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1 Supplément au Journal des Enfants du 2 mars 2012 D epuis 1997, dans la forêt de Guédelon, des gens construisent un château fort sans électricité, sans grues, sans camions, sans engins à mo- teur… Ils le bâtissent comme s’ils étaient au 13 e siècle (années 1200). Le chantier devrait durer 25 ans. Il permet de tester, vérifier et corri- ger les idées que les historiens ont à propos des méthodes de cons- truction de cette époque. Il s’agit de « construire pour compren- dre ». L’âge d’or des châteaux forts Au Moyen Âge (très longue pé- riode de l’histoire : d’environ 500 à 1500), des milliers de châteaux forts ont été construits. D’abord en bois puis de plus en plus en pierre. C’est sous le roi Philippe Auguste (roi de 1180 à 1223) que le plus de châteaux forts ont été érigés enFrance. Le roi avait même ima- giné un modèle-type de fort. C’est le château « philippien ». Les responsables de Guédelon ont décidé de planter le début de la construction de leur château phi- lippien en 1228, sous le règne du roi Louis IX (9). En 2012, nous sommes donc, à Guédelon, en 1243. En route ! Nous allons « bastir cas- tel » (construire un château) ! Images vidéo et photos de Guédelon: www.lejournaldesenfants.be Et si on construisait un château fort ? En Bourgogne (France), on peut visiter un chantier archéologique exceptionnel. Des femmes et des hommes construisent un château fort comme au Moyen Âge ! Guédelon En Bourgogne (France), on peut visiter un château fort qui est construit comme au Moyen Âge. O n l’a dit, le seigneur commanditaire imagi- naire (on imagine que c’est lui qui veut un château, qui le commande) a décidé de faire construire un château fort de type philippien. Ce sera donc un château avec une tour à chacun des quatre angles. Les tours seront reliées par des murailles : les courti- nes. Une des tours sera plus large et plus haute : la tour maî- tresse. Un logis rectangulaire complète le tout. Dans la tour maîtresse, on trou- vera, aux différents étages : une cave avec une citerne d’eau, une salle des gardes, deux chambres et une salle de sur- veillance tout en haut. Dans une autre tour, une deuxième réserve d’eau, une autre salle des gardes et une chapelle. Dans le logis seigneurial : la cuisine et le cellier (réserve de nourriture) et, à l’étage, la grande salle de réception avec une belle cheminée, et une chambre. L’entrée du château se fera par un châtelet. C’est un pont dor- mant qui y mènera : un pont en bois qui ne bouge pas. Il sera probablement un jour rem- placé par un pont-levis (que l’on peut lever pour fermer le passage). En forêt de Guédelon Au Moyen Âge, le transport par bœufs ou par chevaux est lent et cher. L’idéal, quand c’est pos- sible, c’est de construire son château à un endroit où on peut trouver tous les matériaux nécessaires. Bien sûr, il faut beaucoup de pierres. Ici, on évalue qu’il en faudra 60 000 tonnes (une tonne, c’est 1000 kg) ! Il est nécessaire d’avoir égale- ment de grandes quantités de bois pour les charpentes du toit, les portes, les planchers… mais aussi pour fabriquer les outils, certaines tuiles, et pour faire le feu dans les forges ! Autres éléments indispensa- bles : de l’eau et du sable pour faire le mortier qui tiendra les pierres entre elles. Enfin, pour fabriquer tuiles et pavements, il faut de la terre glaise (de l’argile). Tout cela est présent dans la fo- rêt de Guédelon. On y trouve une ancienne carrière de pierre rouge. Cette pierre, c’est du grès ferrugineux (qui contient du fer). Le fer lui donne des teintes jaune-orangé (peu de fer), brun- rouille, rouge foncé (beaucoup de fer). Cette carrière fournit aussi du sable. Et la forêt offre différentes essences (sortes) de bois solide. Avec l’autorisation du suzerain (en 1997, c’était plutôt l’accord des propriétaires de ce terrain et des autorités françaises…), le chantier peut être lancé ! Dans la forêt de Guédelon Tout commence par deux questions : quel château construire et où ? Tour de flanquement 52,50 m Tour de flanquement Ouest Est Châtelet d’entrée Cour Logis seigneurial 39,00 m 47,10 m Tour de la chapelle 49,50 m Poterne Tour maîtresse Éditions de l’Avenir, d’après Guédelon/ Nicolas Gasseau DOSSIER DU MOIS CHANTIER MÉDIÉVAL PIERRES Extraire, tailler et déplacer p. 2 D’où viennent les pierres ? Comment les déplace-t-on sans camion ? Et comment les tailler avec précision ? BOIS ET TERRE Du sol au toit p. 3 C’est du sol et des arbres que les œuvriers tirent les matériaux pour faire les pavés, les planchers et les toits. LA GRUE DU MOYEN ÂGE La cage à écureuil p. 4 Drôle de nom pour cette grue médiévale ! Voilà un engin pratique et amusant à observer. Un château fort est un lieu d’ha- bitation pour un seigneur et son entourage. Avoir un beau châ- teau est un moyen de montrer sa richesse et sa puissance. Le seigneur y organise d’ailleurs des banquets, des fêtes, des cé- rémonies… Un château fort comprend au minimum une chambre, une salle où rendre justice et une chapelle. C’est un lieu de pouvoir. Le sei- gneur y rend justice (il règle des conflits entre voisins, par exem- ple). Il y décide aussi ce que la population doit lui payer pour utiliser son puits, son four, ses terres… Enfin, il y entraîne ses hommes armés. Le seigneur s’engage en effet à servir et pro- téger son suzerain (le seigneur qui est au-dessus de lui). Il a pour mission de protéger la po- pulation qui dépend de lui. C’est pour cela que le château est for- tifié, c’est-à-dire entouré de murs épais. Un tas de systèmes de dé- fense sont prévus lors de la construction. En cas de menace, la population peut se réfugier derrière les murailles. Les premiers châteaux forts sont apparus enEurope au IX e siècle (9 e siècle, années 800). Au dé- part, ils sont en bois. La pierre remplace le bois progressive- ment à partir du XI e siècle (11 e siè- cle, années 1000). C’est plus cher, mais plus solide, notamment face aux flammes des ennemis ! CHÂTEAU FORT ?

DOSSIER DU MOIS CHANTIER MÉDIÉVAL - lavenir.net · veillance tout en haut. ... partir du corps ! C’est le maître d’œuvre qui défi- ... les maçons sont en train de construire

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1 Supplément au Journal des Enfants du 2 mars 2012

D epuis 1997, dans la forêtde Guédelon, des gensconstruisent un château

fort sans électricité, sans grues,sans camions, sans engins à mo­teur… Ils le bâtissent comme s’ilsétaient au 13e siècle (années 1200).Le chantier devrait durer 25 ans. Ilpermet de tester, vérifier et corri­ger les idées que les historiens ontà propos des méthodes de cons­truction de cette époque. Il s’agitde « construire pour compren­dre».

● L’âge d’ordes châteaux fortsAu Moyen Âge (très longue pé­riode de l’histoire : d’environ 500 à1500), des milliers de châteauxforts ont été construits. D’aborden bois puis de plus en plus enpierre.

C’est sous le roi Philippe Auguste(roi de 1180 à 1223) que le plus dechâteaux forts ont été érigésenFrance. Le roi avait même ima­giné un modèle­type de fort. C’estle château «philippien».

Les responsables de Guédelon ontdécidé de planter le début de laconstruction de leur château phi­lippien en 1228, sous le règne duroi Louis IX (9). En 2012, noussommes donc, à Guédelon, en

1243.En route ! Nous allons «bastir cas­tel» (construire un château) !➜Images vidéo et photos de Guédelon:

www.lejournaldesenfants.be

Et si on construisaitun château fort ?En Bourgogne (France), onpeut visiter un chantierarchéologiqueexceptionnel. Des femmeset des hommesconstruisent un châteaufort comme au Moyen Âge !

Guéd

elon

En Bourgogne (France), on peutvisiter un château fort qui estconstruit comme au Moyen Âge.

O n l’a dit, le seigneurcommanditaire imagi­naire (on imagine que

c’est lui qui veut un château,qui le commande) a décidé defaire construire un château fortde type philippien.Ce sera donc un château avecune tour à chacun des quatreangles. Les tours seront reliéespar des murailles : les courti­nes. Une des tours sera pluslarge et plus haute : la tour maî­tresse. Un logis rectangulairecomplète le tout.Dans la tour maîtresse, on trou­vera, aux différents étages : unecave avec une citerne d’eau,une salle des gardes, deuxchambres et une salle de sur­veillance tout en haut.Dans une autre tour, unedeuxième réserve d’eau, une

autre salle des gardes et unechapelle.Dans le logis seigneurial : lacuisine et le cellier (réserve denourriture) et, à l’étage, lagrande salle de réception avecune belle cheminée, et unechambre.L’entrée du château se fera parun châtelet. C’est un pont dor­mant qui y mènera : un pont en

bois qui ne bouge pas. Il seraprobablement un jour rem­placé par un pont­levis (quel’on peut lever pour fermer lepassage).

● En forêtde GuédelonAu Moyen Âge, le transport parbœufs ou par chevaux est lentet cher. L’idéal, quand c’est pos­

sible, c’est de construire sonchâteau à un endroit où onpeut trouver tous les matériauxnécessaires.Bien sûr, il faut beaucoup depierres. Ici, on évalue qu’il enfaudra 60 000 tonnes (unetonne, c’est 1000 kg) !Il est nécessaire d’avoir égale­ment de grandes quantités debois pour les charpentes du

toit, les portes, les planchers…mais aussi pour fabriquer lesoutils, certaines tuiles, et pourfaire le feu dans les forges !Autres éléments indispensa­bles : de l’eau et du sable pourfaire le mortier qui tiendra lespierres entre elles.Enfin, pour fabriquer tuiles etpavements, il faut de la terreglaise (de l’argile).Tout cela est présent dans la fo­rêt de Guédelon. On y trouveune ancienne carrière de pierrerouge. Cette pierre, c’est du grèsferrugineux (qui contient dufer). Le fer lui donne des teintesjaune­orangé (peu de fer), brun­rouille, rouge foncé (beaucoupde fer). Cette carrière fournitaussi du sable. Et la forêt offredifférentes essences (sortes) debois solide.Avec l’autorisation du suzerain(en 1997, c’était plutôt l’accorddes propriétaires de ce terrainet des autorités françaises…), lechantier peut être lancé !

Dans la forêt de GuédelonTout commence par deuxquestions : quel châteauconstruire et où ?

Tour de flanquement

52,50 m Tour de flanquement

Ouest Est

Châtelet d’entrée

Cour

Logis seigneurial

39,00 m

47,10 m

Tour de la chapelle

49,50 m

PoterneTour maîtresse

Éditi

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DOSSIER DU MOIS CHANTIER MÉDIÉVAL● PIERRESExtraire, tailler etdéplacer p. 2D’où viennent les pierres ?Comment les déplace-t-onsans camion ? Et commentles tailler avec précision ?

● BOIS ET TERREDu sol au toit p. 3C’est du sol et desarbres que les œuvrierstirent les matériauxpour faire les pavés, lesplanchers et les toits.

● LA GRUE DUMOYEN ÂGELa cage à écureuil

p. 4Drôle de nom pour cettegrue médiévale ! Voilà unengin pratique et amusantà observer.

Un château fort est un lieu d’ha-bitation pour un seigneur et sonentourage. Avoir un beau châ-teau est un moyen de montrersa richesse et sa puissance. Leseigneur y organise d’ailleursdes banquets, des fêtes, des cé-rémonies…Un château fort comprend auminimum une chambre, unesalle où rendre justice et unechapelle.C’est un lieu de pouvoir. Le sei-gneur y rend justice (il règle desconflits entre voisins, par exem-ple). Il y décide aussi ce que lapopulation doit lui payer pourutiliser son puits, son four, sesterres… Enfin, il y entraîne seshommes armés. Le seigneurs’engage en effet à servir et pro-téger son suzerain (le seigneurqui est au-dessus de lui). Il apour mission de protéger la po-pulation qui dépend de lui. C’estpour cela que le château est for-tifié, c’est-à-dire entouré de mursépais. Un tas de systèmes de dé-fense sont prévus lors de laconstruction. En cas de menace,la population peut se réfugierderrière les murailles.Les premiers châteaux forts sontapparus enEurope au IXe siècle(9e siècle, années 800). Au dé-part, ils sont en bois. La pierreremplace le bois progressive-ment à partir du XIe siècle (11e siè-cle, années 1000). C’est plus cher,mais plus solide, notammentface aux flammes des ennemis !

CHÂTEAU FORT ?

2Supplément au Journal des Enfants du 2 mars 2012

Les châteauxforts

Les châteauxforts

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90°

■ Le maître d’œuvre est legrand chef de chantier. Il a reçuune maquette en bois ou unplan sur un parchemin qui re-présentait le château à cons-truire. C’est lui qui doit faire réa-liser l’ouvrage. Il commande lesmatériaux, résout les problè-mes techniques, tout enveillant à ne pas dépenser plusque prévu. Il doit organiser etcontrôler le travail desœuvriers : carriers, tailleurs depierre, bûcherons, charpen-tiers, maçons, forgerons… Il des-sine au sol les contours du châ-teau au début de laconstruction. Il est responsablede la stabilité et de la soliditéde la construction.■ Au XIIIe siècle (13e siècle, an-nées 1200), les premiers archi-tectes font leur apparition. Ilsont des connaissances solidesen géométrie et mathémati-que, et peuvent dessiner desplans de constructions pluscomplexes, plus élaborées.

QUI EST CHEFDE CHANTIER ?

Au Moyen Âge, on n’utilise pasles cm, dm, m… On mesure àpartir du corps !C’est le maître d’œuvre qui défi-nit les mesures au début duchantier en fonction de son

bras, de son pied et de sa main.Ces mesures sont tracées surdes piges, sortes de règles enbois. Chaque œuvrier en a une.

LES MESURESPouce, pied…

Les châteauxforts

Les châteauxforts

M athieu est carrier. Sontravail ? Extraire despierres de la carrière. Au

Moyen Âge, les secrets et lestechniques de son métier setransmettent de père en fils. Se­lon le type de roche, la façon deprocéder change.Ici, à Guédelon, le grès est une ro­che dure. Mathieu commencepar observer et « lire » la pierre. Ilva repérer les nuances de couleuret le sens des lignes qui sont des­sinées dans la pierre. C’est enfonction de ces traces qu’il saitoù sont les points faibles de lapierre, où il va pouvoir la fendre.Mathieu prend une massette(outil qui ressemble à un grosmarteau) et une broche (longuepointe métallique). Il creuse, enligne, des trous appelés emboîtu­res ou lumières.Il place, dans ces trous, des coinsmétalliques. Il frappe très fortdessus avec une masse et unchasse­masse (deux sortes demarteaux à longs manches).

L’onde de choc va fendre le blocde pierre de façon très nette.Il prend alors sa pince (longuetige métallique dont le bout estlégèrement courbé) pour soule­ver le bloc de pierre.Mathieu a sa liste de commandesfournie par le maître d’œuvre. Ilconnaît les besoins : dimensions,épaisseurs et qualités des blocsnécessaires.Les déchets de carrière et les pier­res de moins bonne qualité ser­vent à remblayer les chemins ouà remplir les épaisses murailles.

Extraire des pierresde la carrièreCommentcasserlarochepourensortirdespierressolidesàdesdimensionsprécises…toutcelaàlaforcedesbras?

Guéd

elon

En 2001, les maçons sont en train de construire le puits dans la cour du château.Un jour, les carriers font venir le maître d’œuvre (responsable du chantier) à la car-rière. Ils ont découvert une énorme surface de grès de qualitéuniforme. Ils trouveraient dommage de la casser en plusieursmorceaux. Il est décidé d’essayer de retirer cette énorme pla-que en un bloc pour en faire la margelle du puits (rebord enpierre). Avec précaution, ils parviennent à détacher le bloc de2,5 tonnes. La plaque fait 2,40m de côté sur 22 cm d’épaisseur.Les tailleurs de pierre percent ensuite un trou de 1,10 m de dia-mètre (ligne imaginaire qui va d’un bord à l’autre du cercle enpassant par le centre). Quelques semaines plus tard, la mar-gelle est placée !

PETITE HISTOIRE AU BORD DU PUITS

O n entend des petits bruitssecs. Eugène a placé unepierre sur des bois et des

cordes tressées. Il frappe avec unemassette (sorte de marteau) sur unciseau qu’il positionne à des en­droits précis sur la pierre.Il sait quelle pièce il doit réaliser. Ila tout tracé sur sonplancher d’épures eta préparé des gaba­rits en bois (modèlescoupés dans uneplanche). Il posedonc le gabarit surla pierre et trace, à lapointe, les contoursde ce qu’il doit réaliser. Ensuite,pendant son travail de taille, ilpeut vérifier régulièrement avecson gabarit si ce qu’il fait est exact.

● Deux types de marquesQuand Eugène a fini une pièce, il y

grave deux types de marques.La marque du tailleur, c’est en quel­que sorte sa signature. Ce peut êtreun dessin, une lettre, une formegéométrique… C’est grâce à cettemarque que l’on sait combien depierres chaque tailleur a réalisées.C’est important : au Moyen Âge, le

tailleur était payéd’après le nombre depierres fournies.Le tailleur inscritaussi une marque depose, qui indiquel’emplacement où de­vra aller la pierre, lesens dans lequel elle

devra être placée, sa position…C’est essentiel pour s’y retrouver,puisque entre le moment où lapierre est taillée et le moment oùelle est installée, elle va être dépla­cée, stockée, transportée, retournéepar plusieurs personnes.

Dans la loge…Les tailleurs de pierre travaillent dans un atelier qu’onappelle la loge. Ils taillent et marquent les pierres.

Guéd

elon

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Dans sa loge, Eugènetaille des pierres.

T iens ! Voilà un chevalqui tire un tombereau(charrette). C’est une

femme qui mène l’attelage.Elle passe devant nous, s’ar­rête, puis fait marche arrière.Belle manœuvre !Deux hommes font basculerdoucement la lourde pierresur des roules (rondins debois). Ils font rouler la pierre,

déplacent les roules, avancentencore un peu… Ce n’est pastrès rapide mais ça progresse !

Et le transport ?

Éditi

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Les charpentiers et tailleurs de pierre dessinent les pièces surun plancher qu’on appelle plancher d’épures. Pour cela, ils em-ploient leur pige, un compas et une corde à 13 nœuds.La corde à 13 nœuds mesure 12 coudées séparées par desnœuds. Cette corde permet de prendre et reporter des mesures,mais aussi de tracer toutes les figures géométriques : un carréde 3 coudées de côté (3-3-3-3), un trapèze de 5-2-3-2, un rectanglede 2-4-2-4, un triangle rectangle de 3-4-5... On a ainsi des anglesprécis pour les pentes detoits, les angles de fenê-tres et de portes…

MAÎTRES DE LA GÉOMÉTRIE

Guéd

elon

Pouce

Coudée

Pied

Empan

Palme

Paume

PoucePaume

Coudée

Empan

Palme

3 Supplément au Journal des Enfants du 2 mars 2012

Les châteauxforts

Les châteauxforts

■ Le chêne est extrêmementsolide. On l’utilise donc pour lescharpentes (parties en bois dutoit, sur lesquelles on place destuiles). On peut aussi le fendrepour faire des tuiles. C’est lebois idéal, également, pour lesportes et les hourds. Les hourdssont des sortes de galeries enbois qui encerclent le sommetd’une tour, juste sous le toit. Lesol en est percé, ce qui permetaux soldats de jeter des chosessur les ennemis qui approche-raient.■ Le frêne et le houx sont trans-formés en manches d’outils.■ Les branches souples de noi-setier, saule osier ou châtai-gnier peuvent être tressées. Onpeut en faire des paniers oudes mannes pour transportercertaines choses. On peut aussifabriquer des oiseaux (hottes àporter sur le dos).■ Les déchets de bois sont brû-lés dans les fours où l’on cuit lepain ou les tuiles, ou transfor-més en charbon pour la forge.

QUEL BOISPOUR QUOI ?

P our éviter qu’un mur nes’effondre et pour que lestours du château soient

bien droites, il s’agit d’être précis etde vérifier régulièrement qu’on necommence pas à dévier… Il existedes outils pour contrôler cela.Le fil à plomb fonctionne de façontrès simple. Attachez un poids àun fil et laissez le pendre. Le poidsest attiré vers le sol grâce à la forced’attraction exercée par la Terre. Lefil trace une ligne droite verticale.Le fil à plomb permet donc de véri­fier qu’une maçonnerie est biendroite, bien verticale.Pour s’assurer qu’une construc­tion ou une pierre est bien hori­zontale, on utilise l’archipendule.C’est un objet en bois en forme detriangle isocèle (dont deux côtésont une même longueur). Un fil àplomb est accroché dans l’angle

qui setrouvee n t r el e sd e u xc ô t é ségaux.Une en­c o c h ee s tcreuséeau mi­lieu ducôté op­posé. Sil’archipendule est posé sur unesurface parfaitement horizontale,le plomb se place au milieu de l’en­coche.Enfin, une équerre (deux lattesplacées en angle droit) permet decontrôler que les angles sont biendroits.

Est-ce bien droit ?

Guéd

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En haut, le fil à plomb permet de vé-rifier si on est bien vertical. Ici, l’ar-chipendule contrôle l’horizontalité

L e maître d’œuvre ou lemaître charpentier par­court la forêt et observe les

arbres. Quelle essence (espèce,sorte d’arbre) ? Quelle hauteur etquel diamètre (grosseur) ? Quellequalité ? Le tronc est­il droit, ouun peu courbé ?….En fonction de tout cela, il sélec­tionne certains arbres à abattreet définit leur utilisation future.Les bûcherons s’attaquent auxarbres désignés avec une hacheou avec une cognée (sorte de ha­che).Une fois un arbre abattu, les bû­cherons vont l’équarrir (rendre le

tronc carré). Tout sera en­suite utilisé : la meilleurepartie du tronc servira auxpoutres du château ainsiqu’aux portes, planchers…Les bois un peu moinsbons ou plus petits serontemployés pour faire deséchafaudages, des perches,des manches d’outils… Desfines branches de noisetierou de saule osier seronttressées pour faire des pa­niers. Et le houppier (bran­ches de l’arbre) alimenterales feux des forges, desfours à pain ou à tuiles…Enfin, les bûcherons fen­

dent également le bois avec unmaillet (marteau rond, en bois)et un départoire pour fabriquerdes fines planchettes de bois. Cesont des tuiles ! Les bûcheronsplanteront, dans chaque tuile,une cheville (sorte de bâton) quipermettra de fixer la tuile sur letoit.

● Les charpentiersCe sont en quelque sorte les« tailleurs » de bois. Ils réalisentles charpentes (parties en bois dutoit, sur lesquelles les tuiles sontplacées), les portes, le pont…Mais ils préparent aussi tout ce

qui est nécessaire au chantier :brouettes, charrettes, engins delevage (pour soulever des char­ges lourdes), piges pour mesurer,planchers d’épures pour tracer

les dessins des pièces à tailler,compas, échafaudages (construc­tions de bois sur lesquelles lesœuvriers travaillent en hau­teur)…

Bûcherons, charpentiers,les hommes du boisEn forêt, les bûcherons abattent les arbres etpréparent le bois. Les charpentiers, ensuite, letransforment en outils, portes, charpentes...

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Une charpente.

S ous un toit, une longuetable. Des hommes etdes femmes travaillent

côte à côte. Ils prennent de laterre glaise arrachée au sol dela forêt. Cette terre grasse con­tient de l’argile. Ils l’humidi­fient avec de l’eau du puits, ouavec de l’eau de pluie qu’ilsprennent dans un tonneau.Ils malaxent cette terre, long­temps, pour retirer toutes les

bulles d’air. Ensuite, ils pren­nent un moule en bois qui res­semble à un cadre. Ils poussentla terre à l’intérieur du mouleet insistent bien pour que toutl’espace soit rempli. Ils retirent

le surplus de terre avec unelongue lame appelée racloir. Ilsenlèvent ensuite le moule etforment un ergot, un petit re­bord qui permettra d’accrocherla tuile au toit.Les tuiles sont alignées sur unplancher où elles vont sécherplusieurs jours. Ensuite, ellessont cuites pendant 15 heuresdans un four, à une tempéra­ture de 1 000°C.

80000tuilesfaitesàlamainÀ Guédelon, il faudra80000 tuiles pour couvrirles toits du château.Chacune est faite à lamain et cuite dans unfour alimenté avec du feu.

Les châteauxforts

Les châteauxforts

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daDu bois fendu pour faire des tuiles.

Les bûcherons équarrissent le fût (tronc).

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4Supplément au Journal des Enfants du 2 mars 2012

Les châteauxforts

Les châteauxforts

● Comment participer ?Nous vous offrons 20 Pass famillepour 4 personnes valables du 31 marsau 4 novembre 2012.Ces Pass com­prennent l’entrée, et, selon la périodeet sous réserve de disponibilité, la vi­site guidée et la participation à unatelier de taille de pierre.Pour avoir une chance de remporterce cadeau, envoyez une carte postaleà JDE – Concours Guédelon, 38 routede Hannut, 5004 Bouge ou un e­mailà [email protected]. Indi­quez bien vos coordonnées (nom,prénom, adresse) et répondez à cettequestion : Quel instrument permetde vérifier l’horizontalité des cons­tructions à Guédelon ?

L e chantier deconstructiondu château

de Guédelon se vi­site. Chaque année,plus de 300000 per­sonnes y passentune journée. Il estpossible de visiter lesite seul ou engroupe avec unguide. On voit ainsiles œuvriers au tra­vail.Des ateliers sont également organi­sés : taille de pierre, géométrie, terre,cuisine médiévale.Le chantier et les visites reprennentle 31 mars.➜Entrée pour une visite libre : Adulte : 10€,enfant (de 5 à 17 ans) : 8,50€. Supplémentspour visites guidées et ateliers.

www.guedelon.fr

maçons prévoient des trous. Enmontant le mur, on place desboulins, des longues poutres enchêne, dans ces trous. Les bou­lins rentrent d’environ un mètredans le mur et dépassent versl’extérieur. Sur ces boulins, ali­gnés de façon régulière, on posedes planches. C’est le platelage.On fixe le tout et, pour plus de sé­curité, on ajoute des rambardesde sécurité (barrières).Les charpentiers remontent leséchafaudages au fur et à mesureque les murs grandissent. Ils re­bouchent les trous de boulinsavec du mortier.

ce qu’elles soient bien alignées.Ils positionnent les pierres ensuivant ces cordeaux. Attention,les pierres ne peuvent pas pous­ser le cordeau, ni en être éloi­gnées, elles doivent juste le tou­cher.Pour une forme arrondie ou pourdes arcs et des fenêtres, le travailest plus compliqué. C’est tout unsavoir­faire technique précis !

● Les échafaudagesPour travailler en hauteur, lesmaçons ont besoin d’échafauda­ges. Comment les fabrique­t­on ?Quand ils fabriquent un mur, les

S ur un plancher, des hom­mes mélangent de l’eau,du sable et de la chaux

(matière blanche qu’on obtientquand on fait chauffer de lapierre calcaire).Mine de rien, le travail de ces gâ­cheurs n’est pas simple. Il s'agitd’avoir un mortier qui colle, quine sèche pas trop vite, qui necoule pas non plus !Il existe plusieurs recettes demortier. Selon les quantités dechaux, d’eau, et selon le type desable plus ou moins fin, ils vontobtenir des mélanges différents.Il faut un mortier élastique pourfaire un arc en pierres ou unevoûte (assemblage de pierres enforme d’arcs qui se rejoignent etse soutiennent entre eux).Pour les murs visibles d’une tourou d’une courtine (mur entre lestours), on prépare une gâchefine.Pour assembler les pierres quicomblent (remplissent) les mursépais, on prend du mortier épaiset irrégulier.

● Les maçonsLes maçons vont devoir être at­tentifs à mettre chaque pierre àla place prévue.Pour qu’un mur soit droit, ils ti­rent des fines cordes en veillant à

■ Les cordiers, ce sont les fabri-cants de cordes. Hé oui, évidem-ment, même les cordes étaientfabriquées à la main au MoyenÂge !■ La corde est fabriquée à partirde plantes : du chanvre ou dulin. Les tiges de ces plantes four-nissent des fibres que l’on peuttourner, tourner, en serrantbien, avec une installation enbois simple mais ingénieuse.

LES CORDIERS

Textes : Nathalie LemaireJournal des Enfants

38, route de Hannut – 5004 BougeTél. : 081/24 88 93

E-mail : [email protected] : www.lejournaldesenfants.be

Le forgeron fait chauffer son mé-tal sur du charbon en train debrûler. En fonction de la tempé-rature, le métal prend des cou-leurs différentes. À partir de270°, le métal peut être travaillé.Il a une couleur pourpre (rougeun peu rose).Le forgeron sort le métal du feuavec une énorme pince et leplace sur une enclume (grosbloc de métal). Il maintient lemétal en place et, avec sonautre main, frappe avec sonoutil pour donner à la pièce laforme qu’il souhaite.Le forgeron peut travailler le mé-tal de différentes façons selonles objets à fabriquer. Parfois, ilfaut chauffer le métal jusqu’à1 200° ! Pour le refroidir, il letrempe dans l’eau.Le forgeron fabrique et réparedes outils, des clous, des grilles…Il peut aussi faire de l’art, commeles ferronneries magnifiques dela porte de la tour maîtresse.

LE FORGERON

Gâcheurs et maçonsCe sont les maçons quiassemblent les pierres. Ilsles «collent» avec un mortierpréparé par les gâcheurs.

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Les maçons assemblent les pier-res avec du mortier qu’ils amè-nent dans des paniers.

Les châteauxforts

Les châteauxforts

L a cage à écureuil, c’estl’ancêtre de la grue. Surle chantier de Guéde­

lon, c’est une des activités lesplus amusantes et intéressan­tes à observer.La cage est constituée d’unegrande roue (parfois deux)dans laquelle un homme mar­che. La roue tourne, entraînéepar les pas de l’homme. L’axede la roue (la barre au centre)se prolonge vers l’extérieur.Une corde s’enroule à cet en­droit, au fur et à mesure que laroue tourne. Cette corde passe

par des poulies et descend.À son bout, tout en bas, on aaccroché la charge à monter :une pierre, un bac de mor­tier… La roue tourne, la cordes’enroule, la charge monte !Un homme seul dans la rouepeut ainsi faire monter despierres de 300 kg à plusieursmètres de hauteur. Maisd’autres œuvriers sont aveclui à la manœuvre : le chef di­rige l’action, certains s’occu­pent de charger, d’autres deréceptionner la pierre ou lebac.

Pas de grue en vue !Une pierre de 300kg à monter à 15m de haut, sansgrue ! C’est possible grâce à la cage à écureuil.

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Concours !

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Bienentendu,deschâteaux fortsontétéconstruitsenBelgique. Certainssont tom-bés en ruine, d’autres ont été transformés au cours de l’histoire ou ont été restau-rés pour ressembler à ce qu’ils étaient à l’origine (à l’époque de leur construction).Il est possible de visiter certains de ces châteaux, comme ceux de Bouillon, d’Ecaus-sinnes-Lalaing, de Corroy-le-Château, de Sombreffe et de Fernelmont.Lors des Journées du Patrimoine de 2005, un ouvrage consacré au patrimoine mé-diéval wallon a été publié. www.institutdupatrimoine.be

DES CHÂTEAUX FORTS EN BELGIQUE