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j j J1b4 \b-' ÉLOGE FUNÈBRE DE MONSIEUR PAUL LAME LA PLAGNE BARRIS * CONSEILLER A LA COUR D'APPEL DE PARIS PRONONCÉ DANS I.'ÉCLISE DE MONTESQC]OlJ, LE li DÉCEMBRE 1888 n M. ]2ÀBBI) DE CARSALADE DU PONT 1.E LA CA'J'TI DRALF. Ifs va' ï -- A TJ C H IMPRIMERIE COOIJARA1JX FRÈRES I M 1111M ECILS lIC ,;Aucn ICVÇl I 1888 Document 11111111 il lI 0H 11110111110 0000005780341

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ÉLOGE FUNÈBREDE MONSIEUR PAUL

LAME LA PLAGNE BARRIS *CONSEILLER A LA COUR D'APPEL DE PARIS

PRONONCÉ DANS I.'ÉCLISE DE MONTESQC]OlJ, LE li DÉCEMBRE 1888

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M. ]2ÀBBI) DE CARSALADE DU PONT1.E LA CA'J'TI DRALF. Ifs va' ï

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A TJ C HIMPRIMERIE COOIJARA1JX FRÈRES

I M 1111M ECILS lIC ,;Aucn ICVÇl I

1888

Document

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ÉLOGE FUNÈBRE

DE MONS[EU] PAUL

LACA'VE LA PLAGN1 BARRIS

j".1111 111 deOeixli Do,,, jans per rias reeUse,, et ostendit lie) te,,u,n net et deditMI si iridium sa,,ctar in,. (Sap. X, 30.)

« Le Soigneur s conduit le justedansle ii roli, cheus In Il liii n mou trI ionroyaume et lui n doiiiié la ecleHec dessaints. »

1M A J) A ME

Il entre dans l'économie du plan divin que parmiles âmes rachetées du sang de Jésus-Christ certainessoient distinguées par des grâces de choix, ornéesde vertus extraordinaires et placées dans le mondepour servir d'exemple et de modèle aux autres. Dieuchoisit ces âmes dans toutes les conditions sociales,dans les plus élevées comme dans les plus humbles,

)fadame In. magne Barils, liée Zangiaeo,ui.

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ÉLOGE' y,jxÈnuy:

au sein de la richesse et clans la pauvreté, sur lesmarches du trône et dans Ta maison de l'ouvrier.Lui-môme leur sert de guide dans le chemin de lavie, il leur révèle les" secrets de son royaume, leurapprend la science des saints et, après Tes avoir ainsiconduites, parées de gr&ce et de vertu, jusqu'auxextrémités de la vie, il Tes montre au peuple en luidisant « Voilà l'homme, vrai serviteur de Dieu,Ecce homo vents Dei cuiter; il a été comme ;ouspétri du même limon, purifié dans le même baptême,secouru de la même grâce, aidé des mêmes conseils;je lui ai indiqué le chemin de Ta vie, chemin dur etpénible, il s'y est engagé et l'a suivi jusqu'au termesans défaillance; je lui ai fait entendre ma volontéde régner sur son âme et sur les âmes de ses frères,et il a été mon serviteur et mon apôtre; j'ai ouvertdevant lui le livre de h science des saints, le livrede la vérité, et il a recherché cette science avec unepassion généreuse, il a nourri de ma vérité sonintelligence et son coeur, et parce qu'il a été fidèleen toutes choses je T'ai placé comme un modèle ausein de ma famille chrétienne Ecce fidelis servusquem. constituit Dom mus super j'amiiium suam. »

C'est ce portrait du serviteur de Dieu que j'ai àvous décrire aujourd'hui dans la vie de l'hommeéminent qui, choisi de Dieu pour donner des leçonset des exemples au monde, mérita les distinctionshumaines sans Tes souhaiter, les quitta sans lesregrètter, regarda la vie comme un devoir, enaccepta la perte comme nu bienfait, et qui conservatoujours la sagesse au fond de son coeur, n'ambi-

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DE M. PAUL rAcAv: LA J'LAGNE JIAIUIIS.

tionnant d'autre éclat que celui des vertus, d'autrestrésors que ceux de la grâce.

Oui, mes Frères, j'ai dans un seul tableau toutesles vertus t vous peindre, et vous reconnaîtrez cequ'enseigne Jésus-Christ dans ce que pratiqua

TRÈS SAGE, TRÈS VEJ1TUEUX

ET TRÈS SAVANT MAGISTRAT

ESSIBE JA\-PAR IÀCAVE LA PIJAGM] BARRIS,

CONSEILLER A LA coun D'AI?.I.1L DE PARIS,

CHEVALIER DE LA li golox D'HONNEUR.

I.

Je ne chercherai pas dans le passé des ancêtres lesujet de ces vaines louanges qui flattent l'orgueil4lesfamilles sans édifier la foi du chrétien. Je ne puispas oublier que je parle au pied des autels, devantla majesté de Dieu, et que rien de bas, rien deprofane ne peut entrer dans mon discours, qui nedoit se fonder que sur les vérités évangéliques.Aussi bien, l'image de la mort, qui plane sur cetteassemblée, ces autels revêtus de deuil; ces chantsplaintifs, ce monument funèbre dont les lumièresdéfaillantes se mêlent aux ombres de la mort, toutcet appareil de funérailles où la religion et la justiceparaissent en deuil, m'avertissent de la vanité de

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]! LOGE FUN kiitzces louanges en proclamant le néant de ces avan-tages dont le monde se flatte.

Il n'y a point d'ailleurs, sachez-le bien, de nais-sance si glorieuse qui puisse égaler celle qui fait duchrétien un enfant de Dieu, pas de pureté de sangplus estimable que celle des moeurs, et de noblesseplus illustre que celle de Jésus-Christ.

Vous savez, mes Frères, et c'est assez, que lafamille Lacave La Plagne, établie dans ce pays detemps immémorial, s'est élevée au rang qu'elle ytient par mie longue succession de vertus, et qu'ellea mérité par de signalés services les honneurs et lagloire dont nos souverains l'ont comblée.

C'est au foyer de cette Tamille que vint au monde,le 24 -décembre 1817, l'homme éminent dont nouspleurons aujourd'hui la mort.

Dieu plaça près (le SOU berceau deux gardiensfidèles un père né au sein de la magistrature,frmé à la vertu dès sa plus tendre jeunesse par unvénérable prêtre, son proche parent (1), élevé dansle sanctuaire même de la justice, par cet oncleillustre, ce président Barris qui occupa avec unescience si profonde, une dignité si grande et unevertu si égale, la première magistrature de France,et auquel il devait un jour succéder dans sa chargeet son nom; une mère réalisant en elle chacun destraits que le Saint-Esprit met à l'éloge de cettefemme forte dont il a consacré la mémoire, âme

(1) Joseph-Lupercule Barris, frère di, président baron Ranis, religieuxcistercien de l'abbaye de Bolbonne, puis ensuite chanoine de Chambéry,curé de Ca,telnnu .d'Angl à. moi-t en 1842.

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DE M. rAul. LACAVE LA ItAGNE BAItIUS.U

véritablement grande, digne par l'énergie de. soncaractère, la supériorité de son intelligence et l'hé-roïsine de sa tendresse, d'élever un tel fils. [A]

Il fut imprégné dans les langes de son berceau dela grâce qui habitait dans le coeur de ses parents, etson âme y reçut les impressions secrètes de cesvertus chrétiennes qu'il devait faire éclater auxyeux du monde dans leur plein développement.Vertus admirables, objet aujourd'hui de nos éternelsregrets, mais aussi le motif de notre espérance et denotre consolation!

Ainsi Dieu k prévenait de ses bénédictions, etpréparant lui-même les voies aux grâces qu'il luidestinait, il inclinait peu à peu vers le bien savolonté naissante, pour la conduire plus tard auxfins que sa Providence avait marquées. Juslumdedztxzt 13om?nzs per vias rectas. -

A peine fut-il sorti de sa première enfance, quedéjà se révélèrent en lui les dons précieux qu'ilavait reçus du Ciel. Ce désir, de savoir, qui fut lanoble ambition de sa vie, tourmentait déjà sa jeuneintelligence, et son esprit vif et délié s'assimilait leséléments des sciences profanes avec une telle promp-titude et une telle netteté qu'il semblait qu'ils luieussent été révélés -plutôt qu'appris. Son heureuxnaturel ne laissait presque rien à faire à sa premièreéducation.

En même temps s'annonçaient ce sentiment élevéde l'art, ce goût délicat, ce discernement, cette justeappréciation du beau, tout cet ensemble de qualitésbrillantes qui devaient faire de lui le profond érudit,

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10 LOGE 1' UN

le grand artiste et le charmant causeur que nousavons tous connu et admiré. Le beau sous toutes lesformes le transportait, la musique l'enivrait; sonpremier cri d'admiration fut pour un monumentd'architecture gothique (1). Ces premiers signesd'attention donnés à l'art par un enfant qui n'avaitP as encore ce qu'un ancien nommait oculos erûditosétait un présage pour l 'avenir. Ce n ' était encore, ilest vrai,- que le premier rayon de l'aurore annonçantun beau jour; mais ceux qui virent quel éclat iljetait ne s'y trompèrent pas et prédirent à sa familleles plus beaux succès.

Un nuage devait voiler le pur éclat de ce layonet assombrir cette journée qui s'annonçait si belle.

Pourquoi ne rappellerais-je pas, 6 mon Dieu, lemalheur qu'eut votre serviteur de s'éloigner quelquetemps de ce droit chemin où vous l'aviez si bienengagé? Pourquoi ne (lirais-je pas son erreur, puis-qu'elle a servi à faire éclater sur lui la puissance devotre grâce en lui faisant sentir le bonheur del'avoir recouvrée par la peine qu'il éprouva de l'avoirperdue, quand il reconnut son malheur? D'ailleurs,cette faute, sur laquelle il a tant gémi, n'étaie-ellepas plutôt le résultat des malheurs du temps quel'effet de sa volonté? -

Je ne passerai donc pas sous silence cette époquede sa jeunesse où la foi de son baptême, celle dontsou père et sa mère lui avaient donné les noblesleçons, fut ébranlée dans ses fondements et presque

(1) Notre-Dame (le Paris, où sa mère le menait prier tout enfant.

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I)F M. PAUL LACA\'J int ILAGÇE BAJtB]S.11

ruinée. Lui-même ne le voudrait pas, et si sa voixpouvait encore se faire entendre, il inc dirait Parlezà ce peuple! Racontez-lui mon erreur fatale, et quemon exemple lui serve de leçon!

A Dieu ne plaise, mes Frères, que, pour la vainegloire de mon discours, je rouvre des plaies déjàfermées et que j'augmente la tristesse de cette céré-monie par les funestes souvenirs de nos misèrespassées! II importe cependant à mon sujet de vousrappeler certains événements qui ont marqué lemilieu de ce siècle.

Déjà depuis dix-huit ans, la France redevenuechrétienne jouissait, sous le règne de l'AugusteMaison de Bourbon, d'un calme réparateur, lorsquede nouveaux malheurs vinrent tout remettre auhasard. Dieu permit à la tempête de se déchaîner denouveau. Un vent de fictions et de révoltes rompitles digues que la Religion avait imposées auxpassions et emporta dans sa course violente lé trôneet l'autel. Des hommes nouveaux se saisirenV dupouvoir et crurent devoir en établir les bases sur lesruines de ce qu'avaient édifié leurs prédécesseurs.La France, ramenée tout d'un coup aux plus mau-vais jours, vit de nouveau la persécution religieuses'abattre sur elle, et i'Eglise sembla vaincue aumême titre que la vieille Royauté.

Mais nulle institution ne fut plus atteinte quecelle de l'enseignement. L'irréligion devint la grandemaîtresse de l'Université de France.

C'est à. ce moment que Paul La Plagne entra aucollège Loujs-le-C-rand. Quand il en franchit le

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12 1IA)GE FUNiI31tE

seuil, il apportait intacte dans son coeur, trésorprécieux, la foi ardente de ses pères. Il croyait àcette religion dont les récits merveilleux avaientcharmé sa jeune imagination; il aimait ce Dieudevant l'image duquel le genou de son père fléchis-sait et que sa mère invoquait au foyer familial; ilcroyait avec cette ardeur qu'il apportait à touteschoses. Hélas! quel vide allait se faire dans sonAine!

Ceux d'entre vous, Messieurs, qui se souviennentde cette époque lamentable où le sentiment reli-gieux, frappant A toutes les portes et repoussé departout, errait dansla société comme un exilé, com-prendront ce que devint, dans le milieu universi-taire, la foi de l'enfant. L'irréligion ouvertementprofessée dans lés cours; le sarcasme, l'ironie, leridicule jeté sur les pratiques de piété; Voltaire,Rousseau, les encyclopédistes du dix-huitième siècledevènus les auteurs classiques voilà à quels terri:bld' ennemis elle fut jetée en proie. Ses saintescroyances s'en allèrent une à une, emportées par lesouffle brûlant de cette impiété classique, et tandisqu'il faisait d'admirables progrès dans les sciencesprofanes, étonnant ses maîtrés par l'ardeur aveclaquelle il se portait à la recherche de toutes lesconnaissances qui pouvaient ajouter aux richessesde son esprit, abordant avec un égal succès lessciences les pins abstraites, comme les arts d'agré-ment, il perdait peu à peu la véritable et uniquescience, celle de Dieu, il quitta après neuf annéesd'études k collège Louis-le-Grand, fermement con-

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DE M. lAID. LACA VIE LÀ IlAGNE BAItRIS.13

vaincu que le Christianisme était mort, puisque rienautour de lui ne lui disait qu'il vécût. [B]

Que de larmes, que de regrets il a donnés plustard à ces aimées perdues! Avec quelle amertume,quelle sainte colère il parlait de cette Université,« qui, disait-il, avait fait courir un si grand dangerc( à son âme!

Je nè m'arrêterai pas longtemps à vous parler desétudes de droit que fit Monsieur La Plagne au sortirdu collège. Il y apporta ce désir passionné d'appren-dre qui avait été le stimulant de ses brillantes étudesclassiques, désir qu'excitait encore, à cette heure, lanoble ambition de suivre dans la carrière de lamagistrature les traces glorieuses de ses pères.

J'ai dit, glorieuses, mes Frères, et je n'ai pas tropdit, car la robe a ses héros aussi bien que l'épée. ilsconcourent tous à la conservation de l'Etat; les unsle défendent pai' la force, les autres le maintiennentpar la justice; ceux-là s'opposent aux ennemistran-gers, ceux-ci détruisent les ennemis domestiquestous tiennent leur puissance du même Dieu - quis'appelle tantôt le roi des armées, tantôt le souve-rain juge du monde; la gloire enfin est communeentre eux, et la même pourpre qui fut dans Romela récompense des victorieux est • encoro parmi nousl'ornement des magistrats et la marque de leurdignité.

Entre ces héros de la robe en fut-il jamais quiportèrent plus liant la dignité de leur charge et qui.en remplirent plus glorieusement les devoirs que lesdeux illustres présidents de la (Jour de Cassation

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14 éioux vIjxiin1}:auxquels votre cité s'honore d'avoir donné le jour,le président Barris et le président La Plagne Barris?

C'est autant pour obéir aux traditions de safamille que par goût personnel que Monsieur PaulLa Pla.gne embrassa la carrière de la magistrature;étant né dans la pourpre, il voulut la revêtir.

Dieu cependant avait des desseins sur lui, et letemps approchait où il devait les réaliser. Notrejeune étudiant avait terminé son stage à Paris dtn'attendait plus pour revêtir la robe que l'agrémentdu Roi. il l'obtint dans 'e cours de l'année 1842 etfit nommé substitut près le tribunal de Vitry-le-Français. C'est là que Dieu l'attendait pour lui fàireéprouver ses miséricordes. C'est là qu'il allait luifaire entendre cette parole qui arrêta sur le cheminde Damas cet autre .Paul dont il portait le non).

C'était le soir du 24 décembre 1842. La popula-tion chrétienne rie Vitry se disposait à célébrer lanaissance du Dieu qui se fit homme pour sauver lespécheurs. Après une journée laborieuse, Paul étaitrentré dans sa chambre et, las des discussions dupalais, il s'assit au coin de son feu et se prit àsonger. Quelque chose dont il ne Pouvait se rendrecompte, un sentiment indéfinissable troublait soncoeur et faisait monter à son esprit un flot de souve-nirs. C'étaient ses jeunes années qui revenaient uneà une et passaient devant lui, faisant revivre desimages oubliées son enfance, sa famille, ses amis,son pays. U se revoyait petit enfant, agenouilla prèsde sa mère. apprenant d'elle cette suave prièrePère qui Mes aux Cieux. 11 entendait la voix douce

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J)E M. P-AUL LACÀVE LA 1LAGNE BARRIS.1

dii grand-oncle, le vieux prêtre, charmant par lesrécits de la Bible sa jeune imagination. Puis.sapre-inière communion, les élans de son âme vers Dieu,sa foi naïve, ardente, les tressaillements de son coeur,quand Jésus y entra ; ses serments (l'être fidèle,hélas! violés aujourd'hui. Ces mille choses oubliées,pures, radieuses, redites autour de lui par des voixmystérieuses, s'emparaient de son âme et lui don-naient comme la vision d'un bonheur retrouvé.

Mais voilà qu'au milieu de cette vision du passéles cloches de Notre-Dame de Vitry, lancées à toutevolée, appelèrent les fidèles à la messe de minuit,en jetant dans les airs leurs hymnes à l'Enfant-Dieu Noël! Noël! c'est l'amour, la miséricorde, lepardon! Nol i c'est la gloire dans les cieux et lapaix sur la terre!

Cette sonnerie joyeuse dans la nuit saisit le coeurdu jeune homme d'une émotion subite; il se redressapour écouter. Mais il entendit monter du fond de saconscience une voix sévère que les cloches de Noëlavaient éveillée, et cette voix lui disaitPaule,Paule, qu2d me persequervsf? Paul, Paul, pourquoim'as-tu abandonné? Qu'as-tu fait de la prière quetu avais apprise de ta mère? Qu'as-tu fait des leçonsdu vieux prêtre? Oh sont les serments de ta preinièrcommunion? Tu avais juré autrefois de m'aimer,pourquoi m'as-tJ délaissé? Ai-je doue cessé d'êtrebon pour toi?

Et cette voix de la conscience était celle de toutesles choses qu'il avait aimées, dont le souvenir luiavait paru si doux, et qui maintenant s'élevait contre

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10 11oc;E .ruNj:JJJu:lui pour lui reprocher son indifférence et son oubli.Paul fut saisi de stupeur. Il éprouva comme undéchirement intérieur, les voiles tombèrent de sesyeux, et, rendu à la lumière, il put voir quellesruines s'étaient amoncelées clans son âme. Il compritalors que Dieu l'appelait. Je me lèverai, dit-il,comme le prodigue de l'Évangile, et j'irai, surgamet ?bo, et, prompt et généreux dans ses résolutions,il se rendit à l'église. C'est auprès de la crèche del'Enfant-Dieu, dans cette nuit de Nol, pendant quele prêtre offrait le divin sacrifice et que le peuplepriait et chantait, qu'il retrouva, clans les larmes durepentir, la foi de sa jeunesse. Un mois après, ilrenouvelait sa première communion. Justum deduxitDorninus per vias rectas, le Seigneur l'avait ramenédans ce droit chemin qu'il ne devait plus quitter. [e]

II.luiIl est raconté dans l'Histoire que lorsque César,

vainqueur des Gaules, vint recevoir dans le Sénatde Rome la couronne de laurier, un orateur se levaet lui dit avec une fierté superbe: César, vous aveziccompli pour la postérité des actions digues d'ad-miration; faites-en maintenant qui soient dignes deses louanges. Habet. quoe rniretur mn te posteritas,nunc etiam quce laudet expectat.

Vous n'attendez pas moins, mes Frères, du chré-tien dont la foi vient de remporter une si éclatantevictoire. Et qu'importerait cii effet qu'il eût excité

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DE N. PAUL LACAVE LA PLAO N E BARRIS.17

votre admiration, si la chaire chrétienne ne trouvaitpas dans sa vie des actions dignes de ses louanges?La Sagesse nous apprend que celui-là seul mérited'être loué qui a aimé et servi Dieu; tout le resten'est que vanité. J'ai à vous montrer dans MonsieurLa Plagne une éclatante manifestation de cet amourde Dieu et une correspondance continuelle iX lagrâce. Dieu, qui avait conduit ce juste dans le che-min de la vérité, allait en faire un ministre zélé deson règne, et ostendit illi regnum Dei.

A peine converti, il sent déjà dans son coeur cedésir ardent qui enflammait le coeur du grand apô-tre au sortir de Damas, le désir de gagner des âmesA Notre-Seigneur Jésus-Christ. Mais il comprit qu'ildevait auparavant assurer la conquête de la sienne,et il y travailla avec un zèle couronné du plus beausuccès. -.

Entrez dans le sanctuaire de son coeur, puisquela mort vous en ouvre les portes aujourd'hui, etadmirez-y la perfection de toutes les vertus chré-tiennes: ce que la foi la plus vive a de soumissionet de confiance, ce que la pénitence la plus sincère ad'anéantissement et d'amertune, ce que la charité ade plus étendu et (le plus ardent, ce que l'amour leplus fidèle a de désintéressement et de pureté, vertusqui, revêtuès au dehors de tout ce que la politesseet le talent ont de plus engageant et de plusaimable, ont fait de lui l'objet public de l'admirationde tous, sans que sa grande modestie en ait reçuaucune atteinte.

Et n'est-ce point encore là un des traits de cette2

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18 1L0C4E FUN1BRE

nature si vigoureusement chrétienne que cettemodestie où s'est volontairement et comme passion-nément renfermé celui que tant de dons éminents,joints aux plus enviables avantages de la • situationsociale, semblaient prédestiner à un rôle très brillantselon le inonde? C'est lama nescirz pratiqué, nonseulement en ce qui touche les choses éclatantes ouà la fin de la carrière et pour se recueillir à. l'appro-che de l'éternité, mais en tout et toujours, au milieude ce qui pour bien d'autres eût été ne tentationirrésistible, à commencer par les critiques du publicet même des proches blâmant l'excès de cettehumilité; et cela avec tout le mérite de la victoireremportée sur la nature la plus ardente et la pinsactive, l'imagination la plus vive, le coeur le pluschaud, le plus ouvert, et le sentiment le plus fier dece que valent, même au point de vue du rôle publicdu chrétien, la naissance et la fortune.

N'est-ce. point ainsi que vous l'avez vu parmivous, mes Frères, et vos souvenirs ne, S'iennent-ilspas confirmer mes paroles? Rendez donc témoignage

sa sainte mémoire, et devant ses cendres bénies,chères et pieuses reliques, proclamons ensemblequ'il fut vraiment le serviteur de Dieu Ecce homo

verus De-i cuiter.

Mais il ne suffisait point à Monsieur La Plagned'avoir reconquis son âme à Dieu, i charité lepoussait à d'autres victoires. Touché de la grceque Dieu lui avait faite, il voulut la faire partageraux antres. 11 voulut pouvoir dire à ses frères en

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DE 3E. PAUL LACAVE LA I'LAdNE BARRIS.19

Jésus-Christ, avec le même zèle que le grand Apô-tre son patron le disait aux fidèles de CorintbeEqo auteni Ubentissirnè zmpencla??i et super impendarzse pro aniniabus vestns. « Je me consacrerai degrand coeur et tout entier ait de vos ftmes.

On vit alors ce jeune magistrat, devenu l'auxi-liaire des ministresde Dieu, se dévouer aux oeuvrescatholiques avec une ardeur que rien ne put arrêter,ni les devoirs de sa charge, qu'il ne cessa de rein-plir avec la plus grande exactitude, ni le souci deson avancement, ni les remontrances du gouverne-ment, qu'effrayait un zèle si aident.

Les Conférences de Saint-Vincent-de-Paul. noli- -velleinent inaugurées, furent pour lui un puissantmoyen d'action sut les ftines. Il groupait les jeunesgens dans ses associations de charité, et sa parolechaude, ardente, généreuse enflammait leurs coeursen leur montrant sous les haillons du pauvre unfrère racheté par le même sang divin, un ami deDieu, Jésus-Christ lui-même. « Quand un pauvre« frappe à ma porte, me «lisait-il un jour, je me lève« et je vais saluer Jésus-Christ. » Il a en effethonoré le pauvre presque à l'égal de Dieu, sachantque ce qu'il faisait ait de ses frères, c'est àJésus-Christ lui-même qu'il le faisait.

Quels souvenirs impérissables il a laissés dans lesdiverses cités que sa charité a évangélisées Vitry,Auxerre, Reims, Vendôme, Chartres, Paris et sabonne ville de Montesquiou le virent tour à tour, àla tête des membres «le la Conférence, qu'il appelaitle bataillon sacré, accomplir les plus belles oeuvres

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20 .1LOGE n;xInRE

de charité, allant de la maison du pauvre à la mai-son de Dieu et prouvant \ cette société, qui avaitaffirmé que la vieille religion était morte, qu'ellen'était jamais plus vivante ni plus féconde. [D]

Mais jamais l'héroïsme de sa charité n'apparutavec plus d'éclat qu'il Chartres, en 1854, pendantl'épidémie cholérique qui déclina la ville et emportason premier-né. Ce que fut cette première douleur,Dieu, qui la contemplait de là-Haut, et vous,Madame, qui l'avez partagée, pourriez seuls nous ledire. il puisa cependant dans l'excès même de cettedouleur une soif plus ardente de dévouement quiéleva son coeur à la hauteur du malheur public. Ilorganisa les secours, raffermit les courages, sedépensa avec une.générosité qui le rendit le modèlede la Conférence, sans que la crainte de la conta-giqn put jamais l'arrêter dans sa visite assidue etcomme amoureuse des pestiférés

JI était à ce moment chef du parquet et il deve-nait- pour lui méritoire de conserver son titre demembre actif de la Conférence et d'en prdtiquer lesdevoirs; le vent tournait à la persécution, que l'onvit ensuite s'accentuer rapidement jusqu'à la fin del'Empire contre les fonctionnaires chrétiens. PaulLa Plagne a traversé vaillamment cette crise et,sans rien retrancher de ses habitudes religieuses,s'est fait respecter de ses chefs les plus hostiles,auxquels il a parfois tenu tête, essentiellement bravesans l'ombre de jactance et d'affectation.

L'illustre cardinal Gousset, archevêque de Reims,

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DE M.. I'AUL LACAVE LA PLAGE BAUIUb.

s'était épris de ce beau caractère, si brave, si cheva-leresque, si intrépidement chrétien. Il aima MonsieurLa Plagne d'une amitié vive, profonde, sainte, quine se démentit jamais et dont il lui donna unepreuve touchante en venant à Paris bénir son ma-riage; et si le respect ne mettait un sceau à meslèvres, je vous redirais la scène touchante qui sepassa au seuil de l'église entre le vieux cardinal etla jeune épouse. [n]

L'action bienfaisante de notre éminent magistrats'étendait à tous ceux qui vivaient autour de lui;mais ses collègues dans la magistrature en ressenti-rent surtout les effets. Quel modèle il fut pou? euxComme justicier, il a été incomparable. Ti était lajustice personnifiée, et l'influence qu'exerçaient soitsur son entourage judiciaire, soit sur ses administrés,sa conscience inflexible, sa droiture d'esprit et decoeur, en même temps que l'évidente supériorité deses principes et de sa science et sa sincérité capti-vante, a eu quelque chose de sacerdotal. Ceux quine le suivaient pas par principe le suivaient dumoins par ce qu'on a quelquefois appelé le bon res-pect huniain. On ne put dire qu'il était craint, celaserait inexact, appliqué à cet homme essentiellementbon et charitable; mais il intimidait les uns, tandisqu'il fortifiait les autres par son exemple d'abord,puis par cette parole d'une vigueur, d'une simplicité,d'une verve, j'oserais dire d'une verdeur irrésistible,qui lui assurait toujours le dernier mot, sans bles-sure cependant pour ses contradicteurs.

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22 )LOGE FUNi13BE

Et cela s'étendait non seulement aux choses dejustice, mais même à des détails de la conduiteprivée, qu'il considérait avec raison comme ayantpour le magistrat autant d'importance que la con-duite professionnelle.

Monsieur La Plagne ne fut pas seulement unmodèle pour ses collègues, il fut encore pour eux unapôtre. Combien lui ont dû leur retour à des prati-ques religieuses depuis longtemps délaissées et lesalut de leur âme il se dévouait à cet apostolatavec toutes les ressources de son intelligence et deson coeur, consacrant à sauver les âmes les séduc-tions que d'autres emploient à les perdre.

C'était une fête de l'entendre développer aveuson esprit brillant et sa verve étincelante ses thèsesfavorites sur la Religion, l'Église et l'Art chrétien.Quels grands et nobles aperçus, quels vastes etlumineux horizons il ouvrait à ses auditeurs! Il luiarrivait parfois, sous la poussée irrésistible des sen-timents de foi qui bouillonnaient dans son coeur,d'emporter ses auditeurs ravis , dans les plus hautessphères de la théologie chrétienne, de les mettreface à face avec son Dieu, pour leur dire avec unenoble fierté: Voilà le Roi que je sers. Cette parolechaude, vibrante, imagée, où la conviction éclataità chaque mot, captivait to'joûrs, mais le charmeen devenait plus puissant pour quiconque était \même de remarquer qu'elle s'échappait d'un coeuroit dominait le désir ardent de convertir les âmes.

On ne résistait pas àl' entraînement de cette

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DE M. PAUL LACAVE- LA PLAG1ÇE BARRIS.23

parole. Sa foi était communicative; plusieurs (le sescollègues ont eu le bonheur de l'éprouver. Certainsd'entre eux ne sont plus de ce monde; ils ontaccueilli son âme généreuse, quand, brisant ses liensterrestres, elle est allée voir au Ciel ce qu'elle avaittant rêvé; d'autres vivent encore et occupent dansle monde • et dans la magistrature les plus hantespositions. Quelles lettres admirables, pleines desplus douloureux regrets et des plus saintes espé-rances, ils ont écrites à la famille en deuil!

Les grandes familles mettent avec raison leurhonneur à conserver les parchemins où sont écritsles hauts faits de leurs aïeux. Où trouverez-vous,mes Frères, de plus glorieux- parchemins que ceslettres de condoléance? Quels titres de noblessevalent ceux que ces hommes de coeur ont signéssur la tombe de ce noble chrétien et que Jésus-Christ même a scellés du sceau de sa croix rédemp-trice! Vous garderez, Madame, et vous, digne filsd'un tel père, vous garderez ces documents précieux,ces témoignages rendus par la piété des amis. Ilfaut que vos enfants les lisent et qu'ils sachent avecquelle foi et et quel honneur on vit et on meurt dansleur famille.

Le zèle de notre pieux magistrat s'étendait encoreà ses subordonnés, qu'il couvrait généreusement,assumant toutes les responsabilités périlleuses. Lesprisonniers eux-mêmes en ressentirent les effets;leurs intérêts spirituels étaient assurés et défenduspar lui, en dépit des oppositions administratives,

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94 1 1LOflE FUNB1iE

avec un soin et une énergie qui l'ont parfois com-promis. Il fut, un jour, dénoncé par l'exécuteur deshautes oeuvres, qui l'accusait d'avoir ralenti sonministère par une démarche suprême dont la consé-quence avait été la mort sainte (l'un malheureuxcondamné. Écoutez ce trait admirable.

Un de ces prisonniers avait été condamné à mort.L'exécution devait avoir lieu le lendemain, sur laplace publique de Chartres. Sombre, farouche, déses-péré, le malheureux s'obstinait dans son crime etrepoussait le pardon suprême que Dieu lui offraitu seuil de l'éternité. L'aumônier avait épuisé en

vain les ressources de sa charité. Ému à la penséedu sort terrible qui attend cette aine, Monsieur LaPiagne, alors procureur du Roi, tente une dernièredémarche. Il pénètre dans la cellule oh ce misérableattendait., dans la révolte et l'impénitence, l'heurede mourir. 1.l lui parle avec douceur, tendresse; savoix a des accents émus qui pénètrent dans cetteâe obstinément fermée jusque-là, et y réveillentdes sentiments qu'une vie de crime y.avait presqueétouffés.

Surpris d'entendre un pareil langage dans labouche d'un magistrat, le prisonnier se trouble,hésite, sa colère s'évanouit, l'émotion le gagne, deslarmes s'échappent de ses yeux, il tombe à genoux,et l'aumônier, qui attendait à la porte, n'eut qu'àprononcer sur cette pauvre âme pécheresse lesparoles du pardon pour achever le triomphe de lamiséricorde de Dieu.

Mais ce n 'était point assez pour le magistrat chré-

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DE M. J'AT.JL LACAVE LA FLAGUNE BARRIS.25

tien. Il lui fallait un grand exemple, une grandeleçon donnée au peuple. Alors se passa une scèned'une majesté terrible, telle que le moyeu âge seul

, en avait vu. Une foule immense couvrait la placepublique de Chartres, où se dressait l'échafaud. Leprisonnier paraît, il gravit les degrés fatals, soutenupar le prêtre; il va expier son crime et mourir. Maisau moment où l'exécuteur s'avance pour le saisir,l'aumônier, qui se sait soutenu par le parquet,arrête le bras du bourreau; le condamné se tournevers le peuple, se met il demande pardonet commence à haute voix sa dernière prière AveMaria.

A cette vue, un frisson court dans la foule, l'émo-tion gagne les coeurs, tout le monde tombe à genoux,les hommes têtes nues, et dix mille poitrines répon-dirent à la prière de celui qui allait mourir BandaAfaria, priez pour nous, pauvres pécheurs, mainte-nant et à l'heure de la mort. » A genohx lui aussi, etperdu dans la foqie, le procureur du Roi versait-deslarmes de reconnaissance et priait pour cette âmepénitente que la justice des hommes avait flétrie,mais que Dieu avait pardonnée et que le Ciel allaitrecevoir,

Dieu cependant réservait encore Monsieur LaPlagne à de plus grandes oeuvres; il devait ouvrir àson zèle pour le salut des âmes un champ digne de.lui dans celle des vocations ecclésiastiques.

Vous savez, mes Frères, combien difficilements'opère le recrutement (lu clergé, surtout dans ces

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26 -ÉLOGE FUNÈBRE

temps d'indifférence où, la foi faisant défaut, rien nepousse la jeunesse vers la carrière sacrée du sacer-doce. « Nous souffrons beaucoup du manque deprêtres, écrivait Monseigneur de Langalerie, de•douce et sainte mémoire, surtout quand les paroissesdésolées viennent nous exposer leurs besoins et leursvoeux. Il est bien pénible pwir un coeur d'Évêque dène pouvoir répondre que par un refus à ces tou-chantes demandes. »

Notre éminent magistrat a entendu l'appel de sonÉvêque. Ce cri de détresse a ému son fttne. Ce n'estplus seulement le salut de quelques âmes qui solli-cite soir c'est son église métropolitaine, soncher diocèse qui l'implorent et tendent vers lui desmains suppliantes. Les soldats rie manqueront paspour livrer le combat journalier de. Jésus-Christ;mais où sont les chefs qui doivent ordonner labataille? C'est lui qui 'es trouvera, lui le championde l'Église; iY les fera surgir autour de sa demeure,dans cette contrée bénie, dans cette ville illustre partant de grands personnages, mais plus illustre encorepar cette phalange de Prêtres que Dieu a choisiedans son sein.

Le voila donc qui se met à l'oeuvre. Il visite lesprêtres de la contrée, excite ou encourage leur zèle,]Iidt à leur disposition la grande fortune que Dieului avait donnée, établit chez lui, sous la directiond'un saint prêtre, une école sacerdotale oi il appellede pieux jeunes gens, leur prodigue sa fortune, sesconseils, ses leçons, ses exemples et par-dessus toutla tendresse de son coeur, et arrive à un si beau

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DE M. PAUL LAcAVE LA .t'LAGNE BARRIS.27

résultat que, pour récompenser son zèle, son véné-rable Archevêque vint célébrer une ordination sacer-dotale dans cette église de Montesquiou.

Sa tendre sollicitude accompagnait au GrandSéminaire ces jeunes clercs formés pour ainsi diresous ses yeux et à son image. Il suivait pas à pasleurs progrès dans la piété et les sciences théologi-ques, les encourageait, les fortifiait, soufflait dansleur coeur cet amour des âmes qui était le tourmentde sa vie. « Par eux, me disait-il un jour, je donnerai« (les âmes à Jésus-Christ et je sauverai la mienne.« Âme pour âme! »

Quelle joie douce, sainte, inondait son coeur aujour de l'ordination sacerdotale? Il s'épanchait alorsen des lettres admirables comme celle-ci

Le bonheur qui vous est préparé pour le 19 de ce mois me trouvetrès sensible. Aucune ordination sacerdotale ne me laisse indifférent,cl. il Inc semble que la vôtre me touche plus encore et comme s'il yavait un côté qui me fût personnel, puisqu'entre 110115 se sont établisdes liens de charité que vous ne romprez pas, même lorsqu'ils -auftontperdu leur activité matérielle. J0 ne mérite nullement la reconnais-sance que vous me témoignez, et pourtant vous me procurez tille joieinfinie en me promettant de vous souvenir longtemps de moi, lorsqueDieu vous aura donné cette grâce insigne, immense, prodigieuse, derenouveler pour la rémission de nos péchés le sacrifice de la Croix.Cher Monsieur, souvenez-vous de moi surtout après ma mort, qui estproche, et contribuez k sauver ' non âme du purgatoire; pensez qu'alorsla plupart (le mes alois ,n'auront oublié,

Mes voeux les plus ardents vous accompagneront en ce grand jouroù vous allez triompher définitivement de l'esprit du inonde, où Dieuva volts prendre dans son coeur, vous cacher dans ses cinq plaies, vousenivrer de son sang. Pourquoi parler de persévérance avec une sortede crainte ? Dieu abandonne-t-il ses -prêtres quand ils ne veulentpas être abandonnés? Ne vous soutiendra-t-il pas? La prière quo-

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28 J1OOE FWÇÈBItE

tidienne n'est-elle pas ut ' pi-éservatif assuré. un remède infaillibleChassez toute appréhension et jouissez sans réserve de votre bonheur,auquel je prendrai part de plein coeur, puisque vous avez la délicateattention de 'ne l'annoncer (I).

Le prêtre apparaissait aux yeux de sa foi non pluscomme lin homme, mais comme un autre Jésus-Christ: Sacerdos alter Christus. Avec quel profondrespect il l'abordait, comme il se sentait honoré dele recevoir citez lui! Voici encore ce qu'il écrivaitun jeune séminariste au moment de son ordination

Vous êtes prédestiné, choisi entre ces millions d'hommes quipeuplent la terre, pour sacrifier le Sauveur sur la pierre des autels,pour qu'il se rende sans jamais ' manquer aux ordres qu'il vouspermettra de lui adresser tout lias. Ma pensée se confond quand elles'applique à une pareille réflexion, et je ne comprends plus qu'unechose c'est l'impuissance d'un pécheur, comme je le suis, à saisir etinêr"e à entrevoir de loin ce pouvoir sacerdotal qui va vous être con-féré, il faut même que je lie puisse l'entrevoir, car si mes yeux s'est-vraient comme ils s'ouvriront au paradis, commuent oserais-je jamaism'aj, 1 roelier du prêtre et le regarder (2)!

Un si grand amour de l'Église méritait une granderécompense. Dieu l'accorda'à soit en choi-sissant dans la famille de son frère un jeune saintpour en faire un prêtre. Cette vocation fut une desplus grandes joies de sa vie; entendez le cri de safierté chrétienne :Enfin, dit-il, notre famille se« relève; depuis 1784, aucun de ses membres n'était

(1) Lettre écrite â M. l'abbé A. D elsus, professeur au Petit Séminaired'Auch, en décembre 1886.

(2) Lettre écrite .â M. l'abbé Liesta. curé de Saint-Justin (Gers), endécembre 1868. -

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DE M. PAUL LACÂVE LA I'LAONF, BARRIS.20

« voué à l'Église (1). Quelle noble parole' , mesFrères! Devant ce jeune homme que Dieu conduisaitpar des voies admirables vers le sacerdocé et lasainteté, tout un siècle de grandeurs s'effaçait et lapourpre qu'avaient revêtue ses pères lui paraissaitmoins glorieuse que l'humble soutane du prêtre.

Comment vous peindre les tressaillements de soncoeur au jour de l'ordination sacerdotale? Commentvous dire le cantique d'action de grâces, le chanttriomphal qui monta de son coeur à ses lèvres, alorsqu'il put contempler dans les mains de ce jeuneprêtre issu de son sang le divin Crucifié s'immolantde nouveau pour le salut du monde! Il retrouvait audéclin de sa vie, presque au seuil de la tombe, lesémotions de son enfance. Le vieux prêtre son onclequi avait charmé son jeune âge revivait dans ceneveu (lui bénissait et sanctifiait sa vieillesse. Etentre ces deux' prêtres, l'ancien et le nouveau,reliant le ciel t la terre, il voyait toute sa race!;, lesmorts bien-aimés endormis dans le Seigneur et! lesvivants groupés autour de l'autel, purifiée par lesang de l'Agneau qui des mains du jeune prêtrecoulait sur la pierre du sacrifice, comme autrefoissur le Golgotha.

Hélas! cette joie fut courte. Après trois mois desacerdoce, le prêtre mourut; ses jours avaient atteintles années de la vieillesse. Son corps virginal futdéposé dans la chapelle du château de La Plagne.

(I) Allusion â son grand-oncle l'abbé Lacave La Plagne, curé (l'Alix,confesseur rie la Foi. viir La persénution. ? .i'tiqicuxe dans le dhieèsed'Awrl,. pendant la Pérolution. pal' M. Lamazrynade. p. 102.

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VOUS attendez peut-être devant cette tombe siprématurément ouverte l'explosion d'une grandedouleur. Ah! détrompez-vous c'est peu connaîtrenotre grand chrétien. Il envia le sort du jeunehomme et dit au père cette belle parole « Combien« ton fils Ignace est heureux! Du premier 00111), il a« conquis la palme! » (1). -

Faut-il encore vous rappeler, mes Frères, l'apos-tolat de ce grand homme de bien, auprès del'enfance? Vous parlerai-je de ce pensionnat dejeunes filles fondé et entretenu par ses soins, decette école chrétienne qui vient de s'ouvrir parmivou, et qui a été l'objet de ses dernières préoccu-pations et comme le testament (le sa vie? Quedirais-je que vous ne sachiez déjà? Par quelleslouanges surtout pourrais-je égaler celles que vouslui avez publiquement décernées? [F]

11-manuerait pourtant à ce portrait du chrétienle trait le plus beau, si je ne vous montrais MonsieurLa Plagne aux prises avec la douleur, et quelledouleur, grand Dieu! La plus cruelle qui puisseatteindre l'homme ici-bas la perte de ses enfants.

Dieu visite les siens par l'épreuve.. Quand il a desdesséins miséricordieux sur une âme, il l'épure parla souffrance. Monsieur La l3lagne a reçu cettei'isite de son Dieu, comme un 'sujetreçoit celle deson roi. Trois fois la mort est venue s'asseoir à son

(1) voir dans le Afenagei- de Orner de .JAsi,x. novembre 1886, la vie decet admirable jeune homme, qui s'appela sur la terre Ignace Lacave LaPlare Ranis.

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DE M. PAUL ï]ACAVE LA PLAONE BARRIs.31foyer près du berceau de ses enfants, trois fois ellea arraché de ses bras et emporté loin de la terre cespetits êtres mille fois chéris, chair de sa chair os deses os, sans que jamais de son coeur meurtri, broyé,soit montée une parole amère contre la volonté deDiei.

C'est à. Chartres qu'il éprouva pour la premièrefois cette incomparable douleur. Son enfant premier-né, sa fille Séraphine, qu'il avait ainsi nommée dudoux nom des anges en mémoire d'un aïeulvénéré (1), s'envola vers les demeures éternelles.Douleur affreuse! Il faut avoir vu ce père, me disaitun témoin de ces scènes douloureuses, il faut l'avoirvu suppliant Notre-Dame au pied de la statue dela Vierge noire, dont il baisait la colonne dansl'ombré d'une matinée de suprême angoisse, l'avoirvu auprès du lit d'agonie, l'avoir entendu me dire:« Allez demander ï Notre-Dame que ce martyre« finisse et qu'il la couronne », l'avoir suivi dans -cedeuil qu'il a voulu conduire, avoir surpris ses géli\issements comprimés et l'accent du chapelet récitéauprès du corps de l'enfant, pour bien se figurer cequ'a été pour lui cette croix portée avec une sicalme et si étonnante résolution aux yeux dumonde. Deux autres semblables lui ont depuis étéenvoyées. Je n'imagine rien de plus poignant quela mort de son fils Cyprien et de plus admirable quele courage du père navré faisant ses adieux et ses

(1) M. S&npliin Gantier d'Âlvarcle, père de Madame la baronneZangiaconii. -

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exhortations Û cet enfant charmant et chéri, puisrécitant l'office nocturne à genoux par terre et enfinconduisant encore une fois le deuil. [o]

Il revint à Chartres quelques années après lamort de sa fille, et voici la lettre si touchante et sichrétienne qu'il écrivit à un de ses plus intimesamis, un compagnon de ce qu'il appelait sesde piété '(1):

J'ai donc revit Chartres et cette maison pleine des plus douloureuxsouvenirs. Ah I que cette plaie de mon coeur, que je croyais cica-trisée, est encore saignante I Avec quel bonheur et quelle amertumej'ai revu cette petite tombe entourée de ses fleurs toutes fraîcheset étendue au pied d'un grand orme où chaulaient une multitudede petits oiseaux Dieu soit loué du soit heureux qu'il a donné à mabonne petite Séraphine et du juste chagrin sous lequel il ,ne courbe!Ici tout est déuleur et tout est joie pour mon coeur brisé. J'avaisbesoin de revenir dans le jardin où ma chère enfant jouait, derevoir ce lit où elle n tant souffert et oit elle est morte. Je nevoudrais pilla les quitter, et j'offre salis cesse à Dieu ces joiespaternelles perdues et ces espérances assurées de salait..

Il" remerciait Dieu de lui avoir envoyé cettedouleur qu'il appelait «sa bonne et précieuse croix .Ce n'est pas que le poids ne s'en fit lourdementsentir, ses épaules en étaient meurtries.

Cependant, écrivait-il encore, en réalité je m'en réjouis. Au milieude ma vie molle et si souvent oisive, si étrangère aitamour, je suis trop heureux que la divine bonté daigne Tu'envoyerdes peines que je puisse prendre connue un aiguillon de pénitence.Je pense bien souvent à volts le matin, ait de Sérapluhe.

(t) M. Merveilleux du Vigaau, alors son substitut ,ï Olinr&es. et depuispremier lir'ési.lellt â la cour dc Poitiers.

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M

DE M. I'Al;l. 1,AÇAVE LÀ I'LÀGNE llAuIu5.33

Je nie souviens de vous avoir vu près du lit ou elle souffrait.,:,

l'exemple de Jésus, pour expier sans doute une partie de iiiespéebés.

Qu'il a été rand, héroïque dans ces épreuves,mes Frères! Bénissons Dieu de ne lui avoir pointépargné la souffrance. Bénissons-le d'avoir jeté dansce creuset austère ce lingot d'or pour le purifier detout alliage. Il eût manqué en effet • à nôtre admi-ration pour celui que nous pleurons de le contem-pler. à nu, à découvert., dans' le seul éclat de savertu, sur son douloureux calvaire.

I I T.

Dieu qui avait conduit cet homme juste dans ledroit chemin et lui avait révélé les secrets de sonroyaume, lui avait aussi donné la science des saintsnon point cette science mondaine et infructueusequi consume l'esprit et dessèche le coeur, inais,lascience qui s'inspire (le l'amour de la vérité et dela pratique du bien et élève ]'me à . Dieu. « Sei-gneur, disait le roi David, enseignez-moi l'amour;la discipline et la science Bo?i2tate1n. et diseipl2'nanzet .scientiarn doce me. »

C'est par cette prière du saint roi que Monsieur-La Plagne commençait journellement son travail. ila aimé la science parce qu'elle était pour lui, l'auxi-liaire de la religion; il ]',a avec passionparce qu'il trouvait en elle une arme puissante pourdéfendre la vérité.

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34 ji.oc.iJ'lJxii3ltE

Or, ne doit l'homme lai, s'il n'est grand clerc,disait saint Louis, disputer aux mécréants et auxjuifs ains défendre la chose à bonne épée tran-chant. » L'épée des temps modernes-,c'est le savoir,et vous savez, mes Frères, si dans les mains vail-lantes de ce défenseur de ]'Eglise cette épée dusavoir a jeté de brillants éclairs.

Vous avez vit dès sa jeunesse il aima l'étude;durant les années passées à Louis-le-Grand, il avaitété témoin et complice involontaire de cette grandeconspiration de la science contre la religion dontparle Joseph de Maistre. Mais lorsque Dieu, aprèsl'avoir reconquis h la grâce, eut déchiré le voile quidérobait à ses yeux la vérité, son âme droite ethonnête s'indigna des pièges où on l'avait fait tom-ber, il jura de devenir « grand clerc » pour vengersa religion si calomnieusement outragée ;ce serment,il l'a tenu.

Sur les conseils et sous la direction du cardinalGousset, [H] il se mit avec ardeur à l'étude del'Écriture-Sainte, de la Théologie et de l'Histoireécclésiastique. Sa facilité de conception et un travailinfatigable le mirent h même de profiter rapidementde ces études et d'être armé pour la lutte. « Je l'aivu maintes fois, m'écrivait un de ses plus illustresamis (1), réduire au silence, avec une incroyableprestesse et cette pointe gasconne qui piquait pres-

(1) M. Merveilleux dit Vig,,an. 1111 clos hommes les plus distingués etdes plus ardents chrétiens qui se puisse rencontrm ami du grand cardinalPie, et jadis premier président é la Cour de l'oitiers, révoqué lors (lesodieux décrets 'le 1583.

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DE M. VA G I LACAVE LA PTÂ1NE BARRIS.35

que agréablement, en matière de religion, de moraleet d'histoire, aussi bien les railleurs que les dispu-teurs. ) -

L'histoire de sa chère province de Gascogne etl'archéologie furent encore dans ses mains une armepuissante pour défendre la vérité. .11 répétait souventcette parole de Montalembert: « L'oubli et le méprisdes siècles catholiques a été une des principalescauses de l'hérésie et de l'impiété des temps moder-nes. » Fer'ent catholique et patriote ardent, ilvoulut que sa chère province, cette Gascogne sichrétienne, si noble, si fière dans son passé, prîtpart à ce combat héroïque de la vérité contre l'er-reur, qui s'engageait sur tous les points de la France.Le voilà donc qui s'enrôle dans cette armée devaillants travailleurs que venait de lever un de nosplus. savants évêques, Mgr de Salmis. En peu dejours il eut conquis tous ses grades. Bientôt ce n'estplus en simple soldat, c'est en chef éclairé qu'il 'sejette au fort de la mêlée; lui même il mène labataille et, à la tête de nouvelles recrues qu'il lève

ses frais et auxquelles il communique cet amourardent de l'Eglise et ce culte de la patrie quienfiamnie les courages, il remporte les plus magni-fiques succès.

J'en peux rendre témoignage, ayant eu l'honneurde combattre vingt ans sons ses ordres. Je l'ai vu,infatigable travailleur, remuer la poussière des archi-ves, compulser les livres 5 entretenir avec les savants(]il une correspondance suivie, défendreles traditions chr4tiennes et politiques de notre pays

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lIAjGE rI;y:llltE

et faire surgir du l'oubli nos célébrités méconnues.Je l'ai vu, avec •ce sens du beau qu'il avait à undegré si éminent, se passionner pour les monumentsde notre art provincial, aller comme un pèlerin deville en ville, de château, en château,château, pour releverdes plans et des dessins: Nos vieilles églisessurtout l'enthousiasmaient, il contemplait avecamour ces vieux débris de la foi de nos pères.N'étaient-ils pas le symbole de ce qu'il y avait deplus vivant dans son âme? Comme il s'indignaitcontre leurs profanateurs I. Avec quelle vigueur ilmarquait au front d'un fer rouge leurs démolisseurs!Avec quelle générosité surtout il contribuait à ]cul-restauration! Vous en êtes témoins, murs sacrés (lecette église. Qui donc vous a si richement parés;qui donc vous a rendu cette jeunesse éclatante; quia placé sur vos colonnes cette vofttc, ce ciel étoilé,si ce n'est celui dont vous abritez aujourd'hui lemonument funèbre? (1).

,Ni les préoccu,patious, ni les chagrins, ni la souf-france n'ont pu ralentir l'ardeur de ce vaillantouvrier. Il a travaillé jusqu'au dernier jour; ét,quand la mort est venue frapper à sa porte, elle l'atrouvé la plume à la main.

Salut, noble champion de l'Eglise I Salut, vaillantdéfenseur de la science et de l'art chrétiens! Salut,

(I) Quand la mort l'a frappé, il faisait aussi rebâtir à ses frais l'églisedeCaslelnau-d'Angiùs, mi mémoire de son grand-oncle l'abbé Barris,qui avait été curé (le celle paroisse. Tout, le conseil municipal et lesfabriciens de Castelnau assistaient en eOi'ps à son enterrement. Safamille ri assuré I nehérena en t do ré-lise.

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'E M. PAUL LÂCAVE LÀ JJ.ÀCNE I3AJtH]S.3?

Ô mon maître! Tant qu'il y aura dans cette terre de -Gascogne: des coeurs chrétiens et patriotes, votre

nom sera honoré et votre mémoire bénie.

Quelle vie j'ai eu à vous raconter, mes Frères,mais quelle mort j'ai maintenant à vous montrer!Une vie dont la religion n été la règle! Une mortqui a été la gloire de la religion!

ccJe meurs tous les jours, écrivait saint Paul auxfidèles de Corinthe: Quotidiè morior . Paroles d'unevérité poignante. Tous les jours, quelque chosedenotre être et de ce qui .compose le cours de notrevie nous échappe et meurt. Parents, amis, santé,projets, espérance, biens et maux de ce inonde, toutest emporté par cette suite rapide de moments quipassent; et, par cette révolution continuelle, nousarrivons au point fatal où le temps finit et oùl'éternité commence. Combien de morts anticipéesdoivent préparer cette dernière mort qui finira notrecourse! Un chrétien doit mourir tous les jbrs,c'est-à-dire se détacher insensiblement de la terre,s'il veut que le dernier effort qui l'emportera soitsans douleur et sans crainte.

Fidèle à ce sage conseil, notre vaillant chrétiense préparait depuis longtemps à mourir. Ne sachanten quel endroit et à quelle heure ]a mort l'attendait,il l'attendait partout. Mais cette attente était sansamertume et sans crainte. La pensée de la mortétait pour lui pleine de douceurs; elle le consolait,elle le ranimait. N'était-elle pas la libératrice quidevait briser les liens de son âme, terminer son long

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exil et le réunir à tous ceux qu'il avait aimés? Achaque coup qu'elle frappait et qui emportait quelqueportion de soit un cri de joie et de sainteespérance s'échappait de sa poitrine; il entrevoyaitdéjà l'avenir étetnel, immense, le bonheur sans fin,Dieu aimé et possédé dans l'inexprimable allégressedu Ciel. Il répétait souvent cette parole de lamequi languit ici-bas : O qu.anclo lucessit tuus quinescit oceasum dies? « O Seigneur! quand donc ferez-vous luire à mes yeux ce jour qui ne connaît pas dedéclin? » Et il faut avoir entendu avec quels accentsil prononçait cette parole pour comprendre ce qu'ily avait dans son coeur de détachement de la terreet d'ardent désir du Ciel.

La mort des siens ne l'affligeait même plus, tantsa ferme et douce espérance se reposait en Dieu.Sa pensée les suivait dans le sein de l'immortalité,il pratiquait avec eux la communion des saints, etla contemplation de leur bonheur lui donnait commeun . hvant-go&t de cette victoire suprême qui devaitl'introduire, lui aussi, triomphant dans le Ciel.

Ecoutez et admirez ce qu'il m'écrivait, le 21 jan-vier de cette année, à l'occasion de la mort de sasoeur, noble et sainte dame dont les pauvres de laville d'Auch portent encore le deuil:

Il est via j , depuis dix jours mon esprit ne se distrait point ditsouvenir de ma douce et pieuse soeur, qui est morte saintement, avecjoie et entrant pleine d'espérance sinus le .royaume éternel. Ayanttoujours devant moi soif ses vertus, sa tendresse cI,nrmnnte,je ressens In douceur de i,i communion des saints et la trtnquil[itd'une espérance de réunion qui ne peut t1,.rder à se réaliser. L,) fflCSSC

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DE M. PAUL LAC2VE LA YLAGNE .ISAItItIS.13 U

du matin nous paraît plus douce, parce qu'on y fait mémoire d'elle,At nous erovous que cette chapelle où elle a si souvent prié est pleinede sa présence. Madame Louehel et moi, qui restons les plus anciens,nous nous plaisons dans toutes ces pensées. U n' y ,a point de deuil,point de tristesse il ne nous reste plus que des espérances.

Quelques jours après, il écrivait, au sujet de larelation de la mort de sa soeur qu'on lui avaitenvoyée

Je place cette relation dans le registre de la chapelle de la Plagne,où nous écrivons tous les souvenirs douloureux, afin que nos descen-dants apprennent à bien vivre et â bien mourir. Je l'ouvre souvent,peur calmer mes blessures et regarder mes fins dernières avec plusde sagesse. Cette lecture rue prépare, elle m'encourage et me faitregarder avec joie mon sort prochain...

J'ai été très souffrant de mes infirmités depuis Pâques, et par cemoyeu Dieu m'a tenu en haleine,, et, quotidiennement représenté lanécessité de conserver sagrfice et de me tenir préparé. C'est dans cetesprit que je vis avec mes morts et que je pratique avec eux lacommunion ries saints. N'oublie pas que j'ai soixante-dix nns'et quec'est aux jeunes de la famille â m'aider ii faire une benne fin (I).

Enfin, le moment tant désiré approche. Voilàdéjà Iougtenips qu'il chemine sur le sentier de lavie soixante et onze ans sont passés depuis le jouroit son pèlerinage a commencé. Béni soit Dieu, leterme est proche! Comme un voyageur fatigué, ils'étend sur son lit d'agonie et, plein d'espérance etde joie, il attend l'heure du repos éternel. Safamille, ses serviteurs éplorés entourent son lit;lui, calme, le visage serein, radieux, il fait à cha-cun ses adieux et ses dernières recommandations.

(t) Lettre écrite â'JUIIe Pauline Ladrix.

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40 .LOGE JUI3JtE

Je m'approchai de lui à cette heure suprême pourlui serrer une dernière fois la main « o mon ami;« me dit-il, que vous êtes bon de venir assister à« ma mort! Oli! je suis bien heureux! » - Heu-reux ! oui, il l'était, car il venait de recevoir lesacrement rie l'Extrême-Onction et le corps adorable(le Notre-Seigneur.

L'homme s'éteignait peu à peu, brisé par lasouffrance; mais, dans ce dernier combat, le chrétiensurvivait tout entier, toujours humble, toujourspénitent, toujours résigné, toujours inaitre de lui- -même et, si l'on peut parler ainsi en face de lamort, toujours grand. C'est ainsi qu'il a fait sonentrée dans le royaume de Dieu, le huit novembre, àminuit, à l'heure où dans les monastères les choeursdes moines entonnaient l'office nocturne de l'Octavede la Commémoraison de tous les Saints : BeaU quiin Domino monuntyr!

Amen!

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NOTES.

[A]

Le baron Barris (Pierre-Jean-Paul), né à -Montesquiou en1759, fut successivement député k ]'Assemblée législative, de1791 k 1792; juge au Tribunal de Cassation, à Paris, cilprésident de la Cour de Cassation des provinces Rhénanes, àTrèves, en 1798; président à la Chambre criminelle de la Courde Cassation, à Paris. Tl mourut dans l'exercice de ses fonc-tions, en 1824. Soit repose dans la chapelle du château(le La Plagne.

M. le comte Desèze, premier président à la Cour de Cassa-Lion, prononça l'éloge du baron Barris, à la séance de réceptiondit Portalis, sou successeur, le 18 août 1824.

Voici en quels ternies il s'exprima

Monsieur, au milieu des larmes quelle a données, et quelle donneraencore longtemps â la perte immense et si douloureuse qu'elle vient (lefaire, la Cour de Cassation s'est félicitée de la bonté qu'avait eue le Roile choisir dans son sein le magistrat qu'il destinait à l'adoucir... Voussuccédez, en effet, â na de ces hommes mies qui laissent aux générationsqui doivent les suivre d'éternels regrets, et dont on oppose pour ainsidire le grand souvenir à tous ceux qui sont appelés à s'asseoir h la mêmeplace.

M Barris réunissait tout : talents brillants, instruction profonde, expé-rience consommée. jugement sûr, pénétration vive, sagacité admirable,facilité surtout qui tenait du prodige, la nature lui avait tout donné; et

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42 NOTES.

ce que la nature ne peut pas donner il l'avait acquis. Sa vie entière n'aété qu'une application continuelle de ses longues études, et, des médita.tiers qui les avaient encore fécondées.

Distingué dês sa jeunesse. il avait porté dans toutes les fonctions qu'ilavait exercées un esprit supérieur; plus tard, et particulièrement consacréà la législation criminelle qu'il possédait en législateur et en magistrat,il n dirigé pendant dix-huit années celle (le nos sections (lui en faitl'objet exclusif de ses jugements; et dans tout le cours de cette longueépoque, il n'a pas cessé, on peut le dire, de la diriger troc gloire. Il arendu surtout, depuis la Restauration, é la société et au gouvernement(les services immenses, et ces services, il les a rendus par sentiment commepu devoir..

Du reste, d'un earttctèrc éminemment doux, d'une justice ferme sansétre sévére, d'un commerce attra yant autant que facile, M. 'Barris, excellentcollègue, ami fidèle, parent sensible, soutien généreux de sa famille, avaittout ce qui fait aimer et tout ce qui commande, cc genre d'estime quis'approche de l'admiration...

Le président Barris avait un frère, Josepli-Lupereule, curéde Oastelnau-d'Anglès, et trois soeurs dont deux furent mariées,l'une avec M. Tarrible, conseiller-inaître à la 0011F des Comptes,légiste consommé et collaborateur de Merlin dans soit

de Jurisprudence, et l'autre avec M. Barthélemy Lacave,sieur de La Plagile.

Les deux enfants nés de ce dernier mariage ont jetésur leurnou'iii éclat incomparable. Le cadet, Pierre-Joseph-AugustcLacave La Plague, a été ministre des finances, secrétaired'État, sous la monarchie. de Juillet; il est le père deM. Lacave La Plagne, sénateur du 0es-s. Lainé, Raytnond-Jeau-Francois-Ma.rie, baron Laea've 'La Plague Barris, filsadoptif et héritier du président Barris, u passé dans la magis-trature quarante-neuf années d'une vie où toutes les vertusse sont confondues avec tous les mérites.

Auditeur à'la Cour de Paris eu 1808, substitut ditgénéral en 1812, procureur général près la cour de Metz en1820, avocat général à la Cour de Cassation eu 1824, premieravocat général en 1832, pair de France en 1837, président dede la chambre criminelle de la Cour de Cassation en 1844,grand officier de la Légion d'ltoumieur, ayant à deux reprises

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NOTES. 43

refusé la charge de garde des sceaux, honoré do l'estime et dela constante amitié du roi Louis-Philippe et des princes sesenfants (1). le baron Lacavo La Plagnc Barris est décédé àMontesquiou, le 14 octobre 1858. Voir la notice que lui aconsacrée M. Cuvillier-Fleury dans le Journal des Débats du4décembre 1857. Voir aussi Notice biographique sur M. leprésident Lacavi La Plagne Barris, par M.' Louis Hardoin,avocat ii. la Cour de Cassation, Paris, 1860, in-8 0, 108 pages.

Il avait épousé, en 1813, dame Angélique-Cabriel Boyer,1111e du baron Alexis Boyer, premier chirurgien de Sa Majestél'Empereur et Roi, et depuis chirurgien des rois Louis XVIIIet Charles X, officier de la Légion d'honneur, membre del'Institut, doyen ett professeur de l'École de Médecine de Paris.

Tels furent le père et la mère de M. Paul La Plagne.

[B]

Parmi les papiers laissés par M. La Piagne, se trouve unvolume de Souvenirs de jeunesse. C'est l'histoire d'une vie dejeune homme, la plus noble, la plus digue, la plus féconde enévénements et cii émotions. L'histoire de sa famille et de sesamis, (le ces personnes qui imprimèrent dans son âme lamarque indélébile de leur héroïsme et de leur vertu; l'histoireenfin de son éducation, de ses voyages, des violents orages desou coeur, des triomphes de sa foi et de ses premières etardentes aspirations vers ce triple idéal, ascétique, scientifiqueet artistique, qu'il confondit dans un même amour et auquel ildemeura inviolablement fidèle. Ces souvenirs s'arrètent Cii 1851.

Ces pages, - j'allais dire ces confessions, - ont un caractèretrop intime pour être toutes livrées k la. publicité. Nous endonnerons quelques-unes dans des notes successives. Voici

(I) M. le baron lia Pagne fut an des exécuteurs testamentaires du roI LouIs.Philippe. «....Te nomme pour mes exécuteurs testausentalr, écrivait le roI mourant,M. Duplu, le baron La Plagne Barris, le comte de Montallret, le duo de iIontmoeoeyet M. Scribe, auxquels je sols heureux de donner ce témoignage de ma ceullance etde mes sentillIolIts pour eux,,,

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44 NOTE,,.

d'abord celles où M. La Plagne raconte son séjour à Louis-le-Grand et le naufrage qtiy fit sa foi

A mon retour de Gascogne, cil 1827. j'ai été placé au collègeLouis-le-Grand. rue Saint-Jacques, à Paris. Ce temps est le plus péniblesouvenir de ma vie. La différence entre ce collège et la maison pater-nelle était immense. Air (le soins pleins de tendresse, je ne trouvaiqu'une discipline brutale et cette organisaffon sèche et rigide qui est laseule hase (le l'éducation prétendue philosophique. Elle tue le coeur despauvres enfants, ne développe que leurs vices et leur laisse ignorer ladifférence du bien cl; du mal. Cependant. il faut convenir qu'avant 1830le moral était mieux soigné dans cette maison. Deux aumôniers.MM. Monglar, devenir depuis, et Létang s'occupaient avec ungrand zèle des élèves. J'ai eu l'avantage infini de faire sous leur directionma première communion, en juin 1830. Un mois nprés, la détestablerévolution éclatait, et tout ce qui pouvait être bon 'et religieux panniles professeurs et aumôniers fut renvoyé, pour être remplacé pardes voltairiens et un pauvre aumônier aussi incapable que peu zélé.Dés lors, les pratiques et observances religieuses furent abandonnées àla discrétion des élèves se confessait qui voulait., point de catéchismede persévérance ni d'instruction Suivie; jamais une exhortation partied'une bouche chrétienne: une messe rapide le dimanche, et le jeudi uneprière dérisoire et non écoutée. C'est en cela que consistait l'éducationmorale et religieuse des twistes et misémbles philosophes qui nous gou-vernaient aux applaudissements de leurs semblables. No irs autres pauvresenfantétions les victimes de cette expérience in anima. rm.

Naturellement anus profitions de la liberté qu'on nous laissait: touterégie r tout frein autre que la discipline était inconnu ê on faisait tout cequi n'était pas puni (l'un C5lRi(J5 on d'une retenue. La punition était tout.ce qui nous faisait distinguer le bien du mal aussi sur les cinq centsélèves internes que rions étions, n'en ai-je pas connu un seul qui aitpersévéré dans le bien. Beaucoup luttaient longtemps contre le ridiculequi s'attachait à la vertu, mais tous finissaient au lient de peu do tempspar tomber dans le vice, qui était l'état universel.

Les luttes terribles que ma conscience et ma foi livrèrent alors audémon et â ses affreuses tentations sont encore présentes è ma mémoire(jile de tourments et (le peines, et cependant ce n'était rien en Comparai-son des chagrins et des tourments où le vice devait me plonger.

J'oubliai, à la fin de 1830, les résolutions de ma première communion,pour ne m'en ressouvenir que prés de treize ans après. Quelles effroyablesfautes liai-je pas commises, ô mon Dieu, clans cet intervalle J'ai avaléles iniquités comme de l'eau, j'ai oublié vos lois saintes, j'ai vécu dans le

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NOTES. 4.5

désordre, et quelle réparation puis-je espérer autrement que par votreimmense miséricorde et les mérites sans fin de la vie, et de la passion de,Jésus-christ

[C]

M. La Plagne eut te bonheur de rencontrer au Tribunal deVitry un homme d'une distinction rare, un chrétien ferventdont Dieu se servit pour disposer son âme à cette conversionmiraculeuse qui marqua la nuit du 24 décembre 1842. Voicien quels termes il en parle dans ses Souvenirs

Le 5 août 1842, M. PauI-Augustin Quatre-Seltz de Mai-nues, duneancienne famille parlementaire, procureur du Bot à Sainte-Ménehould,fut nommé en la même qualité à Vitry-le-Français. On me l'annonçacomme un homme d'une guindé dévotion, qualité qui m'effraya beaucoup,tant j'étais alors éloigné de 'i)ien et ignorant de mon premier devoir......Dès ce jour je ne travaillai plus que sous la direction de mon chef, dontla bonté, l'affabilité toujours égale et les gracieuses avances finirent parrompre In froideur que je lui opposais, craignant sa dévotion.

Le travail du parquet était pêu considérable; nous y causions souventet longuemeniL il me parlait de Dieu avec tant de douceur, que jamaisnia conscience pervertie ne trouva moyeu de M'en offenser. Sa iflisonétait sur un bon pied; j'y ai admiré combien la sagesse de Dieu guidât lejuste dans tons les détails (le la vie, même les plus infimes, et en faisaitdes traits sublimes de la vertu modeste et ignorée. En passant le seuil decette maison vraiment bénie, on sapercevait en quelque sorte des grâcesparticulières dont la divine Providence se plaisait à récompenser la piétéangélique des maîtres.

Cependant j'étais bien pc's digne dc l'accueil et des marques d'affectionque me prodiguait cette excellente famille. Mun coeur continuait à êtreen proie aux plus violentes passions et aux plus intolérables agitations.Dieu employait ces moyens pour me rappeler à lui, m'avertir (le la fragi-lité des attachements humains et me dégoûter des erreurs et des illusionsde la jeunesse. Les paroles réservées, mais persévérantes. de M. de Marol-les portaient defruits.

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46 NOTES.

[D]

Voici quelques extraits des Souvenirs de M. La Plagne surles séjours successifs qu'il fit dans le-, villes que nous aonsnommées; séjours qui marquent les étapes de sa vie denagistrat et de chrétien.

Après quatre années passées à Vitry, il fut nommé substitutk Auxerre, eu septembre 1845

Devenu chrétien, et- décidé à me maintenir dorénavant- dans In voie dusalut je suivis en arrivant à Auxerre les sages conseils que j'avais ieçosen cc qui concernait ma conduite extérieure. J'avais été adressé ail vice.président M. Gallois, homme fort éloigné de tout sentiment religieux.Il m'invita, (lés mou arrivée, à déjeunes', e- me proposa de me mener voirles curiosités de la ville, (lui consistent surtout en (le magnifiques églises.Dès notre première visite, je me mis à genoux sur les marches du sine.tuaire. Cette démonstration me sauva pour jamais du respect humain àAuxerre...

J'avais pris â Auxerre un appartement- fort convenable, dans un anciencouvent qui était devenu la propriété d'un ex-avoué M. Bert. 31 faisaitalors grande opposition au gouvernement. L'Empire l'a totalementramené en politique; il est devenu un personnage administratif (1).

J'habitais sur la paroisse Saint-Pierre-en . Vallée, non loin de l'église.dont la belle tour, construite cli l5Gû. s'apercevest de ma fenêtre,M. Larfeuil, curé de cette paroisse,devint mon confesseur et mois ami.J'étais à peu près le seul homme de sa paroisse qui allait à la rand'-messe et aux vêpres. Cette église est loin de valoir les autres, mais lesdoux moments que j'y ai passés auprès de Notre-Seigneur m'ont faitconserver pour elle un vif attachement.

M. La Plague ne passa que quelques mois à Auxerre,fut nommé, au mois d'août 1846, substitut à Reims

Je commençai à Reims â m'efforcer sérieusement de vivre en chrétien.Libre de vivre k ana guise, dans une ville ois, à raison les immenses

(I) 0 a91 le père 'le M. Pi,ii Bort.

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NOTES. 47

fortunes du commerce, la magistrature aune position obscure, je renonçaiaux grandes relations du inonde. le me levais de bon matin r j'allais à cinqheures à la première messe de la cathédrale. Bien souvent-, j'étrennais laneige qui couvrait le .sol des rires .k six heures, j'étais au travail,

Suivent 1111e description de l'incomparable cathédrale deReims, dont la prodigieuse magnificence l'enthousiasmait5 etle récit de ses relations avec Mgr Gousset, qu'on lira plis10111.

Je regrette de ne pouvoir citer quelques belles pages d'his-toire contemporaine, celles entre antres qui renferment le récitdes événements de février 1847, à Reims. M. lin Piagne yjoua un rôle prépondérant; tandis que tout le monde sedérobait devant l'émeute, il osa lui tenir tête; et c'est grâceà son énergie que de plus grands malheurs furent épargnés àla ville. Son récit se termine par ces réflexions si profondémentchrétiennes et si vraies

On a tant- écrit sur la révolution de Février, qu'il est inutile de décrireles caractères de cette émeute victorieuse, qui renversa cii un instant unRoi entouré de fils que l'on pouvait croire assez valeureux pour soutenirjusqu'à la mort le trône de leur famille. Le doigt (le Dieu l'avait secouélégèrement et il était tombé sans résistance et sans effort, lui 'qhi laveille se cro yait assez fort pour se passer de Dieu, lui, aux yeux de quil'église était une institution humaine qu'il méprisait. Ça été rut terribleexemple des châtiments que la Providence inflige si ses contempteurs.

Du sang et des ruines du 24 Février est née pour l'Église de Franceune liberté qu'elle ne connaissait plus depuis soixante ails.

Au milieu' du trouble des esprits et des mortelles inquiétudes quiagitaient les riches, beaucoup f rirent ramenés à Dieu et y ont persévéré;

- d'autres ont connu la piété au milieu de leurs craintes et sont retournésii leur aveuglement clés que le calme les a rassurés. Dieu seul sait tirerle bien du mal. Il l'a montré alors.

Révoqué au mois tic mars 1848, M. La Flagne rie futrappelé dans la magistrature qu'en 18.50. 11 fut placé, aumois de janvier de cette année, à la tête du parquet deVelld(nle

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48Mes résolutions élaieiit prises d'avance, j-entendais me poser comme

un catholique avoué, ce qui était une espèce de courage dans un tempsoù les passions étaient si agitées et où l'on attendait avec impatience,pour espérer ou pour craindre, quelle serait l'attitude prise par les fone-tionnaires envoyés par le gouvernement. Dès mes premières visites, jem'expliquai nettement... Après mes fonctions, qui ne me donnaient pasgrande besogne, mon premier soit' lot d'essayer l'établissement d'unesociété de Saint-Vincent-de-Paul. Je mcii ouvris, dés mit première visite,au curé de la 'Trinité, qui reçut froidement ma proposition, me dit queje ne réussirais polit et néanmoins m'in(iiqua trois ou quatre personnesk qui je pouvais m'adresser. -

J'allai de suite chez le professeur de philosophie du collège, nomméM. de Mèche, qui entra avec ardeur dans mes vues;- ensuite, de concertavec CO bon jeune homme, j'allai de maison en maison, d'api-ès la listedu curé, et avant; la fin du jour nous étions six associés, dont un ancienmeunier retiré, un vieux sous-officier en retraite et deux autres- d'unecondition aussi modeste. Le lendemain. première réunion au presbytère.et les jours suivants, visite de familles pauvres, toujours s tir l'indicationdu curé. -

Cette première tentative fit parler toute la villeS les fonctiomiairesont ordinairement des habitudes et (les idées si opposées i celles quej'affichais, que les trois quarts des fonctionnaires de la ville trouvèrentma conduite étrange, paradoxale et digue de blême, tandis qu'un grandnombre d'habitants la louaient et reprenaient courage, dans un temps oùtoute manifestation catholique faisait- montrer au doigt. Il arriva que toutce qui dans la ville avait des sentiments catholiques se mit (le mon côté.

Cette petite société de Saint-Vincent-de-Foui avait commencé mitresix personnes, elle finit par compter vingt-cinq membres actifs et plus decinquante honoraires, elle recueillit 3.000 francs d'aumônes par année,elle secourut plus de cinquante familles pauvres: mais surtout elle futpour tous ses adhérents un moyen rie se soutenir et de persévérer dans lapratique de l'a vertu. Elle acquit même une telle notoriété dans le pays,que plusieurs des petites villes du voisinage, même de simples chefs-lieux de canton, établirent k son exemple des conférences pins ou moinsnombreuses et actives qui prospérèrent et mirent en relief des noyauxde personnes chrétiennes qui précédemment vivaient isolées.

pendant tout le temps que j'ai passé à Veodônie, les réunions généralesde la conférence eurent ni' véritable succès; la vaste mile de l'école lesFrères, 0f' nous nous assemblions ces jours-là, était \ peine suffisantepour contenir le public. Les discours réciproques, les comptes rendus desoeuvres, toujours maintenus su" le ton d'aise t'o,niliarité et d'une gaietéle hon,ie compagnie, excitaient l'attention et- plaisoieii t tant que, loi,lin. se Hélerait que fort t;it,d - -

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NOIES. 49Un jour. le loti miré (le la Trinité Ille fit. duci.e qnon otl ir,ier do nia tin e

désirait assister à l'uic de nos réunions ordijittires. 11 se nommaitM. de Cuers, capitaine de frégate; jauni Id trouver airpresbytère; jevis un homme déjà sur le retour, froid et tranquille, qui m'annonça quese trouvant en congé de débarquement nprés aile longue campagne, ilvoulait, cil profiter pour propager l'oeuvre do l 'Adoration nocturne dutrès Saint-Sacrement. Déjà, dans air nornhi'e de villes, sous inprotection et avec l'Csieouiugememit (lit clergé, il avait décidé des hommesà se réunir une fois chaque mois, l 0 ' passer la nuit ail pied de l'auteloù le Saint-Sacrement était exposé. Dans une dépendance de l'égliseait quatre matelas eCu donnaient quatre personnes, tandis quodeux autres priaient devant le Saint-Sacrement.. Chacun avait donc deuxheures d'adoration, divisées cri doux factions, et ainsi les douze heuresde In nuit s'écoulaient.

il semblait fort difficile de trouver, dans une petite ville comme Yen-dôme, six hommes disposés à une pareille entreprise. qui (levait lesexposer à la risée du public. Cependant

'dés le soir de l'arrivée de M. de

O,iers, les six adorateurs étaient trouvés et passaient la nuit. Le premierfut M. llem'i Sus, sous-lieutenant air régiment de chasseurs à cheval,ancien sous-officier des chasseurs d'Afrique, converti depuis deux eu troisnias, Cette oeuvre, toute difficile qu'elle fût, s'établit et persévéra. Ellecomptait encore tans ses fidèles lorsque je quittai Veuidônie.

[E]

M. La Plagac épousa, en mars 1851, Mademoiselle CamilleZaugiacomi, fille du baron Prosper Zaugiaconli, conseiller k inCour d'Appel de Paris, et de dame Gantier d'Aiyarde.

Ce mariage unissait deux des plus grands noms de la magis-trature moderne. Mademoiselle Zangiaeomi était M petite-filed'un illustre magistrat, le baron Joseph Zangiaeomi, premierprésident k la Cour de Cassation et pair de France (1), quiexerça ses hautes fonctions jusqu'à l'âge de qllatre-viugt-huitnias, toujours avec un éclat incomparable, sans que l'extrêmevieillesse ait diminué en rien son intelligence, restée jusqu'à

(il le auuthlent. Zamigiacoini était né ii Naney wa I 75. Son péit, originaire rlitnli,,s'était atrocité iii roi de l'u,iogne, Stantslas. et . lavait suivi (ni Lonulne; sa aère,Camulie 'lu )1iItels. .5,,s,'endaii l'une saudue Illustre. le la MaIson des Iléuliu,Is.

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5e Noius.

la fin aussi vive, aussi entière que dans sa jeunesse, et dont lenom, entouré d'une estime universelle, est placé parmi lesjurisconsultes les plus renommés de notre temps.

1,a bénédiction nuptiale fut donnée aux jeunes époux dansl'église de La Madeleine, par S. E. le cardinal Gousset. Aitsortir de l'église, le vieux cardinal, heureux et ému du bonheurde son jeune ami, prit M. La Plagne dans ses bras et le serratendrement sur son coeur, puis, s'approchant de la jeuneépouc, il l'embrassa paternellement et lui dit t RemerciezDieu, Madame, de vous avoir fait la plus heureuse desfemmes. »

[F]

Le lendemain de la mort de M. La flagne, le Conseil muni-cipal de Montesquiou u pris la délibération suivante

L'an 1888 le 10 novembre. le Conseil municipal de la commune deMontesquiou s'est réuni à la mairie, à l'occasion des fiutérailles de M. Jean-Pan! Lacave La Elagne Barris, ancien Conseiller à la Cour d'Appel (leParis; chevalier de la Légion d'honneur.'fle Conseil, considérant que M. Paul La Magne Barris n été le bienfai-

teur de la commune, saisit avec empressement cette occasion pour témoi-gner sa reconnaissance à sa famille, et ses regrets pour la perte doulou-reuse qu'elle vient (le faire.

Ainsi délibéré, hors session, eu séance, les jours. mois et an que dessus,et ont signé les membres présents.

(Suirent lhs riq;:oturca.)

[G]

M. La Plagne a écrit dans le Nécrologe de la chapelle duchâteau de i.,a PIa.gne le récit de la mort de son fils Cyprien,emporté dans sa dixième année pal 1IIIC angille couenneuse, le

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NOTES. M

18 juin 1868. Quelle foi ardente! Quelle héroïque résignation!Quelle douleur poignante, mais toujours chrétienne, se pei-gnent dans ces pages admirables que leur nombre nous empêchede reproduire. Voici le récit de la première communion del'enfant, faite sur sois lit de mort

Monsieur l'abbé Miehand, vicaire (le La Madeleine 7 nuira; il revêtitles habits sacerdotaux; nous tombâmes à genoux; le silence n'était inter-rompu quo par les sanglots étouffés. Cyprien se mit sur sou séant, lasoeur le soutenait légèrement; ses grands yeux ardents se fixèrent sur lasainte Hostie qui approchait il joignit les inaiiis, ouvrit avec respect seslèvres, présenta doucement sa langue et reçut Notre-Seigneur Jésus.Au bout d'un moment, la soeur lui lit avaler un peu d'eau dans une petitecuiller, puis sa tête se renversa doucement sur soit ses yeuxrestèrent levés vers le Ciel et ses mates jointes. Il bénissait Dieu, il leremerciait (Te la grâce insigne et suprême qu'il recevait sur lit dedésolation et «épreuve. Je priai â haute voix pour l'aider A rendre sesactions de grâce, qui étaient bien plusagréables à Dieu que Joutes nosmisérables et impuissantes prières. Cette jeune âme, guérie du péché. étaitdésormais unie à son Créateur pour l'éternité.

Qua ,'ot,-ibvanb Domino. Et comment ma nature est-elle si aveugle etsi corrompue que je me laisse accabler par le regret et la douleur d'avoirvu mourir Sémphine, Marie et Cyprien, puisque ces chers enfants n'ontquitté la vallée de larmes que pour entrer dans ce séjour (le gloire et debonheur inénarrable qui est notre Patrie? Pourquoi pleurer toujours? Mesfilles se tiennent devant le trône de Dieu; Quia sien iaventitm est

in "c,re coran. Mou fils Cyprien na connu ni le mensonge ni larévolte; son coeur était simple et doux; sou âme droite, ignorante ticsdétours. -

Puis vient le récit des derniers moments. L'enfant a subiavec un courage do petit martyr l'opération de la trachéoto-mie. Mais il est marqué pour le Ciel; les ressources de lascience, l'affection, les soins de ses parents ne peuvent Plus leretenir sur la terre, il va mourir et entrer dans le Ciel

Cc dimanche (jour (le la mort) fut un grand jour, je pourrais presquedire un jour hem-eux. Je croyais que môn fils allait mourir, mais je pen-sais avec bonheur qu'il était préparé pour le Ciel. Je le lui disais; je luiannonçais que la très sainte Vierge, les anges, les saints allaient venir A

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NOIES.la rencontre de son ftmo lorsqu'elle quitterait son corps pour s'envolervers le Ciel; et il m'entendait, et il 'ne comprenait, et il ne songeait mémePas à guérir.

Enfin, sur le soir, les inges du Ciel viennent chercher l'âmevirginale de l'enfant, et le père, agenouillé près de la chèredépouille, exhale sa douleur dans cette humble et ardenteprière:

Sit ,Io,aes Dam un c,npc, bcncdirtem. Je souffre beaucoup, 'non coeurest brisé. Mon Créateur et mon Dieu, je ne puis rien que pleurer. J#siaDci. jtuiieio ,judi cet ars rua,. Jevons supplie, le front courbé sur la terre. (lenie pardonner mes péehS, afin que je jouisse un jour avec taon fils etmes filles de cette gloire que vous avez donnée an bon larron, bien moinscoupable il est vrai que moi, et aussi à tant d'autres pécheurs. Je sais quej'ai péché, mon Seigneur. mon Dieu tout puissant 1 Vus mains ont pétrima chair et formé mes os, elles les ont couverts de la peau et des nerfs,Fiagmarc,unt vas; n'accablez pas votre propre créature qui est pire queles vers et la pourriture, puisqu'elle s'est révoltée, 'nais qui est vot.,ecréature. Soa,"en-i-ous que volas n,,nvea fait.

[H]

Arrive à Reuns (août 1846), M. La Plugue se logea et pritpOalsioll chez M. le chanoine Mailhe. Il trouva dans cette viecommune une existence tranquille, une sauvegarde et eu mômetemps la libre jouissance dune riche bibliothèque ecclésias-tique. Le bon chanoine parla de son hôte à Mgr l'Archevêquede Reims. Citons les Souvenirs

Je ne tardai pas à étau accueilli avec limité par itIgr Thomias Gousset.archevêque, et depuis cardinal. Il recevait des visites tous les soirs. Onrencontrait dans son salon quelques laïcs habitués et plusieurs ecclésias-tiques distingués par leur esprit ou par leur science. Fréqneminent un yvoyait des évêques (Te la province, ou des religieux distingués. J'y aiconnu le pieux et savant dom Pitra. religieux bénédictin, auteur duSoioiiegiuni Suleginonse et de beaucoup d'autres ouvrages; Mgr de Prélly,évêque ale Châlons-sur-Marne; Mgr \'nrroles. évêque de Colonabv. vicaire

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apostolique de la Mandchourie, qui avait souffert pour la foi, et plusieursmissionnaires apostoliques.

L'archevêque de Reims est un homme dune science profonde, d'unelucidité [L'esprit extraordinaire, qui donnent à sa conversation un charmeet nue utilité rares. Chaque soirée passée à l'écouter me faisait gagnerquelques points de doctrine; il n dissipé beaucoup de préjugés que jeconservais, et m'a rendu un immense service en me montrant la nécessitérie m'instruire de nia. religion.

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