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Dossier consommer autrement
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1
Consommer Autrement
CONSOMMATION
jeunes-socialistes.fr
2
Boîte à outils pour un nouveau modèle de développement
Aujourd’hui, en 2011, notre droit à l’avenir, à une
vie décente, est en péril. La société du tout-
consommation accroît les inégalités à toutes les
échelles et menace notre planète dans ses équilibres
climatiques et dans sa biodiversité : le point de non-
retour environnemental est atteint et l’accumulation
dans l’atmosphère de dioxyde de carbone CO2
engendrerait d’ores et déjà des conséquences
irréversibles pour le prochain millénaire.
En ef fet, nous consommons trop de viande, de blé,
de poisson : un tiers de la production céréalière
passe dans la nourriture des animaux pour nourrir
les pays développés, alors que deux milliards de
personnes sont mal ou pas assez nourries. Nos
ressources halieutiques, la biodiversité s’épuisent
tandis que l’agriculture productiviste pollue de
manière durable l’eau et le sol. Nous? En fait, pas
tout le monde, mais une par tie de la planète, et
une par tie de la population, qui laisse de côté
des « exclus » de la consommation frustrés par un
système productif, et un marketing productiviste.
Notre vie quotidienne est basée sur l’économie
du jetable, sur un excès d’emballage, sur des
produits bancaires et publicitaires qui poussent
constamment à consommer plus et plus souvent.
La question de la consommation, et donc de notre
modèle de développement, devient donc centrale
quand le mode de vie occidental ne devient
accessible pour l’ensemble de la planète qu’au prix
de sa dégradation irrémédiable. Il faut changer,
diminuer l’empreinte écologique de nos modes de
consommation, revoir les règles de l’économie,
encadrer, amoindrir les mécanismes de la société du
3
« tout-consommation », c’est l’objet de cette boite à
outils « consommer autrement ».
Ce suppor t se veut outil de réflexion et d’action. Alors
saisissez-vous de ces problématiques, répondez aux
aspirations de nos concitoyens en suscitant un débat
sur la publicité, sur les modes de consommation,
en menant une action coup de poing avec des
associations, collectifs, et ensemble lutter contre le
gaspillage énergétique ou défendre les droits des
consommateurs. Des fiches de lecture, des ar ticles
sur l’emballage et le recyclage, sur l’éco-conception,
sur la croissance, au service d’un nouveau modèle
de développement qui intègre Nords et Suds vous
permettront d’alimenter le débat. Mais ce nouveau
modèle passe aussi par une autre fiscalité de
la consommation qui serait progressive et donc
socialement juste, par un encadrement de la publicité
et du crédit pour en finir avec le monde du jetable, de
l’éphémère, de l’ostentatoire.
C’est donc bien une révision globale de nos pratiques
à laquelle nous appelons. Définir des critères pour
une croissance qualitative, c’est l’enjeu d’une
économie sociale : une entreprise ambitieuse, mais
tellement enthousiasmante.
4
Le capitalisme mondialisé, à l’aube du
XXIème siècle, est de plus en plus décrié
: les inégalités mondiales se sont accrues,
les flux financiers incontrôlés menacent la
stabilité de l¹économie, et la course au profit
de cour t terme menace l¹environnement. Le
capitalisme est pleinement soutenu par une
société du tout-consommation qui depuis la
seconde guerre mondiale, est devenu une
norme mondiale, par une cer taine uniformi-
sation des compor tements. Depuis la chute
du mur, plus de contre-modèle face aux
produits standardisés, dont les mérites sont
scandés par une publicité omniprésente, qui
fait de l’homme un consommateur avant
d’être un citoyen. Le nouveau modèle de
développement que nous proposons passe
par une croissance qualitative et le dépas-
sement de la société du tout-consomma-
tion, c’est l’objet de cette première par tie. Ce
nouveau modèle passe ensuite par de nou-
velles normes de production et enfin par de
nouveaux modes de consommation, trans-
formations qui font l’objet des deux par ties
suivantes.
Une croissance qualitative
La croissance serait la recette absolue à tous
les maux de la société. Pour créer de l’em-
ploi, il faut de la croissance, pour relancer
l¹économie, il faut relancer la consommation.
Ce modèle de développement fondé sur la
production de richesses, sur un mode de
vie dispendieux dans les pays développés,
n’est pour tant plus viable. La consommation
croissante de viande des pays développés,
par exemple, a atteint un tel niveau qu’un
tiers des céréales nourrissent des animaux
tandis qu’un milliard de personnes sont
sous-alimentés. Les réserves halieutiques
s’épuisent tout comme la biodiversité, qui
n’a pas connu pareille crise depuis la dis-
parition des dinosaures, et si tout le monde
vivait comme les Américains, il faudrait 9
planètes pour produire les biens équivalents.
Comme socialistes et favorables à une puis-
sance publique for te nous ne pouvons par-
tager toutes les positions de la « décrois-
sance », mouvement qui remet en cause la
Capitalisme, consommation, croissance, même combat ?
5
société de consommation, notamment sur
l’autarcie. En revanche, nous pouvons uti-
liser leurs arguments pour por ter un projet
de croissance qualitative, à travers de nou-
veaux modes de production et de consom-
mation, de nouveaux indicateurs de déve-
loppement qui intègrent la qualité de vie, la
satisfaction des besoins essentiels. Nous
remettons en cause le super flu, le jetable,
l’obsolescence programmée de produits qu’il
convient d’acheter à nouveau pour « relan-
cer la consommation ». Au vu du désastre
social et écologique, nous devons réfléchir à
l’émergence d’une société post-croissance,
en définissant de nouveaux critères quan-
titatifs et qualitatifs, en mettant en œuvre
une planification écologique de l’économie
et donc de nouveaux modes de production.
Définir de nouvelles normes de production
Consommer « écolo » ne suf fit pas, la puis-
sance publique a son rôle à jouer pour
définir de nouvelles normes de production,
encourager les produits durables en favori-
sant l’éco-fonctionnalité ou en définissant de
nouveaux critères pour la TVA. Cette société
du plein emploi passe aussi par une recon-
version écologique de l’économie organi-
sée par l’Etat (construction de logements,
généralisation de l’isolation thermique, et de
l’agriculture biologique).
Le nouveau modèle de développement et
de croissance que nous proposons passe
par de nouvelles normes de production :
des appareils électroménagers moins éner-
givores, la mise en œuvre de la responsa-
bilité élargie du producteur, en matière de
recyclage notamment.
Changer nos modes de consommation
La protection de l’environnement passe par
la réduction des inégalités et la remise en
cause de compor tements « somptueux » de
la par t des élites qui ne font qu’encourager
la frustration et l’envie de consommer tou-
6
jours plus, qui créent les dif ficultés sociales
(surendettement, frustration) et renforcent
l’individualisme. Le « acheter plus et encore
plus » a augmenté les inégalités sociales
et seule une société qui en aura fini avec
le culte de la croissance permettra de les
réduire. Cette situation est largement due à
une publicité omniprésente dans l’espace
public et privé, véritable moteur de cette so-
ciété, qui aiguise et guide les désirs vers un
achat compulsif et super flu. Cette publicité
por te dans l’inconscient un mode de vie uni-
forme qu’il faut adopter à tout prix, dès le
plus jeune âge. Pour autant, ceux qui n’en ont
pas les moyens aujourd’hui doivent pouvoir
consommer, accéder aux besoins essentiels,
tels que le chauf fage ou une alimentation
de qualité, dans le cadre d’une augmenta-
tion globale des bas et des moyens salaires,
et d’une autre fiscalité de la consommation.
C’est la relance sociale et écologique que
nous avons proposé dans le Pacte pour les
jeunes en avril 2011.
Pour changer nos modes de consommation,
nous voulons favoriser des circuits cour ts de
commercialisation, amener les collectivités
territoriales à mieux encadrer la publicité et à
agir par ses commandes et marchés publics
(2/3 des investissements publics) pour orien-
ter les compor tements des entreprises. Selon
l’enquête Trend Observer 2008 de l’institut
Ipsos, six français sur dix sont d’accord avec
l’idée que, pour améliorer la qualité de vie,
il faut réduire la consommation. Le progrès
social, c’est être capable de refouler pro-
gressivement l’aire économique consacrée
à la réalisation du seul profit, c’est retrouver
la par t de gratuité et de responsabilité qui
permet l’épanouissement des relations hu-
maines, remplacer l’hégémonie de la quan-
tité par celle de la qualité.
Dénoncer les désagréments sur l’’environne-
ment dus au capitalisme ef fréné, continuer
la conversion écologique de nos modes de
production, revoir nos modes de consom-
mation, privilégier la réduction des inégali-
tés dans l’accès aux biens communs, voilà
notre horizon. Notre projet de société revoit
nombre de nos pratiques quotidiennes en
terme d’’alimentation, d’énergie, de dépla-
cement, de santé, de logement, mais aussi
médiatiques et culturelles. Si de nombreuses
initiatives locales ont déjà surgi, elles restent
isolées, inconnues les unes des autres. Nous
voulons réorienter les ef for ts de la puissance
publique pour les généraliser, por ter un autre
projet de croissance et de développement
en consommant autrement.
7
La redéfinition de nos modes de consom-
mation est une des réponses à la néces-
sité d’assurer un modèle de développement
soutenable pour les générations futures.
Mais elle ne se suf fit pas à elle-même. En
tant que Jeunes Socialistes, nous récusons
tout modèle de politique environnementale
dont l’alpha et l’oméga serait la responsabi-
lité de l’individu en tant que consommateur.
Une telle conception, por tée par la droite, est
basée sur la culpabilisation de l’individu de
ses choix directs ou de sa situation person-
nelle (exemple de la taxe carbone telle que
proposée par l’UMP). Nous voulons un mo-
dèle de production permettant de répondre
au défi de découpler la croissance écono-
mique, de la consommation de ressources
d’une par t et de la production exponen-
tielle de déchets que ce modèle engendre,
d’autre par t. Autrement dit, d’être en mesure
d’assurer le plein emploi et la création de
richesse en promouvant une économie de
service plus juste et plus durable.
L’obsolescence programmée, une stratégie à décrier.
Les logiques de productions actuelles sont
basées sur un modèle économique régi par
la consommation de biens produits et par
la loi de l’of fre et de la demande. Il est par
conséquent assez simple d’envisager que
pour améliorer la demande, les entreprises
cherchent à renouveler au plus vite leur parc
de produits, et donc à baisser la durée de
vie de ces derniers. Cette stratégie por te un
nom : l’obsolescence programmée. On l’ob-
serve couramment dans tous les secteurs
économiques : dans le secteur du textile, par
exemple, ou lorsque cer taines firmes infor-
matiques changent de formats par défaut
pour contraindre les utilisateurs à procéder à
une mise à jour onéreuse de leurs logiciels.
Dans le cas des produits électroménagers,
électroniques ou automobiles, cer tains pro-
ducteurs vont jusqu’à programmer la dété-
rioration d’une par tie des pièces après un
temps donné (au-delà de la garantie) de
sor te à pousser le consommateur à ache-
ter un nouveau produit. Il va de soi que la
De nouveaux modes de production : L’économie de fonctionnalité
8
plupar t de ces produits ont une très for te
empreinte écologique, tant en amont, au
niveau de leur production (consommation
de métaux rares, production en série, non
prise en compte en amont de la production
de déchets), qu’en aval, c’est à dire en fin
de vie, car ils sont complexes à traiter et pro-
duisent de nombreux déchets.
L’économie de fonctionnalité : revoir ses modes de distribution et de production pour réconcilier l’économique et l’environnemental.
D’autres modèles productifs en revanche
peuvent induire une inversion de ces lo-
giques, c’est notamment le cas de l’économie
de fonctionnalité, qui consiste à substituer à
la commercialisation d’un bien matériel, la
fourniture du service correspondant à la fonc-
tion exercée par ce bien. L’idée est de rendre
le producteur propriétaire et responsable du
bien produit pour l’inciter à tirer davantage
ses bénéfices d’économies de matière et
d’énergie qu’il réaliserait par anticipation,
que d’une attitude ultra-consommatrice et
productrice de déchets, escomptée de la
par t du consommateur. Propriétaire du pro-
duit, il sera dans son intérêt économique de
minimiser la quantité de déchets produite
par le bien en fin de vie, contrairement aux
logiques actuelles, ou le poids du traitement
des déchets por te sur les par ticuliers et les
collectivités territoriales. De même, il sera
dans son intérêt d’aller aux antipodes de
la logique d’obsolescence programmée en
privilégiant le réparable et le réutilisable au
tout-jetable.
La réussite des diverses applications de ce mode de production
Parmi les plus connus Xerox, qui fournit un
service de location de photocopieurs. Res-
tant propriétaire de ses biens, l’entreprise
a intégré la récupération de ses maté-
riaux en fin de vie dans son processus de
production si bien que ses photocopieurs
contiennent actuellement 80 à 90% de
pièces anciennes. Dans la même veine la
société Michelin s’est spécialisée dans la
gestion des pneumatiques pour les entre-
9
prises de transpor t routier professionnel. Il
en résulte une meilleure gestion de la durée
de vie des pneumatiques, dans la poursuite
d’un double but : la réduction de consom-
mation de carburant des véhicules de trans-
por t routier (réduction avérée de 5 à 10%) et
le maintien opérationnel le plus longtemps
possible des pneumatiques pour éviter des
coûts trop élevés en terme de récupération
et de traitement des pneus usagés. Par ail-
leurs ce modèle encourage le recyclage des
pneus (de nombreuses techniques ont été
développées en ce sens, parmi lesquelles
le re-creusage de pneus...). Il y a encore le
modèle « vélib’ » décliné par la plupar t des
grandes villes de France, qui consiste en la
location de vélos pour un temps donné. De
même Electrolux a mené une expérience
concluante de mise à disposition gratuite de
machines à laver le linge, avec un paiement
en fonction des cycles de lavages unique-
ment. Citons également le projet d’Inter face
qui visait, en matière de vente de moquette,
en la fourniture et l’entretien pour 20 ans de
carrés de moquettes de bureau. Enfin, en ce
qui concerne l’agriculture, les Associations
pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne
(AMAP) garantissent un prix moins cher pour
les usagers-consommateurs du fait de l’ab-
sence d’intermédiaires entre l’acheteur et le
producteur. Il limite également le gaspillage
dans la mesure où les contrats d’achat
sont élaborés conjointement entre le pay-
san et l’acheteur, en fonction des besoins
de l’acheteur mais aussi en fonction de la
production du producteur et des éventuelles
per tes de la saison.
Ce modèle, présent dans de nombreux et
divers secteurs, semble par faitement trans-
posable à d’autres domaines encore (télé-
phonie mobile, chauf fage…). Véritable mo-
dèle alternatif au modèle actuel, dans la
mesure où il nous enseigne le renoncement
accepté et consenti à la propriété privée, au
profit de la propriété collective, ou encore
parce qu’il nous invite à repenser la structu-
ration des filières de production en vue d’en
faire des filières durables, respectueuses
des travailleurs et basées sur des rappor ts
10
de réciprocité entre l’usager et le prestataire.
En dehors des retombées environnemen-
tales, l’économie de fonctionnalité présente
des avantages cer tains en termes d’emploi,
comparativement au modèle de production
actuel : elle crée en ef fet un gisement d’em-
plois non délocalisables, dans les domaines
de la maintenance et de la réparation, et elle
promeut par ticulièrement l’emploi dans les
services de suivi et de soutien à la clientèle,
c’est-à-dire qu’elle tend à mettre en relation
les deux bouts de la chaîne de production.
L’éco-conception, ou l’approche « produit »
Depuis plus d’une décennie, les exploitants
désireux de produire en respectant davan-
tage l’environnement, développent une ap-
proche centrée autours du produit : l’éco-
conception. Cette démarche vise à intégrer
les contraintes environnementales à chacune
des étapes du cycle de vie du produit (pro-
duction, extraction des matières premières,
utilisation…). L’éco-conception est en outre
une approche multicritère, c’est-à-dire
qu’elle s’intéresse à tous types d’impacts
environnementaux, mais également une
approche très normée et scientifiquement
documentée.
L’approche territoriale : L’écologie industrielle, ou l’économie circulaire.
En dehors de l’approche produit, une autre
approche à l’état de développement, est
basée sur l’aménagement du territoire au
niveau des parcs d’activités et industriels.
Elle par t du constat que le fonctionnement
de notre société est basée sur une consom-
mation infinie de ressources et une produc-
tion infinie de déchets. Ce fonctionnement,
bien évidement non soutenable, doit profon-
dément changer pour tendre et s’approcher
vers celui d’un écosystème. Très concrè-
tement, il s’agit de créer des synergies de
matière et d’énergie, entre les dif férents ac-
teurs d’un parc industriel pour minimiser ses
impacts : « les déchets des uns deviennent
les ressources des autres ». De nombreuses
expériences et cas pratiques ont montré que
le succès d’une telle démarche implique une
coopération, une transparence, et une soli-
darité entre les dif férents acteurs d’un même
territoire. La mise en place d’une démarche
d’écologie industrielle va à l’encontre des
logiques entrepreneuriales établies actuelle-
ment.
L’essor des stratégies marketing, la fragmen-
11
tation des foyers, l’accélération et l’individua-
lisation de nos modes de vie ont initié une
évolution de l’of fre de produit, traduite par
une augmentation impor tante du nombre
d’emballages. Et pour cause, en moyenne
7% de la matière qui ser t à fabriquer un bien
se retrouve dans le produit final. De même,
99% des ressources prélevées dans la na-
ture deviennent des déchets dans moins de
42 jours. S’ils sont, dans la majorité des cas,
jetables et éphémères, les emballages ne
sont pas pour autant super flus : leur fonction
est triple. Le premier rôle de l’emballage est
d’assurer une conservation du produit afin
qu’il puisse être utilisé, transpor té et consom-
mé de manière optimale. L’emballage ser t
également à délivrer des informations es-
sentielles sur le produit, sa composition, ses
labels éventuels et les dispositions ou pré-
cautions d’utilisation. Enfin, l’emballage a
une fonction markéting, son but est d’attirer
l’attention du consommateur au moment de
sa commercialisation. La fonction marketing,
bien qu’étant la plus super flue est celle qui
tend à primer. Dès lors, il serait per tinent de
s’interroger sur l’évolution de nos modes de
production et de consommation si les pro-
duits étaient emballés de manière uniforme
et ne contenaient uniquement des informa-
tions objectives sur le produit, sa qualité, son
empreinte écologique, les conditions sociales
autour de sa production. Ces réflexions vont
à l’inverse des objectifs de la directive du
européenne du 5 septembre 2007 qui sont
d’« optimiser la concurrence dans l’industrie
» en assurant la « liber té de choix entre dif-
férents emballages », ouvrant ainsi la por te
à une inflation impor tante du suremballage.
Les indicateurs actuellement en place pour
évaluer la situation des emballages sont lar-
gement discutables : si l’on observe depuis
5 ans une baisse en tonne des déchets
issus des emballages chaque année, ce
fait n’est absolument pas révélateur d’une
baisse des impacts environnementaux liés à
ceux-ci. Une bonne manière d’illustrer ce fait
serait de considérer une bouteille en verre
à côté d’un film plastique : la première est
lourde mais totalement iner te chimiquement
et recyclable à 100%, le deuxième est très
léger, mais très impactant, et non recyclable.
La disparition de la consigne des bouteilles
Emballages : stop au gaspillage !
12
en verre pour les par ticuliers est le fruit d’un
travail de lobbying des producteurs d’embal-
lages, au motif que le lavage des bouteilles
serait plus impactant que la production et le
recyclage de bouteilles plastiques.
La responsabilité élargie du producteur, c’est quoi ?
En France, la responsabilité élargie au pro-
ducteur lui confère le devoir d’assurer l’élimi-
nation, ou la valorisation des déchets. Pour
ce faire, ce dernier a la possibilité de traiter
directement les déchets, ou d’adhérer à un
organisme tel qu’éco-emballage : c’est le
fameux point ver t don le logo est souvent
pris à tor t pour celui du recyclage. Ainsi, le
producteur verse par emballage une contri-
bution à l’organisme qui subventionne les
collectivités pour la mise en place de filières
d’élimination et de valorisation. Cependant,
les contributions versées à l’éco-organisme
sont trop faibles pour être dissuasives et
n’intègrent pas les impacts de l’emballage
dans leur cout. D’autre par t, le statut privé
de l’éco-organisme peut également nous
interroger. En ef fet, ce dernier a tendance à
défendre les intérêts de ses adhérents: les
entreprises productrices d’emballages. C’est
ainsi que cer taines collectivités se sont vu
refuser a postériori la subvention de guide
de tri des déchets, pour avoir promu la
consommation d’eau du robinet plutôt qu’en
bouteille. A la suite des scandales en 2008
autours d’éco-emballage impliquant le pla-
cement de fonds dans des paradis fiscaux,
la loi Grenelle II préconise l’intégration d’un
censeur d’État mais aucun décret n’a encore
13
défini ni ses missions, ni son mode de dési-
gnation.
Force est de constater par ailleurs, qu’en
bout de chaine, des taux très impor tants de
refus de tri demeurent, malgré les politiques
volontaristes développées par cer taines col-
lectivités territoriales pour sensibiliser les
citoyens à la nécessité du tri, ainsi qu’aux
bonnes consignes (guides de tri, af fichage,
ambassadeurs…). On peut enfin souligner
le caractère disparate du tri en France : la
couleur des conteneurs et les filières de re-
prises varient considérablement d’un endroit
à l’autre.
Des propositions pour lutter contre l’économie du jetable
• L’encadrement du marketing sur les em-
ballages.
• La substitution de l’éco-organisme privé
par un établissement public à caractère
industriel et commercial (EPIC), à l’instar de
l’ADEME.
• Le remplacement de la contribution par
une redevance versée pour chaque em-
ballage, et dont les taux sont fondés sur
l’éco-conception. Ces derniers devront re-
vêtir un caractère incitatif et dissuasif.
• Une étude indépendante sur la mise en
place d’une consigne à bouteilles pour les
par ticuliers à l’échelon national.
• La mise en place d’un plan national d’uni-
formisation des filières de recyclage.
• La mise en place d’un code de couleur
standard pour les conteneur, ainsi que
d’un af fichage correspondant sur chaque
emballage afin de simplifier considéra-
blement le tri pour les usagers (exemple
: pastille jaune -> poubelle jaune, pastille
bleue -> poubelle bleue… )
14
La TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée) a été
instaurée en 1954. Principale recette fiscale
de l’État français, elle touche les biens de
consommation de manière pratiquement
uniforme.
Un impôt indirect, parce qu’il n’est pas
directement prélevé sur les revenus des
citoyens, mais ôté lors des achats de biens
par les ménages. Les entreprises le col-
lectent et le reversent à l’État. Si l’entreprise
doit payer de la T.V.A à ses fournisseurs, elle
peut la déduire directement de la somme à
reverser à l’État. En cas d’excédent, l’État lui
reversera la somme correspondante au sur-
plus entre TVA collectée et TVA déductible.
Un impôt jugé injuste, parce que pro-
portionnel : chaque consommateur est
soumis à un taux fixe, sans distinction de
situation sociale ou encore quelque soit le
bien acheté. En ef fet, le taux de base est
de 19,6%, par opposition à l’impôt progressif
dont le principe est que chacun paye un taux
dif férent, puisqu’il est calculé en fonction
du revenu perçu (les plus pauvres payent
moins, les plus riches davantage). En cela, la
TVA est un impôt profondément injuste.
Peut-on modifier les taux de TVA ?
La révision de la TVA, un terrain impra-
ticable ? Dans les pays de l’Union Euro-
péenne, six directives sont venues encadrer
la TVA, mais également les prérogatives des
États en la matière. Il en résulte qu’un taux
minimal a été fixé à 15%, mais aucun aucun
taux maximal n’a été déterminé, alors que
dans cer tains États membres, le taux peut
atteindre jusqu’à 25%. Par ailleurs les pré-
rogatives des États en matière d’assiette
-c’est à dire la base sur laquelle l’impôt est
levé - et de territorialité - à savoir l’endroit
où la TVA est levée – manquent de clar té et
de précisions. Cette limite tient par ticulière-
ment au fait que pour pouvoir modifier ces
modalités, la condition d’unanimité de tous
les États membres est requise. Or, cet impôt
est par ticulièrement apprécié par des néo-
libéraux européens émanant de l’école du
« Public Choice », ou encore par les idées
de deux professeurs de Stanford, Rober t E
Peut-on faire de la TVA un impôt juste et écologique ?
15
Hall et Alvin Rabushka qui prônent dans un
ouvrage intitulé « The flat Tax » un impôt
propor tionnel global et unique de 19% sur la
consommation.
Un impôt juste et écologique : une
entreprise réalisable. La marge de ma-
nœuvre semble au premier abord donc
bien limitée. Mais la révision de la TVA n’en
semble pas moins impor tante, en ce qu’elle
comprend un double volet inéquitable : Elle
ne prend ni en compte la qualité sociale des
produits qu’elle taxe, ni leur empreinte écolo-
gique. Mais comment faire évoluer cet impôt
? Sa révision implique d’en finir avec la pro-
por tionnalité, combat essentiel comme l’ex-
plique la Loi d’Engel qui stipule que lorsque
le revenu augmente, la par t des dépenses
de première nécessité diminue. Il en résulte
des conséquences assez simples du point de
vue de la justice sociale : une même somme
– ou un même taux – ne représente pas la
même valeur par rappor t à leur revenu. En
ef fet, pour les bas revenus, une variation de
10 euros représente des dépenses de pre-
mière nécessité en plus ou en moins, alors
que pour les hauts revenus, cela ne repré-
sentera que des dépenses de confor t ou de
l’épargne en moins. Nous jeunes socialistes
refusons cette atteinte à la justice sociale,
et décrions l’aberration faite lorsque les
consommateurs de revenus dif férents paient
le même taux sur leurs achats.
Rétablir une forme de progressivité
Il convient de rétablir une forme de progres-
sivité dans le calcul du taux de TVA. Non pas
qu’il s’agisse de se baser sur les revenus
des citoyens (en pratique ce serait très com-
plexe), mais il serait possible d’établir une
progressivité selon les types de produits,
16
autrement dit faire de la TVA un impôt dif fé-
rencié à la dépense comme préconisé dans
les années 1970 par Fernand Oulès, profes-
seur d’économie et André Margairaz, fisca-
liste praticien. Cela consisterait à pratiquer
une exonération sur les achats de première
nécessité ou à leur appliquer un taux réduit
(2.1%), à retrancher un taux modéré aux dé-
penses de consommation courante (de 2.1%
ou 5.5%), à prélever un taux plus impor tant
aux dépenses de confor t (33%), et à défal-
quer un taux très élevé pour les dépenses
de luxe ostentatoire (49%). D’ores et déjà, la
TVA connaît un grand nombre de taux déro-
gatoires, accordés à quasiment l’ensemble
des pays européens. Ainsi en France, trois
taux sont observables : 19.6%, 5.5% (res-
tauration) et 2.1%. C’est-à-dire deux taux
en-dessous du minimum fixé par les direc-
tives européennes. Par ailleurs, s’il existe
une limite minimale (15% en théorie), aucun
taux maximal d’imposition n’est prévu pour
la TVA dans les directives européennes. Ces
éléments nous confor tent donc dans la fai-
sabilité de la réalisation d’un tel projet.
Prendre en compte les externalités négatives
Pour faire de la TVA un impôt social et éco-
logique, son calcul doit prendre en considé-
ration les externalités négatives issues de
l’activité économique engendrée pour créer
le produit. Opérationnellement il s’agirait de
desservir par une accentuation du taux, au
nom des per tes sociales et environnemen-
tales engendrées, les produits provenant
d’activités économiques for tement pol-
luantes, ou for tement génératrices de dé-
gâts sociaux.
Sur le plan social, les ef for ts devraient se
concentrer sur la provenance du produit et le
respect des droits sociaux attenants. Il s’agit
de prêter attention aux droits et protections
octroyées aux salariés dans le pays d’ori-
gine du produit, mais aussi les pratiques de
l’entreprise elle-même : nombre d’heures de
travail, horaires des salariés, rémunération
des salariés par rappor t aux dirigeants, res-
pect de la dignité humaine et interdiction du
travail des enfants…
Un réflexe déjà pratiqué par de nombreux
organismes financiers en matière d’investis-
sement dit « socialement responsable ».
Mais aussi tenir compte de l’empreinte éco-
logique globale du produit afin d’éviter que
la taxe soit basée sur le seul critère carbone,
qui est purement et simplement inef ficace
écologiquement, quand elle n’est pas direc-
tement génératrice de marchés d’émissions
carbone. L’empreinte écologique est en par-
tie héritière de propositions nées après la
Seconde guerre mondiale du cerveau d’un
industriel fondateur de l’entreprise de cos-
métiques L’Oréal, Eugène Schueller. Ce der-
nier proposait un impôt sur l’énergie de base
utilisée pour réaliser un produit. Il s’agirait
concrètement de faire varier le taux de la TVA
en fonction d’une empreinte écologique du
produit calculée sur la base de l’énergie, des
matières premières nécessaires ainsi que
des déchets produits par le cycle de produc-
tion et de consommation dudit produit.
17
Depuis le dernier élargissement, l’Union
Européenne compte plus de 500 millions de
consommateurs. L’ambition, c’est de s’ef for-
cer de garantir un haut niveau de protection
afin de viser une société à risque zéro. Il s’agit
d’accroître la transparence sur les produits,
de limiter les perversions de ce système pro-
ductif qui, on l’a vu récemment avec l’af faire
du Médiator, met gravement en danger la
santé de l’ensemble des citoyens européens.
L’objectif, c’est de garantir les mêmes droits
par tout dans l’UE avec le même degré d’exi-
gence. Comprenant que les commerçants et
industriels sont déjà grandement débiteurs
envers les consommateurs, rien n’empêche
néanmoins de compléter leur devoir d’infor-
mation aux qualités intrinsèques du produit
ou service, de les obliger à fournir l’empreinte
carbone ou l’intensité de main d’œuvre four-
nit dans tel ou tel pays. Encadrer strictement
les espaces horaires et géographiques est
aussi concevable.
Admettre en droit francais les « class action »
Une proposition consisterait à admettre en
droit français les « class action », ce que le
MEDEF a toujours refusé. Il s’agirait de per-
mettre à un ensemble de consommateurs
victimes du même dommage causé par
un industriel ou un professionnel d’engager
de manière conjointe sa responsabilité. On
verrait ainsi un fabriquant de médicament
devoir répondre d’une même plainte soute-
nue par des centaines voire des milliers de
consommateurs victimes. Le rappor t de force
se verrait donc inversé. Par ailleurs, il existe
encore des dif férences impor tantes dans les
législations des États membres. Inscrire la
protection des consommateurs dans les lé-
gislations nationales n’a que peu de valeur
pour le consommateur si la réglementation
n’est pas correctement appliquée. En mo-
difiant la réglementation et en la dif fusant
plus largement on peut réellement insuf fler
une nouvelle dynamique dans les modes de
production. Nous devons de faire pression
au parlement européen et à la commission
Protection des consommateurs : Agir à l’échelle européenne pour influer sur les modes de production du 21ème siècle
18
européenne qui ont compétence en la ma-
tière pour édicter directives et règlements à
l’échelle communautaire.
Installer des permanences de consommateurs dans les supermarchés
L’installation de permanences d’association
de protections des consommateurs dans
les supers marchés permettrait de briser la
barrière consommateur/ association de pro-
tection serait souhaitable pour la défense
des droits des consommateurs. L’obligation
de faire figurer en grande taille sur le produit
vendu, un numéro ver t qui fournira les coor-
données d’associations de consommateurs
serait aussi un moyen de renforcer le droit
des consommateurs. Notre objectif n’est
pas la sur-réglementation mais la transpa-
rence et l’accompagnement pour sensibiliser
les consommateurs. En ef fet, si la voix des
consommateurs a davantage été entendue
au Parlement et si nous avons obtenu un
cer tain nombre d’avancées (en matière de
téléphonie mobile, d’encadrement de la pu-
blicité alimentaire et de santé), le Parlement
européen se montre encore frileux. Compte
tenu des nombreux projets consuméristes à
venir et du probable renforcement de leurs
pouvoirs si le traité de Lisbonne est adopté
dans les mois à venir, il est crucial que les
futurs députés européens soient les por te-
voix des consommateurs.
Un « pacte consumériste » pour améliorer l’information des consommateurs
Le Beuc (Bureau européen des unions de
consommateurs), dont l’UFC-Que Choisir est
membre fondateur, a lancé un appel à signer
un pacte consumériste avec huit priorités
concrètes dans les domaines de l’énergie,
de l’alimentation, de la santé et de la sécu-
rité des consommateurs, des services finan-
ciers, de l’univers numérique, des contrats de
consommation. Parce que agir ef ficacement
et durablement passe par une coopération
étroite entre les Etats membres dans l’éla-
boration d’une législation européenne plus
précise afin de responsabiliser les consom-
mateurs individuels, en par ticulier les jeunes,
par l’intermédiaire de projets pédagogiques
fondés sur les réseaux éducatifs existants et
de campagnes d’information ciblées. Mais
aussi d’améliorer la sécurité des consomma-
teurs par une meilleure coopération entre les
autorités des États membres, ainsi qu’entre
l’UE et ses par tenaires commerciaux intéres-
sés. Parallèlement, réviser la législation pour
renforcer l’homogénéité et permettre aux
consommateurs d’évoluer dans un environ-
nement juridique plus prévisible. Enfin, il est
essentiel de collecter et analyser des don-
nées sur les questions de consommation à
l’échelle européenne afin d’orienter les prio-
rités de la politique des consommateurs et
d’améliorer la qualité du processus décision-
nel européen.
19
Modes de production durables, société
sobre et conviviale, réglementation du cré-
dit, de la publicité, de la grande distribu-
tion, et réduction, en général, de la sphère
marchande au profit des activités non-mar-
chandes (activités citoyennes, systèmes
d’échange mutuel...) ... Comment ensuite, en
tant qu’organisation politique de jeunesse et
d’éducation populaire, por ter ce projet, le dé-
fendre, et le dif fuser, face à la superstructure
sociale qu’est la société du tout-consom-
mation? Actions militantes innovantes, pro-
positions novatrices à l’échelle nationale ou
locale ou encore projets communs à mener
avec les par tenaires évoqués, en matière
d’économie sociale : le but ici est de pré-
senter quelques formes d’action originales
de collectifs ou d’organisations de jeunesse.
• «faites l’amour, pas les magasins» (jeunes
socialistes/jeunes ver ts de Genève): Ces
organisations de jeunesse se sont mobi-
lisées lors d’une votation cantonale sur
l’ouver ture des magasins le dimanche et
le soir de 19 à 21h. Cette campagne mili-
tante et festive, «Faites l’amour, par les
magasins !» avec des af fiches, des tracts,
des distributions de préservatifs, bien re-
layée par la presse, a permis de por ter un
vrai projet pour le temps libéré.
• «Le vrai prix des produits» (Jeunes Socia-
listes du Finistère) Les jeunes socialistes
bretons contactent les producteurs locaux
pour connaitre les prix en vente directe
(fruits, légumes, viande, lait) et installent
un étiquetage sauvage des produits dans
les supermarchés pour dénoncer la marge
que prélèvent la grande distribution sur
les produits, au détriment des revenus des
producteurs.
• «le jeu de l’oie des jouets sexistes» (mix-
cité) Ce collectif dénonce à travers des
jeux de société le caractère sexiste des
jouets de noël pour enfants qui enferment
les garçons et les filles dans des couleurs,
des attitudes, des rôles dans la société.
• les actions anti-pub (résistance à l’agres-
sion publicitaire, déboulonneurs, casseurs
de pub) La publicité, aux mains de mul-
tinationales, représente non seulement
des milliards d’euros, mais aussi un outil
de la société du tout-consommation qui
construit du désir, engendre des déchets,
Quelles actions pour construire une alter-native à la société du tout-consommation?
20
oriente la société et les compor tements...
et envahit l’espace privé et public sans
contrôle. Les collectifs précités proposent
de limiter la taille des af fiches, tandis que
d’autres collectifs tels que RAP utilisent
des sif flets au cinéma lors des publici-
tés, recouvrent les panneaux lumineux
énergivores et dangereux pour les liber tés
publiques (connections bluetooth) avec
des réalisations ar tistiques. Nous pouvons
aussi inciter les nombreuses collectivités
de gauche à limiter par des règlements
l’emprise de la publicité dans les villes, ou
empêcher l’installation d’écrans publici-
taires à tout va.
• Bâtiments énergivores/ nuits sans lumière:
Tous les bâtiments qui restent allumés, tant
au dehors qu’au dedans, doivent légale-
ment être éteignables depuis l’extérieur.
Ces lumières représentent un gaspillage
d’énergie énorme. Alors pourquoi ne pas
les dénoncer avec de larges opérations
d’extinction?
21
Le crédit revolving est une forme de prêt dis-
tribué par des banques, des établissements
de crédits ou par des distributeurs tels que
Finaref, Cofinoga (grâce à des accords avec
de grandes enseignes commerciales telles
qu’Auchan, La Fnac, Dar ty, Ikea...), permet
de mettre à disposition d’un emprunteur
une somme d’argent sur un compte par ticu-
lier ouver t auprès de l’établissement prêteur
de ce crédit, de façon permanente et dont
il peut disposer à sa guise. Cette forme de
crédit, représentant 21% du marché pousse
les plus précaires vers le surendettement. En
ef fet la facilité d’obtention de ce type de cré-
dit, due à l’absence de vérification de sol-
vabilité dans 87% des cas pousse ainsi de
nombreux ménages, dans un contexte de
société du tout-consommation, à en em-
prunter toujours plus pour consommer plus.
Les for t taux d’intérêts exigés (15 à 20%) et
révisables en cours de contrat ainsi que le
fait que le volume de crédit disponible se
reconstitue au fur et à mesure des rem-
boursements ef fectués (c’est à dire qu’il se
recharge: revolving) entraîne un impor tant
risque d’insolvabilité. C’est ainsi que, selon
le rappor t de la commission Neier tz, on
constate que 96% des dossiers de suren-
dettement contiennent des crédits revolving
qui représentent 70% des crédits non rem-
boursés. Le client se retrouve alors pris au
piège, ne rembourse plus que les intérêts
d’emprunts et jamais le capital dû. Ce n’est
qu’en passant par la suppression du crédit
revolving, et de la publicité sur les crédits
qu’on luttera durablement contre le suren-
dettement des ménages les plus modestes
et de l’usure excessive. Cette interdiction du
crédit revolving proposée à de nombreuses
reprises par les socialistes a été rejetée par
la ministre de l’économie Christine Lagarde
fin 2008 : Elle souhaitait plutôt rendre les
prêts raisonnables. La politique économique
du gouvernement montre ici ses limites : on
ne peut durablement relancer l’économie et
la croissance quand on empêche toute pro-
gression du pouvoir d’achat et de la consom-
mation (augmentation des salaires, du SMIC,
des minimas sociaux) et lorsqu’on ne conçoit
qu’une économie d’endettement qui favo-
rise for tement les plus riches (les prêteurs) et
soutient une fois de plus la rente et le capi-
tal au détriment du travail et de l’emploi. La
récente crise des subprimes aux Etats-Unis
condamne les crédits démentiels et illimités.
Interdisons le crédit revolving !
22
Le résultat a été une crise mondiale dont les
économies se relèvent à peine.
La gauche, en 2012, devra aller plus loin que
la timide loi du 1er juillet 2010. Interdire le
décrit revolving ne doit pas nous dispenser
d’interroger les causes de son utilisation, qui
frappe les publics les plus fragiles et pour
qui ce type de crédit constitue souvent un
dernier recours. Au-delà de la limitation de
durée des crédits et de l’indication sur les
relevés bancaires du montant restant, le taux
d’usure doit baisser et de véritables prêts à
la consommation aux par ticuliers doivent
être facilités ainsi que les projets par ticu-
liers, sur tous les territoires, notamment dé-
laissés. Si nous pouvons nous satisfaire de
l’obligation de continuité de service faite aux
banques, sur la sor tie plus rapide du fichier
des incidents de paiements, obliger les
banques à clore les crédits revolving pour les
personnes surendettées ne suf fit pas. Au-
delà d’une interdiction des publicités sur le
crédit, d’un plafonnement des taux de prêts
à la consommation, c’est d’une interdiction
totale du crédit revolving que les Français et
notamment les plus modestes ont besoin.
Résolution du conseil national du 27 novembre 2010
23
Reflet de la société de l’ultra-consommation
et du marché roi, la publicité commerciale
doit aujourd’hui être encadrée et davan-
tage réglementée. Tout comme la finance,
elle a été laissée libre de tout contrôle de
l’autorité publique, au point d’être devenue
aujourd’hui l’activité mondiale au plus gros
chif fre d’af faire, devant l’armement. Profi-
tant du «temps de cerveau disponible» des
citoyens sur les medias, s’imposant dans les
paysages et dans les rues sur des vastes
panneaux, elle soumet l’esprit critique des
personnes en favorisant des désirs, en les
incitant à consommer, en organisant une
société du paraitre et de la super ficialité.
La société du tout-consommation n’est pas
seulement un danger pour la démocratie
quand elle pousse à plus d’individualisme et
à la satisfaction immédiate des désirs, elle
est aussi destructrice pour l’environnement.
Alliée au crédit, notamment revolving, et à
l’obsolescence programmée des produits,
elle produit une quantité phénoménale de
déchets, directement (papier publicitaire,
dont Leclerc promet la disparition... en 2020
!) et indirectement (en favorisant le rachat
d’objets toujours plus neufs).
Encadrer drastiquement la publicité, pour réduire une sur-consommation destruc-trice pour l’environnement !
24
37% des produits achetés ne sont utilisés qu’une fois !
C’est pourquoi, afin de construire une nou-
velle société juste, citoyenne, respectueuse
des consciences et formatrice de l’esprit cri-
tique, il est impératif de réduire l’espace pu-
blicitaire commercial et de le remplacer par
un espace citoyen et associatif, permettant
aux syndicats, associations, par tis politiques
et autres corps intermédiaires de par ticiper
plus ef ficacement à la vie citoyenne. Un
temps de formation civique et citoyenne doit
suppléer un temps de propagande commer-
ciale : l’école doit toujours plus développer
l’esprit critique et armer au décryptage de
l’information. Nous souhaitons l’abrogation
du code de bonne conduite des entreprises
en milieu scolaire et nous refusons que le
service public soit financé par la publicité.
Pour les jeunes socialistes, l’autre déve-
loppement, la démocratie revivifiée, l’éga-
lité d’autonomie que nous por tons dans
nos propositions passe par l’encadrement
drastique de la publicité : taxation impor-
tante de ses activités, limitation de la taille
des panneaux (proposition du collectif des
déboulonneurs d’un format maximum de
50*70), interdiction des panneaux lumineux
énergivores et un moratoire des collectivités
territoriales de gauche sur la publicité dans
l’espace public pour mettre en place de
nouveaux règlements locaux de publicité. En
matière d’espace privé, la publicité doit être
encadrée dans les médias par des cahiers
des charges rigoureux : interdiction de la
publicité dans les programmes dédiés aux
enfants, interdiction des publicités sexistes,
interdiction des publicités à caractère discri-
minant, notamment. A cet ef fet, une autorité
indépendante pour contrôler la publicité doit
être créée. L’expression publicitaire, qu’elle
soit culturelle, associative, à but social, syn-
dicale, politique ou commerciale doit être
remise sur un pied d’égalité.
Plus globalement, es jeunes socialistes sou-
haitent axer le débat sur la nécessité de
mettre en œuvre de nouveaux modes de
consommation : réduction des emballages,
responsabilité élargie des producteurs pour
organiser le recyclage, fiscalité écologique
tout en favorisant l’accès des plus démunis
aux ressources essentielles, à travers des
prix progressifs (par exemple, pour l’eau).
Nous dénonçons des « faux besoins » por-
tés par des agences publicitaires qui sont un
maillon essentiel du capitalisme financier qui
menace aujourd’hui la planète par sa course
au profit de cour t-terme.
Résolution du conseil national du 27 novembre 2010
25
Les jeunes socialistes veulent imaginer
de nouveaux modes de production et de
consommation, et les construire avec des
par tenaires extérieurs : le diagnostic de la
crise énergétique, écologique, climatique ne
suf fit pas, il faut aller de l’avant pour réflé-
chir aux valeurs de la société : Comment
construire une société qui valorise moins le
profil, et plus l’épanouissement individuel et
l’émancipation collective ? Cela passe par le
dépassement de la société du tout-consom-
mation. Nous ne sommes pas seuls pour
ébaucher un nouveau modèle de dévelop-
pement : des associations, des universitaires
se sont penchés sur la question de la publi-
cité qui crée le désir, du crédit qui asservit,
notamment les classes les plus populaires,
ou encore de l’obsolescence programmée
des produits. Voilà les acteurs avec qui nous
pensons que, localement comme nationa-
lement, il faut travailler, voilà les initiatives
que nous jugeons intéressantes (sans être
exhaustifs).
Désobéissance civile
les casseurs de pub : C’est une associa-
tion, un mouvement de pensée qui rejette
l’emprise de la publicité sur l’espace public
et privé et plus largement la société du tout-
consommation : casseursdepub.org
Sommes-nous des « casseurs », des gens
« pas bien dans leur tête », comme s’em-
ploient à le faire croire les publicitaires ? Non,
bien sûr. Au contraire, nous menons un com-
bat non-violent fondé sur l’argumentation. Si
nous sommes des « Casseurs de pub », c’est
parce que la pub est une machine à casser.
Une machine à casser la nature, l’humain,
la société, la démocratie, la liber té de la
presse, la culture et les cultures, l’économie
ou encore l’éducation.
Les publicitaires utilisent nos symboles pour
rendre nos contemporains dépendants de la
consommation. Ils manipulent les valeurs qui
nous permettent de nous humaniser afin de
nous faire acheter. C’est ainsi qu’ils réduisent
notre citoyenneté à n’être qu’une citoyen-
Quels partenaires pour construire une al-ternative à la société de consommation ?
26
neté d’achat. C’est ainsi qu’ils font basculer
la société entière dans la consommation.
Une société où la consommation n’est plus
un moyen mais une fin en soi. La pub réduit
à l’état de consommateurs malades et tou-
jours plus voraces. Vous savez de quoi ont
le plus peur les publicitaires ? Des gens qui
réfléchissent ! « Keep them simple and stu-
pid » (« Maintenez-les simplets et stupides
»), disait Bill Benbach, le patron de l’agence
de publicité DDB. Revenons au début. Pour-
quoi la pub est-elle une machine à casser la
nature ? Parce que la pub pousse les gens
à consommer toujours plus. La publicité ser t
à inventer de faux besoins pour écouler la
production toujours croissante d’objets du
système industriel. La planète ne peut plus
soutenir la boulimie des pays riches. Les res-
sources naturelles sont surexploitées pour
produire ces objets qui deviendront autant
de déchets polluants. Des hommes et des
femmes politiques, des associations, des
intellectuels, des citoyens luttent depuis
longtemps pour réduire l’emprise de la pub
dans la société. Il ne faut pas hésiter à les
rejoindre. Nous pouvons aussi entrer en ré-
sistance contre la société du tout-consom-
mation en pratiquant la simplicité volontaire,
en cultivant notre personnalité, notre vie inté-
rieure, en nous engageant en politique pour
le Bien commun. »
Le Collectif des déboulonneurs (deboulon-
neurs.org/ ) lance une action d’envergure na-
tionale contre le système publicitaire. Il s’est
crée en 2005, en région parisienne. Il sou-
haite l’ouver ture d’un débat national sur la
place de la publicité dans l’espace public et
la réforme de la loi de 1979 encadrant l’af fi-
chage publicitaire. Il souhaite qu’un nouveau
droit soit enfin reconnu : la liber té de récep-
tion, dont le droit pourrait prochainement
avoir une por tée constitutionnelle. Corollaire
de la liber té d’expression, chacun doit être
libre de recevoir ou non les messages dif-
fusés dans l’espace public. Il propose pour
cela que la taille des af fiches soit ramenée
à 50 x 70 cm. Devant l’iner tie des pouvoirs
publics, après de nombreuses années de
travail sur le terrain légal, les déboulonneurs
27
ont choisi la désobéissance civile symbo-
lique pour aler ter l’opinion et amener les élus
à faire évoluer la loi dans le sens de l’intérêt
collectif. Ils utilisent la désobéissance civile
pour se retrouver face aux tribunaux et ainsi
créer des jurisprudences qui prennent par t
au débat sur la pub. Par exemple, suite à une
action de barbouillage d’un panneau publi-
citaire, la justice a du trancher sur l’aspect
“légitime” ou “illégitime” de leur combat. Fin
heureuse, elle l’a jugé légitime, et le collectif
voit son action juridiquement crédibilisée.
Les chercheurs
Le CRÉDOC (credoc.fr), Centre de Recherche
pour l’Étude et l’Observation des Conditions
de Vie, est un organisme d’études et de
recherche au service des acteurs de la vie
économique et sociale. Depuis sa création,
il y a maintenant plus de 50 ans, le CRÉ-
DOC analyse et anticipe le compor tement
des individus dans leurs multiples dimen-
sions : consommateurs, agents de l’entre-
prise, acteurs de la vie sociale. Il a mis en
place depuis 1978 un dispositif permanent
d’enquêtes sur les modes de vie, opinions et
aspirations des Français
Baudrillard, « la société de consommation »
(1970) : Ce sociologue analyse la consom-
mation comme une manière de se dif féren-
cier qui structure les sociétés occidentales et
tient lieu de véritable morale
Gorz : Ecologica (2008) est d’abord le témoi-
gnage d’un pionnier de l’écologie politique.
Dans l’entretien qui introduit l’ouvrage, Gorz
indique qu’il est «devenu écologiste avant la
lettre» par la critique du modèle de consom-
mation opulent qui caractérise nos socié-
tés contemporaines. Il rend hommage ici à
la deuxième figure qui a marqué l’évolution
de sa pensée, Ivan Illich, par sa volonté de
réhabiliter la valeur d’usage au détriment de
la valeur d’échange. Gorz pense d’ailleurs
que la décroissance de l’économie est en
marche, mais pour lui, la question est de
savoir si elle prendra la forme d’une crise
catastrophique ou celle d’un choix de socié-
té auto-organisée, au-delà du salariat et des
rappor ts marchands. http://www.alterna-
tives-economiques.fr/ecologica-par-andre-
gorz_fr_ar t_699_36449.html
L’écosociétalisme : L’ écosociétalisme pro-
pose une alternative économique post-li-
bérale, implique le déclin des systèmes
financiers, boursiers et bancaires actuels.
Il répar tit équitablement le pouvoir d’achat
individuel, libère la monnaie en fonction des
biens et services produits, récupère immé-
diatement la monnaie lors de son utilisation
finale. http://www.letransmuteur.net/une-
alternative-de-societe-l-ecosocietalisme/
Les initiatives
Les slow cities : « Slow city » n’est pas une
ville. C’est un concept. Un espace non vir tuel
où le terme « conscience du temps » a rem-
placé « vivre à toute allure ». Conscience du
temps, conscience des autres, de soi-même,
de ce que l’on mastique…L’initiative « Slow
city » est née en 1999 au nord de l’Italie
28
lorsque les habitants d’une petite bourgade
viennent à refuser l’installation d’un McDo. Le
mouvement touche l’Europe entière, conquis
(rapidement !) plus d’une vingtaine de ville
qui s’engagent et se labellisent « Slow city
» puis se structure en réseau international,
administré aujourd’hui par Paolo Saturnini,
maire de Grève.
Un manifeste « Slow city » voit le jour avec
70 recommandations et obligations : Mise
en valeur du patrimoine urbain historique
en évitant la construction de nouveaux bâti-
ments, Réduction des consommations éner-
gétiques, Promotion des technologies écolo-
giques, Multiplication des espaces ver ts et
des espaces de loisirs, Propreté de la ville,
Priorité aux transpor ts en communs et autres
transpor ts non polluants, Diminution des
déchets et développement de programmes
de recyclage, Multiplication des zones pié-
tonnes, Développement des commerces de
proximité, Développement d’infrastructures
collectives et d’équipements adaptés aux
handicapés et aux divers âges de la vie,
Développement d’une véritable démocra-
tie par ticipative, Préservation et dévelop-
pement des coutumes locales et produits
régionaux, Exclusion des OGM. http://slow-
mouvement.wordpress.com/slow-city/
Les sociétés d’échanges mutuels : Un
exemple de consommation collaborative
avec http://www.consommationcollabora-
tive.com/13-conso-collaboration.html
La consommation collaborative décrit la ré-
cente explosion des formes traditionnelles
de par tage, troc, échange, location ou de
don rendue possible par les nouvelles tech-
nologies et le web collaboratif ou 2.0. Elle
ouvre la voie à de nouvelles possibilités de
consommation moins consuméristes…
L es objecteurs de croissance (voir fiche de
lecture « petit traité de la décroissance se-
reine » de Serge Latouche)
29
Les éco-villages : Le réseau mondial des
écovillages, «communautés rurales ou ur-
baines qui appliquent un fonctionnent social
solidaire et un mode de vie ayant un impact
écologique réduit.
Les organisations
Un syndicat agricole : la confédération pay-
sanne. Elle milite pour une agriculture pay-
sanne, respectueuse de l’environnement,
de l’emploi agricole et de la qualité des pro-
duits. Avec le réseau Via Campesina, elle
se bat pour une reconnaissance du droit à
la souveraineté alimentaire. Avec cette re-
vendication et sa par ticipation aux forums
sociaux, la conf est un acteur impor tant au
sein du mouvement social. Le syndicat est
solidaire avec les paysans du monde entier
face aux multinationales de l’agro-alimen-
taire. Il œuvre ajorité aux «agri-managers»,
pour un plafonnement par actif et depuis
des années pour une régulation publique
des marchés, seule solution pour permettre
une formation du revenu par les prix. Militant
avant tout pour que l’ensemble des paysans
et paysannes aient droit à un revenu décent
dans des conditions de travail acceptables et
ce pour des paysans nombreux, dans une
campagne active. «Pas de pays sans pay-
sans», disait leur slogan. En travaillant avec
les consommateurs (AMAP) et avec les pro-
ducteurs (agriculture paysanne biologique),
elle contribue à l’émergence d’un nouveau
modèle de développement.
Les associations de consommateur : elles
sont chargées de défendre les droits des
citoyens dans leur dimension de consom-
mateurs, c’est-à-dire d’achat de produits.
Elles peuvent les assister dans leurs litiges
avec une entreprise ou un organisme, mais
elles interviennent aussi auprès des États
et organisations internationales pour définir
des protections ou des normes protégeant
les consommateurs. Cer taines sont plus
investies que d’autres dans une réflexion
sur les modes de production et les modes
de consommation. En France, 18 associa-
tions sont considérées comme représenta-
tives : http://fr.wikipedia.org/wiki/Associa-
tion_de_consommateurs
30
Economiste français né en 1940, Serge La-
touche, contributeur historique de la revue du
MAUSS (Mouvement anti-utilitariste des an-
nées 1980) est le chantre du concept de dé-
croissance, qui remet en cause la croissance
économique, ses critères, ses objectifs, ses
conséquences, et prône un post-dévelop-
pement qui chercherait une alternative au «
libéral-productivisme ». Directeur du groupe
de recherche en anthropologie, épistémolo-
gie et économie de la pauvreté à l’Université
Paris 11 Sud, il s’est rendu célèbre par sa dé-
nonciation du développement économique,
même durable. Face à la crise économique,
sociale, politique, environnementale, por-
tée par le capitalisme, le développement
durable suf fit-il pour sauver la planète? La
définition de nouveaux critères pour définir
la croissance suf fira t’elle à assurer l’essor
d’un nouveau modèle de développement?
Le choix que font les par tisans de la décrois-
sance va plus loin: changer profondément les
modes de production et de consommation,
revoir de fond en comble les valeurs por-
tées par la société! Vaste programme, disent
cer tains, qui objecteront l’impossibilité de
renoncer à la croissance, dénonceront cette
lubie moyenâgeuse qui nous ramènerait à la
bougie et aux charrettes, ou, ce qui est plus
per tinent, équivaudrait à expliquer aux pays
du sud qu’ils n’ont pas le droit d’accéder au
niveau de vie des pays du nord.
Une planète qui ne peut plus supporter l’ « american way of life »
La Terre n’en est pas capable, puisqu’il fau-
drait 9 planètes et leurs ressources pour per-
mettre aux 7 milliards de terriens d’accéder
au niveau de vie des américains. Le but pour
la gauche, c’est de décor tiquer ce concept
de décroissance qui n’est pas le rêve irres-
ponsable de la régression mais la définition
d’un monde nouveau, de s’approprier ses
arguments, et d’enrichir le débouché poli-
tique en précisant le nouveau modèle de
développement, en donnant un contenu à
la société solidaire qui se substituerait à la
société du tout-consommation.
Que dit Latouche, que fait-il retenir de ses
arguments, et lesquels sont réfutables? On
Fiche de lecture : Petit traité de la décrois-sance sereine, Serge Latouche (2007)
31
peut d’abord retenir une excellente analyse
qui s’appuie sur des sociologues, des philo-
sophes et des économistes sur la «société
de croissance»: Marris, Baudrillard, Kempf et
Gorz sont cités pour préciser ses contours.
Ses ressor ts d’abord: l’addiction à la crois-
sance à travers «la publicité, qui crée le désir
de consommer, le crédit qui en donne les
moyens, et l’obsolescence qui en renou-
velle la nécessité». Latouche profile l’ennemi
numéro 1, la publicité, deuxième budget du
monde (après l’armement) avec 500 mil-
liards dépensés chaque année pour envahir
l’espace privé et public.
Les 8 R de la société conviviale
Latouche définit les 8 R qui permettront de
passer de la société de consommation à
la «société conviviale» qu’il appelle de ses
voeux, une société citoyenne du temps libé-
ré, libérée du travail aliénant et d’une société
de consommation frustrante:
• «réévaluer» pour que l’homme soit plus un
jardinier de la nature que son prédateur.
• «Reconceptualiser» pour donner la priorité
à l’humain sur l’économique et le profit,
pour réfléchir au temps de vie.
• «restructurer», plus concret: quelle recon-
version de l’appareil productif au service
des nouvelles valeurs de la société convi-
viale? Un exemple est proposé : transfor-
mer les moteurs de voiture en récupéra-
teur d’énergie.
• L’auteur propose de « redistribuer » les
richesses entre les générations, entre les
32
classes, et sur tout entre les continents et
aborde la problématique essentielle de
la dette écologique: le sud fournit les ali-
ments du bétail du nord, détruit ses forêts
pour cultiver du soja...Il faut redistribuer les
droits de tirage sur la biosphère !
• Latouche aborde la question de la «relo-
calisation», pour revenir aux produits lo-
caux, relocaliser l’emploi, inclure dans les
produits leur coût écologique, pour prôner
une réduction globale de l’empreinte éco-
logique.
• Il parle de « réduction » en indiquant un
nombre frappant : 80% des biens produits
ne sont utilisés qu’une fois.
• L’auteur évoque aussi la question du « re-
cyclage », notamment à travers l’exemple
ver tueux de l’entreprise Xerox qui recycle
tous les composants usagers.
Cer tains aspects du discours de Latouche
sont plus discutables : doit-on limiter la taille
des villes à 60 000 habitants comme le pro-
pose les slow cities ? Doit-on empêcher les
gens de voyager alors que la majorité des
français, par exemple, sont exclus du droit
aux vacances ? Doit-on organiser les déci-
sions et la relocalisation des activités autour
de bio-régions de proximité qui semblent
occulter le rôle nécessaire des états, des or-
ganisations continentales et internationales,
pour organiser la société...au profit du pro-
jet des «communes» cher aux anarchistes!
La définition de «besoins acceptables» ne
va t’elle pas à l’encontre des liber tés indivi-
duelles? L’auteur en est conscient, puisqu’il
dénonce le danger d’une solution «autori-
taire» à la crise écologique.
Une reconversion rapide de l’économie est possible
L’auteur propose les moyens de la mise
en œuvre de l’ «utopie concrète» qu’est la
décroissance. Il explique, à travers l’exemple
des Etats-Unis en 1942 que la reconver-
sion rapide d’une économie nationale est
réalisable. De nouveaux secteurs d’emploi
apparaitraient pour économiser l’énergie,
isoler les logements, pour le recyclage ou
la reforestation. Il propose de pénaliser les
dépenses de publicité, taxer le travail des
machines, tout en occultant comment un
nouveau protectionnisme dans une éco-
nomie mieux régulée pourrait favoriser la
dif fusion de normes sociales et environne-
mentales plus contraignantes. Il dessine une
société du temps libéré où le loisir, libéré
de la consommation, permettrait à tous de
créer, d’échanger, d’agir comme citoyen, et
serait tout aussi considéré qu’un travail qui
dure aujourd’hui moins longtemps (moins
d’un cinquième du temps éveillé contre un
tiers au début du siècle) mais prend plus de
place dans la vie.
En conclusion, le chantre de la décroissance
a le mérite de la clar té: il ne s’accommode
ni du capitalisme...ni du développement, et
notamment de son nouveau modèle por té
par les socialistes. Ainsi, il renvoie dos à dos
le socialisme productiviste et le capitalisme
libéral (dont il dénonce non seulement les
conséquences, mais aussi l’esprit) comme
les deux visages d’une même «société de
croissance». L’auteur, avec les systèmes
d’échange mutuel, la monnaie de service,
l’autoproduction, remet en cause l’écono-
33
mie, et ses principes les plus fondamentaux.
Comme socialistes, nous pouvons nous re-
trouver dans l’analyse d’un monde, d’une
économie, d’une société qui marche sur la
tête. Nous pouvons nous inspirer de propo-
sitions for tes pour restructurer l’économie et
repenser la société à travers une nouvelle
politique du temps. Mais en centrant tant
notre analyse que nos propositions sur une
puissance publique qui organise et régule ce
monde, nous nous éloignons du chemin des
décroissants qui ne placent pas cet acteur
au centre de leur système, qui n’ont pas de
proposition pour améliorer les conditions de
travail pour rendre celui-ci plus épanouissant,
réduire les inégalités nord-sud (à par t l’auto-
nomie locale !) ou encore pour réguler les
échanges internationaux (protectionnisme
par exemple). Ils posent de bonnes ques-
tions, notamment en remettant en cause une
société de consommation dans laquelle les
socialistes ne prennent pas assez de recul
(pour demander par exemple plus de pou-
voir d’achat), mais nous ne sommes pas for-
cément d’accord sur les réponses données.
Reste, avec eux, à développer des aspects
encore trop flous de cet ouvrage: Au delà
de la dette écologique, quel avenir pour
les Suds? Si la croissance est néfaste, si le
développement est discutable, alors quelle
évolution pour la société du temps libéré?
34
La croissance a été présentée comme la so-
lution à tous les maux. Au chômage, aux re-
traites, à la dette publique : un seul remède :
la croissance ! A la crise écologique encore :
la croissance ver te ! Jean Gadrey, écono-
miste et professeur émérite à l’Université de
Lille 1 défend dans son ouvrage la thèse op-
posée. En ef fet, il soutient que la croissance
est un concept attaché à un monde en voie
de dépérissement. Le culte de la croissance
est fondé sur l’oubli des principaux enjeux
sociétaux : toujours plus de quoi, pour qui
et avec quelles conséquences? La crois-
sance est désormais un facteur de crise,
une menace pour la planète et un obstacle
au progrès. Le capitalisme a réussi à ancrer
dans les esprits l’idée d’une relation étroite
entre croissance et progression universelle
du bien-être. Or, il ne nous est pas interdit
d’envisager d’autres hypothèses ! L’auteur
formule une véritable invitation à se débar-
rasser de ce culte. Faut-il pour autant nous
résoudre à une austérité punitive ? C’est le
chemin d’une autre prospérité qui est ici
proposé, plus juste, moins violente et donc
réellement durable. Une « prospérité sans
croissance » serait-elle applicable en tous
cas dans les pays riches au sens usuel de la
richesse économique ? Peut-on aller vers un
plein-emploi de qualité, garantir une bonne
protection sociale et cela sans croissance ? Il
dénonce par la fausse bonne idée qu’est la
croissance ver te. Le phénomène d’engoue-
ment pour cette dernière soulève, d’après
Gadrey, une problématique : Faut-il encou-
rager la croissance infinie de leur production,
ou faire d’autres choix pour une informatique
accessible, produite et utilisée autrement,
recyclable sans trop de ressources, à très
longue durée de vie, ce qui est très mauvais
pour les chif fres de croissance ? D’après
l’auteur, si l’on passait d’une société de
croissance à une société solidaire et soute-
nable, cette bifurcation serait bénéfique pour
l’emploi et la qualité de vie globale.
Le mieux être déconnecté du plus avoir : revoir les indicateurs de bien-être.
L’auteur dénonce la sacralisation du PIB en
Fiche de lecture : Adieu la croissance ! Bien vivre dans un monde solidaire, Jean Gadrey (2010)
35
tant qu’indicateur de richesse, et de bien-être
qui se révèle d’après lui aujourd’hui obso-
lète. Il prend l’exemple de l’absence d’évo-
lution de la satisfaction de vie moyenne
tandis que l’abondance matérielle a, elle,
progressé de 75% entre 1973 et 2005. Pour
lui, l’indice de développement humain est
plus adapté, mais montre aussi des failles.
En ef fet, il réfère par exemple à l’espérance
de vie qui évolue en fonction de la qualité
du système de santé national. Mais l’on ob-
serve que pour cer tains secteurs comme la
santé, ou encore l’éducation, le toujours plus
n’est pas forcément le toujours mieux. L’ac-
cès au système de soin, et à la médecine
est un facteur qui ne compte qu’à hauteur de
20 à 25%. La richesse matérielle du pays im-
por te bien sûr dans la constitution d’un bon
système de soin, mais les modes de vie du
modèle productiviste influent négativement
sur la santé. La société de services qui s’est
par tout développée en s’appuyant sur un
productivisme insoutenable est aujourd’hui,
sans le vouloir, une société hypermatérielle.
Parallèlement, on constate que les variables
de développement humain, comme la cohé-
sion sociale, la pauvreté, les inégalités éco-
nomiques ou politiques entre hommes et
femmes ne sont pas corrélées au PIB/heure.
En France, on assiste à la disparition de
toute corrélation au delà du seuil (entre un
tiers et deux tiers du PIB/h). Cela signifie que
l’on peut atteindre les mêmes résultats avec
nettement moins de richesse économique !
Les variables de développement ou de pro-
grès font abstraction de la durabilité du dé-
veloppement. Sur le climat, le PIB mondial a
été multiplié par 3, tandis que les émissions
de gaz à ef fet de serre ont presque doublé.
Les scientifiques signalent qu’il ne faudrait
pas dépasser le taux de disparition annuelle
de 10 espèces pour 10 millions. On en est à
plus de 100.
Le réveil
Les économistes commencent à se saisir de
ces questions même s’il s’agit encore d’une
petite minorité. Nicholas Stern déclarait en
2009 au quotidien britannique The Guar-
dian : « Les pays riches vont devoir oublier
36
la croissance s’ils veulent stopper le change-
ment climatique. ». Mais les revendications
atteignent aussi la société civile : chercheurs,
intellectuels, chercheurs et écologistes -
l’avant-garde des « objecteurs de croissance
» - dont les réflexions fournissent des bases
alternatives. La commission Stieglitz quant à
elle institutionnalise la séparation entre la
croissance et la progression du bien-être.
Adieu la croissance !
Est ancré dans les esprits l’idée d’une rela-
tion étroite entre croissance et progression
universelle du bien-être. Ses acteurs domi-
nants savent que la foi en la croissance est
la première condition de l’attachement au
système productiviste. D’après Gadrey, la
croissance ne serait pas la solution mais le
problème (en tous cas, l’un des plus impor-
tants) et il faut lui dire adieu, au moins dans
les pays économiquement riches. Mais sans
regret : La fin de la croissance, ce n’est pas
la fin du progrès social, ce n’est pas la fin
de l’innovation ni celle du dynamisme éco-
nomique ! Prospérité : faire en sor te que les
choses aillent bien, ou mieux, au fil du temps,
sans connotation d’abondance matérielle
nécessaire. Ce livre est consacré aux pers-
pectives d’une autre trajectoire, aux contours
d’une autre modernité, au bien-vivre dans
un monde soutenable, et à ce qu’il faudrait
entreprendre sans tarder pour enclencher ce
changement. L’emploi est aujourd’hui beau-
coup plus menacé par le productivisme «
croissanciste » que par le chemin visant la
soutenabilité écologique et sociale. Mais,
pour ces scénarios alternatifs post-crois-
sance, une condition est nécessaire. C’est
la for te réduction des inégalités sociales,
dans le monde et dans chaque pays. C’est
la condition sinéquanone à la réalisation
des objectifs de reconversion, en par ticulier
concernant la crise écologique. Cette condi-
tion impérative n’est toutefois pas la seule
: un « régime post-croissance » dans une
société soutenable est incompatible avec le
capitalisme financier et actionnarial encore
dominant, qui nous a enfoncés dans une
crise d’autant plus durable que rien n’a été
fait pour réduire le pouvoir de nuisance de la
finance libéralisée. La question de la capa-
cité d’un capitalisme réformé à nous sor tir
de la zone des séismes à répétitions pose
même l’économiste chevronné.