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Droit des obligations Jérémy Stauffacher Droit des obligations : 1. Cours du 27 septembre 2011 : Origine : En 1881, la Suisse se dote du tout premier CO. Influencé par le code zurichois, le droit autrichien et la doctrine des Pandectistes, le CO s’inspire d’éléments provenant de diverses origines. Lorsqu’il a fallu discuter l’adoption d’un code fédéral, chacun voulait conserver son code (Romands influencés par le code français, Alémaniques influencés par le code zurichois, lui même découlant de Savigny entre autre). Notions de base : L’obligation est un lien juridique entre deux personnes en vertu duquel l’une d’elles est tenue envers l’autre d’exécuter une prestation (payer un prix, transférer la propriété d’un bien, effectuer un travail ou autre). Si la personne ne s’exécute pas, l’autre peut l’y contraindre, au besoin à l’aide de la force publique. Cette définition se base sur le droit romain et s’applique à toutes les situations (caractère abstrait), peu importe la cause / la source qui fonde l’obligation. Il existe des obligations dites contractuelles. Il s’agit d’obligations issues d’un contrat (accord passé entre deux ou plusieurs personnes). Ces obligations contractuelles se distinguent des obligations légales. Cela nous amène à parler des deux sources principales d’obligations : - Les obligations volontaires : reposant avant tout sur le contrat, ces obligations sont issues de l’engagement volontaire qu’une personne prend envers une autre. - Les obligations légales : reposant principalement sur la responsabilité civile, les obligations 1

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Droit des obligations :1. Cours du 27 septembre 2011   :

Origine :

En 1881, la Suisse se dote du tout premier CO. Influencé par le code zurichois, le droit autrichien et la doctrine des Pandectistes, le CO s’inspire d’éléments provenant de diverses origines. Lorsqu’il a fallu discuter l’adoption d’un code fédéral, chacun voulait conserver son code (Romands influencés par le code français, Alémaniques influencés par le code zurichois, lui même découlant de Savigny entre autre).

Notions de base   :

L’obligation est un lien juridique entre deux personnes en vertu duquel l’une d’elles est tenue envers l’autre d’exécuter une prestation (payer un prix, transférer la propriété d’un bien, effectuer un travail ou autre). Si la personne ne s’exécute pas, l’autre peut l’y contraindre, au besoin à l’aide de la force publique. Cette définition se base sur le droit romain et s’applique à toutes les situations (caractère abstrait), peu importe la cause / la source qui fonde l’obligation. Il existe des obligations dites contractuelles. Il s’agit d’obligations issues d’un contrat (accord passé entre deux ou plusieurs personnes). Ces obligations contractuelles se distinguent des obligations légales. Cela nous amène à parler des deux sources principales d’obligations :

- Les obligations volontaires : reposant avant tout sur le contrat, ces obligations sont issues de l’engagement volontaire qu’une personne prend envers une autre.

- Les obligations légales : reposant principalement sur la responsabilité civile, les obligations légales sont liées au fait d’avoir causé un préjudice à autrui et obligent donc le responsable à réparer sa faute.

En principe, la partie générale du CO s’applique à toutes les obligations. Toutefois, elles concernent surtout celles qui découlent d’un contrat. Dans la partie générale, la responsabilité civile est surtout concernée par les articles 41 à 61 CO. C’est donc principalement la partie générale du CO qui sert de base à ce cours. Il ne faut toutefois pas laisser de côté la doctrine et la jurisprudence.

Les sources formelles   :

Les sources formelles sont les formes sous lesquelles doivent être manifestées les règles de droit pour être reconnues dans un ordre juridique (opposées aux sources matérielles : faits ayant présidés à l’adoption de ces règles de droit). Appliquées par un juge, les sources formelles aident à la résolution d’un litige et

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dictent les conséquences des comportements des particuliers. En respectant ces normes, les particuliers évitent le risque d’être condamné. On distingue deux catégories principales de normes :

- Les normes étatiques : découlant directement de l’ordre juridique, elles sont énumérées à l’art. 1 CC :

o La loi : elle a un caractère déterminant pour les obligations et les contrats (caractère exclusif pour les obligations légales, comme la responsabilité civile, RC).

o La coutume : la coutume est plutôt rare en droit des obligations.o Le droit prétorien : il sert surtout en cas de lacunes de la loi.

En matière de normes étatiques, on distingue encore :o Les normes impératives : les parties ne peuvent valablement y

déroger car elles visent un but d’intérêt supérieur à leur volonté. o Les normes dispositives : poursuivant qu’un objectif secondaire ou

auxiliaire, les parties peuvent valablement y déroger. Elles peuvent soit combler une lacune d’un contrat (règle supplétive), soit privilégier une interprétation d’une clause (règle interprétative). Précisons que ces normes ont perdu de leur importance du fait de l’importance prise par les normes privées.

- Les normes conventionnelles : découlant d’un accord passé entre les sujets concernés, elles se sont développent en même temps que la liberté reconnue aux particuliers (rôle important en droit des contrats mais nul en droit de la RC). Là encore, il en existe deux types :

o Les normes individuelles : il s’agit des contrats passés entre les parties, contrats qui lient dès qu’ils ont été valablement adoptés.

o Les normes autonomes : développées par la pratique en dehors des procédures législatives ordinaires, il s’agit principalement de conditions générales liées à certains domaines (en matière de construction). On peut citer comme exemple les conventions collectives de travail.

Au final, la hiérarchie entre les sources en droit des obligations est la suivante :

- Les normes étatiques impératives, poursuivant un objectif d’intérêt général et donc un intérêt supérieur.

- Les normes individuelles du contrat, exprimant directement l’expression de la volonté des parties.

- Les normes autonomes, qui prévalent sur les normes étatiques dispositives si elles ont été valablement intégrées au contrat.

- Les normes étatiques dispositives, n’ayant qu’une fonction subsidiaire, dans les cas où les autres normes ne fourniraient aucune réponse à la question posée.

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Les sources nationales   :

Le CO est la principale source nationale en matière de droit des obligations. Avant 1874, l’ensemble du droit privé était régi par les cantons. Le premier CO fut adopté en 1881 (droit privé alors en partie fédéral, depuis l’adoption de l’ancienne Cst. en 1874) afin de favoriser les relations commerciales. Dès 1898, l’ensemble du droit privé était régi par le droit fédéral. Le législateur décida alors d’élaborer un nouveau CO. La Suisse dispose donc apparemment de deux codes : un CC et un CO. Toutefois, l’originalité (en France, en Allemagne ou en Italie, tout est réuni dans un CC) n’est qu’apparente puisque les deux codes sont liés, ne serait-ce que par l’art. 7 CC. De même, le CO n’est, selon son titre, que le « Livre cinquième » du CC. Même si sa forme a été plus ou moins stable, l’interprétation des règles du CO a passablement évolué (influence de la doctrine, de la pratique et de la jurisprudence). Le CO est divisé en deux parties :

- La partie générale (PG) : elle est elle-même divisée en 5 titres, les deux premiers ayant la plus grande importance :

o De la formation des obligations (art. 1-67 CO).o De l’effet des obligations (art. 68-113 CO).o De l’extinction des obligations (art. 114-142 CO).o Des modalités des obligations (art. 143-163 CO).o De la cession des créances et de la reprise de dette (art. 164-183)

- La partie spéciale (PS) : elle décrit et règle les principales formes de contrats. Les dispositions de la PG ne s’appliquent donc que s’il n’existe dans la PS aucune règle spécifique.

En plus du CO et de ses deux parties, il existe quelques autres sources de droit national utiles en droit des obligations :

- Le CC : du fait de leur unité fonctionnelle, un grand nombre de dispositions du CC s’appliquent directement en droit des obligations (règles de la bonne foi, interdiction de l’abus de droit, capacité civile).

- Les lois spéciales : on peut entre autre citer la LF sur le contrat d’assurance, la LF sur le bail à ferme agricole, la LF sur le droit foncier rural ou encore la LF sur le crédit à la consommation.

- Les règles de procédure civile : le CPC a été adopté en 2008 (procédure civile devenue compétence fédérale) mais n’est pas encore en vigueur. On peut également citer la LTF régissant le tribunal fédéral.

- Les règles de droit international privé : les contrats ayant de plus en plus souvent un caractère international, il existe des règles précisant le droit applicable aux obligations qui présentent des éléments d’extranéité. Certaines relations, reliées à la Suisse, sont donc parfois soumises à des droits étrangers. A l’inverse, certaines relations, pourtant étrangères, peuvent être soumises au droit suisse (ce qui est d’ailleurs fréquent au vu du caractère flexible du droit suisse).

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- Le droit cantonal : n’intervenant qu’exceptionnellement en droit des obligations (cantons compétents pour quelques rares domaines), le droit cantonal n’est que très peu utilisé.

- Les usages : locaux ou commerciaux, les usages jouent un grand rôle, que ce soit pour interpréter ou pour compléter la loi (surtout dans la pratique commerciale internationale).

Les sources internationales   :

Le droit des obligations servant pour tous les échanges, il est logique que les États tentent d’en harmoniser et d’en unifier les principes (facilité par le droit romain, tronc commun de la plupart des différents droits européens). Il existe donc un certain nombre de textes internationaux ayant pour but de faciliter les échanges :

- La convention de Vienne ou convention de Nations Unies du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises : il s’agit du texte le plus important en matière internationale, faisant partie intégrante du droit suisse depuis le 1er mars 1991 (son application peut faire l’objet d’un recours en matière civile pour violation du droit fédéral). Régissant principalement les contrats de vente, la CVIM comprend un certain nombre de dispositions traitant de la formation du contrat (complément de la PG du CO).

- Les principes uniformes : il s’agit d’autres projets d’harmonisation conduisant au développement du DPE (voire mondialisation de certaines règles classiques). On peut ainsi citer :

o Les principes d’UNIDROIT : relatifs aux contrats du commerce international (185 articles commentés) et élaborés au sein de l’institut international pour l’unification du droit privé, ces principes sont l’aboutissement de nombreuses années de réflexion d’un groupe de travail hétérogène (représentants des principaux systèmes juridiques mondiaux).

o Les principes du droit européen des contrats (ou principes Lando) : élaborés par la commission de droit européen des contrats de l’UE, ces principes jettent les bases d’un futur code de droit européen des contrats. Visant le marché unique européen (au contraire des principe d’UNIDROIT concernant le monde entier), les principes Lando s’appliquent lorsque les parties le décident (choix des principes généraux du droit, de la lex mercatoria ou d’un élément similaire) et lorsqu’aucun système régissant le contrat n’a été choisi. En outre, les principes Lando concernent tout contrat (les principes d’UNIDROIT concernent uniquement les contrats commerciaux).

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o Le code européen des contrats : il a été édité par l’académie des juristes européens et publié en 2001, sur le modèle du CC italien.

o Le cadre commun de référence : certaines commissions tentent de rédiger un CC européen. Leurs travaux forment pour le moment une sorte de cadre commun de divers textes utilisables.

- Les autres facteurs d’unification :o La lex mercatoria : basée sur un principe d’universalité de certains

usages (applicables à tous les commerçants sans limites territoriales), la loi des marchands permet l’harmonisation du droit. Même si elle reste passablement controversée, on ne peut nier qu’un corps de principes et de règles constituant le « commun dénominateur des relations commerciales internationales » est en train de se dégager.

o Les usages codifiés : les usages font parfois l’objet de codifications (notamment par la chambre de commerce internationale, Paris). On peut évoquer entre autre les règles et usances uniformes en matière de crédits documentaires, appliqués par les banque.

La jurisprudence et la doctrine   :

Sans être à proprement parler des sources du droit (art. 1 al. 3 CC), la doctrine et la jurisprudence jouent toutefois un grand rôle en droit des obligations et ce principalement en raison du caractère ouvert de la règlementation, laissant une place importante à l’appréciation.

La jurisprudence, dominée par les ATF, joue parfois un rôle quasi-législatif (arrêts de principe). Les autres juridictions ne sont pas pour autant totalement écartées. Ainsi :

- Les juridictions cantonales proposent des solutions d’une richesse souvent sous-estimée mais restent donc une source de premier plan.

- Les juridictions étrangères offrent également une grande diversité de questions et de réponses, souvent proches de celles de notre droit.

- Les tribunaux arbitraires, même sans pouvoir créer une véritable jurisprudence (faute d’autorité de contrôle) jouent un grand rôle dans la mesure où l’arbitrage tend à devenir le mode ordinaire de résolution des disputes et autres divergents à caractère international. En outre, leurs sentences sont d’autant plus intéressantes qu’elles sont souvent fondées sur le droit suisse (droit flexible et ouvert).

- Les juridictions européennes ont quant à elle une influence directe ou indirecte sur le droit privé, et en particulier sur le droit privé des contrats. On peut notamment mentionner la cour de justice de l’union européenne (CJUE, ex-CJCE) et la cour européenne des droits de l’homme.

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La doctrine de son côté a été marquée par l’œuvre d’Andreas Von Tuhr, publiée une première fois au début du siècle dernier et traduite depuis lors en français. L’auteur a en effet forgé le cadre dogmatique du régime légal suisse. De même, comme pour les autres domaines du droit, on trouve des présentations doctrinales dans des commentaires, des précis, des traités, des monographies ou des articles.

Les grands principes   :

Si l’objectif était de dresser une liste des principaux articles du CO régissant le droit des obligations, on obtiendrait probablement les articles suivants : art. 1, 11, 19, 23, 32, 62, 97, 101, 107, 119. A côté de ces articles fondamentaux, il existe un certain nombre de grands principes, tournant autour de la bonne foi :

- La bonne foi de l’art. 2 CC : l’ensemble du droit des contrats obéit au principe de la bonne foi (bonne foi objective). Consacrant la loyauté en affaire, ce principe joue un rôle essentiel dans l’interprétation, le complètment voire la correction des règles déterminantes. L’idée est que chacun doit se comporter comme une personne honnête, loyale et respectueuse. C’est principalement le rôle de la jurisprudence que de déterminer quelles sont les conséquences normatives. Les applications de la bonne foi sont très nombreuses en droit des obligations : principe de la confiance, devoirs précontractuels, devoirs accessoires aux contrats, obligation générale d’assurer l’exécution régulière des prestations ou encore interdiction de tromper les attentes fondées que l’on fait naître chez autrui.

- La bonne foi de l’art. 3 CC : il s’agit ici de l’absence du sentiment d’irrégularité juridique (bonne foi subjective). Ce type de bonne foi est relié à deux règles :

o La bonne foi est présumée : il appartient donc à celui qui prétend que l’autre partie connaissait la situation réelle d’en apporter la preuve. Ce principe s’applique dans de très nombreux cas.

o La bonne foi est conditionnelle : même celui qui est (subjectivement) de bonne foi ne peut se prévaloir si elle semble (objectivement) incompatible avec l’attention que les circonstances permettaient d’exiger de lui (principe de diligence). On voit donc que la naïveté n’est pas protégée.

- L’interdiction de l’abus de droit : l’abus manifeste d’un droit n’est pas protégé par la loi. Celui qui invoque un droit peut en être privé s’il le fait dans des conditions qui sont manifestement contraires à l’objectif et l’esprit matériel de la règle. En droit de obligations, cela concerne

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principalement la théorie de la transparence, l’invocation d’un vice de forme ou encore certaines exception, comme la prescription.

2. Cours du 4 octobre 2011   :

L’obligation, la dette et la créance   :

La notion d’obligation comprend deux faces corrélatives : la dette et la créance. L’obligation est un lien juridique entre deux personnes en vertu duquel l’une est tenue d’exécuter une prestation envers l’autre. Elle lie donc forcément deux personnes, celle qui doit exécuter la prestation et qui a une dette, le débiteur, et celle qui peut exiger le paiement de cette dette et qui a donc une créance reposant sur la confiance, le créancier. Le dette peut être définie comme le devoir qu’a le débiteur envers son créancier d’exécuter une prestation. La créance est le droit qu’a le créancier d’exiger du débiteur qu’il exécute une prestation (droits de créance). Il faut toujours penser à distinguer l’obligation du rapport d’obligation (relation juridique dans laquelle s’inscrit une obligation au moins). Ainsi, une obligation prend naissance dans des circonstances pas nécessairement identiques à celles de la relation dans laquelle elle s’inscrit (l’obligation de garantie du vendeur, art. 197 CO, s’inscrit dans un contrat de vente, art. 184 CO, mais suppose également que la chose livrée présente un défaut). De plus, l’obligation peut s’éteindre alors que le rapport d’obligation perdure (le paiement du salaire éteint la dette de l’employeur envers son travailleur, art. 322 CO, sans pour autant mettre fin au contrat de travail, art. 319 CO).

Le contenu de l’obligation   :

L’obligation comprend nécessairement les 4 éléments suivants :

- Deux ou plusieurs parties : un / des débiteur(s) et un / des créancier(s) : o La prestation est due par le débiteur (bien qu’il ne soit en général

pas tenu de s’en acquitter en personne, art. 68 CO).o La prestation est due au créancier (bien qu’il ne doive cependant

pas forcément en être le bénéficiaire direct, art. 112 CO, stipulation pour autrui par exemple).

Ces éléments permettent de déduire deux affirmations relatives la créance. On dit tout d’abord que la créance qu’elle est un droit relatif, parce qu’elle met en relation des personnes déterminées, qui sont les seules devant la respecter et pouvant en exiger le respect. Ainsi, aucun tiers étranger ne peut en général ne peut être concerné par la relation. La créance s’oppose donc aux droits absolus, dont le titulaire peut imposer le respect à tout le monde (par exemple : propriété, art. 641 CC et droits de la personnalité, art. 28 CC). Ensuite, la créance est un droit personnel car elle est dirigée contre un sujet déterminé. La créance est donc opposée aux droits réels dits erga omnes. Cela étant, la distinction s’estompe

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lorsque la loi permet de donner un effet réel à certaines obligations (par l’annotation au registre foncier, un contrat de bail s’attache à l’objet et devient opposable à tout acquéreur de l’immeuble, art. 959 et 261b CO).

- Une prestation : le sacrifice de quelque bien à l’avantage d’autrui, pouvant avoir les contenus les plus divers (principe de la liberté contractuelle, art. 19 CO). Ce peut donc être :

o Une prestation d’action et / ou d’inaction : Une prestation positive : une action, que ce soit faire, ou

donner : réparer une voiture ou livrer une chose. Une prestation négative : une inaction, tolérer ou

s’abstenir : autoriser le passage sur un fonds ou renoncer à faire concurrence.

Une prestation mixte positive-négative : citons par exemple l’obligation du bailleur qui s’oblige à remettre la chose au locataire, à tolérer l’usage que celui-ci en fera et à s’en interdire lui-même l’utilisation.

o Une prestation de fait et / ou de droit : Une prestation de fait : une modification de l’ordre

extérieur (actions diverses). Une prestation de droit : la production d’un effet juridique. Une prestation mixte de fait-de droit : citons par exemple la

livraison d’une chose en vue d’en transférer la propriété. o Une prestation unique, périodique ou continue :

Une prestation unique : payer le prix de vente. Une prestation périodique : payer le loyer. Une prestation continue : concéder l’usage d’une chose.

- Une garantie : la principale conséquence du caractère contraignant. L’État reconnaît donc l’obligation et met au service du créancier un ensemble de moyens lui permettant d’en obtenir l’exécution. La situation juridique du créancier peut être décrite de la manière suivante :

o Les droits de nature privée : le créancier a le droit de réclamer la prestation du débiteur ainsi que le droit de la recevoir et d’en jouir.

o Les droits de nature publique : renforçant les droits privés, ils donnent au créancier un droit d’action. Il faut alors établir les distinctions suivantes :

Le droit d’action : donnant le droit au créancier d’agir en justice pour demande au juge qu’il condamne le débiteur à exécuter la prestation. Cette décision peut également être prise par des arbitres, dans le cadre de l’arbitrage, si les parties sont convenues de leur soumettre leur litige par une clause arbitrale.

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Le droit d’obtenir l’exécution forcée : le créancier peut en général obtenir des autorités qu’elles contraignent le débiteur à exécuter la prestation ou qu’elles procèdent directement à cette exécution.

Le droit de mainmise des créanciers : prolongement de l’exécution forcée pour les dettes ayant une valeur pécuniaire, le créancier peut parfois s’en prendre directement au patrimoine du débiteur pour obtenir la réalisation à son profit de biens appartenant à celui-ci.

A propos de la garantie (garantie générale du patrimoine du débiteur) plus précisément, le créancier peut tout d’abord tenter de contraindre un débiteur ne s’exécutant pas mais il peut surtout faire saisir et réaliser à son profit des éléments du patrimoine du débiteur. La garantie est donc le fait pour le patrimoine du débiteur d’être soumis à la mainmise du créancier au cas où la prestation n’est pas exécutée. On peut alors parler d’un gage général sur les biens du débiteur et en faveur des créanciers. Ainsi, toute obligation comporte en principe deux devoirs pour le débiteur :

o La dette : le devoir d’effectuer la prestation.o La garantie : le devoir de répondre en cas d’inexécution et donc en

quelques sortes le devoir de mettre ses biens à dispositions. Lorsque la garantie fait défaut, on parle d’obligations naturelles, par opposition aux obligations juridiques ou civiles. Dans les cas d’obligations naturelles, le débiteur doit la prestation, mais on ne peut le contraindre à s’exécuter. En outre, il ne peut toujours y avoir pleine correspondance entre la dette et la garantie :

Une dette peut être limitée mais bénéficier d’une garantie illimitée (art. 590 CC, art. 608 CO).

Une dette peut être illimitée mais bénéficier d’une garantie limitée, comme dans les cas de charges foncières, puisque le propriétaire de l’immeuble ne répond de la dette que sur son immeuble (art. 782 et 847 CC).

- Une cause juridique : le fondement juridique de l’obligation, aussi appelé cause ou source de l’obligation. Les sources peuvent être volontaires ou légales. Dans le domaine des contrats, l’existence d’une obligation dépend de l’existence d’un contrat valable. Ainsi, si la cause fait défaut, on ne se trouve pas en présence de véritables obligations mais plutôt de devoirs à caractère social ou moral (actes de courtoisie ou de complaisance), qui, dans des circonstances exceptionnelles, peuvent se voir attribuer certains effets juridiques, en tant qu’obligations imparfaites.

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Notons pour finir que l’obligation peut être assortie de droits accessoires. Ces droits, distincts de la créance, sont au service de celle-ci et en partagent le sorte. On distingue deux types de droits accessoires :

- Ceux qui étendent l’obligation, comme les intérêts.- Ceux qui renforcent l’obligation, comme les garanties spéciales.

Les sources des obligations   :

Une obligation n’est juridique que si elle découle d’une source (cause juridique : tous les faits auxquels le droit objectif attache directement ou indirectement la naissance d’un obligation). La cause n’est importante qu’en rapport avec la naissance et l’étendue de l’obligation, le reste étant couvert par des règles communes. Le droit suisse a retenu trois sources, classées en deux catégories :

- Les sources volontaires : conséquence de la liberté individuelle et du droit reconnu à chacun d’aménager son existence comme il l’entend, l’obligation a d’abord sa source dans la volonté de celui qui s’engage. On relève donc plus particulièrement que l’obligation est née de la volonté de celui qui s’engage, bien qu’elle conserve une dimension légale (effet obligatoire). On dénombre 4 sources volontaires :

o Le contrat : la source volontaire par excellence est le contrat (art. 1 CO). Résultat d’un échange de manifestations de volonté réciproques et concordantes, le contrat est l’instrument formel de tous les échanges.

o L’acte juridique unilatéral : une personne peut parfois s’engager par simple acte juridique unilatéral. On distingue deux cas :

L’acte juridique unilatéral dans le domaine des actes entre vifs : ce genre d’actes est plutôt rare. L’art. 8 CO parle de la promesse publique, promesse conditionnelle faite à un nombre indéterminé de personnes de récompenser celle qui réalisera une prestation déterminée. Son auteur est tenu de payer la récompense promise ou, s’il la retire, au moins de rembourser les impenses faites de bonne foi.

L’acte juridique unilatéral dans le domaine des actes pour cause de mort : beaucoup plus fréquent, on peut notamment citer le testament (art. 498 CC), qui est un acte de disposition résultat de la déclaration de volonté d’une seule personne (testateur ou disposant).

o L’appartenance à un groupement : toute personne étant intégrée dans un groupe plus ou moins grand, cette seule appartenance est déjà génératrices de droits et d’obligations. On peut citer comme exemple la créance d’entretien au sein du couple ou de la famille (art. 125, 163, 276, 328 CC) ou encore la créance de cotisation au

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sein d’associations ou d’autres sociétés (art. 71 CC, 871 CO). L’appartenance au groupement fonde donc le droit, par contre, la naissance et l’étendue des créances sont souvent subordonnées à la réalisation de conditions complémentaires précisées par la loi ou les actes de base (statuts). Ainsi, pour toucher un dividende, il faut être actionnaire d’une SA et une décision à la majorité de l’assemblée générale de distribuer le bénéfice (art. 660 CO).

o Les situations analogues : aussi appelés quasi-contrats, les éléments suivants se situent à la frontière entre les obligations volontaires et les obligations légales :

La relation contractuelle de fait : on considère qu’un simple rapport de fait (sans contrat valable : vices du contrat ou absence d’accord) peut justifier la reconnaissance d’une authentique relation juridique. Cela est notamment utilisé en cas de nullité ou d’inexistence de certains contrats (contrat de travail, art. 320 al. 3 CO, contrat de bail).

La gestion d’affaires sans mandat parfaite (art. 419 CO) : dans ce genre de situations, même malgré l’absence de contrat, la loi considère que la prestation faite par celui qui rend service à un tiers (sans son accord) dans un cas d’urgence mérite que soit reconnue en contrepartie une authentique relation juridique, donnant naissance à des obligations.

L’acte de complaisance : fait pour rendre service à un tiers, il ne s’agit plus de gestion d’affaires puisque ce dernier y consent sans toutefois qu’il y ait un véritable accord (aider un tiers à déménager ou conduire autrui quelque part). La jurisprudence admet donc une application analogique de l’art 422 al. 1 CO (obligation du maître, du bénéficiaire, de réparer le dommage subi par le gérant, l’intervenant, dans la gestion d’affaires sans mandat).

- Les sources légales : l’obligation trouve parfois sa source dans la loi. Celle-ci impose par exemple au débiteur une certaine prestation. Dans le cadre des obligations dites légales, les conditions d’existence de la créance et son étendue sont fixées par les normes légales. L’exécution par contre dépend des mêmes règles que celles utilisées pour les contrats. L’obligation légale est justifiée dans des situations de déséquilibre. Le code intervient alors pour rétablir l’équilibre entre les sujets de droit, en reconnaissant une obligation. La partie victime peut ainsi récupérer de l’autre ce dont elle a été privée. L’obligation résulte donc d’un contact vicié, anormal. On distingue deux sources légales :

o La responsabilité civile : la loi intervient alors pour obliger l’auteur d’un préjudice (responsable civil) à réparer le dommage causé.

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L’obligation est alors fondée sur le chef de responsabilité (faute de l’auteur, art. 41 CO, auxiliaire, art. 55 CO, propriété d’un ouvrage, art. 58 CO, détention d’un véhicule, art. 58 LCR). Le code traite de la responsabilité civile aux articles 41 à 61 CO et également dans certaines dispositions spéciales (LCR). Les principes de la responsabilité civile ont une importance capitale dans le régime de la responsabilité contractuelle.

o L’enrichissement illégitime : une personne ayant bénéficié aux dépens d’un tiers d’un enrichissement qui ne repose sur aucune cause valable a une obligation de restitution envers ce tiers. Le code traite de l’enrichissement illégitime aux articles 61 à 67 CO.

L’acte juridique   :

L’acte juridique est une manifestation de volonté qui produit l’effet juridique correspondant à la volonté exprimée. Ainsi, la manifestation que fait une personne est en général génératrice d’effets juridiques. Elle peut créer, modifier, supprimer ou transférer un droit et donc donner naissance à des obligations. L’acte juridique est la source la plus importante des obligations (principalement lorsqu’il prend la forme d’un contrat). D’ailleurs, lorsque le législateur traite du contrat, l’essentiel de ce qu’il dit s’applique à tout acte juridique. Le principe de l’autonomie privée est au centre du thème de l’acte juridique. Chaque être humain étant en principe libre et responsable, il peut valablement s’engager. Il faut distinguer l’acte juridique de deux autres institutions voisines :

- L’action analogue à un acte juridique : l’auteur fait une déclaration à laquelle la loi attache une conséquence juridique pas nécessairement visée par la volonté exprimée. Ainsi, le créancier qui invite le débiteur en retard à exécuter la prestation le met du même coup en demeure (art. 102 CO). La différence réside donc dans la conséquence juridique, qui n’est pas forcément souhaitée par l’auteur.

- L’action de fait : l’auteur a un comportement ayant une incidence sur le monde matériel, résultat auquel est liée une conséquence juridique. Comme pour l’acte juridique, une conséquence juridique survient mais la cause de cette conséquence n’est pas une déclaration mais un acte, un comportement. Une personne qui s’installe en un lieu fait automatiquement de ce lieu un domicile au sens juridique (art. 23 CC).

L’acte juridique est une règle de droit comprenant une condition et une conséquence. On peut l’exprimer ainsi : si une personne manifeste sa volonté (condition) de produire un effet juridique, cet effet se produit (conséquence), sous réserve du respect des autres conditions légales de validité. Il convient dès lors de définir les deux éléments centraux (condition et conséquence) :

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- La condition : la manifestation de volonté (ou notification) : il s’agit du comportement par lequel une personne communique intentionnellement à une autre sa volonté de créer, modifier, supprimer ou transférer un droit ou un rapport de droit. Pour qu’elle soit valable (génératrice d’effets juridiques), il faut que son auteur ait eu la volonté d’accomplir l’acte (volonté de l’acte) et la volonté de la communiquer (volonté de déclarer). Autrement dit, il doit avoir voulu ce qu’il manifeste (pas de plaisanterie, fanfaronnade ou autre réserve mentale) et avoir voulu faire connaître cette volonté (pas dû au hasard). Sans ces deux éléments, la volonté est dépourvue d’effet juridique (sauf dans certains cas où des tiers de bonne foi pouvaient croire que la déclaration était sérieuse : principe de confiance). La manifestation de volonté peut être :

o Directe : l’auteur et le destinataire sont en contact immédiat et la manifestation du premier et directement perçue par le second parce qu’il est présent ou relié à lui par un procédé technique permettant le transfert de la voix (art. 4 al. 2 CO).

o Indirecte : l’auteur utilise un moyen de communication (écrit, intermédiaire, mail) pour transmettre sa volonté au destinataire. On distingue alors 4 phases :

L’émission de la déclaration par l’auteur. L’expédition de la déclaration par l’auteur. La réception de la déclaration par le destinataire. La perception de la déclaration par le destinataire.

En droit des obligations, le moment déterminant à partir duquel la manifestation de volonté est valablement communiqué au destinataire est la réception (moment à partir duquel la déclaration se trouve dans la sphère personnelle du destinataire de telle sorte qu’il ne dépend plus que de lui d’en prendre connaissance). La manifestation de volonté est donc parfaite dès sa réception par son destinataire, peu importe le moment où il décide d’en prendre connaissance (perception). L’auteur supporte donc le risque de la transmission jusqu’au moment où le destinataire est à même d’en prendre connaissance (exceptions, on retient parfois le moment de l’expédition, plus facile à prouver, art. 40e al. 4 CO, ou le moment de la perception, art. 9 al. 1 CO). Chaque manifestation de volonté a nécessairement une forme (mode par lequel l’auteur communique au destinataire sa volonté d’accomplir un acte juridique). En principe, la liberté de la forme est assurée, en lien avec la liberté contractuelle (art. 11 al. 1 CO). Certaines manifestations doivent pourtant revêtir une forme particulière (forme légale ou forme conventionnelle). On parle alors de régime du formalise (par opposition au principe du consensualisme, expression de la liberté contractuelle). En dehors de ces exceptions, la manifestation peut être faite par écrit, par oral, par signe (poignée de main, clignement de l’œil), par acte concluant

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(paiement d’une somme d’argent, utilisation d’une chose) voire exceptionnellement par acceptation tacite (silence : art. 6 CO). On distingue alors parmi les formes :

o Les manifestations expresses ou non expresses : une manifestation de volonté est expresse lorsque l’auteur utilise des mots ou des signes ayant une signification déterminée. A l’inverse, lorsque l’auteur utilise un acte concluant ou procède par acceptation tacite, on parle de manifestations non-expresses.

o Les manifestations issues de déclarations ou d’actes concluants : il y a déclaration lorsque la volonté exprimée peut être directement déduite d’un comportement donné (mots ou lettres). Au contraire, on parle d’acte concluant lorsque la volonté ne peut être déduite qu’indirectement. Le destinataire est en droit de déduire l’existence de la volonté par le comportement (commencer à utiliser une chose montre qu’on veut en devenir propriétaire).

Il n’est pas rare que les parties soient en désaccord sur le sens qu’il convient de donner à une manifestation de volonté. Le juge doit alors interpréter les déclarations des parties afin d’en déterminer le contenu. Il doit donc tout d’abord rechercher ce que les parties ont effectivement voulu (volonté réelle, interprétation subjective). Si cette étape n’est pas possible (impossible de déterminer la volonté réelle des parties ou divergence entre les parties), le juge détermine de manière normative comment il convient de comprendre la manifestation de volonté (interprétation objective ou normative). Il se base alors sur le principe de la confiance (expression des règles de la bonne foi au sens objectif). En vertu de ce principe, les manifestations de volonté peuvent et doivent être comprises dans le sens que le destinataire pouvait et devait leur donner, compte tenu de l’ensemble des circonstances.

- La conséquence : l’effet juridique : il s’agit de la concrétisation de l’effet voulu par l’auteur (un droit ou un rapport de droit est créé, modifié, supprimé ou transféré). Les hypothèses peuvent être les plus diverses :

o La proposition de conclure un contrat (MdV) constitue une offre qui lie son auteur (CJ, art. 3 al. 1 CO).

o La déclaration d’acceptation d’une offre (MdV) entraîne la conclusion du contrat (CJ, art. 3 CO).

o La remise d’une procuration (MdV) donne au représentant le pouvoir d’agir au nom du représenté (CJ, art. 33 CO).

o L’invocation d’un vice du contrat (MdV, art. 31 CO) ou d’une violation grave (MdV, art. 107 CO) peut entraîner son invalidation ou sa résolution (CJ).

o La résiliation d’un contrat de durée (MdV, art. 266a, 335a, 545 CO) entraîne son extinction (CJ).

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Enfin, il faut établir quelques distinctions en fonction de trois critères :

- Le critère du nombre de MdV : o L’acte unilatéral : il y a alors une manifestation de volonté unique

que l’auteur adresse au destinataire. L’acte unilatéral peut être déclaratif (reconnaissance de dette), abdicatif (résiliation d’un contrat ou renonciation à un droit) ou translatif (testament). Exceptionnellement, il peut faire naître une obligation à charge de l’auteur (promesse publique, art. 8 CO).

o La convention ou le contrat : il y a alors échange de MdV réciproques et concordantes. La loi considère cet échange de MdV comme un seul acte (réunion de MdV) produisant un effet commun (art. 1 al. 1 CO). L’acte peut alors être :

Bilatéral : les MdV sont échangées entre les personnes concernées (la vente, art. 184 CO, le bail, art. 253 CO ou l’entreprise, art. 363 CO).

Multilatéral : les MdV sont jointes entre deux ou plusieurs personnes (la société, art. 530 CO).

o L’acte collectif : résultant d’un ensemble de MdV il permet de prendre une résolution unique dans une affaire concernant plusieurs personnes unies par une communauté d’intérêts (décision d’une assemblée générale). Il peut donc aussi lier des personnes du groupe qui n’ont pas manifesté leur opinion ou qui ont manifesté une volonté différente de celle de la majorité.

- Le critère de la portée de l’effet juridique sur le patrimoine :o L’acte générateur d’obligations : il s’agit d’un acte qui fait naître

une obligation à la charge d’une des parties au moins. o L’acte de disposition : affectant directement et définitivement

l’existence ou le contenu d’un droit de l’auteur de la MdV, l’auteur doit avoir, pour le faire, le pouvoir de disposer (cession d’une créance, art. 164 CO), la remise d’une dette (art. 175 CO), le transfert d’un bien, la constitution d’un gage (art. 799 CC).

- Le critère du moment où se produisent les CJ :o L’acte entre vifs : les effet se produisent alors pendant la vie des

personnes concernées (cas ordinaire).o L’acte pour cause de mort : les effets se produiront au décès de

l’une des personnes concernées (cas particulier, soumis pour l’essentiel au droit des successions (art. 457 CC, art. 245 al. 2 CO).

3. Cours du 11 octobre 2011   :

Le contrat   :

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Le terme contrat peut désigner soit un acte juridique, soit la relation juridique qui en découle. Dans son premier sens, le contrat est donc un acte juridique, souvent bilatéral (parfois multilatéral) par lequel les parties échangent des manifestations de volonté concordantes (art. 1 CO). Par cet échange, le contrat est parfait car il remplit toutes les conditions liées à l’accord des volontés. On peut donc définir le contrat comme l’échange de manifestations de volontés concordantes entre deux ou plusieurs personnes qui produit la conséquence juridique correspondant à l’accord. Cette définition met en lumière les 4 conditions de validité d’un contrat :

- Deux ou plusieurs parties : ce doit être des sujets de droit ayant les capacités nécessaires. Il doit en outre y avoir au moins 2 parties.

- Deux ou plusieurs manifestations de volonté : chaque partie doit avoir manifesté sa volonté, sans qu’une forme spéciale soit requise.

- L’échange de manifestations de volonté : chaque partie doit être simultanément destinataire de la manifestation faite par l’autre. Les manifestations de volonté doivent donc être réciproques.

- La concordance des volontés exprimées : chaque partie doit enfin vouloir le résultat convenu. L’accord des volontés justifie la naissance de l’obligation : chacun est désormais tenu par la promesse qu’il a faite. C’est parce qu’elles sont concordantes que les volontés produisent un effet commun et forment ensemble un contrat.

Une fois le contrat conclu, l’effet contractuel naît. En réalité, le contrat fait naître deux éléments distincts :

- Un effet formateur : le contrat crée une relation juridique entre les parties. Elles ne peuvent donc en général plus se libérer de l’engagement unilatéralement pris, à moins que le contraire ne soit admis par la loi ou convenu. Pour se libérer d’un contrat, il faut :

o Soit (règles générale) que les parties décident par une nouvelle convention (l’avenant) de modifier le contenu de l’accord initial ou d’en supprimer les effets (contrat résolutoire).

o Soit (exception) que la loi ou le contrat autorise une partie à se libérer de son obligation par un acte formateur, obéissant à des conditions particulières (résolution ou résiliation).

- Un effet obligatoire : les parties seules sont liées par ce qui a été convenu. Le contrat a donc un effet relatif puisqu’il ne lie que les parties qui l’ont conclu. On considère en outre les successeurs à titre universel (héritiers) ou à titre particulier (enfants) comme parties. Ce principe n’est toutefois pas absolu et souffre certaines exceptions (exemple du mécanisme de la stipulation pour autrui, art. 112 CO).

Dans son deuxième sens, le contrat désigne la relation juridique qui résulte de la conclusion d’un contrat comme acte juridique. La relation contractuelle

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comprend donc une obligation mais constitue un rapport d’obligation. En principe, tout contrat entraîne la création de ce rapport juridique entre les parties. Dans ce deuxième sens donc, le contrat constitue un corps de règles (définissant les droits et les obligations des parties) liant les parties concernées. Lorsque le contrat est durable (bail, travail), ce sont les relations entre les parties pendant toute la durée du contrat qui sont régies par le contenu de l’accord.

Les contrats couvrant un nombre infini de situations, il est possible de faire plusieurs distinctions, par lesquelles on rapproche certains contrats présentant un critère commun pour les appliquer à tous des conséquences juridiques justifiées par la spécificité de l’espèce. Ainsi, on les classe selon qu’ils appartiennent à différents domaines (droit de la famille : contrat de mariage, droit des successions : pacte successoral, droits réels : contrat constitutif de servitude ou encore droit des obligations) ou selon qu’ils présentent différents contenus (contrat de disposition ou contrat générateur d’obligations). C’est d’ailleurs précisément ce dernier type de contrat qui sera principalement retenu puisqu’il s’agit du type de contrat le plus répandu. On le définit comme le contrat dont la conclusion donne naissance à une obligation au moins (une promesse). Dans le cadre de ce type de contrat, il est à nouveau possible d’opérer plusieurs distinctions en fonction :

- De la relation à la loi :o Les contrats nommés : ce sont tous les contrats qui font l’objet

d’une réglementation spécifique dans la loi. On peut citer comme exemples le contrat de mandat, le contrat de porte-fort ou plus généralement tous les contrats de la partie spéciale.

o Les contrats innommés : ce sont les contrats qui ne font l’objet d’aucun réglementation :

Les contrats mixtes : les parties réunissent alors en un même accord des prestations appartenant à des contrats (nommés) différents soit en les cumulant (contrat combiné, contrat qui vise à louer un bateau et à mettre à disposition un pilote par exemple), soit en les échangeant (contrat de conciergerie : contrat de bail et contrat de travail).

Les contrats sui generis : le contenu de ce contrat n’est visé par aucune forme de contrat nommé (affacturage).

Cette distinction entre contrats nommés et innommés est surtout importante pour l’application des règles de forme, qui changent suivant le type de contrat.

- De la relation entre les prestations : o Les contrats synallagmatiques : aussi appelés contrats bilatéraux

parfaits, ce sont les contrats dans lesquels les deux parties échangent leurs prestations (contrat de vente, art. 184 CO ou de bail, art 253 CO). Il existe pour ce type de contrats un certain

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nombre de règles spéciales en matière d’exécution (art. 82 CO), de demeure (art. 107 CO) ou d’impossibilité (art. 119 al. 2 CO).

o Les contrats unilatéraux : ce sont les contrats dans lesquels une seule partie promet une prestation en faveur de l’autre (donation, art. 239 CO ou cautionnement, art. 492 CO). Malgré son nom, le contrat unilatéral reste un acte juridique bilatéral car il est nécessaire pour qu’il y ait contrat que les deux parties aient manifester leur volonté (le donataire doit accepter la promesse du donateur pour que la donation soit valable).

o Les contrats bilatéraux imparfaits : ce sont les contrats dans lesquels seule une partie s’engage à faire la prestation, l’autre ne faisant aucune prestation en échange mais pouvant être tenue de faire des prestations secondaires. Le prêt à usage (art. 305 CO) ou le mandat gratuit (art. 394 al. 3 CO), le bénéficiaire de la prestation ne doit pas de rémunération mais il reste tenu d’indemniser l’autre partie pour ses frais et dommages. Il s’agit donc d’une catégorie intermédiaire entre les deux premières.

o Les contrats multilatéraux : ce sont les contrats qui lient deux ou plusieurs parties mais les prestations dues par chacune d’elle ne sont pas échangées mais réunies en vue d’un but commun. Le contrat de société par exemple (art. 530 CO) fait que chaque associé fait un apport pour la société en elle-même.

- De la relation au temps : o Les contrats simples : le débiteur doit faire une prestation isolée

dans le temps (dette simple). L’obligation s’exécute donc en une seule (ou quelques) fois (contrat de vente par exemple). On distingue trois types de contrats simples :

Les contrats manuels ou à exécution immédiate : la conclusion du contrat et son exécution sont simultanées.

Les contrats à exécution différée : une des deux parties au moins a le droit d’exécuter la prestation à une date ultérieure (paiement différé du prix d’une chose).

Les contrats à exécution échelonnée : un des deux parties au moins a le droit d’exécuter son obligation en faisait plusieurs prestations successives (paiement en mensualités ou par acomptes pour une chose acquise).

o Les contrats de durée : une prestation au moins doit alors être fournie de manière durable. On en distingue deux types :

Les contrats de durée au sens strict : l’une des parties au moins doit exécuter une dette durable (dette dont l’exécution se prolonge dans le temps). On peut citer l’exemple du contrat de travail : le travailleur doit fournir ses services durant toute la durée du contrat.

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Les contrats analogues aux contrats de durée : ces contrats ne portent pas sur une dette durable mais leur exécution est nécessairement étendue dans le temps (contrat d’entreprise, par exemple, pour lequel l’entrepreneur s’engage à préparer l’ouvrage en vue de sa livraison).

- De la relation entre la conclusion du contrat et son exécution :o Les contrats générateurs d’obligations : la conclusion et l’exécution

du contrat sont alors séparés chronologiquement (bail, contrat de travail ou livraison ultérieur d’une chose par exemples).

o Les contrats dit manuels ou instantanés : la conclusion et l’exécution des obligations principales sont simultanées (vente d’un objet au comptant). A côté de cela, des obligations accessoires ou postérieures au contrat peuvent toujours subsister (obligation de remplacer une chose défectueuse par une autre).

Dans les domaines des contrats spéciaux, il existe encore de très nombreuses distinctions qui se fondent sur la prestation caractéristique : contrats d’aliénation (vente, échange, donation), contrats d’usage (bail, prêt), contrats de travail, contrats de service de résultat (entreprise), contrats de service de moyen (mandat), contrats de garantie ou de sûreté (cautionnement, garantie), contrats d’assurances, contrats aléatoires (garantie, jeu, pari), contrat d’entretien (rente viagère, entretien viager) ou contrats de société (société simple).

Le contenu du contrat   :

Le contrat contient un corps de normes complexes qui régissent l’ensemble des relations qui unissent les parties à un contrat pour quelques instants ou quelques années. On peut citer, en simplifiant, 5 éléments dictés par la convention des parties ou déduits de la loi et de l’application des principes généraux :

- Les obligations : formant l’ossature du contrat, l’essentiel des autres éléments s’articulent autour d’elles. Elles sont complétées par les règles sur l’inexécution des obligations (légales ou contractuelles).

- Les devoirs (ou obligations) accessoires : ce sont des devoirs qui s’imposent aux parties et dont la violation peut obliger le débiteur à réparer le dommage causé au créancier. Ils peuvent être imposés par le contrat ou déduits des principes généraux (règles de la bonne foi). Ces obligations accessoires peuvent intervenir :

o Pendant la durée du contrat.o Après la durée du contrat : on parle alors de devoirs post-

contractuels, qui doivent être respectés après l’extinction du contrat. Ils peuvent être prévus par le contrat (clause de non-

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concurrence, art. 340 CO) ou se déduire des règles de la bonne foi (devoir de discrétion par exemple).

o Avant la durée du contrat : on parle alors de devoirs précontractuels, qui doivent être respectés durant la négociation du contrat (avant sa conclusion).

- La réglementation du sort du contrat : principalement lorsqu’on est en présence d’un contrat de durée, les parties peuvent adopter des stipulations destinées à régler le sort du contrat. Cela permet de fixer les conditions auxquelles le contrat pourra être transféré, modifié ou résolu, que ce soit normalement ou prématurément.

- La détermination du droit applicable : en vertu de la liberté contractuelle, les parties peuvent choisir le droit auquel sera soumis leur contrat ou les normes qui en complèteront le contenu. Elles peuvent ainsi décider de soumettre le contrat au droit suisse ou à un droit étranger (clause d’élection de droit) ou à des conditions générales supplémentaires (clause d’intégration). En l’absence de choix, on applique les normes dictées par les règles de rattachement du droit international privé ou par le droit supplétif applicable (on parle de faculté, d’option).

- Les droits procéduraux : tout contrat emporte application de règles procédurales (obligation armée d’un droit d’action). De ce fait, les parties peuvent décider de porter leur litige en un autre lieu ou pays (plutôt que de s’en tenir au système légal) par une clause de prorogation de for ou de le soumettre à la compétence d’arbitre (clause arbitrale).

Autres notions de base   :

Il s’agit là de présenter les droits formateurs, l’exception, l’incombance, les obligations imparfaites et les titres de créances :

- Les droits formateurs : les droits formateurs font partie des droits de compétence, qui permettent à leur titulaire d’organiser ses relations juridiques par simple MUdV. Il existe alors deux types de droit de compétence : les droits de gestion et les droits formateurs. Un droit formateur est un droit par lequel une personne peut, par MUdV modifier en sa faveur une situation juridique préexistante. Cette prérogative suppose un fondement, légal ou conventionnel :

o Fondement légal : le droit du créancier de se départir du contrat en cas de demeure qualifié par exemple découle directement de la loi.

o Fondement conventionnel : le fondement découle alors de l’accord entre les parties, voire d’un acte unilatéral. Ainsi, le droit du titulaire d’un droit d’emption de se porter acquéreur d’un objet.

On distingue, selon leur contenu, plusieurs types de droits formateurs :

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o Les DF générateurs créent un rapport juridique ou font acquérir un droit (l’acceptation d’une offre par le destinataire emporte conclusion du contrat, art. 3 CO).

o Les DF modificateurs modifient un rapport de droit : la réduction du prix d’une chose défectueuse par l’acheteur (art. 205 al. 1 CO) ou le maître de l’ouvrage (art. 368 al. 2 CO) par exemples.

o Les DF spécificateurs, très proches des DF modificateurs, modifient la nature du contenu d’une obligation. On peut citer le fait pour le débiteur de choisir une obligation alternative.

o Les DF résolutoires mettent fin à un rapport juridique, comme la résiliation d’un contrat de durée.

L’exercice d’un droit formateur nécessite une simple MdV (acte juridique que l’on appelle acte formateur). Son exercice n’est donc en principe soumis à aucune forme spéciale. La manifestation (orale, écrite, expresse, tacite ou par actes concluants) ne requiert pas le concours du juge (privée). Celui qui veut accepter une offre peut donc le faire en manifestant cette intention au pollicitant. Exceptionnellement, la loi exige que l’effet demandé par une partie soit prononcé par le juge. Il faut alors intenter une action formatrice qui peut alors aboutir à un jugement formateur. En droit des contrats c’est notamment le cas pour la résiliation d’un contrat de société pour justes motifs (art. 547 al. 1 CC). Les droits formateurs obéissent à un certain nombre de principes communs :

o Ils sont en principe imprescriptibles.o L’exercice d’un DF entraîne l’extinction du droit exercé : tout DF se

consume en effet par son exercice. o L’exercice d’un DF est en principe irrévocable, sauf si la loi prévoit

le contraire ou si la révocation ne porte pas atteinte au besoin de protection de l’autre partie.

o L’exercice d’un DF ne doit pas être soumis à des conditions, sauf si le besoin de protection de l’autre partie n’y fait pas obstacle.

o L’exercice d’un DF doit respecter les règles légales ou conventionnelles, entre autre quant à la forme de son exercice.

- L’exception : au sens technique, l’exception est un DF particulier qui donne au débiteur le droit de refuser totalement ou partiellement la prestation due pour un motif spécial (prescription, art. 127 CO, ou exception d’inexécution, art. 82 CO). Il s’agit donc d’un moyen du défense du débiteur lui permettant de paralyser le droit du créancier à obtenir sa prestation. Ce n’est alors par la créance qui est touchée mais le droit d’action qui lui est lié (exception liée à la situation des obligations naturelles). Dans le code, le terme est utilisé dans un sens plus large. L’exception englobe alors tous les moyens de défense du débiteur :

o L’exception au sens technique : décrite ci-dessus.

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o L’objection : le débiteur invoque des faits nouveaux qui ont empêché la naissance ou entraîné l’extinction de l’obligation.

o La contestation : le débiteur nie l’existence des faits (anciens) que le créancier allègue pour fonder son droit.

La distinction reste souvent délicate mais pas sans importance pratique car l’exception relève du droit alors qu’objection et contestation relèvent du fait. Le juge ne peut donc retenir d’office une exception, à laquelle le débiteur peut renoncer, alors qu’il doit prendre en compte tous les éléments de fait portés à sa connaissance. Il est possible de distinguer les exceptions en fonction de la durée des effets :

o Les exceptions dilatoires : elles permettent au débiteur de refuser provisoirement la prestation (exception d’inexécution).

o Les exceptions péremptoires : elles permettent au débiteur de refuser définitivement la prestation. On rapproche ce type d’exception avec les dettes naturelles.

En fonction du fondement :o Les exceptions matérielles ou absolues : elles sont fondées sur la

cause de l’obligation. Le débiteur invoque ainsi par exemple la nullité du contrat (art. 20 CO). Ces exceptions sont attachées à la dette et peuvent donc être soulevées par toute personne engagée, comme elles peuvent être opposées à toute personne qui voudrait déduire des droits de l’obligation.

o Les exceptions personnelles ou relatives : elles sont fondées sur les relations qu’a le débiteur avec le créancier qui le recherche. Ces exceptions sont attachées à la relation qui unit le débiteur au créancier et ne peuvent pas être opposées à un tiers ni invoquées par un nouveau titulaire.

- L’incombance : la dette n’est pas le seul devoir juridique attaché à une obligation, on peut aussi mentionner l’incombance, qui est le comportement que doit avoir une personne pour éviter un désavantage juridique. Elle vise un certain comportement dans un cas déterminé mais il ne s’agit pas d’une obligation au sens technique (au contraire de la dette). En effet, celui qui la refuse ou omet d’agir ne peut pas y être contraint, il perdra en revanche le bénéfice de certains droits. L’acheteur ou le maître d’ouvrage qui ne vérifie pas la chose et ne donne pas avis des défauts immédiatement perd son droit à la garantie contre le vendeur ou l’entrepreneur. Il s’agit donc d’un devoir au sens impropre, ou devoir de degré inférieur. En outre, celui qui viole une incombance peut être tenu de réparer le préjudice que peut avoir subi de ce fait l’autre partie : l’entrepreneur à qui les plans ne sont pas remis à temps ne peut se voir reprocher par le maître d’être en retard, mais rien ne s’oppose à ce que celui-ci réclame des dommages-intérêts.

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- Les obligations imparfaites : lorsqu’une obligation ne réunit pas toutes les caractéristiques de la créance, on dit qu’elle est imparfaite. On peut distinguer trois sortes d’obligations imparfaites :

o L’obligation naturelle : il s’agit d’une obligation sans droit d’action. Elle a donc un fondement (le créancier a le droit de réclamer la prestation du débiteur, de la recevoir et d’en jouir). En revanche, si le débiteur refuse de s’exécuter, le créancier ne peut l’y contraindre par les moyens légaux d’ordinaire à sa disposition. Le législateur reconnaît donc ces obligations mais refuse de les armer par le recours aux autorités publiques. On peut citer les dettes de jeu ou le pari (art. 513 al. 1 en relation avec 515a CO). Il est aussi possible pour les parties de convenir à l’avance que le créancier n’aura pad de droit d’action (pactum de non petendo).

o L’obligation / la créance sujette à exception : il s’agit d’une obligation munie du droit d’action, mais à l’exécution de laquelle le débiteur peut opposer une exception (surtout pour les exceptions péremptoires à caractère définitif, comme la prescription, art. 127 CO). La créance a alors un fondement, une cause, le créancier peut en exiger l’exécution et le débiteur qui s’y soumet ne le fait pas sans cause. Néanmoins, le débiteur peut s’opposer à l’action du créancier en soulevant l’exception : s’il le fait, l’obligation se rapproche d’une obligation naturelle car le juge ne peut plus le condamner à exécuter la prestation.

o Le devoir moral : il se distingue de l’obligation en ceci qu’il n’est pas imposé par l’ordre juridique, mais par les mœurs. Nul ne peut alors contraindre autrui à respecter un devoir moral, même si la loi reconnaît a posteriori une valeur juridique au devoir moral si l’auteur l’a volontairement exécuté. On fait comme si l’exécution reposait sur une obligation puisque le débiteur s’est senti tenu de s’en acquitter. La prestation ne peut dès lors plus être répétée (art. 63 al. 2 CO). On peut citer l’exemple de celui qui vient en aide à un parent dans l’indigence, sans y être obligé (art. 328 CO).

On peut encore distinguer les obligations à protection affaiblie, pour lesquelles le créancier ne peut en obtenir l’exécution forcée. Il ne peut que réclamer des dommages-intérêts si les conditions sont remplies. On peut citer les obligations strictement personnelles et le contrat de mandat, auquel chaque partie peut mettre un terme en tout temps (art. 404 al. 1 CO) avec parofis l’obligation de réparer le dommage (art. 404 al. 2 CO).

- Les titres de créances : une créance n’a pas besoin d’être constatée par écrit : le créancier peut en prouver l’existence par tout moyen. Néanmoins, les parties peuvent décider de dresser un titre de créance (tout écrit ayant une portée juridique), ayant pour but d’en attester l’existence ou l’extinction. Le titre n’a en principe qu’une valeur

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probatoire : il facilite au créancier la preuve de son droit ou au débiteur l’extinction de sa dette. Il peut parfois tout de même avoir une portée juridique accrue, lorsque le débiteur établit une reconnaissance de dette ou émet un papier valeur :

o La reconnaissance de dette : il s’agit d’un titre par lequel le débiteur déclare à son créancier qu’il reconnaît lui devoir une certaine prestation. Par la promesse explicite ou implicite qu’elle renferme, cette déclaration donne naissance à une dette dont le contenu est identique à celui de la dette originale. Matériellement, la reconnaissance de cette dette est causale : sa validité dépend de la validité de la dette originale. La reconnaissance de dette facilite la preuve et l’exécution de la dette. Formellement, la reconnaissance de dette est abstraite. Il n’est donc pas nécessaire que la cause sur laquelle repose la dette soit énoncée dans le titre. Ce principe, confirmé par l’art. 17 CO) trouve son origine dans la controverse qui entourait en droit romain la validité de la reconnaissance de dette qui n’énonçait pas sa cause. Selon ce principe, une formule orale disant que l’on reconnaît devoir à une personne une certaine somme suffit à constituer une reconnaissance de dette valable. Enfin, outre ses effets probatoires, la reconnaissance de dette peut avoir des effets matériels :

En rapport avec l’interruption de la prescription : si la dette visée peut être constatée, elle entraîne une interruption de la prescription et, si elle est reconnue de manière qualifiée dans un titre, elle entraîne même dans tous les cas l’application d’un nouveau délai de 10 ans.

En rapport avec la protection des tiers : celui qui est devenu créancier de bonne foi sur la foi d’une reconnaissance de dette peut être protégé par la loi, même si ce titre est sans valeur ou incomplet.

o Le papier-valeur : les papiers-valeurs facilitent l’exécution des obligations et améliorent la circulation et la négociabilité des créances. Selon l’art. 965 CO, les papiers-valeurs sont tous les titres auxquels un droit est incorporé d’une manière telle qu’il est impossible de le faire valoir ou de le transférer indépendamment du titre. On dégage trois éléments de cette définition :

Le titre : le papier-valeur est d’abord un titre, un support physique incorporant un écrit. Dans cette mesure, il s’agit d’une chose, obéissant aux règles des droits réels mobiliers.

Le droit : le papier-valeur comprend ensuite un droit, dans notre contexte une créance (il peut aussi s’agir d’un droit réel ou de toute autre valeur susceptible d’être transférée).

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Le lien entre le droit et le titre : le papier doit être directement lié à la valeur. Ce lien est créé par la déclaration que fait le débiteur sur la portée du titre : il détermine à quelles conditions le créancier peut faire valoir le droit qui s’y trouve contenu (clause documentaire).

4. Cours du 18 octobre 2011   :

Les parties   : CCP et CCA   :

Pour être partie, il faut avoir la capacité civile (ou juridique), regroupant la capacité civile passive (ou capacité de jouissance) et active (ou capacité d’exercice). Ce régime s’applique en premier lieu aux personnes physiques mais est étendu dans une certaine mesure aux personnes morales.

Pour les personnes physiques, la capacité civile passive est consacrée par l’art. 11 CC. Il s’agit de l’aptitude d’une personne à devenir sujet de droits et d’obligations. Cette capacité est nécessaire à la conclusion du contrat : si elle fait défaut, aucun effet ne se produit et le contrat est alors inexistant. La capacité civile passive est reconnue à toute personne humaine, de sa naissance à sa mort (art. 31 CC). Elle est en principe la même pour tous, sous réserve des différenciations imposées par l’âge (art. 303 CC), le sexe, le cadre familial (art. 270 CC), voire la nationalité et le domicile.

Pour les personnes physiques, la capacité civile active (dans notre domaine capacité contractuelle) est traitée aux art. 12 à 19 CC. Il s’agit de l’aptitude d’une personne à faire produire à un comportement déterminé des effets juridiques, voulus ou non. Cette aptitude est une condition préalable à la validité des actes juridiques : si elle fait défaut, l’acte est nul, d’emblée privé d’effets. En principe, les personnes physiques disposent de la capacité totale (exercice des droits civils), donnée aux trois conditions suivantes :

- La majorité, art. 14 CC, fixée à 18 ans. - L’absence d’interdiction : l’interdiction est une décision officielle privant

une personne majeure de sa capacité civile active (art. 369 ss CC).- La capacité de discernement : l’incapacité de discernement au sens de

l’art. 16 CC est l’absence de faculté d’agir raisonnablement par l’effet d’une cause objective (jeune âge, maladie mentale, faiblesse d’esprit, ivre ou autre). Pour valablement s’engager, une personne doit disposer des aptitudes intellectuelles et volontaires qui garantissent qu’elle agit librement et en connaissance de cause. La capacité de discernement, au contraire des deux autres conditions, s’apprécient de cas en cas (n’est pas absolue) et est présumée chez les sujets majeurs et non-interdits.

Précisons que les personnes mariées (art. 273a al. 2 CC et 494 al. 1 CC) et les personnes sous conseil légal (mesures administratives n’ayant pas les effets

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absolus de l’interdiction, art. 395 CC), remplissant pourtant ces trois conditions, n’ont qu’une capacité restreinte. En revanche, en ce qui concerne les mineurs et les interdits, on leur reconnaît une capacité partielle, s’ils disposent de la capacité de discernement (art. 16 CC). Ils ont toutefois tout de même besoin d’un représentant légal (parents pour mineurs, art. 304 CC, ou tuteur pour les interdits, art. 407 CC) qui a, en vertu de la loi, le pouvoir de faire des actes juridiques pour le mineur ou le pupille. On distingue alors 3 types de capacité :

- La capacité conditionnelle : les mineurs et les interdits capables de discernement ont le droit d’agir mais, en vertu de l’art. 19 CC, la validité de leurs actes est subordonnée au consentement de leur représentant légal. Ce consentement peut être antérieur (autorisation), concomitant (concours) ou postérieur (ratification) à l’acte en question.

- La capacité inconditionnelle : ces mêmes personnes ont tout de même le droit de faire certains actes même sans le consentement de leur représentant légal, en vertu de l’art. 19 al. 2 CC (acquérir à titre gratuit ou exercer des droits strictement personnels).

- Les capacités spéciales : la loi admet que les mineurs et les interdits disposant d’une certaine autonomie, notamment en matière de biens libérés de l’administration du représentant légal (art. 321, 414 CC), du produit de leur travail (art. 323, 414 CC) ou d’autres biens qui leur sont remis pour une activité professionnelle (art. 323, 412 CC).

En ce qui concerne les personnes morales (entités juridiques pourvues de la jouissance des droits civils, qui individualisent un groupement de personnes ou une masse de biens assujettie à un certain but, art. 52-59 CC), la capacité civile passive est reconnue à un nombre limité d’entités :

- Les corporations de droit privé : l’association, la SA, la SàRL et la Scoop.- L’établissement de droit privé : la fondation.

La personnalité morale et par conséquent la CCP s’acquièrent en principe par l’inscription au registre du commerce (art. 52 al. 1 CC, art. 934 ss CO et art. 36 ss ORC), sous réserve de quelques notables exceptions (art. 52 al. 2 et 60-61 CC). La CCA des personnes morales est aussi réglée différemment de celle des personnes physiques. La personne morale ne bénéficie de l’exercice des droits civils que si elle dispose d’organes (toutes les personnes qui exercent dans une position dirigeante une activité essentielle au fonctionnement de la personne morale, art. 54 CC), qui agissent pour elle et dont les comportements peuvent lui être attribués (art. 55 CC).

Les vices de capacité   :

L’absence de CCP ou de CCA prive le contrat d’effet : celui-ci est inefficace. Il faut tout de même distinguer selon qu’il manque la CCP ou la CCA :

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- Le défaut de CCP empêche le contrat de venir à chef, celui-ci est inexistant. Ainsi, le contrat passé par (ou au nom de) un animal, une personne qui n’existe pas ou une masse de bien non organisée en fondation est totalement inexistant.

- Le défaut de CCA entraîne la nullité du contrat. Cette conséquence est destinée à protéger les personnes n’ayant pas une capacité suffisante pour s’engager valablement. Les tiers ne peuvent les contraindre à respecter leurs engagements. Pour être valables et donc engager les personnes n’ayant pas la CCA, les actes doivent être passés soit par le représentant, soit au moins avec son consentement. Dans le cadre du défaut de CCA, une distinction supplémentaire s’impose, selon que le mineur ou l’interdit dispose ou non de la capacité de discernement :

o Le contrat conclu par un mineur ou un interdit incapable de discernement est nul (art. 18 CC). Dans de rares circonstances, l’autre partie peut rechercher le mineur ou l’interdit en réparation du dommage qui lui a été causé (art. 54 al. 1 CO).

o Le contrat conclu par un mineur ou un interdit capable de discernement est également en principe nul, mais le représentant légal peut encore le ratifier (consentement postérieur, art. 440 al. 2 CC), voire la personne elle-même au cas où elle aurait ultérieurement récupéré pleine capacité (dans les réserves de la capacité inconditionnelle et de la capacité élargie). La nullité est donc dite relative puisqu’elle ne peut être levée que par le mineur, l’interdit ou le représentant légal. Dans l’intervalle, l’acte est imparfait, boiteux : la loi autorise donc la partie capable à fixer un délai au représentant légal pour qu’il se prononce.

Capacité civile et pouvoir de disposer   :

La CCA doit être distinguée du pouvoir de disposer (capacité spéciale que doit avoir celui qui entend faire un acte de disposition). La CCA ne suffit en effet pas, il faut en plus le pouvoir de disposer. Deux cas sont possibles :

- Pouvoir de disposer limité : la personne est alors dépourvue du PDD de certaines choses qu’elle a en sa possession. Le dépositaire par exemple, à qui on confie une chose, n’a pas le pouvoir d’en disposer, en la transférant à un tiers ou en la grevant par exemple.

- Pouvoir de disposer inexistant : la personne est alors privée du PPD de l’ensemble de ses biens (motifs particuliers, cas de faillite notamment).

La différence avec la CCA se base sur deux points principaux :

- La protection de la bonne foi : le TdBF qui traite avec une personne dépourvue de CCA n’est pas protégé (sauf dans certains cas en réparation

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du dommage). Par contre, pour des raisons liées au besoin de sécurité, le TdBF qui traire avec une personne privée du PDD est protégé, au moins dans les conditions prévues par les dispositions qui l’affirment (art. 933, 935, 937 CC et 1006 al. 2 CO).

- Le moment déterminant : la CCA doit exister au moment où la manifestation de volonté est émise ; le PDD en revanche ne doit exister qu’au moment où l’acte produit ses effets. Il en découle que l’acte conclu par une personne qui n’a pas la CCA n’est pas validé (ou guéri) si cette personne acquiert ou retrouve par la suite pleine capacité (elle pourra au mieux ratifier l’acte qu’elle a fait lorsqu’elle était incapable). En revanche, encore une fois, l’acte passé par une personne qui n’avait pas le PDD est validé directement si elle acquiert ou récupère ultérieurement ce pouvoir (on parle alors d’une sorte d’effet guérisseur).

La représentation   :

En principe, une personne ne devrait pouvoir s’engager qu’en agissant personnellement, en son nom et pour son compte. La règle est en effet que nul ne peut faire naître une obligation sur la tête d’autrui. Toutefois, cette formule est dépassée dans notre société (spécialisation et répartition des compétences) et il en découle que chacun a le droit de déléguer à d’autres des compétences qui lui appartiennent en propre (droit de gestion faisant partie, comme les droits formateurs, des droits de compétence). Parce qu’ils reposaient sur un régime formaliste, les droits antiques (romain) étaient relativement hostiles aux formes de représentation (stipulatio pour autrui). La gestion au sens large peut intervenir dans deux types de situations :

- Les personnes morales en tant que telles : par nature, elles ne peuvent agir par elles-mêmes et doivent donc le faire par le truchement de personnes physiques qui se charges de leur gestion (organes). On parle aussi à cet égard de représentation, même si la situation est un peu particulière dans la mesure où elle est par nature liée au fonctionnement de toute personne morale (art. 55 al. 1 CC).

- Les personnes physiques et les organes des personnes morales : elles peuvent également décider de confier la gestion de certaines affaires à un tiers. Le titulaire délègue alors certaines tâches que le tiers aura compétence pour exercer valablement. C’est là véritablement la situation de représentation au sens propre, dont on traite ici.

On peut définir la représentation comme étant l’institution qui permet à une personne (le représentant) de faire des actes juridiques avec un tiers de manière à ce que les effets se produisent directement en la personne d’un autre (le représenté). Le fondement de la représentation réside donc en l’autonomie privée, l’exercice par le représenté de sa liberté de déléguer certaines tâches à des tiers (principes de la représentation volontaire et du représentant choisi).

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Dans le code, le régime de la représentation est traité aux art. 32 à 40 CO et s’applique de manière générale pour tous les actes juridiques (portée générale). On distingue ce type de représentation, dit de volonté, de la représentation de connaissance, en vertu de laquelle ce que sait le représentant est imputé au représenté lorsque cela a une portée juridique (application des règles sur l’erreur, art. 24 al. 1 ch. 4 CO, ou sur le do, art. 28 CO).

En général, la représentation (art. 32 al. 1 CO) met en présence trois personnes :

- Le représenté, au nom duquel l’acte est passé, et qui lié par ses effets. - Le représentant, qui agit avec le tiers au nom et pour le compte du

représenté, qui n’est pas lié par ses effets. - Un tiers : qui est celui avec qui lequel le représentant passe l’acte et qui

est lié par ses effets avec le représenté.

L’acte de représentation est celui que le représentant passe avec le tiers au nom et pour le compte du représenté. La représentation est dite active si le représentant a compétence pour faire des actes et émettre des déclarations qui engagent le représenté (adresser une offre, résilier un contrat ou intenter une action). Au contraire, la représentation est dite passive si le représentant a compétence pour recevoir valablement les déclarations qu’un tiers doit adresser au représenté (recevoir une acceptation, une résiliation de contrat ou l’avis d’un défaut de la garantie).

Lorsque les conditions de la représentation sont remplies, l’acte produit l’effet de représentation, en ce sens que l’effet juridique voulu se produit directement en la personne du représenté (art. 32 al. 1 CO). On fait donc comme si celui-ci avait agi personnellement, sans intervention du représentant. Seul le représenté est en principe lié : le représentant ne l’est pas. Il existe néanmoins certains cas dans lesquels le représentant est engagé aux côtés de celui ou ceux qu’il a représenté(s). Selon l’art. 32 al. 1 CO, l’effet de représentation se produit lorsque 4 conditions (2 conditions principales, les deux premières, développées ci-dessous et 2 conditions accessoires, les deux suivantes) :

- Le représentant agit au nom du représenté.- Il y est autorités en vertu des pouvoirs qui lui ont été données.- La représentation doit être possible pour le type d’acte effectué : certains

actes ne peuvent être accomplis que par la personne concernée. Ce sont les droits et les actes strictement personnels (confection d’un testament ou actions en protection de la personnalité, art. 28 ss CC).

- Le représentant doit (au moins) avoir la capacité de discernement nécessaire (art. 16 CC) : cela signifie que le mineur ou l’interdit capable de discernement peut agir comme représentant. Le représenté par contre doit forcément disposer de la CCA requise pour s’engager valablement.

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En cas de litige sur l’effet de la représentation, le fardeau de la preuve se détermine conformément à l’art. 8 CC : si le représenté conteste l’existence d’une représentation, il appartient au tiers qui prétend lui être lié de prouver que le représentant a agi au nom du représenté et avait les pouvoirs de le faire.

L’action au nom du représenté   :

Il s’agit de la première condition générale nécessaire à la représentation : le représentant doit faire savoir au tiers qu’il agit non pas en son propre nom, mais en celui d’un tiers. En droit français, cette communication du représenté au tiers s’appelle la prise de qualité. Cette règle est destinée à protéger le tiers qui doit savoir avec qui se produira l’effet juridique : il doit connaître en quelle qualité agit son interlocuteur, puisque celui-ci (le représentant) pourrait aussi agir en son propre nom et pour son compte. Le représentant peut :

- Manifester cette relation expressément : il s’agit du cas général. Le représentant déclare agir par procuration, au nom du représenté. Il pourra apposer sa propre signature sous la mention du nom ou de la raison sociale du représenté. A noter que si un contrat est soumis à une exigence de forme qui s’entend à l’indication des parties, le nom de la personne représentée doit figurer dans l’acte (à ce défaut, le contrat serait déclaré nul pour vice de forme).

- Faire connaître cette qualité implicitement : il suffit alors que le tiers puisse l’inférer des circonstances. Le client qui fait un achat dans une grande surface ne peut ignorer que le vendeur qui le sert n’agit pas en son nom. S’il y a par la suite contestation entre les parties, le juge en décidera par application du principe de la confiance, selon ce que le tiers pouvait et devait comprendre au vu des circonstances (diligence et bonne foi).

Précisons qu’il n’est pas nécessaire que le représenté indique au moment de l’acte au nom de qui il agit. Il peut en effet ignorer à ce moment au nom de qui l’acte sera finalement passé. Il suffit qu’il complète ultérieurement sa déclaration en indiquant le nom du représenté. Enfin, la loi réserve à l’art. 32 al. 2 CO le cas spécial où il était indifférent au tiers que le représentant agisse ou non au nom d’autrui. Dans ce cas, l’effet de représentation se produit même si le tiers ignore l’existence d’un rapport de représentation, pour autant que le représenté ait bien conféré les pouvoirs au représentant.

Si cette condition n’est pas respecté et donc si celui qui agit ne manifeste pas qu’il le fait au nom de celui qu’il entend représenter, l’effet de représentation directe entre le représenté et le tiers ne se produit pas. Peu importe que celui qui agit néglige de le faire ou qu’il le fasse intentionnellement (art. 32 al. 3 CO).

Le représenté ne peut pas être imposé au tiers qui ne s’en rend pas compte, puisque celui-ci n’a pas donné son accord à une relation juridique qui serait

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passée avec cette personne. Or, s’il s’agit à l’évidence d’un élément objectivement essentiel (art. 2 CO). Il faut toutefois réserver le cas dans lequel le tiers ne pouvait raisonnablement ignorer la représentation et celui dans lequel cela lui était totalement indifférent. En dehors de ces deux cas, la seule manière de créer un lien direct entre le représenté et un tiers passe par un acte supplémentaire : la reprise de dette (art. 175 CO) et / ou la cession de créance (art. 164 CO). On entre alors dans les cas de représentation indirecte.

Le représentant est en revanche lié puisque, faute de l’avoir préciser, c’est avec lui que le tiers pensait passer l’acte. IL ne peut en être dégagé que le biais à nouveau d’une reprise de dette ou d’une cession de créance, selon le système de la représentation indirecte. A défaut, la seule voie ouverte au représentant ainsi piégé est de tenter de se dégager en invoquant les règles sur l’erreur de déclarations, règles prévues à l’art. 24 al. 1 ch. 1 CO).

L’existence des pouvoirs de représentation   :

Il s’agit de la 2ème condition nécessaire à la représentation, la plus importante et la plus délicate. Le représentant doit avoir reçu du représenté le pouvoir de faire l’acte visé au nom de celui-ci. On parle dans le cadre de la représentation volontaire de procuration. La règle est destinée à protéger le représenté qui ne peut être engagé que s’il a conféré au représentant le droit de passer l’acte. La faculté d’accorder ces pouvoirs fait partie des droits de compétence. Si le représentant agit sans pouvoirs, il n’y a en principe pas de représentation.

L’octroi des pouvoirs est un acte juridique unilatéral (formateur) que le représenté adresse au représentant. On parle à cet égard de procuration interne, par opposition à la procurant externe destinée à faire connaître ces pouvoirs aux tiers. Puisqu’il s’agit d’un acte unilatéral, il n’est pas nécessaire que le bénéficiaire des pouvoirs les accepte : la procuration produit ses effets dès sa réception. L’octroi des pouvoirs n’est pas sujet au respect d’une forme spéciale, même lorsque l’acte passé est formel. Souvent, le représenté établit un document, un titre, que l’on appelle précisément procuration et par lequel il confirme les pouvoirs donnés au représentant (art. 36 CO). L’octroi des pouvoirs est intégré dans une relation juridique de base. Le plus souvent, si le représentant reçoit les pouvoirs, c’est parce qu’il est lié contractuellement au représenté par un contrat en vertu duquel il s’engage à et reçoit le pouvoir d’effectuer des actes de gestion (actes de représentation). Ce rapport détermine les relations internes entre le représentant et le représenté, indépendamment des lies existant avec le tiers. Il permet notamment de connaître les conséquences liées à la violation de ses devoirs par le représentant. La procuration ne doit pas être confondue avec la relation juridique de base : elle émane directement de cette dernière. La procuration peut donc s’éteindre sans que ne s’éteigne du même coup la relation de base (art. 34 CO). Le maître peut

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supprimer ou réduire les pouvoirs conférés à un travailleur sans nécessairement mettre fin au contrat de travail qui les lie. On admet que la validité de la procuration ne dépend pas de celle de la relation juridique de base : si le contrat est nul, la procuration n’est pas forcément privée d’effets. On dit donc que la procuration est indépendante ou abstraite.

L’octroi des pouvoirs a une portée considérable, puisqu’il revient à priver partiellement le représenté de la liberté d’agir. Dans la limite des pouvoirs qui lui seront donnés, le représentant est en effet habilité à prendre de son chef des décisions que le représenté devra assumer. C’est pour cette raison que le représenté pourra en tout temps les réduire ou les retirer. Précisons que ces pouvoirs peuvent aussi découler de rapports de droit public (art. 33 al. 1 CO). Pour le reste, l’acte accompli en droit privé par une personne représentant une collectivité publique reste sous au régime des art. 32 ss CO.

L’étendue des pouvoirs est déterminée par l’acte qui les octroie (art. 33 al. 2 CO). Il appartient au représenté de décider quels sont les pouvoirs qu’il entend conférer. D’un point de vue objectif, le représenté doit définir l’acte ou les actes que le représentant peut faire. La procuration peut de différents types, selon qu’elle concerne :

- Spéciale : un ou quelques actes déterminés (achat d’une seule voiture).- Générique : un type d’actes déterminés (contrats de vente de voiture)- Générale : un ensemble d’actes (gestion d’un patrimoine).- Limitée : des actes ne dépassant pas une certaine somme.- Illimitée : des actes sans limite pécuniaire.

D’un point de vue subjectif, le représenté doit déterminer la ou les personnes qui auront qualité pour faire des actes de représentation. La procuration peut être :

- Individuelle : seul le représentant peut agir.- Collective : l’intervention conjointe de plusieurs personnes est possible,

voire nécessaire (signature collective à deux par exemple). - De substitution : le représenté a le droit de se substituer un tiers.

L’étendue des pouvoirs s’apprécie toujours selon les règles de la bonne foi. En cas de controverse entre les parties, on applique le principe de la confiance. Le code contient également parfois des indications spéciales relatives à la représentation (mandataire, 396 CO, voyageur de commerce, 348b CO, agent, 418e CO). En vertu des règles de la bonne foi, on limite les pouvoirs du représentant dans deux situations (risques accrus pour le représentant en raison du conflit d’intérêts) :

- La double représentation : une personne est alors simultanément le représentant de chacune des parties à un acte (on peut citer l’exemple d’une personne qui serait le représentant de l’acheteur et du vendeur).

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- Le contrat avec soi-même : une personne passe alors un contrat en qualité de représentant d’un tiers d’une part et de cocontractant d’autre part (celui qui, représentant du vendeur, se porte acquéreur de l’objet).

Ces solutions sont possibles s’il ne résulte aucun risque pour la ou les représentés. Ceux-ci peuvent / doivent avoir expressément autorisé le représentant. A défaut, le contenu de l’acte doit correspondre à des critères objectifs (contrat de commission, art. 436 ss CO).

La procuration peut s’éteindre pour des causes volontaires ou légales :

- Les causes volontaires : la représentation peut prendre fin par la volonté des parties (liquidation de l’affaire, arrivée d’un terme, extinction du rapport juridique de base, résignation des pouvoirs par le représentant ou la révocation des pouvoirs par le représenté). La révocation (art. 34 al. 1 CO) est un acte juridique unilatéral (formateur) par lequel le représenté déclare au représentant que les pouvoirs prennent fin ou sont restreints (révocation totale ou partielle). L’art. 34 al. 2 CO en fait un droit impératif, que le représenté peut exercer en tout temps, sans délai et sans justification. Il est en effet nécessaire que le représenté puisse à son gré retirer les pouvoirs et par là retrouver la disposition pleine et exclusive de ses droits. La révocation de la procuration ne met pas automatiquement fin à la relation juridique de base : la liberté accordée au représenté de retirer ou réduire la procuration ne tranche donc pas encore la question de savoir quelles pourraient en être les incidences sur cette relation (réserves de l’art. 34 al. 1 concernant les réclamations).

- Les causes légales : selon l’art. 35 CO, elles consistent en certains faits (mort, déclaration d’absence, art. 35 ss CC, interdiction, art. 369 ss CC, faillite, disparition de la personne morale ou dissolution d’une société inscrite au RC) qui se produisent en la personne du représentant ou du représenté et auxquels la loi lie l’extinction des pouvoirs. L’art. 36 al. 1 CO oblige alors le représentant qui dispose d’une procuration (titre, document) à la restituer au représenter ou à la déposer en justice. Ce devoir découle parfois de la relation juridique de base entre représentant et représenté (cas du mandat, art. 400 CO). L’art. 36 al. 2 CO complète la règle en exigeant du représenté (ou ses ayants-droits en cas de décès) qu’ils y contraignent le représentant, à défaut de quoi ils pourraient répondre du dommage qui en résulterait pour le TdBF qui se serait fondé sur un document devenu caduc (apparence qualifiée).

Les vices de représentation   :

Si celui qui se prétend représentant agit sans pouvoirs, l’effet de représentation (EdR) ne se produit pas (acte juridique sans effet, art. 38 al. 1 CO). Dans le cadre d’un contrat, le représenté ne devient pas créancier ou débiteur, il n’est pas lié

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puisqu’il n’avait pas donné de pouvoirs au représentant. L’absence de pouvoirs peut provenir de trois situations :

- Ils n’ont jamais été octroyés.- Ils ont pris fin avant l’acte passé.- Ils ne s’étendaient pas (ou plus) à l’acte qui a été passé.

Puisque l’acte est nul, l’EdR ne se produit pas : le contrat n’est pas conclu, il n’y a pas d’obligation. Dans l’hypothèse où l’une des parties aurait déjà fait une prestation visée par l’acte, elle peut en demander le remboursement ou la restitution conformément aux règles sur l’enrichissement illégitime (art. 62 ss CO). Si le tiers subit un dommage, il peut en demander la réparation au pseudo-représentant qui a agi sans avoir les pouvoirs (responsabilité pré-contractuelle, appliquée par extension, art. 39 CO). Le tiers peut obtenir la réparation de son intérêt négatif (art. 39 al. 1 CO), à savoir des dommages qui résultent de la caducité du contrat, voire même la réparation de son intérêt positif (art. 39 al. 2 CO), en cas de faute du représentant, à savoir les dommages qui résultent du fait que le contrat n’a pas pu être exécuté. Il existe deux types d’exception permettant de valider l’acte passé par un pseudo-représentant :

- L’exception volontaire : la ratification : le pseudo-représenté peut rétroactivement valider l’acte que le pseudo-représentant a fait sans pouvoirs par le biais de la ratification (art. 38 al. 1 CO). La ratification est un acte juridique unilatéral (formateur) par lequel le p-représenté accepte l’acte passé en son om par un représentant sans pouvoirs : elle permet donc de suppléer postérieurement à l’absence de procuration. La ratification ne peut être assortie de conditions, ni être révoquée. Elle n’est en principe soumise à aucune forme et peut ainsi intervenir tacitement ou par actes concluants. Le tiers de son côté est lié jusqu’à ce que le p-représenté se détermine sur la ratification (valablement engagé). L’acte est donc imparfait dans l’intervalle. Pour clarifier la situation, l’art. 38 al. 2 CO permet au tiers de fixer au p-représenté un délai convenable pour lui demander s’il accepte ou non de ratifier l’acte. Si oui, le contrat est valablement conclu, si non, le tiers est libéré. L’absence de ratification ne fonde en soi aucune obligation du p-représenté de dédommager le tiers. En revanche, le tiers peut agir contre le p-représentant dans les conditions indiquées (art. 39 CO). Précisons que si le p-représentant a agi comme un gérant d’affaires parfait (au nom et dans l’intérêt du maître), celui-ci est tenu de reprendre l’acte qui a été fait (art. 422 al. 1 CO).

- Les exceptions légales : dans deux hypothèses particulières (indépendantes de la ratification) la loi reconnaît l’EdR à un acte pourtant passé par une personne qui n’avait pas les pouvoirs nécessaires :

o La protection de l’apparence qualifiée : les art. 33 al. 3 et 34 al. 3 CO protègent le tiers lorsque celui-ci s’est fié de bonne foi à une apparence créée par le représenté. La règle vise à assurer la

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sécurité des transactions et fait assumer au p-représenté le risque qui découle d’une apparence qu’il a créée. La loi l’admet dans 3 cas (art. 33 al. 3 et 34 al. 3 CO), à l’encontre de :

Celui qui a porté à la connaissance du tiers une procuration qui va au-delà des pouvoirs effectivement conférés.

Celui qui a porté à la connaissance du tiers une procuration qu’il n’a jamais conférée.

Celui qui omet de communiquer au tiers le retrait ou la restriction des pouvoirs qu’il avait porté à sa connaissance.

Ce régime reste néanmoins subordonné à deux conditions : La représenté doit avoir fait connaître au tiers des pouvoirs

qui n’existent pas ou plus. Il a donc permis au tiers de croire à l’existence d’une procuration valable. Le p-représenté doit avoir une attitude passive ou négligente pour qu’il doive assumer le risque lié aux actes conclus par le p-représentant. Le p-représenté peut avoir fait naître la croyance expressément, par la remise d’une procuration, mais il peut également le faire de manière implicite (procuration apparente). Le p-représenté fait alors croire à l’existence des pouvoirs par des actes concluants : soit il ignore qu’un p-représentant agit dans sa sphère juridique mais aurait pu le découvrir en prenant les précautions nécessaires (par négligence), soit il sait qu’un p-représentant agit en son nom mais le tolère (par tolérance).

Le tiers doit s’être fié de bonne foi à la communication qui lui a été faite et être en droit de s’en prévaloir. On applique donc les principes de l’art. 3 CC, y compris l’alinéa 2.

L’effet de la règle est que le représenté est lié en vertu de la loi et contrairement à sa volonté (effet normatif). Il doit assumer le risque qu’il a fait courir aux tiers en créant ou en tolérant contrairement à la bonne foi une apparence à laquelle ceux-ci se sont fiés de bonne foi. Les intérêts de la sécurité du droit l’emportent sur la volonté individuelle, par un phénomène d’objectivation. Il existe certains cas (acte illicite) où le p-représenté peut se retourner contre le p-représentant.

o Le cas de l’art. 37 CO : l’hypothèse, liée au cas de l’extinction des pouvoirs, est celle dans laquelle le représentant n’a pas connaissance de l’extinction de ses pouvoirs (art. 37 al. 1 CO). Le tiers ne doit lui également de bonne foi ne pas avoir connaissance de ces mêmes pouvoirs (art. 37 al. 2 CO en relation avec 3 CC). Ainsi, en dépit de la fin des pouvoirs, l’EdR se produit comme s’ils existaient encore : le représenté et ses ayants cause sont liés.

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Précisons que l’art 37 prime sur l’art. 36 al. 2 puisque, l’effet contractuel se produisant, il n’y a pas de dommage à réparer.

Cas particuliers   :

On cite ici diverses manifestations de la représentation, selon qu’elle est, par opposition à celle qui vient d’être présentée, légale, commerciale ou indirecte :

- La représentation légale : des personnes agissent alors pour d’autres en vertu d’une relation légale et non pas en fonction d’une manifestation de volonté (parents RL de leurs enfants mineurs par exemple). L’étendue des pouvoirs est également déterminée par la loi (art. 301 ss CC et 405 CO). La représentation est toutefois exclue pour les actes strictement personnels. La représentation légale, bien qu’obéissant à des règles propres, reste soumise à certains principes décrits plus haut.

- La représentation commerciale : la représentation commerciale (au contraire de la représentation civile) concerne la situation des personnes qui agissent en qualité de représentant dans la vie commerciale. L’existence et surtout l’étendue des pouvoirs sont alors fixées par la loi de manière à garantir une certaine sécurité aux tiers qui entrent en contact avec ces représentants (fondé de procuration ou mandataire commercial, art. 458 ss CO, voyageur de commerce, art. 347 al. 1 et 348b CO). On peut en rapprocher la représentation des personnes morales par les organes.

- La représentation indirecte : dans un cas de représentation indirecte (ou imparfaite), le représentant agit bien à l’égard du tiers pour le compte du représenté, mais il le fait en son propre nom. L’EdR ne se produit pas, une des conditions faisant défaut : le représentant a les pouvoirs mais il ne manifeste pas envers le tiers qu’il agit au nom d’une autre personne. C’est donc le représentant indirect qui est personnellement engagé par l’acte passé avec le tiers. Il faut encore distinguer deux cas :

o La représentation indirecte involontaire : le représentant agit alors par erreur en omettant de préciser au tiers qu’il n’agit pas pour lui-même. Il est dès lors personnellement lié et ne peut tenter de se libérer qu’en invoquant les règles sur l’erreur de déclaration (art. 24 al. 1-2 CO). Il peut également tenter de transférer les effets de l’acte au représenté par une cession de créances (art. 164 et 401 CO), par une reprise de dettes (art. 175 CO) voire par transfert de l’ensemble du contrat (rappel à l’art. 32 al. 3 CO).

o La représentation directe volontaire : le représentant choisit alors de taire le fait qu’il n’agit pas pour lui-même. Il n’y a pas de lien direct entre le tiers et le représenté : celui-ci ne peut déduire de droit qu’à l’encontre du représentant (importance dans le domaine des contrats fiduciaires notamment).

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5. Cours du 25 octobre 2011   :

La formation du contrat   :

La matière est régie par les art. 1 à 31 CO :

- La conclusion du contrat : art. 1-10 CO.- La forme des contrats : art. 11-16 CO.- L’objet du contrat : art. 19-22 CO.- Les vices du consentement : art. 23-31 CO.- La cause de l’obligation : art. 17 CO.- L’interprétation des contrats et la simulation : art. 18 CO.

La formation d’un contrat suppose que soient remplies deux conditions :

- L’accord des volontés : il s’agit de l’aspect volontaire. L’obligation est d’abord le résultat d’un accord passé entre les parties. C’est cet accord qui donne sa justification aux engagements pris. Les parties agissent comme des personnes libres et responsables et acceptent une limitation de leur liberté. Elles peuvent s’y être résolues en contrepartie de l’engagement accepté par l’autre (contrat synallagmatique), en vue de la poursuite du but commun (contrat multilatéraux) ou pour tout autre motif.

- La validité du contrat : c’est l’aspect légal. Pour que l’accord soit reconnu par le droit, il faut qu’il respecte certaines exigences minimales. La volonté contractuelle n’est reconnue que si elle s’inscrit dans un cadre légal, cadre qui fixe un certain nombre d’exigences, de deux ordres :

o Les exigences à caractère absolu : elles ont pour but de protéger l’intérêt général (interdiction de violer les principes généraux).

o Les exigences à caractère relatif : elles ont pour but de protéger une partie contre les risques de l’engagement qu’elle a pris ou entend prendre (règles de liberté du consentement).

La distinction reste parfois contestable et il pourrait exister des situations intermédiaires. Il faut parfois ajouter, pour des actes déterminés, le respect de certaines conditions supplémentaires. La loi exige parfois :

o Le consentement d’une autre personne : par exemple pour l’aliénation du logement familial (art. 169 CC : le conjoint) ou pour un cautionnement (art. 494 CO : le conjoint également).

o L’approbation par une autorité administrative : pour certains actes passés par une personne sous tutelle, pour l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger, pour les concentrations d’entreprises ainsi que pour la plupart des contrats de vente et de bail du droit rural.

o L’inscription dans un registre : par exemple pour les fondés de procuration (art. 458 CO : RF).

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L’inefficacité du contrat   :

Un contrat qui ne remplit pas les conditions mises par la loi à sa reconnaissance ne produit pas l’effet juridique voulu par les parties. Il s’agit donc d’examiner les cas d’inefficacité du contrat au stade de sa formation :

- L’inexistence du contrat : l’accord des volontés n’est alors pas venu à chef, ce qui peut arriver dans 3 (4) situations :

o L’une des parties n’a pas manifesté sa volontéo Il a existé entre elles un désaccord patent.o L’accord a été simulé.o L’une des parties n’a pas la capacité civile passive.

Dans les 4 cas, le résultat est le même : en l’absence de tout accord, nul ne peut forcer une personne à exécuter une quelconque prestation et celles qui l’auraient été peuvent et doivent être restituées. Il faut toutefois réserver certaines exceptions comme la gestion d’affaires parfaite (art. 419 ss CO), pour laquelle le maître peut parfois devoir rembourser le gérant qui a agi certes sans contrat mais dans son intérêt (art. 422 CO).

- L’invalidité du contrat : en dépit de l’accord des volontés, le contrat n’est pas valable car il ne remplit pas toutes les exigences légales. Les parties ne sont alors pas liées et le contrat est dit nul. Il existe six causes principales de nullité :

o Les vices de capacité (art. 12 ss CC, 52 ss CC).o Les vices de représentation (art. 32 ss CO).o Les vices de forme (art. 11 ss CO).o Les vices de l’objet (art. 19-20 CO).o Les vices du consentement (art. 23 ss CO).o Les autres vices, regroupant des situations spéciales, liées à la

réalisation de conditions supplémentaires.

Le régime de la nullité   :

La nullité concerne le cas où un accord conclu ne remplit pas les exigences légales de validité : il n’y a donc pas de contrat. On distingue alors :

- La nullité absolue : il s’agit de la sanction des contrats conclu en violation de règles à caractère absolu, destinées à protéger l’intérêt général. Cette sanction intervient automatiquement, de par la loi (ex lege), sans qu’il soit nécessaire qu’une des parties la relève ou l’invoque. S’il y a contestation, il appartient au juge d’en constater le bien-fondé. Cela implique :

o Que le juge peut et doit la relever d’office et que toute personne peut s’en prévaloir (parties ou tiers).

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o Que la nullité est effective dès la conclusion du contrat.o Qu’elle peut être invoquée ou relevée en tout temps, sans être

subordonnée au respect d’un délai.Si aucune prestation n’a été effectuée, le créancier ne peut en exiger l’exécution (admettre le contraire reviendrait à valider le contrat). Si une prestation a été effectuée, son auteur peut en exiger la restitution (selon les règles de l’enrichissement illégitime, art. 62 ss CO, et dans le délai prévu par l’art. 67 CO, ou, s’il s’agit d’une chose, par le biais de la revendication, art. 641 CC). On voit donc que l’exécution ne valide pas un contrat nul (sauf exception de l’art. 63 CO). Cela peut parfois poser problème, notamment en cas de contrats de durée exécutés durant un certain temps, car il est alors difficile de vouloir démêler les relations par le biais d’enrichissements illégitimes mutuels.

- La nullité relative (invalidation ou annulation, art. 249 CO) : il s’agit de la sanction des contrats conclus en violation de règles destinées à protéger les intérêts d’une des parties au contrat. Elle ne se produit pas automatiquement : il faut donc que la personne que la cause protège déclare à l’autre qu’elle n’est pas liée par le contrat (art. 21 CO pour la lésion, 31 CO pour les vices du consentement). Par cette déclaration (sorte d’acte formateur), la partie protégée actualise une nullité potentielle (virtuelle). Cette déclaration n’est pas soumise au respect d’une forme spéciale et découle par exemple implicitement du refus opposé par le débiteur aux prétentions ou actions du créancier. La partie protégée peut également décider de ratifier l’acte, en communiquant à l’autre partie qu’elle renonce à l’invalider (ratification impérative si l’invalidation n’a pas été faite dans le délai péremptoire d’un an). Si la partie protégée n’invalide pas le contrat (ratification ou expiration du délai), le contrat est pleinement valable et produit tous ses effets. Au contraire, si la nullité a été invoquée, deux situations sont possibles :

o Aucune prestation n’a été effectuée : le créancier ne peut alors en exiger l’exécution (libération de la partie concernée).

o Une prestation a déjà été effectuée : son auteur (partie protégée ou autre partie) peut en exiger la restitution selon les règles de l’enrichissement illégitime dans le délai de l’art. 67 (art. 62 ss CO) ou en obtenir la revendication selon les règles imprescriptibles des droits réels (s’il s’agit d’une chose).

En cas de divergence entre les parties, l’une d’elle peut demander au juge de constater la nullité de l’acte par une action en constatation de droit. La nullité peut en outre naturellement être opposée à une action en exécution. De manière générale, tant que le contrat est en suspens (manque d’une condition), il est imparfait (boiteux). Si le défaut tient à la situation d’une partie, l’autre reste provisoirement liée et la loi l’autorise à fixer un délai à l’autre (ou à son représentant) afin de régulariser la

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situation (faute de quoi le contrat sera définitivement sans effet). On peut citer l’exemple d’un tiers qui conclut un contrat avec une personne n’ayant pas la capacité civile active (art. 410 al. 2 CC). Si le défaut tient à l’absence d’une autre condition (autorisation par exemple), la situation doit être examinée de cas en cas, suivant la condition qui fait défaut.

En ce qui concerne la portée de la nullité, on distingue la nullité totale (règle générale : le contrat n’a aucun effet) de la nullité partielle (exception). La nullité partielle n’affecte que certaines dispositions contractuelles, sans mettre en cause le contrat (art. 20 al. 2 CO pour les vices de l’objet du contrat). La nullité partielle n’est admise que si le vice ne concerne qu’une ou quelques clauses déterminées du contrat pouvant être détachées (condition objective) et que si le contrat aurait pu être conclu sans la ou les clauses frappées de nullité (condition subjective). Si les deux conditions sont remplies, les clauses nulles sont alors retranchées du contrat. Le régime de la nullité partielle peut en outre être modifié par les parties, qui peuvent l’exclure ou au contraire l’étendre. Dans le premier cas, les parties conviennent qu’un vice n’affectant qu’une partie de l’acte entraînera tout de même la nullité totale. Dans le second cas, les parties admettent d’emblée que la nullité d’une clause n’affectera pas la validité du reste du contrat. On parle alors de clause salvatrice, clause qui ne peut s’appliquer que si le reste du contrat comprend au moins tous les éléments essentiels. Enfin, les parties peuvent également prévoir la nullité partielle modifiée, en définissant d’avance la règle qui remplacerait la clause viciée ou en s’engageant à renégocier la clause qui pose problème.

Les fondements du droit des contrats   :

Le contrat repose sur la liberté contractuelle et sur le cadre interventionniste légal. La liberté contractuelle est l’expression de l’autonomie des parties, qui est elle-même un prolongement des règles constitutionnelles consacrant les libertés fondamentales (liberté économique, art. 27 Cst.). Chacun est libre d’aménager ses relations juridiques comme il l’entend et les partenaires sont censés être égaux. On en déduit que ce qu’ils choisissent et acceptent et réputé juste (le contrat est par définition juste). Dans cette perspective, il est naturel que l’on pose quelques exigences complémentaires, notamment par rapport à l’intégrité du consentement, qui doit être exempt de vice. Le législateur prévoit donc diverses exceptions pour celui qui a conclu un contrat sous l’empire d’une erreur, d’un dol ou de menaces (art. 23 ss CO). La loi pose en outre une restriction partielle en imposant le respect d’une forme spéciale afin de protéger les parties et de renforcer le consentement. Le cadre interventionniste légal concerne en fait les diverses restrictions à la liberté contenues par le code. Il n’est en effet plus possible de se contenter de la seule volonté individuelle. Le

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principe de l’autonomie a donc subi de nombreuses restrictions, servant principalement à protéger les parties. On peut signaler trois éléments :

- L’objectivation de la volonté : pour mieux protéger les tiers, la volonté est de plus en plus objectivée. Cela signifie qu’en cas de divergence, le juge retiendra, par application du principe de confiance, le sens objectivé, celui que pouvait et devait comprendre toute personne raisonnable.

- Le recours au respect des bonnes mœurs : il s’agit d’introduire des principes extérieurs au droit et de reconnaître la supériorité des objectifs de justice (art. 19 al. 1-2 CO).

- L’introduction de règles impératives : ces règles limitent directement la liberté contractuelle.

On voit donc que toute la réglementation des contrats est marquée par l’opposition entre la liberté et les restrictions de cette liberté. Finalement, ces dernières ont avant tout pour but de protéger l’ordre public, la liberté individuelle en général, la partie faible et la sécurité des transactions. Concernant la protection de l’ordre public (valeurs fondamentales de notre système juridique), on peut citer trois exemples :

- Les principes généraux des biens de police : il s’agit de principes tels que la tranquillité, la sécurité, la santé ou la moralité publique. Ces valeurs interviennent avant tout en droit constitutionnel et forment le noyau dur de l’intérêt public, capables de justifier des atteintes aux libertés fondamentales et aux droits constitutionnels.

- Les principes fondamentaux et généralement reconnus de procédure : il s’agit de l’ordre public procédural. On peut citer entre autre le droit à un procès équitable ou le droit d’être entendu.

- Les principes juridiques fondamentaux du droit de fond : on parle alors d’ordre public matériel. Ces principes concernent la fidélité contractuelle, le respect des règles de la bonne foi, l’interdiction de l’abus de droit, la prohibition des mesures discriminatoires ou spoliatrices ainsi que la protection des personnes civilement incapables.

Concernant la protection de la liberté individuelle et de la personnalité, on se base sur l’art. 27 CC. Il en découle la protection contre des engagements qui portent une atteinte excessive à la liberté de chacun (art. 27 al. 2 CC). Un contrat ne peut donc porter atteinte au noyau de la sphère strictement personnelle d’une personne (la liberté serait alors directement remise en cause, il s’agit d’un cas de nullité absolue). De plus, un contrat ne peut entraîner une limitation excessive de la liberté (l’étendue de la liberté serait perturbée). La partie liée de manière excessive a alors le droit de refuser d’exécuter un contrat (nullité relative).

Par rapport à la protection de la partie faible, la formule englobe les personnes qui, en raison de leurs compétences ou de la situation conjoncturelle, ne sont pas à même de négocier certains contrats de la vie courante dans des conditions

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acceptables. La notion s’applique en fait en principe à celui qui se trouve dans une situation de dépendance (de fait ou de droit). C’est dans ce contexte que s’inscrit la protection des consommateurs (droit de la consommation), visant à protéger les particuliers dans les contrats qu’ils passent pour la satisfaction de leurs besoins personnels et familiaux. La protection de locataire (art. 269 ss), du travailleur (art. 319 ss), de la caution (art. 492 ss) ou de l’assuré fait partie de cet ensemble de règles destinées à protéger les consommateurs. Dans ces domaines, la liberté contractuelle est fortement limitée et ce de deux manières :

- Les règles de forme : la conclusion du contrat est alors soumise à des règles de forme spéciales et cette exigence est bien souvent étendue à d’autres communications (informations complémentaires).

- Les règles impératives : l’aménagement du contrat est régi par des règles relativement impératives auxquelles les parties ne peuvent pas déroger.

Enfin, concernant la protection de la sécurité des transactions, il existe des cas où la loi sacrifie le strict respect de la volonté individuelle au profit de la garantie du bon fonctionnement du marché. En effet, l’efficacité de la vie sociale et commerciale veut que l’on ne puisse pas aisément remettre en cause la validité des actes juridiques posés par les parties. Cela amène les applications suivantes :

- Un contrat ne peut être remis en cause par une partie qu’à des conditions qualifiées (erreur essentielle, art. 23 ss CO).

- Une déclaration sera comprise selon le principe de la confiance.- Celui qui a créé une apparence doit en assumer les conséquences si un

tiers s’y est fié de bonne foi (théorie de l’apparence efficace).

Il convient pour finir de mentionner les trois piliers de la liberté contractuelle :

- La liberté de conclure : toute personne a en principe le droit de décider si elle entend ou non conclure un contrat et, dans l’affirmative, de choisir la personne avec laquelle elle se liera. Il existe deux types de restrictions :

o Les restrictions volontaires : il se peut qu’une partie s’engage par contrat à conclure un contrat ou à le renouveler. Cet engagement peut prendre deux formes. Il peut être bilatéral s’il lie les deux parties (précontrat, promesse de vente). Il peut aussi être unilatéral, s’il lie bien les deux parties mais que l’exercice du droit prévu dans cet engagement ne peut être déclenché que par l’une d’elles au moyen d’un acte formateur (pactes d’emption, de préemption ou de réméré, art. 216a ss CO).

o Les restrictions légales : une partie peut alors être contrainte de conclure un contrat, de le maintenir ou de le renouveler. Cette obligation est notamment imposée aux sujets disposant de positions dominantes et dont le refus porterait atteinte à la liberté de deux qui doivent recourir à leurs services (entreprises disposant de monopoles légaux ou de positions dominantes).

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- La liberté de la forme : toute personne a le droit de conclure un contrat sans devoir respecter une forme spéciale. On parle de principe du consensualisme, consacré par l’art. 11 CO. Ce principe souffre également des restrictions de deux types :

o Les restrictions volontaires : les parties peuvent décider de soumettre leur contrat à une forme particulière, alors que la loi n’en exige aucune (forme conventionnelle, art. 16 CO).

o Les restrictions légales : la loi impose parfois aux parties de respecter une forme particulière (forme légale, art. 11 al. 1 CO).

- La liberté de l’objet : les parties ont en principe de le droit d’aménager leur contrat comme elles le souhaitent (principe de la liberté contractuelle, art. 19 al. 1 CO). Elles peuvent choisir l’objet des prestations (pas de numerus clausus). Encore une fois, des restrictions existent :

o Les restrictions touchant l’objet : certains contrats ou certaines clauses sont exclus en vertu de règles impératives (art. 19 s CO).

o Les restrictions touchant la relation entre les prestations : le contenu des prestations échangées peut être remis en cause, en cas de lésion (art. 21 CO) ou lorsqu’il est le résultat d’un abus de puissance d’une des parties.

6. Cours du 1 novembre 2011   :

L’accord des volontés   :

Pour qu’il y ait un accord valable, il doit y avoir un consentement (art. 1 et 18 CO). Cette exigence du consentement vise deux objectifs complémentaires : l’existence de l’accord et le contenu de l’accord.

Par rapport à l’existence de l’accord, il s’agit de déterminer si les parties sont liées par un accord ou non. Elles doivent donc tomber d’accord sur un contrat ayant un certain contenu. Dès le moment où il y a contrat, l’une des parties ne peut en principe plus s’en libérer qu’avec l’accord de l'autre. Il est nécessaire de distinguer l’accord de fait de l’accord de droit :

- L’accord de fait : les deux parties la même chose, il y a donc accord de volonté. Le consentement correspond à ce qu’elles ont effectivement voulu (volonté interne, l’art. 18 al. 1 CO parle d’intention réelle et commune). En cas de contestation entre les parties sur l’existence de l’accord, il appartient à celle qui prétend en déduire des droits d’en apporter la preuve de la réalité de l’accord (selon les règles de l’art. 8 CC). Ce principe de l’accord de fait amène deux précisions (art. 18 al. 1 CO) :

o En cas d’erreur commune : on retient alors ce que les parties ont voulu et non ce qu’elles ont écrit par erreur. On retient donc ce qui

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a été effectivement voulu et donc pas forcément ce qui apparaît dans la réalité (voir principe de confiance).

o En cas de simulation : il n’y a alors pas d’accord car les parties ont simulé leur volonté. Il y a l’apparence d’un accord (volontés déclarées) mais il n’y a pas d’accord réel des volontés internes. En matière de simulation, on distingue encore :

La simulation simple : les parties ont alors seulement feint de conclure un accord alors qu’elles n’en voulaient pas. Il n’y a dans ce cas aucun accord et aucune des parties ne peut en déduire des droits. L’art. 18 al. 2 CO protège par contre le TdBF qui se serait fié à une apparence efficace.

La simulation qualifiée ou dissimulation : les parties ont feint de conclure un accord (l’acte simulé) alors qu’elles en voulaient un autre, dont l’existence reste caché (l’acte dissimulé). Dans ce cas, l’acte simulé est sans effet car il n’était pas voulu (sous réserve de la protection du TdBF) alors que l’acte dissimulé est valable pour autant qu’il remplisse toutes les conditions de validité, notamment vis-à-vis de la forme de l’objet.

- L’accord de droit : il s’agit de la situation où il y a désaccord des volontés internes entre les parties (absence de volonté commune et réelle) ou impossibilité pour le juge de déterminer quelle était la volonté réelle de chacune des parties. Pour ces cas, la loi crée un accord (accord normatif ou de droit) par application du principe de la confiance. Le contrat est en effet réputé conclu dans le sens selon lequel l’une des manifestations de volonté pouvait et devait être comprise en vertu des règles de la bonne foi objective. Le juge interprète donc sur la base du principe de la confiance pour déterminer la volonté présumée des parties. La question de savoir si une MdV pouvait et devait être comprise dans un sens déterminé est une question de droit que le TF peut revoir librement dans un recours en matière civile (au contraire de la question de l’existence ou du contenu d’un accord). Celui qui est lié contre sa volonté interne par application du principe de la confiance n’a qu’une issue : invoquer l’erreur de déclaration si les conditions légales sont remplies (divergence suffisamment importante par rapport à ce qui était initialement voulu, art. 23 ss CO).

Lorsque l’accord existe, il s’agit encore de déterminer ce que les parties se sont promis (contenu de l’accord, effet obligatoire). Pour qu’il y ait consentement, il faut que les parties soient tombées d’accord sur les éléments essentiels du contrat (éléments qui doivent être compris dans l’esprit des parties pour que l’on se trouve en présence d’un accord homogène et autonome). Cela nous amène à évoquer la distinction entre clauses nécessaires et clauses accessoires :

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- Les clauses nécessaires : ce sont celles qui individualisent le contrat : sans elles, il ne peut y avoir d’accord et le juge ne peut suppléer à leur absence comme il peut le faire lorsque le contrat présente une lacune. Ces clauses concernent les personnes liées (identité) et de manière très générale l’objet principal de leur engagement (prestation).

- Les clauses accessoires : ce sont celles qui aménagent le contrat. En cas de lacunes portant sur des clauses secondaires, le juge peut compléter l’accord (recours aux règles supplétives, art. 2 al. 2 CO). Cependant, ces règles étant de droit dispositif, les parties peuvent convenir d’y déroger et aménager leur contrat selon d’autres modalités.

L’accord devant porter sur toutes les clauses essentielles, on peut en distinguer deux types principaux :

- Les éléments objectivement essentiels : ils constituent le noyau du contrat (éléments sine qua non). Faute d’accord les concernant, il n’y a pas de contrat (contrat inexistant) et le juge ne peut y suppléer.

- Les éléments subjectivement essentiels : il s’agit d’éléments secondaires qu’il ne serait pas indispensable de régler mais que les parties ont considéré comme étant des conditions de leur accord. Ces éléments sont donc devenus subjectivement essentiels (volonté des parties). Comme précédemment, si les parties ne peuvent se mettre d’accord à leur sujet, il n’y a pas de consentement (contrat inexistant), sans que le juge puisse agir. La partie qui considère un élément comme subjectivement essentiel doit le faire savoir à l’autre lors de la négociation ou au plus tard lorsque le contrat est conclu. Cette exigence découle de la présomption de l’art. 2 al. 1 (contrat conclu si les parties se sont mises d’accord).

Le contenu du contrat peut être fixé au moment de la conclusion du contrat (cas classique) mais rien n’interdit aux parties de le modifier par la suite (en le changeant, l’augmentant, le réduisant ou le précisant). La modification du contrat est en fait une modalité particulière de la formation de volonté commune (contrat relationnel qui évolue au fil du temps). Les parties peuvent consigner par écrit leurs modifications (avenants au contrat) mais cela n’est pas toujours le cas (difficile de suivre précisément les accords successifs). En outre, le contenu du contrat doit toujours être suffisamment déterminé ou au moins suffisamment déterminable. Le débiteur doit en effet pouvoir mesurer l’engagement qu’il prend. La déterminabilité peut découler de critères objectifs (cours de la bourse) ou subjectifs (chois d’un tiers). Il est logique que les parties ne puissent jamais prévoir et régler tous les éléments de leur contrat. En présence d’une lacune, elles devront commencer par chercher un accord pour la combler. Si cela n’est pas possible, le juge tentera de retrouver les volontés communes et, si cela n’amène aucune solution, cherchera le sens des volontés des parties selon le principe de la confiance.

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La négociation   :

L’accord des volontés peut être instantané (contrats simples). Cependant, il est courant que l’accord soit préparé et discuté : il y a alors phase de négociation ou de pourparlers. Dès lors, les parties sont unies par une relation précontractuelle qui leur impose un certain nombre de droits et d’obligations, dont la violation peut entraîner certaines conséquences (régime de la responsabilité précontractuelle). Deux types de règles s’appliquent à la phase de négociation :

- Les règles légales : ce sont ces règles qui s’appliquent en priorité (pas de contrat entre les parties). Il s’agit donc des règles issues de la PG, de la PS et d’autres lois éparses ainsi que de la jurisprudence.

- Les règles conventionnelles : rien n’interdit aux parties de fixer par contrat quelques règles destinées à régir la relation précontractuelle (contrat de négociation). Ces contrats sont notamment indispensables lorsque l’une des parties décide de procéder à un appel d’offres.

Le contrat ne peut être conclu qu’à partir du moment où les deux parties ont échangé des manifestations de volonté concordantes (art. 1 CO). Ces manifestations étant rarement simultanées (sauf contrats courants et quotidiens), il importe de bien comprendre la portée accordée à chacune d’elles et les devoirs liées à cette phase (de négociation). La loi distingue deux MdV successives (qui doivent être adaptées en cas de contrat multiple) :

- L’offre (art. 3 CO) : une personne (le pollicitant) propose à une autre la conclusion d’un contrat de telle sorte que sa perfection ne dépend plus que de l’acceptation par l’autre partie. Il s’agit donc d’une MdV qui a un contenu particulier : la proposition ferme de conclure un contrat. L’offre doit comprendre tous les éléments essentiels du contrat proposé et l’expression de sa volonté de se lier (art. 7 CO). Il n’y a ainsi pas d’offre tant que les parties négocient librement. L’offre ne doit pas être confondue avec l’invitation à faire une offre (déclaration d’une partie afin de demander des offres). ou avec la déclaration d’intention (déclaration d’une partie tendant à l’ouverture des négociations). La durée de validité de l’offre diffère selon la situation. Entre présents, l’acceptation doit être immédiate (art. 4 al. 2 CO), faute de quoi l’offre perd tout effet (sauf si les parties ont prévu autre chose). Entre absents, l’offre a une durée de validité limitée, fixée soit par le pollicitant, soit, à ce défaut, par l’art. 5 CO en tenant compte du temps nécessaire à la réception, l’examen et la transmission de la réponse. En droit suisse (au contraire de la CV ou de la plupart des droits étrangers), pendant sa durée de validité, l’offre a un caractère obligatoire et lie donc son auteur (art. 3 CO). Ce dernier ne peut ainsi plus librement la révoquer et si le destinataire l’accepte, le contrat est conclu. Il faut encore distinguer la révocation du retrait ou de la

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rétractation, qui est le droit de l’auteur de l’offre de la retirer avant qu’elle ne soit parvenue au destinataire, voire avant que celui-ci n’en ait pris connaissance (art. 9 al. 1 CO). Enfin, l’offre n’est pas soumise au respect d’une forme particulière (art. 1 al. 2).

- L’acceptation : le contrat offert est conclu par l’effet formateur dès que le destinataire de l’offre l’a acceptée. La validité remonte à l’expédition de l’acceptation (validité rétroactive de l’effet formateur, art. 10 al. 1 CO). Il existe des exceptions où le contrat est conclu sans acceptation, notamment par l’exercice d’un droit d’option antérieur (droit d’emption, de préemption ou de réméré). Pour être valable, l’acceptation doit parvenir à l’auteur de l’offre avant l’expiration de la durée de validité de l’offre. Une acceptation peut en outre être retirée ou rétractée comme une offre (art. 9 al. 2 CO) et peut être donnée sous n’importe quelle forme (art. 1 al. 2). En général, le silence ne vaut pas acceptation. Une manifestation tacite de volonté ne peut donc être comprise comme un consentement (sauf exceptions prévues par l’art. 6).

Concernant l’offre et l’acceptation, il convient de parler de deux cas particuliers :

- L’offre d’une chose non commandée : cet envoi est une sorte d’offre : celui qui le fait propose au destinataire la conclusion d’un contrat. Afin de protéger le consommateur, l’art. 6a al. 1 décide qu’il ne s’agit pas d’une offre et dispense donc le destinataire de toute réaction si celui-ci ne souhaite pas être lié (rapprochement avec les obligations naturelles).

- L’envoi d’une lettre de confirmation : il peut alors s’agir d’un mode particulier de conclusion d’un contrat. La lettre résume en général le contenu d’un accord préalable : si la confirmation correspond à ce qui a été convenu, elle a un effet probatoire et confirme l’accord alors que si elle n’y correspond pas, elle n’a en principe aucun effet juridique. Il existe pourtant des cas dans lesquels il est attendu du récipiendaire qu’il réagisse s’il n’entend pas se voir opposer le contenu inexact de la lettre (interprétation extensive de l’art. 6).

Il s’agit à présent de présenter les devoirs des parties durant la relation précontractuelle. Il en existe 4, tous fondés sur le principe de la bonne foi au sens objectif (art. 2 al. 1 CC) :

- Le devoir de négocier sérieusement : nul ne peut entamer des négociations s’il n’a pas l’intention sérieuse de conclure. De plus, il est impossible de poursuivre les négociations à partir du moment où on n’a plus la volonté de conclure. L’exercice de la liberté contractuelle est donc limité par les règles de la bonne foi. Celui qui viole ce devoir peut être forcé à réparer le dommage que peut avoir subi son partenaire du fait de la continuation des négociations au-delà du moment où elles auraient dû

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être rompues (domaine classique de la responsabilité précontractuelle et application de la responsabilité pour la confiance).

- Le devoir de s’informer soi-même : celui qui entre en négociations doit de son côté récolter toutes les informations que l’on peut attendre de lui, et agir avec prudence et attention. Ce devoir sert de complément et de limite au devoir de renseigner et de conseiller l’autre partie (garantie de la sécurité des transactions). Celui qui viole cette précaution ne devra s’en prendre qu’à lui-même et ne pourra invoquer son erreur (sauf à des conditions restrictives, art. 23 ss CO).

- Le devoir de renseigner et de conseiller l’autre partie : l’existence et l’étendue de ce devoir dépendent avant tout des circonstances (qualité des parties, nature du contrat, informations visées et coût de leur acquisition). Ce devoir sera plus important lorsque l’une des parties dispose de connaissance que l’autre ne peut avoir ou maîtriser (crédit à la consommation, art. 9 ss LCC, homme d’affaire qualifié). La violation de ce devoir permet dans certains cas d’invalider le contrat pour dol (art. 28 CO) ou pour erreur (art. 23 s. CO). Enfin, selon les cas, la victime peut en plus demander des dommages-intérêts (art. 31 al. 3 CO).

- Le devoir de se comporter loyalement : celui qui négocie ne peut menacer l’autre partie (art. 29 s. CO), exercer sur elle des pressions illicites (abus de position dominante, art. 7 LCart ou 21 CO), s’entendre avec des concurrents contrairement aux règles de la bonne foi (art. 230 CO ou 5 LCart) ou encore divulguer des informations confidentielles.

Celui qui viole ses devoirs précontractuels peut devoir en supporter les conséquences, en application du régime de la responsabilité précontractuelle :

- Si le contrat est conclu : la personne qui se prétend lésée peut principalement invoquer les règles sur les vices du consentement (art. 23 ss CO). Si les conditions sont remplies, elle pourra alors se départir du contrat (art. 31) et éventuellement invoquer une nullité partielle (art. 20 al. 2 CO). La réparation du dommage supplémentaire dépend ensuite de l’art. 31 al. 3 CO. Précisons que la responsabilité précontractuelle s’efface devant la responsabilité contractuelle dès qu’un contrat est conclu (théorie de l’absorption).

- Si le contrat n’a pas été conclu : la personne qui se prétend lésée peut agir en réparation du dommage subi (responsabilité précontractuelle, culpa in contrahendo). La nature de cette responsabilité pose problème (présence ou absence de relation, de contrat : version contractuelle ou délictuelle). La jurisprudence ne tranche pas la question et fait donc de la responsabilité précontractuelle une forme à part, dont les règles sont empruntées aux deux régimes (règles de la responsabilité contractuelle pour les auxiliaires, art. 101 CO et règles de la responsabilité délictuelle pour la prescription, art. 60 CO).

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Pour terminer, il convient de parler d’un cas particulier : l’appel d’offres (aussi appelé soumission). Dans les domaines de la construction, il est fréquent d’organiser une procédure d’appel d’offres pour l’octroi de contrats importants. Il s’agit donc d’un mode de conclusion du contrat particulier. Par l’appel d’offres, le soumettant invite des entreprises (les soumissionnaires) à lui présenter des offres pour l’exécution d’un marché particulier, offres entre lesquelles il effectuera son choix (l’adjudication). La procédure permet aux collectivités publiques de garantir une utilisation rationnelle des fonds à disposition par le choix de l’offre la plus favorable. En outre, si celui qui organise la soumission dispose sur un marché d’une position dominante (art. 7 LCart), la procédure d’appel d’offres permet à toutes les entreprises concurrentes de participer à une négociation avec des chances égales. La loi (LF sur les marchés publics, LF sur le marché intérieur, etc.) impose ainsi ce mode de procéder à la plupart des collectivités publiques. On distingue deux situations :

- Le marché privé : les particuliers sont libres de recourir à la procédure d’appel d’offres (sauf cas de position dominante, art. 7 LCart). La procédure obéit aux principes applicables à la relation précontractuelle.

- Le marché public : comme dit plus haut, les collectivités sont en principe tenues d’y recourir. La procédure de préparation, de soumission et de sélection des offres est réglée par le droit administratif et contrôlée par les juridictions administratives. La négociation et la conclusion en revanche restent soumises au droit privé. Il y a alors forcément des interférences entre les deux régimes.

La procédure se déroule en 3 phases :

- L’appel d’offres : celui qui veut organiser une telle procédure invite les entrepreneurs qui s’y intéressent à lui soumettre des offres, sur la base des documents qu’il leur remet. Les soumissionnaires entrent dans une relation précontractuelle avec le soumettant, qui doit alors faire connaître de manière précise le marché qu’il met en soumission. Un appel d’offres peut être fait à toutes les entreprises qui pourraient s’y intéresser (soumission ouverte, art. 14 LMP) ou à quelques entreprises sélectionnées, préqualifiées (soumission sélective, art. 15 LMP).

- Le dépôt d’offres : dans le délai fixé, les soumissionnaires déposent leurs offres, offres examinées par l’organisateur, qui peut demander, si nécessaire, des renseignements supplémentaires.

- L’adjudication : il s’agit de la décision par laquelle l’organisateur (soumettant ou adjudicateur) choisit l’offre qu’il compte retenir. Dans une procédure d’attribution d’un marché public, le contrat n’est pas conclu par l’adjudication (art. 22 LMP) : adjudicateur et soumissionnaires doivent encore passer le contrat. Pour les marchés privés par contre, la communication de l’adjudication vaut acceptation. L’adjudication du contrat à l’un des soumissionnaires implique nécessairement le rejet des

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autres offres des autres soumissionnaires, qui sont alors libérés. S’ils se considèrent comme étant lésés, les soumissionnaires évincés ont quelques moyens d’action :

o S’il s’agit d’un marché privé : il leur est alors impossible de remettre le contrat en cause mais ils peuvent demander des dommages-intérêts fondés sur la responsabilité précontractuelle.

o S’il s’agit d’un marché public : ils peuvent recourir contre la décision d’adjudication si la loi le prévoit (art. 26 ss LMP, 15 ss AIMP, 9 LMI. Si l’autorité constate une violation des règles applicables, les soumissionnaires évincés à tort peuvent obtenir la réparation de leur préjudice (il est également impossible de remettre le contrat en cause). Cette action sera alors portée devant une autorité administrative (art. 35 LMP). Le dommage réparable sera alors limité aux dépenses nécessaires engagées par le soumissionnaire en relation avec la procédure d’adjudication et de recours (art. 34 ss LMP).

La forme du contrat   :

Le droit suisse consacre le principe de la liberté de la forme (appliqué à la conclusion du contrat et à toutes ses modifications, voire à tous les actes juridiques, art. 12 CO), mais y apporte tout de même de nombreuses exceptions. Le régime est aménagé par les art. 11 à 16 CO. L’art. 11 est la règle de base (consensualisme). Il suffit ainsi que chaque partie manifeste (expresse ou tacite, art. 1 al. 2) sa volonté d’une manière reconnaissable et compréhensible pour le destinataire. Les exceptions (formalisme) font que le consentement n’est plus suffisant : la validité du contrat est alors subordonnée au respect d’une forme spéciale (contrats formels). Le législateur est souvent tenté d’exiger le respect d’une forme afin de protéger les parties. Mais au vu de l’évolution des mœurs, il paraît illusoire de penser que l’exigence d’une signature puisse véritablement protéger les parties. On parle ici de la forme constitutive, autrement dit la forme dont le respect est nécessaire à la validité d’un acte (par opposition à la forme probante, servant à facilitant la preuve d’un acte, ou aux formes servant à répondre à un autre souci d’ordre). Les formes (constitutives) spéciales peuvent avoir deux fondements :

- La loi : la forme légale : imposées par la loi, ces règles ont un caractère impératif et les parties ne peuvent donc pas les exclure ou les alléger. L’exigence de forme (écrite ou authentique) sert à protéger les parties, en les obligeant à se rendre compte de la portée de leurs engagements et à assurer la sécurité des transactions, en garantissant la fiabilité des registres. L’exigence de forme spéciale s’applique aux modifications du contrat ainsi qu’aux précontrats et aux contrats formels (lorsque

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l’exigence sert à la protection des parties, art. 22 al. 2 CO), mais pas aux précisions secondaires (art. 12 CO et à la remise de dette (art. 115 CO).

- La volonté des parties : la forme conventionnelle ou réservée : les parties peuvent décider, par accord préalable, que leur contrat ne sera conclu que si une forme spéciale (écrite ou authentique) est respectée (art. 16 CO). Les parties peuvent logiquement y renoncer et l’exigence de forme ne doit pas automatiquement concerner toutes les modifications ultérieures du contrat (l’art. 12 CO ne s’applique pas). Le fait pour les parties de soumettre leur accord à une certaine forme permet le plus souvent de garantir la clarté des choix, lors de la conclusion mais aussi pour les modifications ultérieures du contrat. L’art. 16 établit en outre deux présomptions concernant la portée et la signification de la forme :

o La forme réservée a valeur constitutive.o Les modalités de la forme écrite sont celles prévues par la loi.

Précisons pour finir qu’il existe d’autres formes que la forme écrite et la forme authentique, notamment en droit des successions (testament, art. 498 CC ou pacte successoral, art. 512 CC) ou en droit notarial (législation, art. 14 al. 3 et 15 CO).

La forme écrite   :

La forme écrite (domaine des actes écrits, sous seing privé) suppose que le contenu de l’acte soit rédigé par écrit sur un support matériel et que celui qui s’engage ait authentifié le texte en y apposant sa signature (art. 13-15 CO). Concernant la signature, il suffit que chacune des parties (ou leur représentant, art. 32 CO) ait signé l’un des exemplaires. Seule une personne qui s’engage doit signer : un donataire n’a pas besoin de signer une promesse de donner. On distingue deux degrés de forme écrite :

- La forme écrite simple : la forme décrite ci-dessus.- La forme écrite qualifiée : la loi pose des exigences supplémentaires : le

texte doit être rédigé à la main par son auteur (art. 493 al. 2, 505 CO) et des clauses doivent parfois figurées expressément dans l’acte formel. Ces clauses peuvent être nécessaires à la validité de l’acte (forme absolument nécessaire) ou devoir figurer dans l’acte pour être valables (forme relativement nécessaire).

Il est impossible de parler de forme écrite et de signature sans mentionner la SCSE (loi sur la signature électronique). Son objectif est de permettre de conclure des contrats soumis à la forme écrite en recourant à la signature électronique ou numérique. Le but de la signature étant de garantir l’identité de l’auteur et l’authenticité du contenu, un document électronique ne répond pas à ces exigences. Il est donc nécessaire d’utiliser un système de clés privées et publiques et un cryptage particulier (fournisseurs de certificats électroniques de garantie d’identité).

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La forme authentique   :

La forme authentique (domaine des actes authentiques ou actes notariés) est exigée pour certains actes considérés comme plus importants et plus délicats. Elle implique des exigences spéciales et le respect d’une procédure particulière, règlementée matériellement par le droit fédéral et formellement par les cantons (art. 55 tfCC). Le droit fédéral désigne les actes qui doivent être soumis à la forme authentique (art. 184, 657 al. 1 CC, 216, 493 al. 2, 522 al. 1 CO), le contenu qui doit être couvert et les exigences de procédure minimales (principe de l’unité de l’acte). Le droit cantonal désigne l’officier public compétent pour passer l’acte et décrit la procédure (lois sur le notariat). La forme authentique doit couvrir tous les éléments essentiels du contrat. Cependant, les points subjectivement essentiels ne doivent être couverts par la forme authentique que s’ils entrent dans le cadre naturel du contrat concerné. On admet (devrait admettre) que l’emploi de la forme authentique satisfait à l’exigence de la forme écrite (simple), tout du moins dans la mesure où les personnes qui s’obligent signent l’acte authentique (souvent le cas).

Les vices de forme   :

La portée des vices de forme reste discutée. Le principe de base veut qu’un contrat qui ne respecte pas la forme imposée soit nul (art. 11 al. 2 CO : forme constitue une condition de validité de l’acte). Le TF estime en outre qu’il s’agit d’une nullité partielle (art. 20 al. 2). Le principe reste toutefois trop strict et rigoureux et souffre de nombreuses exceptions. La jurisprudence recours donc à l’interdiction de l’abus de droit pour en atténuer les effets (art. 2 al. 2 CC). On distingue alors deux hypothèses :

- Les parties n’ont pas exécuté les prestations prévues par l’accord : le contrat reste alors sans effet. Une partie ne peut contraindre l’autre à l’exécuter et le juge doit constater d’office la nullité. Admettre le contraire reviendrait à nier les objectifs de l’exigence de forme.

- Les parties ont déjà exécuté le contrat en connaissance de cause : les parties ne peuvent alors en principe plus invoquer le vice de forme sans commettre un abus de droit. Elles ont en effet manifesté qu’elles acceptaient et assumaient leur engagement. Le contrat doit ainsi être maintenu. Il n’y a bien entendu pas d’abus de droit si la partie ignorait le vice de forme au moment de l’exécution des prestations et décide finalement de l’invoquer lorsqu’elle en prend connaissance.

La force exécutoire des conventions formelles   :

Le respect d’une forme particulière pour les conventions permet d’assurer souvent une force exécutoire accrue (règles sur la procédure civile et la

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procédure d’exécution forcée). Ainsi, lorsqu’un contrat contient une reconnaissance de dettes en la forme écrite, le créancier peut en obtenir plus facilement l’exécution forcée puisqu’en cas d’opposition par le débiteur, il peut en obtenir la mainlevée provisoire. En outre, l’acte authentique offre aussi une protection accrue. Le nouveau CPC prévoit que les titres authentiques relatifs à des prestations de toute nature pourront être exécutés comme des jugements (conditions des art. 347 ss CPC). Ils vaudront mainlevée définitive en cas d’opposition du débiteur.

7. Cours du 8 novembre 2011   :

L’objet du contrat   :

Le droit des contrats est dominé par le principe de la liberté de l’objet (art. 19-20 CO ; aspect de la liberté contractuelle au sens large). L’art. 19 al. 1 évoque le principe et ses restrictions :

- Le principe : l’objet d’un contrat peut être librement déterminé. Les parties peuvent choisir le contenu et les modalités qu’elles veulent :

o Le contenu du contrat : les parties peuvent se promettre n’importe quelle prestation et ne sont pas limitées aux formes de contrats réglés par la loi (pas de numerus clausus).

o Les modalités du contrat : les parties peuvent aménager leurs relations juridiques comme elles l’entendent et ne sont pas liées par les normes légales dispositives, qu’elles peuvent écarte ou modifier. Elles peuvent donc choisir d’intégrer des conditions générales ou soumettre leurs relations à un droit étranger.

En vertu du principe de la liberté, on part du principe qu’une norme légale est dispositive, ce qui implique que les parties peuvent y déroger. Les règles dispositives sont en général supplétives, en ce sens qu’elles comblent une lacune du contrat. Elles peuvent aussi être interprétatives, proposant une interprétation d’une clause contractuelle. On distingue en plus deux catégories de normes dispositives :

o Les normes absolument dispositives : les parties peuvent les écarter par simple MdV (cas ordinaire).

o Les normes relativement dispositives : les parties ne peuvent les écarter qu’en respectant une forme spéciale. Il existe également des restrictions à l’intégration globale de certaines clauses dans les conditions générales.

- Les restrictions : la liberté de l’objet ne s’exerce quand dans les limites de la loi (art. 19 al. 1 CO). Le terme comprend tout l’ordre juridique, y compris les principes généraux appliqués par la jurisprudence, voire même le droit coutumier ou le droit prétorien. L’art. 19 al. 2 définit les cas où les dérogations à la loi sont exclues (limite de manière positive) alors

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que l’art. 20 al. 1 prescrit la sanction attachée à la violation de cette règle (limite de manière négative). Selon l’art. 20 al. 1, il y a donc nullité dans trois situations : en cas de contrariété de la loi (contrat ou clause illicite), en cas de contrariété aux bonnes mœurs (clause ou contrat immoral) et en cas d’impossibilité. Ce régime n’est pas le seul à limiter ou contrôler le contenu du contrat. De nombreux contrats de droit privé sont soumis à des autorisations données par des autorités administratives : domaine des actes de droit rural, du droit de la concurrence, de l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger.

L’illicéité   :

Un contrat est illicite lorsqu’il viole des règles impératives (art. 19 al. 2, 20 al. 1). Une règle impérative est une règle à laquelle les parties ne peuvent valablement déroger (règles de droit strict, art. 19 al. 2). L’illicéité peut viser trois éléments : le contenu (prestation) du contrat, le fait de conclure (renonciation au droit de révocation des pouvoirs de représentation) et le but indirectement poursuivi par les parties (prêt octroyé en vue de permettre un commerce de stupéfiants).

On distingue deux sortes de règles impératives :

- Les règles absolument ou bilatéralement impératives : ce sont les règles auxquelles il est absolument impossible de déroger (art. 36 al. 1 pour le contrat de travail par ex.) car elles protègent un intérêt général.

- Les règles relativement ou unilatéralement impératives : il s’agit des règles auxquelles il est exclu de déroger, mais seulement au détriment d’une partie. Leur rôle est de protéger une des parties, considérée par le législateur comme étant la partie faible. Le contrat peut donc contenir des clauses plus favorables à cette partie plutôt qu’à l’autre.

De plus, le caractère impératif peut être marqué de deux manières :

- Expressément : le caractère impératif ressort clairement du texte légal. - Implicitement : le caractère impératif est dicté par l’esprit de la norme et

le but de protection qu’elle poursuit.

Les règles impératives se trouvent dans l’ensemble de l’ordre juridique suisse (droit fédéral, privé, administratif, pénal). L’illicéité peut résulter des règles impératives du droit privé et des principes fondamentaux du droit mais aussi de l’ordre public mentionné à l’art. 19 al. 2 CO (règles concrètes de droit public édictées par la confédération ou les cantons dans leurs domaines de compétence). En revanche, le droit étranger impératif ne fait pas partie de l’ordre juridique suisse dont un juge devrait assurer le respect (la violation de ces normes peut constituer un cas de violation des bonnes mœurs).

L’immoralité   :

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Un contrat est contraire aux bonnes mœurs (art. 19 al. 2 et 20 al. 1 CO) ou immoral dans l’une de ses clauses ou dans son ensemble si, sans violer une disposition légale impérative (illicéité), il est contraire à un principe moral généralement reconnu. Le législateur ne pouvant fixer de manière exhaustive toutes les normes qui doivent impérativement respectées, il donne au juge la faculté d’y assimiler des principes généraux au nom de valeurs sociales ou éthiques qui doivent être protégées (pouvoir créateur du juge, art. 1 al. 2 CC). En fait, illicéité et immoralité visent le même objectif (distinction sans portée réelle). Comme pour l’illicéité, peuvent être contraires au mœurs le contenu du contrat, le fait de conclure ou le but indirectement visé. L’application de ce principe laisse une large place à la liberté du juge, qui doit toutefois se laisser guider par d’autres expressions des valeurs protégées. Il s’inspire donc :

- Des normes morales et règles éthiques.- Des normes du droit suisse auquel il peut se référer en raison de la

similitude des intérêts protégés (recours à l’analogie).- Des règles étrangères tranchant une question semblable (droit comparé).- Des pratiques nationales ou internationales.

On distingue en plus deux catégories de clauses :

- Les clauses contraires aux droits de la personnalité : directement visées par l’art. 27 CC (protection contre les engagements excessifs), ces clauses concernent l’objet de l’engagement (biens de la personnalité ; art. 28 CC : engagement portant atteinte à l’intégrité corporelle ou à la liberté par exemple), la portée de l’engagement (situation de dépendance excessive) et la durée de l’engagement (lien de manière intensive pour une longue durée). L’interdiction sert dans ces différents cas à protéger l’une des parties (caractère relatif : seule la personne protégée peut s’en prévaloir).

- Les clauses contraires aux mœurs : spécialement visées par l’art. 19 al. 2 et l’invocation des bonnes mœurs, il s’agit notamment :

o Des clauses qui imposent une prestation contraire aux mœurs.o Des clauses contraires à la loyauté commerciales.o Des clauses contraires à certaines normes de droit étranger.

Dans ces cas, l’interdiction ne protège pas les parties, mais des principes d’intérêt général. De ce fait, à l’instar de ce que l’on reconnaît pour les clauses illicites, il faut considérer qu’elles ont un caractère absolu.

L’impossibilité :

Un contrat est impossible lorsqu’il est établi au moment de sa conclusion que l’une des prestations promises ne peut être objectivement exécutée (art. 20 al. 1). L’impossibilité présente deux caractéristiques :

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- Une impossibilité initiale : l’impossibilité doit exister au moment de la conclusion du contrat (par opposition à l’impossibilité subséquente, art. 119 CO). Le moment de la conclusion vaut même si l’exécutabilité de l’obligation est reportée.

- Une impossibilité objective : la prestation promise doit être telle qu’il est exclue à quiconque de l’exécuter (service d’un tiers : impossibilité subjective, engagement valable).

La sanction des vices de l’objet   :

Le système est traité par les art. 19 al. 1 et 20 et distingue deux hypothèses :

- Les clauses contractuelles qui dérogent à des règles impératives ou à d’autres principes de l’art. 19 al. 2 sont nulles (sans effet) car exclues (art. 19 al. 2). On appliquera nécessairement à leur place la règle légale.

- Les contrats dont le but est illicite, immoral ou impossible sont frappés de nullité (art. 20). Il s’agit en principe d’une nullité absolue et totale :

o La nullité absolue est la règle : toute personne peut s’en prévaloir et le juge doit la relever d’office. Il peut cependant exister des cas de nullité relative. Lorsqu’une norme tend à protéger les parties, il est évident que seule celle-ci peut s’en prévaloir (violation des règles relativement impératives et des principes moraux visant à protéger la liberté d’une partie).

o La nullité totale est la règle : le contrat comme tel perd tout effet entre les parties. Néanmoins, il peut y avoir des cas de nullité partielle (art. 20 al. 2). Lorsque les conditions en sont remplies, le contrat est maintenu mais on retranche de l’acte les clauses illicites, immorales ou impossibles. S’il en résulte une lacune, elle sera comblée par le recours aux principes habituels (nullité partielle modifiée). Pour le reste, les prestations effectuées en vertu d’un contrat nul sont dénuées de cause juridique : les parties peuvent en demander la restitution par voie d’action en revendication (art. 641 CC) ou d’enrichissement illégitime (art. 62 ss CO, sous réserve de l’art. 66 CO).

Il convient pour finir de mentionner le cas particulier de la fraude à la loi, sanctionnée par l’interdiction de l’abus de droit (art. 2 al. 2 CC). Il y a fraude à la loi lorsque, tout en respectant la lettre même d’une norme d’interdiction, on en meconnaît l’esprit.

Les vices du consentement   :

Tout le régime de la formation du contrat repose sur la prémisse que celui qui s’engage le fait librement (volonté libre et responsable). Si tel n’est pas le cas, il

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doit pouvoir se libérer, d’une manière compatible avec la sécurité des affaires. La protection accordée comprend deux volets :

- Les règles sur la CC active : celui qui ne remplit pas les conditions objectives posées par la loi (absence des aptitudes intellectuelles et volontaires nécessaires) ne peut faire produire d’effet juridique à ses actes (nullité des engagements pris, protection à caractère général).

- Les règles sur les vices du consentement (art. 23-31) : le contrat n’est valablement noué que si le consentement est exempt de vices (intégrité du consentement). Si une personne (disposant de la CCa) s’est engagée alors que sa volonté a été gravement viciée, elle doit pouvoir se libérer. Ainsi, l’acte passé sous l’empire d’un vice du consentement ne lie pas, pour autant que la personne qui l’invoque se libère dans un délai limité.

Les vices du consentement fondent un cas de nullité relative. En effet :

- Seule la personne dont la volonté est viciée peut se libérer.- Elle doit le faire par une MdV adressée à l’autre partie sous l’une des

formes reconnaissables. Le juge ne peut donc la relever d’office.- Elle doit agir dans le délai d’une année à compter du moment où le vice

est connu ou levé (art. 31 al. 1, 21 al. 2 CO). - La MdV prive d’emblée le contrat de tout effet dès la conclusion.

On peut également parler de nullité partielle, par application analogique de l’art. 20 al. 2 (modification unilatérale du contrat initial). En outre, l’invalidation d’un contrat de durée pose parfois problème. On admet qu’ils ne peuvent être invalidés ex tunc mais doivent plutôt être résiliés ex nunc.

En cas de vice du consentement, la situation juridique est la suivante :

- Soit la partie dont le consentement est vicié manifeste sa volonté de se libérer et n’a dès lors plus aucune dette. Elle peut également demander la restitution de la prestation selon les règles de l’enrichissement illégitime (art. 62 ss) ou de la revendication.

- Soit elle ratifie (expressément ou tacitement) l’acte et celui-ci devient pleinement valable. La loi le présume si la personne laisse s’écouler le délai d’invalidation sans réagir (art. 31 al. 1).

Il existe 3 (4) vices du consentement reconnus par la loi : l’erreur, le dol, la crainte fondée (et la lésion, occupant une place intermédiaire entre les vices de l’objet et les vices du consentement).

L’erreur   (art. 23-24, 31 CO)   :

L’erreur est une fausse représentation de la réalité (fausse représentation subjectivée de la réalité objectivée). La loi ne retient pas n’importe quelle erreur (vie des affaires impossibles). Le correctif n’est donc mis en place que pour les

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cas les plus graves : on parle d’erreur essentielle. La gravité de ce type d’erreur justifie la remise en cause du consentement de la victime. L’art. 24 al. 1 distingue deux types d’erreurs essentielles :

- L’erreur de déclaration : il y a erreur de déclaration lorsque la MdV retenue par le destinataire ne correspond pas à ce que son auteur voulait communiquer. Il y a alors divergence entre la volonté interne du déclarant et la volonté déclarée, telle que l’on comprise le destinataire selon le principe de la confiance (vice dans la transmission de la volonté). De manière générale, il faut d’abord qu’il existe un accord de droit entre les parties, que celle qui invoque son erreur le fasse dans le délai (art. 31), qu’elle respecte les règles de la bonne foi dans l’exercice de son droit (art. 25) et éventuellement qu’elle répare le dommage (art 26). Dès lors, la victime peut se libérer à deux conditions cumulatives :

o L’existence d’une divergence : celle-ci peut porter : Sur le contenu (nature) du contrat (art. 24 al. 1 ch. 1) :

divergences entre vente, donation prêt (error in negotio). Sur l’objet du contrat (art. 24 al. 1 ch. 2 1ère phrase) : type de

prestations posant problème (error in corpore). Sur l’autre partie (art. 24 al. 1 ch. 2 2ème phrase) : contrat

conclu avec la mauvaise société (error in persona). Sur l’étendue des prestations (art. 24 al. 1 ch. 3) : durée du

contrat posant problème (error in quantitate). Sur tout autre élément de l’accord (art. 24 al. 1).

o Le caractère notable de la divergence : la loi exige que la divergence soit notable. C’est alors nécessairement le cas si la victime s’est trompée sur le contenu (nature) du contrat, son objet principal ou l’autre partie. L’exigence se justifie par le souci de garantir la sécurité des transactions. L’erreur doit être telle que l’équité impose de permettre à la victime de se libérer de l’engagement pris. Pour déterminer si l’erreur est essentielle, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Pour admettre le caractère essentiel d’une divergence, le juge doit montrer que (subjectivement) la partie qui en est victime n’aurait pas conclu le contrat ou ne l’aurait pas conclu à ces conditions et que (subjectivement) la divergence est importante.

En fait, la situation de la victime de l’erreur de déclaration est la suivante :o Soit l’erreur n’est pas essentielle et la victime doit donc assumer le

risque de cette erreur car le contrat maintenu.o Soit l’erreur est essentielle et, si elle le souhaite, elle peut se libérer

de l’engagement pris mais devra alors supporter les effets de la faute (précontractuelle) qu’elle a pu commettre et réparer le dommage ainsi causé à l’autre partie (art. 26 CO).

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- L’erreur de base : il y a erreur de base lorsque des éléments de fait importants sur lesquels s’est fondé l’auteur pour former sa volonté ne correspondent pas à la réalité. La manifestation a été comprise correctement par le destinataire mais il y a un vice grave dans le processus de formation de la volonté de l’auteur. L’erreur peut provenir de la représentation erronée des faits ou de l’ignorance de faits (représentation lacunaire). L’art. 24 al. 2 précise que l’erreur sur les motifs n’est pas essentielle (sauf erreur qualifiée sur les motifs, dans les conditions de l’art. 24 al. 1 ch. 4). Il y a fausse représentation de la réalité mais elle porte sur les motifs de la conclusion du contrat et celui qui s’est trompé doit en supporter les conséquences. Celui qui achète un cadeau ne peut invoquer la nullité s’il se trompe sur la date d’anniversaire du proche auquel il destinait son achat. L’invocation de l’erreur de base est subordonnée à deux conditions :

o L’existence d’une erreur : il existe une divergence entre la réalité et ce que croyait la victime (location d’un appartement qui se révèle plus petit que prévu, achat d’une œuvre célèbre mais qui est en fait une imitation). Cette divergence doit porter sur les faits et non sur une appréciation subjective. Ainsi, une erreur peut difficilement porter sur des faits futurs : il ne peut y avoir erreur que là où il y a connaissance (sauf faits futurs prévisibles).

o Le caractère important de l’erreur : l’erreur n’est retenue que si elle porte sur des faits importants. La notion a deux facettes :

Subjectivement : il faut que l’erreur soit telle que la victime, si elle avait connu la réalité, n’aurait pas conclu le contrat ou ne l’aurait pas conclu aux conditions où elle l’a fait.

Objectivement : il faut que la loyauté commerciale permette à la victime de considérer l’objet de son erreur comme un élément essentiel du contrat (pouvoir du juge : art. 4 CC).

Lorsque ces deux conditions sont remplies, l’art. 31 al. 1 exige de la victime de l’erreur qu’elle fasse savoir à son cocontractant, par quelque moyen que ce soit (pas d’exigence de forme), qu’elle ne se considère pas liée (MdV inconditionnelle et irrévocable). La solution ne demande donc pas au juge de prononcé la nullité (jugement formateur) : la partie peut le faire elle-même (sauf si l’autre partie en conteste le bien-fondé). La victime de l’erreur peut également ratifier l’acte, en connaissance de cause. Une ratification tacite du contrat vicié n’est pas admise facilement. L’invocation de l’erreur doit se faire dans un délai d’un an à compter du moment où la victime a pris connaissance de l’erreur (art. 31 al. 2), à défaut de quoi le contrat est ratifié. Par contre, la loi ne retient pas de délai absolu. Ainsi, une partie peut invalider un contrat onze ans après sa conclusion mais ne pourra pas forcément obtenir la restitution des

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prestations en raison de la prescription de dix ans de l’action en répétition de l’indu (art. 63 et 67 CO). La loi ajoute deux conditions :

o Le respect des règles de la bonne foi : selon l’art. 25, une partie ne peut invoquer son erreur contrairement aux règles de la bonne foi. La victime de l’erreur reste ainsi obligée si l’autre partie accepte de conclure le contrat dans le sens réellement voulu. De même, il est possible d’appliquer par analogie l’art. 20 al. 2 (nullité partielle).

o L’obligation complémentaire de réparer le dommage : selon l’art. 26, la partie qui invoque son erreur peut devoir réparer le dommage qu’elle a causé à l’autre (contrepartie du droit de se libérer). Cette action en dommages-intérêts demande toutefois que l’auteur de l’erreur ait été en faute (manque de diligence, application de la responsabilité précontractuelle). De même, la loi ne permet que la réparation de l’intérêt négatif (intérêt à ce que le contrat ne soit pas conclu, situation de neutralité du cocontractant). La réparation de l’intérêt positif est en principe exclue car elle obligerait la victime de l’erreur à verser une indemnité égale à la valeur du contrat dont elle veut se libérer.

Le dol   (art. 28 et 31 CO) :

Le dol est une modalité qualifiée d’erreur sur les motifs. L’auteur s’est trompé sur des faits qui ont servi à former sa volonté, mais son erreur a été intentionnellement provoquée par l’autre partie, éventuellement par un tiers au su de cette dernière (escroquerie du droit pénal, art. 146 CP). Le dol suppose deux conditions :

- L’existence d’une erreur : la victime doit s’être trompée sur les éléments qui ont fondé sa volonté. Toutefois, l’erreur étant le résultat d’un acte intentionnel de l’autre partie, la victime peut invalider le contrat même si l’erreur n’est pas essentielle. Il reste par contre nécessaire d’admettre que la victime, sans son erreur, n’aurait pas conclu le contrat ou ne l’aurait pas conclu aux conditions où elle l’a fait (lien de causalité).

- L’existence d’une tromperie : la victime doit avoir été trompée par le comportement de l’autre partie ou d’un tiers agissant pour celle-ci (art. 28 al. 2 CO). Cette condition remplace le caractère essentiel de l’erreur. L’auteur de la tromperie doit connaître la situation réelle et s’être rendu compte que l’autre l’ignorait ou pouvait l’ignorer (tromperie intentionnelle). Ensuite, l’auteur, ou son auxiliaire, doit avoir eu un comportement qui a effectivement induit l’autre en erreur (fausses informations données ou faits cachés).

Lorsque ces conditions sont remplies, la victime peut se libérer du contrat en manifestant (sans exigence de forme) à l’autre sa volonté de ne pas le maintenir (délai d’un an, art. 31 CO). Au-delà de ce délai, la victime conserve une exception

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opposable en tout temps à l’action en exécution (art. 60 al. 3). Le dol constituant en plus un acte illicite (violation fautive du devoir d’informer correctement l’autre partie), la victime peut demander la réparation de l’éventuel préjudice subi (art. 31 al. 3). La victime peut également agir en dommages-intérêts, même si elle renonce à invalider le contrat (controversé).

La crainte fondée   (art. 29-31 CO)   :

La crainte fondée ou contrainte est le fait pour une partie de passer un contrat sous la menace d’un mal que l’on fait peser sur elle sans droit. Il y a ainsi divergence entre la volonté interne et la volonté déclarée (extorsion en droit pénal, art. 156 CP). La crainte fondée suppose l’existence d’une menace (de l’autre partie ou d’un tiers) illicite, grave et sérieuse qui a joué un rôle causal dans la conclusion du contrat car la victime ne l’aurait pas conclu ou pas aux conditions où elle l’a fait. Une plainte pénale peut constituer une menace illicite lorsqu’il n’existe pas de connexité entre la plainte et le but poursuivi (l’auteur de la plainte cherche autre chose que la réparation du dommage subi). La crainte fondée constitue évidemment un acte illicite, autorisant la victime à demander la réparation de son dommage (art. 31 al. 3). Comme pour le dol, la victime doit agir dans un délai d’un an (art. 31 al. 1) mais dispose après ce délai d’une exception opposable en tout temps à l’action en exécution (art. 60 al. 3). En outre, la victime peut demander l’invalidation partielle du contrat et prétendre à son maintien avec un contenu modifié, ce à quoi l’auteur de la menace ne saurait s’opposer. Comme en cas d’erreur ou de dol, l’art 31 al. 1 exige que la victime fasse savoir à son cocontractant (sans exigence de forme) qu’elle ne se considère pas liée (dans le délai d’un an, art. 31 al. 1).

La lésion   (art. 21 CO)   :

Selon l’art. 21, il y a lésion lorsqu’une partie exploite une situation de faiblesse de l’autre pour obtenir la promesse d’une prestation en disproportion évidente avec la sienne. L’institution se situe à l’interface entre les vices de l’objet (disproportion) et les vices du consentement (exploitation de faiblesse). Le fait que la loi subordonne la libération de la victime d’une lésion à une MdV dans le délai d’un an justifie qu’on la rapproche des vices du consentement (interdiction de l’usure, art. 157 CP). La lésion constitue ainsi une cause de nullité relative et en principe totale (nullité partielle aux conditions de l’art. 20 al. 2). La victime d’une lésion doit apporter la preuve que deux conditions sont remplies :

- Une disproportion évidente entre les prestations promises (objective) : il faut une divergence grave que n’explique aucun motif particulier.

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- L’exploitation de la faiblesse de l’autre partie (subjective) : la victime doit établir que l’autre partie a sciemment exploité la situation de faiblesse dans laquelle elle se trouvait. On peut citer notamment :

o La gêne : une personne se trouve dans une situation de contrainte telle que la conclusion du contrat défavorable lui paraît un moindre mal par rapport au préjudice dont elle est menacée. La situation de contrainte ou de fort embarras n’est pas forcément économiques (ordre personnel, familial, politique).

o L’inexpérience : une personne ne dispose pas, lors de la conclusion du contrat, des connaissances nécessaires pour reconnaître la disproportion des prestations. Dans ce genre de cas, la distinction avec l’absence de capacité n’est pas toujours aisée (art. 16 CC).

o La légèreté : une personne agit par manque de prudence et de réflexion (abus de passion).

Selon l’art. 21 al. 1, la partie lésée doit déclarer qu’elle résilie le contrat en faisant savoir à son cocontractant (sans exigence de forme) qu’elle ne se considère pas liée. L’invocation entraîne la nullité du contrat et permet à la partie victime, si elle a déjà effectué sa prestation, d’en obtenir la restitution selon les règles de l’enrichissement illégitime (art. 62 ss CO). Naturellement, si elle n’a pas effectué sa prestation, elle en est libérée.

8. Cours du 15 novembre 2011   :

Le contrat d’adhésion et les conditions générales   :

Les contrats d'adhésion sont des formules de contrat contenant des CG, proposées par l'une des parties, qui invite alors l'autre à y adhérer. Les conditions générales (clauses-types) sont des clauses contractuelles préformulées (standardisées) qui décrivent de manière générale tout ou partie du contenu d’éventuels contrats. Les conditions générales ne sont pas une source du droit des obligations, il s’agit de règles autonomes qui n’ont de portée que si les parties décident de les intégrer à leur contrat (nature complexe). Elles sont rédigées de manière abstraite, comme une loi, mais n’ont de valeur que si elles sont concrètement acceptées par les parties, comme un contrat (caractère hybride). Les conditions générales peuvent se présenter sous des formes très diverses (préparées par des entreprises pour les contrats, par les associations professionnels, certaines faisant l’objet de véritables négociations).

Les conditions générales ne doivent pas être confondues avec les clauses normatives des conventions collectives de travail (art 356 CO). Il s’agit aussi de clauses contractuelles préformulées mais elles sont automatiquement intégrées au contrat de par la loi pour les membres des associations qui en sont partie, voire tous les contractants de la branche si leur champ d’application a été étendu

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(application sans intégration). Les conditions générales présentent des risques considérables car la partie qui y recourt peut être tentée d’y insérer des conditions inéquitables. En Suisse, il appartient à la jurisprudence de créer et d’imaginer des mécanismes de protection efficaces.

Concernant l’intégration des CG, le principes de base reste qu’elles n’ont de portée dans les relations entre les parties que si celles-ci les ont adoptées par intégration (MdV par laquelle les parties conviennent que des CG déterminées complèteront l’accord qu’elles ont passé et en feront partie intégrante). L’intégration est généralement faite dans le contrat individuel, par une clause appelée clause d’intégration. L’intégration obéit premièrement aux règles générales qui s’appliquent aux contrats et aux clauses contractuelles (art. 1 ss). Il suffit donc qu’il y ait un accord et que cet accord soit valable (forme et objet). L’intégration est également souvent expresse (clause spéciale) mais peut être tacite (sur la base d’un contrat-cadre ou d’une pratique habituelle). En cas de contestation, les règles habituelles privilégient la version la moins favorable à la partie ayant rédigé ou imposé les CG (in dubio contra proferrentem). Elles peuvent être contenues dans un document séparé (formule de contrat, affichette, prospectus ou autre). On opère en outre la distinction suivante :

- Intégration individuelle : les parties prennent alors connaissance du contenu et discutent les principes clauses des CG auxquelles elles décident de soumettre leur contrat. L’intégration se fait selon un procédé comparable à la négociation d’un contrat et ne soulève pas de risques.

- Intégration globale : les parties acceptent dans ce cas les CG sans les discuter, en bloc, voire sans en prendre connaissance. Le procédé est licite mais comporte toutefois des risques accrus, dont la jurisprudence tient compte. La seule exigence est que le texte soit disponible ou raisonnablement accessible aux parties.

La validité des CG doit s’apprécier d’une part au regard du contrat individuel et d’autre part au regard des principes généraux. Les clauses du contrat individuel ont le pas sur les CG. De même, il n’y a aucun accord si chacune des parties prétend imposer à l’autre ses propres CG. La validité des CG peut être contestée lorsqu’elles violent les principes généraux. On distingue alors deux cas :

- Les clauses illicites ou immorales : ce sont des clauses dont le contenu est contraire à la loi ou aux bonnes mœurs. Elles sont nulles (art. 19-20).

- Les clauses insolites : ce motif d’invalidité des CG ne peut être invoqué qu’en cas d’intégration globale. En effet, puisqu’il est acquis que la partie qui s’y soumet n’en prendra pas connaissance, son accord ne couvre que ce qui est typique, standard et habituel. Le droit dispositif devient donc la référence. Par clause insolite (ou inhabituelle, supposant un élément de surprise), on entend les clauses qui dérogent sans raison au droit (dispositif et non impératif, sans quoi la clause est illicite) ordinairement

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applicable et auxquelles la partie qui y adhère ne peut pas s’attendre selon les règles de la bonne foi. Le caractère insolite s’apprécie en fonction du but de la clause. La notion se rapproche des clauses abusives du droit de l’UE. Celui qui veut faire accepter une clause insolite n’a donc pas d’autre choix que d’y rendre l’autre partie attentive et d’obtenir d’elle sur ce point un accord exprès. On peut notamment dire que sont insolites les clauses qui modifient :

o Les exigences de forme.o Le régime des pouvoirs de représentation.o L’équilibre contractuel initial (clause permettant de modifier

unilatéralement les primes d’assurance par exemple). o Le régime de l’inexécution, de la responsabilité (art. 97, 101 ss CO)

ou de la couverture d’assurance.o Les droits procéduraux (introduction d’une clause arbitrale,

introduction d’une règle de prorogation de for).

En droit suisse, trois dispositions apparaissent comme des concrétisations du principe de l’interdiction des clauses insolites : l’art. 8 LCD (loi fédéral contre la concurrence déloyale) et les art. 256 al. 2 let. a et 288 al. 2 let. a. CO. Le premier article considère que celui qui utilise des CG introduisant des dérogations notables au régime qui serait normalement applicable agit de manière déloyale. Les deuxièmes interdisent les dérogations au détriment du locataire qui sont prévues dans les CG pré-imprimées. Leur champ d’application est en outre limité au contrat de bail.

Les formes particulières   :

Le pacte de fiducie   :

Le pacte de fiducie ou contrat fiduciaire est le contrat par lequel une partie (le fiduciant) transfère un droit à l’autre partie (le fiduciaire), mais avec la charge pour celle-ci de ne l’exercer qu Le fiduciant transfère un bien, selon les modes habituels, mais, entre les parties, ce transfert est assorti d’un pacte obligeant le fiduciaire à exercer son droit en faveur du fiduciant. Le fiduciant perd donc son droit mais conserve contre le fiduciaire un droit personnel sur son utilisation et sa restitution. L’institution est établie tantôt dans l’intérêt du fiduciant, tantôt aussi dans celui du fiduciaire. La validité de la cession ou du transfert de propriété est en principe admise à deux conditions :

- Les parties ont effectivement voulu le transfert (provisoire) et ne l’ont pas simplement simulé.

- L’acte ne revient pas à éluder des règles impératives.

Le contrat soumis à condition   (art. 151-157 CO)   :

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La condition est un évènement futur incertain dont les parties font dépendre un effet juridique. La condition peut concerner tout type de contrat mais aussi une obligation (naissance, modification, extinction). Si l’évènement futur est certain, il s’agit alors d’un terme. La condition peut être :

- Purement casuelle : la condition dépend alors uniquement du hasard.- Potestative : elle dépend alors d’une partie ou d’un tiers.- Mixte : dépendant alors des parties et du hasard.- Positive : si elle doit se réaliser.- Négative : si elle ne doit pas se réaliser.

Cumulativement à ces distinctions, la condition peut être :

- Suspensive (art. 151 al. 1) : la naissance d’un effet juridique est alors subordonnée à la réalisation de la condition (art. 151 al. 2 CO). Ainsi, si la condition ne se produit pas et que l’une des parties a déjà effectué sa prestation, l’autre se trouve enrichie de manière illégitime (art. 62 CO). Dans l’intervalle de la réalisation de la condition, l’acte est en suspens, il est imparfait. Le créancier dispose d’un droit conditionnel mais il n’a aucun droit d’exiger l’exécution ni de faire valoir son droit en justice.

- Résolutoire (art. 154) : la cessation d’un effet juridique est subordonnée à la réalisation de la condition. En cas d’accomplissement de la condition, l’acte qui était pleinement valable cesse de produire ses effets : le contrat est caduc ex nunc. Dans l’intervalle, l’acte est en suspens mais reste tout de même valable et le créancier peut donc faire valoir la créance.

Le contrat-cadre   :

C’est un contrat général qui fixe de manière globale les conditions de commandes futures. Il sera de ce fait complété ensuite par des contrats particuliers passés entre les parties, contrats qui seront soumis au régime prévu dans le contrat-cadre.

Le contrat-type   :

Il n’est pas un contrat, mais une réglementation spéciale, adoptée par une autorité ou une autre institution, en dérogation ou en complément au code. Il s’agit de règles supplétives qui s’appliqueront au contrat conclu par les parties, si celles-ci n’ont rien prévu d’autres dans leur accord. On trouve surtout ces contrats en droit du travail où, sauf accord contraire des parties, ils s’appliquent directement aux rapports de travail.

Le sous-contrat   :

C’est un contrat qu’une partie passe avec une autre et dont l’objet est en relation avec un contrat principal qu’elle-même a passé avec un tiers. Ainsi, dans la sous-

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location (art. 262), le locataire d’un appartement, lié au bâilleur par un contrat de location (contrat de bail), cède l’usage de tout ou partie de cet appartement à un tiers (sous-locataire). Les deux contrats sont indépendants mais les parties peuvent décider de les lier et la loi accorde parfois au tiers des droits directs lui permettant d’intervenir dans le sous-contrat.

9. Cours du 22 novembre 2011   :

L’enrichissement illégitime   (art. 62-67 CO)   :

Il y a enrichissement illégitime lorsqu’une personne bénéficie sans motif d’une augmentation de son patrimoine aux dépends d’autrui (répétition de l’indu). Il s’agit d’une des sources des obligations, fondée sur la loi, car l’enrichi a une dette envers l’appauvri. Les conditions de l’obligation sont fixées par les art. 62 et 63 (ainsi que 66 et 67) alors que ses effets sont déterminés par les art. 64 et 65. Il convient de préciser les éléments suivants :

- Les actions réelles : si un transfert de propriété ou l’acquisition d’un autre droit réel a été fait sans titre acquisition (sans cause), l’auteur peut revendiquer la chose qui était l’objet du transfert selon les règles applicables aux droits réels (action réelle imprescriptible). Ainsi, ce n’est que si l’ancien titulaire du droit ne peut plus récupérer la chose (acquisition par un TdBF) qu’il peut agir selon les règles de l’enrichissement illégitime.

- Les actions contractuelles : celui qui peut directement ou indirectement déduire une créance d’un contrat doit utiliser cette voie, à l’exclusion des règles sur l’EI. C’est également le cas si la prétention découle d’un rapport de liquidation. Certains estiment en outre que le concours n’est exclu qu’avec l’action en exécution et donc pas avec les autres moyens déduits de la violation du contrat.

- La gestion d’affaire imparfaite : il s’agit de l’hypothèse dans laquelle une personne intervient dans la sphère d’autrui pour en tirer bénéfice dans son seul intérêt. Dans ces cas, le maître peut intenter une action en remise du gain, au sens de l’art. 423 CO.

- Les actions délictuelles : en application du principe de la subsidiarité, l’appauvri qui dispose d’une action en réparation du préjudice fondée sur un cas de RC devrait en priorité utiliser cette voie. Il reste toutefois possible que la réparation du dommage ne couvre pas la totalité des gains que l’auteur peut avoir réalisés aux dépens de la victime. Les deux actions doivent donc pouvoir se compléter.

Les conditions de l’action en EI   :

Toute action en EI est subordonnée à deux conditions matérielles (art. 62) :

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- L’enrichissement aux dépends d’autrui : le débiteur doit avoir été enrichi :o Enrichissement : il faut que le débiteur se soit enrichi (art. 62 al. 1)

ou que le créancier lui ait payé un montant (art. 63 al. 1). L’enrichissement consiste en une augmentation du patrimoine, par accroissement (lucrum emergens) ou par non-diminution (damnum cessans). L’enrichissement peut tant consister en une augmentation des actifs qu’en une diminution des passifs / en une non-diminution des actifs qu’en une non-augmentation des passifs. L’enrichissement suppose une attribution, directe ou indirecte.

o Aux dépends d’autrui : l’enrichissement de l’un doit entraîner l’appauvrissement de l’autre. Il doit exister entre les deux mouvements un rapport de connexité, mais pas de déplacement direct entre le patrimoine de l’appauvri et celui de l’enrichi.

o La source de l’enrichissement : dans le cas de la répétition de l’indu, la loi pose une exigence supplémentaire. Dans ce cas, l’enrichissement doit provenir d’un des trois cas suivant :

Un acte de l’appauvri : ce dernier fait une prestation à l’enrichi : payer une dette, faire un virement sur un mauvais compte. C’est la seule hypothèse de la répétition de l’indu (art. 63 CO) dont le champ d’application est plus étroit.

Un acte de l’enrichi : l’enrichi s’approprie une valeur aux dépens de l’appauvri. Il s’agit alors d’usurpation, qui donne lieu à une action en remise du gain. Cela est le cas lorsqu’une personne utilise sans droit un brevet ou tire profit d’un bien qui ne lui appartient pas.

Un acte d’un tiers ou un fait de la nature : l’enrichi profite alors de cet acte aux dépens de l’appauvri. On peut citer l’exemple d’un entrepreneur qui construit sur le fonds du maître avec les matériaux d’un tiers, qui s’en trouve forcément appauvri (art. 671 ss CC).

- L’absence de cause légitime : l’enrichissement doit bien entendu avoir eu lieu sans cause légitime (art. 62 al. 1). La cause est le fondement juridique sur lequel repose l’attribution. L’art. 62 al. 2 liste quelques cas dans lesquels il y a enrichissement sans cause :

o L’absence de cause valable : dès l’origine, l’attribution était alors privée de toute cause (contrat inexistant ou invalide).

o La non-réalisation d’une cause : la cause future ne prend pas naissance (dette soumise à une condition suspensive).

o La cessation d’une cause : la cause s’éteint pour des raisons particulières (réalisation d’une cause résolutoire).

En revanche, il n’y a pas lieu à répétition dans les cas suivants :

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o Exécution d’une obligation naturelle : elle est alors seulement privée du droit d’action, mais la prestation faite a une cause.

o Paiement d’une dette prescrite (art. 127 ss CO) : la dette est due tant que le débiteur ne soulève pas l’exception de la prescription.

o Accomplissement d’un devoir moral : après exécution, on considère qu’il s’agissait d’une prestation volontaire assimilable à une prestation fondée sur une véritable obligation.

On voit donc au travers de ces conditions que l’action en EI est soumise à la réalisation de deux conditions matérielles. S’il s’agit d’un cas où l’EI résulte d’une prestation faite à tort par l’appauvri (répétition de l’indu), des conditions supplémentaires s’ajoutent (quant à la source de l’enrichissement notamment). En outre, la faute de l’enrichi n’est pas une condition de l’action en EI. Par contre, la bonne foi de l’enrichi jouera un rôle quant à son devoir de restitution. Comme dit ci-dessus, lorsque l’E résulte d’une prestation de l’appauvri (répétition de l’indu), la loi pose des exigences supplémentaires. L’art. 63 al. 1 (héritier de la condictio indebiti du droit romain) ne s’applique ainsi que dans le cas où l’E provient d’un acte de l’appauvri qui se croyait débiteur. Ainsi, l’appauvri ne peut faire valoir sa créance en enrichissement (et donc obtenir la répétition de l’indu) que dans deux situations :

- Un paiement involontaire : celui qui a fait un paiement parce qu’il y a été de quelque façon contraint (poursuite, gêne, art. 21 CO, crainte fondée, art. 29 CO) peut en répéter le montant. Si le paiement a été fait volontairement, il peut être privé du droit de le faire.

- Un paiement fait par erreur : celui qui fait un paiement volontairement mais en croyant par erreur qu’il devait ce qu’il a payé peut en répéter le montant, peu importe que l’erreur soit importante ou excusable. S’il en revanche il a fait le paiement en connaissance de l’absence de cause, il est alors privé du droit d’agir.

Il convient encore de parler de l’art. 66, qui exclut la répétition de ce qui a été donné en vue d’atteindre un but illicite ou contraire aux mœurs (in pari turpitudine melior est pars possidentis : en cas de situations problématiques, le possesseur l’emporte). L’interdiction de la restitution ne s’applique qu’aux prestations dont le but était de récompenser ou de favoriser un résultat illicite ou contraire aux mœurs. Pour finir, précisons que l’art. 67 al. 1 soumet la créance en EI à deux délais de prescription complémentaire :

- Un délai relatif d’un an dès la connaissance du droit de répétition : ce délai court du jour où le lésé a connu (et non pas aurait dû connaître) à la fois la perte subie et la personne de l’enrichi.

- Un délai absolu absolu de dix ans dès la naissance du droit : il correspond au délai général de l’art. 127 CO.

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Les effets   :

Lorsque les conditions de l’EI sont remplies, celui qui est appauvri a une créance en répétition : l’enrichissement donne donc naissance à une obligation dont l’exécution rétablit l’équilibre rompu par l’attribution. Pour l’exercer, le créancier doit manifester (interpellation selon l’art. 102 al. 1) sa volonté d’exiger le remboursement de l’enrichissement (sans exigence de forme, ni nécessité d’intenter une action). L’étendue de la créance dépend de la bonne foi de l’enrichi au moment du dessaisissement :

- S’il est de bonne foi : il ne doit pas nécessairement le montant dont il a bénéficié, mais au plus celui dont il se trouve encore enrichi au moment où la répétition est exigée. Celui qui a employé l’argent reçu sans cause pour des dépenses nécessaires reste enrichi puisqu’il aurait dû subvenir ces dépenses par d’autres moyens. Par contre, celui qui décide d’effectuer une dépense extraordinaire n’est pas tenu de rendre ce qu’il a utilisé, car il a choisi d’acheter quelque chose qu’il n’aurait pas acheté sans avoir reçu l’argent. Agir autrement reviendrait à le désavantager injustement.

- S’il est de mauvaise foi : il doit la totalité du montant dont il a bénéficié. C’est le cas de celui qui savait, mais aussi de celui qui aurait dû savoir qu’il était tenu à restitution et qui a malgré tout dépensé le montant.

Pour le reste, c’est l’enrichissement effectif qui est déterminant. L’enrichi doit ainsi restituer les profits qu’il a pu tirer de la chose (fruits civils et naturels). Par rapport aux éventuelles impenses, leur remboursement est réglé par l’art. 65 CO.

La responsabilité civile   (art. 41-61 CO)   :

La responsabilité civile se définit comme l’obligation faite à une personne de réparer le préjudice causé à autrui. Dans certains cas en effet, la loi impose à un tiers l’obligation de réparer le préjudice : il faut pour cela une cause particulière. La RC constitue dès lors une source légale des obligations. La loi régit de manière exhaustive les conditions et les effets de cette responsabilité, il n’y a donc aucune place pour les engagements volontaires (sous réserves de deux moments : avant la survenance du litige, domaine des assurances et des primes et après la survenance du litige, lorsque la personne responsable ou son assurer peuvent s’engager à réparer le préjudice causé). La RC doit être distinguée selon le contexte auquel elle s’applique :

- Dans le droit des accidents et de l’indemnisation : il s’agit de l’ensemble des règles qui permettent de réparer les préjudices corporels et matériels causé par des accidents. C’est le domaine des assurances, sociales et privées. La RC et l’assurance liée ne forment qu’une partie du mécanisme d’indemnisation. Le plus souvent, l’indemnisation est octroyée par des assurances sociales qui se retournent ensuite contre l’assurance RC du responsable, laquelle peut à son tour, mais à des conditions limitées, exercer un recours contre son assuré. La responsabilité sert donc à dicter

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les cas dans lesquels l’assurance RC est tenue de couvrir le sinistre et à dicter les cas dans lesquels les assurances directes qui ont indemnisé la victime peuvent recourir contre le responsable ou son assurance.

- Dans le droit des obligations : la RC garde sa place en droit des obligations car elle permet d’imposer à la personne qui en remplit les conditions la charge de la réparation. En faisant abstraction du droit des accidents, cela concerne avant tout la réparation des préjudices purement économiques.

L’art. 41 al. 1 énonce le principe général, en relation avec le cas ordinaire de la responsabilité pour faute. Selon ce même article, on peut déduire les 4 conditions qui doivent être réunies pour qu’une personne soit tenue de réparer le préjudice qu’elle a causé (régime applicable également à la responsabilité contractuelle, avec certaines différences) :

- Elle doit avoir causé un préjudice : il vise d’une manière générale toute diminution involontaire des biens d’une personne. L’atteinte produit une lésion, qui se traduit par une diminution des biens de la victime. La notion comprend deux aspects :

o Un dommage au sens strict : la diminution du patrimoine.o Le tort moral : les souffrances psychiques ou physiques ressenties

par la victime à la suite d’une atteinte à sa personnalité. En général, l’auteur doit indemniser la victime de tout dommage, peu importe sa nature. Plusieurs dispositions spéciales limitent la réparation au préjudice corporel ou au préjudice matériel, et non économique.

- La personne doit avoir commis un acte illicite : l’illicéité se définit comme la transgression d’une défense de nuire à autrui en l’absence de motifs légitimes (consentement de la victime, art. 44 al. 1, exercice d’un droit privé ou usage légitime de la force, art. 52 al. 1). Un acte n’est illicite que s’il se heurte à une règle qui protège les intérêts d’autrui.

- Il doit exister une relation de causalité entre le préjudice et la cause : il doit exister un lien de cause à effet entre ce qui fonde l’obligation de réparer (acte illicite) et le préjudice. On distingue là encore deux aspects :

o La causalité naturelle : le premier évènement est alors la condition sine qua non à la survenance du deuxième. La cause peut provenir d’un fait positif ou négatif (question de fait).

o La causalité adéquate : cette causalité se base sur le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie. Il faut donc que le fait en cause soit propre à entraîner la survenance du résultat. Il s’agit cette fois d’une question de droit.

- Elle doit réaliser un chef de responsabilité : la faute se définit comme un manquement de la volonté aux devoirs imposés par l’ordre juridique. Le responsable n’a pas agi conformément à ce que l’on était en droit d’attendre de lui et ce soit parce qu’il a intentionnellement violé un devoir, soit parce qu’il a agi par négligence en ne faisant pas preuve de la

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diligence requise (manque de prudence). En fait, le comportement qu’il a eu ne correspond pas à celui qu’aurait eu une personne raisonnable. Ce reproche d’ordre moral fonde la responsabilité du débiteur, qui doit en principe avoir la capacité délictuelle (organe d’une personne morale).

Précisons que les 2 (voire 3) premières conditions ci-dessus sont générales alors que la dernière (en tous cas) est propre à la responsabilité invoquée. A côté de ces conditions de base, il existe un certain nombre de conditions spécifiques du régime ordinaire. Par régime ordinaire, il faut comprendre celui qui vaut dans tous les cas, pour autant qu’aucune règle spéciale ne s’applique. On distingue dans ce contexte deux hypothèses, qui appellent quelques précisions :

- La responsabilité pour le fait personnel : prévue par l’art. 41 (pendant de l’art. 97 en matière contractuelle), la règle consacre la responsabilité aquilienne (Lex Aquilia du droit romain). Il s’agit d’une responsabilité subjective, fondée sur la faute. Elle se base donc sur les 4 conditions listées ci-dessus (préjudice, lien de causalité, acte illicite et faute).

- La responsabilité pour le fait d’autrui : prévue par l’art. 55 al. 1 (pendant de l’art. 101 al. 1 en matière contractuelle), la loi l’appelle la responsabilité de l’employeur mais elle vise en réalité toute personne qui, pour accomplir une tâche, recourt à des personnes qui lui sont subordonnées. Il s’agit d’une responsabilité objective simple (non basée sur la faute). Les conditions de la responsabilité pour le fait d’autrui sont donc différentes et doivent être précisées :

o Le sujet de responsabilité : il doit s’agir d’un employeur (commettant) dont l’auxiliaire (le préposé) a causé le préjudice. L’auxiliaire se trouve donc nécessairement dans un rapport de subordination : la personne qui a causé le préjudice doit avoir été soumise à la surveillance du commettant.

o La relation avec le travail : l’acte de l’auxiliaire doit avoir été fait dans l’accomplissement de son travail : il y a un lien de connexité avec l’activité dont a été chargé l’auxiliaire (relation directe et fonctionnelle avec l’accomplissement du travail).

o L’absence de preuve libératoire : la loi donne à l’employeur la possibilité de se libérer de sa responsabilité en prouvant qu’il a fait preuve de toute la diligence requise par les circonstances. L’employeur doit avoir bien choisi son employé (cura in eligendo), doit l’avoir bien instruit (cura in instruendo) et doit l’avoir bien surveillé (cura in custodiendo) afin de détourner le dommage.

o Un acte illicite de l’auxiliaire mais non fautif : l’acte doit être illicite mais, au contraire de la responsabilité pour le fait personnel, un chef de responsabilité n’est pas requis (responsabilité objective).

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Parallèlement au régime ordinaire, le législateur a consacré de nombreuses dispositions spéciales, applicables à des situations ou des activités particulières. La plupart se caractérisent par le fait qu’elles n’exigent pas de faute du responsable (4ème condition, chef de responsabilité). Il s’agit donc de responsabilités objectives ou causales :

- Les responsabilités fondées sur un manque de diligence ou responsabilités objectives simples : le responsable a objectivement violé un devoir général de diligence, mais il n’est pas nécessaire qu’il ait commis une faute pour devoir réparer le dommage. Abstraction faite de la responsabilité de l’employeur (ci-dessus, art. 55 al. 1) ou de celle du chef de famille (art. 333 CC, très similaire à la responsabilité de l’employeur), il s’agit des responsabilités du propriétaire d’immeuble (art. 679 CC), du détenteur d’animaux (art. 56) ou du propriétaire d’ouvrage (art. 58).

- Les responsabilités fondées sur le risque inhérent à l’exercice d’une activité ou responsabilités objectives aggravées : le préjudice a été causé par une activité présentant un risque qualifié qu’assume le responsable. On attache donc une responsabilité objective à toute réalisation du risque possible. Il s’agit des responsabilités du détenteur de véhicule automobile (art. 58 ss LCR), de l’exploitant d’une installation électrique (art. 27 ss LIE), de l’exploitant d’une entreprise de chemin de fer (art. 1 ss LRespC) ou de l’exploitant d’une installation nucléaire (art. 3 ss LRCN). La particularité de ces responsabilités vient du fait qu’elles n’impliquent pas forcément la violation d’un devoir de diligence.

Concernant la prescription de l’action en dommages-intérêts, la créance obéit à des règles spéciales qui fixent des délais partiellement différents. Par contre, les dispositions générales relatives à la prescription (prolongation du délai notamment) sont pleinement applicables. La règle fondamentale est l’art. 60 CO, qui combine 3 délais différents :

- Un délai ordinaire d’une année : ce délai court dès la connaissance suffisante du dommage et de la personne tenue de le réparer. On voit donc qu’il existe une divergence importante avec l’art. 127, applicable en responsabilité contractuelle.

- Un délai subsidiaire ou absolu, de dix ans : ce délai court dès l’acte dommageable : il s’agit d’une application du principe général de l’art. 127. Le délai est subsidiaire car il ne s’applique que si la connaissance du dommage, nécessaire au départ de délai relatif, est postérieure aux dix ans ou intervient dans la neuvième année.

- Un délai extraordinaire : ce délai dépend de la prescription de l’action pénale pour le cas ou l’acte illicite constitue aussi une infraction.

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Les effets de la RC   et le concours de responsabilité   :a

Si les conditions en sont remplies, le responsable du dommage est tenue de le réparer. Cela signifie que la victime dispose d’une créance contre le responsable, tendant au versement d’une indemnité destinée à compenser la perte subie. Le juge doit procéder en deux temps pour fixer cette indemnité :

- Calculer le préjudice subi : le dommage pris en considération est le dommage concret et actuel (éventuellement le dommage futur et prévisible), y compris ses intérêts et après imputation des éventuels avantages acquis par la victime. L’action peut être intentée par :

o La victime directe : il s’agit de la personne qui a personnellement subi l’atteinte et souffre des préjudices qui en résultent.

o Les victimes indirectes : il s’agit des personnes qui n’ont subi qu’un préjudice réflexe, par ricochet, en raison des liens antérieurs qu’elles avaient avec la victime. La situation est particulère puisque ces personnes disposent d’un droit propre pour le préjudice qu’elles ont subi, mais leur action est dérivée de celle qu’aurait eue la victime directe.

- Fixer l’indemnité en fonction : le juge tient compte des facteurs de réduction (art. 43 al. 1 et 44 CO) : la faute ou le fait concomitant de la victime, la légèreté de la faute de l’auteur, le cas fortuit ou les conditions économiques et sociales des parties. La faute d’un tiers ne constitue pas un facteur de réduction mais peut par contre interrompre le lien de causalité entre le dommage et l’acte ou faire apparaître la faute de l’auteur comme moins grave.

Enfin, quant aux problèmes de concours des responsabilités, il faut distinguer les rapports externes et les rapports internes :

- Les rapports externes : il y a concours subjectif de responsabilités lorsque plusieurs personnes sont tenues de réparer le même préjudice. La règle est celle du concours d’actions ou de la solidarité au sens large : le lésé peut réclamer l’entier de ses prétentions à chaque responsable (solidarité parfaite). Là encore il faut toutefois encore opérer une distinction :

o La solidarité parfaite : le concours est amené sous la forme d’une solidarité au sens strict (art. 143 ss CO) si la loi le prévoit. Cela est le cas dans deux types de situation :

En cas de faute commune : toutes les personnes agissent alors de concert, justifiant la rigueur du régime.

Sans faute commune : même lorsque les responsables ont chacun agi de manière indépendante, il y a solidarité parfaite. C’est ainsi le cas pour tous ceux qui sont impliqués dans un accident de la circulation.

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o La solidarité imparfaite : dans ce genre de cas, la personne lésée peut choisir d’agir contre n’importe quel responsable, mais il y a simple concours d’actions, et non solidarité car celle-ci n’est pas prévue par la loi. La différence pratique est moindre. Le fait que ce concours ne soit pas aménagé en solidarité a une conséquence sur la prescription, l’art. 136 al. 1 ne s’appliquant pas.

- Les rapports internes : il est naturel que celui des responsables qui a été amené à faire à la victime une prestation allant au-delà de sa part puisse exercer un recours contre les autres. Il faut alors distinguer :

o Les cas de responsabilité solidaire : l’art. 50 al. 2 invite le juge à déterminer (art. 4 CC) la part que chacun devra supporter. Il tiendra notamment compte de l’importance et de la nature des responsabilités engagées.

o Les autres cas : l’art. 51 al. 1 renvoie au régime applicable en cas de solidarité, ce qui revient à laisser au juge le soin d’apprécier si et dans quelles mesures celui qui a indemnisé la victime peut se retourner contre les autres.

10. Cours du 29 novembre 2011   :

L’exécution des obligations   :

L’exécution est l’accomplissement de la prestation due : le débiteur effectue ce à quoi il s’est engagé. La prestation due doit être connue avec précision. La loi y attache en effet un certain nombre de conséquences juridiques en rapport avec l’exécution de l’obligation (le débiteur doit savoir ce à quoi il est tenu et le créancier ce qu’il peut demander), en rapport avec l’extinction de l’obligation (l’exécution éteint l’obligation) et en rapport avec l’inexécution de l’obligation (le juge peut alors condamner le débiteur selon des règles spéciales). Pour connaître l’objet de la prestation, il est nécessaire de préciser le contenu et les modalités de la prestation. Précisons en outre que le débiteur peut être tenu de devoirs accessoires, dont la violation peut entraîner l’application des règles sur l’inexécution des obligations.

Les sources qui décrivent l’objet de la prestation diffèrent selon la nature de l’obligation (nature volontaire ou nature légale) :

- Les obligations de nature volontaire : c’est alors le contrat qui définit principalement l’objet de la prestation. Rédigé par écrit, le contrat peut comporter divers textes (corps de documents) :

o Le texte du contrat : document de base, il décrit les éléments objectivement et subjectivement essentiels et dressent la liste des autres documents annexés et hiérarchisés.

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o Les documents annexes : ils précisent le contenu du contrat ou servent à son interprétation. En cas de contradictions entre eux, le texte de base du contrat est censé préciser la hiérarchie.

- Les obligations de nature légale : c’est alors évidemment la loi qui détermine non seulement le contenu de l’obligation mais également ses modalités d’exécution. Les règles supplétives de la loi s’imposent donc aux parties (en cas d’accord volontaire, ces règles s’appliquent seulement en cas de carence, d’où leur nom).

Le système de l’exécution des obligations est dominé par le principe de la fidélité contractuelle (pacta sunt servanda). Les parties doivent donc se tenir au contrat : l’une ne peut pas sans l’accord de l’autre modifier le contenu ou se libérer totalement ou partiellement. De plus, le juge est tenu de se fonder sur le contenu du contrat convenu par les parties. Cette conception est profondément ancrée dans les racines culturelles (tradition romaniste). L’affirmation de ce principe ne suffit toutefois pas à résoudre tous les problèmes. Le juge peut ainsi être appelé à intervenir en interprétant, complétant voire même corrigeant le contrat.

L’interprétation du contrat concerne le sens qu’il convient de donner à une clause déterminée du contrat qu’ont passé les parties. Le différend touche au contenu du contrat et ne remet donc pas en cause son existence. Les parties sont en litige sur le sens d’un élément du contrat. Conformément à l’art. 18 al. 1, le juge cherche à établir ce que les parties ont effectivement voulu (volonté réelle : interprétation subjective). Il s’agit d’une question de fait, que le TF ne peut revoir dans un recours en matière civile. Le juge se fonde sur divers moyens d’interprétation pour résoudre le litige :

- La lettre : cela vise le texte du contrat ou les documents annexés. Il s’agit d’une interprétation littérale, touchant au sens des mots.

- L’esprit : il s’agit d’interpréter l’ensemble des circonstances qui entourent le contrat, sa conclusion voire son exécution. Ces circonstances concernent le lieu, l’époque, le comportement des parties et l’intérêt des parties. Il n’y a aucune priorité de principe d’un moyen à l’autre : un texte clair n’exclut pas le recours à l’interprétation des circonstances.

Si le juge constate une divergence entre les parties (échec de l’interprétation subjective), il examine s’il est possible de retenir une autre interprétation. Il cherche alors la volonté objectivée des parties : c’est le domaine de l’interprétation de droit (question de droit que le TF peut revoir). Le juge applique alors le principe de la confiance et retient ainsi l’interprétation qui correspond à ce qu’aurait compris une personne raisonnable et honnête placée dans les mêmes circonstances. Afin d’aider le juge, quelques règles d’interprétation ont été développées :

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- Dans la loi, on trouve quelques dispositions qui énoncent sous forme de présomptions le sens qu’il convient de donner à une expression utilisée par les parties (règles interprétatives, art. 16 al. 1, 74 ss, 481 al. 1 CO).

- Dans la jurisprudence, il existe une série de principes classiques auxquels il est possible de se référer. Ainsi :

o L’interprétation s’opère par un examen rétrospectif (ex tunc) : le juge doit se mettre dans la situation qui était celle des parties contractantes au moment de la conclusion du contrat.

o L’interprétation se fait selon les règles de la bonne foi : l’interprétation objective selon le principe de la confiance est une concrétisation de cette règle d’interprétation.

o L’interprétation doit partir de l’idée que le contrat forme un tout : l’interprétation doit donc tenir compte de l’intégralité des dispositions du contrat (interprétation systématique).

o L’interprétation doit se faire selon le sens correspondant aux règles légales : les accords qui s’écartent du droit dispositif doivent être interprétés de manière restrictive. On applique ainsi une certaine forme d’interprétation conforme au droit dispositif.

o L’interprétation doit se faire, en cas de doute, dans le sens défavorable à la partie qui a rédigé ou proposé le texte : on applique le principe in dubio contra stipulatorem (particulièrement important en matière de contrat d’assurance ou d’interprétation des conditions générales).

o L’interprétation doit privilégier la solution qui permet au mieux de sauvegarder le contrat : on applique le principe in favorem negotii.

o L’interprétation doit s’inspirer des usages : on se réfère au sens reconnu à un terme ou une clause dans le milieu auquel appartiennent les parties.

L’interprétation conduit à un résultat positif lorsque le juge établit l’existence d’une volonté concordante (issue de l’interprétation subjective, volonté réelle, ou de l’interprétation objective, volonté présumée) sur la question litigieuse. Lorsque cela n’est pas possible, on est en présence d’une lacune, que le juge doit combler par le biais du complètement du contrat. Le problème porte sur la règle qu’il convient d’appliquer pour combler la lacune du contrat. L’existence d’une lacune suppose deux éléments. Premièrement, il faut qu’au terme de l’interprétation, le juge constate que le contrat est muet sur un point. Les parties n’ont ainsi pas réglé un point qui aurait dû l’être selon l’économie du contrat. Il faut deuxièmement que cette lacune ne concerne qu’un point secondaire. En effet, s’il s’agit d’un point essentiel, il n’y a pas d’accord entre les parties et le juge ne peut y suppléer. Pour combler la lacune, le juge dispose de deux méthodes, qu’il doit appliquer selon les cas :

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- S’il existe une règle légale supplétive : la partie générale, la partie spéciale et certaines lois spéciales contiennent un ensemble de règles destinées à combler les lacunes que les parties peuvent avoir laissées. Ainsi, si le contrat appartient à l’un des types réglés par la loi (contrats nommés), le juge pourra appliquer la règle proposée par la loi, à condition encore qu’elle corresponde à l’économie générale du contrat et du problème.

- S’il n’existe aucune règle légale supplétive ou la règle légale renvoie directement au pouvoir d’appréciation du juge : c’est notamment le cas pour les contrats innommés mais aussi pour les contrats nommés lorsque la réglementation est sommaire, incomplète ou inadaptée au contrat. Le juge doit alors reconstruire la volonté hypothétique des parties à partir des règles de la bonne foi. Il s’inspire donc des règles qui figurent dans d’autres contrats analogues (suisses ou étrangers) ou des usages.

Précisons que le juge peut compléter un contrat soumis à une exigence de forme particulière même lorsque la lacune porte sur un point qui aurait dû revêtir une forme particulière, et ce en dérogation au principe de la forme.

La correction du contrat (ou hardship, clausula rebus sic stantibus) concerne l’application d’une clause contractuelle qui paraît excessivement dure pour l’une des parties en raison de circonstances qui se sont modifiées. Les parties considèrent qu’elles sont liées par une contrat valable et sont d’accord sur le sens à lui donner (au contraire des problèmes d’interprétation) mais l’une d’elle prétend qu’ils serait excessif d’exiger qu’elle s’y conforme en raison d’une modification des circonstances. La situation peut sembler contraire au principe de la fidélité contractuelle mais la correction se justifie lorsqu’il apparaît que la solution contractuelle ne peut pas répondre à la question qui surgit. Il s’agit en fait d’une forme qualifiée de complètement du contrat. Il peut en effet arriver que l’évolution des circonstances soit telle que l’exécution exigerait d’une partie des engagements sans proportion avec ce qui avait été envisagé (théorie de l’exorbitance ou de l’imprévision). La prestation n’est donc pas impossible, mais elle exigerait du débiteur des efforts ou des coûts sans relation avec ce qu’il avait promis. Pour éviter de devoir corriger le contrat, il est possible de prévoir que la survenance d’une circonstance nouvelle constitue une condition déclenchant une procédure de renégociation (clause de renégociation). Ce procédé est particulièrement utilisé dans les contrats de durée, où l’évolution des circonstances est fréquente, l’exécution se faisant sur le long terme.

Lorsque les parties n’ont rien prévu, la correction du contrat dépend de la loi. Celle-ci contient des règles correctives qui peuvent être positives (elles prescrivent une correction, art. 83, 309 al. 2, 373 al. 2, 475 al. 1 ou 510 CO) ou négatives (elles excluent toute correction, art. 324 ou 486 al. 1 CO). En l’absence de règles (contractuelles ou légales), il existe deux voies :

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- La théorie de l’erreur sur les faits futurs : la jurisprudence autorise une partie à invoquer l’erreur sur des faits futurs s’ils étaient prévisibles.

- La théorie de la clausula rebuc si stantibus : à des conditions exceptionnelles, on admet qu’une partie peut refuser d’exécuter strictement son obligation lorsque les circonstances ont fondamentalement changé depuis la conclusion du contrat. Les contrats seraient donc conclus avec une clause implicite (clausula) selon laquelle un engagement ne vaut qu’à condition que les circontsances restent en l’état (rebuc sic stantibus). Pour fonder cette théorie, la jurisprudence a longtemps eu recours à l’abus de droit : le créancier commettait un abus de droit s’il exigeait le respect strict d’une obligation dont les conditions ont fondamentalement changé. Cette utilisation de l’abus de droit pose toutefois problème puisqu’il n’est pas possible d’y renoncer alors que les parties peuvent précisément exclure la clausula de leur contrat.

Au final, pour admettre une correction du contrat, trois conditions (au moins) doivent être remplies. Il faut donc :

- Des circonstances nouvelles, inévitables et imprévisibles : des circonstances avec lesquels les parties n’avait pas compté (raisonnablement imprévisibles ou expressément exclues) doivent survenir postérieurement à la conclusion du contrat. La survenance de ces circonstances doit en plus modifier fondamentalement le contenu réel ou les conditions d’exécution de la prestation promise.

- Un déséquilibre excessif : le changement doit avoir provoqué, pour l’une des parties, un déséquilibre important entre charge et utilité. Cela se traduit principalement par la valeur de la prestation promise. Le déséquilibre doit naturellement être le résultat des circonstances nouvelles (exigence d’un lien de causalité).

- L’absence de faute : la survenance des circonstances nouvelles ne pas être imputable au débiteur.

Le contenu de la prestation   :

La prestation est le sacrifice de quelque bien à l’avantage d’autrui (comportement déterminé par lequel le débiteur procure à ses dépens un avantage matériel ou immatériel à une autre personne). Le contenu des obligations légales est déterminé par la loi et les parties devront s’y conformer. Le contenu des obligations volontaires est au contraire déterminé par le contrat. La prestation contractuelle n’a pas besoin d’être spécifiquement déterminée, il suffit qu’elle soit déterminable. Seule l’exécution de la prestation convenue le débiteur. Une autre prestation (un aliud) ne le libère pas (sauf convention particulière). En vertu de la liberté contractuelle (art. 19 al. 1), la prestation peut consister en n’importe quel sacrifice (dans les limites de l’ordre juridique, art. 19

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al. 2). On peut ainsi établir de nombreuses distinctions parmi les prestations. Dans de nombreux cas, le comportement du débiteur produit une attribution (déplacement de valeurs d’un patrimoine vers un autre). L’attribution peut être directe (du débiteur au créancier) ou indirecte (cas de stipulation pour autrui, où la valeur provient du patrimoine d’un tiers). Toute attribution a une cause qui fonde le comportement de celui qui l’exécute. Si tel n’est pas le cas, l’auteur peut la répéter selon les règles de l’enrichissement illégitime. On peut brièvement citer trois types de cause, selon qu’elle vise l’exécution d’une obligation (causa solvendi), l’octroi d’un crédit (causa credendi) ou une donation (causa donandi).

Il s’agit à présent de présenter trois types de prestations : les prestations matérielles, personnelles et négatives. Les premières concernent la livraison ou la remise d’une chose. Il y a souvent prestation matérielle en cas de contrats tendant au transfert d’une chose (art. 184 ss CO : vente et donation) ou à la cession de son usage (art. 253 CO : bail ou prêt). Cette définition ne concerne pas l’argent (dettes d’argent présentées à part). Parmi les prestations matérielles, il est possible d’effectuer deux distinctions principales :

- Chose de genre et corps certain : la distinction sert à l’individualisation de la chose due. Son application est subjective et dépend donc de la volonté des parties. Une chose de genre est une chose qui appartient à une catégorie déterminée par certains caractères généraux (art. 71 CO). Le choix exige une spécification (acte formateur), qui revient au débiteur. Ce dernier a donc le choix d’offrir toute chose, pourvu qu’elle soit de la qualité convenue (qualité moyenne au moins) et qu’elle corresponde au genre déterminé. Un corps certain est une chose qui est individualisée par des signes distinctifs suffisants (un tableau précis, un livre déterminé).

- Chose fongible et chose non-fongible : la distinction permet de définir les quantités dues. Elle est objective et indépendante de la volonté des parties. Une chose fongible est une chose qu’il est d’usage de désigner par le nombre, la mesure ou le poids (argent, charbon, tissu). Une chose fongible au contraire ne nécessite pas de mesure particulière.

Les prestations personnelles concernent le fait pour le débiteur d’effectuer une prestation positive autre que la livraison d’une chose. Cette prestation est caractéristique des contrats de prestation de services (art. 319 ss CO, travail, 363 ss CO, entreprise ou 394 ss CO, mandat). On distingue encore :

- Les prestations personnelles de résultat : le débiteur promet alors le résultat escompté. L’entrepreneur promet de réaliser et de livrer l’ouvrage convenu sans défaut et tant qu’il ne s’est pas totalement acquitté de cette obligation, il n’a pas exécuté la prestation. La loi aménage pour ce type de prestation un régime spécial de garantie.

- Les prestations personnelles de moyens : le débiteur rend le service ne promet que d’user de toute sa diligence en vue du résultat escompté mais

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ne garantit rien. Le médecin promet de tout mettre en œuvre pour guérir son patient mais, même s’il n’y parviens pas, il aura exécuté son obligation s’il a entrepris tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre de lui.

La distinction importe avant tout en cas d’inexécution, la loi prévoyant un régime spécial pour les obligations de résultat (garantie pour les défauts, art. 197 ss ou art. 367 ss CO). A côté de cette première distinction, il en existe une seconde :

- Les prestations personnelles qualifiées ou strictement personnelles : dans ce cas, celui qu’elles visent est seul à même et en droit de les exécuter selon les règles applicables (relation avec la personne : intuitu personae). Personne ne pourra faire la prestation à sa place (cas d’impossibilité).

- Les prestations personnelles ordinaires : celui qu’elles visent ne doit pas nécessairement les exécuter lui-même. Il peut en charger un tiers.

Enfin, les prestations négatives concernent le fait pour le débiteur de renoncer à un droit qu’il aurait sinon le droit d’exercer. Il s’impose donc une limitation de sa liberté d’action. Ces prestations complètent souvent des prestations positives. On distingue deux formes de prestations négatives :

- L’abstention : le débiteur renonce dans ce cas en faveur du créancier à un comportement qu’il serait en droit d’avoir (engagement de non-concurrence par exemple, art. 340 CO).

- La tolérance : le débiteur renonce alors à s’opposer à l’activité du créancier alors qu’il en aurait le droit (tolérance d’exploitation d’un bar particulièrement bruyant).

Les contrats contenant ce genre de prestations posent deux problèmes concernant la validité de l’accord (personne ne peut renoncer sans limite à sa liberté) et concernant le régime en cas d’inexécution (presque impossible d’assurer l’exécution forcée de telles prestations).

Pour terminer, il convient de parler de l’exécution d’une autre prestation que celle prévue. Le débiteur ne peut en principe se libérer qu’en effectuant la prestation convenue. Toutefois, avec l’accord de l’autre partie, il peut parfois aussi se libérer en faisant une autre prestation. Cela suppose un accord, qui peut être initial ou subséquent. Les parties peuvent ainsi convenir que le débiteur aura le choix entre deux ou plusieurs prestations. Il faut dès lors distinguer deux cas, selon que l’obligation est alternative, ou à faculté alternative :

- L’obligation alternative (art. 72 CO) : le débiteur promet dans ce cas plusieurs obligations (livrer du blé ou du froment) mais n’en doit qu’une. Il se libère dès lord en exécutant la prestation qu’il choisie.

- L’obligation à faculté alternative : le débiteur ne doit qu’une seule prestation, mais il est autorisé par le contrat ou une déclaration unilatérale du créancier (voire par la loi) à se libérer en exécutant une autre prestation qui la remplace. Le débiteur ne doit donc qu’une

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obligation, mais il dispose de deux possibilités de se libérer (un ares in obligationes, sed duae in solutione). Il s’agit donc simplement d’une faculté dans l’exécution du contrat. Dans ce genre de cas, le débiteur ne peut exiger que la prestation promise. Ainsi, si elle venait à disparaître, le créancier ne pourra plus demander l’exécution du contrat (cas d’impossibilité, art. 120 CO).

Les parties peuvent aussi décider, après la conclusion du contrat mais au plus tard au moment de l’exécution, d’autoriser le débiteur à faire une autre prestation. Là encore, on distingue deux cas :

- La dation en paiement ou à titre de paiement : le débiteur et le créancier conviennent que la dette sera exécutée par la remise ou la cession d’un bien autre que celui convenu. Si le créancier l’accepte, la nouvelle prestation remplace la prestation originelle avec effet libératoire. Il s’agit ainsi d’une modification conventionnelle de la prestation due.

- La dation en vue du paiement : le débiteur exécute bien une prestation autre que celle qui avait été convenue, mais elle n’a pas pour effet de le libérer immédiatement. Le créancier fera réaliser l’objet remis et en imputera le produit sur la prestation due, le débiteur restant tenu du solde. La dette n’est donc éteinte que dans la mesure et au moment où le créancier est désintéressé. Ainsi, si le débiteur cède au créancier une créance qu’il a lui-même contre un tiers, il ne sera libéré que dans la mesure où l’entier de la dette peut être remboursée par la créance cédée.

11. Cours du 6 décembre 2011   :

Les modalités de la prestation   :

Il ne suffit pas que la prestation soit exécutée, encore faut-il qu’elle le soit conformément aux modalités prévues, sans quoi le débiteur n’est pas libéré. Ces modalités peuvent être fixées par la loi ou par diverses règles spéciales. Étant supplétive pour les obligations de nature volontaire, les règles légales sur l’exécution des obligations peuvent être modifiées par contrat (adoption des conditions générales ou de conventions spéciales qui y dérogent). Ces règles sont les plus diverses et concernent la personne et l’objet (art. 68-73), le lieu (art. 74), l’époque de l’exécution (art. 75-83) et le paiement (art. 84-90). Dans ce contexte, il s’agit donc de traiter de l’auteur de l’exécution, du destinataire de l’exécution, du moment de l’exécution et du lieu de l’exécution.

Premièrement, il faut déterminer qui doit ou peut exécuter la prestation. Seul le débiteur est engagé, c’est lui qui promet la prestation et c’est à lui que le créancier peut s’adresser pour en obtenir l’exécution (sous réserve de cas où le créancier est en droit de rechercher le tiers qui contrôle le débiteur : théorie de la transparence). Toutefois, il n’est pas absolument nécessaire que le débiteur se

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charge lui-même de l’exécution. Le principe veut en effet qu’une obligation ne soit pas personnelle (art. 68 a contrario). Il peut donc charger un auxiliaire d’effectuer la prestation (même contre la volonté du créancier). Le créancier qui refuse l’exécution par le tiers alors que celui-ci peut le faire tombe en demeure (art. 91 ss CO). Le recours à un tiers ne libère pas pour autant le débiteur de son obligation, ni de sa responsabilité en cas de violation (art. 101 CO), sauf si le débiteur se substitue un tiers qui exécutera la prestation en son propre nom (avec l’accord du créancier). Par exception à ce principe toutefois, le débiteur peut être tenu d’exécuter personnellement la prestation (obligation personnelle). C’est le cas si le contrat le prévoit ou si la loi l’impose (obligation personnelle qualifiée, surtout en cas de prestations de services).

Concernant l’auteur d’une prestation, il faut encore parler du cas particulier de l’exécution par un tiers. Lorsque cela est possible, il faut distinguer s’il s’agit d’une obligation de le faire ou d’un droit de le faire. Dans le premier cas, l’obligation doit être faite par le tiers si tel est le contenu de l’accord passé entre les parties. Un débiteur peut même se porter fort envers son créancier qu’un tiers totalement indépendant de lui effectuera une prestation, faute de quoi il versera des dommages-intérêts (art. 111). Il ne s’agit toutefois pas d’une exécution par un tiers puisque le débiteur prend un engagement propre et indépendant, visant à garantir la prestation du tiers (hypothèse de garantie indépendante). Lorsqu’il s’agit d’un droit (d’une possibilité donc), l’exécution peut être faite par un tiers, pour autant qu’il ne s’agisse pas d’une obligation personnelle qualifiée. Le tiers peut agir avec l’accord du débiteur (ou sans, il s’agit alors d’une intervention).

Deuxièmement, par rapport au destinataire, on se demande alors à qui la prestation doit ou peut être exécutée. L’exécution doit en principe être faite au créancier pour libérer le débiteur. Par exception à cette règle, le débiteur peut s’exécuter valablement en faisant sa prestation à un tiers. Là encore, il faut distinguer l’obligation de le faire et le droit de le faire. Lorsqu’il s’agit d’une obligation d’exécuter la prestation à un tiers, on parle de stipulation pour autrui (nom de la clause générale qui le prévoit). Celle-ci doit avoir été convenue par les parties mais peut exceptionnellement être imposée par la loi (en cas de saisie d’une créance) ou être décidée par le juge (art. 117 CC par exemple). Le débiteur promet alors au créancier de faire sa prestation à un tiers bénéficiaire (art. 112). La stipulation pour autrui n’est pas un type de contrat mais une modalité particulière d’exécution d’une prestation prévue par un contrat de n’importe quel type. On peut citer les exemples d’un père de famille qui conclut un contrat de bail avec un bailleur en faveur de sa fille ou d’une entreprise qui vend un objet à une personne en convenant que le prix sera payé à un tiers. La stipulation pour autrui met donc en relation trois parties : le promettant (débiteur), le stipulant (créancier principal pouvant exiger l’exécution) et le bénéficiaire (tiers auquel le promettant doit faire sa prestation). Il existe donc forcément trois relations :

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- Entre le promettant et le stipulant : cette relation fonde la prestation que le premier promet au second. On parle de rapport de provision ou de couverture et il s’agit de l’objet du contrat de base.

- Entre le stipulant et le bénéficiaire : cette relation fonde l’attribution que fait le premier fait au second. On parle de rapport de valeur et il s’agit de l’objet de la clause bénéficiaire.

- Entre promettant et le bénéficiaire : cette relation fonde la prestation que premier fait au second. On parle de rapport de prestation et il s’agit de la cause de l’attribution dont bénéficie le bénéficiaire.

La stipulation pour autrui peut être imparfaite ou parfaite. Elle est imparfaite (cas ordinaire, art. 112 al. 1) lorsque seul le stipulant est le créancier. Le bénéficiaire n’a donc que le droit de recevoir la chose, mais pas celui de l’exiger. Elle est parfaite lorsque le bénéficiaire a un droit de créance, parallèle à celui du créancier. Ce cas exceptionnel découle forcément de l’accord des parties, de l’usage (art. 112 al. 2) ou de la loi. Le promettant a donc deux créanciers. La stipulation pour autrui est une possibilité (un droit et non une obligation) dans trois cas (mêmes situations que celles permettant une stipulation parfaite) :

- En vertu d’une autorisation du créancier, initiale ou subséquente à la naissance de l’obligation, expresse ou tacite, contenue dans le contrat ou conférée par un acte juridique unilatéral.

- En vertu de la loi, pour la consignation de la prestation en cas de demeure du créancier par exemple (art. 91, 92, 96 CO).

- En vertu de l’usage des affaires, pour le paiement sur le compte de chèque postal ou bancaire du créancier par exemple.

La troisième question à résoudre en rapport avec l’exécution est de savoir quand la prestation doit ou peut être effectuée. Il faut alors distinguer trois notions qui déterminent trois moments : l’exécutabilité, l’exigibilité et l’échéance. L’exécutabilité est le moment à partir duquel le débiteur a le droit d’exécuter sa prestation avec effet libératoire. Au droit du débiteur correspond le devoir du créancier d’accepter la prestation (sous peine de demeure). Cette question n’a qu’une importance réduite. Il s’agit de déterminer si le débiteur est autorisé à exécuter sa prestation. La loi pose deux principes en relation avec l’exécutabilité. L’art. 75 précise que le débiteur peut exécuter sa prestation immédiatement (pendant de l’exigibilité immédiate). L’art. 81 quant à lui ajoute que le débiteur peut exécuter sa prestation avant l’échéance ou avant l’exigibilité si le contraire n’a pas été expressément ou implicitement convenu.

L’exigibilité est le moment à partir duquel le créancier a le droit d’exiger la prestation du débiteur. Dès que la créance est exigible, le créancier peut prétendre à son exécution et librement choisir le moment de l’échéance. Ce moment sert donc souvent de point de départ au cours de la prescription. Tant

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que le créancier ne l’exige pas, le débiteur dispose d’une exception qui l’autorise à ne pas s’exécuter. L’exigibilité peut être déterminée de deux manières :

- Par la volonté des parties : les parties sont en principe libres de déterminer ce moment comme elles l’entendent. Sans indication, la détermination de l’exigibilité se fera en fonction de la nature de l’affaire (art. 75 CO), cette règle ne valant que pour les obligations contractuelles.

- Par la loi : à défaut de règles conventionnelles, le moment déterminant est fixé par la loi : une dette est immédiatement exigible et le créancier peut tout de suite provoquer l’échéance par interpellation (sous réserve bien entendu du temps de réaction nécessaire). Cette règle ne vaut toutefois qu’en l’absence de règles spéciales (art. 213, 257c, 318, 475 CO).

L’exigibilité de la créance, fixée par contrat ou par la loi, doit être relativisée par les deux exceptions des art. 82 et 83 CO :

- L’exception d’inexécution (exceptio non adimpleti contractus) : l’art. 82 joue un rôle fondamental dans les contrats impliquant un échange. Il autorise le débiteur à retenir sa prestation tant que son cocontractant n’a pas exécuté ou sérieusement offert d’exécuter sa propre prestation. Ainsi, sauf convention contraire, les prestations dans un rapport d’échange doivent être exécutées simultanément. Cet article s’applique donc en particulier aux contrats synallagmatiques ou bilatéraux parfaits.

- L’exception d’insolvabilité : l’art. 83 vise à protéger la partie confrontée à un cocontractant devenu insolvable. Il permet au débiteur de retenir sa prestation en cas d’insolvabilité de son cocontractant qui ne s’est pas encore exécuté tant que celui-ci ne lui a pas fourni une garantie appropriée. En l’absence de celle-ci, il peut même se départir du contrat (art. 83 al. 2). La règle s’applique de manière générale à toutes les prestations simultanées (pas uniquement contrats synallagmatiques).

L’échéance est le moment auquel le débiteur doit faire sa prestation. Il doit s’exécuter et le créancier est dans tous les cas tenu d’accepter la prestation. L’échéance est le point de départ de la demeure (moment auquel celle-ci intervient si les autres conditions sont remplies). L’échéance peut être déterminée par contrat ou par interpellation. Dans le premier cas, les parties ont fixé dans leur contrat le moment auquel le débiteur doit effectuer sa prestation (terme comminatoire, art. 102 al. 2). A défaut de clause la fixant, l’échéance doit être provoquée par le créancier au moyen d’une interpellation (art. 102 al. 1 ; invitation que le créancier fait au débiteur d’exécuter sa prestation). Même si la dette est échue, le débiteur peut refuser de l’exécuter sans tomber en demeure s’il dispose d’une exception (exception d’inexécution ou sursis accordé). Les différents moments mentionnés ci-dessus peuvent être fixés de manière absolue (date précise) ou relative (à la mort de X). Il est aussi possible de les fixer en utilisant un terme (jour auquel la prestation est exécutable, exigible ou échue) ou

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un délai (laps de temps durant lequel, ou au plus tard au terme duquel, la prestation est exécutable, exigible ou échue).

Enfin, la quatrième question à résoudre est de savoir où le débiteur doit ou peut effectuer la prestation (art. 74). Ce lieu doit être plus ou moins déterminé dans l’espace. Il s’agit en principe le lieu de la dernière activité nécessaire à l’exécution. La détermination du lieu est importante dans la mesure où le débiteur n’est valablement libéré que s’il exécute la prestation en ce lieu. Il court donc le risque de tomber en demeure s’il le fait en un autre endroit (art. 102 ss). Comme souvent, le lieu de l’exécution peut être déterminée de deux manières :

- Par la volonté des parties : les parties peuvent convenir d’une détermination directe (de manière certaine : lieu précis), indirecte (pas de précision) ou expresse (tacite).

- Par la loi : à défaut de règles conventionnelles, le lieu d’exécution est fixé par la loi (règles spéciales, art. 477 CO ou 861 CC, ou générales, les premières primantles secondes). L’art. 74 al. 2 exprime trois règles :

o Les dettes d’une somme d’argent doivent être payées au lieu où le créancier est domicilié au moment du paiement (art. 74 al. 2 ch. 1). Il s’agit alors de dettes portables (débiteur doit livrer).

o Les dettes d’une chose déterminée doivent être exécutées au lieu où la chose se trouvait au moment de la conclusion du contrat (art. 74 al. 2 ch. 2). On parle alors de dettes quérables (créancier reçoit).

o Toutes les autres obligations doivent être exécutées au lieu où le débiteur était domicilié au moment de la conclusion (art. 74 al. 2 ch. 3). Il peut s’agir par exemple des dettes de genre.

Le problème le plus délicat concerne les prestations matérielles, lorsque le lieu d’exécution ne correspond pas au lieu où se trouve la chose. L’exécution de la prestation exige alors un transport, forcément générateur de coûts et de risques. On distingue dans ce contexte deux cas :

- Le lieu d’exécution est celui de la destination finale : la dette est portable : le débiteur a l’obligation de transporter la chose au lieu de destination et il assume les frais et les risques du trajet (art. 189 al. 2).

- Le lieu d’exécution n’est pas celui de la destination finale : dans ce cas, soit le débiteur met la chose à disposition du créancier qui doit venir la chercher ou la faire chercher par un auxiliaire ou un transporteur (dette quérable, le créancier assume les frais et les risques, art. 74 al. 2 ch. 2), soit le débiteur peut s’engager à charger un tiers du transport pour le compte et aux frais et risques du créancier (dette sujette à expédition, le débiteur ne répond que du soin avec lequel il a choisi et instruit le transporteur, art. 189 al. 1).

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12. Cours du 13 décembre 2011   :

Les dettes d’argent   :

ll y a dette d’argent lorsque l’obligation a pour objet une prestation (matérielle) pécuniaire (paiement qui s’effectue au moyen d’une somme d’argent). L’argent (numéraire) est représenté par des choses mobilières, en métal ou en papier, servant de mesure de valeur et de moyen général d’échange. La dette d’argent est une dette de somme : le débiteur doit un nombre représentant le montant dû (la prestation n’est de ce fait jamais impossible). Les parties peuvent convenir divers éléments, notamment :

- La dette portera sur des billets individualisés (premier billet d’une série déterminée : dette de corps certain).

- La dette portera sur un certain nombre de signes monétaires d’un genre déterminé (mille pièces de cinq francs : dette de genre).

- La dette portera sur une valeur (dette de valeur) exprimée en relation avec un paramètre déterminé (clause d’indexation liée au dollar américain, au franc, au cours de l’uranium ou au taux d’escompte.

Le paiement peut se faire en espèces ou par des écritures. Le premier est visé par l’art. 84 CO, qui distingue :

- Le paiement d’une dette exprimée en monnaie suisse (principe) : sauf convention contraire, le débiteur est tenu d’offrir le paiement en francs suisses et le créancier est tenu de l’accepter, sous peine de tomber en demeure (art. 91 CO).

- Le paiement d’une dette exprimée en monnaie étrangère : si les parties en sont convenues, le débiteur est tenu d’offrir le paiement en monnaie étrangère et le créancier est tenu de l’accepter. L’art. 84 al. 2 accorde au débiteur la faculté alternative de s’acquitter d’une dette exécutable en Suisse « en monnaie du pays au cours du jour de l’échéance », ce que devra forcément accepter le créancier. Le principe de l’art. 84 al. 2 ne doit pas être confondu avec la règle du droit de poursuite applicable au recouvrement des créances en monnaie étrangère (art. 67 al. 1 ch. 3 LP).

Le paiement scriptural est né de la multiplication des comptes bancaires. Il s’agit d’un système de règlement par virement de valeurs sans transfert de numéraire (monnaie scripturale). Lorsque le virement est effectué par informatique, on parle de monnaie électronique. Dans la plupart des cas, il y a alors relations tripartites entre le débiteur (client), l’institut financier qui gère le système et le créancier (commerçant) qui y est affilié. Cette pratique amène deux précisions :

- Le devoir d’accepter : le virement ne constitue en général pas un paiement au sens strict, lequel requiert la remise directe des numéraires. Le débiteur qui y recourt ne se libère pas et le créancier n’est pas tenu

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d’accepter ce mode d’exécution (la loi peut paraître inadaptée par rapport à l’évolution des moyens de paiement). Les usages et la doctrine dominante retiennent toutefois qu’il y a exécution (par substitut au paiement) lorsque le créancier dispose d’un compte de chèques postaux ou lorsqu’il indique un compte bancaire au débiteur. En outre, le simple fait d’ouvrir et d’entretenir un compte bancaire constitue une acceptation tacite de l’exécution par virement (sauf convention contraire).

- Le moment de l’exécution : l’exécution n’est censée être parfaite qu’au moment où le créancier reçoit l’avis de crédit ou le paiement d’un mandat postal. Toutefois, il est plus juste de dire que le paiement est effectif à partir du moment où le créancier dispose effectivement du montant dans ses comptes et peut donc en tirer profit.

Pour finir, il est encore nécessaire de parler de la dette d’intérêts (compensation pécuniaire due au créancier pour le capital dont celui-ci est privé). Il s’agit d’un fruit civil et sa valeur est déterminée en fonction du montant de la dette, du taux d’intérêt et de la durée. La dette d’intérêt est accessoire, car elle suit le sort de la dette principale (art. 114 CO). Le principe est que le débiteur d’une certaine somme d’argent ne doit pas d’intérêt. Pour que cela soit différent, il faut que le créance d’intérêt ait une cause. Cela amène la distinction suivante :

- Les intérêts conventionnels : ils sont prévus par la volonté des parties (explicite, art. 313 al. 1, ou tacite, art. 313 al. 2). Le taux peut être fixé par la convention des parties ou l’usage (art. 314 al. 1). Si rien n’est prévu, il est fixé à 5% (art. 73 al. 1). La liberté des parties est tout de même limitée par les règles générales (lésions, art. 21)ou spéciales de droit public (art. 73 al. 2 CO, 14 LCC) et par quelques principes généraux (interdiction de l’anatocisme : il ne peut y avoir d’intérêts sur des intérêts).

- Les intérêts légaux : prévus par la loi, il en existe deux formes principales, qui sont de même nature et ont la même fonction, ce qui fait qu’ils ne peuvent être cumulés (enrichissement illégitime) :

o L’intérêt moratoire : il est dû en cas de retard du débiteur dans l’exécution de sa dette (art. 104 et 105 CO).

o L’intérêt compensatoire ou indemnitaire : il est dû par celui qui est tenu de réparer le dommage causé à autrui (en pratique fixé à 5%).

13. Cours du 20 décembre 2011   :

L’inexécution des obligations   (art. 97-109)   :

Il y a inexécution chaque fois qu’une obligation n’est pas exécutée du tout par le débiteur ou qu’il la viole de quelque autre façon. La loi distingue l’inexécution (art. 97-101 CO) de la demeure (art. 102-109 CO). L’obligation ayant pour nature d’astreindre le débiteur à exécuter sa prestation, le créancier dispose de différents moyens de contrainte pour l’y forcer et obtenir ce qui lui est dû (régime de la garantie au sens large). Les art. 97 ss s’appliquent en général à

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toutes les obligations, peu importe leur cause ou leur contenu. Toutefois, l’art. 98 al. 2 et 3 ne s’applique qu‘aux obligations de ne pas faire, les art. 104-106 aux dettes d’argent et les art. 107-109 aux contrats synallagmatiques. Le régime n’est également pas applicable aux obligations naturelles, par définition privées du droit d’action (lien avec les pactum de non petendo). Il faut ensuite distinguer :

- Les règles légales : la loi met à disposition du créancier certains moyens destinés à obtenir l’exécution (ou son équivalent). Ces moyens servent à amener le débiteur à obtempérer (directement ou indirectement).

- Les solutions conventionnelles : les parties ont (comme souvent) la faculté de modifier ce régime : la solution choisie a nécessairement un caractère spécial puisqu’elle ne concerne que l’obligation qui les lie et est de ce fait réservée aux obligations contractuelles.

Il existe trois types de mesures légales en cas d’inexécution :

- L’exécution forcée : cette mesure consiste à donner au créancier le droit de s’adresser aux autorités étatiques afin d’obtenir la condamnation du débiteur et, si cela est possible, l’exécution par la force de la prestation.

- La responsabilité contractuelle : il s’agit de condamner le débiteur à réparer le préjudice causé au créancier du fait de l’inexécution. Ce moyen s’applique si l’exécution de la prestation n’est plus possible et également en cas de violation d’une obligation contractuelle. L’indemnité que devra payer le débiteur se substitue à la prestation

- La demeure du débiteur : ce moyen s’applique si le débiteur n’a pas exécuté la prestation à l’échéance (idée d’inexécution dans le temps). La loi reconnaît au créancier des droits supplémentaires, dont celui de modifier, voire de résoudre unilatéralement un contrat synallagmatique.

Pour certains contrats, le régime de l’inexécution est complété par des mesures spéciales (garantie pour éviction dans la vente, art. 192 ss ou garantie pour les défauts, art. 197 ss). L’exercice de ces solutions est soumis à des conditions restrictives, touchant les incombances du débiteur et la prescription. Parmi les solutions légales, à côté du régime traditionnel, il existe un certain nombre de solutions nouvelles. Il s’agit d’un héritage du droit romain qui liste avant tout trois modes de réparation :

- L’exécution forcée : le créancier exige alors l’exécution de la prestation. - La réparation du dommage : mesure générale dans tous les domaines.- La réduction des prestations ou la résolution du contrat : réservée aux

contrats fondées sur un échange entre les prestations, la mesure peut :o Réduire le prix : le créancier a la faculté de réduire unilatéralement

sa propre prestation en proportion des faiblesses et défauts affectant celle de son partenaire (réduction du prix de vente). On se rapproche alors d’un cas de demeure partielle.

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o Résoudre le contrat : le créancier peut unilatéralement résoudre le contrat et se libérer de la prestation qu’il doit. Le moyen est prévu dans les régimes de garantie (action rédhibitoire) mais correspond sous cette forme à la demeure au sens large (art. 96 CO).

Enfin, concernant les solutions conventionnelles, les parties ont, en vertu du principe de la liberté contractuelle, le droit de déroger aux règles légales :

- Par le biais de solutions extensives : il s’agit alors d’étendre les droits du créancier en allégeant les conditions auxquelles il peut faire valoir les moyens légaux, voire même en lui reconnaissant d’autres moyens. On peut citer le cas des sûretés personnelles et réelles ou des clauses pénales.

- Par des solutions restrictives : les parties peuvent aussi convenir de réduire les droits du créancier (conditions aggravées). Il est même possible de supprimer tout moyen d’action (pactum de non petendo) et consacrer ainsi une forme d’obligation naturelle.

L’exécution forcée   :

L’exécution forcée permet d’obtenir l’exécution directe de la prestation avec l’aide des organes de l’État. On distingue deux moments clés :

- Le jugement de condamnation : le créancier dispose d’un droit d’action (sauf obligation naturelle) : l’action en exécution, intentée devant les juridictions étatiques compétentes (ou devant des arbitres). L’objet de l’action tend à obtenir du juge qu’il condamne le débiteur (défendeur) à exécuter ce qu’il a promis (in forma specifica). On différencie ensuite :

o L’action condamnatoire : le juge ordonne au débiteur d’exécuter la prestation (règle de base). Le créancier peut faire valoir ce droit pour tout inexécution, tant que la prestation reste possible.

o L’action formatrice : si c’est possible, le juge rend une décision qui remplace l’exécution directe et donne son consentement à la place du débiteur (dans le cadre d’une exécution d’une promesse de vente, le juge remplace la MdV que le débiteur refuse de faire).

o L’action constatatoire : il suffit que le juge constate que le débiteur doit la prestation. Cette action est toutefois subsidiaire à l’action condamnatoire et suppose un intérêt particulier du demandeur.

- Les mesures d’exécution : lorsque le débiteur refuse d’obtempérer à un jugement le condamnant, le créancier peut tenter d’obtenir l’exécution directe par le biais des organes de l’État. Basé sur la garantie attachée à toute obligation, la procédure diffère selon que la prestation vise le paiement d’une somme d’argent ou une autre prestation.

Le système de la garantie repose sur la valeur pécuniaire de la plupart des dettes. La prestation due (dettes d’argent ou toute obligation dont la violation fonde une

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responsabilité contractuelle) est remplacée par le paiement d’une indemnité qui sanctionne la violation du devoir. La dette contractuelle se transforme ainsi en une dette d’argent. 5 principes régissent le régime de la garantie :

- La garantie ne porte que sur le patrimoine du débiteur : elle ne peut porter sur sa personne et le débiteur qui ne paie pas ne peut être condamné pénalement (sauf en cas de comportement qualifié).

- La garantie ne concerne que le débiteur : elle ne peut porter sur le patrimoine d’une autre personne, peu importe ses liens avec le débiteur, sauf en cas d’engagements supplémentaires (garanties spéciales).

- La garantie porte sur tous les biens du débiteur : selon le principe de l’unité du patrimoine, le débiteur ne peut limiter sa garantie à certains biens. Le moment déterminant servant à déterminer quels sont les biens du débiteur est celui de la saisie ou de l’ouverture de la faillite. Rien n’interdit au débiteur de mettre des biens en gage en faveur de créanciers (priorité du droit réel sur les droits personnels).

- La garantie porte sur la valeur de réalisation des biens : la garantie ne porte pas sur les biens eux-mêmes mais sur leur valeur de réalisation. Le créancier ne peut s’approprier les biens du débiteur : il doit lancer une procédure de confiscation puis de vente des biens. L’exécution privée est donc interdite (sauf exception de la compensation, art. 120 CO).

- La garantie est en principe la même pour tous les créanciers : avant tout en cas de faillite (par opposition aux cas de saisie), lorsque la valeur des biens à disposition ne suffit pas à désintéresser tous les créanciers, elle sera répartie proportionnellement entre eux (principe sujet à exceptions).

L’exécution des prestations en argent (procédure de poursuite applicable aux dettes pécuniaires) obéit à des règles spéciales, gouvernées par le principe de célérité. L’ensemble se déroule en deux phases :

- La phase préliminaire (procédure préalable) : o La procédure est ouverte par une réquisition de poursuite que le

créancier adresse à l’office compétent (art. 67 LP). Celui-ci y donne suite par un commandement de payer notifié au débiteur (art. 69), qui peut faire opposition dans un délai de 10 jours (art. 74 ss). S’il persiste à ne payer et ne fait pas opposition, le créancier pourra poursuivre la procédure par la phase principale.

o En cas d’opposition au commandement de payer : Si le créancier possède une reconnaissance de dette ou un

titre équivalent (art. 82 ss LP), il peut obtenir la mainlevée provisoire de l’opposition et le débiteur doit alors agir en libération de dette dans le délai prescrit (art. 83 al. 2 LP). Cette action est une action en reconnaissance négative de dette, qui tend à prouver qu’aucune dette n’existe. Si elle

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n’aboutit pas ou si le créancier refuse d’intenter action, la mainlevée devient définitive et la procédure se poursuit.

Si le créancier dispose d’un jugement exécutoire ou d’une sentance arbitrale (art. 80 ss LP), il peut obtenir la mainlevée définitive, lui permettant de continuer la poursuite en phase principale.

A défaut de titre de mainlevée, le créancier doit intenter dans les 20 jours une action en reconnaissance de dette (art. 79 et 83 al. 2 LP) afin de faire constater sa dette.

- La phase principale : trois voies sont ouvertes :o La voie de la saisie (art. 89 ss LP), si le débiteur n’est pas inscrit au

RdC (art. 42 LP) : il s’agit d’une procédure d’exécution spéciale visant à saisir et réaliser les biens du débiteur nécessaires à satisfaire le créancier qui a initié la poursuite.

o La voie de la faillite (art. 159 ss LP), si le débiteur est inscrit au RdC (art. 39 LP) : la procédure est une procédure d’exécution générale sur tous les biens du débiteur et destinée à satisfaire tous les créanciers, même ceux qui n’ont pas initié la procédure.

o La procédure concordataire (art. 293 ss LP) : cette procédure permet à tout débiteur soumis à la procédure de faillite et à tout créancier qui peut la demander de requérir un sursis concordataire en vue de la négociation, de l’adoption et de l’homologation d’un concordant réglant la part des dettes que le débiteur rembourse à tous ses créanciers pour éviter la faillite.

Il n’existe pas de procédure d’exécution pour les autres prestations (dettes non pécuniaires). L’exécution se fera conformément aux règles de la procédure cantonale. Néanmoins, le code précise quelques éléments (art. 98 CO) :

- L’exécution des prestations matérielles : le créancier peut contraindre le débiteur à transférer le bien grâce à la force publique (décision du juge).

- L’exécution des prestations personnelles : on distingue alors :o La prestation personnelle ordinaire : le créancier peut obtenir

l’autorisation du juge de la faire exécuter par un tiers aux frais du débiteur (art. 98 al. 1). On parle alors d’exécution par substitution. Le débiteur doit payer le remboursement du prix au tiers.

o La prestation personnelle qualifiée : le créancier ne peut pas obtenir l’exécution directe et pourra uniquement réclamer des dommages-intérêts, si les conditions sont remplies (art. 97 al. 1). La créance bénéficie d’une protection affaiblie.

- L’exécution des prestations négatives : là encore, on distingue :o Le cas où la violation a déjà eu lieu : le créancier a le droit d’obtenir

l’autorisation du juge de supprimer ce qui a été fait en

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contravention de l’engagement (art. 98 al. 3) et peut demander des dommages-intérêts.

o Le cas où la violation n’a pas encore eu lieu : le créancier peut demander au juge qu’il ordonne au débiteur de respecter sa promesse (éventuellement sous la menace de sanctions pénales ou civiles) et en cas d’urgence par le biais de mesures provisionnelles. Pour éviter cette procédure, les parties prévoient souvent le paiement de peines conventionnelles (art. 160 CO).

- L’exécution des prestations tendant à des actes juridiques : si le débiteur refuse d’exécuter un acte juridique auquel il s’était engagé, le créancier peut demander que le juge rende un jugement (formateur) qui se substituera à l’acte défaillant du débiteur.

14. Cours du 21 février 2012   :

La responsabilité contractuelle   :

De manière générale (art. 41-61 CO), la responsabilité est l’obligation de réparer le préjudice causé à autrui. Ce régime général (de la responsabilité délictuelle ou extra-contractuelle) subordonne l’obligation de réparer à la réalisation d’un chef de responsabilité (comme la faute du débiteur, art. 41). La responsabilité délictuelle découle ainsi de la violation d’un devoir général. La responsabilité contractuelle se définit comme l’ensemble des règles qui imposent au débiteur l’obligation de réparer le préjudice causé au créancier par la violation de son obligation (violation d’un devoir relatif, art. 97-101). La responsabilité contractuelle est régie par deux types de normes :

- Les normes contractuelles : les parties peuvent aménager leurs relations comme elles l’entendent, en y fixant les devoirs de chacun, en répartissant les charges, en attachant des garanties (clauses pénales, art. 160 ss) ou en consacrant des clauses exclusives ou limitatives de responsabilité.

- Les normes légales : il existe des règles générales et des règles spéciales :o Les règles générales : les règles de base sont les art. 97 à 101, mais

n’ont qu’un caractère partiel, ne fixant que les conditions de la responsabilité. Concernant les effets, l’art. 99 al. 3 renvoie aux dispositions concernant les actes illicites, à savoir les art. 42 ss.

o Les règles spéciales : de nombreuses dispositions dérogent au régime général, concernant les conditions, l’exercice ou les limites à la liberté contractuelle. Ces règles peuvent être supplétives (fixent le régime applicable si les parties n’ont rien convenu) ou impératives (marquent les limites laissées aux parties de déroger au régime général : art. 100 et 101 al. 2-3).

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La responsabilité contractuelle est un cas particulier de la responsabilité générale (délictuelle). Elle reste donc en principe soumise au même régime (art. 99 al. 3). Il existe tout de même des divergences en raison du lien qui existe entre les parties (relation juridique préalable, contrat). Le préjudice est donc la conséquence de la violation d’un devoir particulier (relatif) que le débiteur s’était engager à respecter spécialement. La responsabilité contractuelle ne peut donc intervenir que dans les relations entre créancier et débiteur (conséquence de l’effet relatif des obligations). L’extension du régime à des tiers dont le droit dérive de la violation de l’obligation est admissible (proches d’une personne décédée à la suite de la violation d’un contrat, art. 45 CO). Le régime de la responsabilité contractuelle (RCon) présente trois particularités par rapport à celui de la responsabilité délictuelle (RC en général) :

- La présomption de faute : comme pour la responsabilité délictuelle (générale, RC), la responsabilité est subordonnée à l’existence d’une faute commise par le débiteur. Toutefois, la différence tient au fait que la faute est présumée : il incombe donc au débiteur de prouver qu’il n’a pas commis de faute (art. 97 al. 1). Il s’agit d’une conséquence de l’engagement particulier qu’a pris le débiteur, garantissant le résultat.

- La responsabilité pour le fait d’autrui : le débiteur peut être tenu de répondre des actes commis par des tiers (comme pour la responsabilité générale). La différence réside dans l’absence de preuves libératoires (par opposition à l’art. 55 CO). Le débiteur répond donc des actes de toutes les personnes qu’il a chargées de l’exécution, sans pouvoir tenter de démontrer qu’il n’a de son côté commis aucune faute en les choisissant, les dirigeant ou les surveillant.

- La prescription : l’action est soumise à un régime de prescription (comme pour la responsabilité générale) mais on applique le délai ordinaire de dix ans prévu par l’art. 127 CO (alors qu’en responsabilité générale, on applique l’art. 60). La créance contractuelle en dommages-intérêts se greffe sur l’obligation qui a été violée et en reprend par conséquent les conditions d’exercice.

L’essentiel tient au fait que, dans la responsabilité contractuelle, les parties ont la possibilité d’aménager librement leur régime, dans les limites de l’ordre juridique. Elles fixent les devoirs, aménagent les conditions et les limitations de la responsabilité. La RCon est d’abord l’affaire des parties, ensuite celle de la loi, au contraire de la responsabilité délictuelle. Les cas de concours entre responsabilité contractuelle et délictuelle sont admis lorsque la violation de l’obligation contractuelle (médecin devant opérer selon les règles de l’art) constitue simultanément la violation d’un devoir général (interdiction de porter atteinte sans droit à l’intégrité corporelle). Le débiteur peut alors invoquer en concours les art. 97 / 101 et 41 / 55. En pratique toutefois, les règles contractuelles sont en principe plus favorables à la victime.

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La jurisprudence a développé ces dernières années un régime particulier appelé responsabilité pour la confiance. Selon cette responsabilité, celui dont la confiance légitime a été trompée et qui subit de ce fait un dommage a droit à sa réparation par celui qui a généré cette confiance. Un rapport particulier de confiance doit donc exister entre l’auteur de l’attente et le destinataire. Le premier doit avoir provoqué puis déçu de manière contraire à la bonne foi des attentes déterminées et concrètes du deuxième. Il ne s’agit pas d’une responsabilité contractuelle à proprement parler. Par prudence, il semble opportun d’appliquer le régime de la responsabilité délictuelle.

Concernant la responsabilité contractuelle à nouveau, il s’agit d’en étudier les conditions. Ainsi, toute action en responsabilité contractuelle exige que soient réunies 4 conditions (art. 97 al. 1) :

- Un préjudice : le préjudice consiste en une diminution non volontaire des biens d’une personne. On en distingue deux aspects :

o Le dommage au sens strict : il s’agit de la diminution involontaire du patrimoine, diminution qui comprend toutes les incidences que l’inexécution ou la violation du contrat ont eues sur le patrimoine du créancier (valeur de la prestation, frais encourus). La diminution correspond en fait à la différence entre le patrimoine actuel et le patrimoine hypothétique sans l’évènement dommageable (théorie de la différence). En outre, lorsque la relation contractuelle prend fin sans que le contrat ait été exécuté, la loi distingue deux sortes de dommages :

Le dommage négatif (intérêt négatif) : il correspond à l’intérêt qu’avait le créancier à ce que le contrat ne soit pas conclu. Il s’agit d’un dommage pour la confiance qu’avait créé la conclusion du contrat qui comprend toutes les pertes que le créancier a éprouvées (voire les gains qu’il a manqués) en raison de la négociation et de la conclusion du contrat envisagé. Sa situation doit en fait correspondre (en cas d’indemnisation totale) à celle qui eût été la sienne si les parties n’avaient jamais conclu de contrat.

Le dommage positif (intérêt positif) : il correspond à l’intérêt qu’avait le créancier à ce que le contrat soit exécuté. La loi s’y réfère en donnant au créancier un droit à des dommages-intérêts. Ce dommage comprend toutes les pertes que subit le créancier du fait que le contrat n’a pas été exécuté. Sa situation doit correspondre (en cas d’indemnité totale) à celle qui eût été la sienne si le contrat avait été exécuté. La notion correspond à celle de l’art. 97 en relation avec l’inexécution.

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o Le tort moral : il s’agit d’une compensation pour les souffrances physiques ou psychiques ressenties par la victime à la suite d’une atteinte à sa personnalité. Ce préjudice est toujours pris en compte en matière contractuelle (renvoi de l’art. 99 al. 3 aux art. 42 ss). L’atteinte doit être d’une gravité particulière, justifiant que l’on tente de fournir une compensation à la victime.

Précisons enfin que déterminer s’il y a dommage (ou tort moral) et ensuite en calculer le montant est une question de fait qui ne peut être revue par le TF dans un recours en matière civile.

- Une violation du contrat : le débiteur doit avoir violé son obligation. Il doit en fait avoir agi de manière illicite, contrairement à un comportement qu’il avait promis. On opère une distinction entre 2 types de violations :

o L’inexécution du contrat au sens strict : c’est le cas lorsque l’obligation n’est pas exécutée du tout ou qu’elle ne l’est qu’imparfaitement. L’hypothèse est clairement visée par l’art. 97.

o La violation positive du contrat : le préjudice résulte alors de la violation d’un devoir contractuel, ce en dehors des cas visés par l’inexécution du contrat au sens strict. On parle de violation positive car le contrat est violé par un comportement de débiteur contraire aux engagements qu’il a pris et aux devoirs qui en résultent, faisant quelque chose qu’il devrait s’abstenir de faire.

- Un rapport de causalité : il doit exister un lien de causalité entre l’inexécution de l’obligation et le préjudice. Comme en matière de responsabilité délictuelle, on distingue la causalité naturelle (condition sine qua non) et la causalité adéquate (cours ordinaire des choses et expérience de la vie). S’agissant d’une omission, les principes de causalité doivent être affinés. Il faut dans ces cas examiner la causalité hypothétique en se demandant si, sans l’omission, le dommage aurait pu être évité, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie.

- Une faute : la faute justifie que l’on oblige le débiteur à faire un sacrifice en faveur du créancier. Comme dans la responsabilité extra-contractuelle, la faute se définit comme un manquement de la volonté aux devoirs imposés par l’ordre juridique (aspect objectif). La faute peut être commise intentionnellement (mettre en œuvre des facultés volontaires et intellectuelles pour causer le dommage) ou par négligence (manque de diligence, ne pas mettre en œuvre ses facultés intellectuelles et volontaires pour éviter le dommage. Ce reproche d’ordre moral fonde la responsabilité (chef de responsabilité) du débiteur. De ce fait, il faut en principe qu’il ait la capacité de discernement (aspect subjectif). Comme on l’a vu précédemment, la particularité du régime de la responsabilité contractuelle tient au fait que la faute est présumée (art. 97 al. 1). La loi renverse ainsi le fardeau de la preuve : il appartient au débiteur de prouver qu’il n’a pas commis de faute. Dans quelques rares hypothèses,

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par opposition à ce qui vient d’être dit, le débiteur répond sans faute (responsabilité objective). Dans ces cas, le chef de responsabilité (fondement) est un état de fait auquel la loi attache une obligation de réparer. Il s’agit notamment de la responsabilité du débiteur en demeure pour le cas fortuit (art. 103 CO), de la responsabilité des personnes incapables de discernement (art. 54 al. 1) ou de certaines dispositions particulières (art. 306 al. 3, 474 al. 2, 487, 490).

Comme en matière de responsabilité civile (délictuelle, générale), on distingue ensuite deux régimes qui prévoient des conditions supplémentaires et / ou différentes : la responsabilité pour le fait personnel (art. 97 al. 1 en matière contractuelle, art. 41 en matière délictuelle) et la responsabilité pour le fait d’autrui (art. 101 en matière contractuelle, art. 55 en matière délictuelle) :

- La responsabilité pour le fait personnel (art. 97 al. 1) : prévue par l’art. 97 al. 1, elle se base sur les 4 conditions listées ci-dessus. Le débiteur doit donc avoir commis un acte illicite ayant entraîné un préjudice (lien de causalité) et doit avoir agi, dans la plupart des cas, de manière fautive.

- La responsabilité pour le fait d’autrui (art. 101 al. 1) : pour exécuter sa prestation, le débiteur a en général le droit de recourir à des tiers (art. 68 CO). Si ceux-ci causent un préjudice au créancier, le débiteur n’en serait responsable, au sens de l’art. 97 al. 1, que s’il avait lui-même commis une faute (choix, instruction ou surveillance de ses auxiliaires, lien avec les preuves libératoires envisagées en matière de responsabilité extra-contractuelle). Or, l’art. 101 al. 1 retient une solution plus rigoureuse et impose une responsabilité aggravée au débiteur qui recourt à des tiers. L’art. 101 établit une distinction selon le rôle de l’auxiliaire :

o L’auxiliaire de l’exécution : la responsabilité est attachée à celui qui recourt à un auxiliaire pour exécuter une obligation. Le débiteur est responsable si celui-ci cause à cette occasion un préjudice.

o L’auxiliaire de jouissance : la responsabilité est attachée à celui qui recourt à un auxiliaire pour exercer un droit dérivant d’une obligation. Le débiteur est responsable si celui-ci cause un préjudice au créancier.

Outre les 3 conditions générales (préjudice, violation du contrat et rapport de causalité, la faute étant laissée à part) deux conditions supplémentaires doivent être remplies et deux points précisés :

o L’acte d’un auxiliaire : le débiteur n’est tenu de réparer le préjudice que s’il a été causé par son auxiliaire (toute personne physique ou moral, à laquelle le débiteur confie l’exécution d’une obligation). Il suffit que cette personne soit chargée de l’exécution totale ou partielle d’une prestation contractuelle (peu importe le rapport juridique qui la lie au débiteur). Contrairement à ce qui vaut en matière de responsabilité extra-contractuelle, il n’est pas

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nécessaire qu’il existe un lien de subordination (il peut ainsi s’agir d’un sous-traitant indépendant). On ne doit pas confondre l’auxiliaire avec le substitut (personne indépendante à laquelle le mandataire, agissant en son nom mais pour le compte du mandant, confie des tâches, art. 339 al. 2-3).

o La connexité avec le contrat : en cas de violation positive du contrat, il doit exister un rapport fonctionnel entre l’acte dommageable et l’exécution du contrat. Le préjudice doit avoir été causé dans l’exécution de l’obligation. Celui qui brise un vase en livrant un meuble engage la responsabilité de son employeur alors que celui qui, à l’occasion de la livraison du meuble, vole un vase doit réparer lui-même le préjudice.

o La question des preuves libératoires : contrairement à la responsabilité extra-contractuelle de l’employeur (art. 55), le débiteur-maître ne dispose pas de preuves libératoires. Il ne peut ainsi exonérer sa responsabilité en prouvant qu’il a usé de la diligence nécessaire dans le choix, l’instruction ou la surveillance de son auxiliaire. Le seul moyen d’échapper à sa responsabilité est de prouver qu’il aurait agi avec la même diligence que son employé, selon ce que le créancier était en droit d’attendre.

o La question de la faute : il n’est pas nécessaire que l’auxiliaire (ou le débiteur) ait commis une faute (au sens strict), même si ce sera souvent le cas. Il est ainsi suffisant qu’il n’ait pas fait preuve, dans l’accomplissement de son travail, de la diligence que le créancier aurait été en droit d’attendre du débiteur si celui-ci avait exécuté son obligation personnellement.

Il s’agit à présent d’analyser les effets de la RCon. Lorsque les conditions sont remplies, le débiteur est tenu de l’obligation de réparer le préjudice qu’il a causé, en général par une somme d’argent (réparation en nature, art. 43). L’indemnité due par le débiteur se substitue alors à la prestation initiale. Elle est fixée selon les principes qui régissent la responsabilité extra-contractuelle (renvoi de l’art. 99 al. 3). La détermination du montant se fait en deux étapes :

- Le calcul du préjudice subi : il appartient au créancier de l’établir (art. 42 al. 1) et si le montant exact ne peut être établi, c’est au juge de trancher (art. 42 al. 2). Le préjudice représente le montant maximal de l’indemnité à laquelle le créancier pourra prétendre. Les parties peuvent toujours fixer forfaitairement le montant du préjudice dans le contrat.

- La fixation de l’indemnité : le juge peut fixer l’indemnité à un montant inférieur au préjudice s’il existe des facteurs de réduction (art. 43-44, 99 al. 2 CO). Le juge apprécie en fonction de l’économie du contrat et des spécificités de la responsabilité assumée par le débiteur.

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Concernant les effets toujours, on se pose la question des concours. Le code ne traite pas spécialement des problèmes surgissant lorsque plusieurs personnes répondent en vertu de RCon. On pourrait appliquer par analogie les règles de la responsabilité extra-contractuelle (art. 99 al. 3 renvoyant aux art. 50-51). Dans les rapports externes, le créancier peut ainsi agir contre chacun des responsables s’ils se sont engagés de manière solidiare (art. 143 ss). Le bailleur peut par exemple s’en prendre à chaque colocataire pour le tout. Rien n’empêche les parties à la relation principale de prévoir d’autres moyens de résolution des problèmes de concours, décidant par exemple que chaque partie répondra pour sa part. Dans les rapports internes, si un codébiteur paye au-delà de sa part, il dispose d’un recours dont la mesure sera déterminé par les rapports existant entre tous les débiteurs. Si un débiteur contractuel cause un dommage en concours avec d’autres personnes (liées par un autre contrat ou en vertu de la loi), le créancier peut rechercher individuellement chacun des responsables puisqu’il dispose d’un concours d’actions (ordre et mesure fixés par l’art. 51).

Enfin, en vertu du principe de l’autonomie privée, les parties peuvent (comme souvent) conventionnellement modifier le régime de la RCon. Elles peuvent l’étendre (en facilitant les conditions d’exercice de l’action ou alléger les conditions touchant à la faute ou à la responsabilité pour autrui) ou le restreindre (par le biais de clauses exclusives ou limitatives). Ces clauses sont toutes les stipulations contractuelles qui ont pour effet de libérer totalement ou partiellement le débiteur en cas de responsabilité contractuelle. Elles peuvent prendre les formes les plus diverses (clause de restriction de la faute grave, de limitation de la réparation du dommage à un montant maximum, d’abrogation des délais d’exercice de l’action). S’agissant de clauses contractuelles, elles doivent être interprétées (sens et portée) selon les principes ordinaires. Leur validité est soumise aux règles générales (art. 19-20 en particulier) et la loi les concrétise en particulier aux art. 100-101. Les clauses doivent être conformes :

- Aux règles générales : une partie peut contester la validité d’une telle clause en invoquant le défaut d’accord, les vices de l’objet ou un défaut de consentement. Plus précisément, la clause ne doit pas constituer une atteinte excessive à la liberté (exclusion ou limitation de responsabilité dans une mesure contraire aux mœurs : exclusion ou limitation de responsabilité pour les préjudices corporels par exemple) ni une clause insolite. En effet, les clauses limitatives sont fréquemment intégrées dans les CG et peuvent dès lors constituer des clauses insolites, qui sont inapplicables si elles ont été intégrées globalement sans que l’attention de l’autre partie n’ait été attirée sur leur caractère particulier.

- Aux règles spéciales : la loi contient deux dispositions qui concrétisent les principes généraux :

o Pour la responsabilité du fait personnel : selon l’art. 100, une clause est nulle si elle exclut ou limite la responsabilité personnelle

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du débiteur pour dol ou faute grave. Par contre, rien ne s’oppose à ce que la faute légère soit exclue, sauf dans un cas particulier. En effet, le juge peut étendre l’interdiction de la limitation à la faute légère (art. 100 al. 2) lorsque la clause a dû être acceptée par un créancier occupant une position de dépendance (créancier au service du débiteur par exemple).

o Pour la responsabilité du fait d’autrui : la règle veut que le débiteur puisse exclure toute sa responsabilité (art. 101 al. 2), sous réserve d’une seule restriction prévue par l’art. 101 al. 3. La clause peut être considérée comme nulle lorsqu’elle exclut ou limite la responsabilité pour le fait d’autrui en cas de dol ou de faute grave de l’auxiliaire et qu’elle est intégrée dans un contrat passé par une personne en situation de dépendance.

15. Cours du 28 février 2012   :

La demeure du débiteur   :

En principe, celui qui n’exécute pas la prestation au terme ou dans le délai viole son obligation. Dans ce cas, le créancier ne pourrait qu’obtenir des dommages-intérêts (art. 97 ss). Pour renforcer la position du créancier, le législateur a introduit quelques dispositions spéciales concernant la demeure. La demeure du débiteur est la situation juridique défavorable dans laquelle se trouve le débiteur en retard dans l’exécution de son obligation (art. 102-109). Il existe en plus des règles générales de nombreuses dispositions applicables à des types particuliers de contrat : 190 s. pour la vente, 214 s. pour l’acheteur, 257d pour le locataire ou 366 al. 1 pour l’entrepreneur. Le système comporte deux degrés, la demeure simple, applicable à toutes les obligations, et la demeure qualifiée applicables aux obligations en rapport d’échange (synallagmatique).

Il y a demeure simple, au sens de l’art. 102, lorsque, sans motif justificatif, le débiteur d’une obligation exigible ne l’a pas exécutée à l’échéance. On peut donc sortir de cette définition les 4 conditions qui doivent être réunies :

- L’exigibilité de l’obligation : l’obligation doit être exigible au sens de l’art. 75 CO. L’exigibilité est en fait le moment préalable à l’échéance.

- L’arrivée de l’échéance : en plus d’être exigible, l’obligation doit être échue. L’échéance peut être fixée de deux manières, au sens de l’art. 102 :

o Par contrat (art. 102 al. 2) : l’échéance est alors fixée d’un commun accord dans le contrat ou postérieurement par l’une des parties, en vertu d’un droit à elle réservé (la dénonciation).

o Par interpellation (art. 102 al. 1) : lorsque le contrat ne prévoit rien, le créancier doit interpeler le débiteur en l’invitant à exécuter sa prestation. Le débiteur doit pouvoir déduire (principe de la

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confiance) que, par l’interpellation, le créancier demande l’exécution. L’interpellation ne peut être faite que pour une date postérieure ou concomitante à l’exigibilité et n’est soumise à aucune forme particulière. La jurisprudence considère que cette condition n’est pas remplie par le simple envoi d’une facture. De même, on admet que le débiteur dispose d’un certain délai pour exécuter la prestation lorsque le créancier l’a interpelé. Si l’interpellation fixe directement un terme ou un délai, le débiteur n’est en retard qu’à partir de l’expiration de ce terme ou de ce délai (solution la plus fréquente dans la pratique). En outre, le créancier est dispensé d’interpeler le débiteur lorsque celui-ci a clairement manifesté sa volonté de ne pas exécuter son obligation (108 par analogie) ou qu’il s’est intentionnellement soustrait à la réception de l’interpellation (156 par analogie).

- L’inexécution de l’obligation : à l’échéance, le débiteur ne doit pas avoir encore totalement effectué sa prestation ou ne pas l’avoir faite correctement. Par contre, la prestation doit encore être possible, sans quoi on ne peut qu’appliquer les art. 97/101 ou 119 CO. L’application des règles sur la demeure en cas d’impossibilité subséquente pose problème, mais la doctrine majoritaire l’admet.

- L’absence de motif justificatif : même si la loi ne le précise pas, le débiteur n’est pas en demeure s’il a des motifs légitimes pour refuser sa prestation, en particulier si le créancier est lui-même en retard (demeure du créancier) ou si le débiteur dispose d’exceptions lui permettant de refuser temporairement (exceptions dilatoires : exceptions d’inexécution, art. 82 ou d’insolvabilité, art. 83) ou définitivement (exceptions péremptoires : prescription, art. 120) sa prestation, voire encore en cas d’impossibilité non imputable d’exécuter la prestation (art. 119). La demeure repose sur une violation du contrat mais elle ne nécessite pas pour autant une faute du débiteur. La faute jouera tout de même un rôle pour les dommages-intérêts consécutifs à la demeure.

La demeure simple ne modifie pas l’obligation du débiteur, qui reste tenu d’exécuter sa prestation. Le créancier se voit par contre reconnaître quelques droits supplémentaires :

- L’obligation de réparer le préjudice : le débiteur doit réparer le préjudice causé conformément aux art. 97/101 (violation du contrat). Le principe est repris pour le dommage moratoire (art. 103 al. 1-2) et rappelé à l’art. 106 pour les dettes d’argent (application des règles générales sur la responsabilité contractuelles). Précisons que le débiteur répond même du cas fortuit (chose qui disparaît ou est endommagée sans faute du débiteur). Sa responsabilité est engagée car il s’agit d’une conséquence

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naturelle du retard (de la demeure), qui constitue la violation du contrat. En fait, le débiteur a deux possibilités pour se libérer :

o Soit il prouve qu’il s’est trouvé en demeure sans faute de sa part.o Soir il prouve qu’il y a rupture du lien de causalité entre la

demeure et la destruction ou le dommage de la chose, parce que le cas fortuit aurait atteint la chose due, au détriment du créancier, même si l’exécution avait eu lieu à temps.

- Concernant les dettes d’argent : les art. 104-106 prévoient un régime particulier à deux niveaux en ce qui concerne les dettes d’argent :

o Le versement d’un intérêt moratoire (art. 104) : le débiteur d’une somme d’argent doit payer des intérêts. Le principe est indépendant de toute faute du débiteur car la règle tend à éviter un enrichissement illégitime du débiteur qui continue à jouir de la somme échue. Il s’agit d’un des cas principaux d’intérêt légal. Le taux de cet intérêt est de 5% (art. 104 al. 1), sauf si le contrat prévoit un taux supérieur (art. 104 al. 2). Le cours de l’intérêt commence au moment de la demeure, sauf pour le paiement d’intérêts, d’arrérages (redevances périodiques) ou d’une somme dont le débiteur a fait donation, où il ne commence à courir qu’à partir du jour de la poursuite ou de l’ouverture de l’action.

o La réparation du dommage supplémentaire (art. 106) : le débiteur en retard doit réparer le dommage éprouvé par le créancier dans la mesure où la perte dépasse l’intérêt moratoire. Il s’agit là d’une application de la règle générale aux cas de dettes d’argent. Il appartient au créancier de prouver ce dommage (au contraire des intérêts moratoires). On peut citer par exemple la dévaluation d’une monnaie ou des emprunts qu’a dû faire le créancier en raison du retard du débiteur.

La demeure qualifiée est un régime spécial (art. 107-109) qui accorde des droits supplémentaires au créancier d’une obligation contractuelle dans un rapport d’échange (contrats synallagmatiques, voire certains contrats bilatéraux imparfaits, en cas de contre-prestation importantes). La demeure qualifiée offre aux créanciers deux possibilités d’action :

- L’action en exécution (art. 107 al. 2) : le créancier peut continuer de demander l’exécution de l’obligation du débiteur et exiger en plus des dommages-intérêts moratoires (aux conditions des art. 103/106).

- L’es droits supplémentaires (art. 107 al. 2) : le même article permet en plus au créancier de renoncer à demander l’exécution et agir unilatéralement par un acte formateur sur le contenu ou l’existence du contrat. C’est cette possibilité qui nous intéressera ci-dessous.

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Le système général des art. 107-109 est repris avec ou sans modification dans de nombreuses dispositions de la partie spéciale (pour la vente : demeure du vendeur, art. 190 s., demeure de l’acheteur, art. 214 s., pour le bail : demeure du locataire, art. 257d, pour le contrat d’entreprise : demeure de l’entrepreneur, art. 366 al. 1, pour le crédit à la consommation : art. 18 LCC). L’exercice des droits supplémentaires par le créancier est subordonné à deux conditions :

- L’inexécution dans le délai de grâce : le débiteur doit être en retard qualifié, ce qui est le cas s’il ne s’est pas exécuté à l’expiration d’un délai supplémentaire. Le principe veut en effet que le créancier ne puisse exercer ses droits que s’il commence par accorder un sursis au débiteur (délai supplémentaire appelé délai de grâce), qu’il fixera lui-même ou fera fixer par l’autorité compétente. La durée de ce délai de grâce doit être convenable, permettant au débiteur diligent de s’y tenir. Par exception au principe, il existe des cas où le créancier est dispensé de fixer un délai. Cela est le cas lorsque le délai est inutile ou excessif (art. 108). Ainsi, lorsqu’il apparaît d’emblée que la mesure serait sans effet (débiteur refusant d’exécuter la prestation) ou que l’exécution devait être effectuée à une date déterminée appelée le terme fatal, le créancier peut exercer ses droits supplémentaires sans attendre la fin du délai de grâce.

- La déclaration immédiate : le créancier voulant faire usage de ces droits doit en faire la déclaration immédiate, aussitôt après l’expiration du délai de grâce (art. 107 al. 2). Il peut également annoncer au moment de la fixation de ce délai la voie qu’il choisira à son expiration. En l’absence de déclaration immédiate, il conserve le droit de demander l’exécution et les dommages-intérêts. Par contre, s’il veut faire ensuite valoir les droits supplémentaires, il devra alors fixer un nouveau délai de grâce.

Dès que le débiteur se trouve en demeure qualifiée, le créancier dispose de possibilités supplémentaires. Il a alors le choix entre deux solutions :

- L’extinction du contrat : dans ces différentes hypothèses, le créancier a le droit unilatéral de mettre un terme au contrat :

o Contrat à exécution instantanée : si elles n’ont pas effectué leurs prestations, les deux parties sont libérées. Dans le cas contraire, les parties peuvent récupérer leurs prestations. On applique ici le système du rapport de liquidation, visant à rétablir la situation antérieure au contrat en cause. Si la restitution n’est plus possible, il faut distinguer si l’impossibilité survient avant la résolution (chaque partie devra la contre-valeur de la chose reçue) ou après (on appliquera alors les règles des art. 97/101 et 119, selon que l’impossibilité est fautive ou non).

o Contrat de durée : les deux parties sont libérées de leurs obligations pour l’avenir. Les prestations échangées ne sont par contre pas remises en cause (sorte de résiliation).

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o Contrat analogue à un contrat de durée : les deux parties sont libérées de leurs obligations pour l’avenir. Si la prestation qui a déjà été faite a une valeur pour l’autre, celle-ci doit lui en acquitter la valeur (ouvrage effectué partiellement par le travailleur).

- La réparation du dommage : le créancier peut aussi choisir d’obtenir la réparation du dommage qu’il subit du fait de l’inexécution en demandant :

o La réparation de l’intérêt positif : il s’agit de la règle, selon 107 al. 2. Il obtiendra alors la réparation de l’intérêt positif en contrepartie de la valeur de sa propre prestation (théorie de la différence) pour autant qu’il n’est pas dit vouloir résilier le contrat.

o La réparation de l’intérêt négatif : il peut également demander la réparation de l’intérêt négatif (art. 109) lorsqu’il juge que cela lui est plus favorable. Il devra ainsi analyser la situation en choisissant soit le maintien du contrat (et donc l’intérêt positif), soit l’extinction de celui-ci, ouvrant la voie à la réparation de l’intérêt négatif. Le choix est ainsi souvent difficile à faire en avance.

Comme souvent, les parties peuvent modifier le régime de la demeure du débiteur, soit en l’aggravant, soit en l’allégeant (principe de la liberté contractuelle). Elles peuvent ainsi fixer tous les délais jugés utiles et en préciser la porte, subordonner les dommages-intérêts à des conditions plus strictes (pas de faute), ou au contraire les limiter voire les exclure, préciser la fixation et le règlement des intérêts moratoires ou encore limiter ou exclure les droits du créancier en cas de demeure qualifiée.

Pour terminer, il s’agit de parler de la demeure partielle et des autres violations du contrat. La demeure partielle n’est pas réglée par la loi. L’hypothèse concerne la situation où le débiteur n’offre qu’une partie de la prestation exigée et tombe en demeure pour le surplus. Le créancier ne peut alors faire valoir les droits de l’art. 107 al. 2 qu’en rapport avec ce qu’il reste encore. Il ne peut ainsi résoudre le contrat pour le solde que dans la mesure où sa propre prestation est divisible. Une résolution partielle revient en fait à une réduction des obligations réciproques, ce qui suppose que la contre-prestation puisse être réduite. Ce principe souffre diverses exceptions :

- Lorsque, au moment où il a accepté l’exécution partielle (art. 69 al. 1), le créancier s’en est expressément réservé le droit.

- Lorsque les prestations partielles déjà accomplies ne présentent à elles seules aucun intérêt pour le créancier.

- Lorsque le créancier a déjà exécuté une prestation matérielle indivisible et qu’il semble exclu que le débiteur exécute complètement le contrat.

- Lorsque la limitation des moyens du créancier au solde de la créance est de nature à lui causer un préjudice notable. C’est notamment le cas lorsqu’il faut admettre que les parties n’auraient pas conclu un contrat qui n’aurait porté que sur la prestation partielle.

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Même dans ces situations exceptionnelles, le droit de résoudre le contrat est exclu si le créancier ne peut restituer la prestation partielle déjà reçue pour une raison qui lui est imputable (art. 207 al. 3 par analogie).

Le régime de la demeure du débiteur serait trop restrictif s’il n’était appliqué qu’aux cas de retard dans l’exécution de l’obligation (violation de l’obligation dans le temps). Il existe en effet pas de différence selon que la violation concerne le moment de l’exécution ou toute autre modalité la concernant (celui qui livre en retard ou qui livre une prestation inutilisable est presque dans la même situation). De ce fait, le régime doit ou devrait englober toutes les violations. Il existe deux conditions qui doivent être remplies pour que le principe puisse être étendu aux autres types de violation :

- Une violation du contrat : l’une des parties doit d’abord avoir violé le contrat, peu importe (logiquement) la nature de la violation. On peut citer le locataire qui ne respecte pas son contrat (art. 257f), le bailleur qui ne remet pas un objet correspondant au contrat (art. 259), le travailleur qui viole ses obligations (art. 337), le vendeur qui livre une chose défectueuse (art. 205) ou encore l’entrepreneur qui prépare ou livre un ouvrage défectueux (art. 366 al. 2 et 368).

- La non-réaction à un avertissement : le droit de mettre fin au contrat peut être exercé à condition que le créancier ait préalablement fixé au débiteur un délai de grâce pour respecter le contrat. Il peut le faire grâce à un avertissement (art. 257f al. 3 par exemple). Ce n’est que si le débiteur ne s’est pas exécuté dans l’intervalle que le créancier peut agir. Comme on l’a vu précédemment, la fixation peut dans certains cas être inutile.

Grâce à cette extension du régime de la demeure aux violations de natures différentes, il reste possible, même lorsque les art. 97 ss s’appliquent, d’obtenir la résolution du contrat avec dommages-intérêts négatifs (intérêt particulier pour les contrats innommés de durée). En outre, dans certains cas de garantie pour les défauts, le créancier a le droit de demander l’exécution en nature, soit par le débiteur, soit par un tiers aux frais du débiteur (exécution par substitution). Il lui reste également la possibilité de demander la réduction de sa propre prestation (action en réduction du prix).

16. Cours du 6 mars 2012   :

Les garanties spéciales   :

Toute obligation parfaite offre au créancier une garantie générale sur le patrimoine du débiteur. Tous les créanciers de celui-ci sont alors en principe placés sur le même pied d’égalité et ont en garantie l’ensemble de son patrimoine. Certaines obligations impliquent toutefois des garanties spéciales, supplémentaires, offrant une protection contre le risque de perte liée à une

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inexécution. Dans un sens très large, on parle parfois aussi de sûretés. Ces garanties doivent nécessairement avoir un fondement juridique : un accord ou la loi. Les parties peuvent convenir que le créancier disposera de droits supplémentaires en garantie d’une créance déterminée (sûretés réelles, sûretés personnelles ou clauses pénales). En garantie de quelques créances, la loi accorde au créancier des sûretés supplémentaires, sous la forme de gage légal principalement. Ce gage est direct s’il existe sans mesure supplémentaire (art. 836 CC : hypothèque légale directe ou art. 895 CC : droit de rétention) et indirect si le créancier doit en requérir la constitution, sans devoir obtenir l’accord du débiteur (art. 837 CC : hypothèque légale indirecte).

Les sûretés réelles sont les droits complémentaires que le créancier a sur des choses ou des créances qu’il peut, au besoin, faire réaliser pour obtenir le paiement de la créance garantie. Ces sûretés peuvent être fournies par le débiteur (règle) ou par un tiers qui engage sa chose ou sa créance en faveur du créancier (art. 824 al. 2 CC). Si la créance pour laquelle elles ont été constituées n’est pas exécutée, le créancier peut faire réaliser la chose qui en est l’objet, selon les règles de la poursuite pour dettes et de la faillite. Il n’a par contre jamais le droit de s’approprier la chose et ne peut toucher que sa valeur de réalisation. On distingue deux types de sûretés réelles :

- Les droits de gage : ce sont les droits réels limités qui permettent à leur titulaire de faire réaliser la chose qui en est l’objet afin d’obtenir le paiement de le créance garantie au cas où elle ne serait pas exécutée (art. 793 ss CC, 884 ss CC, 899 ss CC). Leur nombre est limité (numerus clausus des droits réels). Il existe les gages immobiliers (hypothèque, cédule hypothécaire et lettre de rente). Ces gages sont en général constitués sur une base contractuelle (volonté des parties) mais peuvent aussi être prévus par la loi (hypothèques légales directes ou indirectes). Les gages mobiliers portent sur les meubles, mais aussi les créances ou les papiers valeurs. La principale forme de gage mobilier est le nantissement, mais il existe aussi l’hypothèque légale mobilière. Il existe également des gages mobiliers légaux, dont le droit de rétention, qui permet à un créancier de retenir en gage certains objets en garantie de la créance.

- Les autres sûretés réelles : à côté des droits de gage, d’autres constructions visent un but comparable :

o Le dépôt aux fins de sûreté : en garantie d’une créance, le constituant remet à titre fiduciaire une chose mobilière en dépôt auprès du créancier ou d’un tiers qui possèdera pour lui (art. 472 ss CO). On parle également de consignation lorsque le dépositaire est un office public. Le dépositaire possède pour le créancier : il est donc tenu de lui remettre la chose pour réalisation au cas où la créance devient exigible et que les conditions convenues sont remplies.

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o La transfert de propriété ou la cession aux fins de garantie : le débiteur ou un tiers transfère la propriété d’une chose au créancier à titre fiduciaire en restreignant conventionnellement à la seule fonction de garantie l’usage que celui-ci pourra ne faire. Le propriétaire fiduciaire doit restituer la chose au constituant dès qu’il aura été désintéressé. Ce système combine un transfert de propriété et un contrat de fiducie.

o La réserve de propriété (art. 715 s. CC) : le vendeur transfère la possession de la chose à l’acheteur mais conserve la propriété à titre de garantie jusqu’au complet paiement du prix. L’institution revient à une forme de gage garantissant le paiement du prix.

Les sûretés personnelles sont les engagements que prennent des tiers en garantie de la dette du débiteur. Leur nombre n’est pas limité (liberté contractuelle, art. 19 al. 1 CO) mais on peut néanmoins citer trois modalités particulières, offrant une protection croissante :

- Le cautionnement (art. 492 ss CO) : il s’agit du contrat par lequel une personne s’engage envers le créancier d’un débiteur principal à répondre accessoirement de l’exécution de la dette. Cet engagement est accessoire à la dette principale : la nullité de l’engagement principal du débiteur entraîne la nullité du cautionnement. Il peut être subsidiaire (caution simple, art. 495) ou primaire (caution solidaire, art. 496).

- Le contrat de porte-fort ou de garantie (art. 111 CO) : c’est un engagement indépendant par lequel une personne promet au créancier de réparer le dommage ou de payer un montant au cas où le débiteur n’exécuterait pas sa dette. Fondé sur l’art. 111 (règle sommaire), il s’agit d’un engagement indépendant de la dette principale.

- L’engagement solidaire : il s’agit du moyen le plus fort puisque le créancier a deux débiteurs répondant de manière identique (art. 143 ss). Cette solidarité des débiteurs peut exister dès l’origine ou résulter d’une reprise cumulative de dette.

La clause pénale (art. 160-163 CO) est la convention accessoire en vertu de laquelle le débiteur promet au créancier une prestation (peine conventionnelle) pour le cas où il n’exécuterait pas (ou qu’imparfaitement) une prestation déterminée. La clause pénale est une stipulation accessoire convenue entre les parties alors que la peine conventionnelle (souvent une somme d’argent, mais pas forcément) est la dette que doit le débiteur en vertu de cette clause et si les conditions en sont remplies. La promesse d’effectuer la peine conventionnelle (PC) est soumise à une condition suspense car subordonnée à l’inexécution (ou à la mauvaise exécution) de l’obligation principale à l’échéance. Elle a en fait une double nature. Elle est accessoire car elle est au service de l’obligation principale (la clause n’existe qu’en relation avec le contrat). Elle est également autonome puisqu’elle est génératrice d’une créance propre (la PC), qui peut être cédée.

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L’existence de cette promesse d’exécuter la PC permet au créancier de poursuivre deux buts principaux :

- Faciliter la liquidation des dommages en cas d’inexécution : jusqu’à concurrence du montant de la peine, le créancier n’a pas à prouver son dommage (forfaitisation des dommages-intérêts).

- Faire pression sur le débiteur : en le menaçant d’une peine, elle le force à exécuter la dette (in terrorem). Il sait d’avance que, s’il ne le fait pas, il devra payer une somme allant souvent bien au-delà du montant effectif du dommage (l’existence d’un dommage n’est pas une condition de validité de la clause pénale, art. 161 al. 1).

La clause pénale est très importante en pratique (domaine commercial : sanction des retards ou des violations d’obligations se prêtant mal à une exécution forcée, comme les obligations à prestation négative). S’agissant d’une stipulation ordinaire, les parties peuvent opter pour la formule qui leur convient le mieux. On distingue tout de même deux (trois) types principaux de clause pénale, suivant la relation avec le droit à l’exécution de l’obligation principale :

- La peine alternative (règle) : les parties prévoient que le créancier a le choix d’exiger l’exécution ou le paiement de la PC, mais non les deux (hypothèse de l’art. 160 al. 1). Il ne s’agit pas d’une obligation à faculté alternative mai d’un concours électif de droits. Le créancier est tenu d’accepter l’exécution de l’obligation principale et ce n’est qu’en cas d’inexécution de cette dernière qu’il a alors la faculté de choisir l’exécution de la PC plutôt que celle de l’obligation. En demandant l’exécution de la PC, il renonce alors forcément à celle de l’obligation (le contraire ne vaut par contre pas : la PC reste exigible). Si le débiteur ne s’est exécuté que partiellement, le créancier peut faire valoir la PC mais il doit imputer sur celle-ci la prestation partielle ou la restituer au débiteur.

- La peine cumulative (exception) : les parties prévoient que le créancier peut cumulativement exiger l’exécution de l’obligation et celle de la PC. Selon l’art. 160 al. 2, c’est le cas si la peine a été stipulée pour le respect des délais ou celui du lieu d’exécution.

- La peine résolutoire (art. 160 al. 3) : elle permet au débiteur de se libérer de toute obligation en payant la peine, le créancier ne pouvant qu’exiger l’exécution de la prestation. Il s’agit d’un cas de faculté alternative.

La constitution d’une clause pénale (stipulation contractuelle) doit faire l’objet d’un accord entre les parties. Elle peut être convenue au moment de la conclusion du contrat ou y être ajoutée ultérieurement (conditions habituelles de validité des contrats). En raison du lien qui la lie à l’obligation principale, la validité et l’existence de la clause dépendent de celles de l’obligation principale. Cela implique deux éléments. Quant à l’objet premièrement, la clause pénale est nulle par contagion lorsqu’elle a pour but de sanctionner une obligation illicite

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ou immorale ou lorsque l’obligation principale est impossible objectivement et initialement (art. 163 al. 2). Il est en effet impossible, par le biais d’une clause pénale, de contraindre le débiteur à exécuter une obligation nulle. Quant à la forme deuxièmement, la clause pénale n’est en principe soumise à aucune forme particulière. Cependant, lorsque l’obligation principale requiert une forme, la clause pénale est soumise à la même exigence de forme puisqu’elle en constitue un élément essentiel.

Enfin, concernant les effets de la clause pénale, pour que la PC soit due, il faut que le débiteur n’ait pas (au moins correctement) exécuté la prestation principale qu’il a promis (retard ou violation d’une interdiction de concurrence par exemple). L’exigibilité de la peine conventionnelle est immédiate, mais, pour les contrats synallagmatiques le créancier ne peut en exiger l’exécution que s’il s’est lui-même exécuté ou a offert sérieusement de le faire (art. 82). Pour le reste, il s’agit de préciser encore deux éléments :

- Le montant de la PC : fixé directement dans la clause pénale, il peut s’agir d’une somme fixe ou d’un montant proportionnel à l’importance de l’inexécution (jour de retard). Il est donc indépendant du montant du dommage. Si les parties ont convenu un montant excessif, l’art. 163 al. 3 donne la faculté (le devoir) au juge de le réduire. Ainsi, une réduction de peine s’impose lorsqu’il existe une disproportion crasse entre le montant convenu et l’intérêt du créancier à maintenir la totalité de sa prétention, mesuré concrètement au moment où la violation contractuelle est survenue (ATF 133 III 201, JdT 2008 I 106). Le TF estime également qu’il est possible de réduire une PC déjà acquittée lorsque son exécution l‘a été avant que les conditions fondant le caractère excessif n’existe ou ne soit connu de celui qui s’exécute.

- La relation avec le dommage : le montant de la PC est indépendant du montant du dommage (préjudice) découlant de l’inexécution de l’obligation. La PC est donc due même si le créancier n’a subi aucun dommage : elle est due du seul fait de l’inexécution (ou de la mauvaise exécution) sans qu’il soit nécessaire que les éléments d’un action en dommages-intérêts (faute et dommage) soient réalisés. Dans les cas où le créancier subit tout de même un dommage, il faut distinguer :

o Si le dommage est inférieur ou égal au montant de la PC : le débiteur ne doit que la peine, qui couvre les dommages subis.

o Si le dommage est supérieur au montant de la PC : le créancier peut exiger du débiteur qu’il verse la différence, mais c’est alors à lui de prouver la faute du débiteur (art. 161 al. 2 : pas de présomption de faute, contrairement à ce qui vaut en matière de responsabilité contractuelle, au sens des art. 97/101 CO)

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La violation des devoirs du créancier (demeure du créancier, art. 91-96 CO)   :

Le créancier n’a en principe que des droits : il peut exiger et recevoir la prestation (hors contrats synallagmatique où le créancier est aussi débiteur). En revanche, même lorsque seule est prise en compte la créance dont il est bénéficiaire, le créancier peut être tenu de prêter son concours à l’exécution de la prestation par le débiteur. Dans ce genre de cas, sans le créancier, le débiteur ne peut exécuter la prestation ou a le droit de s’y refuser. Ces devoirs du créancier existent dès que la dette est exécutable. Les art. 91-96 CO sont construits par analogie avec les règles sur la demeure du débiteur (art. 102 ss CO). L’art. 91 distingue deux (trois) types de devoirs :

- Les actes préparatoires : il s’agit de toutes les mesures que le créancier doit prendre (selon un contrat ou selon la loi) pour que le débiteur puisse exécuter sa prestation. Sans elles, le débiteur ne peut honorer son engagement. Le créancier peut ainsi devoir indiquer le lieu où la prestation doit être livrée, préparer ou ouvrir un local, donner des instructions complémentaires, remettre des plans, fournir de la documentation, individualiser la chose ou encore spécifier la prestation.

- Le devoir d’accepter la chose : si la prestation lui est correctement offerte, le créancier est tenu de l’accepter (art. 211 dans la vente).

- Les actes dits d’accompagnement : ce sont des actes dont le but n’est pas de permettre l’exécution mais que la loi impose tout de même au créancier afin de faciliter au débiteur la preuve de sa bonne exécution. L’émission d’une quittance, la remise ou l’annulation d’un titre constatant la dette (art. 88 al. 1), l’attestation d’un paiement partiel (art. 88 al. 2).

Ces devoirs ne sont pas des obligations à proprement parler (le débiteur ne peut en demander l’exécution forcée). Il s’agit d’incombances : le créancier qui ne les respecte pas perd certains de ces droits. De même, le créancier reste tenu de réparer le préjudice subi par le débiteur. En outre, rien n’interdit aux parties d’ériger un devoir de collaborer. La violation de ces devoirs entraîne la demeure du créancier (situation défavorable dans laquelle se trouve le créancier qui refuse sans motif de prêter son concours à l’exécution par le débiteur). La loi traite la violation de ces devoirs par analogie avec la demeure du débiteur (art. 102). Cette situation allège les obligations du débiteur et réduit les droits du créancier. L’art. 91 liste trois conditions à la demeure du créancier.

- Une offre régulière : le débiteur doit avoir régulièrement offert au créancier d’exécuter sa prestation et avoir effectivement tenté de le faire.

- Le créancier doit violer ses devoirs, en ne procédant pas aux actes nécessaires de préparation, d’acceptation ou d’accompagnement.

- L’absence de motifs légitimes : le créancier ne tombe pas en demeure s’il est en droit de se comporter comme il le fait (prestation ne correspondant pas à ce qui était dû, dans son contenu ou ses modalités).

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Concernant les effets généraux de la demeure du débiteur, on peut principalement voir trois applications majeures :

- Un obstacle à la demeure du débiteur : à cause du créancier, le débiteur n’est pas à même d’exécuter son obligation ou est en droit de la refuser. Il ne peut donc pas lui-même tomber en demeure.

- Le transfert de risques : dès que le créancier tombe en demeure, c’est lui qui assume les risques de la chose (art. 376 al. 1 pour le contrat d’entreprise). La solution est ainsi la même qu’en cas de demeure du débiteur (art. 103 al. 1). Si la chose périt, il ne pourra donc pas rechercher le débiteur. Ce dernier doit pourtant toujours conserver la chose avec soin, la violation de ce devoir accessoire pouvant toujours l’obliger à payer des dommages-intérêts.

- L’octroi de droits supplémentaires : la demeure du créancier a surtout pour effet de donner à l’autre partie des droits nouveaux.

- En outre, il existe d’autres effets de la violation des devoirs du créancier : ainsi la caution est libérée si le créancier n’accepte pas le paiement.

Comme on l’a dit, la demeure allège la situation du débiteur (droits supplémentaires) et lui permet notamment de procéder unilatéralement à certains actes libératoires, voire même de se départir du contrat :

- Pour les prestations matérielles : si le débiteur doit livrer une chose mais est dans l’impossibilité de le faire à cause du créancier, les art. 92-94 lui reconnaissant deux droits :

o Le droit de consignation (art. 92 al. 1) : le débiteur a le droit de consigner la chose aux frais et aux risques du créancier et de se libérer de son obligation. La consignation est un contrat (avec stipulation pour autrui parfaite) de dépôt (art. 472 CO) conclu entre le débiteur (consignant) et un tiers (le consignataire) en faveur du créancier. Précisons que la consignation est également possible pour les dettes d’argent. Le droit de consigner est ainsi une faculté alternative. Tant que le créancier n’a pas accepté la chose consignée (art. 112 al. 3) ou que la consignation n’a pas éteint un gage en faveur du créancier, le débiteur a le droit de la retirer (art. 94 al. 1), faisant renaître la dette (art. 94 al. 2).

o Le droit de vente (art. 93 al. 1) : le débiteur d’une chose a le droit de la vendre et d’en consigner le prix pour se libérer. Ce droit n’existe que si la consignation est exclue ou difficile par les circonstances (chose sujette à dépréciation ou exigeant des frais d’entretien ou de dépôt considérables). Avant de vendre la chose (enchères publiques volontaires), le débiteur doit sommer le créancier de prêter son concours et obtenir l’autorisation du juge (sauf si la chose est cotée en bourse ou de peu de valeur).

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- Pour les autres prestations : lorsque l’objet de la prestation ne consiste pas dans la livraison d’une chose, le débiteur ne peut pas se libérer en consignant ou vendant sa prestation. Notamment pour les prestations de services, le débiteur peut se départir du contrat selon l’art. 95 (en conformité des dispositions qui régissent la demeure du débiteur). Ainsi, s’il veut faire usage de ce droit, le débiteur doit fixer au créancier un délai de grâce et peut ensuite résoudre le contrat, en demandant au besoin des dommages-intérêts. La règle comprend aussi le droit pour le débiteur d’opter pour la réparation de l’intérêt négatif.

Pour terminer ce chapitre sur la demeure du créancier, il convient de parler de l’art. 96 CO, qui prévoit un cas particulier de demeure du créancier (demeure du créancier au sens large). Il y a demeure au sens large lorsque l’exécution de la prestation due ne peut être offerte ni au créancier, ni à son représentant, pour une autre cause personnelle au créancier, ou s’il y a incertitude sur la personne de celui-ci, sans la faute du débiteur. La loi assimile donc à la demeure du créancier les cas où l’exécution est empêchée pour d’autres causes tenant à la personne du créancier. Dans ce genre de cas, le débiteur est autorisé à consigner ou à se départir du contrat (comme dans les cas de demeure du créancier). Le débiteur doit tout de même être prudent s’il entend consigner, risquant de tomber lui-même en demeure si la consignation est effectuée à tort.

17. Cours du 13 mars 2012   :

L’extinction des obligations   :

Ce sont les art. 114 à 142 qui traitent de l’extinction des obligations. Quant on parle d’extinction de l’obligation, on parle de la fin du droit du créancier d’exiger la prestation et la fin du devoir du débiteur de l’exécuter. L’extinction ne vise que les situations dans lesquelles une obligation est privée d’effet pour des motifs postérieurs à la conclusion du contrat (et donc pas les obligations sans effet à cause de violations des exigences légales qui existent à l’origine). L’extinction ne vise que les obligations individuelles. L’extinction du rapport d’obligation n’est donc pas concernée. Les art. 114 à 142 ne vise pas tous les modes d’extinction d’une obligation mais seulement de certains : remise conventionnelle, art. 115 CO, novation, art. 116 s. CO, confusion, art. 118 CO, impossibilité subséquente non imputable au débiteur, art. 119 CO et compensation, art. 120 ss CO. Logiquement, le régime ne traite pas de l’exécution de l’obligation, qui est le principal cas d’extinction d’une obligation ; ni de la péremption, de la dation en paiement ou d’autres causes spéciales. Par contre, il traite de la prescription (art. 127 ss CO) qui n’est pas un mode d’extinction des obligations car elle n’affecte que leur justiciabilité. Précisons en outre que le titre troisième (art. 114-142) règle également l’extinction des droits accessoires, qui ne font pas partie de l’obligation (droits particuliers qui étendent la créance).

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Il existe de nombreuses causes d’extinction des obligations (fait qui, en vertu de la loi, met fin à l’obligation). On peut commencer par opérer les diverses distinctions suivantes, qui permettent de classer les causes :

- Selon leur nature :o La cause ordinaire : il s’agit de l’exécution des obligations (art. 114

al. 1 a contrario). C’est la cause principale : le débiteur ayant correctement exécuté sa prestation ne doit pas la renouveler.

o Les causes extraordinaires : ce sont des faits qui mettent fin à l’obligation sans que celle-ci ait été exécutée. Visées par les, art. 115 à 142, elles seront traitées successivement au cours de ce chapitre. On peut rapidement les citer ici :

La remise de dette. L’impossibilité. La compensation. La prescription.

- Selon leur fondement :o Les causes volontaires : elles éteignent l’obligation suite à

l’exercice d’un droit par une des parties (exécution, remise de dette, novation, compensation et consignation).

o Les causes involontaires : elle mettent fin à l’obligation sans intervention des parties (impossibilité, confusion, prescription).

- Selon leur relation avec la prestation : o Les causes qui procurent satisfaction au créancier : son patrimoine

se trouve dans le même état que s’il y avait eu exécution (novation, confusion et compensation).

o Les causes qui ne procurent pas satisfaction au créancier : son patrimoine se trouve diminué par rapport à ce qu’il aurait été en cas d’exécution (remise de dette, impossibilité et prescription).

La survenance d’une cause d’extinction de l’obligation a deux effets :

- L’extinction de l’obligation proprement dite : comme on l’a dit, l’effet principal est que l’obligation s’éteint. Cela amène deux conséquences :

o L’ancien créancier ne peut plus réclamer l’exécution de sa créance.o L’ancien débiteur ne doit plus effectuer la prestation visée par

l’obligation. S’il le fait, il peut en demander la restitution aux conditions de l’enrichissement illégitime (art. 62 ss).

- L’extinction des droits accessoires : selon l’art. 114 al. 1, l’extinction de l’obligation entraîne en principe l’extinction des droits accessoires (gages, cautionnements et autres droits accessoires). L’art. 114 al. 3 réserve trois groupes de dispositions aménageant un régime spécial (gage immobilier, art. 801 CC, concordat, art. 826 CC, et papiers-valeurs, art. 863 CC).

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Il convient brièvement de parler de la novation (art. 116 s.) et de la confusion (art. 118), héritages de la tradition romaine ne jouant plus un grand rôle pratique aujourd'hui. La novation (art. 116 s.) est un contrat par lequel les parties éteignent une dette ancienne par la création d’une dette nouvelle. Le créancier renonce aux exceptions et aux dettes accessoires qu’il pouvait déduire de la première dette. La novation suppose une cause valable : la dette ancienne doit exister et doit être valable (novation causale). La novation requiert la promesse et l’acceptation d’une nouvelle prestation et la volonté de nover. Si ces conditions sont valables, la novation éteint la dette ancienne et avec elle ses exceptions et droits accessoires. La confusion (art. 118) est la réunion dans la même personne des qualités de créancier et de débiteur : le créancier devient le débiteur d’une même dette. La confusion suppose que la créance et la dette soient réunies dans le même patrimoine d’une personne (suite à une succession, art. 560 CC, à une reprise de dette art. 175 ss CO, à une fusion d’entreprises, à une cession d’un patrimoine ou d’une entreprise avec des actifs et des passifs, art. 181 CO ou encore à un mariage sous le régime de la communauté des biens, art. 221 ss CC). L’obligation s’éteint alors car elle ne réunit plus deux sujets de droit : nul ne peut être son propre créancier (art. 118 al. 1), sauf exceptions sur les gages immobiliers et les papiers-valeurs.

Pour terminer cette présentation générale du système de l’extinction des obligations, il faut présenter le cas particulier de l’extinction du contrat (extinction du rapport d’obligation), qui doit être distingué de l’extinction de l’obligation. Le législateur n’a pas spécialement réglé l’extinction des contrats dans la PG : un contrat ne peut en principe prendre fin que par son exécution. La PS par contre contient certaines règles ayant trait à l’extinction des contrats, avant tout pour les contrats de durée (bail, art. 253 ss, travail, art. 319 ss, mandat, art. 394 ss, société, art. 530 ss). Il est possible de dégager de ces différentes dispositions propres à chaque contrat quelques constantes :

- Les causes d’extinction : il s’agit des faits auxquels la loi attache l’extinction du rapport contractuel (même sens qu’en matière d’extinction des obligations). Il en existe deux types (même distinction) :

o Les causes ordinaires : il s’agit des causes qui surviennent à l’expiration du temps normalement prévu par le contrat ou la loi. Pour les contrats de durée, l’extinction intervient à l’arrivée du terme ou à la réalisation de la condition. Pour les contrats de durée indéterminée, l’extinction peut avoir lieu par résiliation (acte juridique formateur) ou par le biais d’un contrat résolutoire.

o Les causes extraordinaires : ce sont les causes qui mettent fin prématurément au contrat pour des (justes) motifs (dépendant principalement de la nature du contrat) qui empêchent le déroulement normal des relations contractuelles.

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- Les effets de l’extinction : la survenance d’une cause n’entraîne pas forcément la rupture immédiate de la relation contractuelle. Elle ouvre un rapport de liquidation durant lequel les parties restent tenus de se faire toutes les prestations nécessaires au règlement du contrat (restitution des objets confiés, partage du bénéfice ou des dettes communes). Le contrat ne prend donc fin qu’une fois ces prestations exécutées.

La remise de dette

La remise de dette (art. 115) est un contrat entre le créancier et le débiteur par lequel le premier annule ou réduit la créance qu’il a contre le second. En vertu du principe de la liberté contractuelle, le créancier a toujours la possibilité de renoncer au droit qu’il a contre le débiteur. La remise de dette ne doit pas être confondue avec diverses autres institutions :

- Le concordat : c’est une convention que le débiteur conclut avec plusieurs créanciers en vue d’une remise proportionnelle de dettes et qui prend effet pour tous les créanciers dès que le juge l’a homologuée.

- Le contrat résolutoire : il s’agit d’un contrat (nouveau) par lequel les parties décident de mettre fin à leur relation juridique (contrat ordinaire soumis aux règles habituelles). A la différence de la remise de dette, le contrat résolutoire concerne toute la relation juridique et non seulement l’une des obligations qui en découle.

- La reconnaissance de dette négative : il s’agit de la déclaration par laquelle le créancier reconnaît qu’une dette n’a jamais existé ou qu’une dette qui existant a été éteinte (opposée de la reconnaissance de dette positive). Au contraire de la remise de dette, elle ne provoque pas l’extinction de la dette mais se borne à la constater (effets probatoires).

- Le pactum de non petendo : il s’agit de la convention par laquelle le créancier s’engage envers le débiteur à ne pas faire valoir se créance en justice. La dette subsiste donc, mais le débiteur dispose d’une exception péremptoire (comme dans les cas d’obligation naturelle).

- L’octroi d’un délai d’exécution (ou sursis) : c’est une convention par laquelle le créancier accepte, postérieurement à la conclusion de différer l’exigibilité de la prestation du débiteur. La dette subsiste là encore et pourra être exigée, mais le débiteur dispose d’une exception dilatoire.

La remise de dette reposant sur un contrat, cela amène 4 précisions-conditions :

- Un contrat : la remise de dette est nécessairement un contrat et non un acte unilatéral de disposition. La seule renonciation du créancier ne suffit pas, elle doit encore être acceptée pas le débiteur (au moins tacitement).

- Un contrat de disposition : la remise de dette est un contrat de disposition : le créancier renonce définitivement à un élément de son actif (obligatoirement des créances). Il doit donc avoir le pouvoir de disposer.

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- Une cause : la remise de dette opère toujours une attribution du créancier au débiteur. Elle doit reposer sur une cause valable, qui peut être une donation (art. 239 ss CO) ou une transaction par exemple.

- La validité du contrat : le contrat est soumis aux conditions de validité habituelles. La remise de dette n’est soumise à aucune forme spéciale. La remise de dette n’étant pas une modification du contrat (simple extinction d’une obligation), la règle de l’art. 12 ne s’applique pas.

Si les 4 conditions ci-dessus sont remplies, l’obligation visée s’éteint de manière définitive : le créancier ne peut révoquer la remise de dette, sauf s’il prouve qu’elle est affectée d’un vice dans sa formation.

18. Cours du 20 mars 2012   :

L’impossibilité   :

L’hypothèse visée est celle où, postérieurement à la naissance d’une obligation valable, des circonstances non imputables au débiteur surviennent et empêchent totalement ou partiellement l’exécution. On parle d’impossibilité subséquente non fautive. Il s’agit dès lors de déterminer qui en assume le risque (allocation de la prestation et de la contre-prestation) : le créancier, qui perdrait alors sa créance, ou le débiteur, qui devrait tout de même indemniser le créancier de l’intérêt positif. Le problème se pose donc entre le moment de la naissance de l’obligation et le moment de son exécution. En effet, si l’impossibilité survient avant la naissance de l’obligation, le contrat est frappé de nullité initiale (art. 20 al. 1). Si au contraire elle survient après l’exécution, il est normal que le créancier en assume les risques. L’art. 119 donne la solution :

- Pour la prestation du débiteur : l’art. 119 al. 1 pose le principe de la libération du débiteur pour la prestation impossible (toute action en exécution en nature exclue, art. 98 CO). En vertu de la loi, le risque de la prestation est supporté par le créancier (res perit creditori) qui n’obtient dès lors pas la prestation.

- Pour le sort de la contre-prestation : l’art. 119 al. 2 libère le créancier de l’obligation devenue impossible. Ainsi, en vertu de la loi, le risque de la contre-prestation est à charge du débiteur de la prestation impossible.

Au final, dans un contrat synallagmatique, le créancier d’une obligation impossible ne reçoit pas la prestation (et ne peut l’exiger) mais ne doit lui-même rien en contrepartie. Par contre, le débiteur d’une obligation impossible n’a plus l’objet de l’obligation (devenue impossible) et ne reçoit pas de contre-prestation : son patrimoine est donc réduit. Comme on l’a dit, la disposition suppose que les circonstances qui entraînent l’impossibilité ne soient pas imputables au débiteur (impossibilité non fautive). Si au contraire il est possible de démontrer que l’impossibilité a été causée par le débiteur, l’action en

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exécution réelle reste exclue, mais le créancier ne supporte alors plus le risque de la prestation car il obtient sa contre-valeur (intérêt positif) sous forme de dommages-intérêts en vertu des art. 97/101. Malgré tout, selon la théorie de la différence, il reste tenu fournir (au moins arithmétiquement) la contre-prestation. Dans ce genre de cas donc, non seulement le débiteur n’a plus la prestation (devenue impossible) mais en plus il a dû verser l’éventuelle différence entre les dommages-intérêts positifs et la contre-prestation due par le créancier. La règle de l’art. 119 est de droit dispositif : les parties peuvent donc convenir autre chose (transférer les risques en dérogation aux règles légales). Si ce transfert est fait aux dépens du débiteur, celui-ci assume une forme de garantie. Par contre, si c’est aux dépens du créancier, on se trouve en présence de clauses exclusives ou limitatives de responsabilité (art. 100, 101 al. 2). Il convient ensuite de préciser trois éléments :

- Premièrement, si le débiteur est en demeure, il répond même du cas fortuit (impossibilité non imputable au débiteur), sauf s’il parvient à prouver qu’il est en retard sans sa faute (art. 103).

- Deuxièmement, la PS contient quelques règles sur l’impossibilité, en relation avec certaines formes de contrat.

- Troisièmement, on peut remarquer que l’art. 119 traite deux problèmes. L’art. 119 al. 1 concerne les conditions de l’impossibilité et ses effets sur l’obligation en elle-même. L’art. 119 al. 2-3 va plus loin en traitant des conditions de l’impossibilité sur la contre-prestation.

Il s’agit dès lors d’analyser l’art. 119 al. 1, listant les 3 conditions qui font qu’un cas d’impossibilité entraîne l’extinction d’une obligation :

- Une impossibilité : la prestation du débiteur doit être impossible : elle ne doit plus être exécutable par le débiteur, ni par un tiers. La doctrine parle d’impossibilité objective (lourdeur : l’impossibilité subjective n’étant pas une impossibilité). La prestation est impossible si la chose (individualisée) périt, si le débiteur qui doit personnellement l’exécuter n’est plus capable de le faire, si l’ouvrage ne peut plus être exécuté. Peu importe que l’impossibilité provienne de circonstances de fait (avalanche, mort, incendie) ou de droit (interdiction administrative), qu’ elle soit due à un fait de la nature, d’un tiers étranger à la relation (voleur) ou même à une décision étatique. Rappelons qu’il ne peut y avoir d’impossibilité pour des obligations portant sur des choses de genre tant que le genre n’est pas épuisé (paiement d’un somme d’argent par exemple). L’impossibilité se distingue également de l’exorbitance (prestation possible mais entraînant des sacrifices excessifs de la part du débiteur). Dans de tels cas, le débiteur n’est pas libéré mais le juge peut parfois (à des conditions restrictives) corriger le contrat (clausula rebus sic stantibus).

- Une impossibilité subséquente (et non initiale : nullité) : l’impossibilité doit provenir d’une cause postérieure à la conclusion du contrat.

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- Une impossibilité non imputable au débiteur : le débiteur ne doit pas répondre de l’impossibilité. En effet, il n’est pas libéré s’il a commis une faute (ou s’il est en demeure). L’impossibilité peut donc provenir d’un cas fortuit (fait dont ne répondent ni le débiteur ni le créancier). Il est logique que le débiteur est également libéré si l’impossibilité est provoquée par la faute du créancier (ou des auxiliaires de ce dernier). Précisons toutefois que les parties peuvent toujours prévoir conventionnellement un régime différent. Si l’impossibilité est imputable au débiteur, celui-ci est certes libéré de la prestation promise (devenue impossible), mais il doit à la place indemniser le créancier selon les règles de la RCon.

Les effets de l’impossibilité sont différents selon que l’on considère la prestation du débiteur (art. 119 al. 1) ou la contre-prestation du créancier (art. 119 al. 2-3). Dans le premier cas (prestation du débiteur), selon l’art. 119 al. 1, l’obligation s’éteint : le débiteur est libéré de la prestation qu’il doit et n’est pas tenu de réparer le préjudice causé au créancier, pour autant qu’il fasse tout ce qui est en son pouvoir pour diminuer ce préjudice (selon les règles de la bonne foi). S’il viole un devoir accessoire par contre, le débiteur peut être tenu de réparer le préjudice (devoir d’informer le créancier à temps de l’impossibilité).

Dans le deuxième cas (contre-prestation du créancier), l’art. 119 al. 2 (le principe) précise que l’extinction de la dette du débiteur (devenue impossible) provoque également l’impossibilité de la contre-prestation. Bien entendu, pour que cet article s’applique (et qu’une contre-prestation existe), il faut être en présence d’une relation d’échange formant un contrat synallagmatique. Le débiteur libéré de sa prestation ne peut donc plus réclamer à son créancier ce qui lui restait dû et doit restituer ce qu’il a déjà reçu (enrichissement illégitime, art. 62 ss). La disposition répartit ainsi le risque entre les deux parties (le peintre devenu incapable sans sa faute de réaliser une œuvre est libéré mais ne peut réclamer le paiement du prix convenu). Par exception au principe de l’art. 119 al. 2, l’art. 119 al. 3 réserve quelques dispositions excluant la libération du créancier et l’obligeant à supporter les conséquences de l’impossibilité. Dans ce genre de cas, le créancier doit malgré tout exécuter sa prestation : le débiteur libéré conserve sa contre-créance. En plus des cas dans lesquels les parties en seraient spécialement convenues, l’exception a dans la loi deux fondements principaux :

- En raison de la construction juridique choisie (avant tout la vente) : selon l’art. 185, le risque incombe à l’acheteur. Ainsi, si après la conclusion du contrat de vente, la voiture qui se trouve chez le vendeur venait à disparaître sans faute de ce dernier, l’acheteur resterait tenu de payer le prix. Cette solution est tout de même contrebalancée par la responsabilité que supporte le vendeur de garder la chose et de la protéger.

- Pour des motifs sociaux (idée de justice) : dans les contrats de travail, l’employeur doit continuer pendant un certain temps à verser son salaire au travailleur empêché de travailler sans sa faute.

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La compensation   :

La compensation (art. 120-126) est l’extinction d’une dette par le sacrifice d’une contre-créance que le débiteur a contre son créancier. Elle permet au débiteur d’éteindre unilatéralement sa dette, mais en même temps également celle que le créancier a envers lui. Le procédé donne ainsi satisfaction aux deux parties. La compensation suppose l’existence de deux créances (créance et contre-créance) :

- La créance compensée (dette du débiteur) : il s’agit de la créance que doit celui qui recourt à la compensation (créance principale).

- La créance compensante (dette du créancier) : il s’agit de la créance que sacrifie celui qui recourt à la compensation (contre-créance).

La compensation doit résulter d’une MdV du débiteur (acte juridique unilatéral, formateur). L’effet extinctif ne se produit que si le débiteur fait connaître au créancier son intention de l’invoquer par une déclaration de compensation. Ce mode d’extinction des obligations constitue en outre un mode privé d’exécution forcée des créances car le débiteur qui l’exerce obtient l’exécution de sa propre créance. La compensation doit être distinguée de deux autres solutions, qui auraient pu être adoptées en droit suisse :

- La compensation légale (droit français) : la compensation est alors automatique et survient dès que les conditions en sont réunies. On trouve tout de même quelques réminiscences de ce système dans la loi (art. 120 al. 3, compensation d’une créance prescrite, art. 124 al. 2, moment des effets de la compensation, art. 169 al. 2, cession de créance).

- La compensation judiciaire (droit anglais et droits connaissant la compensation légale) : c’est le juge qui doit ordonner la compensation, lorsque par exemple la partie recherchée prend des conclusions reconventionnelles et demande au juge d’ordonner la compensation pour le cas où celui-ci admettrait tout ou partie des conclusions du demandeur.

Le débiteur ne peut compenser que si 6 conditions sont remplies. La première est la condition essentielle alors que les 5 autres sont des conditions objectives :

- La déclaration de compensation (condition essentielle) : comme le rappelle l’art. 124 al. 1, la condition essentielle de la compensation est que le débiteur manifeste sa volonté par une déclaration de compensation (par déclaration expresse ou actes concluants). Il communique à son créancier qu’il compense ou désire compenser sa dette avec celle dont ce dernier est tenu. La déclaration est un acte soumis à réception, dont les effets remontent au moment où les deux créances pouvaient être compensées (art. 124 al. 2 CO). Si le débiteur dispose de plusieurs créances, il peut choisir laquelle il entend sacrifier en compensation.

- La réciprocité des créances : selon l’art. 120 al. 1, chaque partie doit être à la fois créancière et débitrice de l’autre (selon l’identité juridique des personnes). Il faut réserver le cas de la théorie de la transparence.

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Précisons également qu’il y a identité entre une société et sa succursale mais pas entre une société et sa filiale. La loi contient diverses applications de cette première exigence, à laquelle elle apporte diverses précisions, notamment dans des situations où trois personnes sont liées (dans tous ces cas, il existe une relation « en triangle ») :

o Dans le cautionnement (art. 492) : la caution ne peut compenser sa dette avec la créance qu’aurait le débiteur principal contre le créancier car il n’y a pas de réciprocité. La caution est débitrice du créancier, lequel est débiteur du débiteur principal. L’art. 121 reconnaît tout de même une exception dilatoire à la caution : le créancier ne peut pas rechercher la caution si le débiteur principal décide de demander la compensation.

o Dans la stipulation pour autrui (art. 112) : selon l’art. 122, dans les cas où le promettant a une créance contre le stipulant, il ne peut compenser sa dette avec ce que lui doit l’autre contractant (le stipulant). Le promettant est bien créancier du stipulant, mais pour une prestation due au seul bénéficiaire.

o Dans la cession de créance (art. 164) : cette relation lie le débiteur cédé (personne ayant à l’origine une dette envers le cédant), le cédant (créancier qui décide de céder sa créance à un tiers) et le cessionnaire (tiers bénéficiaire de la cession de créance). Dans ce genre de cas, le débiteur cédé peut opposer en compensation au cessionnaire une créance qu’il avait contre le cédant à condition que sa créance ne soit pas devenue exigible postérieurement à la créance cédée (art. 169 al. 2). Il s’agit d’une des réminiscences de l’idée de la compensation légale.

- L’identité des prestations dues : selon l’art. 120 al. 1, la compensation n’est possible qu’entre prestation de même espèce (le plus souvent des dettes d’argent). Exceptionnellement, il peut s’agir de dettes portant sur d’autres choses fongibles de même nature. Si une partie accepte la compensation bien que les prestations ne soient pas de même espèce, il ne s’agit plus d’une véritable compensation mais d’un accord concernant l’extinction de la dette par dation en paiement. Trois précisions :

o Les créances ne doivent pas nécessairement être connexes : elles ne doivent donc pas forcément découler du même contrat. Un lien subjectif (basé sur la réciprocité) suffit donc.

o Elles ne doivent pas nécessairement être égales : les deux créances n’ont pas besoin d’avoir la même valeur. On peut le déduire de l’art. 124 al. 2 puisque la créance la plus grande subsiste (solde).

o Elles ne doivent pas nécessairement être liquides (art. 120 al. 2) : le terme liquide désigne une créance qui est déterminée avec

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certitude dans son principe et dans son montant. Un débiteur peut compenser même si sa propre compensation est contestée.

- L’exigibilité de la créance compensante : o Le créance compensante (dette du créancier) doit être exigible : le

débiteur ne peut compenser sa dette qu’avec une créance dont il pourrait réclamer le paiement de l’autre partie.

o La créance compensée (dette du débiteur) par contre, ne peut être qu’exécutable : il suffit que le débiteur soit en droit d’exécuter la prestation qu’il souhaite éteindre.

Selon l’art. 123 al. 1, la condition d’exigibilité n’est plus requise lorsque le débiteur est en faillite (créances deviennent exigibles, art. 208 al. 1 LP).

- La possibilité de faire valoir la créance compensante en justice : sous-entendue par l’art. 120 al. 1, cette condition traduit le principe selon lequel une partie ne doit pas perde par la compensation le bénéfice des exceptions qu’elle aurait pu opposer à son créancier. Si une créance ne peut être déduite en justice, elle ne doit pas pouvoir être éteinte par un acte d’exécution privée de l’autre partie. Le débiteur peut par contre toujours renoncer à cette protection et éteindre par compensation une dette propre qu’il n’était pas possible de faire valoir en justice. Selon ce principe, le débiteur ne devrait pas pouvoir opposer en compensation une créance prescrite : toutefois, l’art. 120 al. 3 prévoit une exception si la créance n’était pas éteinte par la prescription au moment où elle pouvait être compensée (le moment déterminant est celui auquel la compensation pouvait avoir lieu). Il s’agit là d’une autre réminiscence de l’idée de compensation légale (art. 120 al. 3, 124 al. 2 et 169 al. 2).

- L’absence de cause d’exclusion : la compensation n’est pas possible si elle est exclue par la loi ou une convention des parties :

o L’exclusion légale : la compensation est exclue par un certain nombre de disposition. On distingue l’exclusion générale de l’art. 125 des autres exclusions spéciales :

L’exclusion générale (art. 125) : elle vise trois hypothèses dans lesquelles l’origine ou la nature des créances s’opposent à une compensation. Ainsi, ne peuvent être éteintes par compensation, premièrement (art. 125 ch. 1), les créances ayant pour objet soit la restitution soit la contra-valeur d’une chose déposée, soustraite sans droit ou retenue par dol, deuxièmement (art. 125 ch. 2), les créances dont la nature spéciale exige le paiement effectif en mains du créancier (créances d’aliments ou salaire, nécessaires à l’entretien du créancier et de sa famille) et enfin troisièmement (art. 125 ch. 3), les créances dérivant du droit public en faveur de l’État ou des communes. L’art. 125 n’interdit pas absolument la compensation, il interdit de

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mode d’extinction des obligations contre la volonté du créancier. Celui-ci peut donc renoncer à cette protection.

Les exclusions spéciales : on peut mentionner la faillite. En principe, le créancier a le droit de compenser sa créance avec celle que le failli peut avoir contre lui. Par contre, lorsque postérieurement à l’ouverture de la faillite, le débiteur du failli devient son créancier ou que le créancier du failli devient son débiteur, la compensation est interdite. De même, si avant l’ouverture de la faillite, le débiteur du failli acquiert une créance contre lui en connaissance de son insolvabilité, la compensation peut être contestée.

o L’exclusion conventionnelle (art. 126) : par application du principe de la liberté contractuelle (art. 19), les parties peuvent renoncer conventionnellement à la compensation (pactum de non compensando). L’exclusion est parfois exclue par la loi (créances du locataire, art. 265, 295, ou du travailler, art. 323b al. 2).

Lorsque les six conditions listées ci-dessus sont remplies, le débiteur peut exercer la compensation et soulever une exception ayant pour effet selon l’art. 124 al. 2 d’éteindre les deux dettes jusqu’à concurrence de la plus faible. Si X a une créance de 10'000 contre Z et Z une contre-créance de 8'000 contre X, l’invocation de la compensation par X éteint sa propre dette et réduit à 2'000 la dette de Z. L’art. 124 al. 2 contient une règle spéciale sur le moment auquel se produisent les effets de la compensation. Ils remontent au moment où les deux créances pouvaient être compensées (idée de la compensation légale). Le moment déterminant n’est donc pas celui de la réception de la MdV. La règle peut jouer un certain rôle dans le calcul des intérêts. Selon l’art. 124 al. 3, il faut toutefois réserver les usages du commerce (en matière de compte courant).

19. Cours du 27 mars 2012   :

La prescription   (art. 127-142 CO)   :

La prescription (art. 127-142 CO) est l’institution (fédérale, de droit matériel et non de procédure) qui permet au débiteur de paralyser le droit d’action lié à une créance par suite de l’écoulement du temps (par l’opposition d’une exception péremptoire). La prescription dont nous allons parler entraîne l’extinction d’un droit (l’extinction du droit d’action lié à la créance concernée) : on parle de prescription extinctive (par opposition à la prescription acquisition qui permet d’acquérir un droit, art. 661 ss CC). La prescription poursuit deux buts : premièrement accélérer l’exécution des prestations et favoriser la sécurité des transaction et deuxièmement protéger le débiteur contre des réclamations tardives et les difficultés de preuves qui en découlent. L’institution atteint les créances (le droit d’action lié précisément) et non le rapport d’obligation dans

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son ensemble : la créance du vendeur en paiement peut se prescrire, mais pas le contrat de vente. De ce fait, les différentes obligations d’un contrat se prescrivent séparément. La prescription doit encore être distinguée de la péremption (déchéance). La péremption entraîne l’extinction du droit (droit subjectif) et le juge doit la relever d’office. Elle survient à l’expiration d’un délai dans lequel le titulaire devait exercer un droit subjectif ou accomplir un acte nécessaire à l’exercice d’un tel droit (faire valoir un vice du consentement, ouvrir une action en droit de la famille ou encore respecter les incombances). En principe, toutes les créances se prescrivent (même celles du droit de la famille et des successions). Il existe néanmoins par exception quelques créances imprescriptibles (créances garanties par un gage immobilier ou créance en restitution du déposant propriétaire de la chose déposée). Deux conditions sont nécessaires à l’acquisition de la prescription : l’expiration du délai de prescription, en lien avec la fixation de ce dernier, et la non prolongation de ce même délai de prescription.

La durée de la prescription est en général fixée par la loi (les parties peuvent y déroger partiellement). Pour déterminer la prescription applicable à une créance, il faut connaître un certain nombre d’éléments :

- La durée du délai : on distingue alors règle générale et règles spéciales :o La règle générale : selon l’art. 127, les créances se prescrivent par

dix ans. Le débiteur doit s’attendre à être recherché dans ce délai.o Les règles spéciales : de nombreuses dispositions retiennent des

délais plus court (art. 128, 210, 371 CO) ou complémentaires (art. 60 al. 1-2, 67 al. 1 CO). Les dérogations concernent uniquement la durée du délai mais pas les autres règles du système. Il convient de mentionner l’art. 128 qui prévoit un délai de 5 ans pour :

Les redevances périodiques (ch. 1) : cela concerne les loyers (art. 257 ss), les fermages (art. 281) ou les intérêts.

Les prestations d’entretien (ch. 2) : notamment les fournitures de vivres ou les pensions alimentaires.

Certaines prestations courantes (ch. 3) : notamment celles des artisans pour leur travail, des marchands pour leurs fournitures, des médecins pour leurs soins et bien d’autres.

- Le moment à partir duquel ce délai court (dies a quo) : le début du délai de prescription est lié à la durée de prescription : une durée n’est utile que lorsqu’elle est rattachée à une date de départ. Là encore, on distingue la règle générale et les règles spéciales :

o La règle générale : selon l’art. 130 al. 1, la prescription court à partir du moment de l’exigibilité de la créance. Ce n’est qu’à partir de ce moment que le créancier peut agir contre son débiteur.

o Les règles spéciales : quelques dispositions spéciales retiennent un autre moment : art. 130 al. 2 (créances sujettes à dénonciation),

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131 al. 1 (rentes viagères ou prestations analogues), 60 al. 1 (créances en RC), 67 al. 1 (créances en EI), 318 (prêteur).

- L’élément qui permet de déterminer le moment auquel le délai est expiré (dies ad quem) : la détermination du moment de l’expiration du délai de prescription est une conséquence des deux premières règles : le délai expire au dernier jour au cours duquel le créancier peut faire valoir sa prétention sans courir le risque de se voir opposer l’exception de prescription (art. 132 al. 1). Le créancier doit avoir ouvert l’action avant ce terme (sauf cause de prolongation du délai). Le jour à partir duquel court la prescription n’est pas compté et celle-ci n’est acquise que lorsque le dernier jour délai s’est écoulé sans avoir été utilisé. Pour le reste, on applique l’art. 132 (règles générales en matière de computation des délais, art. 76 s.). A titre exceptionnel, l’art. 139 accorde un délai supplémentaire au créancier qui a agi à temps, mais dont l’acte d’exécution est irrecevable (notamment à cause d’un vice de forme réparable ou de l’incompétence du juge saisi). Ainsi, même si le délai de prescription s’est écoulé dans l’intervalle, le créancier dispose d’un sursis de 60 jours à compter de la communication de la décision. L’entrée en vigueur du nouveau code de procédure civile (CPC : 1 janvier 2011) a toutefois abrogé cette disposition.

Comme on l’a dit, pour que la prescription soit acquise, le créancier ne doit pas être au bénéfice d’une prolongation des délais. La prescription peut en effet être prolongée dans quatre situations :

- En cas d’empêchement ou de suspension : la prescription est prolongée tant que le créancier n’est pas à même d’exiger du débiteur qu’il exécute sa prestation. On parle d’empêchement lorsque le délai n’a pas commencé à courir et de suspension lorsqu’il est interrompu. Cette situation intervient dans deux sortes d’hypothèses, selon l’art. 134 :

o Le créancier se trouve avec son débiteur dans une relation personnelle de dépendance ou une relation personnelle qualifiée qui fait obstacle à une action (art. 134 ch. 1-5).

o Il est impossible au créancier pour des motifs de fait ou de droit de faire valoir sa créance devant un tribunal suisse (art. 134 ch. 6). Cela peut être le cas en cas d’absence de for en Suisse ou lorsqu’il n’est pas possible de faire exécuter son jugement en Suisse.

Dans ces différents cas, le cours du délai primitif de prescription est empêché ou suspendu (prasscriptio dormit). Tant que la cause d’empêchement ou de suspension dure, la prescription ne court pas, elle dort. Dès que la cause cesse, la prescription commence à courir (empêchement) ou reprend son cours (suspension) à partir du moment où on l’avait laissée (donc sous déduction du temps déjà écoulé).

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- En cas d’interruption de la prescription : le cours de la prescription est interrompu lorsque se produisent certains faits qualifiés liés à l’exécution. La loi retient deux sortes d’hypothèses aux art. 135-138 :

o La reconnaissance de dette du débiteur (art. 135 ch. 1) : la prescription est interrompue lorsque le débiteur manifeste expressément ou tacitement au créancier qu’il reconnaît lui devoir la prestation en cause (par une reconnaissance de dette expresse, art. 17 CO, ou par actes concluants, par le paiement d’intérêts ou d’acomptes, par la constitution de gage, l’octroi d’une caution ou encore l’invocation sans réserve de la compensation). La déclaration confirmant la dette, le créancier peut s’y fier.

o Un acte qualifié d’exécution du créancier : selon l’art. 135 ch. 2, la prescription est interrompue lorsque le créancier utilise un des moyens de procédure mis à sa disposition pour obtenir l’exécution. Le créancier doit ainsi recourir aux voies officielles, que sont :

Les actes de poursuite : cela concerne l’envoi de réquisition de poursuite pour un commandement de payer ou une autre intervention diverse dans la faillite (art. 138 al. 2-3).

Les actes de procédure proprement dits : il peut s’agir de l’ouverture d’action, l’invocation d’une exception, la requête d’arbitrage, la citation du défendeur en conciliation.

Dans ces différents cas, un nouveau délai commence à courir à partir de cet acte (art. 137 al. 1) : on ne tient donc pas compte du délai déjà écoulé comme en cas de suspension. La durée du délai est en principe identique à celle du délai interrompu. Si la dette a été reconnue dans un titre ou constatée par jugement, le délai est toutefois dans tous les cas porté à dix ans (art. 137 al. 2, sorte de novation). Signalons pour finir deux règles particulières :

L’art. 136 al. 1 : la prescription interrompue contre l’un des débiteurs solidaires ou l’un des codébiteurs d’une dette invisible l’est également contre tous les autres. La disposition s’applique à la solidarité parfaite mais pas au simple concours d’action.

L’art. 136 al. 2 : la prescription interrompue contre le débiteur principal l’est aussi contre la caution. L’inverse, par contre, n’est pas vrai (art. 136 al. 3).

- En cas de renonciation de la prescription : selon l’art. 141 al. 1, toute renonciation anticipée à la prescription est nulle. Cette affirmation, semblant absolue, appelle trois réserves importantes :

o L’interdiction ne vise que l’interdiction anticipée. o La renonciation a une prescription qui a déjà couru reste possible.

Cela revient alors en fait à une interruption de prescription : le délai recommence alors à courir depuis le jour de la renonciation.

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o La renonciation pour une durée déterminée est également possible (surtout en RC). Dans ce genre de cas, on ajoute au délai de prescription le temps durant lequel le débiteur a renoncé.

- En cas d’abus de droit : dans des circonstances particulières, l'invocation de la prescription peut constituer un abus de droit. C’est notamment le cas si le débiteur incite le créancier à renoncer à des actes interruptifs de prescription pour s’en prévaloir une fois la prescription acquise.

Lorsqu’elle est invoquée, la prescription ne fait que paralyser le droit du créancier. La créance subsiste donc : le créancier a le droit de poursuivre le débiteur après l’écoulement du temps et le juge doit lui donner raison si l’exception péremptoire n’est pas soulevée par le débiteur (le juge ne peut la relever d’office, art. 142). Il est donc nécessaire que le débiteur soulève l’exception pour que le droit à l’exécution soit paralysé. Le juge n’a alors plus le droit de condamner le débiteur à exécuter l’obligation : la dette prescrite se rapproche donc d’une obligation naturelle. Si le débiteur paie une dette prescrite, il l’exécute valablement et ne pourra en exiger la restitution. La prescription n’est donc pas un mode d’extinction des créances, contrairement à ce que sa position dans le code pourrait laisser croire.

Pour terminer, il convient de parler des modifications conventionnelles des délais de prescription. Comme toujours en vertu du principe de la liberté contractuelle (art. 19), les parties peuvent (partiellement) déroger au système et décider d’adopter d’autres règles. Elles peuvent ainsi modifier les termes, raccourcir ou prolonger les durées ou encore fixer un point de départ différent. Cette liberté (comme toujours) ne vaut cependant que dans les limites de la loi. Il faut en outre signaler deux réserves :

- En vertu de l’art. 129, les délais fixés aux art. 114-142 sont péremptoires et ne peuvent être modifiés conventionnellement. Cela signifie que ces délais ne peuvent être ni prolongés ni raccourcis. Par contre, la règle n’empêche pas que la survenance de la prescription soit repoussée (par une suspension, une interruption ou un sursis retardant l’exigibilité de la créance). La réserve ne vaut cependant pas pour les délais fixés dans d’autres parties de la loi (art. 60 CO par exemple).

- La modification des autres délais est possible mais sous deux réserves :o Selon l’art. 27 CC, la durée d’un délai ne peut excéder 10 ans. o La réduction du délai ne doit pas entraver inéquitablement

l’exercice du droit du créancier (art. 378 al. 2 CO).

20. Cours du 3 avril 2012   :

La pluralité des débiteurs   :

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En règle générale, l’obligation lie le créancier à un seul débiteur. Rien ne s’oppose toutefois à ce que plusieurs débiteurs répondent d’une seule et même dette. Dans ce cas, tous les débiteurs sont tenus en vertu d’une seule et même cause (dette plurale). On distingue le cas de dette plurale du cas où plusieurs débiteurs répondent à l’égard d’un même créancier d’une prestation identique ou analogue mais en vertu de causes différentes (dettes cumulatives). La victime d’un accident de la circulation par exemple a droit aux prestations du responsable en réparation de son préjudice (art. 58 ss LCR) mais peut également avoir droit à celles d’un assurer (indemnité pour invalidité, art. 96 LCA). En cas de dette plurale, la situation des débiteurs peut prendre plusieurs formes, selon la part de la dette que le créancier a le droit d’exiger de chacun d’eux :

- Les débiteurs partiels : plusieurs personnes sont débitrices d’une même dette, mais de telle sorte que chacune d’elles n’est tenue que d’une quote-part de la prestation totale (dette disjointe). Le créancier doit agir contre chaque débiteur (règle des dettes divisibles). Dans ce genre de cas, la pluralité ne se traduit que par des rapports externes et séparés entre le créancier et ses débiteurs (aucun rapport interne entre les débiteurs). Il s’agit de la solution présumée s’appliquant faute de disposition spéciale amenant un régime de débiteurs collectifs ou solidaires.

- Les débiteurs collectifs : plusieurs personnes sont débitrices d’une même dette, mais de telle sorte qu’elles doivent toutes l’exécuter ensemble ou par un représentant commun (art. 32 ; dette commune). Le créancier ne peut faire valoir sa créance que contre tous les débiteurs pris collectivement. C’est le cas le plus rare car la loi ne le prévoit nulle part et les parties rarement (la plupart du temps pour des dettes personnelles). Là encore, la pluralité ne se traduit que par des rapports externes mais conjoints entre le créancier et l’ensemble des débiteurs (aucun rapport interne particulier entre les débiteurs). Il faut toutefois réserver le cas où un des débiteurs aurait causé au créancier un dommage dont tous les codébiteurs seraient responsables. Précisons pour finir que la communauté des héritiers (hoirie) et les membres d’une société simple sont des débiteurs solidaires (art. 603 al. 1 CC et 544 al. 3 CO) mais sont en revanche des créanciers collectifs pour les actifs.

- Les débiteurs pour le tout : plusieurs personnes sont débitrices d’une même dette, mais de telle sorte que chacune d’elles est tenue à l’égard du créancier de l’exécuter intégralement avec effet libératoire pour les autres. Le créancier peut rechercher chacun des codébiteurs pour l’intégralité de la dette (règle des dettes indivisibles). Les débiteurs peuvent être égaux ou inégaux, selon que le créancier a la possibilité de les rechercher aux mêmes conditions.

o En cas d’inégalité : il y a concours entre deux types de dette : une dette primaire (le débiteur peut être directement recherché) et

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une dette subsidiaire (le débiteur ne peut être recherché qu’après un autre coobligé ou à des conditions qualifiées). Cette situation se présente surtout en cas de cautionnement (art. 495 s.) : la dette du débiteur est primaire, celle de la caution subsidiaire.

o En cas d’égalité : les débiteurs sont alors solidaires. La solidarité (passive) est une institution précisée dans le code aux art. 143-149. C’est cette solidarité passive qui nous intéresse principalement et sera développée ci-dessous, dans sa notion tout d’abord, puis par rapport aux rapports externes et internes.

Il y a solidarité passive (art. 143 al. 1) lorsque le créancier est en droit de rechercher chaque débiteur pour la totalité de la dette, mais que la prestation faite par l’un d’eux libère les autres. La portée de l’institution diffère selon que l’on se place du point de vue du créancier ou du débiteur :

- Pour le créancier : elle lui permet de viser plusieurs débiteurs pour une seule dette. Il peut agir comme s’il n’y en avait qu’n seul, sans devoir partager sa créance et rechercher séparément chacun des débiteurs. Sa situation est renforcée : si un des débiteurs n’était pas à même de faire sa prestation, le créancier peut en rechercher un autre (idée de garantie).

- Pour le débiteur : l’institution présente un inconvénient pour les débiteurs car l’un d’eux peut être tenu seul à l’égard du créancier. Pour résoudre ce problème, la loi (ou le contrat) permet au créancier devant seul exécuter l’obligation de se retourner ensuite contre ses codébiteurs afin de reporter sur eux tout ou partie du poids de la prestation.

La règle étant en général la divisibilité de la dette, la solidarité (supposant l’indivisibilité) ne peut exister qu’à des conditions particulières. Elle doit ainsi reposer forcément sur l’une des deux sources suivantes :

- Le contrat : selon l’art. 143 al. 1, la solidarité peut découler de l’accord (initial ou subséquent : cas de reprise cumulative de dette ; expresse ou tacite) passé entre le créancier et ses débiteurs (solidarité conventionnelle). Il existe alors nécessairement une relation contractuelle interne entre les débiteurs, qui s’engagent (le plus souvent par une société simple, art. 530, 544 al. 3).

- La loi : selon l’art. 143 al. 2, en dehors de la version conventionnelle, la solidarité ne peut exister que dans les cas prévus par la loi (solidarité légale). Cette solution est avant tout consacrée dans la RC, entre personnes répondant d’un même dommage causé par une faute commune ou dans d’autres situations assimilées.

Pour fonder la solidarité, il existe deux conceptions (théoriques) : soit on y voit une dette unique liant plusieurs débiteurs (théorie de la corréalité), soit on y voit plusieurs dettes ayant un seul et même objet (théorie de la solidarité). La controverse n’a toutefois aucune portée pratique. Ce régime de solidarité

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implique forcément l’existence de deux types de rapports (qui seront présentés ci-dessous), existence confirmée par la structure du code (rapports entre créancier et débiteurs, art. 144-147, rapports entre codébiteurs, art. 148-149).

Les rapports externes sont visés par les art. 144-147. Le principe (art. 144 al. 1) est que le créancier peut choisir celui (ou ceux) des débiteurs dont il entend obtenir l’exécution. Il peut aussi partager sa créance de manière égale, ou inégale (art. 144 al. 1). Sa créance doit pour cela être exigible. Si tel est le cas, il peut décider qui rechercher et comment répartir sa créance. Les débiteurs ont eux chacun le droit d’exécuter la prestation, pour autant qu’elle soit exécutable. S’il n’obtient pas entièrement satisfaction de l’un, l’art. 144 al. 2 autorise le créancier à s’en prendre aux autres jusqu’à extinction totale de la dette (débiteur garant de la dette des autres). L’extinction totale ou partielle peut toujours résulter d’une compensation (art. 147 al. 1), d’une consignation valable (art. 92) d’une dation en paiement ou en vue du paiement. Précisons également que l’impossibilité subséquente non fautive libère tous les débiteurs (art. 119 al. 1). Le débiteur recherché a le devoir de défendre les intérêts de ses codébiteurs (comme un gérant d’affaire, art. 419 ss). Cela implique en particulier :

- Qu’il ne doit pas aggraver la situation de ses coobligés : selon l’art. 146, le débiteur recherché ne peut pas aggraver la position de ses coobligés par son fait personnel. Ainsi, la demeure, l’impossibilité fautive ou n’importe quel accord entre l’un des débiteurs et le créancier ne touche que le débiteur concerné (indépendance des obligations solidaires). La seule exception est l’art. 136 al. 1 par rapport à la reconnaissance de dette.

- Qu’il doit invoquer des exceptions lorsque cela est possible : le débiteur recherché est tenu de défendre les intérêts de ses coobligés en opposant au créancier qui le recherche toutes les exceptions à sa disposition :

o L’invocation des exceptions communes (ou matérielles) : le débiteur doit opposer au créancier toutes les exceptions communes (résultant de la cause ou de l’objet de l’obligation solidaire, art. 145 al. 1). On peut notamment citer la prescription, le vice de forme ou l’incapacité du créancier. En cas d’omission, le débiteur perd son droit de recours (art. 145 al. 2 CO).

o L’invocation des exceptions personnelles (ou relatives) : le débiteur peut mais ne doit pas opposer les exceptions personnelles dont il dispose. Il ne peut par contre bien entendu pas invoquer les exceptions personnelles dont disposent ses codébiteurs (art. 145 al. 1 a contrario ; exceptions ex jure tertii), sauf si elles influencent directement ses propres droits contre les autres codébiteurs (art. 147 al. 2). Cela concerne principalement la remise de dette (art. 115) ou la confusion (art. 118).

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L’une des particularités les plus remarquables réside dans le régime de la prescription (art. 127 CO). Selon l’art. 136, la prescription interrompue contre l’un des débiteurs solidaires l’est également contre tous les autres (en cas de solidarité parfaite uniquement, et pas pour le concours d’action ou la solidarité imparfaite ; réminiscence de la théorie de la corréalité).

Les rapports internes sont visés par les art. 148-149. Le principe (art. 148 al. 2) est que celui qui a totalement ou partiellement satisfait le créancier peut exercer un recours (action récursoire contre son ou ses codébiteurs). Le paiement fait naître une delle nouvelle entre le créancier récursoire et ses coobligés. Ce recours peut se fonder soit sur un accord, soit sur la loi :

- Le recours conventionnel (ou recours spécial) : il découle des relations internes préalables entre les coobligés. Ces derniers ont déterminé dans la relation qui les unit si, dans quelles mesures et à quelles conditions celui qui a payé le créancier peut se retourner contre les autres. La solution ne peut naturellement concerner que les solidarités conventionnelles (et non légales : pas de rapports internes préalables).

- Le recours légal (ou général) : si les parties n’ont rien prévu et si la loi ne prévoit pas autre chose, le code prévoit à l’art. 148 al. 2 un recours général qui s’applique aux cas de solidarité légale mais également aux cas de solidarité conventionnelle lorsque les parties n’ont rien prévu.

Le recours général (art. 148 al. 2) est subordonné à la réalisation de deux conditions cumulatives :

- Le désintéressement du créancier : celui qui recourt doit avoir désintéressé le créancier (paiement de la dette ou extinction par un procédé procurant satisfaction au créancier : compensation par exemple).

- Le paiement d’une part supérieur : celui qui recourt doit avoir payé au créancier une part supérieure à ce qu’il doit selon les rapports internes. En effet, la clé de répartition est présumée égale entre les codébiteurs mais cette présomption peut changer selon le fondement de la solidarité :

o En cas de solidarité conventionnelle : la clé peut découler des rapports internes entre (contrat de société, art. 544 al. 1).

o En cas de solidarité légale : c’est logiquement la loi qui fixe la clé. Le juge doit décider en équité (responsabilité : art. 50 al. 2).

Cette répartition interne est corrigée en cas de perte. Chacun des codébiteurs est le garant des autres dans les rapports internes : ce qui ne peut être récupéré de l’un se répartit par portions égales entre les autres (art. 148 al. 3). Comme on l’a dit, le débiter qui a fait une prestation dépassant sa part a une créance pour l’excédent contre ses coobligés (art. 148 al. 2). Quelques précisions à ce sujet :

- Les codébiteurs recherchés ne répondent pas solidairement de la dette qu’ils ont envers le créancier récursoire : il s’agit d’une dette partielle.

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- La créance récursoire n’est exigible qu’à partir du moment où le débiteur a fait sa prestation au créancier. La prescription de cette créance court déjà lorsque le créancier récursoire a eu connaissance de la possibilité de recours (sous réserve de dispositions spéciales : art. 507 al. 5, 878 al. 2).

- Rappelons également que le débiteur perd son droit de recours s’il a omis d’opposer au créancier des exceptions communes (art. 145 al. 2).

Enfin, l’art. 149 al. 1 renforce cette créance récursoire par une subrogation aux droits du créancier principal : le débiteur qui l’a désintéressé devient titulaire de la créance que celui-ci avait contre les autres. L’intérêt pratique de ce mécanisme réside dans le fait que le débiteur qui a en partie payé la dette d’un tiers acquiert, avec la créance, les droits accessoires qui la garantissent (notamment les sûretés). La solution paraît ainsi particulièrement adaptée aux solidarités conventionnelles.

La pluralité de créanciers   :

Dans le chapitre consacré aux obligations solidaires (art. 143 ss), le code règle la solidarité active (art. 150) après la solidarité passive (art. 143-149). En règle générale, le débiteur est face à un seul créancier mais rien n’empêche qu’il doive sa prestation à plusieurs créanciers, qui sont alors titulaires d’une même créance plurale. Par analogie avec la pluralité des débiteurs, on peut imaginer plusieurs types de liens entre les créanciers :

- Les créanciers partiels : plusieurs personnes sont titulaires d’une même créance mais de telle sorte que chacune d’elles n’est autorisée à réclamer du débiteur qu’une quote-part de la prestation (créance disjointe). Chaque créancier doit agir individuellement contre le débiteur. Les créances partielles ne forment une unité que par leur cause similaire.

- Les créanciers collectifs : plusieurs personnes sont titulaires d’une même créance mais de telle sorte que toutes doivent la faire valoir ensemble ou au moins désigner un représentant commun (créance commune). Le débiteur ne peut en principe se libérer qu’à l’égard de tous les créanciers. Il s’agit du système de la société simple (art. 544 al. 1) ou de la communauté héréditaire (art. 602 al. 2 CC).

- Les créanciers pour le tout (ou solidaires) : plusieurs personnes ont un même créance à l’égard d’un même débiteur de telle sorte que chacune est autorisée à faire valoir la créance de manière intégrale et indépendante. Comme pour les débiteurs, les créanciers pour le tout peuvent être égaux (on parle alors de créanciers solidaires, en lien avec la solidarité active, qui sera précisée ci-dessous) ou inégaux. Dans ce deuxième cas, soit un seul des créanciers est autorisé à exiger la prestation, les autres ne pouvant que demander la prestation pour celui-ci (stipulation pour autrui parfaite, art. 112), soit un créancier peut exiger la

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prestation primaire et les autres de manière subsidiaire (substitution fidéicommissaire, art. 488 al. 1 et 489 al. 1 CC).

La solidarité active (art. 150) est le cas où chacun des créanciers peut exiger du débiteur la totalité de la prestation et que le débiteur peut se libérer à l’égard de tous ses créanciers en faisant sa prestation à l’un d’entre eux. Comme la solidarité passive, elle n’existe qu’à des conditions particulières et doit reposer sur le contrat (convention : le débiteur reconnaît à chacun des créanciers le droit d’exiger l’exécution intégrale de la prestation, compte-joint) ou sur la loi (en vertu de quelques rares règles particulières : sous location, art. 262 al. 3 ou sous-mandat, art. 399 al. 3). Pour ce qui est des rapports internes, ils sont régis par la cause qui a donné naissance à la créance solidaire. Le contrat de société peut, en dérogation au régime légal, autoriser un associé à encaisser le montant dû par un débiteur social (répartition interne faite selon les règles du contrat). Il faut pour terminer mentionner le cas de la communauté des créanciers d’une obligation indivisible, dont l’exécution ne peut donner lieu à plusieurs prestations partielles sans altérer la valeur de l’objet ou en changer la nature. Selon l’art. 70 al. 1, chacun des créanciers peut exiger l’exécution intégrante et le débiteur est tenu de s’exécuter envers tous. De plus, dans ce genre de cas, contrairement à ce qui a été dit à propos des créanciers collectifs, les créanciers n’ont pas besoin d’agir ensemble pour exiger l’exécution de la part du débiteur.

21. Cours du 10 avril 2012   :

La cession de créance   :

Comme on l’a vu, il est possible qu’il y ait plusieurs débiteurs ou plusieurs créanciers, mais il est également possible qu’il y ait pluralité de parties mais successivement. Le code en traite dans le titre cinquième en distinguant la cession de créance (art. 164-174 CO, dont il sera question dans ce chapitre) et la reprise de dette (art. 175-183 CO, dont nous traiterons ensuite). En principe, le débiteur doit faire sa prestation au créancier originaire et seul celui-ci a le droit d’exiger l’exécution. Toutefois, comme souvent, rien ne s’oppose à ce qu’une créance puisse être cédée, évidemment avec l’accord du débiteur ou, dans quelques cas prévus par la loi, sans son accord. La cession de créance (art. 164-174) revient en fait à un changement de créancier. Le code est construit de la manière suivante : art. 164-166, les conditions, art. 167-173, les effets, art. 174, les règles spéciales. Selon l’art. 164 al. 1, la cession de créance est le contrat de disposition par lequel le créancier cède sa créance à un tiers sans l’accord du débiteur. Pour se libérer valablement, le débiteur devra faire sa prestation au (nouveau) créancier bénéficiaire de la cession. L’obligation lie trois personnes :

- Le cédant (créancier originaire) : il est le titulaire originaire de la créance et celui qui décide de la transférer au cessionnaire.

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- Le cessionnaire (nouveau créancier) : il s’agit du tiers auquel la créance est transférée et qui en sera dès lors le seul titulaire.

- Le débiteur cédé (débiteur) : il s’agit du débiteur dont la dette passe du cédant au cessionnaire.

Le régime distingue la cession individuelle (une ou quelques créances) de la cession générale ou globale des créances (portant sur toutes les créances qu’a ou aura une personne en relation avec une activité). La cession de créance joue un rôle capital en pratique (souvent faite à titre fiduciaire) : elle est notamment utilisée à titre ou en vue du paiement (art. 172), dans certains contrats (d’encaissement ou d’affacturage) ou pour la garantie des prêts (cession aux fins de sûreté). Précisons que les cas visés par la loi concernant la cession conventionnelle, reposant sur un accord entre le cédant et le cessionnaire. Elle doit être distinguée de deux institutions voisines aux fondements différents :

- La cession légale : la créance est cédée à un tiers automatiquement, en vertu d’une disposition légale (subrogation). Si l’on fait abstraction du fondement (de la cause), le régime est pratiquement le même.

- La cession judiciaire : elle découle d’une décision judiciaire ou administrative. Comme pour la cession légale, le régime est analogue.

Deux autres institutions, plus différentes, doivent être précisées pour ne pas être confondues avec la cession de créance :

- Le droit de gage sur la créance (art. 899-906 CC) : au lieu de céder sa créance, le créancier peut la remettre en gage à un tiers.

- Le transfert de contrat : l’institution joue un rôle capital en pratique alors que le code n’en traite pas spécialement dans la PG (transfert de bail, art. 263, transfert de contrat de travail, art. 333).

Les conditions de la cession   :

La cession n’est pas un acte unilatéral mais un contrat de disposition passé entre le cédant et le cessionnaire. Constituant un contrat, elle doit en remplir toutes les conditions, par rapport à sa validité et à l’accord des parties. La particularité du régime est que le débiteur (cédé) n’est pas partie à l’accord et que par conséquence la cession est, en principe, possible sans son accord, voire contre sa volonté. Pour le protéger, la loi pose quelques exigences qui seront présentées plus loin en relation avec les effets de la cession. Pour le reste, la validité de la cession est subordonnée à deux conditions :

- La créance doit être cessible : en principe, toutes les créances peuvent être cédées (même des créances futures ou litigieuses). La seule condition est qu’elles soient déterminées ou au moins suffisamment déterminables. Les droits formateurs par contre ne sont pas des créances et ne sont ainsi pas cessibles (droit d’emption, de préemption, de réméré et droits liés à la

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garantie pour les défauts : droit à la résolution du contrat et à la réduction du prix). Toutefois, contrairement au principe et en vertu de l’art. 164, la cession de certaines créances peut être exclue : la cession faite sans droit est alors frappée de nullité. L’exclusion de cession peut reposer sur :

o La convention : les parties au contrat conviennent alors que les créances découlant de leur relation ne pourront être cédées à un tiers (pactum de non cedendo) ou ne pourront l’être qu’à des conditions restrictives. Le débiteur précise ainsi qu’il n’entend pas avoir de rapports avec d’autres sujets que le créancier envers lequel il s’est engagé. Une cession faite en violation de cette exclusion est nulle (art. 20 CO), même à l’égard d’un tiers cessionnaire de bonne foi. Toutefois, selon l’art. 164 al. 2, celui-ci est protégé et la cession est valable s’il est devenu créancier sur la foi d’une reconnaissance écrite ne mentionnant pas l’incessibilité (principe de protection de l’apparence efficace).

o La loi : la loi exclut la cession de certaines créances, le plus souvent pour protéger le créancier, même contre son propre fait. Il peut s’agir de créances qui lui sont spécialement destinées en raison de leur objet (créances d’entretien, art. 529 al. 1, créances de salaire, art. 325). L’exclusion peut aussi être fondée par la nature éminemment personnelle des créances (actions en protection de la personnalité par exemple, art. 28 CC).

o La nature de la prestation : en dehors des règles contractuelles ou légales, certaines créances ne peuvent être cédées en raison de la nature de l’affaire (créances destinées à un créancier déterminé). La cession placerait le débiteur (ne devant pas donner son accord) dans une situation plus difficile. Le débiteur qui doit servir un repas à un créancier frugal et voit se créance cédée à une personne dotée d’un appétit massif serait forcément désavantagé.

- Le cédant doit en avoir valablement disposé par contrat : comme pour l’acquisition d’un droit réel, la cession repose sur un titre d’acquisition (TA) et une opération d’acquisition. Le TA est le contrat de cession (pactum de cedendo). L’OA se compose d’un acte de disposition (se confondant en la matière avec le contrat de cession) et d’un acte matériel, qui est la cession proprement dite. La validité du contrat suppose un échange de MdV réciproques et concordantes du cédant et du cessionnaire (conditions générales de validité de tout contrat). Il faut en plus préciser trois éléments :

o Le pouvoir de disposer : le cédant doit avoir le pouvoir de disposer pour céder sa créance. Si une même créance est cédée à deux cessionnaires différents, la seconde cession est nulle.

o La cause de la cession : la cession doit reposer sur un titre d’acquisition valable (sans exigence de forme). Ce titre, appelé

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promesse de céder (art. 165 al. 2 pactum de cedendo) peut être un contrat de vente, une donation ou tout autre contrat. Certains pensent que la cession est abstraite (valable sans égard à la validité de la cause sur laquelle elle repose) alors que d’autre la pense causale (sa validité dépend de la validité de la cause).

o La forme de la cession : selon l’art. 165 al. 1, la cession n’est valable que si elle a été constatée par écrit (signature du cédant).

22. Cours du 17 avril 2012   :

Les effets de la cession   :

Il s’agit d’analyser les effets de la cession pour chacune des trois personnes mises en relation : le cessionnaire, le débiteur cédé et le cédant. Le premier effet de la cession est que le cessionnaire devient le nouveau titulaire de la créance cédée. Il devient le seul à pouvoir la faire valoir. En cas de cession d’une créance future, le changement de créancier a lieu au moment de la naissance de la créance et si le créancier cédant tombe en faillite, la créance future entre dans la masse en faillite. L’art. 170 al. 1 précise que la créance est transférée accessoires compris. Cela englobe ainsi :

- Les droits de préférences, sauf si les parties ont convenu autre chose (avantages liés à une annotation au registre foncier).

- Les droits accessoires : cela concerne les droits de gage, les droits contre la caution, la réserve de propriété, le droit de rétention de l’art. 895 al. 1 ou encore la clause compromissoire.

- Les droits formateurs attachés à la créance cédée, à l’exception des droits rattachés au rapport d’obligation qui lie le débiteur au cédant (droits liés à la garantie pour les défauts) et des droits inséparables de la personne du cédant (résultant de la nature du droit ou de la volonté des parties).

L’art. 170 al. 2 impose au cédant le devoir accessoire de remettre au cessionnaire les moyens permettant de faire valoir la créance (titres de créance et moyens de preuve existants) et de lui communiquer tous les renseignements nécessaires.

Pour le débiteur cédé à présent, le (deuxième) effet de la cession fait que, s’il veut se libérer, il doit effectuer sa prestation au cessionnaire et non plus au cédant. Toutefois, comme on l’a dit avant, le débiteur n’étant pas partie à l’acte et celui-ci pouvant se faire sans son consentement, le débiteur ne peut agir correctement (effectuer sa prestation au cessionnaire) que si on lui a communiqué la cession (notification, art. 167 CO). Cette notification peut être faite directement par le cédant ou indirectement par le cessionnaire qui doit présenter au débiteur l’acte de cession signé par le cédant (ou une autre preuve équivalente). Le fardeau de la preuve de la cession incombe au cessionnaire (art. 8 CC). Si rien n’a été notifié, le débiteur bénéficie d’une protection particulière :

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- Avant la notification : selon l’art. 167, le débiteur peut valablement se libérer en effectuant sa prestation auprès de son ancien créancier pour autant qu’il soit de bonne foi. Il s’agit d’une des rares hypothèses dans laquelle le débiteur reste libéré en faisant sa prestation à une personne qui n’est pas (plus) son créancier : il est protégé pour s’être fié de bonne foi à l’apparence efficace maintenue par le silence des parties. Ensuite, étant donné que l’attribution au cédant a été faite sans cause, le cessionnaire peut agir contre lui en enrichissement illégitime (art. 62 ss).

- Après la notification : dès le moment où il a été suffisamment et sérieusement informé, le débiteur cédé ne peut se libérer qu’en effectuant la prestation auprès du cessionnaire. S’il reste une controverse entre cédant et cessionnaire, l’art. 168 al. 1 autorise le débiteur à consigner le montant avec effet libératoire. Même si la cession est invalide ou inefficace (par exemple parce que le cédant a déjà cédé la créance à un tiers), le débiteur de bonne foi qui s’exécute en mains du cessionnaire reste libéré lorsqu’il s’est basé sur la notification.

Toujours concernant le débiteur, et encore parce qu’il n’a pas la possibilité de donner son consentement à la cession, il ne doit pas subir de préjudice du fait du changement de créancier (sa dette doit demeurer qualitativement la même : principe de l’identité). Pour garantir cela, il dispose de 4 types d’exceptions qui peuvent être opposées au créancier cessionnaire (art. 169 al. 1) :

- Les exceptions personnelles que le débiteur peut avoir contre le cessionnaire (compensation par exemple, art. 120 CO).

- Les exceptions qui découlent de la créance : le débiteur peut les invoquer à l’encontre du cessionnaire comme il aurait pu le faire à l’encontre du cédant. On peut notamment citer la prescription (art. 127 CO).

- Les exceptions personnelles qu’il avait contre l’ancien créancier : selon l’art. 169 al. 1, le débiteur peut opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il avait lorsqu’il a eu connaissance de la cession. Il ne devrait en théorie plus pouvoir le faire mais cela le placerait alors dans une situation défavorable. Cette réserve vaut principalement pour la compensation (exception au principe de la réciprocité ; principe étendu par l’art. 169 al. 2 : réminiscence de l’idée de la compensation légale).

- Les exceptions qui découlent de la relation entre le cédant et le cessionnaire : elles sont attachées à la cession elle-même mais leur opposabilité est controversée. Le rapport cédant-cessionnaire ne concerne en effet pas le débiteur (étranger : res inter alios acta) qui ne devrait pas pouvoir les invoquer. Toutefois, on considère qu’il peut être autorisé à invoquer la nullité de la cession lorsqu’elle est fondée sur des motifs absolus (cession causale dans ces cas-là).

Précisons que le régime des exceptions est de droit dispositif et que les parties peuvent donc y déroger conventionnellement. Le débiteur renonce ainsi

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fréquemment à la possibilité d’opposer au cessionnaire (qui sera alors souvent une banque) d’autres exceptions que celles qui lui sont personnelles. La règle est valable sous réserve des cas où les parties auraient procédé contrairement aux règles de la bonne foi. Enfin, le principe de l’identité est limitée à l’art. 18 al. 2 : le débiteur ne peut opposer l’exception de simulation au tiers qui est devenu créancier sur la foi d’une reconnaissance écrite de la dette. Le cessionnaire de bonne foi (art. 3 CC) est donc protégé dans son acquisition (application du principe de l’apparence efficace).

Enfin, le troisième effet de la cession concerne le cédant : par la cession, il perd tout droit à l’encontre du débiteur dans les rapports externes et ne peut ainsi ni la réclamer, ni la recevoir. Par contre, les rapports du cédant avec le cessionnaire sont aménagés par les art. 171-173 (régime particulier de garantie). Ces art. s’appliquent aux cas où le cessionnaire ne peut obtenir l’exécution de la créance cédée soit parce que la créance n’existe pas et n’a donc aucun effet (créance vraie), soit parce que le débiteur est insolvable (créance bonne). Ce régime prime les règles spécifiques des contrats (même si les art. 171 ss sont de droit dispositif). Il faut alors distinguer deux situations :

- La cession a été faite à titre gratuit (art. 171 al. 3) : le cédant ne répond d’aucune des deux hypothèses (existence de la créance et solvabilité du débiteur) visées ci-dessus, à moins qu’il ne s’y soit spécialement engagé.

- La cession a été faite à titre onéreux : le cédant répond de l’(in)existence de la créance (art. 171 al. 1) mais pas de la (in)solvabilité du débiteur (art. 171 al. 2). Les parties peuvent toujours convenir d’une autre solution. La garantie prévue par 171 al. 1 est objective (indépendante de toute faute) : si la créance n’existe pas, le cédant doit payer au cessionnaire la contrepartie reçue et les frais de cession et de poursuite (art. 173 al. 1).

Pour en terminer avec les effets, précisons que lorsque la cession a lieu à titre de paiement, la cession (considérée comme une dation en vue du paiement) ne libère pas immédiatement le débiteur cédant (art. 172). Le créancier cessionnaire fera réaliser la créance et en imputera le produit sur sa prétention.

Trois cas particuliers   :

La cession générale de créances   :

Dans la cession générale de créances, le débiteur cède toutes les créances qu’il a ou peut avoir (en principe en relation avec une activité déterminée). La pratique y recourt souvent notamment en matière de crédit (banque auprès de laquelle le débiteur fait un emprunt exige en contre-partie qu’il lui cède toutes ses créances). La validité de la cession pose quelques problèmes :

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- Il faut que la personne, la cause et la contre-partie de la cession soient déterminées ou suffisamment déterminables. Cette exigence s’applique également aux créances cédées (confirmé par le TF).

- Il faut que la cession ne constitue pas une atteinte illicite à la liberté du cédant (art. 27 CC). C’est le cas si la cession concerne toutes les créances futures sans réserve ou limitation supplémentaire. Ainsi, pour être valable, la cession générale doit être limitée à une activité particulière.

Les effets de la cession générale de créances ne surviennent qu’une fois les créances nées. Le pouvoir de disposition du cédant est lui-aussi requis au moment de la naissance de la créance (et non au moment de la cession).

Le transfert de contrat   :

Le législateur ne traite nulle part du transfert de contrat, alors que l’opération est fréquente en pratique (locataire cédant son bail à un repreneur, vendeur cédant son contrat à un tiers). La particularité tient au fait que le contrat générateur d’obligations subsiste (principe de continuité) avec en principe toutes ses clauses (principe d’identité) mais que seule change l’une des parties. Le transfert de contrat peut découler de la loi (art. 261 al. 1, 333) ou d’un jugement constitutif (art. 121 CC). Le plus souvent toutefois, il repose sur une convention (contrat de transfert) : il y a alors trois relations :

- Le contrat base, qui lie les parties originelles et fera l’objet du transfert.- La promesse de transférer : le transfert est en général précédé d’un

contrat (promesse de transférer) par lequel la partie sortante s’engage à procurer à la partie entrante sa position juridique dans le contrat.

- Le contrat de transfert : il s’agit du contrat par lequel le transfert est opéré (opération indépendante et complexe, selon la théorie de l’unité). On peut envisager deux constructions : soit le contrat est conclu entre la partie sortante et le nouveau cocontractant mais est subordonné à l’assentiment (antérieur, concomitant ou postérieur) du contractant originel, soit le cocontractant original participe également comme partie au transfert (contrat tripartite exigeant un échange de MdV de tous). Le TF juge que le contrat de transfert n’est pas soumis au respect d’une forme particulière (institution autonome). Il apparaît toutefois nécessaire d’user de la forme écrite pour le consentement de la partie sortante lorsqu’il apparaît qu’elle est titulaire d’une créance contre le cocontractant originel ou lorsqu’elle aurait pu acquérir une telle créance en vertu du contrat de base. Pour le reste, le contrat est soumis aux conditions de validité générales. Quelques particularités :

o Le pouvoir de disposer est nécessaire pour la partie sortante et le cocontractant originel (l’opération est un acte de disposition).

o Le contrat peut devenir illicite (art. 19 CO) si le nouveau cocontractant ne remplit pas certaines conditions de droit public.

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o Un contrat de transfert peut être entaché d’un vice du consentement (art. 23 ss CO) et les dispositions légales (art. 23-31) sont appliquées par analogie (malgré la relation tripartite).

o Le transfert suppose que le contrat de base soit valable, sans quoi le contrat de transfert est en principe nul (sauf si le juge peut, par conversion, rendre le contrat de base valable ou si le transfert peut s’analyser comme une confirmation du contrat de base nul).

o Parfois, la validité du transfert peut dépendre de celle de la promesse de transférer (ou de l’acte juridique fondant promesse). Le contrat est alors un acte causal. Cela est notamment le cas lorsque les parties ont fait de la promesse une base nécessaire.

Quant aux effets, le transfert de contrat place le cocontractant dans la même position que celle occupée par la partie sortante. Il acquiert ainsi toutes ses créances et ses dettes (avec leurs accessoires). La durée du contrat de base n’est en principe pas modifiée et les exceptions dérivant concernent le nouveau cocontractant. On note plusieurs exceptions toutefois, concernant le lieu d’exécution des prestations du contrat de base (art. 74 CO). Les parties ont la possibilité de limiter le transfert dans le temps, en prévoyant que le nouveau cocontractant ne succèdera que dans les droits et les devoirs qui ont déjà pris naissance au moment du transfert. En outre, une cession anticipée de créances futures devient caduque dès que le transfert se réalise, indépendamment de la connaissance que le nouveau cocontractant pouvait avoir de cette cession. Enfin, la partie sortante, bien que libérée des dettes du contrat de base, peut s’engager par convention avec le cocontractant originel à garantir l’exécution de ces dettes. Cette responsabilité peut également se fonder en vertu d’une loi (art. 263 al. 4).

La cession en cas de transfert de patrimoine   :

Le transfert de patrimoine de la LFus (loi fédérale du 3 octobre 2003 sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine) permet une multitude d’opérations de modification des structures juridiques : créer une filiale, aliéner une partie d’entreprise ou simplifier des opérations de liquidation d’une société. Selon les art. 69 ss LFus, les sociétés (RC) et les entreprises individuelles inscrites au RC peuvent transférer tout ou partie de leur patrimoine à un autre sujet de droit privé par un contrat de transfert en la forme écrite (art. 70 LFus). Avec l’inscription du transfert au RC, tous les éléments patrimoniaux actifs et passifs contenus dans l’inventaire intégré au contrat sont transférés en un seul acte, sans qu’il nécessaire de respecter les formalités propres à chacun.

La cession des papiers-valeurs   :

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Le créancier qui fait valoir une créance cédée doit établir qu’il est légitimé à la faire valoir (en plus de l’existence et de la validité du droit). Il doit pour ce faire établir son identité et sa titularité de bénéficiaire d’une cession ou d’une série ininterrompue de cessions valables. Pour faciliter la négociation des titres, la loi allège cette preuve pour les papiers-valeurs (incorporation d’un droit à un titre par une clause documentaire). On distingue trois types de clause documentaire :

- La clause de présentation : le débiteur se donne le droit (clause unilatérale, simple) ou accepte, en plus, l’obligation (clause bilatérale, qualifiée) de n’exécuter la prestation que sur présentation du titre.

- La clause de légitimation : le débiteur se donne le droit (CU, simple) ou accepte, en plus, l’obligation (CB, qualifiée) de limiter l’examen de la titularité du droit à un certain nombre de conditions.

- La clause de papier-valeur : cette clause comprend une clause de présentation qualifiée et une clause de légitimation (simple ou qualifiée). Le droit est intégré au titre de telle manière qu’il n’existe plus indépendamment de lui. Il n’est plus possible de faire valoir la créance ou de la transférer sans le papier-valeur.

En relation avec ces clauses, on distingue trois types de papiers-valeurs :

- Les titres au porteur (art. 978 ss CO) : le titulaire se légitime par la simple présentation du titre (pas établis au nom d’une personne déterminée). La seule production par son possesseur permet d’exiger le paiement.

- Les titres à ordre (art. 1145 ss CO) : établis au nom d’une personne déterminée, le titulaire se légitime en prouvant son identité.

- Les titres nominatifs (art. 974 CO) : établis au nom d’une personne déterminée, leur transfert obéit aux règles générales de la cession.

Par rapport aux modalités du transfert, une première particularité découle directement du mode de transfert des papiers-valeurs, influencé par leur caractère mixte. Le mode de cession diffère selon le type de papier-valeur :

- Les titres au porteur : ils se transfèrent par simple transfert de possession du titre (art. 967 al. 1 CO) selon les règles des transferts de possession des meubles (art. 922 ss CC). Ce mode de transfert est donc simplifié par rapport aux règles sur la cession de créances.

- Les titres à ordre : ils se transfèrent par endossement, ce qui suppose le transfert de possession du titre (selon 922 ss CC) et l’endossement, qui est une déclaration généralement apposée au dos du titre et signée par l’endosseur (art. 968 CO). Là encore, le système est simplifié.

- Les titres nominatifs : leur transfert nécessite également deux formalités : le transfert de possession du titre (selon 922 ss CC) et la cession de la créance incorporée, selon les règles ordinaires de la cession de créance.

Enfin, concernant les effets des cessions des papiers-valeurs, la loi prévoit une purge des exceptions (art. 979, 1007, 1146 CO) accordant ainsi une protection

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accrue au créancier. S’il est de bonne foi (le privilège tombe s’il est mauvaise foi, art. 979 al. 2), il est mieux protégé que le cessionnaire ordinaire car il ne peut se voir opposer qu’un nombre limité d’exceptions :

- Les exceptions matérielles ou absolues : les exceptions tirées de la nullité du titre ou tirées du texte même du titre.

- Les exceptions personnelles ou relatives : les exceptions que le débiteur a personnellement contre son créancier actuel, titulaire du titre.

Il est exclu d’opposer d’autres exceptions, comme les exceptions personnelles que pouvait avoir le débiteur contre son ancien créancier ou les cessionnaires intermédiaires (art. 979 al. 2), ou l’exception du débiteur se prévalant de ce que le titre aurait été mis en circulation contre son gré (art. 979 al. 3).

La reprise de dette   :

Le titre cinquième du CO traite du transfert de la qualité de créancier mais aussi du transfert de la qualité de débiteur (reprise de dette). En principe, le débiteur est tenu seul de faire la prestation. Néanmoins, le code prévoit aux art. 174-181 la substitution d’un tiers. La reprise de dette opère un changement de débiteur (un tiers se substitue au débiteur et se charge de la dette, qui, selon le principe de l’identité, reste la même). La reprise de dette peut être individuelle (hypothèse générale, visée par les art. 175-180) ou intégrée à un transfert de patrimoine ou une cession de patrimoine (hypothèse visée par l’art. 181 et la LFus). La reprise de dette se définit comme l’institution juridique par laquelle un tiers se substitue au débiteur par un contrat passé avec le créancier. On parle de reprise de dette externe pour distinguer ce contrat de celui que passent le débiteur principal et le reprenant (reprise de dette interne). L’institution, comme la cession de créance, met en relation trois personnes :

- Le débiteur, dont la dette est reprise.- Le créancier, qui accepte que la dette soit reprise par le tiers.- Le tiers reprenant, qui accepte de se charge de la dette.

On distingue également deux types de reprises de dettes, selon les effets :

- La reprise extinctive ou privative de dette (celle dont traite la loi) : la reprise éteint la dette du débiteur initial et fait naître une nouvelle dette de même contenu à charge du reprenant (substitution de débiteurs). La reprise de dette requiert toujours le consentement du créancier (à la différence de ce qui vaut pour la cession de créance).

- La reprise cumulative de dette : le reprenant devient débiteur d’une dette dont le débiteur initial ne se trouve pas libéré. Ils restent l’un et l’autre engagés, en principe en tant que débiteurs solidaires (art. 143 CO). La position du créancier est donc renforcée.

La reprise de dette comprend trois relations juridiques :

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- Les rapports entre le débiteur et le reprenant : le contrat par lequel le reprenant accepte de se charger de la dette est souvent l’exécution d’un engagement antérieur que le reprenant avait pris (reprise de dette interne pour cet engagement, art. 175 al. 1). Il s’agit d’un contrat par lequel le tiers promet de libérer le débiteur de sa dette. Une telle promesse est souvent faite à titre onéreux, ou, plus rarement, être l’objet d’une donation (respect de la forme écrite imposée aux promesses de donner, selon l’art. 243 al. 1). La reprise de dette interne n’opère pas le changement de débiteur : si le reprenant n’exécute pas sa promesse, le débiteur originel reste tenu d’exécuter la dette (dans la foulé la prestation du reprenant deviendra impossible et il pourra devoir des dommages-intérêts en vertu de l’art. 97/101).

- Les rapports entre le reprenant et le créancier : il s’agit de la reprise de dette (externe) proprement dite. Elle suppose un contrat entre les deux parties. Les art. 176 s. contiennent quelques dispositions spéciales qui dérogent en partie au régime de la conclusion du contrat (art. 3 ss). On peut définir la reprise de dette externe comme le contrat par lequel le créancier et le reprenant conviennent que l’ancien débiteur est libéré et que le reprenant prend sa place. Il s’agit d’un acte de disposition (remise de dette) et d’un acte générateur d’obligations (à charge du reprenant). La dette reste identique : les droits qui dépendent de la créance (intérêts échus et futurs, clause pénale, dommages-intérêts pour violation du contrat, clause arbitrale ou compromissoire ou prorogation de for) ne sont pas touchés par le changement de débiteur. Il existe une exception pour les droits inséparables de la personne du débiteur (art. 178 al. 1) et pour les sûretés constituées par des tiers, dans la mesure où ces tiers ne consentent pas à la reprise de dette (art. 178 al. 2). En ce qui concerne les exceptions, le reprenant peut opposer au créancier les exceptions qui découlent de la dette elle-même (art. 179 al. 1 ; prescription), celles qu’il peut avoir personnellement contre le créancier (compensation, art. 120). Par contre, il ne peut opposer les exceptions personnelles qu’avait l’ancien débiteur contre le créancier (art. 179 al. 2) ou les exceptions découlant de ses rapports avec le débiteur précédent (reprise de dette interne, art. 179 al. 3, sous réserve de l’abus de droit ou d’un accord contraire passé entre le créancier et le reprenant).

- Les rapports entre le débiteur et le créancier : la reprise extinctive de dette libère l’ancien débiteur (contrairement à la reprise cumulative).

Pour terminer, il convient de parler du régime particulier en cas de transfert de patrimoine. Lorsqu’une personne cède un patrimoine formant une unité (entreprise), il faudrait que le reprenant passe un contrat avec chacun des créanciers de l’ancien débiteur. Cela étant impraticable, l’art. 181 (complété par la LFus) prévoit une procédure simplifiée. On distingue alors :

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- Le transfert ordinaire (non-soumis à la LFus) : la solution consacrée par l’art. 181 CO se déroule en deux temps :

o Un accord est passé entre le débiteur et le reprenant : le second s’engage à reprendre les dettes du premier (reprise interne).

o La communication publique : plutôt que de procéder à une reprise individuelle de dette avec chaque créancier, la loi permet une reprise collective, portée à la connaissance des créanciers ou officiellement publiée. Dès lors, la reprise est effective mais ne produit pas pour autant tous ses effets :

Le reprenant est engagé pour toutes les dettes affectant le patrimoine repris, mêmes les éventuelles dettes inconnues.

L’ancien débiteur, par contre, n’est pas immédiatement libéré des dettes qui existaient au moment de la reprise. Le système de la publication n’exigeant pas l’accord des créanciers, il faut en compensation leur octroyer une compensation. L’art. 181 al. 2 prévoit que le débiteur reste débiteur solidaire des dettes pendant trois ans à compter de la publication. Il y a donc d’abord une reprise cumulative de dette, qui se transforme en reprise extinctive.

Ce régime ne concerne que la reprise des passifs, la reprise des actifs obéissant aux règles propres au transfert de chacun des biens : transfert de possession, réquisition d’inscription au RF, cession de créance.

- Le transfert qualifié (soumis à la LFus) : l’art. 181 al. 4 réserve les cas dans lesquels la reprise a lieu lors de la cession d’un patrimoine ou d’une entreprise visée par la LFus. On distingue alors :

o Le transfert : l’opération repose sur un contrat de transfert passé en la forme écrite (art. 70 LFus) conclu par les organes de direction des sujets participant au transfert. Cet accord comprend l’inventaire de tous les objets du patrimoine actif et passif qui sont transférés (art. 71 LFus) et doit être inscrit au RC.

o Les effets : le transfert se produit automatiquement dès l’inscription au RC. Par rapport aux dettes, le régime est complété :

Les sujets reprenants deviennent les nouveaux débiteurs et répondent de toutes les dettes, y compris les dettes nées antérieurement au transfert.

Les anciens débiteurs restent solidairement obligés pendant trois ans avec le nouveau débiteur de l’exécution des dettes nées avant le transfert (analogie à l’art. 181 al. 1).

Les nouveaux et les anciens débiteurs peuvent être tenus ultérieurement de fournir des garanties spéciales si l’un d’eux ne peut plus assumer sa responsabilité ou si la protection ne paraît plus suffisante (art. 75 al. 3 LFus).

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