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INTRODUCTION L’objet de cette matière est l’étude des conditions de travail. La première démarche consiste à essayer de cerner le sens, le contenu de cette formule « conditions de travail », et à préciser les thèmes. Dans les faits, toute personne qui travaille ou côtoie des personnes qui travaillent a une perception concrète d’un ensemble de facteurs influant sur les modalités d’exécution de la prestation de travail : organisation, durée, environnement matériel, psychologique du travail, pénibilité. Existe-t-il un concept juridique de « conditions de travail » ? Si on se tourne vers le code du travail, il n’a pas définition cette notion bien qu’il l’emploie souvent. Mais, un texte peut servir de point de départ : art. L2221-1 CT évoque le droit des salariés à la négociation collective de l’ensemble de leurs conditions d’emploi et de travail de formations professionnelles. On déduit de ce texte que les conditions de travail sont à distinguer des conditions d’emploi. On devine que les conditions de travail sont davantage tournées vers l’exécution de la prestation de travail. Son champ est très étendu : salaire, temps de travail, carrière, droits collectifs. Auparavant, le code contenait un titre : « conditions de travail » qui ne traitait que de la durée du travail, et qui a disparu dans la nouvelle codification. Pourtant, de nombreuses évocations des conditions de travail sont disséminées un peu partout dans le code. Cela souligne l’omniprésence et le contenu très variable de la notion. Les CHSCT qui ont été institué par une loi du 23 décembre 1982, nous suggère que les conditions de travail ne se confondent pas avec les conditions d’hygiène et de sécurité. On pourrait mentionner l’existence d’un droit d’expression direct et collectif des salariés sur le contenu du travail, sur les conditions d’exercice du travail. On est parti d’une conception étroite des facteurs d’influence sur les critères du travail vers une conception beaucoup plus large. Au 19 ème siècle , les notions dominantes sont celles d’hygiène et de sécurité d’une part, et de durée du travail d’autre part. L’une et l’autre sont tournées vers la préservation de l’intégrité physique des salariés. A la fin des 60’s , va se manifester un intérêt pour les conditions de travail plus largement entendues. On est alors dans une période économique très favorable. L’insatisfaction engendrée par un certain type de travail taylorisé, hiérarchisé, éclate en plein jour. Les revendications syndicales se multiplient. Se dessine une aspiration dite à l’humanisation du travail, ou à l’amélioration des conditions de travail. Les résultats juridiques de ce mouvement sont restés maigres, sauf dans le domaine traditionnel sauf dans le domaine traditionnel de l’hygiène et de la sécurité. La loi du 27 décembre 1973 crée l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT). Cette loi se borne à formuler des intentions générales sans prise réelle sur les pratiques. Des améliorations ont vu le jour, mais ne sont pas passées prioritairement par le droit et les juristes. Elles sont passées par l’action pluridisciplinaire. Le concept proprement juridique est resté peu élaboré. Il reste de cette période la première prise de conscience de cette approche pluridisciplinaire des conditions de travail. Sur le fond, nous devons constater une tendance à la dégradation des conditions de travail, près de 40 ans plus tard. Dans la plupart des pays européens, s’observe un mouvement d’intensification du travail, caractérisée par un cumul croissant de contraintes physiques et mentales pesant sur le

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INTRODUCTION

L’objet de cette matière est l’étude des conditions de travail. La première démarche consiste à essayer de cerner le sens, le contenu de cette formule « conditions de travail », et à préciser les thèmes. Dans les faits, toute personne qui travaille ou côtoie des personnes qui travaillent a une perception concrète d’un ensemble de facteurs influant sur les modalités d’exécution de la prestation de travail : organisation, durée, environnement matériel, psychologique du travail, pénibilité.

Existe-t-il un concept juridique de « conditions de travail » ?

Si on se tourne vers le code du travail, il n’a pas définition cette notion bien qu’il l’emploie souvent. Mais, un texte peut servir de point de départ : art. L2221-1 CT évoque le droit des salariés à la négociation collective de l’ensemble de leurs conditions d’emploi et de travail de formations professionnelles. On déduit de ce texte que les conditions de travail sont à distinguer des conditions d’emploi. On devine que les conditions de travail sont davantage tournées vers l’exécution de la prestation de travail. Son champ est très étendu : salaire, temps de travail, carrière, droits collectifs.

Auparavant, le code contenait un titre : « conditions de travail » qui ne traitait que de la durée du travail, et qui a disparu dans la nouvelle codification. Pourtant, de nombreuses évocations des conditions de travail sont disséminées un peu partout dans le code. Cela souligne l’omniprésence et le contenu très variable de la notion. Les CHSCT qui ont été institué par une loi du 23 décembre 1982, nous suggère que les conditions de travail ne se confondent pas avec les conditions d’hygiène et de sécurité. On pourrait mentionner l’existence d’un droit d’expression direct et collectif des salariés sur le contenu du travail, sur les conditions d’exercice du travail.

On est parti d’une conception étroite des facteurs d’influence sur les critères du travail vers une conception beaucoup plus large. Au 19 ème siècle , les notions dominantes sont celles d’hygiène et de sécurité d’une part, et de durée du travail d’autre part. L’une et l’autre sont tournées vers la préservation de l’intégrité physique des salariés. A la fin des 60’s, va se manifester un intérêt pour les conditions de travail plus largement entendues. On est alors dans une période économique très favorable. L’insatisfaction engendrée par un certain type de travail taylorisé, hiérarchisé, éclate en plein jour. Les revendications syndicales se multiplient. Se dessine une aspiration dite à l’humanisation du travail, ou à l’amélioration des conditions de travail. Les résultats juridiques de ce mouvement sont restés maigres, sauf dans le domaine traditionnel sauf dans le domaine traditionnel de l’hygiène et de la sécurité. La loi du 27 décembre 1973 crée l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT). Cette loi se borne à formuler des intentions générales sans prise réelle sur les pratiques. Des améliorations ont vu le jour, mais ne sont pas passées prioritairement par le droit et les juristes. Elles sont passées par l’action pluridisciplinaire. Le concept proprement juridique est resté peu élaboré.

Il reste de cette période la première prise de conscience de cette approche pluridisciplinaire des conditions de travail. Sur le fond, nous devons constater une tendance à la dégradation des conditions de travail, près de 40 ans plus tard. Dans la plupart des pays européens, s’observe un mouvement d’intensification du travail, caractérisée par un cumul croissant de contraintes physiques et mentales pesant sur le travailleur. Cette intensification est due à plusieurs facteurs : changement du travail, organisation des entreprises exigeant réactivité et compétitive. Les revendications collectives autours des conditions de travail se sont délitées : peur du licenciement, émiettement du salariat, éclatement des syndicats. Le droit peine à appréhender ces phénomènes d’intensification, d’aggravation faute de concept approprié.

Dans le même sens, la notion de pénibilité du travail, qui est censée justifier l’abaissement de l’âge de la retraite, émerge très difficilement. Il y a eu des négociations sur ce thème qui se sont soldées par un échec. On trouve une ébauche dans la loi du 9 novembre 2010. De son coté, la doctrine ne peut que reconnaitre que les conditions de travail ne constituent pas une catégorie juridique clairement établie. Elle continue à se disperser en sous-catégories qui sont connues. Les deux sous-catégories fondamentales restent la durée du travail et, l’hygiène et la sécurité élargie à la santé au travail. Au regard de l’actualité, des constats inquiétants ont pu être dressés en matière de santé au travail : stress, usage massif de substances dangereuses, effet nocif du travail sur écran, bruit. Ces constats donnent lieu à des initiatives.

De manière significative, la loi de modernisation sociale, du 17 janvier 2002, a introduit l’idée de protection de la santé mentale au coté de la santé physique des travailleurs. Mais, l’action des pouvoirs publics pour une amélioration de cette situation a pris d’autres formes. Le ministère du travail a mis sur pied un premier plan « santé au travail » qui a couvert la période 2005-2009, accès sur l’expertise et l’analyse des risques en milieux de travail, ainsi que sur les contrôles requis. Un deuxième plan, 2010-2014, a été lancé en juillet 2010, accès sur la connaissance, la prévention des risques et l’accompagnement des PME. Le conseil d’orientation sur les conditions de travail a été créé. Dans ce 2ème plan, l’accent est mis sur certains risques particuliers : cancer, TMS (troubles musculo-squelettiques), stress.

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A l’occasion des conférences sociales tripartites ouvertes après l’élection présidentielle de 2007, notamment sur les conditions de travail, le gouvernement a invité les interlocuteurs sociaux à négocier les réformes souhaitables concernant les CHSCT, les droits d’alerte des salariés en cas de situations dangereuses, et sur la médecine du travail. Une négociation s’est ouverte, celle sur la médecine du travail. Ouverte en 2009, elle s’est soldée par un échec : le 11 septembre 2009. Le législateur a voulu reprendre la main sur le sujet, en insérant dans la loi sur les retraites un chapitre sur la médecine du travail. Ce projet a été censuré. On craint qu’il ne mette en cause l’indépendance du médecin du travail.

La thématique du temps de travail est encore une fois omniprésente. A peine l’opération 35h terminée, en 2003, 2005, 2007, 2008, et 2009 sont apparus de nouveaux changements où le traitement de la durée du travail opère moins comme élément décisif de l’amélioration des conditions de travail que comme figure avancée de la compétitivité voire comme levier pour le pouvoir d’achat avec l’idée d’une revalorisation du temps de travail. Le débat redémarre autours des 35h.

L’actualité renvoie aussi au concept fondateur du droit du travail. Sous leurs différents aspects, les conditions de travail rappellent fortement ce fait premier : le salarié est avant physiquement et ensuite psychologiquement engagé dans l’exécution de la prestation de travail. Le salarié est dans sa personne physique en jeu, dont on ne peut pas séparer son psychisme. Cet aspect fondamental dans la subordination met à jour d’abord la nécessaire affirmation du droit à l’intégrité physique du salarié, puis l’affirmation de sa dignité au travail.

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PARTIE I : LE TEMPS DE TRAVAIL

Aborder le temps de travail, c’est se poser la question de la place, du rôle et de la valeur des séquences affectées au travail salarié dans la vie individuelle et dans la vie sociale.

Les salariés, les entreprises, les pouvoirs publics sont fortement impliqués dans les débats, les contradictions qui traversent le thème du temps de travail. Ces débats sont loin d’être nouveaux.

Du coté des salariés, la revendication d’une réduction de la durée du travail est ancienne. Elle a profondément marqué l’histoire du travail ouvrier. A partir de 1890, de nombreuses journées 1er mai étaient placée sous le signe de la journée de 8h. Cette revendication n’est ni univoque, ni unanime. Elle rencontre une autre nécessité : obtenir des revenus qui permettent avant tout de vivre, mais aussi d’améliorer son mode et son niveau de vie. La réduction du temps de travail s’est accompagnée du gel des salaires. Une conséquence supportable pour les salaires élevés, une conséquence beaucoup plus difficile à supporter pour les bas salaires. Ces tensions connaissent aujourd’hui des déplacements. L’emploi revient en force dans la problématique. La tâche des syndicats ne s’en trouve pas facilité.

Du coté des employeurs, le développement industriel du 19ème siècle les a conduit à pratiquer une forte augmentation de la durée du travail, y compris pour les femmes et les enfants. Mais, si la réduction de la durée du travail est en partie une conquête ouvrière, certains employeurs ont compris très tôt qu’elle n’était pas forcément contraire à leurs intérêts. Lorsque le travail est trop prolongé, le rendement baisse : moins d’absentéisme, moins d’accidents du travail, plus de productivité. Plus tard, le taylorisme fondé sur des cadences rapides ne pourra fonctionner pleinement qu’avec une certaine réduction de la durée du travail. Au fond, l’essentiel est la liberté de gestion des horaires de travail  : revendication patronale ancienne traduite d’abord par une hostilité de principe à toute mesure de réduction du temps de travail générale et uniforme, et aussi par l’attachement à la liberté de recourir ou non aux heures supplémentaires. Ces revendications patronales ont été réactivées autours du thème de la flexibilité du temps de travail. Dans cet esprit, le temps de travail doit s’ajuster à la nécessité de répondre dans des délais de plus en plus courts à des demandes de plus en plus fluctuantes, innovantes et diversifiées. Le temps de travail doit permettre l’utilisation optimale d’équipements de plus en plus couteux. Il faut satisfaire le client, l’actionnaire. L’entreprise doit se conformer aux exigences du marché, à ses rythmes, à ses variations. Aucune réduction de la durée du travail n’est concevable si elle ne s’accompagne pas d’un aménagement du temps de travail, avec une action sur les rythmes du travail en vu d’accroitre la productivité. Le cadre juridique doit être adapté.

Les pouvoirs publics ont joué un grand rôle. Trois impératifs ont successivement prédominés dans l’action des pouvoirs publics :

- Protection : il se traduit par la limitation de la durée du travail. La 1ère loi sociale en France est la loi du 23 mars 1841 interdisant le travail des enfants de moins de 8 ans, limitant à 8h par jour le travail des enfants de 8 à 12 ans, et 12h par jour le travail des enfants de 12 à 16 ans. Le travail de nuit est interdit pour les enfants de moins de 13 ans. Ils ne peuvent pas travailler le dimanche et les jours fériés. Inspirée par des préoccupations humanitaires, et par un rejet de toute forme de tyrannie, la loi de 1841 a aussi un enjeu démographique et militaire. L’état de santé désastreux des jeunes ouvriers les empêchait de recruter des soldats et de renouveler les générations.L’idée de protection va quand même faire son chemin avec la loi du 13 juillet 1906 sur le repos hebdomadaire. Puis, la loi du 29 avril 1919 institue la journée de 8h. Par la suite, les lois des 20 et 21 juin 1931 instituent les congés payés et limitent en principe la durée du travail hebdomadaire à 40h. L’arrivée au pouvoir du front populaire, les grèves, la crainte du chômage provoquée par la grande crise expliquent cette réduction de la durée du travail. On espère qu’elle va permettre de résoudre la crise en assurant le plein emploi. Mais, dès 1938, les impératifs de la guerre font suspendre l’application des lois.

- Production : Il s’agit de reconstruire le pays. Les heures supplémentaires sont largement autorisées. La période d’expansion va favoriser le recours aux heures supplémentaires. C’est seulement à la fin des 60’s, que le mouvement de réduction du temps de travail a repris son cours. Des négociations dites sur le retour aux 40h auront lieu avec des résultats variables à la suite des événements de mai 1968.

- L’emploi : la 1ère approche met en avant le thème du partage du travail. réduire la durée du travail de ceux qui ont un emploi, pour donner du travail à ceux qui n’en ont pas. La 2 ème approche reprend la thématique de la flexibilité. L’objectif majeur est d’accroitre la compétitivité et la réactivité des entreprises vue comme condition de l’emploi. Il s’agit alors d’assouplir les règles juridiques et d’aménager, beaucoup plus que de réduire le temps de travail. il peut s’agir de faciliter l’augmentation du temps de travail pour plus d’efficacité et pour plus d’emploi.

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Ces deux aspects se dévoilent à l’examen des réformes menées depuis 1982. Chronologiquement, la nécessité de moderniser les règles datant de 1936 a été reconnue par les pouvoirs publics dès avant 1982. En 1978, le premier ministre a invité les organisations patronales et syndicales à ouvrir des négociations nationales interprofessionnelles sur la réduction du temps de travail, en faisant savoir que les résultats de la négociation seraient pris en compte pour faire évoluer le droit du travail. En mai 1981, elle n’avait tjrs pas abouti. Le 17 juillet 1981 est signé un ANI dont le gouvernement va s’inspirer très vite. Le programme du PS prévoyait la réduction progressive de la durée du travail à 35h pour 1985, ainsi que la généralisation de la 5ème semaine de congés payés. Les premiers textes adoptés l’ont été par voie d’ordonnance. Les deux thèmes adoptés : partage du temps de travail comme lutte contre le chômage (réduction à 39h), généralisation de la 5ème

semaine de congés payés. Ces premières mesures étaient censées amorcer le recul du chômage. Elles se sont soldées par un échec. L’objectif des 35h a alors été abandonné. Dès 1982, c’est aussi le thème de la flexibilité du temps de travail qui s’inscrit dans la loi. S’inspirant de l’ANI de 1981, le code du travail accueil pour la 1ère fois la notion d’accord dérogatoire permettant de réaliser certaines formes de modulation du temps de travail, permettant de déroger à la loi dans un sens non nécessairement favorable aux salariés. Possibilité qui s’élargie avec une loi du 28 février 1986, remaniée par une loi Seguin du 19 juin 1987.

Dans une période plus récente, la tendance a consisté en un rapprochement des deux thèmes. La loi du 11 juin 1996, dite loi Robien, va encourager ouvertement la réduction négociée du temps de travail assortie de créations ou de maintiens de l’emploi, incitée et encouragée aux moyens d’allégements de charges sociales substantielles et durables. Mais, un pas de plus a été franchi avec la dissolution de l’assemblée nationale et le changement de majorité qui s’en est suivi en 1997. La loi du 13 juin 1998, dite loi Aubry I, va amplifier l’incitation à la réduction du temps de travail mise au service de l’emploi, mais aussi de l’assouplissement de l’organisation du travail. Puis, la loi du 19 janvier 2000, dite loi Aubry II, est venue parachever le processus engagé en 1998. Aujourd’hui, cette phase d’association, partage du travail et flexibilité au service de l’emploi, est stoppé. Le soutien de l’emploi est dissocié de la réduction du temps de travail. La question du temps de travail est désormais abordée sous l’angle de la revalorisation, voire de l’allongement du temps de travail, et de la souplesse. Les textes se sont alors multipliés.

Le droit du temps de travail est en quelque sorte le laboratoire du droit du travail en général. Le droit du temps de travail cristallise les doutes, les interrogations quant aux finalités même du droit du travail  : protection et émancipation, organisation et gestion, emploi, etc. De plus, le droit du temps de travail est du point de vue de sa structure générale, sans cesse à l’avant-garde. Pendant 27 ans, en matière de temps de travail, le choix a plutôt été fait du point de vue de la structure, de maintenir les règles, les cadres de référence traditionnel pratiquement en l’état, mais en développant parallèlement dans un souci permanent de souplesse des facultés de dérogations de plus en plus nombreuses venant s’ajouter au dispositif initial et s’imbriquer avec lui. La loi du 20 aout 2008 se veut une loi de simplification …. Dans tous les cas, mêmes les cadres de référence maintenus ont tendance à s’assouplir. On passe progressivement à un ensemble entièrement souple. La loi du 4 mai 2004 n’a fait qu’accentuer la tendance via certes le droit général des conventions collectives.

L’actualité n’est pas seulement nationale, elle est également européenne. La conception française du temps de travail a du s’imprégner de l’influence communautaire : directive du 23 novembre 1993, recodifiée par la directive du 4 novembre 2003 sur l’aménagement du temps de travail dont l’esprit est assez différent de notre vision traditionnelle. Cette directive a pour objectif la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Le droit communautaire est le siège de très vives tensions non réglées à ce jour. Une révision de la directive de 2003 a été proposée en 2004 annonçant de profonds bouleversements.

Titre 1   : Les normes du temps de travail

Chap.1 :Le processus de changement des règles

Section 1 : La réforme des 35h

Le gouvernement a réuni le 10 octobre 1997 une conférence nationale tripartite sur l’emploi, les salaires et le temps de travail. Il s’agissait d’engager une démarche dite de Pacte social, associant le gouvernement, le patronat et les syndicats en vue de trouver les compromis nécessaires pour retrouver la voie de la croissance et de l’emploi.

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Ces compromis tournent autour de 3 axes : la réduction du temps de travail, la flexibilité, et la modération salariale. En fait, les orientations annoncées par le Premier Ministre Jospin ont débouché sur une crise marquée notamment par la démission du président du CNPF. Néanmoins, le processus s’est enclenché et a été conduit jusqu’à son terme. Il s’agit alors d’obtenir par le droit ou le changement du droit, une réduction du temps de travail au service de l’emploi. Dès le départ, la réforme a tracé la voie d’un changement pour partie légiférée, pour partie négociée. L’articulation conçue était sophistiquée et reposait sur une démarche en 3 temps : législation, négociation, relégislation.

Le premier temps   : Une loi du 13 juin 1998 intitulait Loi d’orientation et d’incitation à la réduction du temps de travail. Cette loi décide d’abaisser la durée légale du travail de 39h à 35h par semaine, non pas immédiatement mais à deux échéances précises différenciées en fonction de la taille de l’entreprise :

- 1er janvier 2000 : entreprises de plus de 2000 salariés - 1er janvier 2002 pour les entreprises plus petites.

La durée légale sur laquelle intervient le législateur ne se confond pas avec la durée réelle du travail. La durée légale est un simple instrument de référence. Elle n’interdit pas de faire travailler un salarié au-delà du seuil qu’elle fixe. Mais, elle a pour conséquence que les heures supplémentaires coutent plus cher à l’entreprise que les heures normales. Réduire la durée légale, c’est donc faire pression pour une réduction de la durée réelle mais sans l’imposer directement.

Le 2 ème temps   : Dans l’intervalle, la même loi ouvre pour 18 mois une période que le législateur veut voire consacrée à la négociation collective. Des aides financières sont prévues par la loi au profit des entreprises qui joueront le jeu de cette anticipation. Cette négociation va donc consister à réduire d’ici 2000 ou 2002, la durée réelle du travail tout en créant ou en préservant des emplois. Cette négociation va aussi explorer des thèmes nouveaux comme le temps de travail des cadres.

Le 3 ème temps   : La loi Aubry I annonçait que reviendrait ensuite le temps de la législation. Une seconde loi devait fixer les modalités de la réduction légale de travail de 39 à 35h et opérer à cette occasion une rénovation des règles du code du travail sur le temps de travail en s’inspirant des accords conclus dans la période de 18 mois. La loi Aubry II, 19 janvier 2000, ne clôture pas le cycle de négociation inauguré en 1998. Elle incite à son tour à la négociation sur le passage aux 35h là où elle n’a pas encore eu lieu, en accordant des aides financières aux entreprises qui concluront un accord collectif de réduction du temps de travail. De plus, la loi Aubry II a ouvert de nouveaux champs de négociation en élargissant les possibilités d’accords dérogatoires à la loi et en permettant la négociation sur de nouveaux thèmes. La loi Aubry II a stabilisé le cadre juridique du temps de travail. Les deux lois ont été source de controverses.

L’objectif est arrêté : réduction de la durée légale à 35h. Mais, cet objectif est moins une fin en soi qu’un levier destiné à faire naitre un processus de négociation de réduction de la durée réelle du travail. En cela, la démarche est plus incitative que coercitive. Pour le conseil constitutionnel, en 1998 et 2000, ces textes ne méconnaissent pas la liberté d’entreprendre. La liberté d’entreprendre peut et doit supporter des limitations qui peuvent être justifiées ou bien par l’intérêt général ou par la nécessaire conciliation du principe liberté d’entreprendre avec d’autres principes à valeur constitutionnelle. La liberté d’entreprendre doit être conciliée avec 3 autres principes : le droit pour chacun d’obtenir un emploi, la Nation garantit à tous le repos et les loisirs, et le principe de participation qui permet au législateur de confier aux employeurs et aux salariés le soin de préciser par la négociation les modalités concrètes d’application de la loi. Cela justifie que certaines aides soient subordonnées à un accord collectif.

Au-delà de ces principes juridiques, la controverse idéologique n’a pas cessé. La rigidité, l’archaïsme, la ruine de la valeur travail ont alimenté une partie des campagnes électorales de 2002 et 2007.

Section 2 : La « contre-réforme »

= mouvement qui vise à contrer une réforme.

A la suite du changement de majorité politique en 2002, un processus en plusieurs étapes s’est enclenché.

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§1. Chronologie

Est d’abord intervenue, la loi du 17 janvier 2003 vise à simplifier la législation et à assouplir les dispositifs existants sans les remettre directement en cause. Ce texte marque néanmoins une vraie rupture, en ce sens qu’il est mis fin à la politique volontariste de réduction du temps de travail à l’œuvre depuis 20 ans. De nouveaux espaces sont ouverts à la négociation collective. La loi de 2003 préfigure la loi du 4 mai 2004 qui donne une large autonomie à l’accord d’entreprise par rapport à la convention collective de branche et à la loi.

La loi du 30 juin 2004 a institué la journée de solidarité, située initialement le lundi de pentecôte, destinée à financer des mesures en faveur de l’autonomie des personnes âgées et handicapées par l’accomplissement obligatoire d’une journée de travail supplémentaire sans rémunération. La loi du 31 mars 2005 facilite quant à elle l’accomplissement d’heures supplémentaires et l’abandon de jours de repos sous couvert d’un libre choix opéré par la négociation collective et individuelle. Le texte opère un arbitrage en faveur de l’augmentation relative des revenus salariaux. Peu utilisées, ces possibilités d’accroissement de la durée du travail sont redoublées par une loi du 21 aout 2007, loi TEPA. Elle exonère dans certaines limites de charges sociales et fiscales les heures supplémentaires. La loi du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat a encore favorisé le rachat de jours de repos, donc la renonciation contre de l’argent à divers jours de repos et de RTT.

La loi du 20 aout 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, son second volet a été imposé par le gouvernement et le parlement alors que le patronat et les syndicats étaient d’accord pour réserver ce sujet à d’autres négociations ultérieures de manière à ne pas agglutiner démocratie sociale et temps de travail dans un même texte. Le volet temps de travail n’a pas été négocié. Dans la position commune, un seul article se rapport au temps de travail, texte limité. La loi déborde totalement l’article 17 et réforme des pans entiers du droit du temps de travail. Elle résulte donc d’un passage en force. Cette origine n’est pas la seule caractéristique du volet temps de travail. Cette fois, le législateur abandonne la méthode des retouches successives. Il procède à une réforme de grande ampleur du régime du temps de travail : simplification. Le 10 aout 2009, le travail du dimanche sera facilité mais selon des méthodes différentes.

§2. Les grandes tendances

A/ Le recul de la loi et de l’ordre public social

1) Les rapports de l’accord collectif et de la loi

Un double mouvement s’observe l’un qui affecte l’autorité de la loi, et l’autre qui touche au domaine de la loi.

Autorité de la loi Un approfondissement est réalisé des possibilités de conclure des accords dérogatoires à la loi. Il y a plus dans les accords collectifs et de la norme étatique. Certains assouplissements s’inscrivent non plus dans une logique de dérogation, mais de supplétivité. Dans des domaines importants, les règles légales ou réglementaires du temps de travail ne s’appliqueront que si les interlocuteurs sociaux n’ont pas conclu d’accord. La règle conventionnelle est seule applicable si elle existe, y compris si elle est moins favorable que la loi. La règle légale ne devient applicable qu’à défaut d’accord collectif. La loi devient supplétive de l’accord collectif. Dans le cadre de l’accord dérogatoire, la loi affaiblie reste première. Elle est la règle, par rapport à laquelle la dérogation est seconde. En revanche, dans la logique de supplétivité, l’accord collectif devient premier. La loi ne constitue plus qu’une solution de repli, par défaut. Ici, se marque un recul de la loi et du règlement dans l’ordonnancement des sources du droit du travail.

Domaine de la loiIl s’agit de repenser la répartition des rôles loi-accord collectif, la loi devant se borner à fixer quelques principes, et renvoyer largement pour le reste à la convention collective pour la fixation de règles précises. Cette démarche jouant sur le domaine de la loi, connait des limites d’ordre constitutionnel. Mais, cette démarche se propage comme le suggère le MEDEF et certains syndicats.

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2) Les rapports entre conventions collectives

L’accord d’entreprise gagne en autonomie par rapport à la convention collective de branche. La loi du 4 mai 2004 introduit la supplétivité de l’accord de branche par rapport à l’accord d’entreprise, sauf 4 domaines (salaire, classification, formation), sauf clause de verrouillage et mesures transitoires. Mais, la tendance est poussée jusqu’à son extrême limite par la loi du 20 aout 2008 dans le domaine du temps de travail. S’observe la radicalisation de la supplétivité de la convention de branche. L’accord d’entreprise s’il existe s’impose seul qu’il soit plus ou moins favorable que la convention de branche, sans qu’à la différence de la loi de 2004, que l’accord de branche puisse résister par des clauses de verrouillage. Le temps de travail doit être réglé par accord d’entreprise, à défaut par accord de branche, à défaut par la loi et le règlement, d’où la mise à l’écart de la règle de faveur.

Les nouvelles conditions de validité des accords collectifs assurant leur plus grande légitimité sont censées prémunir contre les dangers d’une excessive déréglementation, contre les risques de dumping social.

B/ Limites de la préférence pour la négociation collective

La préférence affichée pour la négociation se trouve démentie, sinon écornée, par deux tendances :- Le retour parfois de ces méthodes autoritaires, pourtant dénoncées dans le cadre des 35h : en témoigne la

journée de solidarité imposée par la loi aux entreprises et aux salariés, intervention de décrets facilitant le recours par les entreprises aux heures supplémentaires. La réforme du travail le dimanche procède par intervention directe de la loi et donne un rôle majeur au préfet. Refoulée par la loi, la négociation collective doit compter avec une autre tendance naissante à faire sortir le temps de travail de la sphère collective pour l’inscrire ou le réinscrire dans le cadre du rapport individuel de travail, et donc le livrer à la discussion entre l’employeur et le salarié pris individuellement.

- individuelle : Ce retour au cadre de la relation individuelle est placé sous le signe d’un libre choix du salarié. Cela réduit l’espace de la négociation collective et met les syndicats en porte à faux.

Pour certains, la réforme du 20 aout 2008 n’a rien d’extraordinaire. Elle ne fait que poursuivre dans une logique déjà à l’œuvre depuis 5 ans. (M. Jacques Barthélémy). Pour d’autres, elle introduit un bouleversement. La loi de 2008 se réfère à une logique nouvelle dans les rôles respectifs. Il est un point que nul ne conteste : le changement de méthode législative. En aout 2008, la loi a bien paru signer l’abandon des retouches successives, utilisées précédemment pour procéder à une réforme d’ensemble. Progressivement, le droit du temps de travail est devenu complexe. La loi de 2008 a sensiblement simplifié certains dispositifs. La controverse rebondit aussitôt. Sous couvert de simplification des textes, n’a-t-on pas recréé ailleurs d’autres complexités et affaibli la protection de la santé et de la vie personnelle et professionnelle acceptable ?

§3. Les grandes fonctions de ces normes

La grande fonction est d’établir des instruments de mesure du temps de travail, ce qui va permettre d’en limiter la durée. Le temps ainsi mesuré fournira aussi la mesure de la rémunération. Le droit commun du temps de travail a une autre fonction encore : il structure le temps vécu en lui imprimant des rythmes réguliers, collectifs. Les normes entretiennent donc des régularités cycliques : fonction importante du point de vue de la santé physique et psychique et de l’articulation entre temps de travail et de la cité ou de la vie privée.

Dans ces perspectives, la construction est rapportée à une notion centrale : la durée légale du travail.

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Chap.2 :La durée légale du travail

La notion est particulière en ce sens qu’elle ne doit pas être confondue avec la durée réelle du travail, c'est-à-dire celle qui sera effectivement pratiquée. C’est essentiellement un instrument de mesure du temps de travail. Elle a pour rôle d’établir des références autours desquelles s’ordonnera la durée réelle du travail. La durée légale ne constitue pas un maximum, ni un minimum en dessous duquel il serait interdit de descendre.

Section 1 : La durée légale

Depuis 1936, la durée légale du travail est une durée hebdomadaire. Le cadre de référence fondamental reste la semaine en principe. En principe seulement car en réalité, la référence hebdomadaire perd du terrain, et est peu à peu supplantée par la référence à une durée annuelle même si la semaine est officiellement conservée comme module de référence. En 1936, la durée légale était fixée à 40 heures. Aujourd’hui, elle est à 35 heures par semaine.

Le champ d’application de la durée légale est très large. L’art. L3111-1 CT dispose qu’elle est applicable aux employeurs de droit privé ainsi qu’à leurs salariés, ainsi qu’aux établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC). Restent exclus, les trois fonctions publiques et certaines professions particulières traditionnellement soumises à des règles spéciales (ex, employés de maison, assistantes maternelles, VRP).

Une catégorie particulière concerne les cadres-dirigeants. Ils sont définis par la loi : « ceux auxquels sont confiés des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonomes et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou dans l’établissement » (art. L3111-2 CT).

3 critères cumulatifs  :- importance des responsabilités qui conditionne l’indépendance dans la gestion du temps- Habilitation à prendre des décisions autonomes- Niveau de rémunération

Cette accumulation des critères traduit la volonté de limiter cette catégorie. Cela s’explique par les conséquences radicales attachées à cette qualité de cadre-dirigeant. Les règles relatives à la durée légale et aux heures supplémentaires, règles relatives à la durée maximale du travail sont écartées, ainsi que celles sur le repos quotidien, sur le repos hebdomadaires, ou encore celles relatives aux jours fériés. Restent les congés annuels, les congés non-rémunérés, et le repos obligatoire en cas de maternité.

On comprend que la CCass s’attache à faire respecter la définition légale. Il appartient au juge d’examiner la fonction que le salarié occupe réellement au regard des critères légaux (Soc 16 mai 2007). Le juge doit vérifier que les conditions réelles d’emploi justifient la qualification de cadre-dirigeant (Soc 13 janvier 2009).

Deux notions clés sont à maîtriser : - la durée légale ayant pour fonction première de fixer le seuil à partir duquel les heures complémentaires peuvent être calculées- la durée maximale du travail

Le mode d’appréciation de la durée légale est décisif. L’appréciation s’opère à partir de la notion clé de temps de travail effectif.

§1. Durée légale et durée maximale du travail

En 1936, le législateur avait souhaité que la durée légale hebdomadaire soit plus qu’un instrument de mesure, une véritable limite à la durée hebdomadaire. L’idée était pas plus de 40h par semaine.

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Mais ça n’est pas cette conception qui l’a emportée. La règle des 40, puis des 39 et aujourd’hui des 35heures n’établit pas un maximum. Un salarié peut être amené à travailler au delà de ce seuil. Dans quelle limite ? C’est ici qu’intervient la notion de durée maximale que le Code du travail définit d’une part en termes de durée quotidienne du travail, et d’autre part en termes de durée hebdomadaire.

A/ Durée maximale journalière du travail

S’observe ici une limitation de la durée du travail, assortie, sous l’influence du droit communautaire, d’une approche en termes de repos.

1) Une limitation de la durée du travail

Il faut se reporter à l’art. L3121-34 du Code du travail : la durée quotidienne du travail effectif par salarié adulte ne peut excéder 10h. Cette durée est limitée à 8h pour les jeunes de moins de 18 ans et les apprentis.

Cela étant, il faut relativiser la limite de 10h car elle est susceptible de dérogations de deux sortes : - la dérogation au plafond de 10h peut être autorisé par l’inspecteur du travail en cas de surcroît temporaire d’activité ou d’urgence (article D3121-15 et suivant). - la dérogation peut aussi résulter d’un accord dérogatoire, accord de branche étendu ou accord d’entreprise, sans pouvoir dépasser 12h par jour.

La durée maximale quotidienne des adultes n’a pas changé depuis longtemps. La durée maximale quotidienne c’est la durée du travail effectif, c’est à dire la durée des périodes où le salarié est au travail. La notion de travail effectif est capitale, elle intervient pour l’appréciation de la durée maximale du travail.

Ceci est l’approche traditionnelle en droit français. Elle doit être complétée, voire infléchie, en raison des apports de la directive du 23 novembre 93, confirmée par la directive du 4 novembre 2003, directive transcrite par la loi du 13 janvier 1998 sur le point qui nous intéresse ici.

2) Assortie d’une approche en termes de repos

Sont ainsi intégrés en droit national 2 éléments qui procèdent d’un esprit un peu différent de la législation française. Les directives traitent le problème du temps de travail davantage sous l’angle de l’exigence de période de repose minimal que sous l’angle de la durée maximale du travail.

On trouve deux traductions : - la définition d’un repos quotidien minimal, qui va rejaillir sur l’amplitude de la journée de travail- l’introduction dans notre droit d’une pose obligatoire pour éviter les séquences de travail trop longue

a. Repos quotidien et amplitude de la journée de travail

Reprenons la directive, l’article L3131-1 du Code du travail énonce que tout salarié doit bénéficier d’un repos quotidien d’une durée minimale de 11h consécutives. La règle est pénalement sanctionnée.

Par cette précision se trouve déterminée en creux l’amplitude de la journée de travail. On ne doit pas la confondre avec la durée maximale de travail. L’amplitude c’est le nombre d’heures qui s’écoulent entre le début de la journée de travail (la prise de poste), et sa fin, temps de repos ou de non travail effectif compris (habillage par exemple). La durée maximale ne décompte que le temps de travail effectif. L’amplitude peut donc être supérieure à 10h.

A partir du moment où le repos quotidien est au minimum de 11h consécutives, l’amplitude maximale de la journée est établie à 13h. Le salarié est en droit de refuser une amplitude supérieure. Ceci résulte de plusieurs arrêts, le plus récents datant du 2 mars 2010. Cette amplitude est plutôt élevée. De surcroît, des dérogations non négligeables à la règle du repos de 11h sont possibles, mais sans que la durée du repos puisse être inférieur à 9h => article D3131-1 à D3131-7 du Code du travail.

La tendance actuelle est à un certain affaiblissement du rôle des durée maximales, tandis que les repos minimas ont tendance à devenir le garde fou majeur.

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b. Les pauses quotidiennes

C’est le 2nd apport des directives. Pour éviter des séquences de travail trop longues, article L3121-33, aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre 6h sans que le salarié bénéficie d’une pose minimale de 20min, sauf dispositions conventionnelles plus favorables fixant un temps de pause supérieure.

B/ La durée maximale hebdomadaire du travail

1) Le Code du travail

Le droit français repose sur un système de doubles plafonds en valeur absolue et en moyenne => article L3121-35 et L3121-36.

*1er plafond : La durée du travail ne peut dépasser 48h par semaine. Un second plafond existe pour que ce seuil de 48 ne devienne pas une habitude, *2nd plafond : La durée moyenne hebdomadaire de travail, calculée sur une période de 12 semaines consécutives ne peut dépasser 44h en moyenne.

Cela étant, un décret pris après conclusion d’une convention de branche pourra rehausser le plafond jusqu’à 46h. Des dépassements exceptionnels de la limite de 48h par semaine peuvent intervenir mais sans pouvoir porter la durée du travail à plus de 60h par semaine, ceci depuis une loi de 1906. Ces durées maximales restent relativement élevées.

2) Le droit communautaire

Le droit communautaire est assis sur une durée maximale qui est partiellement convergente avec le Code du travail. Mais cette durée maximale est sujette à dérogation dans des conditions controversées. Avant d’aborder la substance des textes, une introduction s’impose pour mettre au clair les perspectives actuelles de la directive.

Intro   : vers une révision de la directive de 2003 ?

La directive prévoyait elle-même que ses dispositions devront être revues. Comme les principes communautaires donnent en matière sociale priorité à la négociation collective, les directives n’intervenant qu’à défaut, les partenaires sociaux ont été sollicités en 2003. Les partenaires sociaux, y compris le patronat, se sont refusés à engager des négociations sur ce thème sensible. La Commission a donc rédigé elle même une proposition de directive qui a été présentée le 22 septembre 2004 « pour répondre au besoin d’une économie moderne, une proposition orientée vers une flexibilité accrue ». S’en est suivi pendant près de 5 ans une période de tension aigue entre la confédération européenne des syndicats et le patronat, entre les Etats membres qui se sont divisés, entre le conseil des ministres (pour) et le Parlement euro (plus prudent). Finalement, l’échec de cette procédure de révision a dû être constaté le 28 avril 2009, le Parlement européen ayant rejeté le texte.

Aujourd’hui, la Commission repart à zéro. Nouvelle procédure de révision avec l’article 154 du traité : phase de consultation des partenaires sociaux engagés le 24 mars 2010. Le 1er document produit par la Commission faisait la part belle aux demandes de flexibilité des employeurs. Faute de consensus sur les priorités à retenir et sur le contenu d’une future directive, une 2ème phase de consultation s’est ouverte le 21 décembre 2010 sur la base d’un nouveau document de la Commission un peu plus nuancé que le précédent. La Commission envisage désormais une alternative entre 2 voix de révisions possibles : ou bien une révision ciblée sur deux points à savoir les repos et surtout les temps de garde, ou bien une refonte plus complète de la directive. Au terme de la deuxième phase de consultation, la Commission adoptera une proposition de modification de la directive sur l’une ou l’autre des alternatives. Mais il est certain que c’est la Commission qui adoptera une directive, les partenaires sociaux n’étant toujours pas vers la voie d’un consensus.

a. Une durée maximale partiellement convergente avec le Code du travail

L’état du droit positif :

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Les directives 93/2003 sur l’aménagement du temps de travail affichent une durée maximale de 48h par semaine. Mais, la différence se creuse avec le droit national dans la mesure où ce plafond peut être établi à 48h en moyenne sur 4 mois maximum, y compris les heures supplémentaires, avec quelques possibilités de dérogations allongeant la période de référence.

Néanmoins le plafond de 48h est, selon la CJUE, une règle, un principe du droit social communautaire revêtant une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescription minimale destinées à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé. Ces affirmations se trouvent notamment dans un arrêt du 5 octobre 2004, Pfeiffer.

Quel est l’avenir envisagé ? La Commission n’envisage de toucher au dispositif que dans l’hypothèse d’une refonte complète de la directive. Dans cette hypothèse, le document de décembre 2010 conserve le standard de 48h mais il serait permis aux Etats membres, pour une appréciation de cette durée maximale en moyenne, de porter la période de référence de 4 mois à 12 mois. On permettrait donc d’annualiser la période de référence pour tous les salariés, ceci par la voie législative. Mais, des accords collectifs pourraient fixer des périodes de référence mm supérieures à 12 mois. La flexibilité que ça procurerait aux entreprises est grande : ça permettrait d’aller bien au-delà de 48h certaines semaines, et bien en deçà d’autres semaines. Pourtant, cette formule se présente comme une alternative à un second dispositif déjà en vigueur en droit communautaire.

b. Une durée maximale sujette à dérogation par accord individuel : l’opt out

L’opt out est un dispositif à l’origine taillé sur mesure pour le Royaume Uni. Ça se constate à l’article 23 de la directive de 2003. La législation d’un Etat membre (loi ou règlement) peut prévoir que le plafond de 48h ne sera pas applicable lorsque le salarié pris individuellement donne son accord à cette mise à l’écart.

Les garanties sont assez minces : en cas de refus du salarié, celui-ci ne doit subir aucun préjudice, des registres doivent être tenus, des contrôles peuvent être pratiqués, les principes généraux de santé et de sécurité doivent être respectés. Mais il n’y a pas de limite à la durée du travail dans ce système.

On voit donc se profiler une dérogation à la loi protectrice de la santé par simple accord individuel entre l’employeur et le salarié subordonné, une dérogation issue donc d’un face à face pas forcément très équilibrée. C’est bien pour ça qu’existe en France des lois d’OP, et que certaines des dérogations ne sont possibles que par accord collectif. Cela étant, la France n’ignore pas l’opt out.

Quel est l’avenir envisagé ? C’est là dessus que la révision de 2009 s’est cassé les dents. La confédération européenne des syndicats s’est toujours prononcée en faveur de la suppression progressive de l’opt out. Ça a été la position du Parlement européen qui voulait la suppression en 3 ans de l’opt out. C’est une position confortée par le constat des dérives là où on trouve cette pratique. Un constat que la Commission elle même ne conteste plus aujourd’hui. Il n’empêche qu’alors que l’opt out était présenté au départ comme une particularité réservée de fait aux britanniques, il a connu une diffusion rapide et large. Sur les 27 Etats membres, 16 autorisent actuellement le recours à l’opt out. Face à ces oppositions, la Commission dans l’optique toujours d’une refonte complète, semble maintenant faire le calcul stratégique suivant : plutôt que de rouvrir le débat sur la suppression de l’opt out, elle propose de le maintenir mais en avançant qu’il deviendrait moins attractif à partir du moment où serait introduite en parallèle la réforme du mode de calcul de la durée maximale en moyenne. =>Autrement dit, l’idée est qu’en permettant d’allonger la période de référence pour le calcul de la moyenne des 48h de travail hebdomadaire (calcul sur 12 mois voire plus, au lieu d’un calcul sur 4 mois), on rendrait peut-être le recours à l’opt out moins intéressant pour les entreprises. On leur procurerait une souplesse importante (possibilités de fortes variations au dessus ou en dessous de 48h hebdomadaire) mm en passant par la loi ou par la convention collective, pas par l’accord individuel et en conservant un semblant de limite (les 48h restent affichés).

On remarque que l’opt out est quand m maintenu, avec tout au plus l’évocation d’un meilleur contrôle. Il reste offert aux Etats membres qui le pratiquent ou qui voudraient le pratiquer à l’avenir, mais avec à coté en perspective, un nouvel assouplissement, jusque là non autorisé, élargissant la palette des flexibilités offertes.

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Pour sa part, la CJUE manifeste une certaine réserve. Elle n’hésite pas à désigner le travailleur comme la partie faible au contrat de travail et à en tirer donc quelques conséquences, en particulier l’exigence d’un consentement libre et éclairé dans le cadre de l’opt out.

§2. Le mode d’appréciation de la durée légale en temps de travail effectif

L’abaissement de la durée légale aux 35h a rendu encore plus brûlante la question de son mode d’appréciation en termes de temps de travail effectif.

La loi dit clairement qu’il s’agit de la durée légale du travail effectif. Il faut donc définir ce qu’est le temps de travail effectif. Le texte majeur est l’article L3121-1 du Code du travail (ex-article L212-4), suivi dans la nouvelle codification des articles L3121-2 à L3121-4. L’ensemble s’inspire largement de la jurisprudence antérieure, mais aussi en partie de demandes pressantes de certains secteurs de l’activité économique.

La mise en relation de ce dispositif avec le droit communautaire est source d’interrogations renouvelées.

A/ La définition générale du temps de travail effectif

Article L3121-1 : « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ». Cette définition est relativement récente puisqu’elle vient de la Loi Aubry I de juin 98, elle est très largement inspirée sur ce point par la jurisprudence.

La formule légale révèle au fond un critère du travail effectif à double face, centrée sur l’idée d’une restriction de l’autonomie personnelle.

- Disponibilité : le salarié est au travail à partir du moment où il est à la disposition de l’employeur, prêt à exécuter les taches qui lui seront confiés.

- Absence de liberté : Le salarié n’est pas maître de son activité, il ne peut vaquer à des occupations propres. -

C’est L’idée de subordination sous jacente qui se découvre ; bien que la subordination peut être plus large. En observant que l’absence de liberté sera d’autant plus forte que le salarié devra être disponibles dans les locaux de l’entreprise, et non pas chez lui. On trouve l’idée de la jurisprudence : il y a travail effectif lorsque le salarié reste en permanence à la disposition de l’employeur dans les locaux de l’entreprise. Ex : les veilleurs de nuit tenus à une présence permanente sur les lieux de travail mais qui n’interviennent qu’en cas de nécessité exerce un travail effectif.

En reprenant la conception jurisprudentielle, le législateur a choisi une solution médiane entre deux thèses opposées et plus extrêmes :

- la 1ère thèse rejetée visait à élargir la notion de temps de travail effectif en ne retenant que l’exigence de disponibilité. Ça aurait eu pour conséquence d’étendre le temps de travail à des hypothèses où le salarié est à la disposition de l’employeur, tout en gardant une certaine liberté. Ex : astreinte à domicile. - à l’opposé, la 2nde thèse rejetée tendait à l’adoption d’une définition restrictive du temps de travail effectif. Cette thèse prenait appui sur la directive reprise en 2003, directive qui définit le temps de travail comme « toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions ». Une définition qui paraît accumulée les conditions, et qui identifie presque travail effectif et travail productif. Cette vision a elle aussi était écartée sans inconvénient juridique majeure : d’une part on discute sur le point de savoir si ces critères communautaires sont cumulatifs, d’autre part la directive ne constitue en la matière qu’un minimum et enfin, la directive renvoie aux législations et pratiques nationales pour compléter sa conception du temps de travail.

Les principes consacrés par l’article L3121-1 permettent de régler un certain nombre de difficultés liées à la notion de temps de travail. Mais, à plusieurs reprises depuis 98, à tord ou à raison, le législateur est intervenu pour préciser davantage certaines situations qui restent quoi que l’on fasse délicates.

B/ Les temps captifs

Cette expression est empruntée aux auteurs des grands arrêts du droit du travail. Ça désigne des périodes qui parsèment la journée de travail et dont l’existence ou l’aménagement sont liées au travail.

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Sont ainsi visées, les temps de pause et de restauration, les temps d’habillage et de déshabillages et les temps de trajet.

1) Les temps de pause et de restauration

Si le temps de travail effectif ne se réduit pas au travail productif au sens strict, il n’inclut pas pour autant la totalité du temps de présence dans l’entreprise, ni à plus forte raison la totalité du temps contraint par le travail. Cela soulève la question du statut des temps de pause ou de repas. Il est nécessaire de définir et de qualifier les temps de pause, pour observer les principales applications.

a. Définition et qualification des temps de pause

La Cour de Cassation déploie dans le domaine du temps de travail une intense activité définitoire, et les pauses en sont une illustration. Dans une décision de la chambre sociale du 1er avril 2003, elle définie le temps de pause comme « un arrêt de travail de courte durée sur le lieu de travail ou à proximité, qui n’est pas incompatible avec des interventions éventuelles et exceptionnelles demandées durant cette période au salarié en cas de nécessité, notamment pour des motifs de sécurité ».

De son coté, le législateur, sans définir les pauses, précise la qualification de ces temps. Article L3121-2 : « le temps nécessaire à la restauration, ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l’article L3121-1 sont réunis ». Ces données conduisent à distinguer deux catégories d’arrêts de travail : - les uns vont constitués du temps de travail effectif- les autres non.

b. Les applications

Un premier type d’arrêt de travail de courte durée sur les lieux de travail ou à proximité va être considéré comme temps de travail effectif : les arrêts pendant lesquels le salarié reste à la disposition de l’employeur, prêt à exécuter telle ou telle tache sur ordre de la direction. Ex : arrêt du 18 mars 98 relatif à des pauses pendant lesquelles les salariés ne pouvaient pas s’éloigner de leur poste de travail, mm pendant le repas, ceci mm pour être prêt à intervenir. Ces temps d’arrêt constituent des temps de travail effectif. Ils entrent dans le calcul des 35h et doivent être rémunérés comme temps de travail. C’est la mm chose lorsque le salarié est tenu de rester en alerte pour des interventions éventuelles et exceptionnelles.

On remarque que pour la CCass toute pause peut ainsi rester dans la sphère d’influence de l’autorité patronale, même la pause légale et la pause obligatoire de 20mn après 6h de travail. Or, cette pause prévue à l’art. L3121-33 CT a très clairement une finalité de protection de la santé face à une charge de travail excessive. Cette pause ne devrait-elle pas alors, en raison de cette finalité, être obligatoirement préservée de toute intrusion de l’employeur, et de toute obligation de disponibilité pour une intervention même exceptionnelle ?La CCass ne fait pas cette distinction.

La pause, même la pause légale, n’est pas forcément un temps de repos protégé des empiétements de l’employeur. Elle est seulement  un temps de détente, « une recherche d’équilibre entre les impératifs de l’entreprise et les droits des salariés » (Vaquet). Il est vrai que la notion de repos, elle-même, est ambigüe.

Le critère central est celui de la disponibilité. A cet égard, la CCass souligne que seul un travail commandé par l’employeur est susceptible d’être qualifié de travail effectif. Le seul fait qu’un salarié n’ait pas voulu profiter d’une pause pendant laquelle il n’avait pas à rester à la disposition de l’employeur, ne lui permet pas de se prévaloir d’heures supplémentaires (Soc 9 mars 1999).

Les temps de pause ne sont pas du travail effectif. La grève ne peut concerner qu’une période de travail effectif (Soc 18 décembre 2001). La brièveté de certains temps de pause ne permet pas de considérer que ces temps constituent du temps de travail effectif (Soc 5 avril 2006). La pause litigieuse était de 3mn. La seule circonstance que le salarié soit astreint au port d’une tenue de travail durant la pause ne permet pas pour autant de considérer cette dernière comme du temps de travail effectif. Autrement dit, il y a comme une tendance du juge à minimiser l’emprise exercée par le pouvoir de direction sur certains temps de pause.

Les pauses exclues du temps de travail effectif auront le statut suivant. Elles n’entrent pas dans le décompte des 35h, et n’ont pas à être rémunérées. L’art. L3121-2 al.2 CT atténue cette règle de la non-rémunération des temps de pause. Un

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accord collectif ou le contrat individuel peuvent prévoir que les temps d’arrêt feront l’objet d’une rémunération. Le seul fait qu’un temps de pause soit rémunéré n’a pas pour conséquence de le transformer en temps de travail effectif. Pour qu’il en soit autrement, il faudra que par une clause spécifique et sans équivoque, l’accord collectif ou le contrat individuel assimile le temps de pause à un travail effectif.

Beaucoup d’entreprises, à l’occasion des 35h, ont dénoncé les avantages liées aux pauses dont bénéficiaient les salariés.

2) Les temps consacrés aux habillages et déshabillages

Avant les lois Aubry, la loi excluait expressément du temps de travail effectif, le temps nécessaire à l’habillage. La loi Aubry II a traversé des turbulences sur ce sujet. Il a été envisagé au départ de la réforme d’inclure dans le temps de travail effectif le temps d’habillage et de déshabillage lorsque le port d’une tenue de travail est imposé par la loi, le règlement, le règlement intérieur ou encore le contrat individuel.

Finalement, grâce à la création de l’art. L3121-3 CT, ces temps ne sont pas compris dans le temps de travail effectif, sauf si l’accord collectif, l’usage ou le contrat le prévoit expressément. Les temps d’habillage et de déshabillage doivent en tant que tel donner lieu à des contreparties soit sous forme de repos, soit financières qui seront déterminées par la convention collective, ou à défaut par le contrat de travail. Mais, la loi subordonne ce droit à compensation à une double condition :

- La tenue doit être obligatoire, - L’habillage et le déshabillage doivent avoir lieu dans l’entreprise ou sur le lieu de travail.

L’interprétation jurisprudentielle de ce texte a été mouvementée. Dans un premier temps, la CCass affirme que lorsque le port d’une tenue est obligatoire, l’habillage ou le déshabillage doivent être réalisés dans l’entreprise ou sur le lieu de travail (Soc. 26 janvier 2005). L’objectif était d’éviter les stratégies de contournement qui consisteraient à obliger les salariés à se changer à leur domicile. Donc, les salariés ont droit à une compensation. La CCass rajoute à la loi, et impose aux entreprises une charge financière qui peut être considérable. Dans un 2ème temps, un revirement intervient (Soc 26 mars 2008 + 28 octobre 2009). L’art. L3121-3 CT n’impose pas que l’habillage ou le déshabillage ait lieu dans l’entreprise. L’employeur n’est donc tenu d’allouer une contrepartie autant correspondante que si les deux conditions cumulatives posées par le texte sont réunies. 2 considérations imposent le revirement : lecture littérale de la loi, impossible d’être indifférent aux conséquences financières de la solution générale précédemment imposée. A partir du moment où l’employeur n’impose pas l’habillage ou le déshabillage sur place, aucune contrepartie n’est de mise. Il se peut que l’employeur laisse le choix au salarié pour qu’aucune contrepartie ne soit due.

Il reste aux syndicats ou aux institutions représentatives du personnel à obtenir des négociations, les dispositions plus favorables pouvant assimiler le temps d’habillage ou de déshabillage à du temps de travail effectif.

Si les deux conditions posées par l’art. L2131-3 CT sont réunies en l’absence d’accord collectif ou de clause dans le contrat individuel, il appartient au juge de fixer la contrepartie dont devront bénéficier les salariés qui le saisissent (Soc 16 janvier 2008).

Au final, le salarié n’est-il pas quand même à la disposition de l’employeur, et en train d’exécuter une directive de celui-ci ?

3) Les temps de trajet dits de déplacements professionnels

Le problème est celui de la qualification des temps de trajet au regard de la notion de temps de travail effectif, et donc du décompte de la durée légale et du paiement des heures supplémentaires. Jusqu’à la loi de programmation pour la cohésion sociale, loi Borloo du 18 janvier 2005, la qualification, le régime du temps de trajet ne faisaient l’objet d’aucune mention dans la loi, d’où le rôle capital de la jurisprudence.

a. La construction jurisprudentielle

Face à une montée du contentieux, la chambre sociale de la CCass a voulu se livrer à un exercice de définition générale. L’arrêt majeur a été rendu le 5 novembre 2003. La généralité de la formulation adoptée a été remarquée par les

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commentateurs. La cour parle d’une affirmation : « le temps habituel du trajet entre le domicile et le lieu du travail ne constitue pas en soi un temps de travail effectif ». Le principe n’est pas nouveau, car il a tjrs été posée que le choix du domicile par le salarié relève de sa vie privée. La nouveauté réside dans la mention du temps habituel. La CCass fixe une référence, un critère de la normalité déterminée à partir de l’habitude. Le temps habituel de trajet domicile-lieu de travail est le temps normal de trajet, lequel n’est pas du temps de travail effectif. A partir de ce point fixe, il y aura lieu de mesurer s’il y a ou non écart avec la normalité.

En conséquence, - un temps de trajet plus long basculera du coté du temps de travail effectif- les temps de trajet entre deux lieux d’exécution du travail sont du temps de travail effectif

Avant 2003, la CCass n’admettait la qualification de temps de travail effectif que si le juge pouvait relever des signes d’une « emprunte de l’employeur sur les conditions de trajet ». En 2003, la CCass abandonne ses exigences. Il suffit que l’employeur ait donné l’ordre de se rendre d’un lieu d’exécution à un autre, au prix d’une acception large à la notion de temps de travail effectif.

b. L’art. L3121-4 CT, issu de la loi du 18 janvier 2005

Cet article est le fruit d’un amendement parlementaire déposé par l’UMP. Le texte est désormais le suivant  : « le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel du travail, il doit faire l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par accord collectif, ou à défaut par décision unilatérale de l’employeur prise après consultation du Comité d’entreprise ou des délégués du personnel s’ils existent. La part de cette temps de déplacement professionnel coïncidant avec le temps de travail ne doit pas entrainer de perte de salaire ». La loi introduit la notion de déplacement professionnel, mais elle n’en donne pas de définition précise. Pour le reste, la jurisprudence qui venait de se développer en 2003 et 2004 est, pour une part, désavouée :

- L’art. L3121-4 confirme la jurisprudence sur le principe : le temps de trajet classique, domicile-lieu de travail fixe, n’est pas du temps de travail effectif.

- Il s’agit bien de briser la jurisprudence sur les temps de trajet s’écartant de la normalité. Si le temps de déplacement doit dépasser le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, ce temps est exclu du temps de travail effectif. Il donne lieu à une simple contrepartie, qui peut être bien inférieure au salaire qui correspondrait à du travail effectif. Comment définir alors le temps de trajet normal ou le lieu de travail habituel ? Que faire des salariés nomades ?

- Il est acquis que la part du temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail ne doit pas entrainer de perte de salaire. Elle est rémunérée comme du temps de travail effectif. Mais, elle n’est pas considérée comme temps de travail effectif.

- Bien que les travaux préparatoires soient marqués d’une certaine ambigüité, la jurisprudence considérant les trajets entre deux lieux de travail comme du temps de travail effectif du moment que l’employeur a donné l’ordre d’effectuer ce déplacement, cette jurisprudence parait conserver son actualité. Le CConstit penche plutôt en ce sens (décision 13 janvier 2005). Ce type d’amendement illustre une certaine dérive législative. Où est la démarche de simplification du droit ? Où est la volonté proclamée de tarir le recours au juge et de promouvoir la sécurité juridique ? La loi a fait naitre des contentieux supplémentaires.

On voit se préciser l’idée qu’il n’y a au fond que des temps morcelés, émiettés, que ne relie aucun fil conducteur cohérent. Qu’est-ce exactement ? S’agit-il d’un temps de repos entrant dans le repos quotidien ? Le dialogue entre le législateur et le juge est ici un peu compliqué en raison de certains impératifs économiques.

3 décisions intéressantes :- 31 octobre 2007- 13 juillet 2004- 13 janvier 2009

Soc 31 octobre 2007Les salariés d’un établissement sont astreints à porter une tenue de travail. Un guide pratique de l’entreprise détaille les modalités de leur prise de poste. Après s’être changés dans les vestiaires situés à l’intérieur de l’entreprise, ils doivent se rendre à la pointeuse la plus proche pour badger. Selon le guide pratique, le temps de déplacement depuis le vestiaire jusqu’à la pointeuse n’est pas du temps de travail effectif.

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La CCass va indiquer la démarche à adopter pour qualifier ce temps litigieux. Il va d’abord falloir déterminer le texte applicable, puis procéder à la qualification. Sommes-nous en présence d’un temps de déplacement professionnel au sens de l’art. L3121-4 CT issu de la loi de 2005 ? Selon ce texte, il ne s’agit pas d’un temps de travail effectif. La CCass répond par la négative. L’art. L3121-4 ne s’applique pas au temps de déplacement à l’intérieur de l’entreprise. Cette position est confirmée par l’arrêt du 13 janvier 2009. Le déplacement professionnel de l’art. L3121-4 s’arrête aux portes de l’entreprise. On ne peut donc pas se fonder sur ce texte pour exclure la qualification de temps de travail effectif. Est-ce à dire que le temps de trajet litigieux est du temps de travail effectif ?Pour la CCass, ça ne sera pas automatiquement du temps de travail effectif. Il faut revenir sur le terrain de l’art. L3121-1 CT, et apprécier la période de déplacement avec les critères du temps de travail effectif. Le juge doit rechercher si pendant le temps de parcours, le salarié se trouvait à la disposition de l’employeur et devait se conformer à ces directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. En l’occurrence, selon la CCass, le temps de parcours ne constituait pas un temps de travail effectif.

Soc. 13 juillet 2004La CCass avait approuvé la qualification de temps de travail effectif, retenue par les juges du fond, pour un temps de trajet analogue. Tout est donc fonction des données concrètes de chaque espèce. Cela est confirmé par l’arrêt du 13 janvier 2009, Eurodisney.

Dans un supermarché, les pointeuses sont placées dans des points très éloignés des vestiaires. Concernant la qualification du temps de parcours, la CCass approuve les juges du fond d’y avoir vu du temps de travail effectif. Mais, un syndicat s’est placé sur un autre terrain en demandant au juge d’enjoindre à l’employeur de déplacer les pointeuses. La CA avait ordonné le déplacement des pointeuses. Cassation, pour condamner l’atteinte portée par les juges au pouvoir de direction, l’arrêt vise le principe fondamental de la liberté d’entreprendre. Est-il vraiment besoin de mobiliser des principes à valeur constitutionnelle pour régler un problème de placement des pointeuses ?!!!L’organisation de l’entreprise exerce une influence considérable sur la qualification des temps.

Soc. 13 janvier 2009La CCass a mis en avant le pouvoir d’organisation de l’employeur, avec la possibilité de recevoir des directives sur ce parcours.

C/ Les temps dits gris ou astreints

Dans le vocabulaire de la pratique, les astreintes visent les hypothèses de travail à l’appel. Le salarié, chez lui, s’engage à demeurer disponible pendant des séquences plus ou moins longues, pour une intervention éventuelle (état de vigilance). Ce système connait de grands développements. L’astreinte est révélatrice des mutations, des mises en cause, qui affectent le rapport traditionnel de travail, et l’idée même de subordination dans sa dimension temporaire. Elle marque aussi la fragilité des frontières entre la vie professionnelle et la vie privée. C’est la jurisprudence qui a eu à traiter la première des astreintes. Lorsque le législateur est intervenu, loi Aubry II, il a pour l’essentiel codifié cette importante jurisprudence tout en apportant des précisions. L’art. L3121-5 CT donne une définition de l’astreinte. Le code livre ensuite des éléments relatifs au régime de l’astreinte.

1) Définition

a. Les critères L’art. L3121-5 CT énonce « une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ».

L’astreinte est donc révélée par un double critère : - Disponibilité atténuée : elle n’est pas permanente, ni immédiate. La formule sous-entend que le salarié peut

vaquer à des occupations personnelles. - Lieu : elle s’exerce au domicile du salarié ou à proximité.

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A partir de ce critère de lieu, un clivage juridique fondamental va être opéré selon que le salarié est ou non tenu à une présence dans les locaux du travail.

b. Astreinte versus repos

L’astreinte est révélée par un double critère :- Disponibilité allégée elle n’est pas permanente- L’astreinte s’exerce au domicile du salarié ou à proximité. S’agissant de ce second critère, clivage jur. suivant que le

salarié est tenu ou non à une présence dans les locaux de l’entreprise : Le salarié est tenu à une présence dans les locaux de l’entreprise même s’il n’a aucun travail productif à

accomplir, il sera considéré comme étant dans une situation de travail effectif du moment qu’il est prêt à intervenir à tout moment. Cette solution de la jurisprudence française est en parfaite harmonie avec celle de la jurisprudence communautaire. En effet, dans plusieurs arrêts, CJCE, 3 octobre 2000, SIMAP, CJCE, 9 septembre 2003, Jaeger, et CJCE, 5 oct. 2004, Pfeiffer, il s‘agissait de médecins de garde dans des hôpitaux. La CJCE va considérer que ces personnes effectuent un temps de travail effectif. Elle rejette donc une conception strictement productiviste du temps de travail. Mais cette jurisprudence est la cible de vives critiques de la part de certains Etats et des employeurs.

Le salarié est accessible depuis son domicile, donc sans présence sur les lieux de travail la jurisprudence communautaire, CJCE, 3 oct. 2000, SIMAP, a utilisé un nouveau critère : l’accessibilité du salarié en permanence, quel que soit le lieu hors de l’entreprise où il se trouve. La jurisprudence française s’en rapproche en évoquant le domicile ou tout autre lieu de son choix (Soc., 10 juill. 2002).

Dans ces deux cas, le salarié n’effectue pas un travail effectif. Il percevra une simple indemnité, et non pas une rémunération ce temps n’entrera pas dans le calcul des 35h et des heures supplémentaires, sauf les temps d’intervention qui eux doivent être traités comme du temps de travail effectif.

Question du temps de trajet pour se rendre sur le lieu d’intervention est-ce pris en compte comme un temps de trajet professionnel pour se rendre le lieu d’exécution du travail ? Si oui, ce ne sera pas du travail effectif Soc., 31 oct. 2007 écarte cette éventualité : au vu de l’art. L.3121-5, le temps de déplacement accompli lors des périodes d’astreinte faite partie intégrante de l’intervention et constitue de ce fait du temps de travail effectif.

Soc., 2 février 2006 des salariés font la grève, mais uniquement la grève de l’astreinte. Ils assurent bien leur travail sont-ils en grève ? Non. Ces arrêts de travail ne répondent pas à la définition de la grève. Cette décision a connu de vives critiques.

c. Les rapports entre les notions d’astreinte et de repos

Les astreintes peuvent-elles être imposées au salarié pendant ses périodes de repos quotidien, ou pendant les périodes de repos hebdomadaire, ou les deux ? Y-a-t-il ou non violation de la rglt° sur le repos ?

i) Etat des lieux avant la loi Fillon du 17 janvier 2003

Il y avait 2 visions opposées :

- La loi Aubry II avait admis l’astreinte pendant les temps de repos. Ça a été conforté par la jurisprudence communautaire CJCE, 3 oct. 2000, SIMAP de telles astreintes ne sont pas du temps de travail. Elle n’en dit pas plus, mais il se trouve que les directives rédigées plus tard décrivent le temps de repos comme toute période qui n’est pas du temps de travail N’étant pas du temps de travail, l’astreinte est du temps de repos.L’on constate ainsi que le repos n’est plus seulement ou exclusivement un droit du salarié comme personne. Il tend à devenir aussi un instrument d’org° de l’entr.

- Soc., 10 juill. 2002, SLEC les périodes d’astreinte ne peuvent être considérées ni comme du travail effectif, ni comme une période de repos vision « trinaire » du temps : le temps de travail, le temps de repos et un temps « gris ». Par cet arrêt, la Cour pose ainsi que le salarié ne bénéficie pas de son repos pendant l’astreinte elle livre pour la 1ère

fois une véritable déf° jur. du repos, lequel suppose que « le salarié soit totalement dispensé, directement ou indirectement, sauf cas exceptionnel, d’accomplir pour son employeur une prestation de travail même si elle n’est qu’éventuelle ou occasionnelle », ce qui n’est pas le cas de l’astreinte consécration au fond d’un droit au repos, d’un droit de la personne. Une déconnexion de l’entreprise est ainsi mise en exergue.

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ii) Après la loi du 17 janv. 2003

L’arrêt SLEC a été critiqué par le patronat. Un amendement a alors été adopté, créant l’art. L.3121-6 : « Exception faite de la durée d’intervention, la période d’astreinte est prise en compte pour le calcul de la durée MIN de repos quotidien et de celle du repos hebdomadaire ».

S’il y a intervention pendant la période d’astreinte, elle interrompt le repos, et le repos intégral de 11h par jour et de 35h au titre du repos hebdomadaire doivent être intégralement donnés dès la fin de l’intervention.

S’il n’y a pas intervention pendant la période d’astreinte, l’astreinte peut être imposée pdt le repos au sens de la loi de 2003. L’argt pratique développé au Parlement était de dire que grâce aux portables, l’astreinte serait de moins en moins astreignante, le salarié conservant une certaine L de mvt. Sur ce point, la Cour de cassation est donc désavouée, mais il y a convergence du droit national et du droit communautaire.

iii) Rebondissements en 2005 et 2010 (Charte sociale européenne)

La CFE-CGCE et la CGT ont formulé des recours sur le fondement de la charte sociale européenne révisée, donc dans le cadre du Conseil de l’Europe. Elle pose des conditions de travail équitables et à une durée raisonnable du travail journalier et hebdomadaire.

Un premier recours a eu lieu en 2004-2005. Second recours qui a donné lieu à une décision du 23 juin 2010.

Pour améliorer la mise en œuvre des droits sociaux, il existe une procédure de réclamation collective qui est ouverte aux ONG et aux organisations professionnelles à l’encontre d’un Etat pour violation de la Charte. Un comité d’experts indépendants, le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) est chargé d’établir un rapport se prononçant sur la violation ou non de la Charte. Puis le comité des ministres adopte une résolution. Il peut alors émettre une recommandation destinée à l’Etat poursuivi pour qu’il se mette en conformité avec la Charte.

Ici, 2 constats. L’imputation des astreintes sur le temps de repos fait l’objet :- D’une condamnation juridique réitérée- D’un sauvetage politique en 2005 non encore réitéré en 2011

Le 16 décembre 2004 et 23 juin 2010, le CEDS considère que les périodes d’astreinte pendant lesquelles le salarié n’a pas été amené à intervenir au service de l’employeur, si elles ne constituent pas un temps de travail effectif, ne peuvent néanmoins être, sans limitation, assimilées à un temps de repos au sens de la Charte. En outre, l’obligation de rester à la disposition de l’employeur empêche le salarié de se livrer à des activités relevant de son libre choix et sans aléa l’assimilation des périodes d’astreinte au repos constitue une violation du droit à une durée raisonnable du travail.

Le CEDS rejoint ainsi la CCass dans l’arrêt SLEC.

S’agissant du second recours, le Comité des ministres, dans 2 résolutions du 4 mai 2005, a pour sa part pris note de la décision du CEDS mais n’a pas émis de recommandation à l’adresse du Gvt français. La loi de 2003 en est donc sortie indemne.

Le Comité des ministres ne s’est pas encore prononcé sur la décision du 23 juin 2010 car la France a demandé un délai pour se justifier. Certains auteurs soutiennent que le juge français pourrait, d’ores et déjà, sur le fdmt de la Charte, sanctionner des employeurs qui n’auraient pas fait bénéficier les salariés des droits prévus par la Charte possté d’invoquer la Charte devant le juge.

De son côté, la CGT demande la renégociation des accords collectives contraires à la Charte.

d. Les perspectives d’évolution de la directive

Aucune proposition n’entend revenir sur la jurisprudence communautaire relative au temps d’accessibilité du salarié sans présence dans les locaux de travail.

En revanche, les perspectives d’évolution des directives s’attaquent à la jurisprudence de la CJCE (SIMAP ET Jaeger) dans l’hypothèse où le salarié présent sur le lieu de travail est à la disp° de l’employeur sans être tenu à un travail productif. Pour la CJCE, il s’agit du temps de travail. Or c’est ce qui pose problème  est-ce que c’en est vraiment ?

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En 2004, on a voulu distinguer au sein des temps de garde les temps d’attente, qualifiés de repos, et les périodes actives, qualifiées de temps de travail effectif.

En 2010, une autre démarche qui est mise en avant par la Commission : le ppe posé par la jurisprudence serait réaffirmé  à partir du moment où le salarié est sur le lieu de travail, c’est du temps de travail. Mais ensuite, création d’une dérogation permettant de comptabiliser les périodes de garde différemment sur la base d’équivalences dans certaines limites hebdomadaires et dans les secteurs où la continuité du service est nécessaire.Ex : 10h de garde équivaudraient à 3h de travail effectif

Cette technique valoriserait la technique française des heures d’équivalence.

Ce mvt montre une reprise en main des normes, au détriment de la jurisprudence défiance à l’égard des juges. De +, tendance à la favorisation des dérogations.

2) Le régime juridique de l’astreinte

a. Mise en place et suppression de l’astreinte

La loi prévoit 2 modalités de mise en place de l’astreinte, la 2nde  étant subsidiaire à la 1ère :- L’astreinte peut être mise en place par accords collectifs (conv° collectives de branche étendues ou accords

d’entreprises). Ils doivent fixer le mode d’org° de l’astreinte. Cette dernière doit être assortie de compensations qui peuvent être financière ou prendre la forme de repos.

- A défaut de CCL d’un accord collectif, c’est le chef d’entreprise qui fixe les modalités et les compensations de l’astreinte après information et consultation du CE + information de l’inspecteur du travail.

Dans tous les cas, le non-versement des compensations est pénalement sanctionné.

Quelle est la capacité de résistance du salarié face à l’instauration de l’astreinte ? D’après la jurisprudence, si l’astreinte est instaurée unilatéralement par l’employeur en cours de contrat, cette décision constitue une modification du contrat de travail que le salarié est en droit de refuse Soc., 22 oct. 2008. Si l’astreinte est instaurée par voie de convention collective, l’astreinte prévue par cette dernière conclue antérieurement au contrat de travail va s’imposer au salarié sans son accord et sans modification du contrat. Le refus du salarié pourrait être constitutif d’une faute grave.En revanche, si le contrat de travail a été conclu antérieurement à l’entrée en vigueur de la convention collective, l’imposition de l’astreinte sera vue comme une modification du contrat accord du salarié est nécessaire.

Quand il s’agit de la suppression de l’astreinte, la jurisprudence ne tient pas compte de l’origine conventionnelle ou contractuelle de l’astreinte. Le juge va en effet raisonner à partir des fonctions du salarié pour effectuer la distinction suivante :

- Si l’astreinte est systématique, c’est-à-dire tous les salariés occupant la fonction en cause y sont tenus, alors la suppression de l’astreinte constitue une modification du contrat,

- Si les fonctions n’impliquent pas systématiquement l’astreinte mais seulement la faculté de faire effectuer des astreintes, l’employeur est alors en droit de supprimer l’astreinte dans l’exercice de son pouvoir de direction pas de modif° du contrat mais simple chgt des cond° de travail Soc., 15 déc. 2004 (source contractuelle de l’astreinte) et Soc., 13 juill. 2010 (source conventionnelle de l’astreinte).

L’astreinte peut concerner toutes les sortes de salarié : Soc., 8 déc. 1998 l’astreinte est possible quel que soit le niveau de responsabilité du salarié dans l’entreprise, donc y compris s’il s’agit d’un cadre.

b. Les garanties données aux salariés

Il y en a 2 :- Les astreintes pouvant être source d’incertitude dans l’organisation du tps des salariés : programmation des périodes

d’astreinte doit être portée à la connaissance de chaque salarié concerné 15 jours à l’avance, sauf circonstances exceptionnelles

- Le salarié doit remettre chaque moi un document récapitulant le nombre d’heures d’astreinte effectuées au cours du mois écoulé et la compensation correspondante

L’astreinte ne constitue ni un temps de travail effectif, ni un temps de repos : « temps gris ». ce temps commence à avoir un début d’encadrement. Mais, on peut regretter l’absence de toute définition, ou indication légale des cas de recours aux astreintes. Les astreintes sont-elles justifiées pour tous les types d’activités ? On peut également faire le constat de

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l’absence de limite à l’astreinte. Certains se demandent si un certain contrôle ne serait pas possible sur le terrain des droits fondamentaux (art. L1121-1 CT : Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché). Ce texte offre peut-être la perspective d’un certain contrôle de la justification de l’astreinte, d’un contrôle de la proportionnalité des contraintes subies par rapport aux besoins de l’entreprise.

D/ Les équivalences

1) Présentation

Le système des équivalences est ancien, car il a été inauguré à la fin des 30’s. Il était fondé sur l’idée que dans certaines professions, le travail effectif dans l’entreprise est entrecoupé d’heures creuses ne donnant pas lieu à une activité directement productive. C’est pourquoi l’art. L3121-9 CT a admis que dans des professions et pour des emplois déterminés par décret, ces périodes d’inactivités fassent l’objet d’un décompte particulier. Des décrets ont ainsi établi des temps de présence hebdomadaire.

Par exemple, l’activité d’accompagnement de groupe de jour et de nuit. Au terme d’un décret de 2005, 13h de présence équivalent à 7h de travail effectif. Cela signifie 13h payées 7h.

La première conséquence vient de la lecture de l’art. L3121-2 CT qui considère comme heure supplémentaire, les heures accomplies au-delà de la durée légale ou de la durée considérée comme équivalente. L’horaire d’équivalence a pour effet de différer le seuil de déclenchement des majorations de salaires pour heures supplémentaires. Les heures d’équivalence ne sont pas rémunérées, sauf dispositions plus favorables. La dernière conséquence est que la durée maximale du travail sera appréciée sur la base de l’équivalence.

La loi Aubry II en 2000 a choisi de maintenir le dispositif des équivalences, non sans le subordonner, plus clairement que le passé à l’existence d’un décret en Conseil d’Etat, ou décret simple pris après conclusion d’un accord de branche. Il s’agit d’un régime d’exception, d’application étroite comme le souligne la jurisprudence. Elle affirme qu’un travailleur à temps partiel ne peut pas être placé sous le régime d’équivalence. Les heures d’inaction heures d’équivalences sont très exactement des périodes pendant lesquelles le salarié est à la disposition de l’employeur sur le lieu de travail, soumis à ses directives, sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. En l’absence de décret autorisant l’équivalence, ces heures constitueraient du temps de travail effectif, par exception, elles vont faire l’objet d’une prise en compte particulière. Les heures d’équivalence constituent un temps de travail effectif, mais un temps de travail effectif pondéré, et par suite, non intégralement rémunéré.

Ce système a été critiqué. Un processus de réduction voire de suppression des équivalences s’est enclenché, et cela depuis longtemps. On a pu croire que les équivalences étaient en voie de disparition. D’autant que le droit communautaire semblait aller en ce sens.

2) Déclin et renouveau  ?

La question se pose à l’ombre du droit communautaire sur deux versants :- La jurisprudence CJUE

- la révision de la directive de 2003

a. La jurisprudence de la CJUE (Arrêt Dellas)

L’analyse française des heures d’équivalence était-elle compatible avec la jurisprudence communautaire ?L’arrêt Jieger, 9 septembre 2003 n’a-t-il pas considéré après l’arrêt SIMAP que le temps passé dans l’entreprise pendant lequel le médecin doit rester disponible, prêt à intervenir, est un temps de travail et non un temps de repos.

Une question préjudicielle a été posée le 3 décembre 2003 sur la compatibilité de la définition communautaire avec les heures d’équivalences. CJUE Dellas, 1er décembre 2005 : le régime français des équivalences se trouve condamné. Les services de garde, selon le régime de la présence physique dans l’établissement dont font parties les équivalences, doivent être considérés intégralement comme du temps de travail effectif indépendamment des prestations de travail réellement effectuées pendant ces gardes. Cette règle est édictée pour une protection efficace de la sécurité et de la santé des travailleurs.

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Quelles sont les retombées ?Concernant l’appréciation de la durée maximale du travail, il est clair que le plafond communautaire (48h/semaine ou 48h en moyenne sur 4 mois max) doit être apprécié et respecté en y incluant les temps de présence, de permanence, sur le lieu de travail. Or, selon la CJUE, le mode de computation français est de nature à imposer un temps de travail global supérieur à 60h/semaine. Il est néanmoins précisé que la conception affirmée de la CJUE vaut exclusivement pour les durées maximales communautaires, non pour les seuils nationaux.

Concernant la rémunération des salariés, il n’y a aucune conséquence. La Cour affirme que la directive n’a pas pour objet de traiter des rémunérations. C’est une question à régler au plan national. La CJUE l’a redit dans un arrêt du 11 janvier 2007 soulignant qu’il est possible de prendre en considération différemment les périodes actives et les autres concernant la rémunération. Les heures d’équivalence françaises dans leur état sont condamnées. Les auteurs se sont divisés sur le point de savoir si le principe même des heures d’équivalence était condamné, ou s’il pouvait survivre moyennant un réaménagement.

Le Conseil d’Etat a annulé le décret litigieux, du 31 décembre 2001, par une décision du 28 avril 2006. Il l’a fait en des termes qui donnent raison à la 2nd analyse. Le décret est entaché d’illégalité en tant qu’il ne fixe pas les limites garantissant le respect des seuils et plafonds communautaires. Donc, pour le reste, un nouveau décret pouvait intervenir. Le décret du 29 janvier 2007 a vu le jour. Ce décret prévoit une durée maximale hebdomadaire de 48h décomptées heure pour heure, en moyenne sur 4 mois. Le décret prévoit aussi une pause après 6h de travail, 6h décomptées heure pour heure. Mais ensuite, pour le reste, rien ne change : qu’il s’agisse des modalités de rémunération ou du seuil de déclenchement des heures supplémentaires. De ce point de vue, le décret de 2001 n’était pas illégal, donc le décompte peut être effectué selon le système des heures d’équivalence.

Les magistrats de la CCass veillent au respect des seuils communautaires. Dans un arrêt du 23 septembre 2009, était en question l’appréciation du respect de l’amplitude journalière maximale de travail. L’amplitude est établie à 13h par suite du droit communautaire (11h de repos). Peut-on ou non décompter les 13h d’amplitude selon le système des équivalences ? La réponse est négative. Pour l’appréciation de l’amplitude et de ses éventuels dépassements, toutes les heures de présence doivent être comptabilisées. Le décompte par équivalence est donc exclu non seulement pour la durée maximale hebdomadaire au sens communautaire, mais encore pour l’amplitude journalière. Ça ne serait pas la même chose s’il s’agissait d’apprécier la durée maximale quotidienne du temps de travail effectif, car il n’y a pas de seuil communautaire en la matière. Cela manifeste un dédoublement des systèmes de décompte selon qu’il s’agit d’apprécier les seuils communautaires ou d’apprécier autre chose, en particulier le montant de la rémunération. Cela n’est pas satisfaisant.

b. Perspectives de révision de la directive de 93, 2003

Les arrêts SIMAP et Jaeger sont la cible de critiques sévères. On retrouve cette critique de la jurisprudence communautaire dans le document du 21 décembre 2010, qui est la base de l’actuelle procédure de concertation. Mais, l’angle d’attaque est différent. Il s’agirait de commencer par manifester un grand respect à la CJUE, en reconnaissant le principe selon le temps de garde à la disposition de l’employeur sur le lieu de travail constitue dans son intégralité du temps de travail aux fins de la directive, et ne peut être considéré comme une période de repos. Mais, serait instaurée une dérogation à ce principe qui permettrait de comptabiliser les temps de garde différemment « selon un principe d’équivalence ». La détermination des secteurs concernés et la méthode de comptabilisation serait confiées aux partenaires sociaux. On s’écarterait de l’arrêt Dellas, mais cela éviterait d’avoir à distinguer temps de garde actif et temps de garde inactif. Ainsi, les équivalences connaitront peut-être une consécration à l’échelon européen, au prix d’un désaveu de la CJUE.

Certains y voient la preuve que le droit du travail est inadapté, trop rigide. La fixation de la durée légale à 35h serait la cause de tout le mal. Il faudrait donc maintenir le système des équivalences, mais encore de faciliter son recours en subordonnant le recours non plus à un décret mais simplement à un accord collectif. Ne faudrait-il pas au contraire en finir avec le système des équivalences hérité d’un autre âge ? Les formes actuelles d’organisation du travail ont fait une chasse impitoyable aux temps morts. Les équivalences ont donc perdu leur justification. La chambre sociale a montré qu’elle entend subordonner l’application d’un système d’équivalence à la vérification par le juge de l’existence concrète de périodes d’inaction pour des emplois déterminées (appréciation souveraine des juges du fond) : Soc. 31 octobre 2006. La CCass est donc sensible au msg du juge communautaire.

Du point de vue l’analyse juridique du contrat de travail, admettre l’équivalence revient à faire peser le risque de l’inactivité sur le salarié. Alors qu’en principe, c’est à l’employeur de supporter le risque de l’entreprise, car il a seul les moyens de le maitriser.

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Le législateur fait-il bien d’entrer dans tous les détails (pause, habillage, astreinte) ? Se faisant, les législateurs sont-ils dans le rôle ? Ne devraient-ils pas s’en tenir au principe (art. L3121-1 CT) et mieux affermir ceci, par ex pour le droit au repos, en particulier en posant des limites au pouvoir général de l’employeur sur la base des droits fondamentaux ?

Pour la mise en œuvre des principes, faut-il s’en remettre au juge ? Certains critiquent le juge. Fut-il s’en remettre à la négociation collective ? Mais, la négociation peut être source de certaines déconvenues en termes de complexité et d’égalité. Et, elle ne garantit pas le respect des valeurs.

Section 2 : Le dépassement de la durée légale

En 1936, la semaine de 40h avait été conçue comme une véritable limite à la durée réelle du travail. Mais, ce n’est pas cette conception qui l’a emportée. Depuis 1938, les heures supplémentaires ont tjrs été admises par le code du travail. A cet égard, la flexibilité du temps de travail n’est pas chose nouvelle. De longue date, les heures supplémentaires permettent à l’entreprise de faire face à des travaux urgents, à des variations du carnet de commandes, à un surcroit d’activités.

Partant de là, la durée légale peut être l’objet de politiques variables selon que l’on veut obtenir la diminution ou l’augmentation du temps de travail (levier de la durée légale). La durée légale a tjrs pour effet de soumettre les heures accomplies au-delà d’un seuil qu’elle fixe à un régime particulier entrainant un certain coût pour l’employeur. Plus le coût supplémentaire est élevé, plus les entreprises sont dissuadées de pratiquer des horaires élevés. Moins le coût de l’heure supplémentaire est élevé, moins elles seront dissuadées de pratiquer des horaires élevés. De même, selon l’effet recherché, on rendra les heures supplémentaires plus ou moins attractives pour les salariés. La 1ère

démarche a été privilégiée au cours de l’ère 35h. La 2nd démarche qui l’emporte depuis 2003. Néanmoins, une certaine continuité peut être notée d’une période à l’autre : d’abord en termes de flexibilité, recherchée dans la 1ère période, elle explose dans la seconde.

Sous-section 1 : Le mécanisme des heures supplémentaires

Les heures supplémentaires sont celles effectuées au-delà de la durée légale, ou au-delà de la durée considérée comme équivalente. Il y a heure supplémentaire à partir de la 36ème heure de la semaine.

Cela conduit à exclure des heures supplémentaires certains types d’heures :- Les heures d’équivalence,- Certaines heures effectuées au-delà de la durée légale, mais qui sont considérées comme des heures normales

payées au taux normal par application de régimes dérogatoires : les heures dites de récupération, certaines heures pratiquées dans le cadre de l’aménagement du temps de travail sur l’année.

En principe, il n’y a heure supplémentaire que lorsque le travail effectué l’a été à la demande de l’employeur ou au moins avec son accord implicite. Toutefois, la jurisprudence parait s’élargir un peu sur ce sujet, en admettant que les heures supplémentaires peuvent aussi avoir été imposées par la nature ou la quantité de travail demandée (Soc. 19 avril 2000). On voit apparaitre la notion montante de « charge de travail ». La charge de travail pourrait justifier que le salarié accomplisse de sa propre initiative des heures supplémentaires si la tâche à accomplir n’est pas réalisable dans le cadre de l’horaire normal.

Les heures supplémentaires se décomptent par semaine civile. La semaine civile débute en principe le lundi à 0h et se termine le dimanche à 24h. Mais, un accord d’entreprise ou un accord d’établissement peut contenir des stipulations contraires (art. L2132-1 CT).

§1. Le recours aux heures supplémentaires

A/ Le contingentement des heures supplémentaires

Le droit distingue deux catégories d’heures supplémentaires :- Celles effectuées dans le cadre d’un contingent annuel,- Celles effectuées au-delà de ce contingent annuel.

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Cette distinction subsiste. Mais sans disparaitre complètement, ses enjeux sont modifiés par la loi du 20 aout 2008, dont l’objectif est d’encourager la pratique des heures supplémentaires. Sur ce plan, la réforme en 2008 signe un net désengagement de l’Etat. Jusqu’à la réforme de l’été 2008, l’employeur pouvait user librement des heures supplémentaires après simple information des élus et de l’inspecteur du travail dans la limite d’un contingent annuel établi par décret à 220h par salariés et par an, sauf accord collectif augmentant ou diminuant ce seuil. Le contingent pouvait être dépassé, mais l’employeur devait obtenir l’autorisation de l’inspecteur du travail.

Aujourd’hui, ce clivage heures supplémentaires libres – heures supplémentaires soumises à autorisation administrative a disparu. La distinction des heures accomplies dans le cadre ou au-delà de ce contingent subsiste, mais sans l’enjeu de l’autorisation administrative. Le seul enjeu qui reste est en termes de repos supplémentaire.

1) Les heures supplémentaires dans le cadre du contingent

Tout employeur dispose au titre de chacun de ses salariés d’un contingent annuel d’heures supplémentaires, auquel il peut recourir après en avoir simplement informé le Comité d’entreprise ou à défaut le délégué du personnel. La détermination du volume horaire du contingent d’heures supplémentaires repose sur une articulation particulière entre le règlement, l’accord collectif de branche et l’accord d’entreprise ou d’établissement. Le règlement fixe un volume précis, mais il s’inscrit dans un ordonnancement des normes organisé sur le mode de la supplétivité.

a. Le volume réglementaire

Il est resté stable de 1982 à 2001 : 130h par salarié et par an. Progressivement, il a connu des augmentations successives. Un décret du 21 décembre 2004 a fixé ce contingent à 220 par salarié et par an. Cela permet de faire travailler un salarié 5h supplémentaires par semaine sur environ 45 semaines. Ainsi, les heures accomplies à partir de la 36 ème heure viendront s’imputer sur le contingent de 220h. On tient compte des seules heures de travail effectif. La portée du décret est en recul.

b. La déclinaison des sources sur le mode de la supplétivité

Dès 1982, le volume réglementaire est supplétif. Il peut être aussi bien augmenté que diminué, mais seulement par accord collectif de branche étendu. Ce monopole de l’accord de branche étendu est maintenu, y compris par la loi de 2003. C’est l’époque où le père de la loi, M. Fillon, souligne l’efficacité de garanties efficaces et d’un équilibre entre partenaires sociaux. Dès 2004, ces convictions ont disparu. La loi Fillon du 4 mai 2004 permet à l’accord d’entreprise non seulement de déroger dans un sens non favorable à la loi et au règlement, notamment en matière de temps de travail, mais encore instaure la supplétivité de l’accord de branche par rapport à l’accord d’entreprise. S’il existe, l’accord d’entreprise, même moins favorable, sera seul applicable. L’exception conventionnelle peut concerner le contingent par des clauses de verrouillage. A cela s’ajoute, le dispositif transitoire de l’art. 45 de la loi du 4 mai 2004. Les accords de branche entrés en vigueur avant le 7 mai 2004 et non modifiés après cette date, conservent leur autorité initiale. Les accords d’entreprise concluent après le 7 mai 2004 doivent se conformer aux règles d’articulation traditionnelles. En cas de conflit, la règle de faveur devra être respectée. En mettant en place ce nouveau dispositif en 2004, le législateur voulait assouplir le régime des 35h et en particulier favoriser l’augmentation du contingent annuel par simple accord d’entreprise. L’attente du législateur a été déçue. La loi du 20 aout 2008 a voulu vaincre cette résistance.

Dans le domaine du temps de travail, la loi de 2008 vient radicaliser la supplétivité de la convention de branche. L’article L3121-11 pose que des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par accord d’entreprise ou d’établissement, et à défaut par accord de branche, et à défaut encore par décret. L’accord de branche ne peut s’opposer par une clause de verrouillage => supplétivité renforcée par rapport à celle de 2004. On a là une grande liberté pour les négociateurs d’entreprise qui n’auront qu’à respecter les durées maximales du travail (quotidienne et hebdomadaire), qui sont d’ordre public.

Mais, à cause de tout ça, on a des risques de dumping social : régulation de la concurrence entre les entreprises et la fonction d’harmonisation fléchit. Le rôle du filet de sécurité de la branche s’effiloche car il n’est pas exigé que l’accord de branche soit étendu. C’est là que les nouvelles conditions de validité des accords d’entreprise prennent tout leur relief, comme justification de la large autonomie et la limitation de ses effets. La négociation en l’absence de délégué syndical présente d’importants risques de déséquilibre => vont il peser dans la négociation ? Il y a incertitude.

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c. Quelques interrogations

Les auteurs de la loi de 2008 étaient si impatients de venir à bout du contingent de branche (protégé par l’article 45 de la loi de 2004 ou par les clauses de verrouillages) qu’ils ont supprimé dans tous les accords existants les clauses relative au contingentement, et ce afin d’aboutir à de nouvelles négociations au niveau de l’entreprise sans que la branche n’intervienne. Là, le Conseil constitutionnel est intervenu => censure de cette atteinte aux conventions en cours non justifiée par un motif d’intérêt général. Ce sont des contrats en cours auxquels on ne peut porter atteinte. La suppression des clauses des heures supplémentaires modifierait l’équilibre des conventions existantes. En revanche, les intéressés peuvent tout à fait dénoncer les accords existants pour en conclure de nouveau sur le modèle de 2008. Mais le Conseil constitutionnel ajoute que « les dispositions issues de la loi de 2008 s’appliquent immédiatement et permettent la négociation collective au niveau de l’entreprise, nonobstant l’existence éventuelle de clauses contraires dans les accords de branche ». Pour certains auteurs, un accord d’entreprise peut fixer un contingent plus élevé que celui d’une convention de branche mm antérieure à 2004 ou verrouillée à partir de 2004. Dans la position commune, l’article 17 admettait dès à présent le dépassement du contingent de branche, mais ce seulement à titre expérimental. D’autres auteurs doutent que la décision du Conseil constitutionnel puisse avoir une portée si grande. Le CC s’est contredit lui mm, il veut faire produire aux conventions de branche des effets autres que ceux voulus par les signataires.

Quid de l’intérêt pratique de la réforme ? Certains jugent que les contingents existants étaient déjà loin d’être utilisés pleinement, et ce mm avant la crise économique de 2008. Le contingent ne constitue pas une limite absolue au recours aux heures supplémentaires, mais au mieux un frein.

2) Heures supplémentaires hors contingent

L’employeur ayant épuisé le contingent peut faire accomplir des heures supplémentaires hors contingent, surtout depuis 2008. Avant, l’employeur devait obtenir l’autorisation de l’inspecteur du travail pour le faire. La loi du 31 mai 2005, créant un dispositif des heures choisies, avait permis de contourner cette exigence d’autorisation. Mais il n’y avait pas d’efficacité.

L’article L3121-11-11 impose la nécessité de consulter le comité d’entreprise ou les délégués du personnel depuis la loi de 2008. On a une plus grande liberté pour l’employeur.

Maintenant, lorsque l’employeur recours aux heures supplémentaires hors contingent, il y a majoration de la rémunération de celles ci et contrepartie en repos rémunéré. Un accord d’entreprise, ou à défaut un accord de branche, doit fixer le contingent. En l’absence de clauses dans l’accord collectif sur les conditions, on impose la seule consultation annuelle du comité d’entreprise ou des délégués du personnel. Ça laisse une grande marge de liberté pour l’employeur.

B/ La soumission du salarié au pouvoir de direction et ses limites

En droit, la décision d’accomplir des heures supplémentaires n’appartient pas au salarié lui mm. il ne peut s’octroyer des heures supplémentaires sans l’accord, au moins implicite, de son employeur. C’est l’idée d’un travail commandé. Au minimum, ce droit être des heures imposées par le travail demandé. Puis on a eu l’instauration du principe « travailleur plus pour gagner plus ». Ça évoque certes une réalité : la baisse du travail à 35h a été très mal vécu par certains salariés. Mais en mm temps, cette formule a quelque chose d’inexact : ne travaillerons pas plus les salariés qui le voudront mais ceux dont l’employeur acceptera. On voit là l’importance du pouvoir de direction, ça relève d’une décision patronale. Cette décision comporte 2 hypothèses.

1) Refus du salarié d’effectuer des heures supplémentaires

a. Principe L’employeur peut ordonner au salarié l’accomplissement d’heures supplémentaires sans que celui-ci puisse refuser => pouvoir de direction et d’organisation des conditions de travail.

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Si le salarié refuse, il commet une faute. C’est un acte d’insubordination pouvant justifier un licenciement (pour faute grave ou faute sérieuse suivant le trouble causé par le refus).

Depuis 1999, les arrêts précisent systématiquement que les heures supplémentaires doivent rester dans la limite du contingent annuel. Mais ce principe ne vaut-il pas tout autant pour les heures au-delà du contingent ? Surtout depuis la réforme de 2008…En tout cas, les heures imposées doivent respecter la durée maximale du travail.

Le principe fonctionne quand le chef d’entreprise a besoin d’heures supplémentaires à titre ponctuel. Ex : Cass. Soc, 26 novembre 2003 « constitue une faute grave le refus sans motif légitime d’accomplir des heures supplémentaires dans la limite du contingent pour effectuer un travail urgent ». Mais quand cette pratique devient systématique et régulière, ne se transforme-t-elle pas en modification du contrat de travail ? La réponse est plutôt négative. Mais on trouve une exception posée par un arrêt du 9 mars 1999 : « le recours régulier à des heures supplémentaires peut être imposées à conditions que les heures imposées se situent dans le contingent d’heures supplémentaires, et que ces heures soient imposées en raison des nécessités de l’entreprise ».

Les juges n’annonçaient-ils pas la légitimité du recours systématique aux heures supplémentaires ? La jurisprudence dit que la pratique doit être justifiée au regard de l’intérêt de l’entreprise. C’est une précision utile, mais l’on ne sait toujours pas si ça a pour conséquence la modification du contrat…

b. Exceptions Il en existe 2 : - Cass. soc 26 novembre 2003 : le salarié ne peut refuser sans motif légitime (ex : refus en raison de l’inexécution par l’employeur de ses propres obligations en matière d’heures supplémentaires, non respect du repos obligatoire, non rémunération). Si le salarié a un motif légitime, il n’y a pas de licenciement possible. - Mécanisme de la contractualisation : la décision d’imposer des heures supplémentaires entre dans la sphère contractuelle dans la durée du travail a été contractualisée. Cass. soc 20 octobre 1998 : une salariée engagée selon son contrat pour effectuer 39h/semaine était en droit de refuser la proposition de son employeur d’effectuer 40h/semaine car « la durée du travail, telle que mentionnée dans le contrat, constitue un élément de celui-ci ne pouvant pas être modifié sans l’accord du salarié ». Il faut donc l’accord du salarié. Sinon, on a la poursuite du contrat comme avant, ou encore un licenciement mais au risque de devoir payer des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La jurisprudence européenne va peut être modifier la donne des heures supplémentaires. CJCE, 8 février 2001 : « l’obligation d’effectuer des heures supplémentaires sur demande de l’employeur constitue, au sens de la directive du 14 octobre 1991 sur l’information du travailleur sur les conditions applicables au contrat de travail, un élément essentiel du contrat devant être porté à la connaissance du salarié par écrit ». Cette nécessité de l’écrit est inconnue en droit français. Cela aurait dû avoir un impact, or il n’en est rien. La directive laissait à chaque Etat membre le soin de déterminer les modes de preuve d’information et les sanctions à défaut de cette dernière. Cet « élément essentiel du contrat » au sens de la directive est un élément dont il est essentiel que le salarié soit informé => ça n’est pas un élément du socle contractuel au sens du droit français.

2) La suppression des heures supplémentaires

Ce n’est pas forcément une bonne nouvelle pour le salarié. Juridiquement, cette décision reçoit un traitement différent selon qu’un nombre d’heures précis était ou non effectivement garantis au salarié. La suppression ou la diminution unilatérale de ces heures supplémentaires n’est pas possible. De mm, si la convention collective ou si un usage de la profession accorde cette garantie, la suppression ou la diminution des heures supplémentaires n’est pas possible.

S’il n’y a pas de garantie, on a un retour au pouvoir de direction de l’employeur, sauf discrimination ou abus => l’employeur est libre de supprimer ou de diminuer les heures supplémentaires sans que le salarié puisse résister.

Cass. soc 19 juin 2008 : la Cour de Cassation approuve les jurisprudences françaises d’avoir estimé que la suppression d’heures supplémentaires sans aucun élément justifiant au regard des intérêts de l’entreprise caractérise un manquement de l’employeur à l’obligation de bonne foi dans l’exécution du contrat (article 1134 al3 du Code civil et artL1222-1 du Code de travail). Il n’est plus nécessaire de démontrer l’abus du droit ou la légèreté blâmable => l’absence de bonne foi contractuelle suffit pour ouvrir droit à la réparation.

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§2. La rémunération des heures supplémentaires

L’heure supplémentaire a un coût plus élevé pour l’employeur que l’heure normale. L’intérêt premier de la durée légale du travail est là : définir le seuil à partir duquel les heures sont rémunérées à un taux majoré.

Cette majoration est une contrepartie à l’effort particulier accompli par le salarié. En outre, dans une optique de partage du travail et de diminution de la durée collective du travail, il s’agira de dissuader les employeurs de recourir aux heures supplémentaires en augmentant le coût financier qu’elles représentent => fonction dissuasive des heures supplémentaires. De plus, ces heures supplémentaires donneront lieu à une compensation en repos.

Dans une optique plus libérale, dite de revalorisation du travail et de soutien au pouvoir d’achat, il s’agira au contrat d’inciter employeurs et salariés à recourir davantage aux heures supplémentaires => fonction attractive des heures supplémentaires.

Ces tendances vont se retrouver s’agissant d’une part du taux de majoration, et d’autre part du régime fiscal qui leur est applicable.

A/ Le taux de majoration des heures supplémentaires

1) Avant la « contre réforme »

Avant la loi du 17 janvier 2003, les différents systèmes qui se sont succédés, avaient tous un point commun : articulation de la norme légale et de la norme conventionnelle.

Depuis 1936, la loi a eu un rôle de plancher fixant la rémunération minimum des heures supplémentaires. Puis, sous le régime des 39h, les heures supplémentaires donnaient lieu à une forme unique de rétribution : majoration de salaire en 2 paliers => 25% pour les 8 premières heures, puis 50% au delà. La base de calcul est le salaire réel (salaire de base + primes versées en contrepartie du travail fourni et ayant le caractère d’un salaire).

Puis la loi Aubry II a distingué 2 modes de valorisation des heures supplémentaires : - Les 4 premières heures (de la 36ème à la 39ème) donnaient lieu chacune à une bonification de 25%. Attribution d’un repos à hauteur de 25% = 15min de repos par heure supplémentaire. Si un accord collectif le prévoyait, la formule de la majoration de salaire pouvait être adoptée, cad compensation en argent et non en repos. - Les heures supplémentaires suivantes (40ème h et plus) donnaient lieu à 25% jusqu’à la 43ème heure puis à 50% à partir de la 44ème heure.

2) Lois du 17 janvier 2003, 4 mai 2004 et 21 aout 2007

a. L’argent plutôt que le repos

Ce choix se marque par l’abandon de la bonification en repos, inscrite dans la logique de la diminution du temps de travail => toutes les heures supplémentaires, même les 4 premières donnent lieu en principe à une majoration de salaire, sauf recours conventionnel à la formule de repos compensateur de remplacement.

b. Le rôle de l’accord collectif

Ce rôle est modifié dans deux directions :- Les rapports de l’accord collectif avec la loi : la fixation du taux de majoration n’incombe plus à la loi mais à l’accord

collectif. La loi oblige que le taux de majoration ne soit pas inférieur à 10%. C’est seulement à défaut d’accord, que la loi fixe un taux de majoration qui s’établit à 25% pour les 8 premières heures, et 50% à partir de 44ème heure. Ce n’est plus un minimum, mais une règle supplétive.

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- Les rapports entre les accords de branche et les accords d’entreprise : rupture entre la loi du 17 janvier 2003 et la loi du 4 mai 2004. La loi du 17 janvier 2003 réservait à l’accord de branche étendu le monopole de la fixation de la majoration conventionnelle du salaire. La loi du 4 mai 2004, dans le mouvement d’autonomisation de l’accord d’entreprise, a mis à égalité l’accord d’entreprise et l’accord de branche étendu. Un simple accord d’entreprise peut ainsi réduire à 10% le taux de majoration des heures supplémentaires : quid de l’articulation branche/entreprise ? En 2008, on est passé à une supplétivité radicale. La loi du 20 aout 2008 n’a pas modifié l’écriture de l’art. L3121-22 CT. Une convention de branche étendue ou une convention d’entreprise peut prévoir un taux de majoration différent. Ce n’est pas un accord d’entreprise ou à défaut un accord de branche. C’est donc logiquement le mode d’articulation de portée générale mis en place par la loi du 4 mai 2004 qui doit fonctionner. Donc, application de l’art.45 de la loi 2004 (mesures transitoires). Pour les conventions postérieures, il y a possibilité pour l’accord de branche de verrouiller les taux qu’elle fixe en interdisant les dérogations moins favorables par accord d’entreprise. Cela étant, sous réserve de ces exceptions (mesures transitoires, clause de verrouillage), un simple accord d’entreprise peut descendre le taux de majoration à 10%.

Un cas particulier à signaler : entreprises de 20 salariés max. Depuis la loi Aubry II, le taux de majoration des 4 premières heures supplémentaires était fixé par la loi elle-même à 10% sans négociation. La loi du 21 aout 2007 a mis fin à cette singularité. Depuis le 1er octobre 2007, les petites entreprises relèvent du droit commun. Donc, est fait application des taux conventionnels s’il y en a. En l’absence, 25% pour les 8 premières heures, et 50% pour les suivantes. Ce surcout est censé être compensé par les allégements de charges.

Du point de vue des sources et de leur hiérarchie, la rémunération des heures supplémentaires est emblématique de la relation nouvelle loi/convention collective. La loi ne conserve qu’un rôle supplétif, par rapport à l’accord collectif car elle ne garantit qu’un minimum symbolique. On remarque un affaiblissement de la notion de durée légale. Les 35h n’ont plus la même fonction référentielle, car on peut les franchir à peu de frais pour remonter à 39h voire à 40h.

Du point de vue de la lisibilité des règles, on peut constater une certaine simplification apportée par la réforme de 2003, car elle a supprimé le mécanisme de la bonification en repos. Cette simplification n’exclut pas qu’apparaissent à terme des complexités nouvelles, car les règles pourront être différentes non seulement d’une branche à l’autre, mais d’une entreprise à l’autre.

Du point de vue de la condition des salariés, plusieurs risques peuvent apparaitre : creusement des inégalités, frustration car l’espoir de gagner en travaillant plus s’amenuise, banalisation des heures supplémentaires peu coûteuses pour l’entreprise en lui évitant d’avoir à créer des emplois. Cette banalisation pourrait s’accentuer avec le nouveau régime social et fiscal des heures supplémentaire.

B/ Le nouveau régime social et fiscal des heures supplémentaire

La loi du 21 aout 2007 en faveur de l’emploi et du pouvoir d’achat comporte plusieurs volets. Le postulat est que le nombre d’heures travaillées en France serait trop faible comparé à d’autres pays européens. Pour inciter à accroitre l’activité, pour améliorer le pouvoir d’achat, une double idée :

- Diminuer le coût du travail pour les entreprises qui augmentent la durée du travail de leurs salariés,- Inciter les salariés à travailler plus, pour augmenter leurs revenus.

L’essentiel du dispositif ne se trouve pas dans le code du travail, mais pour partie dans le code des impôts et pour partie dans le code de la sécurité sociale.

1) Les lignes de force

a. Les heures financières visées Il s’agit avant tout des heures effectuées au-delà de la durée légale (35h), ou de la durée considérée comme équivalente. La loi vise encore : les heures complémentaires effectuées par les salariés à temps partiel avec certaines particularités, les heures accomplies dans le cadre d’aménagement du temps de travail dérogatoire au-delà de certains plafonds.

b. Exonération ou réduction de charges fiscales et sociales L’exonération fiscale intéresse les salariés. Les heures supplémentaires sont exonérées de l’impôt sur le revenu. Elles restent intégrées dans le revenu pour l’établissement de la taxe foncière, d’habitation, etc. L’exonération concerne l’heure elle-même ou sa majoration. Il s’agit a priori de la majoration fixée par accord collectif. Cela n’est vrai que s’il s’agit d’un

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accord de branche. Si le taux de majoration résulte d’un accord d’entreprise, on prendra en compte les mêmes majorations qu’en cas d’absence d’accords collectifs, c'est-à-dire 25% pour les 8 premières heures et 50% pour les suivantes. La crainte est celle de fraudes consistant pour les partenaires sociaux au niveau de l’entreprise à s’arranger pour augmenter le taux de majoration afin de maximiser les exonérations fiscales.

Les allégements de cotisations sociales concernent les salariés et les employeurs. Pour les salariés, toute heure supplémentaire dont la rémunération est exonérée d’impôt sur le revenu ouvre droit à une réduction des cotisations salariales de sécurité sociale. Pour les employeurs, toute heure supplémentaire, mais pas les heures complémentaires du travail à temps partiel, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales de sécurité sociale.

c. Les mesures contre la fraude Comme les heures supplémentaires sont rendues plus attractives, les risques existent de quelques détournements. L’employeur doit respecter les dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail. Les heures supplémentaires ne doivent pas prendre la place d’autres éléments de rémunération, à moins qu’un délai de 12 mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération supprimé et le 1er versement des salaires correspondant aux nouvelles heures supplémentaires. Le législateur pense ici à l’exemple classique où on aurait décidé de transformer une prime en heures supplémentaires. Le dispositif de la loi TEPA ne s’applique pas à la rémunération des heures complémentaires accomplies de manière régulière, sauf si elles ont été intégrées dans le contrat pendant au moins 6 mois. Le Comité d’entreprise, ou à défaut les délégués du personnel, doivent être informés par l’employeur des volumes et de l’utilisation des heures supplémentaires effectuées par les salariés. Un bilan annuel doit être transmis au comité ou aux délégués du personnel sur ce point. On a pu regretter que le CHSCT n’ait pas été impliqué.

2) Interrogations – débats

a. Autour de l’emploi et du pouvoir d’achat L’objectif invoqué est l’emploi. En augmentant le volume des heures travaillées, on augmente le pouvoir d’achat, donc on stimule la consommation, donc on contribue à la croissance et à l’emploi. Le CConstit confirme cette vision. Selon lui, la loi tend à mettre en œuvre le droit à l’emploi. Ce choix est-il pertinent ? Le CConstit se refuse à chercher si l’objectif que s’est assigné le législateur pouvait être atteint par d’autres voies : dès lors que les modalités retenues par la loi déférée ne sont pas manifestement inappropriées à la finalité poursuivie (décision du 16 aout 2007).

Les économistes se montrent hésitant. Dans bien des secteurs, l’activité n’est pas telle qu’elle puisse générer une masse d’heures supplémentaires nouvelles. Reste le cas de quelques secteurs manquant de main d’œuvre, comme les hôtels, café restaurant ou le bâtiment. Mais, en termes d’emplois, le dispositif privilégie les insiders, ceux qui travaillent déjà dans l’entreprise et qui pourront travailler davantage. Le dispositif laisse de coté les outsiders, ceux qui sont privés d’emploi.

Aujourd’hui, à plus forte raison, on se demande alors que l’activité économique est encore ralentie, alors que l’emploi est encore fragile, s’il est pertinent de maintenir un dispositif susceptible d’accélérer des destructions d’emploi en incitant les entreprises à supprimer les CDD, à pratiquer un moindre recours aux contrats d’intérim pour les remplacer par des heures supplémentaires. Le ralentissement économique a conduit plutôt à des diminutions du temps de travail des salariés en place.

La loi TEPA n’a pas suffit concernant le pouvoir d’achat, d’où une nouvelle loi, celle du 8 février 2008. Au-delà, ces diverses interventions en 2007 et 2008 ont été et sont encore contestées par certains qui leur reprochent d’accréditer l’idée qu’il ne pourrait y avoir d’augmentation de salaires qu’au prix d’une augmentation de la durée du travail. Or, ne faut-il pas s’interroger aussi sur la répartition de la valeur ajoutée entre les actionnaires et les salariés  ? Ne faut-il pas admettre la nécessité de revoir cette répartition ? Cette question a été soulevée par le Président de la république, mais aussi par les partenaires sociaux. Pas grande n’avance.

b. Autour de la mise en œuvre de la loi Les commentaires les plus abondants ont porté sur la complexité technique de la loi. D’autres questions persistent comme ne présence de mesures incitatives, la question se pose des effets d’aubaine, des détournements. Malgré tout le dispositif anti-fraude manifeste une certaine connivence des employeurs et des salariés, au détriment de la collectivité et ceci en toute impunité. Si les uns et les autres trouvent des avantages, qui ira critiquer cet arrangement ?

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Droit du travail

Restent les contrôles redoutés opérés par l’URSSAF. Cette perspective dissuade un certain nombre d’entreprises à se lancer dans le jeu de la loi TEPA. Au début les enquêtes, ont montré une augmentation du nombre d’heures supplémentaires déclarées (+35%). Une partie de cette évolution est attribuée au changement de comportement déclaratif. On déclare des heures qui se faisaient déjà avant, mais clandestinement. Il semble que l’augmentation se soit sensible que dans les entreprises qui dépassaient déjà les 35h. La Cour des comptes qui a examiné le sujet en octobre 2010, estime que ces hausses déclarées ne correspondent pas nécessairement à plus d’heures effectuées. En moyenne, on estime à 10h supplémentaires par salarié et par trimestre. Le conseil des prélèvements obligatoires estime à 4,1 milliards d’€ par an le coût des heures supplémentaires.

c. Autour de quelques données essentielles du droit du travail Le code du travail est très peu modifié. Tout se concentre sur le code général des impôts. Pourtant, au moins deux questions se profilent touchant au pouvoir de l’employeur et au rôle de la négociation collective. Concernant le pouvoir de l’employeur, la communication politique au sujet de la loi TEPA repose sur le postulat d’un libre choix du salarié. Pourtant, ce libre choix ne trouve pas dans le texte de soutien ou d’organisation juridique minimale. Se dessine un face à face individuel inorganisé. A priori, le pouvoir de direction n’est pas modifié. Même si le salarié demande à faire des heures supplémentaires, il faut qu’elles soient commandées par l’employeur. Cela pourrait faire surgir de nombreux problèmes : nombreuses demandes qui ne pourront pas être toutes satisfaites -> comment s’opérera le choix ? Se profile le principe « A travail égal, salaire égal ». Il est nécessaire de définir des critères objectifs : rôle de la négociation collective. Mais, la loi TEPA n’évoque pas la négociation collective. Seule la consultation des élus est prévue. La démarche est conçue comme fondamentalement individuelle. Le rôle de la négociation collective est à la fois modeste et important. La négociation collective aurait théoriquement un rôle à jouer au moins dans certains cas, pour une mise en œuvre intensive de la loi TEPA. Le dispositif de la loi TEPA percute des accords préexistants qui ne pourraient évoluer que par voie de révision, ou par voie de dénonciation suivi d’accord de substitution. Par exemple, l’augmentation du volume d’heures supplémentaires pourrait supposer une évolution du contingent d’heures supplémentaires à opérer par accord d’entreprise ou par accord de branche. Mais, on ne se bouscule pas pour le faire. Il se trouve qu’en l’état actuel du droit positif que certains accords collectifs dérogatoires privent là où ils existent, d’une bonne part de son intérêt le dispositif TEPA. Ils mettent en place des systèmes d’aménagement du temps de travail dont la caractéristique majeure est de faire disparaitre, ou de marginaliser les heures supplémentaires, ceci pour obtenir des gains de productivité, un coût du travail moins élevé. Les entreprises qui pratiquent ce type de système sont peu ou pas touchées par des mesures qui liaient les heures supplémentaires. Cela illustre un paradoxe de 2007. Elle prend appui sur la référence hebdomadaire, c'est-à-dire sur un modèle juridique en perte de vitesse car profondément remis en cause par ces différentes formes d’aménagement du temps de travail dérogatoires demandées et obtenues par les entreprises.

Faut-il alors aller plus loin dans cette seconde voie et supprimer la durée légale ?Ce débat a resurgi. Le MEDEF plaide pour la suppression de la durée légale, et la négociation de la durée du travail entreprise par entreprise. En défiscalisant les heures supplémentaires, les pouvoirs publics se privent de tout moyen d’abolir la durée légale. La suppression du mécanisme de la loi TEPA est une option que préconise la Cour des comptes et le comité des prélèvements obligatoires, jugeant le dispositif couteux et à l’efficacité limitée. Pour l’heure, la durée légale est reste. Sa fonction structurant est reniée. La durée légale a le mérite de présenter une règle claire dans un océan de règles indéchiffrables.

§3. L’importance de la preuve des heures supplémentaires

Longtemps, la jurisprudence a estimé que la charge de la preuve de l’exécution d’heures supplémentaires incombait exclusivement au salarié demandeur. Les éléments de preuve sont souvent dans les mains de l’employeur. Le législateur est intervenu en 1992. Depuis lors, l’art. L3171-4, texte général, dispose ; « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectués, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vue de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d’instruction qu’il estime utile ».

Ainsi, la charge de la preuve pèse à égalité sur les deux parties. Chacune est tenue de produire les éléments de preuve dont elle dispose. L’application s’avère délicate. Le juge du fond ne peut pour rejeter la demande du salarié, se fonder sur l’insuffisance de preuve apportée par le salarié, selon la CCass. Il doit examiner tous les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, élément que l’employeur doit également lui fournir. Le juge est lui-même associé au débat probatoire, car il peut ordonner des mesures propres à l’éclairer.

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Mais, la CCass a connu et connait encore quelques variations dans la lecture de l’art. L3171-4 CT. Après une période très favorable aux salariés, elle a tracé une ligne importante quant à l’ordre de production des preuves.

Dans un 1er temps, il incombe au salarié de fournir préalablement, c'est-à-dire dès le stade de la demande, au juge des éléments de nature à étayer sa demande. Le juge peut estimer souverainement que ces éléments ne sont pas de nature à étayer la demande, à la rendre crédible. Dans ce cas, il rejette la demande. Si les éléments sont jugés suffisants, le juge examine les éléments fournis par l’employeur. Si l’employeur ne fournit aucun élément, le juge acceptera la demande du salarié. Si le salarié a fourni des éléments étayant sa demande, et si l’employeur a également fourni des éléments, le juge forme sa conviction au vue des éléments fournis par les deux parties. // Soc. 10 mai 2007

Cette exigence pesant sur le salarié, dès le stade de la demande, a permis de réduire le nombre d’action intentée par les salariés (souci quantitatif). Elle permet aussi d’éviter l’examen de certaines situations où le doute subsiste, situations souvent mal vécues par le juge. On observe néanmoins des infléchissements. Le retour peut être le retour à l’examen des demandes peu étayées. Dans un arrêt du 24 novembre 2010, la CCass censure une CA qui avait considéré qu’un décompte établi au crayon par le salarié, calculé mois par mois, ne constituait pas un élément suffisamment précis pour étayer la demande. Un décompte manuscrit établi par les soins du salarié est admis pour étayer la demande, par forcément pour donner gain de cause au salarié -> Nul ne peut se constituer une preuve par soi même !!! La CCass exerce un contrôle sur l’appréciation des juges du fond.

Ce type de jurisprudence suscite certaines critiques de la part des employeurs. On peut aussi demander s’il ne vaudrait pas mieux que le législateur lui-même vienne régler un problème non réglé par la loi : celui du doute persistant. La règle « Si un doute subsiste, il profite au salarié » n’est pas générale. Nous en avons une illustration ici. Elle ne s’applique pas pour les heures supplémentaires.

D’autres textes pénalement sanctionnés devraient inciter l’employeur à un décompte exact des heures supplémentaires :- L’employeur s’expose à des sanctions pénales s’il ne prend pas des mesures, précisées par la loi et le règlement,

d’information et de contrôle des horaires lorsque ceux-ci ne sont pas les mêmes pour tous les salariés. -> Décompte quotidien avec enregistrement par tout moyen, établissement chaque semaine par récapitulation du nombre d’heures effectuées.

- Le refus de présenter aux contrôleurs du travail les documents cités ci-dessus constitue en soi un délit, le délit d’obstacle à l’accomplissement de la mission des inspecteurs du travail (art. L8114-1 CT).

- Les textes relatifs au travail dissimulé sanctionnent pénalement le fait de faire figurer sur le bulletin de paie un nombre d’heures inférieur à celui réellement effectué : délit de travail dissimulé (art. L8221-5 CT). Il s’agit d’un délit intentionnel.

De manière plus générale, le respect de la législation en matière de temps de travail est très problématique. Nous sommes dans un domaine où la question de l’effectivité du droit du travail prend en tour aigue. L’inspection du travail, les syndicats, les magistrats se sont inquiétés. Il y a des causes à ce phénomène de multiplication des heures supplémentaires  : peur du chômage, complexité de la réglementation, faiblesse des contrôles collectifs dans l’entreprise. Au point que l’on a vu, des salariés demander le retour de la pointeuse ou du badge dans l’entreprise.

Dans cet esprit, la loi Aubry II a complété l’art. L3171-4 CT en exigeant, lorsque le décompte des heures est assuré par un système d’enregistrement automatique, que celui-ci soit fiable et infalsifiable. Le juge devrait être appelé à contrôler ce point. Avec la loi TEPA, la mécanique est peut-être inversée. Il ya une forte incitation à la déclaration des heures, et donc moins de contestations sur le point des heures effectuées.

La CCass rappelle régulièrement qu’en dehors des cas légaux, il ne peut être dérogé aux dispositions fixant la durée légale du travail dans un sens défavorable au salarié. Soc 13 novembre 2003 : censure la pratique du versement d’une prime de rendement au km dans une entreprise de transport routier, au motif que cette prime constituait une incitation au dépassement à la durée du travail laquelle était prohibée par la convention collective au nom de la sécurité. Soc 21 mars 2007 : il s’agissait de coursiers incités par une prime à réaliser le plus de courses dans un temps donné. Cela est de nature à compromettre la sécurité des salariés.

En pratique, à la fin des 90’s, les inspecteurs du travail ont mené des actions notamment concernant le temps de travail des cadres.

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Sous-section 2 : Les conventions de forfait

A partir des 98’s, la jurisprudence a élaboré un régime juridique du forfait caractérisé par une certaine fermeté, en raison des risques de dérives. Lorsque la réduction du temps de travail a été à l’ordre du jour avec la loi Aubry I (1998), le statut particulier des cadres est devenu un objet de discussion passionné. Comment décompter le travail des cadres qui disposent d’une certaine autonomie, ou dont les missions s’apprécient plus en termes de réalisation d’objectifs que de temps passé à une activité ?

La loi Aubry I incitait à négocier et à inventer des solutions. La loi Aubry II a apporté des éléments nouveaux dans le code du travail, inspirés par les accords collectifs conclus depuis juin 1998. Il s’agissait d’inscrire dans la loi un régime du temps de travail spécifique aux cadres, dans un esprit général d’assouplissement pour coller aux réalités, mais avec des garanties nouvelles. Depuis lors, les réformes plus récentes sont marquées par une double tendance :- Accroitre les souplesses,- Etendre les forfaits à des populations de plus en plus nombreuses, y compris des non-cadres.

Un cap supplémentaire est franchi avec la loi du 20 aout 2008. Le législateur réécrit entièrement le code dans le cadre d’une nouvelle section (section IV intitulée Conventions de forfait). Il en résulte une présentation plus claire et en partie innovante. Sur le fond, les avis sont partagés. Certains commentateurs estiment que la loi de 2008 n’a pas touché à grand-chose : simple toilettage des règles. Tandis que d’autres, y voit un remaniement en profondeur afin d’accroitre les facilités accordées à l’employeur pour organiser le temps de travail.

§1. Les notions générales et les conditions d’accès aux conventions de forfait

A/ Notion

Le forfait est avant tout un mode particulier de calcul de la rémunération. Les conventions de forfait sont des clauses par lesquelles les parties au contrat de travail conviennent d’une rémunération globale et forfaitaire couvrant l’ensemble des heures de travail effectuées, y compris les heures supplémentaires. La convention de forfait abolit la distinction légale entre le taux normal de rémunération et le taux majoré. Elle met à l’écart et le principe de la majoration, et la règle du décompte distinct des heures supplémentaires sur le bulletin de paie.

Même si une partie de la doctrine a tjrs douté de la licéité des conventions de forfait, ces conventions de forfait ont été admises par la jurisprudence sous certaines conditions. Avec l’inscription des forfaits dans la loi à partir de 2000, on s’est demandé si cette jurisprudence devait survivre pour permettre le recours au forfait même pour des cas non prévus par la loi. Cette interrogation n’est plus de mise.

Désormais, par la loi du 20 aout 2008, aucun salarié n’est totalement exclu du système des forfaits. Si à des degrés divers un salarié peut bénéficier de forfaits divers, aucune catégorie n’est placée automatiquement sous forfait. Les cadres ne sont pas nécessairement rémunérés au forfait. La CCass l’a fermement souligné : la qualité de cadre ne suffit à exclure le droit au paiement d’heures supplémentaires. Il faut que soit établie l’existence d’une convention de forfait.

B/ Conditions d’accès

Une condition est tjrs nécessaire : la conclusion d’une convention individuelle de forfait. Nécessaire, cette condition est parfois suffisante, parfois non suffisante, un accord préalable étant requis.

1) Une condition nécessaire   : la conclusion d’une convention individuelle de forfait

Dans tous les cas, une convention individuelle de forfait doit être conclue : art. L3121-40 issu de la loi du 20 aout 2008 « la conclusion d’une convention individuelle de forfait requiert l’accord du salarié, la convention est établie par la loi  ». La convention de forfait ne se présume pas. Son existence doit être établie. C’est à celui qui l’invoque, souvent l’employeur, d’apporter cette preuve. Donc, l’écrit permet de gérer la situation plus facilement.

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Pour la jurisprudence, le forfait revêt un caractère contractuel. Cela a pour conséquence que la convention de forfait ne pourra être modifiée que de l’accord des deux parties (Soc 6 juillet 1999).

2) Une condition tantôt suffisante tantôt non-suffisante

Il y a plusieurs types de forfaits dont les conditions d’accès sont graduées en fonction de leur plus ou moins grande dangerosité pour les salariés. S’il s’agit d’établir un forfait en heure sur la semaine ou sur le mois, la convention individuelle de forfait suffit (art. L3121-38 CT). C’est une possibilité ouverte pour tout salarié. Si en revanche il s’agit d’établir un forfait en heure ou en jour sur l’année, possibilité qui ne concerne pas tous les salariés mais seulement certains, cette possibilité doit avoir été prévue par un accord collectif. Un encadrement conventionnel préalable doit avoir été mis en place. A l’intérieur de ce cadre, sera conclue la convention individuelle de forfait.

Il s’agira d’un accord d’entreprise ou d’établissement, ou à défaut d’un accord de branche. Cet accord devra déterminer les catégories de salariés concernés par ces forfaits annuels. Il doit également fixer la durée annuelle à partir de laquelle le forfait est établi. Il doit fixer les caractéristiques principales des conventions individuelles (art. L3121-39 CT).

§2. Le forfait horaire sur une base hebdomadaire ou mensuelle

Généralisée par la loi de 2008, cette première version du forfait est la plus simple et la moins perturbatrice des règles normales. C’est une formule qui peut concerner tous les salariés, cadres ou non cadres. Par ce type de convention, les parties fixent une rémunération forfaitaire donnée pour un temps de travail déterminé en heure par semaine pour par mois. La jurisprudence précise que pour la validité d’une telle convention de forfait, il ne suffit pas de faire apparaitre une rémunération forfaitaire. Il faut que soit déterminé le nombre d’heures supplémentaires inclus dans cette rémunération (Soc 8 juillet 2010).

Ce forfait en heure ne présente pas d’inconvénients majeurs s’il est bien compris et s’il est correctement appliqué. 2 raisons à cela :- Art. L3121-41 : la rémunération du salarié doit être au moins égale à la rémunération minimale applicable dans

l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant à son forfait augmenté des majorations pour heure supplémentaire. Le forfait ne doit pas désavantager le salarié. la rémunération forfaitaire versée au salarié doit être au moins égale à celle qu’il percevrait au minimum en appliquant l’horaire fixé par la convention. Mais, ceci suppose une comparaison entre le forfait convenu et la rémunération minimale applicable dans l’entreprise augmentée par les heures supplémentaires. Mais, la formule « rémunération minimale applicable dans l’entreprise » n’est pas très claire. S’il s’agit du salaire le plus bas appliqué dans l’entreprise, ça n’est pas grand-chose. S’il s’agit du salaire minimum applicable dans l’entreprise pour un salarié de même qualification et de même coefficient, cela correspondra davantage à la situation réelle du salarié. Cela étant, s’il est connu, le salaire réel de base du salarié pris individuelle peut s’avérer supérieur à ce minimum. La jurisprudence traditionnelle prenait en compte ce salaire réel reconstitué, s’il était déterminable. Le salaire forfaitaire rémunère toutes les heures travaillées, qu’elles correspondent à la durée légale ou qu’elles se situent au-delà de ce seuil. Si ce nombre d’heures travaillées dépasse celui que prévoit la convention de forfait, ces heures au-delà du forfait doivent être payées au taux majoré. Dans ce système, la rémunération reste proportionnelle au temps de travail.

- Les salariés sous forfait à horaire fixe hebdomadaire ou mensuel bénéficient de la législation protectrice sur la limitation de la durée du travail. les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires doivent être respectées. Le salarié a également droit à la contrepartie obligatoire en repos pour les heures accomplies au-delà du forfait. Nos salariés bénéficient du repos hebdomadaire et du repos quotidien de 11h consécutives.

Si le forfait est bien appliqué, il a pour effet majeur de simplifier le régime de la paie. Le problème est plutôt que de bonne ou de mauvaise foi, certaines entreprises ont cru que ces conventions permettaient de mettre à l’écart tout le droit du travail. L’employeur n’est pas dispensé des règles relatives à l’établissement des documents sur les heures de travail.

§3. Le forfait annuel en heure art. L3121-42 CT

Les forfaits annuels marquent le déclin des cadres traditionnels d’appréciation du temps de travail. Le cadre de référence devient l’année qui prend la place de la semaine ou du mois.

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A/ Indications générales

1) Un accord collectif préalable est nécessaire

Il s’agit d’un accord d’entreprise, ou à défaut d’une convention de branche. Le contenu de l’accord est triple :- Détermination des catégories de salariés concernées,- Durée annuelle du travail en heure à partir de laquelle le forfait est établi, - Caractéristiques principales des conventions individuelles de forfait.

La loi donne ensuite des indications sur les salariés forfaitisables en heure.

2) Les salariés éligibles L’art. L3121-42 CT distingue 2 catégories concernées : les cadres et les salariés non-cadres.

a. Quels cadres   ? Ce sont les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service, ou de l’équipe auquel ils sont intégrés. A contrario, cette définition va conduire à une exclusion. Ce sont les cadres conduit par la nature de leur fonction à suivre l’horaire collectif de la structure à laquelle ils sont intégrés. Ces cadres exclus bénéficient de l’ensemble des règles ordinaires du code du travail, relatives à la durée du travail en particulier pour les heures supplémentaires. Ils peuvent néanmoins se voir proposer une convention individuelle de forfait hebdomadaire ou mensuelle en heure.

Avant 2008, le législateur précisait qu’il s’agissait des cadres ayant la qualité de cadre en vertu de la classification de branche, ou ceux qui avaient la qualité de cadre en fonction de la convention AGIRC. Ces deux précisions ont disparu en 2008.

Concrètement, il peut s’agir d’ingénieurs, de chercheurs, de responsables d’agence, de chefs de service. Plus la loi est floue, plus l’autonomie collective s’accroit. De toute manière, le forfait annuel en heure n’est pas l’apanage des cadres.

b. Quels salariés non-cadres   ? Ce sont « les salariés qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps ». Cette rédaction issue de la loi de 2008 élargit le champ des salariés non-cadres concernés, précédemment il n’englobait que les salariés non-cadres itinérants. Désormais, il s’agit de l’ensemble des salariés autonomes, à préciser par l’accord collectif instituant cette formule de forfait. L’autonomie et sa réalité pourront être soumises au contrôle du juge en cas de litige.

B/ Les limites

En termes de durée du travail, c’est l’accord collectif préalable qui fixe la durée annuelle du travail en heure. La 1ère limite à respecter s’exprime en termes de repos. Les salariés bénéficient du repos quotidien de 11h et du repos hebdomadaire. C’est la garantie la plus solide. Viennent ensuite les limites en termes de durée maximale. Ici, pas de contingentement des heures supplémentaires. Subsiste l’obligation en principe de respecter les durées maximales quotidiennes (10h/j) et hebdomadaires (48h + 44h en moyenne sur 12 semaines). Mais, cette barrière n’est pas infranchissable.

En règle générale, un accord étendu ou un accord d’entreprise peut prévoir le dépassement de la durée maximale quotidienne pour la porter à 12h. Cette faculté de dérogation est sans doute utilisable dans notre hypothèse. D’autre part, un décret peut porter la durée maximale hebdomadaire moyenne à 46h sur 12 semaines. S’il existe, un tel texte pourra sans doute être mobilisé pour déplacer le seuil de la durée maximale hebdomadaire, ce qui peut mener très loin.

Avant 2008, il existait des possibilités spécifiques d’augmenter la durée maximale du travail. Elles étaient assorties à l’époque de modalités de suivi de l’organisation du travail et de la charge de travail. Ce suivi n’existe plus depuis la loi de 2008.

Comme on raisonne encore en heure, l’employeur doit en principe établir les documents permettant à l’inspecteur du travail de vérifier les heures accomplies. Mais, ces obligations disparaissent si l’accord collectif instituant le forfait a fixé lui-même les modalités de contrôle de la durée du travail.

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§4. Le forfait annuel en jour

Chap.3 :La modification de la durée du travail

Chap.4 :L’horaire collectif de travail

Titre 2   : L’aménagement du temps de travail

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