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Droit international privé 18/09 INTRODUCTION : I) Définition du DIP Constat : Diversité des ordres juridiques. Cette diversité est source d’interrogations : Pourquoi n’avons-nous pas le même langage juridique ? Pourquoi les juristes donnent des solutions différentes selon le lieu et l’époque ? Comment se manifeste cette différence ? Ces questions intéressent le juriste comparatiste Comment les différents ordres vont interagir entre eux ? Il va y avoir des points de contact, des échanges entre eux. Comment gérer la diversité ? Et c’est cette question qui intéresse le juriste du DIP, le DIPiste. C’est le DIP qui va servir d’instrument de gestion de la diversité des ordres juridiques. Mais comment appréhender cette diversité ? cette difficulté ? Pour démarrer, on va partir de 2 idées qui vont conditionner beaucoup de choses par la suite : 1) Compte tenu de la définition de l’ordre juridique qui est un ensemble autonome et complet ayant vocation à toujours réunir toutes les questions de droit qui se posent (loi, juge…). Cela veut dire qu’il n’existe pas d’OJ qui n’apporte aucune solution à un problème de droit donné. Et il n’y a pas d’OJ qui est plus apte qu’un autre à répondre à une question de droit. 2) Confronté à un litige qui met en intéraction différents OJ, un juge aura le réflexe naturel de rechercher la solution dans son propre OJ. Mais existe-t-il une impossibilité théorique à ce qu’un juge applique, pour un litige international, des règles tirées d’un autre OJ ? Non, il se peut très bien qu’un juge puisse appliquer des règles issues d’un autre OJ, dès lors que le litige a un caractère international. C’est à ce moment-là que le juge appliquera le DIP. Affaire des époux PATINO, ch civ, 15 mai 1963 : cette affaire met en jeu tous les enjeux du DIP. Les faits : Patinö est un diplomate bolivien en poste en Espagne, il tombe amoureux d’une espagnole. Ils se marient. En vertu du droit bolivien, l’épouse obtient automatiquement la nationalité bolivienne du fait du mariage. Ils optent pour un contrat de mariage de séparation des biens du régime bolivien. Ils voyagent, s’installent à Paris, à NY.. Puis la femme introduit une procédure de divorce à NY. Le mari demande en France le prononcé d’une séparation de corps, il est débouté. Et enfin le mari obtient le divorce en saisissant un tribunal mexicain. La femme déménage à Paris, elle saisit les tribunaux français pour demander la séparation de corps, et l’annulation du divorce prononcé par le juge mexicain. Problèmes qui se posent au Juge : - Quelle est la nationalité de la femme ? elle est née espagnole, mais présente des papiers boliviens. - Quelle est la condition des étrangers en France ? La femme a-t-elle le droit de saisir le juge français ? DIP 1

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Curs de drept international in franceza de la Universitatea din Clermont Ferrand, Franta> Ecole de Droit>2013-2014.

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Droit international privé

18/09

INTRODUCTION :

I) Définition du DIP

Constat : Diversité des ordres juridiques.

Cette diversité est source d’interrogations : Pourquoi n’avons-nous pas le même langage juridique ? Pourquoi les juristes

donnent des solutions différentes selon le lieu et l’époque ? Comment se manifeste cette différence ?

Ces questions intéressent le juriste comparatiste Comment les différents ordres vont interagir entre eux ? Il va y avoir des points

de contact, des échanges entre eux. Comment gérer la diversité ? Et c’est cette question qui intéresse le juriste du DIP, le DIPiste.

C’est le DIP qui va servir d’instrument de gestion de la diversité des ordres juridiques.Mais comment appréhender cette diversité ? cette difficulté ?

Pour démarrer, on va partir de 2 idées qui vont conditionner beaucoup de choses parla suite :

1) Compte tenu de la définition de l’ordre juridique qui est un ensembleautonome et complet ayant vocation à toujours réunir toutes les questions dedroit qui se posent (loi, juge…). Cela veut dire qu’il n’existe pas d’OJ quin’apporte aucune solution à un problème de droit donné. Et il n’y a pas d’OJ quiest plus apte qu’un autre à répondre à une question de droit.

2) Confronté à un litige qui met en intéraction différents OJ, un juge aura le réflexenaturel de rechercher la solution dans son propre OJ. Mais existe-t-il uneimpossibilité théorique à ce qu’un juge applique, pour un litige international,des règles tirées d’un autre OJ ? Non, il se peut très bien qu’un juge puisseappliquer des règles issues d’un autre OJ, dès lors que le litige a un caractèreinternational. C’est à ce moment-là que le juge appliquera le DIP.

Affaire des époux PATINO, ch civ, 15 mai 1963 : cette affaire met en jeu tous lesenjeux du DIP.Les faits : Patinö est un diplomate bolivien en poste en Espagne, il tombe amoureuxd’une espagnole. Ils se marient. En vertu du droit bolivien, l’épouse obtientautomatiquement la nationalité bolivienne du fait du mariage. Ils optent pour uncontrat de mariage de séparation des biens du régime bolivien. Ils voyagent,s’installent à Paris, à NY.. Puis la femme introduit une procédure de divorce à NY. Le mari demande en France leprononcé d’une séparation de corps, il est débouté.Et enfin le mari obtient le divorce en saisissant un tribunal mexicain.La femme déménage à Paris, elle saisit les tribunaux français pour demander laséparation de corps, et l’annulation du divorce prononcé par le juge mexicain.

Problèmes qui se posent au Juge :- Quelle est la nationalité de la femme ? elle est née espagnole, mais présente

des papiers boliviens.- Quelle est la condition des étrangers en France ? La femme a-t-elle le droit de

saisir le juge français ?

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- Le juge français est-il compétent pour trancher ce litige ? Et s’il est compétent,doit-il reconnaître la décision de divorce rendue par le juge mexicain.C’est le fameux problème de la reconnaissance des décisions étrangères. Y-a-t-ilune reconnaissance automatique, ou y-t-il une procédure ? 2 systèmes : lareconnaissance de plein droit, ou la procédure d’exéquatur.

- Quelles règles, quel droit le juge français va-t-il devoir appliquer ? bolivien(nationalité des époux), espagnol (lieu de célébration du mariage), français (lieude résidence)… Doit-il faire une application générale ou spéciale selon ledivorce et le régime matrimonial ? Problème des conflits de lois.

Ce qui est génial avec cet arrêt, c’est qu’il offre une illustration des 4 blocs du DIP : Nationalité, Conditions des étrangers Reconnaissance des décisions étrangères / compétence du juge Théorie des conflits de lois

Définition du DIP :Le DIP serait donc un droit spécial applicable aux personnes privéesimpliquées dans des relations juridiques internationales.

- Un droit spécial : le juge français auquel on soumet un cas international, doitCHOISIR le droit applicable. Le choix du droit applicable est le cœur du DIP.Ensuite, il applique le droit désigné comme si c’était un simple litige interne. LeDIP est spécial car il n’a que vocation à traiter la partie internationale du litige,après il s’efface au profit du droit interne.

- Le DIP ne s’applique qu’aux personnes privées : par opposition au droitinternational public, il ne s’applique qu’aux personnes privées. Le DIP seraitdonc du droit privé. Mais est-ce aussi sûr ? N’est-ce pas un bel exemple deslimites de la dichotomie droit privé/droit public ? il n’y a pas de réponse claire.On s’accorde à dire que le DIP est essentiellement du droit privé, parce que l’onva traiter quasi exclusivement les relations entre particuliers ressortissantsd’Etats différents. En revanche, quand il s’agit de la nationalité, de la conditiondes étrangers en France, ou du conflit de loi, on voit bien qu’il s’agit d’une autredimension, car ces questions renvoient à la question de la souveraineté desEtats, qui relève du droit public.

- Les personnes doivent être impliquées dans des relations juridiquesinternationales : Ici on trouve un élément fondamental, c’est l’élémentd’extranéité ! Il faut nécessairement un élément d’extranéité pour que le DIPpuisse s’appliquer (afin d’éviter le problème du law shopping : si 2 françaisveulent appliquer un autre droit qui leur serait plus favorable). Débat théorique classique : la situation donnée doit-elle être objectivement ousubjectivement internationale ? Une situation serait objectivement internationale si son caractèreinternational peut être admis par n’importe quel ordre juridique, et qu’elleprésente des points de contact avec différents ordres juridiques.Une situation serait subjectivement internationale si elle est devenueinternationale par l’un de ses éléments secondaires. Elle n’est pas internationalepour tous les OJ.Ex : 2 époux italiens demandent le divorce en France car ils résident en France.Pour le juge français, litige international, mais pour le juge italien, le litige serainterne.Dans ce cas de figure, est-ce vraiment un litige international ? La doctrinemajoritaire soutient qu’il suffit qu’une situation soit subjectivementinternationale envers l’organe saisi, envers le juge du for pour que le DIPs’applique.

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C’est à relativiser car en pratique, il faut toujours que la situation soit aussiobjectivement internationale pour que les organes d’un autre Etat puissent enconnaître.

Derrière cette théorie, il convient d’apprécier voire de hiérarchiser les élémentsd’extranéité, les points de contact entre les différents OJ sont à traiter de façondifférente. Certains ont une valeur plus importante. Dernière question sur le DIP : le DIP est-il un véritable droit international ? C’est unecontroverse classique de la matière. Il y a 2 camps qui s’affrontent :

*Non, ce n’est pas du droit international : ce sont les particularistes avec le chefde file BARTIN : ce n’est pas un DI car il n’y a pas d’institutions internationales,pas de sources communes internationales. Pour Bartin, le DIP n’est quel’application de règles purement internes sur la scène internationale. Le jugefrançais n’applique que la théorie française de conflit de lois sur la scèneinternationale. *Oui, c’est du droit international : c’est la position des universalistes. Ils partentdu principe que le DIP doit être un ensemble de sources dégagées par lacommunauté des juristes au niveau international. Ils militent pour que lessolutions soient dégagées au niveau international.

Aujourd’hui, la réalité est une solution de compromis entre les 2, le DIP est de sourceinterne, mais de plus en plus, on observe une internationalisation des solutions etnotamment sous l’égide de la conférence de LaHaye (conférenceintergouvernementale pour l’harmonisation des règles de DIP et notamment desrègles de conflit de lois).

II) La finalité de la théorie des conflits de loi : la gestion de ladiversité :

FRANCESKAKIS Phocion : plus grand DIPiste post 2GM, a défini le DIP comme la gestionde la diversité des droits.

A) Le choix d’une norme étatique en cas de conflit de loi :Lorsqu’une situation est internationale, il va falloir se poser les questions : quellesjuridictions ? Et problème de compétence entre les différentes lois susceptibles des’appliquer ? Trouver une méthode pour trouver la loi et la juridiction compétente. Etc’est la méthode du conflit de loi : il y a 3 grandes formes de système :

-2 directes : - la territorialité - la méthode alternative-et 1 indirectes : - la méthode conflictuelle

1) La territorialité : La territorialité nie le caractère international du litige, elle assimile totalement le litigeobjectivement international à une situation interne. Le juge français sur le territoirefrançais applique la loi française. Assimilation totale du litige international à unesituation interne. Méthode brutale, elle a longtemps été la seule appliquée. Aujourd’hui, elle n’est plus la méthode communément admise, mais elle n’a pas pourautant disparu, on en trouve encore trace en droit de la nationalité : la loi françaiseénonce les conditions d’acquisition de la nationalité française.

2) La méthode conflictuelle :Méthode moderne, c’est une méthode indirecte. La méthode conflictuelle consiste àdire qu’un juge quel qu’il soit ne peut, ni ne doit décider à priori de façon dogmatique,quand il est confronté à un litige international, quelle loi qui s’applique. Il n’y a pas desolution établie. Tous les ordres juridiques impliqués dans la relation ont à priori lamême légitimité à régir cette situation. Principe de souveraineté des Etats, d’égalitédes Etats.

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Le rôle du juge sera de choisir entre tous ces OJ en fonction du litige qui lui est soumis,celui qui lui semble le plus approprié. L’idée fondamentale de la méthode moderne,c’est qu’il n’y a pas de prédispositions. C’est une méthode indirecte, car le juge doit d’abord choisir le droit applicable.

3) La méthode alternative :A litige international, règles de résolution internationales. Ici, on ne nie pas lecaractère international de la situation, on dégage un droit matériel internationalpropre à s’appliquer aux seules situations internationales. On en revient à l’idéed’élaborer un droit matériel international, tout le monde appliquerait le même droit. C’est une tendance actuelle qui n’est pas unanimement reçue, ça dépend desdomaines : très fort en droit commercial (règlement optionnel du droit de la vente).

Attention, chaque Etat a son propre système de conflit de lois qui peuvent êtredifférents les uns des autres. Cela peut être source de situation extrêmement délicate.

Ex : une italienne se marie avec un allemand à NYC. Ils résident en France, ils viennentvoir le juge français pour une annulation de mariage. (écouter piste 1à 1:21). Le jugedoit chercher quelle est la loi applicable. Le problème c’est que souvent aucun desordres juridiques en question n’acceptent de se déclarer compétent : théorie durenvoi. Comment percer ce cercle vicieux ?

Autre question pour aller plus loin : est-ce que la règle de conflit de loi ne favoriserait-elle pas une concurrence entre les OJ ? La question est bien connue dans lessystèmes fédéraux, et dans l’UE. La globalisation des échanges induit un nouveaurapport entre les différents droits des OJ, droits qui sont aujourd’hui perçus comme deséléments de compétition entre les législateurs (concurrence accrue en droit fiscal,commercial, des sociétés…). Cette concurrence a été longtemps sous-estimée, car onpartait du principe que le droit privé était neutre. Mais ce postulat est faux, le droitprivé n’est pas aussi neutre qu’il y parait, il contient de plus en plus des caractèresinterventionnistes et régulatoires.Ex : en droit des contrats, contrat de vente d’une œuvre d’art entre un spécialiste etun vendeur, l’œuvre se révèle un tableau de maître. En France, on considère qu’il y aune dissymétrie, en Angleterre, le professionnel a le droit de bénéficier de sonexpertise sauf fraude. 2 conceptions différentes des marchés, il y a une concurrence.Cette concurrence est favorisée par le principe d’autonomie du DI : en DI ce sontles parties qui peuvent choisir le droit applicable à leur litige. Le point négatif, c’est que le droit serait à la merci d’opérateurs privés, c’est une sortede privatisation de DI. Ex : création d’une société, mais on délocalise le siège social en Belgique ou enIrlande…Le législateur va devoir s’aligner sur les droits plus souples. Cela entraîne l’émergenced’un droit low-cost.

B) La tendance à l’élaboration de normes matérielles internationales :Partant du principe que le seul moyen de prendre en compte la spécificité des OJ, c’estde leur appliquer des règles spécifiques internationales pour forger un niveauinternational. On s’est attelé depuis plusieurs années à créer un véritable DIP, un véritable droitprivé qui s’applique à des situations internationales.Comment est-il former ? Qui a la légitimité pour forger un tel droit ? Quelles sont sessources ? Quels sont les instruments qui vont permettre de former ce DIP ?Il va s’élaborer à travers un outil principal : les Conventions internationales qui serontratifiées dans le cadre d’institutions internationales ce qui leur donne leur légitimité. Mais ce n’est pas la seule source, il y a aussi une source spontanée : la lex mercatoria,les usages commerciaux internationaux. N’est-ce pas un ensemble de règles élaborées

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par la pratique, les usages, les coutumes, qui doivent s’appliquer par consensus àtoutes les situations commerciales internationales ? 3ème source : la jurisprudence arbitrale internationale : l’arbitre international peut-ildégager des règles matérielles applicables à un litige international ? Il peut appliquerdes solutions nouvelles plus adaptées à un problème. La jurisprudence arbitrale a uncaractère pragmatique. Et enfin 4ème source : la jurisprudence française : la Cour de cassation a à plusieursreprises, dégagé un certain nombre de règles qu’elle a mis en application à dessituations internationales.Arrêt Galakis, 2 mai 1966 : question de savoir si l’Etat peut être partie à un arbitrage.Art 83 et 1004 du CPP, interdisait l’Etat français à être partie à un arbitrage, même s’ily avait une clause compromissoire. La Cour de cassation vient dire que la prohibitiondes Art 83 et 1004 ne sont pas applicables aux contrats internationaux. Elle distingueles contrats internes et internationaux.

Cf : affaire Tapi le principe même de l’arbitrage de l’Etat est contestable, car lecontrat est interne. Question sera tranchée par la CA de Paris.

25/09/13

Rappel :-diversité des OJ-la nationalité permet de rattacher la personne à un OJ-quels sont les droits de ces personnes quand elles résident à l’étranger ? Conditiondes étrangers-problème de l’interaction de ces OJ en cas de litiges avec éléments d’extranéité-quelles règles le juge va-t-il appliquer pour un conflit international ? Théorie desconflits de lois*loi territoriale*méthode indirecte consistant à choisir le droit le + approprié*éradiquer le problème spécifique du conflit de loi, en promulguant un droit matérielinternational commun (Conventions).

C’est vrai que dans l’absolu, l’élaboration de règles matérielles internationales, celapermettrait d’éradiquer le recours à des règles de conflits de loi. Mais c’est utopique,ça ne disparaitra pas pour 2 raisons :

- Il ne peut y avoir d’unification totale, car l’unification ne vaut que pour les Etatsqui ont signé et ratifié la convention, c’est impossible que TOUS les Etatssignent et adoptent une convention. La convention la + signée est laConvention de Viennes CVIM (plus de 165 Etats)

- Même lorsque l’on est entre 2 pays qui ont ratifié et signé une convention, ilpeut y avoir des problèmes de divergence, d’interprétation à la fois sur lechamp d’application de la convention, voire même sur les règles matérielles.Ex : Com, 4 mars 1963, l’arrêt Hocke : il s’agissait de l’interprétation de l’art 31-4 de la Convention de Genève sur les lettres de change, cet article énonce uneprésomption. Mais est-ce une présomption simple ou irréfragable ? LaConvention ne dit rien. Les tribunaux français considéraient que c’était uneprésomption irréfragable, et les Allemands pensaient que c’était uneprésomption simple. Divergence. Mais cela entraîne des solutions différentesselon les juges. 2 solutions pour résoudre le problème : soit l’interprétationd’une règle internationale relève du for, mais là on ne résout pas le problème,soit on fait appel à la règle conflictuelle. Les juges ont choisi cette 2nde solution :le recours à la règle conflictuelle. Ils ont énoncé la règle des conflits, on vaappliquer à cette lettre de change la loi de l’Etat dans lequel l’aval a étésouscrit. Si aval souscrit en France que ce soit par un français ou par un

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allemand, présomption irréfragable appliquée (même devant juge allemand), etinversement.

Et finalement l’unification internationale des règles matérielles intervient au niveau dudroit commercial, car c’est une matière relativement neutre, et pragmatique.

III) Les sources du droit international privé et du conflit de lois enparticulier

En matière de DIP, on a une dualité des sources, entre les sources nationales etinternationales.Débat entre les particularistes (projection des règles nationales sur la scèneinternationale) et les universalistes (consécration de règles internationales pour desconflits internationaux).Aujourd’hui, solution pragmatique : compromis des 2 (avec prédominance des sourcesnationales)

A) Les sources internes :

1) Source classique chez nous : la loiMais est-ce la source primaire en DIP ? Ça dépend.

- Pour toute la théorie des conflits de loi, la réponse est Non. Dans le Cciv, il n’y aque 2 articles : art 3 (conflit de loi) et l’art 14 (conflit de juridiction), et enmatière de filiation, art 311-14

- En revanche pour la question de nationalité, et de condition des étrangers, la loiest la source principale, même si la loi européenne prend une place de plus enplus importante.

Le choix de la loi comme source a toujours été problématique pour les DIPistes, outres’elle soit efficace, un grand débat porte sur la forme des lois. Doivent-elles être unsimple appendice à un corps de règles substantielles ? (ex : réforme du mariage :mettre les règles de DIP à la fin de cette loi), ou est-ce qu’on prend la matière dansson ensemble et on crée un ensemble complet, cohérent et autonome de règles deDIP (et là on codifie le DIP comme les Suisses et Américains dans une moindremesure). On n’a jamais véritablement tranché, même si dans les faits, c’est la 2nde solution quis’applique.

2) la jurisprudence :Il est certain que concernant les conflits de lois, c’est la jurisprudence qui en estexclusivement à la base, et notamment la Cour de cassation. A partir d’un seul article,l’art 3 Cciv, la Cour de cassation va construire l’ensemble du système français deconflit de loi. La Bible d’un DIPiste est le recueil des grands arrêts du DIP.La matière de conflits de lois est essentiellement jurisprudentielle, mais avec unapport de la doctrine.

3) la doctrine :Le DIP est très technique (voire trop technique pour les magistrats), les magistrats sesont influencés de la doctrine, des auteurs. Depuis une vingtaine d’années, ce sontdes universitaires DIPistes qui intègrent la Cour de cassation pour les affaires de DIP.Donc les juges ne font qu’appliquer de la doctrine. Le DIP est la matière qui est la plusinfluencée par la doctrine.

B) Les sources internationales :

1) Les Traités, source principale :2 sortes de Traités : -les traités d’uniformisation des règles matérielles

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-les traités qui ont pour objet spécifique pour harmoniser les règlesde conflits de lois, et non pas les règles matérielles.

Ex : la Convention de Rome, 19 juin1980, sur la loi applicable aux obligationscontractuelles.

Il est important de mentionner ici le rôle essentiel que joue en la matière laConférence de La Haye (HCCH=high conference conférence de La Haye) qui est unorganisme intergouvernemental créé en 1883. Peu de succès jusqu’à ce que lesAméricains et les Anglais y adhèrent. Aujourd’hui 69 Etats en font partie (tous les Etatsde l’UE+ l’UE elle-même, ce qui pose un problème aux EU qui ne comptent que pour 1et non pas pour 52 Etats). La conférence de La Haye a été à l’origine d’un certainnombre de conventions (une cinquantaine), et notamment sur les conflits de lois :

- La convention du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux :ex : vacances aux EU, on se marie à Las Vegas. Ou on se marie en France, et onva vivre 25 ans en Allemagne, quel régime matrimonial s’applique ? on appliqueles règles de la convention. (mais seulement 3 Etats l’ont signée, on l’a signéecar elle est faite sur le modèle jurisprudentiel français)

- La convention du 23 novembre 2007 sur le recouvrement des pensionsalimentaires en matière familiale, …… etc

Question : le Traité et le juge : on s’est posé la question pendant longtemps de savoirsi le juge judiciaire avait la possibilité d’interpréter une convention signée par l’Etatauquel il appartient ? Opposition entre la Cour de cassation et le CE :

- Cour de cassation : le juge judiciaire peut l’interpréter, c’est une norme commeune autre.

- CE : l’interprétation n’appartient qu’à l’autorité qui a négocié le texte, qu’àl’exécutif.

2 arrêts pour uniformiser les positions : le juge judiciaire a le pouvoir d’interpréter leTraité directement sans avoir à surseoir à statuer.

- CE, 29 juin 1990, Gisti- Cass, 1 ère civ, 19 décembre 1995, Banque africaine de développement

Reste une petite question : quelle méthode d’interprétation ? Interne ou celle de laconvention ?

2 ème Question : Le problème des conflits des conventions : problème qui ne devrait pasexister, car on a l’obligation de négocier toute convention antérieure. Mais le risquen’est pas négligeable, notamment avec le caractère assez flou dans la délimitation duchamp d’application des conventions. Pour éviter cela, 2 solutions :

- La clause de neutralisation ou de déconnexion : les 2 conventions seneutralisent, le juge retrouve sa liberté, on prône en général la solution la plusfavorable.

- Quand il y a un chevauchement entre les conventions, pas de règlesautomatiques, c’est un grand pouvoir qui est accordé au juge, ce qui enlèvel’intérêt de la convention, là pour conférer une certaine sécurité juridique.

2) Les sources secondaires du DIP :* La jurisprudence de la CJUE essentiellement, et de la CEDH : - la CJUE qui va interpréter bon nombre de conventions. -la CEDH : la jurisprudence de la CEDH contribue à préciser le contenu d’un OPinternational, or l’OP peut servir à faire échec à l’application d’un droit étranger par lejuge du for. (ex : si on doit appliquer le droit libyen, et que celui-ci prévoit pour le litigede séparation des époux, la répudiation de la femme : le juge français n’appliquerapas ce droit car il est contraire à l’OP français)

*Le rôle résiduel du DI public :

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Quelques règles de droit international public vont avoir un impact sur le DIP.Ex : en matière de reconnaissance et d’exécution des règles judiciaires : règlefondamentale qui prohibe le fait d’accomplir des actes d’exécution, de contrainte surle territoire étranger (violation de la souveraineté des Etats), sauf accord. C’est unarrêt de la CPJI, 7 septembre 1927, arrêt Lotus.A contrario chaque Etat est libre d’édicter les règles qu’il veut, et de les appliquer àqui il veut, sauf en dehors de ses frontières.

IV) « L’UE m’a tuer »

Le DIP français est-il mort ? Affaire qui peut apparaître comme polémique, mais quiest d’actualité. Quel est l’impact réel de l’UE sur le DIP français ?Les DIPistes n’étaient pas très inquiets, car le DIP n’avait pas vocation à être affectépar le droit de l’UE, mais ils n’ont pas vu venir le problème. Inéluctablement, le droit de l’UE est en train de grignoter le DIP français, il y a unecommunautarisation du DIP, et elle commence à affecter la théorie des conflits delois. Or les institutions européennes n’avaient aucune compétence pour intervenir dans lesrègles de conflit de loi ou de juridiction. Pour preuve, avant l’UE, pour harmoniser lesrègles de conflits de lois, on utilisait le processus des conventions classiques. Mais touta changé avec le Traité d’Amsterdam, qui a été interprété extensivement. Ce Traitédonne compétence à Bruxelles : toutes les conventions ont été transformées en desrèglements.Ex : Rome I remplace la Convention de Rome 1980, Rome II… Bruxelles I, Bruxelles II,….Comment cela a-t-il pu arriver ? Par le biais de 2 moyens :

- L’influence de la CJCE,20 février 1979, arrêt Cassis de Dijon : obligation dereconnaissance mutuelle des normes en vigueur sur le territoire de l’Etatmembre où le produit a été vendu initialement à l’égard des autres Etats, qui nepeuvent appliquer leurs propres règles. Idée que la diversité matérielle des droits en Europe faisait obstacle à la librecirculation des biens et services, la Commission européenne a trouvé ce moyenpour harmoniser les règles.

- La lecture des textes, et notamment du Traité d’Amsterdam : on avait 2 articlesdans ce traité L’Art ancien 61 CE transférait au Conseil de l’Europe le pouvoird’adopter des décisions en matière de coopération judiciaire et en matière civileet commerciale. Et l’Art 65 CE du traité donnait mission aux instances de l’UE de favoriser lacompatibilité des règles applicables dans les Etats membres, en matière deconflits de loi et de compétence.C’est sur cette base que la Commission a changé les conventions enrèglements. Nombreux auteurs ont dit que c’était une violation des textes(« favoriser » n’est pas « devoir d’harmoniser »), il devait juste prendre desmesures pour inciter les Etats à unifier le droit matériel de l’UE par le biais del’outil conventionnel.Fortes critiques qui n’ont pas été entendues par les instances de l’UE, puisquele Traité de Lisbonne est allé beaucoup plus loin, il a réécrit l’art 65 : le mot« favoriser » a été remplacé par le verbe « assurer », et ajout de « notammentveiller au bon fonctionnement du marché intérieur », on entend par marchéintérieur, le commerce, mais du coup cela ne restreint plus l’unification ausecteur commercial (« notamment ») .Ex : le règlement optionnel pour le droit commun de la vente, 2011

Conséquences : on a au plan interne l’apparition d’un véritable droitinternational privé commun européen. Et même plus grave, on a l’apparition d’un

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véritable DIP commun à vocation universelle (applicable aux Etats tiers). 3éléments : - Règlement Roque I contient des dispositions à vocation universelle, (implique desEtats tiers à l’UE) -l’adhésion en tant que membre de l’UE à la Convention de La Haye, l’UE a le statutde membre à part entière, avec le pouvoir de négociation. -la consécration par le Traité de Lisbonne de la théorie des compétencesexternes. Jp CJCE, AETR, 31 mars 1971 : à l’époque la communauté UE a l’exclusivité de lanégociation avec des Etats tiers d’accords internationaux, dans un domaine donné,lorsque cet accord est susceptible d’affecter des règles de droit de l’UE. Un Etat membre (le ministère des affaires étrangères) ne peut plus négocier lui-mêmeun accord avec un Etat tiers, dès lors que cet accord est susceptible d’affecter desrègles de l’UE. Comme maintenant l’UE a tendance à s’arroger de plus en plus decompétences, la liberté de négociation des Etats se réduit grandement.

Est-ce vraiment la fin du DIP français ? Pas encore, mais le danger existe. Ce n’est pasdemain la veille qu’on verra la disparition totale du DIP, car les Etats mettent desfreins. Les mentalités ne sont pas prêtes.

LECON PRINCIPALE : LES CONFLITS DE LOIS, THEORIEGENERALE

Comment va-t-on déterminer le droit qui doit être appliqué par le juge pour résoudrece conflit ?

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Problème du choix de la méthode.

Chapitre 1 : LE CHOIX DE LA METHODE

Le juriste est confronté au choix de la méthode quand il est face à un conflit de lois.Mais qu’est-ce qu’un conflit de loi ?

I) Définir la notion de conflit de loi :

A) La conception classique :Dans cette conception classique, il est traditionnel de considérer qu’il y a conflit (4)de lois lorsque 2 lois (2) ou plusieurs d’Etats (3) différents (1) sont susceptibles d’êtreappliqués dans une situation internationale.

1) « Différent » :Fait référence au caractère international de l’action, c’est l’intéraction de différents OJ,cette exigence d’extranéité est essentielle en matière de conflit de loi, on ne peut pasappliquer les règles de conflit de lois à une situation purement interne (law shopping).

2) « Loi » :Cette terminologie traditionnelle que l’on applique sans problème est-elle pour autantjustifiée, opportune ? Les Américains parlent de conflit de droits (choice of laws). Lejuge s’intéresse à savoir quel droit dans son ensemble il va appliquer. C’est l’ensembledes textes et la jurisprudence qu’il va appliquer.

3) « L’Etat » :A priori, les droits en présence ne pourraient être que des droits émanant d’un Etatreconnu par un Etat français. En clair, un juge, confronté à un litige international,n’aurait le choix qu’entre des droits d’Etats reconnus par l’Etat français.Mais cela pose une difficulté pour les Etats non reconnus ou annexés : cas de la Russieimpériale et de l’URSS (1917), nombreuses décisions de justice. Les décisions de lacour de cassation venaient dire que l’URSS n’étant pas reconnue par la France, le jugedevait appliquer le droit de la Russie impériale.Cf : 1 ère civ, 10 janvier 1951, arrêt Meden,: il s’agissait d’un traité entre la France et laLettonie (qui avait été intégrée au sein de l’URSS), les juges français ont appliqué ledroit letton qui n’existait plus depuis longtemps.De même quand il y avait un problème avec un ressortissant russe, les jugesappliquaient le droit antérieur à la révolution bolchévique. Cette pratique étaittotalement irréaliste, appliquer un droit qui avait disparu depuis 1917 devenait de plusen plus difficile (disparition, aucune évolution…)

La cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence :1 ère civ, 3mai1973, Scherpatof c. Stroganof : la Cour de cassation adopte le principesuivant : le défaut de reconnaissance d’un gouvernement étranger ne permet pas aujuge français de méconnaître les lois de droit privé édictées par ce gouvernementantérieurement à sa reconnaissance sur le territoire duquel il exerçait effectivementson autorité. Approche réaliste. Le juge est invité à prendre en considération le droitprivé uniquement énoncé par les autorités de cet Etat à condition qu’il ait une autoritéeffective.

4) « conflit » :Ce terme est aussi source de discussions, doit-on l’entendre dans un sens« belliqueux » (affrontement et l’un doit gagner), ou dans un sens plus doux« d’affrontement » ? Affrontement ou concurrence ? Tout dépend de son approche. Lespublicistes ont tendance à considérer les conflits de loi, en conflits de souveraineté,donc c’est une approche belliqueuse. Mais si on a une approche privatiste, avec l’idée

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où le droit privé est plus politiquement neutre, alors ce sera une simple concurrence,le but est de choisir le droit le plus adéquat. Pour le prof, conflit de loi= problème de concurrence choix (cf américains : « choiceof laws » et peu de « conflict of laws »)La concurrence plutôt que le conflit est très critiquée, notamment par le mouvementfonctionnaliste, qui part du principe que même dans le domaine de droit privé, lesconflits de lois soulèvent des questions politiques. Certains auteurs ont donc distinguéles vrais et les faux conflits.

- Le faux conflit est celui qui met en présence des ordres juridiques contenantpour la situation à résoudre des règles au contenu identique.

- Les vrais conflits sont ceux qui mettent en présence des OJ contenant desrègles différentes qui s’expliquent par des raisons politiques, économiques… Ilva véritablement faire un choix entre 2 systèmes de valeurs.

Cette approche fonctionnaliste n’a eu quasiment aucun écho en jurisprudence enFrance, hormis dans un cas, c’est la théorie de l’équivalence. Un litige internationalmettant en cause des intérêts français et italien, est soumis au juge français. Le jugedu fond ne s’intéresse pas au caractère international, idem en appel. Mais encassation, l’une des parties soulève cette question : là la Cour de cassation vadistinguer si elle a en face d’elle un vrai ou un faux conflit de loi, pour voir sil’application de la loi italienne aurait abouti à un résultat différent.

B) Un élément de complication : les ordres juridiques non unifiésJusque-là on a raisonné sur l’hypothèse de conflits internationaux, mais on peut seposer la question si les conflits de loi ne peuvent pas s’appliquer au sein même d’unOJ, pour des conflits internes. En effet, il se peut qu’au sein d’un même OJ, on soit enprésence de plusieurs droits ayant vocation à s’appliquer à un seul et même litige. 2formes :

- Les conflits interterritoriaux : au sein d’un OJ à structure fédérale (UE, EU),où il y a des pans entiers du droit privé qui sont à la compétence des Etatsfédérés, on va appliquer un véritable système de conflit de lois. En plus, aux EU,chaque Etat fédéré a compétence pour les règles de conflits de lois.

- Les conflits interpersonnels : (intéresse le cas français) il y a un cas certesparticulier où, alors même qu’on a un conflit interne (entre citoyens français),va se poser un conflit de lois. Il va y avoir une concurrence au sein même de l’OJfrançais un conflit de droit. C’est toute la question des droits coutumiersnotamment en Nouvelle-Calédonie, Mayotte ou en Guyane. Il se trouve quedans certains ordres juridiques, les droits applicables peuvent être répartis nonpas en fonction du territoire, mais en fonction de la répartition des sujets dedroit en ethnie, ou en groupe particulier.1 ère civ, 1 décembre 2010 : Art 7 des accords de Nouméa 19 mars 1999, lespersonnes dont le statut personnel et le statut civil coutumier kanak sont régiespar leur coutume et non pas par le droit civil classique. Dans cette affaire, uncouple de kanaks divorce, devant le juge, la femme demande une demande deprestation compensatoire sur le fondement de l’Art 270 du Code civil. Conflit deloi. Et le juge dit que sa situation ne relève pas du Cciv, mais du droit kanak quine connaît pas la prestation compensatoire. Le statut coutumier est équivalentà un OJ cohérent et autonome, tous les aspects personnels et mêmepatrimoniaux de la séparation relèvent entièrement et uniquement du régimekanak. Le droit civil ne vient pas le compléter.

1/10II) Comprendre la notion de conflit de lois :

Le droit privé et la théorie des conflits de lois, est la matière la plus sensible àl’évolution de la doctrine, qui influence la jurisprudence. Il est donc indispensable deconnaître la doctrine sur ce point, et de se plonger dans l’enfer des « isme » :

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universalisme c. particularisme, territorialisme c. personnalisme, nationalisme c.pragmatisme ou internationalisme, dogmatisme c. pragmatisme, éclectisme c.exclusivisme…Et bien entendu on peut combiner les théories !

A) Le point de départ : la doctrine italienne des statuts :C’est aux juristes italiens que l’on doit la première théorie générale des conflits de lois,cela découle des multitudes de cités, et républiques en Italie au Moyen-âge.Compte tenu de l’existence de ces différentes lois, statuts, et de l’essor de ces cités,les juristes italiens ont été confrontés aux conflits de lois. Ils ont adopté unedémarche exégétique (utiliser le droit romain) pour essayer de trouver une solution,mais c’est un échec, car le droit romain ignorait les conflits de lois. Puis ils vont adopter une démarche plus analytique, plus pragmatique. Ils vontadopter une solution relativement simple : ils vont déterminer le champd’application des différents statuts en présence en dégageant descatégories de rattachement. Ils distinguent entre

- la procédure : c’est la loi du tribunal saisi- et le fond du litige.

Ensuite ils distinguent entre :- les délits : c’est la loi du lieu de survenance du délit, lex loci delicti - et les contrats : ils distinguent les lois applicables à :

* la forme du contrat loi du lieu de conclusion du contrat* au fond du contrat loi choisie par les parties

Et ils distinguent entre :- les statuts réels : pour les immeubles, c’est la loi de l’Etat sur lequel il est

situé qui est applicable- et les statuts personnels, c’est la loi de l’origine de la personne qui est

applicable.

Cette thèse italienne fut introduite en France par DUMOULIN (XVIème siècle) qui estcélèbre pour une consultation : la consultation des époux de Ganey qu’il avait rendue :dossier de séparation entre époux de Ganey qui avaient des biens à Paris et à Lyon,comment les séparer ? Quel régime applicable ? Coutume de Paris ou loi de Lyon ?Dumoulin doit-il panacher ? Dumoulin estime qu’il doit soumettre l’ensemble des biensà un régime unique, soit le choix exprès des époux, soit la loi de l’Etat où ils sontinstallés car l’installation vaut acceptation tacite de la loi de cet Etat. Aujourd’hui c’est quasiment la même loi applicable (Convention de La Haye, ou régimeapplicable aux couples mariés avant 1992) : si pas de contrat de mariage, c’est laloi du 1er domicile conjugal stable (mini 2 ans) qui va régir le RM, car c’est làque l’on a fixé ses intérêts patrimoniaux.

B) L’apparition d’une doctrine concurrente : les théories territorialistes françaiseset hollandaises du XVIème siècle :

Au XVIème siècle, certains auteurs français, en s’inspirant de la doctrine italienne, ontune approche plus politique, plus dogmatique en se focalisant sur le concept deterritorialité. On voit tout de suite la position politique : la territorialité dans sa forme la plusextrême consiste à affirmer, que dans chaque pays, c’est uniquement la loi dece pays qui s’applique, et ce, pour une question de souveraineté, et pourune question pratique : étant donné que les juges ont une très mauvaiseconnaissance des lois étrangères, les solutions seront forcément insatisfaisantes.

2 auteurs essentiels : D’ARGENTRE (1519-1590) est breton, magistrat au Parlement deBretagne, et il défend l’application de la coutume bretonne, il donne une placeessentielle au statut réel, et il fait une place réduite au statut personnel. Il axe sontravail sur le statut réel, on parle de dogmatisme territorialiste ; toutes les

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coutumes sont manifestement territoriales car le droit subordonne toutesles institutions à la question des immeubles. Il ramène tout aux immeubles.

Cette thèse d’Argentré a été complétée par certains juristes hollandais. Et notammentles consorts Paul et Jean VOET qui ont repris la soumission des lois au statut réel,et surtout ils complètent la thèse D’Argentré en développant une notion, la courtoisieinternationale : un statut personnel ne peut suivre tout le temps le statutréel (ex : un parisien qui va à la campagne, on va lui appliquer sa loi d’origine). Maispourquoi des juges nationaux appliqueraient une loi étrangère ? Ce n’est pas à causede l’existence d’une certaine obligation, mais ils le font pour une certaine courtoisieinternationale, en espérant que les juges étrangers fassent de même. La doctrine hollandaise n’a pas pris en France, mais grand succès aux EU et au RU.

C) Les doctrines universalistes et les contre-réactions :

1- La réaction : les thèses universalistes :Les universalistes ont entendu critiques les excès du territorialisme. C’est une réactionà D’Argentré et aux hollandais. Les universalistes ne contestent pas lacompétence des règles nationales, mais ils demandent aux juges de prendreen considération des données universelles afin d’orienter les droitsnationaux vers un droit idéal universel. Ils partent donc du principe qu’on doitrégler le problème des conflits de loi avec des règles internationales. 2 noms :

* MANCINI (XIXème siècle), italien qui va en réaction à la territorialité, développer lathèse de la personnalité qui consiste à dire que dans n’importe quel pays, c’esttoujours la loi nationale du sujet de droit qui a vocation à s’appliquer. Celas’explique pour des raisons politiques, il prononce un discours « la nationalité commefondement des gens » en 1951, on est dans une période où se pose la question del’unité politique italienne, il a vu dans la consécration du statut personnel commefacteur d’unité. Il a donc une vision très extensive du statut personnel.Grand succès de cette théorie notamment en France, en revanche aucun succès dansles pays de Common Law.

* En France, elle va être amplifiée par PILLET. Le problème c’est qu’on va très vite êtreconfronté aux limites de cette thèse. Ca ne fonctionne que lorsque l’on a des litigesen matière de personne ou de personnalité. Que fait-on en matière délictuelle ? Quefait-on lorsque la loi applicable à la personne est complétement contraire aux lois desituation du juge ? On en revient au territorialisme. On a une sorte de balancier entreterritorialisme et personnalisme qui va se stabiliser avec Savigny.

* SAVIGNY, romaniste allemand, élabore une théorie nouvelle de résolution des conflitsde lois : il part du principe qu’un conflit de loi ne remet pas en causefondamentalement les Etats (il évince la question de la souveraineté), mais ça met encause des intérêts privés. Et puisqu’on est face à des questions qui mettent en causedes intérêts privés, on est confronté à du droit privé, droit qui est politiquementneutre, donc il va déterminer quelle est la loi qui est objectivement la mieux adaptée àla résolution du litige. D’autant plus que pour lui, tous les Etats ont la mêmeconception du droit, et la même conception religieuse, donc les mêmes valeurs : undroit ne vaut pas plus qu’un autre. Loi du fort et loi du territoire sont sur lemême plan. Il va construire un système mixte avec le choix de la loipréférable, sans idées préconçues. Il va s’attacher à déterminer descatégories de rattachement pour chaque type de litige. Savigny est le pèredes règles de conflits bilatérales et neutres.

2- Les contre-réactions : les particularistes et la prise en compte des intérêts desEtats :

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Les particularistes n’ont pas admis que l’on fasse abstraction des intérêts des Etatspour essayer de bâtir un système idéal et universel et ils n’ont pas admis que Savignynéglige les questions de souveraineté. En réaction, ils partent du postulat inverse, chaque Etat doit avoir son propresystème de conflit qui doit être la projection des institutions internes sur lascène internationale. Ils viennent dire qu’il y a les conflits de loi dans l’espace, maisaussi dans le temps. Pour résoudre les conflits de loi dans le temps, on applique deslois internes. Or temps et espaces sont le même problème. Donc pour les conflits delois dans l’espace, on doit aussi appliquer des lois internes.

* Grand succès en France (BARTIN comme chef de file des particularistes) car c’estune approche politique.NiGOYET (1886-1922) part du principe que les intérêts de l’Etat français doiventtoujours prévaloir dans un conflit de loi, il affirme que l’intérêt de son propreEtat doit toujours l’emporter sur les intérêts des autres Etats. Questionpolitique de souveraineté. Ex : français c. étranger loi française.Retour au territorialisme au nom du nationalisme.

* Enfin citons, un dernier auteur PILLET qui va influencer sans le savoir, les doctrinesmodernes, aux EU, et notamment les néo-statutistes américains : pour lui, les conflitsde lois sont avant tout une question de souveraineté, car quand un juge choisit une loipour l’appliquer à un litige, il limite la compétence d’un Etat au profit d’un autre. Doncil appartient au juge de sacrifier le moins possible les intérêts des Etats enprésence. Il convient de procéder à une répartition des lois en présence enfonction de leur utilité sociale. Savigny part de la situation, Pillet part de la loi. Ilpart de son utilité sociale, il fait ainsi une distinction entre permanence etgénéralité de la loi.

1èr exemple : un mineur français passe en Allemagne pour dilapider sa fortune. Peut-on accepter qu’il passe à la frontière pour qu’il échappe à la protection de la loifrançaise ? Non, dans ce cas-là on sacrifie la généralité pour soumettre tous lesétrangers à leur loi nationale où qu’ils se trouvent. 2ème ex : un anglais vient en France et achète un immeuble, doit-il le publier ? Ouiparce qu’ici, la loi française qui impose la publicité de l’opération a un but de garantiesociale. Ici on privilégie la généralité au détriment de la loi permanente.Si une loi a un intérêt social général fort, il faut qu’elle soit opposable àtous, donc généralité.En revanche, si la loi a un but social moindre, elle a un but plus personnel,dans ce cas-là on favorise la loi permanente. (elle suit le sujet partout où il va).Thèse séduisante, mais problème : comment caractériser le critère d’intérêt sociald’une loi ? Si c’est au cas par cas, un problème d’insécurité juridique va se poser.Il n’empêche que cette thèse a influencé les thèses américaines.

D) Les doctrines modernes :Aujourd’hui, on est dans un contexte politique et juridique beaucoup plus exacerbé, ily a beaucoup moins de dogmatisme politique, mais beaucoup plus de pragmatisme,cela a conduit à adopter une voie médiane, utilitariste, pragmatique… Adoption d’unethéorie proche de celle de Savigny qui part du principe que tout est relatif, qu’ilfaut énoncer les règles de conflit de lois qui répondent aux attentes dessujets de droit (dimension utilitariste) tout en étant reconnues dans lesautres Etats (dimension universelle), qu’il faut trouver la solution la mieuxadaptée, et c’est dans cette lignée que s’inscrit la méthode conflictuelle classique,c’est celle de droit commun aujourd’hui.

III) La méthode conflictuelle classique (choisir)

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Il s’agit de choisir une méthode. Mais ce n’est pas choisir une doctrine. Il y a 2 façonspour résoudre les conflits :

- Soit on part de la loi et on délimite son champ d’application enfonction de son objet (doctrine statutaire)

- Soit on part de la localisation des situations de droit, à partir de leurnature pour déterminer quelle loi est la mieux appropriée (méthodesavignienne).

L’histoire méthodologique du DIP est un chassé-croisé entre ceux qui partent de la loiet ceux qui partent du problème. Et concrètement 3 méthodes sont effectivementappliquées par les juges, sans qu’il y ait de choix définitif : loi à un moment t, face àun problème p.

A) Les méthodes concevables :A partir des différentes doctrines, 3 méthodes principales ont été développées :

1-la méthode unitaire : elle part de l’idée qu’il est toujours possible de résoudreun conflit de loi selon une unique et exclusive inspiration. 2 méthodes :

- La méthode unitaire territoriale : un Etat est maître chez lui (territorialitéjudiciaire et juridique). C’est la loi de cet Etat qui s’applique à tous ceux qui sontsur ce territoire et qui se présentent devant le juge de cet Etat. Un problème :cette méthode n’a pas de justification véritable, ni théorique, ni même pratique,peut-on admettre qu’une juridiction française régulièrement saisie doivesystématiquement appliquer la loi française alors même que le litige qui lui estsoumis n’a pratiquement aucun contact concret avec la France ? Liersystématiquement compétence judiciaire et compétence juridique estabsolument absurde.

- La méthode unitaire personnelle : très simple, c’est la loi nationale quis’applique à chacun. Mais problèmes: si le juge français se voit soumettre ledivorce entre une italienne et un allemand. Et si l’un des époux est apatride, oubinational, gros problème ! Et l’Etat qui applique la méthode unitairepersonnelle n’a aucune assurance que ce principe sera accepté à titre deréciprocité à l’étranger (ex : dans un pays territorialiste). Cette méthode esttrop brutale pour être suivie.

2-la méthode pragmatique : on a une méthode inductive et non pas déductive, on necherche plus un principe directeur unique, on cherche à donner à chaque type deconflit la solution la plus appropriée. - On a d’abord le pragmatisme national (Bartin), il n’y a rien à adopter, juste àl’adapter pour qu’elle puisse régir un litige international. Avantages : à chaque fois, onest sûr que le juge connaîtra la règle à appliquer, et c’est une méthode protectrice desintérêts de l’Etat. Problème majeur : c’est le même que celui qui se pose pour ladoctrine, le caractère international devient secondaire, la solution sera-t-elle vraimentutile pour un litige international ? - Et on a aussi le pragmatisme international, on donne au juge le pouvoir derechercher une méthode empirique pour rechercher une solution internationale. Maisle risque c’est l’insécurité juridique est importante.

3-La méthode éclectique : solution de compromis, méthode équilibrée et réalise, quicombine les avantages des 2 autres et on pallie leurs inconvénients.Cette méthode va offrir des principes directeurs en considération de diversesquestions fondamentales, on part des situations à régler et on va offrir au juge,en fonction de la nature du litige, des principes directeurs qui doiventobjectivement l’orienter vers le meilleur choix possible, étant précisé que lejuge n’est pas lié par ces principes directeurs, et qu’il pourra toujours, en lejustifiant, au cas par cas, choisir un autre résultat, dès lors que ce résultatlui apparaît plus en conformité avec les intérêts des parties.

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B) Le choix français : la méthode conflictuelle classique :La méthode conflictuelle française a pour assise la doctrine de Savigny mais avec unpeu d’éclectisme Bartinien, c’est la méthode Bartino-savignienne : méthodeconflictuelle, bilatérale, particulariste et privatiste.

1-les caractères de la méthode, de la règle de conflit : 3 caractéristiques essentielles :- Elle est abstraite : caractère indirect, la méthode de désignation de la loi

applicable est déconnectée du fond ; le juge n’a pas à connaître le contenumatériel des lois en présence, ça n’a aucune incidence dans le choix de ladésignation de la loi applicable au litige.

- La neutralité : la méthode de conflit serait neutre, normalement, elle necherche pas à privilégier tel intérêt d’une loi plutôt qu’un autre, ce quiconcrètement devrait conduire le juge à ne jamais prendre en compte la justicede la solution.(ex : ne pas regarder le résultat de la loi allemande, et le résultatde la loi italienne, et choisir le meilleur--> contraire à la méthode bartino-savignienne. Donc ne pas regarder le contenu, ni le résultat). Les solutions sontpolitiquement neutres, cela peut nous conduire à appliquer une loi peut êtremoins favorable. Mais c’est très théorique, et faux en pratique. Car le droit privén’est pas neutre, ni politiquement, ni socialement…

- La bilatéralité : caractéristique la plus essentielle : la loi de conflit estfondamentalement bilatérale. C’est une conséquence logique de la neutralité.La règle de conflit est une règle de DIP qui relie une situation juridiqueà un OJ donné, en postulant l’équivalence des lois étrangères enprésence et les lois du for. Chaque système national peut décider del’application d’une loi étrangère en raison des liens existant entrecette situation et la loi étrangère. Problème : c’est le problème de la connaissance du contenu du droit étranger.Comment faire pour appliquer un droit étranger ? Comment va-t-il appliquer uneloi étrangère ? Comment l’interpréter ? Qui va contrôler cette interprétation ?Est-ce normal que ce soit la Cour de cassation qui contrôle l’interprétation d’uneloi belge ?Malgré ces critiques, le bilatéralisme l’a emporté en France, et pourpreuve, on a aujourd’hui bilatéralisé pratiquement le seul texte du Ccivqui contenait une règle de conflit. Art 3 Cciv : Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire.

Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par laloi française.

Les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger.

Dans cet article, on ne s’occupe que du champ d’application des lois françaises(délits, droits réels immobiliers et capacités des personnes). Donc ce seraitune méthode universelle, principalement territorialiste avec uneméthode unitaire.Mais aujourd’hui la Cour de cassation a transformé, sans changer un seulmot, cet article en règle de conflit bilatéral, elle vient dire que les délitssont régis par la loi du lieu de commission de ce délit. Elle bilatéraliseaussi le 2ème alinéa : la loi applicable aux immeubles est la loi de situationde ces immeubles. De même pour le 3ème : la loi régissant la capacité etl’état des personnes est la loi de nationalité.

2-La structure de la règle de conflit :-les 2 composantes essentielles : La règle de conflit comme toute règle de droita une structure duale, a une structure hypothétique. Elle définit les situations

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de fait auxquelles elle s’applique (l’hypothèse), et les conséquences juridiques quedéclenche cette application (l’effet). L’hypothèse de la règle de conflit s’appelle catégorie de rattachement, l’effet de larègle de conflit s’opère au moyen des facteurs de rattachement (critère derattachement de la loi à des situations données.)

Distinguer catégorie de rattachement et facteur de rattachement. Méthode de la boite à outils du DIP : Boite à outil pour chaque grand type deconflits (divorce, responsabilité délictuelle, successions,…), ce sont les catégories derattachement, mais se pose le problème de la qualification. Quand on ouvre la boite à outils, on va trouver des outils, et ce sont les facteurs derattachement : ex : en cas de divorce, on trouve la nationalité commune des époux.Parfois il y a plusieurs outils qui peuvent s’appliquer, ou parfois le facteur derattachement ne correspond pas à la situation factuelle.

9/10-Un élément essentiel : le facteur de rattachement (l’outil)Pour appliquer la règle de conflit, il va falloir localiser les éléments de l’espèce qui vontcorrespondre aux facteurs de rattachement, les critères pour choisir le droitapplicable. Mais le problème est : comment choisir ? Est-ce le droit ou le juge quichoisisse ? 3 grandes catégories pour choisir, 3 procédés de localisation :

la localisation fondée sur la personne : la nationalité, son domicile la nature du rapport juridique, l’objet du rapport : un bien

meuble/immeuble la source et la nature du droit : contrat, délit, quasi-délit...

3 grands procédés de localisation qui peuvent se décliner en une multitude defacteurs de rattachement. Mais comment choisir ?

la technique de rattachement : plusieurs outils peuvent être dans la boite àoutils (nationalité, lieu de célébration du mariage, domicile des époux, lieu deconclusion du contrat…), faut-il choisir un seul outil ? Ou est-ce qu’on gardetous les outils ? Est-ce qu’on les hiérarchise ? Plusieurs techniques :

o le rattachement unique : on choisit un seul élément de la situation àrattacher en fonction de la question à répondre. Ex : boite à outil : loi applicable à la situation d’un immeuble : on a qu’unseul outil : la loi applicable est la loi du lieu de situation de cet immeuble.Autre ex : problème de la capacité d’une personne : c’est la loi nationalede cet individu qui s’applique.C’est la technique que l’on essaie de privilégier, mais ce n’est pas laseule méthode, parfois on est amené à constater une technique derattachement multiple

o le rattachement multiple : plusieurs solutions : on va hiérarchiser :certaines règles de droit français adoptent plusieurs critères derattachement, un principal qui est complété par des modes derattachement subsidiaire. Ex : problème concernant les effets du mariage : outil n°1 : c’est la loinationale commune des époux. Mais le problème c’est que dans le casd’espèce, le couple est binational, on prend l’outil n°2 : la loi du domicilecommun.Cette technique de rattachement multiple et hiérarchisé est une méthodeen pleine expansion, notamment à La Haye, car elle permet de couvrirtoutes les situations, et d’éviter les vides et dysfonctionnements.

o On peut aussi avoir dans le rattachement multiple, le rattachementcumulatif ou alternatif. On rencontre cette approche dans le cadre decertaines conventions de La Haye, et notamment la conventionapplicable de la responsabilité du fait des produits défectueux 1973 : ellepose la règle selon laquelle la loi applicable est du lieu où le fait

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dommageable s’est produit (art4) ; mais ce rattachement n’estcependant retenu que si ce lieu coïncide avec celui de la résidence de lavictime ou avec celui du lieu d’établissement du défendeur, ou enfin avecle lieu d’établissement du produit. Si jamais on ne peut pas utiliser ces 2 outils (cumulatifs), la conventionprévoit à titre subsidiaire une autre disposition (art 5) : soit la loi derésidence de la victime, soit établissement du défendeur, soit lieud’acquisition du produit.La Convention offre dans certains cas une option à la victime en faveurde l’application d’un de ses facteurs de rattachement à son choix, si cechoix est opéré, on est dans un système de rattachement alternatif.Enfin il existe une dernière technique.

o Le rattachement flexible : dans certaines matières, compte tenu decertaines difficultés quant à l’identification de certains outils : leslégislateurs ont décidé qu’il était difficile de déterminer l’outil le plusefficace, le plus opportun, ils ont donc laissé aux parties de décider aucas par cas, en fonction de l’espèce, quel était le critère de rattachementle plus efficace, afin de déterminer la loi avec laquelle le litige présenteles liens les plus étroits. Ex : la loi applicable aux obligations contractuelles. Loi d’autonomie de lavolonté. Si ce choix n’est pas fait, critère subsidiaire, présomption derattachement à la loi du lieu de résidence du débiteur de la prestationcaractéristique.

Les difficultés inhérentes aux critères de rattachement : Il faut appliquerl’outil de rattachement à l’élément de rattachement dans la situation de fait.Mais parfois, il peut y avoir un problème, si par exemple il y a un outil, mais pasd’élément de rattachement. Que faire si le support de l’outil de rattachementfait défaut ? ex : on ouvre notre boite à outils, on nous dit prenez la nationalité,or la personne est apatride. 2 solutions théoriquement possibles :

o Le juge peut chercher à trouver par lui-même un autre élément derattachement subsidiaire.

o Ou le juge peut se dire qu’il ne peut pas appliquer l’outil. Or il faut qu’iltranche le litige, sinon il fait un déni de justice. Quelle solution doit-ilchoisir ? ex : traiter le cas de capacité de quelqu’un d’apatride avec sa loinationale, comment faire ? A l’impossible, nul n’est tenu, le juge vaappliquer la loi française. Car on pose le principe qu’en France, la loifrançaise a une vocation universelle, c’est la vocation universellede la règle substantielle du for. Ce qui veut dire qu’à défaut de lapossibilité de mise en œuvre de l’outil de rattachement, la loi françaisetrouve vocation à s’appliquer, c’est le joker, l’ultime recours. C’est lasolution retenue unanimement par les juges français. Sauf 2 cas où ils acceptent d’avoir recours eux-mêmes à un facteursubsidiaire : en matière de statut personnel, il est admis par la Cour decassation qu’à défaut d’application du critère de rattachement unique(qui serait le domicile), il est admis que les juges appliquent le critèresubsidiaire de la nationalité de la personne. De même si la personne estapatride, avant que les juges recourent à la loi française à vocationuniverselle, ils doivent recourir à la loi subsidiaire du domicile del’apatride Convention de NY art 12 §1.Ex : en matière d’obligations et de biens, notamment en matière de cybercriminalité, ou en matière de piraterie en haute mer, comment localiser ?Pas de solution a priori. Les juges ont mis en place un critère subsidiaire :pour la piraterie on appliquera la loi de l’Etat le plus proche, et pour lacybercriminalité, c’est la loi du lieu où le site litigieux est principalementlocalisé.

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o Autre problème, s’il y a une pluralité d’éléments factuels derattachement (plusieurs nationalités, délits commis dans plusieurslieux…). La solution la plus simple adoptée est que l’on offre la liberté dechoix au demandeur pour choisir l’élément de rattachement. En matièrede double nationalité, la solution est un peu plus compliquée, puisquedans ce cas-là, l’art3 de la Convention de La Haye du 12 mai 1930, établiten matière de nationalité une hiérarchisation des éléments derattachement, en posant le principe que c’est en priorité la nationalité dufor qui doit être prise en considération (ex : franco-belge saisit le jugefrançais pour une question de capacité, il va appliquer la loi du for, cad laloi française)Cependant dans l’affaire Dujaque,22 juillet 1987, la Cour de cassation estvenue dire que cette hiérarchisation de la convention de La Haye étaitpurement indicative, elle peut être écartée par le juge, dès lors qu’ilconsidère que la situation qui lui a été soumise doit être régie par uneautre loi nationale que celle du for. (si par ex, lien plus fort avec laBelgique).

C) Les méthodes concurrentes : la concurrence anglaise et nord-américaine :Souvent les juristes français pensent que la théorie Bartino-savignienne est la seulequi existe. Or les anglo-saxons ont une méthode différente.

1) La concurrence de la méthode des droits acquis :Cette méthode trouve sa source dans les théories des Ecoles hollandaises, etnotamment dans l’idée de courtoisie internationale : chaque Etat fait ce qu’ilveut sur son territoire, en contrepartie, il s’engage à respecter les situationsjuridiques légalement formées sur le territoire d’un autre (droits acquis).Cette théorie a beaucoup plu aux américains, et elle a été repris par le juge STORYdans le 1er bouquin américain de DIP en 1834.Théorie qui respecte la souveraineté des Etats, avec un avantage pratique évident,cette méthode supprime le conflit de loi. Il n’y a plus de choix à faire, il y a juste àrespecter les droits légalement acquis sur le territoire d’un autre. De manière pluspolitique, elle est aussi avantageuse, car on est amené à appliquer le droit étranger,on ne fait que prendre en considération une situation finie du droit étranger, on vaassimiler les droits acquis dans un Etat étranger à une situation de fait. Ex : le mariagepolygamique est pris en considération dans l’Etat. Quasiment aucun impact en droit français, car pour nous, ce n’est pas une méthodeconflictuelle acceptable, car elle est atteinte de certains vices et certaines lacunes :

-tout repose sur une situation de droits acquis, mais que se passe-t-il quand ondemande au juge de créer à partir d’une situation étrangère un droit ? Ex : le couplepolygamique vient devant le juge pour demander le divorce, celui-ci doit respecter lemariage, mais le juge n’a aucun élément pour prononcer le divorce.

-et qu’est-ce qu’un droit acquis ? En vertu de quelle loi peut-on admettre qu’undroit est acquis ? (critique de Savigny). Ex : 2 français se marient à Las Vegas, ilsrespectent la loi locale, ils rentrent en France. Le juge doit respecter leur qualitéd’époux, mais à condition que le mariage soit valable. Or comment savoir que leurmariage est valable ? La théorie des droits acquis ne dit rien là-dessus, car ce sontquand même 2 français, leur loi nationale devrait quand même s’appliquer. Pour nous,on ne peut pas toujours assimiler une situation de droit à une situation de fait.

-problème de la qualification de la situation juridique et les droits acquis : lasituation juridique doit être qualifiée, mais en vertu de quel droit. Ex : Arrêt Dyke v.Erie Railroads : un passager est blessé dans un accident en Pensylvanie, alors que letrain ne devait pas prendre ce chemin. Il demande réparation, mais le problème c’estqu’en Pensylvanie, il y a une loi qui limite à 3000$ tout dommage-intérêt en matièredélictuelle. Le passager vient dire qu’il a acheté son billet à New-York, et qu’il attaquesur le terrain contractuel. Quelle est la loi qui s’applique ? Celle de NY ou celle de

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Pensylvanie ? Quel est le droit acquis ? D’où va naître le droit à réparation ? Celui nédu contrat ? Ou celui né de l’accident ? Il y a un grand bidouillage possible, forteinstrumentalisation possible. C’est pourquoi la France est très réticente envers cettethéorie des droits acquis, réticence telle, que l’on a refusé de signer et de ratifier laConvention de La Haye du 14 mars 1978 sur la célébration et la reconnaissance de lavalidité des mariages. Car on a considéré que cette convention essayait de nousvendre sous une forme édulcorée la méthode des droits acquis.

2) La concurrence du néo statutisme fonctionnaliste américain :Ce mouvement est assez en vogue aux EU depuis une dizaine d’années, il vafortement influencer l’approche américaine du DIP et les méthodes de conflit de loisappliquées par les juges.

La méthode de la proper law : (méthode de la loi la plus appropriée). Méthode due à Morris qui a dégagé en 1931 dans un article du Harvard Law Revue, laméthode de groupements des points de contact (most significant relationship):cette méthode est surtout vantée dans le cadre des conflits de loi en matière deresponsabilité contractuelle. Morris développe sa théorie pour contester la méthodeclassique sur les conflits de loi (lex loci delicti : lieu de situation du dommage) quiselon lui, n’est pas juste, c’est une méthode plus souple, pour permettre au juge deprendre en compte d’autres facteurs de rattachement. Ça a plu aux EU, et ça a étéconsacré par un célèbre arrêt :Cour suprême de l’Etat de NY, 9 mai 1963, Arrêt Babcock v. Jackson : Melle Babcock,étudiante, part en virée dans un autre Etat, en Ontario. Son ami Jackson perd lecontrôle de sa voiture et Melle Babcock est blessée, elle est rapatriée à NY, et elle faitun procès à Jackson. Elle est déboutée par le tribunal de NY, car le juge vient dire quel’accident a eu lieu en Ontario, il applique la loi de l’Etat de l’Ontario, qui exclut touteresponsabilité de la part du conducteur pour les dommages causés à un passagertransporté bénévolement. Babcok fait appel. La Cour suprême de NY censure, etconteste la règle les loci territori, et fait application de la théorie des points de contact,il appartient au juge de prouver lui-même chaque limite spatiale aux lois enprésence et de déterminer la loi qui présente le plus de points de contactsavec le cas qui lui est soumis. La jeune fille est partie de NY, dans une voitureimmatriculée de NY,… donc l’ensemble des points de contact désigne la loi américainece qui écarte la loi canadienne. On voit bien une dimension politique derrière cettethéorie, mais elle pose aussi des problèmes : comment apprécier les points decontact ? Méthode mathématique ou méthode qualitative ? Faire un calcul, ou lesapprécier un à un, en les pondérant ? Imaginons que son ami ait été canadien, et qu’ilavait sa voiture canadienne… Il risque d’y avoir une grande divergence dejurisprudence.Arrêt Cour suprême de NY 1965, Dyme v. Gordon : ils partent en camp d’été dans leColorado, accident de voiture, la fille est blessée, elle rentre à NY. Similitudes avecl’arrêt Babcock. L’Etat de NY est responsable des dommages causés de son passagersans qu’il soit besoin de caractériser une faute lourde. Alors que le droit du Coloradodit qu’il est nécessaire de caractériser une faute lourde. En l’espèce, les jugesviennent dire que c’est la loi du Colorado qui a le plus de points de contact avec lelitige, car étant en université d’été dans le Colorado, les étudiants dormaient là-bas.On remarque donc que les juges interprètent la situation selon la solution qu’ilsveulent donner. D’ailleurs ensuite, ils vont tenter de rationaliser les points de contact.

La méthode de la théorie des intérêts gouvernementaux : (Braider Currie) Il va se focaliser sur la réalisation des intérêts des Etats plutôt que la priseen compte d’intérêts strictement privés. Le juge doit prendre en considération laréalisation des politiques législatives. C’est cet élément essentiel qui conduit à aboutirà peu près aux mêmes solutions. Imaginons, dans la situation Bablock, les juges

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auraient favorisé les intérêts de la victime car on a en balance la loi canadiennepréfère protéger les assureurs canadiens, et la loi new-yorkaise protège la victime.Mais le but caché de cette méthode, c’est que le juge trouvera toujours à appliquer sapropre loi, la loi du for. Il faudrait quand même une forte personnalité du juge pourqu’il vienne dire que la loi étrangère a de plus forts intérêts sociétales…

La théorie des « principes de préférence » ou la « justice dans chaquedécision »(David Cavers) :

Il prend part entre 2 choses : d’une part les règles de compétence des juridictions etlégislatives et d’autre part les règles de résultat. Et il soutient que la seule chose àprendre en compte, c’est l’idée de justice, et il appartient donc au juge,d’appliquer ce critère et d’envisager le résultat concret de l’application deslois en présence pour déterminer quelle est la loi qui permet d’aboutir aurésultat le plus juste. Mais limites : qu’est-ce que le juste ? Ce qui peut être juste pour le juge ne l’est pasforcément pour le demandeur. Et cela confère un pouvoir trop grand au juge, car c’estlui qui détermine la loi applicable et la justesse du résultat. Et il doit à chaque foisétudier toutes les solutions possibles (ex : un français et un italien se marient enEspagne, il divorce aux Etats-Unis…)

La méthode des considérations déterminantes (Robert Leflar 1966) :Il va essayer de préciser la théorie de Cavers, de la rationaliser, il constate que lesjuges suivent toujours 5 considérations déterminantes pour opérer leur choix :

-la prévisibilité du résultat, la sécurité juridique-l’harmonie des relations internationales -la simplification des tâches du juge-la promotion des intérêts du for-la volonté d’appliquer la loi la plus appropriée

Cette théorie va être appliquée dans la jurisprudence dans un arrêt Clark v. Clark de1966, une femme et son mari se rendent de leur domicile à New Hampshire, à leurmaison de campagne dans le New Hampshire, en passant par le Vermont. Accident devoiture. La femme est blessée. Procès contre son mari. Loi du New Hampshire prévoitl’indemnisation intégrale de la victime. La loi du Vermont prévoit l’indemnisation qu’encas de faute lourde. Les juges vont appliquer les 5 considérations de Leflar : c’est la loidu New Hampshire qui va s’appliquer.

A-t-on à craindre de ces théories anglo-américaines ? Non car elles sont trèspolitiques, trop politiques. Ça manque de sécurité juridique, car ça manque deprévisibilité. Dans un Etat civiliste, on a besoin de règles objectives. En Europe la tendance est de privilégier l’objectivisation des facteurs derattachement, et la solution de compromis à laquelle on est arrivé : c’estqu’on part de l’idée des facteurs de rattachement, en revanche si jamais nosfacteurs sont défaillants ou lacunaires, alors les juges pourront utiliser lesméthodes américaines. Ce sont des méthodes subsidiaires pour pallier lesméthodes classiques, et ce dans un souci de sécurité juridique.

Chapitre 2 : LA METHODE CONFLICTUELLEINDIRECTE CLASSIQUE APPLIQUEE

Les juges français ne sont pas spontanément enclin à appliquer la règle des conflit.Quelle doit être leur réaction face à un litige qui présente manifestement un élémentd’extranéité, mais qui n’est pas soulevé par les parties ? Le juge doit-il le souleverd’office ? Ou peut-il le faire (ou se taire) ? Est-ce que la règle de conflit s’impose aujuge ?

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Et une fois qu’on a décidé d’appliquer une loi étrangère , comment en déterminer lecontenu ?

Section 1 : La mise en œuvre de la méthode conflictuelle

I) Le rôle du juge et des parties :

Le juge saisi d’un litige avec un élément d’extranéité a-t-il l’obligation d’appliquer larègle de conflit ? Peut-il se prévaloir d’un élément d’extranéité non soulevé par lesparties ? A priori non, car selon le CPC, le procès est la chose des parties. Mais questionfortement débattue.

A) Pouvoir ou devoir du juge ? Nombreux revirements de jurisprudence.Cass, 1 ère , 12 mai 1959, Bisbal : 2 époux espagnols demandent au juge français deprononcer la conversion de la séparation de corps prononcée en Espagne en divorce.Ils rédigent leur demande en se fondant sur le droit français. Le juge français prononcele divorce. Mais l’un des époux fait appel, en prenant conscience de toutes lesconséquences patrimoniales du divorce. Il vient dire que ce n’est plus la loi françaisequi s’applique, car c’est la loi de nationalité. La CA dit qu’il fallait le demander. La Courde cassation rejette le pourvoi : les règles de conflit n’ont pas de caractère d’OP,il revient aux parties de les soulever, à défaut le juge n’a aucune obligation àla faire d’office.

Cass 1 ère civ, 2 mars 1960, Compagnie algérienne de crédit et de banque : il est tout àfait possible pour le juge du fond de procéder à la recherche du droit compétent, et cemême si les parties ne lui ont pas demandé. Jurisprudence assez critiquable etcritiquée sur 3 points :

-comment concilier cette jurisprudence avec la possibilité qu’a toujours étéreconnue au juge français de soulever d’office la fraude faite à la loi étrangère ?

-il y a un risque de forum shopping. Très facile de cataloguer les tribunauxselon qu’ils aiment ou non le DIP (un tribunal n’aime pas le DIP, il ne le soulèverajamais ; l’autre s’y connaît en DIP, il le soulèvera tout le temps)

-que fait-on de l’article 12 du CPC : le juge français doit régler le litige en vertudes règles de droit applicables. La règle de conflit serait-elle une règle sans sanctionqui permettrait au juge de s’affranchir de l’art 12 CPC ?

16/10/13Face à ces critiques, la Cour de cassation va revenir sur sa jurisprudence. 2 arrêts :Cass civ, 11 octobre 1988, Rebouh et Cass civ, 18 octobre 1988, Schule : Dans l’arrêt Rebouh, il s’agissait d’une action en recherche de paternité dont les 2parties sont algériennes, le juge traite le litige en application de la loi française.Pourvoi en cassation. La cour de cassation casse l’arrêt rendu par la CA enreprochant à cette CA de ne pas avoir d’office recherché quelles suitesdevaient être données suivant la loi algérienne. Ce qui est important, c’est quecet arrêt opère un revirement, mais aussi qu’il a été rendu au visa de l’art 12 CPC.Puis une semaine après avec l’arrêt Schule, il s’agissait en l’espèce d’une successionmobilière : un PDG d’une société française cède à sa maitresse 92 actions de sasociété moyennant le paiement d’une certaine somme d’argent. Pour éviter que cettecession soit une donation déguisée, elle fait un virement d’une banque suisse à unebanque française pour la société, puis le dirigeant refait un virement vers une banquesuisse. Le PDG décède, ses héritiers recherchent où est passé l’argent. Procès. Le jugefrançais s’était appuyé sur les dispositions du Cciv français, il avait qualifié l’opérationde donation déguisée, et d’atteinte à la réserve. L’arrêt est censuré, la Cour decassation venant dire sur l’Art 12 CPC, que la CA aurait dû rechercher, au

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besoin d’office les éléments d’extranéité : le PDG avait eu un domicile en Suisse,les juges auraient dû relever d’office la loi applicable, et la loi helvétique.Revirement total, Bisbal est balayé, le juge doit relever d’office dès lors quele litige présente un caractère international, la règle de conflit. Mouvement debalancier, on passe d’un extrême à l’autre. Il doit relever d’office l’élémentd’extranéité. Rebouh et Schule sont caractérisés par leur généralité : quel que soit lelitige, quelle que soit la règle, le juge doit soulever la règle de doctrine.…La doctrine critique ces décisions, car imposer de soulever d’office toutes les règles deconflit est un vrai nid à conflit, des bombes à retardement. Ces critiques ont unenouvelle fois été entendues, et la Cour de cassation a fait marche arrière.

Cass 1 ère civ, 4 décembre 1990, Coveco : ce n’est pas le revirement au revirement, caron ne revient pas à Bisbal, c’est la même ligne de conduite que Rebouh- Schule,mais avec une atténuation. Dans Coveco, on a une société de transports française, qui avait été choisie pourtransporter du jambon de Hollande en Espagne. Il y a eu un problème avec les frigosdu camion, les jambons arrivent à la frontière espagnole avariés, ils n’ont pas le droitd’entrer en Espagne. La société Coveco, hollandaise, agit en réparation contre lasociété de transport. Les 1ers juges, confirmés en appel, déclarent l’action irrecevable,au motif que Coveco avait été indemnisé par sa compagnie d’assurance. Pourvoi encassation, et là, les avocats de Coveco soulèvent le caractère international du litige. Lejuge français n’a pas de lui-même, d’office soulever le problème du conflit de loi. Apriori Rebouh -Schule devaient marcher, mais le pourvoi est rejeté, la Cour decassation considérant qu’il résulte des énonciations de l’arrêt de la CA que lesparties n’ont pas invoqué à l’appui de leurs prétentions d’autres lois que laloi française en une matière qui n’était soumise à aucune conventioninternationale et où la société Coveco avait la libre disposition de ses droits.

Position relativement claire : c’est une atténuation de l’arrêt Rebouh-Schule : PRINCIPE : le juge doit d’office relever la règle de conflit SAUF dans 2 cas :

lorsqu’il y a une convention internationale : quand la règle de conflitest édictée dans un traité international.

ou lorsque l’on est dans une matière où les parties ont la libredisposition de leurs droits.

La Cour de cassation va assouplir le travail des juges.Rebouh+ Schule impératif sauf si convention internationale (qui contient une règle de conflit)

ou si les parties ont des droits disponibles.

La difficulté c’est que la jurisprudence Coveco est très fortement critiquée, 3 critiquesessentielles :* en quoi l’origine conventionnelle de la règle de conflit modifierait son autorité ? Enquoi cela impacte l’autorité de celle-ci ? Il y a l’art 55 de la Constitution, mais cela nevaut que pour les conflits de normes…* le fait que les parties aient la libre disposition d’un droit permet aux parties d’yrenoncer, mais si elles n’y renoncent pas expressément, le juge a l’obligationd’appliquer la règle. Donc ici violation de l’art 12 CPC.* quelles sont les matières dans lesquelles les parties ont la libre disposition de leursdroits ?

Mais peu d’effets de ces critiques, la Cour de cassation a conservé sa position en lamodifiant à la marge, pour faire semblant d’en tenir compte. - elle ne rend plus ses arrêts au visa de l’art 12 CPC.

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- 2 Arrêts 1 ère civ, 26 mai 1999, arrêt MMA : en l’espèce, c’est une société d’assuranceMMA qui avait été condamnée à assurer un vendeur de silos à grains et à indemniserun agriculteur blessé par l’effondrement d’un silo. L’assureur fait un recours contre lasociété importatrice de ces silos, société étrangère. Elle perd sur la base du droitfrançais. Elle forme un pourvoi en disant que le juge aurait dû soulever le droitétranger, car nous sommes dans le cas d’une vente internationale de marchandises,la Convention de La Haye de 1955 sur la loi applicable pour la vente internationale debiens meubles. A priori elle devait gagner, mais rejet. Avec MMA, on garde lasolution Coveco, mais on fait sauter la 1ère exception, pas d’obligation pourle juge d’appliquer la règle de conflit issue pourtant d’une conventioninternationale, dès lors que les parties ne l’ont pas soulevée et qu’on étaitdans une matière où les parties avaient la libre disposition de leurs droits.Le même jour, Arrêt 1 ère civ, 26 mai 1999, Belaïd : une mère marocaine qui avait donnénaissance à un enfant, et qui forme une action en recherche de paternité contre M.Belaïd sur le fondement de l’art 340 Cciv, sur le fondement du droit français. Les jugesdu fond acceptent. La Cour de cassation casse, en reprochant à la CA, s’agissantd’une matière touchant des droits indisponibles de ne pas avoir recherchéquelle était la loi applicable à la mère, cad la loi marocaine.

Donc aujourd’hui, avec MMA et Belaïd, on fait sauter l’argument de laconvention internationale, on ne conserve que le critère de la matière où lesparties ont la libre disposition des droits ou non :

Si droits indisponibles, le juge doit d’office soulever la règle de conflit Si on est dans des matières avec la libre disposition des droits, alors le

juge fait ce qu’il veut. Il peut soulever le conflit de loi, mais il n’est pasobligé.

Le seul critère aujourd’hui est le critère de la libre disposition des droits. Lorsque les parties ont la libre disposition de leurs droits, il faut qu’elles le demandent.Question : à quel moment doivent-elles demander l’application de la règle de conflit ?En 1ère instance, mais aussi en cause d’appel, ce n’est pas une demandenouvelle. On peut donc le faire à tout moment. Mais peut-on le faire pour la 1ère foisdevant la Cour de cassation ? Pour les parties qui ont la libre disposition de leursdroits, la réponse est non, car on considère qu’il s’agit d’un moyen mélangé defaits et de droit.

Aujourd’hui on est sous le régime du système MMA – Belaïd, avec l’obligation pour lejuge de soulever d’office la règle de conflit dans l’Etat tiers qui donne des droitsindisponibles. Quelques remarques :

il existe quand même, une exception à la règle selon laquelle le juge doitd’office soulever la règle en matière de droits indisponibles : un litigeinternational, des droits indisponibles de paternité, litige tranché sur le droitfrançais, le demandeur invoque dans son pourvoi, Coveco : il dit qu’on est dansune matière avec des droits indisponibles, le juge devait soulever d’office, etelle ne l’a pas fait. Il se peut que la Cour de cassation rejette le pourvoi. Il y aun cas où elle ne cassera pas, car c’est l’application de la théorie del’équivalence validée dans un arrêt du 13 avril 1999 : en considérant quepeu importe que le juge ne l’ait pas fait, car dans les 2 cas, le résultataurait été le même (cf : faux conflit de loi).

le système mis en place par Coveco + MMA, repose sur les matières où lesparties ont des droits indisponibles : à priori la distinction recoupe ladistinction patrimoniale (disponible) et extrapatrimoniale(indisponible).

Cette distinction est aujourd’hui un peu brouillée, en matière contractuelle, on peutêtre face à des droits indisponibles (OP), à l’inverse en matière extrapatrimoniale(divorce, droit de la famille), la tendance est à la contractualisation du droit de la

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famille, cela revient à admettre que l’on aura des droits disponibles en droit de lafamille.

B) Le pouvoir des parties : l’accord procédural :L’idée ici c’est que les parties ont le pouvoir de soulever dans le procès la règle deconflit, ou de se taire. Peuvent-elles au nom de la sécurité juridique d’un communaccord, lié le juge et lui interdire d’appliquer la règle de conflit qui doit normalements’imposer ? Elles vont lui interdire en lui désignant elles-mêmes la loi applicable.Peuvent-elles d’un commun accord, par le biais d’une convention, désigner le droitapplicable et interdire ainsi au juge de soulever la règle des conflits, et de désigner ledroit normalement applicable ? La réponse est positive, et l’on a admis depuis longtemps la licéité des accordsprocéduraux, sous certaines conditions. Le but est un but de sécuritéjuridique, et d’éviter aux parties de subir l’aléa des décisions du juge.

La licéité de ces accords a été posée par l’arrêt 1 ère civ, 19 avril 1988, Roho, complétépar l’arrêt 1 ère civ, 6 mai 1997, Hannover international : la règle est simple, dans lesmatières où les parties ont la libre disposition de leurs droits, elles peuvents’accorder sur l’application de la loi du for en lieu et place du droit étrangernormalement désigné par la règle des conflits. L’intérêt de l’accord procéduralest de garantir que le juge ne soulèvera pas la règle des conflits, lorsqu’il a une option.En revanche, cet accord procédural n’a aucune valeur, et ne produit aucun effet,lorsque l’on est face à des droits indisponibles.

Quelle est la forme de cet accord, qui est en fait un contrat spécial de DIP ? Cela a étéà l’origine d’une petite controverse jurisprudentielle : cet accord doit-il être exprès oupeut-il être implicitement dégagé à travers l’écriture des accords des parties ? - Initialement la Cour de cassation avait opté pour l’accord explicite : les partiesdevaient manifester très clairement leur volonté, leur accord.- Dans l’arrêt Hannover, 6 mai 1997, la 1ère civ a assoupli sa position, en estimantqu’un accord procédural pouvait résulter des conclusions concordantes desparties invoquant une loi autre que celle désignée par un Traité, le contratou par la règle de conflit.C’est souple, avantageux, mais ce n’est pas tellement justifié du point de vuejuridique. Mais le risque c’est que dès lors qu’il y ait une concordance des conclusionsdes parties sur le litige, alors les juges considèrent qu’il y a un accord procédural, alorsmême qu’elles ne le veulent pas, et qu’elles n’en ont pas eu confiance.Et cela pose encore un autre problème, du seul fait que les parties ne demandent pasl’application d’une règle de conflit étrangère, il y a un accord procédural. Cela pose un autre problème : en cassation, si l’une des parties veut soulever le conflitde loi, les juges ou l’autre partie peut dire, avec les conclusions concordantes desjugements, il y a accord procédural pour le droit français. Cela vide alors de sasubstance la règle selon laquelle les parties peuvent à tout moment, sauf encassation, invoquer la règle de conflit. Hannover est allé beaucoup trop loin.

Mais la 2èmeciv, dans un arrêt du 14 septembre 2006, ne l’a pas accepté, elle estvenue dire que la simple concordance de conclusions ne pouvait pasconstituer un accord exprès. Attention exprès ne veut pas dire formel. Pas besoinque l’acte procédural soit fait dans un acte formel, mais il faut que les partiesexpriment qu’elles ont pleinement conscience de conclure un accord procédural, et detoutes les conséquences que cela implique.

Le contenu de l’accord procédural : que peut-on demander dans un accordprocédural ? Il peut avoir comme contenu, comme objet l’application de la loi du

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for cad la loi française, et nier le caractère international du litige, ce quifacilite le travail du juge. Il applique le droit interne.On s’est ensuite posé la question de savoir si on pouvait aller plus loin et s’il étaitpossible pour les parties de lier le juge el lui demandant d’appliquer un autre droitétranger ? Les parties pourraient choisir librement la loi applicable à leur litige, librechoix de la loi applicable. Mais cette loi d’autonomie est contestée. Il semblerait quepour la Cour de cassation, cela serait possible1 ère civ, 26 mai 1999, Delta Draht : les parties peuvent s’entendre dans le cadrede l’accord procédural, sur l’application d’une autre loi, autre que celle dufor, que celle désignée par la règle de conflit. On peut le faire, mais c’estsuspect. Le juge verra toujours cela comme une fraude à la loi du for, mais s’il necaractérise pas la fraude, il doit l’appliquer.

II) L’identification de la règle des conflits, les problèmes dequalification :

L’étape qui est la plus délicate dans la mise en œuvre de la règle des conflits, estl’étape du choix de la boite à outil, de la qualification de la catégorie de rattachement.

A) exposé du problème : 3 exemples illustrent la difficulté :

1- affaire du Quarté du conjoint pauvre : question de succession, 2 conjoints anglo-maltais se marient à Malte, puis émigrent en Algérie, où le mari achète desimmeubles. Décès du mari, à l’époque, les droits du conjoint survivant sont de 0, et laveuve invoque à son profit, un droit d’origine romaine connu par la loi anglo-maltaise(le Code Rohan), sous le nom de Quarté du conjoint pauvre, et qui permet à l’épouse,de bénéficier d’un quart en usufruit de tous les immeubles de son mari. Elle invoquedevant un tribunal d’Alger le bénéfice de cette disposition. Est-ce que le Code Rohans’applique à sa situation ? Pour répondre à cette question, il faut choisir la boite àoutils, mais laquelle ? *Conjoint survivant peut relever de la boite à outils des successions : dans ce cas-là :lieu d’ouverture de la succession : Alger (France à l’époque), donc pas d’application duQuarté du conjoint pauvre.*mais conjoint relève aussi de la boite à outil des RM, donc loi applicable du lieu du1er domicile conjugal du couple : le droit anglo-maltais. Mais le problème du Quarté du conjoint pauvre, c’est le problème de qualification decette institution ?

-2 ème ex : le testament du Hollandais : un hollandais rédige en France un testament enla forme holographe, il décède, litige entre les héritiers. Selon le droit hollandais àl’époque, seul un testament en la forme authentique n’est valable même s’il est rédigéà l’étranger. En droit français, le testament holographe daté signé est parfaitementvalable.Donc quelle boite à outil ? Est-ce une condition de fond ? Si oui, on prend la nationalitédu testateur (droit hollandais). Ou de forme ? On prend la boite à outil des conditionsde forme des actes juridique, et c’est la loi du lieu où l’acte a été établi, ce sont lesrègles françaises.

-dernier ex : le mariage du grec orthodoxe : un grec orthodoxe épouse en France unefrançaise devant l’officier d’état civil français. Quelques années après, la femmedemande le divorce, et le mari invoque la nullité du mariage au motif que selon ledroit grec, un mariage n’est valable que s’il est célébré devant un prêtre orthodoxe. Lemariage nul ou pas ? Quelle boite à outils ? Est-ce une condition de forme ? Lieu decélébration du mariage. Ou est-ce une condition de fond ? Alors application de la loinationale du mari.

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Si c’est une question de forme, le mariage est valable, si c’est une question de fond, lemariage est nul. Que choisir ?

Ces 3 exemples permettent de bien comprendre le problème, le juge a une situationqui a plusieurs catégories de rattachement, laquelle choisir ? Comment opérer sonchoix ? En vertu de quel droit va-t-il qualifier la situation, pour choisir le droitpermettant de résoudre le litige?

B) L’objet de la qualification :L’opération de qualification commence tout d’abord par l’identification de lasituation, cad par les éléments de fait, cad la prétention du demandeur, pour déciderquelles sont les boites à outil envisageables. La grande difficulté c’est que parfois leséléments ne dépendent, ne correspondent à de catégories connues du juge (quarté duconjoint pauvre, le trust, est-ce droit des biens, droit des contrats, fiducie…)

C) Le choix de la loi de qualification :En vertu de quelle loi va-t-on choisir la boite à outils. 2 options :

une qualification lege fori : Une qualification en vertu de loi du for, cad en vertu de la loi française. Avantage : on a une solution simple, on va raisonner avec des catégories que l’onconnaît, travail simplifié.Inconvénients : on nie toutes conséquences données par la loi étrangère, il peut yavoir une dénaturation de l’institution (ex : trust, le juge français va le classer dans lacatégorie des contrats, ce qui est contraire à la volonté des anglais).

une qualification lege causae : Le juge va demander au droit étranger éventuellement applicable de qualifier lasituation, la catégorie de rattachement.Avantage : on est respectueux du droit étranger.Inconvénient : il y a un très gros problème, la catégorie de rattachement sert àdéterminer le droit applicable, donc si on demande au droit étranger « éventuellementapplicable » de qualifier la catégorie de rattachement qui est nécessaire pourdéterminer le droit applicable. Cette solution est complètement illogique, car ondemande au résultat de valider le point de départ. On demande à un droit étranger desavoir quelle est la catégorie de rattachement pour déterminer le droit applicable,alors qu’on ne sait même pas si elle sera applicable.

Donc le choix, c’est le principe de la qualification lege fori, c’est la loi du forqui s’applique pour qualifier les catégories de rattachement, la position trèsclaire a été posée par la 1 ère civ, 22 juin 1995, Caraslanis : qui correspond au mariagede notre grec orthodoxe : la question de savoir si un élément de célébration dumariage appartient à la catégorie des règles de fond ou à celle des règles deforme doit être tranchée par le juge français, selon les conceptions du droitfrançais. Selon les règles françaises, le caractère religieux ou civil du mariage relèvedes règles de forme.

Le fait que l’on est recours à la qualification lege fori est parfaitement justifié pour 2raisons :-on tranche un conflit de loi avec la loi du juge saisi pour qualifier et

interpréter la règle de conflit.- le conflit de qualification est un processus préalable dans lequel on a aucune idée durésultat, donc vocation universelle subsidiaire de la règle du for. En l’absence detout autre droit désigné, c’est le droit du for qui a vocation à traiter de cettequestion.

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D) La mise en œuvre de la qualification lege fori :Ce n’est pas l’exercice le plus simple : car qualifier en droit français une situationde droit international impose qu’on analyse cette situation et qu’on essaiede la classer dans des catégories prédéterminées.Selon RAAP : l’Etat étranger caractérise ces droits, l’Etat du for les classe.Le juge français doit analyser la situation au vu des critères étrangers, et il classecette institution dans la boite à outils qui sont les siennes, celles du droit français.

1- L’analyse de la situation à qualifier :A ce stade du raisonnement, le droit étranger joue un rôle, le juge françaisdoit ici comprendre la situation de fait, et pour la comprendre, il doitl’analyser en la remettant dans son contexte, et en l’appréciant notammentau regard du droit étranger dont elle est issue. Ex : trust, institution de droit anglais qui opère un démembrement de propriététotalement inconnu en droit français. Qu’ont voulu les parties ? Est-ce un contratrelatif à la gestion d’un bien ? Est- ce une institution du droit des successions pourtransmettre son patrimoine à ses descendants ? Ou est-ce un rôle de garantie que l’onclassera alors dans le droit des sûretés ? …Donc pour déterminer cela, il faut la replacer dans son contexte, véritable opérationde droit comparé.

2- La détermination des catégories : l’empire de la loi du forUne fois qualifiée, il faut faire rentrer cette institution dans les catégories dufor. Ex : quarté du conjoint pauvre cela correspond au droit des RM plutôt que dans lessuccessions.On n’utilisera toujours que les catégories du for, ce qui peut parfois poser problèmepour les institutions qui sont à cheval sur plusieurs catégories. Ex : avant la loi 17 mai 2013, le juge français était saisi d’une question portant sur lemariage de 2 personnes de même sexe mariées en Hollande. Demande deséparation. On analyse la situation, quelle boite à outil ? Le mariage mais c’estqu’entre 1 homme et 1 femme. Ou pacs ? Idem pour le mariage polygamique : boite mariage ?Donc voilà on est confronté à des difficultés, mais une chose est sure, le juge nepeut pas écarter la règle des conflits au seul motif qu’il y a un problème dequalification, et que la situation soulevée ne correspond pas à une catégoriede rattachement du for car ce serait un déni de justice.DONC dans tous les cas de figure, il devra choisir une catégorie derattachement, celle qui se rapprochera le plus de la situation donnée, mêmesi la concordance n’est pas totale.

E) Le domaine de la qualification lege fori :

Une difficulté : la qualification lege fori n’intervient qu’au stade de laqualification des catégories de rattachement, ce qu’il faut comprendre, c’est quecette qualification nous permet de choisir la règle de conflit, qui vadéterminer la loi applicable.Ex : quarté du conjoint pauvre doit être tranché en fonction de la loi étrangère le juge doit reprendre tout le dossier pour trancher le litige.Donc après avoir la loi applicable, le juge doit l’appliquer pour résoudre le litige. Doncparfois, il doit résoudre le litige à la lumière du droit étranger, cad comme un jugeétranger, il doit qualifier les faits selon le droit étranger, ce ne sont pas du tous lesmêmes qualifications des catégories de rattachement.DONC 2 étapes.Ex : accident d’un taxi en Allemagne conducteur français, passager allemand :

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Loi française boite à outil délictuelle lieu de l’accident en Allemagne. On applique le droit allemand, au regard du droit allemand, la situation relève de la responsabilitécontractuelle.Dans un tel cas, doit-on admettre le renvoi de qualification ? La Cour decassation a dit que NON, ce n’est pas possible. Arrêt 1 ère civ, 11 mars 1997. C’estlogique car admettre le renvoi de qualification nous conduirait à tomber sur un cerclevicieux (cf : qualification lege causae), ce serait une incohérence. Et en plus, les 2 étapes sont parfaitement indépendantes, on ne peut pasremettre en cause la 1ère étape de qualification et de désignation de la loiapplicable. Après on applique le droit désigné.

23/10/13III) Les conséquences de la règle de conflit : l’application du droitdésigné

On est à la fin du processus de désignation du droit applicableMais les difficultés commencent lorsque la règle de conflit désigne comme règle dedroit applicable un droit étranger.-Mais quel est le statut procédural du droit étranger ? Comment le considérer ?Question importante car ça va conditionner la preuve du contenu de ce droit étranger.-Comment interpréter ? Qui va interpréter un droit étranger ?

A) La connaissance du droit étranger désigné :Qui va avoir la charge de la preuve ? La réponse à cette question dépendessentiellement de la qualification procédurale donnée au droit étranger.

1- Le statut procédural de la loi étrangère :En théorie, 2 approches sont possibles par rapport au droit étranger :

le droit étranger désigné est avant tout et surtout du droit. Conséquences : art 12 CPC, le juge tranche le litige conformément aux règlesde droit qui lui sont applicables. L’art 12 ne distingue pas droit français/ droitétranger. Donc le juge est tenu de trancher le litige en application des règles de droitétranger. Il est présumé les connaître : « jura novit curia » : les juges connaissent ledroit. La Cour de cassation pourra l’interpréter comme n’importe règle de droit.Cette position se défend sur le plan intellectuel, théorique, mais sur le plan pratique, ily a un gros problème, et d’ailleurs toute la jurisprudence de la Cour de cassation esten équilibre entre respect des principes, et la réalité pratique. Le problème, c’est quetout le boulot revient aux juges, une fois que les parties ont soulevé la règle de conflit.A partir de là a été développée une 2ème approche.

le but est d’impliquer les parties dans la recherche du droit étranger. L’idée c’est de se fonder sur l’art 9 CPC selon lequel il incombe à chaque partie deprouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de saprétention. Cette approche repose alors sur une dénaturation du droit étranger donton nie au plan français, le caractère du droit, pour lui reconnaître le statut de faits. Alors le droit étranger est-il du droit ou des faits ? Question posée à la Cour decassation, qui n’a pas véritablement tranchée, elle a adopté une solution decompromis, car aucune des 2 approches n’est exclusivement satisfaisante. Car sur leplan théorique, il est très difficile d’affirmer que le droit étranger est du fait, même s’ilest dépouillé de son caractère impératif du point du vue du juge français. Mais lesrègles de DIP lui imposent de l’appliquer. Mais d’un autre côté, le juge français ne peutpas connaître tous les droits, c’est une pure fiction.

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a) L’évolution jurisprudentielle sur la question : 2étapes essentielles :

Arrêts Lautour, et Thinet : la preuve est l’affaire des parties. L’arrêt Lautour, 25 mai 1948 a posé un principe général sur la preuve de la loi

étrangère. Les faits : accident de voiture en Espagne, une victime française, assigne en Franceson adversaire espagnol, sur la base du droit français. En défense, le responsable del’accident invoque l’application du droit espagnol. Matière délictuelle loi du lieu desurvenance du dommage donc loi espagnole. Il n’apporte pas au débat le contenu decette loi espagnole. La Cour d’appel écarte ce droit et applique le droit français. LaCour de cassation va adopter une position un peu particulière : c’est vrai, c’est auxparties d’apporter la preuve du contenu. Mais la CA ne s’était pas posée la question,mais quelle partie ? Demandeur ou défendeur ? En l’espèce, c’est le défendeur qui asoulevait la difficulté, qui a demandé l’application du droit espagnole. La CA pense quece serait celui qui invoque le droit étranger qui doit le prouver. Mais la Cour decassation casse et en revient aux procédures de droit civil, c’est celui qui estl’auteur de la prétention qui doit la prouver en fait et en droit, pour quecelle-ci aboutisse. Donc c’est celui dont la prétention est soumise au droitétranger, ici le demandeur qui doit apporter la preuve du contenu de cedroit.

Ce système Lautour va être complété par l’arrêt Thinet, 24 janvier 1984 : La charge de la preuve repose sur l’auteur de la prétention, que celui-ci soitdemandeur ou défendeur. Dans cette 1ère étape, c’est l’application de l’art9 CPC : l’auteur de la prétention doitamener les éléments justifiant le droit étranger. Cette jurisprudence est très favorableà l’adversaire de l’auteur de la prétention, car il suffit qu’il soulève la règle de conflitpour mettre l’auteur de la prétention en difficulté.2ème problème de cette jurisprudence : elle fonctionne très bien dans un systèmebisbalien, où le juge est neutre, et qu’il n’a aucune obligation de soulever la règle deconflit. Mais cette jurisprudence devient compliquer lorsque le juge va être obligé desoulever d’office la règle de conflit.

L’évolution de la jurisprudence liée à l’obligation de soulever d’office de la règlede conflit :

Jurisprudence Rebouh-Schule-Coveco-MMA

En présence de droits disponibles des parties :La jurisprudence va aligner ces arrêts avec une exception : dans les cas oùl’application d’office de la règle de conflit ne s’impose pas au juge, car lesparties ont la libre disposition de leur droits, c’est à la partie qui invoque ledroit étranger d’en établir le contenu. 1 ère civ, 5 novembre 1991, Masson et lachambre commerciale s’est alignée Com, 16 novembre 1993, Société AmerfordDans l’arrêt Masson, la Cour de cassation considère que la partie qui invoque le droitétranger, qui soulève la règle de conflit, doit prouver l’intérêt qu’il y aurait pourelle à demander l’application de ce droit étranger. Cela suppose qu’elledémontre la différence de solution de l’application du droit étranger parrapport à celle du droit français. Cela met à la charge de celui qui soulève la règlede conflit, les éléments de preuve du contenu de ce droit étranger.En venant dire cela, la Cour répond aux difficultés de la jurisprudence Latour-Thinet.S’il ne rapporte pas la preuve de l’intérêt du droit étranger, le jugetranchera le litige sur la base du droit français. Ici le critère de l’intérêt se substitue à celui de la prétention de lajurisprudence Lautour-Thinet.

En présence de droits indisponibles des parties :

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Quand on est en présence de droits indisponibles, le juge doit souleverd’office la règle de conflit. On ne pouvait pas justifier la mise à l’écart du juge dansla preuve du droit étranger qu’il a lui-même soulevé. La Cour de cassation a considéréici que dans ce cas, la preuve du droit étranger était aussi de l’office dujuge. C’est aussi l’affaire du juge. Il était nécessaire d’adopter une telle solution.Imaginons qu’on est dans un litige avec des droits indisponibles. Le juge soulèved’office la règle de conflit. Si les parties restent passives sur la recherche du contenudu droit étranger car elles ne voulaient pas que le droit étranger s’applique à leurlitige, le juge qui est tenu de trancher, sera obligé de trancher avec la loi universelledu for, cad le droit français. Cela vide de sa substance la jurisprudence Rebuh-Schule-Coveco-MMA. Donc si le juge soulève d’office la règle de conflit, il doits’impliquer personnellement dans la recherche du contenu du droit étranger.1 ère civ, 1 er juillet 1997, Driss Abbou : l’application de la loi étrangère désignéepour régir les droits dont les parties n’ont pas la libre disposition imposeaux juges français de rechercher la teneur de cette loi. Si le juge n’a pas l’obligation d’office de soulever la règle de conflit, et qu’il prendl’initiative de soulever la règle de conflit alors qu’il n’en est pas obligé, il doit alorss’impliquer dans la preuve de la loi étrangère même lorsqu’il s’agit de droitsdisponibles : 1 ère civ, 24 novembre 1998, société Lavazza France

b) Le droit positif actuel : Le principe collaboratif :Par 2 arrêts du même jour, l’un de la Chambre civile, et l’autre par la Chambrecommerciale :Arrêts 1 ère civ,28 juin 2005, Société Aubin Ch com, 28 juin 2005, ItracoLa jurisprudence a affiné sa solution de compromis et elle a posé le principe selonlequel il incombe désormais au juge français qui reconnaît applicable un droitétranger d’en rechercher, soit d’office, soit à la demande d’une partie quil’invoque la teneur avec le concours des parties et personnellement s’il y alieu, afin de donner à la question litigieuse une solution conforme au droitpositif étranger.On abandonne Masson et Amerford : Dans tous les cas, il y a obligation au jugefrançais de s’impliquer.

2enseignements : collaboration : c’est désormais au juge qu’incombe la tâche d’établir

principalement le contenu du droit étranger, étant précisé, qu’il peutsolliciter le concours des parties, mais si celles-ci ne bougent pas, il nepeut pas se dérober à son obligation, il devra rechercher lui-même. Lerisque que le juge se trouve face à l’inertie totale des parties est réduit, cardans tous les cas, c’est le droit étranger qui va s’appliquer, les avocats vonttout faire pour remporter le procès en vertu du droit étranger. Naturellement ily aura collaboration, et naturellement, les avocats apporteront la matière dudroit étranger. L’inertie des parties sera extrêmement rare, lorsque l’avocatn’est pas investi, cela dans le cas où l’avocat est à l’AJ, car il n’a pas de temps,ni l’argent.

unification : l’apport essentiel des arrêts de 2005, c’est l’unification durégime. Le caractère disponible ou indisponible des droits n’a plusaucune incidence, un seul régime : le principe de la collaboration du juge etdes parties, et l’implication personnelle du juge pour rechercher le contenu dela loi étrangère.

2. Les moyens de preuve :

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Arrêt 1 ère civ,21 juillet 1987 : C’est le principe de la preuve par tous moyens. Mais iln’en demeure pas moins qu’il y a des moyens qui sont plus ou moins préconisés, quece soit au niveau du juge ou des parties.

a) Les parties :Quels sont les moyens les plus fréquemment utilisés ? Site équivalent Légifrance, maisse pose le problème de la fiabilité de la traduction. Et il y a un doute quant à la fiabilitédes informations, de l’authenticité de celles-ci.Donc quand on veut bien faire le travail, les parties ont recours à des certificats decoutume : c’est une attestation écrite, rédigée en français qui se présente en faitsous la forme d’une véritable consultation que l’on demande soit à un organeconsulaire, soit à un juriste étranger et qui va expliquer comment s’applique ce droit.La valeur de ces certificats de coutume n’est pas obligatoire vis-à-vis du juge, elle vadépendre de la notoriété de son auteur, c’est au juge d’apprécier librement lavaleur de ces certificats de coutume.Le problème c’est que ce certificat de coutume n’est pas gratuit, il est rémunéré parles parties qui le demandent. Et puis les consultants rendent leur consultation enfaveur de leur client.Différence entre le juge français et le juge anglo-américain : en procédure anglo-américaine, l’expert qui a délivré le certificat de coutume est soumis à l’interrogatoirede la partie adverse. Cela permet au juge d’apprécier le caractère intègre, ou impartialde ce certificat.

b) le juge :S’agissant du juge, il a à sa disposition : sa connaissance personnelle, mais demanière beaucoup plus fréquente, il peut avoir recours à un expert ou à consultant(art 256 à 262 CPC). La Cour de cassation l’a admis, car le droit étranger est commeun élément de fait, le juge peut avoir recours à un expert ou un consultant. Se posealors la question du coût.Peut-il le faire en interne ? Peut-il désigner un expert sur un divorce interne ? NON carle droit est l’office du juge, or l’expert connaît le côté technique.Le juge a également comme moyen la Convention de Londres du 7 juin 1968, qui estaujourd’hui en vigueur dans 43 Etats et qui oblige les Etats signataires à mette enplace un bureau international, une autorité qui donne des informations à la demanded’un autre Etat, et ce, dans les domaines civil, commercial, et pénal. C’est gratuit, etgénéralement fiable. Mais totalement inconnu : moins de 20 demandes par an.

3. Le défaut de preuve de la loi étrangère : Depuis les arrêts de 2005, cette question ne se pose que dans des cas extrêmementrares : quand les parties et le juge se heurteront à l’impossibilité avérée d’établirle droit étranger. Dans ce cas uniquement, on fera application du principetraditionnel : le droit français s’appliquera en vertu de sa vocationuniverselle subsidiaire. Mais attention, la Cour de cassation veille. Il faudra que le juge démontre qu’il étaitdans l’impossibilité d’obtenir, même personnellement, le contenu de la loi étrangère. Ily a un contrôle de la Cour de cassation.

B) L’interprétation du droit étranger et son contrôle : Le juge saisi d’un litige doit interpréter le droit applicable, quand bien même ce seraitun droit applicable étranger. Question : La Cour de cassation peut-elle contrôler cetteinterprétation faite par les juges du fond? 1 principe et 2 atténuations.

1- Le principe : le refus de contrôlePour la Cour de cassation, l’interprétation de la loi étrangère relève del’interprétation souveraine des juges du fond. Donc pas de contrôle.Irrecevabilité du moyen tiré de la fausse interprétation du droit étranger. C’est un

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arrêt très ancien du 25 septembre 1829 qui a posé ce principe, qui n’a jamais changé.3 raisons simples du refus du contrôle de l’interprétation :- une raison fondamentale tenant à la fonction même de la Cour de cassation : ellea une fonction régulatrice de la jurisprudence et du droit français. Elle veille à l’unitédu droit français. Ce n’est pas son rôle de veiller à l’unité du droit étranger. - une raison technique : Peut-on décemment sanctionner un juge du fond pour avoirmal interprété au vue des éléments fournis d’une règle de droit qui n’est pas la sienne,et qu’il est censé connaître ?- une raison diplomatique : La Cour de cassation ne peut pas donner des leçonsd’interprétation aux Cours et aux juges étrangers. D’autant plus, si elle donne uneinterprétation farfelue.

2- Les 2 atténuations : le contrôle détourné de la loi étrangère la dénaturation :

Distinction très subtile entre interprétation et dénaturation, la Cour de cassation necontrôle pas l’interprétation, en revanche, elle contrôle la dénaturation qui a puêtre faite du droit étranger. Cette subtile distinction a été opérée dans un arrêt 1 ère

civ, 21 novembre 1961, Montéfiore: il s’agissait d’interpréter un texte belgeconcernant les relations entre la métropole et l’ancienne colonie congolaise, la Cour decassation a reproché au juge français d’avoir dénaturé non pas la loi belge, mais lesens d’un document législatif. Ici la Cour de cassation parle de dénaturation d’un « document législatif », et cet arrêta été rendu au visa de l’art 1134Cciv, droit des contrats. Ce qu’a fait la Cour decassation, c’est qu’elle s’est inspirée du droit de contrôler la dénaturation d’un contrat,le juge ne peut pas dénaturer une clause stipulée dans un contrat. Elle reproche aujuge d’avoir dénaturé les clauses du document constatant le droit étranger, assimilé àun contrat. Cela permet à la Cour de cassation d’en contrôler la dénaturation.La Cour de cassation est quand même très réticente à faire application de cettejurisprudence (5arrêts maximum depuis 1961). Arrêt 6 décembre 2005, Société NestléFrance : La Cour de cassation a abandonné la référence à l’art 1134, elle se contentede l’art 3 Cciv.

les motifs : La Cour de cassation contrôle les motifs. Conséquences : elle va vérifier que lamotivation du jugement fondée sur le droit étranger soit suffisante. Elle necontrôle pas l’interprétation des juges du fond, mais la consistance des motivations.Ce n’est pas du qualitatif, mais du quantitatif. Il faut que le juge énonce clairement lesens donné au texte du droit étranger. Le juge doit à chaque fois indiquer sur quelstextes il fonde sa décision. Et cela est soumis au contrôle de la Cour de cassation.

Section 2 : La mise en œuvre perturbée de la règle deconflit :

Il peut y avoir des grains de sable qui grippent la machine permettant l’application dela règle de conflit. Il y a 2 grains de sable : - l’éviction du droit étranger- le temps

I) L’éviction de la loi étrangère normalement désignée :

3 phénomènes peuvent conduire à l’éviction de la loi étrangère par le juge :- le résultat est choquant et heurte la conception de l’OP- la fraude à la loi : le juge peut écarter l’application du droit étranger normalementdésigné, quand il se rend compte qu’une partie a frauduleusement bidouillé unélément de rattachement afin d’échapper à l’application du droit français, et se posersous l’empire d’une règle étrangère.

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- le juge a toujours la possibilité d’écarter le résultat normalement obtenudès lors qu’il considère que le droit désigné n’est pas, in concreto, enl’espèce, le plus approprié.

A) L’exception d’OP :De prime abord, elle peut sembler la plus simple, mais c’est la plus compliqué, car ilest difficile de délimiter les contours de cette notion d’OP.

1- Les notions d’OP :Le juge doit écarter toute loi étrangère contenant des dispositionscontraires à nos valeurs fondamentales. Mais la situation n’est pas aussi nette, eton éprouve en DIP de grandes difficultés à définir ce qu’est véritablement l’OP. Cartout dépend du point de vue que l’on adopte et de la perspective que l’on prend.Plusieurs notions.

a) L’OPIF : ordre public international français (≠ OPI² : ordre public internationalinternational)Arrêt Lautour, 1968, la Cour de cassation, énonce à propos de l’art 1384 français dontune partie demandait l’application, alors que la loi espagnole normalementcompétente ignore la responsabilité du fait des choses énonce que l’OP interne n’aà intervenir qu’au regard des choses utilisées en France au moment del’accident, sous la seule réserve des principes de justice universelleconsidérés dans l’opinion française comme douée de valeurs internationalesabsolues, principe non remis en cause en l’espèce.Accident en Espagne, la victime demande l’application du droit français, leresponsable invoque le droit espagnol. Il vient dire que l’Art1384 est d’OP en droitfrançais, or la Cour de cassation vient dire qu’il n’est impératif qu’en France.Analyse de cet arrêt : L’OPIF ne correspond pas à l’OP interne (toutes lesdispositions impératives que les parties ne peuvent pas écarter du fait de leurvolonté). C’est normal, car sinon ce serait la fin du DIP dans de nombreuses matières(divorce, famille…). Et la Cour précise que cet OPIF est composé des principes dejustice universelle considérés comme tels dans l’opinion française. Mais qu’est-ce quesont les principes de justice universelle ? Le contenu : la jurisprudence a affiné sa théorie des principes universels : 3grandes catégories :

oCe sont les règles et principes constituant les fondements politiqueset sociaux de la civilisation française. Ce sont les principessupérieurs sous-tendant le Code civil : le droit de propriété, la libertématrimoniale, l’égalité civile, la monogamie, la force obligatoire descontrats, la laïcité, l’indisponibilité du corps humain…

oCe sont les principes et règles qui assurent la sauvegarde decertaines politiques législatives : cette expression a été dégagéedans l’arrêt Antunes, 21 mars 1999 . Quelle différence avec la 1ère

catégorie ? L’explication que l’on peut apporter est la suivante : Dans la 1ère, c’est que la force obligatoire est unanimement admise, cesont des principes qui font consensus au sein de la population française. Dans la 2ème, c’est plutôt une politique volontariste du législateur, mêmes’il n’y a pas consensus de la population. C’est la différence entreconsensus et imperium. Ce sont des principes importants aux yeux dulégislateur, c’est pourquoi il les impose à la population.

oCe sont les principes de justice naturelle communs (inceste,esclavage) qui dépassent le simple cadre français.

L’effet relatif des principes de justice universelle: sous la seule réserve des principesde justice universelle considérés dans l’opinion française comme douée de valeursinternationale absolues : principes relatifs, ils sont fonction de l’état des mentalités, dela société française : donc relativité dans l’espace (au regard de la société française)

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et dans le temps (les opinions évoluent, donc le contenu de l’OPIF va évoluer enfonction des mentalités).

b) L’OPI² : (ordre public international international). Existe-t-il un OP véritablementinternational ? Aujourd’hui la majorité de la doctrine moderne admet que cet OPI²existe bien, même si à priori il peut faire double emploi avec la 3ème catégorie évoquéeprécédemment, avec la notion de justice naturelle. Même si le contenu peutparaître identique, il est nécessaire de distinguer OPIF et OPI², car on va attribuer àl’OPI² une autre fonction : L’OP réellement international, on va s’en servir pourappliquer directement au litige un certain nombre de règles d’OP et que lesjuges étatiques mais surtout arbitraux vont devoir respecter de plein droit. C’est un ensemble de règles impératives d’application immédiate et de pleindroit par le juge. On l’utilise surtout en lex mercatoria, en droit des affaires (abolitiondu travail des enfants…)Le contenu est donc presque le même, mais l’OPI² est d’application immédiate quelque soit le droit applicable. C’est ça qui trouble : c’est presque la même chose, auniveau du contenu, mais pas au niveau de la fonction, ça ne sert pas à la même chose.

6/112- La mise en œuvre de l’OPIF : 2 façons de reconnaître une loi contraire à l’OPIF?

oune analyse in abstracto : Ici c’est le principe, c’est le 1er critère utilisé : on va analyser le contenu de la loiétrangère. C’est un principe qui a été affirmé dans l’arrêt Lautour, lequel affirme quele contenu de la loi étrangère ne doit pas heurter les principes de justiceuniverselle. On vérifie que le contenu ne heurte pas les principes de justiceuniverselle, le principe d’OPIF. En pratique l’analyse in abstracto conduit à écarter lesrègles contraires à l’OPIF, essentiellement dans un domaine qui est celui du droit de lafamille. Sont généralement considérées comme ayant un contenu contraire à l’OPIFtoutes les lois qui organisent les situations familiales, ou structurent les relationsfamiliales sur des bases qui ne sont pas celles structurant la société française.Ex : 2époux de nationalité étrangère, ayant tous les 2 une loi nationale reconnaissantle mariage polygamique. Ils sont installés en France. Peuvent-ils solliciter en Franceune union polygamique ? Non, l’OPIF écarte la loi commune des futurs époux, àlaquelle on va substituer la loi française. La situation est différente si ces époux se marient régulièrement dans leur Etatd’origine, et reviennent en France. Le juge français doit-il reconnaître le mariagepolygamique ? Oui, dans ce cas-là on va admettre les effets du mariage polygamique.

oune analyse in concreto :Analyse qui peut compléter cette analyse in abstracto. Cette loi a vocation à êtreappliquée, donc le juge va analyser le résultat concret de l’application de la loià la situation donnée. Et la contrariété de la loi à l’OPIF sera caractérisée dès lorsqu’elle conduit à un résultat lui-même contraire à cet OPIF. Dans la plupart des cas,l’analyse in concreto sera confirmée, ça coïncide, mais pas toujours. Pour reprendre un exemple courant, prenons l’hypothèse d’une loi étrangère qui validela notion de dommages-intérêts punitifs. In abstracto, une telle loi serait considéréecomme contraire à l’OPIF, car nous on pose le principe de l’adéquation entre lemontant des dommages-intérêts et le préjudice subi. Mais imaginons que in concreto,l’application de cette loi aboutit à des dommages-intérêts certes supérieurs, mais dansune proportion tout à fait raisonnable. Alors ce n’est pas contraire à l’OPIF. Donc danscertains cas, ça peut servir à infirmer et à valider l’application d’une loi étrangèremême si celle-ci serait in abstracto contraire à l’OPIF.

Une fois que l’on a caractérisé la contrariété de la loi étrangère à l’OPIF, unmécanisme d’exception va se déclencher, on parle ici d’exception d’OP.L’exception d’OP fait partie intégrante de la règle de conflit, de la méthodeconflictuelle. C’est une grande différence avec les lois de police, ou l’OPI² qui sont

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des lois d’application immédiate (pas besoin de se demander quelle est la loiapplicable). Donc on applique notre exception, quels effets ?

3- Les effets de l’exception d’OP :

L’effet de substitution :On substitue à la loi étrangère dont le contenu est contraire à l’OPIF, la loidu for cad la loi française. L’exception d’OP conduit à écarter la loi étrangère pourlui substituer la loi du for. Cela a été consacré dans l’arrêt Patino, 15 mai 1963 : diplomate bolivien marié avecune espagnole. Rien ne va plus dans le couple. Qu’on regarde la loi bolivienne ou la loiespagnole, il n’y en a aucune qui prend en compte la séparation de corps ou ledivorce. Le juge français considère que des lois qui interdisent aux époux de divorceret de se séparer de corps, sont contraires à l’OPIF, et il va substituer la loi bolivienne laloi française, et il va séparer les époux de corps. Pourtant aucun des époux n’a lanationalité française. C’est la substitution lege fori. Se pose une question : on les aséparés de corps selon la loi française. Quels sont les effets sur les effets patrimoniaux ? Il y a un effet automatique surle régime patrimonial des époux, car cela entraîne de plein droit un régimede séparation de biens.Le problème c’est que le RM des époux est régi par le droit bolivien. Mais la loibolivienne ne reconnaît pas la séparation de corps, donc selon celle-ci, on ne peut pasaboutir à une séparation de biens. Que doit faire le juge français concernant les effetspatrimoniaux ? Se pose la question de l’étendue de l’effet de substitution. Quelle estl’étendue de cette substitution ? Imaginons on a une loi étrangère avec une partie/ une disposition de cette loi contraireà l’OPIF,

est-ce qu’on évince la totalité de cette loi étrangère et on applique la loifrançaise,

ou alors on évince que cette partie contraire à l’OPIF, et on fait une sorte depatch work, on lui substitue une partie de la loi française. Alors on crée unmonstre juridique, et pas sûr que la greffe prenne.

Il y a une hypothèse intermédiaire dégagée par l’arrêt Patino, l’idée c’est quela substitution s’opère au niveau des dispositions de la loi étrangèrecontraires à l’OPIF ainsi qu’aux dispositions qui sont le corollairenécessaire de cette visée par l’exception d’OP.

Dans l’affaire Patino, on a substitué un régime de séparation de biens car on aconsidéré que les effets d’ordre patrimonial étaient un corollaire nécessaireà la mesure prononçant la séparation de corps.La tendance est actuellement d’étendre l’effet de substitution sans aller à l’évictiontotale de la loi étrangère, car sinon ce serait remettre en cause la loi conflictuelle. Maison applique assez largement l’effet de substitution pour éviter l’effet patch work. Cen’est pas très satisfaisant de greffer des bouts de loi française sur la loi étrangère.

Les allemands ont une autre solution, ils n’ont pas cet effet de substitution, eux, ils ontun effet d’effacement, ils effacent purement et simplement la loi contraire à l’OPallemand.

L’effet atténué :Parfois l’exception d’OP va produire un effet atténué car on va prendre enconsidération ici, le critère spatial.Point de départ : On sait que l’OPIF peut se manifester à 2 niveaux :

oà l’encontre de la création en France d’un droit sous l’empire de laloi étrangère

oou à l’encontre de l’effet, en France, d’un droit constitué àl’étranger sous l’empire de la loi étrangère.

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L’idée qui apparaît tout de suite, c’est qu’on peut très bien admettre que l’exceptiond’OP n’est pas de la même intensité dans le 1er cas que dans le 2nd.

o Donc si on applique notre critère spatial (où le droit a été constitué), on admetaisément que la norme étrangère ne sera repoussée que si les intérêtsde la société française sont suffisamment concernés. Effet plein del’exception d’OP.

o En revanche, si le droit a été constitué dans un Etat étranger,régulièrement en vertu d’une loi étrangère, et qu’il ne s’agit que de luifaire produire des effets en France, alors on admettra un effet atténuéà l’exception d’OP. En clair, on appliquera l’exception que si les effetsconcrets de l’application de la reconnaissance du droit étranger sont contrairesà l’OPIF.

Cette notion d’effet atténué découle de l’arrêt Rivière, 1 ère civ, du 17 avril 1953 : ils’agissait d’un divorce d’un couple franco-russe prononcé à l’étranger, régulièrementen vertu de la loi étrangère. Le couple revient en France, et veut faire reconnaître dansle cadre d’un litige ledit divorce. Problème, à l’époque, le divorce parconsentement mutuel n’est pas reconnu en France, et est considéré commecontraire à l’OPIF. Toutefois, les juges ont considéré que comme le divorce avaitété prononcé à l’étranger, il ne s’agissait que de reconnaître les effets d’untel divorce, effets concrets ne heurtant pas l’OPIF. Par conséquent l’OP nes’oppose pas aux effets de ce divorce. Effet atténué de l’exception d’OP. Pour quel’effet atténué puisse valablement être invoqué, 2 critères fondent lareconnaissance d’un droit et l’acquisition d’un droit : naissance eteffectivité.

On va prendre en considération le temps :o Pour la reconnaissance, la constitution du droit est passée, o Pour l’acquisition, le droit n’est pas encore né.

Et on va prendre en considération le niveau spatial :oPour la reconnaissance, le droit a été constitué à l’étrangeroPour l’acquisition, exclusivité sur le territoire français.

Même cas aujourd’hui des mariages polygamiquesComment contourner l’effet plein ? Je ne peux pas faire naitre en France un droitcontraire à l’OPIF (effet plein). Donc possibilité de prendre le 1er avion en partanced’un pays qui reconnaît cette acquisition. Puis retour en France (effet atténué).Ces possibilités de détournement ont été depuis longtemps identifiées par lajurisprudence française, et elle a mis en place pour éviter de tels détournements leconcept de la fraude à la loi étrangère. Car ils retournent dans l’autre pays uniquement pour pouvoir constituer une situationqui produirait ses effets en France, ils essaient de se mettre sous l’empire de la loiétrangère sans en bénéficier sur cet Etat. Aucun intérêt légitime. C’est ce que la Cour de cassation a précisé dans l’arrêt Rivière : on ne peutreconnaître un droit acquis constitué en fraude au droit étranger.

Cas des mariages polygamiques, des répudiations… que l’on trouve régulièrement enjurisprudence.Un couple étranger vit en France depuis longtemps, le mari ne supporte plus sonépouse, il devrait normalement demander le divorce. Mais lui il veut la répudier. Il vadans un autre Etat juste pour la répudier, puis revient en France pour l’opposer au jugeet à sa femme. Le juge n’admet pas de reconnaître l’effet atténué de l’exception d’OP,à cause de la fraude.

L’effet réflexe de l’OP :

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On part de la considération que l’OPIF, l’OPI du for. Doit-il dans certains cas allerau-delà et tenir compte d’un OP international étranger ? Est-ce que le jugefrançais peut être amené à prendre en considération l’OPI d’un Etat étranger ? - A priori, on aurait tendance à dire que Non, car sinon on pourrait aboutir à unesituation totalement ubuesque. Un juge français pourrait dire qu’une loi française estcontraire à l’OPI étranger, et doit être écartée. Ce qui est totalement inimaginable.- A posteriori, il existe un débat en doctrine, connu sous le nom de l’effet réflexequi tempère un peu ces positions. La question de l’effet réflexe se pose dans unesituation particulière. L’hypothèse est la suivante : un pays dont les juges, au momentde l’acquisition d’un droit, ont écarté une loi étrangère normalement compétente parexception à l’OP national. Par la suite, le juge français est saisi de la situation.Question : Que doit faire le juge français.Ex : 2 espagnols de religion différente, dont la loi personnelle interdit le mariage. Ilssont en Belgique. Ils veulent se marier. Imaginons que le juge belge écarte la loiespagnole en la considérant contraire à l’OPI belge, et il marie les 2 épouxnormalement. Les époux, quelques années après, viennent s’installer en France, où ilsvont demander le divorce. Le juge français doit se demander s’ils sont bien mariés.Doit-il tenir compte de cet OPI belge ? Doit-il adopter les considérations d’OPI belgepour reconnaître le mariage ? Ou doit-il dire que le mariage n’est pas valable, car nonconforme aux lois nationales des époux ? Position plus pragmatique que dogmatique de la Cour de cassation, la réponse est çadépend. Dans cette affaire, le juge français a reconnu le mariage belge, car si lasituation lui avait été posée, il aurait lui aussi opposé l’exception de l’OPI.

Avec le juge belge, ils ont la même conception de l’OP. Donc le jugefrançais est tenu à l’exception d’OP étranger.

En revanche, le juge français n’est pas tenu par l’exception d’OPétranger dès lors qu’il y a une divergence de contenu entre l’OPétranger et le sien.

Dans ce cas-là, le juge français ne peut pas considérer comme valable une situationqui n’a pas été créée en conformité avec la loi normalement applicable, et qui a étéécartée par un juge étranger au nom de son OPI. Tout dépend de la conception de l’OPinvoqué par le juge étranger.

4- Une notion contestée : l’OP de proximité :Notion à la mode, relativement récente (Courbé)

L’énoncé du principe :Sous l’influence d’une doctrine allemande de la fin du XXème siècle, dite doctrine dulien avec le territoire, Patrick Courbe a émis qu’il y avait lieu de renforcer lafonction instrumentale de l’OP, à travers un renforcement de l’analyse inconcreto du résultat, afin de conditionner l’application de l’OP à l’existenced’un lien suffisamment fort avec la France, avec le for. Contrairement à l’OP plein ou à l’OP atténué, l’OP de proximité ne viserait pas àdéfendre l’IG de la société, mais un droit subjectif concret d’un individu quiprésenterait suffisamment de liens concrets avec la France.Cette théorie n’est pas si révolutionnaire que cela. La Cour de cassation l’appliquaitsans le savoir, dans un arrêt Fontaine,1 ère civ, du 8 mars 1938 : la loi anglaiseinterdisait à la mère de reconnaître son enfant naturel. La Cour de cassation écartel’application de la loi anglaise en invoquant le droit imprescriptible qu’a unemère française de reconnaître son enfant suivant les règles et les formesédictées par la loi française.Ici le mot qui change tout, c’est que la mère est française. La Cour de cassationdéfend les mères qui ont lien fort avec le territoire français, cad les mères françaises.Tout repose sur la notion de lien. Quels sont les liens ? Il y en a 2 :

la nationalité française la résidence sur le territoire français

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Toute une série d’arrêts fait ainsi référence notamment à la nationalité de l’une desparties pour écarter une loi étrangère contraire à l’OP français. C’est le cas en matièrede :

o divorce : 1 ère civ, 1 er avril 1981, Depédro,o de mariage : 1 ère civ, 6 juillet 1988, Baaziz : l’OPIF s’oppose à ce que le mariage

polygamique contracté à l’étranger par celui qui est encore l’époux d’unefrançaise produit ses effets, en France, à l’encontre de celle-ci,

o répudiation arrêts très commentés du 17 février 2004 qui sont l’expressionmanifestement d’une sorte d’OP de proximité : la Cour de cassation prend encompte la nationalité de l’épouse répudiée et dans un autre, elle a pris enconsidération la domiciliation des 2époux même de nationalité étrangère.

o filiation, c’est un cas relativement fréquent, tout simplement parce qu’en vertude la Charia, il y a une règle qui prohibe une action en recherche de paternité,la Cour de cassation dans une série d’arrêts a considéré qu’in abstracto, queces lois prohibant les recherches de paternité n’étaient pas contraires àl’OPIF. En revanche dans un arrêt Latouz, 1 ère civ, 10 février 1993, toujours àpropos d’une loi tunisienne, la Cour de cassation vient dire que cette loi nepouvait avoir pour effet de priver un enfant français du droit d’établir safiliation.

Rôle et place de l’OP de proximité : l’intérêt pratique :

A priori, on pourrait penser que cette notion d’OP de proximité n’a en pratique,strictement aucun intérêt, car normalement un juge français sera toujours saisi d’unlitige où une personne aura un lien fort avec le territoire français. Mais dans l’arrêt 1 ère civ, 10 mai 2006, l’arrêt Léana-Myriam : en l’espèce une mèrealgérienne qui vit en Algérie, avec son enfant algérien qui saisit les juridictionsfrançaises d’une action en recherche de paternité à l’encontre d’un français qui avaitpassé 3 semaines en Algérie et qui était revenu en France. La loi algérienne interdit lesactions en recherche de paternité. On a un seul élément de proximité avec le territoirefrançais : c’est la nationalité du défendeur, supposé père. Question : Quelle est laconformité de la loi algérienne dans ce type de situation ? La loi algérienne n’estpas contraire à l’OPIF, il s’agit de défendre les droits d’un enfant qui n’aaucun point de contact avec le territoire français. Donc pas d’application de l’OPde proximité. La mère est déboutée. On applique la loi de nationalité de la mère, cadla loi algérienne.

place de l’OP de proximité : Il intervient comme un correctif de l’effet plein (à travers le critère matériel) etde l’effet atténué (à travers le critère spatial). - S’agissant de l’effet plein, critère matériel, on se rend bien compte que l’OP deproximité permet de forcer l’effet plein de l’OP dans une instance menée devant unjuge français. - S’agissant de l’effet atténué, sur le critère spatial, l’OP de proximité va permettre decontrer l’effet atténué de l’OP lors d’une instance indirecte menée devant le jugefrançais. Ici on va avoir une décision étrangère qui grâce à l’effet atténué qui aurait dûproduire ses effets en France et qui pourtant grâce à l’OP de proximité va être écarté(ex : mariage polygamique avec une française, qui normalement doit être reconnu,mais qui sera rejeté sur le fondement de l’OP de proximité).Mais petit à petit, les critiques ont été pointées.

Vers un recul de l’OP de proximité :-les critiques de fond : une partie de la doctrine s’est attachée à démontrer qu’unepartie de l’OP de proximité n’était pas un complément, mais était une ruptureproblématique avec l’OP classique entre effet plein et effet atténué. La difficulté tient

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au rôle généralement dévolu avec le lien des règles du for et du déclenchement del’exception de l’OP.L’idée est la suivante : normalement, dans la conception classique de l’OP, les liensentre le for et la situation ne constituent que des critères parmi d’autres pourl’intervention de l’OP (fraude, contenu…)Ce que conteste la doctrine c’est que l’OP de proximité ne reconnaît qu’unseul critère de déclenchement de l’OP de proximité (le lien avec le for) ce quiappauvrit l’exception d’OP. - les difficultés techniques : la mise en œuvre de l’OP de proximité donne lieu à desdifficultés techniques importantes que l’on peut résumer par Quand ? Et Qui ?

Quand ? Dimension temporelle : à quelle date doit-on apprécier la résidenceen France du sujet ? la nationalité de celui-ci ?... ex : une mère algérienne fait naître un enfant sans père qui va avoir lanationalité algérienne, elle vit en France avec son enfant, jusqu’à 14ans, puis ilsretournent en Algérie. 1 an après, la mère fait une action devant les juridictionsfrançaises en recherche de paternité. Dans un 1er temps, la jurisprudence avaitadopté le critère de la résidence actuelle du sujet. On constate aujourd’hui unetendance à l’assouplissement. Certaines juridictions du fond appliquant l’OP deproximité dès lors que l’enfant a été principalement élevé en France.

Qui ? autre difficulté technique est le problème de l’identification duréférant : reprenons l’exemple de la recherche en paternité en matière derecherche de la filiation, 3 acteurs dans l’action (mère, enfant, et supposé père),qui de ces 3 doit présenter un lien avec la France ? On était parti du postulatqu’on devait prendre en considération le titulaire du droit subjectif, cad enmatière de filiation, l’enfant.La nationalité française du père n’est jamais prise en compte pour justifier ledéclenchement de l’OP français, alors que c’est bien lui qui est aux 1ères loges.

La prise en compte de ces critiques : Les critiques n’ont pas été vaines, et elles ont été prises en considération par la Courde cassation et d’autres instances. 2 illustrations :- aujourd’hui, c’est l’arrivée dans le droit positif français de solutions nouvelles quipeuvent augurer un recul voire l’éviction de l’OP de proximité. C’est le règlementRome III du 20 décembre 2010, sur le divorce et la séparation de corps. Rome III vientdire dans son art 10 que la loi du for s’applique lorsque la loi normalementapplicable n’accorde pas à l’un des époux, en raison de son appartenance àl’un ou à l’autre sexe, une égalité d’accès au divorce ou à la séparation decorps. Cette nouvelle disposition permet donc d’évincer toute loi discriminatoire sansqu’aucune exigence de proximité n’apparaisse. Evolution notoire.- arrêt très important de la 1 ère civ, 26 octobre 2011, ce qui est important dans cetarrêt, c’est le silence gardé par la Cour de cassation, sur les liens qu’entretenait avecla France un enfant exerçant une action en recherche de paternité. La CA de Parisavait pris soin d’écarter la loi ivoirienne normalement applicable, en précisant quecette prohibition pour un enfant né en France, et élevé en France était contraire à l’OPfrançais. C’était normal. La Cour de cassation rejette le pourvoi, sauf qu’elle vient dire que la CA avait euraison de décider que ces dispositions étaient contraires à l’OP français, dèslors qu’elles privaient un enfant du droit d’établir sa filiation paternelle.Point.On voit de suite les commentaires faits sur cet article. Comment l’interpréter ?Revirement ou non ? Evolution ou pas ? On peut se dire pas d’évolution, c’est juste unproblème de rédaction. Si elle avait voulu faire un revirement, elle aurait donné uneplus grande visibilité à son arrêt non publié, et elle aurait précisé « quelle que soit lanationalité de l’enfant ». Sinon on se dit que c’est un revirement, car si elle avait voulu maintenir l’approche OPde proximité, elle aurait repris la formule de la CA de Paris en disant que la loi doit être

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écartée car l’enfant est né et élevé en France. Si on adopte cette solution, c’est unvéritable revirement, car la Cour de cassation viendrait dire que, dans ce cas-là, toutesles lois qui prohiberaient les actions en recherche de paternité seraient in abstractocontraire à l’OPIF, effet plein.Depuis 2011, on attend que la Cour précise.

13/11/13B) La fraude à la loi :

Le juge est-il tenu d’appliquer le droit désigné suite au processus de désignation de laloi applicable ? Non, dans toute une séries de cas, si la solution ne lui convient pas, etqu’elle est contraire à certains principes : l’OPIF, et la fraude à la loi.Il est bien certain au motif que la fraude corrompt tout, que le juge français ne pourrapas admettre que des parties à un litige manipulent la règles de conflits, manipulentles éléments de rattachement afin d’échapper à une loi normalement applicable, et ced’autant plus quand elles essaient d’échapper à la loi française. Il s’agit pour lesparties de manipuler les facteurs de rattachement. Mais préalablement, ilfaudra aussi créer artificiellement un élément d’extranéité. Le plus bel ex de fraude à la loi, est celui qui a permis à la jurisprudence de dégagerces principes : arrêt civ, 18 mars 1878 Princesse de Bauffremont : jeune fille belge deson Etat, est devenue française par son mariage avec un vieux prince français, leprince de Bauffremont. Elle tombe follement amoureuse d’un jeune prince roumain, leprince Bibescu. Ils veulent se marier. Le problème c’est qu’à l’époque, en France, onne peut pas divorcer, d’où l’idée pour la princesse d’obtenir en France une séparationde corps, ce qui l’autorise à avoir un domicile séparé de son époux. Elle choisit alorsde fixer son domicile dans le Duché de Saxe allemand qui reconnaît la possibilité pourles citoyens allemands de convertir la séparation de corps en divorce. Elle demandealors la nationalité allemande, elle l’obtient et elle peut faire convertir son jugementfrançais de séparation de corps en divorce. Et dans la foulée, elle va à Berlin se marieravec son jeune roumain. Mais le Prince de Bauffremont ne l’entend pas de la sorte. Ilsaisit une juridiction française afin de faire capoter toute l’opération. Il veut demanderla nullité de la demande de naturalisation de la princesse. S’il l’obtient, la princessen’étant pas allemande, elle ne pouvait pas convertir la séparation de corps en divorce,et par conséquent elle ne pouvait pas se remarier. Tout tombe. Et la Cour de cassationlui donne entièrement raison en adoptant l’attendu suivant : la demanderesse avaitsollicité et obtenu cette nationalité nouvelle, non pas pour exercer les droitset devoirs qui en découlent mais simplement pour échapper aux prohibitionsde la loi française. En d’autres termes, la princesse n’avait aucune envie de devenirallemande, c’était uniquement pour échapper aux prohibitions posées par la loifrançaise. Cet arrêt est la base de toute la jurisprudence de la Cour de cassation concernant lafraude à la loi. Voyons les conditions de l’application de la fraude à la loi.

1- Les conditions :3 conditions cumulatives sont posées par la Cour de cassation :

c’est une utilisation volontaire de la règle de conflit , c’est l’élémentmatériel de la fraude :

La fraude consiste concrètement à une modification volontaire, dans un butillicite, de l’élément de rattachement. Cela suppose donc que l’on soit dans unesituation où ces éléments de rattachement puissent dépendre de la volonté desparties. La modification de l’élément de rattachement est très facile dans certainsdomaines :

- notamment pour la modification du statut personnel : la nationalité, ledomicile ; dans d’autres pays, ça peut être la religion.

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- C’est aussi de façon pratique, en matière d’acte juridique : la forme estsouvent régie par le lieu de passation de l’acte, il suffit de passer l’acte juridique dansun pays tiers pour échapper par ex aux règles de publicité.

- Très facile en matière de statut réel mobilier : lieu de situation d’un bienmeuble, or un bien meuble, on peut le bouger. En revanche, a contrario, les fraudes àla loi en matière de statut réel immobilier sont beaucoup plus rares, voire impossibles :on pourrait éventuellement la rencontrer en changeant le statut de l’immeuble,notamment pour ce qui est immeuble par destination.

c’est l’intention frauduleuse , l’élément intentionnel de la fraude : Toute modification d’un élément de rattachement n’est pas en soit frauduleuse. Onpeut avoir de très bonnes raisons de changer de domicile, de nationalité… Lamodification devient frauduleuse, selon la Cour de cassation, lorsque l’on changel’élément de rattachement pour obtenir un résultat sans accepter lesconséquences les plus essentielles normalement attachées à ce changement.Pour la princesse de Bauffremont, elle ne voulait pas supporter les conséquences de lanationalité allemande, elle ne voulait pas exercer les droits et devoirs attachés à lanationalité allemande.En pratique, toute la difficulté est une question de preuve, et notamment ladistinction entre l’abus et la fraude. Parfois on a le choix entre 2 lois. Peut-onreprocher à quelqu’un qui a fait un choix entre 2 lois, d’avoir choisi la loi la plusfavorable, la plus avantageuse ? Est-ce que c’est frauduleux ? Est-ce que c’estabusif ? La Cour de cassation dit que c’est une appréciation souveraine des juges. Enprincipe non, sauf si le choix était manifestement opéré en fonction d’unseul but.

Concernant la loi fraudée : 2 temps de la jurisprudence : Pendant très longtemps, la Cour de cassation n’appliquait le concept de fraude

à la loi que lorsque la loi fraudée était la loi française. C’était la jurisprudence élaborée sur l’arrêt Mancini, 5 février 1929 : il s’agissait d’uneitalienne qui se fait naturaliser française pour échapper à la prohibition italienne enmatière de séparation de corps et de divorce. Elle fait comme ce qu’a fait la princessede Bauffremont. La Cour de cassation vient dire que cette naturalisation ne lui poseaucun problème, il n’y a pas eu de fraude à la loi française. A la limite les tribunauxitaliens peuvent se plaindre d’une fraude à la loi. La fraude à la loi étrangère esttotalement indifférente aux yeux des juges français. Cette jurisprudences’expliquait parfaitement à l’époque où elle a été rendue.

Aujourd’hui elle est de plus en plus soutenable, elle est de moins en moinsacceptée, et d’ailleurs la Cour de cassation est revenue sur sa position, endemandant aux juges français d’écarter la loi applicable dès lors qu’il ya eu fraude à la loi étrangère :

Arrêt 1 ère civ, 11 juillet 1977, Giroux contre Dame Chartrand : un époux québécois serend à Réno Névada au Canada pour obtenir un divorce qu’il n’aurait pas pu obtenir auQuébec. La Cour de cassation a refusé de prendre en considération le divorce parcequ’il y a eu une fraude à la loi canadienne.

C) Les clauses d’exception :C’est une application de ce qu’on pourrait appeler principe de réalité : en matièrede conflit de lois, quand il s’agit de désigner la loi normalement applicable, on part dupostulat de départ que la meilleure loi sera celle qui aura les liens les plus étroits avecla situation. Et c’est pourquoi on a mis en place le mécanisme des facteurs derattachement, qui théoriquement permettent au juge d’aboutir à un tel résultat.Mais le problème c’est qu’en pratique, l’application des facteurs de rattachement peutconduire à désigner un droit qui ne nous apparaît comme celui qui concrètement a lesliens les plus étroits avec la situation. Les clauses d’exception permettent dansce cas-là d’écarter le droit désigner par l’application mécanique de la règle

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de conflit, pour lui substituer un autre résulter, à savoir le droit de l’Etat quia les liens les plus étroits avec la situation. C’est l’approche pragmatique,l’approche de proximité. Les clauses d’exception sont un correctif à uneapplication trop mécanique de la règle de conflit. En France, ces clauses d’exception sont vues avec méfiance, car elles donnent unpouvoir important au juge, car il a le pouvoir de substituer un droit qui lui semblemieux rattaché à la situation. Ces clauses existaient dans la Convention de Rome 1980, puis suite à l’intervention dela France, elles ont été marginalisées dans le Règlement Rome I, et finalement on neles rencontre qu’en matière contractuelle : c’est l’art 4.3 du Règlement Rome I :lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances de la cause, que le contratprésente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celuivisé aux §1 et 2 (facteurs de rattachement classiques), la loi de cet autrepays s’applique. C’est le seul ex en France. Alors qu’en Suisse, c’est l’inverse, c’est l’un de leur principegénéral qui régit leur DIP ; le juge peut à chaque fois, écarter, la loi désignée, s’il estmanifeste que la situation considérée a des liens très étroits avec un autre droit. Doncil faut que la situation ait des liens très lâches, très distendus avec le droit désigné, etdes liens très étroits avec un autre droit. Ils ont moins de méfiance vis-à-vis de leursjuges.

II) La prise en compte du facteur temps :

C’est un autre cas où la loi désignée va être écartée. Ça va se corser un peu. Il vas’agir de la question de l’application de la loi dans le temps. C’est déjà passimple en droit interne, c’est encore plus compliquer en DIP. Car les droits émanent delégislateurs différents. 3 hypothèses :

- le changement de la règle de conflit elle-même : dimension interne : ledroit interne modifie une règle de conflit. Quelle règle appliquer au litige ?L’ancienne ou la nouvelle ?

- le changement de la loi étrangère désignée par la règle de conflit : onapplique la règle de conflit française, elle désigne un droit étranger, mais la loiétrangère vient d’être réformée. Quelle loi appliquer ? La vieille loi étrangère oula nouvelle ?

- le changement de l’élément de rattachement : c’est un conflit mobile, leconflit se déplace dans le temps et dans l’espace. Quand on commence àappliquer le processus de désignation de la loi applicable, on a un droit meubleen Suisse, mais pendant la procédure, le bien meuble bouge en Espagne.

A) Le changement de la règle de conflit elle-même :On appelle ça en DIP, le conflit transitoire de DIP : c’est l’hypothèse classique où lefor modifie sa règle de conflit. (Pour les vicieux, il y a encore plus compliqué, dansle cadre d’un renvoi, on peut prendre en compte la modification dans le temps de larègle de conflit étranger). Question relativement récente en France, pour une raison simple, pour que le cas seprésente, c’est que la règle de conflit doit être d’origine légale, or pendant longtemps,les sources du DIP français étaient jurisprudentielles. La question s’est concrètementposée à partir de 1972 et 1975, lorsqu’ont été intégrées en matière civile, denouvelles règles de conflit en matière de divorce et de filiation. Face à cette difficulté, la doctrine suivie par la jurisprudence a posé un principe clair :les règles de conflit sont des règles de droit français, donc on n’applique lesprincipes de droit commun de l’application de la loi dans le temps, onapplique les principes transitoires de droit interne, c’est l’Art 3 Cciv.Sauf que très rapidement, on s’est rendu compte que c’était plus compliqué : de quelsprincipes de droit internes s’agit-il ? S’agit-il des principes généraux de l’art 2 ou desrègles spéciales pouvant être énoncées dans les différentes réformes du droit interne ?

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Dans un 1 er temps, la Cour de cassation s’est référée aux principes généraux dudroit transitoire, donc l’Art2, c’est ce qu’elle a décidé dans l’arrêt, 13 janvier1982 Ortiz Estacio, la cour de cassation vient dire qu’il y avait le mêmechamp d’application dans le temps donné à la nouvelle règle de conflitqu’a une règle substantielle de droit interne qui serait adoptée dans lamême matière. Conséquence simple : c’est le droit commun de l’applicationde la loi dans le temps qui s’applique : les 3 principes fondamentaux quirégissent l’application dans le temps en droit interne sont applicables : - application immédiate de la loi nouvelle- réserve des situations juridiques définitivement acquises - et maintien de la loi ancienne pour les effets futurs des situations oucontrats conclus antérieurement.

Les choses se sont un peu compliquées par un arrêt 1 ère civ, 11 juin 1996,Imhoos. Il s’agissait ici de savoir quelle était l’application de la loi dans le tempsde la règle de conflit prévue en matière de filiation à l’art 311-14 Cciv, issu de laréforme de 1972 sur la filiation. La Cour de cassation vient dire qu’il n’y a paslieu de se référer à l’art 2 du Cciv mais aux dispositions transitoiresspéciales prévues à la loi de 1972 réformant le droit de la filiation.

Revirement ou simple atténuation ? La doctrine majoritaire vient dire qu’il n’y a pasd’incompatibilité entre les 2 arrêts Ortiz et Imhoos, et que les 2 peuvent être conciliésen appréciant la valeur de la règle de conflit en question, ainsi que la valeurdes règles substantielles. En clair, il y aurait 2 situations :

soit les règles de conflit ne présentent pas de spécificités, elles ont uncaractère neutre et indirect, ce sont des règles de conflit classiques, dans cecas-là pas de caractère spécial, ce serait la règle de l’arrêt Ortiz quis’appliquerait, référence au droit commun de règle de conflit de l’art 2Cciv.

en revanche, si les règles de conflit sont des règles alternatives(dérogatoires au régime commun), des règles spéciales (car elles reflètentfidèlement le contenu interne de la réforme, elles sont un des élémentsessentiels de la réforme), dans ce cas-là, on applique à l’ensemble lesdispositions transitoires spéciales figurant dans la réforme.

C’est la position que semble adopter la Cour de cassation. Maintenant le législateurest conscient de la difficulté, et il prend soin de prévoir spécifiquement de la loid’application dans le temps.

B) Le changement de loi étrangère dans le temps, loi étrangère désignée par larègle de conflit :On parle ici de « conflit transitoire de droit étranger ».

1-Le principe :L’hypothèse est la succession dans le temps de 2 règles substantielles dansle droit étranger désigné par la règle de conflit. Comment procéder face à cettedifficulté ? Théoriquement il y a 3 systèmes pour le juge français :

1er système rapidement abandonné par la Cour de cassation : système quiconsiste pour le juge français à traiter le droit étranger au regard desrègles transitoires françaises (au regard de l’art 2 Cciv). Le juge françaisapplique son système de conflit de loi dans le temps au conflit de lois étranger.Ça ne tient pas la route !

2ème hypothèse, c’est le contraire, le juge va prendre le système de conflitde lois étranger, c’est théoriquement la meilleure solution. Normalement la loiétrangère est désignée dans son ensemble, dans son entier par la règle deconflit, y compris le système de conflit de loi dans le temps. Le changement deloi étrangère, c’est un problème purement interne étranger, donc comme lejuge français doit appliquer le droit étranger comme le ferait un juge étranger, il

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doit résoudre la difficulté comme le ferait un juge étranger, donc en appliquantle droit transitoire du droit étranger.

3ème hypothèse qualifiée de moderne : le conflit de lois dans le temps estplus un conflit de lois international, il faut prolonger dans ce cas-là la règlede conflit, et c’est en fonction des objectifs de cette règle de conflit, que le jugefrançais devra choisir entre la loi nouvelle ou la loi ancienne.Ex : conflit de lois entre loi française, portugaise et espagnole, il y a unchangement dans la loi espagnole, normalement quand on a choisi la loiespagnole, après on se pose la question du problème de conflit de lois dans letemps. Or cette théorie vient dire que dès le départ du processus dedésignation du droit étranger, on doit prendre en considération qu’il y a 2 lois(l’une ancienne, et l’autre nouvelle). Donc dès le début du processus, nousn’avons pas le choix entre 3 lois, mais entre 4 lois : la loi française, la loiportugaise, la loi espagnole nouvelle ou la loi espagnole ancienne. Avec cesystème, on peut très bien dire que c’est la loi espagnole ancienne qui vas’appliquer. La règle de conflit doit désigner la loi la plus adaptée, celle qui a lesliens les plus étroits. Résultat des courses : Avec ce système, on n’a plus deconflit de loi dans le temps. On n’a plus d’application de lois transitoires dans letemps. On gomme totalement le conflit de lois dans le temps, c’est simplementl’application de la règle de conflit pure et dure. Mais c’est très discutable.

La Cour de cassation et la majorité de la doctrine continuent d’appliquer la 2nde

hypothèse : le règlement du conflit de loi dans le temps se fait par référenceau droit transitoire du droit étranger. C’est au droit étranger désigné qu’ilappartient de résoudre le conflit de loi dans le temps. C’est la meilleure solution : respect du droit étranger, et respect du principe selonlequel la règle de conflit désigne le droit étranger dans son ensemble.

2- Exceptions au principe :Le droit transitoire étranger peut dans certains cas être écarté par le juge français. 2exceptions :

l’une classique : l’OP : Imaginons qu’un droit étranger ait comme principe de conflit de loi, la rétroactivité dela loi nouvelle. C’est totalement contraire à notre OPIF, car cela remet en cause unesituation juridique définitivement acquise, ce qui est inconcevable.

l’autre un peu plus discutable : la théorie de la pétrification , que l’on doit àla doctrine allemande.

La pétrification se rencontre lorsque la situation soumise au juge a perdutout lien avec le pays dont elle émane et dont la loi applicable est la loiétrangère mais qui postérieurement à cette date de lien, a été modifiée. Ex : en France, 2 réfugiés politiques, leur RM est régi par leur loi nationale, ça fait 10ans qu’ils sont en France, ils se trouvent qu’il y a dans leur Etat d’origine une réformepeu de temps avant qu’ils saisissent le tribunal français. Question : on leur appliquequelle loi ? La loi nouvelle, celle issue de la réforme, ou la loi ancienne qui était cellequi leur était applicable au jour où ils sont venus en France ? Si on applique le principegénéral, on leur applique la loi nouvelle. Mais est-ce bien raisonnable de leurappliquer une nouvelle loi, un nouveau régime issu d’une réforme, intervenudans un pays avec lequel ils n’ont plus aucun lien, qui ne les concerne plusdu tout ? Pour les allemands, il s’agit de pétrifier la situation des réfugiés aujour où ils ont quitté leur pays sans espoir de retour, car c’est la loi qu’ilsconnaissaient, qu’ils savaient qu’elle leur était applicable.Théorie intéressante, mais elle a des effets pervers :

- le juge français va être amené à appliquer à ce couple étranger une loi quin’existe plus, une loi qui n’est en vigueur nulle part.

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- 2ème effet pervers : qui dit pétrification dit impossibilité de faire évoluer le droit.Imaginons que le droit réformé soit beaucoup plus favorable aux parties, avec lapétrification, on prive les parties d’un droit plus favorable.

C’est pourtant en matière de réfugié, que la Cour de cassation a adopté cettethéorie de la pétrification : 1 ère civ, 1 er décembre 1969, Païtchadze confirmé par 1 ère

civ, 1 er février 1972, Ghouthertz où la Cour de cassation a fait application à nosréfugiés de la loi russe telle qu’elle était au moment de leur mariage en 1915. C’est ledroit russe du temps des tsars qui est appliqué par la Cour de cassation en 1972.Cf : discussion des Etats non reconnus (URSS : application du droit impérial russe).

C) Le changement de l’élément de rattachement : le conflit mobileIl y a conflit mobile lorsqu’une situation donnée est soumise successivementà 2 ordres juridiques différents du fait de l’élément de rattachement. Ex : unmeuble bouge d’un Etat dans un autre. D’ailleurs dans la réalité, il n’y a que 3hypothèses de conflit mobile :

en matière de meubles, de domicile, et de nationalité.

Pas de conflit mobile en matière d’immeuble et de délits (car exécution instantanée).Dans cette hypothèse de conflit mobile, il n’y a pas de changement de législationdu for ou étranger, mais il y a un changement du lien de rattachement de lasituation. 2 possibilités :

la plus simple, c’est de regarder la situation telle qu’elle était au débutdu litige. On écarte l’effet immédiat de la loi nouvelle, les situations acquisessous l’empire de la 1ère loi étrangère ne sont pas soumises à l’effet immédiat dela loi du nouvel Etat de situation du bien, de domicile, ou de nationalité.

2ème solution : on peut dire que par analogie, on peut raisonner en matièrede conflit mobile comme on raisonnerait en matière de conflit de loidans le temps, et donc il conviendrait d’appliquer les règlestransitoires de droit interne. Une partie de la doctrine a défendu cette 2ème

thèse en disant qu’il y a une analogie apparente, mais dans le conflit de loi dansle temps, c’est une loi qui remplace l’autre, alors que dans le conflit mobile, les2 lois s’opposent, les 2 lois sont toujours là.

1- Le droit positif français : l’application de l’élément de rattachement actuel :La tendance de la jurisprudence et spécialement dans les matières relevant du statutpersonnel est d’appliquer la règle de conflit avec le lieu de rattachementnouveau (nouveau domicile, nouvelle nationalité, nouvelle situation du bien).- En matière de divorce, 1 ère civ, 17 juillet 1980 : c’est le domicile des époux au jour del’instance de divorce qui est pris en considération. - De même en cas de changement de statut personnel, elle sera soumise à compter desa naturalisation à la loi française pour son statut personnel. - En matière de statut réel mobilier, c’est la situation actuelle du bien qui doit êtreprise en considération.

2- Les limites à l’application du principe : 3 cas de figure : L’exclusion de toute rétroactivité de la loi nouvelle :

C’est un principe de pure logique, la loi de rattachement ancien et la loi derattachement nouveau n’émanent pas du même législateur, on ne peut donc pas fairerétroagir la loi nouvelle, car pourquoi appliquer la loi nouvelle à une situation qu’ellen’avait au départ aucune vocation à régir (avant le déplacement du bien par ex).Ce point a été illustré de façon très éclairante dans une décision de la Cour decassation belge, 12 novembre 1965, Société Lamot : une société est constituée enAngleterre en 1927. En 1932, elle déménage son siège social en Belgique.Conséquence : la société devient belge, la nationalité se détermine par la localisationdu siège social réel et servile. Elle tombe donc sous le coup de la loi belge sur les SA

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et notamment sur l’art 102 de la loi belge qui limite la durée de ces sociétés à 30ans.Litige entre un associé et la société. L’associé évincé soutient en 1960 que de toutefaçon, il n’y avait pas de problème, puisque la société était dissoute depuis 1957, alorsque les autres venaient dire que la société allait être renouvelée dans les délais en1962. Question : le délai de 30 prévu par la loi belge sur les SA commence à courir àpartir de quand ? Date de création de la société 1927 (donc 1927+30=1957, il fallaitla renouveler avant 1957), ou à partir du jour où la société est devenue belge 1932(1932+30=1962) ?La Cour de cassation belge fait courir le délai de la durée à partir de 1932, car la loinouvelle, la loi belge ne pouvait pas rétroagir, elle ne peut pas commencer às’appliquer à une situation qu’elle n’avait pas vocation à régir.

La manipulation du conflit mobile aux fins d’application de la loi la plusfavorable :

Aspect pragmatique du DIP. C’est une manipulation faite par les juges eux-mêmes afin de favoriser une partie. Le cas ici s’est posé essentiellement enmatière de nationalité, toujours avec l’épineux problème de la recherche de paternité. Pendant longtemps, antérieurement à la loi du 3 janvier 1972 sur la filiation, le critèrepour une recherche de paternité était la loi nationale de l’enfant. Question pratique :qu’est-ce qu’on fait lorsque l’enfant change de nationalité entre le jour de sanaissance, et le jour de demande de reconnaissance en justice ? Et pire : quand ilchange de nationalité en cours d’instance ? Quand on regardait la jurisprudence, onobservait une grande incohérence entre les décisions. Mais cette diversité de lajurisprudence s’expliquait toujours par la motivation de protection des intérêts del’enfant, le but était pour le juge de permettre à l’enfant de faire son action enpaternité. En clair, le but était d’appliquer la loi la plus protectrice de l’intérêt del’enfant.D’ailleurs la Cour de cassation a avoué dans son arrêt 1 ère civ, 5 décembre 1949,Verdier : l’enfant peut se prévaloir de loi la plus favorable.Mais depuis 1972, on ne prend plus en considération la nationalité de l’enfant, maiscelui de la mère, mais le conflit mobile existe toujours, la mère pouvant changer denationalité. Mais la Cour de cassation est moins favorable aux intérêts de la mère. Elleapplique donc les règles générales, donc pour savoir quelle est la loi applicable enrecherche de paternité, on applique les lois de nationalité de la mère au jour oùelle introduit l’instance.

Les conflits mobiles complexes :Le conflit mobile peut devenir complexe. On va raisonner sur une hypothèse pratiqueunique : on bouge un bien meuble d’un Etat à un autre en cours d’acquisitiond’une situation juridique, en clair l’usucapion, la prescription acquisitive. On est possesseur (non propriétaire) de bonne foi d’un bien meuble en France, on letransfère en Allemagne, question : pour la prescription acquisitive, à partir de quandcommence à courir le compteur ? Dès le départ, ou quand on est passé de France enAllemagne, le délai est-il remis à 0 ? Le délai qui a commencé à courir en Francepeut-il être pris en compte pour le calcul de la durée dans le pays dedestination ?Pour résoudre ce conflit mobile complexe, plusieurs éléments :

très souvent la loi nouvelle de destination va prendre en compte ladurée de possession qui s’est déroulée dans le pays d’origine. C’est uneexception à ce qui a été dit auparavant. La loi nouvelle prend en compte leseffets survenus avant le changement de localisation.

Il est admis que l’on doit reconnaître un droit de propriété crééinstantanément sous l’empire d’une loi d’un pays tiers, dans lequel lebien s’est trouvé même momentanément. Ce principe a été illustré par uneaffaire célébre, 5 novembre 1979, Winkworth c. Christies rendues par laChancery division de la High Court anglaise : M.Winkworth est victime d’un

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cambriolage, on lui vole une partie de ses œuvres. Les voleurs revendent unepartie des œuvres dans des conditions normales, à un collectionneur italien enItalie. Un jour le collectionneur italien décide de se séparer desdites œuvres, ilveut les faire vendre en Angleterre par la salle de vente aux enchères Christies.M.Winkworth reconnaît ses œuvres, il attaque pour qu’on lui restitue les œuvresvolées. La question se pose de savoir quel est le légitime propriétaire de cesœuvres ? La Cour a donné raison au collectionneur italien, puisqu’ils’est avéré qu’il existait une disposition de la loi italienne selonlaquelle un possesseur de bonne foi devient immédiatement, etautomatiquement propriétaire des biens meubles en sa possession.Règle que n’a pas le droit anglais, qui connait une prescription acquisitive aprèsun certain délai. On n’a pas à se poser la question de la prescription, car à unmoment donné, une loi de situation des biens a conféré directement laqualité de propriétaire, alors cette qualité doit être reconnuepostérieurement. Donc pour les meubles, dans leur périple, ils peuvent êtrepassés dans un Etat qui conférait au possesseur la qualité de propriétaire, dèslors, il faut tenir compte de cette loi postérieurement. C’est toute la difficultédes biens meubles. On ne va pas toujours se focaliser sur le lieu de situation dubien.

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Chapitre 3 : LA METHODE CONFLICTUELLECLASSIQUE ECARTEE

Jusqu’à présent on avait appliqué la règle de conflit, et on avait écarté le résultat. Ici laproblématique est différente, dans certains cas, le juge du for va être amené à,d’emblée, écarter la règle de conflit de loi française, soit au profit d’une autre règle deconflit, soit au profit d’un texte substantiel d’application immédiate, c’est l’hypothèsede la loi de police.

Section 1 : La prise en considération de la règle de conflitétrangère :

3cas de figure ici à envisager :- la théorie du renvoi, cas principal- l’application d’une autre méthode conflictuelle- la question des questions préalablesI) Les conflits de rattachement : le renvoi

A) La position du problèmePourquoi le renvoi existe-t-il ? C’est la conséquence de la divergence des règles deconflit de loi retenues par chaque pays. Si tous les pays avaient le même système derattachement, il n’y aurait pas de problème. Mais le problème, c’est que pour unemême question, il y a des systèmes de rattachement différents selon les Etats. Cettequestion est apparue dans l’affaire extrêmement connue Forgo, avec 2 arrêts 24juin 1878 et 22 février 1882.

1- Le renvoi est donc fondamentalement un conflit de rattachement :Le renvoi existe parce qu’il y a des divergences s’agissant des facteurs derattachement. Ex en matière de statut personnel, pour nous le facteur de rattachement principal estla loi nationale, mais pour d’autres pays (l’Angleterre), c’est la loi du domicile.Comment résoudre une question de capacité d’un sujet anglais domicilié en France ?Le juge français est saisi du litige, il va dire qu’il doit trancher en vertu du droit

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anglais. Ou il peut aller plus loin en se demandant si le droit anglais accepte que lejuge français traite de cette situation en appliquant le droit anglais. Mais le droitanglais n’accepte pas de régir cette situation, il n’a pas capacité à juger d’affaire où lecitoyen anglais est domicilié en France. Le droit anglais renvoie au droit français. Faut-il accepter ce renvoi ? Faut-il prendre en considération la règle de DIP anglaise ? Ou nefaut-il prendre en considération que le droit substantiel, interne anglais et l’appliquerau litige ? C’est toute la question du renvoi. Renvoi qui peut se présenter sous 2 formes, soit on peut trouver un renvoi aboutissantà un conflit négatif (tous les droits se déclarent incompétents), ou à un conflitpositif (chaque règle de rattachement donne compétence à sa loi interne : ex :problème de capacité d’un français domicilié en Angleterre).

2- Les degrés de renvoi : Sur ce point, il y a 3 types de renvoi : le renvoi au 1 er degré : C’est le renvoi à la loi du for.

Ex : anglais domicilié en France, renvoi 1er degré, la loi anglaise renvoie à la loi du forcad la loi française. C’est le plus courant, le plus fréquent.

le renvoi au 2 nd degré : Là il y renvoi au droit d’un pays tiers. Ex : un anglais domicilié au Danemark. Le Danemark a la même règle de conflit quel’Angleterre, en matière de statut personnel, la loi du domicile. Admettons que le jugefrançais est saisi. Le juge français renvoie au droit anglais, qui renvoie au lieu dedomicile donc à la loi danoise. On peut aboutir ici à un cercle vicieux. Imaginez que leDanemark dit que la loi compétente est la loi du tribunal saisi, alors ce serait la loifrançaise. C’est ce qui arrive dans le 3èmecas de figure.

le renvoi à la 1 ère loi désignée :Ex : un anglais domicilié en Belgique, le juge français est compétent. La Belgique a lamême règle de conflit en matière de statut personnel, que la France. Donc renvoi àl’Angleterre, qui renvoie à la Belgique, qui renvoie à l’Angleterre. On peut aboutir àdes renvois à l’infini, c’est un effet pervers du renvoi. Faut-il accepter la théorie durenvoi ? Ou la rejeter ?

B) La théorie du renvoi : une théorie controversée :La théorie du renvoi a toujours été controversée, certains sont des pro-renvois, etd’autres sont des anti-renvois. 1- pour les partisans du renvoi, il y a un argument massue qui à leurs yeux suffit àjustifier la théorie, on ne doit pas et on ne peut pas appliquer une loi étrangèreà un litige contre sa volonté. Ex : anglais domicilié en France, l’Angleterre se désintéresse de son sort, elle n’entendpas protéger son citoyen non domicilié en Angleterre. On doit respecter cette volonté.C’est une question de respect de la souveraineté. Il faut nécessairement tenir comptede la règle de conflit étrangère, car c’est elle qui nous permet de connaître la positiondu législateur sur la question, pour savoir si oui ou non, le droit étranger veut régir lasituation.Donc fort de sa justification, la théorie du renvoi a été appliquée par lajurisprudence de manière absolue, l’admission du renvoi a dans un 1er tempsconçue comme un système général, qui se présente toutefois sous 2 formes, sous2 variantes : celle française, et celle anglaise.

Pour les français, le renvoi est un système général fondé sur l’idée dedélégation, le renvoi résulte d’une délégation de compétences accordéeau système étranger.

Conséquence : il y a une application directe et nécessaire, de la règle de conflitétrangère. C’est ce qu’on appelle le « renvoi-délégation ». Pour nous, le renvoi audroit étranger est un tout indivisible, c’est le droit anglais dans son ensemble qui estvisé, y compris le DIP anglais, y compris le système de conflit de lois anglais. Il y a uneindivisibilité du droit étranger compétent. Et cela s’explique par le fait que si l’on nechoisit qu’une partie du droit étranger, alors c’est une atteinte à la souveraineté del’Etat étranger. Le problème c’est que l’on risque d’aboutir au cercle vicieux.

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Les anglais ont un renvoi fondé sur le double-renvoi. C’est ce que lesanglais appellent « la théorie du tribunal étranger ». Le juge saisi doitstatuer comme le ferait le juge étranger dont le droit est déclarécompétent.

Cela fonctionne car ils sont les seuls à appliquer cette théorie. Le problème c’est quecette théorie ne peut être applicable que si les autres systèmes ne l’adoptent pas, carimaginons si tous les pays adoptaient cette conception, il serait impossible d’aboutir àune solution. On serait dans une situation de blocage. Ex : le juge français est saisi, il doit se mettre dans la peau du juge anglais, mais luiaussi il doit alors se mettre dans la peau du juge français… et ainsi de suite.

Pour essayer de pallier les difficultés nées d’une conception de renvoi général, ladoctrine moderne a proposé de concevoir le renvoi non pas comme un système global,mais de prendre en considération les règles de conflits étrangères quelorsque la compétence du droit étranger repose sur un rattachement ayantune valeur supérieure à une autre. Ce n’est plus un renvoi général, mais unsystème de renvoi partiel, avec hiérarchisation des facteurs derattachement. Ex : en matière de statut personnel, on pourrait décider que les facteurs derattachement loi nationale, et loi du domicile n’ont pas la même valeur, et que la loinationale soit supérieure, dès lors on accepterait le renvoi vers la loi nationale, et nonle renvoi vers la loi du domicile. Le rattachement à la loi nationale a la primauté.Avantage : Du fait de cette hiérarchisation, il n’y a plus de cercle vicieux. Ex : Anglaisdomicilié au Danemark, on adopte le système de renvoi partiel, si on hiérarchise lesfacteurs de rattachement, le juge français appliquera le droit anglais, car la loifrançaise renvoie au droit anglais qui renvoie à la loi du domicile (loi du Danemark),dès lors on s’arrête, car notre loi n’accepte pas que la loi renvoie à un facteur autreque la loi nationale. On choisit la loi désignée par le facteur de rattachement n°1. La hiérarchisationempêche nécessairement le cercle vicieux. Il peut y avoir des renvois, tant que le droitétranger renvoie à la loi nationale, mais on s’arrête quand le renvoi se fait par unautre facteur de rattachement.

2- Les arguments des anti-renvois : les critiques : les adversaires du renvoient ont avancé 4 objections majeures :

- ils ont attaqué le fondement de la conception indivisible du droitétranger. Le renvoi procède nécessairement d’une confusion entre DIP règles deconflits et les règles substantielles, le droit matériel interne. Le but du DIP est dedésigner des règles matérielles applicables. La règle de conflit ne peut renvoyer qu’àdes règles matérielles internes, à l’exclusion du DIP règles de conflits. Ils ont uneconception duale : le DIP d’un côté, et les règles matérielles de l’autre.

- ils viennent dire que si on admet que le juge du for doit se préoccuperde la règle de conflit étrangère, on aboutit à demander au même juge derésoudre 2 fois la même question, et parfois de façon contradictoire : une fois enrespectant sa règle de conflit, puis en respectant la règle de conflit étrangère.

- 3ème critique plus politique : c’est le DIP du for qui a compétence pourdéterminer le droit applicable. Il ne saurait être question que le DIP du for s’inclinedevant le droit étranger. Question de souveraineté.

- enfin, le renvoi aboutit parfois à des solutions en pratique inapplicables. Bartinvenait dire que c’était le monstre qui se mangeait la queue. Mais que faire dans ce cas-là ?

Les solutions de remplacement données par les auteurs :Les anti-renvois ont développé 2 théories, visant à maintenir le résultat du renvoi,sans avoir les inconvénients, et en lui conférant une base nouvelle :

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- la théorie du désistement :On part ici du principe que dans certains cas, le droit étranger se désiste enrefusant la compétence qui lui est accordée. Conséquence : le droit du for doitfournir une nouvelle solution sous la forme d’une règle de conflit subsidiaire.Ex : anglais domicilié en France, on peut régler la question en application de la théoriedu renvoi, mais on peut aussi appliquer une autre base : si les tribunaux françaisappliquent la loi du domicile, ce n’est pas en application de la théorie du renvoianglais, ce n’est pas par délégation, mais c’est en vertu d’une bonne vieille règle deconflit subsidiaire, qui soumet le conflit à une règle de conflit nationalelorsque le droit national se désiste (ex : la loi anglaise qui ne régit pas la situationdes anglais non domiciliés en Angleterre). C’est exactement le même résultat, maisc’est une question politique, la France n’a pas abandonné sa souveraineté au profit del’Angleterre, on n’a pas soumis le litige au DIP anglais, on n’a pas reçu de délégationdu droit anglais. On l’applique car on a décidé, nous français, d’appliquer la théorie dudésistement.

- la théorie du rapport apatride : Théorie moins politique. Développée par NIBOYET qui vient dire que lorsque notrerègle de conflit désigne un droit étranger qui ne veut pas s’appliquer, on vaappliquer notre loi du for, car notre OP français n’admet pas qu’un problèmereste sans solution, c’est pourquoi on va appliquer la vocation universellesubsidiaire de la loi du for. On fait privilégier la loi du for. C’est simple voire tropsimple, et parfois un peu trop brutal : parfois aucun lien avec la France, seulement lejuge français saisi, est-ce que cela suffit pour appliquer le droit français ?

C) Le renvoi en droit positif français :Depuis le début (arrêt Forgo), la jurisprudence française s’est toujours montréerelativement favorable à la théorie du renvoi, c’est une position qui n’est pas partagéepar tous, y compris en Europe (Grèce, Portugal..), elle l’a admis depuis les arrêts de1878 et 1882.

1- La consécration de la théorie du renvoi en jurisprudence :Affaire Forgo : il s’agissait d’un dossier en matière de succession mobilière. C’est unenfant naturel bavarois, né en Bavière, qui s’installe en France, qui y fait fortune et quiy décède. Il s’est certes installé en France, mais n’avait jamais fait la démarcheadministrative pour établir son domicile en France, donc aux yeux du droit français, iln’était pas domicilié en France. Il décède, il n’a que des collatéraux, pas d’ascendants,ni descendants. Qui va hériter ? Si c’est la loi bavaroise qui s’applique, ce sont les cousins allemands (collatérauxsimples) qui récupèrent. Si c’est la loi française, la succession est considérée commeune succession en déshérence, et c’est donc l’Etat qui ramasse la fortune de M. Forgo.Dimension très politique de l’affaire. Et décès dans les années 1870, défaite de Sedan,la France perd l’Alsace et la Lorraine, la France est humiliée, et dans cette affaire, il esthors de question de faire gagner l’Allemagne. CA de Pau, 11 mars 1874, la succession est régie en vertu des règles du DIPfrançais, par la loi du domicile du défunt. Les cousins allemands font un pourvoi. La Cour de cassation casse l’arrêt, le 5 mai 1875, en rappelant que M.Forgo n’avaitpas de domicile en France. Renvoi devant CA de Bordeaux. La CA de Bordeaux, par un arrêt du 24 mai 1876 vient dire que la loi bavaroise doits’appliquer comme une loi du domicile d’origine de Forgo. Pourvoi cette fois-ci del’Etat français. Et la Cour de cassation, 24 juin 1878 casse l’arrêt de la CA de Bordeaux et vaaccueillir la théorie du renvoi en prenant en considération la règle de conflitde loi bavaroise, qui soumet le statut des meubles à leur loi de situation, etqui surtout en matière de succession applique la loi de dernière résidenceactuelle du défunt.

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La Cour de cassation admet le renvoi car c’est le seul moyen d’aboutir à la désignationde la loi française, et de récupérer la succession. Pour des considérations pluspratiques et politiques, dans cet arrêt qui sera confirmé, la Cour de cassationadmet la théorie du renvoi, elle sera par la suite très souvent appliquée dans 2domaines essentiels :

o en matière de statut personnel, et notamment :- en matière de divorce (arrêt Birchall, 10 mai 1939), - en matière de mariage (1 ère civ, Zagha, 15 juin 1982 : renvoi au 2nd

degré : il s’agissait de statuer sur la validité d’un mariage célébréen Italie, en la forme rabbinique, par 2 syriens : le juge françaisrenvoie à la loi de lieu du mariage pour savoir s’il est valable, doncrenvoi à la loi italienne, en matière de forme du mariage, loi du lieude célébration du mariage, puis à la loi syrienne, loi de lanationalité commune),

- puis en matière de filiation (1 ère civ, Sommer, 8 décembre 1953), o et en matière de succession :

- en matière de successions immobilières (21 mars 2000,Ballestuw : renvoi de la loi nationale italienne de situation desimmeubles, à la loi française, loi nationale du défunt)

Ce principe n’est pas général et il existe certaines restrictions. Dans certainscas, la Cour de cassation a écarté la théorie du renvoi : soit pour certainesmatières, soit selon la nature du conflit.

Raisons concernant les matières : La Cour de cassation va exclure le renvoi dans toutes les hypothèses où lesparties peuvent influer sur le processus de choix de la loi applicable. Elleexclut donc le renvoi dans toutes les matières où l’on permet de choisir librement la loiapplicable, la théorie du renvoi est exclue. C’est logique. Elle est obligée de le faire sielle veut respecter le choix des parties. Solution reprise par la solution de Rome, et parle règlement Rome I, exclusion du DIP, fond et forme, en matière contractuelle, pourrespecter la volonté des parties à soumettre leur contrat à un droit particulier. La Courde Cassation l’a aussi exclue en matière de régimes matrimoniaux.

Raisons concernant la nature des règles de conflit : La Cour de cassation est venue dire que lorsqu’on est face à une règle de conflitspéciale, unilatérale, il n’y a pas par hypothèse possibilité de renvoi. Il en est de mêmepour les règles de conflit de loi alternative ou à option, comme en matière de filiation.

2- Les restrictions au domaine du renvoi :La plupart des conventions internationales traitant des questionssusceptibles de faire naître un renvoi l’exclut expressément. Toutes lesconventions de La Haye, depuis 1951, systématiquement, de manière expresseexcluent le renvoi. Toutes ont la même formulation, le droit applicable sera toujours ledroit interne de l’Etat signataire. Ce mot « interne » est très important, cela veut direexclusion automatique du renvoi.

3- La mise en œuvre du renvoiLa Cour de cassation dit que le renvoi s’impose au juge, il doit être appliquéd’office, dès lors qu’il a désigné un droit étranger, il doit alors prendre enconsidération la règle de conflit de droit étranger (21 mars 2000, Ballestrero :succession immobilière). Et cela doit apparaître dans le jugement.

II) La théorie des questions connexes et préalables

Jusqu’à présent on a raisonné sur la résolution d’un litige sur une question principale.Mais quid des questions périphériques ? Quid des questions qui se passent à côté ?Quid de ce qui s’est passé avant ?

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A) A côté : Les questions connexes :Ce sont 2 questions qui formellement ne dépendant pas juridiquement l’unede l’autre, mais qui en pratique ont des liens extrêmement forts. Ex : sort du conjoint survivant en matière successorale, et en RM. Une personnemariée décède, il faut d’abord liquider le RM, avant de liquider la succession. 2questions qui sont liées, puisque la masse de l’époux décédé dépend de la liquidationdu régime. Mais fondamentalement, ces questions sont différentes, faut-il appliquer la mêmerègle de conflit ? Que faire si la règle de conflit désigne des lois différentes ? Ex : veuve d’un anglais domiciliée en France, mais dont le 1er domicile stable était enAngleterre. Comment régler la succession du mari ? Avant 1992, on applique ledroit du 1er domicile stable, donc la loi anglaise pour le RM. Mais décès en France,donc la succession est régie par la loi du lieu du décès, cad la loi française. Il risqued’y avoir une contradiction de solutions. Il faudrait unifier les solutions, il faudraitappliquer la même règle de conflit, le même droit pour la question connexe que pourla question principale. Mais quel droit choisir ? Le droit français ou le droit anglais ?Si on a une question principale et une question accessoire, on applique la loide la question principale. Mais dans notre cas, les 2 questions sont d’égalevaleur. La Cour de cassation a dans un arrêt 1869, a privilégié la loisuccessorale à celle des RM. Pourquoi ? Elle ne le dit pas. Solution qui estaujourd’hui de plus en plus contestée en doctrine. Si on tente de trouver desarguments logiques, ils tendent tous vers la loi du RM car il intervient en 1er. Donc quand on a des questions connexes de même importance, on a uneappréciation discrétionnaire du juge.

B) Avant : la théorie des questions préalables, ou en série :La question qui est soumise au juge présuppose la résolution de questions préalables. Ex : le divorce comme question principale. Mais le juge qui doit statuer sur le divorcedoit résoudre la question préalable de la validité du mariage. Idem en matière de succession, sont-ils vraiment des héritiers, ont-il la qualité deconjoint survivant, d’héritiers du défunt ? Il semble logique de soumettre la questionpréalable à la même loi que la loi désignée que la question principale. On vademander au droit étranger applicable de s’appliquer, ou à défaut de désigner la loiapplicable pour cette question préalable. Certains auteurs ont développé la théorie des questions préalables qui consiste àdéterminer la loi applicable à une question préalable en se référant à larègle de conflit de l’Etat dont le droit a été désigné par la règle de conflit dufor pour régir la question principale. But de cette théorie : il s’agit de créer une dépendance entre question principaleet question préalable, car cela forme un tout (si on est en instance de divorce,c’est qu’on a été préalablement marié). On ne pourrait pas faire produire les effets dudivorce en vertu d’une certaine loi, qui aux yeux de cette même loi, le mariage neserait pas valablement constitué. Il serait aberrant de soumettre le divorce à un droitqui le considère comme non valablement formé.

Mais une partie de la doctrine conteste cette dépendance, et certains auteursestiment que rien ne s’oppose à l’autonomie des 2 questions. Il n’y a pas d’objectionthéorique à ce qu’on traite le mariage et le divorce selon 2 lois différentes. Ils mettentle doigt sur un point qui fait mal. Et ils viennent dire que l’application de théorie de laquestion préalable peut parfois aboutir à des aberrations. Ex : le divorce, question principale soumise à une règle de conflit particulière n°1, et laquestion préalable est le mariage, et selon la théorie de la question préalable, lemariage est soumis à la règle n°1.Mais prenons un autre litige : droit du conjoint survivant : le sort du conjoint survivantest la question principale qui est soumise à une règle de conflit particulière n°2, et la

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question préalable est le mariage, qui sera soumise à la règle n°2. Donc pour unemême situation, selon les matières, on aura 2 lois applicables différentes, selon leproblème. Alors que c’est la même chose. Donc pour le même mariage, il peut êtreconsidérer comme valable ou non selon la règle de conflit pris en compte, et ce selonla situation.

Position de la jurisprudence sur cette question : la jurisprudence a pu être tentée dansun 1er temps à la question de la préalable, elle l’a fait dans un arrêt Req, 21 avril1931, Ponnoucalamale : question de la qualité de descendant : la Cour de cassationest venue dire que la qualité de descendant est soumise à la loi successorale,donc à la règle de conflit désignée pour régler la succession.Attention : Selon les ouvrages, certains considèrent que dans cet arrêt, la Cour decassation admet la théorie de la question préalable, et d’autres non. Selon le prof, laCour l’a admise, car on voit bien que la qualité de descendant est la questionpréalable, qui est soumise à la loi successorale. Ceux qui disent qu’elle l’a rejetéedisent qu’il n’y a pas de question préalable car les questions forment un tout.

Puis par la suite, La Cour de cassation a écarté la théorie des questions préalables, etdonc de la dépendance des 2 questions dégagées dans l’arrêt Ponnoucalamale, parl’arrêt Bain de douche, 3 janvier 1980 si la loi française régit la dévolutionsuccessorale d’un immeuble sis en France, la qualité de conjoint etl’établissement de la parenté pour hériter relève de la loi personnelle.Arrêt complété par l’arrêt 1 ère civ, 22 juin 1986, Djenangi, s’il appartient à la loisuccessorale de désigner les personnes appelées à la succession, il ne luiappartient pas de dire si une personne a la qualité de conjoint, ni de définirselon quelle loi cette qualité doit s’apprécier.

C’est le contrepied de la théorie des questions préalables dégagée parPonnoucalamale. Les partisans de Ponnoucalamale vont recourir à la théorie modernede la reconnaissance des situations (règle de conflit unilatérale).

Section2 : Le recours à une règle de conflit unilatérale :

Le législateur français a créé des règles de conflit purement unilatérales par exceptionaux règles de conflit traditionnelles.

I) Le principe du système unilatéraliste :

On voit apparaître une théorie nouvelle et dérivée, une théorie unilatéraliste, contraireà notre théorie bilatérale: la théorie de reconnaissance des situations, qui esttrès contestée, car très influencée par la théorie américaine.

DEMANDER AU PROF POUR LE REGIME PRIMAIRE, UN OJ PEUT-IL NE PAS AVOIR DE RP ?

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