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« Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire. » (Lénine, 1902, Que faire ?) Les dossiers du PCMLM Décadence du capitalisme Le « national-socialisme » Octobre 2014 (1 re édition) Parti Communiste Marxiste-Léniniste-Maoïste de France

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« Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire. »

(Lénine, 1902, Que faire ?)

Les dossiers du PCMLM

Décadence du capitalisme

Le « national-socialisme »

Octobre 2014 (1re édition)

Parti Communiste Marxiste-Léniniste-Maoïste de France

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Les dossiers du PCMLM

Résumé

Table des matières1. Un projet anti-dialectique et romantique................................................................................................22. « Le drapeau levé »................................................................................................................................33. Une conception « organique »................................................................................................................44. La conception des S.A. selon Adolf Hitler..............................................................................................55. Une organisation méthodique.................................................................................................................76. Socialisme prussien et révolution conservatrice......................................................................................97. Rudolf Jung, le premier national-socialiste, modèle pour Hitler et le parti nazi..................................118. Le « socialisme national » de Rudolf Jung...........................................................................................129. De la « landsturm » à la « volkssturm »..............................................................................................1310. Clausewitz et les milices « nationales » par en haut..........................................................................1511. Le rôle du proudhonisme de Gottfried Feder......................................................................................1612. L'usurier comme figure générale internationale et particulière locale.................................................1713. L'appui logique du grand capital au national-socialisme....................................................................1914. Le parti nazi et le grand capital..........................................................................................................2115. La remise du pouvoir au parti nazi.....................................................................................................2216. L'idéologie S.S. comme excroissance et superstructure.......................................................................2317. L'absence de contradictions réelles au sein des S.A............................................................................2518. Les contradictions au sein de l’État nazi............................................................................................2719. La prétendue « nuit des longs couteaux »..........................................................................................2820. Les caractéristiques générales..............................................................................................................29

1. Un projet anti-dialectique etromantique

Le « national-socialisme » est un phénomènepropre au capitalisme en crise : il s'agit d'uneréponse qui lui est immanente, naturelle.Tentant de prolonger son existence, lecapitalisme tente de s'unifier intérieurement, cequi signifie nier les luttes de classe au sein de lasociété. À côté de cela, il s'agit de satisfaire sespropres besoins, et cela signifie la guerre. Cesdeux aspects ont besoin d'une idéologie qui soitcommune, qui permette tant un aspect quel'autre, et tel est le sens du national-socialisme.

La version la plus connue, car la plusaboutie, est bien entendu le national-socialismequi a existé en Allemagne, avec Adolf Hitler à satête. Néanmoins, il a existé et il existe de

multiples autres variantes, moins abouties maistendant à la même dynamique. On trouve ainsien Italie le fascisme, en Espagne le « national-syndicalisme », en Hongrie le mouvement des« croix fléchées », en Roumanie le mouvementde la « garde de fer », etc.

Comprendre sa nature est fondamentale à quiveut tant s'opposer au fascisme que comprendrela logique de destruction du capitalisme en finde vie. L'une des erreurs les plus courantesconcernant le national-socialisme allemand estpar exemple de l'associer à l’œuvre d'AdolfHitler intitulée Mein Kampf, c'est-à-dire « Moncombat ». C'est là quelque chose de tout à faiterroné : s'il faut associer directement quelquechose au national-socialisme, alors cela doit êtreles « S.A. », les « sections d'assaut »(« Sturmabteilungen »).

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Le « national-socialisme »

Le national-socialisme, et cela dans toutes sesvariantes, exprime en effet un romantisme. Il nes'agit pas d'un mouvement « conservateurrévolutionnaire », comme ont pu l'être denombreuses dictatures semi-fascistes, commel'État-corporatiste de l'austro-fascisme ouencore le franquisme espagnol, et finalementd'ailleurs le national-socialisme lui-même unefois au pouvoir, cela tant en Allemagne qu'enItalie. Le national-socialisme, tant qu'il n'estpas parvenu au pouvoir, se veut un mouvement« élémentaire », partant de la base, exprimant lebesoin de socialisme et considérant que la voienationale permet d'arriver à ce socialisme.

Le national-socialisme est ainsi le mouvementcontraire du communisme. Là où le communismeparle de « pensée guide », où le dirigeantportant cette pensée est à l'avant-garde et doncrejoint par les autres, dans le national-socialisme le « Führer » est au-dessus de tout etne peut pas être rejoint. Là où le communismeaffirme la nécessité de changer de mode deproduction car la contradiction est interne, lenational-socialisme explique que la contradictionest externe et que les soucis du capitalismeproviennent d'un « parasitage ». Là où lecommunisme explique qu'il faut dépasser lacontradiction villes/campagnes, le national-socialisme prétend avoir trouvé un rapport nonconflictuel avec la nature, qui est« métaphysique », « spirituel », etc.

Le national-socialisme, c'est ainsi unemachine de guerre de contre-propositions visantdirectement le communisme, le matérialismedialectique. Refusant la dialectique commevision du monde, refusant le principe de lacontradiction interne, le national-socialismeprétend purifier, nettoyer, remettre sur pied, etpour cela il a besoin bien entendu d'unanticapitalisme romantique violent, del'antisémitisme. Le national-socialisme se veutdonc un élan naturel pour contrer le« parasitage », et s'affirme révolutionnaire, cardésireux de renverser tout ce qui est lié à ceparasitage.

Le national-socialisme se présente donc unmouvement voulant changer de régime, mais, enfait, il veut en conserver la base, en prétendantseulement l'épurer. Le caractère vain de cetteentreprise nécessite bien entendu alors deuxchoses une fois l'arrivée au pouvoir : toutd'abord, la liquidation de ceux qui seraientporteurs d'une illusion de changement de régimeen tant que tel, et ensuite mener la guerrerelativement rapidement pour profiter de lamobilisation de masse et, de toutes manières,pour maintenir l'économie qui devient uneéconomie de guerre à court ou moyen terme.

Le national-socialisme est par conséquent unmouvement puissant et l'on comprend que labourgeoisie n'assume d'aller en ce sens quelorsqu'elle est aux dernières extrémités. C'estd'ailleurs sa fraction la plus agressive, portéepar les monopoles, qui prend la direction del’État et porte en tant que tel le national-socialisme.

2. « Le drapeau levé »

L'idéologie national-socialiste est synthétiséele mieux dans la chanson de la S.A., intituléeChanson de Horst Wessel. Cette chanson n'ad'ailleurs pas été que l'hymne de la S.A., maiscelle du parti nazi lui-même. Elle futsystématiquement chantée, de 1933 à 1945,après l'hymne allemand dans les cérémoniesofficielles. Horst Wessel rejoignit le parti nazi en1926 et devint une des principales figures de laS.A. berlinoise, extrêmement violente et étantdans une situation extrêmement difficile dansune ville étant un bastion communiste. Il futpar la suite exécuté dans des conditionsobscures, liées plus ou moins à la prostitution,mais son histoire fut récupérée comme symbolepar le parti nazi, qui en fit un martyr, il futmême raconté que les autres S.A. refusèrent àun médecin juif d'intervenir alors qu'il étaitgrièvement blessé, etc.

Le contenu de la chanson reflète parfaitementl'idéologie S.A., associant le communisme auxréactionnaires, et prétendant trouver une

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« troisième voie ». La démarche qui compte estcelle de l'élan national, dans une dynamiqueromantique collective.

Le drapeau hautLes Rangs bien serrés.La SA marcheD’un pas calme et ferme !Dans nos esprits les camarades fusillés parle Front rouge et la réactionMarchent dans nos rangs avec nous !

Libre la ruePour les bataillons bruns.Libre la ruePour le membre de la Section d'Assaut !Déjà pleins d'espoir par millions ilsregardent la croix gammée.Le jour de la libertéEt du pain surgit !

Pour la dernière foisL'alarme pour l'assaut est sonné !Pour le combat nous nous tenonsDéjà tous prêts !

Bientôt les drapeaux de Hitler flottent surtoutes les ruesLa servitude n'en a plus pour longtemps!

Il y a ainsi deux caractéristiques essentiellespour comprendre le national-socialisme. Toutd'abord, le romantisme est également collectif etnon pas simplement individuel comme dans lecourant de la « révolution conservatrice », qui seveut élitiste et aristocratique. Ensuite, il y a unedimension « grandiose », affirmant l'épopée. Iln'est pas difficile de comprendre que ces deuxaspects visent directement à récupérer lesmasses tendant au communisme, ni de voir quesi le communisme ou l'antifascisme necomprennent pas les attentes des masses quant àune sortie totale de la crise du capitalisme, ilsne sauraient triompher.

En fait, c'est une course, où le national-socialisme tente de déborder le matérialismedialectique, de le prendre de vitesse, enprésentant des choses qui ont l'apparence d'unprogrès, mais n'aboutissant qu'à réimpulser lecapitalisme. C'est la signification de ladimension « totale » du national-socialisme,opposée à la dimension réellement totale, pourle coup, de la révolution socialiste.

3. Une conception « organique »

La dimension paramilitaire, voire militaire,des formations politiques est une donnéeessentielle des luttes de classe en Allemagneaprès 1918. À l'opposé de la France victorieuse,le pays est marqué par un changement derégime puisque la monarchie s'est effondrée, etdoit de très importantes « réparations » deguerre. Les forces réactionnaires sont trèspuissantes et tentent des coups d’État, alors quedu côté révolutionnaire, depuis l'échec de larévolution de 1918, c'est une lente et patienteréorganisation des très larges mouvements demasse qui a lieu, pavant la voie à un puissantParti Communiste.

Dans ce contexte, Adolf Hitler donna l'ordrede formation de la S.A. dès le 3 août 1921.Depuis ce moment-là, les S.A. se considéreronttoujours comme ayant une place à part, et ce,même après 1933. Les S.A. se voyaient commeles soldats politiques du national-socialisme : àleurs yeux, ce n'était pas les élections, mais leurpropre mouvement qui avait permis l'avènementdu régime hitlérien. Les S.A., dans leurexistence en tant qu'organisation, sedéfinissaient eux-mêmes comme des gens d'uneabnégation complète, d'un engagement absolu.Cela sous-tend que, pour eux, l'aspect centraldans l’État nazi après 1933 n'est pas l’État lui-même, mais le « peuple » compris comme unitéethnique, morale, culturelle et « spirituelle ».

L'effet « boule de neige » du recrutementrenforça encore plus cette dynamique. Au milieudes années 1920, les S.A. comptaient environ30.000 membres, et le double environ en 1930. Àpartir de là, et surtout de la crise économiquede 1929, la tendance ne cesse plus. Les S.A. sont100.000 au milieu de l'année 1931 et seretrouvent à 500.000 personnes en 1933.

Les S.A. se considéraient comme l'expressioninvincible du « peuple » compris racialement,comme une apparition « naturelle » venant dela société elle-même. D'une certaine manière,leur démarche se veut pratiquement apolitique,toutes les tâches sur ce plan étant d'ailleurs

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Le « national-socialisme »

laissées au parti nazi existant parallèlement.Cela formera bien entendu une contradictiondangereuse pour le parti nazi durant tout letemps où le régime se maintiendra. Mais lesS.A. ont été organisées dès le départ de manièremilitaire, avec un encadrement strict, différentsstatuts de responsables intermédiaires, unrèglement intérieur, etc. Or, toute cettetradition militaire sera systématiquementutilisée après 1933 pour appuyer lamilitarisation de la société.

Les S.A., qui ne sont pas moins de 1,2millions en 1938, continueront d'avoir leurpresse, d'organiser des défilés de type militaire.Ils organiseront des compétitions de sport, descampagnes d'agitation, des meetings. Ilsjoueront un rôle important dans la prise decontrôle des Sudètes et de l'Autriche. Ilsparticiperont également par la suite à lasurveillance des villes, à la capture desparachutistes des forces alliées. Ils iront voir lesveuves des S.A. morts et rendront visite dans leshôpitaux aux S.A. blessés.

Ils joueront un grand rôle dans la premièreformation militaire, notamment le tir, des jeuneshommes qui sont trop âgés pour la jeunessehitlérienne mais encore trop jeunes pourl'armée. Les S.A. ayant rejoint le frontenvoyèrent régulièrement des lettres à la pressede leur section locale, présentant évidemmentsous un jour favorable la « camaraderie »militaire. Les S.A. auront donc une continuitépratique, même si bien entendu la guerre lesdésorganisera pour beaucoup, leur enlevant pardéfinition leur base qui devient soldats. En 1944,70 % des S.A. sont devenus soldats, et même86 % de leurs cadres.

Ce qui compte cependant ici est que les S.A.se sont toujours conçus comme les « milices »naturelles du peuple allemand, dans uneperspective « organique ». Les S.A. se définirontpratiquement comme ceux qui « servent » lepeuple, et cela toujours dans l'action : les S.A.combattront sans cesse les tentatives d'allerdans le sens d'une réflexion, d'une idéologie

autre que « l'Allemagne ». L'Allemagne a serviici de fantasme communautaire utilisant lesforces vives désireuses de rendre service, que cesoit pour enlever la neige ou pratiquer du sport,et le national-socialisme utilisa cela afind'encadrer, de militariser et de monter enprogression dans le militarisme.

4. La conception des S.A.selon Adolf Hitler

D'où provient l'attribution à Mein Kampfd'une telle importance pour le national-socialisme, au lieu de voir les S.A. commeélément central ? En fait, la confusion a eu lieucar la bataille politico-militaire de la S.A. a étéd'une violence inconnue pour la plupart desautres pays. On prétend ainsi encore en Francequ'Adolf Hitler a été élu « démocratiquement »,alors que les dernières élections de la républiquede Weimar en mars 1933 ont été marquées parune violence extrême des S.A.. Un autre aspecttrès important qui n'a pas été vu est que,justement, Mein Kampf traite notamment desS.A., dans le chapitre 9 de la seconde partie.C'est-à-dire que Mein Kampf pose justement lesS.A. comme élément moteur du national-socialisme.

Voici ce que dit Adolf Hitler :

« La force de l'ancien État reposaitprincipalement sur trois colonnes : saforme monarchique, son corps defonctionnaires administratifs et son armée.La révolution de 1918 a aboli la forme del’État, a dissous l'armée et a livré le corpsdes fonctionnaires à la corruption despartis ; les appuis essentiels de ce qu'onappelle l'autorité d’État étaient ainsiabattus […].Tout peuple considéré dans son ensembles'articule en trois grandes classes : d'unepart, un groupe extrême, composé del'élite des citoyens est bon, doué de toutesles vertus, et par-dessus tout, estremarquable par son courage et par sonesprit de sacrifice ; à l'opposé, un autregroupe extrême, composé du pire rebutdes hommes, est rendu exécrable par laprésence en son sein de tous les instinctségoïstes et de tous les vices.Entre ces deux groupes extrêmes est latroisième classe, la grande et large classemoyenne, qui ne participe ni à l'héroïsme

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éclatant de la première ni à la mentalitévulgaire et criminelle de la seconde. Lespériodes d'ascension d'un corps social seproduisent, il faut le dire, exclusivementsous l'impulsion de la classe extrême desmeilleurs citoyens.Les périodes de développement normal etrégulier ou d'état stable, se produisent etdurent visiblement lorsque dominent leséléments moyens, tandis que les classesextrêmes ne bougent pas ou s'élèvent. Lesépoques d'effondrement d'un corps socialsont déterminées par l'arrivée au pouvoirdes pires éléments […].Si les meilleurs ont eu le dessus, la grandemasse les suivra ; si ce sont les pires, ellene s'opposera pas, tout au moins, à leuraction : car la masse du centre necombattra jamais […].Que l'on pense donc, avant tout, quel'année 1914 a mis sur pied des arméesentières de soi-disant volontaires, qui, parsuite du criminel manque de conscience denos propres-à-rien de parlementaires,n'avaient reçu, en temps de paix, aucuneinstruction de quelque valeur : ils furentdonc livrés à l'ennemi comme une chair àcanon sans défense.Les quatre cent mille hommes quitombèrent alors, tués ou mutilés dans lesFlandres, ne purent plus être remplacés.Leur perte n'était plus seulementnumérique. Leur mort fit rapidementpencher la balance et pas du bon côté :plus lourds qu'auparavant pesaient leséléments de grossièreté, d'infamie et delâcheté, bref, la masse extrême, lamauvaise […].Peu à peu les combattants des barricades[en 1918], spartakistes, d'un côté et, del'autre, les fanatiques et les idéalistesnationalistes, perdirent tout leur sang ; et,dans la mesure même où ces deux partisextrêmes s'usaient l'un contre l'autre, lamasse du centre, comme toujours, restaitvictorieuse. La bourgeoisie et le marxismese rencontrèrent sur le terrain des faitsacquis et la République commença dès lorsà se consolider […].Ce qui avait donné naguère la victoire aumarxisme, ce fut la parfaite cohésion entreleur volonté politique et leur brutalitédans l'action. Ce qui priva entièrementl'Allemagne nationale de toute influencesur le développement du sort del'Allemagne, ce fut l'absence d'unecollaboration de la force brutale avec unevolonté nationale.Quelle que fût la volonté des partis« nationaux », ils n'avaient pas la moindreforce pour la faire triompher, du moinsdans la rue. Les ligues de défense avaientla force, elles dominaient la rue et l’État,mais elles ne possédaient aucune idéepolitique ni aucun but politique, pour

lesquels leur force aurait pu être engagée,dans l'intérêt de l'Allemagne nationale […].Ce qui distingue essentiellement le serviced'ordre du mouvement national-socialistede cette période de toutes les ligues dedéfense, c'est qu'il ne fut ni ne voulutêtre, même dans la plus faible mesure, leserviteur des conditions créées par larévolution, mais qu'il combattitexclusivement pour une Allemagnenouvelle.Ce service d'ordre avait, il est vrai, audébut le caractère d'un service deprotection des salles. Sa première tâcheétait limitée : il devait assurer lapossibilité de tenir des réunions sans quel'adversaire pût les saboter. Il avait d'oreset déjà été créé pour attaquer à fond, nonpar adoration exclusive de la matraque -comme on le prétendait dans les stupidescénacles des racistes allemands - maisparce que l'idée la plus élevée peut êtreétouffée si son protagoniste est assomméd'un coup de matraque. C'est un fait quebien souvent, dans l'histoire, les têtes lesplus nobles tombèrent sous les coups desderniers des ilotes.Notre organisation ne considérait pas laviolence comme but en soi, mais voulaitprotéger contre la violence ceux quipoursuivaient des buts idéaux. Et ellecomprit en même temps qu'elle n'avait pasà assumer la protection d'un État quin'accordait aucune protection à la nation,mais qu'elle devait, au contraire, secharger de la défense de la nation contreceux qui voulaient détruire le peuple etl’État […].Seul, le développement de nos propresservices de protection pouvait garantir lasécurité de notre mouvement, et lui attireren même temps l'attention et l'estimegénérales qu'on octroie à celui qui sedéfend lui-même quand on l'attaque.Notre idée directrice pour l'organisationintérieure de cette section d'assaut, futtoujours d'en faire, outre une troupe dechoc parfaite, une force moraleinébranlablement pénétrée de l'idéalnational-socialiste, et d'y faire régner ladiscipline la plus stricte. Elle ne devaitavoir rien de commun avec uneorganisation bourgeoise de défense, ouavec une société secrète […].Ce dont nous avions besoin, ce n'étaientpas de cent ou deux cents conspirateursaudacieux, mais de centaines de milliersde militants fanatiques épris de notreidéal. Il fallait travailler non pas dans desconciliabules secrets, mais par depuissantes démonstrations de masses, et cen'était point par le poignard ou le poisonou le révolver que le mouvement pouvaitvaincre, c'était seulement par la conquêtede la rue.

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Le « national-socialisme »

Nous devions faire comprendre aumarxisme que le national-socialisme étaitle maître futur de la rue, et qu'il serait unjour le maître de l’État […].Le marxisme avait triomphé non pas grâceau génie supérieur d'un chef quelconque,mais à cause de la faiblesse pitoyable etsans bornes, à cause du lâche renoncementdu monde bourgeois. Le reproche le pluscruel qu'on puisse faire à notrebourgeoisie, c'est de constater que larévolution n'a pas mis en vedette lemoindre cerveau, mais qu'elle l'a soumisequand même.On peut encore comprendre qu'on puissecapituler devant un Robespierre, unDanton, un Marat, mais il est scandaleuxde s'être mis à quatre pattes devant legrêle Scheidemann ou le gros Erzberger,ou un Friedrich Ebert, et tous les autresinnombrables nains politiques. Il n'y eutvraiment pas une tête dans laquelle onaurait pu voir l'homme de génie de larévolution. Dans le malheur de la patrie, iln'y avait que des punaisesrévolutionnaires, des spartakistes depacotille en gros et en détail […].Si la S.A. ne devait être ni uneorganisation de défense militaire, ni uneassociation secrète, il fallait tirer de celales conséquences suivantes. 1° Leurentraînement devait avoir lieu non passous l'angle de leur utilité militaire, maissous celui de leur conformité aux intérêtsdu parti.Dans la mesure où leurs membres devaientse perfectionner au point de vue physique,le centre de gravité ne devait pas êtredans les exercices militaires, mais plutôtdans la pratique des sports. La boxe et lejiu-jitsu m'ont toujours paru plusessentiels qu'un entraînement au tir, quine pouvait qu'être mauvais, parcequ'incomplet.Qu'on donne à la nation allemande sixmillions de corps parfaitement entraînésau point de vue sportif, brûlants d'unamour fanatique pour la patrie et élevésdans un esprit offensif le plus intense ; unÉtat national en saura faire, en cas debesoin, une armée en moins de deux ans,si toutefois il y a des cadres […].2° Pour empêcher dès l'abord que la S.A.revête un caractère secret, il faut que,indépendamment de son uniforme auqueltous peuvent immédiatement lareconnaître, ses effectifs, par leur nombremême, soient utiles pour le mouvement etconnus de tous. Elle ne doit pas siéger ensecret ; elle doit marcher à ciel découvertet se consacrer à une activité qui dissipedéfinitivement toutes les légendes sur son« organisation secrète ».Pour préserver aussi son esprit de toutesles tentations de nourrir son activité par

de petites conspirations, on devait, dès ledébut, l'initier complètement à la grandeidée du mouvement et l'entraîner sientièrement à la tâche de la défense decette idée, que son horizon s'élargiraitaussitôt et que chacun de ses membres neverrait plus sa mission dans l'éliminationde tel filou plus ou moins grand, mais ledon total de soi en vue de l'édificationd'un nouvel État national-socialiste etraciste […].3° Les formes de l'organisation de la S.A.,ainsi que son uniforme et son équipement,ne devaient pas suivre les modèles del'ancienne armée ; elles devaient seconformer aux besoins de la tâche qui luiincombait. »

5. Une organisation méthodique

Les S.A. avaient une démarcheparticulièrement agressive, principalement dansles années 1931-1932, années de guerre civilelarvée. Un exemple parlant est la situation àBerlin en juin 1930 : en une semaine il y eut pasmoins de 25 attaques par les S.A., avec commebilan 5 morts, 38 grièvement blessés, 75 légers.Par la suite, la situation ne fit que s'envenimer.Un autre exemple berlinois fut, le 12 septembre1931, à l'occasion du nouvel an juif appelé RoshHashana, lorsque les S.A. menèrent une grandeopération antisémite dans le quartier chic del'avenue Kurfürstendamm (qui fait 3,5kilomètres de long), dont un quart despersonnes y vivant étaient juives. Agissant ainsi,ils prolongeaient des activités antisémitesrécurrentes dans ce quartier, notamment lesamedi soir. Pendant 45 minutes et en absencede toute police, 1000 S.A. agressèrent ainsi lespersonnes ayant « l'air » juif à leurs yeux etattaquèrent la sortie d'une synagogue.L'organisation était méthodique : les chefs setrouvaient dans un camion roulant sur l'avenueKurfürstendamm et envoyaient des émissaires enmoto pour informer les troupes.

Le principe même des S.A. tient précisémentà cette intervention brutale, marquant lesesprits, avec comme principe l'apparition d'unejeunesse de moins de 30 ans (et surtout entre 20et 25 ans) en uniforme brun, en adoptant unedémarche militarisée, avec une stricte hiérarchie.Les personnes au-dessus de 40 ans pouvaient

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éventuellement faire partie de la « réserve » desS.A., utilisée si besoin était. Afin de renforcerl'unité et la discipline, les S.A. disposaient surleurs uniformes, chacun payant le sien, de signesindiquant les grades et même l'originegéographique, sur une base s'appuyant sur lessymboles impériaux. Chaque section disposaitde son propre drapeau nazi à son nom, avec destailles réglementaires et obligatoires, et cedrapeau, comme les responsables S.A., devaientobligatoirement être salués.

De fait l'objectif est bien sûr physique, dansune logique d'affrontement, mais il estégalement idéologique-culturel. D'ailleurs, lesS.A. ne possédaient pas de formation politiqueen tant que telle, malgré diverses tentatives à ceniveau. A partir de 1930, une périoded'accompagnement de quatre semaines étaittoutefois théoriquement nécessaire à tout nouvelS.A. avant d'obtenir une adhésion complète,mais il est évident qu'en pratique ce n'est pascela qui comptait pour les chefs locaux. Leprogramme tenait à la démarche même, comme« vision du monde ». Les uniformes, lesdrapeaux et les bannières, les marchesorganisées en détail, la musique militaire, leschansons militantes, tout cela formait unensemble précis, devant former un appel d'airactiviste. Les S.A. se divisaient en pratique toutd'abord en regroupement de 4 à 12 personnes,formant au niveau supérieur une troupe d'unevingtaine à une soixantaine de personnesenviron. Trois de ces regroupements formaient la« section » en tant que telle. Deux niveauxsupérieurs existaient encore, regroupant àchaque fois trois unités du niveau inférieur,permettant à la fois donc des interventionslocales et d'autres en grand nombre, avecplusieurs centaines de personnes.

Au-delà de la dimension militaire, il y a unedimension politique conforme à l'idéologie desS.A. comme « levée en masse » populaire. Eneffet, dès qu'une unité à un certain niveau aatteint un certain niveau de croissance, elle sedivise telle une cellule, en deux unitéséquivalentes. Géographiquement, cela signifie

aussi que le niveau d'intervention se réduit aufur et à mesure. La S.A. « Standarte I » agissaiten 1926 sur l'ensemble de la ville de Berlin.Suite à la croissance et à la division s'enprocédant, elle n'agissait plus en 1928 que danstrois quartiers : Spandau, Charlottenburg etTiergarten. En 1932, elle n'agissait plus qu'àCharlottenburg. Cela ajoute d'autant plus à lapression politique, et il faut noter ici les« sauts » qui ont existé. Ainsi, dans la région deBrandebourg (comprenant Berlin), les S.A.passèrent de 9.000 à 27.000 rien qu'entrenovembre 1931 et avril 1932. Cela bouleversepar définition les rapports de force.

À chaque étape de la progression numérique,il y a également l'organisation de lieux deréunion et de rendez-vous. Bien souvent, celaconsiste également en des tavernes, avec descuisines à prix modiques, et même plusrarement des dortoirs. Alors qu'entre un tiers etla moitié des S.A. connaissait le chômage, celafut d'une importance capitale pour l'ambiancede « camaraderie ».

De plus, ces « lieux de vie » des S.A.servirent aussi de base de soins pour les blessés,avec une pratique généralisée de personnes auxactivités paramédicales dans les S.A. et mêmeune supervision par des médecins en certainesoccasions. En 1932 rien qu'à Berlin, il y avait 20sections S.A. paramédicales de trente personneschacune.

Cela participait à l'engagement dans les S.A.,qui était une activité devenant centrale pour sesmembres. Chaque jour apportait son lotd'activités, depuis les « marches » jusqu'auxentraînements militaires et sportifs (comme laboxe, la lutte et le ju-jutsu, la course et lanatation, la gymnastique, etc.), à la présencesymbolique à des mariages, dans les fêtespopulaires, l'apprentissage de chansons, etc. Enpratique, en raison de ce rythme élevé, les S.A.rassemblaient à chaque fois, en dehors desgrosses occasions, environ 75 % de leurseffectifs.

Les voitures, camions et motos jouaient un

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Le « national-socialisme »

rôle important, afin d'organiser des tournées, dedéplacer les activistes ainsi que la propagande.Par conséquent, des structures de liaisonspécifiques à ce sujet furent formées.

Un aspect important était également latransmission des messages. Afin d'êtreindépendant dans certains cas de la poste, dutéléphone et du télégraphe, les S.A. avaientorganisé pour diffuser les messages un réseau derelais partant de Munich et allant à Berlin,Breslau, Siegen et Vienne. Un voyage de Munichà Berlin, faisant 640 kilomètres, se parcourait enquinze heures au moyen de relais à Nuremberg,Hof, Zwickau et Leipzig, avec changement deconducteur en quinze minutes à chaque fois.

En plus de cela, les S.A. disposaient destructures dans les clubs nautiques etd'aviation, mais aussi hippiques et cyclistes.Quelques projets d'entreprises furent montés outentés, mais abandonnés après 1930 ; seules lescigarettes « Storm » eurent un certain succès.

Les S.A. disposaient également de petitsorchestres, et de cuisines de campagne utiliséeslors des longues marches, avec une sorte depistolet à eau pour propulser la nourriture dansles écuelles. A l'occasion des défilés, des S.A. encivil étaient par ailleurs utilisés pour surveillerla foule, intervenir pour bloquer des opposantsou bien provoquer des bagarres.

Des femmes liées aux S.A. étaient utiliséesdans certains cas pour faire disparaître lesarmes si la police intervenait. La mêmetechnique était utilisée dans les meetings, où lesS.A. surveillaient l'entrée, mais se plaçaientégalement dans la foule.

Si les S.A. se rassemblaient sous la forme debandes d'hommes, de gangs, sur plan del'organisation, rien n'était laissé au hasard.

6. Socialisme prussien etrévolution conservatrice

Ce qui est notable dans les S.A. était ladivision hiérarchique selon l'origine sociale. Labase des S.A. était peuplée des classes les plus

basses socialement, les cadres intermédiairesprovenaient plutôt de la petite-bourgeoisie. Maisles dirigeants provenaient souvent de l'armée, àlaquelle ils avaient appartenu avant même laguerre impérialiste de 1914-1918, et étaientd'origine aristocratique.

Cela n'est pas étonnant, car l'aristocratie,avec l'effondrement de la monarchie, s'estélancée dans une grande campagne idéologiqueanticapitaliste romantique, prônant une société« organisée » face au chaos capitaliste. Le termeemployé pour désigner pour cette organisationsociale fut celui de « socialisme », désignant parlà en réalité une société divisée en corporationsavec l'armée comme colonne vertébrale.

L'idée de l'aristocratie était d'opposer ausocialisme de la social-démocratie et dumouvement communiste naissant un« socialisme » consistant en une vagueromantique. Ce « socialisme » serait fondé surla « solidarité nationale » face aux « ennemis »de l'Allemagne, ainsi que fondé sur les valeursféodales de l'Allemagne d'avant 1914, tout celaface au chaos capitaliste, aux criseséconomiques, etc.

Cette idéologie consiste très précisément ence qui a été appelé la « révolutionconservatrice », portée historiquement parl'écrivain Ernst Jünger (1895-1998), lephilosophe Oswald Spengler (1880-1936), lejuriste Carl Schmitt (1888-1985), ainsi quel'écrivain Arthur Moeller van den Bruck (1876-1925), exprimant un ultra-élitisme refusanttoute participation à la société ou à dequelconques responsabilités sociales, cultivantun esthétisme aristocratique, etc.

En France, on retrouvera cette idéologie, cestyle, cette approche, de manière la plus précisechez l'écrivain Julien Gracq, notamment dansles romans Au château d'Argol et Le rivage dessyrtes, ce dernier roman étant par ailleursinfluencé par le roman d'Ernst Jünger Sur lesfalaises de marbre.

Les principes de la « révolutionconservatrice » ont été théorisés de manière la

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plus nette par Oswald Spengler, tout d'aborddans Le Déclin de l'Occident puis dansPrussianité et socialisme, publiés juste après1918.

Le principe est extrêmement simple : leraisonnement se fonde sur le concept decivilisation, chaque civilisation étant considéréecomme autonome et relevant d'un certain« esprit ». Il n'y a historiquement pas de« progrès », simplement une réalité conflictuelleoù vivent des civilisations, qui peuvent doncpérir. Pour Oswald Spengler, « la vie n'a pas desystème, pas de programme, pas de raison ».

C'est l'idéologie ultra-libérale et ultra-individualiste appliquée à une nation, sauf quela nation est ici masquée derrière le concept de« civilisation ». Il n'y a pas de dimensionracialiste, même si l'antisémitisme est présent demanière diffuse au nom d'une sorte dedifférentialisme civilisationnel.

Ce qu'on appelle « peuple » relève donc icid'une « civilisation », et non pas simplementd'une nation. D'où la nécessité de l'union la plusgrande du « peuple », et Oswald Spengler prendcomme contre-modèle le « libéralisme » anglaisoù règne l'individualisme appuyé par sasituation d'île, ainsi que « l'égalitarisme »français uniquement empêché par le despotismede généraux ou de présidents.

À ce chaos libéral et ces pulsions égalitairesniant l'Etat au profit du césarisme, OswaldSpengler oppose la conception d'un État centralpuissant, reprenant en fait le modèle de laPrusse féodale contrôlée par les junkers, lesgrands propriétaires terriens, qui introduisirentle capitalisme par en haut.

« Le trait caractéristique du premier [typed'évolution de l'agriculture, ici la « voieprussienne »] est que les rapportsmédiévaux dans la propriété de la terre nesont pas liquidés d'un coup, mais adaptésgraduellement au capitalisme, qui pourcette raison conserve pour une longuepériode des traits semi-féodaux.Les grandes propriétés terriennesprussiennes n'ont pas été détruites par larévolution bourgeoise; elles ont survécu etsont devenus la base de l'économie

« Junker », qui est essentiellementcapitaliste, mais implique un certain degréde dépendance de la population rurale,comme la Gesindelordnung [Régulationdes serfs, 1854, une des nombreuses lois dePrusse supprimant tout droit civil auxtravailleurs agricoles; la moindre tentativede grève était punissable par exempled'emprisonnement.]Comme conséquence, la dominationsociale et politique des Junkers a étéconsolidé pour de nombreuses décenniesaprès 1848, et les forces productives del'agriculture allemande se sontdéveloppées bien plus lentement qu'enAmérique. »Lénine, La question agraire en Russie

vers la fin du XIXe siècle (1908)

La voie prussienne, cela signifie ainsi unelarge présence de l'aristocratie dans l'armée etl'administration, et l'habitude de décider par enhaut. C'est précisément la conception de lafraction « national-révolutionnaire » dunazisme, avec notamment Otto Strasser et son« socialisme national », ou encore ErnstNiekisch avec sa thèse dite « national-bolchevik » de la « mobilisation totale ».

Pour Oswald Spengler, la social-démocratie aabandonné l'idée de révolution du marxisme, etdoit donc revenir à la nation, apportant sonsocialisme à la vieille tradition prussienne,permettant une véritable organisation« socialiste » à l'échelle de tout le pays, c'est-à-dire une économie ayant en son cœur non pasl'intérêt « individuel », mais « national ».

Au « succès », Oswald Spengler oppose lemétier, à la « dictature de l'argent », celle del'organisation. Au travailleur qui veut éviter letravail et au libéral voulant manipuler celui-ci,Oswald Spengler oppose la figure du« travailleur » honnête, moral, travaillant pardevoir. C'est précisément la notion de« travailleur » utilisé par le national-socialisme.

Travailleur, fonctionnaire, militaire, tout celarelève d'une même fonction non pas individuelle,mais directement à l'échelle de la société touteentière.

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Le « national-socialisme »

7. Rudolf Jung,le premier national-socialiste,

modèle pour Hitler et le parti nazi

Les positions de la « révolutionconservatrice » n'ont pas directement influencéle national-socialisme, du moins pas avant laprise du pouvoir, puisque là l'intégration desforces ultra-conservatrices à ses propres forces aamené une synthèse aristocratique – national-socialiste.

Avant cette arrivée au cœur de l’État, et dela société allemande, le national-socialisme estune idéologie de la périphérie. L'Allemagne nerassemblait en effet à la fin du XIXe siècle, ainsiqu'au début du XXe siècle, pas du toutl'ensemble du peuple allemand. Des partiesimportantes existaient en dehors, commençanttendanciellement ou franchement à vivre unedestinée nationale différente, au sein de laBohême et de l'Autriche notamment.

C'est ainsi dans ces zones qu'on trouve lesforces pangermanistes les plus virulentes, àl'idéologie littéralement d'apartheid par rapportaux peuples slaves. La première grande figureest l'autrichien Georg von Schönerer (1842-1921), activiste essentiel au pangermanismerejetant l'existence de l'Autriche et del'Autriche-Hongrie, prônant un rattachement deszones « allemandes » à l'Allemagne.

Georg von Schönerer diffusait une idéologiepangermaniste, qui synthétisa un programme àla conférence de Linz en 1882, prônant lerattachement à l'empire allemand. Mais la lignede Georg von Schönerer était égalementviolemment anti-catholique – l'Allemagne étaiten grande majorité protestante. L'antisémitismeétait au cœur de sa démarche, en tant que refletdu refus de l'absolutisme éclairé de l'empireaustro-hongrois s'ouvrant au libéralisme etréfutant l'antisémitisme.

Adolf Hitler a été profondément influencé parGeorg von Schönerer ; sa famille venait parailleurs de la même zone géographique enAutriche. Mais c'est à un Allemand de Bohême

qu'Adolf Hitler a repris le principe de« national-socialisme » et la croix gamméecomme symbole : Rudolf Jung (1882 – 1945).

À la base, Rudolf Jung est un pangermanisteclassique, membre du Deutsche Arbeiterpartei(Parti allemand des travailleurs), fondé en 1903en Bohème. Mais justement sous l'influence deRudolf Jung, ce parti évolue, modifie sonprogramme en 1913 et finalement même sonnom en 1918, devenant le « Parti national-socialiste allemand des travailleurs » (DNSAP-Deutsche Nationalsozialistische Arbeiterpartei).

Rappelons ici que le parti nazi d'Adolf Hitlers'appelait « Parti allemand national-socialistedes travailleurs », il y a juste deux motsd'intervertis. La croix gammée fut égalementutilisée d'abord par le parti en Bohème, sur uneidée de Walter Riehl, et Rudolf Jung fut celuiqui convainquit Adolf Hitler d'utiliser le termede « national-socialiste ».

Rudolf Jung fut d'ailleurs le premierthéoricien « national-socialiste », parl'intermédiaire de son ouvrage publié en 1919intitulé Le socialisme national. Ses fondements,son devenir et ses buts.

Si Rudolf Jung est totalement inconnu, c'estpour deux raisons. Tout d'abord, on a de façontout à fait incorrecte assimilé le parti nazi et lesS.A. à l'idéologie mystique S.S. qui s'estdéveloppée en système après la prise du pouvoiret au cours de la guerre mondiale impérialiste.

Ensuite, le parti actif en Bohème n'eut qu'unsuccès très relatif. Rudolf Jung s’enfuira mêmeen Allemagne nazie, mais n'obtiendra que despostes honorifiques dans le parti nazi et dans laS.S., ainsi que des emplois de fonctionnairescomme responsable de la banque à Prague,responsable des demandeurs d'emploi del'Allemagne centrale, puis finalementresponsable de l'emploi dans le protectorat nazide Bohème-Moravie.

Arrêté en 1945, Rudolf Jung se suicideraavant d'être jugé. Son parcours n'aura nullementmarqué les esprits, puisque dès sa prise du

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contrôle du parti nazi en Allemagne, AdolfHitler a immédiatement contrôlé totalement leparti nazi et exclu ceux qui n'acceptaient pas sadomination complète.

Un événement important fut par exemple, les7 et 8 août 1920, un rassemblement à Salzbourgen Autriche des différentes forces national-socialistes, avec 235 délégués et 100 invités :

– le Parti national-socialiste allemand destravailleurs (d'Autriche) ;

– le Parti national-socialiste allemand destravailleurs (de Tchécoslovaquie) ;

– le Parti national-socialiste (de Silésieorientale) ;

– le Parti allemand national-socialiste destravailleurs (d'Allemagne et basé àMunich) ;

– le Parti social-allemand (d'Allemagne etbasé à Hanovre).

Ces forces devaient s'unir, sous le nom de« parti national-socialiste du peuple allemand »,mais Adolf Hitler – par ailleurs présent àSalzbourg mais sans rôle important - écrasatoutes les autres forces une fois le parti nazidevenu puissant en Allemagne, et ce donc aprèsavoir puisé chez Rudolf Jung le « style » de sonidéologie.

8. Le « socialisme national »de Rudolf Jung

Les thèses de Rudolf Jung dans Le socialismenational. Ses fondements, son devenir et sesbuts posent les bases de l'idéologie national-socialiste telle qu'elle a existé au départ.

Tout le début de l’œuvre consiste en unehistoire idéalisée du Moyen-Âge depuisCharlemagne. Rudolf Jung utilise ici en fait demanière démagogique le très haut niveauculturel des pays allemands et de la Bohème quileur sont reliés durant la fin du Moyen-Âge, avecle formidable développement des villes et legrand élan humaniste.

Cette dimension culturelle, extrêmement

appréciée par les masses allemandes et parailleurs base de la formation de la nationallemande avec le capitalisme naissant, estprétexte pour Rudolf Jung à l'éloge de lapaysannerie médiévale et du petit commerce. Delà il prolonge sur une critique des « Juifs » et del'usure au Moyen-Âge, pour dénoncer lecapitalisme qui a déraciné les paysans.

C'est ici la vision traditionnelle de Jean deSismondi et des populistes russes, analysée endétail par Lénine dans Pour caractériser leromantisme économique. Rudolf Jung considèrepareillement que le capitalisme appauvrit, diviseles masses, etc. Dans l'optique duproudhonisme, il critique également la perte del'activité créative du travailleur individuel.

Rudolf Jung présente les choses toutefois demanière très « neutre », de manièreprétendument scientifique : il est obligé enraison de l'influence de la social-démocratie.Rudolf Jung raconte ainsi le rôle des machines àvapeur, il affirme que les banques jouent un rôledans la formation des monopoles en agissant surles entreprises, etc.

Cependant, il attribue cela non pas à uneévolution propre au capitalisme, mais à« l'esprit juif » qui influence les masses par« l'argent, la presse, l'art et la science juives ».Rudolf Jung insiste par conséquent lourdementsur l'antisémitisme médiéval, qu'il tente deréactualiser en s'appuyant sur l'évolutionrécente de l'Autriche-Hongrie.

L'empereur tentait en effet d'appuyer lesforces libérales face au féodalisme ; en ce sens, ilprônait l'émancipation des personnes juives, àcontre-courant des valeurs dominantes. Desfigures historiques sont ici l'impératrice Marie-Thérèse et l'empereur Joseph II.

Rudolf Jung attribue donc l'existence ducapitalisme bouleversant l'économie arriéréeaustro-hongroise aux « juifs »: le capitalismeserait une sorte d'excroissance de l'usure. Toutcela formerait une sorte de complot historique etmondial ; Rudolf Jung utilise bien entendu lefameux faux tsariste des Protocoles des sages de

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Le « national-socialisme »

Sion.

Les « marxistes » sont alors des traîtresagissant en agent des « juifs » :

« Les sociaux-démocrates ne combattenten fait que le capital national, qui agitpourtant en tout et pour tout de manièrecréatrice, mais pas celui véritablementinternational, le capital juif de prêt,vivant du travail des autres. »

Rudolf Jung fait, en pratique, en faitl'apologie d'une forme de « socialismeprussien », mais comme il fait partie descommunautés liées à l'Allemagne mais existanten-dehors de celle-ci, il est obligéd'« expliquer » de manière idéaliste ce qui abloqué l'avènement du grand empire allemand.Puisque l'histoire a amené à la non unité detous les peuples d'origine allemande, alors, pourRudolf Jung, l'histoire a tort.

Rudolf Jung exprime donc une position trèsproche d'Oswald Spengler (qu'il soutient parailleurs), mais bien plus agressive, qui l'amènejustement à la rupture avec la conceptionnationaliste traditionnellement conservatrice.

Oswald Spengler a en effet une position quiest celle de la « révolution conservatrice », uneposition administrative : seule une aristocratiepeut gérer les affaires et instaurer le« socialisme ».

Ici, Rudolf Jung a un rôle historique sur leplan idéologique : il fait passer le « socialismeprussien » d'une conception administrative àune vision du monde. Le « socialisme national »est une « vision du monde » et d'ailleurs, selonlui, elle peut exister et elle a existé « sans partinational-socialiste ».

C'est un point important, car Rudolf Jung aici une conception « basiste » et même son partifonctionnera de manière relativementdémocratique, en tout cas absolument sansprincipe de « Führer » absolu comme avec AdolfHitler, pour qui par ailleurs le parti nazi étaitune obligation absolue.

Rudolf Jung rejetait le centralisme comme lefruit de Rome, de l’Église catholique, des

Habsbourg alliés à l’Église catholique. S'ildéfend Jésus comme figure « aryenne », ilrejette le centralisme catholique comme uneinfluence « juive ».

Lorsque Rudolf Jung considère que lesgrandes entreprises industrielles en situation demonopole doivent revenir à l'Etat, la région oula commune, il n'est pas pour leur socialisation,mais pour leur « prussianisation », leur gestiondirecte par l'aristocratie, de manièrepratiquement locale, sauf qu'il élargit cette élite« aristocratique » à un « esprit ».

L'aristocratie échouant historiquement,Rudolf Jung prône en fait leur régénération, enfaisant vivre « l'esprit » allemand naturel, quiva reformer une élite. C'est le principe d'une« communauté populaire réconciliée ». RudolfJung va jusqu'à considérer que l'armée pourraitêtre reconstituée à partir des clubs de sport,dont la base fut par ailleurs donnée par leracialiste Friedrich Ludwig Jahn (1778-1852).

Ce principe d'une armée « populaire » tienten fait à une « découverte » faite par l'arméeprussienne, et synthétisée par Carl vonClausewitz. Le socialisme « national » puise surce point directement dans l'idéologie de laPrusse.

9. De la « landsturm »à la « volkssturm »

Lors de la révolution française, la Prussepensait profiter de son armée très organiséepour écraser ce qu'elle considérait comme destroupes éparpillées. La marche sur Paris futcependant écrasée lors de la fameuse bataille deValmy en 1792 : la levée en masse avait permisune gigantesque progression qualitative etquantitative.

Ce traumatisme fut suivi des guerresnapoléoniennes, qui profitaient de l'élanrépublicain initial pour disposer d'arméespuissantes. L'armée prussienne devaitabsolument se moderniser si elle voulait semaintenir, et elle le fit en organisant, par enhaut, dans un esprit anti-démocratique, la levée

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en masse.

Ce fut la formation d'un appareil d’Étatultra militarisé, procédant à un service militaireobligatoire. L'armée passa de 54 000 membresen 1719 à 70 000 en 1728 et enfin plus de 80 000en 1739 (pour 2,5 millions de personnes vivanten Prusse), pour atteindre en pleine guerrenapoléonienne, base du saut qualitatif etnumérique, 300 000 personnes en 1813, soit 6 %de la population en fait largement mobilisée.

Une citation connue, attribuée à Mirabeau età l'officier prussien Friedrich von Schrötter,explique que « La Prusse n'est pas un État quipossède une armée, c'est une armée ayantconquis la nation ».

Friedrich Engels raconte ainsi :

« Après 1807, les réorganisateurs del'administration et de l'armée firent toutce qui était en leur pouvoir pour refairevivre cet esprit [de la résistancenationale]. A cette époque, l'Espagnolemontrait avec son exemple glorieux qu'unenation pouvait faire face à une arméemenant une invasion. Tous les dirigeantsmilitaires de Prusse montrèrent à leurscompatriotes cet exemple valant le coupd'être suivi.Scharnhorst, Gneisenau, Clausewitzétaient tous d'accord sur ce point.Gneisenau alla même en Espagne afin departiciper lui-même à la lutte contreNapoléon. Tout le système militaire quifut instauré ensuite en Prusse fut latentative d'organiser une résistancepopulaire contre l'ennemi, dans la mesureoù cela est possible de la part d'unemonarchie absolue.Non seulement chaque homme en mesured'aller au service militaire était dansl'obligation d'y aller et de servir jusqu'àquarante ans dans la Landwehr [défenseterritoriale sous la forme d'une armée nonrégulière], mais les jeunes hommes entre17 et 20 ans et les hommes entre 40 et 60ans devaient participer à la levée enmasse, dans le Landsturm [unitésirrégulières avec armement organisé sur letas] se soulevant dans le dos et sur lesflancs de l'ennemi, dérangeant sesmouvements, le coupant de sonapprovisionnement et de ses courriers,devant pour cela utiliser toute arme quipouvait être trouvée afin d'inquiéter lesenvahisseurs – « plus ce moyen estefficace, mieux c'est » – en plus de cela« sans porter aucun uniforme que cesoit », afin que les membres du Landsturm

puissant à n'importe quel momentreprendre leur caractère en tant que civilset rester inconnus de l'ennemi. »

Cet esprit de défense militaire à la base, de« Wehr », deviendra alors essentiel à la Prusse,et ainsi à l'Allemagne, car cette dernière nes'unifiera justement qu'en réaction auxconquêtes napoléoniennes, et sous hégémonieprussienne (la Prusse ayant battu l'Autriche,celle-ci se tournant alors vers les Balkans etdevenant une nation en tant que telle).

La peur allemande face à l'invasion françaisefut telle que la bourgeoisie, dont le romantismeétait le fer de lance (avec Goethe et Schiller ouencore Hegel), décida d'accepter tous lescompromis avec la bourgeoisie. C'est le sens duromantisme qui passa du rejet du formalismeacadémique français qu'il était à la nostalgie duMoyen-Âge et de sa société « pacifique »,organisée de manière corporatiste, etc.

Pour cette raison, et c'est un point essentielbien entendu, les S.A. n'appréciaient pas que leschansons des corps-francs : ils possédaientégalement dans leur répertoire celles des guerresface aux armées napoléoniennes. La dimensionmartiale et brutale de ces chansons reflètelogiquement l'idéologie des S.A.

De la même manière, lors de la granderéunion des S.A. en octobre 1931 àBraunschweig – exigeant 5 000 camions, 40trains spéciaux, avec plus de 100 000 S.A. –, laréférence fut la « bataille de Lepizig » d'octobre1813, la plus grande confrontation de forces lorsdes guerres napoléoniennes (plus de 500 000personnes s'affrontant).

L'esprit de la « Wehr », de la défense « paren bas » fut également celui de la« Volkssturm » (tempête populaire), lamobilisation populaire faite par l’État nazi toutà la fin de la seconde guerre mondiale, utilisanten masse notamment des adolescents pour« protéger » Berlin face à l'armée rouge. Leprincipe d'unités « civils » agissant sur lesarrières de l'ennemi fut également appliqué avecla « Werwolf », les unités nazies agissant dans

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Le « national-socialisme »

les zones où les alliés avaient vaincu les arméesnazies.

10. Clausewitz et les milices« nationales » par en haut

C'est Carl von Clausewitz (1780-1831) quithéorisa toute la conception militaireprussienne, dans son ouvrage De la guerre, écritsurtout pendant les guerres napoléoniennes.Lorsque Carl von Clausewitz y affirme que « Laguerre est la continuation de la politique pard'autres moyens », il souligne l'importance de lafusion de l'armée et de la direction politique, del'offensive militaire et de la société toute entière.

Lorsqu'il explique que « La guerre est unacte de violence destiné à contraindrel’adversaire à exécuter notre volonté », ilexprime la vision aristocratique du principehiérarchique.

C'est une conception directement pré-fasciste, directement issue de la Prusse oùl'aristocratie s'est octroyée l'ensemble des postesde direction de l'armée, formant une sorte decaste, alors que pareillement le capitalisme étaitimposé par le haut.

De la guerre fut d'ailleurs historiquementpopularisé par Helmuth von Moltke, chefd'Etat-major de l'armée prussienne notammentlors des guerres victorieuses face à l'Autriche(1866) et la France (1870-1871).

L'ouvrage de Carl von Clausewitz est unesorte de manuel pour général, remplid'indications techniques, avec en perspective lagestion absolument totale du pays, sur la basede la fusion du pays et de l'armée, sousdirection bien entendu de l'aristocratie.

Selon Carl von Clausewitz, la guerre s'estélargie au XIXe siècle, elle touche des domainesqu'elle n'atteignait pas auparavant, elle concernedésormais, de par son ampleur, toute lapopulation, et plus seulement des arméescomposées par l'Etat, de manière nettementséparée du peuple. Carl von Clausewitzconsidère ainsi que :

« C'est ainsi que depuis Bonaparte, toutd'abord chez les Français, puis partout enEurope la guerre est devenue une causenationale, a pris une autre nature ou plusexactement est revenue à sa vraie nature,s'est approchée de son absolue perfection.Les moyens à y mettre en œuvre n'eurentdésormais plus de limites visibles et nedépendirent plus que de l'énergie et del'enthousiasme des gouvernements et deleurs sujets. »

Bien entendu, la différence fondamentale queCarl von Clausewitz feint d'oublier est que larévolution française était une révolutionpopulaire. Il considère que ce serait simplementun nouveau principe militaire : il « oublie » ladimension sociale.

Il en tire une théorie de la mobilisation paren haut, une mobilisation prétendumentnationale, mais en fait au service del'aristocratie, qui par ailleurs s'appropria ainsile contrôle de l'Allemagne qu'elle unifiera.

Carl von Clausewitz considère ainsi, dans Dela guerre, que la guerre concerne désormaiségalement l'armement de parties de lapopulation. La guerre atteint une dimensioncomplète au point que Carl von Clausewitztraite même directement de la « guerrepopulaire », c'est-à-dire de l'imbrication desmasses dans la guerre elle-même.

Le peuple en armes doit être utilisé pour agirtel un « brouillard » insaisissable afin d'agir surles périphéries des forces ennemies, un« nuage » qui peut se former à n'importe quelmoment, par surprise.

Carl von Clausewitz ne conçoit l'action desmasses armées que dans une situation où c'estl'armée classique qui prime : le peuple ne sertque de force d'appoint. Il a une perspectivetotalement « utilitaire » et le peuple en action aici une fonction d'outil. Les masses en actionsont d'ailleurs forcément paysannes : c'est lepoint de vue aristocratique qui s'exprime ici.

Lénine notera l'aspect intéressant de ladémarche de Carl von Clausewitz, qui « trahit »la dimension éminemment politique de la guerre.Avec sa mobilisation complète, totale, par en

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haut, Carl von Clausewitz comprend que laguerre est forcément politique, en cela ildémontre la totale validité de la thèsematérialiste dialectique sur la nature de l'Etat,de la bourgeoisie.

L'Allemagne nazie reprendra logiquement, demanière la plus franche, la plus cynique, laconception de Carl von Clausewitz demobilisation populaire, par en haut, demobilisation générale, totale.

11. Le rôle du proudhonisme deGottfried Feder

L'anticapitalisme romantique des S.A. et duparti nazi s'appuie sur la conception del'oppression et de l'exploitation comme venantde « l'extérieur ». C'est la conception de EugenDühring, critiquée par Friedrich Engels dansl'Anti-Dühring, ou encore de Pierre-JosephProudhon et du proudhonisme qui a suivi.

Cependant, il a bien fallu que cetteconception soit adaptée aux conditionsallemandes, et elle a été formulée par GottfriedFeder (1883-1941), principalement dans uneœuvre intitulée Manifeste pour briserl’asservissement aux intérêts de l'argent, publiéeen 1919.

Pour bien comprendre le rôle de GottfriedFeder, il faut voir qu'il fait partie dès le départdu « Deutsche Arbeiterpartei » (Parti Allemanddes Travailleurs), fondé par Anton Drexler enjanvier 1919. Il prononça notamment enseptembre 1919 à Munich une conférenceintitulée « Comment et par quels moyenséliminer le capitalisme ? ».

Or, Adolf Hitler y fut présent et GottfriedFeder le convainquit alors de rejoindre le parti.Adolf Hitler en deviendra alors rapidement le« Führer », le parti prenant par la suite le nomde « Parti des travailleurs allemand national-socialiste » (NSDAP - NationalsozialistischeDeutsche Arbeiterpartei).

Adolf Hitler explique directement dans MeinKampf le rôle essentiel de Gottfried Feder :

« Quelque approfondie qu'ait été jusque-làmon attention sur le problèmeéconomique, elle s'était plus ou moinsmaintenue dans les limites de l'examen desquestions sociales.Plus tard seulement, mon horizon s'élargiten raison de mon étude de la politiqueallemande à l'égard de ses alliés. Elle étaiten très grande partie le résultat d'unefausse appréciation de la vie économiqueet du manque de clarté dans la conceptiondes principes de l'alimentation du peupleallemand dans l'avenir.Toute ces idées reposaient dans l'idée que,dans tous les cas, le capital étaituniquement le produit du travail et, parconséquent, était, comme ce dernier,modifiable par les facteurs susceptibles defavoriser ou d'entraver l'activité humaine.Donc l'importance nationale du capitalrésultait de ce que ce dernier dépendait dela grandeur, de la liberté et de lapuissance de l’État, c'est-à-dire de lanation ; et cela si exclusivement que cettedépendance devait uniquement conduire lecapital à favoriser l’État et la nation parsimple instinct de conservation ou pardésir de se développer.Cette orientation favorable du capital àl'égard de la liberté et de l'indépendancede l’État devait le conduire à intervenir deson côté en faveur de la liberté, de lapuissance et de la force, etc., de la nation.Dans ces conditions, le devoir de l’État àl'égard du capital devait être relativementsimple et clair : il devait simplementveiller à ce que ce dernier restât au servicede l’État et ne se figurât point être lemaître de la nation.Cette position pouvait donc se maintenirentre les deux limites suivantes : d'unepart, soutenir une économie nationaleviable et indépendante ; d'autre part,assurer les droits sociaux du travailleur.Précédemment, je n'étais pas. à même dereconnaître, avec la clarté désirable, ladistinction entre ce capital proprementdit, dernier aboutissement du travailproducteur, et le capital dont l'existenceet la nature reposent uniquement sur laspéculation.J'en étais capable dorénavant grâce à undes professeurs du cours dont j'ai parlé,Gottfried Feder. Pour la première fois dema vie, je conçus la distinctionfondamentale entre le capital internationalde bourse et celui de prêt.Après avoir écouté le premier cours deGottfried Feder, l'idée me vint aussitôtque j'avais trouvé le chemin d'unecondition essentielle pour la fondationd'un nouveau parti.À mes yeux, le mérite de Gottfried Federconsistait en ceci, qu'avec une tranchante

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Le « national-socialisme »

brutalité il précisait le double caractère ducapital : spéculatif, et lié à l'économiepopulaire ; et qu'il mettait à nu sacondition éternelle : l'intérêt.Ses déductions, dans toutes les questionsfondamentales, étaient tellement justesque ceux qui, a priori, voulaient lecritiquer, en contestaient moinsl'exactitude théorique qu'ils ne mettaienten doute la possibilité pratique de leurmise à exécution. Ainsi, ce qui, aux yeuxdes autres, était un point faible dansl'enseignement de Gottfried Feder,représentait à mes yeux sa force. »

Ce que dit Adolf Hitler est simple : à la base,c'est un nationaliste, il veut exalter la nation ets'aperçoit que le capitalisme national a pardéfinition intérêt à exister dans un payspuissant.

Or, dans la situation de l'Allemagne – entreles réparations exorbitantes à la France et lacrise économique – le pays est rendu en quelquesorte dépendant en raison des empruntseffectués.

Adolf Hitler aboutit par conséquent à uneséparation de « nature » entre les deuxcapitalismes, l'un national, l'autre étranger.Cela n'a rien d'original et c'est précisément làoù l'Action française en était restée, malgré latentative du « Cercle Proudhon » de trouverune « clef » concernant les contradictionsinternes au pays lui-même.

C'est là que Gottfried Feder intervient : c'estlui qui participa à la rédaction du Programmeen 25 points au tout début du parti nazi, quirédigea en 1927 le Programme du NSDAP et lesbases de sa vision du monde, en 1931 leProgramme du NSDAP ainsi que Que veut AdolfHitler ?.

Sa « clef » était une théorie de « l'usure »,relevant du proudhonisme, où la « finance »devient une « maladie » qui « contaminerait »la rationalité industrielle.

12. L'usurier comme figure généraleinternationale et particulière locale

Gottfried Feder a « découvert » une « clef »pour que le national-socialisme ne soit pas

simplement un nationalisme allemand opposéaux autres pays, mais également une forcecapable de mobiliser à l'intérieur du pays même,dans un sens de « réconciliation » des classessociales.

L'ajout de Gottfried Feder, essentiel pour lenational-socialisme, est le proudhonisme, c'est-à-dire l'affirmation qu'il existe un capital, mêmepetit, dont l'activité est purement parasitaire.Que le capitalisme, en soi, n'est pas mauvais,s'il est relié au travail, alors que s'il existe demanière « autonome », alors il relève de l'usure.

Comme solution, Gottfried Feder propose les« recettes » traditionnelles du proudhonisme.Tout d'abord, la banque centrale devait êtrenationalisée et le paiement des intérêts desdettes de l’État – pas le remboursement desdettes en lui-même – stoppé.

Ensuite un système de crédit gratuit pourl’État devait être proposé. C'est exactement laconception de Pierre-Joseph Proudhon, saufqu'elle est adaptée à l’État, et non plussimplement aux individus.

Est-ce que Gottfried Feder prône leproudhonisme classique pour les individus ?Non, à ses yeux, la banque centrale doitaccorder des concessions étatiques pour que del'argent puisse être prêté, à intérêt, auxindividus et aux entreprises produisant desbiens.

Gottfried Feder modernise en pratique leromantisme économique traditionnel, dontLénine parle dans Pour caractériser leromantisme économique, où il critique Jean deSismondi et les populistes russes. En effet, aulieu d'opposer les campagnes à la ville, le petitproducteur paysan au capitaliste industriel,Gottfried Feder oppose le petit producteurindustriel au grand capitaliste qui ne vit que desintérêts du crédit.

Le romantisme traditionnel regrette unMoyen-Âge idéalisé, où chaque paysan aurait étéindépendant ; Gottfried Feder forme unromantisme plus avancé, où il défend

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Les dossiers du PCMLM

l'entrepreneur contre le monopoliste, sauf qu'ilne l'appelle pas monopoliste, mais « capitalfinancier ».

Il ne peut en effet pas l'appeler monopoliste,car le capitalisme aboutit nécessairement auxmonopoles, comme notamment Lénine l'aexpliqué, en 1916, dans L'impérialisme, stadesuprême du capitalisme.

Comme tous les romantiques – d'extrême-droite ou d'« extrême-gauche » – GottfriedFeder ne voit pas que le capital financier est liéau capital industriel ; comme Lénine l'aformulé :

« Concentration de la production avec,comme conséquence, les monopoles ;fusion ou interpénétration des banques etde l'industrie, voilà l'histoire de laformation du capital financier et lecontenu de cette notion. »

« Le capital financier est le résultat de lafusion du capital de quelques grandesbanques monopolistes avec le capital degroupements monopolistes d'industriels. »

Et Lénine, d'expliquer également, préfigurantla critique de Gottfried Feder :

« Le développement du capitalisme en estarrivé à un point où la productionmarchande, bien que continuant de« régner » et d'être considérée comme labase de toute l'économie, se trouve en faitébranlée, et où le gros des bénéfices vaaux « génies » des machinationsfinancières.À la base de ces machinations et de cestripotages, il y a la socialisation de laproduction ; mais l'immense progrès del'humanité, qui s'est haussée jusqu'à cettesocialisation, profite... aux spéculateurs.Nous verrons plus loin comment, « surcette base », la critique petite-bourgeoiseréactionnaire de l'impérialisme capitalisterêve d'un retour en arrière, vers laconcurrence « libre », « pacifique »,« honnête ». »

La position de Gottfried Feder estprécisément cette critique petite-bourgeoiseprônant un retour en arrière. Le national-socialisme n'a jamais prôné la socialisationd'entreprises, à part dans le cas spécifique oùcelles-ci agissent contre les intérêts de la nation.Son objectif a toujours été l'assainissement.

En romantique économique traditionnel,

Gottfried Feder considère que le capitalismeconsiste en la production de biens et leurconsommation et la croissance ne peut provenirque de marchés extérieurs conquis. C'est cela labase justificative pour la négation intérieure desluttes de classe et l'affirmation extérieure desconquêtes territoriales – d'où le fait de porterobjectivement les intérêts du grand capitalallemand.

Gottfried Feder ne pouvait pas voir cela.Défendant le point de vue petit-bourgeois écrasépar les monopoles et refusant la prolétarisation,il pensait avoir un point de vue « national ». Ilfaut se souvenir de ce qu'enseignait Karl Marxsur ce plan :

« Il ne faudrait pas partager cetteconception bornée que la petitebourgeoisie a pour principe de vouloirfaire triompher un intérêt égoïste declasse. Elle croit au contraire que lesconditions particulières de sa libérationsont les conditions générales en dehorsdesquelles la société moderne ne peut êtresauvée et la lutte des classes évitée. »

Pour cette raison, Gottfried Feder ne s'estpas contenté de voir en le « capital financier »simplement un ennemi extérieur, comme lefaisait le nationalisme. Il l'a placé à l'intérieurdu pays lui-même.

Au lieu de dénoncer simplement l'oligarchie« étrangère » exigeant des intérêts sur lescrédits, il a affirmé l'existence d'une sorte detendance maléfique existant dans le pays lui-même. C'est cela qui manquait à Adolf Hitler audépart.

Gottfried Feder a la même vision qu'AdolfHitler : à ses yeux, les forces d'argent anglo-américaines sont à l'origine du revanchismefrançais, du panslavisme, de la guerre de 1914-1918 et également de la défaite « intérieure »allemande, etc. Mais il en fait une « vision dumonde » et plus seulement des forces ennemies :

« La guerre mondiale est véritablement aufond une des très grandes décisions dans leprocessus de développement de l'humanitédans la bataille décisive de savoir si àl'avenir la vision du mondemammonististe-matérialiste ou la visiondu monde socialiste-aristocratique

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Le « national-socialisme »

déterminera le sort du monde. »

Cette vision du monde n'est évidemment,selon Gottfried Feder, pas produit par le modede production capitaliste, c'est une « idée », unprincipe meurtrier, une « malédiction » :

« Nous reconnaissons clairement que lefléau de l'humanité n'est pas l'ordreéconomique capitaliste, le capital en soi entant que tel. L'insatiable besoin d'intérêtsdu grand-capital de prêt est la malédictionde l'ensemble de l'humanitétravailleuse ! »

Le « socialisme » est ici l'attitude « simple »reconnaissant l'existence de la société, dupeuple, bref s'opposant à la « folie » de lacourse à l'argent, à cette « maladie » qui amène« l'envasement et la contamination de lamentalité de notre époque ».

Le véritable « socialisme » consisterait ainsiici, pour Gottfried Feder, en la lutte contre les« puissances d'argent » :

« Notre législation fiscale toute entière estet restera, aussi longtemps que nousn'avons pas la libération de l'esclavage desintérêts, uniquement un tribut obligatoireau grand capital, mais pas, ce que nousnous imaginons parfois, le sacrificevolontaire à la réalisation d'un travailcollaboratif.Par conséquent, la libération del'esclavage des intérêts de l'argent est lemot d'ordre clair pour la révolutionmondiale pour la libération du travailréalisant des entraves des puissancesfinancières supra-étatiques. »

Mais au sein même du pays, ces forces ontdes agents, à savoir tous ceux qui viventpareillement de l'usure. L'usurier devient ici nonseulement une figure générale internationale,mais une figure particulière locale.

Bien entendu, dans l'anticapitalismeromantique, cette figure est portée par « lejuif ». Il y a ici selon cette idéologie une« substance » commune à la « ploutocratieinternationale » et à toute personne juive, mêmepauvre (c'est précisément la logique de l’affairedu gang des barbares avec la séquestration et lemeurtre d'Ilan Halimi en région parisienne en2006).

13. L'appui logique du grand capital aunational-socialisme

L'ennemi est à gauche !, tel était le titre duJournal des employeurs al lemands du 17 octobre1929. Si en 1918 le régime monarchique s'étaiteffondré, l'appareil d’État était lui resté lemême et les généraux pesaient de tout leurpoids sur le régime républicain, dans une sorted'alliance contre-nature avec la social-démocratie qui avait été aux premières logespour écraser la révolution de 1918 dirigée parKarl Liebknecht et Rosa Luxembourg.

Les dirigeants de la social-démocratie étaientaux premières loges de la répression contre lescommunistes, avec notamment le ministrenational de l'intérieur Carl Severering, leministre prussien de l'intérieur AlbertGrzesinski, le chef de la police berlinoise KarlZörgiebel.

Interdictions, répressions sanglantes derassemblement furent la règle, dont le fameux« mai sanglant » à Berlin, ville sous hégémonieouvrière (en mai 1928, la social-démocratie yfaisait un score électoral de 32,9 %, lescommunistes de 24,7%).

Les manifestations du premier mai 1929avaient été interdites, et la marche du PartiCommuniste d'Allemagne fut réprimée dans lesang (au moins 32 personnes tuées et 200blessées), puis le Rote Frontkämpferbund(Union des combattants du front rouge) interditdans la foulée.

Cette dynamique de soutien au régime par lasocial-démocratie divisa bien entendutotalement la classe ouvrière, dont une partiesoutenait historiquement la social-démocratie etune autre le Parti Communiste d'Allemagne ;aux élections de mai 1928, la social-démocratieavait obtenu 9,1 millions de voix soit 29,8 %, leParti Communiste d'Allemagne 3,3 millions devoix soit 10,6 %.

De l'autre côté, la bourgeoisie restait sur despositions particulièrement dures ; lors du conflitouvrier de novembre 1928, la Ruhreisenstreit,

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Les dossiers du PCMLM

240 000 travailleurs furent licenciés pendant lemois de lutte ; par la suite un accord fut trouvémais leurs revendications ne furentpratiquement pas satisfaites.

Cette situation conflictuelle devint d'unecomplexité totale avec le plan Young, fruitd'une conférence parisienne du 5 février au 11juin 1929 et décidant de l'organisation dupaiement des « réparations » allemandes pour laguerre de 1914-1918, qui avait été décidé lors duTraité de Versailles de 1919. Le paiement devaitaller jusqu'en 1988 ; l’État allemand s'endettade son côté jusqu'en 1965 à 5,5 % d'intérêts.

Les forces nationalistes et nazies menèrentune très vaste campagne à ce sujet, alors que lasocial-démocratie dans un esprit gouvernementalsoutenait le plan Young, ce qui s'avéracatastrophique sur tous les plans avec l'irruptionde la crise de 1929 et le recul qui a suivi de laproduction industrielle de 41,8 %.

La population allemande prit la crise de pleinfouet, dans le prolongement de la crise del'après-guerre : 1 mark de juillet 1914 en valait100 en juillet 1922, 1000 en octobre 1922, 10 000en janvier 1923, 100 000 en juillet 1923, unmillion en août 1923 10 millions en septembre1923, un milliard puis 10 milliards en octobre1923, mille milliards en novembre 1923.

En 1932, la crise se refait général, il y a sixmillions de personnes au chômage, pour 12millions qui travaillent.

Les communistes d'Allemagne, mais aussi deFrance, s'opposèrent au plan Young, mais avecretard, et n'eurent pas l'initiative, malgré uneposition très franche. De manière juste, on litdans l'Humanité du 23 avril 1931, dans l'article« Un 1er Mai sous le drapeau del'Internationale » (signé Maurice Thorez) :

« C'est aussi plus particulièrement lasolidarité active avec les prolétairesd'Allemagne écrasés sous les charges duplan Young et du système de Versailles, etsoumis à la double exploitation descapitalistes allemands et des impérialistesfrançais. »

C'est cette mise en perspective qui permet de

comprendre l'adhésion et le soutien au partinazi de la part des grands capitalistes, oscillantsouvent entre celui-ci et le parti nationalisteconservateur appelé DNVP (parti national-allemand du peuple). C'est le cas du « vieuxmonsieur » Emil Kirdorf, figure éminente desindustriels du bassin de la Ruhr, qui aida à ladiffusion dans le milieu industriel de la brochurede 1927 de la brochure d'Adolf Hitler « La voieau renouveau » (« Der Weg zumWiederaufstieg »).

Emil Kirdorf aura droit par la suite aux plushauts honneurs nazis, à la plus haute décorationcivile, et même au deuil national à sa mort en1938, Adolf Hitler étant lui-même présentofficiellement à l'enterrement.

Emil Kirdorf faisait également partie d'undes nombreux « clubs » nationalistesconservateurs, en l'occurrence l'« Associationéconomique pour le soutien aux forces moralesde la reconstruction » (Wirtschaftsvereinigungzur Förderung der geistigenWiederaufbaukräfte).

On trouve également parmi ces clubs le« Gäa », une association de grands bourgeois etd'aristocrates, de capitaines d'industrie etd'intellectuels ; on retrouve ici tant OswaldSpengler qu'Alfred Hugenberg, le chef du partinationaliste conservateur DNVP.

Il y a aussi le « Hamburger Nationalklub »(Club National Hambourgeois), pareillementnationaliste conservateur et militariste, quiinvitait de nombreux représentants ultra-nationalistes et nazis à ses colloques, maiségalement le « Deutscher Herrenklub », le« Club allemand des Messieurs », qui continuamême à exister jusqu'en 1944 sous le nom de« Club allemand ».

C'est précisément à ce club que, dix joursaprès avoir été nommé lui-même chancelier,Franz von Papen (1879-1969) prononça le 10juin 1932 une conférence. Parmi les personnesprésentes, on trouvait 100 des principauxindustriels et banquiers, 62 grands propriétairesterriens, 94 anciens ministres, mais également

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Le « national-socialisme »

des dirigeants nazis, dont l'ancien militaireHermann Göring, le propagandiste JosephGoebbels et le responsable des S.A. ErnstRöhm.

Franz von Papen prôna comme mot d'ordrefranco-allemand « Mort au bolchevisme »,appelant à une coalition pour une interventionmilitaire. Le 20 juillet il supprima l'existence dugouvernement social-démocrate en Prusse ; ennovembre il comptait modifier la constitution.

En ce sens, le 4 janvier 1933, Franz vonPapen et Adolf Hitler eurent une discussionsecrète chez le banquier Kurt Freiherr vonSchröder, lui-même membre du « Club » et dontla banque J. H. Stein était largement présentedans IG Farben et le monopole industrielVereinigte Stahlwerke.

C'est cette discussion qui servit de base à lanomination de Adolf Hitler comme chancelier le30 janvier 1933, Franz von Papen devenant vice-chancelier.

Le 20 février, une réunion d'Adolf Hitler,Hermann Göring et 27 industriels permit lefinancement des prochaines élections du côténazi, asseyant la vague instaurant la terreur etla mise en place du nouveau régime.

14. Le parti nazi et le grand capital

Le parti nazi disposait en réponse à cettetendance à la guerre et à la réaction de pasmoins de trois organisations concernantl'économie, tissant des liens avec les grandscapitalistes.

Le 31 janvier 1931 avait été fondé le« département de politique économique duNSDAP » (Wirtschaftspolitische Abteilung derNSDAP), où l'on retrouvera à la fois le directeurgénéral de la Deutsche Bank Emil Georg vonStauß et le théoricien nazi de l'usure GottfriedFeder...

De cette structure sortit, d'octobre 1930 àoctobre 1931, un « service de presse de politiqueéconomique » du NSDAP, à destination de 60grands industriels, dont Fritz Thyssen, Gustav

Krupp von Bohlen und Halbach, PeterKlöckner, ou encore le responsable d'IG FarbenCarl Duisberg par ailleurs chef de l'associationnationale des industriels de 1925 à 1931.

Ce fut d'ailleurs Fritz Thyssen qui permit auparti nazi d'acheter son siège central à Munich,quant à l'association nationale des industriels –chapeautant 1000 unions industrielles, elle avaitpublié en décembre 1929 un manifeste intitulépas moins que Élévation ou effondrement ?(Aufstieg oder Niedergang ?). En 1933, elle feraune grand donation financière à Adolf Hitler,instaurant le soutien officiel au régime dans sesrangs, avec y compris le salut nazi.

La seconde organisation touchant l'économieétait le « Bureau du travail » (« Arbeitsstelle »)gérée par Hjalmar Schacht (1877-1970). Cedernier avait été notamment le responsable de labanque centrale allemande et avait refusé decéder aux exigences lors de la conférenceparisienne sur le plan Young. Obligé de le fairepar le gouvernement social-démocrate, ildémissionna et soutint le bloc nationalconservateur/nazi, puis le mouvement nazi lui-même.

Il jouera un rôle central en redevenantresponsable de la banque centrale allemande,avec les bons « Mefo », des bons de paiementgarantis par l'Etat mais indirectement, servant àrelancer l'industrie de l'armement sans existerofficiellement dans les données monétaires etfinancières.

En concurrence avec Hjalmar Schacht àl'initial existait également le « cercle d'étudesdes questions d'économie » (« Studienkreis fürWirtschaftsfragen ») autour de Wilhelm Keppler(1882-1960), qui rassemblait des industriels leplus souvent de second rang.

C'est de là que vint la lettre du 19 novembre1932 signé par des industriels et appelant à cequ'Adolf Hitler soit nommé chancelier. Le cerclejouera un rôle essentiel, sous le nom de « Cercled'amis du Reichsführer-SS [Himmler] », dans ladéportation de masses et l'intégration àl'économie allemande des entreprises conquises

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Les dossiers du PCMLM

par les nazis. Heinrich Himmler était ici aussi« arrosé » par des comptes secrets.

On rejoint ici un aspect particulier, celui oùune sorte d'oligarchie nazie construisait desempires économiques à côté des grandscapitalistes. Le cas le plus connu est celui deHermann Göring (1893-1946). Dépendant auxdrogues, vivant de manière luxueuse etdécadente, au point de posséder sept lionceauxcomme « animaux de compagnie », HermannGöring était souvent ridiculisé pour son goûtpour le faste et tout ce qui était brillant.

A partir de 1942, il ne joue plus aucun rôleen Allemagne nazie, dépensant une fortune enbiens luxueux, pillant massivement destableaux, passant son temps à la chasse, etc.tout en profitant de multiples entreprises, dontle monopole des préservatifs pour toutel'Allemagne nazie, notamment l'armée.

Enfin, parmi les soutiens à Adolf Hitler, ilfaut noter le monopole anglais des machines-outils et de l'armement Vickers, le richissimefondateur néerlandais de Shell Henri Deterding,le richissime suédois Ivar Kreuger qui obtint lemonopole des allumettes (cela fut valable enRFA jusqu'en 1983), le plus grand marchandd'armes d'Europe et ultra-richissime BasilZaharoff, l'association industrielle française le« Comité des Forges », etc.

De manière intéressante, le dirigeantpolitique du centre catholique, Heinrich Brüningqui fut également chancelier, écrivit ainsi le 28août 1937 à Winston Churchill :

« La véritable ascension de Hitlercommença seulement en 1929, lorsque lesgrands industriels allemands et d'autresrefusèrent de continuer à distribuer del'argent à une foule d'organisationspatriotiques qui avaient jusque-là menétout le travail pour le « Risorgimento »[« résurrection », allusion à l'Italie du 19esiècle s'unifiant] allemand.Leur point de vue était que cesorganisations étaient trop progressistesdans leur point de vue social. Ils étaientcontents que Hitler voulait radicalementpriver de droit les travailleurs. Lesdonations d'argent retenues aux autresorganisations s'en allèrent à l'organisationde Hitler. C'est naturellement tout à fait

le traditionnel début du fascisme. »

15. La remise du pouvoirau parti nazi

Adolf Hitler fut nommé chancelierd'Allemagne par le président Paul vonHindenburg, le 30 janvier 1933, à la suite d'unlong processus de tractations. Le parti nazi étaitalors financièrement exsangue et la base desS.A. toujours plus pressée d'obtenir desrésultats concrets.

En pratique, il s'agit donc d'une allianceentre le parti nazi et la fraction ultra-conservatrice, regroupant notamment le DNVP(Deutschnationale Volkspartei – Parti national-allemand du Peuple) et la « Stahlhelm, Bundder Frontsoldaten » (« Casque d'acier », liguedes soldats du front).

Le DNVP faisait grosso modo entre 9 et 15 %des voix aux élections, quant au Stalhelm,c'était une milice d'un million de personnes. Cesstructures, avec d'autres, s'étaient déjà alliéesaux nazis dans le « Front de Harzburg » en1931.

En arrière-plan de cela, on trouve la« Industrielleneingabe », pétition en novembre1932 de vingt représentants de l'industrie, de lafinance, et de l'agriculture au président Paulvon Hindenburg, appelant à la nomination deAdolf Hitler en tant que chancelier. D'autresclubs industriels firent de même en automne1932, comme le Hamburger Nationalklub, ainsique des clubs aristocratiques, comme le BerlinerNationalklub von 1919.

Cela se déroulait alors que la guerre civilelarvée propagée par les S.A. faisait des centainesde mort. La justice bourgeoise allemande étaitd'ailleurs ici « aveugle de l'oeil droit » comme ilétait dit en Allemagne.

C'était le prolongement de l'esprit qui avaitrégné lors de l'effondrement de la monarchie etla révolution de 1918. Alors, 90% des meurtrespar des corps-francs n'amenèrent pas à desenquêtes. Sur 314 condamnations pour

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Le « national-socialisme »

meurtres, la moyenne était de deux mois deprison. Pour 15 révolutionnaires, surtoutcommunistes, emprisonnés pour les mêmes faits,il y eut huit condamnations à mort et sept à enmoyenne 14 années de prison.

En ce qui concerne les années 1930, lasituation était similaire. Par exemple, pour lapériode du 7 août au 7 décembre 1932, la justiceallemande prononça 2297 condamnations à mortcontre les antifascistes, aucune contre lesnationaux-socialistes.

Durant la même période, les condamnationsd'antifascistes au pénitencier, en termesd'années, s'élevaient à 405 années, contre 21 auxnationaux-socialistes ; pour les années de prison,le total était de 827 années pour lesantifascistes, de 108 ans pour les nationaux-socialistes. Enfin, pour les condamnations à uneprison consistant en une sorte de résidencesurveillée (« festunghaft »), les condamnationsfurent de 32 années au total pour lesantifascistes, et rien pour les nationaux-socialistes.

Cela concernait les tribunaux réguliers ; pourles tribunaux spéciaux, les condamnations aupénitencier formaient 457 années pour lesantifascistes, 99 pour les nationaux-socialistes,et 498 années de prison pour les antifascistes,149 pour les nationaux-socialistes.

Après la nomination d'Adolf Hitler commechancelier le 30 janvier 1933, le parlement futdissous le premier février, et le 4 février lesdroits de presse et de réunion furent supprimées.Le 20 février, Adolf Hitler rencontra de manièresecrète 25 industriels lui fournissant plusieursmillions pour les prochaines élections.

Alors, le 22 février, la S.A., ainsi que la S.S.,furent nommés comme auxiliaires de police.C'est le début d'une terrible vague de terreur,principalement « justifiée » par l'incendie duparlement, le Reichstag, le 27 février par unmilitant d'ultra-gauche.

À partir de cette date, les activités politiquesprogressistes publiques sont impossibles, mais ce

n'est pas tout. Non seulement la police et lesservices secrets procédèrent à l'arrestation demilliers d'activistes – au moins 10 000communistes –, mais les S.A. firent de même.

Des milliers de personnes furent enlevées etamenées dans les bases des S.A., ainsi que dansles locaux socialistes et communistes prisd'assaut par les nazis. Elles furent placées dansles caves ou des cellules improvisées, torturéesde manière terrifiante, avec par exemple lescheveux arrachés et des croix gammées gravéesdans la tête, toutes les dents brisées une parune, etc., voire violées.

Malgré cela, les élections du 5 mars 1933n'apportent pas la majorité absolue aux nazis.Le Parti Communiste d'Allemagne obtint 12,3 %des voix, la social-démocratie 18,3 % des voix,dans des conditions pourtant terrifiantes.

Dans le prolongement de cet élan, le 22 mars1933, le camp de concentration de Dachau futouvert ; 49 autres suivront durant l'année.

En avril, 30 000 personnes étaient déjà encamp. 300 personnes au moins ont étéassassinées, chiffre très faible mais les chiffressont ici difficile à connaître bien entendu,particulièrement concernant la vague menée parles S.A..

150 000 personnes ont subi la torture àdifférents degrés, 350 000 perquisitions ont eulieu, 600 journaux ont été interdits. En février1934, le nombre de gens en camp passe déjà à170 000, le nombre de personnes tuées est aumoins de plusieurs milliers. La terreur nazieétait instaurée.

16. L'idéologie S.S. comme excroissanceet superstructure

Lors de la destruction de la population juived'Europe par les nazis, seulement la moitiéenviron des personnes assassinées le furent demanière industrielle, au moyen des campsd'extermination, les sinistres Auschwitz,Treblinka, Bełżec, Sobibor, Chełmno, Majdanek.

Les nazis procédèrent à la « Shoah par

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balles », sur le tas, parallèlement à leursconquêtes militaires. Cet aspect est totalementnégligé et incompris en France, ce qui futlargement employé par les négationnistes niantqu'il y ait eu un « plan » d'extermination etniant les chambres à gaz, sans jamais parler etpour cause de la « Shoah par balles ».

Ce qu'il s'agit de comprendre, c'est que lesS.A. avaient comme base idéologique un« socialisme national » prônant l'unité del'Allemagne sur une base pangermaniste et sa« purification » du pouvoir de « l'argent ». Leschoses s'arrêtaient là en termes de dynamiqueidéologique ; il s'agissait d'un anticapitalismeromantique, d'une sorte de « repli sur soi »absolu.

Or, la dynamique avait naturellement servil'expansionnisme impérialiste des monopoles,qui profitèrent de cet élan. Seulement, une foisconquis de vastes territoires, une idéologieuniquement « allemande » ne suffisait pas : ilfallait disposer de leviers pour profiter demobilisations pro-nazies dans les autres pays, ilfallait une idéologie justifiant le rôle« mondial » de l'Allemagne nazie.

Cela, c'est la S.S. qui lui fournira ; le passagede la « Shoah par balles » au génocideindustriel reflète la montée en puissance de laS.S. qui, contrairement à la S.A., agissaitdirectement dans une perspective « mondiale ».

À la base, la S.S. est l'escadron de protection(Schutzstaffel) d'Adolf Hitler, qui devint unestructure nationale en janvier 1929, dirigée parHeinrich Himmler. Le rôle de la S.S. était à labase de protéger Adolf Hitler ; le recrutementpuisait dans les « meilleurs » éléments de laS.A..

Toutefois, la S.S. surveillait par ailleurs laS.A., servant de la « police militaire » de celle-cile cas échéant, et également de système secretde surveillance au sein du parti nazi ; ici onretrouve le « Service de sécurité »(Sicherheitsdienst) de la SS, qui surveillaitégalement les opposants et soutenait les forcesnazies d'autres pays (Autriche,

Tchécoslovaquie...).

La S.S. fut ainsi un appareil technique, surune base élitiste – elle n'a que 4 000 membres en1931, 52 000 membres en 1933 – et c'est ainsiqu'avec la prise du pouvoir, elle se charged'organiser la police allemande (Ordnungspolizei– police de l'ordre), ainsi que de gérer les campsde concentration.

Par la suite, la S.S. forma des troupesmilitaires d'élite, la Waffen-SS, qui organisaensuite notamment des regroupements militairesinternationaux sous sa supervision (Divisions« Charlemagne » composée de Français,« Landstorm Nederland » de Néerlandais,« Hunyadi » de Hongrois, etc.), s'appuyant pourrecruter sur le concept de « Volksdeutsche »(« Membres du peuple allemand », sans êtreallemand de nationalité, avec une définition« raciale »).

La Waffen SS passa de 16 000 personnes en1937 à 90 000 en 1940, 236 000 en 1942, 500 000en 1943, 600 000 en 1944 ; son recrutementdevint de plus en plus ouvert, et dans tous lescas les troupes étaient connues pour leurbrutalité extrême et leurs massacresinnombrables.

Ce sont d'ailleurs les « Einsatzgruppen »(groupes d'intervention) de la SS qui menèrentla « Shoah par balles », liquidant par ailleursdes cadres politiques ennemis d'autres pays, desprisonniers de guerre, etc. ; bien entendu, c'estla S.S. qui supervisa le génocide industriel despopulations juives, rom et sinti.

La S.S. est ainsi la S.A. de l'époque de laconquête impérialiste ; au « socialismenational » allemand a succédé la bataille pour lasuprématie mondiale « aryenne ». L'idéologuenouveau sur ce plan – toujours considéré commenon officiel par le parti nazi – est AlfredRosenberg (1898-1946), par l'intermédiaire deson ouvrage Le mythe du XXe siècle.

Toute la camelote mystique nazie puise sonorigine ici. Alfred Rosenberg ne s'intéresse pas àl'Allemagne historique, comme le faisaient les

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Le « national-socialisme »

théoriciens nationaux-socialistes, Rudolf Jung enpremier lieu. Alfred Rosenberg dresse en effet untableau général de l'histoire du monde commeconflit entre les « Aryens » et les « races »inférieures.

Cette idéologie totalement idéaliste alla depair avec toute une série de fantasmesoccultistes (la terre serait « creuse », l'univers« fermé », le Tibet hébergerait le « roi dumonde », etc.)

Alfred Rosenberg, à côté donc de son rôleessentiel de propagandiste antisémite, a icisynthétisé une idéologie prônant un retour aufolklore païen, une « âme » aryenne traversantles époques et resurgissant – ce qui ici sert bienentendu de justificatif aux conquêtes nazies.

Le fascisme tournait ici en roue libre,l'idéologie S.S. était une excroissance liée àl'organisation du pouvoir de manière adaptée àla guerre impérialiste, comme nouvellesuperstructure historique.

17. L'absence de contradictions réellesau sein des S.A.

Les S.A. ne connurent pas de réelbouleversement à partir de 1933. Cela peutsembler paradoxal, et ce problème théorique aété « résolu » de manière totalement idéalisteau moyen d'une interprétationfondamentalement erronée de la « nuit des longscouteaux » en juin 1934.

La liquidation de dirigeants S.A. qui a eu lieualors ne tient pas spécifiquement à la base de laS.A., et d'ailleurs la répression frappe autant lesmilieux de la « révolution conservatrice ». Lathèse d'une « gauche » de la S.A. se révoltant etexigeant une « seconde révolution » n'a pas defondements.

La base des S.A. n'était pas unifiée, même sielle provenait de couches populaires. Dans leszones ouvrières les S.A. étaient en bonne partieeux-mêmes d'origine ouvrière, alors que dans lesgrosses villes du sud comme Munich ouFrancfort sur le Main, il n'y avait pratiquement

pas de S.A. faisant partie de la classe ouvrière.

Cette base populaire des S.A. n'avait, danstous les cas, pas du tout la culture des grandscentres ouvriers, où la classe ouvrière ne cédajamais aux nazis. Les S.A. se plaçaient doncdans une perspective assez « lumpen » ; parailleurs au-delà des apparences « strictes »,porter l'uniforme n'était pas une nécessitéabsolue ; en ville on était alors relégué au fonddes défilés, et dans les campagnes il ne fut pasgénéralisé systématiquement.

De la même manière, les S.A., pourtantl'armée d'Adolf Hitler, avaient la moitié de leursmembres n'appartenant pas au parti nazi. LesS.A. fonctionnaient en fait par affinité, formantdes rassemblements d'hommes exprimant uneidéologie « virile », une culture militariste issuede la première guerre mondiale où ils n'avaientpas combattu en raison de leur jeune âge.

L'idéologie des S.A. tenait ainsi à un style,comme dans le hooliganisme, et pour cetteraison, toutes les entreprises idéologiquesconcernant les S.A. ont échoué.

Ainsi, lorsque la fraction portée par OttoStrasser, quitta les S.A. en lançant un manifestele 4 juillet 1930, signé Les national-socialistesrévolutionnaires, elle n'eut pratiquement aucunimpact.

Cette rupture fut le prolongement d'unediscussion houleuse, les 21 et 22 mai 1930, entreAdolf Hitler et les partisans d'Otto Strasser, quiréclamaient davantage de décentralisation dansle parti nazi et surtout qui considéraient que leconcept de « communauté populaire » étaitcentral, et pas celui de « Führer ».

Otto Strasser opposait en pratique lefascisme italien, avec son principe du dictateur,au national-socialisme compris comme« socialisme national », autarcique avant tout.Pour cette raison, Otto Strasser critiquait le nonsoutien à Gandhi en Inde, à ses yeux, lenationalisme devait soutenir tous lesnationalismes. Par la suite, Otto Strassersoutint ensuite une ligne ethno-différentialiste,

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considérant « les Juifs » comme une race à part,mais devant être reconnue.

Malgré toutes ces questions débattues et quipurent être prétexte à des batailles de fraction,seulement quelques milliers de personnesquittèrent les S.A. pour rejoindre Otto Strasserqui fonda le National-SozialistischeKampfgemeinschaft Deutschlands(« Communauté de combat national-socialisted'Allemagne »), structure tentant de lancerdifférentes publications (Le national-socialiste,La révolution allemande, Le front noir).

Très rapidement la moitié des effectifsrejoignirent les communistes ; Otto Strasser seretrouva totalement isolé, quittant l'Allemagneen 1933, pour finalement se retrouver auCanada.

Malgré cet épisode anecdotique dansl'histoire des S.A., et la base corporatiste d'OttoStrasser, cela fut prétexte à un « mythe » d'une« gauche » des S.A..

En réalité, s'il faut chercher un événementd'importance dans les S.A. ayant une certainedimension sociale, et certainement pas socialiste,ce fut la révolte organisée par Walter Stennes,« héros » de la première guerre mondiale puiscorps-franc, ayant rejoint le parti nazi 1927 etimmédiatement devenu le responsable pourBerlin.

Walter Stennes avait exigé que des S.A.fassent partie des élus du parti nazi, que lesgens du service d'ordre de protection soientpayés, etc. Le 30 août 1930 il occupa enrébellion le bâtiment central du parti nazi àBerlin, ainsi que la rédaction du journal naziberlinois « Der Angriff » (« L'attaque »),bastonnant les S.S. de garde présents.

Adolf Hitler dut intervenir en catastrophe etrechercher un compromis. A cette occasion, ilévinça Franz Pfeffer von Salomon du poste dedirection des S.A., pour y placer Ernst Röhmavec comme tâche de contrôler Walter Stennes.

Ce dernier réédita les occupations debâtiment en février 1931, refusant d'accepter

l'ordre d'Adolf Hitler de cesser les combats derue, afin d'obéir à l'état d'urgence prononcérégionalement par le gouvernement. WalterStennes attaqua à ce moment làidéologiquement violemment les « bonzes » ausein du parti nazi, et il fut alors exclu du partinazi et des S.A..

Walter Stennes réussit toutefois à gagner untiers des S.A. berlinois et fonda leNationalsozialistische KampfbewegungDeutschlands (« Mouvement de combatnational-socialiste d'Allemagne »), s'opposanttotalement au parti nazi et exigeant laprédominance complète des S.A.. A ses yeux,l'existence du parti nazi était une concessionintolérable au « système » et il visaitparticulièrement Joseph Goebbels commereprésentant du courant « idéologique ».

Selon Walter Stennes, les S.A. devaients'opposer catégoriquement au « système » etviser le coup d’État. Le mouvement de WalterStennes échoua cependant totalement ; arrêté en1933, il dut sa liberté grâce à son ami HermannGöring et à son oncle qui était cardinal. Il partiten Chine où il devint conseiller militaire deJiǎng Jièshí (Tchang Kaï-chek).

Enfin, il existait une autre structureindépendante du parti nazi, appelée Gruppesozialrevolutionärer Nationalisten (« Groupe desNationalistes sociaux-révolutionnaires »),autour de Karl Otto Paetel et proche d'ErnstNiekisch. Cette organisation était de type« national-bolchevik », prônant une Allemagnenationaliste s'opposant aux grandes entrepriseset s'alliant avec l'URSS.

L'organisation finit par soutenir la lutte duParti Communiste d'Allemagne contre lemouvement nazi, mais son importanceidéologique et culturelle était pratiquementnulle. Il en alla de même avec Gregor Strasser,frère d'Otto Strasser, qui perdit touteresponsabilité au sein du parti nazi en décembre1932.

Les nazis avaient perdu deux millions de voixaux élections un mois auparavant et Otto

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Le « national-socialisme »

Strasser prônait une politique de compromisgouvernemental, ligne qui échoua devant celled'Hermann Göring et Joseph Goebbels prônantqu'Adolf Hitler devienne chancelier.

Dans tous les cas, il n'y eut jamais descission de masse dans les S.A., ni d'expressionpolitique ; sur le plan idéologique, on en restatoujours au niveau du hooliganisme.

18. Les contradictionsau sein de l’État nazi

L'Allemagne nazie connut bien entendu descontradictions, en fait elle ne connut que cela :contradictions entre elle et les pays conquis etopprimés, contradictions entre les larges masseset la grande bourgeoisie, contradictions entrel'armée allemande et les nouvelles factions dansl'appareil d’État, contradictions entre lesfactions nazies elle-même, etc. etc.

La première grande contradiction visible futcelle entre la haute bourgeoisie et l'aristocratiepartisanes de la « révolution conservatrice » etle parti nazi. Elle s'exprima par l'intermédiairede Franz von Papen, qui avait lui-même joué unrôle essentiel pour qu'Adolf Hitler accède au rôlede chancelier.

Franz von Papen tint un discours àl'université de Marbourg, le 17 juin 1934, quifut ensuite publié malgré l'opposition farouchedu parti nazi. Ce qui y est dit est d'unefranchise politique impressionnante : Franz vonPapen explique ouvertement que le camp de la« révolution conservatrice » a choisi, avec raisonselon lui, de soutenir le national-socialisme.Franz von Papen dit ainsi de manière ouverte :

« J'ai fait porté l'attention, le 17 mars1933 à Breslau, sur le fait que dans lesannées d'après-guerre, un type demouvement conservateur-révolutionnaires'était développé, qui ne se différenciait dunational-socialisme essentiellement que surle plan de la tactique.Comme la révolution allemandecombattait contre la démocratisation etses conséquences fatales, le nouveauconservatisme refusait de manièreconséquente toute démocratisation deplus, et croyait en la possibilité de mettrehors de fonction, par en haut, les forces

pluralistes.Le national-socialisme, à l'opposé, alla surla voie de la démocratie, jusqu'au bout,pour arriver ensuite devant les questions,de fait pas faciles, de savoir commentétaient à réaliser les idées de directionabsolue, de principe de sélectionaristocratique et d'ordre populaireorganique.

L'histoire a donné raison à la tactiquenational-socialiste, cette réalité compriseamenèrent les hommes d’Étatconservateurs à l'alliance avec lemouvement national-socialiste dans cesheures du début de l'année 1933. »

Cependant, les tenants de la ligne de la« révolution conservatrice » étaient en désaccordavec un certain nombre de points, précisés parFranz von Papen dans le discours. Tout d'abord,il était considéré qu'il fallait former une éliteissue d'une société corporatiste, et non pas doncsur la base d'un parti dirigeant. Ensuite, lareligion chrétienne devait être au centre desvaleurs, dans une optique traditionnelle, et nonpas la mobilisation « permanente ».

L'idéologie du discours est en fait celui del’État clérical-corporatiste, tel qu'il se formerajustement en Autriche. Celui qui l'avait écritn'était d'ailleurs pas Franz von Papen lui-même,mais Edgar Julius Jung (1894-1934).

On se situe ici – les services secrets nazispublieront tout un dossier à ce sujet – dans lamouvance idéologique de l'autrichien OthmarSpann (1878–1950), justement théoricien del’État corporatiste dans l'esprit de la« révolution conservatrice », et qui menait unegrande lutte d'influence idéologique en Autriche.

Othmar Spann sera à ce titre mis de côté parles nazis ; Edgar Julius Jung sera lui arrêté dèsle 25 juin 1934 et assassiné le 30 juin 1934. Lesnazis avaient compris que les tenants de la« révolution conservatrice » s'étaient organisésen fraction et comptait s'appuyer sur l'arméepour mener un coup d’État militaire.

Le même 25 juin 1934 furent ainsi assassinésnotamment le représentant majeur ducatholicisme politique Erich Klausener, leresponsable de la jeunesse sportive catholique

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Les dossiers du PCMLM

Adalbert Probst, le théologien BernhardStempfle, le général Ferdinand von Bredow,l'ancien chancelier Kurt von Schleicher, lepoliticien Herbert von Bose lui-même lié à Franzvon Papen ; ce dernier ne dut sa vie qu'àHermann Göring qui lui conseilla de « resterchez lui ».

Les tenants de la ligne de la « révolutionconservatrice » menèrent par la suite unepolitique clandestine, supervisée par deuxcomtes : Helmuth James Graf von Moltke (1907-1945) et Peter Graf Yorck von Wartenburg(1904-1944). Le premier sera arrêté, puiscondamné à mort en raison de la tentative decoup d’État du 20 juillet 1944 à laquelleparticipa le second.

Ce fut un troisième comte, Claus SchenkGraf von Stauffenberg (1907-1944), qui dirigeala tentative de coup d’État combinant attentatcontre Adolf Hitler et prise de contrôle de« l'opération Valkyrie », un état d'urgenceprévue par l’État nazi lui-même en cas desoulèvement populaire.

Il s'agit ainsi d'un coup d’État au sens strict,pas d'une participation à un soulèvementdémocratique. Voici d'ailleurs le programme dece coup d’État, formulé par Claus vonStauffenberg comme dénominateur commun :

« Nous nous sommes engagés en esprit etdans les faits aux grandes transmissionsde notre peuple qui ont donné naissance àl'humanité occidentale par la fusion desorigines helléniques et chrétiennes dansl'essence germanique.Nous voulons un nouvel ordre, qui rendporteurs de l’État tous les Allemands, etleur garantit le droit et la justice, maisméprisons le mensonge de l'égalité etexigeons la reconnaissance des rangsnaturels.Nous voulons un peuple enraciné dans lesol de la patrie, qui reste proche des forcesnaturelles, qui trouve dans l'agissementdans ses cercles de vie donnés sa chance etsa satisfaction suffisantes, et dépasse dansla fierté libre les impulsions inférieures del'envie et de la jalousie. »

Parmi les 200 personnes exécutées pour latentative de coup d’État, on trouve 20 généraux,26 colonels, deux ambassadeurs, sept

diplomates, un ministre, trois secrétaires d’Étatdont le chef de la police criminelle, etc.

19. La prétendue « nuit des longscouteaux »

La date du 25 juin 1934 est davantage connuepour la liquidation, en même temps que lesputschistes de la « révolution conservatrice », denombreux dirigeants de la S.A.. Officiellement,du côté nazi, c'est une réponse à la tentative deputsch du dirigeant de la S.A., Ernst Röhm.L'expression la « nuit des longs couteaux » n'ajamais été employée en Allemagne, seulement enFrance, en Angleterre, etc. comme surnomdonnée à une opération qui aurait servi àliquider la « gauche » nazie.

Ce n'est pas le cas. Preuve en est que nullepart le programme du parti nazi ne prévoyaitd'expropriations, à part dans le cas d'activitésdites anti-nationales, et que de plus leresponsable de la S.A. à ce moment-là étaitErnst Röhm, placé en réponse aux agissementspopulistes de Walter Stennes.

Quant à l'arrêt des violences de la S.A.comme prétexte, une telle interprétation n'a pasde sens, alors que l'Allemagne passe sous lacoup de bouchers.

En réalité, cette opération contre la directionde la S.A. allait dans le même sens que laliquidation de la ligne de la « révolutionconservatrice ». Cette dernière refusait lamobilisation totale ; inversement, lesresponsables de la S.A. tablaient dessus pours'imposer.

En raison des traités internationaux d'après-guerre, l'armée allemande ne pouvait pasdépasser 100 000 personnes, alors que les S.A.,par l'intégration d'autres structures juste après1933, principalement nationalistesconservatrices, étaient passés à 4 millions depersonnes.

On peut se douter d'ailleurs que cette baseayant quadruplé grosso modo n'est plus du toutcelle d'avant 1933, ce qui est un autre argument

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Le « national-socialisme »

à l'encontre de la thèse d'une révolte« populaire » de la base de la S.A..

Enfin, citons Gregor Strasser, frère d'OttoStrasser qui lui avait quitté le parti nazi. GregorStrasser est toujours présenté comme ledirigeant de « l'aile gauche » du nazisme,notamment comme il fut exécuté en 1934. Voicice qu'il dit on ne peut plus clairement dans uneinterview au journaliste Hubert RenfroKnickerbocker :

« Nous reconnaisons la propriété privée.Nous reconnaissons l'initiative privée.Nous reconnaissons nos dettes et notreobligation de les payer. Nous sommescontre l'étatisation de l'industrie. Noussommes contre l'étatisation du commerce.Nous sommes contre l'économie planifiéedans le sens soviétique. »

En réalité, les S.A. étaient portées parl'idéologie du « socialisme national » dans uneperspective relativement autarcique ; ce qu'onappelle la « gauche » nazie c'est en réalité lafraction la plus corporatiste.

Par conséquent, mes S.A. poussaient pourêtre la base de l'armée « nouvelle », dansl'esprit « milicien » du « socialisme » prussien,tandis que l'armée comptait bien entenduconserver ses traditions et son caractère central.De ce côté, ce furent les généraux Walter vonReichenau (1884-1942) et Werner von Blomberg(1878-1946) qui poussèrent à l'intégration del'armée dans le système nazi.

Le président Paul von Hindenburg décédaalors opportunément le 2 août 1934, permettantà Adolf Hitler de devenir le chef du parti nazi,de l’État, du gouvernement et de l'armée, cettedernière instaurant un serment obligatoire au« Führer » dans ses rangs.

Ce processus passa cependant par laliquidation au préalable tant du bloc de la« révolution conservatrice » ayant la conceptiond'une armée « prussienne » que des dirigeantsde la S.A. ayant une conception plusdécentralisée et conforme à leurs envies decarrière.

20. Les caractéristiques générales

Il y a lieu de préciser, pour conclure, lescaractéristiques générales du national-socialisme.

1. Le national-socialisme n'est pas unerencontre du nationalisme et du socialisme, maisune perspective idéaliste de réponse« nationale » aux questions sociales. Pour cetteraison, l'anticapitalisme romantique estnécessaire, afin de « compenser » la non-remiseen question du capitalisme.

2. La réponse « nationale » à la questionsociale présuppose le fait que la nation neconnaîtrait pas de contradictions internes ; labase est ainsi la négation de la lutte des classeset du principe de dialectique en général.

3. Le « socialisme national » ne consiste pasen la nationalisation de secteurs économiques, lenational-socialisme n'a jamais remis en cause lanotion de propriété privée. Le seules différencesidéologiques internes reposent sur le degré decorporatisme « nécessaire » à la société.

4. Les courants « national-révolutionnaire »et « national-bolchevik » etc. ne représententdonc nullement une « gauche » du national-socialisme, mais ses tendances davantageorientés vers le corporatisme. Les tendances« racialistes » représentant les tendancesexpansionnistes et les plus militaristes.

5. Les secteurs des masses qui passent dans lecamp du national-socialisme ont comme moteuridéologique le nationalisme, pas le« socialisme ». Le socialisme exigé par cesmasses est happé par le nationalisme commeréponse à la crise – face au « parasite » anti-national – puis seulement par le national-socialisme.

6. La paralysie totale des masses une fois lenational-socialisme instauré est précisément lefruit de ce mouvement en trois étapes : l'énergierévolutionnaire des masses est détourné vers lenationalisme prétendant unifier la communauté.L'élan idéologique donné alors est tourné enmobilisation national-socialiste.

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7. Les courants de la « révolutionconservatrice » sont le pendant intellectuel etgrand-bourgeois du nationalisme venant de la« base ». Dans le cas où un régime politiqueoffensif est nécessaire, le courant national-socialiste prime nécessairement sur le courant dela « révolution conservatrice », et inversementpour les phases de réorganisation étatique et deréimpulsion du capitalisme.

8. Le national-socialisme exprime de manièrecombinée les besoins de la bourgeoisie la plusréactionnaire et de la recherche des massesd'une « sécurité » où la forme nationale se voitprivilégiée. Cette combinaison est un processuslong, difficile et contradictoire sur les plansidéologique, intellectuel, social et culturel.

9. Le national-socialisme est une tendance« naturelle » de la société capitaliste oùs'installe un « froid social » dû à la crisegénérale du capitalisme. Les courants idéalistesd'ultra-gauche participent à la formation decette tendance ; la social-démocratie lui donneles moyens matériels d'exister de par seserrements multiples.

10. La seule réponse au national-socialismeest la combinaison de l'exigence de ladémocratie populaire avec l'affirmation de ladimension réelle de la bataille pour lecommunisme, en tant que résolutions de lacontradiction entre travail manuel et travailintellectuel, et de celle entre les villes et lescampagnes.

Première publication : octobre 2014

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