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1 DOSSIER PEDAGOGIQUE UN MONDE QUI S’EFFACE de Naomi Wallace, mise en scène Alexis Lameda-Waksmann Texte : Naomi Wallace Traduction : Dominique Hollier M.E.S. : Alexis Lameda-Waksmann Assistante à la M.E.S. : Claire Lemaire Acteur : Majid Chikh-Miloud Dramaturgie : Romain Compingt Chorégraphies : Philippe Lafeuille Vidéo : Oury Djalo de Villard Son : Mathias Lameda

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      DOSSIER PEDAGOGIQUE  

 

 

UN MONDE QUI S’EFFACE de Naomi Wallace, mise en scène Alexis Lameda-Waksmann

Texte : Naomi Wallace Traduction : Dominique Hollier

M.E.S. : Alexis Lameda-Waksmann Assistante à la M.E.S. : Claire Lemaire

Acteur : Majid Chikh-Miloud Dramaturgie : Romain Compingt

Chorégraphies : Philippe Lafeuille Vidéo : Oury Djalo de Villard

Son : Mathias Lameda

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Ali, jeune éleveur d’oiseaux, volubile et rêveur, vit dans l’Irak d’après-guerre. Dans un monde en pleine reconstruction, il nous livre son amour pour les pigeons et les tourterelles de son adolescence, à l’époque où il vivait encore entouré de son meilleur ami et de sa grand-mère. Le souvenir vibrant de ces êtres disparus peuple l’univers intérieur qu’il nous fait partager, enrichi par sa bibliothèque généreuse où se côtoient Shakespeare, Al – Sayab, Hemingway, Kanafani, Becket et Darwish. Avec humour et sensibilité, Ali se raconte au moment même où il doit se séparer de ses livres et de ses oiseaux pour survivre : son monde s’efface. Sa lumière intérieure dessine pourtant déjà les contours de celui qui suivra. UN MONDE QUI S’EFFACE, est un monologue tragi-comique, accessible à partir de 9 ans. Un plaidoyer pour LA PAIX, au parti pris poétique. Porté par Ali, un grand enfant qui pour seule arme brandit son sourire, ce TEMOIGNAGE singulier parle des ravages de la guerre avec subtilité. Il évoque les conflits pour louer ce qu’ils dérobent : LA CULTURE, clef de voûte du VIVRE ENSEMBLE. Outre le savoir précieux qu’ils contiennent, les livres d’Ali symbolisent aussi le droit à la parole, l’importance du souvenir et de LA TRANSMISSION. Grâce à la puissance de son IMAGINAIRE, Ali met à l’écart tout misérabilisme : le deuil qu’on lui impose n’empêche pas le rêve. Il préfère sublimer la beauté des êtres qui l’ont quitté plutôt que de pleurer leur absence. Sans en avoir conscience, il fait preuve de RESILIENCE. Il revendique l’espoir comme le bien le plus précieux de l’humanité, le seul qui ne puisse jamais être dérobé et qui mérite un engagement total.

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SOMMAIRE AVANT LA PIECE L’auteur ……………………………………………….. 3 Le personnage ……………………………………….. 4 Thématiques ………………………………………….. 6 AUTOUR DE LA PIECE Actions culturelles …………………………………… 10 Témoignage d’Emmanuelle Compingt, spécialiste de la protection de l’enfance dans les urgences et les conflits armés ……………………………………....... 11 ANNEXES Droits de la guerre …………………………………… 13 Le symbole de la colombe …………………………. 14 La bibliographie d’Ali ………………………………... 14

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AVANT LA PIÈCE L’auteur Naomi Wallace, née dans le Kentucky en 1960, est dramaturge, scénariste et poétesse. Diplômée du Bachelor of arts au Hampshire College, elle a suivi des études supérieures à l’Université de l’Iowa, et s’est fait connaître par ses vers, publiés aux Etats-Unis et en Europe à la fin des années 90. L’onirisme imprègne depuis sa façon de raconter des histoires. Son activité théâtrale est prolixe : elle a été publiée et produite à la fois aux Etats-Unis, en Europe et au Proche-Orient, couronnée par de multiples distinctions, notamment le Susan Smith Blackburn Prize - elle est le seul auteur à l’avoir reçu à deux reprises - pour Au cœur de l’Amérique (In the Heart of America, 2005, éditions théâtrales) et Une puce épargnez-là (One flea spare, 2007, éditions théâtrales). Cette dernière pièce, traduite par Dominique Hollier, lui permet d’entrer au répertoire de la comédie française en 2012, ce qui en fait le second auteur américain, après Tennessee Williams - et le premier à y appartenir de son vivant. Ses écrits témoignent de son militantisme pour les droits de l’homme ; un point de vue politique qui ne se départit jamais d’une force poétique. Un monde qui s’efface (The retreating world) s’inscrit dans le triptyque de La carte du temps (The Fever Chart: Three Visions of the Middle East, 2010), trois pièces indépendantes, mais liées par leur thématique : les blessures du Moyen-Orient. Naomi Wallace y évoque à chaque fois le surnaturel pour questionner les contradictions de l’homme, sans oublier le réel qu’elle met en relief pour creuser l’intime. Un état d’innocence (A state of innocence) raconte l’histoire de Yuval, ancien soldat israélien, gardien du zoo de Rafah, qui s’étonne de voir les animaux perdre puis retrouver des parties de leur corps. Sa rencontre avec le fantôme d’une mère palestinienne endeuillée, Um Hisham, va lui apprendre qu’il est déjà mort, et qu’il a perdu la vie dans les bras de cette dernière. Entre ce souffle et toi (Between this breath and you) décrit la relation d’un vieux palestinien et d’une jeune infirmière israélienne qui est restée en vie grâce à une double transplantation pulmonaire – le donneur n’est autre que le fils du vieil homme. Un monde qui s’efface complète la trilogie par la présentation poétique d’Ali de son pays à l’issue de la Guerre du Golfe, l’Irak soumise à l’embargo.

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Le personnage La caractérisation du personnage telle qu’elle est menée dans UN MONDE QUI S’EFFACE est essentielle pour saisir la portée de la pièce. Ali est construit comme un personnage miroir qui, s’il est unique, est également universel. Ce que l’auteur nous donne à voir à travers lui, c’est la reconstruction d’une identité perdue, qui ne sera complète qu’à la fin du spectacle. Ali n’est que brièvement décrit dans les didascalies initiales de la pièce, et sans précision : « Ali (…) est habillé de manière décontractée, pantalon et Tee-shirt. C’est un jeune Irakien de 25-30 ans. » Il apparaît tout d’abord comme un corps en mouvement, qui « porte un livre en équilibre sur la tête. » Il se définit d’emblée par l’action, non pas par son apparence, passe-partout, ni par la parole. En évoluant sur la scène sans mot dire, Ali semble nous souffler que l’essentiel est peut-être simplement qu’il est en vie. Cette sensation d’anonymat est accrue lorsqu’Ali commence sa « conférence » sans se présenter - ce qui, paradoxalement, nous le rend d’autant plus familier : Ali nous parle en ami, non en étranger. Toujours est-il que c’est une identité morcelée qui s’éparpille devant le spectateur. Ali est un personnage à l’apparence mouvante. Il en change au gré de ses jeux avec l’objet livre ; il s’amuse à devenir « un homme au profil livresque », à changer de taille (« Maintenant j’ai 4 centimètres de plus ! ») et à jouer avec son centre de gravité (« Maintenant je suis un homme bancal. »). Il imite la démarche de son ami Samir, devient un bruit, singe des mots qui n’existent pas, fait l’oiseau. La pensée d’Ali est fragmentée. Il passe du coq à l’âne – ou plus précisément des livres à la guerre, et de sa grand-mère à son meilleur ami, les confondant avec ses volatiles. Il multiplie les digressions, avec un humour très généreux. Ali place l’amour de l’autre comme positionnement de soi : il évoque ses proches avant lui-même. Ses oiseaux d’abord, puis son meilleur ami, « Samir Saboura » et sa grand-mère « Leeka Fasseh Ozeer » ; non pas seulement « Samir » ou « Mamie », mais bel et bien des états civils. Mais il ne donne jamais le sien, suggérant ainsi qu’il ne sait plus vraiment qui il est. S’il se nomme, ce n’est que par son prénom, et pour se censurer quand il aborde une vérité ou un souvenir trop douloureux lié à la guerre : « Tais-toi, Ali. »

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C’est la guerre qui l’empêche de se définir ; lui en tout cas ne veut pas se définir par elle. Elle l’a privé de ses proches, de ses oiseaux, et de ses biens. Il a dû de fait se séparer de tout ce qui le caractérise: « Je les ai vendus [mes oiseaux]. Mais pas avant d’avoir vendu la montre que mon grand-oncle m’avait donné, et la cuiller avec mon nom gravé dessus que ma tante avait offerte à ma mère le jour de ma naissance. » Ce parti pris donne une ampleur saisissante au récit d’Ali dans la dernière partie du monologue, lorsqu’à force d’anecdotes, le personnage témoigne enfin des douleurs qu’il a tenté de contourner. Lorsque le récit se fait plus dur, qu’il aborde frontalement la mort, les bombardements et la pénurie, la tragédie ne l’emporte pas pour autant. Car c’est une libération qui se joue, celle d’Ali qui, partageant son histoire, recouvre son droit à l’humanité. Le chemin est long pour y parvenir : « … à peine une poignée a survécu. J’ai vécu. C’est drôle. Que je sois toujours là. Les morts sont morts. Les vivants, nous sommes les fantômes. » Ali est néanmoins d’emblée caractérisé dans son attitude comme un être débordant de vitalité. Il a quelque chose du clown blanc, de sa naïveté, de sa sincérité et de sa spontanéité. Son langage est sans calcul, il ne revendique rien, si ce n’est son droit à témoigner. Le témoignage est son essence même : l’arène de la pièce est une conférence avicole imaginaire, « la convention colombophile internationale » - le procédé n’étant pas sans rappeler les conférences de l’ONU, où les victimes sont invitées à partager leur expérience. Au final, si Ali ne s’adresse qu’à lui-même – sa conférence n’existe pas – il s’adresse à nous tous. Dans sa propre quête, il parle de l’être humain en général : du tort qu’il peut faire à autrui ou à soi, des ressources dont il dispose, qu’il gâche parfois. L’universalité de son propos est induite par le soin que met l’auteur à ne pas le décrire davantage, en structurant le texte à travers l’unification progressive de son identité. De fait, ce que vit Ali ne concerne pas exclusivement les survivants de la Guerre du Golfe de 1991, mais ceux de tous les pays ayant connu la guerre, hier comme aujourd’hui. On note d’ailleurs que l’auteur mentionne rarement le pays de son personnage ; il est surtout l’enfant du « pays des dattes », ce qui élargit sciemment le champ des possibles. Plus encore : ce que dit Ali résonne en chaque humain qui vit l’expérience de la perte. Thème qui n’est que le point d’orgue de son récit ; qui le motive et le conclut. Outre son expérience du deuil, Ali

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résonne en chacun de nous puisqu’il est animé par l’amitié qu’il porte à Samir Saboura, l’amour et le respect qui le lient à sa grand-mère, la passion qu’il voue à ses animaux et à ses lectures. Autant d’élans susceptibles de créer l’identification chez le spectateur, quel que soit sa nationalité, l’histoire de son pays, ou son âge. C’est là la grand force du texte, incarnée par le personnage qui le porte : il s’appuie certes sur l’Histoire, mais pour déplier une histoire qui nous est commune, l’histoire de l’intime. Thématiques La nécessité de la transmission constitue le cœur du texte. Sans la parole, l’homme s’efface, et fait véritablement triompher la barbarie. En revendiquant le fait que tout le monde ait le droit d’être entendu, UN MONDE QUI S’EFFACE est un appel à la paix. La pièce est d’emblée placée sous l’un de ses symboles les plus répandus, la colombe. L’oiseau est évoqué dès les premières minutes du texte : « Mais ceci, ceci est un livre sur l’aviculture (…) et ça parle de pigeons, de tourterelles et de colombes. » Il revient sans cesse de manière détournée dans le champ lexical - de la « conférence colombophile internationale » à la « Columbia livia », l’un des premiers pigeons dont parle le protagoniste. Les oiseaux peuplent les souvenirs d’Ali, et incarnent cette aspiration à la paix: « Et moi, mes oiseaux me manquaient. La façon dont ils me regardaient : leurs yeux, petits fragments de paix voguaient vers moi. » A chaque fois qu’Ali les mentionne, il évoque, plus ou moins frontalement, une certaine idée de la paix - la paix comme un potentiel que chacun renferme, et qui est trop souvent bafoué. Plus littéralement, Ali nous explique que l’état de ces animaux est représentatif de celui du pays dans lequel ils vivent : « C’est un livre on ne peut plus sérieux. Au bout d’une cinquantaine de pages, on soupçonne qu’en fait c’est un livre qui ne traite pas d’élevage d’oiseaux en tant que tel, mais de quelque chose de bien plus… Important (…) Trouver la paix intérieure. » ; « Les indicateurs qui mesurent le bien-être général des animaux ailés étaient parmi les meilleurs au monde [avant la guerre]. » Ce n’est donc pas un hasard si Ali assimile plus d’une fois les oiseaux et ses concitoyens au cours de son soliloque – il a donné le nom de sa grand-mère à l’un de ses pigeons, celui de Samir à sa tourterelle préférée, nous dit que ce dernier marche comme un oiseau et ironise à

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son propos : « peut-être bien que son grand-père était un flamand rose. » Tout revêt un double sens dès qu’Ali parle de son élevage : « … nous vivons une époque dangereuse pour les pigeons : ils risquent d’êtres capturés et mangés… » ; un sens parfois même plus littéral : « Cinq mille pigeons meurent chaque mois à cause de ce blocus. Non. Cinq mille enfants meurent chaque mois à cause de ce blocus. » Le propos n’a rien de nihiliste : Ali défend ses oiseaux avec la même ardeur qu’il défend ses proches, et se place ainsi résolument du côté de la vie. Lorsqu’il déclame les vers d’Henri Wadsworth, c’est même une certaine vision de Dieu qu’il évoque: « Songez-vous jamais qui les a crées et qui leur a enseigné/ Le dialecte qu’ils parlent, où les mélodies seules/ Sont les interprètes de la pensée ? » La conclusion de Peterson, qu’il cite dans les dernières minutes de la pièce, nous ramène à la métaphore filée de l’envol menacé par les conflits : « Dans un monde qui semble si déroutant, est-il surprenant que les oiseaux exercent un tel attrait ? Les oiseaux sont peut-être l’expression la plus éloquente de la réalité. » En confondant oiseaux et humains, Ali met en avant la valeur de tout être vivant, quel qu’il soit, et l’importance essentielle du vivre ensemble, garant de la paix : «Nous étions laïques dans la famille. Mes oiseaux, c’était un mélange de chrétiens, juifs et musulmans. Ils s’arrachaient les plumes à la première occasion (…) mais globalement ils s’entendaient bien ; ils chiaient tous dans sur le même tas. » En l’absence de paix, la vie devient une valeur marchande : « J’ai vendu mon dernier oiseau il y a quelques jours. Demain, je vendrai la cage. Le lendemain, je n’aurai plus rien à vendre. » L’identité se brouille, jusqu'à disparaître, et cela commence par l’effacement de la culture, autre thème dominant de la pièce : « De nos jours, on trouve des livres comme ça pour trois fois rien. Des bibliothèques entières, des années et des années de sélection attentive et de regards aimants, de lecture, même, posées au bord des routes. A vendre. Pour trois fois rien. » Le pouvoir crucial de la culture, générateur de compréhension entre les êtres, est notamment véhiculé par Samir, qui est décrit comme un autodidacte zélé. Ali ne cesse de souligner la valeur de son ami, et par extension, met en exergue celle de l’enseignement : « Il était intelligent et il était hilarant mais il avait un gros défaut : il savait à peine lire. (…) Alors c’est nous qui lisions pour lui. Samir avait toujours un livre à la main, et à chaque fois qu’il croisait quelqu’un, il disait « lisez-moi un peu. » Il retenait par cœur des passages entiers (…) Il avait une bibliothèque que même ses professeurs lui enviaient. Il ne pouvait pas lire les livres tout seul, mais il dormait (…) parmi eux. Il en caressait le

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dos de ses grandes mains, le sourire jusqu’aux oreilles. » L’éloge de la culture lié à celui de Samir culmine dans un plaidoyer pour la création et l’imagination. En témoignent les derniers mots de son ami, qu’Ali rapporte avec passion : « J’ai envie de raconter une histoire extraordinaire jusqu’à ce que tu en pleures. » En l’absence de paix, le savoir est oublié, comme est oublié le droit des victimes en temps de guerre : « Les livres peuvent aussi, dans les situations extrêmes, servir de moyens de subsistance. Mais à manger ainsi on a le gosier desséché. » Ali l’affirme : sans la culture, la dignité perd l’un de ses remparts les plus puissants. La thématique de la culture se lie à celle du témoignage, lorsqu’Ali explique qu’il n’a pas de crayon à cause de l’embargo. Quand il évoque les 88500 tonnes de bombes qui sont tombées sur son pays, il regrette de ne pouvoir en laisser de trace écrite : « Ecrivez ceci, sans crayons. » L’évocation de la culture mène ainsi à une réflexion sur l’écriture comme expression de soi : « Avec les crayons que nous n’avons pas nous écrivons nos noms pour que l’avenir sache que nous étions là. Pour que le passé sache que nous arrivons. » Ne reste dès lors plus que la mémoire, dernière garante d’une possibilité de paix – une paix intérieure, en tout cas. Le souvenir anime l’ensemble du monologue, il est même ce qui le déclenche. « Je me souviens » fait office de leitmotiv tout au long du texte. « Je me souviens. Je me souviens. Ces temps-ci, tout ce qu’on dit commence par « je me souviens ». (…) Tout ce que nous pouvons faire, c’est nous souvenir. » L’héritage d’Ali n’est fait que de souvenirs. La mémoire appelle la transmission, essentielle pour garantir la paix. Mais que nous transmet Ali, à la fin du spectacle ? Lorsqu’il s’approche de nous, avec à la main le seau qui contient les os de ses morts, le constat semble terrible : « Ce sont les os de ceux qui sont morts, dans l’avenue des palmiers, au pays des dattes. Je suis venu ici pour vous les donner, les mettre sous votre garde. Attrapez-les. Si vous pouvez. » Pourtant, quand il en déverse son contenu, ce sont des plumes qui inondent les alentours. Sa volonté de paix, sa volonté d’apprendre, sa mémoire et son imaginaire ont opéré : l’envol vers l’espoir est encore possible.

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AUTOUR DE LA PIÈCE Actions culturelles La compagnie croit aux vertus pédagogiques du théâtre, lieu de rassemblement et d’échange - tant dans le choix de ses textes et de ses mises en scènes, que dans la transmission de ses outils. Quel Ali est tu ? Le metteur en scène Alexis Lameda Waksmann et le comédien Majid Chick-Miloud, tous deux enseignants d’art dramatique, souhaitent animer des ateliers de jeu, en amont ou à l’issue des représentations. Que ce soit via le texte de la pièce – et toi, quel Ali es-tu ? – ou d’improvisations à partir des thèmes exposés, ils mettront en exergue la confiance en soi nécessaire pour porter un monologue, et la cohésion du groupe essentielle pour mener à bien une entreprise scénique. Exemples : Le vivre ensemble ; exercices corporels ; comment lire un texte à haute voix, en groupe, le transmettre ; comment intéresser son auditoire ; guider les enfants à travers les problématiques citoyennes posées par l’œuvre, mener une réflexion commune sous forme de débats. L’atelier aboutira à une mise en espace du texte et de ses enjeux. Atelier d’écriture et de jeu – transmission transgénérationnelle Le scénariste et dramaturge Romain Compingt propose des ateliers d’écriture autour du souvenir. Comment ramener au présent une émotion, une situation, une question posée par le passé ? Comment la décrire avec le plus de précision possible, comment la partager avec le plus grand nombre ? Convaincu de la force du langage, il s’attachera à accompagner les élèves dans leur recherche du mot juste. UN MONDE QUI S’EFFACE revendique la nécessité de communiquer pour dépasser ses peurs, l’expression de soi comme ciment d’une communauté. C’est pourquoi la compagnie envisage également de mener une action chorale, rassemblant écrit et jeu, autour de témoignages - dans le cadre de l’école mais aussi des associations et des maisons de retraites. Récits intimes de la perte des êtres aimés, d’une expérience de la guerre pour les plus âgés, mais aussi de moments heureux et d’espoir pour l’avenir: chacun pourra partager ce qu’il désire, qui le raconte, qui fait de lui un être unique, et universel. Romain Compingt a pour habitude de faire « accoucher » les

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réalisateurs de leur histoire, avant de la poser lui-même sur le papier. C’est ainsi qu’il compte procéder avec le public concerné, afin de constituer un recueil auquel Alexis Lameda Waksmann et Majid Chick-Miloud donneront une forme théâtrale, portée par ceux qui se sont racontés. Témoignage d’Emmanuelle Compingt, spécialiste de la protection de l’enfance dans les urgences et les conflits armés

Diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence, et détentrice d’un Master d’Aide humanitaire internationale et de juriste de terrain, Emmanuelle Compingt travaille pour l’ONU (UNICEF et UNHCR) depuis une dizaine d’années. Son expérience du terrain auprès des réfugiés et des personnes déplacées par les conflits (notamment au Yemen, au Tchad et au Liban) apporte un point de vue éclairé et professionnel au texte de Naomi Wallace.

Actuellement spécialiste de la protection de l’enfance dans les urgences et les conflits armés pour l’UNICEF au Myanmar, elle a accepté de guider la compagnie sur UN MONDE QUI S’EFFACE, et d’intervenir ponctuellement dans le cadre des représentations auprès du public pour partager son expérience.

« Pour moi, le texte parle avant tout de l’absurdité de la guerre, et la façon dont elle inverse le système des valeurs. Les livres se retrouvent au bord des routes, ils ont perdu tout sens puisque l’école a disparu. Les produits de première nécessité pour répondre aux besoins les plus élémentaires (huile de cuisson, savon etc..), eux, atteignent des prix démesurés. Dans ces conditions, l’importance d’un livre devient effectivement absurde. Ce qui me rappelle les bouquinistes birmans en bas de chez moi qui vendent des manuels de science hauts de gamme et des magazines américains qui datent de trente ans, d’une valeur certaine, pour trois fois rien.

Absurdité aussi il y a dans la disproportion des moyens utilisés par ceux qui font la guerre contre une population civile démunie – une grand-mère, un enfant… Le texte fait clairement référence au droit de la guerre et au « principe de proportionnalité » qui est violé.1

Je note également une critique de l’auteur des « conférences de paix », avec l’allusion au « café froid » de ceux qui documentent ces                                                                                                                

1  Voir  «  Droit  de  la  guerre  »  dans  ANNEXES.    

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témoignages ; le fameux « ice coffee » de New York, siège de l’ONU. On peut effectivement parfois ressentir un côté analytique froid pour réunir les « données », les « datas », les « preuves » à mettre dans un rapport. Les plaidoyers n’arrivent pas toujours à incarner la réalité quotidienne et le vécu des gens qui ne sont pas des nombres mais des êtres humains. Ce que dit Ali, c’est qu’on parle de paix bien trop tard : les oiseaux ne sont plus que des os… Le temps des conférences est en décalage avec le temps d’urgence nécessaire pour agir et empêcher le massacre des populations civiles… C’est un débat complexe.

Si résilience il y a dans le texte, c’est bien par la présence d’Ali, le fait qu’il soit encore là, qu’il ait la volonté de témoigner. C’est toute la question de la dignité humaine. L’importance de raconter, de restituer l’image des siens, de son pays, du système d’éducation et de santé d’autrefois prime sur sa situation actuelle. Cela me rappelle notamment les Somaliens réfugiés au Yemen, sous leurs tentes par 45 degrés, qui me montraient leurs photos jaunies et cornées qu’ils avaient sauvé dans leur fuite. On les y voyait en habits de fête dans leurs maisons, sourires aux lèvres… Ils voulaient montrer qu’eux aussi avaient une vie « normale», comme moi. « Tout ce que nous pouvons faire, c’est nous souvenir. »

Alors effectivement, on peut dire que le texte dépasse largement le cadre de la Guerre du Golfe. « Le pays des dattes… sucrées et douces… » me rappelle cette affiche achetée à Beyrouth : « Beyrouth est fait de sucre et de poussière. »

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ANNEXES Droit de la guerre Le Droit de la guerre, également appelé Droit international humanitaire se fonde sur : - Le droits dit « de Genève », c’est à dire les traités élaborés sous les auspices du CICR, qui visent à protéger les victimes - Le droit dit « de la Haye », issu des conférences sur la paix de 1989 et de 1907, qui porte sur le contrôle des moyens et des méthodes utilisés - L’action des Nations Unies (ONU) qui veille à ce que les Droits de l’Homme soient respectés en cas de conflit armé Les lois de la guerre exigent que les parties à un conflit prennent soins constants pendant les opérations militaires d'épargner la population civile et de «prendre toutes les précautions possibles » pour éviter ou minimiser la perte accidentelle de la vie civile et les dommages aux biens de caractère civil. Faire tout possible pour vérifier que les objets d'attaque sont des objectifs militaires et non des civils ou des biens de caractère civil, et pour donner « préavis effectif » des attaques lorsque les circonstances le permettent. Le principe de proportionnalité Si après avoir pris l’ensemble des précautions nécessaires (cf. ci-dessus), la neutralisation ou la destruction de l’avantage militaire ennemi risque d’engendrer quand même des pertes et des dommages civils, ces opérations militaires doivent être réalisées en veillant à éviter de provoquer des pertes ou des dommages parmi les personnes et les biens civils « qui seraient excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu » (art 51 §5b, PA I). Le principe d’interdiction des maux superflus et des souffrances inutiles C’est-à-dire causer des dommages ou des souffrances qui ne sont pas nécessaires pour atteindre des buts strictement militaires et l’affaiblissement du camp adverse (art. 35, PA I). Cette interdiction s’applique également aux méthodes et moyens de combat qui pourraient causer des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel.

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Le symbole de la Colombe Les colombes étaient offertes dans l’antiquité grecque à Aphrodite, déesse de l’amour. Dans la culture amérindienne, offrir une plume de colombe équivaut à une déclaration d’amour. Dans la Bible, le symbole de l’amour est également associé à la colombe : un amour pour le divin, et du divin pour l’homme. Dans le Cantiques des Cantiques, l’oiseau est un motif récurrent. L’Ancien Testament fait aussi référence à la colombe en tant que messager de Noé, mettant en scène ce dernier qui en envoie une depuis son arche afin de savoir si le déluge a pris fin. La colombe revient à la nuit tombée, portant un rameau d’olivier dans son bec, prouvant ainsi la baisse des eaux, et figurant l’espoir, augurant une paix nouvelle pour le genre humain. Le Nouveau Testament illustre le Saint-Esprit sous la forme d’une colombe qui descend sur le Christ lors de son baptême dans les eaux du Jourdain. Cette métaphore a depuis été reprise dans le christianisme, entre autre dans la légende de Saint Grégoire Ier (804 après JC), souvent représenté aux côté du volatile. René Magritte et Georges Braque ont peint des tableaux célèbres de colombes. C’est celle de Picasso qui s’est inscrite dans l’inconscient collectif : la Colombe de la paix. Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, Picasso déclare : « Je n'ai jamais considéré la peinture comme un art de simple agrément de distraction. Ces années d'oppression terribles m'ont démontré que je devais combattre non seulement pour mon art mais aussi pour ma personne ». Il dessine sa colombe en 1949, à la demande du Parti communiste, dans le cadre du Congrès mondial des partisans de la paix, qui se tient à la salle Pleyel, à Paris. Au printemps, la colombe de Picasso est apposée sur tous les murs des villes d'Europe. Pour la petite histoire, Picasso a nommé sa fille, née à cette époque, « Paloma » ; « colombe » en espagnol. La bibliographie d’Ali  Le British Medical Journal (BMJ) est une revue médicale britannique existant depuis 1840. C'est l'une des revues de médecine générale les plus lues dans le monde. Le soleil se lève aussi est un roman d'Ernest Hemingway sorti en 1926. C'est le premier grand succès d'Hemingway et il est considéré comme l'un des grands romans de langue anglaise du XXe siècle.

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Le pont (1930) est un recueil de poèmes d’Harold Hart Crane, décrit comme une tentative pour qu’ils n’en forment qu’un seul. En attendant Godot est une pièce de théâtre en deux actes, en français, écrite en 1948 par Samuel Beckett et publiée en 1952 à Paris aux Éditions de Minuit. La particularité de ce livre vient du fait que le nombre de scènes n'est ni décompté ni annoncé. L’œuvre s'inscrit dans le courant du théâtre de l'absurde. Sont mentionnés dans la pièce :  Sears, Roebuck and Company est un groupe de distribution américain fondé par Richard Warren Sears et Alvah Roebuck vers la fin du XIXe siècle. L’entreprise est devenue le plus gros commerce de détail aux États-Unis vers le milieu du XXe siècle. Roger Tory Peterson est un peintre, naturaliste et ornithologue américain, né le 28 août 1908 à Jamestown dans l'État de New York, mort le 28 juillet 1996 à Old Lyme dans le Connecticut. Thomas Babington (ou Babbington) Macaulay PC, né le 25 octobre 1800 dans le Leicestershire et mort le 28 décembre 1859 à Londres, 1er baron Macaulay, est un poète, historien et homme politique britannique. Saddam Hussein Abd al-Majid al-Tikriti est un homme d'État irakien, vraisemblablement né le 28 avril 1937 à Al-Awja (en), près de Tikrit, et exécuté par pendaison le 30 décembre 2006 à Bagdad. La brutalité de sa dictature demeure largement condamnée : outre ses multiples violations des droits de l'homme, divers gouvernements et ONG ont dénoncé ses actions en matière de crimes de guerre, meurtres, crimes contre l'humanité et génocide. Certains secteurs d'opinion louent néanmoins sa farouche opposition à Israël, ainsi que son rôle déterminant dans le développement économique de l'Irak. Louis Alan "Pete" Williams (né le 28 Février 1952) est un journaliste américain et ancien membre du gouvernement. Il a notamment été secrétaire de la Défense. Henry Wadsworth Longfellow (27 février 1807, Portland, Massachusetts, aujourd'hui dans le Maine — 24 mars 1882, Cambridge, Massachusetts) est un poète américain, auteur de nombreux poèmes encore célèbres aux États-Unis, tels que The Song of Hiawatha (Le Chant de Hiawatha) ou Evangeline.

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En 1884, il est le premier poète américain à avoir son buste placé dans le Poet's Corner (Coin des poètes) de l'Abbaye de Westminster à Londres. On a dit de lui qu’il « écrit comme les oiseaux chantent. » Badr Shakir al-Sayyab (Djaykur 1926 - Koweït 1964) est un poète arabe, avant-gardiste. Il est la référence incontestée de la poésie irakienne, et l'un des géants de la poésie arabe moderne. Ghassan Kanafani (9 avril 1936 - 8 juillet 1972) est un écrivain, journaliste et activiste palestinien. Il trouve la mort dans un attentat à la voiture piégée à Beyrouth. Le Mossad est souvent tenu responsable de l’organisation de cet attentat. Mahmoud Darwich est né en 1941 à Al-Birwah, en Galilée, à 9 kilomètres à l'Est de Saint-Jean-d'Acre en Palestine sous mandat britannique, aujourd'hui Israël. Son oeuvre, essentiellement poétique, est une véritable défense et illustration d'une terre, d'un peuple, d'une culture en même temps qu'une entreprise hardie de genèse littéraire. Elle est hantée d'un bout à l'autre par une seule idée, une seule référence, un seul corps : la Palestine. La solitude et le désarroi de l'exil exprimés côtoient l'acceptation noble et courageuse où le désespoir profond devient générateur de création, porteur d'une charge poétique intense. Harold Hart Crane, né le 21 juillet 1899 et décédé le 27 avril 1932, est un poète américain caractéristique du mouvement moderniste qui bouleversa le monde littéraire anglo-saxon dans les premières décennies du XXe siècle. Hart Crane écrit une poésie traditionnelle dans la forme, recourant à un vocabulaire archaïque et difficile. Même si sa poésie fut souvent critiquée du fait de son abord difficile, notamment par l’emploi d’images foisonnantes et d’une langue ardue, Hart Crane s’est révélé être l’un des poètes les plus influents de sa génération. Lui-même était un grand admirateur de Rimbaud, et avait placé une citation des Illuminations en épigraphe à son premier recueil, White Buildings (1926) : « Ce ne peut être que la fin du monde, en avançant ». Robert Frost (26 mars 1874, San Francisco - 29 janvier 1963, Boston) est un poète américain. Il remporte à quatre reprises le prix Pulitzer de poésie : en 1924 pour New Hampshire: A Poem With Notes and Grace Notes, en 1931 pour Collected Poems, en 1937 pour A Further Rangee et en 1943 pour A Witness Tree. Mort en 1963, il est enterré au cimetière de Bennington (Vermont). On peut lire sur sa tombe cette épitaphe : I had a lover's quarrel with the

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world. Il recevra dans sa vie pas moins de vingt-trois titres de docteur honoris causa, le premier en 1952.