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DOSSIER JEUNE PUBLIC DU LUNDI 6 AU VENDREDI 10 FÉVRIER 2012 AU GRAND T MA CHAMBRE FROIDE Saison 2011 / 2012 © Elisabeth Carecchio

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DOSSIER JEUNE PUBLIC

DU LUNDI 6 AU VENDREDI 10 FÉVRIER 2012 AU GRAND T

MA CHAMBRE FROIDE

Saison 2011 / 2012

© Elisabeth Carecchio

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SOMMAIRE

PRÉSENTATION ......................................................................................... 3

LE PROPOS ............................................................................................... 4

NOTES SUR L’INTRIGUE .............................................................................. 5

À PROPOS DE MA CHAMBRE FROIDE ............................................................ 6

« ÊTRE SPECTATEUR » PAR JOËL POMMERAT .............................................. 8

JOËL POMMERAT, METTEUR EN SCÈNE ........................................................ 9

JOËL POMMERAT ET LE THÉÂTRE .............................................................. 11

MA CHAMBRE FROIDE : PHOTOS ................................................................ 12

MA CHAMBRE FROIDE : EXTRAITS .............................................................. 13

MA CHAMBRE FROIDE : EXTRAITS VIDÉO .................................................... 17

LES ÉCHOS DE LA PRESSE ........................................................................ 18

Dossier réalisé à partir de documents divers dont ceux fournis

par l’Odéon / Théâtre de l’Europe.

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MA CHAMBRE FROIDE

TEXTE ET MISE EN SCÈNE JOËL POMMERAT

Scénographie et lumière Eric Soyer Collaboration à la lumière Jean-Gabriel Valot

Collaboration aux accessoires Thomas Ramon Costumes et corps d’animaux Isabelle Deffin avec Morgane Olivier et Karelle Durand Sculptures et têtes d’animaux Laurence Bérodot et Véronique Genet Collaboration aux perruques Nathal ie Regior

Recherche iconographique Isabelle Deffin Recherches, documentations Martine De Michele et Garance Rivoal

Son François Leymarie et Gregoire Leymarie Réalisation du gradin Napo-HMMH Réalisation du décor Les Ateliers de l’ Odéon / Théâtre de l’ Europe

Construction du décor A travers Champs / Tourcoing

AVEC

Jacob Ahrend

Bertrand, un frère d'Estelle, notaire, directeur de l’abattoir, un ours polaire, un moine

Saadia Bentaïeb

Adeline, une religieuse, une chèvre Agnès Berthon Claudie, une religieuse, une inspectrice de police Lionel Codino

Chi, voisin d’Estelle, un employé de l’abattoir, un moine

Ruth Olaizola

Estelle Frédéric Laurent

Alain, un moine

Serge Larivière

Blocq, client du bar, employé de l’abattoir, inspecteur de police

Marie Piemontese

Nathalie, une danseuse de bar Dominique Tack

Jean-Pierre, le mari d’Estelle, une huppe, un moine

PRODUCTION Compagnie Louis Brouillard

COPRODUCTION Odéon / Théâtre de l'Europe, Théâtre National de Bruxelles, TNP de Villeurbanne,

Le Grand T / Scène conventionnée Loire-Atlantique, La Foudre / Scène nationale de Petit-Quevilly, La Coupole / Scène nationale de Sénart,

Théâtre d’Arras, Espace Malraux / Scène nationale de Chambéry et de la Savoie, Scène nationale de Cavaillon et la communauté de spectateurs, Bonlieu / Scène nationale d'Annecy,

Châteauvallon / Centre national de création et de diffusion culturelles, Théâtre du Nord / Théâtre national Lille Tourcoing Région Nord-Pas-de-Calais

Ma chambre froide a été en résidence au CNCDC de Châteauvallon, à l’Odéon / Théâtre de l’Europe.

La compagnie Louis Brouillard est conventionnée et reçoit le soutien du Ministère de la Culture / la Drac Ile-de-France et de la Région Ile-de-France.

Joël Pommerat est artiste associé à L’Odéon / Théât re de L’Europe - Ateliers Berthier pour trois saisons (2010-2013) et au Théâtre National de Bruxelles.

DU LUNDI 6 AU VENDREDI 10 FÉVRIER 2012 AU GRAND T Le lundi 6 et le vendredi 10 à 20h30, du mardi 7 au jeudi 9 à 20h.

DURÉE : 2h15

PUBLIC : à partir de la 1e TARIF : 9€ ou un pass-culture

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LE PROPOS

« On a trop l’habitude de figurer l’enfer comme une chaudière. Le nouveau spectacle de la compagnie Louis Brouillard, dont le nom ne fut jamais plus densément investi, lui conserve sa structure en cercles concentriques, mais lui invente un envers f roid. Pour toucher au cœur de l’homme, Pommerat imagine une double app roche, entre chambre froide et chambre noire, où développer dans le silence et à distance ses prises de vue fictives sur la conditio n humaine contemporaine. Que les premiers mots du spectacle, « Tout est fiction », fassent écho au titre de la pièce qu’il avait mise en scène l’an passé aux Bouffes du Nord, Cercles / Fictions , et dont il reprend le dispositif scénique en arène noire surmontée de gradins, n’étonne donc pas. Les deux créations font diptyque, tant da ns les thèmes traités que dans l’âpreté et la précision de la mis e en scène, si caractéristiques de la manière de Joël Pommerat. »

Marion Alev, critique Ma chambre froide

Avec Ma chambre froide, Joël Pommerat semble avoir voulu puiser ses forces théâtrales dans le rythme et la forme d'un feuilleton qui réserve une large place au rire. Nous découvrons dans sa vie quotidienne une jeune femme simple, exploitée sans vergogne. Mais jamais Estelle ne se plaint – pas même de Blocq, pourtant détesté de tous. Elle est en effet certaine : seules les idées du patron sont mauvaises, et s'il pouvait voir en quoi il se trompe, il serait transformé… Ainsi démarre une aventure ponctuée d'hommages discrets tantôt à Brecht, tantôt à Shakespeare. Mais l'art avec lequel Pommerat entrelace les fils de son récit, aiguisant l'un par l'autre suspense et humanité, n’appartient décidément qu’à lui.

L’association d’histoires parallèles permettent à Pommerat de se situer aux lisières du réel et de la fiction, en sondant les ambigüités et les zones d’ombre de l’humain sur fond de réalité économique et sociale, sans optimisme ni didactisme, mais avec un humour souvent jubilatoire. Sous la forme d’un feuilleton découpé en séquences claires, ponctuées de noirs absolus et enchaînées de manière cinématographique, la mise en œuvre et le rythme de la représentation fascinent.

© Elisabeth Carecchio

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NOTES SUR L’INTRIGUE

« [...] Nous entrons d’abord dans la vie au jour le jour d’un magasin, avec ses coulisses mesquines, ses rivalités de travail, ses moments de lassitude et de vertige – de pure comédie, aussi. Estelle, qui sait toujours prendre « de la hauteur sur les choses », y a commencé comme caissière avant de devenir « polyvalente » – ce qui semble signifier dans son cas que n’importe qui peut lui demander n’importe quoi à n’importe quelle heure. Et ses camarades ne s’en privent pas plus que Blocq, le propriétaire et le patron, un être dont la grossièreté et le cynisme brutal lui valent d’être détesté de tous ses employés. Sauf d’Estelle, justement… À vrai dire, quand commence cette histoire, on croirait presque à une hagiographie moderne : l’héroïne se comporte en tous points comme une sainte, toujours dévouée, prête à se mettre en quatre au service d’autrui, sans jamais s’en plaindre, sans même se permettre de juger ceux qui l’exploitent. [...] La bonté de l’héroïne, son dévouement, son refus de condamner les êtres, ne sont-ils qu’un trait de caractère sans dimension spirituelle particulière, une sorte de masochisme, le symptôme d’une certaine faiblesse ? Cachent-ils un besoin de se fondre en autrui, de vivre sous le signe de l’autre et du devenir-autre ? – Qui est-elle donc, cette Estelle ? Pas à pas, l’enquête de personnalité progresse, et l’étrangeté de l’héroïne va grandissant : elle a parfois de ces réflexions qui sur le moment paraissent bizarres, voire cocasses, mais qu’on s’e mpresse de négliger [...] et ce n’est qu’après coup, après sa disparition, des mois ou de s années plus tard, que leur écho revient hanter ceux qui l’ont connue et leur impose d’y déchiffrer un autre sens. [...] Ce genre de remarques, qui constituent par petites touches la singularité d’Estelle, auraient été vouées à l’oubli si un événement n’était venu tout faire basculer. Et dès lors, de surprises en rebondissements, Pommerat nous entraîne dans un véritable feuilleton, qui ne s’achève qu’aux dernières secondes du spectacle : Blocq, apprenant qu’il est atteint d’un mal qui le condamne à brève échéance, va proposer à ses employés un contrat. Il leur cède l’ensemble de ses entreprises à condition qu’ils inventent en échange une façon de le sauver du néant pur et simple. Et Estelle de saisir sa chance : avec ses collègues, elle s’engage par-devant notaire à écrire, répéter et monter un spectacle sur l’existence de Blocq, dans des délais qui permettront à celui-ci d’y assister – et donc de comprendre ce qu’aura été sa vie, de ne pas la quitter sans s’être métamorphosé. [...] Cependant l’héroïne, en s’improvisant auteur, metteur en scène, chef de troupe, n’est pas la seule à devoir s’engager dans une tâche et sur un terrain inconnus pour elle. Ses collègues, eux devenus patrons à leur tour, se voient confrontés aux choix économiques les plus douloureux, qui leur semblaient naguère inhumains et leur paraissent à présent inéluctables… […] Et tandis que les urgences se télescopent et s’aggravent, on sent monter peu à peu la tentation d’imposer entre elles un arbitrage par la violence… Une femme a disparu, une femme va disparaître : le spectacle se tient dans cet écart et construit ce suspens. Nous revoyons vivre et agi r un être qui ne sait pas encore qu’il va se soustraire à ce monde. Et au moment où le public et l’intime, s’affolant réciproquement, viennent se briser net sur un coup de théâtre – au moment, donc, où la comédie sociale paraît tourner au drame policier , Pommerat parvient à nous surprendre encore en refermant tous les cercles au point même d’où il est parti… »

Daniel Loayza, écrivain

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À PROPOS DE MA CHAMBRE FROIDE

SUFFIRAIT-IL DE VOIR - DE VRAIMENT VOIR - POUR ÊTRE TRANSFORMÉ ?

« À l’image de son décor circulaire, Ma chambre froide est un spectacle à multiples entrées. Depuis quelques temps, la manière de Joël Pommerat semble progresser dans deux directions apparemment opposées (ce qui, chez un créateur, est généralement bon signe). D’un côté, les lignes narratives sont désormais mises en avant de façon plus explicite. De l’autre, elles se multiplient et s’enchevêtrent, comme pour recréer leur mystère sur un autre plan. Chaque scène correspond désormais à une situation claire, dont les enjeux sont formulés avec netteté : comme on dit couramment, « on comprend très bien l’histoire ». C’est comme si le récit, ayant glissé œuvre après œuvre vers le présent du conte, n’avait plus à contester des règles données d’avance, et qu’au besoin il pouvait désormais construire les siennes propres, en toute liberté, avec la complicité de son public. Cela n’a pas toujours été le cas. Le caractère énigmatique du théâtre de Pommerat s’est longtemps appuyé sur un côté « Nouveau Roman », une fascinante bizarrerie « objective » (pouvant aller jusqu’à l’impossibilité) des événements mis en scène. D’une seule main (créé en 2005) en offre sans doute l’exemple le plus frappant. Le fonctionnement traditionnel de la narration y est systématiquement subverti – à peu près tous les éléments donnés pour certains et « objectifs » finissent par y être niés ou renversés (un personnage à la main coupée réapparaît avec ses deux mains, des morts ont lieu puis n’ont pas eu lieu, des propos tenus par A à B sont ensuite adressés par B à A, et ainsi de suite – exactement comme si la pièce réunissait sans aucune solution de continuité deux états du monde apparentés, mais incompatibles entre eux, afin d’en dégager les invariants). Cependant, dès Cet enfant (publié dans le même volume que D’une seule main, mais dont le projet remonte en fait à 2003), premier exemple publié d’une œuvre constituée d’une multiplicité d’histoires distinctes quoique thématiquement liées, Pommerat avait déjà amorcé de tout autres recherches, renonçant à la dimension ouvertement fantastique qui le caractérisait pour adopter une facture toute classique : les personnages, leurs rapports, leurs conflits, y sont assez clairement identifiés et lisibles. Est-ce ensuite l’expérience concrète du spectacle pour enfants – Le Petit Chaperon rouge est créé en juin 2004 à Brétigny-sur-Orge – qui a accentué cet infléchissement de son style théâtral ? Depuis lors, le mystère semble s’être en quelque sorte déplacé. Ce n’est plus tant la fiction en elle-même qui paraît hantée par on ne sait quelle étrangeté évocatoire ; ce ne sont plus, ou ce sont moins les ellipses, les points aveugles ou les nœuds oniriques de l’intrigue qui confèrent aux spectacles leur énergie sombre et silencieuse. Désormais, la mise en œuvre au plateau y suffit, en creusant, contestant ou entrelaçant les histoires les plus simples : c’est leur contrepoint scénique qui bâtit sous nos yeux les arrière-plans indéfinis, fuyants et secrets si typiques des atmosphères de Pommerat. Il est d’ailleurs remarquable que depuis Les Marchands (où le puzzle théâtral se réduit à deux pièces : la voix d’une narratrice posée comme un voile invisible sur des scènes muettes), Pommerat n’écrit plus – à l’exception, bien entendu, du cas particulier de Pinocchio (créé à l'Odéon en 2008), spectacle pour jeunes publics – que des spectacles-mosaïque, des agencements de narrations plus ou moins fragmentaires, éclatées, évasives, sans rapport immédiatement déchiffrable entre elles – et pourtant toutes d’une aveuglante évidence, comme autant de flèches au tracé net et pointant toutes vers un point singulier qu’il appartient à chacun de construire et de rejoindre (Cercles/Fictions, créé en janvier 2010, compose ainsi des scènes

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qui vont de 1370 à nos jours, et c’est comme un collier de microcosmes dont le public doit trouver ou fabriquer le fil). Et dans tous les spectacles de la compagnie Louis Brouillard, une présence au statut variable paraît s’être substituée à la logique du « grand récit » pour prendre en charge le bon déroulement et l’unification de l’ensemble du temps scénique : que ce soit une voix désincarnée, un bonimenteur, un Monsieur Loyal, un conteur, il se trouve toujours quelqu’un pour contribuer à nouer, cadrer et ponctuer le rapport entre les événements qui se déroulent au plateau et leur perception par les spectateurs. Quel nouveau jalon Ma chambre froide vient-il poser dans ce parcours de création ? L’œuvre est en cours d’écriture et le sera jusqu’aux derniers jours de répétition (Pommerat procède toujours ainsi, écrivant à même les présences au plateau, avec et pour ses interprètes). On y retrouve une multiplicité de narrateurs qui nous introduisent au récit d’événements remontant à plusieurs années et soulignent pour nous les principales articulations de la longue histoire qu’ils ont vécue ensemble. – Oui, une histoire, unique, en dépit de ses rebondissements et des différents plans sur lesquels elle se déroule. Telle est la surprise : Pommerat, dans Ma chambre froide , revient au cadre du « grand récit » qu’il avait d élaissé depuis cinq ou six ans. Mais sans rien sacrifier pour autant de la clarté qu’il s’est forgée entre temps, ni de la capricieuse diversité des plans narratifs. Car cette fois-ci, il semble avoir voulu puiser ses forces théâtrales dans le rythme e t la forme du feuilleton ! Comme tous les feuilletons, il serait dommage de raconter la fin de celui-ci. […] Comme disait Hamlet, « le jeu est le piège / où je prendrai la conscience du Roi »… On le devine, le théâtre (tragédie ou comédie, car Ma chambre froide réserve une large place au rire) a ici un rôle essentiel à jouer. Mais l’héroïne n’est pas la seule à devoir s’engager dans une tâche et sur un terrain inconnus pour elle. Ses collègues, eux aussi, se voient confrontés aux choix les plus douloureux. En fait, chacun des personnages que nous accompagno ns dans Ma chambre froide va découvrir des lois qu’il ignorait et devoir, de vant elles, se mesurer : lois de l’économie, loi de la mortalité – et lois de l’art, aussi, puisque l’art lui-même a ses exigences, qui ne sont pas moins imp érieuses, voire cruelles. Dans Ma chambre froide , Pommerat se plaît à rendre hommage tantôt à Brech t, tantôt à Shakespeare , comme il avait pu s’inspirer de Tchekhov dans Au Monde ou dans Grâce à mes yeux. Mais sa façon d’entrelacer les fils de son récit, où suspense et humanité se renforcent et s’aiguisent l’un l’autre, n’appartient décidément qu’à lui. »

Daniel Loayza, écrivain, 28 décembre 2010

Ma chambre froide a été créée le 2 mars 2011 à l’Odéon / Théâtre de L ’Europe - Ateliers Berthier.

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« ÊTRE SPECTATEUR » PAR JOËL POMMERAT « Lorsque je vois les spectateurs qui patientent pour entrer dans une salle où se joue un de mes spectacles, je sens en moi une grande responsabilité. Ces gens sont là parce qu’ils en ont envie. Ils sont curieux et je ne peux et ne veux pas décevoir cette curiosité. […] / Le spectateur n’est pas un intrus. Il est essentiel s’ il arrive au bon moment. Il est celui qui rend le geste et la parole. Celui qui les fait exis ter. Celui qui finit le processus de création de la réalité. Il achève le processus de r évélation de l’instant. / Nous sommes au théâtre. Nous ne devons jamais l’oublier. Nous sommes dans un espace et dans un lieu. Nous répétons souvent dans des théâtres. Nous répétons donc dans des espaces vides. Dans une architecture conçue pour abriter des regards, des corps, des impatiences, des désirs, des sensations, des sensibilités. Et c’est toute cette matière humaine vivante qui va finir de créer cette réalité dont je parle. Le spectateur est un élément indispensable du processus de recherche. / Ce qui est certain, c’est que le jour où je regarderai un spectacle que j’ai fabriqué sans les spectateurs, le jour, donc, où je le regarderai, au milieu d’eux, je verrai des choses pour la première fois. À ce moment-là, une autre étape de l’écriture commencera parce que, réellement, des choses vont me parvenir que je n’avais pas pu déceler auparavant. Un spectacle finit de s’écrire dans les deux ou trois premières semaines de confrontation au public. La représentation est modifiée suivant la disponibilité ou non du spectateur, la curiosité de son regard. Il y a évidemment interaction. Le spectacle est altéré par le regard, non seulement altéré mais il peut être détruit par le regard, l’absence de regard ou l’absence de désir. / On ne peut pas faire du théâtre, on ne peut pas mener l’expérience de cette recherche d’êt re, sans le regard de l’autre. C’est ce qui est à la fois très beau et impur ».

Joël Pommerat, metteur en scène Odéon / Théâtre de l’Europe, janvier 2011

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JOËL POMMERAT, METTEUR EN SCÈNE

Joël Pommerat est né en 1963. Il est auteur-metteur en scène. Il arrête ses études à 16 ans et devient comédien à 18 ans. Il est passionné très tôt par le théâtre. Dès l’âge de 19 ans, le jeune homme est engagé par une compagnie, le Théâtre de la Mascara. Mais il s’aperçoit aussi très vite que ce n’est pas acteur qu’il veut être. Joël Pommerat se met à écrire des pièces. À 23 ans, il s'engage dans une pratique régulière de l'écriture. Il étudie et écrit de manière intensive pendant 4 ans. Il met en scène un premier texte en 1990, à 27 ans, Le Chemin de Dakar. Monologue non théâtral présenté au Théâtre Clavel à Paris. Il fonde à cette occasion sa compagnie qu'il nomme Louis Brouillard.

Suivront les créations de Le Théâtre en 1991, 25 années de littérature de Léon Talkoi en 1993, Des suées et Les Événements en 1994. Différents textes écrits et mis en scène selon un processus qui commence à se définir. Le texte s'écrivant conjointement aux répétitions avec les acteurs. Tous ces spectacles sont présentés au Théâtre de la Main d’Or à Paris. En 1995, il répète et crée le spectacle Pôles au Fédérés de Montluçon, repris deux mois au Théâtre de la Main d'Or. Premier texte artistiquement abouti aux yeux de l'auteur. Et premier texte à être publié (sept ans plus tard en 2002 aux Éditions Actes Sud-Papiers). Il écrit Les Enfants (1996), commande d’une pièce radiophonique pour France Culture. À partir de 1997, il est accompagné et soutenu par le Théâtre Brétigny et le Théâtre Paris-Villette. Il crée Qu’est-ce qu’on a fait ? en 2003, commande de la CAF du Calvados et du CDN de Caen. Trois ans plus tard, Joël Pommerat remet en scène cette pièce sous le titre : Cet enfant. Il crée au Théâtre Paris-Villette Mon ami (2000), Grâce à mes yeux (2002) et Cet enfant (2006). Il monte ensuite Au monde (2004), Le Petit Chaperon rouge (2004), D’une seule main (2005), Les Marchands (2006). De 2005 à 2008, il est artiste en résidence à l’Espace Malraux Scène nationale de Chambéry et de la Savoie. En juillet 2006, il est invité au Festival d’Avignon, où il présente Le Petit Chaperon rouge, Cet enfant, Au Monde et Les Marchands. À l’invitation de Peter Brook, il est en résidence pour trois ans au Théâtre des Bouffes du Nord (2007-2010). Il y crée Je tremble (1) en 2007 puis Cercles/Fictions en janvier 2010. La Compagnie Louis Brouillard a reçu le Molière des Compagnies 2010 pour cette dernière création.

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En mars 2008, à l’Odéon-Théâtre de l’Europe (aux Ateliers Berthier), il crée Pinocchio. Il crée au Festival d’Avignon en juillet 2008 Je tremble (1 et 2). Il écrit un livret pour l'opéra Thanks To My Eyes d'après sa pièce Grâce à mes yeux (musique d'Oscar Bianchi) mise en scène et création au Festival d'Aix en juillet 2011. En octobre 2010, il propose une nouvelle mise en scène de Pinocchio en russe au Théâtre Meyerhold à Moscou dans le cadre des années croisées France-Russie. Il entame une association de trois ans avec l'Odéon-Théâtre de L’Europe et de cinq ans avec le Théâtre National de Bruxelles. Ont été accueillis par le Grand T : Cet enfant (février 2008), Au Monde (mars 2008), Les Marchands (avril 2008), Je tremble (1 et 2) (mars 2009) et Cercles/Fictions (2011). Joël Pommerat a également écrit et réalisé plusieurs courts métrages en vidéo. Les textes de Joël Pommerat sont édités chez Actes Sud-Papiers. Ils sont traduits en anglais, allemand, coréen, croate, espagnol, grec, italien, roumain, russe et suédois. Ouvrages sur Joël Pommerat : Théâtres en présence, Actes Sud-Papiers/Collection Apprendre - mars 2007. Joël Pommerat, troubles de Joëlle Gayot et Joël Pommerat - Editions Actes Sud - août 2009.

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JOËL POMMERAT ET LE THÉÂTRE

« Je ne crois pas que le théâtre soit le lieu idéal d'expression des bons sentiments. Le théâtre est un lieu possible d'interrogation et d'expérience de l'humain. Non pas un lieu où nous allons chercher la confirmation de ce que nous savons déjà mais un lieu de possibles, et de remises en question de ce qui nous semble acquis. Un lieu où nous n'avons pas peur de nous faire mal, puisque ce lieu est un lieu de simulacre et que les blessures que nous allons nous faire n'ont rien de commun avec celles que nous pourrions subir dans la vie qui n'est pas théâtre. Il ne faut jamais confondre l'art et la vie. Quand je travaille je cherche à replacer le spectateur dans un temps précis, concret. Un temps qui puisse rassembler spectateurs et acteurs dans un lieu donné. Un temps capable de relier fortement des êtres les uns aux autres, par exemple : comme un groupe de personnes face à un danger commun. Et c'est cela que j'appelle « le rapport au réel » dans mon travail : la recherche d'un rapport au temps réel, au temps présent, à l'instant. D'où découle un rapport à l'espace réel qui est l'espace commun de l'acteur et du spectateur. Je cherche à rendre l'intensité du temps qui passe, seconde après seconde, comme au moment de notre vie les plus essentiels, pendant une expérience qui nous confronte à nous-mêmes, au plus profond. En même temps je choisis des situations ordinaires, et je cherche à l'intérieur de ce cadre ordinaire la tension la plus forte, l'intensité la plus grande. »

Joël Pommerat, Théâtres en présence, p 27-28, Actes Sud-Papiers, Collection Apprendre, 2007

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MA CHAMBRE FROIDE : PHOTOS

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MA CHAMBRE FROIDE : EXTRAITS

Ma chambre froide, Acte 1 Actes Sud – Papiers

INCIPIT VOIX DE CLAUDIE. Ça va pas être simple de retracer cette histoire et tous ces événements mais je vais essayer quand même. Je vais faire tout ce que je peux. Ce que j’aurais envie de dire pour débuter, pour démarrer, c’est que dans la vie tout est fiction… Je sais pas mieux dire, oui. Tout est fiction. Avec le recul, c’est pas facile de s’y retrouver dans la masse de réalités. Pour m’aider à avancer je vais avoir recours à ma mémoire mais aussi à un carnet qu’une femme qui s’appelle Estelle a laissé derrière elle et que j’ai gardé avec moi, chez moi. Depuis dix ans, cette femme a disparu. Et personne n’a jamais eu de ses nouvelles. Dans ce carnet, Estelle raconte énormément de choses. Par exemple, ce qu’elle avait fait ou plutôt ce qui lui était arrivé un jour lorsqu’elle était très jeune. Et qu’elle aimait déjà avec passion le théâtre et les déguisements.

[…]

_ 4. UN DIMANCHE À TRAVAILLER _ (P.11-12) Au magasin. Estelle traverse l’entrepôt pour sortir. Elle croise Alain et Jean-Pierre. ESTELLE. Bonsoir. (Elle s’arrête en voyant la tête défaite d’Alain et de Jean-Pierre.) Qu’est-ce qui se passe ? JEAN-PIERRE. Une tragédie. ESTELLE. Ah bon ?! JEAN-PIERRE. On va devoir se taper le grand nettoyage… Les frigos et la chambre froide. On doit faire ça pour lundi matin. ESTELLE. … JEAN-PIERRE. Va falloir travailler dimanche. ESTELLE. Mince alors ! JEAN-PIERRE. C’est la foudre qui est tombée sur le troupeau. ALAIN. Mais pourquoi tu lui dis pas directement les choses, Jean-Pierre ?

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JEAN-PIERRE. Qu’est-ce que tu veux que je lui dise ?! ALAIN. On en a parlé à l’instant… C’est toi le chef, Jean-Pierre, faut que tu prennes tes responsabilités. JEAN-PIERRE. On peut pas venir dimanche… Ni lui ni moi. Il a des engagements qu’on peut pas déplacer et c’est pire. ESTELLE. Ah bon ? Mais chef, dimanche je peux pas travailler. JEAN-PIERRE. Pourquoi ? ESTELLE. Parce que j’ai prévu des choses que je peux pas faire les autres jours. JEAN-PIERRE (presque suppliant). Tu sais, ce serait formidable que tu puisses venir quand même… ESTELLE. Il y a des trucs là-dedans que vous avez du mal à soulever à deux ! JEAN-PIERRE. Je sais pas quoi te répondre… La seule chose c’est que si tu nous rends pas ce service je vois pas comment on va s’en sortir. ALAIN. Cette fois c’est certain, Blocq va pouvoir le virer… Si je pouvais venir dimanche je viendrais mais là vraiment je peux pas… ESTELLE. Bon alors d’accord… Mais ça m’arrange pas vous savez. JEAN-PIERRE. Tu es vraiment une chouette personne toi, tu sais… On peut compter sur toi vraiment, ça fait du bien… ESTELLE. Il faut bien s’entraider… entre collègues… Vous feriez la même chose à ma place, c’est certain. JEAN-PIERRE. Evidemment. Jean-Pierre et Alain sortent. Noir.

_ 5. RÊVE DE LA LAVEUSE _ (P.12) On voit Estelle conduisant une énorme laveuse industrielle. VOIX DE CLAUDIE. Travailler est fatigant mais Estelle était souvent deux fois plus fatiguée que tout le monde. Et c’est bien normal. Le sommeil occupait une grande place dans sa vie. Même si elle dormait peu, faute de temps. Estelle regrettait que les rêves qu’elle faisait soient banals et ennuyeux. Elle rêvait beaucoup de son travail et de ses collègues. La journée, Estelle nous le racontait. Un jour, elle avait fait un rêve plutôt original : elle avait rêvé que ses conditions de travail au magasin avaient considérablement évolué. Noir.

[…]

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_ 14. TESTAMENT DE BLOCQ _ (P. 24-27) Dans le vestiaire. Blocq a réuni ses employés. BLOCQ. Vous êtes inquiets au sujet de votre avenir… Et il y a de quoi… Quant au mien il est tout tracé… Tous mes fantasmes, tous mes rêves sont maintenant enterrés très profond… Au fon d’un trou… Et je vais aller les rejoindre dans quelques semaines… (Un temps, pris par une émotion.) Je pense qu’on ne me connaît pas vraiment… Je pense en fait qu’on ne sait pas qui je suis ! Je ne pense pas avoir raté ma vie… Mais par contre je suis certain d’avoir été raté par les autres… Aujourd’hui, autour de moi, je ne ressens aucune considération pour tout ce que j’ai fait… Rien. Zéro. Et j’en chialerais presque… tellement je suis amer… Parce que je vous le dis : c’est pas crever qui est triste, c’est cette absence de considération que je ressens autour de moi qui est épouvantable… Si j’avais le temps… j’aimerais pouvoir dire tout ce que j’ai à dire, j’aimerais ça oui, dans un livre par exemple, comme tous ces connards qui passent à la télé… Dire tout ce que j’ai à dire… Mais bon… le temps presse… (Un temps.) Parlons de vous et de votre avenir à vous… Ce que je tiens là dans ma main, là, s’appelle un contrat… Et ce contrat nous irons le signer demain chez le notaire. Je sais pas si certains d’entre vous ont déjà eu affaire avec un notaire dans leur vie ? Certainement que non ! Ce contrat il en existe un rédigé au nom de chacun d’entre vous… Il y est écrit… que vous deviendrez dès demain ensemble les copropriétaires de ce magasin ainsi que des trois autres sociétés Blocq que j’ai créées grâce à mon travail : abattoir, cimenterie et bar de luxe. A moins que vous refusiez une telle offre, à partir de demain, je vous l’annonce officiellement, je ne serai plus propriétaire de ces entreprises, elles vous appartiendront, vous en serez devenus, vous, les propriétaires-actionnaires, à parts strictement égales… (Long silence.) Vous avez des questions ? (Silence.) Y a personne qui a une question ? Vous avez été réfrigérés ce matin ou quoi ? Je vous entendais dans les couloirs tout à l’heure faire des commérages… Y a plurs rien qui sort maintenant ?! ALAIN. Excusez-moi mais moi je réalise pas ce que vous venez de dire. Chi dit quelque chose dans un français incompréhensible. BLOCQ. Ah putain c’est pas vrai ! La seule question elle est en égyptien ! Excusez-nous monsieur je sais plus votre nom, pardon j’ai oublié, j’ai pas prévu d’interprète pour la conférence internationale. ESTELLE. Monsieur Chi Duong parle français, monsieur Blocq. BLOCQ. On s’en fout, qu’est-ce qu’il a dit ? ESTELLE (traduisant). « Vous avez une famille, pourquoi vous feriez ça ? » BLOCQ. Non j’ai pas de famille. Zéro famille. Si vous aviez une famille comme la mienne vous feriez la même chose que moi… La seule façon d’empêcher ces gens de mettre la main sur mon fric et mes biens… la seule que j’ai trouvée… c’est que je devienne pauvre de mon vivant. Puisqu’il est certain que je vais mourir alors c’est vous qui allez devenir des salauds de riches à ma place voilà… A part ça, et c’est peut-être pour des raisons purement sentimentales, mais je suis attaché à ce magasin c’est tout parce que c’est ici que tout a démarré pour moi il y a plus de trente ans. Je suis donc attaché à son personnel. Voilà c’est

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un peu inexplicable je le sais bien, vu le nombre d’emmerdements que vous m’avez causés dans la vie. ADELINE. C’est très généreux de votre part une initiative pareille mais on n’a pas les compétences pour assumer une charge aussi considérable… BLOCQ. Et bien vous vous démerderez, vous vous démerderez… Vous apprendrez, vous réfléchirez. Vous prendrez des cours… si vous en avez envie. Si vous avez envie d’aller un peu de l’avant. Au lieu de rester dans vos pantoufles d’épicier… Et puis si vous avez pas envie, vous resterez chez vous et puis c’est tout. Je mettrai en vente le magasin… Et vous aurez sur le dos un nouveau propriétaire si ça se trouve encore plus emmerdant que moi… Qui vous liquidera en trois semaines… Admettons que vous ne soyez pas assez idiots pour refuser l’opportunité incroyable que je vous offre. Je vous demanderais encore de réfléchir à une chose très importante. Je vous demanderais tout simplement de réfléchir à la manière de me dire merci ! Parce qu’en fait j’ai pas l’intention de ne rien vous demander en compensation de ce que je suis en train de vous donner aujourd’hui… Ce serait trop facile la vie… Non ? Vous pensez pas ? Bon… J’ai pensé… qu’on pourrait stipuler dans le contrat que vous allez signer, et qui serait garanti par un huissier, l’obligation que vous auriez, chaque année, de me consacrer une journée de votre temps, une journée en l’honneur du type qui vous a légué tous ses biens… Comme quand on célèbre la vie de quelqu’un qui a été généreux et qui n’avait pas fait que se tourner les pouces dans sa vie… Je sais pas encore la forme que ça pourrait prendre exactement, je vais y réfléchir cet après-midi et je le rajouterai dans les contrats qui vous signerez demain matin. ALAIN. Faire quelque chose devant qui ? BLOCQ. Devant des gens plutôt que devant des pingouins. ESTELLE. A ce moment-là il vaudrait mieux écrire une pièce de théâtre. BLOCQ. Qu’est-ce que vous racontez ? ESTELLE. J’ai participé à une pièce théâtrale qui a été montée il y a dix ans sur la vie de Saint Louis. On l’a jouée cinq années de suite tous les étés en extérieur, il y avait des centaines de personnes à chaque fois. On pourrait écrire sous forme d’un pièce théâtrale les moments que vous pensez importants de votre vie, et chaque année on la jouerait, ça pourrait intéresser les gens… si on joue bien. BLOCQ. Mais qui ferait ça ? ESTELLE. Ben nous les gens du magasin ! Ce serait pas comme un travail ça pourrait être amusant même… Ça nous ferait décompresser… Ce serait une pièce amateur mais si elle est faite sérieusement ça peut être intéressant… Noir.

[…]

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MA CHAMBRE FROIDE : EXTRAITS VIDÉO

YOUTUBE

Ma chambre froide Bande-annonce

2’02 http://www.youtube.com/watch?v=7VLaXocDml0

THEATRE-VIDEO

Entretien avec Joël Pommerat Entretien avec Joël Pommerat : auteur et metteur en scène sensible dont la recherche engagée

depuis près de huit ans creuse patiemment son sillon et commence à faire trace dans le paysage théâtral français. Ce jeune homme singulier, sans appartenance revendiquée à l'un ou l'autre courant

artistique, tente de s'expliquer sur son écriture, ses inspirations, références et admirations et sa manière de travailler à partir des éléments tangibles du plateau. Il livre ainsi sa vision d'un théâtre où texte, espace et travail des acteurs participent du même mouvement et pose la question du rapport,

qui s'engage entre les acteurs et les spectateurs

36’24 http://www.theatre-video.net/video/Entretien-avec-Joel-Pommerat

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LES ÉCHOS DE LA PRESSE

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Joël Pommerat, grand prêcheur d'un froid théâtre

de la cruauté

Le titre du spectacle, Ma chambre froide, n'est pas fait pour réchauffer les cœurs et Joël

Pommerat qui signe le texte et la mise en scène n'est pas exactement l'apôtre d'un théâtre

chaleureux. Mais plutôt l'entomologiste précis et méticuleux des travers de notre société.

Un observateur de l'abjection humaine

Pommerat n'a pas son pareil dans le théâtre français d'aujourd'hui pour broyer le noir,

l'abjection, la trahison, l'humiliation, la méchanceté, à travers des scènes brèves et glaçantes et

des personnages dont le plus souvent on ne sait pas grand-chose, hormis la situation dans

laquelle Pommerat les jette pour mieux observer leurs mouvements tel un biologiste notant les

agissements des microbes dans l'œil de son microscope.

Scénographe et créateur lumière attitré de Joël Pommerat avec lequel on devine une grande

complicité, Eric Soyer dispose les spectateurs dans un amphithéâtre circulaire à forte pente,

avec une vue plongeante sur le rond central (une scène parfois tournante) où tout se passe.

Plutôt qu'un cirque, on pense plus à une version réduite et en bois des arènes romaines où

hommes et animaux se battaient jusqu'à ce que mort s'en suive. On pense tout autant à ces

amphithéâtres où, à la fin du XIXe siècle, des personnalités fortes comme faisaient des

expériences à vue sur l'homme dont on découvrait alors qu'il avait un inconscient et des

pulsions terribles.

Un feuilleton qui tourne rond

Ce dispositif circulaire radicalise celui du précédent spectacle Cercles/Fictions et apparaît

comme une machine à jouer où Pommerat pourrait redéployer dans une noire saga la plupart

de ses pièces. Il fait aussi ironiquement penser à une version inversée du dispositif adopté par

Olivier Py pour Les Enfants de Saturne au même endroit (les entrepôts Berthier), les

spectateurs étaient alors aussi au centre et, en tournant, découvraient le décor autour. Ici c'est

l'inverse, plus simple et plus efficace. Ajoutons que Pommerat est artiste associé au Théâtre

de l'Odéon pour trois ans.

Autre inflexion de son écriture, Pommerat opte cette fois classiquement pour la continuité

d'une histoire feuilletonesque autour d'une héroïne Estelle et d'un héros, Blocq. Une héroïne

malgré elle. Estelle travaille comme femme de ménage et femme à tout faire dans un magasin,

exploitée par son patron, l'odieux Blocq, méprisée par ses collègues et battue par son mari. Se

révolte-elle ? Aucunement.

Elle carbure à la compassion : le patron n'est pas mauvais, assure-t-elle, ce sont ses idées qui

le sont, et c'est elle, Estelle, qui ne sait pas lui expliquer. Estelle veut faire le bien, est toujours

prête à rendre service à se sacrifier, la seule à être à l'écoute des autres (la preuve, elle seule

comprend le « français » que parle le Chinois qui travaille dans l'entreprise depuis

longtemps). C'est une sainte qui s'ignore.

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Sous l'ouvrier perce le capitaliste

L'histoire est racontée en voix off (procédé narratif familier au cinéma mais peu fréquent au

théâtre), par une des employées du magasin qui a lu le journal que tenait Estelle, retrouvé

après sa disparition. On est happé par cette histoire comme quand on écoute un feuilleton à la

radio d'ailleurs le spectacle pourrait être radiodiffusé d'autant que ce qui se passe sur le rond

central est souvent d'un caractère visuel plus déceptif qu'hypnotique.

Le feuilleton prend corps après une mise en place des protagonistes (les huit employés du

magasin et le patron) quand le patron, Blocq, apprend qu'il est condamné par une tumeur. Il

décide alors d'offrir à ses employés le magasin mais aussi l'abattoir, la cimenterie et la boite

de nuit qu'il possède. Non par bonté d'âme (il déteste ses employés comme il déteste tout le

genre humain) mais parce qu'il hait sa propre famille. Il y met cependant une condition : qu'on

lui rende hommage avant sa mort dans un spectacle, et Estelle, passionnée par le théâtre, c'est-

à-dire par l'écoute de l'autre, propose de s'en occuper.

Dès lors le spectacle se déroule selon plusieurs axes :

• les employés continuent à travailler au magasin,

• mais font des heures sup pour gérer les entreprises dont ils viennent d'hériter,

• et restent encore quelques heures en sus, tard le soir, pour répéter la pièce dont Estelle

a l'idée et à laquelle ils ne comprennent rien si bien qu'elle n'en finit pas de changer

d'idée de pièce.

La pièce tient là son équilibre auquel s'ajoute un dernier paramètre : le destin de l'héroïne où

gît la clef du titre de la pièce mais on ne va pas tout raconter.

Une entreprise théâtrale dans l'entreprise

Les scènes des répétitions théâtrales le soir après le boulot, évidemment comiques, font un

facile tabac auprès du public. A mi-chemin entre Yasmina Réza et Intervilles, je les ai

trouvées personnellement assommantes de gros sabots, par trop sommaires.

En revanche, extraordinaires sont les scènes très travaillées, pleines d'alvéoles, où les

« gentils » ouvriers se transforment à vue en « méchants » capitalistes, faisant preuve d'un

égoïsme et d'une lâcheté sans limite mais chacun à sa manière. On les voit fermer une des

entreprises où pourtant ils ont des copains qui travaillent et vont se retrouver sur le carreau, et

faire cela sans trop d'état d'âme, pour sauvegarder leur capital. Là Pommerat est à son affaire,

dans ce remugle nauséabond où il explore les recoins les plus inavouables de la nature

humaine (la collaboration par temps d'Occupation traverse plusieurs de ses pièces).

Ce qui rend d'autant plus ridicule l'épilogue de sa pièce en forme de happy end moral(isant)

où l'on apprend, dix ans plus tard, que les ouvriers se sont rachetés comme disent les curés,

qu'ils ont vendu tout sans le moindre bénéfice, qu'ils sont redevenus salariés du magasin,

lequel a fermé et qu'ils sont désormais au chômage. Le feuilleton a droit à toutes les fantaisies.

Et le théâtre ? Celui de Pommerat dans sa perfection formelle est fascinant, forcément. Mais

distant. Enfermé dans sa gangue de lumières et de voix passées au crible des micros, haché de

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noirs. Froidement prenant sur l'instant, il ne s'attarde pas durablement dans la mémoire. J'ai

souvent l'impression en voyant un spectacle de Pommerat d'être dans la position du gamin

qui, par ennui, chavire l'ordonnance d'une fourmilière d'un coup de pied, y jette quelque

insecticide ou une allumette, regarde un peu comment cette société microscopique va s'en

sortir et passe à autre chose.

Jean-Pierre Thibaudat, Rue89, mars 2011

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ALLEGRO THEATRE

S A M E D I 1 2 M A R S 2 0 1 1 – P A R JOSHKA SCH IDLOW

Ma chambre froide de Joël Pommerat

Joël Pommerat, on le sait, ne s'intègre à aucun courant. Il franchit de plus avec Ma

chambre froide un palier nouveau. Estelle, le personnage central d'une humilité et

d'une gentillesse exaspérantes fait songer à ces monstres de vertu que sont L'Idiot de

Dostoïevski et l'héroïne de La Bonne Âme de Tse Chouan de Brecht. Elle trime dans

un magasin où ses collègues l'exploitent et dont le patron est un sagouin de la pire

espèce. Ce dernier est atteint d'un mal qui ne lui laisse aucune chance de s'en tirer. Il

lègue ses multiples affaires à ses employés mais cela à des conditions plus que

contraignantes. L'une d'elles est l'obligation pour ses légataires de monter un

spectacle qui relate sa vie.

Et c'est Estelle, celle que tous bafouaient, qui en est la créatrice. Esprit un poil égaré,

elle tente de faire reproduire les images qui ont surgi dans son sommeil. Ses confrères

commencent par se rebiffer puis, lorsque surgit un frère de leur souffre douleur,

individu d'une violence pathologique, acceptent ses instructions même celle de se

déguiser en animaux révélant par là la bestialité qui est au cœur de l'espèce humaine.

L'argent peu à peu les transforme. Ils font bientôt leur l'arbitraire cupide du dirigeant

unanimement haï mais ne tarderont pas à récolter les fruits amers de cette trahison

de leur classe.

Assaisonnée de scènes burlesques telles celle où un collègue chinois d'Estelle

s'exprime dans un français incompréhensible mais dont elle fait une traduction en

décalé et d'autres où des acteurs belges assènent des paroles d'un écœurant bon sens

avec un accent à couper au couteau, la représentation frappe autant par la juste

saignante de son discours social que par ses épisodes oniriques d'une sidérante

splendeur.

Avec son décor en forme d'arène, ses jaillissements de musique de boîte de nuit, son

écriture d'une beauté qui laisse coi et ses interprètes aux physiques étonnement

insignifiants mais au talent prodigieux, ce spectacle est à la mesure du chaos du

monde.

La dernière phrase qui décrit Estelle comme "une sainte amoureuse du mal" en dit

long sur la connaissance qu'a Joël Pommerat de l'architecture mentale de ses "frères

humains".

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MARION FRASLIN-ÉCHEVIN / MANON ALBERT 02 28 24 28 18

[email protected]

PASCALE DEGRIECK / 02 28 24 28 08 [email protected]

FLORENCE DANVEAU / 02 28 24 28 16

[email protected]

CAROLINE URVOY / ANNIE PLOTEAU / 02 28 24 28 17 [email protected] / [email protected]

LE GRAND T

BP 30111 44001 Nantes cedex 01

Tél 02 28 24 28 24 Fax 02 28 24 28 38

De nombreuses pistes de travail autour des spectacles sont disponibles dans le document

« ALLER AU THÉÂTRE : LIRE, VOIR,

DIRE, ÉCRIRE ET FAIRE… AVEC LES ÉLÈVES »

Rendez-vous sur : http://www.leGrandT.fr/IMG/pdf/aller_au_theatre_11-12.pdf

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