Dossier Pédagogique

Entre(z) dans la Danse avec le Ballet National de Marseille

-année scolaire 2014/2015

BALLET NATIONAL DE MARSEILLE20 Boulevard de Gabès – 13417 Marseille cedex 08 – France

Tél. +33(0)4 91 32 72 72 – Fax +33(0)491 71 51 12

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HISTORIQUEC’est en 1999 sous la direction de Marie-Claude Pietragalla que le BalletNational de Marseille signe un partenariat avec le Rectorat de l'Académie d'Aix-Marseille, dans le but de mettre en œuvre un programme ambitieux de sensibilisation du jeune public à la danse.

Ce programme, baptisé “Entrez dans la danse avec le Ballet National deMarseille”, concerne tous les élèves scolarisés dans les établissements primaires et secondaires de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, que ce soitdans l’enseignement général ou technique.

Depuis la saison 1999/2000, plus de soixante classes de primaire, collège etlycée ont ainsi participé à cette opération, soit plus de 3000 élèves, qui ont visité les studios de danse, rencontré des danseurs professionnels, assisté à desrépétitions et à des représentations publiques dans plusieurs lieux de spectaclesmarseillais et aixois (Opéra, TNM-La CRIéE, Pavillon Noir, théâtre du Gymnase,Dôme de Marseille …).

OBJECTIFSLe but de cette opération est de permettre à ces élèves, souvent issus de Zonesd’Education Prioritaire, d’accéder facilement et gratuitement aux pratiques etaux œuvres de la danse, ainsi que de découvrir le fonctionnement d’une compagnie professionnelle. Il est important de dire que ce dispositif adopteune démarche de projet, conduisant obligatoirement à une production et à unevalorisation du travail des élèves. Chaque projet est établi par l’enseignant enétroite collaboration avec le Ballet National de Marseille, à partir d’un thèmeextrait de la pièce chorégraphique qui sera vue et étudiée par les participants.Chaque classe est suivie au fur et à mesure du déroulement de son projet parun danseur ou une danseuse et par le responsable de l’Action Culturelle de lacompagnie. À la fin de l’année scolaire et pour clôturer le programme, tous lesparticipants se réunissent dans le Grand Studio du Ballet National de Marseilleafin d’exposer les travaux réalisés et faire le bilan de l’opération.

Le thème que nous vous proposons d’explorer cette année s’inspire de la pièced’Emio GRECO et Pieter C. SCHOLTEN “Le Corps du Ballet National deMarseille” : il s’agit de : “LE CORPS INDIVIDUEL ET LE CORPS COLLECTIF”.

Cette pièce sera présentée en mars 2015 au TNM-La Criée.

LES éTAPES

1/ D’OCTOBRE À DÉCEMBRE : • découverte du Ballet National de Marseille à travers une visite des locaux puis rencontre avec les danseurs et accès à une répétition des danseurs professionnels.• 1er spectacle de la saison : Winter Festival I Grand Studio du BNM (12, 13, 14 décembre)

2/ DE JANVIER À MAI : • ateliers de travail avec les danseurs “parrains” dans vos classes (prévoir 2 ou 3 ateliers)• 2e spectacle de la saison : Le Coprs du BNM I TNM-La Criée (14 & 15 mars)• 3e spectacle de la saison : Bolero & Two I Opéra de Marseille (8 & 9 mai)

3/ FIN MAI/DÉBUT JUIN : présentation finale des travaux réalisés dans le grand studio du BNM (dates à determiner ensemble)

CONTACTS :

BALLET NATIONAL DE MARSEILLE Christophe MÉLY20 Bd de Gabès - 13008 MarseilleTél. 04 91 32 72 86 / Port. 06 22 54 02 59Fax. 04 91 327 320 / c.mely@ballet-de-marseille.com

INSPECTION ACADÉMIQUEMission projetCaroline MICAELLI28 Bd Charles Nédélec - 13231 Marseille cedex 1Tél. 04 91 99 66 81Fax : 04 91 99 66 93ce.dos13acct3@ac-aix-marseille.fr

RECTORAT D’AIX MARSEILLEResponsable du domaine danse de la DAAC Cathy SAINT-JOURSPlace Lucien Faye - 13100 Aix-en-ProvenceTél. 04 42 95 29 48Fax : 04 42 95 29 71catherine.saint-jours@wanadoo.fr

L’histoire de la danse

La Danse est une suite de mouvements du corps exécutés en rythme,selon une certaine ordonnance et généralement accompagnés d'unemusique. Les danses se fondent soit sur un ensemble défini de mouvements dénués de signification en eux-mêmes, comme souventdans le ballet ou les danses folkloriques européennes, soit sur unegestuelle symbolique, sorte de mime ou de pantomime, comme dansla plupart des danses asiatiques. Chaque peuple danse pour desmotifs distincts et de façon différente, très révélatrice de son mode devie.

DANSE ET CULTURE

La danse peut être un art, unrituel ou un divertissement. Safonction diffère totalement durôle utilitaire qui est celui desgestes exécutés dans le cadred'une activité professionnelle ousportive : elle exprime des idéeset des émotions ou raconte unehistoire.

LA DANSE ET LE CORPS

Le corps peut réaliser toutes sortes d'actions comme tourner,se courber, s'étirer, ou sauter. Enles combinant selon des dyna-miques variées, on peut inventerune infinité de mouvements différents. Dans ces immensespossibilités du corps, chaque culture a choisi de privilégier certainsaspects qui caractérisent son propre style de danse.

Un entraînement prolongé et spécifique permet de développer considérablement les capacités physiques. Dans le ballet classique,par exemple, les danseurs travaillent à augmenter leur ouverture dehanches et à lever haut les jambes.

En Inde, ils apprennent à contrôlerles mouvements des yeux et dessourcils. Des accessoires accroissentaussi les possibilités physiques :chaussons de pointe, échasses,ou harnais pour s'élever au-des-sus du sol.

La danse repose sur plusieurs éléments fondamentaux :• l'espace : dessins tracés sur le sol par les déplacements du corps etdans l'espace par les mouvements des membres, formes du corps enmouvement ;• le temps : tempo, variations rythmiques, durées de la danse, façon d'occuper le temps, soit lente et continue, soit en alternant pauses etaccélérations rapides ;• le poids du corps : jeux divers avec la gravité par des mouvementsaériens et gracieux, des oppositions de force ou, au contraire, en luicédant dans des attitudes lourdes et alanguies ;• l'énergie : contenue, utilisée en de grands élans ou en un flux libre etcontinu selon les degrés de tension du corps.

LES ASPECTS PSYCHIQUES

Les effets de la danse dépassent le simple plaisir corporel. Elle permetde transmettre des idées, des émotions. Elle donne un sentiment d'unité àun groupe animé par les mêmes mouvements et un rythme commun.Dans certaines sociétés, elle aboutit souvent à un état de transe. Celle-ci ou d'autres formes d'altération de la conscience peuvent être interprétées comme un signe de possession par des esprits, ou constituer un moyen de décharge émotionnelle. La thérapie par la danseest une technique moderne qui aide les patients dans leur expression etleurs relations avec autrui.

LES TYPES DE DANSES

Il existe deux grands types de danses, selon qu'elles sont ou non destinéesà être représentées devant un public. Les premières, les danses de participation, comprennent celles qui accompagnent certains travaux oucérémonies religieuses, ainsi que les divertissements comme les dansesfolkloriques et les danses de société. Elles ont souvent une forme simple,aux pas répétitifs, faciles à apprendre, de sorte que tous les membres dela communauté puissent y prendre part.

Les danses destinées àêtre représentées devantun public sont exécutéesdans le cadre de coursroyales, de temples oudans des lieux de spectacle.Les danseurs sont en général des professionnels et leur discipline estconsidérée comme un art. Les mouvements présentent alors une certainedifficulté et nécessitent un entraînement particulier.

LA DANSE ET LA SOCIÉTÉ

Les effets physiques et psychiques de la danse lui ont fait attribuer desfonctions très diverses : culte ou magie, moyen d'honorer les ancêtres oude s'attirer la faveur des dieux.

Les danses interviennent aussi dans les rites de passage ou les cérémonies pratiquées lorsqu'un individu change d'âge ou de fonction.On célèbre ainsi par des danses une naissance, une initiation, une remisede diplôme, l'accession à un poste politique, voire un décès.

D'autres jouent un rôle dans les rapports amoureux. Dans certainessociétés, elles constituent l'unique moment permettant aux jeunes gensde sexes opposés de se rencontrer. Dans le monde contemporain, ellescontinuent à leur fournir des occasions de rencontre non négligeables.D'autre part, certains travaux peuvent emprunter la forme d'un ballet.Ainsi, les mouvements exécutés en rythme dans les danses pratiquéesau Japon lors du repiquage du riz voient leur rapidité et leur efficacitéaméliorées.

Dans certaines cultures, enfin, la danse est une forme d'art. Ainsil'Occident a adapté certaines danses, d'origine religieuse ou issues d'anciens divertissements royaux, pour les scènes de théâtre.

NAISSANCE DE LA DANSE

Il est impossible de préciser à quelleépoque l'être humain a commencé à danser ; mais compte tenu du caractèrespontané du mouvement expressif, de l'universalité de la danse et de ses liensintimes avec les autres aspects de touteculture, il est probable que son développe-ment ait suivi l'évolution de l'espècehumaine.

Des peintures rupestres datant de plus de 20 000 ans dépeignent despersonnages revêtus de dépouilles animales et qui semblent danser, probablement à l'occasion de rites de fertilité ou peut-être simplementdans un but d'éducation ou pour le plaisir. Chez les aborigènesd'Australie et les Khoi-san d'Afrique, par exemple, des danses acrobatiques et proches de la pantomime, sont données en spectacledans un but d'éducation et d'agrément.

Des documents écrits et picturaux nous sont parvenus, démontrant queles civilisations antiques du pourtour méditerranéen et du Moyen-Orientpratiquaient l'art de la danse. Les sépultures égyptiennes sont ornées depersonnages manifestement en train de danser ou dans des posturesacrobatiques ; il s'agit probablement d'esclaves, que l'on affectait à cesfonctions artistiques. La danse jouait un rôle essentiel au cours des fêtesreligieuses liées à l'agriculture, comme les rituels représentant le cyclede la mort et de la renaissance du dieu Osiris (symboles des cycles saisonniers du Nil).

Les Grecs admiraient la danse et l'ont associée aux diverses activitésliées à leurs arts, leur religion et leur philosophie. La pyrrhique, dansemartiale, faisait partie de l'entraînement des soldats. La présence de ladanse dans le théâtre grec provient sans doute des danses à caractèrereligieux, en particulier celles en l'honneur de Dionysos, le dieu du vin.

Quant aux Romains, ils ont développé l'art du mime. Des artistes itinérants le pratiquaient, ainsi que le jonglage, l'acrobatie et la danse,mais celle-ci, considérée par certains comme immorale, finit par dégénérer.

Dans l'Europe médiévale, au Moyen Âge, la société européenne étaitdominée par l'Église chrétienne, qui désapprouvait la danse. Le peuplecontinua tout de même à danser lors des fêtes diverses.

Aujourd'hui, des variantes des danses paysannes médiévales surviventdans le folklore. Certaines d'entre elles, adoptées par l'aristocratie, ontévolué en danses de cour avant de donner naissance au ballet.

LE BALLETLe ballet est un genre de spectacle de danse né en Europe occidentale àla Renaissance (1300-1600). Il est né des somptueux spectacles dont sedivertissaient les cours de la Renaissance italienne. Très élaborés, ilsassociaient peinture, poésie, musique et danse et se donnaient dans lesvastes sallesde bal ou debanquet.

La technique du ballet consiste en positions et mouvements stylisés, généralement exécutés sur pointes pour les femmes. Ils ont été élaboréset codifiés au cours des siècles, formant ce qu'on appelle le ballet académique.Une bonne musique donnée à un chorégraphe, une troupe de danseurs,des décors, des costumes, de savants éclairages, beaucoup de travail dela part de chacun et ainsi un nouveau ballet prend naissance.

MUSIQUE ET MISE EN SCÈNE

La chorégraphie peut être créée sur une musique déjà existante ou bienspécialement composée pour l'occasion, ce qui était le cas le plus fréquent jusqu'au XXe siècle. L'intrigue d'un ballet s'appelle livret ou argument. Celui-ci peut être écrit spécialement ou bien adapté d'un livre,d'un poème, d'une pièce de théâtre ou d'un opéra. Les décors des balletsne doivent pas gêner les évolutions des danseurs, c'est pourquoi le centre de la scène demeure presque toujours vide. Ils se limitent souventà de simples accès aux coulisses en fond de scène et sur les côtés.

À l'origine, les danseurs étaient vêtus selon la mode du temps. Le tutu,jupe évasée en tissu transparent, fut popularisé par Marie Taglioni dansLa Sylphide (1832). Il se raccourcit au cours du XIXe siècle pour devenir lecostume traditionnel des ballerines.

La Russie a contribué à la pérennité du ballet à la fin du XIXe siècle. Un Marseillais, Marius Petipa, devint le principal chorégraphe du Balletimpérial de Russie. Il perfectionna le genre du ballet narratif, associantdanses et scènes mimées, au cours de longs spectacles durant parfoistoute une soirée.

Le répertoire du ballet est aujourd'hui très divers. Il comprend aussi biendes ballets nouveaux que d'anciens, reconstitués ou recréés, ainsi quedes œuvres nouvelles dedanse moderne oucontemporaine spéciale-ment composées pour lesgrandes compagnies deballet.

Grâce aux fréquentestournées internationales,les publics du mondeentier peuvent mainte-nant se familiariser avecle ballet d'aujourd'huidans toute sa diversité. La plupart des ballets classiques ont pour thèmeun conte. C'est le cas notamment du Lac des cygnes qui fut créé àMoscou en 1877, sur une musique de Tchaïkowski, ou encore de la Belleau bois dormant et Giselle.

Giselle (2e acte)

CLASSIQUE ET CONTEMPORAIN, CROISEMENTS ET DÉRAPAGES

L’apparition de la danse moderne, tout au début du XXe siècle et jusqu’ànos jours, a profondément modifié le paysage chorégraphique. Maisl’instauration de techniques nouvelles, et surtout de réflexions nouvellessur le corps et sa place dans le monde, ne s’est pas faite sans peine. EnEurope en particulier, où la tradition classique est fortement ancrée, lesdéveloppements parallèles de la danse classique et de la danse modernese sont effectués dans la rivalité, les clivages, parfois même les injures.La polémique se développe par critiques interposés : en France, AndréLevinson se fait, dans les année vingt, le chantre d’une tradition classique forte de plusieurs siècles d’histoire, produisant desinterprètes entraînés dès l’enfance, à propos desquels il parle de " machines à fabriquer la beauté ". Fernand Divoire au contraire est sensible au retour du naturel dans la danse, et se montre un ferventadmirateur d’Isadora Duncan, dont l’inspiration tout intuitive rend aucorps son volume, son poids, sa densité. L’idée d’une danse modernevouée à une relation émotionnelle directe et dépourvue de contraintestechniques, opposée à une danse classique source exclusive de plaisiresthétique, virtuose et, finalement, la plus " sérieuse " des deux, va survivre longtemps.

Derrière cette image de sérieux se cache la véritable raison de ce conflittenace : il s’agit moins de la compétition entre deux familles artistiquesque de la place du corps dans l’imaginaire collectif et du langage qu’onentend lui faire tenir. Un André Levinson décrivant la ballerine idéalecomme « un être artificiel, factice, un instrument de précision, (à qui il)faut un labeur quotidien pour échapper à la récidive de son humanitépremière » et l’opposant aux « bacchantes au souffle court » de la dansemoderne, ou n’hésitant pas à qualifier Mary Wigman de « femme sansjeunesse ni beauté, brune au faciès de Mongole, aux allures hommasses(…) dont les mouvements brusques et contrariés sont arrachés, assénés,projetés avec une dépense injustifiée d’énergie musculaire… » dit bien lesenjeux qui sous-tendent ce conflit. Tout oppose la danse classique, formant au prix d’années de travail acharné des « anges » asexués , sidésincarnés qu‘un fil à peine semble les retenir au sol, tout prêts à s’envoler vers un ciel où Eros n’a pas droit de cité, et une danse moderne dont Martha Graham pourrait être le symbole, qui produit descorps plantés dans le sol, dont le bassin semble la boîte de pandore d’oùs’échappent pulsions, désirs et manifestations de l’inconscient.

Ainsi, le rigoureux exercice quotidien qui conduit la fillette à la consécration de ballerine, voire d’étoile, est orienté vers le refus, l’effacement et la négation d’une conscience du corps, que les premiersmodernes s’attachent à assumer, à dévoiler, à débrider. Aussi n’est-il pasétonnant que les tenants du classique ne voient pas le « travail » de ladanse moderne, et taxent celle-ci notamment d’amateurisme.

De leur côté, les danseurs modernes n’hésitent pas à considérer la danseclassique comme un exercice purement gymnique, dont la virtuositéantinaturelle ne saurait être porteuse de la spiritualité qu’ils revendiquentpour leur propre langage.

L’idéologie du corps - et, à travers elle, toute une vision du monde -, estla première caractéristique identifiant la danse classique et les différentestendances de la danse moderne. Les notions d’invention en matière demouvement, de renouvellement du vocabulaire gestuel et de l’ensembledes composantes du spectacle en sont d’autres : la danse classiqueexiste grâce au maintien et à la transmission d’un répertoire et d’une tradition, tandis que la danse moderne invente ses propres codes et lesremet en question de façon permanente.

ANNÉES 80 ET 90 : L’EFFACEMENT DES CLIVAGES

Pourtant, depuis les années quatre-vingt, les notions de classique et demoderne tendent à se brouiller, et l’on peut se demander si elles sont véritablement opérantes : de la danse psychédélique d’un William Forsytheà la virtuosité d’un Cunningham, du passage de la compagnie Bagouet àl’Opéra de Paris à une création du chorégraphe éclectique Richard Alstonpour le Ballet atlantique de Régine Chopinot, des prouesses de Noureevchez Martha Graham à l’intégration progressive d’un Preljocaj, anciendanseur de Bagouet, par le monde néoclassique, les limites jusque-là relativement claires entre classique et moderne semblent s’effacer.

La société contemporaine occidentale, la vitesse, la violence, la consciencede la misère croissante, l’effondrement des systèmes de valeurs traditionnelset la crise des idéologies semblent aujourd’hui happer, sans distinction degenre, un art particulièrement sensible à ce temps parce qu’il est l’art dumouvement. Déjà s’esquissent de nouvelles catégories, établies sur denouveaux critères. Plusieurs facteurs viennent expliquer cette complexereconfiguration du paysage chorégraphique à la fin du XXe siècle.

Herman Schmerman pas-de-deux de W. Forsythe

LA FORMATION DU DANSEUR

L’évolution de la formation des danseurs joue un rôle important dans cebouleversement progressif du paysage de la danse. Les danseursmodernes ne rejettent plus l’entraînement classique. D’abord parce quela compétition de plus en plus grande leur impose désormais de posséderune technique irréprochable. Ensuite, parce que la tendance des choré-graphes contemporains – Cunningham en tête – est à la virtuosité et à l’exploit, et la danse classique a quelques siècles d’avance dans ce domai-ne. Enfin, parce que, l’époque des grands maîtres étant révolue, et raresétant les compagnies employant les interprètes sur une base permanen-te, ceux-ci passent d’un chorégraphe à l’autre et doivent faire preuved’une très grande flexibilité stylique : il y a quelques décennies, on nepouvait confondre un danseur de Martha Graham avec un interprète deJosé Limon ou de Merce Cunningham. On assiste aujourd’hui à une sortede standardisation des formations et des danseurs avec laquelle l’exis-tence de compagnies permanentes au style marqué (en France, JeanClaude Gallotta et Dominique Bagouet) forme un contraste évident. Le phénomène est général : aux Etats-Unis, depuis longtemps déjà, les danseurs modernes passent par des cours de classique, dont le pluscélèbre était jusque dans les années soixante celui de Maggy Black, oùsont passés la plupart des danseurs de Merce Cunningham. En France, sile C.N.D.C. reste une école spécifiquement contemporaine, les formations sefont désormais pour l’essentiel dans les conservatoires, où la danse classique est obligatoire pour tous, et la danse moderne, optionnelle.

Réciproquement, la formation des danseurs classiques aelle aussi évolué. L’acquisition d’une virtuosité de plus enplus grande nécessite une remise en question des systèmes pédagogiques ancestraux, empiriques, fondéssur l’imitation, dont l’efficacité s’avère désormais insuffisante. Nées avec le siècle, des techniques d’analysedu mouvement, telles que les méthodes Feldenkraïs ouAlexander, la kinésiologie (analyse du mouvement) et l’idéokinésis (utilisant des images mentales pour améliorerla qualité du geste), ont révolutionné beaucoup de conceptions anciennes. Les danseurs modernes sont lespremiers à s’être emparés de ces techniques à visée rééducative, mais les partagent désormais avec les danseurs classiques.

Il n’est donc plus temps de considérer que l’approche et la compréhensiondu mouvement par les danseurs classiques sont radicalement différentesde celles qui caractérisent les danseurs contemporains. S’il est simplisteet inexact de dire qu’elles sont identiques, il existe aujourd’hui des éléments communs de langage, qui contribuent à estomper le clivagehistorique. Cette évolution est également sensible pour le spectateur, carl’image corporelle des danseurs en scène est dépendante pour une grandepart de la nature de leur formation et de leur entraînement quotidien.

DANSE CONTEMPORAINE OU NOUVELLE DANSEEn général les artistes ont horreur des étiquettes. Ils ne diront pas sponta-nément : « je fais de la danse contemporaine ». Entre autres, parce quele mot « contemporain » semble aller de soi : le sens selon le Petit Robertétant « qui est de notre temps » ; s'il s'accorde à la « création », il y apresque pléonasme. Pourtant les commentateurs insistent. Ce que nouspouvons voir sur certaines scènes, aux Etats-Unis et en Europe notam-ment, c'est de la création chorégraphique contemporaine.

Il s'agit bien sûr de distinguer cette forme d'art du ballet classique ouromantique. Celui-ci s'est forgé au fil des siècles, s'est donné une technique précise et élaborée, un langage corporel codifié, tous deuxfondés sur les manières en usage à la cour de Louis XIV. En général, dansce qui se fait aujourd'hui, il est très rarement question de tutus ou de pointes.

Pourtant, le mot moderne ne convient pas, ou plutôt, il ne convient plus. Le Robert dit cette fois : « qui est du temps de celui qui parle ou d'uneépoque relativement récente ».

La danse moderne est née dans l'entre-deux-guerres, en Amérique (et enAllemagne, presque simultanément). Celles et ceux qui l'ont construitelui ont donné aussi une esthétique et un vocabulaire particuliers. Desnoms ont balisé cette esthétique : Ruth Saint-Denis, Martha Graham,Nikolaïs, Cunningham, …

Pour l'anecdote, lorsque Martha Graham se produit à Paris en 1950, c'estl'incompréhension totale, les ricanements, la dérision, elle a alors cinquante-sept ans. Un critique français, très averti, n'hésite pas écrirequ'en matière de danse, on ne trouve en Amérique que tentatives, postiches, copies. Selon lui, rien de sérieux, rien de durable.

L'Amérique a sécrété sa propre danse, mais pendant longtemps elle l'atenue en marge dans le monde clos des universités ou dans le ghetto desmilieux d'avant-garde. Il faut toutefois souligner que les techniques de ladanse classique, moderne et post-moderne, perdurent et forment encoreaujourd'hui les interprètes de demain. Mais caractériser pour autant ladanse qui se pratique aujourd'hui de « moderne » serait commettre uneerreur ; ce terme désigne une période historique récente, mais révolue.

Pourrait-on dire alors « danse post-moderne »,selon l'expression enusage pour nommer letemps présent ? Lespionniers de la dansepost-moderne (TrishaBrown, Lucinda Childs,…)

actifs dans le courant des années soixante, ont maintenant cinquante anset plus, et les artistes plus jeunes se reconnaissent des préoccupationsdifférentes de leurs aînés.

Il est question, depuis plus d'une dizaine d'années, « de nouvelle danse ».C'est une danse qui a émergé au début des années quatre-vingt, qui s'estinspirée du formalisme américain post-moderne, des courants modernistesallemands et pour certains, du bûto, une avant-garde radicale japonaise.La nouvelle danse s'est inscrite rapidement dans le circuit des tournéesinternationales en Europe occidentale et en Amérique, si bien que l'expression est née davantage des impératifs de la mise en scène desspectacles de danse que d'une pensée réfléchie sur ses tenants et aboutissants. Il est maintenant possible, avec un peu de recul, d'identifierses enjeux et ses images récurrentes. Et, certes, une bonne part deschorégraphes qui présentent leurs œuvres aujourd'hui circulent dans cesréseaux de tournées et respirent l'air du temps.

C'est pourquoi l'expression « danse contemporaine » fut résolumentadoptée, en reconnaissant la recherche singulière et individuelle deschorégraphes.

Qu'est-ce donc que la création chorégraphique contemporaine ?

Le chorégraphe contemporain forge son propre langage corporel enfonction de la nécessité.

Il fouille ses propres obsessions, il propose les gestes, les attitudes, les mouvements, les déplacements qui lui parlent et qui portent le sens desa pratique artistique.

Il travaille avec des danseurs et des danseuses - s'il n'est pas lui-mêmesoliste - il a recours à des collaborateurs, à des collaboratrices, maistous et toutes cherchent à mettre en valeur sa vision personnelle. Il estentouré mais solitaire. Entièrement autonome, donc entièrementresponsable de l'œuvre qu'il aura créée. Le chorégraphe n'est donc plusobligé de se soumettre à un code construit par quelqu'un d'autre.

Il ne faut pas chercher à comprendre rationnellement la danse contem-poraine, comme on le fait généralement au théâtre. Il n'y aura pas une histoire linéaire, avec un début, un milieu et une fin. Le sens de la danseest tout entier dans l'expérience sensorielle qu'elle permet de vivre.Quand on la regarde, on se sent presque sur la scène, les muscles de notrecorps sont sollicités et par empathie se mettent à danser eux aussi. Leplaisir de la danse, il est là, dans cette « animation » musculaire intérieurequi se perçoit non par le regard posé sur les corps dansants, mais bienpar le corps à corps à distance entre l'interprète et le spectateur.

Un danseur chute et se relève : notre sang ne fait qu'un tour ; une danseuse tient en équilibre précaire, et nous craignons de nous abîmeravec elle.

Les danseurs d'autrefois, devaient être uniformément jeunes et beaux,forts et triomphants. Nous en avons maintenant de plus vieux, de pluspetits, certains un peu ronds ou presque maladroits, d'autres trop musclés ou vulnérables ou encore fragiles. Aujourd'hui, la présence sur

scène compte plus ou presque, que lavirtuosité. La danse contemporainen'est plus uniquement, pour les artistesqui la pratiquent, un divertissement àfaire oublier la grisaille quotidienne,mais un art véritable qui renvoie auplus intime de soi.

Les danseurs nous ressemblent, et encela, ils nous font davantage rêver. Ilsnous confirment qu'ils appartiennent àl'Humanité, qu'ils et elles sont dumême monde que nous. Ils ont encoredes corps d'exception, pas seulementpar leurs formes et leurs capacitésphysiques, qui demeurent exception-nelles, mais par des manières de leshabiter et de les faire parler.

EMIO GRECO PIETER C. SCHOLTEN

Lorsque le premier – danseur né dans le sud de l’Italie – et le second, – àl’époque metteur en scène du théâtre alternatif néerlandais – ont réunileur talent dans le courant des années quatre-vingt-dix, ils ont fait de leurdouble signature une aventure chorégraphique.

Partant, en 1995, de la curiosité du corps et de ses motifs intérieurs, ilscréent leur première œuvre : le solo Bianco, qui constitue la première partiede la trilogie Fra Cervello e Movimento (entre cerveau et mouvement). Latrilogie sera accompagnée d’un manifeste artistique qui se décline à partirdu corps et de sa logique en sept nécessités. Ce manifeste est la base dunouveau langage qu’ils ont créé.

Pour qualifier leur travail, son originalité – où se mêlent rigueur de larecherche et puissance de l’imaginaire - un nouveau terme a été inventé :extrêmalisme.

Emio Greco et Pieter C. Scholten, dès les débuts de leur compagnie, baptisée Emio Greco I PC, ont développé un univers et une écriture, forgés de tension et de synchronicité qui empruntent tant au vocabulaireclassique qu’à la danse postmoderne.

« Le chorégraphe Emio Greco bâtit en collaboration avec le metteur enscène Pieter C. Scholten une chorégraphique qui ne ressemble à aucuneautre. Passé par le classique, Emio Greco s’est taillé une danse sur mesu-re (…). A partir d’un catalogue de quelques mouvements, qu’il cisèle etrépète en boucle, il fait passer le vocabulaire de la danse classique pourun moteur de transe. Entre maîtrise absolue et pulsion irrépressible, EmioGreco et Pieter C. Scholten emmènent le corps au-delà de ses limites. »(extrait de Rosita Boisseau in Panorama de la danse contemporaine : 100 chorégraphes, Edition

Textuel)

L’étrange théâtralité dont les pièces sont imprégnées, la haute qualité dela danse d’Emio Greco et de ses danseurs, répétitive ou débordante, sontstrictement cadrées par la partition chorégraphique pour construire danschaque pièce d’énigmatiques fictions de chair. Le corps cet inconnu, avecses réservoirs de mondes sensibles, semble alors s’y réfléchir, comme s’ilétait l’auteur même de ces récits, absorbé, immergé dans des espacesinattendus, mystérieux, que la scénographie lumineuse, avec ses jeux decouleurs ou ses monochromies, contribue à dévoiler, en dialogue avecles musiques choisies.

DE LA DANSE À L’OPÉRA

A partir de 2002, à l’invitationdu festival internationald’Edimbourg, le duo choré-graphie et met en scènedeux opéras, dont Orfeo edEuridice (Orphée et Eurydice)de Gluck. En 2003, invitéspar le metteur en scène flamand Ivo Van Hove, ilscréent Teorema, d’après lefilm et le roman de Pier PaoloPasolini. Depuis 2004 ilsmènent un projet collaboratif avec le compositeur suisse HanspeterKyburz, concentré sur l’interaction entre la danse, la musique et l’électro-nique en temps réel, qu’a donné lieu à deux créations, Double Points : +et Double Points : OYTIZ, avec la participation de l’EnsembleIntercontemporain et de l’IRCAM à Paris.

Ces excursions interdisciplinaires mènent en 2006 au spectacle dedanse très primé, HELL, le premier volet de ce qui deviendra une tétralogie

inspirée de La Divine Comédie de Dante. Les deux voletssuivants, [purgatorio] POPOPERA et [purgatorio] IN VISIONE,présentés en 2008 au Holland Festival à Amsterdamseront basés sur des collaborations avec les compositeursMichael Gordon (Etats-Unis) et Franck Krawczyk (France).En 2009, les deux chorégraphes expérimentent une colla-boration particulière avec la violoniste Janine Jansen et leclarinettiste Martin Fröst, dont naît le spectacle DoublePoints : Janine I Martin. Le troisième et dernier volet de latrilogie de Dante, you PARA I DISO se crée ensuite en juillet2010 à Monaco.

CRÉATIONS RÉCENTES

Parmi les créations les plus récentes de la compagnie on compteBeyond Seoul (2009-2010), Le Corps DU BALLET (2011, pour les Ballets deMonte-Carlo et en 2013 pour le Ballet National des Pays-Bas), LaCommedia (2011), Rocco (2011), Passione in Due (2012, avec FranckKrawczyk), Double Points : Extremalism (2012, pour le Ballet National deMarseille), Addio alla Fine (2012, pour le Holland Festival), Double Points :VERDI (2013, Julidans festival). En novembre 2013, Greco et Scholtencréent L’Etranger, d’après Albert Camus, au Théâtre du Jeu de Paume àAix-en-Provence, à l’occasion de Marseille-Provence 2013.

« J’ai toujours été sensible au fait que le danseur était aussi un travailleur(…). En travaillant ainsi physiquement le danseur renouvelle sa pensée. Ilne s’agit pas de virtuosité, ni de force pure, mais d’un moyen d’atteindreune connaissance plus critique. Un corps qui danse devient plus intelli-gent. » Emio Greco (propos recueillis par Antoine de Baecque, Avignon, 2008).

Emio Greco et Pieter C. Scholten se sont également vus attribuer de multiples prix nationaux et internationaux. Leur œuvre connaît une grandereconnaissance internationale. Leurs créations sont régulièrementcoproduites par d’importants festivals et lieux de spectacle et effectuentde nombreuses tournées dans le monde entier.

ICKamsterdam

En 2009, Greco et Scholten créent à Amsterdam le Centre internationald’arts chorégraphiques (ICK) : une plateforme interdisciplinaire et inter-nationale pour des talents émergents ainsi que confirmés. ICK souhaitecontribuer au développement et à la vitalité de la danse en stimulant larecherche sur la danse, en offrant de l’espace pour des projets de recherche,pour entamer le dialogue avec d’autres artistes. ICK reçoit le soutien duFond néerlandais des arts de la scène (Ministère de la culture néerlandais)et de la Ville d’Amsterdam. Depuis janvier 2013, ICK est labellisé « Compagnie de la ville d’Amsterdam ».

BALLET NATIONAL DE MARSEILLE

En février 2014, Emio Greco et Pieter C. Scholten sont nommés directeursdu Ballet National de Marseille. Leur projet pour la compagnie phocéennes’inscrit dans la continuité de leur ligne artistique et de leur travail avecICKamsterdam. A Marseille ils mettront en œuvre un projet artistiqueautour de deux thématiques principales, « le corps en révolte » - sur l’expression et la présence de la danse dans la société ainsi que sur la

position de l’artiste – et « le corps du Ballet » sur la recherche et le déve-loppement d’une nouvelle forme de ballet contemporain.

PRIX

2012 ROCCO obtient le Zwaan, Prix du meilleur spectacle de danse2011–2012 pour ROCCO (prix national attribué par le VSCD, associationdes théâtres néerlandais).2011 you PARA I DISO obtient le Diorapthe Dansprijs, Prix pour lepotentiel international d’un spectacle2011 you PARA I DISO est nominé pour le Zwaan, Prix du meilleurspectacle de danse 2010-20112007 HELL obtient le Zwaan, Prix du meilleur spectacle de danse2006-2007 2006 HELL obtient le Prix du Syndicat professionnel de la Critique deThéâtre, Musique et Danse à Paris pour meilleur spectacle de danse 20062004 Time Out Live Award, Londres, pour Double Points : One & Two2003 Premio Danza & Danza, Italie2002 Extra Dry obtient le Prix du Teatro del Mundo, Argentine2002 Nomination pour le Nijinski Award, Monaco2001 La série des Double Points obtient le Prix Sonia Gaskell à Amsterdam2001 Herald Angel Award, Edinburg, pour Double Points : One & Two1999 Philip Morris Arts Prize, Amsterdam

Théâtre National de Marseille la Criéesamedi 14 et dimanche 15 mars 2015 à 20h

Le Corps du BalletNational de Marseilleemio greco I pieter c. scholten

Tout récemment nommés à la direction du Ballet National de Marseille, Emio Greco et Pieter C. Scholten ont choisi une pièce emblématique de leur répertoire pour leur première programmation au Théâtre National de Marseille La Criée.

LE CORPS du Ballet National de Marseille s'inspire librement du chef d'œuvre littéraire d'EliasCanetti "Masse et puissance", en abordant les thèmes du synchronisme et de la relation du corpsindividuel au corps collectif.

Une pièce puissante et énergique interprétée par tous les danseurs de la compagnie, danslaquelle Emio Greco et Pieter C. Scholten revisitent la danse classique qu'ils ne cessent dedéconstruire au fil de leurs créations.

Concept & chorégraphieEmio GRECO I Pieter C. SCHOLTEN Musique Pieter C. SCHOLTEN,Sébastien GAXIELumières Henk DANNERCostumes Clifford PORTIERInterprétation les danseurs du BNMCréation mondiale le 14 mars 2015,TNM - La Criée

17 danseurs1h

Genèse du projet

La quête d’une identité nouvelle pour le CCN de Marseille menée par le projet de Greco etScholten, passe incontestablement par un regard à la fois attentif et critique sur le ballet. Latechnique, ils l’ont tous les deux approchée dans leur jeunesse. Si l’un est devenu dans un premier temps homme de théâtre et dramaturge, et l’autre interprète remarqué chez Jan Fabre,le point de départ de leur rencontre se fondait, déjà en 1995, sur la quête d’une autre danse : uneapproche nouvelle, à partir de la technique classique et de la puissante identité corporelle deGreco.

Avec l’invitation des Ballets de Monte-Carlo (2011) puis du Ballet National hollandais (2013), Grecoet Scholten ont pu approcher ces deux ensembles au caractère très classique, avec le regard etla technique qu’ils ont savamment nourris depuis leur premier manifeste artistique, le soloBianco (1996). Ce souhait de chercher et d’introduire de nouveaux apports à la technique du ballet est alimenté également de par la lecture de « Masse et puissance », livre célèbre d’EliasCanetti. Les thèmes du synchronisme, de la relation du corps individuel et du corps collectif ysont centraux. Cet angle d’attaque leur a permis d’aborder l’organisation et la hiérarchie du ballet classique.

Greco et Scholten s’intéressent aux contours techniques, mais aussi sociaux, voire politiques duballet. « C’est un artefact, un mot iconique qui contient tout un monde en soi ». Utilisé de plusieurs manières, le mot a acquis un statut plus large que celui de la technique normalisée àpartir de Louis XIV, au point d’être utilisé de manière générale, dans une sorte de métonymie : un« ballet » peut désigner de la danse, de manière générale, sous différentes formes.

LE CORPS du Ballet National de Marseille est, pour ainsi dire, le projet « idéal » pour entamer leprocessus voulu par Greco et Scholten, autour d’une nouvelle identité pour le BNM. Cette création prolongera les recherches précédentes et donnera un nouvel élan au dialogue entredanse classique et contemporaine qui caractérise leur travail.

Identités

Si, pour Greco et Scholten tout a commencé par et autour du ballet, il était logique, à Marseille,de passer par cette étape première, par ces fondamentaux.

Le Corps du Ballet National de Marseille est à la fois un recommencement et une réinvention,pour les chorégraphes et pour la compagnie.

L’identité, ici, n’est pas seulement celle de la technique classique. Greco et Scholten s’intéressentà la compagnie et à son passé, mais également à l’apport de chaque interprète, pour construirele spectacle. L’objectif n’est pas de construire de nouvelles figures esthétiques, mais de partir del’énergie de chacun (de la compagnie, de la Ville aussi).

« Nous souhaitons être encore plus spécifiques et aller plus loin, plus en profondeur dans laquête d’une identité. Aller chercher les sources du ballet, et d’une manière très construite, chercher une confrontation avec notre langage. Avec et à travers, mais également par les corpsdes danseurs du BNM. »

La confrontation avec le langage propre à Greco et Scholten se fera de manière individuelle et engroupe. Afin d’appréhender l’apport de chacun, son identité corporelle et afin de constituer ungroupe soudé, uni, à l’image d’un Corps de Ballet qui constitue, de cette façon, un corps à partentière. « Nous essayons en même temps de rester innocents et ignorants, d’apprendre avec lesdanseurs, à partir d’eux. Notre travail consistera également à lire leur langage, leurs corps. »

Pour cette création, le travail musical avec le compositeur français Sébastien Gaxie a constitué,dans son rapport à la danse d’Emio Greco et Pieter Scholten, une véritable « grammaire musicalede la synchronicité ».

Avec le BNM, le duo souhaite maintenant incorporer à cette recherche des éléments qui fontécho directement à Marseille, à la musique et à l’identité de la Ville.

La démarche de Greco et Scholten, ne s’appuie sur aucun effet de tabula rasa. Tout au contraire :l’identité de la compagnie, tellement marquée par la figure et l’inventivité de son fondateurRoland Petit (1924-2011), les intéresse particulièrement au sein de leur projet pour cette premièrecréation.

Fidèles à leur volonté de créer une dramaturgie durable, qui se développe au fil des années, senourrit du passé et du présent, Greco et Scholten comptent, avec Le Corps du Ballet National deMarseille, regarder vers l’IERI (hier) pour mieux parler d’OGGI (aujourd’hui) et recommencer dansce présent chargé de défis, un DOMANI (demain) ambitieux, qu’ils imaginent pour le CCN deMarseille.

Opéra de Marseillevendredi 8 et samedi 9 mai 2015 à 20h

Bolero I Twoemio greco I pieter c. scholten

Dans ces deux courtes pièces, Emio Greco et Pieter C. Scholten interrogent et en même tempspoursuivent une certaine forme d’utopie de la synchronicité.

Dans Bolero, Emio Greco est confronté à la musique envoutante du Bolero de Ravel. Tout enrésistant et en jouant avec le shéma imposé par cette musique captivante, il explores les limitesdu corps qui danse. Two présente différents aspects de la dualité entre l’opposition et laconnection. Il s’agit d’un duo dans lequel les danseurs “fouillent” dans les interactions de deuxpersonnes partageant le même espace.

Ces deux pièces sont également présentées en tant que Double Point.Two fait partie du programme du Nederlands Dans Theater (NDT) pour la saison 03/04.

BOLEROchorégraphie Emio Greco | Pieter C. Scholtenscénographie et concept musical Pieter C. Scholten | Emio Grecointerprétation Emio Grecolumières Henk Dannercostumes Clifford Portiercollage musical Wim Selles

TWOchorégraphie Emio Greco | Pieter C. Scholtenscénographie et concept musical Pieter C. Scholten | Emio Grecointerprétation Emio Greco, Bertha Bermudez, [ Barbara Meneses Guitterez, Neda Hadji-Mizraei,Vincent Colomes, Suzan Tunca ] lighting design Henk Dannercostumes Clifford Portiercollage musical Wim Selles

Le Ballet National de Marseille reçoit le soutien de la VILLE DE MARSEILLE,

du MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION et duCONSEIL RÉGIONAL PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR.

Le projet «Entre(z) dans la danse avec le Ballet National de Marseille»

bénéficie du mécénat de HARIBO et de la FONDATION D’ENTREPRISE LOGIREM.