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Campus adventiste du Salève Faculté adventiste de théologie
Collonges-sous-Salève
Discernement des vrais et faux prophètes dans le Nouveau Testament
Etude de cas par l’approche exégétique d’Ac 16.16-1 8
Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master en théologie adventiste
Par Michaël CHITTY
Directeur de recherche : Dr Roland MEYER
Assesseur : Dr Luca MARULLI
Décembre 2010
3
Remerciements
Merci,
à Roland Meyer et Luca Marulli, vous avez su me tirer vers le haut,
à Mélanie de m’avoir accepté comme époux,
et au Seigneur, Créateur de toute chose.
4
Liste des sigles et abréviations
Les textes et abréviations bibliques sont extraits de La Nouvelle Bible Segond -
Edition d’étude (NBS), Villiers-le-Bel, ABU, 2002, sauf indications contraires.
Dictionnaires, revues
CBFV Cahiers Bibliques de Foi et Vie
CEv Cahiers évangile
DB Dictionnaire de la Bible
DBS Dictionnaire de la Bible : Supplément
DCTh Dictionnaire critique de Théologie
DThB Dictionnaire de Théologie Biblique
DVS Dictionnaire de la Vie Spirituelle
EncProt Encyclopédie du protestantisme
EF Encyclopédie de la Foi
FV Foi et Vie
JSNT Journal for the Study of the New Testament
LeD Lire et Dire
LV Lumière et vie
MD La Maison Dieu. Revue de pastorale liturgique
MoBi Le monde de la Bible
NRTh Nouvelle Revue Théologique
RB Revue Biblique
RHPhR Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses
RHR Revue de l’histoire des religions
RSR Recherches de Science Religieuse
RThPh Revue de Théologie et de Philosophie
SdT Signes des Temps
VTB Vocabulaire de Théologie Biblique
5
Collections, éditeurs
ABU Alliance Biblique Universelle
ACFEB Association catholique française pour l’étude de la Bible
BEThL Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium
CRThPh Cahiers de la Revue de théologie et de philosophie
EB Ecole Biblique
IET Institut d’Etudes Théologiques
IRB Institut de Recherche Biblique
LLB Ligue pour la lecture de la Bible
LUP Leuven University Press
PERLE Publications Evangéliques en Réimpression Limitée Emmaüs
PUF Presses Universitaires de France
PUN Presses Universitaires de Namur
SBF Société Biblique Française
UC University of California
Abréviations textuelles
LXX Septante
NBS La Nouvelle Bible Segond - Edition d’étude
NA 27 Novum Testamentum Graece de Nestle-Aland, 27e éd.
TA Texte Alexandrin
TO Texte Occidental
TO1 Texte Occidental primitif
TO2 Texte Occidental révisé
TOB Traduction œcuménique de la Bible
Les textes de l’Antiquité sont désignés par les abréviations usuelles. Les
manuscrits du Nouveau Testament grec et des versions anciennes sont cités à l’aide
des sigles utilisés dans le Novum Testamentum Graece de Nestle-Aland, 27e éd.
6
Introduction
Parler de prophète est une certitude pour beaucoup, en fait rire d’autres et
embarrasse le reste. Mais c’est un sujet qui ne laisse pas indifférent et fait débat
lorsqu’on l’aborde. Au XXIe siècle, dans le monde occidental, le prophète est décrit
comme un marginal, en rébellion constante envers la société, s’adressant à tous et
brandissant une Bible à la main. Il est présenté, dans les dictionnaires généralistes
de la langue française, sous deux formes : comme « une personne qui annonce
l’avenir, ce qui doit arriver1 ». C’est un homme qui annonce un évènement futur,
mais imminent, et souvent cataclysmique à savoir : la fin des temps. Ou encore, chez
les hébreux, c’est « une personne qui prétend révéler des vérités cachées au nom
d’un Dieu dont elle se dit inspirée2 ». C’est une définition pleine de suppositions,
sans assurance de fondements approuvés.
Notre connaissance du sujet ne serait-elle pas influencée par suite de toute
une série de préconçus entassés au fil des années ? Dans le NT se trouve la
présence de vrais et faux prophètes, les moyens de distinction entre les deux, et
l’attitude à adopter face à ces envoyés de Dieu. Retournons dans ces livres bibliques
pour redéfinir le prophète tel qu’il était dans le premier siècle de notre ère.
Face aux faux prophètes, qui annoncent une mauvaise voie, il est aisé de se
positionner. Mais lorsque ces derniers proclament une vérité, sous l’emprise d’un
esprit mauvais, la distinction du vrai et du faux est moins percutante, et bien plus
délicate. Dans la première partie du mémoire, nous apprendrons quel a été le rôle du
prophète dans le christianisme primitif. Il s’agira d’extraire les critères de
discernement des vrais prophètes que nous ont transmis les apôtres et les premiers
chrétiens, afin de mieux définir et comprendre leur mission.
Les outils et critères de reconnaissance des vrais prophètes en main, il faudra
nous poser la question : comment les utiliser dans la réalité ? Il existe un décalage
1 Dictionnaire Hachette 2011, Paris, Hachette, 2010, p. 1312. 2 Le Petit Robert 2011 : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Le Robert, 2010, p. 2046.
7
entre la théorie et la pratique qui peut amener sur de fausses routes. La Bible ne
nous aiderait-elle pas aussi pour franchir ce pas ?
Alors que Paul pénètre pour la première fois sur une terre étrangère, il doit
faire face à une culture différente, des religions diverses et il se trouve confronté
immédiatement à une situation de conflit. Une servante, qui prédit l’avenir, vient à sa
rencontre et annonce de vive voix une vérité. Alors que son attitude, ses paroles et
sa fonction dans la société la définissent comme une prophétesse, la servante va
être rejetée par Paul qui n’accepte pas cette publicité gratuite. Comment discerner le
vrai du faux-semblant en tant que représentant du Christ face à ce type de discours ?
Cette péricope, que nous étudierons dans la deuxième partie se trouve dans le livre
des Actes des Apôtres (Ac 16.16-18). Avec l’approche exégétique de ce texte, nous
comprendrons comment Paul, dans un cas concret, a utilisé les outils de
discernement entre vrais et faux prophètes.
Le sujet de ce mémoire sera donc abordé sous deux angles : premièrement une
approche textuelle sur la distinction entre les vrais et faux prophètes dans le NT,
suivie d’une étude exégétique du texte des Actes (16.16-18), qui nous permettra
d’analyser au travers de cette péricope l’attitude du missionnaire Paul à Philippes en
prise avec un cas concret. Enfin, l’ensemble des données recueillies nous permettra
de répondre à la question centrale de cette étude : quels critères de discernement
entre les vrais et faux prophètes, extraits du NT, sont inhérents au prophète,
perdurent dans le temps et lesquels seraient d’actualité, encore applicables
aujourd’hui ?
9
Parler de prophètes, fait penser avant tout à l’AT, et beaucoup moins au NT3. Et
lorsque le NT évoque l’existence de prophètes c’est qu’il fait principalement
référence aux prophètes de l’AT, ou à Jean-Baptiste, le dernier prophète annonçant
une repentance et un jugement imminent, ou enfin à Jésus qui fait lui-même
référence aux prophètes de l’AT4. Mais qu’en est-il des prophètes chrétiens de
l’Eglise primitive ?
Dans le NT, parler de prophète c’est d’abord se rapprocher de l’origine du mot.
Etymologiquement, du grec profh,thj, ce terme se traduit littéralement par « celui qui
parle à la place de quelqu’un », du verbe fhmi = « parler », et du préfixe pro = « pour,
à la place de »5.
Que ce soit dans les Evangiles, les Actes des apôtres où les Epîtres, le NT fait
mention de vrais prophètes et prophétesses6. Ce ministère, exercé dans le
3 Pour la suite de la réflexion, il faut faire la distinction entre le sens français que peuvent avoir le verbe « prophétiser » et « être prophète ». Le verbe prophétiser est susceptible d‘être utilisé dans un emploi large sans titre particulier à la personne. Ce peut être le fait de parler autour de soi de la Bonne Nouvelle et du retour prochain de Jésus-Christ. Cet esprit de la prophétie, visible à travers chaque chrétien, est à distinguer du fait « d’être prophète ». Rares sont les premiers chrétiens à avoir reçu le titre de « prophète ». Dans les développements suivants, nous porterons la réflexion sur ce titre de prophète ou charisme prophétique attribué à une personne en particulier, de par la fonction distincte qu’il exerce dans une communauté. Pour une différenciation des deux termes « être prophète » et « prophétiser », cf. E. COTHENET, Exégèse et liturgie, Paris, Cerf, 1988, p. 63-64 ; Cf. J.-M. POTENTI, « Comment gérer le ministère prophétique », Les cahiers de l’école pastorale, n° 49, 3 ème trimestre, sept. 2003, p. 27. 4 Dans le NT, ce terme s’utilise aussi bien pour désigner les prophètes de l’ancienne alliance, que pour Jésus, les premiers chrétiens ou encore les faux prophètes. Cf. B. GILLIERON, Dictionnaire biblique, 3ème éd., Poliez-le-Grand, Moulin, 1998, p. 174. Les prophètes d’Israël tiennent une place particulière puisqu’ils étaient hautement honorés, au point de leur construire des sépulcres (Mt 23.29ss). Moïse est considéré comme le premier prophète de l’ancienne alliance, et Jean-Baptiste le dernier. Cf. T. BOUTET, « Les prophètes ont mauvaise presse », Les Cahiers d’Edifa, n° 9, printemps 2000, p. 2 ; J. ZUMSTEIN, « le prophète chrétien dans la Syro-Palestine du 1er siècle », FV, volume LXXXIII, n° 5, 1984, p. 83. 5 Sur la définition du « prophète » dans la Bible, Cf. P. BEAUCHAMPS, « Prophète », X. LEON-DUFOUR (dir.), VTB, Paris, Cerf, 1964, col. 869-880 ; N. FÜGLISTER, « Prophète », H. FRIES (dir.), EF, Paris, Cerf, 1966, p. 496-519. Dans la littérature profane, profh,thj est traduit par « interprète » et ne signifie pas devin ou diseur d’avenir, plutôt traduit par mantij. Cf. E. MANGENOT, « Prophètes », F. VIGOUROUX (dir.), DB, vol. 9, Paris, Letouzey et Ané, 1922, col. 705-727. DENYS d’HALICARNASSE appelle les prophètes des « interprètes de choses divines », profh,tai tw qeiwn. DENYS D'HALICARNASSE, Les origines de Rome, Tome 1, Livre II, LXXIII (trad. V. FROMENTIN, J. SCHNÄBELE). D. THEMISTIUS applique le terme de profh,thj, à ceux qui interprètent Aristote. Cf. D. THEMISTIUS, The private orations of Themistius - Oration 23, The Sophist (trad. R. J. PENELLA), p. 112. PHILON d’Alexandrie a plusieurs fois présenté les prophètes comme des « interprètes d’un autre qui met des choses dans son esprit ». Cf. PHILON D’ALEXANDRIE, Quaestiones et solutiones in Genesim III-IV-V-VI, 34B, III.10 (trad. C. MERCIER). 6 Sans tenir compte des prophètes de l’AT, en fonction des visées et des contenus de leur propos, on parlera des prophètes d’avant la Pentecôte, apostoliques ou non-apostoliques. Cf. S. ROMEROWSKI, « La prophétie dans l’Ecriture », Hokhma, numéro spécial 72, 1999, p. 41. Dans le NT, le ministère de prophète est aussi bien exercé par des hommes que par des femmes (Ac 2.17). Citons comme
10
christianisme primitif, est explicité de façon non systématique et n’est pas facile à
définir.7 La disparité des versets laisse peu de place aux certitudes. Son étude est
donc nécessaire pour comprendre cette fonction au sein de l’Eglise primitive, en vue
d’une application pour aujourd’hui.
Si le chrétien d’aujourd’hui veut « éprouver les esprits, pour savoir s'ils sont de
Dieu, car plusieurs faux prophètes sont venus dans le monde » (1Jn 4.1), de quels
critères dispose-t-il ? Que nous enseignent les premiers écrits dont les versets,
nombreux mais dispersés, marquent la résurgence de ce phénomène à cette
période ? Quels sont donc, à la lumière du NT, les outils permettant de différencier
les vrais des faux prophètes et d’en définir les missions ?
1 Les outils pour différencier l’un de l’autre
On ne peut réduire le ministère prophétique à un titre. Il englobe une personne,
avec des aspects dominants et d’autres mineurs, qui ne peuvent enfermer ce
ministère dans un stéréotype8. Le NT parle du prophétisme comme d’une réalité
connue, sans donner d’indication précise. Il faut avancer pas à pas.
Pour comprendre quel a été le rôle des prophètes au cours du premier siècle,
nous nous servirons du NT. Trois aspects du prophète, inhérents à la personne, au
travers de trois textes différents, seront relevés. En tenant compte du contexte et des
mots importants contenus dans les versets étudiés, nous essaierons de définir les
critères de discernement d’un vrai prophète chrétien de l’Eglise primitive. Le
exemples non exhaustifs Anne (Lc 2.36), les quatre filles de Philippe (Ac 21.9), ceux de Jérusalem (Ac 12.27 ; 15.32 ; 21.10), d’Antioche (Ac 13.1), ou encore Agabus (Ac 11.27s., 21.10s.). Dans le NA 26, on dénombre 206 termes dont la racine est « pro - fhmi ». Ils s’écrivent sous la forme profhtei,a, aj (19), profhteu,w, ein (28), profh,thj, ou, o (144), profh,tikoj, h,, o,n (2), profh/tij, idoj, h` (2) et yeudoprofh,thj, ou, o (11). Suivant le contexte d’utilisation de chacun, 165 sont traduits par prophètes, prophétesses ou faux-prophètes. Cf. INSTITUT FÜR NEUTESTAMENTLICHE TEXTFORSCHUNG, RECHENZENTRUM DER UNIVERSITÄT MÜNSTER (éd.), Computer-konkordanz zum Novum Testamentum Graece, Nestle-Aland, 26. Auflage und zum Greek New Testament, 3ème édition, Berlin, Walter de Gruyter, 1980, col. 1650-1655,1936. A titre de comparaison, partant du thème central du NT « le Salut en Jésus-Christ », défini en note 156, p. 40, on trouve l’un des composants Jésus-Christ ou les deux « Ihsou Cristou » 1546 fois et les mots dont la racine est sauver (cf. p.53) « sw|,xw » que 192 fois. L’utilisation de ces différents mots étant de même ordre de grandeur, on se rend compte de l’importance du terme profh,thj dans le NT. 7 Cf. C. ROUX, « Prophétie et ministère prophétique selon saint Paul », Hokhma, n° 29, 1985, p. 33. 8 En comparaison avec le jeu de société de l’échec, R.-J. THIBAUD montre à quel point la place du prophète dans la société est difficilement identifiable. Cf. R.-J. THIBAUD, « Le prophète sur l’Echiquier », FV, n° 1, fév. 1977, p. 47-49.
11
discernement, diakrisij, suggère l’idée de distinguer par division ou séparation9. Il
entraine l’action de décider au travers d’un jugement10. C’est éprouver au travers
d’une démarche spirituelle11. Dans le NT, discerner est « un examen critique qui
permet de prendre une décision12 ». En regardant au-delà de ce qui est visible, le
discernement permet de mettre à jour l’esprit divin, humain ou démoniaque qui anime
une personne, ce qui amène à l’action13.
1.1 La doctrine du vrai prophète (Rm 12.6)
Rm 12.6 : « Puisque nous avons des dons différents, selon la grâce qui nous a été accordée, que celui qui a le don de prophétie l'exerce selon l'analogie de la foi. »
Dans ce verset, « être prophète » se vit à travers les notions de don, carisma, et
de grâce, carij. Carisma, ou charisme, est tiré de carizomai « faire plaisir ». Il est
traduit par « don ». A travers ce qui est donné, le don exprime l’intention du donateur
dans la gratuité, l’obligation ou l’intérêt. Carisma, souligne précisément la gratuité et
la bonté de ce qui est proposé14. Dans Rm 12.6, il s’agit explicitement de dons
spirituels accordés à des individus en particulier. Carij, ou grâce, littéralement « ce
dont on se réjouit », appuie la gratuité de l’intention de l’auteur du don15. Dans le NT,
la grâce de Dieu trouve son apogée dans l’eschatologie en Jésus-Christ16. Dans ce
texte, la grâce, qui est à l’initiative de Dieu, est un lien entre son auteur, Dieu, et le
destinataire l’humain. La notion de grâce ne peut être dissociée du libre arbitre
humain17. Le don de prophétie est donc accordé par Dieu et rendu accessible
gratuitement à celui qui l’accepte.
9 ARISTOTE, De la génération et de la corruption, II.6.11 (trad. par J. TRICOT). 10 XENOPHON, Cyropédie, T. 3, VIII.2.27 (trad. par E. DELEBECQUE). 11 Cf. G. SIEGWALT, « Discernement des esprits », P. GISEL (dir.), EncProt, Paris, PUF, 2006, p. 364. 12 P. BONNARD, « Discernement de la volonté de Dieu », P. BONNARD, Anamnesis. Recherches sur le Nouveau Testament, CRThPh, Genève, 1980, p. 48. Pour P. BONNARD, le discernement fait appel au renouvellement de l’intelligence, le nouj. Nous reviendrons sur ce sujet en p. 16-17. 13 Cf. C.-A. SCHWARTZ, Découvrez vos dons, Paris, Empreinte Temps Présent, 1998, p. 84. 14 Au sens large, ces dons gratuits, faits par Dieu dans le NT, peuvent faire référence à l’action d’une personne (le salut en Jésus), un temps (la vie éternelle), un moment (libération d’un danger), et au Saint-Esprit. Cf. X. LEON-DUFOUR, Dictionnaire du Nouveau Testament, Paris, Seuil, 1975, p. 160-161 ; R. PACHE (éd.), Nouveau Dictionnaire Biblique révisé, Saint-Légier, Emmaüs, 1992, p. 231-232. 15 Cf. C. SPICQ, Lexique théologique du Nouveau Testament, Paris, Cerf, 1991, p. 1646. 16 Cf. E.-M. FABER, « Grâce », J.-Y. LACOSTE, DCTh, Paris, PUF, 2007, p. 601 ; R. PACHE (éd.), Nouveau Dictionnaire Biblique révisé, 1992, p. 525. 17 Cf. B. HORT, « Grâce », P. GISEL (dir.), EncProt, Paris, PUF, 2006, p. 552-553.
12
Le premier critère de discernent retenu est la fidélité à la révélation christique. Le
contenu du message doit être fidèle à la parole de Dieu, la Bible, et à sa portée
sotériologique18. Dans le cas contraire, le message du prophète sera qualifié
d’ « hérétique »19. C’est en ce sens que Paul nous invite, dans Ga 1.8-9, à ne pas
suivre quelqu’un, même un ange, si son discours présente un autre évangile :
« 8 Mais si nous-mêmes, ou si un ange du ciel vous annonçait une bonne nouvelle différente de celle que nous vous avons annoncée, qu'il soit anathème ! 9 Nous l'avons déjà dit, et je le répète maintenant : si quelqu'un vous annonce une bonne nouvelle différente de celle que vous avez reçue, qu'il soit anathème ! »
Les paroles du prophète chrétien sont en cohérence avec le sens général de la
foi biblique et non pas en contradiction. Sa doctrine doit être selon « l’analogie de la
foi » contenue dans l’ensemble des Ecritures20. Analogia, « proportion21 », en terme
mathématique signifie « proportionnellement22 ». L’analogie de la foi à l'Écriture
consistera donc à rechercher cette unité profonde qui doit exister entre les différentes
parties de la Bible « C'est la totalité toujours présente à chaque mot23 ». Cette
cohésion des vérités bibliques dans une globalité de la révélation repose sur
l’amour24.
18 H. MOTTU développe dix thèses qui permettent de discerner un prophète chrétien, au sein d’une communauté. Dans ses thèses n° 2 et 10, H. MOTTU so utient que le prophète chrétien a pour vocation la proclamation du salut en se référant au passé pour s’orienter vers l’avenir. Il a ainsi pour mission de révéler toutes les implications, qu’elles soient cosmiques ou historiques, de la révélation de Dieu au travers de Jésus-Christ. Ce don de prophétie a donc toute sa raison d’être après l’évènement christique, jusqu’à la deuxième venue de Jésus. Ainsi, dans la continuité du prophète messianique de l’AT, c’est le message du prophète chrétien, en harmonie avec la doctrine biblique, qui est l’ultime critère de discernement. Cependant, en mettant l’accent sur la reconnaissance de l’authenticité d’un prophète en se basant exclusivement sur le contenu du message et non sur la personne, H. MOTTU pose la question de la véracité d’un prophète non chrétien. Cf. H. MOTTU, « Quels sont les critères de discernement d’un mouvement prophétique aujourd’hui ? Dix thèses », Hokhma, numéro spécial 72, 1999, p. 55-56, 62. 19 W. VOGELS, Les prophètes, Université de Saint-Paul, Novalis, 1990, p. 144. 20 Se conformer aux Ecritures, c’est se conformer à la lettre, ou à son message ? Toute la problématique est de distinguer ce qui, dans la Bible, est invariable ou susceptible de changement, ou ce qui, dans une tradition, est essentiel ou accidentel. En d’autres termes qu’est-ce qui est fixé au passé, ou qu’est-ce qui se projette dans l’avenir. D’autant plus que l’on se demande quel serait l’intérêt d’un prophète énonçant ce qui existe ou se sait déjà. Cf. L. GAGNEBIN, « Jésus et le prophétisme juif », FV, n°4, sept. 1979, p. 145. 21 PLATON, Timée, Critias, p. 32 (trad. par L. BRISSON) ; ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, VIII.1133b (trad. par R. BODEUS). 22 POLYBE, Histoire, 3.13.5 (trad. par D. ROUSSEL). 23 P. CHAUNU, La femme et Dieu, Paris, Fayard, 2001, p. 58. 24 En étudiant la notion de Christ et la foi, V. VALLOTTON transpose le terme « analogie de la foi » de la cohérence entre les écritures à la cohérence du chrétien avec Christ. Analogie de la foi suppose « que le chrétien est devenu un avec Christ dans sa mort et qu’il est devenu une même plante avec lui dans sa résurrection, le chrétien sera un avec Christ dans sa foi. Sa foi propre sera la foi de Jésus-
13
Chez les premiers chrétiens, ce qui fait autorité, ce n’est pas une sélection
particulière de textes, mais c’est l’ensemble des textes qui donneront l’AT en tant que
tel et le NT en formation comme l’indiquera Paul (2P 3)25. Les prophètes et les
apôtres relisaient et connaissaient les Ecrits et les Prophètes, dans la perspective de
la nouvelle alliance. Jésus le fit avec les disciples d’Emmaüs, Pierre à la Pentecôte et
Paul dans ses écrits. Ce constant lien et cette constante référence rendent difficile la
précision des contours du ministère prophétique propre à l’Eglise primitive. Il s’agit
d’une continuité dans la transmission du message26. Aujourd’hui, la référence n’étant
plus l’ancienne alliance, mais son accomplissement dans la nouvelle alliance, le
discernement se fait dans la conformité au Christ27.
1.2 La conduite du vrai prophète (Mt 7.15-20)
Mt 7.15-20 : « 15 Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs. 16 Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons ? 17 Tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre porte de mauvais fruits. 18 Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ni un mauvais arbre porter de bons fruits. 19 Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits est coupé et jeté au feu. 20 C'est donc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. »
Le texte de Matthieu souligne que le problème de discernement entre vrais et
faux prophètes est une question principale28. Ces personnes sont des prophètes dits
Christ qui a donné sa vie sur la croix par amour pour les hommes ». V. VALLOTTON, Le Christ et la foi : étude de théologie biblique, Genève, Labor et Fides, 1960, p. 142. 25 Cf. E. FUCHS, P. REYMOND, La deuxième Epître de Saint Pierre, l’Epître de Saint Jude, Paris, Delachaux & Niestlé, 1980, p. 75. 26 L. GAGNEBIN appuiera cette caractéristique du prophétisme juif sur le triptyque : monothéisme, messianisme et moralisme. L’ensemble du message prophétique de l’AT peut être compris à travers ces trois lignes maîtresses. Paul les renommera respectivement : la foi, l’espérance et l’amour. Notons la continuité entre le message prophétique de l’ancienne et la nouvelle alliance, de l’AT et du NT au travers du Christ. Cf. L. GAGNEBIN, « Jésus et le prophétisme juif », p. 23-28. 27 Cf. J.-P. LEMONON, « Le discernement dans les lettres pauliennes », LV, n° 252, octobre-décembre 2001, p. 30. 28 Chronologiquement, les faux prophètes chrétiens n’ont pu apparaître qu’après la mort de Jésus. Mc 13.22, fait de cette apparition un signe de la fin des temps. Dans Mt 24.11, l’évangéliste avance ce temps à celui des tribulations qu’étaient en train de vivre les premiers chrétiens. Au moment de la rédaction de l’Evangile, on peut donc supposer que dans ce texte, c’est Mt qui introduit la notion de faux prophètes. Jésus sur le moment devait faire face à des personnages charismatiques. A. MELLO, Evangile selon Saint Matthieu. Commentaire midrashique et narratif, Paris, Cerf, 1999, p. 149. Bien que l’évangéliste Matthieu mentionne l’existence de prophète de façon marginale (Mt 7.15-22 ; 10.41 ; 23.34), il introduit la notion de prophète charismatique que Paul reprendra par la suite. Comme dans la Didachè 11-13 (manuel de type catéchétique, liturgique, disciplinaire et missionnaire, circulant dans l’Eglise primitive et rédigé dans la région d’Antioche au IIe siècle), les règles de discernement d’un réel prophète sont posées. Cf. La doctrine des douze apôtres (Didachè), trad. A. TUILIER, W. RORDORF, Paris, Cerf, 1978. Il ne suffit pas de parler sur un ton autoritaire. Faire la volonté de Dieu et ne pas
14
« pseudo », du grec yeude,j : faux, menteur29, mensonger par la ruse30 et de yeudw :
mentir à quelqu’un dans son attente ou son esprit31, séduire par des mensonges
pour détourner d’une espérance32. Yeudoprofh,thj n’a pas de correspondance dans
les langues sémitiques. Sa traduction serait : « prophètes de mensonges », non pas
dans leurs paroles, mais dans leurs intentions.
Dans la suite du texte, au verset 23, Matthieu accusera les faux prophètes de
e.rgazo,menoi anomi,a, ceux qui accomplissent l’illégalité33. Anomi,a signifie littéralement le
désordre, le dérèglement complet, l’anarchie par manque de loi, de structure34. En Mt
24.12, cette iniquité est associée au refroidissement de l’amour. Cet aspect de
l’accusation souligne donc l’absence du fruit de l’esprit chez les faux prophètes à
savoir : la charité. Pour distinguer le vrai du faux, l’Evangile nous enjoint de
considérer les fruits que porte le prophète35. Ainsi, le caractère et la conduite du
messager de Dieu portent le fruit36 du Saint Esprit. A travers le fruit, karpoj, c’est
l’action de fructifier, ou de fertilité qui est soulignée37. Ces fruits, dont parle Matthieu,
sont l’expression visible de se qui est invisible et s’expriment au travers de la
conduite de l’homme vis-à-vis de son prochain38. Ainsi, dans les difficultés de la vie
pratiquer l’inégalité sont signes apparents du vrai prophète. Cela exprime la volonté de la personne de ne pas être en faux avec ce que Dieu veut en faisant passer sa propre pensée sous l’autorité divine. Cf. C. PERROT, Après Jésus, le ministère chez les premiers chrétiens, Paris, Atelier, 2000, p. 94. 29 Hymnes Homériques, Hymnes à Hermès, vers 369 (trad. par J.-V. VERNHES). 30 Cf. A. MELLO, Evangile selon Saint Matthieu. Commentaire midrashique et narratif, p. 149. 31 XENOPHON, Cyropédie, T. 3, VIII.2.27. 32 XENOPHON, Anabase, I.3.10 (trad. par P. MASQUERAY, S. MILANEZI). 33 EURIPIDE, Iphigénie à Aulis, Théâtre et fragments - Tome 2, vers 1095 (trad. par G. HINSTIN). 34 PLATON, La République, Livre IX, 575a (trad. par G. LEROUX). 35 Il est possible de pousser la réflexion sur l’image de l’arbre et du fruit dans les moindres détails. Cette approche apporte plus de questions que de réponses. A quel moment doit-on considérer que l’arbre doit être abattu ? Combien de temps attendre l’arrivée des fruits ? Un arbre saint, au milieu de ses bons fruits, peut-il en porter des mauvais ? Chaque image, même biblique, a ses propres limites de comparaison. Ainsi, il n’est pas judicieux de vouloir aller au-delà de l’image à travers les détails. Cf. W. VOGELS, Les prophètes, p. 153. 36 Dans le vocabulaire de Matthieu, le mot « fruit » revient 19 fois. Cf. Mt 3.8,10 ; 7.16-20 ; 12.33 ; 13.8,26 ; 21.19,34,41,43. Très commune en Palestine, la notion de productivité est opposée à la malédiction d’une terre aride. A. MELLO y voit une allusion à la malédiction de la terre en Gn 3.18 que l’éthique de l’homme doit racheter. Cf. A. MELLO, Evangile selon Saint Matthieu. Commentaire midrashique et narratif, p. 149. 37 ESCHYLE, Les Perses, vers 821 (trad. par G. BOUSSARD (et al.)). 38 R. PACHE (éd.), Nouveau Dictionnaire Biblique révisé, p. 502.
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communautaire, le discernement ne se fait pas selon la chair, mais selon le fruit de
l’Esprit qu’est la charité39.
Ce deuxième critère de discernement permet de mettre en évidence la
cohérence entre ce que dit le prophète et ce qu’il vit. Il s’agit de l’aspect concret de
sa vie40. « A l’authenticité du message reçu et transmis, répond l’authenticité de vie
de celui qui l’annonce41 ». Dans l’AT, le prophète accomplissait un geste en analogie
avec une Parole qui va suivre : il était une parole vivante. Dans le NT elle est
d’autant plus vivante que cette parole est devenue chair et qu’elle est ressuscitée.
Parole et vie ne font plus qu’un. Pour qu’un homme devienne porteur de la Parole de
Jésus, il faut qu’il s’identifie, qu’il se reconnaisse et soit reconnu en elle. En ce sens,
la vie du prophète devient actes par lesquels Dieu est présent au milieu des siens,
en adéquation avec la Parole42.
1.3 L’autorité du vrai prophète (2P 1.20-21)
2P 1.20-21 : « 20 sachant tout d'abord vous-mêmes qu'aucune prophétie de l'Écriture ne peut être un objet d'interprétation particulière, 21 car ce n'est pas par
39 Paul dans l’Epître aux Galates, approfondira ce sujet du fruit de l’esprit. Galates 5.22-24, nous relate une liste non exhaustive des fruits de l’Esprit. Paul oppose les fruits de la chair avec le fruit unique de l’Esprit qu’est la charité. La charité unifie et guide une communauté en cheminement. La charité trouve son expression dans les comportements chrétiens que sont les fruits de l’Esprit. L’absence de charité se manifeste par l’absence de fruits de l’Esprit. Les Corinthiens sont divisés n’ayant pas reconnu que tout repose sur le même Esprit, pour le bien de tous et la construction de la communauté. Il ne peut y avoir de don personnel qui s’exprime. Cf. J.-P. LEMONON, « Le discernement dans les lettres pauliennes », p. 27. 40 Non pas que le messager doit être saint dans le sens de perfection ou de sacré, mais au travers de sa nature pécheresse, les caractères essentiels de la vie chrétienne émergent. La sainteté qui caractérise une personne met en évidence une relation nouvelle entre Dieu et l’homme : soit par la présence de Dieu en lui, soit comme rappel de la fidélité de cet homme à la nouvelle alliance. Cf. L. BONNET, La Bible annotée : le Nouveau Testament expliqué. 1. Matthieu, Marc, Luc, édition revue et augmentée par SCHROEDER A., PERLE, Saint-Légier, Emmaüs, 1983, p. 111-112. 41 J. ZUMSTEIN, « Le prophète chrétien dans la Syro-Palestine du 1er siècle », FV, volume LXXXIII, n° 5, 1984, p. 90. A travers le texte de Mt 7, S. LEGASSE comprend que le don embrasse tout l’homme et toute sa vie. De ce fait, les fruits correspondent à leur conduite morale et authentifient un prophète chrétien. Cf. S. LEGASSE, « L’Evangile selon Matthieu », J. DELORME (éd.), Le ministère et les ministres selon le Nouveau Testament, Paris, Seuil, 1974, p. 202. 42 L’absence de ce critère permet le discernement de l’imposture. La Didachè exprime la même idée (11.8,10) : « Tout chacun, cependant, qu’il parle sous l’inspiration n’est pas prophète, mais celui qui a la manière du Seigneur. C’est donc à son style de vie que vous reconnaîtrez le vrai du faux prophète. [ ] Tout prophète qui enseigne la vérité sans mettre en pratique ce qu’il enseigne, est un faux prophète. ». Sur la relation entre les actes et les paroles des prophètes de l’AT cf. S. ASMLER, Les actes des prophètes, Genève, Labor et Fides, 1985, p. 9, 16. M. GILBERT associe à cette notion de fruit, les résultats de sa présence dans la communauté. Ainsi, la notion de fruits est à rattacher à la personne même du prophète, mais aussi aux effets sur les membres de la communauté qui l’entourent. Cf. M. GILBERT, Il a parlé par les prophètes - Thèmes et figures bibliques, Namur, PUN, 1997, p. 183-184.
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une volonté d'homme qu'une prophétie a jamais été apportée, mais c'est poussés par le Saint-Esprit que des hommes ont parlé de la part de Dieu. »
Paul, dans ce texte, rappelle l’origine divine et inspirée des messages des
prophètes de l’AT. Pour l’auteur, l’origine du canon prophétique ne peut être
humaine. Sa transmission l’est, mais pas son origine. Au verset 20, la formulation
« ivdi,aj evpilu,sewj ouv gi,netai », peut aussi être traduite « ne provient de la propre
interprétation ou pensée du prophète43 ». Non seulement le message ne vient pas de
l’esprit du prophète, mais il ne peut être interprété par lui-même, c'est-à-dire en
dégager l’application. Le prophète n’est que le transmetteur du message de Dieu.
Dans Rm 8.9, Dieu et le Christ sont présentés comme l’origine du seul et même
Esprit. Il existe une relation forte entre l’homme et l’Esprit de Dieu, car avoir le don de
l’Esprit du Christ, c’est appartenir au Christ et reconnaître ce dernier comme
Seigneur : c’est un critère d’authenticité et d’autorité chrétienne44.
Ainsi, l’insistance sur le rôle de l’Esprit, pneuma, indique que la parole du
prophète, identifiée à une Parole de Dieu, fait autorité dans sa provenance. Dans les
paroles énoncées par des chrétiens au sujet de Jésus, il faut distinguer les paroles
pneumatiques, des paroles charismatiques universelles. La parole prophétique est
dite pneumatique car elle vient de Dieu45. La parole charismatique sur Jésus est un
charisme non pneumatique : cette parole ne repose pas sur le pneuma, l’Esprit, mais
sur le nouj, l’intelligence46. Paul introduit une nouvelle dimension du discernement :
l’esprit du Seigneur (ruah), Dieu d’Israël, devient la pensée du Seigneur (nouj), le
43 N. SIFFER-WIEDERHOLD, La présence divine à l’individu d’après le Nouveau Testament, Paris, Cerf, 2005, p. 195-203, et cf. note 65, p. 20. Pour certains commentateurs, ce texte oppose l’origine divine de la prophétie aux inventions humaines de faux prophètes. E. COTHENET insiste sur le fait que le verbe evpilu,w (interpréter, résoudre, expliquer) de ce passage, ne sépare pas le texte écrit de la parole oral du prophète. Ce texte montre que evpilu,w « désigne la juste application du texte à la situation présente ». E. COTHENET, Exégèse et liturgie II, Paris, Cerf, 1999, p. 248-249. C’est dans ce même sens que Jésus expliquait ses paraboles aux disciples présents, et que Paul exprime le problème d’interprétation des écrits qui composeront le NT (2P 3.16). 44 Les versets sur le ministère charismatique de prophète sont : 1Co 12.10,28 ; 13.2,8 ; 14.1-5, 29-33 ; Rm 12.6 ; Ep 3.5, 4.11. 45 Sur le « pneuma prophétique » et le problème de la théopneumatie, voir les ouvrages de M.-A. CHEVALLIER, Esprit de Dieu, paroles d'hommes : Le rôle de l'esprit dans les ministères de la parole selon l'apôtre Paul, Neuchâtel, Delachaux & Niestlé, 1966 ; et Souffle de Dieu : Le Saint-Esprit dans le Nouveau-Testament, Paris, Beauchesne, 1978. 46 SOPHOCLE, Les Trachiniennes, vers 553 (trad. par P. MAZON). En Grec classique, l’intelligence nouj, est associée au bon sens, à la réflexion, la sagesse. Cf PLATON, Apologie de Socrate, Criton, 48c (trad. par L. BRISSON).
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Christ47. Le nouj du Christ n’est pas indépendant de l’Esprit mais exprime une
conséquence pratique48. En laissant le Christ vivre en lui, le croyant acquiert cette
pensée. Le nouj est un « ensemble de pensées et d’affirmations qui peuvent former
la conscience d’une personne49 ». Il est donc à différencier du pneuma divin, seule
source des paroles du prophète. Il ne peut y avoir de prophète authentique sans
mouvance de l’Esprit « pneuma » de Dieu (Ap 22.6)50.
L’autorité prophétique ne peut être à sens unique51. La parole du prophète ne
ferait plus autorité mais serait autoritariste. Ainsi, l’autorité prophétique s’appuie sur
un contrôle mutuel des ministères, entre eux et avec la communauté (1Co 14.29 ;
1Th 5.20-21). Le message prophétique fait autorité tout en étant soumis à l’autorité
de la communauté52. Tout prophétisant est amené à être évalué par les
responsables ecclésiaux53.
Parler d’une gestion biblique de ce type de ministère, ce n’est pas freiner ou
contrôler l’action du Saint Esprit dans l’Eglise, mais c’est pouvoir l’accueillir dans
toute sa plénitude. Le don du prophète exige un cadre et doit être examiné par une
équipe ayant autorité54. Gérer cette expression de la spiritualité par les instances
47 Les 13 références du nouj dans le NT sont : Lc 24.45 ; Rm 1.28, 7.23,25, 12.2 ; 1Co 14.14 ; Ep 4.17, 4.23 ; Ph 4.7 ; Col 2.18 ; Tt 1.15 ; Ap 13.18, 17.9. 48 Cf. C. PERROT, « Charisme et institution chez saint Paul », RSR, n° 71, 1983, p. 84 ; C. PERROT, « Prophète et prophétisme dans le Nouveau Testament », LV, n° 115, 1973, p. 34. En ayant cette pensée « nouj » de Christ, les apôtres sont capables de discerner une vraie prédication. 49 J.-P. LEMONON, « Le discernement dans les lettres Pauliennes », p. 26 ; Cf. R. JEWETT, Paul’s Anthropological Terms: A Study of Their Use in Conflict Setting, Leyde, Brill, 1971, p. 378. P. BONNARD parlera du nouj en tant que renouvellement de l’intelligence qui permet le discernement de la volonté de Dieu. Cette compréhension, qui s’acquiert progressivement par l’étude des Ecritures, entraine une action dans la vie sur le plan moral. Cf. P. BONNARD, « Discernement de la volonté de Dieu », P. BONNARD, Anamnesis. Recherches sur le Nouveau Testament, p. 46-48. 50 Cf. C. PERROT, « Prophète et prophétisme dans le Nouveau Testament », LV, n° 115, 1973, p. 22. 51 On retrouve le critère de conduite précédemment exposé (voir chapitre 1.2, p. 13-15). Les paroles ne pouvant être un substitut des actes, la personne qui parle est en soi, au-delà de son message, un premier critère de crédibilité et d’authenticité. Au-delà de l’autorité divine, il est question de la capacité du messager prophétique à être convainquant. De l’argument d’autorité, nous passons à l’exigence d’authenticité. Cf. J.-M. SORDET, « Prophétie et prédication : quels rapports? », Hokhma, numéro spécial 72, 1999, p. 17. 52 D. BRIDGE, Des miracles aujourd’hui ?, Vufflens-la-Ville, Je Sème, 1990, p. 244. 53 En ce sens, le prophète ne peut se substituer au ministère pastoral. Aujourd’hui, le pasteur faisant parti des responsables d’une communauté, la gestion ecclésiale du ministère prophétique montre que ce don ne peut être reconnu dans un pasteur au sein de son Eglise de référence. Il y aurait conflit d’intérêt quand à la gestion de ce ministère. Cf. J.-M. POTENTI, « Comment gérer le ministère prophétique », p. 23, 31. 54 Cf. A. LEMAIRE, « Les Epîtres de Paul : la diversité des ministères », J. DELORME (éd.), Le ministère et les ministres selon le Nouveau Testament, Paris, Seuil, 1974, p. 68. De plus, se référant à 2Co 10.18, J.-M. POTENTI explique que l’autorité ne peut être autoproclamée comme les docteurs s’étant présentés d’eux même. Les fruits amènent à la recommandation. L’approbation de ceux qui
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responsables de l’Eglise, c’est faire preuve de maturité (Ap 2.2)55. L’autorité du
prophète se répercute aussi sur son auditoire, non pas de façon dictatoriale, mais
réfléchie. Parler en autorité, c’est parler avec des mots actuels, ciblés,
compréhensibles par tous, et ainsi, laisser la liberté à l’autre d’agir56. Toute
interprétation de paroles prophétiques par le lecteur ou l’auditeur ne peut être
spontanée, où dite d’illumination, mais posée et inspirée également par le Saint
Esprit57.
La question d’autorité des prophètes va perdurer dans les premières Eglises,
comme en témoigne la Didachè 11-12, ou Hermas dans le Pasteur 11.758. Pour faire
perdurer cette mission d’autorité au sein de la communauté, le ministère prophétique
va être institutionnalisé. Mais le prophète n’est pas dirigeant ou au-dessus de la
communauté. Il est au service, à l’intérieur de cette dernière59.
1.4 Récapitulatif des outils de discernements
Des trois textes étudiés, les critères d’authenticité d’un prophète de l’Eglise
primitive se trouvent :
nous entourent apporte une sécurité intérieure sur le plan personnel, comme ministériel : c’est être prêt à s’en remettre aux jugements des autres (Ac 15.2), avoir un vis-à-vis. C’est l’autorité ecclésiale, associée aux fruits de l’Esprit du prophète, qui amènent la recommandation et permettent d’asseoir l’autorité prophétique. Cf. J.-M. POTENTI, « Comment gérer le ministère prophétique », p. 31. 55 Tout message prophétique, qu’il soit adressé à une communauté ou à une personne, touche l’individu dans son émotionnel. La double gestion, d’une remise en question personnelle et extérieure, permet d’avoir un regard rationnel sur une prophétie qui touche l’émotionnel. Cf. C. WILLI, « Accueillir la prophétie », christianisme aujourd’hui, n° 7, juillet-août 2008, p. 14-15. P. BEAUCHAMP définit la remise en question personnelle « d’autocritique ». Cette maturité amène le prophète à être avant tout interprète de soi-même, non pas dans ce qu’il dit, mais dans ce qu’il est. Cf. P. BEAUCHAMP, « La prophétie d’hier », LV, n° 115, 1973, p. 15. 56 A. MAILLOT, Sermons d’hiver, Paris, Les Berges et les Mages, 2001, p. 161-170. 57 Cf. P.-D. MARTIN, « La direction prophétique dans la vie d’une église locale », Hokhma, numéro spécial 72, 1999, p. 91-92. 58 HERMAS, Le Pasteur d’HERMAS (trad. par R. JOLY). Le Pasteur d'Hermas est une œuvre chrétienne du IIe siècle, non canonique. 59 Pour que la mouvance perdure, l’autorité charismatique se transforme en autorité institutionnelle. L’opposition entre charisme et institution est soulevée. Nous retiendrons la position de C. PERROT, pour qui, il ne peut y avoir de distinction entre ministère charismatique et institutionnel. Tous les ministères sont charismatiques dans un groupe institutionnalisé. Le prophète chrétien est un charismatique intégré dans une communauté particulière. Le prophète chrétien en tant que figure isolé n’existe pas dans le NT. Même Agabus appartient à un groupe (Ac 11.27-28). Cf. C. PERROT, « Charisme et institution chez saint Paul », p. 81-91. Le prophète chrétien se distingue donc de la figure du prophète de l’AT, de Jean-Baptiste et de Jésus. Le prophète n’a donc pas d’action immédiate dans la vie publique de son temps. Cf. E. COTHENET, « Prophétisme et ministère d’après le Nouveau Testament », MD, n° 107, 1971, p. 29-50. Pour M. GILBERT, le cliva ge charisme prophétique et institution apostolique ne peut être fondé sur les textes du NT. Cf. M. GILBERT, Il a parlé par les prophètes - Thèmes et figures bibliques, p. 188.
19
- Dans ses paroles. Ses messages sont fidèles à la révélation christique
contenue dans l’ensemble des écrits bibliques. Ils ne contredisent pas ce qui est
déjà, mais apportent une ouverture pratique à un questionnement spirituel d’une
communauté.
- Dans sa personne. Par la présence du fruit de la charité, source de ses
intentions, sa vie est en harmonie avec ses dires. A travers l’amour porté à son
prochain, le prophète porte les fruits de l’Esprit et permet à ceux qui l’entourent d’en
produire également. D’où la nécessité d’un regard de discernement extérieur aux
personnes incluses.
- Dans les autres ministères. Le caractère humble du prophète est un critère
essentiel. L’origine pneumatique de ce don, accordé et retiré par Dieu, confère au
message une autorité intrinsèque. Cependant, nul ne peut avoir la prétention de
s’autoproclamer prophète. Ce don s’exprime pleinement dans une gestion ecclésiale,
sous l’autorité et la reconnaissance des autres ministères d’Eglise60.
Ces trois outils de discernement ne se veulent pas exhaustifs61. Ils sont
complémentaires, indissociables et l’absence de l’un d’eux permet de reconnaître un
faux d’un vrai prophète.
2 La mission des prophètes
Les premières communautés chrétiennes, vivant dans l’enthousiasme pascal, se
considèrent comme revêtues du Saint-Esprit et investies des dons qui en découlent.
Paul met en garde contre le prophétisme exacerbé où les prophètes sont des
enthousiastes charismatiques62. Pour savoir quelles peuvent en être les dérives,
reportons nous aux textes bibliques faisant référence aux prophètes.
60 Cf. chapitre 2.1 p. 20-23. 61 A. BARRUFFO répartit ces trois discernements dans les catégories suivantes : spirituelle, personnelle et communautaire. Cf. A. BARRUFFO, « Discernement », S. DE FIORES, T. GOFFI (dir.), DVS, Paris, Cerf, 2001, p. 271-279. 62 Il faut redéfinir le « charisme » d’époque ; aujourd’hui, il n’a pas le même sens qu’au Ier siècle. Il n’est pas à prendre en tant que force dirigeante du leader ou du gourou, mais se dit d’une personne investie de la conviction première de la résurrection. Dans ce sens, le prophète charismatique ne se substitue pas à un mort, mais il est le porte-parole en Esprit d’un Jésus ressuscité. A travers la notion de charisme, le prophète n’est plus le simple transmetteur de la parole, tels les scribes, il est le porteur de cette parole toujours vivante. Cf. C. PERROT C., Après Jésus, le ministère chez les premiers chrétiens, p. 46-47, 209.
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Le ministère prophétique, comme fonction de l’Eglise primitive, est présent dans
l’ensemble du NT. On le trouve dans les lettres pauliennes (1Co 14.3, 24), les épîtres
pauliennes (Ep 4.11), dans l’œuvre lucanienne (Lc 11.49 ; Ac 15.32) et dans
l’apocalypse (Ap 18.20, 22.6). Il est présent aussi dans les Evangiles notamment lors
de la mise en garde contre les faux prophètes (Mt 7). La mission des prophètes sera
définie et comprise au travers de ces versets63.
2.1 Une mission divine (Ep 4.11-12)
Ep 4.11-12 : « 11 Et il a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, 12 pour le perfectionnement des saints en vue de l'œuvre du ministère et de l'édification du corps de Christ, … »
Dans Ephésien 4.11, la liste des ministères est la plus complète du NT64. Toutes
ces fonctions sont prises dans leur dimension ecclésiologique65. Au sein d’une
communauté, on relèvera que l’apôtre, tiré du verbe a,postevllw, « envoyer66 », est un
émissaire, un ambassadeur, un délégué officiel chargé de mission67. Du temps de
Jésus, c’est une personne témoin visuel du ministère terrestre et de la résurrection
de christ (Ac 1.21-22)68. L’apôtre est le garant de la parole et de la personne de
Christ. Dans un sens plus large, Paul désignera sous le nom apôtre d’Eglise,
apostoloj evkklhsiwn, un chargé de mission au service de Jésus, avec l’autorité du
Christ ressuscité, et envoyé par les Eglises (2Co 8.23). On trouve aussi l’évangéliste,
euvaggelisth,j, qui est littéralement le « messager de bonnes nouvelles69 ». Il a pour but
63 A la lecture continue des Actes, ce ministère est dit universel (Ac 2.17-21), puisqu’il est présent à Jérusalem (11.27), à Antioche (13.1-2), et finit avec deux cas concrets : Agabus et les quatre filles de Philippe (Ac 21.9-10). Cf. J. ZUMSTEIN, « le prophète chrétien dans la Syro-Palestine du 1er siècle », p. 83. 64 Les autres listes se trouvent dans Rm 12 et 1Co 12. 65 On trouvera une définition plus complète de ces ministères dans les dictionnaires bibliques cités en bibliographie et dans les ouvrages suivants : M.-A. CHEVALLIER, Esprit de Dieu, paroles d’hommes : le rôle de l’Esprit dans les ministères de la Parole selon l’apôtre Paul ; J. DELORME (éd.), Le ministère et les ministres selon le Nouveau Testament, Paris, Seuil, 1974 ; C. PERROT, Après Jésus, le ministère chez les premiers chrétiens. 66 Les apôtres ont été envoyés par Christ pour fonder et unifier dans la foi les premières communautés. Cette mission devra se perpétuer tant que l’Evangile devra être prêché. A chaque moment de l’histoire de l’Eglise chrétienne, l’ensemble de ces ministères est un idéal commun vers lequel l’Eglise doit tendre. Cf. N. HUGEDE, L’Epître aux Ephésiens, Genève, Labor et Fides, 1973, p. 157-159. 67 HERODOTE, Histoire, I.123 (trad. par P.-E. LEGRAND). 68 Paul se nommera lui-même apôtre du Christ (avpo,stoloj Cristou/ VIhsou/), étant le dernier envoyé par le Christ ressuscité, suite à la vision du chemin de Damas (1Co 15.8-9). 69 CLEMENT D’ALEXANDRIE, Les Stromates, I.11.84 (trad. par M. CASTER).
21
la prédication de l’Evangile, la bonne nouvelle70. Poimh,n, littéralement « berger ou
bouvier71 », prend le sens par extension de « celui qui conduit, qui assure, qui
dirige72 » et a été traduit par « pasteur73 » quand il est dissocié de l’image des brebis
pour le relier à celui d’une communauté. Dans la Bible, le berger est celui qui va
chercher les brebis égarées (Mt 18.12-14), qui les guide et les préserve des loups
(Ac 20.28-31). Ce ministère, nommé une seule fois dans le NT pour désigner une
fonction collective, n’est pas explicité. Dans une communauté, ce ministère est à
mettre en parallèle avec la fonction de faire paître le troupeau, attribué aux anciens
(2P 5.2 ; Ac 20.28). Enfin didaskaloj, le docteur, tiré du verbe didaskw, enseigner,
instruire, apprendre74, est un chrétien qui a reçu le charisme d’enseigner75. Les
termes poimh,n et didaskaloj, sont étroitement liés par la présence d’un seul article et
du terme kai, ce qui met l’accent sur « la prédication de la parole au sein de la
communauté »76.
Tous ces ministères ont pour but l’édification de l’Eglise par le perfectionnement
des personnes77. Katartismo,j n’a pas le sens d’atteindre la perfection ou la sainteté,
mais plutôt le sens de restaurer, organiser, mettre en ordre, préparer78. Aucun
ministère n’existe pour lui-même en dehors de la perspective de former l’Eglise, afin
quelle accomplisse son ministère.
Le ministère prophétique est accordé par Dieu79. Dans ce texte, la fonction
spécifique du prophète n’est pas indiquée car ce n’est pas une fin en soi80. Comme
70 Dans le NT, Philippe est le seul à être appelé expressément évangéliste (Ac 21:8). Timothée est exhorté à faire l’œuvre d’un évangéliste (2Tim 4:5). 71 EURIPIDE, Les Bacchantes, vers 714 (trad. par L. MERIDIER (et al.)). 72 ESCHYLE, Les Suppliantes, vers 767 (trad. par P. MAZON). 73 LXX, Jr 2.8. 74 PLATON, Phèdre, p. 276c (trad. par P. VICAIRE). 75 L’enseignement se détache de la prophétie par « son caractère systématique et intemporel ». Cf. R. PACHE (éd.), Nouveau Dictionnaire Biblique révisé, p. 361. 76 Cf. M. BOUTTIER, L’Epître de saint Paul aux Ephésiens, Genève, Labor et Fides, 1991, p. 186-187. Cette association souligne le lien étroit entre pasteur et enseignant. Mais ce procédé grammatical n’étant pas renouvelé dans le NT, il faut distinguer deux ministères différents. Voir ch. 2.2, p. 23-24, sur la même discussion entre apôtres et prophètes. 77 Katartismoj s’utilise dans le vocabulaire du Ier siècle pour remettre un membre démis (ORIBASE, Medical compilations, p. 135, 168 (trad. par M. GRANT) ; Lc 6.40), réparer une flotte de navires (POLYBE, Histoire, I.21) ou redresser quelqu’un dans l’Eglise. Cf. POTENTI J.-M., « Comment gérer le ministère prophétique », p. 28. Katartizw en 2Co 13.11, « perfectionnement », est à prendre dans le sens de « former un tout de divers éléments, préparer en vue de » (LXX, Ps 73.16). 78 DENYS D’HALICARNASSE, Antiquités romaines, III.10.65 (trad. par J.-H. SAUTEL). 79 Le don de prophétie est avant tout un don de Dieu, donné pour la croissance de l’Eglise. C’est un ministère de la Parole, accordé et retiré par Dieu. Cf. E. COTHENET, « Prophétisme dans le Nouveau
22
les autres dons, c’est sa dimension ecclésiologique qui doit être retenue. Il y a trop
de risque que se développe l’orgueil, comme à Corinthe, de ceux qui possèdent ce
charisme. Tout orgueil peut induire séduction et domination (2Co 11.5), puis
entraîner une fascination de la part de l’auditeur. Il y alors perte de jugement
autocritique, de discernement. C’est un abus spirituel lorsqu’il se transforme en culte
de la personnalité81. En opposition à l’individualisme, c’est au travers de ce don que
doit s’affirmer la construction du corps du Christ.
Dans la notion de prophète de l’AT82, Dieu appelle, et l’homme répond83. Dieu
fait le premier pas, vient à notre rencontre et cherche à se rapprocher de nous. Le
prophète devient ce lien, ce symbole, entre un Dieu appelant et une réponse
humaine. Jésus en incarnant ce dialogue, cette rencontre, est appelé « Le
prophète » par excellence84. Il nous conduit à Dieu.
Le don de prophétie n’appartient pas à l’Eglise, c’est toujours Dieu qui le lui
donne. Le prophète chrétien est l’appelé. Mais l’accent doit avant tout être mis sur
Dieu l’appelant. De ce fait, le prophète ne parle pas en son nom, mais au nom de
Dieu. Le prophète chrétien reste essentiellement un homme transmetteur d’une
Testament », DBS, VIII (1972), col. 1310 ; A. LEMAIRE, « Les Epîtres de Paul : la diversité des ministères », p. 58. 80 Pour A. CHOURAQUI, qui dit mission divine, ne dit pas enfermement de la personne dans une obligation, une contrainte. La liberté chez les prophètes, n’est pas une idée politique abstraite, comme les déclarations universelles. Dans le monde où nous vivons, la pédagogie de Dieu est là pour nous aider dans notre choix. Pour les prophètes, la liberté est concrète, telle « une fonction biologique qui demande à se déployer normalement dans la vie ». Cf. A. CHOURAQUI, « Les prophètes et la liberté », Conscience et liberté, n° 14, Dammarie-les-Lys, SDT, 1977, p. 58, 62. 81 Cf. N. HUGEDE, Commentaire de l’Epitre aux Ephésiens, Genève, Labor et Fides, 1973, p. 161. Le terme de baiskano, « ensorceler, mettre sous le charme » en Ga 3.1 va dans ce sens. Pour ne pas tomber dans ce piège du culte de la personne, ne pas oublier la nature humaine du prophète. En référence à 2Co 10.13, le prophète lui-même doit connaître sa mesure (spirituelle, géographique psychique), pour ne pas dépasser ses propres limites, celles de sa communauté et celles données par Dieu. L’humilité du prophète exprimera l’acceptation de cette finitude. Tout prophète se caractérise par son aspect psychologique. Dans l’AT, chaque prophète est différent de par ses caractéristiques propres à la personne et cela s’exprime dans son caractère et la forme de ses messages : grande sensibilité, fragilité émotionnelle, dépression, force de caractère, identification à son propre message (d’où endurcissement à toute remise en question), prédication exhortative, ou sous forme d’appel. Cf. J.-M. POTENTI, « Comment gérer le ministère prophétique », p. 31, 34. 82 En hébreu, trois traductions sont possibles pour prophète : celui qui a été appelé nabhi’ (Jé 23.16-18), le voyant ro’eh ou hôzéh (1Sa 9.19 ; 2Sa 24.11), et l’homme de Dieu (2R 4.7,9). 83 Cf. Es 6.8. 84 Jésus a été appelé « le prophète » à plusieurs reprises (Mc 6.15,8.28 ; Lc 7.16,39, 9.8, 24.19 ; Mt 21.11,46 ; Ac 3.22-23, 7.37.) et s’est lui-même désigné comme prophète (Mc 6.4 ; Lc 13.33-34). Mais n’est-il pas le titre le plus mis de coté ? Jésus évitait le titre de messie et c’est celui que l‘on a retenu de lui. Il a consenti à être appelé prophète, mais mise de coté, cette appellation n’a jamais refait surface. Cf. L. GAGNEBIN, « Jésus et le prophétisme juif », p. 20.
23
parole, investi gratuitement par l’esprit. Mais désormais cette parole, à travers la
mission divine du prophète, porte un nom : Jésus-Christ85.
2.2 Une mission au sein des Eglises et auprès des frères
(Ep 2.20)
Ep 2.20 : « Vous avez été construits sur les fondations constituées par les apôtres et prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre de l’angle. »
Si le prophète peut être amené à se rendre dans différentes communautés, il
n’est pas un itinérant, envoyé à la manière des apôtres, sillonnant les contrées. Le
prophète est rattaché à une communauté, ou ensemble de communautés, dont il
assure la construction (Rm 12.6 ; 1Co 10,10.28 ; Ep 4.11)86. Une parole prophétique
est importante pour une personne, mais aussi pour toute une Eglise. Le domaine
d’action du prophète est donc large. Par lui, Dieu peut donner des orientations à son
Eglise, des directives, comme des orientations de mission (Ac 16.6-7). Paul n’a de
cesse de recommander ce qui permet la construction communautaire à travers la
parole. Quand il s’agit de l’appliquer à des hommes, ce terme prend le sens
d’édification d’un bâtiment. Cette construction repose sur Jésus-Christ, qu’il en soit la
pierre de fondement ou la clé de voûte (Mc 12.10 ; 1Co 3.11).
Après le concile de Jérusalem (Ac 15.32), les prophètes sont actifs au sein de
l’Eglise émergente. Dans cette mission, il y a un rapprochement à faire entre apôtre
et prophète87. Dans Ep 2.20 et 3.5, avec la présence d’un seul article « tw/n
85 Sur la distinction entre une parole pneumatique et parole charismatique, voir chapitre 1.3, p. 15. 86 On trouve des exemples de prophètes cités en plusieurs lieux. Par exemple, Agabus est à Jérusalem, Antioche et Césarée. Peut être est-ce un signe du réseau mis en place entre les nouvelles communautés chrétiennes en expansion. Cf. C. PERROT, Après Jésus, le ministère chez les premiers chrétiens, p. 220. Si Luc montre les prophètes de Jérusalem en déplacement, ce n’est pas pour montrer leur nature itinérante, mais pour indiquer le nouveau rayonnement de l’Eglise. Cf. S. LEGASSE, « L’Evangile selon Matthieu », p. 202. 87 Le lien entre apôtre et prophète est très étroit, parfois de façon assimilée comme dans Didachè 11.5-6. Non pas qu’il faille minimiser l’un de l’autre ou les hiérarchiser. C. PERROT parle d’une « situation mêlée », où les prophètes judéo-chrétiens et les apôtres s’étendent à d’autres Eglises. Il est plus facile de dire ce que la fonction de prophète n’est pas, que de définir ses modalité propres : le prophète ne proclame par la parole aux Nations, il n’est pas docteur, exégète de la parole, il n’est pas un être extatique à la manière des glossolalies, de type itinérant. Mais il n’est pas non plus uniquement celui qui exhorte les siens. Cf. C. PERROT, Après Jésus, le ministère chez les premiers chrétiens, p. 59, 218-219. Enfin, le rapprochement est d’autant plus marqué pour P. GRELOT, lorsqu’il précise les critères de discernement des apôtres : vocation de Christ et non des hommes, conformité à l’Evangile, le message de l’apôtre est reconnu par des piliers de l’Eglise primitive. On remarque que les critères invoqués vaudraient pour tous les serviteurs de l’Evangile. Ce n’est pas dans l’origine ou l’objectif de sa fonction que le prophète est différent, mais dans l’expression concrète de cette
24
avposto,lwn kai. profhtw/n », les ministères d’apôtre et de prophète peuvent être
assimilés à la même personne. Un double charisme est possible, et n’est pas à
exclure. Mais à travers ce seul article « tw/n », il faut plutôt y voir, non pas une même
personne, mais une complémentarité pour un même but, un même objectif ecclésial
à travers deux fonctions-ministères différents88. Nommés de pair (1Co 14), parfois
assimilés (Ep 3.5), les deux ministères sont une pièce essentielle dans le fondement
de l’Eglise.
L’apôtre témoigne de la résurrection, du kérygme du salut. En s’adressant à tous
les hommes pour l’expansion missionnaire, sa parole est dite (ad extra). Le prophète,
quant à lui, transmet une parole qui ne lui appartient pas, à une communauté déjà
croyante (ad intra). Bien que certains non-croyants puissent être touchés lors de leur
intervention, ils s’adressent à des assemblées chrétiennes (1Co 12.22-24). L’apôtre
construit l’Eglise, le prophète laisse parler Dieu. Leurs paroles n’ont pas la même
action. Dans Ac 11.27, le prophète donne la parole de Dieu, annonce l’orientation à
suivre, l’apôtre mettra en place les moyens pour aller dans la direction annoncée.
L’un ne peut aller sans l’autre, dans une vision globale de l’Eglise missionnaire89.
2.3 Une mission de consolation, d’exhortation et
d’édification (1 Cor 14.3,24)
1Co 14.3,24 : « 3 Celui qui prophétise, au contraire, parle aux hommes, les édifie, les exhorte, les console. [ ] 24 Mais si tous prophétisent, et qu'il survienne quelque non-croyant ou un homme du peuple, il est convaincu par tous, …»
Dans les deux chapitres précédents, 1 Corinthiens 12 et 13, Paul pose les
fondements théologiques des dons spirituels, qui se veulent éphémères, limités, mais
reposant sur l’amour avga,ph éternel. Dans ce chapitre 14 de la première Epître aux
Corinthiens, Paul en vient à la pratique du don de prophétie. Ce dernier, qui « parle
dernière dans la communauté. Cf. P. GRELOT, « Les Epîtres de Paul : la mission apostolique », J. DELORME (éd.), Le ministre et les ministères selon le Nouveau Testament, Paris, Seuil, 1974, p. 38-39. 88 Cf. note 65 p. 20. Ces deux charismes, situés au point d’irruption et de manifestation du mystère du Christ, ont le même rôle historique dans la croissance de l’Eglise primitive sous deux formes d’expression différente. P. BONY, « L’Epître aux Ephésiens », J. DELORME (éd.), Le ministère et les ministres selon le Nouveau Testament, Paris, Seuil, 1974, p. 77-78. 89 Cf. J.-M. POTENTI, « Comment gérer le ministère prophétique », p. 30.
25
aux hommes », permet de susciter foi et conversion. Il est signe de la bénédiction de
Dieu sur la communauté90.
Trois termes, dans 1Co 14.3, sont directement associés au prophète : oivkodomh,,
para,klhsij, paramuqi,a. Le terme para,klhsij signifie littéralement « faire une sollicitation
à quelqu’un91 ». Trois sens ressortent dans le NT : inviter quelqu’un à faire quelque
chose, exhorter92 ; ou conseiller, reprendre aimablement, prier93 ; ou encore
consoler, encourager94. Ce n’est pas le sens moral, « tu devrais », de l’exhortation
qui est mis en avant dans le NT, mais le rapprochement avec les promesses de Dieu
et ce qu’a accompli le Christ pour nous95. L’exhortation avait pour fonction de mettre
en rapport les textes de l’AT et le salut en Christ, dans une application adaptée à une
situation présente de la vie communautaire96. Le souvenir en Jn 16.26, auquel fait
référence le para,klh, fait appel au message prophétique de l’AT et à l’action de Jésus
dans son Eglise. L’utilisation de ce terme indique que le prophète fait appel à la
spiritualité de l’auditoire par des prédications et non des prédictions. Ce rôle revenait
aux prophètes qui, par leurs paroles, faisaient le lien entre le « dire et le faire » de
Jésus-Christ97.
A l’exhortation, Paul rajoute oivkodomh,, bâtir une maison98 et par extension
l’édification99, et paramuqi,a, parole d’encouragement ou de consolation100. paramuqi,a,
qui prend aussi le sens d’atténuer101, d’action d’apaisement102 peut également se
90 Cf. C. ROUX, « Prophétie et ministère prophétique selon saint Paul », p. 40-41. 91 ESCHINE, Discours contre Ctésiphon, 71 (trad. par G. de BUDE, V. MARTIN). 92 Cf. Ac 13.15 ; Rm 12.8 ; 1Co 14.3 ; 1Th 2.31 ; Ti 4.13 ; Hé 6.18,12.5,13.22. 93 Cf. 2Co 8.4-17. 94 Cf. Lc 2.25 ; Ac 4.36,9.31,15.31 ; 2Co 1.3-7,7.4 ; Ph 2.1 ; 2Th 2.16. 95 Cf. R. PACHE (éd.), Nouveau Dictionnaire Biblique révisé, p. 460-461. 96 Cf. E. COTHENET, « La première Epître de Pierre, l’Epître de Jacques », J. DELORME (éd.), Le ministère et les ministres selon le Nouveau Testament, Paris, Seuil, 1974, p. 146 ; E. COTHENET, « Prophétisme dans le Nouveau Testament », col. 1299-1301. 97 Le mot para,klhw prend plusieurs sens dans le NT. Il est associé à logoj pour Paul (Ac 13.22). Surtout présent dans l’œuvre johannique, l’adjectif adverbal para,klhtoj, désigne aussi bien Jésus (1Jn 2.1) que le Saint-Esprit dans le sens de Consolateur, d’avocat : le Paraclet (Jn 14.16,26 ; 15.16 ; 16.7). Cf. E. COTHENET, Exégèse et liturgie, p. 66-67. E. COTHENET montre trois orientations de la parole prophétique : bénédiction prophétique, exhortation prophétique et prophétie apocalyptique. Les textes du NT insistent sur le paraclet prophétique : l’exhortation, l’encouragement, et l’édification. L’exégète a pour mission de distinguer l’orientation que prend le texte, ce qu’il apporte. Cf. E. COTHENET, Exégèse et liturgie, p. 65-66. 98 DEMOSTHENE Sur les réformes publiques, 566.7 (trad. par M. STIEVENART). 99 HERODOTE, Histoire, I.12. 100 PLATON, La République, V.450. 101 PLUTARQUE, Vie de Dion, 52 (trad. par E. CHAMBRY, R. FLACELIERE). 102 PLUTARQUE, Vie de Thémistocle, 22 (trad. par R. FLACELIERE, E. CHAMBRY).
26
traduire, dans la littérature grecque et selon le contexte, par « l’action de
persuader103 ». L’ensemble de ces termes appuie la pluralité du ministère
prophétique dans un objectif de construction ecclésiale. Ainsi, de ce texte, nous
retiendrons que le prophète ne vit pas son don de manière isolée, il est impliqué
dans la vie communautaire104. On peut dire ainsi, que le prophète, au travers de ses
paroles, édifie par la stimulation, encourage dans les hésitations et réconforte dans
les manquements. Ce don se mesure non seulement à sa capacité de construction
commune, mais également à sa fonction de croissance spirituelle et numéraire de la
communauté105. Car ce don peut-être qualifié de missionnaire puisqu’il suscite la foi
de nouveaux croyants en l’interpellant par la présence de Dieu dans l’assemblée106.
Cette interpellation ne peut être efficace, selon Paul, que par une intelligibilité et une
accessibilité à tous du message du prophète107.
2.4 Une mission de ce qui va survenir (Ac 21.9-11)
Ac 21:9-11 : « 9 Il avait quatre filles vierges qui prophétisaient. 10 Comme nous étions là depuis plusieurs jours, un prophète, nommé Agabus, descendit de Judée, 11 et vint nous trouver. Il prit la ceinture de Paul, se lia les pieds et les mains, et dit: Voici ce que déclare le Saint -Esprit: L'homme à qui appartient cette ceinture, les Juifs le lieront de la même manière à Jérusalem, et le livreront entre les mains des païens. »
Aujourd’hui qui dit prophète dit prédiction de l’avenir108. Mais il faut dissocier les
deux109 : dans l’AT, seulement 2% des prophéties sont d’ordre messianique110, moins
103 PLATON, Phèdre, 70b. 104 Ce ministère, destiné à éclairer le peuple, est spécialement adressé aux croyants. Pour un complément sur la fonction ecclésiale du prophétisme, cf. E. COTHENET, Exégèse et liturgie, p. 178-189, 195-197. 105 Dans la relation entre Paul et la connaissance de l’Ecriture de la Septante, E. COTHENET relève le parallélisme entre le prophète du NT et la double métaphore, dans l’AT, du « construire et de planter » (Dt 6.10 ; Jos 24.13). Cette double image est dans le vocabulaire de l’histoire du salut, où Jérémie (Jr 31.31-40) annonce que Dieu plantera et construira lui-même son peuple. Dans l’AT ce diptyque eschatologique définit en soi la mission du prophète. Dans la première Epître aux Corinthiens, Paul s’approprie cette image de construction eschatologique de l’Eglise dans laquelle le prophète chrétien tient un rôle prépondérant. Cf. E. COTHENET, Exégèse et liturgie, p. 26-48. 106 Dans ce contexte d’édification de communautés religieuses, pour parler des païens, NA 27 utilise le mot ivdiw,thj, qui littéralement veut dire « non encore instruit ». 107 L’enthousiasme des devins, dans le monde hellénistique, n’a plus lieu d’être. Le prophète sous une inspiration accordée par Dieu, reste maître de lui-même. Cf. C. PERROT, « Prophète et prophétisme dans le Nouveau Testament », p. 33 ; H. MOTTU, « Quels sont les critères de discernement d’un mouvement prophétique aujourd’hui ? Dix thèses », p. 59. 108 Pro a souvent été traduit par « avant », « en avant de », « au devant », qui a donné le sens d’annoncer d’avance, puis de prédire l’avenir (ESCHYLE, Les Sept contre Thèbes, 610 (trad. par P. MAZON) ; ESCHYLE, Agamemnon, 409 (trad. par G. BOUSSARD)). Mais c’est un emploi moins courant que « à la place de », « hors de » dans le sens de parler ouvertement ou extérieurement. Cf.
27
de 5% sur le NT111, et moins de 1% sur les évènements encore à venir112. Dans l’AT,
consulter le prophète comme un voyant, c’est risquer de détourner de la fonction
première du prophète qui est de rappeler, en priorité, la Loi et les bénédictions qui y
sont rattachées113.
Dans le NT, Agabus est le seul prophète chrétien en activité, nominativement
désigné, dont une partie du message a été conservée (Ac 11.27)114. Dans le texte de
Ac 21.9-11, il annonce ce qu’il adviendra à Paul, s’il se rend à Jérusalem. Ce n’est
pas une prédiction pour un long terme, dans les siècles à venir, mais pour le présent
à l’échelle de la vie de Paul115. Cette intervention rentre-t-elle dans la définition de
mission du prophète déjà abordée ? En réaction à cette prédication, les membres
présents se rassemblent, prient, et malgré leur inquiétude s’en remettent à Dieu. La
parole d’Agabus a eu pour effet de conforter la foi de ceux qui étaient présents, au
travers de la réponse et de l’attitude de Paul.
La prédiction de ce qui va survenir est présente dans le NT quand elle concerne
une personne, mais reste rare. L’importance d’un tel message, ne s’arrête pas à la
prédiction de l’évènement en soi. Elle se fait toujours dans le but de construction et
d’édification de la communauté qui entend ces paroles. On constate que le message,
dont Paul est le personnage impliqué, va faire effet sur les personnes qui l’entourent.
E. COTHENET, « Prophétisme dans le Nouveau Testament », col. 934. Sur une comparaison de la prédiction de l’avenir entre les points de vue psychologique, cosmologique, spirite ou théologique, cf. F. KLEIN, Peut-on connaître l’avenir ?, Genève, Perret-Gentil, 1969. 109 G. FEE, D. STUART, Un nouveau regard sur la Bible. Un guide pour comprendre la Bible, Deerfield, Vida, 1990. 110 Es 7.14 ; Ps 22.17,19. 111 Jl 2.28,29 ; Es 44.3 112 Dn 7.13-27 ; Za 14.4-9. 113 Cf. POTENTI J.-M., « Comment gérer le ministère prophétique », p. 24. Le Ier siècle présente de nombreux voyants annonçant l’avenir, Manahem chez les Essiens (FLAVIUS JOSEPH, Antiquités judaïques, Tome 3, XV.170,373 (trad. par J. WEILL) ; Guerre des juifs, II.159 (trad. par S. J. PELLETIER)), les Pharisiens (FLAVIUS JOSEPH, Antiquités judaïques, Tome 4, XVII.43,170 (trad. par L. HERMANN, J. G. MATTHIEU)) et même le Grand Prêtre en fonction de sa charge (Jn 11.51). Mais aucun n’est appelé prophète. Cf. C. PERROT, « Prophète et prophétisme dans le Nouveau Testament », p. 28. 114 D’autres prophètes sont identifiables par leur nom : Jude et Silas en Ac 15.32. 115 A. MAURICE se propose de comparer le journaliste au prophète. Le journaliste ne prédit pas l’avenir en annonçant la tournure d’une guerre, une récession ou autre évènement. Il se dira éclaireur du présent pour l’avenir, à la lumière de ses données. Le prophète guidé par le Saint-Esprit, tel un journaliste à la lumière des données qu’il recueille, éclaire le lecteur sur des évènements prévisibles, à venir ou dont les prémisses se font sentir, mais qui ne sont pas toujours distinguables lorsque l’on est pris dans la tourmente. Cf. A. MAURICE, « La presse et ses prédictions », Itinéraire, recherches chrétiennes d’ouverture, n° 48, automne 2004, p. 13. A l’instar d’un journ aliste qui propose une ouverture sur la base de faits avérés, le prophète actuel se veut dans le présent de l’actualité.
28
Ce passage se termine par la conviction d’une communauté qui dit ensemble : « que
la volonté du seigneur se fasse ». Le prophète peut donc utiliser aussi ce procédé
afin d’affermir la foi communautaire.
2.5 Une mission pour leur temps
Chaque prophète vit dans un contexte historique et géographique précis.
Chaque période de l’histoire a été imprégnée de prophètes inscrits dans la
mouvance de leur époque :
- Dans l’AT : les prophètes étaient des porte-parole de Dieu, des intermédiaires
directs avec les hommes. Après l’exil, l’intervention des prophètes diminue116.
Leur mention devient plus rare et la tradition porte l’accent sur les prophètes
messianiques,
- Dès 70 av. J.-C., où l’on rencontre des prophètes en Galilée, en Judée et à
Antioche (Ac 11.27 ; 21.10), l’intervention des prophètes réapparaît dans la
littérature117. La prophétie est tournée vers l’avenir dans l’attente du nouvel
Elie, avec une parole axée sur l’apocalyptique de l’établissement du royaume
de Dieu sur Terre. Jean-Baptiste vient ranimer la tradition, en la liant à la
personne de Jésus,
- Pour l’Eglise primitive : les prophètes judéo-chrétiens prennent le relais. Ils ont
pour fonction la construction de l’Eglise118,
- On est à même de se demander : aujourd’hui, quel serait le rôle du prophète ?
En réalisant une étude sur l’approche sociologique du prophète syro-palestinien
dans les premières Eglises, J. ZUMSTEIN montre que les prophètes s’adaptent au
116 Le fait que dans l’histoire, le prophétisme prend le temps de disparaître de lui-même montre qu’il est de source divine et non de volonté humaine. Cf. P. BEAUCHAMP, « La prophétie d’hier », p. 22. 117 Mentionné une quarantaine de fois dans la littérature du Ve au IIIe siècle av. J.-C, le prophète est peu présent dans la littérature hellénistique, contrairement au devin « mantij ». En opposition aux voyants, le prophète helléniste n’est pas associé à un inspiré ou extatique, ni à l’exégète ou l’interprète d’une pythie. Il est celui qui reçoit les questions des demandeurs, et remet les réponses divines. Le prophète helléniste joue le rôle d’intermédiaire neutre et passif. Il est cantonné au relais d’une parole divine. Cf. PERROT C., Après Jésus, le ministère chez les premiers chrétiens, p. 210-214. 118 Sur le prophète dans l’Eglise primitive, Cf. D. E. AUNE, Prophecy in Early Christianity and the Ancient Mediterranean World, Grand Rapids, Eerdmans, 1983 ; G. BONNEAU, Prophétisme et institution dans le christianisme primitif, Paris, Médiaspaul, 1998 ; T. BOUTET, « Les prophètes ont mauvaise presse », p. 2. ; E. COTHENET, « Prophétisme dans le Nouveau Testament », col. 1264-1301 ; C. PERROT, Après Jésus, le ministère chez les premiers chrétiens, p. 221.
29
contexte socio-économique. Ils s’imprègnent des facteurs socio-écologiques et ils
tiennent compte du milieu socioculturel dans lequel ils évoluent119. Cette adaptation
peut être constatée en tenant compte des traditions sous-jacentes à la rédaction des
livres du NT. Dans son étude sur l’institutionnalisation du prophétisme dans le
christianisme primitif, G. BONNEAU distingue quatre périodes de rédaction qui
permettent de dégager les enjeux et les fonctions du prophétisme. C’est en
s’appuyant sur l’ouvrage de G. BONNEAU, que les quatre périodes prophétiques
seront abordées succinctement, afin de mesurer la raison et l’importance de la
présence du prophète dans la communauté du Ier siècle120.
2.5.1 L’émergence du prophétisme chrétien
Les écrits circulant pendant la période allant de l’an 33 à l’an 65 sont : les
traditions présynoptiques, un document qui deviendra la Source Q, les lettres
Pauliennes, les traditions du livre des Actes. C’est l’émergence du prophétisme
chrétien, dans une période enthousiaste quand au retour proche du Christ, avec ses
premiers conflits. Deux prophétismes émergent : palestinien, avec la transmission
des logia de Jésus, et helléniste, avec un rôle d’édificateur des premières
communautés par un contenu prophétique dit kérygmatique121. C’est le temps où le
prophète révèle une connaissance divine, dite à mystère.
2.5.2 Le prophétisme chrétien dans la continuité
De l’an 65 à l’an 85, c’est la rédaction des évangiles selon Marc, Matthieu, et
l’œuvre Luc-Actes. Dans un souci de continuité et de stabilité, le processus
institutionnel se met en place. Cela se traduit par l’union chez Marc du prophétisme
palestinien et helléniste. Marc met en garde des chrétiens persécutés : malgré une
annonce de la venue imminente et inattendue du Seigneur, l’assoupissement n’a pas
de place dans la communauté. En se référant aux prophètes, Luc cherche à légitimer
119 Cf. J. ZUMSTEIN, « le prophète chrétien dans la Syro-Palestine du 1er siècle», p. 88-91, 93. 120 Pour un approfondissement des ces périodes prophétiques du Ier siècle, voir l’ouvrage de G. BONNEAU, Prophétisme et institution dans le christianisme primitif. G. BONNEAU fait le rapprochement entre le prophétisme charismatique du christianisme primitif et l’institutionnalisation de l’Eglise. Le prophétisme chrétien a souvent été abordé à la façon systémique, en fonction des textes qui s’y rapportent. Ce n’est pas tenir compte du contexte socioreligieux dans lequel évolue le prophète. 121 Sauf l’exception présente dans 1Co 7, le milieu paulinien n’est pas reconnu comme transmetteur de logia évangéliques. Ceux sont les premiers prophètes chrétiens, du milieu galiléen, qui ont été porteurs de la source orale des logia (source Q) que contiennent les Evangiles synoptiques. Cf. C. PERROT, Après Jésus, le ministère chez les premiers chrétiens, p. 207.
30
l’expansion géographique et le développement ministériel. Les apôtres et les
prophètes font partie désormais de l’histoire. Quant à la communauté de Matthieu
elle fait face à la persécution. Son organisation passe par l’instruction et la raison
aux dépens du prophète chrétien122.
2.5.3 Institutionnalisation du prophétisme
La période allant de l’an 85 à 100 correspond à la rédaction du corpus paulinien,
lettres de Jean et l’Apocalypse. L’organisation communautaire s’est bien développée
malgré la présence de faux prophètes et docteurs. Dans cette période de
stabilisation, le prophète chrétien consolide la foi de ceux qui sont en doutes et
persécutés. Dans un souci de continuité, et suite aux conflits internes, l’Eglise
s’institutionnalise autour de ministères dits plus « stables ». A la fin du 1e siècle, les
communautés préoccupées de lutter contre les faux prophètes, mentionnent
explicitement de moins en moins « la personne » du prophète préférant mettre en
avant le contenu du message du prophète123. Les textes du NT traduisent la crainte
de voir les phénomènes à sensation se sacraliser.
2.5.4 Perte du prophétisme primitif
Le IIe siècle voit la rédaction de la Didachè, du Pasteur d’Hermas. Malgré un
souhait des Pères apostoliques de faire perdurer la tradition prophétique, le ministère
prophétique disparaître de la littérature chrétienne. Clément de Rome n’associe plus
l’intervention de l’Esprit aux prophètes mais uniquement aux apôtres124. Origène,
dans l’ensemble de ses œuvres connues, ne fait pas mention du prophète chrétien.
Le prophète est alors identifié au prédicateur ou exégète125. C’est le déclin du
christianisme prophétique primitif.
Un prophète n’est pas hors du temps, mais vit dans son époque. Le prophète
chrétien se caractérise par un lien très profond avec l’enseignement du Christ, qu’il
122 On trouve chez Paul une hiérarchisation des ministères qui n’est pas présente chez Matthieu. L’Eglise judéo-chrétienne de Matthieu est une église avant tout enseignante. Et comment pourrait-il y avoir un autre enseignent que celui de Jésus. Cf. C. PERROT, Après Jésus, le ministère chez les premiers chrétiens, Paris, p. 94. 123 Cf. 1Tm 1.18, 4.14. 124 CLEMENT DE ROME, La lettre de Clément aux Corinthiens, 42.1-4 (trad. par J. COLSON). 125 Origène est un théologien de la période patristique du début du IIIe siècle. Cf. N. FÜGLISTER, « Prophète », p. 501-502.
31
actualise et développe126. En fonction de son environnement, le rôle des prophètes,
dans les écrits du NT, est soit mis en avant, soit minimisé. Ce n’est pas la quantité
de référence qui fait son importance. Dans le Ier siècle, le prophète chrétien n’est pas
l’homme des prédictions mais, en accord avec la foi commune127, il est celui qui
insère la Parole dans la communauté en donnant des directions et des informations
précises en fonction du moment présent128.
2.6 Le prophète et la fin des temps (Mc 13.21-23)
Force est de constater que, dans les sociétés occidentales, le prophète est vu
comme un contestataire et fait peur129. Aujourd’hui, on trouve, dans le débat sur la
présence du prophétisme au sein des différentes communautés religieuses, toutes
les positions. Elles se situent entre les deux courants suivants : le courant
cessationiste qui prône que les dons spirituels apostoliques ont disparu, et ne sont
plus nécessaires car tout est contenu dans la Bible, et limité à la fondation de
l’Église ; et le courant charismatique pour qui les dons sont toujours disponibles et
doivent être utilisés impérativement, l’Église ayant toujours besoin d’être édifiée,
exhortée et consolée130. Pour aujourd’hui, quelle peut être la position d’un chrétien à
la lecture des textes du NT ?
126 Cf. J. ZUMSTEIN, « le prophète chrétien dans la Syro-Palestine du 1er siècle », p. 88. Cependant, dans son étude sur les logia prophétiques, M. E. BORING considère que 49% de logia de la source Q, ont été créés ou remaniés par les prophètes chrétiens. M. E. BORING, The continuing Voice of Jesus: Christian Prophecy and the Gospel Tradition, Louisville, Westminster, 1991, p. 230-231. G. BONNEAU va dans ce sens en disant que les prophètes chrétiens ont joué le rôle d’intermédiaire entre les logia de Jésus et les synoptiques. Cependant, transmetteur dans le présent, lorsque la situation l’impose, ils ont pu créer de nouveaux logia au nom de Christ ressuscité. Parole tout aussi valable pour les communautés, puisque dite sous l’inspiration divine. Cf. G. BONNEAU, Prophétisme et institution dans le christianisme primitif, p. 47. 127 Cf. A. MAILLOT, L’Epître aux Romains. Epître de l’œcuménisme et théologie de l’histoire, Genève, Labor et Fides, 1984, p. 306-307. Le prophète n’est pas un diseur d’avenir « mantij ». Il annonce la vérité en vertu de son contact avec Dieu. Il s’agit de rendre présente, la Vérité divine, en vue d’indiquer le bon chemin à suivre, de faire comprendre la foi en Dieu, comme espérance. Cf. J. RATZINGER, « Une Parole, des Prophètes », Les Cahiers d’Edifa, n° 9, printemps 2000, p. 5. 128 Cf. F. J. LEENARDT, L’Epître de saint Paul aux Romains, 3ème éd., Genève, Labor et Fides, 1995, p.174-175. 129 Cf. P. MARIOTTI, « Contestation prophétique », S. DE FIORES, T. GOFFI (dir.), DVS, Paris, Cerf, 2001, p. 188-195. 130 Cf. N. HORTON, « La prophétie : close ou pas ? », Christianisme aujourd’hui, n° 7, juillet-août 2008, p.13.
32
2.6.1 La « petite apocalypse »
Pour comprendre quel peut être le rôle du prophète dans l’Eglise actuelle,
arrêtons nous sur le texte de Marc 13.21-23131. En fonction des définitions que
donnera ce texte sur les faux-prophètes, ce n’est pas le ministère prophétique
d’aujourd’hui qui sera défini, mais l’intention rédactionnelle de l’évangéliste pour son
époque132. Cela nous permettra d’extraire, ce qui dans la mission prophétique,
perdure dans le temps.
« 21 Si alors quelqu'un vous dit : « Le Christ est ici ! », « Il est là ! » ", ne le croyez pas. 22 Car des Christs de mensonge et des prophètes de mensonge se lèveront ; ils donneront des signes et des prodiges pour égarer, si possible, ceux qui ont été choisis. 23 Soyez sur vos gardes ; je vous ai bien prévenus. »
C’est dans une situation de crise historico sociale qu’émerge la littérature juive
apocalyptique à partir du Ier siècle av. J.-C. jusqu’au IIe siècle ap. J.-C.133. Pendant
cette période d’incertitude quant à des promesses non tenues comme l’établissement
du royaume de Dieu sur terre, la question de la fin était présente. L’eschatologie de
Marc se comprend en référence à l’apocalyptique134. Cette parenté permet de mieux
définir l’intention et les motivations rédactionnelles de l’auteur. Marc dans la
continuité de la prophétie traditionnelle, a puisé dans cet environnement littéraire.
131 Ce texte de Mc 13.21-23 sur les faux messies, les faux prophètes et le fils de l’homme est à mettre en parallèle avec ceux de Mt 24.23-28 et Lc 17.23ss,37. 132 Au verset 14, l’intervention directe à l’attention du « lecteur », par le narrateur, indique que les informations de ce texte concernent les lecteurs de l’époque des évènements de la destruction du Temple de Jérusalem en 70 ap. J.-C. Cf Y. BOURQUIN, Marc, une théologie de la fragilité, Genève, Labor et Fides, 2005, p. 78-79. 133 En parallèle avec le texte de Mt 24.15, le verset 14 de Marc 13, l’expression « l’abomination de la désolation », fait référence aux textes de Daniel (Dn 9.27, 11.31, 12.30) lors de l’arrêt de l’offrande du sacrifice. Il pourrait correspondre à la volonté de mettre dans le Temple la statue de l’empereur Caligula. Cf. F. E. TROCME, l’Evangile selon saint Marc, Genève, Labor et Fides, 2000, p. 326. Pour C. FOCANT, deux explications sont proposées : Marc reçoit, de la tradition, une prédiction voilée, non encore réalisée au moment de la rédaction et qu’il ne peut éclairer. Ou bien le temple est déjà détruit, et cet évènement lié à la fin des temps est transformé par Marc en une annonce voilée de l’Antichrist. Le but est de détourner l’attention de ses contemporains frappés par la destruction du temple et en position d’attente de la fin. Cf. C. FOCANT, « La chute de Jérusalem et la datation des évangiles », RTL, n° 19, 1988, p. 19-22. D’autres voient dans cette formule une désacralisation du temple lors de la mort du Fils de Dieu (Mc 14.58 ; 15.29). Cf. P. LAMARCHE, Evangile de Marc, Paris, Gabalda, 1996, p. 301. Le texte parallèle de Luc 21.20-24 fait référence explicitement au siège de Jérusalem. Quelle que soit l’hypothèse retenue, ce n’est pas dans une prophétie ex eventu de la catastrophe de l’an 70 qu’il faut étudier ce texte. Ce discours s’insère dans les évènements du 1er siècle, avec une portée eschatologique. 134 Cf. Y. BOURQUIN, Marc, une théologie de la fragilité, p. 217.
33
Plus spécifiquement, Marc 13 est considéré comme une
« petite apocalypse135 ». Le vocabulaire des versets 21 et 22 reflète les
préoccupations des premières communautés. C’est pour faire face à la
documentation d’époque signifiant l’imminence de la fin, et entraînant une paralysie
spirituelle, que Marc intègre ce discours dans son Evangile136. Le texte insiste sur la
vigilance, non pour s’opposer à un retour prochain de Jésus, mais pour ne pas
s’endormir dans cette attente de l’immédiat.
2.6.2 Une parole qui perdure
En Mc 13, en plus de l’endormissement, c’est le risque d’égarement qui est
dénoncé. Non pas fonction d’une date mais de celui qui doit venir (Mc 13.6,21-22). A
la fin du verset 23, se trouve l’expression « proei,rhka umi/n pa,nta » . Traduite par « je
vous ai bien prévenu », elle ne doit pas être comprise dans le sens « je vous ai prédit
d’avance ». L’accent est mis sur le « dit », sur l’avertissement, et non sur la
prédiction. La présence du « pa,nta » n’exprime pas le fait que Jésus ait décrit, dans
leur globalité, sous quelle forme tous les avertissements vont s’accomplir.
L’événement à venir, à savoir le retour du Christ, est le centre du contenu du
message. Comprendre cela, c’est avoir été « bien averti » de ne pas s’égarer en se
préoccupant des faits secondaires, perdant ainsi de vue l’objectif final. Mettre l’accent
sur le « dire » et non le « prédire », montre que c’est la parole eschatologique de
Jésus et non son contenu qui est en avance sur les évènements. Le micro-récit de
135 Un texte est classé comme apocalyptique par sa forme littéraire (un commencement, un milieu et une fin), mais également par la nature des thèmes abordés et la forme des verbes (27 futurs et 21 impératifs pour Mc 13.5-37). Cf. J. VALETTE, L’Evangile de Marc. Parole de puissance, message de vie. Tome II, Paris, Les Bergers et les Mages, 1986, p. 152-153. G. BONNEAU définit cinq critères de distinction d’un texte apocalyptique : rendre compte du triomphe de Jésus, rendre compte de la défaite des forces hostiles, redéfinir la communauté de foi, démontrer la certitude de ce qui vient, encourager la communauté à tenir ferme. On retrouve ces objectifs dans l’ensemble de l’œuvre de Marc, plus particulièrement dans le discours de Jésus du chapitre 13. Cf. G. BONNEAU, Prophétisme et institution dans le christianisme primitif, p. 80-82. 136 Si Marc est bien l’auteur de ce discours dans sa forme définitive, il a réuni des données antérieures. Pour certains, une apocalypse juive aurait servi de base unique à la rédaction de ce texte. Les images et les idées de ce discours sont influencées en plus par les apocalypses de l’AT, tout spécialement celle de Daniel. Cf. D. E. AUNE, Prophecy in Early Christianity and the Ancient Mediterranean World, p. 154 ; P. LAMARCHE, Evangile de Marc, p. 299-300. Selon E. TROCME, ce discours s’appuie également sur un document annonçant la Parousie imminente du Fils de l’Homme, qui serait une petite apocalypse chrétienne dont les v. 7-8, 14-20 et 24-27 formeraient l’essentiel. Cf. E. TROCME, l’Evangile selon saint Marc, p. 322-323 ; S. LEGASSE, L’Evangile de Marc - Tome II, Paris, Cerf, 1997, p. 782. R. PESCH ira jusqu’à déclarer que le chapitre 13 ne figurait pas à l’origine dans l’évangile. Cf. R. PESCH, « Markus 13 », F. ROUSSEAU (éd.), L’Apocalypse johannique et l’apocalyptique dans le Nouveau Testament. BEThL, LUP, 1980, p. 355-368.
34
Mc 13.5-32 est un oxymore137 : Jésus oppose le monde qui passera, par la
destruction des pierres du temple, aux paroles qui ne passeront pas138. Ce qui doit
arriver n’est pas prédit dans ce qui est décrit. Mais le sujet abordé, en avance sur
son temps, fera écho dans la mémoire de l’auditeur, à une parole particulière.
Comme elle perdure, la parole dite d’avance a son effet plus tard139.
Dans ce texte, Jésus ne s’adresse pas à une foule de non-convertis, mais aux
disciples présents. Les avertissements des versets 21 à 23 sont destinés à dissiper
une déception chez certains chrétiens, suite à l’échec ressenti à l’attente d’un messie
glorieux et victorieux. L’évangéliste invite à ne pas tomber dans le piège de faux
prophètes qui utiliseraient cette période de difficultés et d’incompréhension des
évènements, pour égarer les chrétiens140. Ce texte est donc à mettre en parallèle
avec l’invitation de Paul à discerner les vrais prophètes qui eux, par une parole qui
perdure, sont là pour éclairer la communauté à ces moments donnés, dans ces
situations précises. Il est possible d’imaginer qu’une communauté, perturbée par
une incompréhension d’évènements succombe, au charme d’un message certes
séduisant, mais éphémère.
2.6.3 Prophète et réorientation sotériologique
Enfin, le verset 23 mentionne des signes et des prodiges réalisés par les faux
prophètes141. Les faux prophètes feront ce qui a été demandé en vain à Jésus (Mc
8.11-13, 15.29-32 ; Mt 4.5-7). Ces signes sont traîtres puisqu’ils apparaissent comme
des preuves externes, visibles, sans pour autant avoir de sens avec le message
annoncé. Ces faux prophètes font dans le spectaculaire sans être dans le salutaire.
137 L’oxymore est une « association de termes contradictoires ; les deux membres de l’oxymore s’excluent l’un l’autre de manière absolue, tout en se fondant l’un dans l’autre ». Y. BOURQUIN, Marc, une théologie de la fragilité, p. 438. 138 Cf. Y. BOURQUIN, Marc, une théologie de la fragilité, Genève, p. 418. 139 Au début du chapitre, « suntelei/sqai » au passif désigne la fin de toute chose, ou l’accomplissement des temps eschatologiques. Le « teloj » n’est pas un terme, une fin en soi. C’est un accomplissement. Ce terme implique une rencontre de ce qui vient. Cf. J. DELORME, L’heureuse annonce selon Marc - Lecture intégrale du 2ème évangile - II, Paris, cerf, 2008, p. 360-361, 363. 140 Cf. P. LAMARCHE, Evangile de Marc, p. 301-302. 141 L’expression « des signes et des prodiges », n’est jamais utilisée par Marc pour désigner les miracles de Jésus. Cette expression est tirée de la Septante pour exprimer les signes et les prodiges faits par Moïse pour libérer le peuple (Dt 29.2 ; 34.11), ou pour un faux prophète dont l’intention était de se faire accréditer par le peuple (Dt 13.1-2). Cf. E. TROCME, l’Evangile selon saint Marc, p. 327.
35
Seul le discernement permet de mettre en évidence le manque de relation entre les
faits et le dire d’un faux prophète142.
L’intervention du prophète ne provoque pas une interruption dans le temps,
entraînant un changement, une réorientation de la par de l’auditeur143. Il est plutôt la
conséquence d’un changement en devenir. En marge, ou lors d’une période
particulière, le prophète innove dans la continuité d’un mouvement. Le plan du salut
n’est pas encore arrivé à son terme, ce qui laisse encore la place au prophète
d’intervenir.
3 Synthèse
Dans le NT, hommes et femmes, sont ouverts au charisme prophétique. Le
prophète, porteur humain d’un message divin, est en soi fragile car faillible, ce qui le
rend difficilement identifiable sur le moment. Avec du recul sur les événements et
l’évolution des situations, il est possible de reconnaître ou non un tel don chez une
personne144. Mais ce ne doit pas être l’histoire qui fait un prophète. C’est Dieu qui
propose et dispose du don, et avec, donne la possibilité de le discerner.
Le discernement des esprits, qui permet de distinguer le vrai du faux prophète
(1Jn 4.1), n’est pas une idée nouvelle. Dans l’AT, il était déjà présent (Dt 18.21-22 ;
Jr 28.75). L’apôtre Jean nous exhorte à « éprouver les esprits, pour savoir s'ils sont
de Dieu, car plusieurs faux prophètes sont venus dans le monde » (1Jn 4.1). C’est
guidé par l’Esprit que le discernement peut se faire145. Il ne peut être individualiste,
mais communautaire. Dieu parle aux prophètes, mais il s’adresse aussi à chacun de
142 Cf. J. VALETTE, L’Evangile de Marc. Parole de puissance, message de vie. Tome II, p. 176-177. 143 Cf. P. BEAUCHAMP, « La prophétie d’hier », p. 14, 19. 144 Pour W. VOGELS, toutes les conclusions tirées des textes bibliques amènent à prendre conscience que les critères de distinction entre vrai et faux prophète montrent bien des ambiguïtés. Au travers du texte de Actes 5.38-39, il faut remettre à l’histoire la possibilité de faire la distinction : « Maintenant, je vous le dis, ne vous occupez plus de ces gens, et laissez-les aller. S’il s’agit d’une décision ou d’une œuvre humaine, elle disparaîtra ; 39 mais si cela vient de Dieu, vous ne pourrez pas les faire disparaître. Prenez garde de ne pas vous trouver en guerre contre Dieu. » Cf. W. VOGELS, Les prophètes, p. 153. « L’histoire » est un critère à postériori sûr, mais qui soulève d’autres questions. Tout évènement est interprétable par chacun, s’il est vu sous différents angles. Ne s’en remettre qu’à ce seul critère pour discerner le vrai d’un faux prophète, revient à ne pas profiter du prophète dans le présent de l’action. Ce critère « de sûreté » peut entrainer plus de questions que d’assurance. C’est quelque part choisir avec passivité le déroulement inéluctable de l’histoire. 145 Paul va plus loin. Il ne s’arrête pas seulement au don de prophétie mais invite chaque chrétien à tout examiner avec discernement (1Th 5.21). Cf. C. PERROT, « Charisme et institution chez saint Paul », p. 81-91.
36
nous quant au discernement à effectuer. Ce discernement est une caractéristique de
la maturité d’une Eglise146.
Pour pouvoir accepter les prophètes, il faut pouvoir les situer. L’esprit de
prophétie peut être étudié sous deux modes d’approche : des critères qui rejettent le
prophète, ou qui l’appuient147 au travers de sa personne et de sa mission. Ces outils
se porteront sur le prophète et sur les fruits produits en lui par le Saint Esprit, sur ses
paroles qui sont en analogie avec la foi, et sur son action d’édification envers la
communauté à laquelle il est rattaché. Ces outils mis à la disposition de chacun, le
sont également pour le prophète lui-même. Les prophètes sont des personnes à part
entière ; tout prophète exalté ou instable, serait un signe négatif, pour qu’il soit
reconnu comme vrai prophète.
Au-delà de la personne et de la personnalité du prophète, c’est l’objectif de sa
mission qui permet de le distinguer. C’est un ministère tourné vers l’autre. Le
prophète ne rabaisse pas l’humain mais le tire à regarder vers le Christ, à le
rapprocher des promesses de Dieu. Quel que soit le message prophétique, rien ne
justifie la perte de l’espérance, au profit de la crainte. L’espérance est la marque de
la prophétie148. Le catastrophisme ou l’alarmisme ne construisent pas la foi149, mais
l’instabilité. Leur présence néfaste au sein d’un groupe sera alors signe d’activité
d’un faux prophète. Le critère de prophétie demeure l‘édification dans la foi.
La dimension ecclésiologique de ce ministère est donc importante. Le don de
prophétie est spécifique à une personne pour une portée communautaire. Le
prophète ne vit pas son don de manière autonome, isolé, mais il est impliqué dans la
vie communautaire. A ce titre, le don de prophétie, mais également le discernement
qui y est rattaché et qui doit être exercé par chacun, ne peuvent être individualistes,
146 Il faut distinguer le discernement de la ruse. Bien que guidé par le saint Esprit, et en dehors du don particulier du même nom accordé à une personne, le discernement n’est pas acquis en soi. Il demande éducation, affinement de l’intelligence avec un sens du souci moral, qui le distinguera de la ruse. La ruse naît de ce que l’homme est capable par son intelligence d’affronter une situation à des fins personnelles, ou pour servir ses propres desseins. Il se distingue de ce fait du discernement qui a une portée communautaire dans le NT. Cf. F. CHIPRAZ, « Le discernement, vertu de l’intelligence », LV, n° 252, octobre-décembre 2001, p. 9-21. 147 N. C. HVIDT parlera respectivement de critères intrinsèques (le contenu des révélations et la personnalité du prophète) et extrinsèques (effet produit sur la vie spirituelle). Cf. N. C. HVIDT, « Les critères de discernement », Les Cahiers d’Edifa, n° 9, printemps 2000, p. 84-93. 148 Cette espérance ne s’est pas arrêtée à la venue de Jésus, mais est ouverte à tous. D’où la nécessité encore plus marquée de ce don aujourd’hui. Cf. J. RATZINGER, « Une Parole, des Prophètes », p. 8-9. 149 J.-M. POTENTI, « Comment générer le ministère prophétique », p. 34.
37
mais imbriqués dans une vision ecclésiale. Le prophète s’adresse avant tout à un
groupe de croyants en s’inscrivant dans un travail d’équipe, avec les autres
ministères, afin que l’Eglise s’accomplisse dans sa mission. A chaque période
charnière de l’histoire du salut biblique, le don de prophétie était présent. Ainsi,
l’action du prophète n’est pas figée dans le temps, mais adaptée à son
environnement spirituel.
En tenant compte de l’intention rédactionnelle de Marc en Mc 13.5-37, ce que
l’on peut actualiser de ce texte, c’est qu’aujourd’hui encore, nul doute que Dieu fera
intervenir des prophètes dès qu’une période de déception où d’égarement d’ordre
eschatologique surviendra, suite à une incompréhension spirituelle de l’évènementiel
céleste. Dans les perspectives d’avenir que nous offre ce texte, gardons aussi à
l’esprit que le rôle des faux prophètes, dans ces périodes d’incertitudes, est d’égarer
les chrétiens.
Toute application d’une compréhension théorique est difficile en soi. D’autant
plus quand deux être humains sont au centre de cette question de discernement.
Dans la péricope d’Ac 16.16-18, qui met en jeu Paul et une servante pythique, ne
peut-on pas voir un acte de discernement de l’apôtre face à un faux prophète ?
Les critiques textuelles ont abordé et utilisé ce passage d’un point de vue de
l’acte d’exorcisme. Une approche exégétique de ce texte, centrée non plus sur l’acte
de Paul, mais sur la personne de la servante pythique, permettra de comprendre
l’action qui s’y déroule et de répondre à la question : comment saisir le sens de
l’attitude de la servante, en Ac 16.16-18, au travers des outils et des critères de
discernement des vrais et faux prophètes dans le NT ?
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Dans le dictionnaire de la langue française au mot « prophète », la pythie est
définie comme une prophétesse de Delphes, au même titre que les devins et
augures150. En effet, la servante pythique d’Ac 16.16-18 aurait pu être considérée
comme une prophétesse. Sa fonction dans la société était de transmettre un
message divin. Elle parlait à la place d’un dieu sous l’emprise d’un esprit révélateur.
Son message était un apport nouveau dans la compréhension du salut, pour les juifs
et les païens de Philippes. Le contenu de son message reposait sur une vérité
d’actualité : le salut pour tous. Sur quels critères, applicables dans ce cas et en
rapport avec le NT, Paul a pu s’appuyer pour mettre à jour le subterfuge et libérer la
servante du mauvais esprit ?
1 Pour une première approche
1.1 Généralités d’Actes
En faisant la jonction entre les Evangiles et les Epîtres, la place du livre des
Actes des apôtres dans la Bible est particulière : ce livre pose les fondements de
l’Eglise chrétienne et marque, dans la continuité des Evangiles151, l’ouverture
géographique de l’histoire du christianisme aux « extrémités de la terre »152 par la
diffusion de la Bonne Nouvelle au monde païen153.
Plusieurs similitudes de langage et de préoccupations théologiques permettent
d’attribuer à Luc les deux ouvrages, l’Evangile selon Luc et les Actes des apôtres :
l’homogénéité littéraire de par les vocabulaires communs, les particularités
stylistiques et le langage théologique spécifique154. Le livre des Actes des apôtres se
150 Le Petit Robert 2011, p. 2046. 151 Au travers de l’action de Jésus dans récit de la femme syro-phénicienne de Marc 7.27-30, les textes relatent les premières expansions de l’Evangile au monde païen. Cette ouverture reste cependant cantonnée géographiquement en Palestine. C’est par Paul que l’ouverture géographique de l’histoire du christianisme va se concrétiser. 152 Cf. Ac 1.8. 153 Dans la chronologie traditionnelle, le livre des Actes des apôtres couvre une période allant de l’an 36 (30/34 pour la chronologie révisée) de la conversion de Saul au Christ, à l’an 64 ap. J.-C., où Paul meurt à Rome sous Néron. Cf. E. BROWN, Que sait-on du Nouveau Testament ?, Paris, Bayard, 2000, p. 44, 472. 154 L’histoire contenue dans les Actes s’achève vers 64 (cf. note 153, p. 39). Mais le lieu de rédaction de cette œuvre est inconnu, et sa date est discutée. Une date antérieure aux années 80 est incertaine du fait que Luc a écrit après Marc et Matthieu (68-73). De plus, la structure ecclésiale d’anciens de l’Eglise primitive ne correspond plus avec les écrits du IIe siècle (hiérarchie plus structurée avec des évêques selon Ignace). Nous opterons pour une date intermédiaire dans la fourchette 80-100, période
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trouve donc dans le prolongement des Evangiles et notamment celui selon Luc155.
Bien que les deux ouvrages soient ceinturés par l’annonce du salut de Dieu, un
changement d’autorité s’opère : autorité christologique pour les Evangiles transférée
en autorité apostolique pour les Actes156.
Dans ce deuxième tome d’ouvrage adressé à Théophile157, Luc retrace, non pas
les biographies de Pierre ou de Paul, mais comment les témoins de Jésus-Christ ont
apporté sa parole, sa résurrection, sous l’action du Saint Esprit, de Jérusalem jusqu’à
soutenue par G. BORNKAMM, Nouveau Testament. Problèmes d’Introduction, Genève, Labor et Fides, 1973, p. 87-88 ; E. BROWN, Que sait-on du Nouveau Testament ?, p. 413-315 ; J.-M. GUILLAUME, Luc interprète des anciennes traditions sur la résurrection de Jésus, Paris, Gabalda, 1979, p. 265. 155 Selon A. KUEN, Introduction au Nouveau Testament. vol. 2 : Evangiles et Actes, Saint-Légier, Emmaüs, 1990, p. 365, le titre « Actes de Apôtres » tire son origine du IIe siècle, lorsqu’il fut séparé de l’évangile selon Luc. Les pères de l’Eglise n’attribuant pas à Paul le titre d’apôtre. Cet ouvrage s’est aussi appelé : « les Actes de Pierre et de Paul ». C’est Irénée qui est le premier à citer les Actes des apôtres vers 180 ap. J.-C. Cf. D. MARGUERAT, « Les Actes des Apôtres », D. MARGUERAT (dir.), Introduction au Nouveau Testament, Genève, Labor et Fides, 2000, p. 113. 156 Dans la littérature, deux thèmes centraux sont présentés. Pour certains auteurs, dans l’œuvre lucanienne, Jésus est le sauveur. Il apporte le salut, non par sa mort et sa résurrection, mais par sa venue. Le salut a un sens très précis. En Jésus, Dieu apporte le « salut » dans l’accomplissement des promesses de l’Ancien Testament. Ce qui conduit à la libération de son peuple. Vont dans ce sens D. MARGUERAT, « L’Evangile selon Luc », D. MARGUERAT (dir.), Introduction au Nouveau Testament, p. 84-85 ; F. VOUGA, Une théologie du Nouveau Testament, Genève, Labor et Fides, 2001, 91-92. D’autres commentateurs et exégètes affinent le message central de Luc-Actes au niveau du salut en la résurrection de Jésus, fondement de la foi. Ce thème constitue la charnière centrale de l’œuvre adressée à Théophile, dans la clôture de l’Evangile selon Luc et dans l’ouverture des Actes. De plus l’argumentation des discours et l’insistance de ce thème montrent la place prépondérante qu’il occupe dans la pensée théologique de l’auteur. Dans le livre des Actes, la résurrection de Jésus est rapportée de façon narrative en continuité avec d’autres évènements (Ac 1.3-4 ; 17.1-3 ; 13.29-30 ; 24.21). Faire parler et intervenir Jésus dans l’histoire, c’est présenter le salut au-travers d’un Christ vivant, ressuscité. Cf. P. ASSO, « Raconter pour persuader : discours et narration des Actes des Apôtres », RSR, Paris, n° 90-4, p. 568. Sur le thème de la résurr ection Cf. F. BOVON, Luc le théologien, Genève, Labor et Fides, 2006, p. 132-134 ; J. DUPONT, Nouvelles études sur les Actes des Apôtres, Paris, Cerf, 1984, p. 445-470 ; X. LEON-DUFOUR, Résurrection de Jésus et message pascal, Paris, Seuil, 1971, p. 200-220. Pour appuyer l’importance de ce thème, D. MARGUERAT rajoutera que « le livre des Actes n’est pas seulement un récit sur la résurrection, mais un témoignage de la résurrection ». Cf. D. MARGUERAT, L’aube du christianisme, Genève, Labor et Fides, 2008, p. 419-421. Allant dans le sens du thème central de la résurrection, J.-M. GUILLAUME dans son ouvrage voit en Luc-Actes, au travers de la résurrection, du repas pascal et de l’ascension de Jésus, un mouvement en progression qui préfigure le couronnement de l’œuvre de Christ : l’établissement du « Règne » préambule de la parousie. Cf. J.-M. GUILLAUME, Luc interprète des anciennes traditions sur la résurrection de Jésus. 157 Le nom Théophile est présent dans les versets de Lc 1.3 et Ac 1.1. Les premiers chapitres de Luc sont chargés d’arrières fonds scripturaires et de réalités typiquement juives. Cependant, Luc, à partir de la situation de Théophile, amène le lecteur à s’imprégner de la pensée christique et de l’offre du salut pour tous. Pour en savoir plus sur le destinataire de Luc-Actes et comprendre comment Luc provoque Théophile à cheminer vers Christ, sans le décourager, je recommande la lecture de l’article de P. WARGNIES, « Théophile ouvre l’Evangile (Lc 1-4) », NRTh, Tome 125, n° 1, janvier-mars 2003, p. 77- 88.
41
Rome. Le récit de Luc-Actes, écrit par Luc le croyant, avec une portée
historiographique158, a un but apologétique159.
1.2 Contexte
1.2.1 Contexte Large
Comme les historiens de son temps, Luc entend présenter des faits bien établis
et interprétés160. Dans le livre des Actes des apôtres, Luc montre un constant souci
d’être clair et d’expliquer ce qui pourrait paraître étrange à des lecteurs peu informés
des traditions particulières d’Israël161. Mais les contenus théologiques indiquent que
Luc s’adresse à un public chrétien, pour son édification et son instruction162. Dans la
continuité de l’Evangile selon Luc, cet ouvrage est là pour « vérifier la solidité des
158 L’historiographie est la mise en récit de l’histoire, qui se distingue donc du roman. C’est Eusèbe de Césarée (265-340 ap. J.-C.) qui s’est attribué le terme d’historien du christianisme. Cette auto-déclaration, appuyée par les historiens modernes, a effacé la qualité historienne de Luc-Actes. Mais un renouveau des études lucaniennes met Luc, que la tradition depuis Irénée définit comme l’auteur de Luc-Actes, comme pionnier de l’histoire du christianisme. On trouvera une comparaison complète entre l’historiographie d’Eusèbe de Césarée et de Luc dans D. MARGUERAT, L’aube du christianisme, p. 377-402. Voir aussi T. RÖMER, « Historiographie et identité », CBFV 36, vol. XCVI, n° 4, sept. 1997, p. 3-18 ; D. MARGUERAT, « Le prem ier historien du christianisme (Luc-Actes) », CBFV 36, p. 19-34. 159 Cf. E. BROWN, Que sait-on du Nouveau Testament ?, p. 270 ; D. MARGUERAT, « Les Actes des Apôtres », p. 107. 160 Luc, le médecin, était un lettré grec, grand historien. Il a vécu à la transition entre la période helléniste et romaine. Par souci de mise en valeur de ses textes et de sa compréhension par tous les lecteurs, il a le souci du terme exact, de la syntaxe et de l’historique des mots. Cette application pour la précision et les détails a été consolidée par les recherches archéologiques. Cf. F. BOVON, L’Evangile selon Luc, 1-9, Genève, Labor et Fides, 2007, p. 23-24. Pour atteindre ses objectifs, l’auteur utilise à la fois l’historiographie, des procédés aristotéliciens, et les formes et genres littéraires de l’époque. Cf. P. ASSO, « Raconter pour persuader : discours et narration des Actes des Apôtres », p. 557-571. Luc, au travers de ses recherches, remonte aux origines et aux sources avec le souci de s’en tenir aux faits. Ses récits se veulent être le plus proche de la vie des personnes qu’il présente : Jésus, Pierre et Paul. Cela appuie son statut de premier historien de l’Eglise. Ce théologien-historique permet la continuité entre judaïsme et christianisme. Cf. G. BORNKAMM, Nouveau Testament. Problèmes d’Introduction, p. 88, 94. 161 Le discours tient une place importante dans le livre. On en dénombre 25, de longueurs différentes, qui dans l’ensemble représentent plus de 400 versets sur 1006 qu’en compte le livre, ce qui correspond à plus d’un tiers de l’ouvrage. C’est l’époque où l’on explique, où l’on donne la signification des évènements. Cf. J. DUPONT, Nouvelles études sur les Actes des Apôtres, p. 127 ; A. KUEN, Introduction au Nouveau Testament. Evangiles et Actes, p. 378. 162 Dans l’histoire du christianisme primitif, on distingue trois grands courants : le judéo-christianisme-palestinien (communauté de chrétiens de Jérusalem et de Palestine issus du judaïsme et parlant araméen ou hébreu), le judéo-christianisme-helléniste (communauté de juifs convertis parlant grec et emplis de cette culture) et le terme pagano-christianisme (païens convertis). Cf. J. SCHLOSER, « Les milieux d’origines », MoBi, n° 47, jan.-fév. 1987, p. 12-15. Le choix de la l angue grecque pour retranscrire un discours hébraïque tel que l’on trouve dans Ac 21.40-22.3, montre que le rédacteur vise l’un des deux derniers courants, un auditoire hellénistique. Cf. P. ASSO, « Raconter pour persuader : discours et narration des Actes des Apôtres », p. 557.
42
enseignements qu’ils ont reçus »163. C’est dans ce sens que ce livre est encore
d’actualité dans l’espace et dans le temps164.
Passé les trois premiers chapitres relatant les prémices de l’Eglise, le livre peut
être divisé en deux tableaux : cycle de Pierre et de Paul, pour la mission auprès des
juifs en Judée et Samarie, puis des païens au nord-ouest de la Judée. Les
commentateurs s’accordent donc à diviser le livre des Actes en deux parties, qui se
chevauchent165 :
- La geste de Pierre : Actes 3 à 8.40,
- Chevauchement des deux apôtres : Actes 9.1 à 11.26,
- La geste de Paul : Actes 11.27 à 28.31.
C’est dans la deuxième partie du Livre, et plus particulièrement lors du deuxième
voyage missionnaire de Paul166, que se situe notre texte.
1.2.2 Contexte proche
C’est à la lumière de l’assemblée de Jérusalem167, qui vient d’éclairer les
incertitudes sur la conversion de païens, que Paul et Silas se mettent en route pour
ce qui sera le deuxième voyage missionnaire de Paul.
163 Cf. Lc 1.4. 164 On ne peut lire le livre des Actes sans prendre conscience du thème central qu’est l’histoire de Jésus. Non d’un point de vue chronologique mais dans le contenu de son vécu et les répercussions pour ma vie. C’est alors répondre à la question : aujourd’hui, qui est Jésus pour moi ? C’est une histoire du passé, non dépassée, dont les impacts sont actuels. Cf. G. BORNKAMM, Nouveau Testament. Problèmes d’Introduction, p. 90, 188-189. 165 Les coupures proposées sont fonction d’un des deux principes de division du livre des Actes : soit missionnaire d'après le thème de l'expansion évangélique dominant dans les récits, soit d'après le contenu des discours. Ainsi, lorsque ces césures sont reliées aux personnages, Pierre, Paul et à leurs actions, la division en deux parties est soutenue par P. BOSSUYT, J. RADEMZRMAKERS, Témoins de la parole de la grâce - Lecture de l’Actes des Apôtres - 2. Lecture continue, Bruxelles, IET, 1995, p. 18-19 ; « Une lecture des Actes des Apôtres », CEv, n° 21, Paris, Cerf, 1977, p. 16 ; « Mission et Communauté (Ac 1-12) », CEv, n° 60, Paris, Cerf, 1987 ; « L’Evangile aux païen s (Act. 13-28) », CEv, n° 67, Paris, Cerf, 1989. D’autres auteurs placent la césure du livre au chapitre 15, où la ligne de partage bipolaire est accentuée lors de l’assemblée de Jérusalem en présence de Pierre, et marque le moment le plus important du christianisme primitif. Cf. G. BORNKAMM, Nouveau Testament. Problèmes d’Introduction, p. 93 ; A. LOISY, Les Actes des Apôtres, Paris, Nourry, 1920, p. 71-73 ; Y. SAOUT, Cette activité libératrice, Paris, Mame, 1984, p. 290. D’autres découpages ont été proposés en fonction des parcours géographiques (plan de W. G. KÜMMEL dit de type topographique), des structures littéraires apparentes (parallélisme, sommaires, refrain) ou d’analyse sémiotique. Nous retiendrons également la coupure théologique que propose J. L. STALEY du livre des Actes : non plus en fonction des hommes, mais en fonction de la nature missionnaire des voyages et des déplacements. Ainsi, à partir du chapitre 16, le christianisme passe en Macédoine. C’est en Ac 16.9, au cours du deuxième voyage missionnaire de Paul, que se situe le « point of the plot » du livre des Actes. Cf. J. L. STALEY, « Changing Woman: Postcolonial reflections on Acts 16.6-40 », JSNT, Issue 73, 1999, p. 113-115. 166 Cf. Ac 15.36-18.23.
43
La mission de Paul atteint son mûrissement dans le sens où il commence par
affermir les Eglises existantes168, en Ac 15.36,41 :
« Quelques jours après, Paul dit à Barnabé : Retournons visiter les frères dans toutes les villes où nous avons annoncé la parole du Seigneur, pour voir où ils en sont. [ ] Il passait par la Syrie et la Cilicie en affermissant les Eglises. »
Puis, c’est guidé par l’Esprit, que Paul et Silas vont se trouver confrontés au
monde helléniste.
1.2.3 Contexte immédiat
Nous pouvons lire dans Actes 16.9-10, qu’à Troas, Paul eut la vision d’un
Macédonien implorant son secours :
« Pendant la nuit, Paul eut une vision. Un macédonien était là, debout, qui le suppliait : Passe en Macédoine, viens à notre secours ! Dès qu’il a eu cette vision, nous avons cherché à nous rendre en Macédoine, concluant que Dieu nous appelait à y annoncer la bonne nouvelle. »
A cet appel, Paul et Silas firent voile vers l’Europe, débarquèrent à Néapolis169,
puis atteignirent la ville de Philippes, colonie romaine, d’organisation sociopolitique
calquée sur Rome (16.20-35)170. Dans ce centre administratif agricole coexiste une
multitude de cultes grecs, égyptiens et orientaux. Cette cité est baignée dans un
paganisme et un syncrétisme religieux. Cela n’a pas empêché les missionnaires
d’entamer cette nouvelle étape de leur 2e voyage par la conversion de Lydie et de sa
famille.
Dès leurs premiers pas en Macédoine, Paul et Silas font la rencontre de Lydie
en cherchant un lieu de prière au bord d’une rivière. En leur offrant l’hospitalité dans
sa demeure, Lydie exprime sa foi par son dévouement. Elle renouvellera son accueil
envers Paul et Silas suite à leur libération miraculeuse de la prison. Ces éléments du
début du voyage missionnaire de Paul nous amènent donc à faire démarrer l’unité
167 Cf. Ac 15.6-21. 168 L’une des stratégies de l’apôtre est de se concentrer sur les grandes villes. Cf. D. MARGUERAT, La première histoire du christianisme, les Actes des apôtres, p. 192. 169 Les précisions des indications de temps et de lieu sont caractéristiques de Luc. 170 La ville de Philippes a été fondée en 356 av. J.-C. par Philippe II. Cette ville de taille moyenne occupait une place privilégiée. Située sur la Via Egnatia, c’est un passage stratégique entre l’Europe et l’Asie, point de départ vers l’est de la colonisation romaine. Cf. E. BROWN, Que sait-on du Nouveau Testament ?, p. 34-35 ; C. REYNIER, Saint Paul sur les routes du monde romain. Infrastructures, logistique, itinéraires, Paris, Cerf, 2009, p. 120.
44
littéraire en Ac 16.9 pour se prolonger jusqu’au verset 40171. C’est dans cet ensemble
que se situe notre péricope d’Ac 16.16-18172.
Ce début de mission est rempli de lucidité, de précision et d’enthousiasme pour
la suite173. C’est dans cette euphorie générale de départ que Paul passe en
Macédoine. Après le succès, intervient l’épreuve. Hors d’Israël, elle n’aura pas les
juifs pour investigateurs, et c’est tout l’intérêt de la problématique nouvelle de ce
texte. Voilà le contexte dans lequel Paul et Silas se font aborder par une servante
ayant un esprit de divination.
1.3 Texte
Dans le cas des Actes des Apôtres, la question du texte original est plus que
complexe à établir. Le texte des Actes des Apôtres circulait dans les premières
églises sous deux formes : le texte Alexandrin (TA) majoritaire, et le texte Occidental
(TO), dit minoritaire174.
1.3.1 Le texte Alexandrin et le texte Occidental
La réponse à la question du texte d’origine ne peut être résolue sans émettre
des reconstitutions littéraires hypothétiques175. Au cours de l’histoire de la critique
textuelle, on distingue quatre grandes périodes176 :
- tout d’abord, au XVIe siècle, les critiques font émerger toute la complexité de la
question, en se basant sur deux manuscrits, référant du TO : le codex de
171 Changement de temps « une nuit », de personnage « apparition d’un Macédonien » et de lieu « demande de passer en Macédoine », avec une intervention de l’Esprit « sous forme de vision ». 172 Dans le chapitre 16, suite à l’appel par l’Esprit au v.10, les versets 11 à 16 constituent le récit de la première conversion sur le sol européen actuel, en la personne de Lydie et des membres de sa maison à Philippes. S’en suit notre péricope (v. 16-18) qui se poursuit par la libération miraculeuse de la prison (v. 19-38) et un retour chez Lydie jusqu’au v. 40. 173 Cf. A. LOISY, Les Actes des Apôtres, p. 634. 174 Le TA est reconnu canonique et fait référence pour les sociétés bibliques des Eglises protestantes et de l’Eglise catholique, tandis que l’Eglise Orthodoxe a gardé le contenu du TO. Cf. R. DUPONT-ROC, « La tradition textuelle des Actes des Apôtres. Positions actuelles et enjeux », ACFEB, Les Actes des Apôtres. Histoire, récit, théologie. XXe congrès de l'Association catholique française pour l'étude de la Bible (Angers, 2003), Paris, cerf, 2005, p. 44. 175 Cf. R. DUPONT-ROC, « La tradition textuelle des Actes des Apôtres. Positions actuelles et enjeux », p. 60. 176 Cf. P. TAVARDON, Le texte Alexandrin et le texte Occidental des Actes des apôtres, doublets et variantes de structure, Paris, Gabalda, 1997, p. 1-2.
45
Bezae (D, d) témoin majeur177 datant du Ve siècle, et le codex Lodianus (E, e)
témoin mineur178 du VIe siècle,
- Dès le XVIIe siècle, les critiques textuels tentent de rétablir un texte-origine, en
partant du fait que les deux formes de texte venaient du même auteur, Luc, qui
aurait publié deux formes de son œuvre originale. C’est la théorie de la double
écriture. La question restant sans réponse fondée, on s’oriente alors vers
l’intervention d’un deuxième scribe. Le texte Occidental serait dû à un réviseur
du IIe siècle qui en introduisant des interpolations, altérations et autres
éclaircissements, avait pour but d’améliorer les connexions, éliminer les
incohérences de surface, et donner un texte plus continu du point de vue
narratif179. Il est admis qu’aux IIe et IIIe siècles, la différenciation entre le TA et
le TO s’est faite en fonction des besoins des communautés locales180.
- Après le relativisme, c’est le réalisme historique qui prend le relais. Ainsi,
longtemps considéré comme une simple histoire des origines de l’Eglise, c’est
au XIXe siècle que l’aspect théologique du livre des Actes émerge181. Le texte
original, se laisse lire à travers toutes les variantes disponibles. Cela ouvre les
portes à toutes les explications possibles et extrapolations théologiques.
- Enfin, au XXe siècle, M.-E. Boismard et A. Lamouille ne parlent plus de texte
original. La rédaction des Actes des Apôtres est une succession de trois
177 Les témoins majeurs du TO sont : le codex gréco-latin de Bezae (D, d) daté du début du Ve siècle ; le palimpseste de Fleury (h), un témoin du vieux texte africain du IIIe siècle ; les notes de la syriaque Haarkléenne (SyrHmg ou SyrH*) du VIe siècle, qui s’efforce de traduire littéralement le substrat grec ; et un codex copte de la fin du Ier siècle, mais ce témoin s’arrête en Ac 15.3 (G67, cité « mae » dans le NA 27), selon M.-E. BOISMARD, Le texte occidental des Actes des Apôtres, Paris, Gabalda, 2000, p. 13-28. 178 Le recours aux témoins secondaires est indispensable quand : 1) D et G67 sont manquants pour le texte étudié, ce qui n’est pas le cas pour Ac 16.16-18 soutenu par D ; 2) D et G67 ont un texte identique au TA. Il faut vérifier s’il y a eu harmonisation des deux textes ; 3) lorsque D et G67 ont un texte différent. Les témoins secondaires peuvent nous permettre de donner raison à l’un ou l’autre. Parmi les témoins mineurs du TO concernés par Ac 16.16-18, citons : les papyri (leur taux de fragmentation nous les fait placer dans les témoins mineurs) î45, daté du milieu du IIIe siècle ; les manuscrits comme le codex Ephrem Rescriptus (C), un palimpseste du Ve siècle, l’Alexandrinus (A) et î
74 ; le codex Laudianus (E, e) manuscrits gréco-latin du VIe siècle ; les témoins latins tel que le codex Gigas (g) du XIIIe siècle ; le témoin syriaque de la Peshitta (SyrP) du Ve siècle ; les versions coptes comme la sahidique (Sah.6) du IIIe siècle, la bohaïrique (Boh) ; et la version éthiopienne (Eth.) du livre des Actes. Cf. M.-E. BOISMARD, Le texte occidental des Actes des Apôtres, p. 28-45. 179 Cf. R. DUPONT-ROC, « La tradition textuelle des Actes des Apôtres. Positions actuelles et enjeux », p. 46-48. 180 Les variantes de la théorie des deux éditions sont explicitées dans E. BROWN, Que sait-on du Nouveau Testament. p. 368-369. 181 Cf. P. TAVARDON, Le texte Alexandrin et le texte Occidental des Actes des apôtres, doublets et variantes de structure, p. 2.
46
écritures appelées Act I, II et III, à partir de documents originaux nommés
document P (un document de traditions pétriennes), document J (un document
d’origine johannique) et un Journal de voyage. De ces rédactions successives
naissent le TO primitif, TO1, qui serait l’écho d’une rédaction antérieure, puis le
TA qui en donnerait la forme définitive182. Par contamination du TA, et
retouche scripturaire, le TO1 aurait été harmonisé. Ainsi, les témoins majeurs
du texte Occidental (D, d, h, SyrH*, G67) permettent de remonter seulement au
texte Occidental révisé, postérieur au TA, appelé TO2183.
Cette dernière approche permet de comprendre que le texte originel ne peut être
reconstitué, de même que le TO1. Mais cela ouvre la voie à une critique littéraire et
textuelle de la rédaction du livre des Actes184. Pour étayer et comprendre certaines
subtilités qu’aurait pu avoir le texte originel, nous aurons donc recours au TO2
apparenté à D, sachant que c’est le TA qui fait référence canonique. Ainsi, avant de
nous arrêter sur la traduction, les principaux « lieux variants » existant dans cette
péricope ont été déchiffrés, à partir de la comparaison entre le NA 27 correspondant
au TA et les études faites par M.-E. Boismard et A. Lamouille sur le sujet en rapport
182 Le Texte Occidental primitif, TO1 ou texte long, est représenté par la rédaction d’Act II (date de rédaction : 80 ap. J.-C.). Le Texte court, appelé TA ou Texte Oriental correspondra à la version composée par Act III (date de rédaction : 110 ap. J.-C.). Cf. M.-E. BOISMARD, Le texte occidental des Actes des Apôtres, p. 11 ; P. BOSSUYT, J. RADEMZRMAKERS, Témoins de la parole de la grâce - Actes des Apôtres - 2. Lecture continue, p. 15-16. 183 Suite à la découverte de î127, la possibilité est forte que le TO2 circulait également sous plusieurs formes autres que D. En effet, ce fragment de papyrus î127, contenant 193 mots (Ac 10.32-35, 40-45 ; 11.2-5), est très porche de D, mais s’en détache à certains endroits. Avec ces dernières données, dont l’importance n’est pas encore mesurée par le monde académique, nous considérerons que plusieurs textes « longs », TO2, de développement secondaire et circonstancié du TA, devaient circuler en même temps. Ainsi, redéfinir le TO1 devient hypothétique et n’est plus envisageable. Cf. D. C. PARKER, et al (éds.), The Oxyrhynchus Papyri, vol. 74, London, Egypt Exploration Society, 2009, p. 11-12. Pour un approfondissement de la question concernant les interactions entre les différents documents sources P, J et Journal de voyage pour la rédaction des TO et TA, cf. Annexe I : Relation entre les divers niveaux rédactionnels des Actes des Apôtres, et Annexe II : Modèle de recomposition rédactionnelle des Actes de M.-E. BOISMARD selon P. TAVARDON. Cf. ouvrages de références : M.-E. BOISMARD, Le texte occidental des Actes des Apôtres ; M.-E. BOISMARD, A. LAMOUILLE, Les actes des deux Apôtres - I Introduction - textes, Paris, Gabalda, 1990, p. 3-5 ; P. TAVARDON, Le texte Alexandrin et le texte Occidental des Actes des apôtres, doublets et variantes de structure, p. 30-36. 184 Cf. P. TAVARDON, Le texte Alexandrin et le texte Occidental des Actes des apôtres, doublets et variantes de structure, p. 30-34.
47
avec le TO2185. On ne prendra en compte que les « lieux variants » entre les deux
apparats critiques qui ont un réel intérêt pour notre étude186.
1.3.2 Comparaison entre les textes Alexandrin et Occidental
Les variantes, de début de phrase ou de mot de liaison, peuvent d’emblée être
mises de côté, car celles-ci ne sont des variantes que dans l’expression. Elles
introduisent des nuances qui, dans la pratique, peuvent être négligées sans
endommager la portée théologique du passage. Le TA sera retranscrit à gauche en
parallèle avec le TO2 à droite. Tous les « lieux variants » comparatifs entre les deux
textes seront soulignés, mais seuls seront étudiés, pour chaque verset, ceux qui
permettront une compréhension du texte plus approfondie.
Ac 16.16
Texte Alexandrin Texte Occidental 2 (D) 187
VEge,neto de. poreuome,nwn h`mw/n eivj th.n
Il arriva or nous rendant nous au lieu
proseuch.n paidi,skhn tina. e;cousan
de prière jeune servante une ayant
pneu/ma pu,qwna upanth/sai h`mi/n(
un esprit pythique venir à la rencontre de nous,
h[tij evrgasi,an pollh.n parei/cen toi/j
laquelle profit grand procurait aux
kuri,oij auvth/j manteuome,nhÅ
maîtres d’elle en rendant des oracles.
VEge,neto de. poreuome,nwn h`mw/n eivj th.n
Il arriva or nous rendant nous au lieu
proseuch.n paidi,skhn tina. e;cousan
de prière jeune servante une ayant
pneu/ma pu,qwnwnoj upanth/sai hmi/n(
un esprit de python venir à la rencontre de nous,
h[tij evrgasi,an pollh.n parei/cen toi/j
laquelle profit grand procurait aux
kuri,oij [ ] manteuome,nhÅ
maîtres en rendant des oracles.
185 Cf. M.-E. BOISMARD, A. LAMOUILLE, Les actes des deux Apôtres - I Introduction - textes, et M.-E. BOISMARD, Le texte occidental des Actes des Apôtres. 186 Dans l’apparat critique du NA 27, le texte d’Ac 16.16-18 est bien attesté. Une nouvelle traduction de notre part du TA en fonction des variantes de ce texte ne nous semble pas indispensable. C’est la comparaison avec le TO2 qui permettra de traduire et d’approfondir le texte dans son ensemble. 187 Parmi les témoins majeurs du TO2, la péricope d’Ac 16.16 se base principalement sur le codex de Baeze (D). Pour les témoins mineurs utilisés voir note 178, p. 45.
48
Dans le TA, le mot pneu/ma est remplacé par pneu/noj dans les manuscrits î45, C3,
D1, E, Y, 33., 1739, Û. Mais pneu/ma est appuyé par ¥, A, B, D, c’est ce dernier qui
sera retenu.
Ac 16.17
TA TO2
au[th katakolouqou/sa tw/| Pau,lw| kai. h`mi/n
Elle suivant - Paul et nous
e;krazen le,gousa\ ou-toi oi` a;nqrwpoi dou/loi
criait disant ; ceux-ci les humains serviteurs
tou/ qeou/ tou/ uyi,stou eivsi,n( oi[tinej
du Dieu le Très-Haut sont, lesquels
katagge,llousin umi/n odo.n swthri,ajÅ
annoncent vous voie du salut.
au[th katakolouqou/sa tw/| Pau,lw| kai. h`mi/n
Elle suivant - Paul et nous
e;kraxen le,gousa\ ou-toi oi` [ ] dou/loi
cria disant ; ceux-ci les serviteurs
tou/ qeou/ tou/ uyi,stou eivsi,n( oi[tinej
du Dieu le Très-Haut sont, lesquels
euvaggeli,zontai umi/n odo.n swthri,ajÅ
évangélisent vous voie du salut.
Les traductions faites, à partir de TA et TO2, du terme odo.n sont « la voie ». Le
TA et TO2 sont harmonisés avec l’objectif de la présence de Paul en Macédoine d’Ac
16.10 :
« Dès qu’il a eu cette vision, nous avons cherché à nous rendre en Macédoine, concluant que Dieu nous appelait à y annoncer la bonne nouvelle. »
Dans Ac 9.2, ce terme « la Voie » dans le TA ou « cette Voie » dans le TO, est
la transcription de th/j o`do.u/ (tau,tej), sous la forme définie. L’absence de tout article
dans le syntagme grec d’Actes 16.17 nous fait retenir donc le terme indéfini de « une
voie »188 pour la traduction en enlevant l’harmonisation avec Ac 16.10 faite par les
scribes.
Dans le TO2, on trouve le terme théologique euvaggeli,zontai , appuyé par D, d, g
Lcf, SyrP, Boh(FS). D a tendance à mettre en avant les actions de Paul en le
188 Voir les implications de cette traduction dans la note 214, p. 53.
49
spiritualisant189. Ainsi, la présence de Paul dans le oi[tinej qui précède, et l’ordre de
mission en Actes 16.10, ont poussé le scribe à introduire le verbe évangéliser qui est
plus parlant et permet de contrebalancer la forme indéterminée de « une voie »190.
euvaggeli,zontai serait une transformation d’ajustement. Nous préfèrerons le terme plus
neutre du TA katagge,llousin appuyé par les manuscrits plus anciens.
Ac 16.18
TA TO
tou/to de. evpoi,ei evpi. polla.j h`me,rajÅ
Cela - elle faisait pendant de nombreux jours.
diaponhqei.j de. Pau/loj kai. evpistre,yaj /|
Agacé - Paul et s’étant retourné,
tw pneu,mati ei=pen\ paragge,llw soi evn
à l’ esprit dit : J’ordonne à toi au
ovno,mati VIhsou/ Cristou/ evxelqei/n avpV auvth/j\.
nom de Jésus Christ de sortir d’ elle ;
kai evxh/lqen auvth/| th/| w[ra|Å
et il sortit à cette là heure.
tou/to de. Evpoi,ei evpi. polla.j h`me,rajÅ
Cela - elle faisait pendant de nombreux jours.
[ ]1 evpistre,yaj de. o` Pau/loj
s’étant retourné - Paul
e,n pneu,mati ei=pen\ paragge,llw soi evn tw/
en esprit dit : J’ordonne à toi au -
ovno,mati VIhsou/ Cristou/ evxelqei/n avpV auvth/j\.
nom de Jésus Christ de sortir d’ elle ;
kai euvqevwj evxh/lqen|Å
et aussitôt il sortit.
Diaponhqei.j est présent dans D sous la forme evpistre,yaj de o Pau/loj tw pni kai
diaponhqei.j ei=pen\, où il sert de séparation entre tw pni et ei=pen. C’est probablement
pour s’harmoniser avec le TA que le scribe de D l’a inséré. Mais le TO1 devait
omettre diaponhqei.j tout comme SyrP. Afin d’unifier les témoins du TO, le terme
diaponhqei.j est omis du texte final TO2, bien que présent dans D. L’absence du
caractère d’agacement dans TO1 est compréhensible si l’on considère l’intention de
mettre en valeur l’image de Paul par le scribe.
189 Sur l’idéalisation de Paul par D, voir la conclusion de ce chapitre 1.3.1, p. 50. 190 Cf. D. MARGUERAT, La première histoire du christianisme, les Actes des apôtres, p. 196.
50
C’est également pour unifier le TA et le TO2 que le scribe de D a changé e,n
pneu,mati en tw pneu,mati. Se référant à Ac 19.14 ; 7.55 de D, c’est le terme e,n qui
devrait être retenu, traduit « par, dans, en » dans le TO. Mais le parallèle avec le récit
de Lc 8.28-28a, donne la préférence au TA tw pneu,mati191. C’est une variante typique
du TO2 qui est d’insister sur l’action du Saint Esprit au travers des apôtres192.
La variante de fin de verset, qui souligne l’effet immédiat du départ de l’esprit
python, n’a que peu d’influence sur la compréhension du texte. auvth/| th/| w[ra,
littéralement « à cette heure là », sera traduit par « à ce moment même » qui appuie
davantage l’effet immédiat de l’action.
Dans ce parallélisme des textes TA / TO2 (D), notons qu’au sujet de Paul, les
principales variations d’Ac 16.16-18, sont respectivement :
- les humains serviteurs / les serviteurs,
- Paul agacé / Paul,
- Paul dit à l’esprit / Paul dit en esprit.
On note la tendance de la version occidentale (D), par omission ou rajout, à
élever la figure de Paul en l’idéalisant, en le spiritualisant.
1.4 Traduction
Afin de mieux percevoir la portée de chaque sens des mots ou expressions de la
péricope d’Actes 16.16-18, nous définirons chacun avec son sens contextualisé.
1.4.1 Etudes sémantiques de mots ou expressions
Th.n proseuch.n : littéralement « lieu de prière193 ». Il signifiait un endroit séparé ou
adapté à l'offrande de la prière. Cela pouvait être une synagogue ou un endroit en
plein air où les Juifs avaient coutume de prier, en dehors des villes. Ces lieux étaient
191 Pour s’harmoniser avec le TA, sans changer de terme grec e,n pneu,mati, le tw pneu,mati du TO2 peut être traduit par « vers l’esprit ». En appuyant sur la notion de mouvement « vers », Paul fait la distinction entre la servante et l’esprit qui l’anime. 192 En plus de l’idéalisation de l’image de Paul dans D, tout au long du livre des Actes, il est possible de regrouper les variantes du TO2 en cinq types : - exagérer l’emphase par ajout (toutes ces paroles, ils proclamaient en toute franchise, il écoutait avec plaisir), - ajout d’une formule religieuse de type « au nom de Jésus », - renforcement de la titulaire de Jésus (le christ, le Seigneur…), - insister sur l’action du Saint Esprit, et - précisions géographiques ou historiques. Cf. T. E. PAGE, Classical review, XI, 1897, p. 317-320. 193 FLAVIUS JOSEPH, Antiquités judaïques, Tome 3, XIV.10.23.
51
situés sur la rive d'un cours d'eau ou le rivage d'une mer, en présence d’une réserve
d'eau pour se laver les mains avant la prière194.
Pneu/ma pu,qwna : esprit pythique. Un esprit python était, en général, un esprit tenu
pour révélateur195. Son nom a pour origine « Python », qui était le nom du funeste
serpent de Delphes, tué par Apollon. Sa peau avait recouvert le trépied où siégea la
devineresse, et celle-ci dès lors fut appelée Pythie. La Pythie de Delphes joue un
rôle considérable dans la vie politique et religieuse au travers de ses oracles
inspirés196. Ainsi, la personne possédant ce souffle197 hébergeait un dieu.
Plutarque198 donne ce même sens à pu,qwn. Luc utilise la racine199 « pyth- » pour
personnaliser l’esprit qui a investi la servante. La jeune femme n’est donc pas la
célèbre Pythie, mais une servante de la région de Philippes sous l’emprise
quotidienne d’un esprit nommé Python200.
194 Il est peu probable que le « lieu de prière » corresponde à une synagogue, du fait qu’un service synagogal requérait un minimum de 10 personnes. Or, avant la fin du premier siècle, les juifs était peu nombreux à Philippes. Archéologiquement, Philippes est une ville bien conservée, où il n’y a pas de trace de synagogue. Philippes appliquait aussi le « décret d’expulsion des Juifs ». Cf. HUGEDE N., Saint Paul et la Grèce, Paris, Les Belles Lettres, 1982, p. 45. 195 La Septante emploie pu,qwn pour traduire l'hébreu בוא (LXX, Lv 19.31,20.27). Ce terme désignait surtout le ventriloque, considéré comme évocateur des morts et prophète de l'avenir, à travers sa deuxième voix. 196La divination publique en Grèce ne correspond pas à une prédiction d’avenir actuelle pour savoir dans combien de temps si et comment les réussites amoureuses, financières et de santés seront là. L’oracle n’est pas un moyen de connaître l’avenir, ou de quoi sera fait le futur, mais sert à régler dans le futur proche un problème ou questionnement, un besoin d’aval ou un conseil dans le présent, et ce aussi pour les questions religieuses. Cf. D. JAILLARD, F. PRESCEDI, « Pourquoi et comment connaître la volonté des dieux ? Divination et possession à Rome et en Grèce », P. BORGEAUD et F. PRESCEDI (éds.), Religions antiques - Une introduction comparée, Genève, Labor et Fides, 2008, p. 96. Les oracles, déclaration du dieu, étaient toujours contextualisés et pouvaient revêtir un contenu théologique pratique ou fondamental. Cf. N. BELAYCHE, « les dieux « nomothètes » », RHR, Tome 224, Fascicule 2, avril-juin, 2007, p. 175. Pour un panorama plus complet de l’oracle de Delphes. Cf. L. BRUIT ZAIDMAN, les Grecs et leurs dieux, Paris, Colin, 2005. 197 Pour les stoïciens, le pneuma est un principe vital qui parcourt l’univers entier pour l’animer et le pénétrer. Avec une affinité particulière, le pneuma prophétique peut se mêler au pneuma de l’âme et entrer dans l’homme. Cf. R. FLACELIERE, dans PLUTARQUE, Dialogues pythiques, dans Œuvres morales, Tome VI, trad. R. FLACELIERE, Paris, les Belles Lettres, 1974, p. 24. 198 L’une des raisons de la disparition des oracles pythiques, énoncée par Plutarque dans De defectu oraculorum 9, est le détournement de l’utilisation de ce souffle divin. Si les oracles ont disparu, cela est dû à une corruption de l’homme. Appelés jadis « Euryclès », les ventriloques que l’on appelle « pythons », sont des escrocs en utilisant cet artifice pour émettre des oracles. Cf. PLUTARQUE, Sur la disparition des oracles, p. 110-111 (trad. R. FLACELIERE). 199 A. BAILLY relève 27 termes différents tirés de cette racine, ce qui montre son implantation dans le vocabulaire de l’époque. Cf. A. BAILLY, Dictionnaire Grec-Français. Le Grand BAILLY, Paris, Hachette, 2000, p. 1687-1688. 200 Cf. C. PRIETO, Christianisme et paganisme. La prédication de l’Evangile dans le monde gréco-romain, Genève, Labor et Fides, 2004, p. 64.
52
Evrgasi,an : profit. Ce mot signifie l'œuvre, le travail201, puis le gain obtenu par ce
travail202.
Ku,rioj : maîtres. Formé du verbe kurieu,w, le premier sens est « ayant pouvoir,
dominer203 ». Dans notre texte, il ne prend pas le sens religieux de Seigneur, ni une
désignation protocolaire, mais confère à la personne un statut différent de par sa
signification profane de domination tyrannique, sans liberté de celui qui la subit. Ce
mode de gouvernement s'oppose à celui de la communauté chrétienne dont les
apôtres sont les dia,konoi204.
Manteuome,nh : rendre des oracles205. Ce terme désigne l’activité oraculaire de la
personne qui la pratique. Associé au terme pythique, il est question de divination206,
prédiction de l’avenir207. C’est un hapax néotestamentaire à connotation péjorative
pour le lecteur de la Bible grecque208.
Dou/loi : esclaves. Ce mot fait avant tout allusion à une condition juridique
d’appartenance : être libre ou non-libre. La personnalité de l’esclave est exprimée
dans le nom auquel il est rattaché. En les nommant « esclaves du Dieu Très-Haut »,
la servante pythique indique que seul Dieu a des droits sur eux. Paul, le théologien-
juriste, porte ce terme de la notion humaine au religieux, dans le sens où l’individu
est dépendant de Dieu209. « Le plus important de son statut est l’exécution de sa
201 Hymnes Homériques, Hymnes à Hermès, vers 486. 202 HERODOTE, Histoire, 2.135 (trad. par P.-E. LEGRAND). 203 DIOGENE LAERCE, Vies et doctrines des philosophes illustres, 2.108 (trad. par J.-F. BALAUDE) ; Cf. X. LEON-DUFOUR, Dictionnaire du Nouveau Testament, p. 350. 204 Cf. C. SPICQ, Lexique théologique du Nouveau Testament, p. 859-872. 205 ESCHYLE, Les Eunénides, 716 (trad. par J. et M. BOLLACK). 206 La connaissance de l’avenir est essentielle dans le monde gréco-romain, et peut prendre plusieurs formes sous deux pratiques divinatoires spécifiques : chez les romains, elle est dite « artificielle » ou inductive, au moyen de signes extérieurs tels que les entrailles d’animaux, la cartomancie, les dés. Les dieux envoient à l’homme des signes qu’il doit lui-même interpréter. Ce n’est pas un destin bloqué, mais conjuré. Chez les Grecs la pratique de la divination est « naturelle » ou intuitive, dite prophétique ou inspirée. Grâce aux songes et aux oracles, les dieux montrent une proximité avec l’humain. Ces interventions permettent de connaître l’avenir, mais celui-ci est figé, inexorable. Il est nécessaire de différencier les pythies de Delphes, qui sont les prophétesses par excellence rattachées à un lieu oraculaire, des sibylles indépendantes, nomades, désignant toute femme inspirée par Apollon et capable de prédire l’avenir. Chez les sibylles, « l’enthousiasme » ne se recherche pas, mais fait partie de sa personne. Cf. C. SALLES, « Pythies et sibylles contre augures et haruspices. La divination en Grèce et Rome », CBFV 38, vol. XCVIII n° 4, septembre 1999, p. 63-68. 207 Manteuome,nh traduit la racine םסק dans Dt 18.10 ; 1S 28.8. Israël rejette de façon groupée la magie et la mantique. 208 Cf. D. MARGUERAT, La première histoire du christianisme, les Actes des apôtres, p. 194. 209 Ici apparait une conceptualisation qui sépare « l’esclave des corps » de « l’esclave de l’âme ». C. SPICQ, « Le vocabulaire de l’esclavage dans le Nouveau Testament », RB 85, 1978, p. 225-226.
53
tâche au profit de son maître » 210. Pour avoir plus de crédit dans son discours, la
servante s’identifie à Paul dans sa fonction, où seuls les maîtres tirent profit de leur
travail. Pour atténuer le coté péjoratif actuel211 du mot esclave, on lui préfère la
traduction de « serviteur ».
Katakolouqou/sa : Accompagner, suivre de près avec insistance212, dans le sens
de renouveler sa présence.
O`do.n swthri,aj : une voie du salut. Le mot « salut » est tiré de « sauver », sw,xw,
qui signifie « délivrer » dans le grec profane lorsqu’il s’agit d’une situation critique.
Guérir un malade, c’est le sauver. Dans le monde helléniste, ce terme est aussi
attribué à Zeus, sauveur de l’univers. Et dans les religions à mystère, ce terme ne
contient pas de nuance morale. Dans sa valeur religieuse lucanienne, il s’oppose à la
perdition en étant délivré de ses péchés. Cette délivrance ne sera complète que
dans l’entrée au ciel (1Tim 1.16 ; 6.12). Ainsi son succès est un long chemin, d’où
l’association avec le terme « chemin ou voie » 213. Accepter ce don gracieux de la
part de Jésus (Lc 18.27), c’est donc s’engager sur la Voie214 du salut.
Diaponhqei.j : excéder. Ce verbe exprime le fait d’opérer à force de peine ; puis,
supporter difficilement. Diaponhqai., être excédé, est le verbe fort de l’exaspération à
210 Cf. C. SPICQ, Lexique théologique du Nouveau Testament, p. 391-393. 211 « L’esclave » du Ie siècle ne rentre pas dans le schéma représentatif du XXe siècle. A l’époque du NT, l’esclave existait depuis plus d’un siècle avec des fonctions et des droits légaux bien différents suivant le contexte : un statut pénible dans les galères ou aux carrières, mais aussi un statut d’agriculteur, de travaux ménagers pouvant aller jusqu’à être administrateurs, poètes, médecins ou enseignants. Cf. E. BROWN, Que sait-on du Nouveau Testament ?, p. 106-107. 212 LXX, Jr 17.6. 213 Cf. C. SPICQ, Lexique théologique du Nouveau Testament. p. 1486, 1488. 214 Dans le livre des Actes, à plusieurs reprises (Ac 9.2 ; 18.25 ; 19.23 ; 22.4 ; 24.14,22), les chrétiens sont appelés les gens de « la Voie ». Cette expression est synonyme de la nouvelle vie dans la foi chrétienne, de par la manière chrétienne de servir Dieu, de lui rendre un culte. Cette manière de vivre est si caractéristique que l’on associe le terme « la Voie » aux premiers chrétiens eux-mêmes : « ceux qui sont de la Voie ». Ce terme intervient dans un contexte d’hostilité vis-à-vis des chrétiens. Mais d’une connotation négative, dans un contexte juif pour désigner les chrétiens, le terme revêt une valeur positive en reconnaissant que les chrétiens sont engagés sur le chemin du Seigneur. Cf. J. DUPONT, Nouvelles études sur les Actes des Apôtres, p. 474-475 ; X. LEON-DUFOUR, Dictionnaire du Nouveau Testament, p. 548. Comme dans l’Evangile selon Luc où les démons connaissent la véritable identité de Jésus, la jeune servante possédée ne se trompe pas. C’est bien la Voie du salut qu’annoncent les chrétiens. Mais dans ce milieu de syncrétisme permanent, pour semer encore plus le trouble, la notion de « la Voie » se transforme en « une voie ». Cf. O. FLICHY, Luc, Paul et les Actes des Apôtres. L’histoire d’un héritage, Bruxelles, Lumen Vitae, 2007, p. 26 et cf. chapitre 1.3.2, p. 48. Cette notion de Voie perdurera puisqu’elle est présente dans l’enseignement judéo-chrétien postapostolique de la Didachè. Considérée comme un ouvrage situé entre le NT et les Pères apostoliques, elle enseigne la notion des Deux voies : la Voie de la vie et la Voie de la mort. Cf. La Didachè, 1-6.
54
l’encontre de quelqu’un. Son unique autre usage lucanien s’applique à l’agacement
des sadducéens devant l’entêtement des apôtres à prêcher le Christ (Ac 4.2)215.
1.4.2 Proposition de traduction d’Ac 16.16-18
Suite aux études comparatives entre le TA et le TO2, puis à l’étude sémantique
des mots, nous retiendrons la traduction suivante d’Actes 16.16-18 :
« 16 Comme nous allions au lieu de prière, une servante qui avait un esprit pythique et qui, par ses divinations, procurait un grand gain à ses maîtres, est venue au-devant de nous. 17 Elle s’est mise à nous suivre, Paul et nous, en criant : Ces hommes sont les serviteurs du Dieu Très-Haut, et ils vous annoncent une voie du salut. 18 Comme elle faisait cela depuis plusieurs jours, Paul, excédé se retourna, et dit à l’esprit : Je t'ordonne, par le nom de Jésus-Christ, de sortir d’elle. Et il sortit à ce moment même. »
1.5 Mouvement et dynamique du récit
Ce récit a un mouvement rapide, où les actions s’enchaînent. Le rédacteur ne
s’attarde pas sur les détails, mais va droit au but tant dans les descriptifs que dans le
contenu. Tout est dans le déplacement : les situations, les personnages et les
paroles. C’est l’analyse narrative qui nous permettra de déchiffrer ce contenu.
2 Pour approfondir la démarche
2.1 Analyse narrative
La confrontation de la parole chrétienne et du paganisme populaire s’exprime à
travers ce problème religieux en trois versets. La péricope d’Ac 16.16-18 construite à
l’imparfait trouve son apogée, son épilogue dans l’action ponctuelle marquée par
l’aoriste de l’expulsion de l’esprit216 au verset 18, ce qui clôturera l’intrigue.
2.1.1 Situation initiale
La péricope d’Ac 16.16-18 se situe dans l’unité littéraire d’Ac 16.9-40217. Le
chapitre 16 a pour objectif de montrer qu’il est possible à une femme non juive d’être
215 Cf. D. MARGUERAT, La première histoire du christianisme, les Actes des apôtres, p. 194. 216 Cf. B. WILDHABER, Paganisme populaire et prédication apostolique, Genève, Labor et Fides, 1987, p. 102. 217 Cf. chapitre 1.2.3, « contexte immédiat », p. 43-44.
55
fidèle au Seigneur (Ac 16.14-15). Cette situation initiale, ou exposition218, semble
stable. Paul et ses compagnons se dirigent alors vers un lieu de prière.
Dans Ac 16.16, nous lisons que Paul et Silas, tels Jésus allant dans les
synagogues prêcher le jour de sabbat, se rendent vers « un lieu de prière ». C’est
dans ces lieux, qu’ils tenaient à paraître pour rencontrer les gens. Comme tactique
missionnaire éprouvée, ils cherchaient d’abord le contact avec les juifs219, qui peu
nombreux dans cette ville se trouvaient dans un oratoire, peut-être à ciel ouvert
comme le suggère le récit de Lydie (Ac 16.13-15).
2.1.2 Nouement
L’intervention de la servante pythique forme un épisode narratif que l’on
appellera micro-récit220 de miracle dans l’histoire. Au début de cette péricope, le
verset 16 pose les bases du nouement, à travers les personnages.
Le passage démarre par l’apparition du « nous »221. Le « nous » aurait-il une
signification théologique, sentimentale, littéraire, ou historique ? La critique
ancienne222 voyait dans la rédaction en « nous » un témoignage oculaire de l’auteur
Luc à la scène. Cependant, dans les versets suivants, il disparaît. Certains « nous »
étant enlevés, d’autres rajoutés par le rédacteur, il n’est pas possible de fonder sur
les « nous » des conclusions fixes et définitives comme preuve de présence oculaire
de Luc auprès de Paul223. L’utilisation possible, par l’auteur du livre des Actes, d’un
218 Cf. Y. BOURQUIN, D. MARGUERAT, Pour lire les récits bibliques, p. 58. 219 Cf. C. L’EPLATTENIER, Les Actes des apôtres, Genève, Labor et Fides, 1987, p. 186. 220 Cf. Y. BOURQUIN, D. MARGUERAT, Pour lire les récits bibliques, p. 44. 221 Quatre passages dans les Actes des apôtres font référence au « nous » : Ac 16.16-17, 20.5-15, 21.11-18, 27.1-28.16. Nous ne retiendrons pas le passage d’Ac 11.28 qui n’est confirmé que dans le TO, sans mention dans le TA. Plusieurs hypothèses on été émises pour ces passages à la première personne du pluriel : dans certains cas, il notifie la présence du narrateur. Cf. E. DELEBECQUE, les Actes des apôtres, Paris, les Belles Lettres, 1982, p. XXI-XII, ou alors le « nous » serait un désir d’obéir aux conventions littéraires et serait un « nous » de commodité pour rendre la narration plus vivante. Cf. A. LOISY, Les Actes des Apôtres, p. 630-631. Dans la littérature gréco-romaine de l’époque c’était une convention littéraire d’utiliser le « nous ». Mais à Philippes, Paul est sur la terre ferme, Cf. E. BROWN, Que sait-on du Nouveau Testament ?, p. 364. Le « nous » pourrait aussi s’appliquer aux chrétiens en général, unis dans une mouvance missionnaire. Cf. D. MARGUERAT, « l’image de Paul dans les Actes des Apôtres », ACFEB, Les Actes des Apôtres. Histoire, récit, théologie. XXe congrès de l'Association catholique française pour l'étude de la Bible (Angers, 2003), Paris, Cerf, 2005, p. 121-134. Prenant en considération les recherches de M.-E. BOISMARD, A. LAMOUILLE, cf. note 183, p. 46, sur les trois documents sources, le « nous » serait dû à l’utilisation du journal de voyage, écrit par un compagnon de voyage de Paul, sans que cela soit nécessairement Luc. 222 « Une lecture des Actes des Apôtres », CEv, n° 21, p. 60. 223 Cf. E. TROCME, Le livre des Actes et l’histoire, Paris, PUF, 1957, p. 128.
56
extrait du journal de voyage d’un compagnon de Paul, à cet endroit précis, peut
connoter l’envie de marquer la mouvance missionnaire d’un groupe uni.
Vint à leur rencontre « une servante ayant un esprit python »224. La présentation
de ce personnage fait encore partie du début du nouement. Elle procure des gains à
ses maîtres par divination, sous forme d’élocution : « elle criait »225, lui donnant le
statut d’oracle226. Cette servante était donc considérée par la population comme
possédée par un esprit divinateur. Elle procurait de grands profits à ses maîtres227,
ou aux personnes qui utilisaient ses dons divinatoires. La présentation de la servante
de par les mots utilisés pneu/ma pu,qwna, evrgasi,an pollh.n et manteuome,nh, et leurs
connotations, font d’elle une image dépréciative pour le lecteur chrétien. Elle se mit à
suivre les missionnaires228.
C’est au verset 17 que se trouve le point culminant du nouement, lorsque la
servante se déplace avec les missionnaires229. Tout oppose Paul et la servante.
Sauf, à première vue, le message qu’elle délivre et qui mérite toute notre attention.
Une vérité sort de sa bouche : « Ces hommes sont les serviteurs du Dieu Très-Haut,
et ils vous annoncent une voie du salut ». Paul laisse faire pendant « plusieurs
jours » cette publicité gratuite230.
224 Dans cette expression, on relève la présence du verbe ecw, avoir, et du nom pneu/ma, esprit. Cette association, dans le NT, est généralement utilisée pour évoquer une possession démoniaque (Mc 3.30 ; 7.25 ; 9.17 ; Lc 4.33 ; 13.11 ; Ac 8.7 ; 19.13). Paul l’utilise rarement pour décrire une « bonne » possession. Dans 1 Co 7.40, Paul utilise cette association pour désigner le fait d’être rempli de l’Esprit de Dieu, dans une idée de plénitude. La personne investie de cet Esprit est déterminée par lui, parle et agit sous l’influence de ce dernier. Cf. N. SIFFER-WIEDERHOLD, La présence divine à l’individu d’après le Nouveau Testament, p. 193-194. 225 Les témoignages de Plutarque ne montrent pas l’image d’une pythie ou sibylle déchainée, sans contrôle d’elle-même. Être sous « l’enthousiasme » n’entraîne pas la folie, mais permet à la personne de garder tous ses moyens. De ce fait, le processus oraculaire, qui affecte la prophétesse, est exprimé en criant. Cf. D. JAILLARD, « Plutarque et la divination », RHR, Tome 224, Fascicule 2, avril-juin, 2007, p. 157. 226 Cf. C. L’EPLATTENIER, Les Actes des apôtres, p. 514. 227 Ici, le pluriel Ku,rioj, laisse supposer que la servante avait plusieurs maîtres soit successivement, ou en même temps. Ce pluriel permet les deux interprétations et montre toute la renommée de la servante. 228 Dans Actes 16.16-18, la servante suit les missionnaires, elle n’est pas fixée en un point. Elle n’est pas rattachée à un sanctuaire mais à des maîtres de la ville. Son oracle n’est pas fait au nom d’un dieu, mais elle le livre directement. Toutes ces spécificités nous permettent de classer la prophétesse dans la catégorie des sibylles, sans mettre de coté toutes les connotations relatives aux pythies qu’à voulu transmettre Luc en désignant l’esprit de « pythique ». 229 Au début du verset 17, le « Paul et nous » semble être une surcharge maladroite si l’intention de l’auteur a été de mettre Paul en avant, comme personnage principal, tout en montrant qu’il n’est pas seul dans l’aventure. 230 Seulement deux cas d’exorcisme sont relatés chez les premiers missionnaires (Ac 8.7 ; 16.16-18). Deux raisons peuvent être mises en avant : - Contrairement au mandat missionnaire pré-pascal que
57
2.1.3 Action transformatrice
Ce caractère répétitif de la propagande, contenu dans le verset 18, n’est pas du
goût de Paul. Le missionnaire ne tient plus et s’adresse directement à l’Esprit pour le
chasser. Bien que Paul n’attribue aucune réalité quelconque aux faux dieux, en
s’adressant à l’esprit de la servante, il ne considère pas l’esprit comme superstition
populaire mais comme entité réelle pour la population de Philippes.
L’agacement de Paul, qui est la tension narrative du récit231, n’est pas dû à
l’intervention ponctuelle de l’oracle, qui tient de tel propos, somme toute justes, mais
à la répétition de cette intervention, « pendant plusieurs jours »232. Qu’est-ce qui a
excédé Paul et l’a poussé à agir précipitamment ?
Cette attitude d’agacement chez Paul peut gêner le lecteur. On a pu excuser
Paul par des raisons morales, ou alors suite à l’usure de sa patience, ou encore au
souhait immédiat de libérer de l’esclavage et de la possession la pythonisse233. Cette
jeune servante est exploitée, tel un automate. C’est par pitié que Paul aurait
prononcé l’exorcisme libérateur. Mais ne faut-il pas chercher plus loin l’origine de son
exaspération, jusque dans le contenu des paroles de l’oracle ? C’est après avoir pris
en compte le contexte historique que nous pourrons répondre à cette question.
En demandant à l’esprit « au nom de Jésus-Christ » de sortir de la servante,
Paul renverse la situation initiale de façon pragmatique. Et le résultat est immédiat.
2.1.4 Dénouement et situation finale
Le dénouement est une clôture de récit nette, et immédiate. L’esprit sort de la
servante. La fin de ce micro-récit est particulière puisque qu’elle rebondit sur une
autre situation de nouement avec les maîtres de la servante qui s’enchaine tout de
suite. La situation finale apparaitra à la fin de l’unité littéraire, en Ac 16.40. Paul en
les disciples reçoivent de Jésus (Mc 6.7 ; Mt 10.1 ; Lc 9.1), l’ordre final ne mentionne pas d’exorcisme (Mt 28.18-20 ; Lc 24.46-49 ; Jn 20.21-23 ; Ac 1.8) ; - Le fait que les actes d’exorcisme se situent très proches de la magie dans le monde helléniste, l’Eglise missionnaire ne pratiquera l’exorcisme qu’en cas de dernier recours, de peur d’amalgame avec la magie. Retenant cela, Paul n’est pas intervenu immédiatement. Cf. J. D.-G. DUNN, G. H. TWEFTREE, « La possession démoniaque et l’exorcisme dans le Nouveau Testament », Hokhma, n° 51, 1992, p. 49. Concernant l’attente de Paul, pour C. PIETRO, ce n’est pas par compassion que Paul agit, mais pour faire cesser une perturbation qui dévie l’attention des auditeurs sur la servante, plutôt que sur le message de Paul. Cf. C. PRIETO, Christianisme et paganisme. La prédication de l’Evangile dans le monde gréco-romain, p. 68. 231 Cf. Y. BOURQUIN, D. MARGUERAT, Pour lire les récits bibliques, p. 63. 232 Cf. W. LÜTHI, Les Actes des Apôtres, trad. par E. MARION, Genève, Labor et Fides, 1958, p. 190. 233 Cf. D. MARGUERAT, La première histoire du christianisme, les Actes des apôtres, p. 193.
58
réponse à la situation initiale (Ac 16.16), arrive enfin dans un lieu de prière, à savoir
chez Lydie, une femme non-juive fidèle au Seigneur. La maison de cette femme est
devenue ainsi le lieu de prière qu’ils cherchaient en Ac 16.13.
En analysant de plus près cette péricope, et en tenant compte de l’ensemble de
l’analyse littéraire, la structure peut être représentée comme suit, avec les différents
termes qui se répondent :
2.1.5 Vue d’ensemble du récit
Séquence narrative Découpage du texte Ac 16.9-40 Structure littéraire
- Situation initiale
- Nouement - Tension narrative - Action transformative - Dénouement, l’incident est clos
- Rebondissement, Nouveau nouement et dénouement - Situation finale
9-15 Nous sommes sortis […] dans un endroit où nous pensions trouver un lieu de prière. […] Il y avait là une femme nommée Lydie …
16 Comme nous allions au lieu de prière,
-------------------Début du micro-récit ---------------------- A. une servante qui avait un esprit pythique et
qui, par ses divinations, procurait un grand gain à ses maîtres, est venue au-devant de nous.
17 Elle s’est mise à nous suivre, Paul et nous, B. Elle criait: Ces hommes sont les serviteurs
du Dieu Très-Haut, et ils vous annoncent une voie du salut.
18 C. Elle fit cela pendant plusieurs jours. A’ . Paul excédé se retourna, B’ . et dit à l’esprit : Je t'ordonne, par le nom de
Jésus-Christ, de sortir d’elle. C’. Et aussitôt il sortit. » ---------------------- Fin du micro-récit ---------------------
19-39 « Voyant disparaître leurs espoirs de gain, les maîtres de la servante saisirent Paul et Silas. […] Ils vinrent les apaiser et les libérèrent, en leur demandant de quitter la ville.
40 Ils allèrent chez Lydie. Après avoir vu et encouragé les frères, ils partirent. »
Recherche d’un lieu de prière et présentation des personnages : Lydie et sa maison.
--------------------------------------
A. Présentation des nouveaux personnages et action de la servante
B. Parole de la servante
C. Temps continu A’ . Réaction de Paul
B’ . Paroles de Paul
C’. Temps ponctuel.
-------------------------------------- Nouveaux personnages : les maîtres, les magistrats et les gens de la ville.
Retour vers un lieu de prière chez les personnages de la situation initiale : Lydie et les frères en Christ.
59
Dans le découpage du texte, le micro-récit d’Ac 16.16-18 se subdivise en deux
parties, en fonction des personnages sur lesquels se porte l’attention du lecteur : en
premier lieu la servante (A-B-C), puis Paul (A’-B’-C’). Les facteurs centraux de
chacune des séries sont les paroles énoncées par les deux protagonistes : B’ répond
à B (Cf. colonne « structure littéraire »). Paul, à la parole de la servante, répond par
la parole234. Les sommets sont donc e,n ovno,mati VIhsou/ Cristou qui s’oppose à Odo.n
swthri,aj. Par ce jeu du discours, Luc insiste sur le message christologique de
l’évènement. Le salut ne peut être associé qu’à Jésus-Christ.
2.2 Contexte historique et politique
Ces versets attestent que Paul et, à sa suite, les premiers chrétiens partageaient
les croyances de leur temps : le risque de possession démoniaque, l’exorcisme
possible, la menace d’esprits vagabonds, la divination. Tout cela faisait partie d’eux,
comme un bien commun aux Juifs et aux Grecs de l’époque. Le texte d’Actes 16 est
emprunt d’un double contexte historico-politique différent. A la fois pour Paul qui
nous relate ce récit, mais également pour Luc qui le retransmet dans le livre des
Actes. Il faut tenir compte de ces deux contextes pour aborder le texte dans son
entièreté. Il s’agit donc de comprendre une période historico-politique allant de l’an
51 à 85 ap. J.-C.
2.2.1 Contexte du voyage de Paul
Dans le contexte de Paul, les chrétiens devaient vivre leur foi de façon cachée.
L’empereur Claude Ier, en activité de 41 à 54 ap. J.-C., développa l’administration
centrale de l’Empire et expulsa, en l’an 49, les juifs agitateurs de Rome235. Les
romains sont connus pour avoir importé des dieux et cultes d’autres religions. A
Philippes était honoré Dionysos, Dieu grec de la végétation, et Cybèle, déesse
phrygienne de la fertilité. Cependant, leur tolérance s’arrêtait quand la pax deorum et
l’ordre public étaient menacés236. Les croyances romaines étant basées sur les
mythes et rites ancestraux, toute religion amenant à se détourner des devoir religieux
de l’époque était considérée comme superstitio illicita. Obtenant plus de succès chez
234 Cf. B. WILDHABER, Paganisme populaire et prédication apostolique, p. 102. 235 Cf. M. MESLIN, J.-R. PALANQUE, Le christianisme antique, Paris, Armand Colin, 1967, p. 13-14. 236 Cf. A. NAGY, F. PRESCEDI, « Innovations religieuses à Rome », P. BORGEAUD, F. PRESCEDI (éds.), Religions antiques - Une introduction comparée, Genève, Labor et Fides, 2008, p. 158.
60
les païens que chez les juifs, la religion chrétienne troublant l’ordre publique fut
considérée comme une croyance illégale, pouvant entrainer une condamnation pour
délit religieux. Avec les chrétiens d’Antioche devenus pour les observateurs romains
une secte juive, une publicité du christianisme à outrance, telle celle faite par la
servante pythique, ne pouvait que créer des conflits.
C’est dans un contexte de tolérance religieuse limitée, avec un christianisme
qualifié de perturbateur pour l’Empire, qu’il faut replacer l’action des missionnaires,
se déroulant à Philippes.
2.2.2 Contexte rédactionnel de Luc
C’est en l’an 64 ap. J.-C., suite aux accusations de Néron, que la rupture est
complète entre le christianisme, les juifs et l’Empire romain. Dans les années 70,
Vespasien237 (69-79) se fait appeler le « sauveur », se disant choisi par les dieux. Le
règne de Titus, son fils, est marqué par la destruction du temple de Jérusalem et des
interdits de pratiques religieuses juives tel que les sacrifices. Enfin, Domitien (81-96),
persécuteur des juifs et des chrétiens238, exigeait d’être vénéré comme « Dieu » et se
faisait appeler « Seigneur »239. Dans le contexte rédactionnel du récit, à l’époque de
la fin du premier siècle, la prétention sociale s’amalgame avec le prestige sacré240.
Sous l’impulsion de Plutarque241, s’opère le retour d’une littérature oraculaire242,
sous l’influence des cultes orientaux243. Mantique244 et mystères245 permettront de
237 Empereur romain de 69 à 70, il est le premier de la dynastie des Flaviens. C’est sur ses ordres, donnant le commandement à son fils Titus, que Jérusalem est prise, puis détruite. Cf. P. BOSSUYT, J. RADEMZRMAKERS, Témoins de la parole de la grâce - Actes des Apôtres - 2. Lecture continue, p. 17. 238 Cf. C. L’EPLATTENIER, Les Actes des apôtres, p. 188. 239 Pour Domitien, ces appellations étaient signe de fidélité, et mettaient ses sujets devant un choix fondamental entre le Christ et César. Cf. C. HEMER, « Contexte historique et politique du Nouveau Testament », La Bible déchiffrée, Introduction à la lecture de la Bible, 7ème éd., Valence, LLB, 1994, p. 571-573. 240 Cf. B. WILDHABER, Paganisme populaire et prédication apostolique, p. 50. 241 Plutarque, philosophe de la Grèce antique est nommé prêtre d’Apollon à Delphes en 92 ap. J.-C., pour une période de trente ans. Philosophe reconnu et écouté, il affirme dans ses dialogues que l’enthousiasme, l’inspiration, les oracles des pythies, sont de l’ordre des faits, inéluctables et avérés sans que l’on puisse en expliquer pleinement les mécanismes. Cf. D. JAILLARD, « Plutarque et la divination », RHR, Tome 224, Fascicule 2, avril-juin, 2007, p. 149-153. 242 Cf. PLUTARQUE, Dialogues pythique, trad. F. ILDEFONSE, Paris, Garnier-Flammarion, 2006. 243 Les sanctuaires oraculaires d’Asie, tels que celui d’Apollon à Didymes, ou en Syrie à Héliopolis, montrent bien le mélange de la concurrence et de l’influence orientales des devins et prophètes orientaux. Cf. N. BELAYCHE, « les dieux « nomothètes » - Oracles et prescriptions religieuses à l’époque romaine impériale », p. 172-173.
61
développer toute une spiritualité de pneuma prophétique, et de la possession extatique
de l’âme par le Divin. Cet enthousiasme extatique dans la mantique et les mystères,
vont pousser les Pères à puiser dans les oracles païens autant de preuves
apologétiques246.
C’est un contexte latin, militaire247 et pluri-religieux auquel se trouvent confrontés
les missionnaires. C’est dans ce monde culturel de persécution, d’amalgames de
termes religieux et de syncrétisme populaire qu’il faut replacer la rédaction du livre
des Actes.
2.3 Recherche de parallèles
Il existe de nombreux actes d’exorcisme, réalisés par Jésus-Christ, dans les
Evangiles. Pour avoir une comparaison plus judicieuse et utile, nous pouvons relever
le parallélisme qui existe entre Ac 16.16-18 et Lc 8.27-29a,33a. Deux récits
d’exorcisme relatés par Luc.
N’ayant proposé à la traduction que le texte d’Ac 16.16-18, pour une
comparaison plus claire, les deux textes seront extraits de la NBS.
Ac 16.16-18 Lc 8. 27-29a,33a 16 Comme nous allions au lieu de prière, une servante qui avait un esprit pythique
et qui, par ses divinations, procurait un gain
important à ses maîtres
est venue au devant de nous.
17 Elle s’est mise à nous suivre, Paul et
nous,
27 Lorsqu’il fût descendu à terre, un homme de la ville, qui avait des démons,
vint au-devant de lui.
Depuis longtemps il ne portait pas de
vêtement et il ne demeurait pas dans
une maison, mais dans les tombeaux. 28 Voyant Jésus,
244 La mantique, dans la Grèce antique, est l'art du pronostic. C’est le terme technique qui désigne les diverses formes de divination. Le grand dieu de la mantique grecque reste Apollon, à qui sont associées les pythies de Delphes. Cf. C. SALLES, « Pythies et sibylles contre augures et haruspices. La divination en Grèce et Rome », p. 64-65. La mantique, dans ses diverses manifestations, est ce qui lie les hommes et les dieux. Cf. D. JAILLARD, « Plutarque et la divination », p. 169 ; D. JAILLARD, F. PRESCEDI, « Pourquoi et comment connaître la volonté des dieux ? Divination et possession à Rome et en Grèce », p. 86. 245 Les religions à mystères comportaient des drames et des cérémonies religieuses permettant aux initiés d’atteindre un instant la vie immortelle des dieux et de connaître les décisions cachées. Cf. E. BROWN, Que sait-on du Nouveau Testament ?, p. 125. 246 Cf. B. WILDHABER, Paganisme populaire et prédication apostolique, p. 18-19. 247 Cf. C. L’EPLATTENIER, Les Actes des apôtres, p. 513.
62
en criant :
Ces gens sont des esclaves
du Dieu Très-Haut,
ils vous annoncent la voie du salut ! 18 Comme elle faisait cela depuis plusieurs
jours, Paul, excédé, a fini par se retourner
pour dire à l’esprit :
Par le nom de Jésus-Christ, je t’enjoins
de sortir d’elle ! Et il est sorti à ce moment même.
il poussa un cri,
tomba à ses pieds et dit d’une voix
forte : Pourquoi te mêles-tu de mes
affaires, Jésus, Fils
du Dieu Très-Haut ?
Je t’en prie, ne me tourmente pas ! 29
Car Jésus
enjoignait à l’esprit impur de sortir de l’homme,
dont il s’était emparé depuis
longtemps. [ ]
33 Les démons sortirent de l’homme.
Nous notons la même articulation dans les récits avec des mots clés, un contenu
stylistique, et des expressions de base, dans le fond, la forme et la théologie, qui
sont identiques. L’attitude de l’homme est fortement similaire à celle de la servante :
« ayant un esprit/démon », « aller au devant » et « en criant ».
Cette analogie de structure, avec des éléments narratifs identiques, permet la
mise en parallèle, par Luc, entre l’œuvre de Paul et celle de Jésus. Ces récits
s’insèrent dans le projet littéraire d’Actes-Luc : présenter Paul en tant que « témoin
d’autorité » d’un Jésus-Christ ressuscité248. La narration et les discours se répondent
entre les deux livres pour montrer la conformité de la parole et des actes des témoins
de la résurrection de Jésus. L’apôtre Paul est donc présenté comme crédible en ce
qu’il dit à la fois « le vrai et le juste »249.
248 Cf. P. ASSO, « Raconter pour persuader : discours et narration des Actes des Apôtres », p. 564, 569. Ce que Paul vit n’est que la prolongation de ce que Jésus avait déjà vécu lui-même. Cf. A. KAUMBA MUFWATA CISSOLAH, Jusqu'aux extrémités de la terre : la référence aux prophètes comme fondement de l'ouverture universaliste aux chapitres 2 et 13 des Actes des Apôtres, Paris, Gabalda, 2006, p.149. 249 La véracité des actes de Paul doit amener la confiance de l’auditoire. La présentation d’un salut imminent, pouvant être utile à tous, a pour rôle de persuader l’auditoire. Ce n’est pas une démonstration que fait Paul, car c’est la foi de l’auditeur qui est sollicitée. Cf. P. ASSO, « Raconter pour persuader : discours et narration des Actes des Apôtres », p. 566.
63
On pourrait être surpris de la clôture nette de la narration et du manque de lien
avec la suite du texte250. Ce qui tient pour vraie cette péricope, et qui la lie, à la suite
du récit d’emprisonnement, est le rôle secondaire de l’argent251. De grand profit, les
maîtres sont amenés à une grande perte. Dans cette période, argent et business
sont fortement liés, notamment à travers cet acte de libération. Combinée à la portée
théologique du récit de l’expulsion du démon, cette péricope tient toute sa place dans
le récit lucanien.
3 Signification
Luc fait l’apologie d’une Eglise unie autour de Pierre et Paul représentant deux
groupes antagonistes issus du judaïsme et du paganisme. Luc est donc un historien
qui s’adapte au positivisme historique en vigueur à l’époque252. L’auteur démontre
son intérêt au monde qui l’entoure, sa connaissance des institutions profanes, tant
dans les traditions que dans les modes de fonctionnements sociaux, politiques,
militaires et religieux existants. Cela colle bien au personnage de Luc l’historien.
Se conformant aux goûts et aux usages de son époque, Luc a usé de plusieurs
procédés narratifs253 comme les séquences de plusieurs scènes, des scénarios
250 Pour A. LOISY, trop de points communs avec le récit d’exorcisme des évangiles font penser à un copier/coller du rédacteur. De plus, comme il n’y a pas de lien entre l’accusation des magistrats et l’exorcisme d’Actes 16, il envisage que l’histoire d’exorcisme est inventée par le rédacteur, n’osant pas admettre le réel motif. L’inculpation par les magistrats de propagande juive pourrait être le seul motif d’inculpation. Mais l’auteur, pour amplifier le récit, y a inséré « un beau miracle ». Cf. A. LOISY, Les Actes des Apôtres, p. 635. C’est une critique des formes que propose A. LOISY, sans tenir compte du contenu théologique, et il suggère dans ce parallèle un doublon. Nous n’adhérons pas à ce point de vue, mais nous retiendrons l’approche proposée par P. ASSO : le texte des Actes s’inscrit dans un projet littéraire Actes-Luc. 251 Luc mentionne l’argent dès le début de sa narration, avant que l’on sache quelle est la nature de l’esprit. La servante vend ses oracles sans profiter de l’argent récolté. Cf. C. PRIETO, Christianisme et paganisme. La prédication de l’Evangile dans le monde gréco-romain, p. 65. Cette continuité dans le récit au travers de la notion d’argent est aussi soutenue par D. MARGUERAT, La première histoire du christianisme, les Actes des apôtres, p. 196-197. 252 Cf. P. VEYNE, Comment on écrit l’histoire. Essai d’épistémologie, Paris, Seuil, 1971, p.10 253 On retrouve dans les Actes, toute la thématique spécifique du voyage. D. MARGUERAT, dans sa classification des voyages dans la culture Gréco-romaine en dénombre six types :
- les périples, - les fondations de colonies « ktiseis », - le voyage d’exploration, - le voyage romanesque, - l’itinérance du philosophe ou du missionnaire, - le parcours initiatique.
Les déplacements de population pour les colonisations ont entrainé l’apoika (l’immigration). Chez les grecs, elle se faisait en suivant cet ordre : « 1) les causes du départ ; 2) la recherche d’un chef qui entretient de bons rapports avec la mère patrie ; 3) la consultation d’un oracle ; 4) les préparatifs de
64
répétés pour marquer la continuité dans l’histoire du salut254. En Ac 16.16-18, il se
retrouve confronté à une servante criant une vérité. La notion de vérité en matière
d‘histoire est indissociable de l’interprétation de l’évènement rapporté. Ainsi, les mots
qu’elle utilise sont empreints de syncrétisme et peuvent porter à confusion255.
Par peur d’un amalgame entre l’évangile et la religiosité locale256, Paul met un
terme à ce manège. Au message empreint d’ambiguïté syncrétique « ils vous
annoncent une voie de salut », Paul oppose une formule entièrement
christologique « je t’ordonne dans le nom de Jésus ». Par ce biais, le danger
syncrétiste est recentré sur le Christ, ce qui met fin à l’amalgame de la notion « une
voie du salut ». Dans ce récit, la christologie vient au secours du miracle. De façon
explicite, elle sépare ce qui est occulte de ce qui vient de Dieu. C’est cette distinction
qui n’était pas faite par la voyante et que Paul fait. Le nom de Jésus prend le rôle
salutaire dans un contexte où la compréhension des guérisons chrétiennes glisse
dans la nébuleuse religieuse de l’époque257. Les miracles ne s’imposent pas d’eux-
mêmes dans ce contexte saturé d’offres religieuses. Leur sens doit être énoncé,
précisé, corrigé par la parole apostolique. Luc exprime le refus d’instrumentaliser le
don de Dieu. Le risque syncrétiste est présent pour ceux qui veulent s’approprier le
pouvoir charismatique du miracle, mais aussi pour ceux qui convoitent cette force
départ ; 5) le voyage ; 6) le débarquement (reconnaissance de lieux, conflit avec les autochtones) ». D. MARGUERAT, La première histoire du christianisme, les Actes des apôtres, Genève, Labor et Fides, 2007, p. 362. Si l’on regarde de près de récit le l’évangélisation à Philippes, d’Ac 15.1 à 16.12ss, un parallèle peut être établi et l’on retrouve respectivement chaque point de la colonisation. La mise en place de fondation de colonie grecque est présente en arrière fond du récit d’actes 16. Un lecteur de l’époque ne restera pas insensible à cette similitude. Luc tient compte de son environnement culturel lors de la structuration de ses rédactions. En tenant compte de l’importance de l’emplacement de la ville de Philippes (cf. note 170, p. 43), on notera que Paul suit le chemin inverse de l’apoika grecque. Cf. D. MARGUERAT, La première histoire du christianisme, les Actes des apôtres, Genève, Labor et Fides, 2007, p. 352-365. 254 Cf. D. MARGUERAT, « Les Actes des Apôtres », p. 120. 255 Ce n’est pas parce que les paroles de l’oracle sont compréhensibles par tous, qu’elles ont le même sens pour tous. Le Dieu Très-haut fait référence, dans le monde Grec, à Zeus (des inscriptions votives à Edesse, Thèbes, Iasos, et Mylasa, lieux de culte grecs, attestent la véracité de l’appellation). D’où la possibilité d’un malentendu. La « Voie » désigne les écoles philosophiques, « saveur » pouvait être attribué à Zeus, Apollon, Hermès, Asclépios et donner lieu à des cultes d’initiation à mystères. L’ensemble des termes utilisés par la servante se retrouve aussi bien dans les écritures juives et chrétiennes, que dans la religion grecque. Cf. C. PRIETO, Christianisme et paganisme. La prédication de l’Evangile dans le monde gréco-romain, p. 67. A la vue de ces informations, on peut dire que dans cet épisode, Paul ne lutte pas contre le paganisme (plusieurs dieux ou leur mélange), mais bien contre le syncrétisme (plusieurs doctrines ou leur mélange). 256 Cf. C. L’EPLATTENIER, Les Actes des apôtres, p. 187. 257 Cf. D. MARGUERAT, La première histoire du christianisme, les Actes des apôtres, p. 196-198.
65
parmi les adeptes de Jésus258. Pour Paul, le miracle n’est pas une performance qui
doit rester sur le seul plan charismatique259. Tel le prophète du NT, la fin en soi de
l’utilisation d’un don pneumatique n’est pas le spectaculaire mais le salutaire.
De plus en mettant au devant de la scène les missionnaires en disant : « ces
hommes sont », la servante rajoutait une ambiguïté. Tirée des grecs, la mythologie
romaine est surtout liée à l’histoire de la fondation de Rome et des cités. Les romains
faisaient vivre les mythes aux travers de dieux, demi-dieux et héros, leurs
intermédiaires. Un handicap allait affecter la propagation de l’Evangile, dans la
mesure où la personne de l’apôtre, pris pour un héros, risquait de s’interposer
comme écran entre la Parole et son public. Paul est l’instrument par lequel l’offre du
salut en Christ parvient aux non juifs260. Paul n’est pas la personne qu’il faut suivre,
comme le faisait la servante, mais Jésus que Paul présente.
Enfin, les mots odoj, swthria et Teoj avaient un sens dans le syncrétisme courant.
Luc veut justement, au travers de ce récit, les recentrer au profit de la mission
chrétienne, en montrant que l’Evangile dépasse les cadres conventionnels religieux
de l’époque. Ce chemin du salut est offert à tous261. Même la servante qui doit faire
face à une double possession : de l’esprit pythique et du profit que son activité
engendre pour ses maîtres, a accès, par Christ, à une double délivrance262.
258 Cf. D. MARGUERAT, La première histoire du christianisme, les Actes des apôtres, p. 208-209. 259 Dans le NT, nombreux sont les textes de guérison et de délivrance par expulsion d’esprit mauvais. Pour le monde du Ier siècle, la maladie est la conséquence d’une faute. Au contraire, dans le christianisme primitif, la maladie est l’expression du dualisme entre le bien est le mal. Il est le symbole de l’innocent, victime de démons qui lui sont supérieurs. On ne trouve pas dans la littérature de cette période une référence au démon de type néotestamentaire. C’est donc spécifique au christianisme primitif que d’aborder la maladie comme bataille entre Dieu et Satan. Les expulsions et les soins sont donc considérés par les premiers chrétiens une approche thérapeutique salutaire. Cf. O. PRINTZ, « Quelques réflexions sur l’épilepsie à partir des récits de la guérison de l’enfant épileptique », RHPhR, octobre-décembre 2002, p. 394-395. 260 Cf. B. WILDHABER, Paganisme populaire et prédication apostolique, p. 35-36,120. 261 Cf. B. WILDHABER, Paganisme populaire et prédication apostolique, p. 103-104. 262 Cette double délivrance n’est pas sans rappeler la double portée des exorcismes de Jésus. Dans les Evangiles synoptiques, la pratique exorciste de Jésus, notamment Mt 12.28 / Lc 11.20, exprime à la fois une portée eschatologique et une mission d’autorité. Cette manifestation du royaume de Dieu, auquel est associée la déroute de Satan, apportait à Jésus une autorité propre. La pratique exorciste et thérapeutique de Jésus provoque une vénération de la part des foules qui le reconnaissent fils de David (Mt 12.23). Cette autorité christique et le royaume de Dieu sont venus sur les premiers chrétiens par la puissance du Saint Esprit. Cf. C. GRAPPE, « Jésus exorciste à la lumière des pratiques et attentes de son époque », RB, n° 2, avril 2003, p. 178-196 ; Conférence Général e de l’Eglise Adventiste (éd.), Les adventistes du septième jour face à la « guerre spirituelle » et le « ministère de la délivrance », Washington DC, IRB, 1983, p. 8-9. Par parallélisme, en Actes 16.16-18, l’exorcisme de Paul revêt un double impact : l’offre du salut en christ pour tous et la reconnaissance de Paul en tant qu’autorité parlant de la part de Jésus.
66
4 Conclusions
Dans cette péricope d’Ac 16.16-18, Paul laisse d’abord libre cours au manège
de la servante. Se rendant compte du danger, il réagit avec une force, dont
l’efficacité est instantanée. C’est guidé par l’Esprit Saint, que Paul a su distinguer
l’esprit mauvais caché derrière une vérité apparente. La Bible ne nous dit pas si la
servante pythique était considérée comme un faux prophète par les missionnaires.
Mais elle en avait toutes les caractéristiques énoncées dans le NT :
- Prophète car son message apportait une nouvelle compréhension de l’histoire
du salut en Christ.
- Mais faux car ses paroles, bien que vraies au premier regard, étaient
empreintes de syncrétisme et ouvraient la voie à toutes sortes
d’interprétations,
- Le fruit quelle produisait était matériel sous forme d’argent, et non spirituel
source de charité ; d’où le décalage entre ce quelle annonçait et sa vie
quotidienne,
- Son mode de vie était solitaire et non communautaire. La présence de l’esprit
pythique rendait la servante distante du reste de la population,
- L’influence sur son entourage se concrétisera, chez ses maîtres, par de la
jalousie sous forme de haine envers Paul. Haine qui amène une volonté chez
ces personnes de nuire à autrui, s’il se met en travers de leurs plans.
- Sa mission n’était pas de source divine, puisque pythique.
- Enfin, la servante a su utiliser les croyances de son temps pour semer le
trouble et la confusion religieuse autour du message de Paul.
Les outils de discernement contenu dans le NT nous ont permis de mettre à jour
la raison de la réaction de Paul face à cette fausse prophétesse. Dans cette péricope
d’Actes 16.16-18, Paul, à partir d’une parole syncrétiste, capte l’attention, et la
recentre sur un message christocentrique. En s’attaquant à l’esprit et non à la
servante, Paul montre que seule une parole consciente et assumée a valeur de
67
confession de foi263. Ce fut le cas de Lydie. Ainsi, à partir d’une formule théologique
universelle, Paul affirme la spécificité du Christianisme.
On assiste à un problème de dilution du message dans la religion ambiante.
Paul aurait pu faire passer la servante pour ventriloquie, faussaire. Mais dans le
monde helléniste, beaucoup de gens croient à l’authenticité des oracles pythiens.
Paul est plus astucieux. Il n’est pas exclusif dans une réaction de condamnation,
mais inclusif pour les auditeurs. En agissant ainsi, il semble dire aux esprits
pythiques : « Oui vous existez, mais vous n’avez pas votre place dans l’univers
chrétien »264. Et en s’adressant à la servante, nous comprenons que pour Paul,
l’utilisation des critères de discernement du don de prophétie ne doit pas se faire
uniquement par condamnation d’une personne comme faux prophète, mais
également par sa libération, et son accueil. Chaque acte chrétien doit être en soi
source d’ouverture pour l’autre, et non d’exclusion.
263 Cf. C. PRIETO, Christianisme et paganisme. La prédication de l’Evangile dans le monde gréco-romain, p. 67. 264 Dans sa dogmatique, K. BARTH exprime le fait que, de parler des démons, s’est entrer dans leur jeu. Ils souhaitent qu’on les trouve intéressant et qu’on les prenne au sérieux. Mais reconnaître leur existance ce n’est pas leur apporter de la crédibilité. Car il ne faut pas classer les démons dans la même catégorie que Dieu. Il n’y a pas de dualisme possible. Il n’y a pas Dieu et le chaos, la vie et la mort, la grâce et le néant ; enlever Dieu et vous trouverez le chaos, retiré la vie alors apparaît la mort, oublier la grâce et surgit le néant. Cf. K. BARTH, Dogmatique 3 : La Doctrine de la création Tome 3, trad. F. RYSER, Genève, Labor et Fides, 1963, p. 236-249.
69
En introduction, nous avons établi comme objectif d’étude, de définir, pour une
application actuelle, les outils de discernement des vrais et faux prophètes à partir
des textes du NT. Dans cette étude, notre regard c’est porté sur le cas concret de la
servante pythique.
Pour cela, nous avons commencé par définir trois critères de différenciation,
centrés sur les paroles du prophète, sa personne et les autres ministères ecclésiaux.
C’est après avoir étudié les outils pour différencier les prophètes, que nous avons
établi quelle pouvait-être leur mission dans le Ier siècle. Elle est axée sur les
communautés des premiers chrétiens. De sources divines, la mission prophétique
tient un rôle prépondérant de consolidation autour du Christ. Prophétiser c’est
exhorter la communauté à la fidélité à la Parole de vérité : Christ. Dans cette optique,
nous avons vu qu’il ne faut pas mettre de coté la capacité du prophète à comprendre
ce qui va advenir pour une personne ou une communauté, afin d’affermir ses
fondements, de souder un groupe et de faire croitre l’espérance. Cette prédiction se
veut être constructive et non accusatrice.
Enfin, dans cette première partie, nous avons essayé de mettre en évidence le
lien étroit entre, la présence du prophète et le milieu spirituel dans lequel il évolue.
Au cours du Ier siècle, le prophétisme a été plus ou moins présent avec des piques
de résurgences lors de périodes particulières, pendant lesquels le peuple de Dieu
était en attente imminente de l’établissement de son royaume sur terre. Nous
retiendrons, dans la limite de ce que peuvent apporter les textes du NT et notamment
Mc 13.5-37, que le prophète n’est pas envoyé spécifiquement « pour » ces périodes
d’incompréhension du plan du salut, mais il est présent « pendant » ces moments de
perte d’espérance. Nous avons donc compris que les critères de discernement vont
au delà de la personne, du message et de l’influence du prophète. C’est l’objectif de
sa mission et le contexte religieux de l’instant qui permettent aussi de distinguer un
vrai prophète. Ceux sont donc des outils de discernement intemporels et toujours
d’actualité.
Pour aller plus loin dans cette démarche de compréhension d’utilisation des
outils de discernement, nous avons étudié le cas particulier de la servante pythique
en Ac 16.16-18. Après l’analyse du contexte rédactionnel du texte, mettant en
évidence toute l’ambiguïté syncrétique du message de la servante, nous avons
approfondi la démarche par une analyse narrative. Cette prophétesse a su utiliser
70
son contexte religieux pour le mélanger une vérité nouvelle pour l’auditoire, à savoir
le salut en Christ. En effet, la vérité énoncée par l’oracle se trouve enfermée dans le
contexte socioreligieux de l’époque. Paul, avec ses moyens, redonne à la vérité
énoncée tout son sens christocentrique et évite la naissance d’une confusion
spirituelle. Enfin, par la recherche de textes parallèles et la prise en compte du
contexte historico-religieux, nous avons vu toute l’importance que prend cette
péricope pour la compréhension quand à l’utilisation des outils de discernement.
En tenant compte du faite que le danger d’amalgame est à la fois véhiculé par la
personne de la servante, les mots utilisés dans son message, la façon de s’exprimer
pour égarer l’auditoire, et le contexte religieux de l’époque, force est de constater
que nous retrouvons ici l’ensemble des critères de discernements recensés. Ainsi,
l’étude, sur les vrais et faux prophètes dans le NT et l’exégèse d’Ac 16.16-18,
souligne que les critères de discernement des prophètes ne sont pas axés
uniquement sur la personne, ses paroles et ce qui l’entoure. Dans le NT, la présence
du prophète chrétien est également fonction de l’environnement spirituel, plus
exactement de l’état d’incompréhension de l’accomplissement du plan du salut par le
peuple de Dieu.
A travers ce récit, et l’étude des critères de discernement des vrais prophètes
dans le NT, posons-nous la question de savoir si ces périodes de franchissement
d’un cap dans l’histoire du salut ne sont pas propices à l’émergence de vrais et faux
prophètes ? Parler des prophètes n’est pas un sujet nouveau, mais il est dans
l’actualité. Ce ne sont pas des prophètes contestataires de leur monde que nous
présente le NT. Cependant, nous arrivons dans une époque où le mélange des
genres et l’enfermement de la vérité dans un environnement social, telle la servante
pythique, vont apporter confusion spirituelle. Dans ce contexte en devenir, déjà vécu
par les chrétiens du Ier siècle, le charisme prophétique peut à nouveau émerger. Le
prophète aura, auprès des membres d’Eglise, un rôle particulier. Nous terminerons
ce travail de recherche par établir quels peuvent être les aboutissants, aujourd’hui,
des différents critères établis précédemment, à savoir : le message du prophète, sa
personne, sa mission ecclésiale et le contexte dans lequel il évolue.
71
1 Le prophète comme référence
Pour appuyer sa mission, Jésus faisait référence aux prophètes (Lc 4.16-21 ; 25-
27). Les apôtres faisaient référence à Jésus et aux prophètes. Les premiers
chrétiens se sont servis de l’AT et des prophètes pour justifier leur intention auprès
des païens (Ac 2.16-21 cite Jl 3.1-5). Enfin, Luc fait de la référence aux prophètes le
fondement de l’ouverture universelle de la première évangélisation265. La tradition
d’Israël n’offrait pas le principe d’encouragement à aller vers les païens. Mais en
s’appuyant sur les prophètes, les apôtres montrent que l’Église primitive ne peut
vivre isolée ou repliée sur elle-même. A chaque étape de l’histoire, les prophètes ont
aidé le peuple à tenir compte du passé pour éclairer le présent et mieux baliser
l’avenir266.
Aujourd’hui, les références aux prophètes attestés et aux textes du NT sur le
discernement qui s’y rattache, restent indispensables. Tel les rétroviseurs d’une
voiture, leurs utilisations sont nécessaires à la conduite avant de dépasser, de
tourner ou de s’arrêter. Cependant, n’utiliser que ce moyen pour avancer, c’est
louper le premier virage que l’on rencontrera. Chaque intervention, faite par des
prophètes, au cours de l’histoire sur la compréhension du salut, permet au croyant de
s’y appuyer pour progresser. Pour avancer, la référence comme critère de
discernement est donc indispensable et intemporel.
2 La personne du prophète
A l’heure actuelle, plus que sa parole, c’est l’action du prophète au sens large
qui doit être prise en considération267. Mais la nature humble du prophète va à
l’opposé de notre société d’images, d’opulence et de démonstrations. Jésus met en
garde les disciples contre des faux prophètes qui attirent l’attention sur eux par des
prodiges. Cette attitude se retrouve chez la servante en Ac 16.16-18 qui attirait
l’attention en criant.
265 La formule d’Ac 1.8, reprise en Ac 13.47 est empruntée à Is 49.6. 266 Cf. A. KAUMBA MUFWATA CISSOLAH, Jusqu'aux extrémités de la terre : la référence aux prophètes comme fondement de l'ouverture universaliste aux chapitres 2 et 13 des Actes des Apôtres, p. 3-5, 210. 267 Cf. R. MARCLAY, « Prophètes aujourd’hui ? », Itinéraire, recherches chrétiennes d’ouverture, n° 48, automne 2004, p. 1-2.
72
Le vrai prophète agit comme traducteur du message de Dieu auprès des
hommes dans des termes adaptés et appropriés à leurs langues, les besoins de
leurs époques et leurs cultures. En voulant centrer le message sur les « serviteurs »
à suivre et non Jésus, puis en banalisant l’accès au salut comme un parmi d’autre, la
servante pythique a utilisé ce procédé d’adaptation pour diffuser un message vrai en
surface. Mais seule l’enveloppe extérieure est sincère. Les intentions sont tout
autres : détourner le peuple de Dieu de l’unique salut en Jésus. Les faux prophètes
utiliseront d’autant plus cette adaptation de surface pour tromper le croyant, que
l’environnement y est propice.
On ne peut prendre l’Evangile comme la biographie de Jésus, mais comme un
témoignage qui nous présente un Dieu d’amour et nous amène à rediriger notre vie
vers lui. Dans cette optique, le prophète ne sera pas une personne avec une
biographie bien complète. Sa vie inclut la notion d’effacement268. Au XXIe siècle, c’est
le culte de la personne qui est prôné. Se mettre en avant, ou être mis en avant par
les autres est signe de réussite sociale. En grandissant dans cette culture, le risque
pour une communauté sera de mettre en avant le prophète, au détriment du
message transmis. La servante pythique avait un statut particulier dans la société de
par sa fonction et était adulée pour cela. Paul dénoncera cette attitude quand elle
apparaîtra au sein de l’Église. Le prophète du christianisme primitif était inclus dans
un ensemble de ministères ecclésiaux. Tout comme le prophète, l’Église accueillante
devra être humble pour ne pas tomber dans le piège de l’orgueil.
3 Le prophète et l’Église
Le NT fait mention du ministère du prophète : dès le témoignage de Matthieu (Mt
7), dans le triptyque de 1Co 12.28, dans la liste d’Ephésien 4.11, et affirme que
l’Église repose sur ce ministère avec celui des apôtres (Ep 2.20), et jusque dans
l’Apocalypse qui montre que Dieu en est la source (Ap 20). Ces témoignages sont
appuyés par des ouvrages non canoniques, tels que la Didachè. Le prophétisme
constitue l’un des ministères structurels de l’Église primitive. Ce prophétisme doit être
discerné pour qu’il construise et non pas détruise.
268 Cf. L. GAGNEBIN, « Jésus et le prophétisme juif », FV, n° 4, sept. 1979, p. 21.
73
Le prophète n’a pas sa place à l’extérieur de l’Église. Ce charisme se développe
de l’intérieur d’une communauté. Le prophète est donc le porte-parole de Dieu pour
les hommes, et plus spécifiquement pour son peuple. L’esprit de prophétie n’est pas
un esprit de secte, mais d’édification communautaire, qui permet à l’Eglise d’aller
vers les autres.
4 La société d’aujourd’hui
Peut-on parler de prophète aujourd’hui ? Parler de prophète c’est se référer à
Dieu, alors que de nos jours la société croit exclusivement aux capacités de
l’homme. Mais le prophète est porteur d’une parole actuelle. Dans le NT, la référence
du passé est corrélée avec la révélation présente. Le ministère prophétique exprime
une vérité présente à partir d’un élément du passé. Même s’il y avait des moments
où le don de prophétie semblait absent269, Dieu a toujours guidé son peuple par des
prophètes aux moments particuliers de son histoire270. Dans le livre des Actes des
apôtres, la fonction spécifique du prophète chrétien est difficile à établir. Mais il est le
représentant d’une mission eschatologique271. Tel un chef d’orchestre, le prophète
aide les musiciens à comprendre et à jouer une partition divine. La parole
prophétique restant un soutien pour les chrétiens dans les tribulations des derniers
jours, en les guidant, les instruments de discernement sont toujours valables dans le
temps.
Au cours du Ier siècle, les prophètes étaient présents pendant deux
périodes d’attente imminente : l’arrivée du Messie en Israël, du nouvel Elie, puis à
partir de l’année 35 ap. J.-C., l’espérance eschatologique d’un retour rapide du
Christ. Dans le NT, la présence de prophètes est ainsi liée à une attente proche, par
le peuple de Dieu, de l’établissement de son royaume sur terre, de la nouvelle
Jérusalem. Dans les deux situations, cette erreur de compréhension sotériologique et
eschatologique a été rectifiée par la présence de prophètes. Au Ier siècle, les
269 Cf. Ps 74.9 ; 1S 3.1. 270 Exemples : Moïse (exode d’Egypte), Elie (apostasie), Jean-Baptiste (venue du Messie), Silas (lancement de l’église). La Bible est le témoignage écrit de certains prophètes. Mais d’autres prophètes dont le témoignage écrit n’a pas été conservé (Nathan, Gad, Agabus, Silas) sont intervenus en des occasions particulières. 271 E. EARLE ELLIS, Prophecy and Hermeneutic in Early Christianity: New Testament essays, Tübingen, J.C.B. Mohr, 1978, p. 130.
74
prophètes ont réorienté le peuple de Dieu vers une plus juste compréhension du plan
du salut. En ce sens ils ont exhorté, édifié, consolé des membres perdus ou égarés
spirituellement. Ils sont intervenus, non pas, suite à une perte de spiritualité ou de foi,
mais de repère quand aux évènements célestes.
75
ANNEXES
ANNEXE I : Relation entre les divers niveaux rédactionnels des Actes des Apôtres.
ANNEXE II : Modèle de recomposition rédactionnelle des Actes de M.-E. BOISMARD selon P. TAVARDON.
76
Relation entre les divers niveaux rédactionnels des Actes des Apôtres
(M.-E. BOISMARD, A. LAMOUILLE, Les actes des deux Apôtres - I - Introduction et textes, Paris, Gabalda, 1990, p. 5).
77
Modèle de recomposition rédactionnelle des Actes de M.-E. BOISMARD selon P. TAVARDON
(P. TAVARDON, Le texte Alexandrin et le texte Occidental des Actes des apôtres, doublets et variantes de structure, Paris, Gabalda, 1997, p. 33).
78
Références bibliques
Ancien Testament
Genèse
Gn 3.18 14
Lévitique
Lv 19.31 51
Lv 20.27 51
Deutéronome
Dt 6.10 26
Dt 13.1-2 34
Dt 18.10 52
Dt 18.21-22 35
Dt 29.2 34
Dt 34.11 34
Josué
Jos 24.13 26
1 Samuel
1S 3.1 73
1S 9.19 22
1 S 28.8 52
2 Samuel
2S 24 22
2 Rois
2R 4.7,9 22
Psaumes
Ps 22.17,19 27
Ps 73.16 21
Ps 74.9 73
Esaïe
Es 7.14 27
Es 44.3 27
Es 49.6 71
Jérémie
Jr 2.8 27
Jr 17.6 53
Jr 23.16-18 22
Jr 28.75 35
Jr 31.31-40 26
Daniel
Dn 9.27 32
Dn 7.13-27 27
Dn 11.31 32
Dn 12.30 32
Joël
Jl 2.28,29 27
Jl 3.1-5 71
Zacharie
Za 14.4-9 27
Nouveau Testament
Matthieu
Mt 3.8,10 14
Mt 4.5-7 34
Mt 7 20
Mt 7.15-20 13
Mt 7.15-22 13
Mt 7.16-20 14
Mt 10.1 57
Mt 10.41 13
Mt 12.23 65
Mt 12.28 65
Mt 12.33 14
Mt 13.8,26 14
Mt 18.12-14 21
Mt 21.11 22
Mt 21.19 14
Mt 34,41,43 14
Mt 21.46 22
Mt 23.29ss 9
Mt 23.34 13
Mt 24.11 13
Mt 24.12 14
Mt 24.15 32
Mt 24.23-28 32
Mt 28.18-20 57
Marc
Mc 3.30 56
Mc 6.4 22
Mc 6.7 57
Mc 6.15 22
Mc 7.25 56
Mc 7.27-30 39
Mc 8.28 22
Mc 8.11-13 34
Mc 9.17 56
Mc 12.10 23
Mc 13.5-37 33, 34, 37
Mc 13.6 33
Mc 13.7-8 33
Mc 13.14 32
Mc 13.14-20 33
79
Mc 13.21-22 33
Mc 13.21-23 31, 32, 34
Mc 13.22 13
Mc 13.23 33, 34
Mc 13.24-27 33
Mc 14.58 32
Mc 15.29 32
Mc 15.29-32 34
Mc 21-22 33
Luc
Lc 1.3 40
Lc 1.4 42
Lc 2.25 25
Lc 2.36 10
Lc 4.16-21 71
Lc 4.33 56
Lc 7.16 22
Lc 7.39 22
Lc 8.27-29a 61, 62
Lc 8.28 50
Lc 8.33a 61, 61
Lc 9.1 57
Lc 9.8 22
Lc 11.20 65
Lc 11.49 20
Lc 13.11 56
Lc 13.33-34 22
Lc 17.23ss,37 32
Lc 18.27 53
Lc 21.20-24 32
Lc 24.19 22
Lc 24.45 17
Lc 24.46-49 57
Lc 25-27 71
Jean
Jn 11.51 27
Jn 14.16,26 25
Jn 15.16 25
Jn 16.7 25
Jn 16.26 25
Jn 20.21-23 57
Actes des Apôtres
Ac 1.1 40
Ac 1.3-4 40
Ac 1.8 39, 57, 71
Ac 1.21-22 20
Ac 2.16-21 71
Ac 2.17 9
Ac 2.17-21 20
Ac 3-8.40 42
Ac 3.22-23 22
Ac 4.2 54
Ac 4.36 25
Ac 7.37 22
Ac 7.55 50
Ac 8.7 56
Ac 9.1-11.26 42
Ac 9.2 53
Ac 9.31 25
Ac 10.32-35 46
Ac 10.40-45 46
Ac 11.2-5 46
Ac 11.27 20, 24, 27, 28
Ac 11.27s 10
Ac 11.27-28 18
Ac 11.27-28.31 42
Ac 11.28 55
Ac 12.27 10
Ac 13.1 10
Ac 13.1-2 20
Ac 13.15 25
Ac 13.22 25
Ac 13.29-30 40
Ac 13.47 71
Ac 15.1-16.12 64
Ac 15.2 18
Ac 15.3 45
Ac 15.6-21 43
Ac 15.31 25
Ac 15.32 10, 20, 27
Ac 15.36 43
Ac 15.41 43
Ac 16.6-7 23
Ac 16.9 42, 44
Ac 16.9-10 43
Ac 16.9-40 54, 58
Ac 16.10 44, 48, 49
Ac 16.11-16 44
Ac 16.13 58
Ac 16.13-15 55
Ac 16.14-15 55
Ac 16.16 47, 55, 58
Ac 16.16-17 55
Ac 16.16-18 7, 37, 39-69, 44, 45, 47, 50, 54, 56, 59, 61, 62, 64, 65, 66, 67, 71
Ac 16.17 48, 56
Ac 16.18 49, 57
Ac 16.19-38 44
Ac 16.20-35 43
Ac 16.40 44, 57
Ac 17.1-3 40
Ac 18.25 53
Ac 19.13 56
Ac 19.14 50
Ac 19.23 53
Ac 20.5-15 55
Ac 20.28 21
Ac 20.28-31 21
Ac 21.8 21
Ac 21.9 10
80
Ac 21.9-10 20
Ac 21.9-11 26, 27
Ac 21.10 10, 28
Ac 21.10s 10
Ac 21.11-18 55
Ac 21.40-22.3 41
Ac 22.4 53
Ac 24.14 53
Ac 24.21 40
Ac 24.22 53
Ac 27.1-28.16 55
Romains
Rm 1.28 17
Rm 7.23,25 17
Rm 8.9 16
Rm 12 20
Rm 12.2 17
Rm 12.6 11, 16, 23
Rm 12.8 25
1 Corinthiens
1Co 3.11 23
1Co 7 29
1Co 7.40 56
1Co 10 23
1Co 10.28 23
1Co 12 20, 24
1Co 12.10 16
1Co 12.22-24 24
1Co 12.28 16, 72
1Co 13 24
1Co 13.2,8 16
1Co 14.3 20, 24, 25
1Co 14.14 17, 24
1Co 14.1-5 16
1Co 14.24 20, 24
1Co 14.29 17
1Co 14.29-33 16
1Co 15.8-9 20
2 Corinthiens
2Co 1.3-7 25
2Co 7.4 25
2Co 8.4-17 25
2Co 8.23 20
2Co 10.13 22
2Co 10.18 17
2Co 11.5 16
2Co 15.8-9 20
Galates
Ga 1.8-9 12
Ga 3.1 22
Ga 5.22-24 15
Ephésiens
Ep 2.20 23, 72
Ep 3.5 16, 23, 24
Ep 4.11 16, 20, 23, 72
Ep 4.11-12 20
Ep 4.17 17
Ep 4.23 17
Pilippiens
Ph 2.1 25
Ph 4.7 17
Colossiens
Col 2.18 17
1 Thessaloniciens
1Th 2.31 25
1Th 5.20-21 17
1Th 5.21 35
2 Thessaloniciens
2Th 2.16 25
1 Timothée
1Tim 1.16 53
1Tim 1.18 30
1Tim 4.14 30
1Tim 6.12 53
2 Timothée
2Tim 4.5 21
Tite
Tt 1.15 17
Tt 4.13 25
Hébreux
Hé 6.18 25
Hé12.5,13.22 25
2 Pierre
2P 1.20 16
2P 1.20-21 15
2P 3 13
2P 3.16 16
2P 5.2 21
1 Jean
1Jn 2.1 25
1Jn 4.1 10, 35
Apocalypse
Ap 2.2 18
Ap 13.18 17
Ap 17.9 17
Ap 18.20 20
Ap 20 72
Ap 22.6 17, 20
81
Bibliographie
Textes et sources
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94
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS ................................................................................................................ 3
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS................... ........................................................... 4
INTRODUCTION .................................................................................................................... 6
PREMIER CHAPITRE
DISCERNEMENT DES VRAIS ET FAUX PROPHETES DANS LE NO UVEAU TESTAMENT
1 LES OUTILS POUR DIFFERENCIER L ’UN DE L’AUTRE ........................................................................ 10
1.1 La doctrine du vrai prophète (Rm 12.6) .............................................................................. 11
1.2 La conduite du vrai prophète (Mt 7.15-20) .......................................................................... 13
1.3 L’autorité du vrai prophète (2P 1.20-21) ............................................................................. 15
1.4 Récapitulatif des outils de discernements........................................................................... 18
2 LA MISSION DES PROPHETES ........................................................................................................ 19
2.1 Une mission divine (Ep 4.11-12) ......................................................................................... 20
2.2 Une mission au sein des Eglises et auprès des frères (Ep 2.20) ...................................... 23
2.3 Une mission de consolation, d’exhortation et d’édification (1 Cor 14.3,24) ........................ 24
2.4 Une mission de ce qui va survenir (Ac 21.9-11) ................................................................. 26
2.5 Une mission pour leur temps .............................................................................................. 28 2.5.1 L’émergence du prophétisme chrétien ........................................................................................ 29 2.5.2 Le prophétisme chrétien dans la continuité ................................................................................. 29 2.5.3 Institutionnalisation du prophétisme ............................................................................................ 30 2.5.4 Perte du prophétisme primitif ....................................................................................................... 30
2.6 Le prophète et la fin des temps (Mc 13.21-23) ................................................................... 31 2.6.1 La « petite apocalypse ».............................................................................................................. 32 2.6.2 Une parole qui perdure ................................................................................................................ 33 2.6.3 Prophète et réorientation sotériologique ...................................................................................... 34
3 SYNTHESE ................................................................................................................................... 35
DEUXIEME CHAPITRE
APPROCHE EXEGETIQUE D’ACTES 16.16-18
1 POUR UNE PREMIERE APPROCHE .................................................................................................. 39
1.1 Généralités d’Actes ............................................................................................................. 39
1.2 Contexte .............................................................................................................................. 41 1.2.1 Contexte Large ............................................................................................................................ 41
95
1.2.2 Contexte proche .......................................................................................................................... 42 1.2.3 Contexte immédiat ...................................................................................................................... 43
1.3 Texte ................................................................................................................................... 44 1.3.1 Le texte Alexandrin et le texte Occidental ................................................................................... 44 1.3.2 Comparaison entre les textes Alexandrin et Occidental .............................................................. 47
1.4 Traduction ........................................................................................................................... 50 1.4.1 Etudes sémantiques de mots ou expressions ............................................................................. 50 1.4.2 Proposition de traduction d’Ac 16.16-18 ...................................................................................... 54
1.5 Mouvement et dynamique du récit ...................................................................................... 54
2 POUR APPROFONDIR LA DEMARCHE .............................................................................................. 54
2.1 Analyse narrative ................................................................................................................ 54 2.1.1 Situation initiale ........................................................................................................................... 54 2.1.2 Nouement .................................................................................................................................... 55 2.1.3 Action transformatrice.................................................................................................................. 57 2.1.4 Dénouement et situation finale .................................................................................................... 57 2.1.5 Vue d’ensemble du récit .............................................................................................................. 58
2.2 Contexte historique et politique ........................................................................................... 59 2.2.1 Contexte du voyage de Paul ....................................................................................................... 59 2.2.2 Contexte rédactionnel de Luc ...................................................................................................... 60
2.3 Recherche de parallèles ..................................................................................................... 61
3 SIGNIFICATION ............................................................................................................................. 63
4 CONCLUSIONS ............................................................................................................................. 66
CONCLUSION GENERALE
1 LE PROPHETE COMME REFERENCE ............................................................................................... 71
2 LA PERSONNE DU PROPHETE ........................................................................................................ 71
3 LE PROPHETE ET L’ÉGLISE ........................................................................................................... 72
4 LA SOCIETE D’AUJOURD ’HUI ......................................................................................................... 73
ANNEXES ............................................................................................................................ 75
REFERENCES BIBLIQUES .............................. .................................................................. 78
BIBLIOGRAPHIE ..................................... ............................................................................ 81