments chimiques très utiles ou jugés parasites selon le cas, les cendres associées au sable permettaient d’obtenir des « recettes de verres » très complexes et assez extraordinaires du point de vue

physico-chimique et approchant les formules élaborées de nos verres actuels. Ceci était ignoré des verriers qui se limitaient uniquement au pouvoir fondant des cendres. Quand la chimie a été en mesure d’analyser par voie humide la composition des cendres, celles- ci avaient cessé d’être utilisées dans les

verreries. Le grand inconvénient de ce produit était son instabilité constante. Produit naturel par excellence, les

cendres provenaient de « terroirs » qui donnaient leurs qualités propres mais fluctuantes à souhait selon les conditions climatiques. Cette instabilité variable se retrouve dans les analyses faites sur tous les verres

anciens. L’explication de la non- corrélation entre les vieilles formules et les analyses est là : si on retrouve pratiquement tout le sable, les composants amenés et introduits par les cendres sont reflétés par

une fluctuation permanente de leur pourcentage.

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1010,Rue de la Nivelle. 45200 Amilly . www.cristallerie-hartwig.com

PRE-VISUALISATION ET MODELISATION DU VERRE DECRIT SUR LA TABLETTE assyrienne « D’ASSURBANIPAL »

En reprenant la formule décryptée de cette recette de verre datant de la basse antiquité, on va utiliser des matières premières qui se trouvaient disponibles sur place et analysées par le département Scientifique et

de Recherches du Corning Glas Museum par R.H.Brill7.

Modélisation 1 :

le sable d’Armana (vallée du Nil. Egypte) Réf 1299 60 parties les cendres de shrubs (buissons, arbrisseaux) réf. 689 180 « du calcaire (Co3 Ca) 5 «

En saisissant la formule à l’aide du programme de modélisation8 mis au point pour les archéo-verres et en

admettant que cette formule est présentée « parties en poids » nous obtenons les données suivantes : La courbe de fusion théorique serait la suivante

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

2000

tem

péra

ture

s C

°

1342,18 1091,20 727,47 503,30 492,25 403,85Points théoriques en C°

Courbe de fusionen C°

Régime recuit haut recuit basTG

dilatation linéaire

Nous avons là un verre très fusible ce qui démontre la véracité de cette formule, qui, il faut bien le constater « colle » parfaitement aux moyens de fusion disponibles par les verriers de cette époque.

L’affinage n’étant pas de mise car inconnu, on peut même admettre que la température de régime se situait une centaine de C° en dessous de celle pré-visualisée avec une fusion sur plusieurs jours.

Une formule assez remarquable, dont il ressortirait, un verre potasso - calco- sodique très fusible. (Voir l’annexe).

7 Glass and Glassmaking in Ancient Mesopotamia . The Corning Museum of Glass. Corning, New York 1970 8 Hartwig.J. Glass Computs Programms for previewing of Glass Compositions and Properties, Glastechnische Berichte. Glass Sciences and Technology, 69, n° 9, p 302 – 303.

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Autres modélisations de la tablette d’Assurbanipal

Modélisation 2 En reprenant la même formule, mais en substituant la cendre des shrubs9 par des cendres de salicornes maritimes (salicornia du littoral méditerranéen), nous sommes en présence d’un verre sodique qui est

encore plus fusible que le précédent.

Modélisation 3 Pour tenir compte des conditions empiriques, nous allons grever les cendres de salicornes d’un coefficient d’emploi supplémentaire de 0,5. (Perte au feu, volatilisation, différence de densité libre vis à vis du sable,

position des creusets, manière de mélanger et d’enfourner, puissance et réglage des flammes du four, etc.….

Le résultat est très significatif : nous obtenons une matrice d’un verre sodique qui diffère totalement de la précédente et n’a rien à envier par rapport aux verres fondus quelques millénaires plus tard.

Nous avons 3 parties de sable, 2 parties de soude, et une partie d’oxydes stabilisants divers : CaO, MgO, Al2o3, avec un peu de potassium K2O (fondant).

C’est pratiquement la règle de base empirique pour les verres, et bien connue des maîtres de fours : le 3-2-1 :

3 parties de sable. 2 de fondant. 1 de stabilisant.

Cendres végétales lessivées et cristallisées que les verriers de Venise nommaient le « sel de verre »

9 Shrubs : Anglais : désigne toutes plantes, arbrisseaux et buissons des zones désertiques et en friches.

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Tableau comparatif des trois modélisations prévisionnelles issues de la formule de verre sur la tablette

d’Assurbanipal.

Modélisation 1 Modélisation 2 Modélisation 3

Matière En poids En poids En poids

Sable d’Armana

Réf 1299 60 60 60

Shrubs Réf 689 180 Salicornia 180

Salicornia à 0,5

180

Chaux (CaO 5 5 5

% % % SiO2 48,05 42,37 56,58 Na2O 6,58 40,40 29,41 K20 15,39 4,50 3,27 Ca0 15,91 5,30 5,08 Mg0 6,55 3,50 2,55

Al2o3 3,23 1,97 1,44 B2o3 0,013 0,001 0,002 P2o5 0,242 0,86 0,75

Régime/fusion 1091 °C 863,3 °C 1080,1 °C dilatation 99,11 124,87 95,62 Tg point 492,25 389,45 487,29 Recuit haut 503.30 400.5 498.34 Recuit bas 403.85 301,05 398.89

Abstraction est faite ici de tous les éléments « traces » < à 1 %.

Imaginons un verrier travaillant son mélange vitrifiable sur la même composition de base :

6O parties de sable + 180 parties de cendres + 5 parties de calcium. A court de cendres, il se fait livrer une nouvelle cargaison. Les cendres proviennent de la même source

mais sont d’une récolte différente et sont d’une teneur en sels bien moindre. Teneur 15 % au lieu de 30 % par exemple, ce qui est très marqué.

Ce problème est reproduit dans les deux modélisations M2 et M3. Les pièces qui auraient été façonnées par ce verrier, basées comme nous l’avons vu sur un mélange vitrifiable bien défini, nous donneraient après analyse deux matrices de verres totalement différentes du point de vue des éléments majeurs du

verre. (Vitrifiants, fondants, intermédiaires ou stabilisants). Si on y regarde de plus près encore, en se penchant sur les éléments mineurs de ces prévisualisations, on constatera dans cet exemple, que la teneur en cobalt est augmentée de 44 % dans M3 par rapport à M2.

Les autres éléments traces issus du sable subissant la fluctuation dans les mêmes proportions. Il faut préciser ici, que le sable d’Armana10 est pratiquement le seul à introduire des traces de cobalt (CoO) dans

les verres antiques.

10 Glass and Glassmaking in Ancient Mesopotamia. The Corning Museum of Glass. Corning, New York 1970

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Ces déviations de compositions engendrent également les teintes typiques des verres antiques et anciens : des colorations bleuâtres, verdâtres et jusqu’à jaune paille pouvant être rencontrées. La provenance du

sable et des cendres étant les facteurs prédominants pour ces teintes si typiques. Mais à ce stade, un facteur souvent oublié, mais essentiel et déterminant pour la coloration des verres doit être pris en

compte : c’est la marche du four. Il faut se rappeler que les verriers de l’Antiquité travaillaient sur des pots « ouverts » et que la fusion

durait plusieurs jours. L’atmosphère du laboratoire du four avait donc un rôle considérable sur les échanges d’oxydoréductions du bain du verre.

La comparaison des deux modélisations M2 et M3 nous montre clairement qu’il faut parfois prendre avec réserves, certaines fluctuations dans les analyses, ainsi que les classements des verres qui en découlent. Le programme de modélisation permet de saisir un étalonnage des cendres. Dans notre cas par exemple, avec d’un coefficient de rendement allant de 0,5 à 1, par paliers de 0,05%, ceci aurait amené une dizaine de matrices de verres faisables basés sur la même formule, mais certainement classés différents en cas de

spectrométrie actuelle.

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Coupe d’un four tel qu’il était en usage à l’époque médiévale tardive.

En A : le foyer du four avec son ouverture (le tisar) En B : le laboratoire avec les ouvreaux donnant sur les pots

En C : espace à recuire ou à « fritter ». dans ce dernier cas on trouve accolé un « four - couloir » de refroidissement (figure du bas)

Les fours plus anciens étaient bien plus rustiques du point de vue technologique, et les performances bien

plus aléatoires.

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Conclusions

Il ressort de cette petite étude que les cendres végétales utilisées par les verriers durant des millénaires, ont permis la fabrication de verres très différents et parfois aussi complexes sinon plus, que certains verres actuels. La cendre végétale est une des rares matières premières capable d’introduire autant

d’éléments chimiques (constitutifs et parasitaires aussi !) dans un mélange vitrifiable. Cette extraordinaire qualité est cependant largement contre - balancée par son inconstance qualitative, qui en

faisait un composant instable, difficile à maîtriser et surtout très onéreux.

C’est cet inconvénient majeur qui est la cause des variations très fluctuantes observées dans les analyses spectrométriques de masse des verres dits « archéo-verres » élaborés à base de cendres. Cet état de fait

s’applique entièrement aux verres de l’antiquité, plus loin à ceux de l’ère romaine et plus proche de nous, à tous ceux de l’époque médiévale.

La teneur moyenne en sels des cendres selon la provenance, variant de 5 à 30 %, est répercutée dans le bain de verre dont la composition, « la recette », élaborée en poids ou volumes par le verrier restait la

même. Ces fluctuations de la teneur en sels sont normales et reflètent bien cette matière première issue du monde végétal …instable et inconstante.

A cela, on doit ajouter deux données qui restent souvent oubliées mais dont le rôle était primordial : le

four et la manière de conduire la combustion. Deux autres paramètres qui avaient une influence considérable sur le résultat qualitatif final du verre. Mais sur ces points nous ne pouvons que supposer et

en déduire d’éventuelles et aléatoires hypothèses.

La modélisation par programme informatique11 des ces anciennes recettes, permet d’entrevoir et d’étayer les caractéristiques des verres élaborés avec les cendres végétales. Elle permet de démontrer dans un

cadre global s’étalant sur plusieurs millénaires que :

- les recettes anciennes à base de cendres végétales calcinées, traitées ou non, pour peu que l’on a encore des transcriptions, s’avèrent être un mélange vitrifiable bien défini en volumes ou poids, mais qui

amèneront des données physiques et chimiques à chaque fois différentes en fonction des cendres utilisées et de la marche du four.

Ceci est une caractéristique constante de toutes les fabrications de verres faites à base de cendres

végétales.

On peut même affirmer que la fluctuation en pourcentages des éléments constitutifs majeurs de verres anciens analysés et provenant d’un même site de fabrication, reflète certainement la variation de la teneur

en sels des cendres utilisées à une période donnée.

L’exemple des trois modélisations sur une même formule définie en démontre la véracité.

Jean Hartwig ©

Toute utilisation ou copie est soumise aux droits d’auteur légaux

11 . Hartwig Jean « Glass Modélisation Programm »

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Lexique

Salicornia europaea

Salicorne européenne

Glasswort

Salsola soda

Soude vraie

Saltwort

Suaeda maritima

Soude maritime

Sea blite

Synonymes : Salicorne d'Europe, Salicorne herbacée, Pesse jaune, Criste-marine, Perce-pierre, Haricot de mer, passe-pierre Origine du nom : la salicorne tire son origine de l’arabe "salcoran" et doit son nom à sa forme : les renflements successifs qui la constituent se terminant par un mamelon saillant dit "corne de sel".

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