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La provocation est entendue comme une action qui consiste dans le fait d'exciter autrui à faire ou ne pas faire quelque chose. Il apparaît
évident que ce comportement de provocation joue un rôle important dans le processus criminel puisqu'il va être à l'origine d'un acte grave (une
infraction non) perpétré par un tiers. Cela explique et justifie que le droit pénal le prenne en considération, ce qui est à l'origine d'une grande
diversité de dispositions l'incriminant. La première façon de prendre en compte la provocation consiste à l’insérer en tant que complicité, ce qui
consiste le droit commun de la provocation car le plus général. La provocation est en effet l'un des modes de complicité envisagé par l'article 121
-7 alinéa 2 du code pénal : « est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre abus d'autorité ou de pouvoir aura
provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre » La provocation est incriminée à certaines conditions. Elle doit être à
l'origine d'un comportement pénal réprimé, elle doit être qualifiée, ce qui signifie qu'elle doit être accompagnée de l'un des adminicules cités, elle
doit être individualisée c'est-à-dire s’adresser à une personne déterminée, elle doit être directe c'est-à-dire tendre à l'infraction. Enfin, elle doit
être suivie d'effet ce qui sous-tend que l'auteur principal est au moins commencé à exécuter l'infraction.
On le voit bien, la complicité permet une incrimination restrictive de la provocation. Cela peut poser des difficultés au regard des
spécificités de cette forme de participation criminelle. C'est pourquoi il est apparu nécessaire au législateur d'incriminer des formes autonomes de
la provocation dans des conditions différentes et même parfois opposées à celle de la complicité par provocation. On peut dès lors se demander
pour quelle raison exacte la provocation a été incriminé en délit distinct. Et surtout on en vient s'interroger sur l'efficacité d'une telle démarche au
regard de nouveaux objectifs de politique criminelle. C'est pourquoi nous étudierons dans une première partie les raisons de l'inadaptation du
droit commun de la provocation aux réalités qu'elle recouvre (I). Puis nous verrons que le recours aux infractions autonomes est à l’origine d'un
nouveau discours sur la participation criminelle qui soulève de nouvelles interrogations.
I- Le droit commun de la provocation inadaptée aux réalités de la provocation.
La provocation est une forme particulière de participation criminelle, ce qui implique qu’elle soit différenciée de la complicité.
Cependant, le législateur n’en a pas tenu compte et a choisi le maintien de la théorie de l’emprunt de criminalité.
A- Complicité et provocation : la nécessité d’une distinction reflétant les particularités de la provocation
Depuis 1814, le code pénal assimile l'instigateur à un complice. Il existe pourtant des différences fondamentales entre ces deux notions
malgré la soumission à un même régime. En effet, la notion de complicité apparaît comme inadaptée à la réalité criminologique de la
provocation. La tentative de distinction entre les deux notions n’a pas abouti.
1) La notion de complicité inadaptée à la réalité criminologique de la provocation.
Si la provocation à la commission d'une infraction à continué d’être confondue par l'article 121 -7 du code pénal avec la complicité, on
remarque pourtant que ce terme est inadapté à la désignation et à la répression des réalités criminologique qu'elle recouvre.
En effet, le complice (du latin complicis, « allié uni étroitement à ») est défini comme étant celui qui participe à un crime ou un délit
commis par autrui ou encore tout individu qui, sans réunir en sa personne les éléments constitutifs de l'infraction a, par un comportement positif
et volontaire, facilité sa réalisation. Le complice n'est donc qu’un allié, un associé non dirigeant dans l'entreprise criminelle, qui ne fait que
prendre part, qui ne fait que participer au fait commis. C'est ce qui est incriminé par le premier alinéa de l'article 121 -7 du nouveau code pénal.
Si le complice est puni comme s'il était l'auteur de l'infraction, c'est par ce qu'il a adhéré à l'idée de son accomplissement et que cette adhésion
s'est matérialisée par l'exécution d'un ou plusieurs actes matériels d'aide ou d'assistance tendant à faciliter sa réalisation.
Il y a donc bien de sa part une démarche intellectuelle antisociale : c'est-à-dire le mépris d'une valeur sociale protégée par la loi pénale. Mais cette
démarche ne relève que du simple ralliement. Si elle est coupable elle n'est pourtant pas instigatrice de l'infraction.
La notion d'instigateur est quant à elle, l'action d'exciter autrui à l'accomplissement d'un acte criminel. L'instigateur est alors celui qui
agissant en sous main par provocation, abus d’autorité ou instruction en vue de faire réaliser par autrui le projet délictueux qu'il a conçu, en est
l'auteur intellectuel mais n'en est pas l'auteur matériel.
Nous pouvons donc constater que qualifier l'instigateur de complice est une erreur de vocabulaire. Cette erreur est lourde de conséquences
puisqu'elle conduit à présenter comme étant un simple allié, un comparse, celui qui est l'initiateur. Pourtant ce dernier est le principal responsable
puisqu'il est à la source du processus criminel engagé . Néanmoins, on considère l'auteur principal, soit l'auteur matériel comme étant finalement
l'agent le plus coupable dans ce processus criminel. L''auteur matériel agissant à l'instigation d'un autre est un individu qui a fait sienne la volonté
criminelle de l'instigateur. Même si cette adhésion peut être contrainte, c'est-à-dire sous la menace, l'ordre ou l'abus d'autorité, elle reste
punissable. C'est ainsi car elle s'est traduite par un élément antisocial objectif qui est l'acte criminel accompli. Cela permet alors de supposer qu'il
résulte d'un mépris d'une valeur sociale atteinte par la commission de l'infraction. Néanmoins il n'en demeure pas moins que sans cette
provocation, on peut présumer que son comportement n'aurait jamais dépassé le stade de l'intention non extériorisée et, par conséquent non
réprouvée et non punie par la loi pénale. En effet, jusqu'à ce qu'il soit sollicité, jusqu'à ce qu'il soit provoqué il avait contenu ses pulsions
criminelles. A priori donc, si cette intention devait rester à ce seul stade, c'est parce que celui qui la portait ne méprisait pas assez les intérêts
protégés par l'incrimination dans le champ de laquelle son comportement est entré pour porter atteinte à cet intérêt.
C'est donc bien, dans tous les cas envisagés, parce que le provocateur a agi qu’il y a eu trouble à l'ordre public.
On remarque donc que l'acte d'instigation consiste en une dissociation entre la volonté criminelle et la réalisation matérielle de
l'infraction. L'instigateur démontre ainsi que sa détermination à violer les valeurs sociales est plus forte que celle des autres, ce qui nous permet
de le placer sur l’iter criminis. Nous pouvons donc affirmer que le provocateur revêt un caractère plus dangereux que le simple exécutant manuel.
Il est également un complice plus dangereux que celui qui se borne a agir par aide ou assistance, notamment puisqu'il pèse sur la volonté ou sur
l'intelligence de l'auteur principal. C'est parce qu'il est en réalité l'une des causes génératrices de l'infraction que l'on peut dire que le provocateur
est considéré comme un auteur moral ou intellectuel.
2) Une volonté inachevée de distinguer provocation et complicité
Puisqu’il n'y a pas de notion d'instigation provocation en droit pénal général, mais seulement l'idée de la complicité, la fonction
expressive du droit pénal fait défaut puisque l'on considère parfois la matérialité comme plus importante que l'acte intellectuel. La conception
matérialiste de l'activité pénale fait que le provocateur reste juridiquement un simple complice de celui qui a commis matériellement l'infraction.
Si l'erreur de vocabulaire amenant la confusion entre les notions de complice et de provocateur est regrettable, force est de constater,
qu'au regard de la théorie générale de la responsabilité pénale, l'erreur est encore plus flagrante. En effet cette théorie veut qu'à la base de tout
comportement reconnu comme étant criminel il y ait une volonté coupable déterminante. Or on remarque que si le provocateur n'est pas auteur
matériel de l'infraction c'est moins à cause d'une incapacité que le plus souvent par malice ou parce que son appétit criminel l'oblige à s'adjoindre
d'exécutant. Il doit ainsi être considéré comme plus coupable que l'auteur de l'acte tendant immédiatement à la commission de l'infraction.
La fonction du procès pénal est de déterminer les responsabilités respectives de ceux qui ont concouru à la commission d'une infraction et
de les réprimer en conséquence. En pratique grâce au réalisme des juges, les peines infligées à l'instigateur sont plus importantes que celles
infligées à l'auteur exécutant. Cela permet de bien comprendre les qualités sur lesquelles chacun est condamné. Cela révèle le rôle joué dans
l'accomplissement de l'acte criminel. La désignation de l'instigateur provocateur à l'origine de l'infraction comme étant un simple allié prive la
répression d'un outil de qualification des faits utile tant à la simple signalisation du type de délinquants qu'elle frappe mais aussi à l'expression de
la réprobation par la société des actes individuellement commis, qui doit être claire et précise. Or l'absence de la notion de provocateur dans le
droit pénal général conduit à créer l'apparence d'une gravité plus importante quant à l'auteur matériel par rapport à l'auteur moral de la faute,
contrairement à la réalité.
Les différences fondamentales entre ces deux notions avaient déjà été relevées dans deux avant projets de loi en 1983, et en 1989. Il était
prévu de distinguer la notion de complicité par aide ou assistance et celle de la complicité par instigation qui devenait ainsi une nouvelle forme
de participation à la commission d'une infraction. L'instigateur catégorie intermédiaire entre le complice et l'auteur est définie comme « la
personne qui provoque directement un tiers à commettre un crime lors même qu'en raison des circonstances indépendantes de la volonté de
l'instigateur, la provocation n'a pas été suivie d'effet. » Il s'agit de l'article 121 - 6 du projet. Notons tout de suite que cet article aurait été inséré
dans les dispositions générales du code pénal.
Cette dissociation permettant de mettre en évidence la différence de gravité existant entre le provocateur et le complice par aide ou
assistance n'a pourtant pas été retenue par le législateur et ne figure donc pas au nouveau code pénal. Ce texte qui semblait bénéficier d'un fort
consensus doctrinal et gouvernemental fut très mal reçu par le Parlement. Dans un rapport au sénat, le 9 mai 1989, Marcel Rudloff énonce que «
la commission des lois n'a partagé l'enthousiasme ni du garde des sceaux, ni de la commission qui avait été mise en place. Elle a estimé, que les
risques étaient plus grands que les avantages. »
On peut donc dire que comme le législateur avait lui-même envisagé cette scission, cela prouve clairement la volonté de rupture, de
différenciation entre les notions de complicité et de provocation.
Pourtant en 1994 le législateur n’est pas encore suffisamment sensible au concept d'infraction de prévention. C'est pourquoi le livre 1 du
code pénal reste dans la lignée d'une politique criminelle fidèle aux principes classiques objectifs. La théorie de l'emprunt de criminalité est donc
maintenue malgré les divers inconvénients qu'elle soulève.
B- Un maintien problématique de la théorie de l’emprunt de criminalité.
Le Code pénal de 1994, comme celui de 1810, consacre la théorie de l’emprunt de criminalité ou système de l’unité d’infraction, pour ce
qui est de la complicité et donc dans le cas qui nous intéresse de la complicité par provocation. Si ce choix semble logique pour ce qui est de la
complicité en général, il peut poser des difficultés au regard de la particularité de la provocation.
1) Le choix de la théorie de l’emprunt de criminalité.
En énonçant ce principe, on entend évoquer la règle selon laquelle le complice n’est punissable qu’en présence d’un fait principal
punissable. Si cette exigence ne semble pas expressément posée, l’article 121-6 du CP déclare punissable le complice de l’infraction, ce qui
impose qu’une infraction soit effectivement constituée. Par conséquent, on voit bien que la règle de l’emprunt de criminalité a été maintenue par
le législateur de 1994 malgré les critiques que nous évoquerons ultérieurement.
Cette règle signifie que le complice ne saurait être puni en l’absence d’un fait principal punissable mais que dès lors que ce fait principal
punissable existe, il n’est pas besoin que l’auteur principal soit effectivement puni. Par conséquent, celui qui s’est associé à un acte principal non
constitutif d’une infraction ne pourra pas être puni en tant que complice. C’est le cas si le fait principal ne correspond à aucune qualification
pénale, comme le suicide ou la prostitution. De même, le complice ne sera pas poursuivi si l’acte accompli par l’auteur principal n’est pas
punissable parce qu’il n’est que le premier terme d’une infraction d’habitude ou en raison de la prescription. Ensuite, le complice ne saurait être
puni si l’auteur principal s’est arrêté dans la commission de l’infraction au stade des actes préparatoires ou s’il s’est volontairement désisté. La
tentative de complicité n’est donc pas punissable. Enfin, il n’est pas possible de réprimer l’acte de complicité rattaché à un autre acte de
complicité lui-même rattaché à l’acte principal, ce qui signifie que la complicité de complicité n’est pas non plus réprimée.
Dans ce système, le complice n’est donc pas puni pour l’acte qu’il a lui-même accompli envisagé isolément, il ne l’est que parce que cet
acte se rattache à l’entreprise délictueuse d’autrui à laquelle le complice a participé et à laquelle il doit donc sa criminalité. On affirme donc que
le comportement du complice n’est pas constitutif d’une infraction distincte de celle qu’il a par son attitude facilité mais constitue seulement un
mode particulier de participation à l’infraction unique, à la commission de laquelle deux personnes ont donc contribué à des titres différents. La
provocation, au même titre que les autres types de complicité, n’est donc considérée que comme un acte accessoire de participation ce qui n’est
pas sans posée de difficultés.
2) L’inadéquation de la théorie de l’emprunt de criminalité avec les particularités de la provocation
La spécificité criminologique et la dangerosité de la provocation ont été montrées, ce qui justifierait une prise en considération spécifique
pour éviter toute impunité. Or, la théorie de l’emprunt de criminalité permet au contraire deux sortes d’impunités.
Tout d’abord, il faut noter l’impunité de certaines provocations dangereuses et immorales. Les actes auxquels est provoqué le tiers ne sont
effectivement pas constitutifs d’une infraction mais ils peuvent lui être gravement préjudiciables. Ainsi, une provocation au suicide ou à tout
autre acte immoral ne tombe pas sous le coup de la complicité par application de la théorie de l’emprunt de criminalité ce qui est regrettable
Ensuite, découle logiquement de la théorie de l’emprunt l’impunité de la provocation à la commission d’une infraction qui n’a pas été
suivie d’effet. En effet, il n’y a pas de complicité punissable si l’infraction n’est ni commise ni tentée, alors même que le simple fait de provoquer
peut-être très grave. Cette défaillance de la répression a été mise à jour par les deux arrêts de la Cour de cassation du 25 octobre 1962, Schieb et
Lacour. Dans les deux espèces, la personne provoquée n’avait même pas tentée de commettre le meurtre à laquelle un tiers l’avait poussée.
Malgré la dangerosité de telle comportement, les juges n’avaient pu retenir la complicité contre le provocateur en raison de l’absence d’un fait
principal punissable. Cette lacune fut dénoncée par la doctrine qui s’étonna du maintien du principe de la criminalité d’emprunt malgré cet
inconvénient. Il apparaissait en effet illogique que la répression d’un acte particulièrement nuisible dépende de l’existence d’un autre acte, qui
n’a pas eu lieu en raison d’un évènement extérieur au provocateur. De même, ce système ne prend pas en compte la dangerosité particulière de
celui qui pousse au crime qui est non seulement indépendante du fait que l’auteur matériel réalise l’acte mais qui en plus est souvent plus
importante que celle de l’auteur matérielle souvent emprunte de lâcheté. D’ailleurs, selon certains auteurs, « la provocation porte en elle-même le
motif de son incrimination ».
Cette incrimination spécifique a notamment été envisagée comme une forme particulière de la complicité dans les avants projets du code
pénal évoqués précédemment. Cette solution avait pour objet de faire de la provocation un délit distinct et donc du provocateur un auteur
particulier. Ce provocateur pouvait être poursuivi même dans le cas d’une provocation non suivie d’effet, ce qui permettait d’éviter toute
impunité. La commission de révision du Code pénal souhaitait ainsi rompre avec les solutions classiques du droit positif en prenant en compte les
impératifs de justice qui semblaient commander la répression de l’instigateur plus largement. Cependant, le législateur ne retint pas ce texte et
réintégra l’instigateur au côté du complice dans l’article 121-7. Il craignait en effet que le texte n’entraîne certains excès en permettant de
condamner une personne qu’un tiers accuserait faussement de lui avoir proposé de commettre un crime. Ce texte semblait laisser une trop grande
incertitude quant à l’existence d’une volonté criminelle réelle lorsque cette volonté est restée sans conséquence. Le Parlement resta donc fidèle
aux principes classiques c'est-à-dire à la conception la plus objective de l’infraction. Il n’est en effet pas possible de punir sur des intentions.
Cependant, il était impossible de laisser impunis des actes de provocation d’une particulière gravité sous prétexte qu’ils échappaient à la
théorie générale de la complicité. La fidélité du législateur aux principes classiques est donc remise en cause dans les dispositions spéciales de
droit pénal qui lui permettent d’empêcher certaines impunités en incriminant de façon autonome la provocation. Cela est source d’incohérences
et d’insécurité juridique.
II- Des infractions autonomes, à l’origine d’un nouveau discours sur la participation criminelle criticable.
Pour combler les lacunes du droit commun de la provocation, le législateur a incriminé dans des délits distincts la provocation. Malgré la
nécessité de cette intervention, il produit alors un nouveau discours sur la participation criminelle qui est parfois source d’incohérences et
d’insécurité juridique.
A- L’émergence d’infractions autonomes pour une protection effective.
1) Une multitude d’infractions autonomes.
Conscients des insuffisances du tissu répressif dues à la volonté du législateur de maintenir une théorie de l'emprunt de criminalité
incomplète, ce dernier a comblé les carences manifestes en faisant de certains actes de provocation des infractions autonomes. Il ne semblait en
effet plus acceptable que le cerveau d'une bande de cambrioleurs ou l'organisateur d'un réseau de trafiquants de stupéfiants puisse échapper à la
répression, surtout quand les hommes de main ont renoncé à leur entreprise criminelle.
Les livres 2, 3, 4 et 5 du code pénal ne sont pas exempts d'hypothèses où l'auteur moral étant le provocateur, est considéré comme ayant
commis une infraction autonome. Au fil de modifications législatives, les hypothèses de délit distinct de la provocation se sont multipliées. Si
l'on veut se placer du point de vue de la technique législative adoptée par le droit répressif, on observe que la provocation est tour à tour
envisagée de la même façon en tant que procédé ou en tant que résultat. Il faut préciser que cette dichotomie ne place pas exclusivement les
provocations dans l'une ou l'autre des catégories. Ainsi les modalités de la provocation sont parfois successivement incriminées dans un même
délit.
Quand le législateur vise un procédé, il vise le simple fait de provoquer. On réprime donc uniquement l'agissement qui a pour finalité de
susciter un état d'esprit de nature à tenter ou à commettre une action à l'encontre d’intérêt protégé. Dans ce cas de figure là, aucune tentative ni
aucun résultat n'est requis. La provocation est donc châtiée pour ce qu'elle veut seulement exprimer. Ces infractions formelles instituées dans la
perspective de désigner le but voulu par le provocateur et de réprimer l'état dangereux dont il est l'incarnation sont par exemple : la provocation à
l'abandon à l'abandon d'enfants 227 –12, la provocation de mineur à l'usage, à la détention ou à la vente de stupéfiants 227-18, 227-18 –1, la
provocation d'un mineur à commettre un crime ou un délit 227 –21.
On trouve également des infractions régies par la loi du 29 juillet 1881 dans l'article 24. On est en présence d'une grande énumération
dans l'article 24 concernant la presse. Je vais vous citer les incriminations prévues. « Seront punies de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 €
d'amende ceux qui (…)auront directement provoqué, dans les cas où cette provocation n'aurait pas été suivie d'effet, à commettre l'une des
infractions suivantes : les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et les agressions sexuelles. Les vols, les
extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes. Les atteintes aux intérêts fondamentaux
pour la nation. La provocation à la discrimination à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de
leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. La provocation à
la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personne à raison de leur sexe de leur orientation sexuelle ou de leur
handicap. Ce dernier alinéa est issu de la loi du 30 décembre 2004.
L’exemple le plus récent d'incrimination de provocation non suivie d'effet est le mandat criminel de la loi du 9 septembre 2004 introduit
dans l’article 221-5-1 du code pénal.. Il s'agit de réprimer la provocation non suivie d'effet en cas d’assassinat ou d’empoisonnement. Une telle
création était attendue car la théorie de l'emprunt de criminalité impliquait un fait principal punissable tenté ou consommé. Or comment
envisager actuellement une impunité totale intolérable comme dans les arrêts Lacour et Schieb du 25 octobre 1930. Cette impunité dont pouvait
bénéficier le donneur d'ordre a été qualifiée successivement de choquante, immorale, scandaleuse. Ce système permet donc de pallier une carence
importante de notre droit pénal.
Les incriminations autonomes vont aussi permettre de prendre en compte la provocation à des actes immoraux. L'exemple idéal est la
provocation au suicide, article 223-13 du code pénal. En effet le suicide n'étant pas une infraction pénale, l'absence de la condition préalable
incontournable d'une faute principale punissable excluait toute poursuite d'un complice par provocation. La loi du 31 décembre 1987 suite à la
jurisprudence « suicide mode d'emploi » crée cette nouvelle infraction. Le législateur ainsi réprime ceux qui incitent d'autres personnes à des
comportements non interdits légalement, mais qui peuvent se révéler dangereux pour leur vie, leur santé ou leur sécurité. Le législateur veut
d'autant plus les protéger que parfois les personnes les plus influençables sont également les plus vulnérables. Il peut s'agir de personnes
dépressives ou même de mineurs. Dans l'idée de protéger les mineurs, l'article 227-19 du code pénal incrimine la provocation directe d'un mineur
à la consommation habituelle et excessive de boissons alcoolisées. Or habituellement la consommation d'alcool n'est pas incriminée, sans cela on
incriminerait les situations d'anniversaire, de fête de famille etc. Pourtant l'incrimination de provocation à la consommation habituelle et
excessive de boissons alcoolisées concernant les mineurs implique comme critères ceux de l'habitude et de l'excès. On voit bien à travers ses
exigences que le législateur veut limiter les risques sérieux d'addiction et également les accidents de la route dus à l'alcool.
2) Les objectifs remplis par la création de délits distincts.
Malgré l’existence de la complicité par provocation, le délit distinct est parfois envisagé en tant que résultat. Cela implique en plus de
l’action intentionnelle de provoquer, la survenance d'un effet nuisible. La question se pose alors de savoir pourquoi le législateur ne s'est pas
simplement dans ce cas de figure contenté de faire jouer la notion complicité. En l'espèce, il s'agit ici de faire jouer la fonction expressive du droit
pénal et de souligner l'importance de l'infraction commise en réprimant la personne non comme un simple complice mais bien comme un
provocateur auteur. Cela permet donc de réprimer la provocation à commettre certains actes plus sévèrement que l’acte lui-même.
On le voit bien avec ces infractions autonomes, il s’agit surtout de pallier aux insuffisances inhérentes à la théorie de la complicité. Ainsi
la personne qui aurait pu être considérée comme complice sera responsable même si le tiers intermédiaire n’est pas passé à l’acte et si l’acte
provoqué n’est pas punissable. Cela permet également d’échapper aux règles relatives à l’acte de complicité lui-même. Il est ainsi possible de
réprimer la provocation, alors même que cette provocation ne serait pas accompagnée de moyens déterminés car certains textes ne prévoient pas
de liste d’adminicules.
Il faut aussi noter que les infractions de provocation autonomes permettent particulièrement de protéger les mineurs. En effet, le
législateur veut leur faire éviter d'acquérir des habitudes de vie délinquantes, des prises de dangers inutiles pour leur moralité ou leur éducation.
Cette protection accrue justifie également le fait que soit protégés par ces textes tous les mineurs sans distinction d'âge, donc même ceux âgés de
plus de 15 ans, même si les peines encourues sont plus importantes quand il s'agit de mineurs de moins de 15 ans. Précisons également que si l'on
sanctionne sévèrement les adultes qui sournoisement exploitent les mineurs ou exercent une influence néfaste sur eux, la loi sanctionne
également les mineurs qui en provoquent d'autres.
Il faut de plus savoir que si le code pénal est d'abord expressif des valeurs essentielles d'une société, il se veut souvent en même temps
protecteur des règles de l'ordre public, et donc préventif de l'insécurité. C'est là sa fonction pédagogique qui vient s'ajouter à sa fonction
expressive, et bien entendu à la fonction répressive, dont l'un des objets est d’être préventive de la récidive. C’est pourquoi, les infractions de
provocation touchent plusieurs domaines : l'usage illicite de stupéfiants, les infractions contre l'enfant et la famille, les infractions contre
l'intégrité corporelle... Par ce biais, le législateur consacre une catégorie montante d’infractions : les infractions de prévention. Il incrimine ainsi
des formes de provocations si graves que leurs auteurs doivent savoir qu’ils sont délinquants même si le fait principal punissable fait défaut. La
loi prévient une délinquance plus lourde de conséquences en incriminant précocement. Elle utilise la pédagogie de la menace et de l’intimidation.
Cette large démarche est dictée par une stratégie de lutte contre certaines formes de délinquance particulièrement inacceptables ou dangereuses.
Tout doit donc être fait pour prévenir la commission de ces infractions. L'existence de ces nombreuses incriminations de provocation est donc
l’illustration de la modernité nécessaire et recherchée au regard de la prévention de l'insécurité et au regard de l'efficacité de la politique
criminelle.
B- Un nouveau discours sur la participation criminelle, source d’incohérence et d’insécurité juridique.
Si l’incrimination de la provocation au moyen d’infractions autonomes s’avère justifiée et nécessaire à bien des égards, elle n’en est pas
moins source d’incohérence et d’insécurité juridique.
1) La spécialisation du droit de la provocation à l’origine d’incohérence dans le droit pénal.
Tout d’abord, nous sommes forcés de constater une contradiction entre les dispositions de la partie générale du Code pénal et celles de la
partie spéciale qui par le biais des incriminations autonomes apportent d’importantes dérogations au principe général d’incrimination de la
provocation qu’est la complicité. Le discours implicite et explicite sur la participation criminelle est autre puisqu’on peut incriminer un auteur
moral, tel que le provocateur, alors que les principes généraux de responsabilité ne le prévoient pas. Là où le livre premier du Code pénal
cherchait par la rigueur à défendre les libertés, les dispositions spéciales permettent des dérogations pour prévenir l’insécurité et permettre
l’efficacité de la politique criminelle. Le discours sur la participation criminelle fait alors preuve d’un manque total de cohérence puisque rien
n’explique qu’il soit possible dans les dispositions spéciales d’incriminer dans le cas d’une provocation non suivie d’effet alors que le législateur
l’a refusé pour la complicité. Le projet de politique criminelle ne semble plus être le même d’un livre à l’autre du Code pénal. Alors qu’il n’avait
pas voulu entendre le discours sur la prévention lors de la rédaction du livre 1 er, le législateur consacre de plus en plus dans les dispositions
spéciales les infractions de prévention qui, si elles ne manifestent pas souci de cohérence, sont sources de pédagogie. Ces incohérences sont
regrettables mais certainement incontournables puisqu’elles expriment les différents objectifs de politique criminelle qui ne sont pas toujours en
adéquation.
Ensuite, les incohérences dans le droit de la provocation viennent de ce que la multiplication des infractions autonomes à côté du droit
commun de la provocation va être source de conflits de qualification. Tout d’abord, il peut exister des conflits de qualification entre les
infractions dérogatoires. Ces conflits sont principalement dus au droit de la presse qui prévoit des incriminations assez larges et à des textes qui
prévoient l’incrimination de provocation s’appliquant lorsque celle-ci est publique. Le second conflit de qualification concerne le droit commun
et le droit dérogatoire. En effet, lorsqu’une provocation prévue dans un délit autonome a été suivie d’effet, on peut se demander s’il faut
appliquer le droit dérogatoire ou le droit commun. Sans doute, doit on considérer que conformément au principe général, l’action doit être
engagée sous la plus haute expression pénale et qu’en conséquence tout va dépendre des peines encourues. Cela revient le plus souvent à
appliquer le droit commun, puisque les peines encourues sont celles de la complicité qui sont, sauf cas exceptionnel, plus lourdes que celles
prévues dans les infractions autonomes. Ce choix de la plus haute expression pénale peut lui-même paraître incohérent puisque souvent
l’incrimination spécifique de la provocation est censée montrer la volonté du législateur d’en consacrer l’originalité, et on ne le respecte donc
pas. Le législateur souhaitait limiter l’immixtion du hasard dû à la règle de l’emprunt de criminalité, sa réussite n’est donc que partielle. Ainsi,
dans le cas du mandat criminelle, la sanction sera différente selon que l’empoisonnement ou le l’assassinat se réalise ou pas alors que cela ne
dépend pas de la volonté criminelle du provocateur. Il devrait donc logiquement encourir les mêmes peines dans l’un et l’autre cas.
2) L’insécurité juridique provoquée par l’incrimination de la provocation.
L’incrimination de la provocation a été vivement souhaitée dans certains domaines où les valeurs protégées le justifient de par leur
importance, comme c’est le cas avec la valeur de la vie protégée par le mandat criminel. Cependant, d’autres infractions autonomes sanctionnent
une provocation non suivie d’effet sans que les valeurs protégées ne présentent la même importance. Or, incriminer la provocation à un acte sans
que celui-ci ne se réalise est source d’incertitude. En effet, on peut se demander comment il est possible de prouver que la volonté criminelle du
provocateur était sérieuse et déterminante si ce caractère n’a pas été révélé par l’élément objectif qu’est la tentative ou la réalisation de
l’infraction projetée. Ces incertitudes quant à la réalité de la volonté criminelle devraient amener à plus de prudence dans l’incrimination lorsque
la provocation n’a pas d’effet néfaste pour l’ordre public. Il serait donc plus logique d’incriminer la provocation non suivie d’effet seulement
lorsque ne pas interrompre cette forme de préparation de l’infraction fait courir le risque d’une atteinte très grave et irréparable à des intérêts
sociaux hautement protégés tels que la vie ou la santé publique.
De plus, on l’a vu les dérogations au droit commun de la provocation sont de plus en plus nombreuses et interviennent dans des domaines
qui n’ont plus rien d’exceptionnels, comme en atteste l’incrimination du mandat criminel. On constate dans le même temps une absence de ligne
directrice entre l’ensemble des infractions autonomes, ce qui non seulement renforce le sentiment d’incohérence de la politique criminelle mais
en plus entraîne une forme d’insécurité juridique du fait du manque de lisibilité et des différences existant entre des infractions ayant le même
objet au départ. Ces dispositions sont en fait des règles restreintes, méconnues et donnant un caractère incertain à la répression des actes de
provocation, ce qui est regrettable. Pourtant, le législateur a souhaité ainsi remédier, ce qui est louable, aux lacunes de l’emprunt de criminalité,
mais il ne le fait que de façon ponctuelle et ne va pas au bout de sa logique incriminatrice. Par conséquent, il serait sans doute nécessaire de
consacrer une disposition générale à l’incrimination de la provocation. Un texte posant une interdiction générale de provoquer autrui permettrait
d’éviter l’insécurité juridique et de résoudre les incohérences.
Pour conclure, on peut dire que le législateur va loin dans la dématérialisation de l’infraction sans apporter la sécurité juridique d’une
définition générale de ce phénomène criminel particulier. Cette consécration des infractions autonomes dérogatoires est justifiée par des raisons
de politique criminelle qui s’inscrivent dans le mouvement qui vise à réprimer toujours plus en amont pour combattre l’insécurité mais cela se
fait au détriment de la théorie générale de la responsabilité pénale et du principe de la légalité. On le voit bien, notre législation pénale est loin
d’assumer en matière de provocation sa fonction pédagogique.
Type Article Conditions Qualification Effets TentativeSuicide 223-13 -différent de l’aide
-acte positif-provocation individuelle et directe
non oui non
Mendicité 225-12-5 à225-12-7
-déborde de la provocation ; organiser,tirer profit, embaucher-provocation individualisée
non
Abandon d’enfant 227-12 al 1 -parent-enfant né ou à naître -volonté d’abandonner-possible dol spécial de but lucratif
oui non non
Mineurs et actes illicites 227-18 à227-21
-mineurs-minorité connue-provocation directe
non nonsi oui : complicité
non
Trahison, espionnage 411-1 CP -que les crimes-nationalité importante si temps de guerre-provocation directe-si publicité : L 1881
oui nonsi oui : complicité
non
Armement illégal 412-8 -provocation individualisée-si publicité :L 1881
si oui : crimesi non : délit
oui
Servir une puissance étrangère 413-1414-1 al 1
-provocation personnalisée-dol spécial : nuire à la défense nationale-si publicité : L 1881
non non non
Désobéissance 413-1 al 1 -dol spécial : nuire à la défense nationale non nonEntrave au fonctionnement
Ou mouvt militaire413-2413-6414-4
-état de siège ou d’urgencemobilisation générale ou mise en garde-personnalisée ou individualisée-si publicité : L 1881-provocation indirecte-dol spé : nuire à la défense nationale
non non non
Attroupement armé 431-6 -pas d’application de règles particulières-publicité
non selon oui ou non,impact sur répression
Rébellion 433-10 -pas d’application de règles particulières non nonDiscrimination R 625-7 -discrimination, sentiment de haine ou
de violence-provocation personnalisée, non publique-dol général non requis
Type Article Conditions Qualification Effet TentativeDésertion 414 CJM -provocation ipersonnelle au regard du
provoqué ou du provocateurnon non
Actes contraires au devoirou là la discipline
441 CJM -provocation personnelle ( militaire) non non
Revoltes ou rebellion 444 al 2 CJM446 al 3 CJM
-provocation non spécifiquedonc : Apllication des regles de complicité
Matière fiscale 1747 al 2 CGI -provocation à refuser ou retarder le paiement de l’impot
non
Matière de consommation L 213-3 al 1, al4 Cconso
-provocation à la falsification oui
Matière de sécurité sociale L 652-7 CSS -provocation à la non conformité aux reglesStupéfiants L 3421-4 CSP -provocation extensive, incitation à
consommer, à conserver, présentation sous un jour favorable-indifférence des substances stupéfiantes-si minorité art 227-18, 227-18-1 CP
non non non
Dopage L 3633-3 CSP -incitation d’un sportif à des produits dopants non non Oui L3633-4 CSPSpectateurs 42-7 L 16/07/1984 -provocation à la haine, violence
-provocation impersonnellenon non non
Type Article Conditions Qualification Effet TentativeCommission de crime ou Délit
23 L 1881 -acte principal commis ou tenté-provocation directe-provocation publique
non Oui : complicité
Atteintes volontaires 24 al 1, al 2 L 1881
-provocation directe, publique-infractions contre les personnes, les biens, les intérets fondamentaux de la nation
non Non ( exception importante au droit commun de la complicité)
Apologie 24 al 3 L 1881
-provocation indirecte, publique-infractions visées : art 24 al 1 et 2 +crime de guerre, crime contre humanité crime ou delit de collaboration avec l’ennemi
Discrimination 24 al 6 L 1881
-provocation directe ou indirecte-incitation manifeste à des sentiments discriminatoires
Terrorisme 24 al 4 L 1881
-provocation directe publique
Cris et chants séditiuex 24 al 5 L 1881
-provocation indirecte
Contestaion des crimes contre L’Humanité
24 bis L 1881