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136 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2006;107:136 Masson, Paris, 2006 Éditorial Diversité et polyvalence : obstacles à l’excellence ? A.-R. Paranque Service de Stomatologie, Chirurgie Maxillo-faciale et Plastique de la Face, HIA Bégin, Saint-Mandé. Correspondance : A.-R. Paranque, Service de Stomatologie, Chirurgie Maxillo-faciale et Plastique de la Face, HIA Bégin, 94163 Saint-Mandé. otre spécialité, bien que focalisée sur la sphère cer- vico-céphalique, représente par la diversité des cha- pitres médicaux et chirurgicaux qu’elle embrasse l’une des disciplines les plus riches de la profession. Cette richesse peut paradoxalement constituer un handicap à son rayonnement, la nécessaire polyvalence de la formation s’opposant souvent au caractère forcément plus spécialisé d’un exercice libéral… Quelques décennies auparavant, le « cumul des mandats » constituait la règle de l’exercice chirurgical, le praticien libéral jonglant avec l’orthopédie, le digestif, la gynécologie, l’obsté- trique… « Je vous parle d’un temps » où l’excellence rimait bien souvent avec polyvalence. L’étendue des connaissances scientifiques, l’information croissante des patients, les possibilités offertes par une struc- ture hospitalo-universitaire ou les contraintes économiques du secteur libéral ou encore la pression médico-légale ont modifié notre exercice dans le sens d’une hyper spécialisation. Cette évolution galopante ne semble pas se satisfaire d’une spécialisation topographique (membres, tête et cou, tronc, main…) et tend à nous imposer des choix de plus en plus res- trictifs au sein d’une même discipline. C’est là toute la force de notre spécialité qui, par la multitude de chapitres proposés, offre des choix adaptés aux capacités techniques de chacun, à son mode d’installation hospitalier ou libéral ou tout simplement à ses choix de vie. C’est là aussi toute la complexité d’une formation qui se doit d’être polyva- lente afin d’autoriser l’interne à réaliser ces choix en fin de cursus hospitalier. Impérativement polyvalente, elle est donc dans l’impossibilité d’emmener le jeune praticien jusqu’à l’acquisition et la maîtrise des « gold standards » pour chacun des chapitres de chirurgie maxillo-faciale ou de stomatologie. Seuls certains de ces domaines seront réellement possédés en fin de cursus, le plus souvent grâce à l’activité dominante du service hospitalo-universitaire de rattachement ou encore par le fait de démarches personnelles (diplômes universitaires, visites de praticiens français ou étrangers…). En pratique, si certains chapitres ne présentent d’emblée aucune ambiguïté, de par leurs spécificités, quant à la néces- sité d’une formation hyper spécialisée (microchirurgie, ortho- pédie dento-maxillo-faciale…) sans laquelle ils ne peuvent – ni ne doivent – être abordés, d’autres peuvent exposer le jeune praticien au piège d’une apparente facilité… Tel est le cas de l’implantologie dentaire. En effet, quoi de plus simple pour un chirurgien maxillo-facial bien formé que de poser une vis dans un maxillaire ou une mandibule ? Nous savons tous que la réalité est toute autre. Être performant – et donc compétitif – en implantologie, c’est déjà poser le nombre idéal d’implants, en positions et en axes parfaitement adaptés… au type de prothèse initialement déterminé, le tout prenant en compte la valeur prothétique et le pronostic des dents en place. Être performant – et donc compétitif – en implantologie, c’est aussi proposer, chaque fois que possible, les dernières innovations validées scientifi- quement dans le but d’améliorer le confort du patient et la chronologie de la réhabilitation orale. Parmi celles-ci, la mise en charge immédiate des implants nécessite là encore de soli- des bases en prothèse … que peu de nos enseignements déli- vrent ! Au total, c’est aussi par l’amélioration constante de l’enseigne- ment délivré (DESC, DU…) et le choix de domaine(s) d’exercice spécifique(s) que la place privilégiée du chirurgien maxillo- facial lui permettra de détecter, de retenir et d’appliquer le meilleur des mondes médical, chirurgical et odontologique au bénéfice du patient et de lui garantir une reconnaissance médiatique en net progrès depuis quelques mois… N

Diversité et polyvalence : obstacles à l’excellence ?

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136

Rev Stomatol Chir Maxillofac 2006;107:136 Masson, Paris, 2006

Éditorial

Diversité et polyvalence : obstacles à l’excellence ?

A.-R. Paranque

Service de Stomatologie, Chirurgie Maxillo-faciale et Plastique de la Face, HIA Bégin, Saint-Mandé.Correspondance :A.-R. Paranque,

Service de Stomatologie, ChirurgieMaxillo-faciale et Plastique de la Face,

HIA Bégin, 94163 Saint-Mandé.

otre spécialité, bien que focalisée sur la sphère cer-vico-céphalique, représente par la diversité des cha-pitres médicaux et chirurgicaux qu’elle embrasse

l’une des disciplines les plus riches de la profession. Cetterichesse peut paradoxalement constituer un handicap à sonrayonnement, la nécessaire polyvalence de la formations’opposant souvent au caractère forcément plus spécialiséd’un exercice libéral…Quelques décennies auparavant, le « cumul des mandats »constituait la règle de l’exercice chirurgical, le praticien libéraljonglant avec l’orthopédie, le digestif, la gynécologie, l’obsté-trique… « Je vous parle d’un temps » où l’excellence rimaitbien souvent avec polyvalence.L’étendue des connaissances scientifiques, l’informationcroissante des patients, les possibilités offertes par une struc-ture hospitalo-universitaire ou les contraintes économiquesdu secteur libéral ou encore la pression médico-légale ontmodifié notre exercice dans le sens d’une hyper spécialisation.Cette évolution galopante ne semble pas se satisfaire d’unespécialisation topographique (membres, tête et cou, tronc,main…) et tend à nous imposer des choix de plus en plus res-trictifs au sein d’une même discipline.C’est là toute la force de notre spécialité qui, par la multitudede chapitres proposés, offre des choix adaptés aux capacitéstechniques de chacun, à son mode d’installation hospitalierou libéral ou tout simplement à ses choix de vie. C’est là aussitoute la complexité d’une formation qui se doit d’être polyva-lente afin d’autoriser l’interne à réaliser ces choix en fin decursus hospitalier. Impérativement polyvalente, elle est doncdans l’impossibilité d’emmener le jeune praticien jusqu’àl’acquisition et la maîtrise des « gold standards » pour chacundes chapitres de chirurgie maxillo-faciale ou de stomatologie.Seuls certains de ces domaines seront réellement possédés en

fin de cursus, le plus souvent grâce à l’activité dominante duservice hospitalo-universitaire de rattachement ou encore parle fait de démarches personnelles (diplômes universitaires,visites de praticiens français ou étrangers…).En pratique, si certains chapitres ne présentent d’embléeaucune ambiguïté, de par leurs spécificités, quant à la néces-sité d’une formation hyper spécialisée (microchirurgie, ortho-pédie dento-maxillo-faciale…) sans laquelle ils ne peuvent – nine doivent – être abordés, d’autres peuvent exposer le jeunepraticien au piège d’une apparente facilité…Tel est le cas de l’implantologie dentaire. En effet, quoi de plussimple pour un chirurgien maxillo-facial bien formé que deposer une vis dans un maxillaire ou une mandibule ? Noussavons tous que la réalité est toute autre.Être performant – et donc compétitif – en implantologie, c’estdéjà poser le nombre idéal d’implants, en positions et en axesparfaitement adaptés… au type de prothèse initialementdéterminé, le tout prenant en compte la valeur prothétique etle pronostic des dents en place. Être performant – et donccompétitif – en implantologie, c’est aussi proposer, chaquefois que possible, les dernières innovations validées scientifi-quement dans le but d’améliorer le confort du patient et lachronologie de la réhabilitation orale. Parmi celles-ci, la miseen charge immédiate des implants nécessite là encore de soli-des bases en prothèse … que peu de nos enseignements déli-vrent !Au total, c’est aussi par l’amélioration constante de l’enseigne-ment délivré (DESC, DU…) et le choix de domaine(s) d’exercicespécifique(s) que la place privilégiée du chirurgien maxillo-facial lui permettra de détecter, de retenir et d’appliquer lemeilleur des mondes médical, chirurgical et odontologique aubénéfice du patient et de lui garantir une reconnaissancemédiatique en net progrès depuis quelques mois…

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