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Directeur de Publication :
Fulbert Géro AMOUSSOUGA (Université
d’Abomey-Calavi – Bénin)
Rédacteur en chef :
Bédia François AKA (UAO, Bouaké – Côte
d’Ivoire)
Rédacteurs associés :
Alexandre ASSEMIEN (INP-HB, Yamoussoukro
– Côte d’Ivoire)
Boniface KOMENAN (UAO, Bouaké – Côte
d’Ivoire)
Secrétaires de rédaction :
Salimata DIABATE ([email protected])
Adèle KORE ([email protected])
Julia N’ZO ([email protected])
Comité Scientifique :
Fulbert Géro AMOUSSOUGA (Université
d’Abomey-Calavi – Bénin)
Adama DIAW (Université Gaston BERGER,
Saint-Louis – Sénégal)
Aly Amadou MBAYE (Université Cheikh Anta
Diop, Dakar – Sénégal)
Mama OUATTARA (Université FHB, Cocody –
Côte d’Ivoire)
Yves ABESSOLO (Université de Yaoundé –
Cameroun)
Pam ZAHONOGO (Université Ouaga II,
Ouagadougou – Burkina Faso)
Ega Akoété AGBODJI (Université de Lomé –
Togo)
Gilbert-Marie Aké N’GBO (Université FHB,
Cocody – Côte d’Ivoire)
Zié BALLO (Université FHB, Cocody – Côte
d’Ivoire)
Nestor Tiéhi TITO (Université FHB, Cocody –
Côte d’Ivoire)
Alexandre ASSEMIEN (INP-HB, Yamoussoukro
– Côte d’Ivoire)
Denis Joël Tongnivi FOADE (Université FHB,
Cocody – Côte d’Ivoire)
Albert ONDO-OSSA (Université Omar BONGO,
Libreville – Gabon)
Mamadou KOULIBALY (Université FHB,
Cocody – Côte d’Ivoire)
Bédia François AKA (UAO, Bouaké – Côte
d’Ivoire)
Christophe TAVERA (Université Rennes 1 –
France)
Loesse ESSO (ENSEA, Cocody – Côte d’Ivoire)
Yaya KEHO (ENSEA, Cocody – Côte d’Ivoire)
Willy Ruffin MANTSIE (Université Marien
N’GOUABI, Brazzaville – Congo)
Alban AHOURE (Université FHB, Cocody – Côte
d’Ivoire)
Auguste KOUAKOU (Université FHB, Cocody –
Côte d’Ivoire)
Clément KOUAKOU (Université FHB, Cocody –
Côte d’Ivoire)
Kimseyenga SAWADOGO (Université Ouaga II,
Ouagadougou – Burkina Faso)
Wautabouna OUATTARA (Université FHB,
Cocody – Côte d’Ivoire)
2
Sommaire
EDITORIAL ............................................................................................................................. 3
Impacts de l’instauration d’un revenu universel d’existence sur la pauvreté par genre et
par âge en Côte d’Ivoire : Analyse dans un modèle EGC micro simulé
Bédia François AKA .............................................................................................................. 4
La Bourse des Valeurs d’Abidjan est-elle efficiente ?
Denis Joël Tongnivi FOADE ............................................................................................... 21
Analyse de la production de services dans les organisations de crédit mutuel : une
approche par la théorie de la justification et des économies de la grandeur
Angbonon Eugène KAMALAN ........................................................................................... 37
L’impact de la politique monétaire et fiscale sur le PIB des pays de la zone UEMOA :
une application de l’équation de Saint-Louis.
Yao Séraphin PRAO ............................................................................................................ 57
Investissements, croissance économique et bien-être en Côte d’Ivoire : une Analyse à
l’aide d’un Modèle d’Equilibre Général Calculable Dynamique
Seydou KONE ...................................................................................................................... 94
Quel système d’exploitation pour un élevage bovin durable en Côte d’Ivoire ? Une
analyse multi-critère par la méthode ANP (Analytic Network Process).
Trazié Bertrand Athanase YOUAN BI .............................................................................. 121
Contribution à l’analyse économique de la résilience, une approche entre compensation
et capabilités dans un contexte post-crise
Alice ODOUNFA ............................................................................................................... 148
Etude des stratégies de survie des exploitations agricoles de cacao au Sud-Ouest
ivoirien : une approche selon l’origine des producteurs.
Tano Maxime ASSI ............................................................................................................ 174
3
EDITORIAL
On attend d’une nouvelle revue scientifique qu’elle définisse dans son premier éditorial ce qui
fonde la légitimité de son existence et plus encore quand cette revue se veut le support d’un
domaine scientifique mixte : Economie et Gestion.
La Revue Internationale de Gestion et d’Economie (RIGE) cherche à encourager la
production de connaissances pluridisciplinaires et offre une plateforme pour faire émerger
des synergies entre les Sciences de Gestion, les Sciences Economiques et les autres Sciences.
La RIGE se veut une revue internationale avec pour caractéristique de traiter de thématiques
transversales en utilisant des approches innovantes afin d’assurer la qualité et la rigueur
scientifique dans la diversité épistémologique et méthodologique.
Son ouverture et son implantation internationale se traduisent par la diversité des pays
d’origine des auteurs et par la variété des membres des comités scientifiques. Ainsi, près de
cinquante (50) prestigieux chercheurs de dix (10) pays sont impliqués dans le processus
d’évaluation des articles de la revue.
La RIGE s’adresse à la communauté scientifique, aux professionnels ainsi qu’aux étudiants.
Elle publie des travaux scientifiques réalisés dans les domaines de la gestion et de l’économie.
Une Série est dédiée à chacun des deux domaines : Série A pour la Gestion et Série B pour
l’Economie.
Revue semestrielle, la RIGE publie chaque année deux numéros. Cependant, des numéros
spéciaux entièrement thématiques pourront être publiés.
Enfin la RIGE positionne sa ligne éditoriale sur les articles ayant une réelle contribution à la
connaissance scientifique. Pour la série A, la RIGE privilégie les soumissions qui présentent
les implications managériales de l’étude réalisée après l’application des approches qualitatives
et quantitatives. Pour la série B, sont privilégiées les soumissions qui présentent les
implications de politique économique après l’application des méthodes d’analyse
quantitatives.
Professeur Augustin Anassé Adja ANASSE
4
Impacts de l’instauration d’un revenu universel d’existence sur la pauvreté par genre et
par âge en Côte d’Ivoire : Analyse dans un modèle EGC micro simulé
Bédia François AKA
Université Alassane OUATTARA, Bouaké (Côte d’Ivoire)
Résumé
Cet article analyse les impacts de la mise en place d’un revenu d’existence sur la pauvreté en
Côte d’Ivoire. A l’aide d’un modèle EGC micro simulé, nous examinons les effets par genre
et par tranches d’âges de cette politique sociale d’allocation universelle financée par la
combinaison d’une part de la TVA et d’autre part des dépenses budgétaires pro-pauvres. Les
principaux résultats des simulations montrent que l’instauration d’un revenu d’existence
universel et inconditionnel permettrait de réduire significativement la pauvreté à travers toutes
les localités du pays par genre et pour différentes tranches d’âges.
JEL Classification: H55; I32; I38; D31; C68
Mots clés : Revenu d’existence ; Pauvreté ; Modèle EGC ; Micro simulation, Côte d´Ivoire
REVUE INTERNATIONALE DE GESTION ET D’ECONOMIE SERIE B - ECONOMIE / NUMERO 1 - VOLUME 1 - Décembre 2016 / pp. 4-20.
5
Introduction
Depuis une vingtaine d’années les conditions de vie des ménages ivoiriens n’ont cessé de se
détériorer. Selon l’INS le ratio de pauvreté est passé de 10% en 1985 à plus de 32,6% en 2002
(ENV2002). Ce ratio a augmenté pour atteindre un niveau de 46,3% en 2015 contre 48,9% en
2008. Malgré la réduction de 2,6 points, le niveau de pauvreté reste toujours très élevé et
indique qu’une personne sur deux vit sous le seuil de pauvreté encore aujourd’hui en Côte
d’Ivoire, alors que l’environnement macroéconomique s’est amélioré.
Pourtant le pays consacre chaque année une part substantielle de ses revenus à la lutte contre
la pauvreté au titre des dépenses pro-pauvres. Mais force est de constater que bien que ces
efforts soient continus, il y a une rigidité à la baisse du taux de pauvreté, surtout pour
certaines catégories, notamment les femmes et les jeunes. Cette inefficacité des politiques de
protection sociale et de lutte contre la pauvreté requiert la recherche de solutions innovantes,
telle que l’instauration d’un revenu d’existence.
Techniquement toutes les interventions de protection sociales sont contributives et basées sur
des tests de moyennes, i.e. qu’elles sont conditionnelles à la contribution ou à la participation
dans une activité ou programme. L’inefficacité peut relever d’un mauvais ciblage des
populations bénéficiaires ou d’une affectation inadéquate et non rationnelle des ressources
disponibles à cet effet.
Dans le cas de l’allocation d’un revenu universel et inconditionnel de revenu, on évite le
problème de ciblage, et l’on permet ainsi au revenu d’existence d’atteindre les millions de
bénéficiaires dans les tranches les plus pauvres de la population qui ne reçoivent aucune
forme classique d’assistance sociale (Samson, Babson, Haarman, Haarman, Khathi, Mac
Quene et van Niekerk, 2002).
Le revenu d’existence a le potentiel, plus que d’autres formes de mesures de protection
sociale, de réduire la pauvreté et promouvoir le développement humain et un niveau de vie
soutenable (Taylor, 2002).
6
Certes le financement du revenu d’existence reste une question importante, mais dans le cas
de la Côte d’Ivoire une solution de financement par la TVA et par les dépenses pro-pauvres
constitue une alternative raisonnable à envisager (Aka, 2016a, 2016b).
Dans quelle mesure l’instauration d’un revenu universel d’existence peut modifier la situation
des populations en termes de réduction de la pauvreté ? Après avoir présenté la méthodologie
et les données dans la section 2, la section 3 de cet article fournira les résultats des simulations
relatives à la mise en place d’une telle politique et enfin la section 4 donnera une conclusion à
ce travail.
1. Méthodologie et données
Dans cette section, nous présentons, de manière succincte, les caractéristiques du modèle
EGC et la procédure de mise en œuvre de la micro simulation. Dans un premier temps nous
utilisons les vecteurs de dépenses construits à partir des données d’enquête ménages, puis
nous simulons l’impact du revenu d’existence sur le vecteur de dépenses et dérivons les
indices de pauvreté.
1.1. Le modèle EGC micro simulé
Le modèle EGC1est calibré à l’aide d’une MCS désagrégée de la Côte d’Ivoire comprenant
plusieurs comptes. La MCS comporte quatre facteurs de production : du travail qualifié et non
qualifié, du capital et de la terre.
La Production
La production est déterminée par une fonction de type Leontief, combinant valeur ajoutée et
consommations intermédiaires. La valeur ajoutée est obtenue de manière différente selon les
branches. Dans les branches de production végétales (agriculture vivrière et agriculture
d’exportation), elle est obtenue par une combinaison, à l’aide d’une fonction CES, de la terre
et un facteur composite capital – travail. Le facteur composite provient de la combinaison du
travail et du capital à l’aide d’une technologie CES. Dans les autres branches, la valeur
ajoutée est le résultat d’une combinaison du travail et du capital à l’aide d’une fonction CES.
1 Inspiré de Decaluwé et al. (1999), et basé sur Aka (2006).
7
Les revenus, l’épargne et les taxes
Les revenus de ménages sont issus de la rémunération des facteurs de production (capital,
travail et terre), du transfert provenant de l’Etat, du reste du monde et des firmes. Le revenu
disponible après le paiement de l’impôt direct à l’Etat et les transferts versés au reste du
monde sert à l’achat de biens et services pour la satisfaction des besoins de consommation.
L’épargne des ménages est supposée représenter le résidu du revenu disponible après
consommation.
Quant aux entreprises, elles tirent leur revenu de la rémunération du capital, des aides de
l’Etat et du reste du monde. Pour sa part, l’Etat tire ses ressources des recettes fiscales à
travers l’impôt sur la production, les taxes sur les échanges extérieurs (importations et
exportations) et le revenu du capital. L’épargne publique est la différence entre le revenu de
l’état et ses dépenses.
Les prix
Nous supposons que la Côte d’Ivoire est une petite économie ouverte de sorte qu’il n’a
aucune influence sur les prix mondiaux de ses exportations et de ses importations. Ce faisant,
les prix internationaux des exportations et des importations sont exogènes. Le prix à la
consommation permet d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande. Il est fonction des prix
locaux intégrant les taxes et des prix des biens importés, majorés des taxes à l’importation. Le
prix de l’investissement est une moyenne géométrique des prix des biens composites.
La demande
La demande agrégée de chacun des secteurs échangeables est composée des dépenses de
consommation finale des ménages, des dépenses de consommations intermédiaires et des
dépenses d’investissement. La structure de la consommation finale des ménages est dérivée de
la maximisation d’une fonction LES, sous contrainte budgétaire.
Le commerce international
La modélisation du commerce extérieur repose sur l’hypothèse d’Armington d’une petite
économie avec une fonction à élasticité de substitution constante entre les importations et les
biens domestiques. Du côté de l’offre, les producteurs procèdent à une répartition optimale de
8
leur production entre ventes sur le marché domestique et exportations suivant une fonction à
élasticité de transformation constante.
L’équilibre
L’équilibre est défini par l’égalité entre l’offre et la demande de biens et des facteurs sur tous
les marchés. L’épargne globale est égale à l’investissement total. L’investissement total étant
supposé exogène et l’épargne publique fixe, l’équilibre entre l’investissement et l’épargne est
obtenu par l’ajustement de l’épargne privée. Par ailleurs, la balance des opérations courantes
est supposée fixe, de sorte que l’équilibre le marché des exportations et des importations se
réalise grâce à l’ajustement du taux de change réel.
L’introduction de la micro simulation
Dans la première étape, nous utilisons les vecteurs de revenu et de dépense des ménages
construits pour la Côte d’Ivoire à partir des données de l’enquête. Dans la MCS, les biens de
consommations doivent correspondre aux catégories utilisées dans l’enquête ENV98, de
même que les revenus et les dépenses de la MCS et ceux de l’enquête.
Lorsque la cohérence est établie entre les données des deux bases de données (enquête et
MCS), on augmente le nombre de catégories de ménages dans le modèle EGC au nombre de
ménages dans l’enquête, et on introduit les revenus, les dépenses et les épargnes individuels.
Les revenus et dépenses de chaque ménage sont multipliés par leur pondération dans
l’échantillon avant de les introduire dans le modèle. Par ailleurs, une segmentation du facteur
travail sera réalisée en travail qualifié et non qualifié afin de mieux analyser le marché du
travail.
La mesure de la pauvreté
A cause de ses implication politiques, la détermination du seuil de pauvreté est cruciale dans
l’étude de la répartition des revenus, Sen (1976, 1981), Ravallion (1996). Deux approches
(EDE et écart de pauvreté) sont généralement utilisées pour déterminer le seuil de pauvreté.
Nous utiliserons dans cette étude le seuil de pauvreté construit pour la Côte d’Ivoire (Aka,
2006) basé sur l’approche par les besoins essentiels de Ravallion et Bidani (1994).
9
A l’aide de l’enquête ménage ENV98 le seuil de pauvreté alimentaire est déterminé en Côte
d’Ivoire à 292.030,04 FCFA par an (1,23 US$ par jour). En tenant compte des indices de prix
régionaux pour les 5 strates de l’enquête, ce seuil est évaluéà 288.816,58 FCFA par an (1,21
US$ par jour), ce que nous utilisons dans cette étude.
Lorsque le seuil de pauvreté est déterminé, plusieurs indices permettent de caractériser la
pauvreté (indice FGT, indice de Watts (1968), et Clark, indice de Hemming et Ulph (1981)
(CHU)). L’indice FGT (Foster, Greer, Thorbecke, 1984) est utilisé ici car étant un indice plus
général2.
1.2. Les données
La base empirique de notre modèle EGC est la MCS construite à partir du TRE 1997 de la
Côte d’Ivoire par Aka (2003)3. A l’origine, elle comportait 44 branches de production, deux
facteurs de production (le travail et le capital) et 12 agents institutionnels (9 catégories de
ménages auxquels s’ajoutent l’Etat, les firmes et le reste du monde). La version initiale a été
modifiée en agrégeant les branches de production au nombre de 16. En plus de cette
modification, la dernière version qui sera utilisée dans le cadre de cette étude comporte quatre
facteurs de production au lieu de deux. La terre qui constitue un facteur important a été
introduite dans les branches agricoles de production végétale ; et le travail a été désagrégé en
travail qualifié et travail non qualifié.
Nous utilisons également les données de l’enquête ménagesENV98 de la Côte d’Ivoire pour
l’année 1998. Cette enquête comporte 4200 ménages et 24594 individus organisés en 5 strates
(Abidjan, Autres villes, Forêt Est, Forêt Ouest, Savane).
2Soityi, les revenus des individus d’une population, l’indice FGT est:
1
0z), g(p);( dpzP ; où 0 (voir
Ravallion 1996). Lorsque =0, l’indice FGT indique la proportion P0 de personnes pauvres dont le niveau de
dépense est en dessous du seuil de pauvreté, et il mesure l’incidence de la pauvreté.
Quand =1, l’indice indique l’indice de l’écart de pauvreté connu comme la profondeur ou l’intensite de la
pauvreté i.e. la moyenne de l’écart entre le niveau de vie des personnes pauvres et le seuil de pauvreté.
Lorsque =2 l’indice est l’indice de sévérité de la pauvreté, qui est sensible à la distribution des niveaux de vie
entre les pauvres.Les indices FGT sont décomposables, ce qui est utile pour mesurer la contribution des
differents groupes de ménages à la pauvreté globale. La contribution de chaque groupe socio-économique à la
pauvreté globale est donnée par :PPKC
jxjj / ; ou Px,j est l’indice de pauvreté du groupe j, Kj est la proportion
de population dans le groupe j. 3Aka, (2003): Matrice construite dans le cadre d’une recherche au CREA, Nairobi - Kenya.
10
2. Résultats des simulations
Nous simulons une allocation individuelle et inconditionnelle de 20,000 FCFA4 par mois.
Suite à l’allocation de ce revenu inconditionnel de base à toute la population, le taux de
pauvreté global diminue passant de 38,74% à 31,44% (Tableau 1).
Tableau1 : Pauvreté globale
Estimation
Indice Base Simulation
P0 0,3874 0,3144
P1 0,1445 0,1196
P2 0,0698 0,0605
Source : Calculs de l’auteur5
Après la simulation, on constate que le taux de pauvreté par genre baisse aussi bien pour les
hommes que pour les femmes dans les 5 strates de l’enquête ménage (Tableau 2). La baisse
est plus accentuée chez les femmes que chez les hommes. La profondeur ou l’intensité de la
pauvreté (P1) baisse également suite à la simulation, sauf pour les hommes à Abidjan et pour
les femmes dans les autres villes.
Tableau 2 : Pauvreté par genre dans les 5 strates
Sous pop. Estimation Estimation
Base Simulation Base Simulation
Homme Femme
P0
1-Abidjan 0,2849 0,2623 0,3153 0,2192
2-Autres villes 0,3653 0,2905 0,3630 0,3225
3-Forêt Est 0,4069 0,2494 0,3503 0,2548
4-Forêt Ouest 0,4536 0,3759 0,4647 0,3382
4 Cette simulation correspond à une hausse de 5% de la TVA dans le modèle EGC, combiné avec l’utilisation
des dépenses pro-pauvres du budget de l’année 2015. 5 P0: proportion de personnes pauvres dont les dépenses sont en dessous du seuil de pauvreté. Cet indice mesure
l’incidence de la pauvreté.
P1: l’écart de pauvreté, profondeur et intensité de la pauvreté i.e. la moyenne de l’écart entre le niveau de vie
des personnes pauvres et le seuil de pauvreté.
P2: indice de la sévérité de la pauvreté qui est sensible à la distribution des niveaux de vie entre les pauvres.
11
5-Savane 0,3992 0,3748 0,4360 0,3961
P1
1-Abidjan 0,0797 0,0935 0,1026 0,0668
2-Autres villes 0,1252 0,1136 0,1247 0,1315
3-Forêt Est 0,1591 0,0900 0,1375 0,0990
4-Forêt Ouest 0,1713 0,1406 0,1599 0,1341
5-Savane 0,1583 0,1442 0,1936 0,1432
P2
1-Abidjan 0,0300 0,0482 0,0430 0,0303
2-Autres villes 0,0570 0,0602 0,0571 0,0691
3-Forêt Est 0,0786 0,0405 0,0672 0,0510
4-Forêt Ouest 0,0849 0,0713 0,0720 0,0705
5-Savane 0,0794 0,0723 0,1053 0,0691
Source : Calculs de l’auteur
Au niveau des 10 grandes régions, la pauvreté baisse pour les femmes, par contre elle est en
hausse pour les hommes au niveau de Bouaké et Man (Tableau 3). La profondeur ou
l’intensité de la pauvreté (P1) baisse dans toutes les régions pour les hommes sauf à Bouaké,
Yamoussoukro et Bondoukou. Pour les femmes, l’intensité de la pauvreté diminue dans toutes
les régions, excepté San-Pedro.
Tableau 3: Pauvreté par genre dans les 10 grandes régions
Sous pop. Estimation Estimation
Base Simulation Base Simulation
Homme Femme
P0
(1)ABIDJAN 0,3766 0,3119 0,3532 0,2926
(2)DALOA 0,3628 0,2339 0,3752 0,2614
(3)KORHOGO 0,3764 0,3552 0,3671 0,3255
(4)BOUAKE 0,3484 0,3536 0,3783 0,3228
(5)ABENGOUROU 0,5729 0,3043 0,3890 0,2983
(6)MAN 0,4434 0,4503 0,4425 0,4001
(7)YAMOUSSOUKRO 0,3683 0,3369 0,4048 0,3782
(8)BONDOUKOU 0,4889 0,3937 0,5089 0,3504
(9)SAN-PEDRO 0,3599 0,1494 0,3165 0,2326
12
(10)ODIENNE 0,4313 0,3706 0,6025 0,4961
P1
(1)ABIDJAN 0,1296 0,1146 0,1143 0,1031
(2)DALOA 0,1399 0,0867 0,1377 0,0978
(3)KORHOGO 0,1531 0,1362 0,1433 0,1393
(4)BOUAKE 0,1294 0,1449 0,1375 0,1221
(5)ABENGOUROU 0,2100 0,1337 0,1498 0,1186
(6)MAN 0,1860 0,1561 0,1840 0,1744
(7)YAMOUSSOUKRO 0,1352 0,1453 0,1614 0,1345
(8)BONDOUKOU 0,1676 0,1844 0,1883 0,1083
(9)SAN-PEDRO 0,1006 0,0552 0,1011 0,1043
(10)ODIENNE 0,1546 0,1138 0,3125 0,1982
P2
(1)ABIDJAN 0,0599 0,0574 0,0496 0,0515
(2)DALOA 0,0674 0,0421 0,0645 0,0499
(3)KORHOGO 0,0755 0,0720 0,0689 0,0797
(4)BOUAKE 0,0621 0,0758 0,0650 0,0568
(5)ABENGOUROU 0,1114 0,0775 0,0724 0,0582
(6)MAN 0,0971 0,0754 0,0929 0,0919
(7)YAMOUSSOUKRO 0,0656 0,0793 0,0776 0,0698
(8)BONDOUKOU 0,0689 0,0957 0,0976 0,0407
(9)SAN-PEDRO 0,0412 0,0235 0,0474 0,0513
(10)ODIENNE 0,0741 0,0495 0,1910 0,1003
Source: Calculs de l’auteur
Les résultats par tranche d’âges (Tableau 4) montrent que la pauvreté baisse pour les jeunes
de moins de 25 ans dans toutes les 5 strates sauf dans la Savane. Elle baisse pour les 25 -30
ans, les 30-40 ans et pour les plus de 40 ans dans toutes les strates.
Tableau 4 : Pauvreté par tranche d’âge dans les 5 strates
Sous pop. Estimation Estimation
Base Simulation Base Simulation
P0
<25_ans 1-Abidjan 0,3008 0,2364 30-40_ans 1-Abidjan 0,2381 0,2276
<25_ans 2-Autres villes 0,3579 0,3219 30-40_ans 2-Autres villes 0,3566 0,2822
<25_ans 3-Forêt Est 0,3843 0,2556 30-40_ans 3-Forêt Est 0,3706 0,2461
<25_ans 4-Forêt Ouest 0,4675 0,3658 30-40_ans 4-Forêt Ouest 0,3894 0,2915
<25_ans 5-Savane 0,3826 0,3866 30-40_ans 5-Savane 0,5033 0,4251
25-30_ans 1-Abidjan 0,3607 0,3533 >_40 ans 1-Abidjan 0,3428 0,1731
25-30_ans 2-Autres villes 0,4128 0,2662 >_40 ans 2-Autres villes 0,3569 0,2815
25-30_ans 3-Forêt Est 0,3073 0,1430 >_40 ans 3-Forêt Est 0,4083 0,3276
25-30_ans 4-Forêt Ouest 0,5590 0,4069 >_40 ans 4-Forêt Ouest 0,4318 0,3450
13
25-30_ans 5-Savane 0,4964 0,3341 >_40 ans 5-Savane 0,3968 0,3640
P1
<25_ans 1-Abidjan 0,0881 0,0833 30-40_ans 1-Abidjan 0,0642 0,0724
<25_ans 2-Autres villes 0,1250 0,1236 30-40_ans 2-Autres villes 0,1195 0,1104
<25_ans 3-Forêt Est 0,1463 0,0984 30-40_ans 3-Forêt Est 0,1275 0,0853
<25_ans 4-Forêt Ouest 0,1707 0,1373 30-40_ans 4-Forêt Ouest 0,1159 0,1087
<25_ans 5-Savane 0,1605 0,1374 30-40_ans 5-Savane 0,2087 0,1709
25-30_ans 1-Abidjan 0,1389 0,1129 >_40 ans 1-Abidjan 0,1131 0,0328
25-30_ans 2-Autres villes 0,1394 0,1181 >_40 ans 2-Autres villes 0,1156 0,1313
25-30_ans 3-Forêt Est 0,1414 0,0581 >_40 ans 3-Forêt Est 0,1761 0,1122
25-30_ans 4-Forêt Ouest 0,2026 0,1763 >_40 ans 4-Forêt Ouest 0,1680 0,1435
25-30_ans 5-Savane 0,2014 0,1251 >_40 ans 5-Savane 0,1722 0,1527
P2
<25_ans 1-Abidjan 0,0342 0,0412 30-40_ans 1-Abidjan 0,0246 0,0366
<25_ans 2-Autres villes 0,0581 0,0636 30-40_ans 2-Autres villes 0,0546 0,0551
<25_ans 3-Forêt Est 0,0708 0,0490 30-40_ans 3-Forêt Est 0,0586 0,0423
<25_ans 4-Forêt Ouest 0,0808 0,0689 30-40_ans 4-Forêt Ouest 0,0504 0,0564
<25_ans 5-Savane 0,0836 0,0649 30-40_ans 5-Savane 0,1091 0,0942
25-30_ans 1-Abidjan 0,0598 0,0535 >_40 ans 1-Abidjan 0,0511 0,0128
25-30_ans 2-Autres villes 0,0627 0,0661 >_40 ans 2-Autres villes 0,0477 0,0773
25-30_ans 3-Forêt Est 0,0749 0,0272 >_40 ans 3-Forêt Est 0,0906 0,0481
25-30_ans 4-Forêt Ouest 0,0967 0,0986 >_40 ans 4-Forêt Ouest 0,0831 0,0799
25-30_ans 5-Savane 0,1012 0,0568 >_40 ans 5-Savane 0,0938 0,0788
Source : Calculs de l’auteur
L’examen des simulations pour les villes et petites localités montre que la pauvreté se réduit
considérablement dans plusieurs localités (Tableau 5 en annexe), mais avec des niveaux
variables selon les localités. Les résultats indiquent des localités dans lesquels la pauvreté
augmente malgré l’instauration du revenu d’existence, localités auxquelles une attention
particulière devrait être portée dans les politiques de lutte contre la pauvreté.
Conclusion
Cet article a montré que la pauvreté touchant les femmes et les différentes tranches d’âges de
la population ivoirienne peut être réduite significativement grâce à l’octroi d’un revenu
inconditionnel.
Cette politique d’instauration d’un revenu universel d’existence devrait permettre d’une part
l’inclusion financière des couches de population les plus défavorisées en Côte d’Ivoire et
d’autre part de dynamiser la consommation des individus jusque-là exclus du marché. En effet
14
le mécanisme d’octroi de ce revenu peut transiter par le système bancaire et ainsi inclure et
fidéliser ces populations qui en sont exclues. Une hausse de la consommation de ces
catégories de populations devrait ainsi favoriser la croissance économique, générer des
revenus supplémentaires et réduire encore plus sensiblement la pauvreté.
L’objectif ultime de cette politique d’instauration du revenu d’existence est de promouvoir la
dignité humaine par l’autonomisation des couches sociales les plus vulnérables.
15
Bibliographie
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17
Annexes Tableau 5: Pauvreté par genre dans les villes et petites localités
Estimation Estimation
Base Simulation Base Simulation
Sous pop. Homme Femme
P0
1-ABOBO 0 ,2754 0,2464 0,1836 0,2043
2-ADJAME 0,4697 0,4114 0,4078 0,2562
3-ATTECOUBE 0,1846 0,2733 0,2710 0,2302
4-COCODY 0,2338 0,0390 0,1988 0,1084
5-KOUMASSI 0,1719 0,1360 0,3793 0,1956
6-MARCORY 0,1096 0,3651 0,0661 0,3791
7-PORT-BOUET 0,5883 0,2243 0,3702 0,2096
8-TREICHVILLE 0,0689 0,2413 0,1290 0,0645
9-YOPOUGON 0,1936 0,2382 0,3122 0,2447
10-ANYAMA 0,2857 0,1428 0,1538 0,0769
11-BINGERVILLE 0,7058 0,2941 0,6666 0,000
12-TIASSALE 0,2727 0,1818 0,2222 0,3333
13-DABOU 0,2727 0,1818 0,2222 0,1111
14-DALOA 0,6215 0,7048 0,6406 0,5578
15-GAGNOA 0,2222 0,1299 0,2727 0,1972
16-ISSIA 0,125 0,0000 0,5 0,0833
17-BOUNDIALI 0,2727 0,3636 0,1111 0,3333
18-KORHOGO 0,3394 0,3689 0,2859 0,3941
19-BEOUMI 0,2727 0,3636 0,2222 0,2222
20-BOUAKE 0,3351 0,1628 0,4343 0,1717
21-DABAKALA 0,375 0,375 0,4166 0,25
22-SAKASSOU 0,4615 0,5384 0,2857 0,2857
23-ABENGOUROU 0,3 0,1 0,5 0,1
24-BANGOLO 0,5714 0,5714 0,5384 0,6153
25-DANANE 0,375 0,125 0,3333 0,000
26-MAN 0,4826 0,3104 0,3653 0,2368
27-TOULEPLEU 0,4666 0,4 0,6 0,6
28-YAMOUSSOUKRO 0,4014 0,3338 0,3596 0,5596
29-TIEBISSOU 0,5 0,7142 0,5 0,6666
30-BOUNA 0,1111 0,1111 0,3636 0,1818
31-SANS_PEDRO 0,1791 0,0000 0,2779 0,0272
32-SOUBRE 0,1666 0,0833 0,25 0,125
33-ODIENNE 0,5833 0,4166 0,5 0,375
34-BONGOUANOU 0,25 0,1666 0,375 0,125
35-DIMBOKRO 0,1 0,1 0,5 0,0000
36-BOCANDA 0,5454 0,5454 0,3333 0,4444
37-OUME 0,2142 0,0714 0,3333 0,0000
38-SINFRA 0,6666 0,4444 0,0909 0,2727
39-ZUENOULA 0,1666 0,3333 0,125 0,25
40-BONOUA 0,4444 0,2222 0,3636 0,0909
18
41-GRAND BASSAM 0,25 0,375 0,1666 0,5833
42-DIVO 0,2284 0,2459 0,3120 0,2683
43-LAKOTA 0,4166 0,0833 0,125 0,125
44-AKOUPE 0,5555 0,3333 0,0909 0,2727
45-AGBOVILLE 0,2 0,2 0,3 0,2
46-BEGATA 0,5833 0,0833 0,75 0,125
47-BOBONIESSOKE 0,4444 0,4444 0,5454 0,4545
48-KRIBLEGUHE 0,4 0,6 0,5 0,4
49-LOBOGUIGUIA 0,4166 0,1666 0,5 0,375
50-DOMANGBEU 0,7142 0,4285 0,8461 0,5384
51-GUEMENEDOU 0,125 0,125 0,1666 0,0833
52-DIGNAGO 0,3333 0,1111 0,3636 0,2727
53-DRAGNO GAGNOA 0,3333 0,2222 0,4545 0,0909
54-ABOKA 0,25 0,375 0,5 0,1666
55-GUIBOUO 0,5 0,3333 0,3571 0,3571
56-KRIZABOUO 0,4444 0,2222 0,0909 0,0909
57-VAOU 0,3636 0,1818 0,2222 0,3333
58-DANZERVILLE 0,3333 0,0000 0,5454 0,3636
59-VROUO 1 0,4615 0,3846 0,4285 0,4285
60-DIOUROUZON 0,6 0,2 0,8 0,7
61-DANIPLEU 0,4285 0,4285 0,0769 0,3846
62-BLAPLEU 0,5555 0,2222 0,4545 0,2727
63-BIEUTOUO 0,4545 0,4545 0,2222 0,1111
64-BLODY 0,6666 0,1111 0,7272 0,2727
65-GUESSABO GUERE 0,6363 0,3636 0,5555 0,3333
67-BEOUE 0,125 0,25 0,1666 0,25
68-DOUEL 0,25 0,5 0,25 0,4166
69-PETIT GBEPLEU 0,1538 0,3076 0,1428 0,2857
70-SEMIEN 0,25 0,0000 0,25 0,1875
71-SOGB_ZONE CENTRALE 0,3636 0,0909 0,1111 0,0000
72-KPOTE 0,3076 0,0000 0,2857 0,2857
73-BALOKOUYA 0,2857 0,2857 0,3846 0,3076
74-ZEGREBOUE 0,3 0,2 0,3 0,2
75-TRAHAGLOUNKRO 0,3 0,1 0,3 0,1
76-GBLETIA 0,125 0,125 0,0833 0,1666
77-GNOGBOYO 0,3076 0,0769 0,5714 0,1428
78-V1_PALMINDUST OTTAWA 0,5833 0,25 0,25 0,125
79-IDIOKE 0,7777 0,5555 0,4545 0,4545
80-DIEGONEFLA 0,4444 0,6666 0,1818 0,2727
81-KOUAMEFLA 1,0000 0,3333 0,1764 0,2352
82-ATTINGUIE 0,2 0,2 0,4666 0,1333
83-PALMINST ANGEDEDOU V2 0,4285 0,0000 0,3076 0,0000
84-TIEBISSOU 0,125 0,0000 0,5 0,25
85-BOTINDE 0,5882 0,5882 0,6666 1,000
86-AKOURE 0,4 0,5 0,7 0,9
87-DEBRIMOU 0,3636 0,6363 0,5555 0,4444
19
88-YASSA B 0,3636 0,2727 0,4444 0,4444
89-KOUASSI BENIEKRO 0,3333 0,2222 0,5454 0,1818
90-AHUASSO ALLANGOUANOU 0,4285 0,2857 0,1538 0,2307
91-HEREDOUGOU 0,8 0,5 0,6 0,5
92-N'GUESSANKRO 0,75 0,875 0,3333 0,5833
93-MISSOUMIHAN 1 0,1428 0,0000 0,2307 0,2307
94-NEMA 0,6666 0,3333 0,625 0,375
95-ASSUOTIANON 0,4 0,1 0,3 0,3
96-KOTOBI 0,4444 0,0000 0,3636 0,0000
97-BROU_AKPAOUSSOU 0,125 0,125 0,5 0,0000
98-NGOHINOU 0,4444 0,0000 0,3636 0,0000
99-ANGOUAKRO 0,8333 0,3333 0,5 0,2857
100-ATTANOU 0,375 0,375 05 0,3333
101-ZAGUIETA 0,5 0,0000 0,6428 0,0714
102-LIADJENOUFLA 2 0,1538 0,0769 0,4285 0,0000
103-BIAKRO 0,5714 0,1428 0,5384 0,0769
104-PORABENAFLA 0,2222 0,4444 0,1818 0,5454
105-TOUMANGUIE 0,6 0,5 0,4 0,6
106-DADIESSO 0,6666 0,6666 0,5 0,3571
107-AKOUNOUGBE 0,6666 0,4444 0,5454 0,4545
108-GRAND-BEREBI 0,3636 0,2727 0,6666 0,4444
109-DOGOZO 0,2 0,4 0,2 0,1333
110-PETIT BOUAKE SODEPALM 0,3636 0,2727 0,6666 0,5555
111-PALMINDUST V2 0,5 0,6 0,6 0,6
112-HERMANKONO 0,4 0,3 0,5 0,2
113-ZEGO 0,1666 0,3333 0,5 0,5
114-TADJENOU 0,3636 0,1818 0,4444 0,2222
115-ASSEUDJI 0,6666 0,3333 0,5 0,75
116-BECOUEFIN 0,5 0,4166 0,5 0,375
117-DIANGOBO 0,2727 0,3636 0,1111 0,000
118-EHOUGUIE 0,4 0,6 0,5 0,7
119-AKE_DOUANIER 0,625 0,000 0,4166 0,3333
120-OUELLE 0,5555 0,6666 0,2727 0,8181
121-YAKASSE ATTOBROU 0,4545 0,6363 0,4444 0,6666
122-ZIASSO 0,1666 0,3333 0,2142 0,1428
123-KOFIPLE 0,3 0,6 0,4 0,4
124-KONG 0,3333 0,4444 0,5454 0,1818
125-MARHA 0,1818 0,1818 0,5555 0,2222
126-KAFAGAVOGO 0,3333 0,0000 0,5454 0,3636
127-NGANDANA 0,6666 0,6666 0,5454 0,4545
128-SEYELIHOUO 0,5384 0,6923 0,2857 0,5714
129-FORO 0,3 0,2 0,4 0,3
130-ABAYANSI 0,4615 0,1538 0,4285 0,2857
131-DUEKOUE 0,2222 0,2222 0,5454 0,9090
132-BOUREBO 0,3 0,7 0,4 0,7
133-TCHIIMOU ASSEKRO 0,2 0,8 0,3 0,7
20
134-KOMBALLASSO 0,3076 0,6153 0,0000 0,1428
135-DIARADOUGOU 0,4166 0,4166 0,375 0,25
136-TORTIYA 0,6666 0,3333 0,3636 0,0909
137-MANDEKE 0,4444 0,0000 0,3636 0,0909
138-KANDOPLEU 0,4166 0,4166 0,75 0,375
139-NIAMKEY KONANKRO 0,1818 0,4545 0,3333 0,2222
140-KOIMOI DIBIKRO 0,1818 0,0909 0,3333 0,3333
141-KOSSOU 0,5 0,25 0,25 0,375
142-MIN_KOUADIOKRO 0,25 0,1666 0,25 0,5
143-DIMANDOUGOU 0,6 0,2 0,5333 0,4
144-MAAHUI 0,6428 0,5714 0,6666 0,5
145-DJORKEREDOUGOU 0,5384 0,6923 0,7142 0,7142
146-KINANDOUO 0,3846 0,0000 0,7142 0,1428
147-BOUGOUSSO 0,625 0,5 0,5 0,5833
148-KADIASSO 1,0000 0,7777 0,4545 0,6363
149-ZEBENIN 0,75 0,75 0,6666 0,75
150-AOUMA BROUKRO 0,5833 0,3333 0,5 0,25
151-DORIFLA 0,4166 0,0000 0,125 0,0000
152-GOUEHIZRA 0,3 0,4 0,4 0,5
153-SONONZO 0,4 0,7 0,7 0,4
154-SANAKORO 0,6 0,6 0,1 0,5
155-SILAKORO 0,3076 0,3076 0,4285 0,7142
156-DASSO 0,6666 0,3333 0,6363 0,5454
157-MONZONA 0,2727 0,0909 0,6666 0,8888
158-KASSERE 0,5833 0,3333 0,5 0,5
159-SINEMATIALI 0,3333 0,0833 0,25 0,0000
160-SIPILOU 0,4666 0,2 0,6 0,2
161-SEGUELA 0,1428 0,5714 0,6153 0,4615
Source : Calculs de l’auteur (Nous présentons seulement l’indice P0).
21
La Bourse des Valeurs d’Abidjan est-elle efficiente ?
Denis Joël Tongnivi FOADE
Université Félix HOUPHOUET-BOIGNY, Abidjan (Côte d'Ivoire)
Tél : (225) 22 47 51 43 / (225) 01 00 88 45
E-mail: [email protected]
Résumé
L'un des problèmes majeurs de l'économie ivoirienne est celui du financement des
investissements et du développement économique. Comment mobiliser l'épargne pour assurer
ce financement ? En effet la Bourse des Valeurs (BVA), un établissement public, commercial
et régional depuis février 1998, contribue également à ce financement du développement
L’enquête auprès de vingt-cinq entreprises dont vingt cotées en Bourse montre que la BVA ne
remplit pas toutes les conditions de performance d'un marché financier. Des réformes ont été
effectuées pour faciliter les voies d'accès sur ce marché financier en créant en plus de la cote
officielle, le second marché, le hors cote et les compartiments de valeurs internationales.
Mots-clés : Efficience, Epargne, Marché Financier, Enquête, UEMOA, BVA
JEL. Classification : F43
REVUE INTERNATIONALE DE GESTION ET D’ECONOMIE SERIE B - ECONOMIE / NUMERO 1 - VOLUME 1 - Décembre 2016 / pp. 21-36.
22
Abstract
One of the main issues of the ivorian economy is the investment financing and economic
development. How to collect the savings in order to create the financing ? In fact Abidjan
Market of Stock Exchange (BVA) is a state institution, commercial and regional since 1998,
which contributes also to the financing of the development. The market survey amongst
twenty five companies, included twenty of those registered on the market of stock exchange,
shows that the BVA doesn’t fit in the international KPIs of a standard market of stock
exchange. We have made some changes in order to facilitate the entrance on this market by
initiating in addition to the official quotation, a second market, the not quoted on the Stock
exchange and the international value segmentations.
Keywords: Efficiency, Savings, Market of Stock Exchange, Market Survey, WAMU
(UEMOA), BVA.
JEL. Classification : F43
23
Introduction
On constate que les pays africains au Sud du Sahara comme tous les autres pays pauvres
rencontrent deux problèmes majeurs pour le financement de leurs économies. Le premier est
de savoir comment mobiliser une épargne suffisante qui puisse satisfaire les besoins
d'investissements. Le second problème est d'assurer une allocation optimale de rares
ressources disponibles. Le problème de la mobilisation de l’épargne va prendre une allure
dramatique dans les années à venir pour deux raisons essentielles : (i) Comme l’a souligné
Fischer (1990), les ressources extérieures qui constituent une composante importante du
financement du développement vont se réduire ; (ii) les performances économiques des pays
africains qui entament leurs crédibilités ne peuvent que renforcer cette tendance.
Par ailleurs l’importance du service de la dette par rapport aux capacités de remboursement
des pays en développement montre que les ressources extérieures peuvent constituer un
véritable handicap pour le développement économique et hypothèque les conditions de vie
des générations futures. En outre, la crise économique des pays en développement, liée pour
l'essentiel à la dynamique des marchés mondiaux des produits de base agricoles et la crise
militaro-politique ont rendu ardu le financement des activités. Ainsi, du fait de la réelle rareté
de ressources financières, les économies en développement éprouvent des difficultés à faire
face aux exigences de développement économique.
Les difficultés sont aussi le fait de l'inadéquation des structures monétaires et financières
(Foadé, 1983). Nombreux sont ceux qui considèrent que l'efficacité de la politique monétaire
et surtout le contrôle monétaire tiennent à l'état des structures économiques et des institutions.
Au lendemain de l'indépendance politique de la Côte d'Ivoire, en 1960, la quasi-totalité de
moyens modernes de production se trouvait détenue par des étrangers. L'épargne privée était
si modeste que les autorités ont ressenti le besoin de la mobiliser pour l'orienter vers les
secteurs productifs : projets d'intérêt public, financement des investissements privés. On
devrait ainsi rendre l'économie moins dépendante de l'extérieur. Ainsi, l'ivoirisation de
l'économie ne pouvait non seulement se concevoir par la seule ivoirisation de l'emploi mais
aussi par le renforcement de l'ivoirisation du capital des sociétés étrangères (soit par la voie
d'une participation à l'augmentation de capital soit par la voie de cession directe d'actions).
Dans cette optique, fut créée, en 1963, la Société Nationale d'Investissement (SONAFI). Son
objet était de procéder à la prise de participation dans le capital des sociétés existantes. Pour
concrétiser mieux cette option économique mais aussi politique, la Bourse des Valeurs
24
d'Abidjan (BVA), établissement public et commercial, consacré par la loi 74-353 du 24 juillet
1974 et le décret 74 -714 du 27 novembre 1974, débuta son activité le 4 avril 1976 avec sa
première séance de cotation. Pour l'essentiel, ses objectifs s'articulent autour des points
suivants : (i) orienter et diriger le marché des valeurs mobilières ; (ii) veiller à la régularité
des transactions dans les meilleures conditions de sécurité ; (ii) faciliter aux sociétés la
recherche de nouveaux capitaux ; (iii) mobiliser l'épargne intérieure de manière à réduire
l'endettement extérieur ; (iv) ivoiriser le capital social des sociétés de manière à faire des
ivoiriens des entrepreneurs au sens schumpeterien du terme (créateurs et innovateurs).
Au seuil de deux décennies d'activité, il semble que les résultats auxquels est parvenue la
BVA sont insignifiants. Dans quelle mesure la Bourse des Valeurs d'Abidjan assure son rôle
de marché primaire et secondaire ? Comment la BVA répond-t-elle à l'efficience d'un marché
financier afin de mieux mobiliser l'épargne ? La réponse à cette question nous amène à
analyser les points suivants : (i) revue de littérature ; (ii) méthodologie ; et (iii) résultats.
1. Revue de littérature
La fragmentation du secteur bancaire et financier (Adja, 1988) et l'existence de
multiples circuits informels sont donc autant de déficiences qui expliquent la désarticulation
des économies en développement (Krul, 1970). La lente monétisation de l'économie, cette
inadéquation et l'insuffisance des structures financières jouent contre la formation de l'épargne
(Derreumaux et Peltier, 1979). En effet, l’épargne n'est pas suffisamment canalisée vers le
système financier, faute d'institutions monétaires et de crédit appropriées.
Pour résoudre le problème de la crise économique, il a été mis en place trois types de
réforme. Il y a eu en premier lieu l'ajustement agricole, ensuite l'ajustement industriel. La
dernière phase porte sur l'aménagement financier. Le marché monétaire et financier en Côte
d'Ivoire se caractérise par des banques commerciales, essentiellement succursales de grandes
banques étrangères. On a souvent reproché à ces institutions de s'éloigner sur bien des points
des impératifs liés à la politique de développement. Au nombre des problèmes recensés, on
cite l'absence de politique d'incitation à la mobilisation de l'épargne. C'est aussi ce que l'on
veut tenter de corriger avec la Bourse des valeurs d'Abidjan. Il s'agit de mettre en place un
marché financier capable de mobiliser l'épargne sans passer par le système bancaire.
25
Les Bourses des valeurs jouent un rôle important dans le financement des économies
industrialisées. En Afrique, l'expérience est toute récente. L'on peut citer les Bourses des
Valeurs du Nigeria, du Zimbabwe, du Kenya, du Maroc, de la Tunisie et celle de la Côte
d'Ivoire qui attire particulièrement notre attention.
Dailami et Atkin (1990), ont fait remarquer que la collecte des fonds en vue du
financement de la formation du capital est un fait qui est en train d'être reconnu comme le
facteur clé sur lequel l'on compte espérer une croissance à long terme dans les pays en
développement. Les auteurs font ressortir qu'au regard du tarissement des ressources
extérieures du financement, il est opportun de mettre davantage l'accent sur les marchés
financiers dans les pays en développement comme un moyen de mobilisation de l’épargne
domestique. Ce qui permet de renforcer l'offre des capitaux à long terme et d'encourager
l'utilisation efficiente des actifs disponibles.
Demirguc-Kunt (1992) montre que dans les pays sous-développés les plus pauvres, les
entreprises sont financées souvent par les ressources extérieures et le crédit informel. Les
banques commerciales sont les principales institutions. L'auteur a remarqué que les crédits ici
sont essentiellement de court terme. Les crédits de long terme sont pratiquement inexistants.
Cette situation est le facteur qui contrarie le développement des entreprises et la croissance
économique.
Engberg (1975) a reconnu la nécessité d'un marché financier dans les pays sous-
développés. Un marché financier soutient-il, peut relever le niveau de mobilisation de
l'épargne domestique et favoriser l'allocation optimale de cette épargne en vue des usages
alternatifs. Par ailleurs, le marché financier donne l'opportunité aux agents économiques de
détenir leur richesse sous des formes diversifiées d'actifs financiers. Cette variété d'actifs
financiers favorise la collecte de l'épargne.
Levine (1990) a montré que le marché financier accélère la croissance pour deux
raisons essentielles : 1°) il permet de transférer la propriété des firmes sans interrompre le
processus de production ; 2°) la seconde raison est celle que l'on rencontre chez Engberg
(1975) à savoir que l'investisseur préfère un portefeuille diversifié de titres financiers.
Certains auteurs ont mis l’accent sur les facteurs susceptibles de favoriser le
développement des marchés financiers. Ainsi Demirguc et Kunt (1993) indiquent que les
déterminants du développement d'un marché financier sont : (1) - les facteurs traditionnels : le
nombre d'entreprises qui opèrent sur le marché, le degré de capitalisation du marché ... ; (2) -
les facteurs institutionnels : les règles clairement définies, une libre information, et les coûts
26
de transactions ; (3) - les caractéristiques relatives au prix. A cet effet, dans quelle mesure la
bourse des valeurs apprécie le coût du risque du marché, et le degré auquel ce dernier est
intégré dans la globalisation financière internationale des capitaux ?
En outre, les travaux de Inanga et Emenuga (1993), Fidelis, Davidson et Omole
(1994), Hugh (1996), Stiglitz et Uy (1996) montrent que le développement d'un marché
financier est fondé sur les éléments comme l'information, la transparence des transactions, les
coûts de transaction, les délais de livraison, etc.
La littérature ci-dessus montre l'importance d'un marché financier dans une économie
sous-développée dont la principale difficulté est le manque de financement pour la réalisation
des plans de développement. Elle montre également les facteurs qui peuvent contribuer
durablement au développement d'un marché financier.
2. Méthodologie
Sur le plan théorique, on peut retenir que Bachelier (La théorie de la spéculation,
1900) a été le premier à utiliser les méthodes statistiques dans l'analyse des rendements sur les
marchés financiers. Selon lui, les opinions contradictoires concernant les variations de marché
divergent tellement qu'au même moment, les acheteurs croient à une hausse des prix et les
vendeurs à une baisse des prix ( .. ). Il semble que le marché, la collectivité des spéculateurs à
un instant donné, ne peut croire ni en une hausse ni en une baisse, puisque pour chaque prix
coté, il y a autant d'acheteurs que de vendeurs. L'espérance mathématique du spéculateur est
nulle : à un instant donné, la probabilité d'une hausse des prix est la même que celle d'une
baisse, car, le prix considéré par le marché comme le plus probable est le prix courant ; si le
marché en jugeait autrement, il ne coterait pas ce prix-là, mais un autre prix plus élevé ou plus
bas. Des années 1920 jusqu'en 1940, l'analyse de marché était dominée par les
fondamentalistes dans la lignée de Graham et par Dodd et les chartistes dans la lignée de
Magee. Dans les années 1950 est apparu le troisième groupe d'analyse quantitative dans la
lignée de Bachelier. Roberts (1959) fait appel à l'utilisation plus large de l'analyse statistique
en s'appuyant sur le travail de Kendall (1953) qui dans "The Analysis of Economic Time
series" compare le processus générateur des variations des prix des actifs à celui d'une
roulette non truquée. Les variations des prix seraient indépendantes et identiquement
distribuées (i.i.d) car si le marché était "une roulette truquée", les opérateurs auraient décelé
les imperfections pour en profiter. Osborne ("Brownian Motion in the Stock Market, 1964)
27
formalise l'hypothèse de la marche aléatoire des prix des actifs. Dans sa série de propositions,
il met en évidence le concept de la rationalité, crucial pour ce qui allait devenir l'hypothèse de
l'efficience de marché (HEM). Les agents évalueraient les prix en se fondant sur leur valeur
espérée. Ils utiliseraient pour cela les probabilités subjectives de manière rationnelle et non
biaisée. Fama (The Behavior of Stock Market Prices, 1965) formalise toutes ces observations
dans l'HEM selon laquelle les prix sont engendrés par des matingales, c'est-à-dire qu'ils
reflètent à tout moment la totalité de l'information pertinente disponible. Cette hypothèse est
similaire à l'une des propositions d'Osborne : pour qu'une transaction puisse être accomplie,
l'acheteur ne peut pas avoir un avantage sur le vendeur et vice versa (c'est-à-dire il y a une
égalité d'opportunités des profits).
La mesure de l'efficience informationnelle du marché BVA sera faite en se fondant sur
la théorie de marche aléatoire décrite ici. Le prix des produits du marché financier à la date t
ne peut être déduit du prix de ceux de la date (t-1). Ce qui se traduit mathématiquement par
l'équation suivante qui exprime le prix d'équilibre à l'instant t (Artus, 1995) :
P P It t
e
t 1 (1)
où Pt est le prix d'un actif financier à l'instant t, Pt
e
1 l'anticipation faite à l'instant t de Pt+1 et
It le vecteur de toute information pertinente disponible à l'instant t (l'ensemble de variables
qui influencent le prix de l'actif). L'écart entre t et t+1 est un pas de temps assez important (un
jour, un mois, un an, etc.).
Il y a efficience si le prix Pt incopore toute l'information disponible It. Ceci est
équivalent à dire que l'anticipation de Pt+1 est rationnelle c'est-à-dire qu'elle est égale à
l'espérance mathématique de Pt+1 conditionnellement à It.
tte
t IPEP /11 (2)
En effet, plaçons nous en t+, entre t et t+1 et considérons la variation du prix entre t et t+.
Ce qui donne :
)(/()/( 1111 ttttttttt IIIPEIPEPPP (3)
28
Avec l'équation (3), on voit que s'il n'y a pas de modification de l'information disponible entre
ces deux dates t et t+1 (It+1 = It), le prix anticipé ne varie pas ( P Pt
e
t 1 ). L'anticipation à
l'instant t de cette variation est :
tttttttttt IIIEIPEIPEEIPPE )/()/(/()/( 11111 (4)
Puisque It représente toute l'information disponible, l'anticipation rationnelle en t de
It+ est justement identique à It. Ce qui montre que l'anticipation de la variation du prix est
nulle E P P It t t( / ) 0, ce qui revient à dire que la meilleure anticipation du Pt+ en t est le
prix courant Pt : E P I Pt t t( / ) .
Fama6 (1970, 1991), Jensen (1978) a ordonné le concept d'efficience informationnelle
en distinguant trois formes d'efficience selon le vecteur d'information considéré : la forme
forte, semi-forte et faible.
- une forme faible dans laquelle l'information considérée porte exclusivement sur la
série des prix (ou rendements) passés. Nul opérateur ne peut obtenir un rendement anormal
(excess return) en utilisant les prix ou rendements du passé puisque tout le monde les connaît.
- une forme semi-forte d'efficience correspond au cas où les prix absorbent toute
information disponible (journaux et publications, rapports de sociétés, prévisions
d'organismes spécialisés, etc....). Nul opérateur ne peut donc obtenir de rendements en excès
en se fondant sur ces éléments.
- Dans le cas de l'efficience sous la forme forte, les prix reflètent toute l'information y
compris les informations privilégiées (confidentielles). Grosssman et Stiglitz (1976 ; 1980)
ont démontré qu'il était impossible que le marché soit efficient au sens fort. Autrement dit,
une efficience forte illustre le cas où les prix reflètent les informations privilégiées. Nul
opérateur ne peut alors gagner des rendements en excès en usant des informations publiques
ou non publiques obtenues sur le marché ou en marge de celui-ci.
Dans le cadre de cette étude, nous testerons un modèle lié à l'efficience faible. Cela est
dû à la non fiabilité des informations publiques et privées, à leur accès difficile et à l'étroitesse
6FAMA E. F. (1970), « Efficient Capital Markets : A Review of Theory and Empirical Work », Journal of
finance, Vol. 25, n° 2.
FAMA E. F. (1991), « Efficient Capital Markets : II », Journal of Finance,Vol. 46, n° 5.
JENSEN M.C. (1978), « Some Anomalous Evidence Regarding Market Efficient », Journal of Financial
Economics, Vol. 6, n° 1.
29
de l'actuelle structure organisationnelle de la BVA. Ainsi, seuls les prix représentent les
indicateurs de base.
En effet, le prix d'aujourd'hui sur le marché est le meilleur prédicteur des prix à venir.
En d'autres termes, il ne peut être possible d'améliorer la prévision des prix en incluant des
informations historiques additionnelles dans l'équation de prévision.
Nous utiliserons un test de marche aléatoire fondé sur le fait que le prix des produits
du marché financier à la date t peut être déduit du prix de ceux de la date précédente (t-1). Ce
qui se traduit par :
LogP LogPt t t 1 (5)
Le test de ce modèle permet de vérifier l’efficience. Il s’agit de tester l’indépendance
des variables c’est-à-dire des prix ou des rendements. En plus, l'hypothèse théorique de
l'efficience du marché nécessite que le terme d'erreurs t soit distribué de façon aléatoire
autour d'une moyenne zéro, c’est-à-dire que t doit être un "bruit blanc" normalement et
sériellement non corrélé.
L'estimation des coefficients d'un tel modèle se fait par la méthode des moindres
carrés ordinaires (MCO). En retranchant membre à membre de l'équation (5) LogPt-1, on a :
LogP LogP LogP LogPt t t t t 1 11 ( ) (6)
Si = 1, série des logarithmes Pt possède une racine unitaire et suit un processus de marche
aléatoire ou processus stationnaire autour d'une constante . Les observations passées,
présentes jouent un rôle identique {LogPt = t i.i. d (0, 2)};
Si 1, série des logarithmes Pt est un processus autorégressif d'ordre 1 (AR(1))
asymptotiquement stationnaire autour d'une constante avec t i.i.d(0, 2 ) {
LogP LogPt t t 1 }. Les observations présentes ont un poids plus important que les
observations passées.
Si 1, la série LogPt n'est pas stationnaire et elle représente un processus explosif. Les
observations passées ont une pondération plus élevée que les observations présentes.
30
Comment identifier les éléments qui entrent dans les conditions d'une meilleure
performance de la BVA ? L'analyse empirique de ce marché financier permet de répondre à
cette question.
3. Résultats Econométriques
3.1. Analyse économétrique de l'efficience de la BVA
La variable retenue pour tester l'efficience est l'indice des cours moyens des titres sur
la Bourse des Valeurs d'Abidjan. Cet indice exprime le prix d'équilibre qui reflète mieux la
réalité sur ce marché financier. Les données sont mensuelles et couvrent la période de janvier
1993 à mars 1996.
Les cours moyens des titres sur le marché financier ivoirien évoluent à la hausse d'une
manière générale sauf pendant la période qui s'étend de janvier 1993 à janvier 1994 où ils
suivent une évolution stable et constante (le graphique 1).
Graphique 1 : évolution des cours moyens des titres de la BVA
0
50
100
150
200
250
300
350
33970 34090 34213 34335 34455 34578 34700 34820 34943 35065
31
Tableau 1 : Test de racine unitaire Dickey & Fuller Augmenté (ADF)
Log de la variable en Niveau
en Différence
1993.01- 1996.03 P Valeurs
critiques t
Valeur
calculée tc
p Valeurs
critiques t
Valeur
calculée tc
Cours moyens
mensuels des titres
(Pt)
1
1% -3,617
5 % -2,942
-0,0478
1
1 % -3,623
5 % -2,946
-2,768
p = nombre de retards ; t valeurs critiques (au seuil de =1% ou 5 % ou 10 %) de la
statistique ADF ; tc = la statistique ADF calculée.
L'estimation de l'équation (4) donne : LogP LogPt t
1 17 1 041 22 3587
1, ,( , ) ( , )
(6)
R2 = 0,99 ; DH = 2,02 ; F = 2420,25. L'équation (5) estimée s'écrit :
P LogPt t 0 17 0 042 1, ,
avec -1 = 0,042 0. Ce qui montre que LogPt n'est pas stationnaire.
Les chiffres entre parenthèses de l'équation (6) sont les statistiques de t-student qui
sont significatifs au seuil de 5 %. . Les paramètres estimés ne sont pas nuls et le coefficient de
détermination indique que les prix passés des actifs expliquent la variabilité des prix de la
période à venir à 99 %.. Il apparaît à la lumière de ces résultats que le marché boursier
ivoirien n'est pas efficient. En outre, le test de la racine unitaire au sens de Dickey et Fuller
Augmenté (ADF) sur logPt en niveau comme en différence montre que le processus étudié ne
possède pas une racine unitaire puisque les t calculés (tc) sont tous inférieurs en valeur
absolue aux valeurs critiques en valeur absolue (Voir tableau 1 ci-dessus).
32
Avec le tableau 2 ci-dessous, les tests de ADF, Philippe Perron et KPSS montrent que les
données sont non stationnaires en niveau mais stationnaires en différence première.
Tableau 2 : Racines unitaires
ADF(niveau) ADF(FD) PP(niveau) PP (FD) KPSS(niveau) KPSS(DF)
Tu Tt Tu Tt Tu Tt Tu Tt Tu Tt Tu Tt
1,85 2,95 -
2,28
-
3,75
1,56 -
1,12
-
1,88
-
2,30
0 ,62 0,18 0,49b
0,05a
Ce qui montre que le processus logPt qui caractérise le marché boursier ivoirien n'est pas un
processus de marche aléatoire. Le marché financier ivoirien ne réunit pas pour le moment,
toutes les conditions pour favoriser la mobilisation et l'allocation optimale des ressources
domestiques d'où la nécessité de transformer la BVA en bourse régionale des valeurs
mobilières (BRVM).
3.2. Implications
Un marché a besoin d’être efficient car il permettra d’affecter les ressources rares aux
investissements ou à valeur ajoutée nette positive. Dans ce cadre, des efforts ont été faits
depuis 1992 pour que la BVA devienne une bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM)
où de nombreuses sociétés locales, régionales et internationales viennent acheter ou vendre en
temps voulu les différents produits de ce marché orientés vers les investissements rentables.
La restructuration de la BVA a permis d'accélérer le processus de privatisation par les
opérations d'emprunts privés nationaux ou publics internationaux (Banque Ouest Africaine de
Développement, BOAD, etc.) effectuées sur le plan régional. Ces opérations rentrent dans le
cadre des préoccupations des pays membres de l'UEMOA, la poursuite de l'intégration de
leurs économies. La BRVM est un organisme privé qui s'est vu affecter une concession de
service public. Son rôle essentiel est d'organiser le marché financier et de veiller au bon
dénouement des transactions. Elle fonctionne suivant un système de cotation à l'ordinateur.
33
Les différents agents de change, appelés ici sociétés de gestion et d'intermédiation, font leurs
opérations à partir des terminaux installés dans les antennes nationales de cotation de tous les
pays membres de l'UEMOA. Les ordres de bourses sont reportés sur le site central à Abidjan.
C'est au niveau de ce site que le logiciel de cotation procède à une confrontation des ordres
pour une cotation au "fixing". La BRVM est dotée également d'un dépositaire central de
règlements qui se charge du post-marché (règlements, livraison des titres, conservation de
ceux-ci).
Les intervenants sur la BRVM sont les sociétés de gestion et d'intermédiation qui font
office d'agents de change : il y a des sociétés de gestion de patrimoine, les apporteurs
d'affaires, les conseils en valeurs mobilières, etc.
Conclusion
La Bourse des valeurs d'Abidjan, depuis sa création, a été l'objet de réformes en ce qui
concerne les fonctions du personnel, l'outil informatique. La BVA a élargi les voies d'accès
sur ce marché en créant en plus de la cote officielle, le second marché, le hors cote et les
compartiments de valeurs internationales.
Dans le souci de mobiliser une part importante de l'épargne de l'économie ivoirienne,
la BVA cherche à réduire les coûts de prestation des différentes transactions.
Ce marché boursier ne remplit pas toutes les conditions pour être un marché efficient.
Malgré toutes ces réformes de la BVA, les enquêtés trouvent que la politique des taxes sur les
dividendes décourage. Ce qui arrangerait la BVA est d'avoir un nombre important
d'entreprises qui intervient sur ce marché financier. S'agissant des transactions, elles se font de
manière transparente mais il existe toujours un problème de fraude qu'on peut remédier en
renforçant la sous-direction de la Bourse. On peut aussi baisser les coûts de transaction en
réduisant les frais payés pour prestation des intervenants. Les délais de livraison peuvent être
réduits si on veut augmenter la performance de la BVA. L'assainissement des finances
publiques peut être un facteur jouant en faveur de la BVA qui opérera dans un environnement
économique sain.
Il est nécessaire de trouver des moyens de diversification de portefeuilles à cause de la
faiblesse des revenus des ménages. Pour remédier à cette situation nous suggérons la mise en
œuvre d'une politique qui encourage le développement de fonds mutuels de placement.
34
Ces leçons tirées de l'analyse de la BVA ont pour l'essentiel servi à la mise en place de
la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) depuis le mois de février 1998. Ce
marché financier s'oriente sur l'intégration des économies des pays membres de l'UEMOA
puis sur celle de la sous-région.
35
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37
Analyse de la production de services dans les organisations de crédit mutuel : une
approche par la théorie de la justification et des économies de la grandeur
Angbonon Eugène KAMALAN
Université Alassane OUATTARA, Bouaké (Côte d’Ivoire)
28, BP 816 Abidjan 28, Côte d'Ivoire
Résumé
A partir des analyses de la justification et des économies de la grandeur de Boltanski et
Thévenot, nous étudions les pratiques d’échanges permises par les relations de
recommandation et d’aval des emprunteurs dans des institutions de crédit mutuel en Afrique
de l’Ouest. Les résultats obtenus permettent d’inscrire l’analyse du crédit dans la réfutation de
deux éléments théoriques de l’approche économique dominante. D’une part, le prisme
marchand ne suffit pas pour justifier les échanges liés au crédit. D’autre part, le marché n’est
la seule procédure efficace d'allocation des ressources.
Mots clés: Crédit , Recommandation, Aval, Théorie, Justification
Classification JEL: A13-14, B15, B52, G21
REVUE INTERNATIONALE DE GESTION ET D’ECONOMIE SERIE B - ECONOMIE / NUMERO 1 - VOLUME 1 - Décembre 2016 / pp. 37-56.
38
Abstract
We study the exchange practices permitted by the sponsorship and the endorsement relations
of borrowers in West African microfinance institutions. We propose a theoretical analysis of
the contribution of those relations in the process of individual microcredit. Our reasoning is
based on the framework of justification and the economies of worth proposed by Boltanski
and Thévenot. The results allow the analysis of debt to contest two economic points. Thirst,
the market approach is incomplete to justify the relationships and exchanges carried out in the
processes of debt. Second, the credit allocation is not only based on the market place.
Key words: Credit, Sponsorship, Endorsement, Theory, Justification
JEL Classification: A13-14, B15, B52, G21
39
Contexte
Dans les institutions de microfinance (IMF), les contrats de dette de microcrédits
s’élaborent en prenant en compte les relations annexes de l’emprunteur avec des tiers, que
l’emprunteur soit en groupe de caution avec d’autres emprunteurs solidaires ou qu’il soit en
crédit individuel. Par rapport à la relation dite de service telle que définit par Gadrey, Reboud
et Banlt (1997) entre l'agent de crédit qui établit le contrat de dette et l’emprunteur, les autres
relations de ce dernier avec des tiers sont considérées comme des relations annexes car,
celles-ci sont associées à la relation de service de manière accessoire. Cependant, les relations
annexes deviennent obligatoires pour certains modèles de contrat de dette d’après
Boyd et Prescott (1986). Le contrat de dette avec la relation de cautionnement solidaire en est
un exemple mondialement connu. Mais il y a aussi le contrat de dette avec la relation d'aval et
ou la relation de recommandation (ou parrainage). Ces deux types de relations annexes
concernent particulièrement les emprunteurs individuels de microcrédits et appliqués par les
IMF ouest-africaines, figure 1.
Figure 1: Relations du contrat de dette de microcrédit
L’aval est une relation entre un emprunteur de microcrédit individuel qui ne dispose pas
de garanties matérielles personnelles et un tiers, son avaliseur7. Celui-ci est en général une
personne de l'entourage de l’emprunteur, par exemple le conjoint ou une personne du
patrilignage. Le tiers (avaliseur) met un bien matériel à disposition de l’institution prêteuse
des fonds, sous la forme d’un gage en contrepartie duquel l’institution offre la dette à
l’emprunteur ainsi avalisé. Dans les IMF d’Afrique de l’Ouest, les biens couramment
7 Le terme avaliseur est volontairement employé dans cet article pour désigner la personne qui propose un
acte d’aval destiné à garantir une dette de microcrédit.
40
proposés en gage par les emprunteurs sont constitués par les sûretés réelles, (PADME, 2005).
Ce sont notamment le nantissement avec dépossession sur les salaires, le nantissement sans
dépossession concernant les véhicules et les fonds de commerce ainsi que l'hypothèque
contractuelle sur les parcelles loties et les parcelles non loties accompagnées d'autres biens
immobiliers, (Kamalan, 2008).
Le modèle de contrat à relation d’aval a un niveau d'engagement identique au contrat de
caution solidaire en ce qui concerne l’avaliseur. Celui-ci est entièrement et sans division
responsable du remboursement de la dette de l'emprunteur en cas de défaut de ce dernier, sous
peine de voir « réaliser » son bien mis en gage. Mais en pratique, l'avaliseur ne supporte pas
de « dommage » réel car, le système d'aval n'interdit pas la jouissance par ce dernier des biens
mis en gage pour l'obtention du crédit. Cela est dû à la prédominance des nantissements sans
dépossession mais aussi et surtout aux difficultés d’application des règlements des actes de
l’OHADA8 notamment, l'acte uniforme sur l'organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d'exécution et l'acte uniforme sur l'organisation des sûretés.
Si l’avaliseur n’est pas lui aussi un emprunteur de microcrédits, il ne tire aucun avantage
direct de son acte d’aval qui est un acte de générosité dont l'intérêt majeur est de secourir
l’emprunteur dans sa demande de crédit. L’avaliseur peut juste se satisfaire d'offrir une
opportunité à un proche dont il se sent moralement responsable ou moralement redevable du
fait de devoir d'aînesse par exemple.
La recommandation est une relation qui s’apparente à un acte de soutien moral ou
d'accompagnement ou encore un processus de parrainage qui se traduit généralement par un
témoignage. Par ce procédé, une tierce personne qui est généralement un proche parent d'un
emprunteur, témoigne sur son honneur de la bonne probité et la moralité exemplaire de
l’emprunteur en vue de dissiper les doutes qui subsisteraient chez un agent de crédit lorsque
celui-ci examine la demande de prêt dudit emprunteur. Mais, contrairement à la relation
d’aval, la relation de recommandation (ou parrainage) n'est pas une relation contractuelle. Elle
n'est pas basée sur la responsabilisation du parrain à payer la dette de l'emprunteur
recommandé. Le parrain est simplement un gage moral au sens de Churchill (1999). Il
s'engage sur son honneur au profit de l'emprunteur en témoignant en faveur de ce dernier. Le
parrain (recommandeur) se met à disposition de l'agent de crédit en vue de l'assister pour le
recouvrement des avoirs de l'institution prêteuse des fonds, si l'emprunteur recommandé
n'honore pas ses engagements.
8 Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires.
41
Dans les IMF ouest-africaines, il existe des contrats de dette pour des emprunteurs individuels
où les relations de recommandation (ou parrainage) et relations d’aval sont appliquées
conjointement. Mais, il existe également des contrats de dette sans relations annexes pour des
emprunteurs. D’autre part, les IMF ouest-africaines accordent globalement plus de crédits que
de microcrédits aux groupes de caution solidaire et aux groupements.
La suite de notre article est structurée en quatre sections. D’abord, nous présentons les
fondements de la réflexion théorique sur les relations de recommandation et d’aval devant
déboucher sur les analyses de Boltanski et Thevenot pour comprendre le fonctionnement des
crédits (section 1). Ensuite, nous montrons que les relations de recommandation et d’aval
peuvent être analysées à partir d’une grille de valeurs permettant d’ouvrir une dialectique avec
la notion de grandeur proposée par Boltanski et Thévenot (section 2). Après, nous montrons
que les relations de recommandation et d’aval créent des cadres de conflits, de tensions et de
compromis (section 3). Enfin, nous montrons comment les relations de recommandation et
d’aval favorisent l'hybridation de différentes logiques d'échange pouvant déboucher sur des
accords qui rendent possible l’allocation du microcrédit individuel (section 4).
1. Fondement théorique de l’analyse de la recommandation et de l’aval
La prise en compte des relations de recommandation et d’aval dans l’analyse des
contrats de dette pose deux problèmes. L’un concerne le rapport entre les notions de relation
et de contrat qui ont des fondements dans deux registres différents et dissociés à savoir, d'un
côté, le registre social et culturel pour la notion de relation et de l'autre, le registre marchand
pour la notion de contrat de dette. Dans ce cas, on peut se demander comment les
contreparties marchandes qui permettent de contracter une dette de microcrédit se
superposent, s'entrecroisent, s'associent aux relations de recommandation et d’aval des
emprunteurs lorsque celles-ci sont nécessaires d’une part, pour l’établissement du contrat de
dette et d’autre part, pour l’exécution des engagements induits du contrat.
Passé ce premier problème qui se pose dans l’établissement du contrat, le second problème
consiste à démêler l'inférence statistique qui existerait entre les relations de recommandation
et d’aval et l’issue du contrat de dette. Il s'agit d’expliquer l'action de remboursement des
crédits par les emprunteurs en prenant comme moyen d'analyse leurs relations de
recommandation et d’aval. Comprendre pourquoi et comment les relations de
42
recommandation et d’aval conduisent à contracter des dettes et comment ces relations
structurent les comportements de respect des échéances de remboursement des crédits
poussent alors à interroger la rationalité économique des agents en utilisant des pistes
d'explication fondées sur leurs relations. Cette démarche va au-delà de la justification de la
rationalité et le motif de maximisation de l'intérêt développé par la branche orthodoxe de la
science économique.
Les problèmes soulignés ci-dessus présentent deux enjeux différents. Le premier enjeu prend
le sens d'une double interpénétration. D’abord, il y a une interpénétration du domaine social,
notamment les relations interpersonnelles avec le domaine économique marchand au sens de
Granovetter (2005). Cette interpénétration a lieu durant l'élaboration des contrats de dette et
met en évidence une forme de financiarisation des rapports sociaux, favorable aux analyses
initiées par Karl Polanyi sur le thème de l’encastrement, (Hann and Keith, 2009), (Beckert,
2009). Ensuite, lors du procès du contrat marchand existe une interpénétration de logiques
d’échange diverses entre l’agent de crédit, l’emprunteur et les tierces personnes impliquées
dans les relations de recommandation et d’aval.
Le deuxième enjeu prend le sens d'une médiation des conflits entre différents acteurs en
interaction, à savoir ici, l’agent de crédit, l’emprunteur et les tierces personnes impliquées
dans les contrats de dette, (Grabher, 2002). Alors, il revient à chercher comment faire évoluer
le comportement d'un de ces acteurs en prenant comme matière le jeu des relations qui le lient
aux autres acteurs, (Laville, 2006).
Pour répondre aux questions posées par l’emploi des relations de recommandation et
d’aval, une piste intéressante est apportée par la thèse du capital social (Bourdieu, 1985 ;
Coleman, 1988 ; Putnam, 1995; 2001 ; Gleaser, 2001). Cette thèse a favorisé l’usage de la
notion de relation dans les analyses de la microfinance pour développer la thématique des
liens sociaux depuis trois décennies. Plusieurs études (Chao-Beroff, 1997 ;
Gomez and Santor, 2001) analysent les liens sociaux en microfinance en faisant référence à la
thèse du capital social au sens de P. Bourdieu et J.-C. Coleman, (Corcuff, 2002). Ces études
portent sur les liens de caution solidaire pour des groupes d’emprunteurs de microcrédits. Or,
les recherches récentes qui développent les réflexions sur les liens sociaux en microfinance
n’avancent pas la thèse bourdieusienne du capital social. Ces nouvelles recherches qui
analysent le fonctionnement des crédits sont favorables au développement d’une forme
spécifique de liens sociaux : les liens de clientèle d’après Kamalan (2010) en mettant en avant
la thèse du capital social défendue par R. Putnam. Celle-ci, contrairement à la vision
bourdieusienne, propose une conception du capital social qui fait du lien social un attribut
43
d'une société servant à caractériser un état de la société. Cet attribut met des ressources à la
disposition des membres pour intervenir dans le fonctionnement de la société. Putnam
considère qu'une société peut hériter un élément substantiel de capital social sous la forme de
confiance, de normes de réciprocité et de réseaux d'engagement civique. Ces éléments
peuvent faciliter la coopération volontaire entre les individus dans le sens d’une collaboration,
(Thevenot, 1986) ou d’une mutualisation des acquis, compétences et efforts (Kamalan, 2007).
Par conséquent, les relations de recommandation et d’aval seront considérées comme des
attributs de la société plutôt que des attributs des individus. Dès lors, la question qu’on se
pose est de savoir comment mobiliser efficacement les attributs d'une société pour les faire
interagir dans le comportement justifié et sensé d'un individu, observé dans le cadre de la
relation contractuelle de dette de microcrédit individuel. Etant entendu que le but de
l’individu est de maximiser ses gains et ses attentes. Conséquemment, on cherchera à savoir
quel procédé servirait à résoudre les incompatibilités et antagonismes entre les aspirations
collectives de la société induites par ses attributs et les anticipations rationnelles de l'individu
motivé par ses intérêts égoïstes.
Ces enjeux sont vigoureusement traités par L. Boltanski et L. Thévenot (1991) dans le
cadre de leur théorie de la justification et des économies de la grandeur. En effet, une analyse
théorique des relations de recommandation et d’aval du client individuel de microcrédits est
possible à partir des réflexions que ces deux auteurs ont consacrées à la justification des
actions économiques des individus en société. Ces auteurs ont utilisé des idées philosophiques
et politiques comme des référents expérimentaux pour construire théoriquement six
cités qu’ils définissent comme des espaces de conflits, de médiations, de consensus et
d'accords. Leur volonté est de comprendre la dialectique qui s'ouvre entre ces modèles de
cités dans la droite ligne des réflexions de K. Polanyi et prolongées par M. Granovetter. Cette
dialectique mène à l'opposition entre les cités et donc aux possibles compromis entre celles-ci.
Enfin, Boltanski et Thévenot proposent la notion de grandeur comme un bien commun
légitimement reconnu par tous les individus et servant à faire revivre le thème de la mesure
sociale ou de la valeur9. Pour eux, la valeur devient une grandeur, c’est une nouvelle mesure,
non pas objective, mais conventionnelle. Les individus qui seront « grands » seront les garants
du principe supérieur commun servant de repère et contribuant à la coordination des actions
des autres. Par principe, l'état de « petit » est à éviter. Tout le monde cherchera alors à être
« grand », chacun avec ses moyens. Dès lors, les questions qui se posent sont de savoir
9 Cette conception de la valeur est départie des idéaux
marxistes (valeur travail) et néoclassiques (valeur d’utilité)
44
comment chaque individu parvient à un état de grandeur. En plus, quels seraient les effets du
parcours d'un individu vers ses états de grandeur recherchés sur les autres individus qui ont
leur propre cheminement vers leurs états de grandeurs ? De même, que se passerait-il si un
état de grandeur recherché par un individu est radicalement opposé à un autre état de grandeur
recherché par un autre individu ? Donc, dans la réflexion proposée par Boltanski et Thévenot,
le risque de tension est permanent. C'est pourquoi leur objet porte sur la relation et les enjeux
entre la discorde et la concorde, le désaccord et l'accord, la dispute et le compromis. Il s'agit,
en analysant le contenu de chaque cité, de montrer les raisons qui l'opposent à une autre,
créant ainsi un cadre de la discorde. Mais, il s'agit aussi de pointer les raisons de
compromission entre les cités et d'obtenir enfin un modèle d'accord idéal. C’est pourquoi le
cadre de réflexion proposé par ces auteurs est propice pour une analyse théorique des relations
de recommandation et d’aval du client de microcrédit individuel. En effet, il peut être
pertinent de montrer que les relations de recommandation et d’aval du client de microcrédit
individuel utilisent la notion de grandeur qui fonde la théorie de la justification. De même, le
recours au cadre théorique de la justification et des économies de la grandeur peut servir à
expliquer les mécanismes d’accession aux crédits ainsi que les attributs communautaires qui
justifient les comportements de consommation de microcrédits par les emprunteurs
individuels.
Dans cet article, les analyses théoriques sont appuyées par des données qui corroborent
les réflexions engagées. Ces données proviennent d’une étude de terrain réalisée dans
l’institution PAMDE au Bénin, (Kamalan, 2006). Le PADME est une Institution de
Microfinance qui intervient dans le secteur des microcrédits directs. Les emprunteurs de cette
institution ne constituent pas une épargne préalable avant d'obtenir des emprunts. C’est le
leader de son secteur sur le marché du microcrédit au Bénin. L'essentiel des activités de prêts
concerne les crédits et en caution solidaire. Seuls les emprunteurs individuels ont été pris en
compte dans cet article. En janvier 2006, les clients en cours d’activité étaient au nombre de
21146. Les données prises en compte couvrent une période de douze années allant de 1995 à
2006, (PADME, 2005). En outre, nous utilisons les résultats d’une enquête que nous avons
réalisée dans l’agence du PADME à Cotonou. Cette enquête a porté sur 560 clients
individuels représentatifs de la population. L’enquête prend en compte les clients qui ont
obtenu au moins un microcrédit individuel. Seuls les clients qui sont en cours d’exécution
d’un crédit sont pris en compte.
45
2. Recommandation, aval et ordres de grandeur
Pour comprendre le rapport entre les relations de recommandation et d’aval du client de
microcrédit individuel et la notion de grandeur développée par L. Boltanski et L. Thévenot, il
faut s’interroger sur le sens du fonctionnement du crédit et ses effets pour l’emprunteur. A
quel changement conduit l'accès à un microcrédit à partir du contrat de dette qui s’établit ?
Etre engagé dans un contrat de dette de microcrédit, c'est être engagé pour préserver, pour
chercher ou éviter des actions, réactions, comportements, attitudes ou propos destinés à
produire des effets supposés ou vrais sur l’image de l’emprunteur. C’est être attaché à
quelque chose pour laquelle il n'est pas indifférent. Mais à quoi l’emprunteur de microcrédit
individuel est-il donc attaché après sa dette ? Est-ce une forme excessive de fidélisation aux
microcrédits et aux services non financiers associés créant des comportements
d’accoutumance voire de dépendance ? Cette interrogation ouvre une dimension normative du
raisonnement sur le sens du contrat de dette pour l’emprunteur. Comprendre cette question
suppose de s'interroger sur le sens et la valeur de ce qu'on fait quand on a un microcrédit,
(Churchill, 1999). L'attachement de l’emprunteur débouche sur une analyse normative de la
valeur chez ce dernier. La question est donc de savoir qu'est ce qui a de la valeur pour un
emprunteur qui justifie le comportement de ce dernier vis-à-vis de sa dette de microcrédit
individuel.
Ce questionnement conduit à rechercher le rapport entre les ordres de grandeurs de
L. Boltanski et L. Thévenot et des ordres de valeurs permis par les relations de
recommandation et d’aval du client de microcrédit individuel. Pour cela, nous mettons en
parallèle la méthodologie de la justification et des économies de la grandeur et les
interprétations possibles des relations de recommandation et d’aval. Dans cette perspective,
un cadre de justification employant six ordres de valeur peut servir à expliquer comment un
emprunteur de microcrédit individuel accède au crédit et pourquoi il adopte un comportement
donné vis-à-vis du crédit reçu en respectant ou non les échéances de paiement de sa dette,
figure 2.
46
Figure 2 : Ordre de grandeur et ordre de valeurs du client individuel
Dans la cité domestique définie par L. Boltanski et L. Thévenot, les êtres sont familiers,
personnalisés et dotés d'une valeur d'unicité. Cette valeur d’unicité est le lien. Ce lien est un
élément matériel ou immatériel qui justifie la relation. C’est ce qui traduit le contenu des
échanges. Le lien est ce qui retient, motive et fait agir l’emprunteur et les tiers. Or,
l’emprunteur et les tiers portent chacun, la trace d'une origine, d'une lignée ou d'un terroir.
Cela s'apparente à une filiation. Alors, dans ce contexte, le lien traduit une filiation. Or, Pour
L. Boltanski et L. Thévenot, la cité domestique utilise comme ordre de grandeur : la
confiance. Celle-ci est relative à ce qui est proche et familier. Selon L. Thévenot (1986), cette
grandeur comprend à la fois un ordre temporel du fait de la fidélité à la coutume et au
précédent, un ordre spatial de familiarité et un ordre hiérarchique d'autorité, tous les trois
étroitement imbriqués. Dans cette perspective, la définition du lien comme filiation apparaît
nécessaire et place l’emprunteur dans un environnement où il n'est jamais seul. La fidélité à la
coutume et au précédent suppose pour lui le respect des codes de sa tradition, de son histoire.
La familiarité le renvoi à sa filiation. La hiérarchie et l'autorité le responsabilisent devant ses
obligations vis-à-vis de sa filiation. Ses trois facettes de la filiation se traduisent par le mot :
solidarité. La filiation entraîne donc des obligations morales de solidarité pour l’emprunteur.
Ayant une histoire et une famille, celles-ci l’engagent à une responsabilité et un devoir de
partage et d'entraide vis-à-vis de sa filiation. Cette entraide est obligatoire dans la mesure où
l'absence de partage peut être sanctionnée par les membres de la filiation. Par exemple, un
client recommandé ou avalisé qui est supposé égoïste peut être mis en index et exclu
socialement par les membres de sa filiation (familiale) qui voudraient que ce dernier se
montre plus solidaire et généreux envers eux.
Dans la cité civique, les attributs du lien en tant que filiation sont applicables mais avec
une particularité en plus. La filiation n'est pas domestique, elle est communautaire. Les
individus n'appartiennent pas seulement à leur famille ; ils sont aussi fils de la communauté.
47
Dans ce cas, les formes de régulation sociale par la demande, l'appel, la sollicitation, sont des
objets de nature communautaire qui constituent une équivalence générale, même si elles
contraignent l'initiative individuelle. L'esprit de partage n'est plus une obligation mais une
vertu. Le partage sous contrainte, ou solidarité familiale, devient un partage désiré, choisi et
motivé. L’ordre de valeur n’est plus la solidarité, mais la générosité. Elle concerne tous les
individus ayant la même filiation, c’est-à-dire pour nous, autant l’emprunteur que les tiers
recommandeurs et avaliseurs.
L. Boltanski et L. Thévenot ont défini la cité marchande qui utilise comme ordre de
grandeur : la concurrence. Cette cité met en avant les avantages particuliers de l’emprunteur
dont les intérêts sont considérés comme affranchis des considérations domestiques et
civiques. Seul le désir d'appropriation et d'opportunisme compte. Dans ce contexte, la valeur
apparaît dans sa détermination et son abnégation à préserver sa relation financière avec l'agent
de crédit quelque soit par ailleurs, le coût et l'effort à déployer. Ce raisonnement permet
d’expliquer le paiement des coûts souvent prohibitifs des microcrédits par leurs emprunteurs.
Ici, la valeur prend le sens de la compétence. Elle est d'autant plus recherchée si elle est
récompensée. On a de la valeur parce qu'on est capable. Le lien n’est plus synonyme de
filiation. Il n’a plus de motif identitaire, mais symbolise un attachement consumériste.
Dans la cité industrielle, la valeur est perceptible chez l’emprunteur à travers son désir
d'agrandissement et de perpétuation de ses acquis. Le but étant de déboucher sur une
génération de valeurs. La valeur repose alors sur l’appréciation de ses propres acquis et
l'équivalence avec d'autres acquis. Il compare sa situation avec les situations d’autres
personnes de son entourage. Sur cette base, il établit son ordre de valeur sur le fait qu’il
possède des biens que les autres n’ont pas ou ne peuvent avoir.
Dans la cité de l'opinion, la valeur se traduit par la considération qui englobe l'estime et
l'admiration. C'est la réputation positive. C'est ce qui est perçue favorablement, ce qui est bien
vu. L’emprunteur sera d’autant plus motivé qu’il posera des actes qui susciteront l’admiration
autour de lui.
Enfin, dans la cité de l'inspiration, la valeur se rapporte à la notion religieuse de la
croyance qui distingue emprunteurs, recommandeurs et avaliseurs. Chacun ayant l’obligation
morale de se conformer aux exigences et à l’exemplarité d’une vie vertueuse.
D’autre part, L. Boltanski et L. Thévenot ont recherché les opérations à partir
desquelles les acteurs d'une société donnée parviennent à construire, à manifester et à sceller
des compromis et des accords plus ou moins durables en résorbant les tensions et les conflits.
48
Nous montrons que les relations de recommandation et d’aval du client de microcrédit
individuel sont des occasions de tensions, de conflits mais aussi, de compromis et d’accords.
3. Recommandation, aval : tensions, compromis et accords
En tant que matière de tentions et de compromis, les relations de recommandation et
d’aval du client individuel peuvent être présentées sous deux formes, soit comme des
relations de compétition gagnant-perdant, soit comme des relations de solidarité gagnant-
gagnant, (Kamalan, 2007).
Les modèles de relation gagnant-perdant débouchent sur des conflits larvés ou affichés
et parfois revendiqués. Par exemple, les relations entre les agents de crédits et les
emprunteurs sont des sources de conflits. Celles entre les emprunteurs et les avaliseurs ou les
recommandeurs sont aussi des sources de tensions diverses. Enfin, des conflits peuvent
apparaître simultanément entre agents de crédits, emprunteurs et avaliseurs ou
recommandeurs. En effet, l’enquête menée sur 560 emprunteurs de crédits dans l’institution
PADME au Bénin a révélé qu’au moins 98% des emprunteurs interrogés font régulièrement
l'objet de sollicitations financières de la part de leurs proche-parents, amis et connaissances
diverses, plus ou moins liés aux recommandeurs et/ou aux avaliseurs. Trois personnes
interrogées sur quatre répondent favorablement et de manière régulière à ces sollicitations.
Moins d’un tiers (29%) des clients enquêtés affirment qu’ils répondent favorablement et
systématiquement aux sollicitations, même à leur propre détriment car ils se sentent obligés
de s’exécuter car ils redoutent des représailles. Un exemple de conflit récurent concerne les
emprunteurs de crédits qui se retrouvent en situation de défaillance prolongée. La défaillance
correspond au non payement d’au moins une échéance de remboursement du crédit. Dans ce
cas, l'agent de crédit voyant que ses intérêts vis-à-vis de l’emprunteur sont menacés10
, se
retourne vers l'avaliseur contre qui, il (l'agent) brandit la menace de réaliser la garantie
proposée à travers par exemple la vente aux enchères du bien matériel mis en gage. Le conflit
éclate lorsque l'avaliseur s'oppose à l'agent de crédit en menaçant à son tour l’emprunteur ;
pensant que ce dernier a logiquement les moyens de payer normalement ses échéances. De
cette manière, l’avaliseur conteste la moralité de l’emprunteur soit en fustigeant son attitude
10
L’intérêt de l’agent se trouve dans la part variable de sa rémunération liée à la qualité du portefeuille de
crédit qu’il gère. Mais, la dégradation de ce portefeuille due à des défaillances massives et ou prolongées
entraîne un système de pénalisation. Au PADME, cela consiste en une mise au chômage technique durant six
mois avec suspension de rémunération pour l’agent de crédit.
49
de générosité excessive envers ceux qui le sollicitent, soit en dénonçant son ingratitude envers
lui (l’avaliseur) qui est pourtant un bienfaiteur. Des conflits similaires ont été observés au
Bénin entre des avaliseurs mécontents et des emprunteurs où les avaliseurs ont saisi manu
militari des affaires appartenant aux emprunteurs qu'ils ont pourtant avalisés, (Kamalan,
2010, pp.81-103).
Les modèles de relation gagnant-gagnant donnent lieu à des compromis construits,
(Boyd et Prescott, 1986). Chez les emprunteurs de crédits, les compromis sont fréquents entre
les emprunteurs avalisés et leurs avaliseurs. Lorsque les avaliseurs sont des hommes du
patrilignage ou des époux, la relation d’aval est présentée comme une manière de sacrifier au
devoir d’aînesse ou au devoir de générosité envers les proches, donnant ainsi une matière à la
dialectique ouverte précédemment entre ordres de grandeurs et ordres de valeurs. Il y a de
nombreux exemples où des époux avalisent leurs épouses ou des aînés, leurs cadets. De
même, les avaliseurs témoignent leur solidarité envers les emprunteurs de sexe féminin qui,
faute de garanties réelles personnelles, ne pourraient pas obtenir des crédits, (Kamalan, 2008).
Enfin, L. Boltanski et L. Thévenot ont proposé une grille de réflexion permettant
d'analyser à l'aide d'instruments théoriques les différentes logiques d'échange, en dépassant le
clivage habituel entre la sociologie holistique et l'économie homo economicus qu'ils
réussissent à combiner. Nous montrons que les relations de recommandation et d’aval
expliquent les logiques d’échange des acteurs engagés par le contrat de dette de microcrédit
individuel. Nous montrons comment les relations de recommandation et d’aval favorisent
l'hybridation de différentes logiques d'échange pouvant déboucher sur des accords qui rendent
possible l’allocation du microcrédit à l’emprunteur individuel.
4. Recommandation, aval et logiques d’échange
Il est normal de soutenir que les relations entre les emprunteurs et les agents de crédit
d’une part et entre les emprunteurs et les recommandeurs et avaliseurs d’autre part sont
codifiés en reconnaissance des statuts des uns par rapport aux autres, de sorte qu'un rapport de
hiérarchie donc d'influence s'instaure entre eux. Ce rapport d'influence dépend des attentes de
chacun et traduit les logiques d’échange qu’il déploie dans sa relation et ses rapports avec les
autres, (Grabher, 2002). En analysant les trois principales relations en vigueur pour le contrat
de dette de microcrédit individuel dans les IMF ouest-africaines, c’est-à-dire la relation de
50
service entre l’emprunteur et l’agent de crédit, la relation d’aval entre l’emprunteur et
l’avaliseur et la relation de recommandation (ou parrainage) entre l’emprunteur et le
recommandeur, nous pouvons relever les trois logiques d'échange suivantes, définies par
Kamalan (2010) : la logique de lien de clientèle, la logique de gestion administrée et la
logique de place de marché. La logique de lien de clientèle consiste à poser des actes de
reconnaissance ou de gratitude envers un bienfaiteur ou à s'abstenir d'actes susceptibles
d’occasionner des dommages pour un bienfaiteur ou une personne à qui on reconnaît ou
attribue une certaine autorité. Quant à la logique de place de marché, elle consiste à
rechercher, à satisfaire et à maximiser des intérêts individuels dans le cadre d’un échange
marchand eu égard à la place dominante de donneur d’ordre. Enfin, la logique de gestion
administrée est une logique de délocalisation de coût consistant à attribuer à autrui le coût
d'une action qu'on devrait accomplir soi-même et d'en espérer les avantages en retour.
Dans la relation de service, l'agent de crédit poursuit toujours la maximisation de ses
intérêts et la délocalisation des coûts de gestion du crédit sur l’emprunteur. En revanche,
l’emprunteur poursuit un objectif de reconnaissance et de gratitude vis-à-vis de l'agent de
crédit (son bienfaiteur) ainsi que la préservation ou la maximisation de ses propres avantages.
Il y a donc là, trois logiques d'échange différentes : les logiques de place de marché et de
gestion administrée pour l’agent de crédit ; et les logiques de place de marché et de lien de
clientèle pour l’emprunteur.
Dans la relation d’aval, l’emprunteur est toujours dans une position de gratitude envers
son avaliseur. Mais, des comportements de l’emprunteur montrent aussi que ce dernier peut
attribuer le coût de son accession au crédit à son avaliseur. Par exemple, lorsqu'il a été
avalisé, l’emprunteur ne mesure pas l'importance de la garantie proposée par son avaliseur.
Ce constat a été fait lors de nos enquêtes au Bénin dans l’institution PADME. La question
suivante a été posée aux clients : « que pensez-vous de la valeur de la garantie que votre IMF
a exigée par rapport au montant du crédit qui vous a été accordé ? » Les réponses attendues
étaient : soit, la garantie est acceptable et équivalente au montant du crédit reçu ; soit, elle est
trop importante par rapport au montant du crédit reçu ; soit enfin, elle est inférieure au
montant reçu. Nous avons noté une différence importante selon que les clients sont avalisés
ou non. Parmi les clients qui jugent que la garantie est acceptable, 83% sont avalisés. Mais,
parmi les clients qui estiment que la garantie est trop importante par rapport au crédit reçu,
52% sont avalisés. Lorsqu'on examine les clients avalisés, 66% trouvent acceptable la
garantie de leur avaliseur contre 34% qui la jugent trop importante par rapport au crédit reçu.
Or, lorsqu'on examine les clients qui ne sont pas avalisés par des tiers, c'est-à-dire ceux qui
51
apportent leur propre bien en garantie de leur dette, il y a 70% de ces derniers qui jugent que
leur bien mis en gage est trop important par rapport au crédit reçu. Cela montre que les
emprunteurs qui sont avalisés ne mesurent pas à sa juste valeur la garantie contre laquelle ils
ont obtenu leur crédit. Ainsi, on ne doit pas exclure l'idée que des emprunteurs avalisés
puissent songer à éponger leurs dettes grâce aux garanties de leurs avaliseurs en cas de
défaillance. C’est une logique de gestion administrée. Parallèlement, l'avaliseur applique une
logique de place de marché lorsqu'il attend un retour sur investissement de sa relation d’aval.
Par exemple, on a remarqué lors de l’enquête au Bénin que lorsqu'un époux avalise son
épouse qui accède ainsi au microcrédit individuel, souvent l’époux n'offre plus l'argent de la
popote familiale en avançant l'argument que la femme a désormais les moyens de payer sa
popote quotidienne. Egalement, l'avaliseur applique une logique de gestion administrée
lorsqu'il argumente qu'en aidant l’emprunteur pour accéder au microcrédit, il s'aide lui-même
car généralement, l’emprunteur à avaliser est sous la responsabilité financière de l'avaliseur.
Le cas le plus fréquent est celui de l'épouse et l’époux. Sont fréquents aussi les cas où des
femmes emprunteuses sont avalisées par des hommes de leur patrilignage.
Enfin, dans la relation de recommandation (ou parrainage), l'emprunteur est dans une
position de gratitude envers le recommandeur. En même temps, l’emprunteur peut espérer
que le recommandeur l'aidera à payer sa dette même si celui-ci n’est pas contractuellement
engagé pour cela. Ainsi, l’emprunteur peut attribuer la charge de la dette au recommandeur.
C’est une logique de gestion administrée. Mais le recommandeur n'est pas tenu de payer, sauf
s’il est lui-même un emprunteur. Car, si le recommandeur est un emprunteur, son acte de
recommandation peut être également un signal à l’endroit de l'agent de crédit pour signifier
qu'il est solvable et qu'il est responsable de la solvabilité d'un autre emprunteur qu'il a
recommandé. Par ce fait, il espère bénéficier de traitement de faveur et autres avantages
auprès de l'agent de crédit. De cette manière, le recommandeur manœuvre pour ses propres
intérêts. Il applique une logique de place de marché, doublé d’une logique de gestion
administrée. Car, étant emprunteur, le recommandeur peut aussi appliquer le raisonnement
consistant à attribuer la charge de son propre crédit à l’emprunteur (son filleul) qu'il a
recommandé. En effet, il arrive que par gratitude, des emprunteurs qui sont recommandés
payent une ou plusieurs échéances de leurs recommandeurs (parrains) qui sont eux-mêmes
des emprunteurs.
D’autre part, les données de l'enquête réalisée au Bénin montrent que durant leurs
divers rapports, agents de crédits, recommandeurs, avaliseurs et emprunteurs utilisent des
ressorts d’une ou plusieurs logiques d’échange pour faire évoluer le comportement des
52
coéchangistes, chacun en sa faveur. Par exemple, l'agent de crédit utilise des procédés de la
logique de lien de clientèle que sont : l'autorité, l'influence et l'attachement pour maximiser
ses propres gains sachant que l’emprunteur le considère, à tort ou à raison comme un patron
c'est-à-dire un bienfaiteur envers qui, l’emprunteur a une obligation de respect et de gratitude.
Par exemple, 546 personnes interrogées (soit 97,5%) estiment qu'elles seraient peinées de
causer un souci à leur agent de crédit (ce bienfaiteur) ou à un avaliseur ou un recommandeur.
Il s'agit là de la logique de lien de clientèle que l'agent intègre dans son raisonnement de
maximisation de gains. De même, lors de ses échanges avec les emprunteurs, les avaliseurs et
les recommandeurs, le discours de l'agent de crédit reste fortement basé sur les ordres de
valeurs qu'il mobilise à son avantage. Il utilise par exemple le risque de l’affichage du statut
de client défaillant et le sentiment de la honte résultant qu'il présente comme un revers de la
valeur considération et du souci de l'honorabilité. Il mobilise également la valeur de la
compétence et de la réussite comme des procédés d’incitation rationnelle qui n’entrainent
pour lui aucun coût. De plus, l’agent de crédit utilise d’autres procédés de la logique de
gestion administrée pour faire évoluer ses avantages personnels auprès des clients. Par
exemple, dans les portefeuilles de plusieurs agents de crédits, on a constaté une nette
préférence pour les emprunteurs de sexe féminin qui sont en nombre plus élevé
comparativement aux hommes. Or, ces derniers sont raisonnablement plus outillés pour
obtenir des crédits puisque les hommes bénéficient du droit foncier coutumier qui leur octroie
plus de parcelles de terre comparativement aux femmes. Et que par ailleurs, les parcelles de
terre représentent les principales garanties offertes en contrepartie des crédits au Bénin,
(Kamalan, 2008). Cependant, la prédominance des femmes dans les portefeuilles de crédits ne
devrait pas être interprétée de manière systématique comme un acte fortuit ou de générosité
ou encore le fait d’une stratégie sociale visant à faire accéder les femmes aux crédits. Elle
résulte d’un choix mercantile et délibéré qui consiste à privilégier les emprunteurs qui sont
recommandés et/ou avalisés par des tiers. Car, les agents de crédit ont plus de pouvoir de
manœuvre à travers différentes logiques d’échange pour influencer les comportements de
respect des échéances de remboursement de ces emprunteurs particuliers qui sont
recommandés et ou avalisés par des tiers.
Afin de tester les propositions théoriques énoncées dans cet article, nous avons
considéré les résultats de l’échantillon d'enquête et la base des données de la clientèle du
PADME pour montrer si dans cette institution, nous pouvions distinguer le comportement de
respect des échéances des clients en considérant leurs relations de recommandation et ou
d’aval. Par rapport à l’échantillon d'enquête, nous avons présenté les réponses des clients
53
interrogés suite à la question suivante : « avez-vous déjà été au moins une fois en retard ? ».
Les réponses attendues étaient oui ou non. Ceux qui n'ont jamais été en retard, c'est-à-dire
ceux qui ont répondu « non » constituent la catégorie des clients qui respectent les échéances.
Les réponses sont fournies indépendamment de l’ancienneté. D’autre part, la base des
données fournit de manière automatique l’information concernant le retard à une échéance
pour chaque client qui ne paye pas l’échéance concernée dans le délai préétabli. Ainsi, la base
des données propose le nombre de retards cumulés et fournit un taux de respect des échéances
pour chaque client à chaque instant, quelle que soit son ancienneté. Nous pouvions alors
différencier des groupes ou catégories de clients selon leur taux de respect des échéances à
partir d’un test de comparaison des moyennes par échantillons indépendants, (Tuffery, 2010).
Nous observons le comportement de respect des échéances des clients enquêtés. Puis, nous
vérifions ce comportement dans la base des données de la clientèle à partir de la clé
d’indexation (le numéro de client) qui permet de retrouver dans la base des données chaque
client enquêté.
Une étude préliminaire des résultats de l’échantillon d'enquête et la base des données de
la clientèle a ainsi été faite. Parmi les femmes interrogées, 41,7% ont soutenu n'avoir jamais
été en retard. Ce chiffre est de 44,7% chez les hommes interrogés. En supposant vraies les
réponses données par les clients, on est forcé de retenir que les hommes respecteraient
légèrement mieux les échéances par rapport aux femmes. Néanmoins, l'écart est faible.
Partant de ces observations, nous avons formulé l’hypothèse selon laquelle les hommes ont
en moyenne un taux de respect des échéances supérieur aux femmes. Un test de comparaison
des moyennes est réalisé avec la base des données de la clientèle. Il confirme l’inégalité des
moyennes observée dans l’échantillon entre les clients de sexe masculin et ceux de sexe
féminin. Il y a bien un écart significatif de comportement vis-à-vis du respect des échéances
chez les clients selon le genre. Et les clients masculins sont en moyenne plus respectueux des
échéances par rapport aux clients féminins.
Nous avons conduit la même démarche avec les variables recommandation et aval. Les
conclusions sont similaires à celle obtenue avec la variable genre. D’une part, l’échantillon
montre une inégalité des moyennes entre les clients qui sont recommandés et ceux qui ne sont
pas recommandés et entre les clients qui sont avalisés et ceux qui ne sont pas avalisés. D’autre
part, les tests de comparaison des moyennes réalisés avec la base des données confirment
l’inégalité des moyennes observée dans l’échantillon et attestent que les clients qui sont
recommandés et ceux qui sont avalisés sont en moyenne plus respectueux des échéances par
rapport aux clients qui ne sont pas recommandés et ceux qui ne sont pas avalisés. De plus,
54
nous avons croisé les réponses des clients qui sont recommandés ou non avec les réponses des
clients qui sont avalisés ou non. Nous avons alors obtenu plusieurs distinctions pour comparer
les clients qui n'ont jamais été en retard et ceux qui ont été au moins une fois en retard. Enfin,
nous avons abouti à une classification des comportements de respect des échéances de crédit
par catégories de clients selon leurs relations de recommandation et d’aval.
Cette brève et préliminaire étude nous permet néanmoins de formuler les remarques suivantes.
D’abord, nous ne pouvons pas tenir les relations de recommandation et d’aval pour
négligeables dans l’étude des comportements de respect des échéances de crédits. Ensuite,
nous devons prendre en compte que ces relations de recommandation et d’aval entraînent une
différenciation significative des comportements de respect des échéances par catégories de
clients. Enfin, en conséquence, nous devons considérer que les relations de recommandation
et d’aval produisent des effets réels sur le comportement de respect des échéances chez les
clients Ces effets devraient faire l’objet d’analyses statistiques et économétriques plus
approfondies.
Conclusion
Cet article consacré aux relations de recommandation et d’aval des emprunteurs
individuels de microcrédits a montré l’apport analytique de ces relations en tant que matière
de justification des processus relationnels et des logiques d’échanges dans les contrats de dette
de crédits. Les relations de recommandation et d’aval peuvent ouvrir une dialectique avec la
notion de grandeur. Elles sont à la fois des sources des conflits et des matières de
compromissions ou d’accords permettant l'hybridation de différentes logiques d'échange et
rendant possible l’allocation du microcrédit individuel dans les institutions de microfinance
ouest-africaine. De plus, elles pourraient déterminer significativement les comportements de
remboursement à l’échéance des dettes de crédits.
55
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57
L’impact de la politique monétaire et fiscale sur le PIB des pays de la zone UEMOA :
une application de l’équation de Saint-Louis.
Yao Séraphin PRAO
Université Alassane OUATTARA, Bouaké (République de Côte d’Ivoire)
Résumé
La politique fiscale est formée par les décisions des pouvoirs publics dans le domaine de la
fiscalité. Elle contribue à financer les dépenses publiques, à redistribuer les revenus et peut
selon la conjoncture économique avoir pour volet la relance de la consommation et de la
croissance. La politique monétaire est le fait de l'autorité monétaire et ses objectifs sont à la
fois la stabilité des prix et la stimulation de l'activité économique. L’objectif de cette étude est
d’analyser l’importance relative de la politique monétaire et fiscale dans les variations du PIB
des pays de l’Union Economique Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). Pour ce faire, nous
utilisons la masse monétaire M2 et les recettes fiscales comme des proxys de la politique
monétaire et fiscale. Le PIB par habitant est utilisé comme un indicateur de richesse des pays.
Pour évaluer l’impact relatif des deux politiques, nous utilisons l’équation de Saint-Louis
(Anderson et Jordan (1968). Nous avons effectué des estimations pour chaque pays (séries
chronologiques) et des estimations en données de panel. Les résultats empiriques indiquent
que la politique monétaire et la politique fiscale ont un impact significatif sur la croissance du
PIB dans la zone UEMOA. Le résultat majeur de cette étude est que la politique monétaire
impacte plus la croissance du PIB que la politique fiscale.
Mots clés : UEMOA, Politique Monétaire, Politique Fiscale, Equation de Saint-Louis
JEL classification : E52, E62, C01
REVUE INTERNATIONALE DE GESTION ET D’ECONOMIE SERIE B - ECONOMIE / NUMERO 1 - VOLUME 1 - Décembre 2016 / pp. 57-93.
58
Abstract
Tax policy is formed by the decisions of public authorities in the field of taxation. It helps to
finance public spending, to redistribute income and can depending on economic conditions
have shutter to the revival of consumption and growth. Monetary policy is the result of the
monetary authority and its objectives are both price stability and stimulating economic
activity. The objective of this study is to analyze the relative importance of monetary and
fiscal policy changes in GDP of West African Economic and Monetary Union countries. To
do this, we use the M2 money supply and tax revenues as a proxy of monetary and fiscal
policy. GDP per capita is used as one of the countries wealth indicator. To assess the relative
impact of two policies, we use the equation of St. Louis (Anderson and Jordan (1968). We
have made estimates for each country (time series) and estimates in panel data. The empirical
results indicate that monetary policy and fiscal policy have a significant impact on GDP
growth in the WAEMU zone. the major result of this study is that monetary policy impacts
more GDP growth than tax policy.
Keyword: WAEMU, Monetary Policy, Fiscal Policy, Saint-Louis Equation
JEL classification : E52, E62, C01
59
Introduction
Il est admis que l’objectif principal des macro-économistes et des décideurs est l’atteinte de la
stabilité macroéconomique (Adams, 1992). Mais le but ultime de toute politique économique
est de maximiser le bien-être de la population. Les deux politiques économiques les plus
souvent utilisés pour la stabilisation économique sont les politiques monétaires et budgétaires
dont les principaux outils sont respectivement l’offre de monnaie et les dépenses
gouvernementales (Asogu, 1998).
La politique fiscale est formée par les décisions des pouvoirs publics dans le domaine de la
fiscalité. Elle contribue à financer les dépenses publiques, à redistribuer les revenus et peut
selon la conjoncture économique avoir pour volet la relance de la consommation et de la
croissance. Mais la politique budgétaire peut avoir des effets pervers. Par exemple, un
financement du déficit budgétaire financé par emprunts peut créer un effet d’éviction. S’il est
financé par création monétaire, il peut engendrer de l’inflation.
Quant à la politique monétaire, elle est du ressort de l'autorité monétaire et ses objectifs sont à
la fois la stabilité des prix et la stimulation de l'activité économique. Un des principaux
instruments de contrôle de la politique monétaire consiste à faire varier les taux d'intérêt.
Cependant, dans la sphère réelle, il est possible que les effets de la politique monétaire soient
relativement faibles par rapport à la politique budgétaire mais elle présente l’avantage d’être
facilement mise en œuvre et à de faible coût.
Si les objectifs assignés à chaque politique semblent trouver un accord large, la question de
leur efficacité relative est très discutée. A l'époque de la Grande Dépression, un large
consensus s’est fait sur l’efficacité de la politique budgétaire à stimuler l'activité économique.
La théorie générale de Keynes (1936) constitue un premier fondement théorique qui sera
prolongé par de remarquables travaux tels que De Leeuwet al. (1968, 1969), Schmidt et Waud
(1973), Blinder et Solow (1974). Mais à partir de la fin des années soixante, comme l'a noté
Gramlich (1971), l'échec des politiques budgétaires a engendré un regain d’intérêt pour les
politiques monétaires comme ayant plus d’effet sur la demande globale. De nombreuses
contributions ont cherché à analyser la sensibilité relative des politiques fiscales et
budgétaires sur l’activité à partir d’un type d’équation désignée par « équation de saint
louis ». Il s’agit d’effectuer une régression où la production est une fonction de la masse
monétaire (Andersen et Jordan, 1968). Ces dernières années, le débat sur l'efficacité
60
comparative des mesures de politique monétaire et budgétaire comme outil déstabilisation
économique, a connu un regain d’intérêt avec de nombreuses études.
Une première catégorie d’économistes estiment que les dépenses publiques peuvent avoir des
effets vertueux à long terme sur l’économie, surtout lorsqu’elles sont utilisées pour financer
les infrastructures publiques, la recherche et le développement, l’éducation et la santé (Barro,
1990 ; Lucas, 1988 ; Romer, 1990).
Une deuxième catégorie constituée par les auteurs comme (Alesina et Ardagna, 1998 ; Perotti,
1998 ; Giavazzi et al. 2000) insistent sur le fait que les déficits budgétaires occasionnés par
une politique budgétaire expansionniste, peuvent impacter négativement la croissance à
travers ses effets pervers sur les taux d’intérêt. Déjà Barro (1974) mettait en avant l’hypothèse
de neutralité de la politique budgétaire en attribuant aux agents privés une capacité
d’anticipations des actions de l’Etat.
Une troisième catégorie soutient l’idée qu’une politique budgétaire restrictive pourrait même
avoir des effets positifs (Giavazzi et Pagano, 1990). Pour ces auteurs, la baisse des dépenses
publiques induit une anticipation de baisse des impôts qui augmente le revenu anticipé des
ménages. La demande privée augmente d’autant plus que les agents sont ricardiens et si la
baisse des dépenses publiques est perçue comme permanente.
Les pays de la zone UEMOA sont en union monétaire, déléguant ainsi la politique monétaire
à une banque centrale supranationale. En effet, la politique monétaire de la Banque Centrale
des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) consiste à réguler l’évolution de la masse
monétaire en fonction d’objectifs tels que la stabilité des prix ou la relance de l’activité
économique. Par exemple, la réduction de 1% du taux d’inflation dans l’ensemble de l’Union
exige une baisse cumulée de 0,6% du taux de croissance de la zone (Dramani et Thiam,
2012). La conduite de la politique monétaire est donc essentielle pour le développement
économique et social des pays membres. Mener une telle étude se présente comme une
nécessité et un enjeu majeur pour les pays de l’Union.
En ce qui concerne, la zone UEMOA, peu d’études ont analysé la réactivité des politiques
macroéconomiques aux chocs et la sensibilité de ces politiques à l’activité économique.
Concernant la réactivité des politiques macroéconomiques aux chocs, on peut citer l’étude
Ndiaye et Konte (2012) qui indiquent que la politique monétaire est la première à réagir face
aux retournements de conjoncture subordonnés aux chocs. Quant à la sensibilité relative des
61
politiques monétaire et budgétaire dans l’Union, le débat prend une allure de coordination
entre les politiques budgétaires nationales et la politique monétaire commune.
L’objectif de cet article n’est pas d’analyser la coordination des politiques budgétaire et
monétaire au sein des pays de l’UEMOA. La littérature économique identifie
traditionnellement deux grandes raisons d’être pour la coordination des politiques
économiques. La première vise à fournir les biens publics qu’une action décentralisée sera en
général incapable de produire (Collignon Stefan, 2002 ; Pisani-Ferry Jacquet, 2000). La
stabilité financière fait partie des biens publics à préserver, ce qui justifie, sinon la
coordination des politiques budgétaires, du moins leur surveillance et la lutte contre
l’indiscipline budgétaire. La seconde raison a pour objet d’exploiter l’interdépendance entre
pays, en prenant en compte les effets externes des différents instruments de la politique
économique, ce qui implique de concevoir les politiques économiques nationales de façon
coopérative même lorsque les buts poursuivis sont avant tout nationaux. Ces effets négatifs
pouvant passer par le marché des capitaux, le pacte de stabilité, de croissance et de solidarité
s’est essentiellement concentré sur cet effet de transmission négatif et en attiré l’argument
qu’il fallait introduire des normes de déficit (Ary Tanimoune N. et Plane P., 2005).
Justement, les pays de l’Union ont adopté, en 1999, un pacte de convergence, de stabilité, de
croissance et de solidarité. Malgré les efforts et les progrès enregistrés, le taux de croissance
de l’activité réelle dans la zone ne dépasse pas les 7% requis pour la réalisation des Objectifs
du Millénaire pour le Développement (OMD). La faiblesse du taux d’évolution de l’activité
réelle et sa variabilité commande qu’on s’interroge sur la sensibilité relative des politiques
monétaire et budgétaire à l’activité économique.
Finalement les questions centrales de cette réflexion peuvent se formuler ainsi : nous savons
que dans une union monétaire, les politiques budgétaires sont nécessaires pour assurer la
stabilisation de l’activité à court terme, face à des chocs spécifiques auxquels ne peut
répondre la politique monétaire. Il est donc possible de s’interroger sur l’efficacité relative de
ces deux politiques, en termes d’accroissement de la production. Les dépenses
gouvernementales ont–elles plus d’impact sur la production que les impulsions monétaires ?
Si tel est le cas, alors il restera aux Etats membres la seule possibilité qui consiste à procéder à
des changements dans la structure des impôts, des taxes et des dépenses publiques pour
influencer l’activité économique.
62
L’objectif principal de cette étude est d’analyser la sensibilité relative de l’évolution de
l’activité réelle aux modifications des politiques monétaires et budgétaires. Il ne s’agit pas
pour nous d’affirmer un poids en faveur des théories monétaires plutôt que réelles des
fluctuations.
Contrairement aux études antérieures portant sur les pays de l’Union, la présente approche
possède deux caractéristiques particulières. Premièrement, les données utilisées dans cette
étude sont plus récentes et couvrent une période beaucoup plus longue, permettant ainsi
d’avoir plus de degrés de liberté. Cela permet d'estimer des paramètres plus efficaces.
Deuxièmement, la variable dépendante est un indicateur du niveau de vie des populations là
où les études antérieures se contentaient d’utiliser le taux de croissance. L’apport consiste à
apprécier l'effet réel des actions politiques sur le bien-être des populations. Troisièmement,
l’étude porte sur les données de panel, prenant ainsi en compte les différences entre les pays.
L’organisation de cette étude est la suivante. La première section est consacrée à la revue de
littérature. Dans la seconde section, nous présentons les faits stylisés portant sur la politique
monétaire et fiscale en Zone UEMOA. La troisième section est réservée à la spécification du
modèle, la méthodologie et les estimations empiriques. La quatrième porte sur les estimations,
les résultats empiriques et leurs interprétations économiques. Enfin, nous présenterons les
conclusions et recommandations dans un dernier temps.
1. La revue de littérature
La revue de la littérature économique fait ressortir, non seulement au plan théorique mais
aussi au niveau empirique, un débat sur l’efficacité relative de ces deux politiques, entant
qu’instrument de régulation de l’activité économique.
1.1. Au plan théorique
Les avis relatifs à l’efficacité de la politique monétaire et budgétaire divergent parmi les
économistes. En dehors des contributions du courant des anticipations rationnelles et des
théories de la croissance endogène se retrouvent, au cœur du débat, les économistes
keynésiens et les monétaristes.
63
Pour Keynes (1936), l’existence des chocs aléatoires éloignant l’économie de l’équilibre
entraîne l’instabilité des comportements privés. Dans ce cas, l’Etat doit remédier aux
fluctuations de la demande agrégée dues à l’insuffisance de la demande globale au sein de
l’économie. Dans cette logique, les politiques monétaire et budgétaire ont une fonction de
stabilisation macroéconomique face à des chocs aléatoires.
Pour Friedman et Meiselman (1963), la consommation est corrélée aux variations des
variables monétaires mais pas aux variables fiscales, concluant ainsi que la politique
monétaire exerce un impact plus significatif que la politique fiscale. Ce point de vue n’est pas
partagé par Blanchard et Perotti (1999), pour qui, la politique fiscale affecte la production.
Refusant l’hypothèse d’anticipations adaptatives de Milton Friedman, la théorie des
anticipations rationnelles (Muth, 1961 ; Robert Lucas, 1976), développée aux Etats-Unis à
partir des années 1970, postule qu’aucune politique économique (budgétaire et monétaire)
n’est en mesure d’affecter efficacement l’activité économique, à moins qu’elle ne contienne
un effet de surprise. De façon similaire, selon Barro (1974), une politique budgétaire financée
par emprunt est inefficace si les agents économiques sont rationnels. En effet, comme les
ménages sont rationnels, ils réalisent parfaitement que le recours courant à l'emprunt est
synonyme d'une imposition différée dans le temps, qui sera prise en charge par les générations
futures. Dès lors, au lieu de consommer, comme espéré par le gouvernement, ils préfèrent
épargner en prévision des hausses d'impôts futurs déprimant ainsi la demande globale.
Récemment, Weil David N (2008) puis Arestis (2011) ont montré que la politique fiscale
continue d’être un outil important pour la stabilisation de l’économie. Par exemple, le niveau
des dépenses publiques et sa structure ou sa composition peuvent être considérés comme des
instruments. De même le niveau d’imposition, la structure de taxation, les dépenses fiscales et
les incitations fiscales sont également des instruments. Dans la pratique, selon Tanzi, V.
(2008), les pays scandinaves s’appuient davantage sur les niveaux et les structures tandis que
les pays anglo-saxons ont opté pour les dépenses fiscales et les pays en développement pour
les incitations fiscales.
1.2. Au plan économétrique
Plusieurs auteurs ont examiné la sensibilité relative des politiques budgétaire et monétaire à la
croissance économique tant dans les pays développés que sous-développés. Les premiers
travaux concernant les pays développés ont mis en exergue la supériorité de la politique
64
monétaire sur la politique budgétaire comme instrument de stimulation de croissance. Par
exemple, Andersen et Jordan (1968) et Carlson (1978) arrivent à la conclusion que la
politique monétaire influence plus l’activité que la politique budgétaire aux États-Unis. En
plus elle est un meilleur outil de prévision de la demande globale. La nouveauté de l’étude
d’Andersen et Jordan, c’est qu’elle introduit une dimension dynamique dans le débat à travers
la distinction entre les effets de court terme et de long terme. Les auteurs reconnaissent l’effet
positif de la politique budgétaire sur la production à court terme, mais ils lui dénient tout rôle
à long terme. Le résultat fondamental qui se dégage est que l’impact de la politique monétaire
est plus important, plus rapide et plus prévisible que celui de la politique budgétaire. En
utilisant un VAR semi-structurel, Bernanke et Mihov (1998) évaluent les effets des chocs de
politique monétaire sur l’activité économique. Ils aboutissent à la conclusion que le taux
d’intérêt du marché interbancaire est un meilleur indicateur de la politique monétaire.
En dehors des États-Unis, certains auteurs, utilisant pour la plupart l’équation de St. Louis,
sont parvenus à des résultats mitigés (Keran, 1970 ; Chowdhury, 1988 ; Batten et Hafer
(1983)). Les résultats de Keran (1970), concernant huit pays industrialisés, ont montré que les
effets de la politique budgétaire étaient beaucoup plus significatifs que ceux de la politique
monétaire. A rebours, l’étude de Batten et Hafer (1983), portant sur six pays industrialisés
(Allemagne, Canada, États-Unis, France, Japon et Royaume-Uni), aboutit à la conclusion que
la politique monétaire avait un effet significatif dans tous les pays étudiés, alors que
l’influence budgétaire n’était significative qu’en France et aux Royaume-Uni. En France,
Bruneau et De Bandt (1998) examinent l’impact de la politique monétaire sur l’activité à
l’aide d’un VAR structurel. Ils concluent qu’un choc monétaire restrictif entraine une baisse
du produit réel. Bernard Eric (2000) s’intéresse également à la question en suivant une
approche en données de panel. Ses résultats restent toutefois mitigés vu qu’il reste vague sur
l’impact des variables monétaires sur la croissance économique.
Dans une récente étude, Senb et (2011) récuse le modèle habituel utilisé pour tester la
sensibilité relative de ces deux politiques. Pour l’auteur, il est possible de postuler l’existence
d’une endogéneïté entre ces deux politiques et l’activité économique. Toutefois, les résultats
de l’étude indiquent que la politique monétaire affecte plus l’activité économique que la
politique budgétaire.
A l’instar des pays développés, les résultats empiriques concernant les pays en développement
sur la sensibilité relative des politiques monétaires et budgétaire à l’activité économique,
restent mitigés. Les études de Jayaraman (2002) pour les pays insulaires du Pacifique Sud,
65
Masood et Ahmed(1980) pour le Pakistan, Saqib et Yesmin (1987) pour le Pakistan retiennent
la politique monétaire comme ayant plus d’impact sur l’activité économique. D'autres études,
tels que Hussain(1982) pour le Pakistan, et Darrat(1984) pour cinq pays d'Amérique latine
concluent que la politique fiscale a plus d’effet sur la production réelle que la politique
monétaire.
Des études récentes, Shahid et al. (2008), confirme la supériorité de la politique monétaire sur
la politique fiscal comme outil de stabilisation de l’économie dans les pays d’Asie du Sud.
Les conclusions de Simorangkir et Adamanti (2010) sont favorables à une combinaison des
deux politiques pour stimuler la croissance en Indonésie. Mahmood et Sial (2011) arrivent
aux mêmes résultats pour le Pakistan.
En Afrique, en dépit de l’indigence de données, quelques études existent tout de même. Les
études de Bynoe (1994), sur la période 1965-1990 indiquent que les deux politiques ont des
effets significatifs sur les variations de l’activité dans cinq pays africains (Ghana, Kenya,
Nigeria, Sierra-Leone et Tanzanie). Anna (2012) et Munongo (2012) arrivent à des
conclusions contradictoires dans le cas du Zimbabwe. La première étude est favorable à la
politique monétaire tandis que la seconde l’est en faveur de la politique budgétaire.
Dans le cas du Nigeria, les études ne manquent pas. Adefeso et Mobolaji (2010) puis
Olanipekun et Ayodele (2015) trouvent que la politique monétaire affecte beaucoup plus
l’activité que la politique budgétaire. Pour Medee et Nenbee (2011), c’est plutôt la politique
budgétaire qui a plus d’effet sur l’activité économique. Ogege et Shiro (2012) et Sanni et al.
(2012) concluent que les deux politiques contribuent fortement à la stabilisation de
l’économie au Nigeria.
Dans le cas des pays de l’UEMOA, Koné Solomane (2000), a analysé l’efficacité relative des
politiques monétaire et budgétaire sur l’activité économique des pays, à l’exception de la
Guinée-Bissau. A l’aide d’un modèle à correction d’erreur, il arrive à la conclusion que les
politiques monétaire et budgétaire influenceraient positivement le PIB nominal et réel au sein
de ces pays. Cependant, leurs effets diffèrent en termes d’ampleur et de temps de réaction
d’un pays à l’autre. En complément, Nubukpo(2002) ajoute qu’une bonne transmission des
taux d’intérêt directeurs demeure une condition nécessaire pour que la politique monétaire de
l’UEMOA ait des répercussions positives sur l’activité économique.
Pour Patrick Plane, Jean-Louis Combe et Nasser Ary Tanimoune (2008), l’impact de la
66
politique budgétaire sur l’activité exhibe l’existence d’un effet de seuil de l’effort budgétaire
sur l’output gap, impact conditionnel au taux d’endettement public.
Pour conclure sur la revue de la littérature économétrique, il ressort que de façon générale, la
politique monétaire à beaucoup plus d’effet sur l’activité que la politique budgétaire dans les
pays développés. Concernant les pays en développement, les contributions sont en faveur
d’un policy-mix.
L’utilisation de l’équation de Saint-Louis pour analyser l’efficacité relative de ces deux
politiques, repose tout de même, sur des hypothèses relativement fortes. En premier lieu, les
variables de droite dans cette équation sont supposées exogènes. Si cela n’est pas vérifier
alors, il est possible de relever un biais au niveau des coefficients. En second lieu, cette
spécification suppose que les politiques budgétaire et monétaire sont indépendantes. En effet
des études ont montré que le taux d’inflation sur longue période était négativement corrélé au
degré d’indépendance de la banque centrale dans les pays développés (Alesina et Summers,
1993). Mais Sargent et Wallace (1981) avait mis en exergue la possibilité d’une arithmétique
monétaire déplaisante en cas d’indépendance entre ces deux politiques. Pour ces auteurs, il
existe un lien à long terme entre la soutenabilité de la politique budgétaire et la crédibilité de
la politique monétaire. Autrement dit, entre une banque centrale rigoureuse et une autorité
budgétaire laxiste, l’une des deux doit, in fine, céder.
Dans cette étude, nous raisonnons dans le cadre habituel de séparation entre les deux
politiques. Barro et Gordon (1983) ont mis en avant les avantages de cette indépendance du
point de vue de la crédibilité de la politique anti-inflationniste. L’analyse de l’interdépendance
entre ces deux politiques sur l’activité économique pourra faire l’objet d’étude ultérieure.
Cette présente étude se proposant d’enrichir la littérature sur les contributions des deux
politiques sur l’activité économique des pays de l’UEMOA.
2. Les faits stylisés portant sur la politique monétaire et fiscale en Zone UEMOA
2.1.Les performances économiques
Les économies de l’Union ont été marquées au cours de ces dernières années par une
croissance faible et volatile. Sur les dix dernières années (2002-2011), le taux de croissance
de l’Union est ressorti à 2,9% avec un écart-type de 1,4 point. Le taux de croissance du PIB
réel de l’UEMOA est passé de 0,5% en 1992 à 6,5% en 1996 puis 1% en 2002 pour se situer
67
à 4,2% en 2008 (BCEAO, 2013). Ce taux était de 3,0% en 2009 ; 4,4% en 2010 ; 0,6% en
2011 et 6,8% en 2014. Comme l’indiquent ces chiffres, le taux de croissance des pays de
l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) est demeuré faible et
largement en deçà du taux minimum de 7 % requis pour réduire la pauvreté. Cette situation
est imputable à la fragilité des moteurs de la croissance, en raison d’une faible diversification
de la base productive, ce qui rend ces économies vulnérables aux chocs exogènes et aux aléas
climatiques.
Le graphique 1 indique bien que le taux de croissance du PIB réel de la zone UEMOA a
connu une évolution en dents de scie. Cette incapacité des économies de l’Union à maintenir
une croissance continue peut s’expliquer en partie par la forte dépendance des économies à
l’extérieur.
Graphique 1 : Évolution du taux de croissance réel du PIB de 1999 à 2013
Source : Auteur à partir des données de la BCEAO
Si depuis 1994, on note une nette amélioration de l’activité économique au sein de
l’UEMOA, il existe une certaine hétérogénéité des situations. Comme l’indique le
tableau 1, le Benin, le Mali, le Burkina Faso et le Sénégal enregistrent de bons résultats
en matière économique. Le Togo et la Côte d’Ivoire n’ont pas été très performants. La
Guinée-Bissau reste le pays aux performances médiocres. Les contre-performances de
la Côte d’Ivoire s’expliquent principalement par la crise militaro-politique qui a frappé
ce pays de 2002 à 2010. En général, l’amélioration de l’activité économique dans
l’Union est liée à la hausse de la demande mondiale entrainant une augmentation des
-1
0
1
2
3
4
5
6
7
1995 2000 2005 2010 2015
Taux de croissance réel du PIB de la zone
UEMOA
Taux de croissance réel duPIB de la zone UEMOA
68
exportations.
Tableau1:Taux de croissance du PIB réel des pays de l’UEMOA par moyenne de 5 ans
Pays 1991-1995 1996-2000 2000-2005 2006-2010
Benin 4.2 5.1 4.1 3.7
Burkina Faso 2.9 5.3 6.2 5.4
Côte d’Ivoire 1.8 3.6 0.0 2.2
Guinée-Bissau 0.0 -1.7 0.1 3.0
Mali 3.0 3.7 6.4 5.0
Niger 0.5 2.5 4.4 5.1
Sénégal 1.9 5.3 5.0 3.4
Togo -0.1 2.8 2.1 3.1
UEMOA 2.0 3.5 3.6 3.9
Source : Les calculs de l’auteur à partir des données de la BCEAO
L’embellie économique n’a pas eu d’impact sur la réduction de la pauvreté au sein des pays
de l’Union. Sur la base des seuils nationaux de pauvreté, et en fonction des années de
déroulement des enquêtes, l'incidence de la pauvreté, c'est-à-dire le nombre de personnes
pauvres, est évaluée à 49,4% en 2010 dans l'Union (BCEAO, 2012).
Une analyse statistique des PIB réel par habitant des pays est consignée dans le tableau 2. Ce
dernier appelle quelques commentaires.
Tableau 2: Évolution du taux de croissance du PIB réel par habitant de 1962 à 2014
Pays Moyenne Maximum Minimum
Benin 0,86 6,95 - 7,18
Cote d’Ivoire 0,37 12,97 - 14,76
Burkina Faso 1,87 7,98 - 4,26
Mali 1,86 18,14 - 9,29
Niger - 0,74 10,25 - 19,32
Sénégal - 0,07 6,07 - 9,25
Togo 0,82 12,31 - 17,11
Source : Les calculs de l’auteur à partir des données de la BCEAO
2.2.La politique fiscale et les reformes structurelles
Les États membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) ont mis
en œuvre pendant plusieurs années des réformes structurelles qui ont permis une amélioration
notable de leur cadre macroéconomique. Les pays de l’Union ont fait des efforts depuis les
programmes d’ajustement structurels (PAS). Ils cherchent constamment à optimiser les
recettes et diversifier les sources de financement. Il est admis que la non coordination des
69
politiques budgétaires en régime de change fixe a des effets négatifs pour l’ensemble des
pays partageant la même monnaie. Sargent et Wallace (1981) ont montré que sans
coordination entre les politiques monétaire et budgétaire, il n’est pas possible d’échapper à
une « arithmétique monétaire déplaisante ». En clair, il y a un lien entre la soutenabilité de
la politique budgétaire et la crédibilité de la politique monétaire. En conséquence, il
apparait judicieux d’imposer des règles aux gouvernements afin de dissuader tout
comportement de passager clandestin. En 1999, les pays de l’Union ont adopté un Pacte de
Convergence, de Stabilité, de Croissance et de Solidarité, qui vise à assurer la viabilité
économique de l’union à travers un exercice de surveillance multilatérale. Entré en vigueur le
21 Décembre 1999, le Pacte comportait un calendrier en deux phases :
- Une phase de convergence, allant du 1er
janvier 2000 au 31 décembre 2002. Cette
phase est caractérisée par une amélioration continue des critères jusqu’au niveau des
normes fixées.
- Une phase de stabilité, devant débuter au 1er
janvier 2003, à partir de laquelle tous les
Etats membres devraient respecter l’ensemble des critères de convergence et
consolider les acquis de la convergence.
Le Pacte impliquait également une hiérarchisation des critères de convergence par
l’identification des critères de premier et de second rang. Le critère relatif au solde
budgétaire est d’une importance capitale, dont le non-respect peut conduire à des sanctions.
Ainsi, l’Etat membre qui ne satisfait pas à l’un des critères de premier rang doit élaborer,
en concertation avec la Commission de l’UEMOA, un programme de mesures
rectificatives dans un délai de trente(30) jours.
Les Tableaux 3 et 4 indiquent les efforts des Etats de l’Union pour assainir les finances
publiques. Dans les pays de l’Union à l’exception de la Guinée-Bissau, les recettes fiscales
n’ont pas fortement augmenté sur la période 1962-2014. Les recettes publiques en UEMOA
n’ont pas connu de hausse significative au cours des vingt dernières années mais ont plutôt
oscillé autour d’un niveau de 17 % du PIB. En 2011, les recettes publiques en UEMOA ont
représenté 17,5 % du PIB, soit un niveau inférieur à celui de la moyenne des pays d’Afrique
subsaharienne, qui est de 27,5 %. Pour autant, les dépenses des Etats (Tableau 3) n’ont
jamais augmenté sur la longue période au-delà du taux de pression fiscale exigé au niveau
communautaire.
70
Tableau 3: Évolution des dépenses de consommation finale des administrations publiques (%
PIB) sur la période 1962 à 2014
Pays Moyenne Maximum Minimum
Benin 12,33 17,56 8,02
Côte d’Ivoire 14,08 18,25 8,87
Burkina Faso 15,86 26,06 4,31
Mali 14,44 18,74 8,95
Niger 12,26 17,47 6,48
Sénégal 15,12 24,75 5,30
Togo 13,96 25,46 8,41
Source : Les calculs de l’auteur à partir des données de la BCEAO.
Tableau 4: Évolution des montants des recettes fiscales (en milliards de FCFA) sur la période
1962 à 2014
Pays Moyenne Maximum Minimum
Benin 152,21 701,2 3,6
Côte d’Ivoire 747,82 2573,33 29,8
Burkina Faso 176,85 992,05 4,9
Mali 212, 27 890,56 6,4
Niger 126,53 833,7 4
Sénégal 389,68 1482,53 31,6
Togo 97,42 458,22 3,1
Source : Les calculs de l’auteur à partir des données de la BCEAO
Sur la période 1962 à 2014, les recettes fiscales ont augmenté en moyenne de 0,11% au
Togo; 0,07% au Sénégal ; 0,11% au Niger ; 0,12% au mali ; 0,10% au Burkina ; 0,09% en
côte d’ivoire ; 0,11% au Benin.
71
Tableau 5 : La mobilisation fiscale dans la zone UEMOA (en % du PIB)
Pays 199
5
199
6
199
7
1998 199
9
2000 2001 200
2
2003 200
4
200
5
Benin 14,3 15,2 14,3 15,5 16,4 17,2 16,2 16,2 16,6 14,6 14,5
Burkina 11,8 12,4 11,7 10,8 11,2 11,1 10,3 11,5 11,8 11,4 11,8
Côte
d’Ivoire
22,1 22,5 22,2 20,2 18,6 18,5 19,6 18,3 16,3 15,2 14,5
Mali 13,5 15 16,5 16,1 17,2 17,5 15,4 16,5 16,9 14,9 15,5
Niger 7,2 7,8 8,4 9 8,8 9,1 9,6 11,8 10,5 11,4 10,7
Sénégal 14,5 15,1 16,3 16,1 17,3 18,1 17,8 18,6 19,3 17,6 18,8
Togo 15,9 16,1 15,3 14,3 14,9 13,3 14 12,2 15,4 15,7 14,6
Moyenne
UEMOA
14 14,2 14,3 13,3
1
14,3 14,2
3
14,1
5
14,2 14,4
5
14 14
Critère de
convergenc
e
Taux de pression fiscale > 17% du PIB : normes 2002
Source : Les calculs de l’auteur à partir des données de la BCEAO.
2.3.La politique monétaire menée au sein de l’Union
La politique monétaire menée au sein des Etats de l’Union est celle édictée par la BCEAO.
Le principal objectif de la BCEAO est la stabilité des prix dans la zone UEMOA, définie par
le respect d’un taux d’inflation annuelle inférieur à 3%. Selon Wade (2015), depuis
l’adoption du principe de surveillance multilatérale au lendemain de la dévaluation, les Etats
de l’Union ont amélioré la maîtrise des valeurs de l’inflation tendancielle qui tournent autour
d’une moyenne annuelle de 1,8% de 1996à 2008, ce qui équivaut à un taux d’inflation
annuelle compatible avec la définition de la BCEAO pour la stabilité des prix. Ces variations
presque régulières du taux d’inflation autour de sa tendance montrent l’attention particulière
accordée par la BCEAO à cet objectif. Après p lus de vingt ans d’expérience, force est de
constater son relatif bon fonctionnement, notamment sa crédibilité en matière de lutte contre
l’inflation. Entre 1981 et 1986 le taux d’inflation des pays de la zone était de 6.3% en
moyenne contre 19.6% dans le reste de l’Afrique subsaharienne. De 1996 à 2002 le taux
d’inflation annuel moyen a été de 2.8% dans la zone UEMOA contre 17% pour l’ensemble
de l’Afrique Subsaharienne sur la même période. Le Tableau 6 indique bien la politique
monétaire restrictive menée au sein de l’Union car les encaisses réelles n’ont pas fortement
augmenté en longue période en dépit des variations saisonnières.
72
Tableau 6 : Évolution du taux de croissance des encaisses réelles sur la période 1962-2014
Pays Moyenne Maximum Minimum
Benin 0,010 0,13 - 0,16
Cote d’Ivoire 0,03 0,58 - 0,12
Burkina Faso 0,05 0,68 - 0,08
Mali 0,03 0,28 - 0,13
Niger 0,04 0,92 - 0,25
Sénégal 0,03 0,14 - 0,08
Togo 0,03 0,27 - 0,12
Source : Les calculs de l’auteur à partir des données de la BCEAO
Depuis lors, les objectifs de la politique monétaire s’inscrivent dans le cadre de ce pacte qui
repose sur un suivi d’indicateurs se rapportant au secteur réel, aux finances publiques, à la
balance des paiements et à la monnaie. Cependant le taux d’inflation annuel ne doit pas
excéder 3% et le ratio de l’encours de la dette extérieure est plafonné à 70% du PIB nominal.
La priorité est accordée à la maîtrise de l’inflation. La faible relation entre inflation et
accroissement de la masse monétaire, observée en zone UEMOA, limite le risque d’un
financement inflationniste.
3. La spécification du modèle, description des variables, sources des données et
méthodologie
3.1.La spécification du modèle
Le modèle économétrique à estimer pour la Zone UEMOA adopte une version modifiée du
modèle de St Louis (modèle Anderson et Jordan (1968)) pour tester l’efficacité de la politique
monétaire et de la politique budgétaire sur l’activité économique.
L’équation de Saint Louis a reçu une attention toute particulière des décideurs politiques, des
chercheurs et des milieux académiques en dépit des critiques sur la méthodologie adoptée et
les variables retenues. Sous sa forme formelle, l’équation de Saint-Louis peut s’écrire comme
suit :
∆𝑌 = 𝑓(∆𝐸, ∆𝑅, ∆𝑀, ∆𝑍) (1)
Où :
𝑌: Le produit intérieur brut
73
𝐸: Une variable reflétant les dépenses gouvernementales
𝑅: Une variable reflétant les recettes fiscales
𝑀: Une variable relatant l’action de la banque centrale
𝑍: Une variable reflétant l’ouverture économique mais affectant le produit intérieur brut.
L’équation (1) peut se réécrire sous la forme suivante :
𝑇𝐶𝑃𝐼𝐵𝐻 = 𝑓(𝑇𝐶𝐷𝐹𝐴𝑃𝑈, 𝑇𝐶𝐸𝑁𝐶𝑅, 𝑇𝐶𝑅𝐹, 𝑇𝐶𝐵𝐸𝑋) (2)
Sous la forme économétrique, le modèle de régression se présente comme suit :
𝑇𝐶𝑃𝐼𝐵𝐻𝑡 = 𝛽0 + ∑ 𝛼𝑡𝑇𝐶𝐷𝐹𝐴𝑃𝑈𝑡−𝑖4𝑖=0 + ∑ 𝜃𝑡𝑇𝐶𝐸𝑁𝐶𝑅𝑡−𝑖 + ∑ 𝛾𝑡𝑇𝐶𝑅𝐹𝑡−𝑖
4𝑖=0
4𝑖=0 +
∑ 𝜎𝑡4𝑖=0 𝑇𝐶𝐵𝐸𝑋𝑡−𝑖 + 𝑒𝑡 (3)
Où
𝑇𝐶𝑃𝐼𝐵𝐻𝑡 = Le taux de croissance du PIB réel par habitant
𝑇𝐶𝐷𝐹𝐴𝑃𝑈𝑡 = Le taux de croissance des dépenses de consommation finale des
administrations publiques;
𝑇𝐶𝐸𝑁𝐶𝑅𝑡 = Le taux de croissance des encaisses réelles ;
𝑇𝐶𝑅𝐹𝑡 = Le taux de croissance des recettes fiscales ;
𝑇𝐶𝐵𝐸𝑋𝑡 = Le taux de croissance des exportations nettes en pourcentage du PIB ;
3.2.La description des variables et les sources de données
Notre objectif étant d’analyser la sensibilité relative des politiques monétaire et budgétaire
aux changements de l’activité économique, il importe de choisir la variable à même de
représenter cette croissance économique. D’ordinaire, c’est le taux de croissance du PIB qui
est le principal indicateur. Nous retenons pour cette étude, le taux de croissance du PIB réel
par habitant car il reflète mieux le niveau de vie des habitants et donc le niveau de
74
développement du pays. C’est pourquoi nous l’utilisons dans la spécification du modèle
comme variable endogène (𝑇𝐶𝑃𝐼𝐵𝐻).
Pour expliquer les variations de l’activité économique, notre modèle comporte quatre
variables explicatives.
Le taux de croissance des encaisses réelles (𝑇𝐶𝐸𝑁𝐶𝑅) est utilisée comme proxy de la
politique monétaire. La masse monétaire M2 ajustée par le déflateur du PIB. Une politique
monétaire accommodante se traduit par une hausse du taux de croissance des encaisses
monétaires réelles. Dans une économie où les crédits sont intermédiés, et créés principalement
en contrepartie de dépôts, et au regard de la modestie des financements « désintermédiés », la
monnaie peut être une variable « proxy » de la contrainte d'endettement.
L’action de l’Etat est captée par deux variables : les dépenses des administrations et les
recettes fiscales. Les dépenses de l’Etat sont représentées par 𝑇𝐶𝐷𝐹𝐴𝑃𝑈, le taux de
croissance des dépenses de consommation finale des administrations publiques en
pourcentage du PIB. Les dépenses de consommation finale du gouvernement comprennent
toutes les dépenses courantes du gouvernement pour des achats de biens et services. Ces
dépenses comprennent également la plupart des dépenses pour la défense et la sécurité
nationale, mais ne tiennent pas compte des dépenses militaires du gouvernement qui font
partie de la formation de capital du gouvernement.
Les recettes fiscales (𝑇𝐶𝑅𝐹) désignent toutes les sommes d'argent versées à l'Etat pour le
paiement de l'impôt. Les recettes fiscales totales en pourcentage du PIB indiquent la part de la
production d'un pays qui est prélevée par l'État sous forme d'impôts. Elles peuvent donc être
considérées comme un indicateur du contrôle exercé par l'État sur les ressources produites par
l'économie.
L’ouverture sur l’extérieur est captée par les exportations nettes (𝑇𝐶𝐵𝐸𝑋). Cette variable
permet d’appréhender la contribution du commerce extérieur à la croissance économique.
3.3.Sources des données et méthodologie
Les données concernant ces différentes variables proviennent principalement de la base de
données de la banque mondiale WDI (2014) et de celle de la BCEAO (2015). Les recettes
fiscales sont issues des tableaux d’Operations financières des pays de l’UEMOA (BCEAO,
75
2015). Elles ont une dimension annuelle et couvrent la période 1962-2014. Notre analyse sera
menée sur les pays de l’UEMOA à l’exception de la Guinée Bissau, à savoir le Benin, le
Burkina-Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. Ce choix est imposé
par la disponibilité des données au niveau des pays et le souci d’avoir un panel sans données
manquantes. Ce sont donc des données de panel qui seront traitées conformément à la
méthodologie des données de panel c’est-à-dire l’analyse de la stationnarité, de la
cointégration, le test de la présence d’effets spécifiques et le test de Hausman pour le choix
entre le modèle à effets fixes et le modèle à effets aléatoires.
4. Estimation et résultats empiriques
4.1.Test des racines unitaires
Sur données individuelles, le test de racine unitaire de Dicker Fuller Augmenté (ADF) a été
exécuté. Le tableau 8 résume les résultats des tests de stationnarité des variables pour les
sept pays. Toutes les valeurs calculées des t-statistiques sont inférieures à la valeur critique
au seuil de 5% (-2,928). On ne peut donc pas rejeter l’hypothèse de stationnarité des
variables en niveau, au seuil de 5%. La stationnarité de toutes ces variables est due au fait
que nos variables sont des taux de croissance. Dans ce cas, il est recommandé de faire des
régressions en utilisant simplement les différences premières.
Le modèle de régression en différence première réduit le plus souvent la sévérité de la
multicolinéarité.
Tableau 7 : Test des racines unitaires sur les variables individuelles
TCPIBH TCDFAPU TCENCR TCBEX TCRF
ADF PP ADF PP ADF PP ADF PP ADF PP
Benin -
7,158
-
2,928*
-
7,210
-
2,928*
-8,056
-
2,928*
-8,058
-
2,928*
-
3,959
-
2,928*
-
8,857
-
2,928*
-7,481
-
2,928*
-7,506
-
2,928*
-
5,207
-
2,928*
-
5,102
-
2,928*
Côte
d’Ivoir
e
-
6,197
-
2,928*
-
5,320
-
2,928*
-7,465
-
2,928*
-7,553
-
2,928*
-
7,509
-
2,928*
-
7,554
-
2,928*
-7,573
-
2,928*
-7,579
-
2,928*
-
6,219
-
2,928*
-
6,270
-
2,928*
76
Burkin
a
-
8,559
-
2,928*
-
8,547
-
2,928*
-7,983
-
2,928*
-8,057
-
2,928*
-
8,171
-
2,928*
-
8,228
-
2,928*
-7,282
-
2,928*
-7,276
-
2,928*
-
5,780
-
2,928*
-
5,709
-
2,928*
Mali -
8,408
-
2,928*
-
8,529
-
2,928*
-
10,09
7
-
2,928*
-
10,60
2
-
2,928*
-9,50
-
2,928*
-
9,273
-
2,928*
-8,370
-
2,928*
-8,569
-
2,928*
-
8,273
-
2,928*
-
8,196
-
2,928*
Niger -
6,975
-
2,928*
-
6,975
-
2,928*
-7,00
-
2,928*
-7,909
-
2,928*
-
6,604
-
2,928*
-
6,579
-
2,928*
-8,879
-
2,928*
-8,895
-
2,928*
-
5,418
-
2,928*
-
5,545
-
2,928*
Sénéga
l
-
9,949
-
2,928*
-
9,991
-
2,928*
-7,246
-
2,928*
-7,247
-
2,928*
-
7,998
-
2,928*
-
8,047
-
2,928*
-
10,97
3
-
2,928*
-
10,87
0
-
2,928*
-
6,362
-
2,928*
-6,45
-
2,928*
Togo -
6,251
-
2,928*
-
6,278
-
2,928*
-8,303
-
2,928*
-8,624
-
2,928*
-
6,243
-
2,928*
-
6,182
-
2,928*
-7,253
-
2,928*
-7,259
-
2,928*
-
5,946
-
2,928*
-5,90
-
2,928*
Source : Les calculs de l’auteur à partir des données de la BCEAO
Sur les données en panel, il convient d’examiner également les propriétés des séries
(stationnarité et ordre d’intégration) temporelles de nos données. A ce niveau, les
développements récents de la littérature suggèrent que les tests de racine unitaire sur données
de panel sont plus puissants que les tests sur séries chronologiques individuelles.
Les tests développés récemment sont celui de Breitung (2000), le test de Hadri (2000), le test
de Levin et Lin (2002) et le test de Im, Pesaran et Shin (2003). Dans le cadre de notre étude,
nous utiliserons les deux derniers tests et les résultats sont consignés dans le tableau 8 suivant.
77
Tableau 8 : résultats des tests de racine unitaire en panel
Les variables LEVINLIN IPS
Coefficient P-value Coefficient P-value
TCPIBH -8,8649 0,000 -11,8835 0,000
TCENCR -9,9243 0,000 -11,3805 0,000
TCDFAPU -11,6975 0,000 -12,6943 0,000
TCBEX -9,6913 0,000 -12,7431 0,000
TCRF -9,7985 0,000 -12,3203 0,000
Source : Les calculs de l’auteur à partir des données de la BCEAO
Les résultats des tests de racine unitaire en panel sont concordants et montrent que toutes les
variables sont stationnaires en niveau car la P-value associée à la statistique des tests est
inférieure à 1% sur la base de nos estimations, on peut conclure à l’absence de cointégration
des variables pour tous les pays.
4.2.Les résultats et interprétations
4.2.1. Les résultats sur les données individuelles
Les résultats sur les données individuelles sont consignés dans le tableau suivant :
Tableau 9 : résultats des estimations sur les données individuelles
BENIN IVOIRE BURKINA MALI
TCPIBH Coef 𝑃
> |𝑡|
Coef 𝑃
> |𝑡|
Coef 𝑃
> |𝑡|
Coef 𝑃
> |𝑡|
𝑇𝐶𝐷𝐹𝐴𝑃𝑈
𝑇𝐶𝐸𝑁𝐶𝑅
𝑇𝐶𝐵𝐸𝑋
𝑇𝐶𝑅𝐹
𝑇𝐶𝐷𝐹𝐴𝑃𝑈(−1)
𝑇𝐶𝐸𝑁𝐶𝑅(−1)
𝑇𝐶𝐵𝐸𝑋(−1)
𝑇𝐶𝑅𝐹(−1)
𝑇𝐶𝐷𝐹𝐴𝑃𝑈(−2)
𝑇𝐶𝐸𝑁𝐶𝑅(−2)
𝑇𝐶𝐵𝐸𝑋(−2)
𝑇𝐶𝑅𝐹(−2)
𝑇𝐶𝐷𝐹𝐴𝑃𝑈(−3)
𝑇𝐶𝐸𝑁𝐶𝑅(−3)
𝑇𝐶𝐵𝐸𝑋(−3)
𝑇𝐶𝑅𝐹(−3)
𝑇𝐶𝐷𝐹𝐴𝑃𝑈(−4)
-3,17
44,29
0,76
4,50
-2,97
-
10,06
-0,42
-0,09
-2,74
-5,84
0,17
-0,20
-4,00
-5,37
-1,27
1,79
0,33
0,00
0,43
0,07
0,35
0,20
0,65
0,97
0,36
0,43
0,84
0,94
0,19
0,48
0,20
0,55
0,16
11,75
17,80
-
0,052
14,47
18,89
-6,96
0,01
8,68
10,54
-5,60
0,012
6,61
2,06
-5,80
-0,42
-3,35
0,012
0,002
0,42
0,000
0,000
0,20
0,84
0,002
0,009
0,225
0,87
0,025
0,62
0,18
0,000
0,35
0,95
-3,82
12,12
4,75
4,07
-2,33
0,68
0,73
3,08
-7,04
-4,63
1,88
4,24
-4,76
3,85
4,97
-3,84
2,84
0,21
0,012
0,07
0,37
0,44
0,87
0,77
0,52
0,022
0,25
0,50
0,39
0,13
0,33
0,09
0,41
0,35
7,12
10,03
-0,02
13,94
5,06
-
14,41
-0,38
-4,58
1,98
14,95
0,063
5,85
1,42
17,78
0,08
-2,66
0,045
0,25
0,96
0,019
0,15
0,081
0,52
0,39
0,56
0,10
0,91
0,25
0,64
0,08
0,87
0,57
0,013
78
𝑇𝐶𝐸𝑁𝐶𝑅(−4)
𝑇𝐶𝐵𝐸𝑋(−4)
𝑇𝐶𝑅𝐹(−4)
𝐶𝑜𝑛𝑠
-4,01
-
13,22
-0,94
0,69
0,13
0,06
0,38
0,80
0,84
0,19
-2,81
-0,31
-4,18
-1,72
0,50
0,003
0,26
0,005
1,47
-5,38
0,54
0,70
0,72
0,09
0,89
0,54
7,85
-6,62
0,09
-
13,75
0,21
0,49
0,86
0,012
0,90
Source : Les calculs de l’auteur à partir des données de la BCEAO
NIGER SENEGAL TOGO
TCPIBH Coef 𝑃
> |𝑡|
Coef 𝑃
> |𝑡|
Coef 𝑃
> |𝑡|
𝑇𝐶𝐷𝐹𝐴𝑃𝑈
𝑇𝐶𝐸𝑁𝐶𝑅
𝑇𝐶𝐵𝐸𝑋
𝑇𝐶𝑅𝐹
𝑇𝐶𝐷𝐹𝐴𝑃𝑈(−1)
𝑇𝐶𝐸𝑁𝐶𝑅(−1)
𝑇𝐶𝐵𝐸𝑋(−1)
𝑇𝐶𝑅𝐹(−1)
𝑇𝐶𝐷𝐹𝐴𝑃𝑈(−2)
𝑇𝐶𝐸𝑁𝐶𝑅(−2)
𝑇𝐶𝐵𝐸𝑋(−2)
𝑇𝐶𝑅𝐹(−2)
𝑇𝐶𝐷𝐹𝐴𝑃𝑈(−3)
𝑇𝐶𝐸𝑁𝐶𝑅(−3)
𝑇𝐶𝐵𝐸𝑋(−3)
𝑇𝐶𝑅𝐹(−3)
𝑇𝐶𝐷𝐹𝐴𝑃𝑈(−4)
𝑇𝐶𝐸𝑁𝐶𝑅(−4)
𝑇𝐶𝐵𝐸𝑋(−4)
𝑇𝐶𝑅𝐹(−4)
𝐶𝑜𝑛𝑠
-5,62
11,34
1,13
1,39
4,04
-5,84
1,20
12,83
0,57
2,39
-0,35
2,78
-3,54
8,32
0,16
-0,27
6,22
2,49
0,87
-4,55
-4,22
0,61
0,15
0,26
0,89
0,70
0,53
0,24
0,09
0,95
0,79
0,68
0,71
0,73
0,36
0,85
0,97
0,50
0,78
0,32
0,61
0,06
0,32
49,88
-0,57
-
10,52
4,82
-
18,85
-1,15
-0,31
3,12
6,55
1,75
2,27
-1,53
1,13
2,53
-4,30
-1,23
-3,74
1,38
5,12
-0,73
0,93
0,000
0,54
0,078
0,19
0,06
0,44
0,95
0,40
0,51
0,27
0,71
0,68
0,91
0,12
0,39
0,66
0,72
0,37
0,34
0,61
-5,26
19,12
-
0,000
18,05
-0,29
0,54
-0,02
0,62
2,09
8,51
-0,01
5,72
-1,09
-3,56
-0,02
6,00
-5,39
-8,01
-
0,008
-2,53
-3,05
0,049
0,047
0,96
0,000
0,90
0,97
0,12
0,82
0,44
0,25
0,24
0,04
0,69
0,62
0,06
0,04
0,08
0,27
0,59
0,31
0,000
Source : Les calculs de l’auteur à partir des données de la BCEAO.
4.2.2. Les données de panel
Test de spécification des effets individuels
79
L’utilisation des données de panel pour une étude repose sur l’hypothèse d’une relation
identique entre les variables concernées pour tous les individus du panel. Dans le cas
contraire l’utilisation des données de panel ne se justifie pas. Pour mettre en exergue le lien
entre certaines variables macroéconomiques et la croissance dans les pays de l’UEMOA,
nous adoptons le modèle général suivant :
𝑇𝐶𝑃𝐼𝐵𝐻𝑗,𝑡 = 𝛽𝑗0 + ∑ 𝛼𝑗𝑡𝑇𝐶𝐷𝐹𝐴𝑃𝑈𝑗,𝑡−𝑖4𝑖=0 + ∑ 𝜃𝑗𝑡𝑇𝐶𝐸𝑁𝐶𝑅𝑗,𝑡−𝑖 + ∑ 𝛾𝑗𝑡𝑇𝐶𝑅𝐹𝑗,𝑡−𝑖
4𝑖=0
4𝑖=0 +
∑ 𝜎𝑗𝑡4𝑖=0 𝑇𝐶𝐵𝐸𝑋𝑗,𝑡−𝑖 + 𝑒𝑡 (3)
Dans un premier temps, nous avons estimé un modèle à effets communs, en faisant
l’hypothèse d’uniformité des comportements de la croissance économique dans le temps et
dans les divers pays de l’Union. Mais en considérant l’existence des spécificités des pays, cela
pourrait fortement influencer le niveau du taux de croissance du PIB réel par habitant de
chaque pays. La prise en compte de ces effets individuels pour chaque pays nous conduit à
estimer le modèle à effets fixes. Les résultats sont consignés dans le tableau A1 en annexe.
Ces résultats indiquent un pouvoir explicatif intra-groupe moyen (R-sq within = 0,29). Il en
est de même du pouvoir explicatif global (Overall = 0,29). En conséquence, il faut considérer
la significativité des effets propres aux différents pays. Le test de Fischer peut donc nous
aider. La probabilité associée à la statistique de Fischer est inférieure à 5% (F test that all
u_i=0 ; F(6,316) = 2,83 ; Prob > F = 0,0106). Il y a assez d’évidences statistiques pour
l’hypothèse d’hétérogénéité entre les coefficients des différents pays. Les effets fixes
introduits sont donc significatifs. Le rejet de l’hypothèse nulle d’absence d’effets individuels
dans cette étude nous conduit à effecteur le test de Hausman pour déterminer sa nature (fixe
ou aléatoire). Le test de Hausman permet d’accepter l’hypothèse nulle selon laquelle les effets
spécifiques à chaque pays peuvent être corrélés avec les variables du modèle ou de manière
alternative, que ces effets sont orthogonaux à ces variables explicatives. En d’autres termes,
le test de Hausman nous permet de choisir entre le modèle à effets fixes et le modèle à effets
aléatoires. Les résultats obtenus dans cette étude conduisent au rejet de l’hypothèse nulle donc
à l’estimation du modèle à effets fixes (voir tableau A2 en annexe).
4.2.3. Les résultats
Après les différents tests, nous retenons le modèle à effets fixes, dont l’estimation des
80
paramètres par le logiciel STATA version 11 est présenté dans le tableau 10 suivant. Nous
avons exécuté le test d’autocorrélation de Wooldrigde (2002). Ce test pose, comme
hypothèse nulle, l’absence d’autocorrélation de premier ordre des résidus. Son avantage
réside dans le fait qu’il n’est pas assujetti à la contraindre de faire un choix a priori d’un
modèle à effets fixes ou d’un modèle à effets aléatoires.
On note ainsi (Prob>F=0,6581), indiquant le non rejet de l’hypothèse nulle, c’est-à-dire une
absence d’autocorrélation des résidus. En revanche, le test de Breusch Pagan-Cook
Weisberg permet de conclure que la variance des erreurs n’est pas constante pour tous les
individus (Pr=0,000). Il y a donc présence d’hétéroscédasticité intra-individus. La correction
a été faite avec la commande Robust de Stata 11.
Tableau 10 : Estimation de la relation du modèle à effets fixes
_cons -1.081318 .5224131 -2.07 0.038 -2.105229 -.0574068
_IPAYS_7 -.5105078 .6693761 -0.76 0.446 -1.822461 .8014453
_IPAYS_6 -.4791971 .6396486 -0.75 0.454 -1.732885 .7744911
_IPAYS_5 -2.16183 .867829 -2.49 0.013 -3.862744 -.4609167
_IPAYS_4 .2441005 .7488942 0.33 0.744 -1.223705 1.711906
_IPAYS_3 -.6581045 .6692045 -0.98 0.325 -1.969721 .6535121
_IPAYS_2 .8127103 .627805 1.29 0.195 -.4177649 2.043186
L4. -.6256677 1.335073 -0.47 0.639 -3.242362 1.991026
TCRF
L4. .0068921 .0120349 0.57 0.567 -.0166959 .03048
TCBEX
L4. -2.13448 2.133593 -1.00 0.317 -6.316247 2.047286
TCENCR
L4. 1.417988 1.013686 1.40 0.162 -.5688003 3.404776
TCDFAPU
L3. .381315 1.378153 0.28 0.782 -2.319814 3.082444
TCRF
L3. -.0081451 .0119959 -0.68 0.497 -.0316565 .0153664
TCBEX
L3. 1.638917 2.143131 0.76 0.444 -2.561544 5.839377
TCENCR
L3. -.8655686 1.015233 -0.85 0.394 -2.855388 1.124251
TCDFAPU
L2. 3.984174 1.393876 2.86 0.004 1.252228 6.71612
TCRF
L2. -.0175331 .0119319 -1.47 0.142 -.0409192 .005853
TCBEX
L2. 1.014859 2.153447 0.47 0.637 -3.20582 5.235538
TCENCR
L2. -.2294882 1.008262 -0.23 0.820 -2.205646 1.746669
TCDFAPU
L1. .9021215 1.394442 0.65 0.518 -1.830935 3.635178
TCRF
L1. -.0198925 .0120114 -1.66 0.098 -.0434344 .0036495
TCBEX
L1. .1862261 1.008567 0.18 0.854 -1.790529 2.162981
TCDFAPU
L1. -6.286418 2.166695 -2.90 0.004 -10.53306 -2.039775
TCENCR
TCRF 10.1038 1.38038 7.32 0.000 7.398309 12.8093
TCBEX -.003312 .0118253 -0.28 0.779 -.0264892 .0198652
TCENCR 15.78857 2.19188 7.20 0.000 11.49256 20.08457
TCDFAPU -.5081917 1.010358 -0.50 0.615 -2.488456 1.472073
TCPIBH Coef. Std. Err. z P>|z| [95% Conf. Interval]
Prob > chi2 = 0.0000
Wald chi2(26) = 179.91
Estimated coefficients = 27 Time periods = 49
Estimated autocorrelations = 0 Number of groups = 7
Estimated covariances = 7 Number of obs = 343
Correlation: no autocorrelation
Panels: heteroskedastic
Coefficients: generalized least squares
Cross-sectional time-series FGLS regression
i.PAYS _IPAYS_1-7 (naturally coded; _IPAYS_1 omitted)
> L3. TCENCR L3. TCBEX L3. TCRF L4. TCDFAPU L4. TCENCR L4. TCBEX L4. TCRF i.PAYS , pan(heteroskedastic)
. xi:xtgls TCPIBH TCDFAPU TCENCR TCBEX TCRF L. TCENCR L. TCDFAPU L. TCBEX L. TCRF L2. TCDFAPU L2. TCENCR L2. TCBEX L2. TCRF L3. TCDFAPU
81
Source : Les calculs de l’auteur à partir des données de la BCEAO
Le nombre des observations est de 343, la P-value de 0,000 et R-squared de 0,32.
4.2.4. Interprétations des résultats
A présent, nous pouvons vérifier si les variables explicatives retenues dans cette étude ont les
signes attendus et permettent également de faire ressortir leur importance respective dans le
taux de croissance économique des pays de l’Union.
Sur les données individuelles
Au regard des résultats obtenus (sur données individuelles et en panel), on peut dire que le
taux de croissance du PIB par habitant est très sensible à la politique monétaire dans tous les
pays de l’Union à l’exception du Niger. Cependant dans tous les pays, le taux de croissance
du PIB par habitant réagit significativement à la politique fiscale à l’exception du Burkina
Faso.
Au niveau de la politique monétaire, une augmentation de 1% du taux de croissance des
encaisses réelles induit une augmentation du taux de croissance du PIB par habitant de
44,29% au Benin, 17,80% en Côte d’Ivoire, 12,12% au Burkina Faso, 49,88% au Sénégal,
19,12% et au Togo. Au Mali, c’est le taux de croissance retardé des encaisses réelles qui
influence significativement le taux de croissance du PIB par habitant. Une augmentation de
1% du taux de croissance retardé de trois périodes induit une augmentation de 17,78% du taux
de croissance du PIB par habitant. En revanche, une augmentation du taux de croissance
retardé d’une période des encaisses réelles induit une baisse du PIB par habitant de 14,41%.
Au niveau de l’action gouvernementale qui porte sur la politique budgétaire et fiscale, une
augmentation du taux de croissance des recettes fiscales de 1% induit un accroissement du
PIB par habitant de 4,5% au Benin, 14,47% en Côte d’Ivoire, 13,94% au Mali et 18,05% au
Togo. Au Sénégal, une augmentation de 1% du taux de croissance des recettes fiscales induit
une baisse du taux de croissance du PIB par habitant de 10,52%. Cela est sans doute dû à
l’importance du secteur informel dont les activités supportent mal l’augmentation des taxes.
Au Niger, c’est plutôt le taux de croissance retardé des recettes fiscales qui influence le taux
de croissance du PIB par habitant. En effet, une augmentation de 1% du taux de croissance
82
retardé d’une période induit une augmentation du PIB par habitant de 12,83%. Au Togo,
même le taux de croissance retardé de trois périodes des recettes fiscales a un impact sur le
taux de croissance du PIB par habitant, même s’il est de faible amplitude.
Quant au taux de croissance des dépenses de consommations finales des administrations
publiques, il n’a aucun effet sur le PIB par habitant au Benin, au Niger et au Sénégal. En Côte
d’Ivoire, le taux de croissance des dépenses de consommations finales des administrations
publiques, même retardé de deux périodes, impacte positivement le taux de croissance du PIB
par habitant. Cela peut être le fait des délais de paiement qui sont parfois longs. Au Mali, le
taux de croissance courant des dépenses de consommations finales des administrations
publiques et le taux de croissance retardé de quatre périodes impactent positivement le PIB
par habitant. Ici encore, les délais de paiements expliquent ce résultat. Ces contre-
performances réalisées dans les Etats de l’Union sont globalement imputables à un
assainissement insuffisant des finances publiques et à un arbitrage budgétaire généralement
défavorable aux dépenses d’investissement privé (Diop et Diaw, 2014).
Au Burkina Faso, c’est le taux de croissance retardé de deux périodes des dépenses de
consommations finales des administrations publiques qui influence le taux de croissance du
PIB par habitant. En effet, une augmentation de 1% induit une baisse de 7,04%. Cela pourrait
s’expliquer par une mauvaise allocation des dépenses. Au Togo, une augmentation de 1% du
taux de croissance des dépenses de consommations finales des administrations publiques
induit une baisse du taux de croissance du PIB par habitant de 5,26%. La modestie des
salaires et la mauvaise affectation des ressources pourraient expliquer cet impact négatif.
Le taux de croissance retardé de trois et quatre périodes du solde commercial a un léger
impact négatif sur le PIB par habitant en Côte d’Ivoire ; une réaction négative de l’ordre de
0,40%. Au Burkina Faso, une augmentation de 1% du taux de croissance courant et retardé
de trois périodes du solde commercial induit une hausse du taux de croissance du PIB par
habitant de l’ordre de 4,90%. Cela pourrait s’expliquer par les mouvements erratiques à
l’international des principaux produits de base. Au Togo, c’est le taux de croissance retardé de
trois périodes du solde commercial qui impacte négativement le taux de croissance du PIB par
habitant.
Concernant le Benin, le Mali, le Niger et le Sénégal, le taux de croissance du solde
commercial n’a pas d’influence sur le taux de croissance du PIB par habitant. Le Bénin
83
n'exporte qu'un seul produit, le coton. Cette faible diversification des exportations pourrait
expliquer la non significativité du solde commercial. Le Mali exporte essentiellement du
coton et de l’or. A part le coton, le commerce de l’or profite essentiellement à l’Etat ; ce qui
pourrait expliquer le résultat dans le cas du Mali. La situation est identique au Niger où le
principal produit d’exportation reste l’uranium.
Les données en panel
Les résultats indiquent, au niveau régional, que les variations du PIB par habitant sont
sensibles à la politique monétaire et fiscale. Les coefficients associés aux variables reflétant la
politique monétaire (TCENCR) et la politique fiscale (TCRF) sont significatifs à 1%. Une
augmentation de 1% du taux de croissance des recettes fiscales induit un accroissement du
niveau de vie des populations de 10,10%. Cet effet positif perdure dans le long terme (le taux
de croissance retardé de deux périodes mais avec une faible amplitude (3,98%). C’est sans
doute dû au fait que les recettes fiscales ne sont pas utilisées pour financer des investissements
structurants, qui, eux, ont des effets sur le long terme.
On note qu’une augmentation du taux de croissance des encaisses réelles de 1% induit un
accroissement du taux de croissance du PIB par habitant de 15,78%. Mais lorsqu’on considère
le taux de croissance retardé d’une période des encaisses réelles, son impact sur le taux de
croissance du PIB par habitant est négatif, de l’ordre de 6,28%. Ce résultat trouve sa source
sans doute dans la politique monétaire restrictive menée au sein de la BCEAO.
Le taux de croissance retardé d’une période du solde commercial a un impact légèrement
négatif sur le taux de croissance du PIB par habitant de l’Union (0,01%). Ce résultat
s’explique par la détérioration des termes de l’échange et les mouvements erratiques des prix
des principaux produits de base.
Conclusion
L’objectif de cette étude était d’analyser l’efficacité comparative des mesures de politique
monétaire et budgétaire comme outil de stabilisation économique dans la zone UEMOA.
L’étude a concerné sept pays de la zone UEMOA à l’exception de la Guinée-Bissau, à partir
des données annuelles allant de 1962 à 2014. Pour ce faire, nous avons présenté une brève
synthèse de la littérature. Ensuite, nous avons estimé un modèle en données de panel. Les
paramètres estimés ont été utilisés pour analyser les effets des mesures de politique monétaire
84
et fiscale. Sur données individuelles, les résultats obtenus indiquent que le taux de croissance
du PIB par habitant est très sensible à la politique monétaire dans tous les pays de l’Union à
l’exception du Niger. Cependant, dans tous les pays, le taux de croissance du PIB par habitant
réagit significativement à la politique fiscale à l’exception du Burkina Faso. Les résultats
indiquent également qu’au niveau régional les variations du PIB par habitant sont sensibles à
la politique monétaire et fiscale. Les coefficients associés aux variables reflétant la politique
monétaire (TCENCR) et la politique fiscale (TCRF) sont significatifs à 1%. Nos résultats
confirment ceux de Solomane Koné (2000) mais diffèrent quelque peu de ceux de Andersen-
Jordan (1968).
Une perspective à cette étude sera de relancer le débat sur l’efficacité de la politique
budgétaire en proposant une évaluation de ses effets dynamiques sur les variables
macroéconomiques, en particulier sur le PIB, à partir d’un modèle de type VAR structurel,
comme le suggèrent Blanchard et Perotti (2002), puis Perotti (2002). L’apport sera de ne pas
choisir à priori des variables endogènes et exogènes.
Une autre voie de recherche serait d’explorer l’impact des politiques monétaire et budgétaire
sur la réduction des inégalités de revenus dans la zone UEMOA. Il s’agira d’apprécier le
pouvoir distributif de ces deux politiques.
85
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Annexes
92
F test that all u_i=0: F(6, 316) = 2.83 Prob > F = 0.0106
rho .05517153 (fraction of variance due to u_i)
sigma_e 3.8444359
sigma_u .92899555
_cons -1.467505 .3951865 -3.71 0.000 -2.245034 -.6899755
L4. -1.480001 1.500611 -0.99 0.325 -4.432452 1.472451
TCRF
L4. .0110613 .0137453 0.80 0.422 -.0159825 .0381052
TCBEX
L4. -2.249068 2.265153 -0.99 0.322 -6.705755 2.20762
TCENCR
L4. 2.191291 1.141672 1.92 0.056 -.0549481 4.437531
TCDFAPU
L3. -.0050261 1.515735 -0.00 0.997 -2.987234 2.977182
TCRF
L3. -.0081605 .0137422 -0.59 0.553 -.0351983 .0188773
TCBEX
L3. 3.137542 2.275001 1.38 0.169 -1.338521 7.613606
TCENCR
L3. -.5285106 1.148437 -0.46 0.646 -2.78806 1.731038
TCDFAPU
L2. 4.025918 1.53638 2.62 0.009 1.003091 7.048745
TCRF
L2. -.0213591 .0136756 -1.56 0.119 -.0482658 .0055475
TCBEX
L2. 2.714792 2.281096 1.19 0.235 -1.773262 7.202847
TCENCR
L2. -.2165151 1.145034 -0.19 0.850 -2.469369 2.036338
TCDFAPU
L1. 1.975644 1.533524 1.29 0.199 -1.041563 4.992851
TCRF
L1. -.0211721 .0137617 -1.54 0.125 -.0482483 .0059042
TCBEX
L1. .5868827 1.146793 0.51 0.609 -1.669432 2.843197
TCDFAPU
L1. -7.600393 2.286038 -3.32 0.001 -12.09817 -3.102614
TCENCR
TCRF 10.01399 1.520901 6.58 0.000 7.021619 13.00636
TCBEX -.0031265 .0135536 -0.23 0.818 -.0297933 .0235403
TCENCR 13.21341 2.297629 5.75 0.000 8.69283 17.734
TCDFAPU -.1674971 1.144889 -0.15 0.884 -2.420065 2.085071
TCPIBH Coef. Std. Err. t P>|t| [95% Conf. Interval]
corr(u_i, Xb) = 0.0228 Prob > F = 0.0000
F(20,316) = 6.63
overall = 0.2903 max = 49
between = 0.2146 avg = 49.0
R-sq: within = 0.2956 Obs per group: min = 49
Group variable: ID Number of groups = 7
Fixed-effects (within) regression Number of obs = 343
> . TCENCR L3. TCBEX L3. TCRF L4. TCDFAPU L4. TCENCR L4. TCBEX L4. TCRF,fe
. xtreg TCPIBH TCDFAPU TCENCR TCBEX TCRF L. TCENCR L. TCDFAPU L. TCBEX L. TCRF L2. TCDFAPU L2. TCENCR L2. TCBEX L2. TCRF L3. TCDFAPU L3
.
93
TEST D’HETEROSCEDASTICITE
NB : Les erreurs sont hétéroscédastiques lorsque toutes les p-value sont <à 5%.
TEST D’AUTOCORRELATION
NB : si les résultats du test de WOOLDRIDGE montrent que les p-value sont toutes
inférieures à 5%. On conclut donc à l'autocorrélation des erreurs.
TEST D’HAUSMAN
Source : Auteur
Le test de Hausman est un test de spécification qui permet de discriminer les effets fixes et
aléatoires. Ce test est important car il permet de déterminer si les coefficients des deux
estimations (fixe et aléatoire) sont statistiquement différents. L’idée sous-jacente est que,
sous l’hypothèse nulle d’indépendance entre les erreurs et les variables explicatives, les
deux estimateurs sont non biaisés donc les coefficients devraient en principe être peu
différents. Le rejet de l’hypothèse nulle conduit au choix du modèle à effets fixes.
Prob > chi2 = 0.0000
chi2(1) = 29.19
Variables: fitted values of TCPIBH
Ho: Constant variance
Breusch-Pagan / Cook-Weisberg test for heteroskedasticity
Prob > F = 0.6581
F( 1, 6) = 0.217
H0: no first-order autocorrelation
Wooldridge test for autocorrelation in panel data
(V_b-V_B is not positive definite)
Prob>chi2 = 1.0000
= 0.20
chi2(20) = (b-B)'[(V_b-V_B)^(-1)](b-B)
Test: Ho: difference in coefficients not systematic
B = inconsistent under Ha, efficient under Ho; obtained from xtreg
b = consistent under Ho and Ha; obtained from xtreg
L4.TCRF -1.195543 -1.480001 .2844571 .1807247
L4.TCBEX .0095479 .0110613 -.0015134 .0012219
L4.TCENCR -2.318063 -2.249068 -.0689956 .1724732
L4.TCDFAPU 2.373322 2.191291 .1820301 .1832543
L3.TCRF .0868214 -.0050261 .0918475 .2100155
L3.TCBEX -.009155 -.0081605 -.0009945 .0013624
L3.TCENCR 3.178884 3.137542 .0413416 .1968754
L3.TCDFAPU -.3410743 -.5285106 .1874363 .1774759
L2.TCRF 4.086393 4.025918 .0604743 .2549951
L2.TCBEX -.0225756 -.0213591 -.0012165 .0015904
L2.TCENCR 2.717003 2.714792 .0022111 .1398583
L2.TCDFAPU -.060524 -.2165151 .1559911 .1871113
L.TCRF 2.130123 1.975644 .1544792 .242323
L.TCBEX -.0225551 -.0211721 -.0013831 .0013084
L.TCDFAPU .7430489 .5868827 .1561662 .193401
L.TCENCR -7.626789 -7.600393 -.0263958 .1961939
TCRF 10.17019 10.01399 .1562014 .2186829
TCBEX -.00455 -.0031265 -.0014235 .0012636
TCENCR 13.20767 13.21341 -.0057432 .2455804
TCDFAPU -.0544799 -.1674971 .1130172 .1975204
random fixed Difference S.E.
(b) (B) (b-B) sqrt(diag(V_b-V_B))
Coefficients
. hausman random fixed
94
Investissements, croissance économique et bien-être en Côte d’Ivoire : une Analyse à
l’aide d’un Modèle d’Equilibre Général Calculable Dynamique
Seydou KONE
Université Alassane OUATTARA, Bouaké (Côte d’Ivoire)
Résumé
Cette étude analyse, à partir d’un MEGC dynamique, l’impact des politiques
d’investissements publiques envisagées par les autorités ivoiriennes et des politiques
alternatives d’investissement sur la croissance et le bien-être des ménages. Les résultats
montrent que les investissements projetés sont sources de croissance et d’amélioration du
bien-être des ménages. Cependant en terme réel, cette croissance n’est pas suffisante au
regard du taux de croissance démographique pour permettre une accumulation de capitaux et
favoriser une croissance auto-entretenue. Des investissements publics plus importants
garantiront des taux de croissance à long terme suffisants pour stimuler l’émergence et le
bien-être des populations.
Mots-clés : Modèle d’EGC, Investissement Public, Croissance Economique
Classification JEL: C68, H54, I38, O4
REVUE INTERNATIONALE DE GESTION ET D’ECONOMIE SERIE B - ECONOMIE / NUMERO 1 - VOLUME 1 - Décembre 2016 / pp. 94-120.
95
Abstract
This study analyzes, using a dynamic CGE, the impact of public investment policies
envisaged by the Ivorian authorities and alternative investment policies on economic growth
and household well-being. The results show that the projected investments will allow
economic growth and household welfare. However, in real terms, this growth is not sufficient
compare to the population growth rate to allow an accumulation of capital and encourage self-
sustained growth. Greater public investment will ensure sufficient long-term growth rates to
stimulate the emergence and well-being.
Keywords: CGE model, Public Investment, Economic Growth
JEL Classification:C68, H54, I38, O4
96
Introduction
La Côte d’Ivoire, depuis son indépendance, au plan économique a connu diverses situations.
Au début des indépendances jusqu’à la fin des années 1970, le pays a connu un essor
économique fulgurant soutenu par une hausse des prix des matières premières tel que le café
et le cacao. Cette période a été qualifiée par bon nombre d’observateur de « miracle
ivoirien ». Ce miracle cependant ne reposait pas sur des bases solides car l’économie
ivoirienne très dépendante du binôme café-cacao n’a pu supporter la baisse des prix de ces
exportations au plan international. Cette économie est donc rentrée dans une phase de
profonde récession. Plusieurs programmes d’ajustement structurel ont dû être appliqués sous
la houlette des institutions internationales.
De 1981 à 1983, le pays a connu son premier programme d’ajustement structurel dont le but
était de relancer l’économie par le redressement de la situation financière extérieure. Les
résultats mitigés de ces réformes ont conduit à un second programme d’ajustement structurel
de 1984 à 1985. Cette fois, les réformes visaient la réduction du déficit budgétaire et
l’augmentation des recettes publiques. Il s’en est suivi un troisième programme de 1986 à
1988 caractérisé par une augmentation de la fiscalité en général et de la taxe sur la valeur
ajoutée (TVA) en particulier. Une fois de plus, les résultats ont été décevants, cela a entrainé
le plan de stabilisation financière de 1990 à 1992 qui visait le rétablissement des grands
équilibres financiers par l’application de mesures fiscales et budgétaires. Toutes ces mesures
d’ajustement du secteur réel de l’économie se sont soldés par des résultats peu probants ce qui
a conduit à l’ajustement monétaire de 1994.Cette dévaluation de l’ordre de 50% du Franc
CFA par rapport au Franc français a entrainé un regain économique jusqu’en 1999.
A partir de 1999, l’instabilité politique suite au premier coup de force eut de sérieuses
conséquences sur l’économie du pays. Le taux de croissance économique en 2000 chute de
1,618% en 1999 à -2,068% (Banque Mondiale11
) et après une légère reprise en 2001, demeure
négatif les deux années suivantes. Entre 2004 et 2010, une période d’accalmie s’installe et on
observe à nouveau des taux de croissance positifs bien que modestes (1,232% en 2004 et
2,018% en 2010). En 2011, la crise post-électorale de 2010 a durement affecté l’économie et
entrainé le taux de croissance du PIB à – 4,387%. On observe donc qu’il y’a une très forte
corrélation entre la situation politique et les performances économiques. Au lendemain de
cette crise, de vigoureuses mesures ont été prises pour relancer l’économie.
11
http://donnees.banquemondiale.org/pays/cote-d%27ivoire consulté le 10 septembre 2016.
97
En 2012, la normalisation au plan économique semble s’amorcer et le taux de croissance
atteint un niveau record de 10,7%. Pour maintenir ces résultats, l’Etat élabore un Plan
National de développement (PND). Selon le premier PND 2012-2015, l’objectif de l’Etat est
de hisser à 7,5% du PIB, le taux d’investissement sur la période 2012-2015 en moyenne
contre 3% au cours des 10 années antérieures. Le rôle de l’investissement comme moteur de
la croissance et du développement semble se confirmer. Il se situe désormais au centre de la
politique de développement et devrait impulser la croissance et entraîner les investissements
privés.
Le lien entre l’investissement et la croissance économique est un sujet qui a été largement
abordé par la théorie économique. Pour les keynésiens, une prévision à la hausse de la
demande anticipée entraine un accroissement des investissements de la part des entrepreneurs
et in fine l’investissement globale qui impacte positivement sur la croissance économique.
Pour les classiques en revanche, l’investissement est plutôt fonction des profits futurs
escomptés par les entrepreneurs. On peut donc en déduire qu’une économie bénéficiant de
bonnes perspectives attirera des investissements et sera à même d’accroitre son produit
intérieur brut.
Plusieurs auteurs (Ouattara, 2011 ; Yélé, Huguet, Kolondo, Mbouzeliko et Wili-koe, 2016) se
sont penchés sur la relation entre corruption, investissement et croissance économique et
l’impact des investissements sur la croissance économique. Certains se sont attardés sur les
différentes méthodes disponibles pour mesurer l’impact du capital public et par là des
investissements publics sur la croissance (Boccanfuso, Joanis, Paquet et Savard, 2014). Peu
d’études cependant ont évalué l’impact des politiques d’investissement contenues dans les
Plans Nationaux de Développement 2012 – 2015 et 2016 – 2020. Les taux d’investissement
publics projetés peuvent-ils permettre d’atteindre les objectifs du gouvernement c’est-à-dire
faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020 ? Ou alors faut-il des politiques
plus ambitieuses en matière d’investissements publics comme celles pratiquées par les pays
d’Asie comme la Corée du Sud ou la Malaisie12
? Par ailleurs la plupart des études consacrées
à l’impact des investissements publics en Côte d’Ivoire sont en équilibre partiel et ne permette
pas de mesurer l’impact d’une variation de ceux-ci sur divers secteurs de l’économie. Cette
étude permet de pallier à ces insuffisances. Ce travail est basé sur un modèle d’équilibre
général calculable dynamique séquentiel.
12
Ces pays ont pratiqué des investissements avec un taux de 35% sur une longue période qui leur a permis d’être
aujourd’hui des pays émergents.
98
Au regard de ce qui précède, on peut raisonnablement se demander si les politiques
d’investissements publics correspondant à la vision du gouvernement ivoirien et mis en œuvre
depuis 2012 ont un impact à long terme sur la croissance économique et l’amélioration du
bien-être des ménages. Les taux d’investissements publics prévus sont-ils suffisants pour faire
de la Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020?
L’objectif principal de cette étude est d’évaluer l’impact des politiques d’investissements
publics sur la croissance économique à long terme et sur le bien-être des populations. En
outre, il s’agit aussi de simuler des taux d’investissements publics beaucoup plus ambitieux
que ceux actuellement projeté et d’analyser leur impact sur la croissance économique et le
bien-être de la population.
La suite de cette étude est articulée comme suit : section suivante effectue une revue critique
de la littérature sur le lien entre les investissements publics, la croissance et le bien-être de la
population. La section 3 présente le cadre méthodologique. Cette section procède d’une part à
la description de la matrice de comptabilité sociale et le modèle d’équilibre général calculable
dynamique utilisés et d’autre part à l’exposé des scénarios de simulations retenues. La section
4 analyse et la discute les résultats obtenus et la dernière section conclut l’étude.
1. Revue de la littérature
La contribution de l’investissement en infrastructures ou de l’investissement de façon
générale à la croissance foisonne dans la littérature économique contemporaine. Davenport
(1982) montre qu’il existe un lien entre Investissement, progrès technique et croissance
économique. Ainsi on note qu’il existe deux grandes méthodes pour mesurer l’impact du
capital public sur la croissance économique ; notamment en équilibre partiel et en équilibre
général (Boccanfuso, Joanis, Paquet et Savard, 2014). La méthode d’estimation en équilibre
partiel consiste à estimer les coefficients d’élasticité en utilisant l’approche primale c’est-à-
dire à travers la fonction de production, l’approche duale qui en plus de l’utilisation de la
fonction de production intègre l’estimation des fonctions de coût de la firme et enfin la
méthode non-paramétrique qui a l’avantage de prendre en considération l’absence de linéarité
et où il n’est pas nécessaire d’avoir une forme fonctionnelle spécifique. La méthode en
équilibre général a pour principal avantage en comparaison avec la méthode précédente, de
prendre en considération l’impact d’un choc dans un secteur de l’économie sur les autres.
99
Ainsi, de nombreux auteurs ont mesuré l’impact des investissements aussi bien public que
privés sur la croissance économique en utilisant des méthodes économétriques en équilibre
partiel. Veganzones (2000), fait une synthèse de l’état de la littérature théorique et empirique
sur la relation entre investissement dans les infrastructures et la croissance économique. Il
montre en outre qu’il y’a une complémentarité entre investissement public et privé. Roy
(2004) pense que le développement des infrastructures de transport est source de croissance et
que l’un des enjeux les plus importants sur cette question est le sens de la causalité entre ces
deux variables.
Abou (2007), effectue une analyse économétrique en deux étapes pour mesurer l’impact des
dépenses publiques et des investissements privés sur la croissance dans la zone UEMOA13
. Il
effectue d’abord une analyse en série temporelle puis en utilisant des données de panel pour
mettre en lumière les possibles effets communs entre la structure des dépenses publiques et la
croissance économique dans l’union. Concernant le cas spécifique de la Côte d’Ivoire,
Ouattara (2011) utilise un modèle à équations simultanées pour mesurer l’impact de la
corruption sur les investissements publics et privés et sur la croissance. De même Aka (2007),
vérifie la relation entre le financement des investissements par l’épargne intérieure pour la
Côte d’Ivoire et le Ghana sur la période 1960-1998 et aboutit à la conclusion selon laquelle en
Côte d’Ivoire les investissements sont financés en partie par l’épargne intérieure
contrairement au Ghana. Enfin, ESSO (2009), étudie le lien de causalité entre l’épargne,
l’investissement et la croissance économique en Côte d’Ivoire et parvient au résultat selon
lequel le taux d’investissement et le PIB par tête causent le taux d’épargne et le taux
d’investissement cause le PIB par tête.
Les études ayant utilisées une analyse en équilibre générale se subdivisent en deux groupes. Il
y’a d’abord celles qui ont mis l’accent sur l’impact des investissements en infrastructures
publiques sur la croissance économique (Sompt et Dumont, 2000 ; Zhang,Wang et
Chen,2012). Ils montrent dans leurs travaux que non seulement les investissements en
infrastructures publiques peuvent être source de croissance économique mais également d’une
croissance inclusive. De même que les auteurs précédents, Tenekhy (2013), montre dans une
étude sur l’Egypte que les investissements en infrastructures publiques ont aussi un impact
positif sur l’emploi. Le financement de ces dépenses publiques en infrastructure a été abordé
par Vaqar, Ahsan et Sofia (2013), et Corong, Dacuycuy, Reyes et Taningco (2012). Ils
13
UEMOA : Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest
100
identifient deux sources de financement notamment l’augmentation de la taxation sur la
production et l’endettement extérieur aboutissant toutes deux au même résultat :
l’amélioration des indicateurs macroéconomiques et la réduction de la pauvreté à long terme.
Bayoudh (2012), en plus des deux sources de financement sus mentionnées, ajoute une
troisième, le financement par le crédit intérieur. Dans ce cas, du fait de la rareté des
ressources, l’accroissement des dépenses publiques peut avoir un effet d’éviction sur les
investissements privés.
Outre la mesure de l’impact des investissements en infrastructures publics, certains auteurs
ont tout simplement cherché à évaluer l’impact d’un accroissement du taux d’investissement
global sur les performances économiques et le bien-être des populations à long terme avec des
modèles d’équilibre général calculable. Zidouemba et Gérard (2013), montrent qu’une
politique d’accroissement des investissements publics est efficace surtout si elle est
accompagnée de mesures favorisant l’emploi des plus pauvres. L’effet des investissements
directs étrangers (IDE) et de l’aide publique au développement en particulier ceux de la Chine
en Afrique a aussi été analysé (Sawadogo, Tegawende, Natama, Bama, Tapsoba etZerbo,
2015 ; Yélé, 2016). Ils trouvent que ces investissements ont un impact positif sur la
production sectorielle, les conditions de vie des ménages et sur le niveau du PIB réel.
Cette revue montre que l’impact des investissements en infrastructure est significatif sur la
croissance et l’amélioration du niveau de vie des populations fut-elle substantielle. Elle
montre également que dans leur grande majorité, les modèles d’équilibre général calculable
ont plutôt mis l’accent sur l’évaluation de l’accroissement des dépenses publiques en
infrastructure qui est un investissement matériel plutôt que sur l’impact de l’investissement
total qui en plus des investissements matériels comprend aussi les investissements immatériels
tels que la recherche et développement, la formation, les structures de gestion, l’organisation
de la production qui occupent une place de plus en plus importante dans le volume total des
investissements. La section suivante présentera les données et la méthodologie de l’étude.
2. Données et méthodologie
Dans cette section, l’on présente dans un premier temps la matrice de comptabilité sociale de
la Côte d’Ivoire pour l’année 2007 et ensuite, le modèle d’équilibre général calculable qui à
servit de base aux simulations. Les sections du modèle qui sont présentées concernent la
101
production, les facteurs de production, celles de sa dynamique et enfin les équations
d’équilibres macroéconomiques et de sa fermeture.
2.1. La matrice de comptabilité sociale
La Matrice de Comptabilité Sociale (MCS) de cette étude a été construite principalement à
partir du Tableau des Ressources et des Emplois (TRE) de 2007 de l’Institut National de
Statistique (INS). Cependant, certaines données ont été compilées auprès de la Direction de la
Comptabilité Publique et de l’Economie (DCPE/article 4), de la Banque Centrale des Etats de
l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), de la Direction générale des Impôts (DGI) et de la Direction
Générale de l’Economie (DGE).Cette matrice de comptabilité sociale comporte 84 comptes
subdivisés en six catégories : les facteurs de production les agents, les branches de production,
les produits destinés au marché intérieur ou domestique les exportations les taxes et
l’accumulation.
On distingue quatre facteurs de production qui sont le travail qualifié, le travail non qualifié le
capital publique et le capital privé. La MCS comporte neuf catégories de ménage (les salariés
du public, les salariés du privé formel, les salariés du privé informel, les agriculteurs
industriels (destiné à l'exportation), les agriculteurs vivriers, les éleveurs, les pêcheurs, les
indépendants et employeurs non agricoles et les inactifs), un compte pour le gouvernement,
les entreprises ainsi que les reste du monde. On a dix-neuf branches de production ainsi que
dix-neuf produits. Les produits exportables sont au nombre de seize. Au niveau de
l’accumulation, on établit une différence entre les investissements privés, les investissements
publics et la variation des stocks.
La consommation finale représente une part importante de la demande domestique pour
certaines branches comme l’agriculture vivrière l’élevage, la chasse et la pêche où elle
représente au moins 82% (Tableau 1). Le poids de l’Etat dans le secteur de l’éducation et de
la santé est prépondérant avec respectivement 92% et 72% des dépenses dans ces secteurs.
Dans le secteur de la construction, l’investissement occupe une place importante dans la
demande domestique.
Quant aux impôts et taxes en vigueur en Côte d’Ivoire, ils se subdivisent en impôt sur le
revenu, autres impôts sur la production nets de subvention, la TVA sur la production
102
domestique, autres impôts sur les produits nets de subvention, la TVA sur les importations,
les droits de douanes sur les importations et les droits de douanes sur exportions.
Tableau 1 : Caractéristiques des secteurs de production.
Source : MCS
La décomposition du PIB (Tableau 2) indique que la consommation finale représente une part
importante des dépenses (environ 84,12%) soit 71,40% pour la consommation privée et
14
C : Consommations publiques, Q : Demande domestique, IP : Investissement privé, IG : Investissements
publiques, CG : Dépenses publiques, Y : Productions nationales, Ytot : Total productions nationales, CI :
Consommations intermédiaires, EX : Exportations, IM : Importations, VA : Valeur ajoutée, VAtot : Valeur
ajoutée totale. 15
1. Agriculture vivrière 2.Agriculture industrielle et d’exportation 3.elevage et chasse 4.Sylviculture et
exploitation forestière 5.Pêche 6.Activités extractives 7. Industrie agroalimentaire 8.Textile cuire et habillement
9. Autres activités industrielles 10.Electricité eau et gaz 11.Construction 12.Commerce 13.hebergement et
restauration 14. Transport et communication 15.Activités financières 16.Administration publique 17.Education
18.Santé et action sociale 19.Autres services.
C14
/Q CG/Q IG/Q IP/Q Y/Ytot CI/Q EX/Q M/Q VA/VAtot
1 Agri. vivrière15
83.00 0.00 0.00 0.00 7.85 15.78 0.47 3.62 12.89
2 Agri. d’exportation 11.19 0.00 0.00 0.20 9.12 27.50 59.94 1.12 12.93
3 Elevage et chasse 82.46 0.00 0.00 0.00 1.16 17.44 0.12 9.34 1.83
4 Syl. et exploit.forest. 51.56 0.00 0.00 1.47 1.95 30.72 4.62 0.03 2.66
5 Pêche 83.52 0.00 0.00 0.00 0.19 50.77 3.83 70.65 -0.28
6 Activités extractives 0.00 0.00 0.00 0.00 3.61 93.28 27.71 52.89 -6.95
7 Indust. Agroaliment. 54.77 0.00 0.00 0.00 11.59 15.75 26.38 14.17 18.60
8 Textiles, cuir et hab. 62.36 0.00 0.00 0.00 1.44 22.05 36.52 15.34 2.09
9 Autres acti. Indust. 20.69 0.16 1.48 3.73 25.11 46.68 26.78 20.96 20.19
10 Electricité, eau et gaz 25.17 0.00 0.00 0.00 1.61 64.70 10.13 0.33 1.11
11 Construction 7.61 0.00 24.59 62.00 2.71 4.53 0.57 0.26 5.08
12 Commerce 0.00 0.00 0.00 0.00 6.74 99.75 0.25 0.27 0.00
13 Hébergt et de restau. 78.76 0.00 0.00 0.00 0.51 3.46 17.78 60.49 0.91
14 Transports et comm. 57.43 0.00 0.00 0.00 7.36 33.50 9.07 16.35 8.67
15 Activités financières 23.53 0.00 0.00 0.00 2.75 68.84 7.64 14.65 1.04
16 administration pub. 0.00 100 0.00 0.00 4.49 0.00 0.00 0.00 8.83
17 Education 7.77 92.14 0.00 0.00 1.63 0.09 0.00 0.00 3.20
18 santé et act. sociale 27.70 72.30 0.00 0.00 0.59 0.00 0.00 0.00 1.16
19 Autres services 29.94 0.00 0.00 0.00 9.59 61.23 8.83 9.87 6.04
Total 100 100.
103
12,71% pour la consommation publique. Quant à la formation brute du capital fixe, elle est
majoritairement privée (5,73% du PIB pour la FBCF pour le privé contre 2,24% pour le
public). La balance commerciale affiche un solde positif représentant 10,34% du PIB et la
variation des stocks un solde négatif représentant 2,24% du PIB. Les ressources pour financer
ces dépenses proviennent principalement du secteur secondaire dans une proportion de
40,88% du PIB, suivi du secteur tertiaire (36,04% du PIB) et enfin le secteur primaire
représentant 23,08% du PIB.
Tableau 2 : Décomposition du PIB et financement de l'investissement
Source : MCS
Les impôts sur le revenu constituent la source de revenu la plus importante pour le
gouvernement (22,18%). Viennent ensuite les droits et taxes sur les importations (19,31%), la
rémunération du capital (15,57%) et les taxes à l’exportation (14,20%). Ces revenus sont
alloués pour l’essentiel aux dépenses d’administration publique, à l’éducation, à la santé et
16
FBCF : Formation Brute du Capital Fixe
PIB (milliards F CFA) 10318940
Dépenses (% PIB)
Consommation totale dont: 84.12
Consommation privée 71.40
Consommation publique 12.71
FBCF16
privée 5.73
FBCF publique 2.24
Variations de stock -2.42
Exportations 44.99
Importations 34.65
Solde commercial 10.34
Sources (% PIB)
Valeur ajoutée du secteur primaire 23.08
Valeur ajoutée du secteur secondaire 40.88
Valeur ajoutée du secteur tertiaire 36.04
Valeur ajoutée Totale (∑VA) 100.00
Financement de l'investissement (% PIB)
Epargne publique 0.38
Epargne des ménages 3.84
Epargne entreprises 0.00
Epargne étrangère 1.32
Investissement total 7.78
104
des transferts aux ménages (voir Tableau 3 ci-dessous). On peut remarquer que les
indépendants non agricoles, les agriculteurs de vivriers et les ménages dans le secteur privé
(formel et informel) sont les catégories de ménage qui profitent le plus des transferts du
gouvernement.
Tableau 3 : Sources de revenu et postes budgétaires du gouvernement
Source : MCS
Valeur (en milliards de
FCFA)
Part en %
Dépenses
Transferts aux ménages
Salariés du public 48972 2.45
Salariés du privé formel 97520 4.89
Salariés du privé informel 95436 4.78
Agriculteurs industriels 60753 3.04
Agriculteurs vivriers 110524 5.54
Eleveurs 16526 0.83
Pêcheurs 1023 0.05
Indépendants et employés non agricoles 152600 7.64
Inactifs 36751 1.84
Transfert au reste du monde 24481 1.23
Dépenses de biens autres activités industrielles 10289 0.52
Administration publique 950248 47.60
Education 304671 15.26
Santé 86356 4.33
TOTAL 1996149 100.00
Valeur (en milliards de
FCFA)
Part en %
Capital public 310735 15.57
Impôts sur le revenu 442820 22.18
Autres impôts sur la production nets de
subvention
55021 2.76
TVA sur la production domestique 246570 12.35
Autres impôts sur les produits nets de subvention 40409 2.02
Droits de douanes sur les importations 385381 19.31
TVA sur les importations originaires du reste du
monde
113999 5.71
Droits de douanes sur les exportions 283468 14.20
Transferts reçus du reste du monde 117746 5.90
TOTAL 1996149 100.00
105
2.2.Le modèle
Le modèle utilisé dans cette étude est une adaptation à l’économie ivoirienne du modèle PEP-
1-t développé par Decaluwé, Lemelin, Maisonnave, et Robichaud (2010). Les principales
parties de ce modèle à savoir la production, les facteurs de production, la dynamique du
modèle, les équilibres macroéconomiques et la fermeture du modèle sont décrites de la façon
suivante.
2.2.1. La production
Dans le processus de production, les hypothèses suivantes ont été retenues. Les facteurs de
production son substituables dans la détermination de la valeur ajoutée selon une relation
CES. Il existe une parfaite complémentarité à la Leontief entre, d’une part, les intrants
intermédiaires et, d’autre part, entre ces derniers et l’ensemble des facteurs de production.
La valeur ajoutée dans la branche agricole est déterminée par la combinaison du facteur terre
et d’un facteur composite à travers une relation CES. Ce facteur composite est lui-même
obtenu à l’aide d’une fonction CES entre le capital et le travail. Dans les autres branches de
production, la valeur ajoutée est déterminée par le travail et le capital selon une relation CES.
La valeur ajoutée dans chaque branche de production est déterminée par la relation suivante :
ktj
ktj
tj
kt
j
kt
tj
kt
j
kt
jtj DKCDTCAVA
1
,,, 1
Où :
tjDTC ,: Demande de travail composite
tjDKC ,: Demande de capital composite
jA : Paramètre d’échelle de la fonction CES entre le travail et le capital
j: Paramètre de distribution de la fonction CES entre le travail et le capital
j : Paramètre de distribution dans la fonction CES entre le travail et le capital avec
j
1
106
2.2.2. Les facteurs de production
Le modèle distingue deux catégories du facteur travail : le travail qualifié (TQ) et le travail
non qualifié (TNQ). Ces deux catégories sont supposées imparfaitement substituables dans
une fonction CES. Ainsi la fonction de demande de travail composite se présente sous la
forme suivante :
TNQTQlavec
DTCBWTI
WCDT
DTBDTC
tj
DT
j
tjl
tj
DT
jl
tjl
l
tjl
DT
jl
DT
jtj
DTj
DTj
DTDTj
,
,
1
,,
,,
,,
1
,,,,
,
Le facteur capital se subdivise en capital privé et en capital publique pour former ensemble le
volume total de capital selon une fonction CES.
PUBKPRVKkavec
DKCBRTI
RCDK
DKBDKC
tj
DK
j
tjk
tj
DK
jk
tjk
k
tjk
DK
jk
DK
jtj
DKj
DKj
DKDKj
_,_
,
1
,,
,,
,,
1
,,,,
,
où
tjkDK ,, : Demande de capital de type k par la branche j.
tjlDT ,, : Demande de travail de type l par la branche j.
tjlWTI ,, : Taux de salaire payé par la branche j pour le travail de type l, incluant les charges
sociales.
tjkRTI ,, : Taux de salaire payé par la branche j pour le capital de type k, incluant les taxes sur
le capital. DC
jB: Paramètre d’échelle de la fonction CES entre le capital privé et le capital public.
DT
jB: Paramètre d’échelle de la fonction CES entre le travail qualifié et le travail non qualifié.
DC
jk ,: Paramètre de distribution (CES capital composite)
DT
jl , : Paramètre de distribution (CES travail composite)
107
DC
j: Elasticité (CES capital composite)
DC
j1
DT
j: Elasticité (CES travail composite)
DT
j1
DC
j: Elasticité de substitution (CES capital composite)
DC
j0
DT
j: Elasticité de substitution (CES travail composite)
DT
j0
Avec
DT
j
DT
jDT
jDC
j
DC
jDC
j et
11
2.2.3. La dynamique du modèle
La dynamique du modèle repose sur l’hypothèse que l’offre de travail croit au même rythme
que la population. Le volume des investissements publics et la variation des stocks. Ainsi
l’accumulation du capital de chaque type dans une branche donnée à la période t est égale au
capital de la période précédente diminué de la dépréciation de celui-ci auquel s’ajoute le
volume des investissements nouveaux (publics ou privés) dans cette branche. Les équations
de la dynamique du modèle se présentent comme suit :
tjkjktjktjk
ttpubktpubk
ttltl
INDKDKD
nINDIND
nLSLS
,,,,,1,,
,,1,,
,1,
1
1
1
tpubkIND ,, : Volume de nouveaux investissements publics de type k à la période t
tjkIND ,, : Volume de nouveaux investissements de type k dans la branche j à la période t
tn: Taux de croissance de la population.
jk ,: Taux de dépréciation du capital.
2.2.4. Equilibres macroéconomiques et fermeture du modèle
Les équilibres macroéconomiques suivants sont retenus dans le modèle. Il s’agit de l’égalité
entre l’offre et la demande sur le marché domestique, de l’équilibre également sur le marché
du travail et des capitaux. En outre, on suppose que l’investissement total est la somme de
108
l’investissement public et de l’investissement privé et qu’il y’a égalité entre l’épargne et
l’investissement. Le solde de la balance courante est fixe de même que le taux de change et
les dépenses publiques. La Côte d’Ivoire étant un petit pays incapable d’influencer les prix
mondiaux, l’on a fixé les prix mondiaux à l’exportation et à l’importation.
3. Application et résultats
Cette section est consacrée à la présentation des scenarios de simulation et à l’analyse des
résultats de ceux-ci.
3.1.Les scénarios de simulations
Afin d’étudier l’impact des investissements publics sur la croissance de long terme de
l’économie ivoirienne et sur le bien-être des ménages, deux différentes simulations ont été
retenues.
Simulation 1
On simule un accroissement des investissements publics tel que prévu par le scénario
l’éléphant émergent du PND 2016 - 202017
. En outre, les autorités ivoiriennes prévoient
financer ces investissements par endettement intérieur et extérieur selon des proportions telles
que précisées dans le tableau ci-dessous.
17
Le PND 2016 – 2020 prévoit trois scenarios : l’éléphant au repos, le triomphe de l’éléphant et l’éléphant
émergent qui prévoit une forte croissance du PIB réel entretenu par des investissements massifs.
109
Tableau 4 : Volume d’investissement et source de financement selon le PND 2016-2020
2016 2017 2018 2019 2020
Volume d’investissements (% du PIB) 7,8 8 8,5 8,7 8,8
Financement intérieur 5018
45 60 60 60
Financement extérieur 50 55 40 40 40
Source : PND 2016-2020
Simulation 2
On simule un accroissement des investissements publics tel que le taux global des
investissements soit de 35% sur la période 2016 – 2025.
Tableau 5 : Volume d’investissements estimé (% du PIB) et sources de financement (%)
2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025
Inv.19
global 35 35 35 35 35 35 35 35 35 35
Inv. publics 13,5 13,2 13,28 13,06 12,83 12,83 12,83 12,83 12,83 12,83
Inv. privés 21,5 21,8 21,72 21,94 22,17 22,17 22,17 22,17 22,17 22,17
Fin.
intérieur
50 45 60 60 6020
60 60 60 60 60
Fin.
extérieur
50 55 40 40 40 40 40 40 40 40
Source : Estimations de l’auteur
18
Calculs effectués à partir du PND 2016 - 2020 19
Inv. pour Investissement et Fin. pour Financement 20
De 2020 à 2025 nous faisons l’hypothèse que le taux des investissements publics est de 12,83% du PIB et que
les investissements sont financés à hauteur de 60% par le crédit intérieur et 40% par la dette extérieure.
110
3.2.Analyse des résultats
Simulation 1
Tableau 6 : Impact sur les investissements, les salaires et le taux de croissance (variation en
pourcentage par rapport à la situation de référence).
2016 2017 2018 2019 2020
Investissement privé 1.26 1.46 1.52 1.54 1.18
Salaire travail qualifié 0.73 0.85 0.89 0.91 0.68
Salaire travail non qualifié 5.56 6.45 6.77 6.94 5.15
Taux de croissance du PIB 2.59 3.01 3.16 3.23 2.40
Source : Calculs de l’auteur
Le tableau 6 indique que l’augmentation des investissements tel que prévu par le PND 2016 –
2020 aura un effet positif sur le taux de croissance du PIB. Celui-ci augmente continuellement
jusqu’en 2019 pour atteindre le niveau de 3,23% pour ensuite retomber à son niveau de 2015
(2,40%).
On note également une hausse des investissements privés dont le niveau augmente jusqu’en
2019 (1,54%) pour ensuite revenir à son niveau de 2015 (1,18%). L’accroissement du niveau
d’investissements privés peut s’expliquer par le mode de financement mixte adopté par les
autorités ivoiriennes. En effet le financement en partie par l’endettement extérieur et donc par
l’épargne étrangère permet de réduire, voire d’éviter l’effet d’éviction des investissements
privés si les investissements publics étaient financés entièrement par le crédit intérieur. Dans
ce cas l’épargne intérieure devrait financer à la fois les investissements publics et privés qui
auraient pu être évincés par l’accroissement des investissements publics. Par ailleurs, le
tableau 7montre que la politique d’accroissement des investissements publics a un effet positif
sur le rendement du capital privé dans toutes les branches de production ce qui pourrait être
bénéfique aux ménages capitalistes qui disposeraient ainsi de plus de ressources à consacrer
aux investissements.
L’accroissement des investissements publics et privés entraînera une augmentation du niveau
de production mais aussi de la dépense publique. Cette hausse de la demande de travail dans
l’économie aura pour effet une augmentation du taux de salaire du travail. Les résultats de la
simulation 1 (voir Tableau 6) montrent cependant que la hausse du taux de travail non qualifié
est beaucoup plus importante que celle du travail qualifié. Le revenu des ménages va donc
s’améliorer, ce qui aura un impact positif sur le bien-être de ceux-ci mesuré par la variation
111
équivalente du revenu21
comme le montre les résultats du Tableau 8. Le bien être des salariés
du public, des salariés du privés formels et des inactifs à l’année avant la prise en compte des
effets de l’accroissement des investissements dans le cadre du scénario « l’éléphant
émergent » qui était en baisse a connu une amélioration suite à l’application de cette mesure.
De même, les autres catégories de ménage, qui connaissaient auparavant une amélioration de
leur bien-être, ont vu leur situation s’améliorer davantage.
Tableau 7 : Rendement du capital privé (variation en pourcentage par rapport au scenario de
référence)
Source : Calculs de l’auteur
21
La variation équivalente du revenu VE est ce qu’il faut soustraire (ajouter) du revenu initial pour qu’au
système de prix initial, l’agent ait le même niveau de bien être qu’au système de prix final avec le revenu initial.
Une variation équivalente positive correspond à une amélioration et une variation équivalente négative une
détérioration.
01
0
1 YDMP
PYDMVE
i
i
i
Où YDM représente le revenu disponible des ménages avant et après
le choc, iP les prix des biens composites et i la part relative de la consommation du bien i dans la
consommation totale des ménages.
2016 2017 2018 2019 2020
1 Agriculture industrielle et d’exportation 1.92 2.20 2.24 2.22 1.83
2 Elevage et chasse 3.28 3.73 3.74 3.64 3.18
3 Sylviculture et exploitation forestière 2.38 2.72 2.75 2.71 2.29
4 Pêche 1.87 2.14 2.19 2.19 1.78
5 Activités extractives -0.37 -0.39 -0.31 -0.22 -0.42
6 Industrie agroalimentaires 0.47 0.58 0.68 0.76 0.37
7 Textiles, habillement et cuir 1.31 1.51 1.56 1.58 1.22
8 Autres activités industrielles 1.38 1.58 1.62 1.61 1.31
9 Electricité, gaz et eau 1.06 1.23 1.27 1.29 0.99
10 Construction 2.42 2.76 2.77 2.71 2.34
11 Commerce 1.76 2.00 2.00 1.95 1.71
12 Transport et communication 1.70 1.94 1.96 1.93 1.64
13 santé et action sociale 0.85 0.99 1.05 1.08 0.78
14 Autres services 1.62 1.86 1.90 1.89 1.54
112
Tableau 8 : Variation équivalente du revenu des ménages (variation en pourcentage par
rapport au scenario de référence)
Source : Calculs de l’auteur
Simulation 2
L’objectif de la simulation 2 est de mesurer sur une longue période l’impact des
investissements publics plus importants que ceux prévus par les autorités ivoiriennes. On fait
l’hypothèse dans ce cas que les investissements publics sont insuffisants pour stimuler
fortement des taux de croissance du PIB afin que la Côte d’Ivoire devienne un pays
émergent.22
Il s’agit ici de comparer les résultats de cette simulation à ceux la simulation
précédente afin de tirer des conclusions et faire des recommandations en termes de politiques
économiques.
Les résultats de cette simulation montrent qu’une politique d’investissements publics plus
ambitieuse aura un effet beaucoup plus important que ceux observés suite à la mise en œuvre
du scénario « l’éléphant émergent » comme on peut l’observer dans le Tableau 9. En effet
l’accroissement des taux d’investissements privés sur la période 2016-2020 a presque
quadruplé par rapport à celui observé dans la première simulation. Celui-ci est passé en
moyenne de 1,35% du PIB à 5,04 % du PIB sur la période 2016-2025. Cet accroissement est
significatif même si on peut observer un essoufflement du rythme des investissements dans le
temps.
Des investissements plus ambitieux auraient également un fort impact sur la croissance
économique dont le niveau se situerait en moyenne à plus de 10% du PIB sur la période
22
Notons que les pays d’Asie tel que la Thaïlande et la Malaisie qui ont atteint l’émergence ont pratiqué sur une
longue période des taux d’investissement global de l’ordre de 35%.
2016 2017 2018 2019 2020
1 Salariés du public 21.67 9.99 17.99 7.16 4.90 2 Salariés du privé formel 25.36 12.51 21.18 9.24 6.58 3 Salariés du privé informel 23.54 11.26 19.65 8.23 5.77 4 Agriculteurs industriels 23.41 11.20 19.52 8.18 5.74 5 Agriculteurs vivriers 23.51 11.26 19.61 8.23 5.78 6 Eleveurs 38.09 11.30 19.68 8.24 5.77 7 Pêcheurs 23.93 11.60 19.95 8.51 6.01 8 Indépendants et employés non agricoles 22.33 10.45 18.55 7.53 5.20 9 Inactifs 21.67 9.99 17.99 7.16 4.90
113
(précisément 10,18%). Une croissance de cette ampleur sur une période aussi longue aurait
très certainement un effet bénéfique sur l’économie ivoirienne. Le niveau de production s’en
trouverait fortement amélioré et une raréfaction des facteurs de production surtout le facteur
travail toutes choses étant égale par ailleurs se fera sentir. Le coût du travail sera donc plus
important surtout pour la main d’œuvre non qualifié.
Tableau 9 : Impact sur les investissements, les salaires et le taux de croissance (variation en
pourcentage par rapport à la situation de référence).
Source : Calculs de l’auteur
Tableau 10 : Rendement du capital privé
Source : Calculs de l’auteur
Comme indiqué précédemment dans la première simulation, des investissements publics plus
importants entraineraient un accroissement des investissements privés (voir Tableaux 9), On
observe encore une fois l’amélioration du rendement du capital privé ; et ce dans une
proportion plus importante surtout dans les secteurs de l’élevage, de la chasse, de la
construction et de la sylviculture comme indiqué dans le Tableau 10 ci-dessus.
2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025
Investissement privé 5.94 5.62 5.49 5.24 4.99 4.86 4.73 4.62 4.51 4.41 Salaire (TQ) 3.35 3.22 3.19 3.09 2.98 2.92 2.87 2.82 2.77 2.73 Salaire (TNQ) 23.48 22.78 22.72 22.13 21.53 21.29 21.06 20.83 20.61 20.40 PIB (taux de croissance) 11.07 10.73 10.69 10.41 10.12 9.99 9.87 9.76 9.65 9.54
2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025
1 AIE 9.03 8.36 7.97 7.42 6.91 6.55 6.23 5.92 5.65 5.39 2 ECH 16.61 14.93 13.86 12.54 11.34 10.49 9.72 9.03 8.40 7.83 3 SYL 11.83 10.80 10.17 9.33 8.56 8.01 7.52 7.06 6.65 6.27 4 PCH 8.64 8.08 7.78 7.31 6.85 6.53 6.24 5.96 5.71 5.46 5 XTR -2.83 -2.27 -1.83 -1.36 -0.93 -0.57 -0.25 0.05 0.32 0.57 6 IAA 0.96 1.42 1.82 2.12 2.35 2.55 2.70 2.82 2.92 2.99 7 TEX 5.69 5.46 5.38 5.16 4.93 4.79 4.65 4.51 4.38 4.25 8 OAI 6.34 5.92 5.69 5.34 5.01 4.78 4.58 4.39 4.22 4.06 9 EGE 5.32 4.92 4.72 4.41 4.13 3.97 3.82 3.69 3.57 3.47 10 CON 12.35 11.27 10.61 9.72 8.88 8.29 7.74 7.24 6.78 6.35 11 COM 8.93 7.95 7.34 6.63 6.01 5.59 5.23 4.91 4.64 4.40 12 TCO 8.41 7.65 7.18 6.59 6.05 5.68 5.35 5.05 4.79 4.56 13 SAN 3.52 3.46 3.49 3.43 3.36 3.34 3.32 3.30 3.27 3.24 14 OSV 7.56 7.03 6.73 6.29 5.87 5.59 5.34 5.10 4.88 4.68
114
De façon générale, le revenu des ménages augmente. Ces derniers disposent d’une plus
grande capacité à épargner afin de financer l’investissement par le crédit intérieur.
L’accroissement de l’épargne des ménages est beaucoup plus important que dans la
simulation précédente (Tableau 12). Cette tendance générale cache cependant des disparités
selon les catégories de ménage. Les hausses les plus importantes sont réalisées chez les
ménages agricoles, ceux du secteur de l’élevage, les indépendants informels et les salariés du
privé.
Des taux d’investissement plus importants, une croissance économique plus forte, une baisse
du chômage suivie d’un accroissement de la production sont des facteurs favorisant une
augmentation de la demande de capital privé (Tableau 11) surtout à partir de 2018 dans les
secteurs de l’élevage, de la sylviculture et de la construction.
Tableau 11 : Demande de capital privé
Source : Calculs de l’auteur
2016 2017 2018 2019 20120 2021 2022 2023 2024 2025
1 AIE 0.00 0.58 1.10 1.59 2.02 2.41 2.77 3.09 3.39 3.66 2 ECH 0.00 1.53 2.88 4.12 5.22 6.18 7.05 7.84 8.55 9.19 3 SYL 0.00 0.91 1.73 2.47 3.14 3.73 4.27 4.75 5.19 5.59 4 PCH 0.00 0.53 1.02 1.48 1.90 2.29 2.64 2.97 3.27 3.54 5 XTR 0.00 -0.75 -1.43 -2.04 -2.59 -3.08 -3.52 -3.92 -4.28 -4.60 6 IAA 0.00 -0.36 -0.64 -0.87 -1.06 -1.20 -1.31 -1.40 -1.47 -1.52 7 TEX 0.00 0.19 0.36 0.54 0.70 0.85 0.99 1.13 1.25 1.37 8 OAI 0.00 0.25 0.48 0.69 0.87 1.02 1.16 1.29 1.40 1.49 9 EGE 0.00 0.14 0.26 0.35 0.43 0.49 0.54 0.57 0.60 0.63 10 CON 0.00 0.64 1.23 1.79 2.30 2.76 3.19 3.58 3.94 4.27 11 COM 0.00 0.56 1.03 1.44 1.77 2.05 2.29 2.49 2.66 2.81 12 TCO 0.00 0.51 0.95 1.34 1.67 1.96 2.21 2.43 2.62 2.79 13 SAN 0.00 -0.06 -0.12 -0.16 -0.20 -0.23 -0.25 -0.27 -0.29 -0.30 14 OSV 0.00 0.40 0.76 1.09 1.38 1.64 1.88 2.09 2.29 2.46
115
Tableau 12 : Epargne des ménages23
Source : Calculs de l’auteur
Conclusion
Les objectifs de cette étude sont de deux ordres. D’une part elle évalue l’impact sur
l’économie ivoirienne et le bien-être des ménages de la politique d’investissements publics
envisagée par les autorités ivoiriennes et mesure si les effets sont suffisants pour permettre
une accumulation de richesse dans le long terme et assurer une croissance économique de
long terme et l’émergence du pays. D’autre part, elle mesure l’impact d’une politique
d’investissements publics plus importante telle que pratiquée dans les pays aujourd’hui
émergents d’Asie du sud est tel que la Malaisie et la Thaïlande. Pour cela, un modèle
d’équilibre général calculable dynamique séquentiel a été utilisé.
Les résultats des simulations indiquent que la mise en œuvre d’une politique
d’investissements publics envisagée dans le cadre du scénario « l’éléphant émergent » est
favorable à l’accroissement des investissements privés et au-delà, à l’investissement total, à la
croissance économique et à l’amélioration du bien-être de l’ensemble des ménages. La
croissance économique obtenue, en terme réel, n’est cependant pas suffisante pour permettre
une accumulation de la richesse à long terme24
au regard des taux de croissance obtenus et de
la croissance économique et de la population. C’est pourquoi, il est conseillé de mener une
politique d’investissements publics plus ambitieuse à l’instar de celle pratiquée dans les pays
23
1. Salariés du public 2. Salariés du privé formel 3.Salariés du privé informel 4.Agriculteurs industriels
5.Agriculteurs vivriers 6. Eleveurs 7.Pêcheurs 8.Indépendants 9.Chômeurs et inactifs. 24
La croissance de la population étant supérieure à plus de 2.5% (source : https://www.populationdata.
net/pays/Côte d’Ivoire/)
2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025
1 - Sal. Pub 5.66 5.47 5.44 5.28 5.11 5.04 4.96 4.89 4.83 4.76 2 - Sal. Priv.
formel 6.80 6.57 6.54 6.35 6.16 6.07 5.99 5.91 5.83 5.76 3 - Sal. Priv.
informel 11.56 11.20 11.15 10.85 10.55 10.42 10.29 10.17 10.05 9.94 4 - Agri. Indust. 17.35 16.82 16.77 16.33 15.89 15.70 15.52 15.35 15.18 15.02 5 - Agri. vivrier 20.82 20.19 20.13 19.61 19.08 18.86 18.65 18.44 18.25 18.06 6 – Eleveur 18.32 17.76 17.71 17.24 16.78 16.58 16.39 16.21 16.04 15.87 7 – Pêcheur 17.76 17.22 17.16 16.71 16.26 16.07 15.88 15.71 15.54 15.37 8 – Indépendants 14.90 14.45 14.40 14.01 13.63 13.47 13.31 13.16 13.01 12.87 9 - Chôm. et
Inactifs 5.83 5.64 5.60 5.44 5.28 5.20 5.13 5.06 4.99 4.92
116
d’Asie du sud telle que la Malaisie. En effet, les autorités ivoiriennes se doivent,
conformément aux résultats de la deuxième simulation de réaliser un taux d’investissement
global de l’ordre de 35% sur une décennie. Dans ce cas, le taux de croissance en terme réel est
presque de dix pour cent en moyenne, la situation de l’emploi est nettement améliorée car la
demande de travail aussi bien qualifié que non qualifié augmente considérablement, la
productivité des facteurs surtout le capital s’améliore et la production augmente. Ainsi, le
revenu des ménages connaît une nette amélioration, ce qui a un impact positif sur leur bien-
être.
Le financement d’un tel niveau d’investissements pourrait être un réel défit pour les autorités
ivoiriennes. C’est pourquoi l’on recommande la mise en place d’une politique de lutte contre
la fraude et l’amélioration de l’efficacité des dépenses publiques d’investissement afin de
réduire considérablement les perditions dans l’exécution des dépenses publiques
d’investissement. Pour des recherches futures, l’on pourrait étudier les modes de financement
pars les pays en développement de programmes d’investissements plus importants.
117
Bibliographie
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121
Quel système d’exploitation pour un élevage bovin durable en Côte d’Ivoire ? Une
analyse multi-critère par la méthode ANP (Analytic Network Process).
Trazié Bertrand Athanase YOUAN BI
Université Alassane OUATTARA, Bouaké (Côte d‟Ivoire)
Centre Suisse de Recherches Scientifiques / UMI-Résilience
Résumé
L‟élevage bovin est une activité multifonctionnelle et stratégique pour l‟économie ivoirienne.
Toutefois, plusieurs types d‟élevage (individuel, communautaire, à temps partiel) sont
pratiqués. L‟objectif de cette étude a été d‟identifier le système d‟élevage qui respecte au
mieux les critères de durabilité. Ainsi, nous avons effectué une étude comparative des
différents systèmes d‟élevage à la lumière des trois dimensions de la durabilité afin de
proposer le meilleur système aux décideurs et aux managers des exploitations bovines. Pour
atteindre cet objectif, la méthode multi-critère ANP a été utilisée par le biais d‟experts et de
praticiens d‟élevage. Il ressort que l‟accent doit être mis sur la productivité, la profitabilité
(l‟aspect économique) et la recherche de la cohésion sociale afin de pérenniser l‟élevage
bovin. Ces critères ont permis de montrer que les systèmes d‟exploitation à temps partiel et
communautaire peuvent constituer le socle d‟une stratégie de développement durable de
l‟élevage bovin en Côte d‟Ivoire.
Mots clés : Externalité, Elevage Bovin, Développement Durable, ANP, Aide à la Décision
JEL : C65, D61, D62, Q01, Q56
REVUE INTERNATIONALE DE GESTION ET D‟ECONOMIE SERIE B - ECONOMIE / NUMERO 1 - VOLUME 1 - Décembre 2016 / pp. 121-147.
122
Abstract
The bovine breeding is a strategic activity for the Ivorian economy. Its development should
integrate the three aspects - economic, social, environmental - of sustainability. The objective
of this study was to identify the farming system that meets the best sustainability criteria.
Thus, we conducted a comparative study of different farming systems with reference to the
three sustainability dimensions in order to provide the best system for bovine holdings makers
and managers. To achieve this, the ANP method was used through experts and livestock
practitioners. It appears that the focus should be on productivity, profitability (the economic
aspect) and the search for social cohesion in order to sustain livestock. These criteria have
shown that part-time's breeding and breeding's system in community can be the basis of a
sustainable development strategy of the cattle in Côte d'Ivoire.
Key words: Externality, Livestock, Sustainability, Decision Making, ANP
JEL : C65, D61, D62, Q01, Q56
123
Introduction
L‟élevage, ensemble d‟activités de domestication, d‟entretien et de reproduction d‟animaux
divers en vue d‟exploiter les divers produits à des fins alimentaires, commerciales,
socioculturelles, utilitaires, etc., est une pratique millénaire(AGRIDAPE, 2010).Aujourd‟hui,
outre les aspects productifs et le rôle dans les filières alimentaires et dans l‟économie, certains
auteurs évoquent d‟autres fonctions du système d‟élevage comme son rôle dans le maintien
des espaces ruraux ou encore sa contribution à l‟évolution et à la diversité des paysages
(Depigny, 2007 ; Crosson, et al., 2006).
L‟activité de l‟élevage en Côte d‟Ivoire concerne plus de 360 000exploitants avec une
production d‟environ 93 000 Tec minrah (2013) pour une population d‟environ 23 million
d‟habitants. Ainsi, l‟élevage reste encore une activité économique en développement, avec
une contribution d‟environ 4,5% au PIB agricole et 2% au PIB total (Coulibaly,2013). Face à
la demande sans cesse en hausse de la viande, la Côte d‟Ivoire est obligée de recourir à
l‟importation massive. En 2011, pour couvrir la demande nationale, elle a importé 83% de
laits et produits laitiers et 58% de viande de bovins (Coulibaly, 2013). Ces transactions
entrainent des sorties de devises et contribuent à la détérioration de la balance des paiements.
L‟Etat ivoirien avait voulu anticipé cette situation dès les premières années après son
indépendance. Les stratégies pour le développement de l‟élevage ont commencé à être mises
en place à partir des années 60 avec la création de stations et centres d‟élevages (ranch de
Sipilou en 1964), de structures de recherche, de vulgarisation et d‟encadrement (Société de
Développement des Productions Animales en 1972) et la réalisation de nombreux projets
d‟élevage de 1972 à 1994.
Le désengagement de l‟Etat des activités de production et de commercialisation au profit du
secteur privé (imposé par les Programmes d‟Ajustement Structurel (PAS)), s‟est traduit par la
fermeture en 1993, de la SODEPRA et la création de structures de recherche, telles que le
Centre National de Recherche Agronomique (CNRA), de vulgarisation telle que l‟Agence
Nationale d‟Appui au Développement Rural (ANADER), d‟analyse et de diagnostic: le
Laboratoire National d‟Appui au Développement Agricole : (LANADA), de financement et
du conseil : le Fonds Interprofessionnel pour la recherche et le Conseil Agricoles (FIRCA)
ainsi que la libéralisation de la profession vétérinaire.
Après plusieurs décennies de la mise en œuvre de ces politiques, force est de constater que les
actions entreprises sont restées timides. Les différentes crises sociopolitiques ainsi que
l‟instabilité institutionnelle du Ministère en charge des ressources animales n‟ont pas amélioré
124
la situation. Les problèmes d‟encadrement, de performance zootechnique, de financement, de
rentabilité économique et financière des fermes demeurent (Coulibaly, 2013).
Cet échec peut être attribué à la non-prise en compte des exigences du développement durable
par les différentes stratégies et politiques d‟élevage durant toutes ces années. En effet, la
durabilité agricole doit intégrer de façon verticale tous les niveaux (national, local et dans les
fermes), de façon horizontale tous les aspects (économique, social, écologique) et de façon
temporelle le long et le court terme (Hayati et al.,2010; Zhen et al.,2003; Wane, 2006).En
outre, ce développement doit s‟intéresser à l'interaction entre tous les niveaux, car chaque
niveau trouve l‟explication de son mécanisme dans le niveau inférieur, et sa signification dans
les niveaux supérieurs (Hayati et al., 2010).
En côte d‟Ivoire le constat est tout autre. Les stratégies de développement, jusqu‟à
maintenant, ont abordé la problématique de la pérennisation du système d‟élevage en
reléguant au second plan le niveau local et les exploitations agricoles (Coulibaly, 2013).
La politique ivoirienne d‟élevage devrait plutôt analyser les différents systèmes d‟exploitation
en présence afin de proposer celui présentant le meilleur profil pour un développement
durable (Barry, 1975; Youan Bi et al., 2010; Wane, 2006).
Dès lors, la question fondamentale est de savoir lequel des systèmes d‟exploitation est le plus
favorable à un élevage durable ? Autrement dit, quels sont les critères à même de déterminer
la durabilité de l‟élevage bovin en Côte d‟Ivoire ? Quel est le système d‟exploitation qui se
rapproche au plus de la notion de durabilité ?
L‟identification d‟un tel système entrainera sans aucun l‟élevage ivoirien sur le sentier du
développement durable.
L‟objectif de cette étude est d‟identifier le système d‟élevage qui respecte au mieux les
critères de durabilité. Ainsi, nous effectuerons une étude comparative des différents systèmes
d‟élevage à la lumière des trois dimensions de la durabilité afin de proposer le meilleur
système aux décideurs et aux managers des exploitations bovines.
Dans une deuxième partie, nous développerons le cadre d‟analyse, puis la méthodologie de
l‟étude empirique sera exposée et enfin les résultats issus de l‟étude seront présentés et
analysés.
125
1. Systèmes pastoraux dans la théorie économique
La question est parfois posée de savoir dans quelle mesure la théorie et les méthodes
d‟analyse économique peuvent aider à comprendre la logique et les mécanismes des systèmes
pastoraux. En effet, la place de l‟analyse économique reste relativement marginale. Elle se
voit souvent reléguée aux motivations les plus fondamentales d‟une part, et aux aspects
relatifs à la vente du bétail (Faye et al. 2001 ; Delgado et al. 1999). Au fait, d‟un côté, on
admet généralement que les pasteurs sont, comme tout un chacun, des ambitions humaines
facilement traduisibles en termes économiques : la volonté d‟assurer pour eux-mêmes, leurs
familles et leurs descendants les moyens d‟acquérir les besoins fondamentaux (alimentation,
habillement, abri), et de posséder et de faire fructifier des actifs et/ou un capital. De l‟autre
côté, on reconnait que l‟analyse économique s‟applique naturellement aux phénomènes de
marché, à l‟étude de la structure, du fonctionnement et de l‟efficience économique des
échanges des produits de l‟élevage. A un niveau plus macroéconomique, elle permet aussi
d‟examiner la mesure dans laquelle, et avec quelle efficacité relative, les ressources nationales
concourent à satisfaire, par la production et les importations, aux besoins d‟un pays en
protéines animales.
Qu‟en est-il cependant de l‟application de méthodes d‟analyse économique aux pratiques,
cadres décisionnels, ou aux stratégies qui se situent au niveau « intermédiaire » : tout ce qui
concerne la gestion et la conduite du bétail, les rapports avec d‟autres types d‟activités
économiques ?
En effet, si on peut appliquer aux marchés des produits de l‟élevage une analyse résolument
économique, financière, voire d‟économie politique, il en va tout autrement pour ce qui est
des systèmes de production, où une approche multidisciplinaire est indispensable. La question
peut se poser de façon suivante : « sous quelle forme, et par rapport à quels aspects des
systèmes de production, peut-on utilement intégrer l‟analyse économique dans la « trousse des
outils » de recherche appliqués aux systèmes pastoraux ?
L‟outil principal utilisé est l‟économie des ressources naturelles. Celle-ci traite des aspects
économiques de la gestion par l‟individu, ou par la communauté dont il est membre, de
ressources qui constituent des biens communs ou publics (Josserand, 1994).
Nous pouvons mieux cerner l‟analyse des systèmes d‟élevage par les concepts clés de biens
publics et communs, d‟externalité et de coûts et bénéfices privés/sociaux.
126
1.1.Biens publics et communs en élevage
Les biens publics sont les biens non privés qui dépassent de loin l‟intérêt et les capacités
d‟investissement et de gestion des communautés. Ils sont gérés par 1‟Etat au nom de la nation,
souvent de façon imparfaite, inefficace, ou peu équitable. Dans ce domaine, selon
Josserand(1994), une gestion effective devrait, idéalement, reposer sur certaines conditions
préalablement remplies : i) l‟accès aux ressources par les membres de la société, cohérent
avec les grandes orientations de politiques nationales, est défini et réglementé à travers le
processus politique, que ce soit par procédé législatif ou par fait ; ii) la société reconnaît la
légitimité de l‟Etat, qui dispose du pouvoir de faire respecter cette réglementation ; iii) la
réglementation de l‟accès aux ressources publiques est suffisamment évolutive pour refléter
les grands changements démographiques, écologiques ou politiques intervenant dans la
société.
L‟on sait bien que ces conditions sont rarement satisfaites, et puisque la gestion de ces biens
”happe aux communautés, les éleveurs ont tendance à adopter des stratégies individuelles ou
familiales conduisant à une surexploitation des ressources, à la « tragédie des communs »
(Hardin, 1968).
Dans le cas de la gestion des biens publics lies à l‟élevage, l‟analyse économique porte donc
non seulement sur l‟investigation du fonctionnement et de l‟efficacité de divers systèmes
pastoraux, mais aussi, et surtout, sur la compréhension de l‟interaction entre ces systèmes et
leur contexte politico-économique : la communauté nationale ou régionale.
Quant aux biens communs dans l‟élevage, ils peuvent concerner des pâturages, forêts, points
d‟eau naturels ou aménagés, que la communauté (village, groupe de villages, fraction de clan
ou de tribu) gère à l‟usage de ses membres. Par définition, aucun membre de la communauté
ne peut s‟arroger l‟usage exclusif et permanent d‟une partie de ces ressources, ce qui
reviendrait à « privatiser » un bien commun.
La gestion de biens communs tels que les pâturages, les points d‟eau pour bétail par une
communauté s‟avère plus difficile, surtout quand on adopte une vision dynamique de ces
ressources. Par exemple dans cette gestion, il faut prendre en compte, le changement
saisonnier de l‟état des ressources et de l‟inventaire écologique, ou gérer la mise en place
« d‟investissements » extérieurs (puits, forages, pistes) alors que les règles d‟usage et de
maintenance pour ces nouveaux biens communs ne sont quasiment jamais définies a priori
(Thébaud, 1990).
127
1.2.Externalités en élevage
Une notion fondamentale en économie des ressources naturelles est celle des externalités.
Initialement proposé par Sidgwick (dans les années 1880) et Marshall (1890), puis développé
par Pigou (1920), le concept d‟externalité permet de rendre compte des interdépendances ou
interactions hors marché, entre fonctions d‟utilité et/ou de production. Plus formellement, la
fonction objectif d‟un agent comprend des arguments dont les valeurs sont déterminées par
d‟autres agents qui ne reçoivent ni compensations (en cas de bénéfices), ni ne payent de
pénalités (en cas de coûts) pour ces valeurs imposées aux autres.
Ces externalités peuvent donc être positives. C‟est le cas de l‟implantation d'une activité au
voisinage d'une autre qui bénéficie des synergies des effets induits par cette nouvelle
proximité. Dans le cas de l‟élevage traditionnel, une externalité positive classique est l‟effet
fertilisant de la fumure. Les communautés rurales ont depuis longtemps reconnu que ce type
d‟externalité pouvait être intégré, ou pris en compte économiquement, par divers systèmes
complexes d‟association agriculture-élevage.
Ces externalités sont souvent négatives. Elles s‟illustrent en général par des coûts
écologiques : fumées, nuages toxiques, bruit, encombrement, dégradation des sites, disparition
des espèces naturelles, épuisement du sol et du sous-sol…Ainsi la concentration d'animaux
nécessitée par l'élevage intensif favorise au stade de l'éleveur une plus grande productivité et
par suite un meilleur prix de revient de la fabrication de la viande. Mais - en aval- il ne faut
pas méconnaître le fait que ce mode d'élevage augmente le risque d'occurrence de coûts non
ou mal comptabilisés. Comme par exemple ceux liés aux risques de pandémie (les épisodes
récents de grippes porcine et aviaire, ou de celui de la vache folle) dont les coûts seront
finalement payés par la collectivité qui les subit.
Les externalités peuvent être techniques (Weber, 1997), pécuniaires (Scitovsky, 1954),
technologiques (Antonelli, 1995), de position (Frank, 2008 ; Mason, 2000)
La notion d'externalité est au cœur du débat sur le rôle respectif de l'Etat et du marché. Pour
les économistes libéraux et la théorie néoclassique en particulier, la présence d'externalité est
perçue comme une défaillance du marché dans la mesure où le prix de marché se trouve être
faussé et n'est plus capable de refléter et de déterminer à lui seul l'ensemble des
coûts/bénéfices engendrés.
L'État peut avoir une légitimité à corriger la logique imparfaite du marché lorsqu'il intervient
pour provoquer « l'internalisation » des coûts externes dans le calcul économique des agents :
128
- En recourant par exemple à la taxation (taxe pigouvienne), le fait de taxer des activités
privées génératrices d'effets externes négatifs revient à corriger et restaurer le système des
coûts et des prix (en vertu par exemple du principe “ pollueur = payeur ”).
- En fournissant, autre exemple, des services gratuits - par ailleurs financés par le
contribuable- l'État modifie l'allocation des ressources qui résulterait spontanément des
mécanismes du marché. Dans ce cas la redistribution des revenus induite, crée des effets
positifs envers les bénéficiaires et des effets négatifs sur les contribuables.
- en vendant des « droits à polluer » de façon « équitable » aux pollueurs (Dales, 1968).
La prise en compte des externalités permet de passer de la notion d‟efficacité privée à la
notion d‟efficacité sociale (du point de vue de la communauté de référence) et de faire une
estimation de l‟écart entre ces deux perspectives. Cette notion d‟efficacité, ou de logique,
privée et d‟efficacité sociale est parfois aussi liée au paradoxe de la composition de Keynes.
Selon Keynes, la rationalité de la décision d‟un individu dépend de la mesure dans laquelle les
autres adoptent un comportement similaire ou différent. En effet, certaines stratégies
individuelles ne sont pleinement valorisées que si l‟ensemble ou une majorité d‟autres
individus adoptent des stratégies similaires.
Par exemple, l‟effet positif de l‟application de produits phytosanitaires par un paysan est
fortement compromis si ses voisins n‟en font autant. De même, l‟avantage pour un éleveur de
certaines mesures prophylactiques sur son bétail n‟est pleinement valorisé que si ses animaux
sont en contact avec du bétail également protégé. A l‟opposé, certaines stratégies ne sont
optimales pour l‟individu que s‟il est quasiment le seul à les poursuivre. Il en va ainsi pour
l‟utilisation par un éleveur de ressources pastorales relevant du domaine public.
1.3. Coûts et bénéfices privés/sociaux
L‟intégration des externalités dans l‟analyse économique des systèmes pastoraux permet
d‟illustrer certaines différences entre les coûts ou bénéfices privés et sociaux. Prenons comme
exemple une variable de choix en la matière, la « valeur » d‟un animal aux yeux de l‟éleveur,
qui peut, selon les cas, être sensiblement différente du prix du marché, qui lui-même peut ne
pas refléter la valeur « sociale » de l‟animal.
Examinons d‟abord le prix du marché pour un bovin sur pied, qui résulte d‟une confrontation
de l‟offre et de la demande. En ce qui concerne l‟offre, il est bien connu que celle-ci est
rarement basée sur des considérations « économiques » au sens simpliste du terme. Une
interprétation économique plus nuancée admet d‟emblée qu‟en élevage traditionnel l‟animal
129
fait avant tout partie du capital familial. Sa vente correspond à la « transmutation » d‟un bien
d‟investissement et/ou d‟épargne en bien de consommation.
Si 1‟éleveur répugne parfois à transformer un bien d‟investissement en bien de
consommation, c‟est parce qu‟il a le sentiment d‟y perdre au change, et que pour lui, la valeur
de l‟animal est supérieure au prix du marché (Josserand, 1994).
Dans les sociétés pastorales, le bétail n‟est pas seulement un bien d‟investissement, il a aussi
une valeur symbolique et sociale (Duteurtre et al. 2003).Ce sont là des facteurs puissants qu‟il
importe de prendre en compte non seulement du point de vue des éleveurs individuels, mais
aussi de celui de la société plus largement définie. Il ne s‟agit pas de minimiser ou d‟ignorer
ces facteurs, mais il faut bien reconnaître que leur importance relative est difficilement
appréciable.
L‟analyse économique permet de faire une première approximation (minimale) de la
différence entre l‟appréciation de la valeur de l‟animal du point de vue de l‟éleveur, par
rapport au prix du marché. La différence réelle, étant donné les facteurs socioculturels, est
nécessairement bien supérieure mais, comme première approximation, on peut comparer le
prix offert pour un type d‟animal donné avec la valeur actualisée nette du flux anticipé des
produits de cet animal.
Grâce au processus d‟actualisation, on peut en effet apprécier la rentabilité ou valeur, à un
moment donné, d‟un flux de recettes et de dépenses échelonnées dans le temps. Cette notion,
apparentée à celle du taux d‟intérêt, traduit l‟attitude du bénéficiaire quant à l‟immédiat par
rapport au différé.
Selon ce principe, la valeur actualisée nette d‟un veau correspond au prix anticipé de cet
animal à un âge de vente potentiel, y compris espérance de survie et coûts et bénéfices de son
maintien jusqu‟à la vente. Ceci n‟a aucune commune mesure avec la multiplication pure et
simple du poids de l‟animal par un facteur basé sur le prix en F CFA/kg équivalent carcasse
des animaux plus âgés. La valeur actualisée d‟une génisse ou jeune vache est évidemment
largement supérieure (pouvant atteindre presque le double, à son niveau maximum),
puisqu‟elle reflète la valeur actualisée des produits de l‟animal lui-même (lait, fumure, prix de
réforme), mais aussi la valeur actualisée de sa progéniture, mâle et femelle (Ariza-Nino et al.,
1984).
130
Dans ce genre de calcul, les variables opératoires sont le prix de vente, le taux d‟actualisation,
les taux de mortalité et de fertilité. Des simulations basées sur cette méthode de
valorisation(elle-même très réductrice) ont montré que le prix a très peu d‟influence sur la
valeur actualisée globale, et qu‟on ne peut donc s‟attendre à jouer sur le taux d‟exploitation ou
la taille des troupeaux par la manipulation de variables économiques simples (telles que le
prix d‟achat) (Ariza-Nino et al., 1984).
Examinons à présent la valeur « sociale » d‟un animal, et les raisons pour lesquelles elle
diffère du prix du marché (indicateur macro-économique de référence). Ceci dépend en
premier lieu du degré de réalisation des externalités positives potentielles (fumure, traction,
propagation ou contrôle de certaines espèces végétales). La valeur sociale dépend aussi de la
mesure dans laquelle les externalités négatives (surpâturage, déboisement, épizooties) sont
minimisées. Tout ceci est lié au cadre politico-juridique national dans lequel évolue l‟élevage,
aux rapports de force entre groupes d‟acteurs économiques, aux termes de l‟échange élevage-
agriculture, etc.
L‟analyse relative aux coûts fait suite à la notion de taxe pigouvienne visant à mener les
pollueurs à internaliser les externalités. Il s‟agit de mesurer le niveau de production du
pollueur si celui-ci prenait en compte le coût de l‟externalité :
Coût marginal privé + Coût marginal de l‟externalité = Coût marginal social ; ou :
Coût moyen privé + Coût moyen de l‟externalité = Coût moyen social.
Ces différentes notions de biens public/commun, d‟externalité et de coût et bénéfice
privé/social rendent complexe l‟analyse de la durabilité des systèmes de production bovine.
Ainsi, une analyse muti-critère permettra de prendre en compte tous les aspects de cette
activité économique.
2. Méthodologie
Cette partie traite de la collecte et de l‟analyse des données. Compte tenu de la particularité de
l‟analyse multicritère, nous avons présenté d‟abord la généralité relative à cette méthode,
ensuite la méthode ANP et enfin son application au contexte d‟élevage.
131
2.1.Analyse multicritère
Compte tenu de la complexité et le caractère multidimensionnel de la problématique du
développement durable, il est judicieux d‟utiliser une analyse multicritère (Alphonce, 1997;
Saaty, 1999).
Les approches de l‟analyse multicritère peuvent être divisées en trois catégories selon la façon
dont les jugements seront agrégés. Il s‟agit des approches du "haut vers le bas" (top-down) ou
l‟agrégation complète, du "bas vers le haut" (bottom-up) ou agrégation partielle et
l‟agrégation locale (Keeney, 1992; Roy et al., 1985).
L‟approche d‟agrégation locale et itérative est trop chronophage et inadaptée à notre
problématique qui nécessite une vision globale. Les méthodes d‟agrégation partielles, avec
leurs relations de surclassement, fournissent des résultats qui peuvent ne pas être
complètement représentatifs des jugements de départ. En outre, d‟après Schärlig (1985),
«l‟espoir de celui qui utilise de telles méthodes est d‟obtenir un résultat clair et net ;
malheureusement, cet espoir est souvent déçu car le résultat n‟est pas toujours d‟une grande
clarté». C‟est pourquoi nous nous sommes orientés vers les méthodes d‟agrégation complète,
fondées sur des jugements commensurables d‟experts.
Parmi les méthodes d‟agrégation complète, l‟AHP (Analytic Hierarchy Process) (Saaty, 1980)
est la méthode la plus populaire dans la détermination des priorités d‟éléments (objectifs,
alternatives etc.) afin d‟aider à la prise de décision (Zhu et al., 2015). Cette méthode a eu du
succès dans la pratique (Saaty, 1989 ; 2008). Avec l‟AHP, les décideurs déclarent leurs
préférences par comparaison d‟éléments pris deux à deux selon une échelle hiérarchique
linéaire avec indépendance de niveau et des éléments.
Cependant, l‟incapacité de l‟AHP à prendre en compte les interactions et la dépendance des
éléments dans les différents niveaux hiérarchiques est l‟une de ses limites (Zhu et al., 2015).
Afin de résoudre cette imperfection, Saaty (2001) a intégré les interactions entre différents les
niveaux et composantes du modèle en développent l‟ANP (Analytic NetworkProcess). Par
ailleurs, l‟ANP a plusieurs avantages selon Fouladga et al.(2012) : (1) ANP est capable de
mesurer à la fois des critères tangibles qu‟intangibles dans le modèle ; (2) ANP est une
approche relativement simple et intuitive qui peut être acceptée par les managers et autres
132
décideurs ; (3) ANP permet une plus grande complexité des interactions des alternatives et
des critères et ne nécessite pas une structure hiérarchique ; et (4) ANP est plus adapté au
monde réel. De la sorte, nous avons décidé l‟appliquer l‟approche ANP.
2.2. La méthode ANP
La méthode ANP s‟implémente en cinq étapes (Rikhtegar et al., 2014; Šimelytė et al., 2014).
La première est l‟identification des critères, des sous-critères et la présentation des
alternatives qui influencent significativement le modèle. La deuxième étape est la
structuration en décision hiérarchique (but, critères, sous-critères et alternatives). La troisième
étape consiste en la détermination des pondérations partielles à travers la comparaison des
critères et des sous-critères deux à deux selon de l‟échelle élaborée par Saaty (1980). Au
niveau de la quatrième étape, la Supermatrice (la matrice des matrices) qui présente le poids
des interactions est construite. Et la cinquième étape est réservée à la sélection des
alternatives.
2.3.Application de la méthode ANP au contexte de l‟élevage bovin
La méthodologie de travail est décrite sur la figure 1.
Première étape : identification des critères, sous-critères et alternatives
L‟identification des alternatives et des critères s‟est fondée respectivement sur les travaux de
Youan Bi et al. (2010) (pour l‟identification des systèmes d‟exploitation bovine) et ceux de
Zen et al. (2003) (pour les critères de durabilité).
Effet, les travaux relatifs à la caractérisation des systèmes d‟exploitation bovine sont rares.
Parmi les études réalisées dans ce domaine (Barry, 1975; Youan Bi et al., 2010), seule celle
de Youan Bi et al. (2010) a pris en compte les trois « pôles » - éleveur, animal, territoire
(Landais, 1987;1992; Lhoste, 1984) de la représentation d‟un système d‟élevage. Ainsi, sont
pris en compte dans cette étude les différents systèmes établis par Youan Bi et al. (2010).
Youan Bi et al. (2010) ont classifié l‟élevage bovin de la Côte d‟Ivoire en quatre catégories :
l‟élevage individuel ; l‟élevage communautaire ; l‟élevage à temps partiel et l‟élevage
transhumant. Selon ces auteurs, l‟élevage individuel est la propriété d‟une entreprise
133
unipersonnelle et en général pratiqué de façon extensive. L‟élevage communautaire quant à
lui est la propriété de plusieurs éleveurs ayant chacun un petit nombre de bovins et avec des
ressources limitées. Ceux-ci confient la gestion de l‟exploitation à un comité ou à un individu
sensé maitrisé l‟activité d‟élevage bovin. L‟élevage à temps partiel est aussi une forme
d‟entreprise unipersonnelle mais avec un propriétaire non agriculteur et non résident.
L‟exploitation est confiée à un professionnel qualifié. Ce type d‟élevage est en général
intensif.
Figure 1 : Méthodologie de travail
Source: Auteur
Par ailleurs, l‟élevage transhumant est composé des exploitants qui viennent du Mali et du
Burkina Faso pour bénéficier du pâturage en Côte d‟Ivoire et finissent leur séjour par la vente
du troupeau.
De l‟autre côté, les travaux de synthèse de Hayati et al. (2010) ont mis à la lumière l‟étude
remarquable de Zen et al. (2003) qui ont compilé les indicateurs de mesure de la durabilité de
l‟agriculture dans ses trois dimensions économique, sociale et écologique.
Zen et al. (2003) proposent des indicateurs de mesure de la durabilité de l‟agriculture à partir
des trois critères économique, social et écologique. Ainsi, pour le critère économique, ils
suggèrent les sous-critères de productivité, de profit, du ratio Bénéfice-Coût de la production
et la production par tête. Au niveau de la dimension sociale, ils proposent l‟autosuffisance
134
alimentaire, la répartition égalitaire de la nourriture et du revenus, accès aux ressources et aux
services de base, la connaissance et l‟esprit de conservation des ressources. Ils regroupent au
sein des indicateurs écologiques le ratio quantité de fertilisants ou pesticides par hectare
exploité, le ratio quantité d‟eau irriguée par hectare exploité, Teneur du sol en éléments
nutritifs, la profondeur de la nappe phréatique, la qualité des eaux souterraines pour
l'irrigation, la gestion efficace de l‟eau et la teneur en nitrates des eaux souterraines et des
cultures.
Deuxième étape : redéfinition et structuration en décision hiérarchique
Cette base documentaire de la première étape a été présentée par nous, à une seconde étape,
lors d‟un atelier regroupant plusieurs acteurs. Les participants avaient la latitude de retirer,
ajouter ou combiner les propositions de la base de référence.
Ont été conviés à cet atelier trois représentants par système d‟élevage (les centres de classe et
les deux plus proches dans la typologie de Youan Bi et al. (2010)) à l‟exception des éleveurs
transhumants, un économiste, un sociologue et un écologiste, tous experts en production
animale ; soit douze participants. Cet effectif est acceptable car, selon une revue de littérature
de Masadeh (2012), le plus grand effectif pour ce genre d‟exercice est de 23 participants mais
la moyenne est de 8 à 12 aux USA et de 4 à 6 aux Royaumes Unis.
Toutefois, l‟agrégation des préférences individuelles posent problème (Saaty et al.,2007).
Cependant, deux alternatives sont proposées dans la littérature. La première est le vote
consensuel. Ce qui demande un accord pour chaque valeur entrante dans la matrice des
comparaisons par paire, mais ceci est souvent difficile à réaliser. La meilleure voie est l‟usage
de la moyenne géométrique des jugements des participants (Saaty et al., 2007) que nous avons
utilisés par la suite.
Suite aux travaux en plénière, les participants ont retenu les alternatives suivantes : le système
d‟Elevage Individuel, le système d‟Elevage Communautaire et le système d‟Elevage à Temps
Partiel. Le système d‟Elevage Transhumant a été écarté parce qu‟il est transitoire, les acteurs y sont
différents d‟une année à une autre. En outre, il ne nous pas a été possible de retrouver les centres de
classe de l‟étude de Youan Bi et al. (2010).
Par ailleurs aucun critère (économique, social et écologique) n‟a été rejeté. Par contre, au sein
de la dimension économique, seules la productivité et la profitabilité ont été retenues comme
sous-critères. Dans la dimension sociale, les sous-critères d‟autosuffisance alimentaire, la
répartition égalitaire de l‟alimentaire et du revenu et la contribution à la cohésion sociale ont
135
fait l‟objet de consensus. Au niveau de l‟aspect écologique, les participants ont optés pour les
sous-critères de la gestion efficace de l‟eau, du niveau de la pression sur la biodiversité
(Figure 2).
Ces différents éléments ont été retenus par les participants à cause de l‟étroitesse de leur lien
avec la production animale.
Figure 2 : Structure des alternatives, critères et sous-critères
Source: Auteur
Troisième étape : Détermination des pondérations partielles
La troisième phase de notre méthodologie s‟est réalisée dans trois groupes correspondant aux
trois dimensions du développement durable. Chaque groupe est composé par un expert de la
dimension et d‟un éleveur de chaque système ; soit quatre personnes par groupe. C‟est au sein
de ces groupes qu‟ont lieu les comparaisons par paire des critères respectivement à la
dimension à laquelle le groupe appartient. Les niveaux d‟échelle allant de 1 à 9 (Saaty, 1980)
ont été utilisés. La moyenne géométrique des préférences de chaque participant a permis de
136
renseigner les tableaux de comparaison dans le logiciel « Super Décisions Version 2.2 ».
Cette démarche par spécialité a été proposée par Khademi et al. (2014).
Quatrième et cinquième étapes : compilation, super matrice et sélection des alternatives
En utilisant l‟approche ANP et en suivant les trois étapes précitées, nous avons obtenu des
résultats qui sont également discutés dans la section suivante.
3. Résultats et discussion
Cette section présente d‟abord les résultats qui seront ensuite discutés dans une deuxième
partie.
3.1.Résultats
La priorisation des systèmes d‟élevage dans une dynamique de développement durable et les
contributions des critères et sous-critères sont présentées dans le Tableau 1.
Tableau 1: Priorisation d'ensemble
Critère Sous-critère Contribution totale en
pourcentage
Contribution par critère
en pourcentage
Système Système
Communautaire
7,42 37,40
Système Individuel 4,76 23,98
Système à Temps partiel 7,66 38,62
Sous-total 19,84 100
Aspect
Economique
Productivité 22,55 59,74
Profitabilité 15,20 40,26
Sous-total 37,75 100
Aspect
Social
Cohésion sociale 12,37 51,98
Autosuffisance
alimentaire
6,367 26,76
Répartition égale 5,06 21,26
Sous-total 23,79 100
Aspect
Ecologique
Pression sur la
biodiversité
8,37 44,95
Usage Eau 10,25 55,05
Sous-total 18,61 100
Une présentation plus détaillée, au niveau des éléments non agrégés, fait ressortir que les sous-
critères productivité, profitabilité et la cohésion sociale sont les plus importants avec respectivement
137
23%, 15% et 12%. Par contre les facteurs tels que le système d‟élevage individuel (5%), la
répartition égale du revenu (5%) et la recherche de l‟autosuffisance alimentaire (6%) sont
négligeables dans la recherche de la durabilité du système (voir Figure 3).
Figure 3 : Contribution des sous-critères
Source : Auteur
De façon globale, la dimension économique est le premier critère (37,75%) en termes de
poids dans priorisation dans la recherche du développement durable. Elle est suivie de
l‟aspect social et des systèmes d‟élevage. L‟aspect Ecologique ferme la marche (voir Figure
4).
138
Figure 4 : Priorité au niveau des critères
Source : Auteur
Les résultats de l‟ANP révèle que le meilleur système, au regard du développement durable,
est l‟élevage à temps partiel avec une contribution de 39%. L‟élevage communautaire vient
tout juste après avec un pourcentage de 37%. L‟élevage individuel en registre une
contribution de 24% (voir Figure 5)
Figure 5 : Priorité au niveau des systèmes d'élevage
Source : Auteur
139
3.2.Discussion
La discussion est menée à trois niveaux : les sous-critères, les critères et les systèmes.
Rationalité et externalité dans l‟élevage bovin en Côte d‟Ivoire
Au niveau des sous-critères, les résultats de l‟étude montrent qu‟un système d‟élevage durable
devait se bâtir principalement sur les notions de productibilité, profitabilité et de cohésion
sociale. Les deux premières sont liées, dans la théorie économique, au concept d‟efficacité
privée et la troisième a trait à l‟efficacité sociale.
Le Développement Durable (DD) exige la gestion efficace des ressources de production. La
rationalité des éleveurs est primordiale. Cependant, la petite taille non optimale de la majorité
des fermes bovines sont à l‟origine du niveau faible d‟efficacité. Selon le Ministère en charge
de l‟agriculture, plus de 92% des exploitation agricoles sont de petites tailles MINAGRA
(2001). En plus, des études comme celles de Youan Bi et al. (2010) ont montré que
l‟inefficacité des éleveurs de bovins de Côte d‟Ivoire est la combinaison d‟une inefficacité
d‟échelle et d‟une inefficacité technique pure. Par ailleurs, les performances zootechniques
déjà mauvaises des races utilisées(Le Guen, 2004) se sont davantage affaiblies avec la crise
militaro-politique de 1999 à 2011(Coulibaly, 2013). En outre, la valeur de l‟amortissement
des équipements durables et les charges récurrentes sont relativement élevées. La mise en
place d‟un parc de nuit conforme aux normes vétérinaires, l‟alimentation du bétail, les
vaccins, les traitements, les services vétérinaires et d‟assistance sont souvent mentionnés
comme ayant une valeur hors de portée des éleveurs qui sont majoritairement pauvres
Coulibaly (2013), DSRP (2009).Ainsi, l‟atteinte de l‟objectif de système d‟élevage durable est
fortement tributaire d‟une forte amélioration de la productivité comme l‟avait déjà relevé
Nuama (2003).L‟accroissement de l‟efficacité technique des éleveurs est un pan important de
leur efficacité économique.
Les résultats de l‟étude montrent aussi qu‟une amélioration du revenu est indispensable pour
être dans la mouvance du développement durable. L‟efficacité allocative des éleveurs leur
permettra en définitive d‟améliorer son efficacité privée. Or la production bovine en Côte
d‟Ivoire est actuellement caractérisée par un taux de croit faible du cheptel combiné à une
filière mal organisée (Barry, 1975; Coulibaly, 2013; Youan Bi et al., 2010) entrainant un
chiffre d‟affaire souvent en deçà de la valeur des charges. Dès lors, l‟amélioration de la
productivité dans les cheptels doit devenir une priorité pour l‟avènement d‟un élevage bovin
durable.
140
Les résultats mettent en exergue la contribution de l‟activité de l‟élevage à la cohésion sociale
dans la perspective d‟être dans la dynamique du développement durable. La cohésion sociale
n‟est pas un élément de la fonction objectif des producteurs de bovin. Cette situation ne peut
qu‟être analysée qu‟à la lumière de la notion d‟externalité chère à la théorie de l‟économie des
ressources naturelles. Jusqu‟à maintenant, l‟élevage en Côte d‟Ivoire est taxé d‟être la cause
de conflits agriculteurs-éleveurs. Les premiers conflits importants éclatèrent avec la
sécheresse de la fin des années 70 qui a vu l‟entrée massive des éleveurs des pays limitrophes
du nord (Burkina, Mali)(Coulibaly, 1980). Selon Weber (1997), il s‟agit là d‟une externalité
technique négative engendrée par les éleveurs qui défavorise les agriculteurs sans
compensation appropriée. Cette déséconomie externe qui a longtemps fissuré le tissu social
dans les zones de production bovine a amené les autorités ivoiriennes à donner une réponse
par le biais d‟intervention publique. Malgré la construction de plusieurs barrages agro-
pastoraux et de corridors de transhumance, les conflits n‟ont pas cessés (Le Guen, 2004). Les
causes de l‟insistance de ces conflits sont sans doute l‟accès réduit aux ressources naturelles
(eau et pâturages), une concurrence aiguë entre les différents utilisateurs de l‟espace rural
(notamment les agriculteurs, les éleveurs et les pêcheurs) et le développement de zones
protégées (zones forestières, réserves naturelles…) (Touré, 2010).Ces conflits entrainent
souvent la cession d‟activité d‟élevage ou de graves dégâts matériels et humains (Odji, 1997)
entamant ainsi la performance dans les autres sous-critères et critères. Une solution à la Coase
(1960) par une définition claire des droits de propriété permettrait sans doute l‟intégration des
acteurs et des activités d‟élevage dans le fonctionnement des autres secteurs d‟activité.
Au niveau des critères, l‟externalité positive de la dimension économique motrice du
développement durable
La dimension économique est estimée être au cœur de la stratégie de développement durable
de l‟élevage. Cette dimension est capable d‟un effet d‟entrainement sur les deux autres
dimensions. Cela est en accord avec le schéma des effets du progrès agricole sur
l‟augmentation de bien-être de Claquin et al. (2013). Ces auteurs regroupent les effets
d‟entrainement en deux grandes classes : effets de liaison intersectoriels et effet revenu. En
fait, le gain économique peut engendrer une intensification/modernisation du système
d‟élevage (effets de liaison intersectoriels) qui diminuerait le nombre et l‟intensité des conflits
fonciers et baisserait la pression sur les ressources naturelles. Les dimensions écologique et
sociale bénéficieraient des externalités positives de l‟amélioration de l‟aspect économique de
la pratique de l‟élevage. D‟un autre côté, l‟amélioration du revenu issu de la profitabilité
permettrait aux fermiers l‟accès aux services de base (effet revenu).
141
Coûts et bénéfices privés/sociaux dans le choix du meilleur système d‟élevage
Le système à temps partiel est légèrement plus adapté à une stratégie de durabilité de
l‟élevage que le communautaire avec une avance de un point. Le système individuel vient en
dernière position. En effet le coût marginal social semble être le plus faible avec le système à
temps partiel. Il enregistre la plus forte productivité vu son caractère intensif (Youan Bi et al.,
2010) entrainant ainsi une baisse du coût moyen privé. Le système à temps partiel génère
moins de conflit agriculteur-éleveur parce que l‟activité d‟élevage se réalise dans un parc de
qualité (évitant les sorties inopinées d‟animaux occasionnant les dégâts de cultures),
possédant en son sein des points d‟eau (évitant les conflits d‟intérêt relatifs aux biens
communs). Dès lors le coût moyen de l‟externalité est relativement réduit dans le système à
temps partiel. Au total, ce système enregistre le coût moyen social le plus faible.
Par contre, ce résultat est différent de celui de Youan Bi et al. (2010). En effet, dans notre étude,
nous employons une approche multi-critère alors que Youan Bi et al. (2010) n‟utilisent que le
critère économique de productivité et de profitabilité qui ne représentent que 38% de la sphère
d‟analyse de durabilité. Dans les visions sociale et écologique, le système d‟élevage à temps partiel
est mieux côté que le système communautaire.
Conclusion
Ce travail contribue au choix d‟un meilleur système d‟élevage en termes de durabilité en Côte
d‟Ivoire. Deux principaux constats sont à relever. Primo, à partir de la vision croisée des
acteurs des trois systèmes d‟exploitation et des spécialistes en production animale, des
consensus ont été obtenus sur les priorités à accorder pour la pérennisation du secteur
d‟élevage en Côte d‟Ivoire. Les poids donnés à chaque composante révèlent une contribution
à la durabilité relativement importante des aspects socioéconomiques comparativement aux
aspects sociaux et environnementaux. Secundo, il ressort que le système d‟exploitation à
temps partiel et le système communautaire présentent les meilleures caractéristiques d‟un
élevage bovin durable.
Au terme de cette étude, pour l‟avènement d‟un élevage durable, nous recommandons que :
Les exploitations bovines unipersonnelles suivent la gestion des élevages à temps partiel qui
est sous la direction d‟un professionnel qualifié en la matière.
142
Les exploitants en communauté doivent non seulement confier leur exploitation à un
gestionnaire professionnel qualifié en élevage bovin mais également améliorer leur usage des
ressources naturelles et leur intégration dans les autres secteurs d‟activité.
143
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148
Contribution à l’analyse économique de la résilience, une approche entre compensation
et capabilités dans un contexte post-crise
Alice ODOUNFA
Enseignant-Chercheur,
Université Alassane OUATTARA, Bouaké, République de Côte d’Ivoire
Membre de l’UMI Résiliences (IRD-CIRES)
REVUE INTERNATIONALE DE GESTION ET D’ECONOMIE SERIE B - ECONOMIE / NUMERO 1 - VOLUME 1 - Décembre 2016 / pp. 148-173.
149
Résumé
L’apparition, de plus en plus récurrente, de conflits sociaux, de crises écologiques et
alimentaires, et, plus généralement de désastres humains, amènent à questionner nos idéaux
de bien-être. Les indicateurs de bien-être, notamment économiques ne suffisent plus pour
jauger des progrès accomplis, il faut un regard nouveau qui permette d’apprécier les
conséquences destructrices sur l’homme de nos choix, de nos décisions, souvent
caractéristiques en fait d’un état social de « mal-être ».
Or de par ses visées hédonistes, à travers la recherche euphorique de gains et de productivités,
l’économie ne se préoccupe guère du « mal-être social », ni des traumatismes vécus, voire des
souffrances ressenties. En effet, la neutralité, l’impartialité de la norme utilitariste actuelle ne
permettent pas de garantir le respect des droits fondamentaux de l’homme. Le concept de
résilience ouvre cependant, des perspectives nouvelles pour une prise en compte de cet état
de mal-être en économie.
Cet article tente donc une analyse économique de la résilience post-crise en utilisant deux
outils spécifiques : la compensation intergénérationnelle qui renforce le lien entre les
générations et les capabilités individuelles ou collectives qui sont, elles, un concept intra
générationnel. Au-delà de ces deux outils, notre argumentation pour la prise en compte de la
souffrance en économie relève plutôt de l’éthique du juste.
Mots clé : résilience vertueuse, compensation, capabilités, cohésion sociale phénoménologie.
150
Abstract
The more and more recurring appearance of social conflicts, ecological and food crises, and,
more generally human disasters, raises questions about our ideals of well-being. The
indicators of well-being, in particular economic ones are not enough anymore for gauging the
progress accomplished. One needs to take a fresh look allowing estimating the destructive
consequences of our choices and our decisions on man, which are actually often characteristic
of a social state of "ill-being".
Yet due to its hedonist aims, through the euphoric pursuit of profits and for productivity, the
economy hardly worries about «Social ill-being», or traumas undergone, even about
sufferings. Indeed, the neutrality, the impartiality of the current utilitarian standard does not
allow guaranteeing the respect for the basic human rights. However, the concept of resilience
opens up new perspectives for a consideration of this state of ill-being in economics.
Thus, this article attempts an economic analysis of the post-crisis resilience by using two
specific tools: the intergenerational compensation which strengthens the relation between the
generations and the individual or collective capabilities which form an intra generational
concept.
Keywords : virtuous resilience, compensation, capabilities, social cohesion, phenomenology.
151
Introduction
Dans cet article, nous définissons la résilience comme la capacité de rebondir, d’une
personne, d’une communauté, ou d’un système, voire la capacité de renaître à l’issue d’un
choc, de traumatismes divers comme ce fut le cas de la crise armée post - électorale d’octobre
2010 à mars 2011 en Côte d’Ivoire. La résilience peut être positive, voire vertueuse, ou, au
contraire, malveillante voire corrompue. La résilience n’est alors pas considérée comme un
ensemble de stratégies d’autodéfense où seul le plus habile, ou le plus fort, gagne. Il convient
pour nous de préciser cette vision.
Nous nous appuyons sur l’hypothèse suivante : une résilience vertueuse devrait permettre
d’améliorer la cohésion sociale. Dans un contexte post-crise, l’amélioration de la cohésion
sociale pourrait se traduire par un climat de travail et d’échanges apaisé, de multiples moyens
pour promouvoir la vie bonne, le rétablissement des activités aussi bien économiques que
culturelles comme le sport ou la musique, dans le respect des droits et de la dignité humaine.
Pour y parvenir, nous avons mobilisé deux outils : d’un côté la compensation qui s’appuie sur
le pardon dans une perspective intergénérationnelle, et de l’autre, l’approche des capabilités
plutôt considérée dans une perspective intra générationnelle couvrant les libertés
fondamentales de vie et les alternatives de choix.
Nous allons examiner les conditions d’équilibre qui en résultent en considérant d’une part la
relation résilience et compensation et, d’autre part la résilience et capabilités (capacités
potentielles et effectives des personnes).
152
1. Résilience et compensation, cadre théorique
En théorie la compensation doit permettre de répondre aux externalités négatives qui portent
atteintes à la Pareto unanimité de l’équilibre du bien-être.1
Ces atteintes peuvent aller jusqu’à des situations d’anomies chez Durkheim où la cohésion
sociale est particulièrement perturbée.
A cet effet, les pertes et dommages occasionnés par les chocs et les traumatismes résultant de
la crise, doivent être considérés comme des coûts imposés à la société. Des coûts sociaux qui,
tout comme les coûts de production, doivent être pris en charge en fonction d’une
réglementation sociale. Son acceptation par les victimes est alors liée aux capacités de la
population d’intégrer des valeurs et des attitudes sociales de pardon et de commémoration.
Dans les contextes d’après crise, l’appréciation de ces coûts dépend des problèmes qui pèsent
aussi bien sur la communauté que sur les personnes. Or ces derniers peuvent être nombreux
et cumulatifs, ce qui contribuerait à un élargissement du champ des vulnérabilités
individuelles et sociales. A cela s’ajoute le temps nécessaire pour asseoir un consensus sur ce
qui est admis où ne l’est pas en termes de valeurs afin de parvenir à changement de mentalités
et à des attitudes et comportements favorables à la cohésion sociale.2
Koffi et al. (2014) ont ainsi analysé des conditions des politiques économiques publiques qui
contribuent à la résilience post-crise : une justice équilibrée (celle fournie en quantité et en
qualité satisfaisante pour le maximum de personnes possible), puis la cohésion sociale liée à
la capacité de dépassement (sans sacrifice, sans dépassement, cette cohésion ne peut s’opérer
que difficilement), et en troisième lieu l’implication vertueuse des communautés
d’appartenance et d’adhésion dans la résolution des problèmes d’après crise.
1Le débat le plus célèbre sur les externalités négatives du chemin de fer opposa Pigou et son économie du bien-
être (welfare), dont la compensation repose sur la taxation et justifie l’intervention de l’Etat, et néolibéraux,
notamment Coase, qui proposait son principe de marchandage (théorème de Coase et coût de transaction) cf.
(Jarret and Mahieu, théorie économiques de l'interaction sociale 1998, p. 28) 2En effet le concept d’anomie selon Durkheim, renvoie à une situation de déséquilibre, où un certain ordre
collectif se trouve perturbé et la cohésion sociale remise en cause (Jarret and Mahieu, 1998)
153
Dans cet article, nous considérons la résilience sous sa forme vertueuse ou positive comme
une production dont le niveau de qualité dépend en fait de l’appréciation des compensations
tant du côté des acteurs « offreurs » que de celui des acteurs « demandeurs ».
Les offreurs de résilience sont ainsi l’Etat, les communautés locales organisées ou spontanées,
la communauté internationale. Tous ces acteurs sont désignés sous le terme de « tuteurs de
résilience ». Les demandeurs de résilience sont constitués par les populations et les individus
vulnérables3, voire fragiles,
4qui souffrent de traumatismes divers du fait des chocs subis.
Dans le contexte de souffrance, la compensation monétaire ne saurait suffire. Tous les acteurs
doivent être conscients que ce type de compensation pour atténuer la souffrance sociale,
5revêt un caractère éthique. Son appréciation et sa mise en œuvre est naturellement influencée
par des valeurs personnelles, sociales ou communautaires, telles que l’oubli et la
commémoration, la justice, des règles comportementales qui vont dans le sens de
l’apaisement.
Aussi, allons-nous limiter à deux conditions d’équilibre de compensations : la première qui
concerne l’opposition entre désir d’oubli et désir de commémoration, puis une seconde qui
s’articule entre « offre et demande de justice ».
3Sen, p.35 souligne que des facteurs comme le statut social, l’absence des droits légitimes (entitlements) ou
l’impossibilité de vendre sa force de travail, définissent les catégories vulnérables de la population qui
succombent à la famine. 4La vulnérabilité est liée aux incertitudes en matière d’emploi, à une forte exposition à l’insécurité, les maladies,
la pauvreté ; la fragilité est caractéristique des pays ayant été frappés par la guerre, des crises armées, socio-
politiques, (UMI Résilience, 2014). 5Selon Arthur Kleiinman, anthropologue américain, professeur à l’université d’Harvard, (1997), la souffrance
sociale fait référence aux conséquences sur les hommes de la guerre, de la famine, de la dépression, de la
maladie, toutes les formes de pouvoirs qui portent atteintes à la dignité humaine in Atlani (Atlani Duault, 2006).
154
1.1. L’équilibre entre oubli et commémoration
Dans un contexte post-crise marqué par divers traumatismes, par de nombreux décès, et par
des offenses à la dignité humaine, la résilience peut difficilement se faire sans introduire le
pardon.
En effet, certaines communautés ont tendance à privilégier la rétention du mal qu’on leur a
fait, et ceci sur plusieurs générations avec l’idée que tôt ou tard, quelqu’un devra payer. Dans
ce cas, favoriser la cohésion sociale, demande de déployer beaucoup d’efforts et cela peut
prendre du temps, et même être très coûteux sur les plans financier, institutionnel, et pour les
médiations à mettre en œuvre ou pour les facilitateurs de dialogue. Par contre dans les
sociétés où la culture du pardon est enracinée on peut compter sur les acteurs sociaux
facilitateurs de dialogue pour ramener la cohésion sociale. Le coût social est alors moindre,
car on agit sur des acquis sociaux de paix tissés sur plusieurs générations. Nous faisons
l’hypothèse que le pardon est une contrainte sur soi afin de ne pas remémorer à chaque
occasion l’offense qu’on a eu à subir, c’est un effort d’oubli.
Dans le cas d’une résilience qui se veut vertueuse, il faut que le pardon évoqué se situe alors
dans une perspective intergénérationnelle. Cela suppose d’agir sur les comportements
individuels ou collectifs en faisant intervenir le capital social, mais aussi en améliorant la
façon dont la justice est perçue. Cela suppose aussi une volonté commune de reconnaissance
et de dépassement de la situation de souffrance, en vue d’une « co-construction vertueuse ».
La figure 1, illustre les conditions d’équilibre requise entre le désir d’oubli et celui de la
commémoration. Considérons en abscisse un indice de commémoration (ou d’oubli) et en
ordonnée, le coût marginal de compensation correspondant. La courbe AB montre que le coût
marginal de compensation diminue avec le pardon dès lors que celui-ci correspond à un effort
d’oubli.
155
Indice oubli/ commémoration
Vengeance Coût
marginal de
compensa-
tion
Ieq
A
B C
D
Pardon
0
Figure 1 : Equilibre Pardon/Vengeance
156
A l’inverse, la courbe CD montre que le coût marginal de compensation augmente avec le
désir de vengeance qui correspond à une forte commémoration de l’évènement passé (du
traumatisme).
Ainsi, un fort désir d’oubli, favorise le pardon et, à contrario, une forte volonté de
commémoration produit de la vengeance. Le niveau de compensation d’équilibre (Ieq) est
alors le lieu des compromis entre pardon et désir de vengeance, des compromis qui échappent
au domaine d’application de l’optimum de Pareto, comme base éthique minimale, où tout
conflit est de fait évacué.
Parmi les investissements de compensation on doit prendre en compte la manière dont la
justice est perçue au sein d’une société post-crise. Ceci nous amène à examiner plus
précisément, les conditions d’équilibre de justice dans la section qui suit.
157
1.2. Les conditions d’équilibre de justice
Le traitement des dommages post crise visant à améliorer la cohésion sociale relève d’une
éthique de la vertu sociale qui se caractérise par une justice exemplaire et à moindre coût.
Feu, le Président Houphouët-Boigny disait : « la guerre ne fait pas l’économie de la paix, or
les injustices sont des vecteurs de guerre, causant des morts et des traumatismes. Faute d’une
justice équilibrée, les victimes conscientes de leur situation vont développer des stratégies
multiples d’autodéfense, ce qui est bien coûteux. Le coût de compensation liée à la justice
populaire est d’autant élevé que la soif de vengeance amène l’usage de tous les moyens à
portée avec la prolifération des milices armées et l’enrôlement des jeunes soldats ».
Ainsi, considérons la figure 2, avec en abscisse un indice de qualité de la justice qui varie
entre un minimum de justice représentant la populaire et un maximum de justice représentant
la justice exemplaire et, en ordonnée, le coût marginal de compensation. La courbe AB
illustre le fait que le coût marginal de compensation diminue avec la promotion d’une justice
exemplaire, et il augmente avec le laisser aller correspondant à la justice populaire (CD). Au
point P, le coût marginal est Cp. Dans ce cas, la justice n’est pas au niveau de qualité requis
pour être exemplaire, même si son coût est plus élevé que le coût d’équilibre vertueux.
Celui-ci ne peut être vertueux sans que soit accrue la justice exemplaire. Ce qui provoque un
déplacement de la courbe d’équilibre du point q vers le point r d’intersection des droites C’D’
et A’B’.
Le point r correspond à celui de l’équilibre vertueux qui améliore la cohésion sociale tout en
fournissant une justice de qualité au moindre coût (Cr).
Au niveau q, le coût marginal obtenu (Cq) est alors supérieur au coût d’équilibre vertueux
(Cr).
158
B
C
C’
D’
A
4
B’
Coût marginal investissement
compensation
A D
Cq
Cp
Cr
q
p
r
Justice populaire/ Justice exemplaire
Figure 2 : Equilibre justice populaire et justice exemplaire
159
Avec une justice exemplaire, la droite CD tend vers C’D’ et, la droite AB monte vers A’B’ »
jusqu’au point d’intersection r où on obtient l’équilibre de résilience vertueuse de cohésion
sociale induite par la justice exemplaire.
Le tableau 1 ci-dessous fait une synthèse du processus de résilience vertueuse dont nous
avons présenté les caractéristiques dans les sections précédentes. En définitif, pour permettre
un équilibre de cohésion sociale, les outils de l’analyse économique ne suffisent pas. Si la
capacité de rebond se déroule selon un processus marqué par des interactions sociales, il fait
aussi appel à des temporalités variables en fonction de l’intensité du choc et des valeurs
encrées au sein de la population. La résilience vertueuse s’apprécie alors à travers des niveaux
d’équilibre de la compensation qui permet d’accroître le désir de pardon et la mise en œuvre
d’une justice exemplaire. Or la compensation concerne non seulement les personnes
directement touchées par les traumatismes liés à la crise, mais aussi leurs descendants, qui
demeurent des ayant droits. Elle est donc intergénérationnelle. La justice exemplaire pour être
vertueuse doit être équitable.
Sans une justice équitable, à la fois pour tous, sans laisser dans l’oubli, sans exclusion, la
cohésion sociale peut prendre plus de temps que nécessaire. On en arrive à une situation de
vulnérabilités accrues avec le développement incontrôlé des milices et des enfants soldats.
Cette justice vertueuse relève de la volonté de tous les acteurs tuteurs ou demandeurs de
résilience. Ce n’est que sur cette base que l’on pourra obtenir une éclosion véritable des
capabilités et des libertés pour une la cohésion sociale.
160
Tableau 1 : Cohésion sociale entre justice populaire et justice exemplaire, oubli et
commémoration
Valeurs, culture
Temps 1 : Compensation immédiate
Temps 2
Compensation
progressive
Coût
social Justice populaire Justice exemplaire Justice exemplaire
Fort désir de
commémoration
(Vengeance,
rétention)
Justice populaire
et désir de
Vengeance=>Plus
de souffrance
Le désir de
commémoration est
très fort, les résultats
bénéfiques de la
justice exemplaire sur
la cohésion sociale
mettront plus de
temps
Si Forte
implication chefs
coutumiers
cohésion sociale
possible mais il
faut du temps
Élevé
Fort désir
d’oubli
(Pardon)
Cohésion sociale
retardée,
souffrance
Cohésion sociale
favorable
Cohésion sociale
raffermie Moindre
161
2. Résilience post crise et capabilités
En faisant l’hypothèse que la résilience vertueuse devrait permettre aux individus de pouvoir
accéder librement aux biens et services utiles pour mener une vie socialement digne, nous
nous rapprochons du concept de capabilités de Sen, sur la capacité de pouvoir faire librement
des choix alternatifs de mode de vie et d’en assumer les conséquences.
Dans le contexte d’après crise, on peut interpréter ces capabilités comme étant des libertés
d’acteur pour des choix alternatifs de mode de vie face aux externalités post-crise6. La
philosophe américaine Martha Nussbaum, proche de Sen (2003),7 traduit ces libertés en
termes de « pouvoir vivre, pouvoir jouir, pouvoir utiliser, pouvoir éprouver, pouvoir se
former, pouvoir rire. » Ainsi les capabilités de Sen sont perçues dans une vision de
l’épanouissement total des potentialités humaines. Après avoir examiné ces libertés dans le
contexte post-crise de la Côte d’Ivoire, nous allons les dilemmes qui constituent des défis
pour la promotion de la cohésion sociale.
6Pour une vision qui privilégie les agents et leurs aptitudes à agir tant individuellement que collectivement, et
dotés d’une évaluation normative sur les conséquences positives ou perverses de certaines mesures voir (Ballet et
al., 2008). 7La capabilité d’une personne dépend de nombreux éléments qui comprennent aussi bien les caractéristiques
personnelles que l’organisation sociale (Sen, 2003).
162
2.1. Capabilités comme libertés
La décennie de crise (2000-2011) qu’a connu la Côte d’Ivoire a impacté les capabilités des
populations dès lors que l’on considère celles-ci à partir des libertés de choix parmi
différentes modes de vie, telles que définies par Sen. Nous présentons quelques illustrations
dans le cas de la Côte d’Ivoire.
Au titre des libertés économiques : les premières évaluations avaient montré une détérioration
des libertés économiques, liée à la baisse notoire du taux de croissance économique qui est
passé de 4,5% dans les années 1998-2000 à -4.7 en 2011, la destruction massive
d’infrastructures publiques et privées et, l’arrêt sur une longue période des investissements qui
sont vitaux pour la population. 8. Les avancements indiciaires des salariés du secteur public
ont été bloqués depuis 1996. La pauvreté et l’inégalité sociales se sont accrues
particulièrement en milieu rural où l’indice de pauvreté est passée de 42% en 1993 à 62,5% en
2008. Les rackets avaient pris de l’ampleur, notamment dans le domaine des transports. Au
titre des entraves à la liberté économique, on peut citer le ressentiment d’un harcèlement
fiscal chez certains opérateurs justifié par le niveau des arriérés de recouvrement
importants (seulement 20 % des entreprises contribuent pour 80 % des recettes fiscales)
(Cissé, 2015).
Dans le rapport annuel 2013 sur la Liberté économique EFW (Economic Freedom of THE
World) international, la Côte d’Ivoire figure au titre des pays qui se situent au bas du
classement.9
Dans l’optique d’une amélioration de la liberté économique, le programme d’investissement
dénommé PPU (Programme Présidentiel d’Urgence) et divers programmes ont donné la
priorité aux dépenses en faveur des pauvres et à la reconstruction. Des investissements
importants ont porté sur les infrastructures socio-économiques de base, l’amélioration de
l’offre de santé et d’éducation, la reconstruction et la rénovation des universités, la
8Rapport d’évaluation externe du plan prioritaire pour la consolidation de la paix en Côte d’Ivoire (2014) in
www.universalia.com 9http://www.afrik.com/ile-maurice-championne-d-afrique-de-la-liberte-economique, EFW mesure le degré de
liberté économique dans cinq domaines que sont : taille de l’Etat, système juridique et droits de propriété,
sécurité monétaire, liberté de commerce et la réglementation, pour 144 pays
163
construction de l’autoroute Abidjan-Yamoussoukro, du pont Henri Konan Bédié, le
renforcement de la sécurité, le recrutement des ex-combattants la consolidation de la
cohérence sociale etc. Tout cela a permis de réaliser sur la période 2011-2014 un taux de
croissance de 9,8 en 2012, 8% en 2013 et 8,5% en 2014, et une croissance prévisionnelle de
7,9% en 2015 et 7,6% en 2016 et 2017. Cette croissance économique a permis de relever le
seuil du salaire minimum interprofessionnel garanti, (Smig – désormais fixé à 60 000 XOF)
et, le relèvement des niveaux de salaires (avancements indiciaires bloqués depuis 1996) a été
effectif dès 2015.
Pour lutter contre les rackets, des mesures et investissements ont été réalisés dans le domaine
de transport (19 stations permanentes de contrôles techniques automobiles et industriels, dont
5 à Abidjan et 14 à l’intérieur du pays), accroissent les libertés économiques.
Au titre des facilités de communication, de 16 millions d’abonnés au réseau de téléphone
mobile en 2012 on est à près de 25 millions en 2015. Le nombre d’abonnés à internet a
explosé, passant de 200.000 à 8 millions au même moment.
Au titre des opportunités sociales, malgré la priorité accordée à l’éducation depuis 1960, au
niveau national, le nombre d’enfants hors du système éducatif est assez élevé, 1 123 674 soit
37,9% des enfants de 6 à 11 ans, n’ont pas été scolarisés en 2015 (ENSEA).10
Au niveau du secteur de santé, le rapport du PNUD en 2015, indique que sur les huit (8)
objectifs du millénaire, pour la Côte d’Ivoire, de gros efforts ont été consentis pour atteindre
l’objectif 6, à savoir combattre le VIH/Sida, le paludisme et d’autres maladies, cependant le
pays figure toujours parmi les pays en retard en ce qui concerne la réduction de la mortalité
maternelle et infantile. Les insuffisances en matière d’assainissement et d’approvisionnement
en eau potable contribuent aussi à l’aggravation de ces problèmes de santé.11
Concernant les opportunités de sécurité, le sentiment d’insécurité demeure. Une enquête
exploratoire auprès de 40 jeunes de Bouaké, en 2015, a d’ailleurs montré que le sentiment
d’insécurité, perdure chez 57,5%.12
10
Ecole Nationale Supérieure de Statistique et d’Economie Appliquée (ENSEA), Abidjan, République de Côte
d’Ivoire. 11
Côte d’Ivoire, Compte sectoriel de la santé, rapport 2010. 12
Communication, Ballet J. et al. ATM juin 2016, Lille.
164
Au titre des garanties de transparence le recensement de la population, interrompue depuis
1998 a été, relancée en 2014 et, a permis de dénombrer 22, 671331 millions d’habitants, dont
9,481351 soit 41,8% de moins de 15 ans.
Opportunités de Compensations monétaires aux victimes identifiées : Cellule de vérification
de la Commission nationale pour la réconciliation et l’indemnisation des victimes
(CONARIV), a pu valider 316 954 dossiers sur 874 056 dossiers reçus ; soit 36,3%, selon la
typologie des types de traumatismes suivante : violences basées sur le genre qui représentent
0,77%, blessures graves 8,45%, meurtres et disparitions 6% et destructions de biens (84,78%).
La prise en compte des victimes couvre tous les épisodes de la décennie de crise 13 (Une liste
consolidée des victimes de la crise post-électorale désormais disponible).
On peut considérer que dans le contexte après crise, les mesures de renforcement de ces
capabilités peuvent être considérées de façon générale comme des compensations liées aux
externalités négatives subies par la population. L’indemnisation monétaire des victimes en fait
partie. Cependant ces capabilités vues sous l’angle monétaire ne sauraient être suffisante pour
régler un problème éthique, celui de la souffrance née des traumatismes créés par une
décennie de crise : la cohésion sociale doit être considérée comme une vertu éthique à
développer (Dubois, 2008)
2.2. Au-delà des capabilités : la cohésion sociale comme éthique de la vertu
Bazin (2006) trouve que le principe de compensation est inefficace dans la majorité des cas
extrêmes, de pollutions par les petits pollueurs. Ceux qui sont pollués ne sont pas conscients
de leur statut de victimes. On peut transposer ce constat dans le cadre des crises liées à la
guerre. Les petites pollutions, ce sont toutes les traces laissées par les conflits dans le cœur
des hommes.
La compensation monétaire ne saurait donc être le seul moyen pour répondre à un problème
de post conflit, faute de quoi, l’homme serait perçu comme un moyen ; c’est un problème
13
Coup d’Etat de 1999, la rébellion armée de 2002 et la crise postélectorale de novembre 2010 à avril 2011.
165
éthique fondamental, qui nécessite des interventions éthiques. Sans que l’on ne soit
physiquement atteint, il peut subsister une souffrance morale. La confiance à la capacité de la
justice de porter une réponse à ces souffrances est faible. En effet on note de 94% des
Personnes interrogées au cours d’une enquête sur leur perception par rapport à la justice
déclarent n'ayant pas confiance à la justice nationale.
En Côte d’Ivoire, le post électorale a fait officiellement 3.000 morts. Les revendications
d’indemnisation jugées recevables ne représentent que 316 954 sur les 874 056 dossiers
reçus soit 36,3%, On peut considérer que les demandes non recevables sont l’expression
d’une souffrance interne, qu’on a pu extérioriser avec ces dossiers irrecevables. Le choix des
victimes à indemniser rentre dans une logique de négociation (réponse de Coase à la
problématique de l’internalisation des effets externes négatifs).
En définitif, ce sont les normes de justice mises en place par les pouvoirs publics qui
permettent de trancher les cas de conflit liés aux compensations. Cependant, les manipulations
d’appartenance ethnique, politique et religieuse, la violence et l’impunité, peuvent être un
frein à la mise en œuvre de ces normes et susciter de nouvelles formes de violences.14
Les
conflits fonciers sont assez récurrents, pour preuve les affrontements intercommunautaires de
Bouna qui se sont déroulés du 19 à l’ont fait 33 morts dont un gendarme et 52 blessés, selon
le bilan dressé par le gouvernement. Les Lobis, population autochtone principalement
agricole, ont brûlé des cases appartenant à des Peuhls, des éleveurs allogènes, leur reprochant
de laisser leurs bétails saccager les champs. Ces conflits naissent aussi du fait de la cession
incontrôlée des terres15
(Ibo, 2012)
A Abidjan, de jeunes délinquants dont l’âge varie de 12 à 25 ans se font appelés microbes
dans le district d’Abidjan, et qui sont en possession de la drogue (fumoir et de l’arme
blanche). On a aussi l’augmentation de la cybercriminalité.
14
Rapport CNE (2012)
15Les causes des conflits sont multiples. On peut citer entre autres le non respect des clauses des contrats de
cession de terre, le poids des sollicitations des autochtones vis-à-vis des étrangers dans le cadre du tutorat, la
remise en cause des contrats de cession de terre par les jeunes de retour dans les villages, etc.).
166
Ces faits de violence prouvent que la cohésion sociale ne peut être obtenue par des
compensations de capabilités uniquement, il faut ériger la cohésion sociale au titre d’éthique
de la vertu. Cette vertu s’appuie sur l’autocontrainte (dépassement, reconnaissance de la
souffrance) et la responsabilité face aux dilemmes qui ne manqueront pas de surgir. Cette
vertu se base aussi sur les différentes formes de relations constructives. En science sociale,
une société où les individus, entrent très souvent en contact et peuvent s'entraider d'une
manière ou d'une autre, aurait un capital social élevé, par l'existence et le dynamisme des
familles, des associations, des églises, des groupes communautaires et des rencontres
informelles de voisinage (Bévort et Lallement, 2006). Cette éthique de vertu de se traduira
donc par le niveau élevé de capital social axé sur les préoccupations de cohésion sociale et la
prise en charge psychologique des victimes.
Les programmes tels que celui d’appui au renforcement de l’inclusion et de la cohésion
Sociale (PARICS) de la BAD intègrent des indicateurs de suivi de cette cohésion, mais il faut
aller au-delà pour une véritable vertu de cohésion sociale. Une telle approche permet de
cerner toutes les dimensions de la cohésion sociale, dans le contexte et les situations vécues
par les victimes de la crise est appelée approche phénoménale de la Résilience.
167
ENCADRE : Le Programme d’Appui au Renforcement de l’Inclusion et de la Cohésion
Sociale (PARICS) vise essentiellement à appuyer les efforts de la Côte d’Ivoire dans le
rétablissement de la cohésion sociale et l’amélioration de l’inclusion sociale pour non
seulement soigner les dommages sociaux et psychologiques résultant du conflit passé, mais
aussi pour les prévenir à la source afin de garantir une plus grande stabilité politique et une
croissance économique plus équitable.
Quelques indicateurs de suivi : Le taux de résolution des conflits intercommunautaires par la
médiation de 32% en 2012 à 60% en 2016. ; Le pourcentage des terroirs villageois délimités
et sécurisés dans l’Ouest et le Nord- Est devrait passer de 15% en 2013 à au moins 70% en
2016. ; La proportion de villages mettant en place leur Comité de Délimitation et de gestion
foncière devrait passer de 10% en 2013 à au moins 70% en 2016
168
Conclusion et perspective de recherche
Notre approche de la résilience économique par les capabilités et les compensations nous
permet de revenir sur les événements qui impactent sur la résilience. Pour ce faire, nous avons
examiné deux conditions d’équilibre de compensations : la première qui concerne l’opposition
entre désir d’oubli et désir de commémoration, et, la seconde, entre justice populaire et justice
exemplaire. Nos hypothèses ont porté sur le coût de la compensation. Une justice qui favorise
la cohésion sociale est une justice exemplaire à moindre coût. La justice populaire crée des
situations difficilement maîtrisables. Dans ce contexte, on ne peut parvenir à la paix et à la
cohésion.
Ensuite, nous avons pesé les limites d’un équilibre basé sur les compensations monétaires,
dans un contexte de défis moraux, où les convictions peuvent conduire aux affrontements.
Une telle approche peut être qualifiée de phénoménologie de la résilience.
Cette approche phénoménologique, nécessite de compter avec le temps, sur l’auto contrainte,
les responsabilités, la transparence, la volonté du dépassement, l’apaisement. Des évaluations
régulières s’imposent pour apprécier les défis post crise et œuvrer pour la cohésion sociale. Il
faut citer l’étude de la Coalition Ivoirienne pour la Cour Pénale Internationale (CI-CPI) sur la
perception de la justice nationale, internationale et transitionnelle en Côte d’Ivoire (2014).
Cette approche de la résilience comme éthique de vertu sociale, ouvre de nouvelles
perspectives de recherche sur les externalités négatives. C’est une approche basée sur le
niveau élevé de capital social, des discussions, l’autocontrainte et les responsabilités, qui
nécessite la mise en place d’un observatoire éthique de la cohésion sociale comme vertu
(Mahieu, 2012).
Dans cette optique, le rôle de la société civile est importante et nécessite des renforcements de
capacité tels que définis dans l’étude de faisabilité du programme d’appui à la société
civile (Floridi et Verdecchia, 2010).16
16
Cf. Etude de faisabilité du programme d’appui à la société civile en Côte d’Ivoire, Rédigé par les experts
Maurizio Floridi et Stefano Verdecchia.
169
Il y a lieu aussi à prévenir des situations d’anomie chez les jeunes qui représentent une frange
importante de la population (77,7% ont moins de 36 ans) Au plan méthodologique on pourra
se baser à cet effet sur l’étude CREDOC (Aillet et al., 2000).
170
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174
Etude des stratégies de survie des exploitations agricoles de cacao au Sud-Ouest
ivoirien : une approche selon l’origine des producteurs.
Tano Maxime ASSI
Université Péléforo Gon COULIBALY, Korhogo (Côte d’Ivoire)
Résumé
La crise cacaoyère de la fin de la décennie 1970 a profondément bouleversé les stratégies de
survie des producteurs. Elle s’est manifestée par la rareté des facteurs de production (la terre et
le travail), la diminution de la production et du revenu, la transformation du milieu écologique
et la baisse de la pluviométrie. Pour faire face à l’ensemble de ces contraintes, les producteurs
ont adopté diverses stratégies dont l’objectif est soit de diversifier les sources de revenu, soit de
réduire les charges familiales.
Mots-clés : Cacao, Crise agricole, Producteur, Stratégies Agricoles.
REVUE INTERNATIONALE DE GESTION ET D’ECONOMIE SERIE B - ECONOMIE / NUMERO 1 - VOLUME 1 - Décembre 2016 / pp. 174-191.
175
Abstract
At the end of the 70s, the cacao crisis has dramatically transformed the producers’ surviving
strategies. The crisis is reflected in the scarcity of means of production (land and labor), the
diminution of production and revenues, the transformation of the environment and the decrease
in rainfall. To face these constraints, the producers adopted new strategies, the aim of which is
either to diversify the sources of revenue or to reduce the domestic charges.
Keywords: Cocoa, Agricultural Crisis, Producers, Agricultural Strategies.
176
La crise que connaît le secteur cacaoyer depuis la fin de la décennie 1970 a considérablement
bouleversé les structures économique, politique, sociale et environnementale des producteurs.
Elle se traduit par la rareté des facteurs de production (la terre et le travail), la diminution de la
production et du revenu, la transformation du milieu écologique marquée par l’apparition d’une
nouvelle espèce d’adventice (le Chromoloena odorata), d’une nouvelle maladie du cacaoyer (le
swollen shoot) et la baisse de la pluviométrie. Ces faits font apparaître une nouvelle polémique
sur la capacité des exploitations agricoles à s’adapter aux mutations socio-environnementales
et économiques. Beaucoup d’auteurs ont mis en avant la « capacité d’adaptation et de
flexibilité » des exploitations agricoles pour tenir compte de l’évolution de l’environnement.
C’est pour rendre compte, autant que faire se peut, de ces évolutions dans le temps et de la
capacité d’adaptation des producteurs que notre étude se réfère à la théorie du comportement
adaptatif des agriculteurs d’Eduardo Chia, Michel Petit et Jacques Brossier. Cette théorie
constitue permet de comprendre et d’analyser les décisions des agriculteurs, concernant la
répartition des facteurs de production et de la production elle-même, le choix des
investissements et les décisions en situation de risques.
Le présent article s’inscrit dans cette perspective et propose d’appréhender dans une optique
comparative, les bouleversements intervenus dans les exploitations agricoles des Bakwé (les
autochtones), des Baoulé (les allochtones) et des Burkinabé (les allogènes). Autrement dit, il
s’agit non seulement de comprendre et d’analyser les facteurs objectifs qui permettent
d’expliquer la crise cacaoyère mais surtout d’analyser les réponses des exploitations agricoles
face à la crise.
Pour ce faire, l’analyse s’appuie sur les données de deux enquêtes menées en 2010 dans la
région du Bas-Sassandra au sud-ouest ivoirien. Ces enquêtes présentent un état des lieux de la
cacaoculture dans la principale zone de production cacaoyère de Côte d’Ivoire. En effet, elle
fournit à elle seule environ 36 % de la production nationale (396.000 tonnes) soit 15 % de la
production mondiale et renferme 43 % de l’ensemble des producteurs de cacao de Côte
d’Ivoire (ENSEA, 2002). Ces enquêtes concernaient 70 exploitations agricoles, soit 105
producteurs de cacao.
L’article s’oriente autour de quatre axes. Le premier présente le cadre conceptuel et théorique
de l’étude. Il se base sur le concept d’exploitation agricole et repose sur la théorie du
comportement adaptatif des agriculteurs. Le second s’intéresse aux caractéristiques socio-
économiques des exploitations agricoles avant la crise. Le troisième axe concerne les
177
manifestations de la crise cacaoyère. Il montre l’impact de la crise sur les structures sociales et
économiques des Bakwé, sur les rapports de travail au sein de la cellule familiale et entre les
groupes sociaux (Bakwé, Baoulé, Burkinabé), sur l’autonomie des jeunes filles et garçons et
sur l’environnement écologique. Enfin, le dernier axe analyse les réponses des producteurs à la
crise.
1. Présentation du cadre conceptuel et théorique de l’étude
Compte tenu de son caractère complexe et multidimensionnel, il est difficile de donner une
définition type de l’exploitation agricole (Gastellu, 1980 ; 1982). Car, chaque exploitation
agricole possède ses propres caractéristiques, découlant des variations en dotation en
ressources, des conditions familiales, et de ses propres objectifs qui définissent son
fonctionnement. Selon l’unité statistique retenue, certains auteurs ont proposé des définitions
en tenant compte des unités budgétaire, de consommation, du foncier, du système et de la
production.
1.1. L’exploitation agricole : un concept complexe et
multidimensionnel
Comme une unité budgétaire, la Sedes32
(1967) définit l’exploitation agricole comme « le plus
petit groupe de personnes ayant un budget commun ou tout au moins dépendant d’un revenu
principal commun. » En fonction de l’unité de consommation, l’exploitation agricole désigne
l’ensemble des individus qui vivent de la même récolte. Par exemple, en pays baoulé, au
Centre de la Côte d’Ivoire, l’exploitation agricole représente toutes les personnes qui se
nourrissent de la même récolte, c'est-à-dire de l’igname. En tant qu’unité foncière,
l’exploitation agricole fait allusion à l’ensemble des terres utilisées entièrement ou en partie
pour la production agricole et qui est considéré comme unité technique. L’unité est exploitée
directement par une personne, le chef d’exploitation seul ou aidé par les membres de son
ménage ou des manœuvres. Jean-Louis Chaléard (1996) a retenu le critère de l’unité de
production. Pour lui, l’exploitation agricole est « considérée sur le plan spatial par des parcelles
de cultures permanentes ou temporaires. Elle regroupe le chef d’exploitation autour de lui, sa
32
La Société d’Etudes pour le Développement Economique et Social, cité par Jean-Louis Chaléard, 1996.
178
ou ses femmes, ses enfants et quelques neveux, voire des frères et sœurs ». Brossier et al,
200333
vont dans le même sens en présentant l’exploitation agricole comme un centre de
décision et/ou un système famille-exploitation qui « combine et utilise des facteurs de
production pour produire des biens et services en vue de réaliser des objectifs fixés par
l’agriculteur et sa famille ». Christine Aubry (2007) retient le critère de système. Selon
l’auteur, l’exploitation agricole « est considérée comme un système piloté par l’agriculteur et
sa famille (voire d’autres acteurs), où s’emboîtent divers niveaux de décision, des plus
stratégiques (constitution même du système de production : choix des productions, de leur
combinaison, des ressources productives, terre, équipement, main d’œuvre) à ceux qui portent
sur l’allocation des ressources productives aux différentes productions et sur la conduite même
de ces productions. » Toutes ces définitions ne sont pas contradictoires. Bien au contraire, elles
justifient le caractère multidimensionnel et divers des exploitations agricoles. Mais en fait,
comment appréhender cette multiplicité et comment en rendre compte ? Tenir compte de ces
caractéristiques (évolutif, multidimensionnel et divers), nécessite la prise en compte des
théories dynamiques qui rendent compte des évolutions dans le temps des exploitations
agricoles. C’est d’ailleurs ce que suggère la théorie du comportement adaptatif (TCA) de
Eduardo Chia, Michel Petit et Jacques Brossier (2014).
1.2. La prise en compte du caractère multidimensionnel, divers et
évolutif des exploitations agricoles : la TCA
D’après ces auteurs, la théorie du comportement adaptatif des agriculteurs tient compte des
décisions prises par les agriculteurs pour conduire leurs exploitations. Comment ces décisions
sont-elles prises et quels en sont les déterminants ? Pour rendre compte de la nature dynamique
de la théorie, la TCA soutient que les décisions sont évolutives et s’échelonnent selon les
saisons, en fonction du déroulement des travaux, etc. Aussi, elle a proposé de recourir aux
concepts projet, de situation, de perception et d’adaptation car « l’acteur/décideur s’adapte en
permanence, ce qui permet des interprétations fines du comportement des agriculteurs, aussi
bien dans leurs décisions quotidiennes que dans leurs choix stratégiques à plus long terme,
comme ceux d’adoption des innovations techniques. » Cette théorie peut-elle s’appliquée à la
situation des producteurs de cacao que nous étudions ? A cette interrogation, les auteurs
répondent que la TCA est « d’application générale » et permet de rendre compte du
33
Cité par Mohamed Gafsi, 2006.
179
fonctionnement de différents types d’exploitation. Ainsi, la TCA peut contribuer à rendre
compte des transformations sociale, économique et environnementale qui affectent
l’agriculture cacaoyère. Ces bouleversements peuvent être appréciés selon l’origine des
producteurs.
2. Diversité des exploitations agricoles selon l’origine du producteur
Il existe une multiplicité d’exploitations agricoles dans le monde. Sotomayor et al, (2011)34
en
ont dénombrée 17 millions en Amérique latine. En Afrique subsaharienne, les groupements de
producteurs familiaux se multiplient aussi « tout en prenant des formes juridiques variées. »
(Eduardo Chia et al, 2014). Beaucoup d’auteurs (idem, 2014, B. Hervieu et F. Purseigle, 2013,
Yung Jean-Michel et al.1992), ont proposé à travers la littérature une typologie des
exploitations agricoles. Au niveau du Sud-Ouest, la diversité des situations agricoles peut
s’appréhender selon l’origine des producteurs à partir des critères de structure (taille de
l’exploitation, nature de la main-d’œuvre : familiale et salariée et sources de revenus: agricole
et extra-agricole), de mode d’accès au foncier (héritage, échange travail contre terre, achat,
etc.) et du régime alimentaire dominant (Riz, igname, maïs). Selon nos enquêtes, les
exploitations cacaoyères au Sud-Ouest sont en général de type familial et de petite taille (4,96
hectares). La production annuelle moyenne est estimée à 2,21 tonnes et emploient en moyenne
0,89 travailleur agricole. L’âge moyen des vergers est de 23,5 ans. Les rendements
s’établissent en moyenne à 447 kg/ha. Plus de la moitié des enquêtés (67 %) n’a aucun niveau
d’instruction. La prise en compte des groupes ethniques montre l’existence de profondes
disparités.
2.1. Caractéristiques des exploitations agricoles des Bakwé
Les Bakwé se trouvent au sud-ouest de la Côte-d’Ivoire, dans la sous-préfecture de Méadji,
entre Soubré et San-Pédro. L’organisation politique est de type lignager, à filiation
patrilinéaire et la parenté joue un rôle capital. D’après les données de nos enquêtes,
l’exploitation agricole des Bakwé rassemble autour du chef d’exploitation, sa ou ses femmes,
ses enfants, ses neveux, ses frères, ses beaux-frères et belles-sœurs. Elle est composée
d’environ 10,28 personnes dont 3,76 enfants et 6,52 hommes et femmes. L’âge moyen des
34
Cités par Eduardo Chia et al, 2014.
180
exploitants est de 54 ans. Le niveau d’instruction est relativement élevé, avec seulement 36 %
des enquêtés qui ne savent ni lire ni écrire. La taille des exploitations agricoles est en moyenne
de 4,96 hectares et les rendements s’élèvent à 351 kg par hectare, rendements faibles par
rapport à la moyenne de l’ensemble des personnes enquêtées. L’âge des vergers est d’environ
25 ans et le nombre moyen d’aboussantiers employés est de 1,4. Qu’en est-il des Baoulé?
2.2. Caractéristiques des exploitations agricoles des Baoulé
Le people Baoulé du Sud-ouest est essentiellement constitué des Nanafouê35
, dont on a assisté
à partir de 1970, à leur déplacement suite à la destruction de leurs villages lors de la
construction du barrage de Kossou sur le fleuve Bandama au centre de la Côte d’Ivoire.
Environ 75.000 baoulé repartis sur 130 villages ont été déplacés. Ils ont été incités à s’installer
dans la zone forestière du Sud-Ouest où des espaces forestiers ont été déclassés pour les
accueillir (Véronique Lassailly-Jacob, 1982). L’exploitation agricole des Baoulé comprend un
homme, sa femme, ses enfants, ses neveux et occasionnellement ses frères, qui constituent la
main d’œuvre salariée. L’exploitation agricole des Baoulé est composée en moyenne 8,03
personnes, dont 2,88 enfants et 5,15 hommes et femmes. Tous les adultes sont actifs dans
l’agriculture et l’âge moyen des chefs d’exploitation est de 50 ans. Le niveau d’instruction est
relativement faible. Environ 48 % de personnes interrogées ne savent ni lire ni écrire. La taille
des exploitations agricoles s’établit en moyenne à 5,65 hectares et les rendements s’élèvent à
498 kg par hectare, rendements supérieurs à la moyenne de l’ensemble des populations
enquêtées. L’âge des vergers est de 22 ans. Le nombre d’aboussantiers36
employés est faible ; il
est de 0,54 travailleurs salariés. Les enfants sont souvent employés comme main-d’œuvre
salarié. Cette stratégie vise à faciliter la transmission interfamiliale de l’héritage foncier.
L’exploitation agricole assure une part importante de la production de rente : le cacao.
Toutefois, elle ne permet pas d’assurer leur sécurité alimentaire. La production vivrière est
essentiellement dominée par l’igname et les produits maraîchers. Qu’en est-il des Burkinabè?
2.3. Caractéristiques des exploitations agricoles des Burkinabè
35
Il s’agit d’un sous-groupe de l’ethnie baoulé, situé près de Yamoussoukro au centre de la Côte d’Ivoire. 36
L’aboussantier est un manœuvre agricole qui accepte de vendre sa force de travail moyennant une rétribution.
Celle-ci se fait selon les clauses du contrat "aboussan" par le partage de la production en trois. Les deux tiers
reviennent au producteur.
181
Les Burkinabè sont pour la plupart issus de la migration. Depuis la période coloniale, ils ont
longtemps servi de main-d’œuvre agricole mais de créer leurs propres exploitations dont la
taille moyenne est de 6,02 personnes dont 1,62 enfants et 4,4 hommes et femmes.
L’exploitation agricole est composée d’un chef de ménage, sa femme, ses enfants et de ses
frères. L’âge moyen du chef de ménage est de 45 ans. Le niveau d’instruction est très faible.
Aucun individu de la population enquêtée ne sait lire ni écrire. Les Burkinabè exploitent en
moyenne 4,25 hectares de cacao dont l’âge est d’environ 22 ans. Ils emploient 0,73
aboussantier et les rendements s’établissent à 492 kg par hectare.
En résumé, on note que quelques soit le groupe ethnique, l’exploitation agricole la
situation alimentaire des exploitations agricoles reste encore limitée à la capacité des
ressources cacaoyères à acquérir l’alimentation sur le marché.
3. Impacts de la crise cacaoyère sur les exploitations agricoles
L’exploitation abusive de la forêt occasionnée par une agriculture sur brûlis a précipité
l’épuisement des ressources naturelles et provoqué des perturbations climatiques dans les zones
de production cacaoyère. Cette situation a précipité la chute des rendements et par conséquent
la baisse des revenus. La crise cacaoyère a donc bouleversé l’unité productive des agriculteurs
en transformant les structures familiales, les rapports de production et de travail tant au sein de
la cellule familiale qu’au niveau des groupes sociaux.
3.1. La dégradation des relations sociales au sein de la cellule familiale
et entre les groupes sociaux
La terre a constitué le principal vecteur de discorde, tant au niveau de chaque exploitation
agricole qu’entre les groupes sociaux. En effet, L’une des options qui ont permis aux
producteurs de maintenir leur main-d’œuvre, a été de mettre à la disposition de son (ses)
manœuvre(s) agricole(s) une portion de terre pour lui (leur) permettre de produire sa (leur)
propre nourriture. Après plusieurs années de travail, le manœuvre agricole pouvait disposer de
la terre soit en offrant quelques présents au propriétaire foncier soit en le payant directement en
espèces. Ces cessions de terre avaient lieu le plus souvent de façon verbale ou étaient
matérialisées par des reçus sans valeur juridique. À partir de 1980, suite à la crise économique
qui a provoqué une chute de l’emploi en milieu urbain, une politique du « retour des jeunes à
182
la terre » a été prônée par les autorités ivoiriennes pour trouver une solution au chômage des
jeunes citadins. Les conflits fonciers entre les jeunes autochtones retournés à la terre et la
population allochtone (Baoulé et Burkinabé), ont pris de l’ampleur. En effet, beaucoup de
jeunes autochtones de retour au village qui se trouvaient sous la dépendance37
de leurs parents
ont remis en cause les contrats passés auparavant entre leurs parents et leurs manœuvres leur
permettant d’accéder au foncier sans que les jeunes aient été consultés. La non-reconnaissance
des contrats verbaux de cession de terre a exacerbé les conflits entre les jeunes et les
producteurs allochtones. Par manque de justificatifs valables, les anciens employés allogènes
des chefs d’exploitation autochtones ont été contraints d’acheter à nouveau à leurs enfants les
terres qu’ils croyaient avoir acquises depuis plusieurs années afin de ne pas se faire expulser de
leur parcelle. Les conflits fonciers ont quelquefois tourné en affrontement entre communautés
et provoqué le départ de plusieurs allochtones vers leur région d’origine. Cet état de fait a
accentué la rareté du facteur travail et a entraîné une modification des rapports de travail.
Au niveau familial, la crise a déstructuré les normes de la transmission intergénérationnelle de
l’héritage. Par exemple, chez les Bakwé, le mode de transmission de l’héritage est de type
patrilinéaire. Il stipule que l’héritage se transmet de père en fils. Ainsi, au décès du père, les
différents biens que ce dernier possédait de son vivant, sont répartis entre les membres de sa
filiation. Cependant, les personnes désignées pour le partage de l’héritage modifient
quelquefois les règles au profit de leur propre descendance (Léonard et Balac, 2005).
Pour prévenir ce type de pratique, certains enfants se font engager du vivant de leur père,
comme « aboussantier »38 dans leurs plantations. Les enfants qui n’ont pas pu prendre de
telles dispositions, entrent souvent en conflit avec leurs oncles ou avec les enfants de ces
derniers pour réclamer ce qui leur revient de droit. Le plus souvent, l’accès à la terre constitue
le principal mobile des conflits qui opposent non seulement les aînés aux cadets mais aussi les
héritiers de fait aux héritiers de droit.
La crise cacaoyère a aussi transformé la nature du travail familial, particulièrement celui des
enfants en les confinant dans l’exploitation. En effet, en réduisant le revenu des producteurs,
le caractère socialisant du travail des enfants s’est progressivement estompé. Le recours au
travail des enfants a compensé la faiblesse du revenu parental. D’après nos enquêtes, les
enfants sont contraints de travailler 7,6 heures par jour, avec seulement 1,48 heure de repos
37
Cette dépendance se traduisait par l’utilisation de cette jeunesse comme main-d’œuvre active familiale dans
la cacaoculture, d’autant que la main-d’œuvre salariale était devenue rare et chère. 38
Ouvrier agricole, chargé de l’entretien de l’exploitation. Il est rémunéré au tiers de la production.
183
lorsqu’ils sont au champ. De plus ils effectuent souvent des travaux dangereux. En effet, il
ressort de nos investigations que sur 80 % des enfants employés pour le nettoyage des
plantations, 75 % se sont déjà blessés avec la machette39
. Par ailleurs, les parents ont modifié
les stratégies de scolarisation en accordant la priorité à leurs propres enfants par rapport aux
enfants apparentés qui ne sont plus scolarisés comme auparavant, mais employés comme main-
d’œuvre dans des activités domestiques ou agricoles. Les jeunes filles et garçons connaissent
aussi une dégradation de leur situation.
3.2. Renforcement de la vulnérabilité des jeunes
En affectant les relations entre les aînés et les jeunes, la crise a entravé la capacité de ces
derniers à constituer une unité familiale autonome. Dans la tradition, il y a un lien étroit entre
l’accès à la propriété foncière et la formation par le jeune de sa propre unité familiale. Les
difficultés d’accès à la terre de nombreux jeunes ont freiné cette marche vers l’autonomie et
il y a un recul de l’âge du mariage des jeunes hommes. Ainsi un des producteurs du village
de Krohon a été contraint de travailler chez son père jusqu’à ce qu’il se marie à l’âge de 25 ans.
Les jeunes filles qui sont souvent relayées au second rang comme coépouses dans des foyers
polygames, voient leur vulnérabilité se renforcer. En effet, elles accèdent difficilement à la
terre et au statut de chef de ménage même après le décès de leur époux. Les premières épouses
ont tendance à accaparer la terre à leur profit et à celui de leur propre progéniture.
Par ailleurs, la diminution des ressources foncières fait que les femmes n’ont plus le monopole
de l’exploitation des bas-fonds qui sont aussi convoités par les hommes. Comme elles
exploitent maintenant les bas-fonds avec les hommes, la gestion des ressources financières qui
en résulte ne relève plus de leur seule compétence et elles doivent tenir compte de l’avis des
hommes. La diminution des ressources foncières a accentué la dégradation du milieu
écologique.
3.3. La transformation du milieu écologique
39
Notre enquête auprès d’un échantillon de 20 enfants âgés de 10 à 18 ans, dont les parents sont
cacaoculteurs, dans la sous-préfecture de Méadji, en mars 2008 et 2010.
184
En dehors de ses effets sur les structures sociales et économiques des producteurs, la crise
cacaoyère a également transformé le milieu écologique. La disparition de la forêt a provoqué
non seulement la baisse de la pluviométrie mais aussi encouragé les feux de brousse. Yao Brou
Télesphore et al. (2005) ont remarqué que le climat dans de la région du Sud-Ouest s’est
fortement dégradé. Il s’est rapproché de ceux des pays tropicaux secs où les pluies annuelles
restent généralement inférieures à 1.000 mm. Cela a entraîné l’apparition d’une nouvelle
espèce d’adventice : le Chromoloena odorata. Il s’agit d’une plante envahissante ; sa présence
dans une exploitation accentue la pénibilité du sarclage. Elle allonge sa durée et entraîne une
baisse de la productivité du travail. On assiste également depuis une dizaine d’années à
l’apparition d’une maladie du cacaoyer : le swollen shoot, maladie qui attaque les branches de
la plante et modifie la taille de la cabosse. Elle réduit la production et la superficie cultivée et
provoque aussi une baisse des rendements et du revenu des producteurs. Face à toutes ces
difficultés, les producteurs essayent d’adapter leurs comportements à la situation de crise.
Ainsi, ils diversifient leurs systèmes de culture et d’exploitation.
4. Les stratégies d’adaptation des producteurs à la crise cacaoyère
Face à la crise, les producteurs de cacao développent depuis une vingtaine d’années, des
stratégies visant soit à accroître la production ou la main-d’œuvre, soit à les main- tenir. Ces
innovations socioéconomiques se traduisent par la modification du système productif (systèmes
de production, de culture et d’exploitation) selon la disponibilité des facteurs de production.
Ces stratégies se traduisent par la diversification des sources de revenus et de crédit et la
réduction des charges familiales, notamment celles liées à l’utilisation de la main-d’œuvre
salariée.
4.1. La diversification des sources de revenus
La crise cacaoyère, en affectant le revenu des producteurs, a suscité le développement de
cultures illicites, dont la culture du cannabis. L’expansion de cette culture dans les années 1980
est motivée par le désir de trouver un revenu alternatif à celui tiré de la vente du cacao d’une
part, et la nécessité de compenser la faiblesse de la main-d’œuvre salariée en augmentant la
durée quotidienne du travail, d’autre part. La culture du cannabis a été implantée à côté de celle
185
du cacao et l’importance des revenus tirés de cette activité illégale a favorisé son
développement. En effet, la valeur bord champ d’un sac de 20 à 25 kg de feuilles séchées
s’établissait autour de 150 000 à 200 000 Fcfa. Sur 0,1 ha, la production est estimée à 8 ou 12
sacs soit la valeur de 10 à 13 t de cacao produit sur une exploitation de plus de 30 ha (Léonard
et Balac, 2005). Le revenu du cannabis a permis à beaucoup de producteurs d’améliorer leur
condition de vie par l’acquisition de biens immobiliers dans les zones urbaines et de diversifier
leurs activités. Ainsi, ont-ils pu investir dans l’hévéaculture et cette nouvelle activité a permis
aux femmes de s’adonner au commerce d’articles divers. Les revenus tirés de ces activités «
hors exploitation » ont aussi constitué une alternative à la faiblesse du crédit bancaire.
4.2. La diversification des sources de crédit
Beaucoup de producteurs ont bénéficié de crédit auprès d’opérateurs (issus essentiellement de
la communauté burkinabé) qui ont su investir une partie de leurs avoirs dans des activités
productives telles que le transport, l’achat et la vente de produits et d’intrants. Ces prêts qui
sont basés sur la confiance et soutenus par la solidarité villageoise, ne sont assortis d’aucun
intérêt et sont remboursés à la campagne suivante. L’objectif de ces "banquiers informels" est
de renforcer les liens de solidarité entre les groupes sociaux, mais surtout d’améliorer leur
relation avec la population autochtone dans un contexte de tensions foncières.
Une autre forme d’accès au crédit s’est développée en faveur des producteurs ne pouvant pas
disposer des prêts des banquiers informels : le contrat de garantie. C’est un contrat de
location qui consiste à mettre à la disposition d’un individu (un acheteur de produit ou un autre
producteur) 1 ou 2 ha de cacaoyers moyennant une rétribution en espèces, durant une ou deux
années au terme desquelles, la plantation est restituée à son propriétaire. Lors de son
établissement, un document précisant la durée du contrat, le montant de la garantie, l’état du
champ et sa superficie est signé par les deux parties en présence du chef du village, qui veille
au respect du contrat. La durée du contrat peut être prolongée à la demande d’un des
signataires et le montant de la garantie est négociable. Le contrat de garantie est une version
adaptée du contrat de mise en gage. Contrairement à ce dernier qui peut déboucher sur des
cessions de terre au cas où l’emprunteur est insolvable, le contrat de garantie précise
clairement le montant, les modalités du remboursement et la durée du contrat. Du fait de la
186
diminution de la terre, les producteurs ont pris l’initiative de préserver leur bien en précisant les
règles du contrat, en présence d’un témoin clé dont le chef du village. En prenant de telles
dispositions, ils sont certain de reprendre leur terre et leur verger au terme du contrat. Aussi, le
remboursement du prêt se fait à travers l’exploitation du verger par son nouveau propriétaire.
Le niveau du revenu tiré de l’exploitation du verger sous garantie dépend essentiellement de son
entretien mais aussi du niveau des prix. Cependant, il excède généralement le montant de la
garantie et le coût de l’entretien combinés. En effet, pour 2 ha d’exploitation garantie, le
propriétaire perçoit environ 200 000 Fcfa, soit 305 E. L’exploitation du verger peut procurer à
celui qui l’exploite, le double du montant investi (prix de la garantie et dépenses d’entretien),
soit 500 000 Fcfa (762 E).
Le contrat de garantie est motivé par la faiblesse des revenus et du crédit rural. Il permet au
producteur de disposer immédiatement d’un revenu suffisant pour répondre à un besoin
pressant tel que la scolarisation des enfants, la santé ou les dépenses funéraires. En effet, selon
nos enquêtes 5 % des producteurs de cacao ont recouru à cette pratique pour assurer les dépenses
funéraires d’un parent proche et 7 % d’entre eux s’en sont servi pour financer les dépenses de
santé. Cette innovation est très appréciée par les producteurs qui la considèrent comme une voie
sûre pour le financement des dépenses. Cependant, elle présente l’inconvénient pour le
producteur, de retrouver au terme du contrat, une exploitation mal entretenue, ce qui peut à
moyen terme entraîner une baisse de la production. C’est pour prévenir ce risque que le
producteur ne met jamais en gage toute son exploitation et veille sur celle qui est mise sous
garantie. Celui qui exploite la partie mise en garantie cherche à tirer profit de ses
investissements en tenant compte des prévisions de production et de prix.
4.3. La réduction des charges familiales
De nouveaux rapports de travail se sont instaurés entre les propriétaires fonciers et les ouvriers
agricoles. Les contrats de courte durée (contrat à la tâche) sont privilégiés au détriment des
contrats annuels. Aussi, le contrat « abou » (partage de la production) a connu une
modification dans son appli- cation. En effet, l’offre de contrat de type « aboussan » dans
lequel le produit de la récolte est partagé en trois (deux tiers reviennent au producteur) est
privilégiée par rapport au contrat de type « abougnon » (partage de la récolte en deux). Ainsi,
96 % des producteurs bakwé interrogés sur cette question ont affirmé employer des «
187
aboussantiers », soit 54 % des personnes interrogées10. L’aboussantier est nourri la première
année mais le producteur n’est plus obligé de le loger. Les modifications intervenues dans les
rapports de travail sont à l’avantage du producteur. Le manœuvre est enfermé dans une
situation de dépendance économique qui accentue sa vulnérabilité. Non seulement, il ne peut
plus accéder au foncier suite à la modification du contrat aboussan, mais aussi son revenu
diminue par rapport à ses propres charges (qui ne cessent d’augmenter). Il a désormais à sa
charge le coût du loyer et une partie des frais d’entretien de l’exploitation (il a en charge l’achat
du carburant ou la location de la machine à pomper et pendant l’écabossage, prend en charge
une partie de l’alimentation du groupe de travailleurs venu l’aider dans cette tâche).
Par ailleurs, beaucoup de producteurs emploient une main-d’œuvre issue de la cellule familiale
aux dépens de la main-d’œuvre salariale. Cette innovation leur a permis de réduire les charges
d’exploitation mais a entraîné une augmentation du nombre d’enfants dans la production
agricole. Ces enfants, qui sont confiés à un membre de la parenté pour des raisons
économiques (incapacité des parents de satisfaire à leurs besoins) ou par manque
d’infrastructures scolaires dans leur région d’origine, sont employés dans l’exploitation
familiale comme main-d’œuvre, bien qu’ils leur aient été confiés (généralement) pour des
besoins éducatifs. Le tuteur, qui est le plus souvent un membre de la parenté, doit leur assurer
le logement, la nourriture et la santé. Ces bonnes intentions sont détournées au profit des
travaux champêtres où les enfants se chargent du nettoyage de la plantation, de la récolte, de
l’écabossage du cacao, etc.
Beaucoup d’analystes estiment que les relations de parenté favorisent la socialisation de
l’enfant par rapport aux relations de soumission ou de dépendance qui conduisent à
l’exploitation, parce qu’un enfant qui travaille au sein de la cellule familiale bénéficie de la
protection des membres de la parenté (Morice, 1996). Cependant, les relations de parenté
peuvent servir de prétexte pour masquer l’exploitation. Ainsi deux enfants de Rénékro40 qui
n’ont pas pu fréquenter l’école sont employés dans la cacaoculture à faire des tâches très dures
qui constituent une véritable menace pour leur santé (migraine, douleur corporelle, blessure à la
machette, etc.).
La crise cacaoyère de la fin de la décennie 1970 a considérablement affecté les structures
économiques et sociales des producteurs. Elle a boule- versé les relations de travail entre les
producteurs et les manœuvres d’une part et entre les jeunes et les aînés d’autre part. Pour
40
Situé dans la sous-préfecture de Méadji au Sud-Ouest ivoirien.
188
assurer leur survie et celle de leur famille, les cacaoculteurs ont mis en place diverses stratégies
qui portent soit sur la diversification des sources de revenu et de crédit, soit sur la réduction des
charges familiales. Ces mesures constituent pour certains producteurs une réponse ponctuelle à
un problème posé (besoin d’alimentation, de scolarisation, dépenses funérailles, etc.).
Cependant, on peut s’interroger sur la capa- cité de ces innovations à assurer le défi de la
qualité ou de la durabilité de l’économie cacaoyère du Sud-Ouest ivoirien. Cet enjeu relève de
deux aspects à savoir les aspects techniques et opérationnels et la responsabilité sociale. Le
premier concerne les caractéristiques techniques et physico-chimiques que doit posséder le
cacao ivoirien au regard des normes édictées en la matière. Le second est relatif à la question
du travail des enfants dans la production du cacao dans ce contexte de baisse du revenu
parental. Il semble qu’on assiste à une transformation de la fonction du travail qui n’a plus pour
objectif premier la socialisation des enfants, mais prend la forme d’une exploitation.
189
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d’appui à la création d’entreprises », Revue Française de Gestion, n°101, p.100-
112.
pour les livres ou les rapports : JULIEN P.A., MARCHESNAY M. (1988), La
petite entreprise : principes d'économie et de gestion, Vuibert. –
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pour les références issues d'un site Internet : ALLOUCHE J., AMANN B. (1997),
Le second marché au cœur de l'aventure entrepreneuriale française, Plaquette
officielle de l'anniversaire du Comité du second marché, décembre
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SERIE B - ECONOMIE / NUMERO 1 - VOLUME 1 - Décembre 2016