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Conception et conduite de projet éducatif spécialisé ÉDUCATEUR SPÉCIALISÉ Diplôme d’État d’ ITINÉRAIRES PRO DEES • DC2 Les définitions et objectifs du projet La méthodologie du projet La place du quotidien et de la famille L’étude de situation et le mémoire 21 thématiques Connaissances à mobiliser Méthodologie des épreuves 5 e édition DIPLÔMES DU SOCIAL N°1

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Conception et conduite de projet éducatif spécialisé

ÉDUCATEUR SPÉCIALISÉDiplôme d’État d’

ITINÉRAIRESPRO

DEES • DC2

✔ Les définitions et objectifs du projet

✔ La méthodologie du projet

✔ La place du quotidien et de la famille

✔ L’étude de situation et le mémoire

21 thématiques

Connaissancesà mobiliser

Méthodologie des épreuves

5e édition

DIPLÔMES DU SOCIAL

N°1

– 5 –

Avant-propos 3

Sommaire 5

Introduction 9

Le projet : un concept « total » Partie 1 au cœur de notre culture contemporaine

1. La notion de projet : une fausse évidence 19

2. Les origines théoriques 21

3. Un défi au temps 24

4. Le projet comme outil technique : existe-t-il une spécificité éducative ? 28

5. Définition du projet éducatif spécialisé 33

Partie 2 Les différents projets de l’éducation spécialisée

1. L’obligation fondatrice du projet d’établissement ou de service 39

2. Des projets interdépendants 40

3. Un vocabulaire précis 42

4. Définitions 44

5. Place du référent dans le projet personnalisé 58

6. Quand la réflexion sert l’action... 64

Le défi de l’objectivation scientifique : l’indispensable Partie 3 apport de la méthodologie de recherche

La méthodologie de projet est une recherche appliquée 69

Sommaire

à la recherche d’une pédagogie Partie 4 de l’éducation spécialisée

La définition classique du travail social 95

à la recherche d’une méthodologie Partie 5 du projet éducatif spécialisé

1. Les présupposés communs à tout projet d’intervention 123

2. La méthodologie d’intervention classique en travail social 124

3. Les spécificités méthodologiques de l’intervention éducative spécialisée 128

4. Les promesses de la recherche-action 134

5. Perspectives d’un processus méthodologique éducatif 138

Partie 6 Le défi de l’évaluation

1. Une nouvelle compétence qui s’impose 151

2. L’évaluation est multidimensionnelle 153

3. Un processus évaluatif nécessairement différencié en évaluations particulières 157

4. L’évaluation en pratique(s). 1 : la méthode Alföldi 161

5. L’évaluation en pratique(s). 2 : la méthode inspirée du Conseil national de l’évaluation sociale et médico-sociale 166

6. La nécessité de développer de nouveaux outils 168

– 7 –

Le support relationnel de la vie quotidienne Partie 7 et des activités

1. Le quotidien : une réalité incontournable 173

2. La structuration du quotidien 175

3. L’éducateur et les activités : un destin commun 178

4. Les techniques éducatives et d’expression 181

5. La prise en charge des groupes 183

Partie 8 La place des familles dans le projet éducatif spécialisé

1. Une réalité complexe multidimensionnelle 189

2. Des approches dépassées : de l’indispensable à la dangereuse famille 191

3. L’émergence de nouvelles approches : la nécessité de collaborer avec les familles 195

4. Définir la place des familles dans le projet éducatif en fonction du contexte de l’intervention 201

5. La place des familles dans le cadre judiciaire de la protection de l’enfance 203

6. La place des familles dans le cadre d’une relation contractualisée 206

7. La place des familles dans le cadre d’un projet de développement social 211

8. La place incertaine des familles dans le projet éducatif 215

Partie 9 Les certifications du DC 2

1. L’étude de situation 219

2. Le mémoire 226

Conclusion 234

Bibliographie 235

5 Place du référent dans le projet personnalisé

– 58 –

1. Nécessité d’un éclairage conceptuel

a. Tentative de définitionLe terme « référent » trouve son origine dans la linguistique et désigne « un être ou un objet réel ou imaginaire auquel renvoie un signe linguistique » (Larousse). Du point de vue des thérapeutes familiaux et en psychothérapie institutionnelle systémique, la fonction de référent thérapeutique consiste à être « un soignant choisi dans l’équipe des thérapeutes pour effectuer un suivi personnalisé d’un patient lorsqu’il s’agit d’une prise en charge à long terme (...). Son rôle spéci-fique de disponibilité vis-à-vis d’un patient précis se réalise soit sur un mode d’accompagnement et d’écoute libre, soit à l’occasion d’un soin défini qui centre la relation » (Dictionnaire clinique des thérapies familiales).

Il est complexe de définir cette fonction, d’un point de vue éducatif, tant sa réalité varie selon les établissements ou services (internats éducatifs, instituts médico-pédagogiques, action éducative en milieu ouvert dans le cadre judi-ciaire ou administratif, aide sociale à l’enfance, ...). Selon le cadre et le contexte de l’intervention, au terme référent s’ajoute un qualificatif ou une spécialité en lien avec la compétence du professionnel. On parlera du référent éducatif, de placement, institutionnel, scolaire, de la mesure d’AEMO qu’elle soit adminis-trative ou judiciaire... En cela, la définition du référent éducatif échappe donc de fait à une modélisation généralisable à tous les champs d’intervention. D’ores et déjà, nous pouvons affirmer que l’éducateur référent occupe donc une place à géométrie variable, tant dans le parcours personnalisé de la personne que dans les relations avec les partenaires selon l’établissement ou le service dans lequel il exerce ses fonctions. Reste que le choix de nommer un référent ne relève pas a priori d’une logique fantaisiste 1. Une majorité d’établissements souscrivent à cette nécessité estimant que la personne et sa famille ne peuvent être confrontées à la communauté éducative composée d’une multiplicité d’intervenants (éducateurs

1. Dans certains établissements ou services, cette place est quelquefois vidée de sa substance ou inhabitée tant l’aspect collectif prévaut sur la personne. Bien que le manque de personnel puisse être quelquefois invo-qué pour expliquer cette vacance, elle ne peut constituer une réponse en soi. Pour certains, elle est liée à une insuffisance de réflexions sur ce sujet du fait d’un manque de temps et souvent de volonté. D’autres refusent la mise en place de la référence compte tenu des risques d’exclusivité liés à la relation tissée entre le référent et l’enfant ou l’adulte.

Place du référent dans le projet personnalisé

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spécialisés, éducateurs sportifs, éducateurs scolaires, psychologues, psychiatres, orthophonistes, psychomotriciens…), sans savoir précisément à qui ils doivent s’adresser pour obtenir une information ou simplement échanger. Cette multipli-cité d’intervenants est alors susceptible d’insécuriser, de complexifier la relation éducative, de brouiller le discours et d’empêcher en somme une cohérence dans les actions qu’elles soient éducatives, sociales, thérapeutiques ou pédagogiques.

b. Des intérêts et des risques

La fonction de la référence consiste en « l’instauration d’une relation privilégiée [qui] fait entrer peu ou prou le professionnel dans une logique de suppléance parentale : il exerce un rôle d’écoute, d’observation et de guidance et assure la continuité et la cohérence de la vie de l’usager. Il prend très vite une place centrale dans son univers étant facilement sollicité pour répondre aux demandes, angoisses et problèmes de ce dernier1. »

Cette relation privilégiée, entre l’éducateur référent et la personne accompa-gnée, se situe donc au carrefour d’une confiance réciproque et de l’affectif. Du côté de l’éducateur, cette place de référent constitue idéalement un levier dans la relation du fait de sa proximité : elle engage dans la connaissance et la compré-hension de l’autre. Du côté de la personne accompagnée, elle prend appui sur « un adulte ressource » qui le protège, le soutient et l’encourage.

Cependant, le risque de la référence se situe dans l’appropriation par le profes-sionnel, au moins à son insu, de la situation : en se sentant le seul dépositaire de la parole de la personne et détenteur d’une vérité sur elle, l’éducateur peut alors n’accorder que peu de crédit aux observations de ses collègues et s’arrêter exclusive-ment sur ses émotions et ses ressentis. Dans ce type de configuration, la personne n’est plus reconnue comme actrice de ses projets mais prisonnière d’une perception individuelle, aussi bienveillante soit-elle. Cette relation fusionnelle ou d’emprise réciproque compromet nécessairement l’évolution de la personne. Certes, l’éduca-teur doit travailler avec ses propres représentations, sa perception, ses émotions et ses ressentis qui conditionnent en partie ses pratiques et qui rigidifient quelquefois ses positions. Il doit alors s’en décaler afin de trouver la « bonne distance » qui permet à la personne d’être accompagnée, sans se trouver « coincé » dans une relation nécessairement temporaire : ce défi quotidien nécessite de s’interroger en permanence.

Et si la position de référent crée le plus souvent une relation de proximité, somme toute particulière, elle ne devrait pas se traduire par une impossibilité à objectiver ce qui est vécu.

1. Jacques Trémintin et Guy Benloulou, « Le référent : professionnel ressource ou substitut parental », Lien social, n° 340.

Les différents projets de l’éducation spécialisée

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L’exemple qui suit propose une vision de la référence à laquelle s’ajoute un commentaire sur les dispositifs qu’il convient de mettre en place dans un établis-sement afin d’en conjurer les « mauvais » effets et de garantir la mise en œuvre du projet personnalisé dans les meilleures conditions possibles.

2. Rôle et fonction du référent en internat éducatif (extrait d’un projet d’établissement)

Le référent éducatif est dans un lien privilégié mais non exclusif avec l’enfant. Autrement dit, il n’est pas le seul dépositaire des informations concernant l’enfant et ses parents. Il n’est pas le seul à être en relation avec eux. L’équipe dans son ensemble est concernée.

Pour autant, dans un souci de cohérence, il est le fil conducteur d’une situation, celui qui est le plus à même de restituer de manière exhaustive ce qui se passe pour l’enfant lors de son placement notamment en réunion de synthèse. Il est également celui qui construira avec l’enfant son projet personnalisé.

En outre, plusieurs responsabilités lui incombent :

Sur le plan scolaire :

w■celle de suivre l’enfant dans sa scolarité. Pour ce faire, il rencontre les ensei-gnants de manière régulière (environ trois fois par an), et dans la mesure du possible en présence de ses parents informés en amont des rendez-vous ;

w■ il accompagne l’enfant dans son orientation, son projet professionnel ;

w■ il assure le suivi scolaire (état des fournitures, cahier de correspondance, bulle-tins scolaires, etc.) ;

w■ il relaie les demandes ou besoins de soutien scolaire ou d’un autre suivi (ortho-phonie, psychomotricité, etc.) auprès de l’équipe.

Sur le plan médical :

w■ il assure le suivi médical et paramédical et veille à sa bonne organisation ;

w■ il prend les contacts nécessaires le cas échéant ou sollicite la ou les personnes susceptibles de le faire.

(...) Il informe et implique les parents dans la mesure du possible dans la scolarité de l’enfant, la santé, l’hygiène, les projets à court ou moyen terme (vacances, etc.). En concertation avec la direction, il participe à des rencontres formalisées avec les parents à raison de deux à trois fois par an afin de faire le point sur la situation de l’enfant et celle de ses parents, les projets à court ou moyen terme. Si la mesure de placement arrive à échéance, le rendez-vous avec la famille sera, entre autres, l’occasion de transmettre la position de l’équipe à l’égard du placement, ses diffi-cultés comme ses points positifs.

Le référent éducatif a un devoir de transmission des informations lorsqu’elles constituent des éléments de danger pour l’enfant. Dans la relation éducative fondée sur la confiance, le référent éducatif doit impérativement expliquer à

Place du référent dans le projet personnalisé

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l’enfant les raisons pour lesquelles il est amené à transmettre des informations. Il n’est pas seul dans la situation mais se réfère à une équipe tenue au secret professionnel.

Par ailleurs, bien qu’il intervienne au quotidien et suive l’enfant dans son évolu-tion, il centralise ou collecte les informations transmises par ses collègues tant dans les temps informels, par le biais du cahier d’informations, qu’au cours des réunions.

Durant l’année, selon des temps à déterminer, le référent éducatif expose les situations pour lesquelles il a été nommé. Des comptes rendus sont rédigés à cet effet mais également au cours des réunions de synthèse, ou des rencontres avec les partenaires, et composent le dossier de l’enfant. Ils sont à disposition de l’équipe éducative.

Enfin, au cours du placement de l’enfant, le référent éducatif est amené à rencontrer de multiples partenaires. Ces derniers n’ont évidemment pas le même rôle mais interviennent de manière plus ou moins régulière dans le quotidien de l’enfant et participent de fait à sa construction sociale et individuelle. Ainsi, il est souhaitable que des points puissent être faits avec chacun d’entre eux afin d’enrichir les obser-vations concernant l’enfant et définir des projets au plus près de ses besoins.

Commentaires

Examinons maintenant ce qui favorise le processus éducatif, lui-même construit à partir d’un double mouvement : l’un impulsé par le référent éducatif mobilisé par l’enfant, centré sur son projet personnalisé, et l’autre sous l’égide de l’équipe pluridisciplinaire qui, par son existence, peut oblitérer les effets pervers de la référence.

a. Une individualisation de l’accompagnement Dans cet exemple, le référent centralise l’information et s’inscrit au cœur de l’accompagne ment de l’enfant par sa présence régulière. La relation qu’il tisse avec lui et ses parents l’amène de fait à occuper une place essentielle sans que celle-ci ne soit fondée sur l’exclusivité. Pourtant, par les responsabilités qui sont les siennes sur les plans scolaire et médical, le référent est celui qui garantit, assure, organise la mise en œuvre des suivis ainsi que le projet personnalisé. L’éducateur référent participe alors à l’évaluation de la situation en tant que principal interlocuteur de l’enfant et de sa famille. Enfin, il relaie les obser vations, les demandes des partenaires institutionnels et contribue par ses écrits à une meilleure connaissance de l’enfant et à la prise en compte de ses besoins.

b. La sécurisation d’un travail collectifEn cela, le référent détient un extraordinaire pouvoir qui peut se muer en toute-puissance en l’absence d’instances de régulation et de supervision, ou de volontés

Les différents projets de l’éducation spécialisée

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de restitution d’informations et d’actions en équipe. Dans l’exemple ci-dessus, les places des responsables hiérarchiques de l’équipe éducative ne sont pas négli-geables. Par leur participation et leur contribution à la réflexion, la solitude ou l’isolement de l’éducateur sont amoindris, au profit de la communauté éducative impliquée dans son ensemble auprès de chaque enfant accueilli. Pour autant, il ne faut pas mythifier l’idéal que représente ce collectif de profes sionnels, si délicat à maintenir dans certains établissements ou services.

c. Une tentative d’objectiver l’accompagnement Toutefois, consi dérons que la définition d’objectifs clairs, et de procédures de travail rigoureuses dont chacun maîtrise le sens et partage la conduite, favorise ce travail d’équipe. De cette manière, la mutualisation des savoir-être et savoir-faire, permet cette mise en synergie si nécessaire lorsqu’il est question de la « chose » éducative et de sa complexité multidimensionnelle.

Plus que la relation duelle, c’est donc la relation triangulaire qui est néces-saire pour atténuer les effets du face à face ou de la « main dans la main ». Cette configuration composée de l’enfant, du référent et du tiers séparateur, en tant qu’instance symbolique polymorphe, permet de renoncer à la toute-puissance de l’éducateur. Le fait de permettre à ce dernier de bénéficier d’un soutien technique, d’instances de paroles où ses observations étayées par ses représentations, ses valeurs, son histoire et ses références sont prises en compte (sans qu’elles soient érigées en vérités absolues), encourage l’objectivation et donc la prise de distance éducative. C’est par le déploiement de ces moyens que l’enfant, par la place de sujet qui lui est donnée, peut s’éveiller à lui-même et à autrui, en s’appuyant sur des adultes responsables.

d. La piste délicate de la co-référenceEnfin, dans de nombreux établissements, il existe aussi un référent secondaire ou co-référent, dont la fonction est quelquefois difficile à appréhender, voire parfois vidée de sa substance, alors qu’il apparaît en théorie dans le projet éducatif. Tel un couple éducatif, le référent et le co-référent sont appelés à œuvrer ensemble pour un but commun : favoriser la construction individuelle et sociale de la personne en privilégiant la concertation, en assurant la continuité de l’accompagnement éducatif. Qu’en est-il dans les faits ? Ce duo est-il au cœur du processus éducatif ou au contraire à la marge de celui-ci ? Sa place est-elle réelle ou virtuelle ? Alors que le « co » induit une répartition équitable des responsabilités, une interven-tion simultanée, une mission partagée avec son collègue référent, la fonction de co-référent ne résiste souvent pas à l’épreuve de la réalité. Davantage perçue comme une fiction ou une charge trop lourde à assumer, la co-référence figure sur le papier mais est peu ou prou habitée par l’éducateur voire désincarnée. Le manque de moyens, l’absence ou l’insuffisance d’échanges entre professionnels, les difficultés à se situer dans la relation éducative (compte tenu de la place du référent, des divergences de point de vue ou de perception), sont autant de raisons

Place du référent dans le projet personnalisé

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justifiant les limites ou la remise en question de la co-référence. Dès lors, relève-t-elle d’une mission impossible ou peut-elle, même modestement, se frayer un chemin ? L’exemple qui suit illustre la volonté d’une équipe éducative de la faire exister malgré les obstacles cités.

Extrait d’un projet portant sur la coréférence

Tant sur la maison des enfants que sur la structure d’accueil des adolescents, le choix a été fait de maintenir l’existence d’un co-référent en complément du réfé-rent. Si le référent occupe une place centrale dans l’accompagnement de l’enfant avec lequel se tisse une relation privilégiée, le coréférent n’occupe pas une place secondaire bien que soient probablement moindre les sollicitations à son égard.

Le contenu de son intervention est à définir selon les situations. Certaines récla-ment une présence égale à celle du référent. D’autres appellent davantage de distance ou induisent la détermination d’une place dédiée particulièrement aux relations avec la famille, l’institution scolaire. Cette souplesse dans la définition de la place et la fonction du co-référent constitue un élément essentiel. Elle permet de prendre en compte la singularité de chaque enfant admis à l’Arche au cours de son placement. En outre, le co-référent s’inscrit dans un dispositif à même d’évoluer en fonction des observations faites par l’équipe éducative.

Sa fonction lui confère une place symbolique s’assimilant à celle d’un tiers dans la relation entre le référent et l’enfant. Il permet également l’existence de la mixité au cours de l’accompagnement éducatif de l’enfant. Cela suppose que soient ensemble désignés puis présentés à l’enfant le référent et le co-référent. Par ailleurs, ce dernier devient un relais auprès de l’enfant lorsque le référent est absent. Dans certains actes comme une audience au tribunal, la rédaction du rapport d’évolution, les réunions de synthèse, la construction du projet individua-lisé ou les rencontres avec les parents, sa participation ou sa présence peuvent être requises voire nécessaires.

Enfin, il propose dans la réflexion collective un regard plus objectivé sur l’évolution de l’enfant et l’appréciation de sa situation.

La méthodologie de projet est une recherche appliquée

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1. Le cadre général de la recherche en travail social Il n’est pas de coutume en France de considérer la méthodologie de projet comme relevant d’une démarche scientifique. Pourtant, à défaut d’être une recherche à part entière, à visée scientifique, il s’agit bien d’un processus qui intègre une logique méthodologique de nature scientifique, mais dans une visée pratique.

En effet, la méthodologie de projet est une application professionnelle de la méthodologie de recherche. À titre d’exemple, l’observation et les entretiens sont des outils communs à la recherche et à l’éducation spécialisée. Bien entendu, dans les deux cas, les objectifs et les modalités d’utilisation divergent. Cependant, la méthodologie de recherche constitue la base indispensable dont s’inspire la méthodologie de projet. Les finalités et la rationalité sont les mêmes : recherche d’objectivité, logique en processus dont les étapes doivent être suivies, probléma-tisation, utilisation d’outils de récolte de données, synthèse, analyse théorique et documentaire, ou encore évaluation continue. Dans les deux cas, l’exigence de rigueur est permanente. Elle consiste principalement à expliciter la logique à l’œuvre. Si le chercheur a le droit de se tromper, dans ses hypothèses par exemple, il doit être en capacité de fournir les critères qui ont guidé ses choix. Cette trans-parence est la règle d’or de la méthodologie de recherche, mais aussi de projet par extension.

Le travail n’étant pas une discipline universitaire, il est difficile de rattacher cette démarche à un savoir scientifique reconnu. C’est pourtant ce qui visent depuis longtemps les pionniers de la recherche en travail social. Hervé Drouard, qui est l’un d’eux, situe l’apparition de l’appellation « recherche en travail social » dans le début des années 1980, dans le sillage de la création du Diplôme Supérieur du Travail Social et de son option recherche en 1978. En 1989, un livre est publié pour présenter cette proposition scientifique appliquée au travail social :

Le défi de l’objectivation scientifique : l’indispensable apport de la méthodologie de recherche

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« La recherche en travail social porte sur l’intervention sociale, que cet acte de pédagogie sociale soit individuel, collectif ou institutionnel. L’intervention sociale devient le champ dans lequel il y a plusieurs objets. […] Il s’agit de traiter les questions spécifiques de l’intervention. L’objet de recherche est en même temps l’élément de travail. […] La recherche en travail social concerne donc l’intervention proprement dite, mais aussi toute recherche portant sur des problèmes sociaux et incluant la compréhension et la transformation des pratiques. »

La méthodologie de projet peut être considérée comme une démarche appar-tenant à la recherche en travail social, dans une déclinaison très pratique de la part de l’éducateur spécialisé, qui est alors un praticien-chercheur.

2. Une proposition vivement critiquée La recherche en travail social soulève depuis toujours des réticences au sein même du travail social :

« Est-il possible de fonder, légitimer, réaliser une formation supérieure en travail social, autant d’ailleurs qu’une formation initiale, sans la recherche, sans cette production des savoirs qui constituent la qualification de l’intervenant social ? La question paraît simpliste, banale, et la réponse a l’air d’une évidence… et pour-tant bien des forces dans notre pays se sont longtemps opposées de fait au plein développement de la professionnalisation de ce secteur1. »

Le principal argument consiste à affirmer que les valeurs propres à toutes les actions sociales seraient mises à mal par l’affirmation d’un savoir professionnel déterminé par la recherche en sciences sociales. Autrement dit, la recherche de sens s’opposerait à la recherche du savoir. Dans cette approche, la méthodologie est perçue comme un enfermement de l’action dans un carcan certes logique, rigoureux et efficace, mais vide des valeurs humanistes inhérentes à la prise en charge sociale d’individus ou de groupes. La prévisibilité de la méthode fragili-serait l’imprévisibilité de chaque relation sociale et éducative. Il convient ici de dénoncer cette approche en reprenant les propos d’Éliane Leplay :

« La science permet de mieux comprendre la réalité et de mieux savoir comment agir pour atteindre ces objectifs. La recherche en travail social et les savoirs qu’elle produit ne sauraient remplacer l’interrogation sur les valeurs, mais ils peuvent permettre de mieux éclairer les rapports entre les fins et les moyens2. »

1. Michel Duchamp, Brigitte Bouquet, Hervé Drouard, La Recherche en travail social, collection « Travail social », Centurion, 1989, p. 5.2. Ibid., p. 7.

La méthodologie de projet est une recherche appliquée

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Ainsi, la recherche en travail social constitue le plus sûr moyen de permettre à ce dernier de se constituer des moyens rigoureux visant à la mise en œuvre de ses valeurs humanistes. La recherche en travail social suscite également des critiques extérieures au champ profes- sionnel de la part des chercheurs des sciences constituées et reconnues par l’Université. Reprenons là encore les propos d’Éliane Leplay :

« Les arguments, cette fois, ne sont plus idéologiques, ils sont d’ordre épisté-mologique : des praticiens ne sauraient avoir la nécessaire distance à l’objet, la logique de l’action dans laquelle ils sont pris comme acteurs les empêcheraient obligatoirement d’entrer dans la logique de la production de connaissance et, de plus, ils ne sauraient que dans le cadre de l’une des disciplines officiellement reconnues (psychologie, sociologie, économie, etc.). »

De ce point de vue, la France cumule un énorme retard par rapport aux autres pays, notamment européens : l’Italie, le Royaume-Uni, la République tchèque, la Suède, la Norvège, la Finlande, le Portugal, la Hollande, la Belgique et l’Italie reconnaissent le travail social comme une discipline à part entière en proposant la préparation d’un doctorat en travail social à l’université ou dans des hautes écoles en travail social.

Il existe trois arguments pour légitimer l’existence d’une recherche EN travail social 1 : ■■ la recherche en travail social permet de constituer une connaissance agis-

sante, au profit d’une professionnalité de qualité ;■■ la recherche en travail social permet à ce champ professionnel d’adapter

ses pratiques aux évolutions permanentes d’une société et de ses problèmes sociaux ; ■■ le travail social remplit une mission politique, de par sa définition insti-

tutionnelle et son financement public. La recherche EN travail social permet de développer et de constituer une discipline collectivement partagée qui alimente le débat public par son savoir spécifique.

Aujourd’hui, le travail social est donc un savoir mais pas encore une discipline universitaire. La question est de déterminer s’il existera un jour un consensus pour faire de ce savoir professionnel une discipline. Cette éventualité repose sur des enjeux politiques de pouvoir. Si les travailleurs sociaux possèdent un jour leur discipline, ils pèseront alors davantage sur l’objet de leur fonction sociale, et les autres disciplines perdront une partie de leur pouvoir politique sur un champ qu’ils dominent théoriquement.

Reconnaître que le travail social compose une discipline nécessite un finan-cement de cette recherche via la création de postes et la réalisation d’études. Ce

1. Selon les résultats du colloque tenu en juin 1983 à l’initiative du Comité de liaison des centres de forma-tion permanente et supérieure en travail social, intitulé « Pourquoi la recherche en travail social ? ».

Le défi de l’objectivation scientifique : l’indispensable apport de la méthodologie de recherche

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nouveau venu viendrait alors diminuer le déjà faible financement public de la recherche française, mais aussi la possibilité d’évoquer avec autorité la définition du travail social. Le principal enjeu est de développer le savoir professionnel du travail social, dont la méthodologie de projet pourrait alors se nourrir. Le récent Plan de soutien en faveur du travail social et du développement social, adopté par le Conseil des ministres le 21 octobre 2015, dans le cadre des États généraux du travail social (EGTS), envisage pour la première fois la création à moyen terme de la discipline universitaire du travail social.

3. D’importantes évolutions récentes Malgré le retard français et les obstacles à surmonter, la recherche en travail social se développe comme l’indique ces évolutions institutionnelles : ■■ la création au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), en

2001, d’une chaire de travail social qui préfigure l’ouverture d’un doctorat et la reconnaissance d’une discipline correspondante ;■■ l’obligation de l’évaluation interne et externe des établissements et services

du travail social depuis la loi n° 2002-2 ;■■ la création du Diplôme d’État d’Ingénierie Sociale (DEIS), en 2006, qui

instaure la fonction du cadre développeur ;■■ la réforme des diplômes qui place la méthodologie au cœur de la profes-

sionnalisation depuis 2004 pour le DEASS (Diplôme d’État d’Assistant de Service Social) et 2007 pour le DEES (Diplôme d’État d’Éducateur Spécialisé) ;■■ la création en 2007 de pôles régionaux ressources en travail social à l’initia-

tive de la nouvellement renommée Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS) ;■■ la création d’associations nationales et internationales pour le déve-

loppement de la recherche dans le champ du travail social (l’AFFUT pour Association Française pour des Formations Universitaires de 3e cycle en Travail social, l’ACOFIS pour Association des Chercheurs des Organismes de la Formation et de l’Intervention Sociales, la FESET pour European Social Educateur Training et l’AIFRIS pour l’Association Internationale pour la Formation, la Recherche et l’Intervention Sociale) ;■■ la pérennisation de revues de recherche en travail social (Forum et Le

Sociographe) ;■■ l’unification des anciennes associations représentant les deux familles

d’établissements de formation en travail social, l’AFORTS (Association Française des Organismes de Formation et de Recherche en Travail Social) et le Groupement National des instituts du travail social, dans la récente UNAFORIS (Union Nationale des Associations de FOrmation et de la Recherche en Intervention Sociale), qui intègre dans son appellation la recherche ;

4 Les promesses de la recherche-action

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❝ La recherche-action, tout à la fois, engage et soutient les acteurs. Cette mise en mouvement conduit les acteurs à se repositionner par rapport à des postures anciennes ou à des habitudes. Ces changements sont élaborés collectivement par les acteurs, considérés comme capables d’apporter leur contribution à la mise en place d’une nouvelle manière de traiter un problème ou de faire fonctionner autrement une organisation 1. ~

1. Définition et caractérisation La recherche-action (RA) est donc un outil de changement social qui permet à différents acteurs de traiter les problèmes qui les unissent en agissant ensemble. à plusieurs égards, cette méthode offre des perspectives d’objectifs et de moyens qui correspondent de manière troublante à ceux de l’éducation spécialisée. Les acteurs de la RA, ainsi réunis par cette méthode, peuvent avoir des intérêts communs, mais aussi divergents, voire conflictuels. Alors, si ces derniers ont des stratégies différentes, selon leurs personnalités et leurs valeurs, comment articuler les différentes collaborations vers un même objectif ?

Selon René Barbier 2, la RA trouve ses racines dans les méthodes des chercheurs en sciences sociales du xixe siècle et du premier quart du xxe siècle. Il est possible de citer, dans une perspective historique, les enquêtes ouvrières de Karl Marx, qui proposait aux ouvriers des manufactures de réfléchir sur leurs conditions de vie, en répondant à un questionnaire conçu comme un instrument militant. Il est aussi possible de citer les études concernant les budgets familiaux des ouvriers européens de Frédéric Le Play, qui initiait les prémices d’une sociologie quali-tative. Pourtant, en France, émile Durkheim a très vite éclipsé les tentatives de monographies qualitatives pour imposer une approche statistique et déductive.

Les états-Unis, avec l’école de Chicago, n’ont pas suivi ce tout quantitatif à la française, en développant des recherches dans lesquelles l’implication des chercheurs (essentiellement travailleurs sociaux d’ailleurs) a permis de mieux

1. Françoise Crézé et Michel Liu (coordonné par), La recherche-action et les transformations sociales, collec-tion « Logiques sociales », L’Harmattan, 2006, p. 8.2. Document électronique disponible sur le site Internet de la formation à distance de l’université Paris 8 : http://foad.iedparis8.net/claroline/courses/8327/document/barbier_rechercheaction/01.Historique.html.

Les promesses de la recherche-action

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comprendre les problèmes sociaux urbains de la première moitié du xxe siècle. En effet, l’industrialisation massive et la migration démographique de personnes venues de l’étranger ou du sud du pays, vers les villes du nord, ont apporté une nouvelle délinquance juvénile. Par ailleurs les migrants furent victimes d’exclu-sion sociale. Ces phénomènes ont créé un besoin de comprendre pour mieux agir. Progressivement, les travailleurs sociaux ont participé à cette élucidation de la question sociale, en utilisant leur proximité professionnelle avec les phénomènes urbains problématiques. Inspirés par l’école de Chicago, les Chicago Area Projects ont permis aux gens des quartiers de participer à la réalisation du programme d’aide sociale. Il s’agissait d’identifier des relais parmi la population que les socio-logues de terrain se chargeaient de former. Ces initiatives ont notamment permis de créer l’outil méthodologique des « histoires de vie », largement repris depuis dans les sciences sociales classiques.

On reconnaît généralement la paternité de la RA à Kurt Lewin, psychologue d’origine allemande, naturalisé américain durant la Seconde Guerre mondiale. Ce professeur à l’université de Berlin, spécialiste de la Gestalt Psychologie, a fui le nazisme dès 1933 pour rejoindre les états-Unis, dont il a adopté la nationalité. Il a développé la RA en s’intéressant notamment aux problèmes posés par l’antisé-mitisme et à l’insertion d’usines dans des régions rurales à la main d’œuvre peu habituée aux rythmes de travail des villes du nord. René Barbier cite la recherche menée par Lewin, durant le temps de pénurie de la Seconde Guerre mondiale, pendant laquelle le Gouvernement américain lui a demandé de convaincre les ménagère américaines de s’approvisionner en bas morceaux de viande (cœurs de bœuf, rognons, tripes), traditionnellement rejetés. Cette démarche a permis à la RA de poser ses jalons méthodologiques, qui consistent à faire participer les gens à leur propre changement d’attitude ou de comportement dans un système interactif avec le chercheur.

Comme l’affirmait Kurt Lewin1, « quand nous parlons de recherche, nous sous-entendons Action-Research c’est-à-dire une action à un niveau réaliste toujours suivie par une réflexion autocritique objective et une évaluation des résultats. Puisque notre but est d’apprendre vite, nous n’aurons jamais peur de faire face à nos insuffisances. Nous ne voulons pas d’action sans recherche, ni de recherche sans action ».

2. TypologieAprès la mort prématurée de Lewin en 1947, la RA a continué de se développer. Après avoir été beaucoup utilisée dans le domaine industriel (pour aider aux déci-sions de groupe, à l’auto-organisation, à la formation des cadres, à la modification

1. Alfred J. Marrow, Kurt Lewin, ESF, 1972.

à la recherche d’une méthodologie du projet éducatif spécialisé

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des stéréotypes ou à la résistance au changement), la RA s’est ouverte au travail social. En renouant avec les travaux de l’école de Chicago, cette méthode a été utilisée pour mieux comprendre les compor tements des bandes d’adolescents, l’influence des lois sur le changement social (numerus clausus dans les universi-tés à l’égard des juifs), l’intégration des vendeurs noirs, la solidarité de groupe, l’intégration dans les immeubles d’habitation, etc.

3. Un potentiel infini Toujours d’après Jacques Ardoino, la RA s’affirme aujourd’hui comme une approche multidimensionnelle complexe, mais aux potentiels particulièrement riches : ■■ la RA est une modalité particulière de la recherche fondamentale, se distin-

guant malgré tout de l’enquête classique, en s’effectuant dans un laboratoire « à ciel ouvert », aux dimensions de la vie ; ■■ la RA est une recherche sur l’action, servant à contrôler l’efficacité des procé-

dures et techniques employées pour l’action ; ■■ la RA est une recherche pour l’action, en vue d’éclairer les agents de l’action

(aide à la décision) ; ■■ la RA inclut les sujets de la recherche, les différents protagonistes, les acteurs,

dans son processus et suppose leur participation et leur collaboration actives.

Nous retiendrons que la RA constitue une recherche délibérée de transforma-tion de la réalité et de production de connaissances. Cette modalité de recherche en sciences sociales induit principalement un nouveau rapport entre le chercheur et l’objet de la recherche, qui devient alors sujet en qualité de co-auteur. Cette co-production s’exerce dans le cadre d’une coopération de proximité, où chacun tient sa place dans un objectif commun. Certains auteurs, comme René Barbier 1, considère que la RA relève d’une « démarche existentielle », parce qu’elle prend en compte l’être humain dans la complexité de sa nature, de manière transver-sale, multidisciplinaire et multiréférentielle. Selon Ardoino, le chercheur en RA doit « s’autoriser » l’implication dans une relation avec ses sujets d’études, et co-auteurs, où interviennent forcément des conflits, des imprévus et des affects. Cette sensibilité, toute humaine, n’est pas un obstacle si on l’intègre à la démarche de recherche. Au contraire, les refuser ou les éviter dans une recherche condamne celle-ci à passer à côté de ce qui constitue le propre de l’être humain. La RA exis-tentielle est « une ouverture polyphonique 2 » à toutes les dimensions d’un être humain en acte. La RA engage donc l’être et son devenir.

1. René Barbier, La Recherche-action, Economica, 1996.2. Ibid., p. 11.

Les promesses de la recherche-action

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4. Les perspectives nouvelles de la recherche-action collaborative (RAC)

La RAC est une RA spécifique qui commence à faire parler d’elle dans le champ professionnel du travail social en France. Dans cette perspective méthodologique, l’idéal de mise en œuvre est la transversalité à l’échelle du groupe de recherche : ■■ tous les acteurs de la recherche sont considérés comme des chercheurs,

indépendamment de leurs qualifications, statuts et fonctions ; ■■ instauration de relations collaboratives horizontales non hiérarchiques,

équitables et transparentes ; ■■ l’autogestion et l’autoformation sont l’idéal du fonctionnement recherché.

La référence à la RAC est aujourd’hui importante dans la communauté des chercheurs des écoles du travail social qui se réfèrent de plus en plus à cette approche méthodologique qui permet : ■■ d’articuler les finalités scientifiques à celle du travail social ; ■■ d’asseoir les spécificités méthodologiques du travail social ; ■■ d’associer étroitement les travailleurs sociaux en tant que chercheurs.

Pour le moment, les RAC forment une philosophie de recherche très large, susceptible d’être le futur véhicule du développement de la recherche en travail social en France :

« […] il ne s’agit pas d’un label, d’un projet scientifique, mais plutôt d’une appel-lation totalement non contrôlée, expression valise pour embarquer avec nous des acteurs d’expériences différenciées qui cherchent à comprendre et/ou agir en pratiquant des pratiques collaboratives singulières qui se cherchent et qui ont besoin de s’éprouver et de s’évaluer »1.

1. Les chercheurs ignorants, Les recherches-actions collaboratives. Une révolution de la connaissance, EHESP, 2015, p.12).

5 L’évaluation en pratique(s). 2 : la méthode inspirée du Conseil national de l’évaluation sociale et médico-sociale

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Une démarche davantage standardisée Ce type d’évaluation s’inspire de la démarche d’un questionnaire directif, élabo-rée à partir de l’articulation rigoureuse successive de trois indices d’objectivation : ■■ les références : elles sont constituées par l’ensemble des dispositions légis-

latives et réglementaires (recommandation des « bonnes pratiques », projet d’établissement et références théoriques) ;■■ les critères : ils indiquent comment s’appliquent les références ; ■■ les indicateurs : ils sont constitués d’éléments d’information et de données

objectives et observables pour mesurer les critères ;■■ les questions évaluatives : elles traduisent les indicateurs en question.

Pour illustrer l’application de cette démarche d’objectivation par indices, nous allons donner l’exemple de l’évaluation présentée par le numéro des Cahiers de l’actif déjà cité 1. Il s’agit en l’occurrence de questionner la qualité de l’accompa-gnement socio-éducatif :

1. Ibid.

L’évaluation en pratique(s) 2

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évaluation interne de la qualité de l’accompagnement socio-éducatif en ESAT

Les références – L’établissement définit et met en œuvre des formes d’accompagnement socio-éducatif adaptées aux besoins des usagers et à leurs attentes ;– L’accompagnement socio-éducatif s’articule avec les autres formes de prise en charge et d’accompagnement, dans un souci de complémentarité, de cohérence et d’efficacité de l’action.

Les critères généraux – Approche globale et positive de la personne.– Approche individualisée de la situation des usagers.– Recherche du consentement des usagers.– Prise en compte des souhaits des usagers/représentants légaux. – Définition des objectifs d’action en lien avec les personnels éducatifs, les tutelles, les représentants légaux, et en articulation étroite avec les indica-tions et les orientations des projets individuels.– Respect de la confidentialité par le secret médical ou le secret professionnel.

Les indicateurs généraux – écrits et projets individuels, professionnels, évaluations, dossiers des usagers, nature des informations transmises, mode de transmission et de communication autour des usagers.– Temps d’échange, entretiens, etc.– écrits professionnels, courriels, rapports, synthèses, outils d’évaluation, réunions avec les professionnels et les partenaires, contenu des projets individuels.

Les questions évaluatives – Les projets personnalisés dans leur dimension éducative et sociale sont-ils conçus avec l’ensemble des intervenants techniques et les services de tutelle/représentants légaux ? S’articule-t-il avec les objectifs généraux de la prise en charge en ESAT ?– Les moyens et les méthodes d’accompagnement des usagers aux démarches sociales, administratives, de soin, de suivi des régimes etc., sont-ils mis en place et adaptés aux besoins des usagers ? Offrent-ils des possibilités d’un suivi réel de leurs situations ?– les modes de gestion et de communication autour des projets person-nalisés des usagers traduisent-ils le souci de l’individualisation et d’une approche globale de la situation de la personne ? Les outils et procédures utilisés à cet effet sont-ils adaptés et pertinents ?

Un ouvrage complet pour réussir sa formation :

• Le projet éducatif spécialisé : définitions, objectifs et méthodologie

• L’évaluation : diagnostic, régulation et contrôle des pratiques, compétences et projets

• Le support relationnel de la vie quotidienne et des activités

• La place de la famille

• La méthodologie des épreuves de certification : étude de situation et mémoire

Et aussi pour le DEES

Stéphane Rullac est docteur en anthropologie, éducateur spécialisé et formateur-chercheur dans une école supérieure du travail social en Île-de-France.

Cécile Soris est éducatrice spécialisée et directrice d’une association d’action sociale.

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