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_________________________ DROIT CONSTITUTIONNEL Cours du Professeur Xavier MAGNON Licence 1 de Droit Division B Semestre 2 2017-2018 _____________ TRAVAUX DIRIGÉS _____________ Equipe pédagogique : Manon BONNET, Clara CWIKOWSKI, Fabien GALLINELLA, Pauline GIRAUD, Loïc ROULETTE, Frédéric SEDAT, Mathias NUNES (coordinateur). Thématiques des séances de travaux dirigés Thème 1 : La démocratie Thème 2 : La Constitution Thème 3 : Les différents modèles de justice constitutionnelle Thème 4 : Le rôle du Conseil Constitutionnel Thème 5 : La Question Prioritaire de Constitutionnalité Thème 6 : Les droits fondamentaux

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DROIT CONSTITUTIONNEL Cours du Professeur Xavier MAGNON

Licence 1 de DroitDivision BSemestre 22017-2018

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TRAVAUX DIRIGÉS

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Equipe pédagogique   : Manon BONNET, Clara CWIKOWSKI, Fabien GALLINELLA, Pauline GIRAUD, Loïc ROULETTE, Frédéric SEDAT, Mathias NUNES (coordinateur).

Thématiques des séances de travaux dirigés

Thème 1 : La démocratie

Thème 2 : La Constitution

Thème 3 : Les différents modèles de justice constitutionnelle

Thème 4 : Le rôle du Conseil Constitutionnel

Thème 5 : La Question Prioritaire de Constitutionnalité

Thème 6 : Les droits fondamentaux

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Exercice semestriel

Durant le semestre, vous préparerez une argumentation pro ou contra répondant à la question suivante : « Etat d’urgence : doit-on dissoudre le

droit d’exception dans le droit commun ? »

Vous rédigerez une argumentation détaillée sous forme de mémoire, d’une vingtaine de pages dactylographiées (Times New Roman, 12 pts, Interligne 1,5) qui fera l’objet d’une note dans le cadre des travaux dirigés.Tous les mémoires devront être remis en TD le 21 mars 2018.

Partiel blanc

Le partiel blanc se tiendra le mercredi 7 mars de 14h à 17h en amphithéâtre Boulan (Site Montperrin). Vous vous présenterez une vingtaine de minutes avant le début de l’épreuve.

Bibliographie générale indicative

Ouvrages de référence :

L. FAVOREU, P. GAÏA, R. GHÉVONTIAN, J.-L. MESTRE, O. PFERSMANN, A. ROUX, G. SCOFFONI, Droit constitutionnel, Dalloz, Précis, 20ème édition, 2018, 1117 p.T.S. RENOUX, M. de VILLIERS, X. MAGNON, Code constitutionnel, LexisNexis, 8ème édition, 2017, 1772 p.E. OLIVA, S. GIUMMARRA, Droit constitutionnel, Sirey, 9ème édition, 2017, 424 p.

Autres ouvrages :CHANTEBOUT (B.), Droit constitutionnel, Sirey, 31e édition, 2014, 656 p.CONSTANTINESCO (V.), PIERRÉ-CAPS (S.), Droit constitutionnel, PUF, Thémis, 7e édition, 2016, 535 p.DUHAMEL (O.), TUSSEAU (G.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Seuil, 3e édition, 2013, 955 p.GICQUEL (J.), GICQUEL (J.-E.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Montchrestien, Domat Droit public, 31ème édition, 2017, 830 p.HAMON (F.), TROPER (M.), Droit constitutionnel, LGDJ, 38e édition, 2017, 800 p.LE POURHIET (A.-M.), Droit constitutionnel, Economica, 8e édition, 2017, 576 p.OLIVA (E.), GIUMMARRA (S.), Droit constitutionnel, Dalloz-Sirey, Aide mémoire, 9ème édition, 2017, 398 p.PACTET (P.), MÉLIN-SOUCRAMANIEN (F.), Droit constitutionnel, Dalloz-Sirey, 36ème

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édition, 2017, 660 p.PORTELLI (H.), Droit constitutionnel, Dalloz, Hypercours, 12e édition, 2017, 469 p.VERPEAUX (M.), Droit constitutionnel français, PUF, Droit fondamental, 2ème édition 2015, 602 p.

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Les revues en droit constitutionnel ou s’intéressant au droit constitutionnel

Revues Plateforme internetActualité juridique du droit administratif (AJDA)

Dalloz

Annuaire international de justice constitutionnelle (AIJC)

Version papier uniquement

Constitutions DallozDroits Version papier uniquementJus Politicum (en ligne) http://www.juspoliticum.comPoliteia Version papier uniquementPouvoirs CAIRNRevue Dalloz DallozRevue du droit public et de la science politique (RDP)

Lextenso

Revue française de droit administratif (RFDA)

Dalloz

Revue française de droit constitutionnel (RFDC)

CAIRN

Les sites internetwww.assemblee-nationale.frwww.conseil-constitutionnel.frwww.conseil-etat.frwww.elysee.frwww.legifrance.gouv.frwww.premier-ministre.gouv.frwww.senat.fr

Outils de documentation AMU

Pour l’accès aux ressources numériques   : Sur votre espace personnel (accès ENT), dans « Mes outils de base », cliquer sur l’icône « BU », puis sur « Ressources électroniques de A à Z », sélectionner la première lettre de la revue concernée pour pouvoir retrouver le lien de celle-ci, cliquer sur le lien pour accéder à la revue.

Pour l’accès au plan du cours, aux plaquettes de travaux dirigés et aux corrections   : https://dice.univ-amu.fr/fr/dice/ilf/enseignements/support-cours-licence/l2-droit-constitutionnel

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Licence 1 de DroitDivision BSemestre 22017-2018

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TRAVAUX DIRIGÉS

THÈME 1 :LA DÉMOCRATIE

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Equipe pédagogique   : Manon BONNET, Clara CWIKOWSKI, Fabien GALLINELLA, Pauline GIRAUD, Loïc ROULETTE, Frédéric SEDAT, Mathias NUNES (coordinateur).

I – Notions essentielles

Démocratie ; Démocratie directe, Démocratie représentative ; Démocratie participative ; Référendum ; Plébiscite ; Initiative populaire ; .

II – Bibliographie indicative

BEVORT A., 2002, Pour une démocratie participative, Paris, Presses de Sciences Po.

BLATRIX C., 2009, « La démocratie participative en représentation », Sociétés

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contemporaines, n° 74, pp. 97-119.

BONNECARRIERE P. et CABANEL H., Rapport d'information fait au nom de la MI Démocratie représentative, participative et paritaire, n°556, 2 vol, Paris, 2017.

BOUVIER A., 2007, « Démocratie délibérative, démocratie débattante, démocratie participative », Revue européenne des sciences sociales, vol. 45, no136, p. 5-34.

CREPON M. et STIEGLER B., De la démocratie participative, fondements et limites, ed. Milles et une nuits, coll. Essai, Paris, 2007, 115 p.

GAUDIN J.-P., La démocratie participative, ed. Armand Colin, 2e édition, 128p.

MAGNON X., GHEVONTIAN R., STEFANINI M., Pouvoir exécutif et parlement : de nouveaux équilibres ?, ed. PUAM, coll. Revision constitutionnelle, 560 p.

ROSANVALLON P., La démocratie inachevée, histoire de la souveraineté du peuple en France, Ed. Gallimard, coll. Bibliothèque des Histoires, Paris, 2000, 456 p.

ROSANVALLON P., La légitimité démocratique, impartialité, réflexivité, proximité, ed. Seuil, coll. Les livres du nouveau monde, Paris, 2008, 384 p.

TOCQUEVILLE A. (de), De la démocratie en Amérique, ed. Flammarion, 2 vol., Paris, 1999 pour la présente édition.

VILLIERS M. (de), « Dans quels cas la constitution prévoit t-elle un référendum ?», extrait de La constitution en 20 question, URL : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/la-constitution-de-1958-en-20-questions/dans-quels-cas-la-constitution-prevoit-elle-des-referendums.17364.html.

III – Documents

I - Définir la démocratie

Doc. 1 : Articles 2 et 3 de la Constitution de 1958.

Doc. 2 : Définitions comparatives des multiples formes de la démocratie.NAY Olivier (dir.), Lexique de science politique, Vie et institutions politiques, ed. Dalloz, 3e édition, Paris, 2014, pp. 143 et ss.

Doc. 3 : « La démocratie représentative est-elle réellement démocratique ? », entretien d'Hélène LANDEMORE avec Nadia URBINATI et Bernard MANIN in La vie des idées, 7 mars 2008

Doc. 4 : Définition de la démocratie participative.

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RUI Sandrine, « Démocratie participative », in CASILLO I. avec BARBIER R., BLONDIAUX L., CHATEAU-RAYNAUD F., FOURNIAU J-M., LEFEBVRE R., NEVEU C. et SALLES D. (dir.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris, GIS Démocratie et Participation, 2013

II - Le referendum, une forme d'expression de la démocratie

Doc. 5 : Alexis de TOCQUEVILLE et les libertés locales.Extrait de TOCQUEVILLE Alexis (de), De la démocratie en Amérique, tome II, chapitre IV.

Doc. 6 : Nicolas de CONDORCET, un défenseur du referendum d'initiative populaire en 1793.MERCIER Anne-Cécile, « Le référendum d'initiative populaire, un trait méconnu du génie de Condorcet », Revue française de droit constitutionnel, PUF, 2003, n°55, pages 483-512.

Doc. 7 : Théorie et pratiques du référendum.SAUVÉ Jean-Marc (Vice-Président du Conseil d'Etat), Introduction au colloque Théorie et pratiques du référendum, Colloque organisé par la Société de législation comparée, Paris, 4 novembre 2011

Doc. 8 : Les referendums locaux dans la constitution française.« Les referendums locaux », extrait de VILLIERS Michel (de), La constitution en 20 question (page en ligne sur le site du conseil constitutionnel). III - La démocratie participative en débat

Doc. 9 : Extraits du rapport de synthèse sénatorial « Décider en 2017 : le temps d'une démocratie coopérative » de la mission d'information sénatoriale sur la démocratie représentative, démocratie participative, démocratie paritaire : comment décider avec efficacité et légitimité en France en 2017 ».

Doc. 10 : La démocratisation de la vie politique locale et nationale.ALBERTINI Jean-Benoit, « Démocratie représentative et participation(s) citoyenne(s) : réflexions et applications pratiques » in Revue française d'administration publique n°150, page 529-541

Doc. 11 : Légitimité et proximité, les défis de la démocratie participative.BLONDIAUX Loïc, « Démocratie locale et participation citoyenne : la promesse et le piège » in Mouvements, ed. La découverte, 2001, page 44-51

Doc. 12 : Les limites de la démocratie participative.« Analyse critique de démocratie participative », Intervention de Michel

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KOEBEL le 6 juin 2009, États généraux du sport

IV – Exercice

Argumentation

Vous développerez une argumentation pro et une argumentation contra sur le sujet suivant :

« La démocratie participative, nouveau remède à la crise du régime représentatif ? »

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DOCUMENTS

Document 1 : Articles 2 et 3 de la constitution de 1958

Article 2[…] «  La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ».Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple »

Article 3

« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum.

Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice.

Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret.

Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politique »

Document 2 : Définitions comparatives des multiples formes de démocratie.NAY Olivier (dir.), Lexique de science politique, Vie et institutions politiques, ed. Dalloz, 3e édition, Paris, 2014, page 143 et suivantes.

DEMOCRATIE [Institution et régime] :1° Dans une définition étroite, régime dans lequel la souveraineté appartient à l'ensemble des citoyens, qui exercent à l'occasion d’élections libres et disputées intervenant à intervalles réguliers. Dans cette perspective, la démocratie est, pour reprendre la formule de Lincoln, « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».

DEMOCRATIE PARTICIPATIVE [Sociologie politique] :Forme particulière de régime ou de procédures démocratiques qui reposent sur des dispositifs de délibération et/ou de consultation permettant une participation plus directe des citoyens à la décision.[…]La démocratie participative recouvre des mécanismes très divers, qui vont du « budget participatif » aux « conseils de quartiers » en passant par des « referendums consultatifs » sur des enjeux limités.[…]L'apparition du terme est liée à un diagnostic croissant formulé par des intellectuels, comme par des acteurs politiques et associatifs, sur les limites de la démocratie représentative (coupure croissante entre gouvernants et gouvernés, désaffection accrue des individus pour les affaires publiques).

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DEMOCRATIE REPRESENTATIVE [Institution et régime] : Régime dans lequel le pouvoir est attribué par le peuple à des représentants qui l'exercent en son nom.Le pouvoir législatif est exercé par les élus au parlement. Le pouvoir exécutif est exercé par le gouvernement et son chef, le Premier ministre ou le président.

Document 3 : « La démocratie représentative est-elle réellement démocratique ? », entretien d'Hélène LANDEMORE avec Nadia URBINATI et Bernard MANIN in La vie des idées, 7 mars 2008

Bernard Manin : « La [démocratie représentative] comporte bien des éléments démocratiques, en particulier, la possibilité pour tous les citoyens de demander des comptes aux représentants à la fin de leur mandat et de les congédier si leur performance au pouvoir n’est pas jugée satisfaisante.Ces éléments démocratiques sont réels et importants. Ma thèse est que la représentation ne comporte pas seulement des éléments démocratiques. La représentation est aussi un gouvernement par des élites qui ne sont pas strictement tenues de réaliser les vœux de leurs mandants. Ainsi, le gouvernement représentatif combine des éléments démocratiques et des éléments non-démocratiques. C’est pourquoi je le caractérise comme une forme de gouvernement « mixte », en m’inspirant de l’idée de constitution mixte des Anciens, qui remonte à Aristote et à Polybe.Décrire les démocraties représentatives modernes uniquement comme des systèmes dans lesquels le peuple est « souverain », ou s’autogouverne de manière « indirecte », obscurcit la nature mixte de tels systèmes.Le gouvernement représentatif n’a jamais été une forme simple de gouvernement. Il a toujours été complexe et composite. En outre, au cours des dernières décennies, des institutions qui ne faisaient pas partie de l’arrangement initial se sont implantées dans un nombre de démocraties représentatives, par exemple les cours constitutionnelles exerçant un contrôle de la constitutionnalité des lois et des agences « indépendantes » non élues. L’essor de ces institutions a rendu le caractère mixte de nos démocraties encore plus visible »[…]

Bernard Manin : « J’identifie quatre arrangements institutionnels qui sont restés inchangés depuis l’instauration des systèmes représentatifs.

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1/ Ceux qui gouvernent sont choisis par des élections qui ont lieu à intervalles réguliers. Ce n’est pas simplement le fait que les gouvernants soient élus qui caractérise le gouvernement représentatif, mais le fait que les élections reviennent à intervalles réguliers. [...] Ainsi les élections ne sélectionnent pas seulement ceux qui gouvernent, elles affectent aussi ce qu’ils font pendant qu’ils sont au pouvoir. Au terme de leur mandat, les représentants publics sont tenus de rendre des comptes aux citoyens ordinaires. [...]2/ Ceux qui sont au pouvoir disposent d’un certain degré d’indépendance dans la prise de décisions politiques pendant qu’ils sont en fonction. Ni les vœux de leurs mandants ni les programmes qu’ils leur ont proposés ne les contraignent de façon stricte. [...]3/ Le troisième principe est ce que j’appelle « liberté de l’opinion ». Quoique les représentants aient une certaine liberté de manœuvre dans leurs actes, le peuple ou une partie du peuple conservent pour leur part le droit d’exprimer opinions et griefs, et de faire valoir à tout moment ses revendications auprès des représentants en fonction. [...] Le gouvernement représentatif n’a jamais été un système dans lequel les citoyens élisent leurs représentants à intervalles réguliers et ensuite se tiennent cois dans l’intervalle.4/ Le dernier principe est que les décisions publiques sont soumises à « l’épreuve de la discussion ». Dire que les décisions publiques sont soumises à « l’épreuve de la discussion » ne revient pas, et j’y insiste, à caractériser le gouvernement représentatif comme un gouvernement par la discussion. La discussion n’est pas une procédure de décision. C’est une méthode pour mettre à l’épreuve, examiner, et tester les décisions publiques. Voilà les quatre principes du gouvernement représentatif. »[…]

Nadia Urbinati : « Mais la représentation n’est pas la démocratie directe. La construction des partis et des associations est importante, je dirais même essentielle, pour le gouvernement représentatif.L’assemblée n’est pas une liste de délégués individuels, mais un corps collectif de représentants, c’est-à-dire des individus pris dans des séparations/alliances idéologiques qui participent ensemble à la prise de décisions publiques.Pour cette raison, la représentation politique est une violation complète du privé comme forme de représentation juridique. Le représentant n’est pas élu juste pour moi comme personne privée, mais pour moi comme part égale du demos, c’est à dire comme citoyen.La représentation politique est en réalité une violation de la représentation parce qu’elle exclut le mandat impératif : je ne peux pas renvoyer le représentant comme je le souhaite même lorsqu’il ou elle dit ou fait des choses que je désapprouve personnellement. »

Document 4 : Définition de la démocratie participative.RUI Sandrine, « Démocratie participative », in CASILLO I. avec

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BARBIER R., BLONDIAUX L., CHATEAU-RAYNAUD F., FOURNIAU J-M., LEFEBVRE R., NEVEU C. et SALLES D. (dir.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris, GIS Démocratie et Participation, 2013

Selon un usage générique très répandu, la démocratie participative désigne l’ensemble des procédures, instruments et dispositifs qui favorisent l’implication directe des citoyens au gouvernement des affaires publiques.[...] Utilisée au sens large, la notion de démocratie participative retient d’une part que l’offre de participation s’adresse à des individus et des groupes sociaux sans statut ni mandat pour prendre part de façon conventionnelle aux processus décisionnels et qui n’ont d’ordinaire d’autres moyens de peser sur ces processus que le vote, le recours en justice et la mobilisation collective.[...]Selon un tel usage, la notion de démocratie participative voisine avec d’autres, auxquelles elle se substitue, et qui sont souvent utilisées invariablement : démocratie de proximité, démocratie directe, démocratie délibérative.[...]

Document 5 : Alexis de TOCQUEVILLE et la démocratisation de la vie locale.Extrait de TOCQUEVILLE Alexis (de), De la démocratie en Amérique, tome II, chapitre IV.

« Les législateurs de l'Amérique n'ont pas cru que pour guérir une maladie si naturelle au corps social dans les temps démocratiques et si funeste, il suffisait d'accorder à la nation tout entière une représentation d'elle-même; ils ont pensé que, de plus, il convenait de donner une vie politique à chaque portion du territoire, afin de multiplier à l’infini, pour les citoyens, les occasions d’agir ensemble, et de leur faire sentir tous les jours qu’ils dépende les uns des autres [...]C’est donc en chargeant les citoyens de l’administration des petites affaires, bien plus qu’en leur livrant le gouvernement des grandes, qu’on les intéresse au bien public et qu’on leur fait voir le besoin qu’ils ont sans cesse les uns des autres pour le produire.On peut, par une action d’éclat, captiver tout à coup la faveur d’un peuple ; mais pour gagner l’amour et le respect de la population qui vous entoure, il

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faut une longue succession de petits services rendus, de bons offices obscurs, une habitude constante de bienveillance et une réputation bien établie de désintéressement.Les libertés locales, qui font qu’un grand nombre de citoyens mettent du prix à l’affection de leurs voisins et de leurs proches, ramènent donc sans cesse les hommes les uns vers les autres, en dépit des instincts qui les séparent, et les forcent à s’entraider ».

Document 6 : Nicolas de CONDORCET, une tentative d'instauration du referendum d'initiative populaire en 1793 ?MERCIER Anne-Cécile, « Le référendum d'initiative populaire, un trait méconnu du génie de Condorcet », Revue française de droit constitutionnel, PUF, 2003, n°55, pp. 483-512.

« Transportons-nous pour quelques instants à la fin de l’été 1792. Le Roi, dans sa fuite, a perdu toute légitimité. Le 10 août, l’assaut des Tuileries par la foule parisienne interdit tout retour en arrière : l’idée républicaine s’impose. Sur le modèle américain, une Convention de députés est chargée de voter une nouvelle constitution. Plus précisément, la Convention charge un comité de neuf membres le soin de la rédiger. Condorcet y est nommé et s’y consacre avec plus d’enthousiasme qu’aucun autre . Le 15 février 1793, il présente son projet.

Le droit d’initiative populaire y est traité au titre VIII sous l’appellation de « Censure du peuple sur les actes de la représentation nationale, et du droit de pétition ». L’article premier explique la signification et expose l’objectif de l’institution : « Lorsqu’un citoyen croira utile ou nécessaire d’exciter la surveillance des représentants du peuple sur des actes de constitution, de législation ou d’administration générale, de provoquer la réforme d’une loi existante ou la promulgation d’une loi nouvelle, il aura le droit de requérir le bureau de son assemblée primaire, de la convoquer au jour de dimanche le plus prochain pour délibérer sur sa proposition ». Le droit d’initiative existe donc tant en matière législative que constitutionnelle (cette question est réglée dans le titre suivant, intitulé Des conventions nationales), et autorise à la fois la révision d’une norme ancienne et la proposition d’une norme nouvelle. Le mécanisme de saisine du corps législatif est le même, que la norme proposée soit de nature législative ou constitutionnelle (A).

A– LA SAISINE DU CORPS LÉGISLATIF SUR L’INITIATIVE D’UN GROUPE DE CITOYENS

La saisine du corps législatif n’est pas immédiate : le projet doit gravir un à un les échelons le menant de l’assemblée primaire à la commune, de la commune au département. Puis, si la majorité des assemblées primaires d’un département s’est prononcée favorablement, le corps législatif est alors saisi

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de l’examen et du vote du projet. Comme une onde provoquée par un infime impact sur la surface de l’eau, le projet se propage et prend de l’ampleur. Étudions cette propagation plus en détail.La requête initiale doit être rédigée en termes simples (article II1) et comporter la signature de 50 citoyens résidant dans l’arrondissement de la même assemblée primaire (article III). Elle est présentée au bureau de l’assemblée primaire (article I), qui vérifie si les signataires ont droit de suffrage. Si tel est le cas, le bureau est tenu de convoquer l’assemblée primaire le dimanche suivant (article IV). Lors de la réunion de l’assemblée, le projet est lu et discuté, mais il ne pourra être voté que le dimanche suivant (article V). Le vote doit avoir lieu en répondant par oui ou non à la question : « Y a-t-il, ou n’y a-t-il pas lieu à délibérer ? » (article VI). « Si la majorité des votants est d’avis qu’il y ait lieu à délibérer, le bureau sera tenu de requérir la convocation des assemblées primaires, dont les chefs-lieux sont situés dans l’arrondissement de la même commune, pour délibérer sur l’objet énoncé dans la réquisition » (article VII).

Voici le schéma de base. Il va être reproduit à l’échelon de la commune, puis à celui du département. On y trouve les composantes essentielles du système de Condorcet : crédibilité de la proposition de départ (soutien de cinquante signatures), saisine de plein droit de la collectivité (assemblée primaire, commune, département), sans examen au fond, si les conditions en sont remplies (afin que le droit soit effectif et non soumis à une appréciation subjective qui pourrait faire obstacle au processus); une proposition simple pour baliser la discussion; un vote ajourné pour plus de réflexion.Le bureau de l’assemblée primaire initiale saisit alors les assemblées primaires de la même commune en adressant à chacune d’entre elles le procès verbal de la délibération ainsi qu’une copie de la proposition elle-même (article VIII). Ces assemblées se réunissent, votent selon les mêmes directives, et envoient le résultat des délibérations au bureau de l’assemblée primaire initiale (article IX). S’il ressort de ces résultats que la majorité des citoyens ayant voté dans les assemblées primaires de la commune a estimé qu’il y avait lieu à délibérer sur la proposition, le bureau de l’assemblée primaire initiale saisit l’administration du département d’une copie de la proposition et du procès verbal des délibérations (article X). La convocation sous quinzaine des assemblées primaires du département est alors obligatoire; elles se réunissent, votent, et adressent le résultat de leur délibération à l’administration du département dans des formes identiques à celles précédemment décrites (article XI). « Si la majorité des citoyens décide qu’il y a lieu à délibérer, l’administration du département adressera au corps législatif le résultat de leurs délibérations, avec l’énonciation de la proposition qu’ils ont adoptée, et le requerra de prendre cet objet en considération »

1 Il s'agit ici de l'article 2 de la Constitution du 15 février 1793.

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(article XII).

Le corps législatif est enfin saisi. « La procédure entre ici dans une nouvelle phase et elle va se terminer ou par le vote d’une nouvelle loi ou par une véritable révocation du Corps Législatif, suivie de sa réélection, car tels sont les deux résultats considérables que peut indifféremment provoquer l’initiative du plus humble des citoyens, du plus ignorant des paysans ». Si la procédure paraît longue et compliquée, c’est qu’elle confère un pouvoir unique à tout citoyen : capter l’attention de la Nation entière sur son projet. Il convient donc de dresser des remparts puissants contre les abus. [...] ».

Document 7 : Théorie et pratiques du référendum.

SAUVÉ Jean-Marc (Vice-Président du Conseil d'Etat), Introduction au colloque Théorie et pratiques du référendum, Colloque organisé par la Société de législation comparée, Paris, 4 novembre 2011

« Le Conseil d’État entretient avec la Société de législation comparée des relations aussi étroites et constantes que légitimes. Qu’on en juge : le mois dernier était organisé dans cette même salle un colloque sur les services d’intérêt économique général ; ce mois-ci, c’est le référendum qui nous réunit dans le cadre d’un colloque que cette société organise avec le Centre d’études constitutionnelles et politiques de Paris II et l’Institut Cujas. Comme le précédent, ce sujet est d’un réel intérêt. Il est même, depuis le début de cette semaine, d’une actualité brûlante avec son irruption sur la scène de l’Union européenne et de la zone euro.

[...]

J’aborderai de manière plus générale, afin de poser le cadre de la discussion, la question du rapport ou de l’articulation entre référendum et démocratie, ce qui me conduira nécessairement à évoquer la théorie et les pratiques du référendum.

Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple : tels sont le principe et la définition de la démocratie. Cette formule, usitée au point d’être galvaudée et usée, est celle-là même qu’employa Abraham Lincoln en 1863, lors de son adresse de Gettysburg, sur le champ de bataille où les armées de l’Union avaient vaincu celles de la Confédération. N’oublions pas non plus -mais comment le pourrait-on dans cette salle d’assemblée générale qui a vu se dérouler la délibération du Conseil d’Etat sur le projet qui devait devenir la Constitution du 4 octobre 1958 ? – que cette formule est également inscrite à l’article 2 de notre loi fondamentale. Une telle définition de la démocratie est toutefois réductrice, car la démocratie n’est pas seulement une forme de gouvernement. Ainsi que l’expose le professeur Lauvaux dans son remarquable ouvrage sur Les grandes démocraties contemporaines, la démocratie est à la fois un « principe de liberté » et un « principe de

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légitimité ». L’universalité de l’idée de démocratie découle en effet depuis 1945 – année de l’écrasement du nazisme et du fascisme – et, plus encore, depuis 1989 – année de l’effondrement du communisme soviétique – d’une identification entre démocratie et liberté et entre démocratie et Etat de droit.

A l’aune de ces premières réflexions, il faut convenir que le mode d’expression du peuple en démocratie est une question essentielle qui renvoie à l’opposition ou la complémentarité entre démocratie directe et démocratie représentative. Mais l’interrogation porte aussi sur les conséquences que l’expression directe du peuple, au travers d’un instrument protéiforme appelé référendum, peut avoir sur les principes de liberté et de légitimité : cette expression en est-elle bien une émanation, voire la quintessence ? Ou au contraire, menace-t-elle ces principes ? Le référendum peut-il remettre en cause les libertés et l’Etat de droit ?

A ces questions, je répondrai que le référendum est un instrument qui, en permettant une participation directe du peuple au gouvernement de la cité, constitue un adjuvant utile, voire un correctif nécessaire, au régime représentatif (I). Toutefois, les risques de dérive et même de dévoiement de cet instrument doivent être prévenus par un encadrement et des conditions de mise en œuvre adaptés (II).

I. Le référendum, en permettant une participation directe des citoyens, est un instrument de consolidation de la démocratie.

Historiquement, le référendum a émergé, tant en théorie qu’en pratique, comme un instrument de rationalisation du système représentatif et de contrepoids raisonné à ses éventuels excès (A). Le regain actuel d’utilisation de cet instrument, polymorphe et donc adaptable, révèle la recherche, commune à de nombreuses démocraties, de mécanismes propres à favoriser l’expression directe des citoyens (B).

A. Le référendum a progressivement émergé comme un instrument de rationalisation et de meilleur équilibre des pouvoirs publics.

Le débat sur la place de l’expression directe des citoyens en démocratie se nourrit d’expériences anciennes.

Mais c’est surtout à partir des XVIIème et XVIIIème siècles qu’ont été posés les fondements théoriques de ce débat (1) dans des contextes historiques souvent très divers (2).

1. Ces fondements ont été posés par Montesquieu qui, dans L’Esprit des lois, entendait montrer la supériorité du gouvernement représentatif, et Rousseau, qui était hostile au principe de la représentation, car la volonté générale « ne se représente point » ; dès lors « toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle : ce n’est point une loi ».

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Ce débat a acquis une portée pratique dans la fièvre de la rupture avec l’Ancien régime et, notamment, lors de la rédaction de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. C’est finalement la formule consensuelle de Talleyrand qui a été retenue lors de la discussion de l’article 6 de cette déclaration, selon lequel « Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, » à la formation de la loi, expression de la volonté générale.

La conception représentative a ensuite prévalu, sauf dans la Constitution de l’an I, et ce n’est que bien plus tard, avec Carré de Malberg, que le référendum a trouvé une place de choix dans la dialectique entre souveraineté populaire et souveraineté nationale.

La thèse de Carré de Malberg est connue : ce n’est pas la souveraineté nationale qui conduit à proscrire le référendum, mais son dévoiement en souveraineté parlementaire ; et l’introduction d’éléments de démocratie directe doit permettre au contraire d’éviter la dérive vers le parlementarisme absolu.

Ainsi, le référendum a lentement émergé, d’un point de vue théorique et pratique, comme un élément de rééquilibrage des pouvoirs publics. Une même analyse est actuellement développée à partir de prémisses différentes par l’école dite « participationniste », qui souligne la perte de légitimité des représentants trop éloignés des aspirations populaires, la perte de confiance qui en résulte et la nécessité d’introduire dans la vie publique des éléments de démocratie semi-directe.

2. Cette première approche ne suffit pas à rendre compte de la diversité des constructions du référendum comme instrument démocratique. Le débat entre les penseurs des Lumières, qui eurent certes une influence globale, n’est par exemple pas apte à rendre compte de celui qui s’est tenu dans le monde germanique ou anglo-saxon. En outre, les données historiques sont fondamentales pour mesurer l’importance et la pertinence du recours, dans un Etat, aux procédés de démocratie directe.

Dans de nombreux États de l’Ouest américain, par exemple, les instruments de démocratie directe se sont développés au début du XXème siècle en réaction au pouvoir trop important dont disposaient certains groupes d’intérêts dans les assemblées représentatives, comme en Californie où la législature était placée sous l’influence, jugée excessive, de la compagnie des chemins de fer du Pacifique Sud. Lorsque les progressistes, rassemblés au sein de la ligue Lincoln-Roosevelt, prirent le pouvoir en 1910, le référendum et l’initiative populaire furent présentés comme les meilleurs moyens de protéger le peuple contre un gouvernement que le nouveau gouverneur qualifia de « déreprésentatif ».

Cet exemple montre l’importance des expériences historiques pour comprendre, dans chaque État, la place prise par le référendum dans l’idée

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démocratique ou même, lorsque l’histoire bascule, dans la pensée antidémocratique.

Le référendum est ainsi apparu comme un contrepoint et un facteur de légitimation du système représentatif, même s’il a pu aussi, comme on le verra, être utilisé à des fins tout autres. Il présente, surtout dans la période actuelle, de réels avantages et il est de plus en plus utilisé dans de nombreuses démocraties.

B. Au-delà de ses justifications théoriques et pratiques, le référendum permet, en effet, de donner directement et de manière souple la parole au peuple.

La démocratie semi-directe ne cesse pas de se développer. L’expression de référendum recouvre ainsi une grande diversité de pratiques, qui manifestent la plasticité et l’adaptabilité de cet instrument aux particularités et aux besoins propres de chaque démocratie (1). Dans de nombreux cas, le référendum apparaît en outre comme un vecteur de plus grande force et légitimité de la décision publique (2).

1. Le référendum est sans conteste un instrument polymorphe. Il a suscité une véritable taxinomie sur ses conditions de déclenchement, son objet, son ressort territorial ou sa force décisionnelle, taxinomie qui n’est pas toujours exempte d’arrière-pensées manichéennes. C’est ainsi que, s’il émane du pouvoir exécutif, il pourra plus aisément être qualifié de plébiscitaire, tandis que sera jugée plus démocratique une initiative populaire ou parlementaire. Le référendum peut également être facultatif ou obligatoire. Il peut se dérouler au niveau national ou local ou, dans les États fédéraux, au niveau de la Fédération ou des États fédérés. Il peut être législatif ou constitutionnel et porte plus rarement sur une décision administrative. Enfin, une dernière typologie est relative à ses effets: le référendum peut être consultatif ou décisionnel et, dans ce dernier cas, il peut être suspensif ou abrogatif.

Si les types de référendum sont divers, ses pratiques ne le sont pas moins. La Suisse et, au niveau de certains Etats fédérés uniquement, les États-Unis recourent beaucoup au référendum, tandis que d’autres pays le pratiquent plus rarement, comme la France, voire exceptionnellement, c’est le cas du Royaume-Uni. Toutefois, le constat général est celui d’un regain d’intérêt depuis quelques décennies pour cette forme d’expression de la souveraineté ou d’exercice du pouvoir normatif. Il faut certainement y voir la marque de la recherche d’une plus grande autorité de la décision publique, mieux assurée lorsqu’elle procède du consentement direct des citoyens.

2. Le référendum apparaît, dans certains cas, comme la forme suprême de la démocratie ou, à tout le moins, comme un instrument majeur de légitimation de l’action publique. Certains référendums expriment ainsi

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l’essence même du contrat social et du « vouloir-vivre ensemble », quand ils conduisent à la création ou à la scission d’Etats, à l’autodétermination de populations ou à l’adoption de constitutions. La France est sans doute l’un des pays qui a le plus recouru aux référendums portant directement ou non sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes : tel fut le cas pour l’Algérie, Djibouti ou encore l’archipel des Comores. Tout aussi significatifs sont les référendums constituants, surtout lorsqu’ils expriment le pouvoir constituant originaire, comme lors de l’adoption de la Constitution de la Vème République. Enfin, si le référendum n’a joué aucun rôle dans la création des Communautés européennes, de nombreux référendums ont, depuis les années 1970 et dans beaucoup d’Etats, même le Royaume-Uni, porté sur les grandes étapes de la construction européenne : adhésion d’Etats membres ou maintien de cette adhésion, approbation de nouveaux traités ou passage à l’Euro par exemple. L’article 88-5 de notre Constitution oblige également désormais à soumettre à référendum tout traité relatif à l’adhésion d’un Etat.

En dehors de ces expressions majeures de la volonté populaire, le référendum offre aussi une alternative ou un contrepoids utiles au pouvoir des représentants et il semble, à cet égard, propice au développement démocratique. Le référendum abrogatif des lois en vigueur, tel qu’il existe en Italie, mérite d’être cité en exemple. L’initiative populaire remplit aussi une fonction essentielle d’inscription d’une question à l’ordre du jour politique et elle contribue nettement au modelage des politiques publiques, que ce soit de manière directe, par l’adoption de la mesure proposée, ou indirecte, par les concessions faites à l’opinion par le législateur afin de contribuer à l’échec d’une proposition.

Enfin, il paraît particulièrement important de pouvoir associer les électeurs aux décisions publiques prises dans des espaces infra-nationaux. Les référendums communaux, purement consultatifs en France, s’inscrivent dans cette catégorie. Mais il convient aussi de citer à cet égard les consultations décisionnelles, obligatoires ou non, prévues par notre Constitution, dans sa rédaction issue de la révision du 28 mars 2003, en vue d’un changement de statut d’une collectivité territoriale ou de la création d’une assemblée unique, en particulier outre-mer.

Le référendum permet donc de renforcer la pratique de la démocratie en apportant des tempéraments, souvent pertinents et utiles, au pouvoir des représentants. Il comporte toutefois aussi des risques et des limites, dont il faut savoir se garder.

II. Les potentielles dérives des référendums doivent être prévenues par un encadrement et des conditions de mise en œuvre adaptés.

L’histoire du référendum est pour le moins ambivalente : elle montre que cet instrument n’est pas toujours un gage de démocratie (A). Pour prévenir les

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risques d’abus ou de dérive, le recours au référendum doit donc être encadré (B).

A. La consultation des citoyens n’est pas toujours un gage de démocratie.

Le référendum peut être mis au service d’un pouvoir autoritaire soucieux d’apparences démocratiques, comme il peut aussi, avec la même caution, porter atteinte aux libertés et aux droits fondamentaux (1). Mais l’utilisation de procédés de démocratie semi-directe peut également, plus simplement, ne pas remplir son office démocratique, le référendum risquant alors d’apparaître comme une illusion démocratique (2).

1. Le référendum peut constituer un instrument dans les mains d’un pouvoir autoritaire.

Le référendum peut tout d’abord être « manipulé » dans le but d’asseoir la légitimité d’un tel pouvoir. L’histoire des régimes autoritaires, voire totalitaires, en particulier en Europe, est assez exemplaire des risques que recèle cet instrument. En France même, a pesé sur le référendum l’hypothèque des précédents plébiscitaires du Premier et du Second Empire, regardés comme le dévoiement ou la dégénérescence d’un idéal-type, que constituerait le référendum, à la seule fin de permettre à un gouvernant de légitimer le pouvoir qu’il détient. Napoléon Bonaparte usa ainsi trois fois du plébiscite, qui porte alors officiellement ce nom, inventant une sorte de –excusez l’oxymore– césarisme démocratique, régime où l’appel au peuple fonde le pouvoir d’un homme. Un demi-siècle plus tard, Louis-Napoléon Bonaparte rétablit l’Empire en deux étapes plébiscitaires.

Mais ce constat n’est pas propre à notre pays. De nombreux États sont hantés par le souvenir de régimes qui ont organisé des référendums pour soutenir des dictatures ou des oligarchies au pouvoir. Le plébiscite a ainsi constitué non seulement l’un des instruments de la glorification du Führer dans l’Allemagne nazie, mais également un instrument de politique étrangère, permettant de montrer au monde, à des moments stratégiques, que le peuple allemand se tenait derrière lui.

L’histoire des régimes autoritaires ou populistes usant de l’arme du plébiscite n’est malheureusement pas close. Le référendum reste en effet une arme de choix de tels régimes. S’il est indiscutable que la souveraineté réside dans le peuple qui peut l’exercer directement, il n’est pas moins constant que celle-ci est trop souvent invoquée pour biaiser son expression et, notamment, pour s’affranchir de la tutelle de Parlements indociles ou de règles constitutionnelles contraignantes, comme celles limitant le nombre des mandats, quand il ne s’agit pas d’ouvrir la voie à des présidences à vie.

2. Arme entre les mains de pouvoirs autoritaires, le référendum peut en outre ne fournir qu’une illusion de démocratie. Plusieurs arguments sont avancés sur ce point, notamment par l’école dite « des élites responsables ».

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Tout d’abord, dans la mesure où, dans la plupart des cas, le référendum conduit à éviter ou contourner une enceinte délibérative, il ne permet pas de débattre de manière approfondie des enjeux d’une réforme, de mûrir les options alternatives et les choix retenus et enfin d’enrichir par des amendements le texte soumis à la décision du peuple. La réponse binaire par oui ou par non à des enjeux souvent multiples et complexes peut en outre s’avérer trop simplificatrice et donc inadaptée. Tout choix politique doit, pour être intelligible, être aussi simple et clair que possible, mais beaucoup de choix ne peuvent, sans appauvrissement dangereux de la prise de décision, se réduire à deux options antagonistes. Le référendum peut en outre conduire à l’agrégation d’une multitude de questions distinctes appelant une réponse unique. Lors du vote du 27 avril 1969 portant sur la création des régions et la rénovation du Sénat, les électeurs convoqués par le Général de Gaulle votèrent sans doute autant contre le Président de la République qui avait proposé le projet de loi que contre les réformes proposées, elles-mêmes multiples et pouvant appeler des réponses distinctes.

En outre, l’initiative populaire n’est pas non plus toujours accessible à tous. Ainsi, en Californie, l’obtention des 5 % ou 8 % de signatures nécessaires au déclenchement de l’initiative populaire favorise, compte tenu de l’importance de la population de cet Etat, les groupes d’intérêts détenteurs d’un pouvoir économique important.

Le référendum conduit aussi à penser la démocratie comme le règne du nombre. Or, comme je l’ai déjà dit, au moins autant qu’à une forme de gouvernement, la démocratie s’identifie à l’Etat de droit ; la démocratie, c’est le règne de la volonté générale dans le respect de la Constitution.

Cette volonté générale, ce n’est pas le libre cours donné à n’importe quelle pulsion populiste, y compris pour porter atteinte, au nom d’une prétendue volonté populaire, à des droits et libertés constitutionnellement garantis. Pour éviter que le référendum ne permette à une majorité, peut-être de circonstance, de trancher des questions biaisées ou mal posées, voire de méconnaître les droits fondamentaux ou encore d’opprimer une minorité, il doit donc être utilisé à bon escient et sur des enjeux d’une grande importance. Il doit aussi être précisément encadré, notamment par des dispositifs préventifs.

B. Pour éviter de tels risques, voire de telles dérives, un usage raisonné et contrôlé du référendum s’impose.

Cet usage raisonné passe par l’équilibre réalisé entre la voix des électeurs et le rôle assumé par les gouvernants (1). Un contrôle préventif, qui n’en exclut toutefois pas d’autres, semble en outre nécessaire pour encadrer l’usage de la procédure référendaire (2).

1. Le bon gouvernement de la cité impose de savoir conjuguer les atouts et prévenir les inconvénients des différents modes de démocratie existants,

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direct et indirect. Le juste équilibre entre ces modes est d’autant plus important dans notre pays que, depuis l’entrée en vigueur de la Constitution de 1958, les articles consacrés au référendum se sont multipliés, que l’on pense par exemple à l’article 88-5 ou aux référendums prévus par le titre XII de la Constitution.

Tout gouvernement doit prendre appui sur deux piliers. Le premier est celui de l’adhésion populaire aux grands choix structurant la vie collective, adhésion qui peut s’exprimer par la voie du référendum et qui remplit une fonction d’authentification et d’approbation de ces choix, indispensable en démocratie. Le second remplit une fonction plus stratégique d’anticipation, de projection dans l’avenir et, parfois même, de rupture avec l’opinion plus ou moins exprimée du plus grand nombre. Une telle prise de risque relève d’une éthique de responsabilité qui est la marque des grandes démocraties. Elle peut être assumée par les gouvernants et les assemblées délibérantes. Elle illustre ce qui peut être qualifié ou, au contraire, dénoncé de « gouvernement des élites responsables » ou « éclairées », expressions qui ne peuvent en tout état de cause qu’être récusées pour ce qu’elles disent par prétérition.

Par ailleurs, le référendum, outre qu’il se conclut souvent par la victoire d’une minorité ou d’une petite minorité d’inscrits lorsque les textes institutifs ne fixent pas un seuil minimal pour sa validité, confère, dans certaines conditions, un avantage certain aux options conservatrices et conduit à privilégier ainsi le connu par rapport à l’inconnu, c’est-à-dire le rejet d’une novation jugée dangereuse par rapport au maintien du statu quo. Que l’on pense à certaines décisions majeures qui ont été prises dans le passé, comme le choix de la construction européenne, celui du Conseil de l’Europe et celui des Communautés européennes, ou encore celui de l’abolition de la peine de mort par exemple. Soumises à référendum, de telles décisions n’auraient sans doute pas prospéré, alors qu’elles peuvent être regardés comme de véritables progrès. Quant aux référendums sur l’organisation des collectivités territoriales, ils ont plus souvent favorisé l’émiettement ou la scission de collectivités que leurs regroupements, leur réduction ou leur simplification.

Il convient donc qu’un équilibre soit trouvé entre la fonction d’identification et la fonction d’innovation et de création, sans que cette dernière ne soit bien entendu le monopole des gouvernants.

En outre, il peut être souhaitable que des mécanismes soient mis en place afin d’éviter que la voix du corps électoral et celle des représentants ne s’entrechoquent ou ne se contredisent. La nouvelle rédaction de l’article 11 de la Constitution en donne un exemple : l’initiative ne peut ainsi avoir pour objet l’abrogation d’une loi adoptée depuis moins d’un an. Des mécanismes similaires existent dans de nombreux droits étrangers.

2. Un contrôle juridictionnel, en particulier préventif, paraît également nécessaire.

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En France, on connaît, et il est inutile d’y revenir, les étapes successives qui ont marqué le contrôle effectué respectivement par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat sur l’organisation des opérations de référendum.

Il semble que les questions centrales soient les suivantes : comment, d’une part, contrôler la sincérité et la loyauté de la consultation et, d’autre part, s’assurer que le texte soumis à référendum n’est pas contraire aux autres principes constitutionnels et n’est pas, notamment, attentatoire aux droits et libertés ?

Le contrôle de la sincérité de la question posée est un élément primordial. Il fait l’objet d’un examen du Conseil d’État dans sa sphère de compétence, ainsi que du Conseil constitutionnel dans la sienne.

Surtout, ce contrôle devrait porter, de manière préventive, sur la constitutionnalité des dispositions soumises à référendum. Dans sa décision du 24 mars 2005, le Conseil constitutionnel n’a pas tranché cette question, y répondant par un « en tout état de cause » qui lui a permis de faire l’économie d’une prise de position sur ce point. Le nouvel article 11 de la Constitution renvoie pour sa part à une loi organique le soin de préciser les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel intervient. Or, le projet de loi organique portant application de l’article 11 qui a été déposé le 22 décembre 2010 sur le bureau de l’Assemblée nationale propose précisément que le Conseil constitutionnel contrôle notamment, en amont, qu’aucune disposition de la proposition de loi sur laquelle l’initiative porte n’est contraire à la Constitution. La voie d’un tel contrôle préventif constitue la modalité la plus adaptée pour s’assurer de la constitutionnalité des lois référendaires. Elle mériterait d’être étendue aux autres cas de référendum prévus à l’article 11, voire aux référendums prévus par d’autres articles de la Constitution.

Le contrôle a posteriori, qui est pratiqué dans de nombreux Etats, me semble en revanche en l’état moins pertinent en France, notamment au regard de la jurisprudence selon laquelle ne peuvent être contrôlées par le Conseil constitutionnel les lois « qui, adoptées par le Peuple à la suite d’un référendum, constituent l’expression directe de la souveraineté nationale ». Il sera intéressant d’observer si, notamment dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité, cette jurisprudence est à l’avenir maintenue ou remise en cause.

La Cour suprême des Etats-Unis a aussi été confrontée au dilemme de l’opposition entre une loi référendaire et la Constitution dans sa décision Romer v. Evans en 1996. L’amendement à la Constitution du Colorado, adopté par référendum, interdisant à l’Etat, aux villes et aux comtés de voter des législations discriminatoires à l’égard des homosexuels, a été censuré comme contraire au 14ème amendement et au principe « d’égale protection par la loi ». Cette décision a été rendue contre l’avis de trois juges, le juge Scalia s’opposant en particulier, dans son opinion dissidente, à une décision allant à l’encontre de la volonté du peuple.

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En tout état de cause, l’absence de contrôle de constitutionnalité a posteriori des lois adoptées par référendum ne saurait remettre en cause les libertés et les droits fondamentaux protégés par nos engagements européens et internationaux, tant les systèmes juridiques interne et européens sont imbriqués. Une loi référendaire n’échappe ainsi pas plus au contrôle de la Cour européenne des droits de l’homme ou à celui de la Cour de justice de l’Union européenne qu’une loi ordinaire. »

Document 8 : « Les referendums locaux », extrait de VILLIERS Michel (de), La constitution en 20 questions (page en ligne sur le site du conseil constitutionnel).

« La consultation des populations intéressées par une cession, une adjonction ou un échange de territoire prévue par l'article 53 est une application du principe de libre détermination des peuples. L'article 76 (loi constitutionnelle du 20 juillet 1998) avait également prévu, au titre de dispositions transitoires, une consultation des populations de Nouvelle-Calédonie portant sur l'évolution statutaire de ce territoire.En revanche, relèvent de la logique de la décentralisation la possibilité de référendums organisés par des collectivités territoriales (article 72-1). Mais tous ces référendums locaux ne mettent pas en jeu la souveraineté nationale au sens de l'article 3 et échappent à la compétence du Conseil constitutionnel (CE Ass. 30 oct. 1998, Sarran). »

Document 9 : Extraits du rapport de synthèse sénatorial « Décider en 2017 : le temps d'une démocratie coopérative » de la mission d'information sénatoriale sur la démocratie représentative, démocratie participative, démocratie paritaire : comment décider avec efficacité et légitimité en France en 2017 ».

« Proposition n° 2 : Recourir plus régulièrement, sans les généraliser, aux consultations numériques et aux panels de citoyens pour la préparation des réformes et l’élaboration des textes législatifs.[...]Proposition n° 3 : Revitaliser le droit de pétition auprès des assemblées parlementaires, en garantissant un droit de suite pour les initiatives suffisamment représentatives confié aux commissions permanentes compétentes.Dispositif permettant aux citoyens d’interpeller leurs représentants, le droit de pétition auprès des assemblées parlementaires est pourtant tombé en désuétude : seules 49 pétitions ont été enregistrées au Sénat entre octobre

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2007 et avril 2017, avec un nombre de signataires souvent restreint[...]Proposition n° 4 : À long terme, encourager le recours apaisé au référendum par un assouplissement de son usage au niveau local pour les collectivités territoriales volontaires, en autorisant plusieurs questions concomitantes et un recours plus adapté au calendrier local.Mieux associer les citoyens consiste également à leur permettre de décider directement sur certains sujets, sous réserve de « dédramatiser » les référendums et de rompre avec leur tradition plébiscitaire [...] »Document 10 : La démocratisation contemporaine de la vie politique locale et nationale.ALBERTINI Jean-Benoit, « Démocratie représentative et participation(s) citoyenne(s) : réflexions et applications pratiques » in Revue française d'administration publique n°150, page 529-541

« Comment cette inspiration mêlant participation et délibération se retrouve-t-elle dans les procédures développées en France au cours des dernières années ? Plusieurs exemples rendent comptent de la faculté d’adaptation progressive des mécanismes représentatifs, tant à l’échelon local qu’au niveau national, en lien avec la mise en œuvre des politiques publiques.[…]La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a prévu, dans son volet « participation citoyenne », la création de conseils de quartier. Les conseils de quartier ont un rôle consultatif. Ils peuvent ainsi être consultés par le maire, et faire des propositions sur toute question concernant le quartier ou la ville. Le maire peut également les associer à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des actions intéressant un quartier, en particulier celles menées au titre de la politique de la ville.[…]Une large majorité de français se sont déclarés partisans de la méthode fondées sur le débat mise en place en 2007 et 2008 pour alimenter le « Grenelle de l’environnement », autour de six groupes de travail rassemblant chacun quarante membres répartis en cinq collèges. Chaque collège avait vocation à représenter les acteurs du développement durable : État, collectivités territoriales, ONG, employeurs, salariés. Suite à cela, des réunions locales en régions et une consultation du public sur Internet ont eu lieu, avant d’arriver à la table ronde du Grenelle les 24 et 25 octobre 2007 et aux deux projets de loi « Grenelle » […]En France, l’institution par la réforme constitutionnelle de 2008 du référendum d’initiative partagée à l’échelle nationale, ainsi que des droits de pétition et de référendum local prévus par les articles 71-1, 72-4 et 73 de la Constitution depuis la réforme constitutionnelle de 2003, permettent une plus grande participation des citoyens aux décisions locales comme nationales. À la différence des référendums d’initiative gouvernementale et parlementaire prévus aux articles 11-1, 89 et au titre XV de la Constitution, les citoyens

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détiennent alors une part plus importante d’initiative ; ils ne sont plus seulement « convoqués » par référendum, à statuer sur un sujet mais ils peuvent initier le processus décisionnel. »

Document 11 : Légitimité et proximité, les défis de la démocratie participative.BLONDIAUX Loïc, « Démocratie locale et participation citoyenne : la promesse et le piège » in Mouvements, ed. La découverte, 2001, page 44-51

« Quelle légitimité ? Le double visage de la représentationPas plus que celle de la représentativité, la question de la légitimité n’est réglée d’emblée par de tels dispositifs. À supposer que l’on parvienne à leur faire refléter plus ou moins fidèlement la population du quartier, à travers un tirage au sort ou la cooptation de représentants associatifs ou de personnalités diverses, quelle peut-être la légitimité à agir de cette représentation d’un type nouveau ? Comme l’ont bien montré les théoriciens de la représentation politique, comme Hannah Pitkin, celle-ci possède un double visage : le représentant tout à la fois incarne et agit pour le corps des représentés.Or, ni le tirage au sort, ni la désignation par l’autorité municipale n’ont permis jusqu’à présent d’assurer véritablement ce double lien de représentation. Le tirage au sort ne sacralise nullement ceux qu’il désigne et la cooptation au sein des associations ou dans différents groupes de la population n’offre au mieux qu’un pis-aller. L’inscription de militants associatifs dans les circuits de la décision politique municipale ne va d’ailleurs pas sans poser à ces mêmes associations de véritables difficultés de positionnement face au pouvoir politique.Quelle peut être alors l’alternative au suffrage universel, qui constitue la pire des formes de délégation politique à l’exception de toutes les autres ? Faut-il l’étendre aux conseils de quartier, au risque de constituer un nouvel échelon de représentation et de banaliser la démocratie participative ? La question reste posée. Que deviendront le cas échéant ces citoyens cooptés, représentants-amateurs pris dans une logique de professionnalisation ? En quoi se distingueront-ils des autres acteurs politiques du quartier ?La question de la légitimité se pose dès lors que des compétences sont données à de telles instances. L’opacité du lien de représentation sur lequel elles se basent expose les décisions susceptibles d’être prises à la critique et au soupçon. Dès lors, la solution réside peut-être dans un refus d’institutionnaliser la consultation sur la longue durée, dans la mise en place de structures ad hoc, à l’image des jurys de citoyens ou des conférences de consensus qui se pratiquent dans les pays anglo-saxons, en Allemagne et en Espagne. Il y a en effet une difficulté particulière à exiger de la part de ces instances consultatives permanentes et non représentatives que sont les

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conseils de quartier, la production de vœux ou de lignes politiques explicites. L’observation montre que, hormis les cas relativement rares où ils peuvent se prononcer de manière unanime, des représentants qui ne se sentiront pas légitimes hésiteront à se prononcer pour d’autres, qui plus est en présence de ces derniers.

Quels territoires ? Le piège de la proximitéLes quartiers, on le pressent et on le souhaite généralement, ont vocation à devenir une nouvelle unité territoriale d’action politique et le sont en partie déjà dans la plupart des agglomérations concernées par la politique de la Ville. La Loi Vaillant sur la démocratie participative les consacre. Organiser la participation à cette échelle pose cependant plusieurs difficultés auxquelles sera confrontée la mise en place de structures de participation démocratique nouvelles.À commencer par la définition de la taille de ces quartiers. On peut imaginer qu’abaisser cette taille au maximum permettra de résoudre la plupart des problèmes d’accès à la participation, notamment dans les quartiers populaires. Mais c’est oublier que le refus de la prise de parole peut être lié à une forme d’autocensure, à la peur de dévoiler son opinion ou de réprobations éventuelles dans son environnement immédiat, peur que renforcera la petite taille des publics et des collectivités concernés.Le risque, d’autant plus grand que les populations de référence seront plus étroites, est qu’une telle démocratie de « proximité » débouche sur une exacerbation des égoïsmes, un repli étroit sur l’environnement proche et une concurrence effrénée des territoires. Ce risque peut très bien être assumé et les quartiers placés en situation de compétition ouverte pour l’obtention de crédits et d’infrastructures, la prime allant aux quartiers les plus mobilisés et les plus revendicatifs. Il reviendra dès lors à l’autorité politique légitime d’arbitrer entre ces intérêts territoriaux divergents, déjà présents, mais que renforce évidemment la présence de structures participatives.Cet enfermement dans la proximité constitue en fait la contrepartie presque inéluctable de la mise en place de micro-espaces de participation. S’il est possible et souhaitable de favoriser la délibération à l’intérieur de chaque quartier ou a fortiori de chaque sous-quartier, l’harmonisation des points de vue et des intérêts à l’échelle de la ville, si savamment et démocratiquement organisée à Porto Alegre, constitue un sérieux défi à relever. »

Document 12 : Les limites de la démocratie participative.« Analyse critique de démocratie participative », Intervention de Michel KOEBEL le 6 juin 2009, États généraux du sport, Faculté de droit de Strasbourg

« Mais organiser cette démocratie participative pose un certain nombre de difficultés. Je vais en citer quelques-unes en vrac, en fonction de diverses

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expériences que j’ai analysées ou observées à travers la France :1ère difficulté : souvent, la volonté politique n’est pas claire au départ :

jusqu’où les élus sont-ils prêts à prendre en compte les souhaits des citoyens ? Cette incertitude se traduit par un flou sur les moyens consacrés à l’opération ; et cela peut ensuite créer des frustrations auprès de ceux qui ont l’impression de ne pas avoir été entendus ;

2e difficulté : pour espérer une participation, il faut bien entendu informer les citoyens ; or l’information a un coût, et un certain nombre de choix doivent être opérés pour rester dans un budget raisonnable (en effet, certains habitants interpréterons une campagne d’information comme une dépense inutile et exagérée, d’autres considérerons toujours qu’ils n’ont pas été suffisamment informés) ;

3e difficulté : pour espérer une participation, il faut aussi « intéresser » les citoyens ; or on sait combien il est difficile de convaincre les gens de participer, de venir à des réunions, de donner leur avis : certains n’ont tout simplement pas envie de participer ; d’autres n’osent pas venir ou n’osent pas prendre la parole parce qu’ils n’ont pas l’habitude de s’exprimer en public ;

4e difficulté : la participation est « organisée » par ceux qui ont décidé de s’ouvrir au-delà du cercle habituel à l’intérieur duquel sont prises les décisions : la forme de l’organisation adoptée va avoir des conséquences importantes sur l’expression des citoyens : exposé préliminaire par un élu ou par un « spécialiste » puis débat ? Ou débat tout azimut d’entrée ? Débat dirigé ou débat libre ? On peut aller jusqu’à la configuration de la salle qui peut faciliter le débat en mettant tous sur un pied d’égalité ou qui peut induire une hiérarchie par une grande estrade, des micros pour les uns pas pour les autres, etc. »