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Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France Droit public. Histoire des institutions politiques et administratives de la France, par Paul Viollet,...

Droit Public Histoire Paul Viollet

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história do direito publico na frança

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    Droit public. Histoire desinstitutions politiques et

    administratives de la France,par Paul Viollet,...

  • Viollet, Paul (1840-1914). Droit public. Histoire des institutionspolitiques et administratives de la France, par Paul Viollet,....1890-1903.

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  • DROIT PUBLIC

    HISTOIRE

    DES INSTITUTIONS POLITIQUES

    ET ADMINISTRATIVES DE LA FRANCE

  • PRINCIPALES PUBLICATIONS DU MME AUTEUR

    Droit priv et sources. Histoire du droit civil franaisaccompagn de notions de droit canonique et d'indications bibliographiques.Seconde dition du Prcis. Paris, Larose, 1893, in-8.

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    Lettres intimes de Mademoiselle de Cond M. de La Ger-vaisais (1786-1787) avec une introduction et des notes. Paris, Didier, 1878,in-12.

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    in-8.Caractre collectif des premires proprits immobilires.

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    Capet. Paris, Klincksieck, 1892, in-4.Les communes franaises au moyen ge. Paris, Klincksieck.

    1900, in-4.

  • DROIT PUBLIO

    HISTOIREDES

    ET

    ADMINISTRATIVES DE LA FRANCE

    PAR

    PAUL VIOLLETMEMBRE DE L'INSTITUT

    PEOVKSSEUB D'HISTOIRE DU DROIT CIVIL & DU DROIT CANONIQUE A L'COLE DES CHARTESBIBLIOTHCAIRE DE LA FACULTE DE DROIT DE PARIS

    TOME TROISIME ET DERNIERPRIODE FRANAISE

    MOYEN AGE (Suite et fin)COMMUNES

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    FOND PAR J.-B. SIREY, ET DU JOURNAL DU PALAISAncienne Maison L. LAROSE et FORCEL

    22, rue Soufflot, 5e Arrond.L. LAROSE, Directeur de la Librairie

    1903

  • Chaque exemplaire doit porter la signature de l'auteur et des diteurs.

    BAR-LE-DUC.

    IMPRIMERIE CONTANT-LAGUERRE.

  • LIVRE IV.PRIODE FRANAISE.

    MOYEN GE (Suite et fin).

    CHAPITRE IV.

    LES FRANCHISES ET LES COMMUNES.

    1.

    Les chartes de franchise.

    Les liberts des chartes de franchise. L'activit de lasocit est en raison inverse de l'activitde l'Etat, a dit un pen-seur 1. Ce hardi propos se vrifie chez nous dans une largemesure. Si, en effet, le rle de l'Etat est nul ou presque nul au XIeet au XIIe sicle, nous assistons dans le mme temps un dve-loppement admirable de l'agriculture et du commerce, unprogrs inou de la population et de la richessepublique. Les ter-res incultes sont mises en valeur. Les forts sont dfriches. Lesmarais sont desschs. De tous cts des villages nouveaux sontfonds 2. Les villes anciennes se dveloppent. Des villes nou-velles surgissent. Dans le mme temps notre langue se cre; un

    1 Rveillre, Propos d'autarchiste, p. 62.2 Cf. Flach, Les origines de l'ancienne France, Xe et XIe sicles, t. II, pp. 139-137 ;

    Prarond, Abbeville avant la guerre de Cent ans, Paris, 1891, p. XVII, avec la note 2;Monod, dans Revue histor., mai-juin 1890, p. 176.

    V. III. 1

  • 2 LIVRE IV. PERIODE FRANAISE.art nouveau apparat. Dans le mme temps les populations, segroupant en corporations, s'organisant en communes, s'bran-lent vers la libert.

    L'activit merveilleuse qui accompagna en Europe l'effondre-ment du pouvoir central n'alla point, d'ailleurs, sans souffrance.Une socit qui monte sent peut-tre plus vivement son malqu'une socit en dcadence. La souffrance n'est-elle pas lemeilleur stimulant du progrs? Cette souffrance utile, les vio-lences des grands ou leurs procds fiscaux la procurrent sou-vent nos pres : ce qui touffe les faibles aiguillonne les forts.

    Le dveloppement fcond dont nous abordons l'histoire semanifeste la fin du XIe sicle et au XIIe par deux grandes trans-formations qui intressent, l'une surtout les campagnes, l'autresurtout les villes.

    De tous cts dans les campagnes les serfs furent affranchis.Cette libert (qui n'avait rien d'absolu) leur fut vendue au prixd'un cens annuel, cde contre une taille abonne et diversescharges, etc.; les conditions de ces affranchissements sont extr-mement variables1. Mais la libert ne s'tendit pas tout d'uncoup sur la surface entire du territoire : la libration s'effectuafragmentairement, au gr des circonstances, au gr des besoinset des aspirations locales. Elle n'tait pas paracheve en 17892.

    1 Voyez de nombreuses chartes d'affranchissement,dans Finot, Etudes sur la main-morte dans le bailliage d'AmontauxXIIIe, XIVe et XVe sicles (Bull, de la Socit d'agric.de la Haute-Sane, 3e srie, nos XI et XII, Vesoul, 1881, pp. 269-438). Les affranchis-sements en masse sont fort rares avant la seconde moiti du XIe sicle. Voici cepen-dant quelques exemples plus anciens : en 967, l'abbaye de Saint-Arnoul de Metzoctroie une charte de libert au bourg de Morville-sur-Seille et, quelques annesplus tard, en 984, elle en accorde une autre au domaine de Broc (Giry et Rville,Emancipation des villes; les communes, la bourgeoisie, dans Lavisse et Rambaud,Hist. gn., t. II, p. 426).

    2 J'entends en France. En Angleterre, les derniers serfs paraissent avoir t in-vits se racheter sous la reine Elisabeth, en 1574. Toutefois on peut conjecturerqu'il y avait encore quelques faibles traces de servage sous Jacques Ier (Daines Bar-rington, Observations on the more ancient statutes, London, 1775, pp. 308, 309, note m).On se tromperait trangement si on concluait de cet affranchissement prcoce queles paysans et les ouvriers avaient en Angleterre une position meilleure qu'enFrance. Cf. Paul Allard, Esclaves, serfs et mainmortables, Bruxelles et Paris, 1894,pp. 202-207; Joh. Steenstrup, Den danske Bonde og Friheden, Copenhague, 1888,pp. 143-145. Il faut ajouter qu'en Ecosse, les ouvriers employs aux mines de charbon

  • LES CHARTES DE. FRANCHISE. 3

    Nous ajouterons mme que le progrs ne suivit pas une marchergulire et continue : il y eut et l quelques retours en ar-rire : en effet, entre 1400 et 1600, la servitude s'est, sur cer-tains points, cre ou recre 1; dfaut de la servitude propre-ment dite, diverses charges serviles ou apparentes au servageont t imposes aux populations 2 (aspect des choses bien peuconnu et qui mriterait une tude spciale). Cette faible ractionservile est sans grande importance en France, au regard del'crasement gnral des classes libres dans tout le Nord et l'Estde l'Europe du XVe au XVIIe sicles : phnomne considrable,mais peine dgag de nos jours par les rudits 3 et dont la phi-losophie de l'histoire n'a pas saisi encore toute la porte. Jeserais tent d'y voir le contre-coup conomique de l'invasionmusulmane qui ferma l'Europe orientale ses principales rela-tions commerciales : c'est dans l'tat conomique des nationsqu'il faut chercher les raisons profondes de certaines transfor-mations sociales.

    Bien tort Voltaire et d'autres aprs lui ont fait honneur aupape Alexandre III 4 du mouvement pour la libration des serfs,.

    et aux salines furent rduits dans les derniers sicles un vritable tat de servage-(Joh. Steenstrup, ibid., p. 143).

    1 Autorde, Etude d'histoire du droit, Transformation du servage dans la Marchedepuis la rdaction de la coutume (1521) jusqu' la Rvolution, Guret, 1891.

    2 Voyez Lamoignon, Arrestez, dans le ms. de la Mazarine 1427 A, p. 5 (passage im-portant, absent des ditions).

    3 Voyez : pour la Bohme et la Moravie, Gruenberg, Die Bauernbefreiung... inBoehmen, Mahren und Schlesien, Leipzig, 1893-1894, 2 vol., d'aprs Blondel, dansRevue histor., t. LXI, p. 153-156; pour la Prusse orientale, Cavaigaac, ibid., t. XLII,pp. 15-34 ; Luio Brentano, dans Revue d'conomie politique, 1897, p. 4 et suiv. ; pourle Danemark, Joh. Steenstrup, Vornedskabet hos den danske Bonde, Copenhague, 1886 ;Joh. Steenstrup, Nogle Vndersogelser om Foestebondens Retsforhold i oeldre Tid,Copenhague, 1887 (Extraits de l'Historiske Tidsskrift, Roekke 5, t. VI); Dareste,dans Journal des Savants, 1881, p. 113 ; pour la Russie, Dareste, dans Journal desSavants, 1886, p. 520; Kovalevsky, dans Nouv. revue hist. de droit, 1889, p. 411 etsuiv.; pour la Moldavie et la Valachie, Boresco, De l'amlioration de l'tat despaysans roumains, prcd d'une lettre de M. Wolowski, Paris, 1861, pp. 22-36.Joignez Lamprecht, Die Entwicklung des deutschen, vornehmlich des rheinischenBauernstandeswhrend des Mittelalters und seine Lage im XV. Jahrhundert, dans West-deutsche Zeitschrift fr Geschichte und Kunst, Trves, 1887, t. VI, pp. 18-39.

    4 Voltaire, Essai sur les moeurs, ch. LXXXIII, dans OEuvres, t. XVIII, 1785, p. 291;Monteil, Hist. des Franais des divers tats, t. Ier, 1846, p. 552; Dareste, Histoire

  • 4 LIVR IV. PRIODE FRANAISE.qui se manifesta au XIIe sicle et se continua dans les siclessuivants. Le bien-tre relatif qui se rpandit alors dans lescampagnes est, mon sens, l'une des causes profondes de cettegrande transformation. Louis VII, causant un jour avec Gau-thier Mapes des ressources compares de l'Angleterre et de laFrance, lui dpeignit en trois mots l'heureuse flicit des Fran-ais : nous avons en France, disait-il en un langage gracieuse-ment laconique, pain, vin et joie 1. Il y a sous cet optimismeroyal, beaucoup de vrit. Abondance et libert sont soeurs.

    Le droit de tester et l'extension du droit successoral aux pa-rents autres que les hritiers directs sont les bienfaits civils leplus ordinairement accords aux serfs le jour o ils deviennentlibres 2. Leurs obligations fiscales et prestations diverses sontdtermines et fixes au lieu de rester livres, comme ellesl'taientautrefois si souvent, au bon plaisir du seigneur 3. Latailleabonne succde la taille arbitraire 4. Le droit de formariageest supprim 5. Dans le mme temps les corves seigneuriales

    des classes agricoles, 1858, pp. 224, 225. P. Constant, Le pape et la libert, Paris,1873, pp. 52, 53. Alexandre III ne semble pas avoir exerc une action importantedans cette direction, mais il faut assurment lui savoir gr d'avoir exprim cettepense que lui fournissaient d'ailleurs les jurisconsultes romains : Cum autemomnes liberos natura creasset, nullus conditione natura fuit subditus servituti. (Rad. de Diceto, apud Twysden, pp. 579, 580; dit. Stubbs, I, 390; d'aprs Jaff-Wattenbach, Regesta pontificum Romanorum, t. II, Lipsiae, 1888, n 12366 (831.3).

    1 Gualt. Mapes, De nugis curialium distinctiones quinque, dit. Thomas Wright,Camden Society, 1850, pp. 215-218.

    2 Je citerai, par exemple, cette charte de 1207 : Similiter vir, si sine haeredemortuus fuerit, prajter dotem quara uxori dedit tota possessio ad propinquos suosredeat : (Thaumas de la Thaumassire, Coutumes locales de berry, Bourges, 1679,p. 439). Joignez une dfinition du servage fournie par un manuscrit du Grand Cou-tumier [Revue histor. de droit franais, t. VIII, p. 679).

    3 Voyez notamment : affranchissement des habitants de Rupt en 1443 ; affranchis-sement de la Ville-neuve en 1339-1405 (Finot, loc. cit., pp. 317-348 et passim).

    4 Je remarque de trs bonne heure dans cette direction un texte d'origine ecclsias-tique,dont les glises ne se sont pas rgulirementinspires : Non licet homini tollerea servo suo pecuniam, sine voluntate ejus, quam ille de labore suo adquisivit (Libripoenit. ex veteri codice S. Arnulphi Metensis, dans Collect. Baluze, p. 379, fol. 1.72r. Joignez Capit. Theodori, 117, apud d'Achery, Spicilge, t. IX, p. 52 et suiv.).Voyez, en 1205 (n. st.), un exemple de taille abonne, intressant, dans Berger de Xi-vrey, Lettre M. Hase sur une inscription latine du secondsicle trouve Bourbonne-les-Bains et sur l'histoire de cette ville, Paris, 1833, pp. 152, 153, 208, 209.

    6 Mortuas autem manus...

    quittas clamavimus et forismastrimonia (Thaumas

  • LES CHARTES DE FRANCHISE. 5

    en nature commencent tre converties en contributions pcu-niaires. Celte transformation se continuera de sicle en siclejusqu' la fin de l'ancien rgime .

    Ce n'est point en un jour, c'est en un millier d'annes quetous les esclaves se sont levs au rang d'hommes libres. Lespremiers d'entre eux qui arrivrent la libert sont sans nuldoute les descendants de ces servi suprieurs qui, ds le IXe si-cle, comptaient dj avec leurs matres comme des fermiers avecleurs propritaires, car ils ne lui devaient rien autre chose qu'uncens fixe2. Tels esclaves ou servi sont en position meilleure quebien des libres.

    Rien de complexe comme l'tat des personnes au moyen ge.Ce mot serf, qui veille dans nos esprits les ides les plussombres et qui, en bien des cas, les veille juste titre 3, necouvre pas toujours une situation malheureuse 4. Il est desserfs opulents, des serfs puissants qui ne se distinguent vraidire des hommes libres qu'au jour de leur mort, parce que, cejour-l, certaines questions de droit sont rgles, au dtrimentde leur famille5,. tout autrement que si le dfunt avait tfranc. Croirait-on qu'il y eut en Dauphin des nobles mainmor-tables? Ils taient mainmortables du dauphin 6.

    de la Thaumassire, CoUt. loc. de Berry, p. 439, charte de 1207). Cf., sur le droiTde formAriage, ci-dessus, t. II, p. 451.

    1 A. Rville admet que cette transformation tait acheve au XIVe sicle (A. Rville,Les paysans au moyen ge, pp. 23-25) ; je ne crois pas que cette limite soit justifie.Voyez Ducrocq, La corve des grands chemins et sa suppression en France et spciale-ment en Poitou, Paris, 1882, p. 5. A ct de ces transformations et paralllement, ilfaut songer, bien entendu, aux limitations de corves (Coutumes de Lorris, art. 15,dit. Prou, pp. 134-135). Voir des exemples des transformations de corves aux-quelles je fais allusion dans le texte, apud L. Delisle, Etudes sur la condition de laclasse agricole en Normandie et l'tat de l'agriculture en Normandie au moyen ge,Evreux, 1851, p. 128.

    2 Voyez les redevances fixes d'Ingalbartus, servus; de Waltarius, servus, etc.,dans Longnon, Polyptyque de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prs, p. 72, n 37;p. 78, n 7.

    3 Beaumanoir, en. XIV, 31, dit. Beugnot, t. II, p. 233; dit. Salmon, t. II,p. 234, n 452. Cf. Paul Viollet, Droit priv et sources, 2e dit., p. 314.

    4 Cf. Paul Allard, Esclaves, serfs et mainmortables, p. 166, avec la note 1.s Voyez, ce point de vue, une pice fort curieuse de 1474, dans Isambert, Re-

    cueil, t. X, pp. 685, 686.6 Salvaing, De l'usage des fiefs, en. XXXI, XXXII, Grenoble, 1731, t. 1er, pp. 179-183

  • 6 LIVRE IV. PERIODE FRANAISE.Les liberts dont je parlais l'instant se retrouvent commu-

    nment dans les chartes accordes aux villes. On observeracependant qu'il n'y a pas incompatibilit absolue entre l'tat demain mortable et la libert communale. On peut citer au XIIIe si-cle telle commune (Bray), dont les habitants sont, situationexceptionnelle, mainmortables du roi 1 J'ai parl aussi de ladisparition du droit de formariage; mais je suis loin de prten-dre que ce droit soit supprim dans toutes les chartes de fran-chise sans exception. Il y a plus : je le retrouve, au XIIe sicle,jusque dans certaines chartes de commune (Compigne,, Sois-sons), o il se dissimule sous une apparence d'abolition 2.

    Pour exprimer ce besoin gnral de libert dont les chartesde franchise sont les tmoins vivants, les philosophes scolasti-ques et les juristes trouvrent de belles formules : ils invoqurentde bonne heure le droit naturel 3.

    En regard des discours graves ou des principes, le moyenge a plac dans sa littrature et mme dans ses institutions lespropos joyeux ou les scnes amusantes, tout comme dans sesmonuments il a mari le plaisant au svre, le grotesque ausublime. Je puis ici prsenter, ct de ces seigneurs qui par-

    et suiv.; Brussel,

    t. II, p, 905, note; Dom Grappin, Quelle est l'origine des droitsde mainmorte dans les provinces qui ont compos le premier royaume de Bourgogne?Besanon, 1779, pp. 64, 65.

    .

    1 Charte de Bray, art. 2 (1210), dans Ord., t. XI, p. 296.2 Chartes de Soissons et de Compigne : Homines etiam communionis hujus,

    uxores quascunque voluerint, licentia a dominis suis requisita, accipiant; et, si do-mini hoc concedere noluerint et absque assensu et concessione domini sui quispiamuxorem allerius potestatisduxerit, si dominus suus eum inde implacitaverit, quinquetantum solidis hoc illi emendabit (charte de fondation de la commune de Compi-gne, 1153, dans Peign-Delacourt, Fac-simil de quatre chartes du XII e sicle concer-nant Compigne,Pierrefont et Noyon, Paris, 1864, p. 7; charte de Soissons, art. 5,dans Labande, Hist. de Beauvais, p. 272. Rapprocher charte de Laon, .art. 18, dansGiry, Documents sur les relations de la royaut avec les villes en France de 1180 a 1314,pp. 17, 18).

    3 On lisait, dans les recueils de Justinien : utpote cum jure naturali omnesliberi nascerentur, nec esset nota manumissio cum servitus esset incognita (Di-

    ,geste, I, 1, Dejustitia et jure, 4, Ulpien). La mme pense est dj exprime dansune charte de Louis Vil de 1152 (Luchaire, Hist. des instit. monarchiquesde la Francesous les premiers Captiens, t. II, p. 127, note 2). Joignez notamment: un acte de1270 cit par Molinier, De la condition des dbiteurs Toulouse, p. 39 ; les chartesque j'ai cites ci-dessus, t. II, p. 58, note 2.

  • LES CHARTES DE FRANCHISE. 7

    lent en docteurs du droit naturel, un personnagejovial, de sonvivant vque de Saint-Brieuc : c'est lui, qui, si je ne m'abuse,s'avisa un jour d'affranchir les habitants de deux maisons de larue Alle-Menaut sous cette condition, douce assurment, maisbizarre : chaque anne, la veille de la Saint-Jean, l'heure devpres, en prsence du seigneur vque, les propritaires deces deux maisons iront battre les eaux d'un ruisseau voisin, encriant: Grenouilles, taisez-vous! Laissez Monsieur dormir 1]

    Paralllement aux principes abstraits ou aux jovialits, quel-ques ides conomiques trs saines percent et l, ds leXIVe sicle. Un seigneur fodal, archevque de Besanon, parlecomme ferait un lve de Bastiat. C'est un esprit singulirementpntrant. Il proclame hautement l'infriorit du travail serfcompar au travail libre, et conclut dans son propre intrt l'affranchissement de ses propres serfs : ceux de morte-main,affirme-t-il, ngligent de travailler, disant que c'est pour autruiqu'ils travaillent...

    se ils loient certain que demouroient lours prouchains, ils le travailleroient et acquerraient de grantcuer. Il poursuit sa pense : les droits perus sur les contratssont une des sources de ses revenus : lesdits revenus crotront,si les sujets sont riches; et, s'ils sont libres, ils s'enrichiront : Item. Se li habitans estoient riches, ils feroient plus grans con-trats que maintenant dont li sires vadroit miex 2.

    Le prix des chartes de franchise.

    Tel autre, plus simpliste,n'a vu dans la libert accorde ses serfs que le prix immdiatde cette libert. Et il a pu surfaire ce qu'il voulait vendre; sibien qu'en diverses circonstances les serfs invits se racheterprfrrent garder leur argent avec leur servitude. Je ne suispas sr que les serfs des domaines royaux dans les snchaus-

    1 A. de La Borderie, Histoire de Bretagne, t. III, p. 121. Je dois ajouter queLa Borderie explique cet usage, non par un affranchissement, mais par une con-cession de terre perptuit, sans autre charge que cette crmonie bizarre ; ce queje dis dans le texte constitue une interprtation diffrente que je prsente titrede conjecture. Cette singulire coutume devait se rattacher aux solennits de lajoyeuse fte de la Saint-Jean : c'tait peut-tre le signal convenu pour l'allumagedes feux.

    2 Perreciot, De l'tat civil des personnes, t. II, 1786, p. 428, n 126 (affranchisse-ment de la ville de Gy, en 1347). Joindre ce que j'ai dj dit sur l'affranchissementdes serfs dans Droit priv, 2 dit., pp. 322-324.

  • 8 LIVRE IV. PRIODE FRANAISE.ses de Toulouse et Albigeois aient t fort reconnaissants Philippe le Bel, lorsque tout coup ce roi besoigneux leuraccorda (1298) la libert contre un cens annuel de douze denierstournois par stre de terre 1, et je sais qu'un peu plus tard,sous Louis X, les serfs, appels par le roi la libert, firent lasourde oreille 2.

    L'histoire ne nous dit pas ce que les serfs, possds Etam-pes par le Chapitre de Sainte-Croix d'Orlans, pensrent del'acte qui leur donnait la libert. Par cet acte, le Chapitre cer-tifie que ces serfs, heureux d'chapper l'opprobre de la servi-tude, ont promis d'acquitter les charges qu'il plairait de leurimposer. Aussi le Chapitre espre retirer de cet affranchissementtoutes sortes d'avantages. Il tablit notamment une dme nou-velle : outre la dme traditionnelle, il aura droit dsormais ladouzime gerbe ou mme, si le morceau de terre ne fournit pasdouze gerbes, la onzime. Cette douzime ou onzime gerbeportera un beau nom : elle sera la gerbe de la libert, gerbalibertatis 3.

    La route du progrs est tortueuse et difficile. Les socits sevoient souvent condamnes par certains cts une marchertrograde, dans le temps mme o elles se dveloppent end'autres directions. Cette observation se vrifie,dans l'ordrematriel aussi bien que dans l'ordre moral. Ici mme, ce grandeffort vers le mieux, dont j'essaye de donner une ide, ne tournapas toujours au profit du peuple. Je signale notamment certainsrevenus contestables que les seigneurs se crrent tardivement,tout juste l'poque o les populations s'branlaient vers lalibert : au XIIe, au XIIIe, au XIVe sicle. C'est, en effet, en Nor-

    1 Cf. Rossignol, Etude sur l'hist. des instit. seigneuriales et communales de l' ar-rondissement de Gaillac, Toulouse, 1866, p. 37.

    2 Cf. Paul Viollet, Droit priv, 2e dit., p. 322. On a fait avant moi cette obser-vation : ce qui indique la vraie porte de certains affranchissementsdans le Midi, c'estque la tenure occupe en cazelage avant l'affranchissement est souvent, lors del'affranchissement, rtrocde par le seigneur son sujet un autre titre plus avan-tageux au seigneur (acapte ou fieferme). Cf. Claudio Jannet, Une baronnie et une mu-nicipalit du Quercy au moyen ge et sous l'ancien rgime, dans Bulletin de la Socitd'conomie sociale, 15 janvier 1886, p. 69.

    3 Ordonnances, t. XI, p. 322.

  • LES CHARTES DE FRANCHISE. 9

    mandie, la fin du XIIe sicle1; en Franche-Comt, au XIII e etau XIVe sicle 2, que la fodalit tendit dmesurment le rgimedes banalits ou monopoles seigneuriaux des moulins : on nepeut gure douter que ces crations de monopoles n'aient pro-duit la fois une gne pnible et un renchrissement. C'est auXIIe sicle que furent tablis quantit de pages nouveaux : lafin de ce sicle, l'Eglise s'leva contre la cration de ces pagesau profit des seigneurs 3 : protestation qui se devait renouvelerpriodiquement4.

    Quand on examine de prs certaines chartes de franchises, ons'aperoit aussi que les seigneurs semblent y avoir exagr leursdroits de justice : ce qui correspond, tout comme le monopoledes moulins et la cration de pages nouveaux, un accroisse-ment de revenus. Je citerai notamment les chartes manes desseigneurs de Chlon-Arlayet de Faucogney, en Franche-Comt 5.Semblables affranchissements ne sont, en rsum, autrechose qu'une forme nouvelle de l'exploitation seigneuriale.

    Il est une autre extension des droits seigneuriaux, extensiondure au pauvre peuple et qui se poursuit obscurment de sicleen sicle 6 jusqu' la fin de l'ancien rgime (on pourrait ajouterqu'elle se continue de nos jours sous des formes un peu diff-rentes) : je veux parler de l'envahissement progressif des com-munaux. L'augmentation de la populationest la cause premirede ce phnomne : le plus actif ou le plus fort dispute partout ses semblables la terre qui les nourrit. Mas cet effort incessanta t, dans certains pays, le fait presque exclusif du seigneur.Il est devenu, en Angleterre et en Ecosse, une vritable spcu-lation en mme temps qu'un flau public. Ces deux royaumes

    1 Tardif, Le trs ancien Coutumier, texte latin, ch. LX, De molins, pp. 51, 52.2 Stouff, Les comtes de Bourgogne et leurs villes domaniales, Paris, 1899, p. 34.3 Concile de Latran de 1179, can. 22 (Hefele, Hist. des conciles, trad. Delarc,

    t. VII, p. 508). Cf., pour la priode antrieure, un concile de 1006 dans Vaissete,Hist. de Languedoc, t. V, nouv. dit., col. 35), n 165.

    4 Je fais allusion la bulle in coena Domini. Cf. Hinschius, Das Kirchenrecht, t. V,1893, p. 136, note 4.

    5 Cf. Tueley, Etude sur le droit municipal au XIIIe et au XIVe sicle en Franche-Comt, pp. 65, 97.

    6 Voyez, pour le Xe sicle, une constitution d'Otton II, dans Goldast, Const. imper.,III, p. 309. Il y a plusieurs tmoignages antrieurs.

  • 10 LIVRE IV. PRIODE FRANAISE.ont perdu, par le fait des enclosures 1 et des.clearances 2, leursolide population rurale. L'Allemagne a vu, au commencement duXVI e sicle, ses paysans se soulever en masse et terroriser unmoment tout le pays 3 . Nous avions eu, ds le XIe sicle, enNormandie, un mouvement analogue 4 . Le mal se continua,surtout dans certaines provinces. Il explique peut-tre certainesparticularits de la Jacquerie picarde 5. Je devais donc signalerces souffrances du peuple et je pourrais, cette occasion, nom-mer plusieurs seigneurs qui, l'heure de la mort, se les repro-chrent avec amertume 6. Il convient toutefois d'ajouter que le

    1 Cf. James E. Thorold Rogers, A history of agriculture and prices in England,t. Ier, 1866, pp. .650-653 ; Rville et Petit-Dutaillis, Le soulvement des travailleursd'Angleterre en 1381, p. XLI ; Leadam

    ,

    The Domesday of inclosures, 1517-1518, Lon-don, 1897, 2 vol. (publi pour la fi. Historical Society).

    2 Cf. de Sismondi, Condition des cultivateurs de race gaelique et leur expulsion,dans Etudes d'conomie politique, Paris, 1837, t. Ier, pp. 203-238 ; Stuart Blackie,The scottish highlanders and the land laws, London, 1885, p. 57 et suiv.; BrooksAdams, La loi de la civilisation et de la dcadence, Paris, 1899, pp. 314-337.

    3 Cf. Lepage, Archives de la Meurthe, Documents indits sur la guerre des rustauds,p. XVI ; Hanauer, Les paysans de l'Alsace au moyen ge, pp. 54, 55 ; Hans Virck, Po-lit. Correspondent der Stadt Slrassburg im Zeitatter der Reformation, Strasbourg.1883, pp. 117, 118. Le mal remontait trs haut. Voyez Thudichum, Die Gau-und Mark-verfassung, Giessen, 1860, pp. 294-306. La libert de la chasse, dont se proccupaientbeaucoup les paysans en Allemagne, se rattache ces droits divers sur les com-munaux. Je ne signale ici qu'un ct de la guerre des paysans : cet pisode a tdepuis vingt-cinq ans l'objet de trs nombreuses publications qui permettent de sefaire une ide d'ensemble.

    4 Guillaume de Jumiges, V, 2, dans Duchesne, Script, rerum Norm., p. 249.5 Cf. Bouthors, Les sources du droit rural, p. 82, note 2.6 En dcembre 1221, Blanche, excutant les dernires volonts de Gui de Chappes,

    seigneur de Jully (sur Sarce), rtablit les droits d'usage supprims par Gui dans lebois de Foolz que Gui avait chang en fort (H. d'Arbois de Jubainville. Hist. desducs et des comtes de Champagne, t. V, pp. 169, 170, n 1351 bis).

    Un sire de Bourbon, Archambaud VII,

    exprime cet gard son repentir dans sontestament (1248). Cf. Chazaud, Etude sur la chronologie des sires de Bourbon, p. XL.En 1271 (n. st.y. Henri III, duc de Brabant, exprime un sentiment analogue. Cf.Paul Errera, Les warchaix, Bruxelles, 1894, p. 13. Voyez encore : pour Tonnerre,Bulletin de la Socit des sciences de l'Yonne, 1876, t. XXX, p. 317; pour la Nor-mandie, la fin du XVI e sicle, Ch. de Robillard de Beaurepaire, Cahiers des tatsde Norm. sous Henri III, t. II, p. 133; pour l'Alsace au XVIIIe sicle, Hanauer, Lespaysans de l'Alsace au moyen ge, pp. 53, 54, 92 avec la note 3, 93 ; pour la France,en gnral, la fin du XVIe sicle , Froumenteau, Le secret des finances de France, livIer , 1581, p. 18, etc. Les citations seraient sans fin.

  • LES CHARTES DE FRANCHISE. 11

    mal ne fut pas en France pouss l'extrme: par suite, lesractions y furent aussi moins violentes.

    Une charte trs rpandue et trs envie, la loi de Beaumont (dontje parlerai plus loin) accordait aux habitants l'usage libre deseaux et des bois 1 : c'est l peut-tre la cause principale dusuccs inou de la fameuse loi de Beaumont. L'usage libre deseaux et des bois comprend la pche et la chasse, ncessaires .la vie humaine dans les temps primitifs et ds lors droits pri-mordiaux. La chasse et la pche taient encore au moyen ged'une grande utilit pratique. Les habitants de Montpellier,ceux de Felletin, firent inscrire avec soin le droit de pchedans leur charte 2. Les bourgeois de Dax possdaient sur unterritoire immense le droit de chasse sans aucune rserve : ilspouvaient fouler en paix le vaste territoire qui s'tend de laBasse-Navarre aux landes de la Gironde et de la Chalosse cen-trale l'Ocan 3.

    Une parole nergique dit bien les droits du peuple : c'estde notre Pre Cleste que tous les hommes tiennent en fief cesdeux choses : l'eau et l'herbe. Voil sous la forme chrtienne etfodale la pense antique, la pense prhistorique qui court parmiles petites gens 4. L'air, lui aussi, pourraittre dit, comme l'eau etl'herbe, un fief que tous les hommes tiennent du Pre Cleste.Heureuses les populations qui, comme les paysans de Beau-mont, les barons de Pontarlier 5 ou les habitants de Bar-

    1 Adhec concedimus vobis usum aque et nemorum liberum... [Bibl. de l'Ecoledes chartes, C. II, p. 250).

    2 Statuts de Montpellier, art. 52, dans Germain, Hist. de la commune de Montpel-lier, t. Ier, p. 90. Guibert, tes communes en Limousin du XII e ou XVe sicle, p. 38.

    3 Abbadie, Hist. de la commune de Dax, pp. 10, 11.4 Wasser und Weyde haben wir von dem himlichen Vater zu Lehen (cout.

    de Niedermending, dans Grimm, Weisthmer, II, 492). Cf. Ovide, Mtamorphoses,VI, v. 349 ; Isidore, Origines, V, 1, 2 ; Digeste, XLI, 1, De adquirendo rerum domi-nio, 1 (Gaius); Mackenzie Wallace, La Russie, trad. Bellenger, t. Ier, p. 139; proposd'un Irlandais rapport dans Le Gaulois du 9 aot 1881 (article sign Traveller).

    Les habitants de Hardt, sujets de l'archevque de Cologne, durent dclarer, en1378, l'inverse de ceux de Niedermending : quod aqua, aer et pascuae in dictodistricto pertineantdomino archiepiscopo et ecclesiae Coloniensi solum et in solidum (Grimm, ibid., p. 672).

    5 Cf. Droz, Mmoirespour servir l'histoire de la ville de Pontarlier, Besanon,1760, p. 47.

  • 12 LIVRE IV. PRIODE FRANAISE.celone 1, jouissent en paix de ces trois dons du ciel : l'eau,l'herbe et l'air ! car le seigneurou le roi envahit sans trve ni reposl'eau, l'herbe, et mme l'air ! A la fin du XIVe sicle, Boutillier,dans sa Somme rural, laissait encore l'air au peuple : il ensei-gnait que, de droit naturel, les oyseaux qui faonnent en l'airsont celui qui prendre les peut 2 ; mais, vers le mme temps,un jurisconsulte bourguignon rservait dj au seul baron ledroit de prendre hron bis faulcons ou aultres oiseauxgentil 3 .

    Le droit de pacage et d'usage dans les forts, le droit depche et le droit de chasse, furent chaque jour restreints 4,souvent supprims. Le droit de chasse en particulier se fit len-tement, comme tant d'autres droits, privilge : j'entends privi-lge de la caste noble 6. L'volution fut consomme au XVIIesicle (1669) 6.

    Ainsi la noblesse et la royaut ont rong, sans se lasser ja-mais, le droit primitif. Et, sous nos yeux, l'Etat moderne con-tinue ce lent travail des sicles.

    2.

    Vue gnrale sur les communes, les villes de bourgeoisie,les communauts d'habitants.

    L' essence de l'ide de commune.

    Si les liberts des villescomprennent trs ordinairement les franchises dont je viens dedonner une ide, et si ces franchises sont au premier rang des

    1 Usages de Barcelone, art. 72, dans Giraud, Essai sur l'histoire du droit franaisau moyen ge, t. II, p. 479.

    2 Boutillier, Somme rural, liv. Ier, ch. XXXVI,

    dit. de Lyon, 1621, p. 429.8 Rglementcit dans Coutume de Bourgogne indite, de la fin du XIVe sicle ou du

    commencement du XVe (Bibl. nat., ms. fr. nouv. acq. 1230, fol. CXXXIX v).4 Les juristes ont forg contre les droits du peuple cette formule spoliatrice :

    Usaige des bois, combien qu'il soit de long tempz, ne vault sans tittre ou sans rede-vance (Cot, de Bourgogne, art. 47; cf. art. 50, dans Giraud, Essai sur l'hist. dedroit franais, t. II, p. 277). Cf., pour l'tude de ce mouvement, Paul Viollet, Droitpriv, 2e dit., p. 564, avec la note 2.

    5 Voir dj une ordonnance de Charles VII du 18 aot 1451 (Isambert, t. IX,p. 177).

    6 Cf. mes Etablissements de saint Louis, t. Ier, pp. 102, 103, 392.

  • LES COMMUNES. 13

    liberts urbaines 1, celles-ci, ds qu'elles atteignent leur completdveloppement, se distinguent par ailleurs des simples affran-chissements. Cette chose nouvelle dont-je dois maintenant m'oc-cuper, cette libert caractristique, c'est la commune.

    Les villes de fondation ancienne taient plus riches que lescampagnes en lments originairement libres. Les villes de cra-tion nouvelle, nes autour de chteaux forts 2, autour de monas-tres 3, renfermaient elles-mmes une population plus avanceet plus aise que celle des groupes purement ruraux. Les besoinsde ces deux catgories de villes taient plus importants et plusvaris que ceux des campagnes : ce sont donc les villes quisentirent le plus vivement le besoin de s'organiser et de s'admi-nistrer elles-mmes, en se dgageant de la sujtion des seigneurslaques ou des seigneurs ecclsiastiques. Ce sont les villesqui surtout furent communes. L'observation n'a, d'ailleurs,rien d'absolu. Il y eut aussi au moyen ge des communes rura-les 4," et nous les signalerons : le nombre de ces communes estdj grand la fin du XIII e sicle dans le Sud-Ouest de laFrance6.

    La commune n'est pas un phnomne national. La commune

    1 C'est bien l pour Guibert de Nogent ce qu'il y a de plus grave dans la fonda-tion de la commune : Communio autem, novum ac pessimum nomen, sic se habetut capite censi omnes solitum servitutis debitum dominis semel in anno solvant, et,si quid contra jura deliquerint, pensione legali emendent ; cetera censuum exactio-nes, qua servis infligi soient, omnimodis vacent (Guibert de Nogent, De vila sua,lib. III, c. vu, dans D. Bouquet, t. XII, p. 250).

    Dans la premire phase de l'volution communale,il put fort bien arriver que desserfs fissent partie du corps des bourgeois : c'est ce que suppose.plus haut Guibertde Nogent; mais la condition de ces serfs fut, sinon brusquement change, du moinssensiblement amliore, au bout d'un certain nombre d'annes, par le fait mme dela constitution de la commune et des conventions particulires que les bourgeoisconclurentpeu peu avec les seigneurs. Les caractres de la servitude se trouvrentrduits ce point que la participation des serfs la bourgeoisie dut bientt treconsidre comme un affranchissement dfinitif (Luchaire, Les communes franaises l'poque des Captiens directs, Paris, 1890, p. 54).

    2 Chteauroux, Alenon, Mirepoix, etc.3 Saint-Riquier, Corbie, Charroux, Saint-Omer, etc.4 Cf. Luchaire, Les communes franaises l'poque des Captiens directs, p. 75.5 En 1271, il y avait dj 166 consulats dans le domaine royal de la snchausse

    de Toulouse, Albigeois non compris (Dognon, Les institutions politiques et adminis-tratives du pays de Languedoc, Toulouse, p. 59).

  • 14 LIVRE IV. PRIODE FRANAISE.est, au mme titre que la fodalit, un phnomne social ind-pendant, quant son essence, des races, des langues et desfrontires1. Quant son essence, ai-je dit. Quelle est donc l'es-sence de la commune? Je ramne, pour ma part, ce qu'il y ad'essentiel dans l'ide de commune au droit d'un groupe impor-tant d'habitants d'avoir des mandataires ou reprsentants per-manents 2. Mais ces reprsentants permanents ne sont point, aumoyen ge, arms de pleins pouvoirs ; car les membres de lacommune interviennent presque partout directement dans lesaffaires importantes 3.

    4 J'emprunte ces observations et ces expressions M. Pirenne, Villes, marchs etmarchands au moyen ge, dans Revue histor., t. LXVII, pp. 59-70. Joignez un articlede Fr. Funck-Brentano, dans Revue critique, 1898, pp. 170-177.

    2 Je traduis ainsi la pense d'un jurisconsulte du moyen ge qui, pour exprimerque les habitants d'une ville n'ont pas de commune, dit qu'ils n'ont ne cors ne com-mugne (Varin, Archives adm. de la ville de Reims, t. 1, seconde partie, p. 966, 967,n 393). Cf. Beaumanoir, ch. IV, 17, 18, 34, dit. Beugnot, t. Ier

    ,p. 80, 81, 88; dit.

    Salmon, t. Ier,

    ns 154, 155, 171 ; ord. de fvrier 1358, art. 17 (Mmoires de l' Acad-mie des Inscript., t. XXXIV, 2e partie, p. 288).

    En 1347, Philippe VI oppose fort bien aux communes les assembles d'habitants n'ayant corps ne commune " (Archives de l'Aisne, G. 253; d'aprs Matton, Invent,somm., t. III, p. 52).

    Depuis des sicles, l'expression body politic and corporate est devenue techniqueen Angleterre. Elle est essentielle dans les chartes de communes anglaises. Voir, titre d'exemple, la charte de Chelmsford, art. 2 (1888), dans The Essex county chro-nicle, 21 sept. 1888, p. 7. Cf. Burn, A new law dictionary, 1792, t. Ier, pp. 122, 123,,226 et suiv. ; Alworth Merewether, The history of the boroughs and munic, corpora-tions, 1.1er, p.XXXIII et suiv. ; Boutmy, dans Annales de l'Ecole libres des sciences po-litiques, 15 avril 1886. La dfinition large que je propose me permet de comprendresous ce mot commune les communes du XII e sicle aussi bien que celles de la fin dumoyen ge et des temps modernes. La plupart des historiens adoptent une dfinitiontroite qui ne convient qu'aux communes primitives : ils essayent ainsi de se faireune langue part, mais ils n'y russissent pas, car ils sont bien obligs de continuer appeler communes les communes de la priode secondaire, qui ne rentrent pasdans leur dfinition.

    3 Je fais allusion aux assembles gnrales d'habitants. Ici les textes abondent.Voyez : pour les communes lombardes, Pr. de Haulleville, Hist. des communes lom-bardes, t. Il, p. 19; pour Toulouse, Molinier, De la condition des dbiteurs Tou-louse d'aprs deux chartes de la fin du XII e sicle, pp. 11, 28 ; pour Limoges, Guibert,Documents relatifs l'histoire municipale des deux villes de Limoges, t. Ier, p. 120 ; pourSaint-Jean-d'Angly, Saudau, Inventaire sommaire, Charente-Infrieure, Ville de Saint-Jean-d'Angly, p. 10, 1re col.; pour Dinant, Pirenne, Hist. de la constitution de laville de Dinant, pp. 49-52, etc. Cf. Beaumanoir, ch. XXI

    ,

    28, dit. Beugnot, t. Ier , p. 318;dit. Salmon, t. Ier, n 648.Il est certain, d'ailleurs, que, dans les premiers temps, l'ide d'une entente rci-

  • LES COMMUNES. 15Le signe extrieur de l'existence de la commune, c'est le

    sceau 1, parce qu'il est de principe que le droit de sceau n'ap-partient pas aux groupes qui ne constituent pas des personnesmorales ou, comme on disait autrefois, en se conformant laterminologie, romaine, des corps ou des universits2. Il peutarriver qu'une ville ou un village ait en fait une reprsentationpermanente ou peu prs permanente : il lui manquera quelquechose, tant qu'elle n'aura pas conquis le droit de sceau. Le bef-froi (Eidglocke 3 chez les Allemands) est aussi un des attributsordinaires de la commune; mais je le tiens pour moins juridiqueque le droit de sceau.

    Je n'ignore pas que certaines chartes de commune trs an-ciennes ne mentionnent pas ou mentionnent seulement en pas-sant et, comme par hasard, cette reprsentation permanente 4,que je fais entrer dans la dfinition mme de la commune. Maisces chartes accordent la commune, c'est--dire prcisment ledroit de se grouper, de s'organiser. Or l'organisation des habi-tants d'une ville implique celte reprsentation permanente, qui

    proque, confirme par serment, a t pour un bon nombre de Franais la pense quise dgageait surtout du mot commune, en sorte que communia et conjuratio taientpour ces hommes deux mots synonymes (Facta igitur conspiratione quam commu-nionem vocabant (Gesta episc. Cenom., dans D. Bouquet, t. XII, p. 540. JoignezVilevault et Brquigny, dans Ord., t. XI, prface, p. XXIV, XXV) : cette synonymiese retrouve jusque dans la Rgle du Temple, o commune signifie complot, entente dedeux ou plusieurs frres contre un tiers (H. de Carzon, La rgle du Temple, pp. XXX,XXXI, 229,398, 402, 408, 409, 418, 567, 583).

    1 Voir notamment : pour Clermont, au XIIIe sicle, Bayle-Mouillard, Etudes surl'histoire du droit en Auvergne, pp. 38, 39; pour Reims, Varin, Archives admin. de laville de Reims, t. Ier, seconde partie, pp. 966, 967, n 393 ; pour Chelles, arrt du 24avril 1318, dans Boutaric, Actes du Parlement de Paris, t. II, p. 282, n 5783; pourLyon, en 1273, Bonnassieux, De la runion de Lyon la France, p. 61. Cf. du Cange,Glossarium, v Commune, t. III, p. 453, lre col. (dit. de Niort).

    2 Ladiche communautat seu universitas ; sia e puesca esser communautatseu universitas (Champollio-Figeac, Charte de commune pour la ville de Gra-lou en Qucrcy, 1288, Paris, 1829, pp. 62, 64). Voir, au sujet du sceau de l'Universitde Paris, Paul Viollet, Etablissements de saint Louis, t. IV, pp. 227-229, et ci-dessus,t. II, p. 369. Le sceau distingue la commune des groupes d'habitants qui ne sont pasconstitus en commune, mais il appartient toutes personnes morales aussi bien qu'la commune.

    ,3 A cause du serment prt par les bourgeois de se dfendre mutuellement. Cf. Pi-

    renne, dans Revue histor., t. LVII, p. 322.4 Cf. Lefranc, Histoire de la ville de Noyon, p. 68.

  • 16 LIVRE IV. PRIODE FRANAISE.est directement inscrite dans quantit d'autres chartes, surtoutdans les chartes plus rcentes. Rien d'inattendu, rien d'irr-gulier, rien d'incomplet comme les chartes communales. Elless'inspirent des intrts et des proccupationsdu moment, aban-donnant le reste la coutume, la tradition non crite. Si nousappliquions ces monuments anciens la terminologie moderne,nous dirions que les chartes de commune sont des fragments,des lambeaux de code civil, de code pnal, de code de proc-dure, de lois administratives.

    La plupart des auteurs donnent de la commune une dfinitionplus troite que celle que je propose. Cette dfinition troite estdj celle de Du Cange : Incolarum urbis aut oppidi universi-tas, domino vel rege concedente, sacramento invicem certisquelegibus astricta 1. Elle a le tort de ne pas viser, comme lamienne, l'ensemble des communes, celles de la priode secon-daire du moyen ge et celles des temps modernes, aussi bien quecelles du' haut moyen ge : mais ces dernires, seulement, et,plus particulirementparmi ces dernires, celles du nord de laFrance. Je prfre prendre dans l'ide de commune, pour le faireentrer dans la dfinition du mot, ce qui est permanent et uni-versel plutt que ce qui est accidentel et local. Ma conceptionde la commune est, d'ailleurs, identique celle de Beaumanoir 2.

    Le mot commune sonne mal aujourd'hui, du moins certai-nes oreilles, et dit d'une certaine faon. II en tait exactementde mme au moyen ge, et pour les mmes raisons. Ceci m'ex-plique l'absence du mot commune dans quelques textes quiprcisment consacrent l'existence de la chose, tout en vitantde la nommer. Dans le Midi, on disait universitas ou civitasplutt que communia. Est-ce horreur du mol? N'est-ce pas plu-tt que les mridionaux se rapprochent davantage de la termi-nologie latine?

    La question de savoir si une ville est commune donne quel-quefois prise au doute; de mme aujourd'hui la question de sa-voir si une association est ou non personne morale. Je serais tent

    1 Du Cange, Glossar., v Commune, dit. de Niort, t. III, p. 452, 2e col.2 Beaumanoir, ch. IV, 34, dit. Beugnot, t. Ier, p. 88; dit. Salmon,.t. Ier, n 171.

  • LES COMMUNES. 17

    pour ma part de ranger Beaumont-en-Argonne parmi les com-munes, bien que le mot commune ne soit pas crit dans la charteou loi de Beaumont-en-Argonne. En effet, aux termes de laloi de Beaumont qui fut octroye cette localit, en 1182,par l'archevque de Reims, Guillaume aux Blanches-Mains,Beaumont tait administr par un maire et des jurs, lus cha-que anne par les habitants. C'est l un indice de l'indpen-dance communale. Le maire et les jurs exeraient la justice aunom de l'archevque. Ils rendaient compte de leur gestion finan-cire aux officiers seigneuriaux 1 . Je ne vois pas toutefois quele droit de sceau ait t confr Beaumont : si Beaumont n'apas le droit de sceau, Beaumont n'est pas commune parfaite.

    La loi de Beaumont, qui consacrait, comme je l'ai dit, l'usagelibre des eaux et des bois, fut adopte par plus de 300 villes etvillages lorrains, champenois et ardennais; les archevques deReims, les ducs de Lorraine, les ducs de Luxembourg et lescomtes de Chiny la propagrent l'envi travers leurs domai-nes 2, ou plutt les populations obtinrent de ces princes l'octroide cette charte si gote, qui consacrait ou fondait de prcieu-ses liberts.

    Villes de bourgeoisie.

    Les villes (ou villages) sans com-mune, dotes cependant de privilges, de chartes de franchiseimportantes, habites par des hommes libres, sont souvent qua-lifies par les modernes villes de bourgeoisie 3. L'expression n'estpas juste, car les villes de commune sont habites par des bour-geois et mriteraient fort bien elles-mmes la dnomination devilles de bourgeoisie; mais nous n'essayerons pas de corrigercette terminologie qui est consacre.

    Lorris, dont la charte fut si apprcie au moyen ge, est sim-ple ville de bourgeoisie. C'est le prvt royal qui y rend la jus-

    1 H. d'Arbois de Jubainville, Loi de Beaumont, dans Bibl. de l'Ecole des chartes,3e srie, t. Il, pp. 248-256. Cf. Bonvalot, Le tiers tat d'aprs la coutume de Beau-mont, Paris, 1883.

    2 Ce passage est emprunt MM. Giry et Rville, dans Lavisse et Rambaud, Hist.gnrale, t. II, p. 472.

    3 Ces dveloppements auraient donc pu tre placs sous la rubrique du paragra-phe 1er, ci-dessus, Les chartes de franchise.

    V. III. 2

  • 18 LIVRE IV. PRIODE: FRANAISE.tice ; les bourgeois ne peuvent tre obligs de sortir de leur villepour tre jugs. Les amendes sont abaisses dans des propor-tions notables. Les obligations militaires: sont des; plus doucesles bourgeois de Lorris doivent toujours rentrer dans leurs foyersle soir mme de leur dpart pour l'est et chevauche; En faitd'impositions, ils doivent simplement un cens annuel de six de

    -

    niers par maison et de six. deniers par arpent de terre cultiv.Lorris est terre: de; libert : tout serf qui y a habit un an et unjour est libre 1 Trs gote,1 la coutume de Lorris se rpanditdans l'Ile-de-France, dans l'Orlanais, dans le Berry, dans. laTourasne, dans la Bourgogne, dans les provinces anglo-nor-mandes. Lorris n'avait pas de reprsentants en titre : Lorrisn'tait pas commune.

    Beaumanoir s'est occup des villes sans commune. Il les ap-pelle villes bateces. Cette expression, qui n'est pas spciale Beaumanoir, m'a souvent embarrass. Elleaurait peut-tre cettevaleur : villes du ressort du seigneur, " car certain texte nousoffre le mot bateys au sens de ressort. Ces villes se trouvent dansl'tat o taient les communauts d'habitants avant la crationdes communes (nous verrons bientt que ces communauts d'ha-bitants n'taient nullement dpourvues d'une certaine activitsociale). Les habitants des villes

    bateces n'ont pas de repr-

    sentants permanents, mais ils s'occupent en commun et directe-ment de certaines affaires : construction des glises, entretien deschemins, etc. Ils peuvent mme, le cas chant, soutenir un pro-cs. Ils forment, peu prs comme les villes, commune, ceque Beaumanoir appelle une compagnie 2 : les diffrences querelve Beaumanoir ressemblent jusqu' un certain' point celles

    1 Coutumes de Lorris, art. 1, 3, 7, 8, 18, dit. Prou, Paris, 1884, pp. 129-141V2 Beaumanoir, chap. IV, 34; chap. XXI 27, dit. Beugnot, t. Ier, pp. 88, 317,

    318 ; dit. Salmon, t. Ier, ns 171, 647:. Cf. Du Cange, aux mots Balicium et Baticius,dit. de Niort, t. il, p. 603, 3e col.; Godefroy, Dict. de l'ancienne langue franaise,t. Ier , Paris, 1888, pp. 564, 598; La Curne, Dict. de l'ancien langage franais, t. Il,p. 429. M. Suchier,. que je consulte, pense, d'aprs

    .

    les exemples-cits par Godefroy,que batece a d dsigner primitivement les maisons situes en dehors

    ,

    de lalimite de la commune, donc hors la commune ; plus tard, le mot se serait appliqu toute ville non commune.

  • LES COMMUNES. 19

    que nous relverions aujourd'hui entre une socit personnemorale et une socit qui n'est pas personne morale.

    Les bastides et villes neuves (nous dirions plus exactementen langage moderne bourgs neufs ), fondes aux XIe XII eet XIIIe sicles, n'taient pas des communes, si elles n'avaientpas de reprsentants permanents 1. Ces fondations, trs nom-breuses et du plus haut intrt pour l'historien et pour l'co-nomiste, rentrent souvent dans la vaste catgorie des villessans commune, pourvues cependant de charte de privilge.Quelques-unes de ces villes neuves se sont cres lentement, sesont faites peu peu : j'ai dj dit un mot de celte catgorie siimportante. D'autres, auxquelles j'arrive, ont t fondes date fixe par dcision de seigneurs qui voulurent crer sur leursterres des centres de population et mettre ainsi leurs territoiresen valeur. Ce fcond mouvement de dfrichement des forts oudes landes, de desschement des marais, s'tendit, au XIIe sicle, toute l'Europe chrtienne. II nous rvle les progrs de lapopulation 2 qui crot merveilleusement, dborde de toutes partset conquiert autour d'elle. Clercs, moines et laques rivalisent dezle. Les Cisterciens colonisent en Belgique et en Hollande.L'archevque de Brme fait des hommes entreprenants des

    concessions de terres incultes et de marais qui seront transfor-ms en rgions florissantes3.

    En France, nous pouvons peut-tre ramener trois types cesdiverses fondations de villes neuves, savoir : la sauvet outype religieux; la ville neuve proprement dite ou type cono-mique; la bastide ou type militaire.

    La sauvet 4 est un lien privilgi qui ressemble un asile.Des prlats, des vques l'ont aborne par des croix (ordinaire-ment quatre, une chaque point cardinal) : ils ont prononcl'anathme contre ceux qui oseraientenfreindre ces limites. Les

    1 Presque toutes les bastides fondes la fin du XIIIe sicle ont des consulats(Dognon, Les instit. polit, et adm. du pays de Languedoc, p. 59).

    2 Cf. Bourquelot, dans Mm. prsents par divers savants, 2e srie, Antiq. de laFrance, t. V, 1re partie, p. 56, note 1, p. 58.

    3 Cf. Th. von Inama-Sternegg, Deutsche Wirtschaftsgescichte, t. II, p. 13, avec lanote 1, pp. 15, 16.

    4 Voir du Cange, Glossarium, au mot Salvitas, dit. de Niort, t. VII, p. 293.

  • 20 LIVRE IV. PRIODE FRANAISE.princes sculiers, de leur ct, ont renonc leurs droits de jus-tice et de souverainet ; ils ont sanctionn par des peines sv-res l'inviolabilit de ce lieu privilgi. La puissance publiqueappartient quelque prieur ou quelque abb qui peroit tousles droits de justice. La sauvet rpond parfaitement aux be-soins et aux moeurs du Xe et du XIe sicle. Elle procde de cettat d'esprit d'o sont sorties, vers le mme temps, les trves etles paix de Dieu. Elle n'est souvent autre chose que l'asile tra-ditionnel de l'glise et de son pourtour. Dans la ville mme de

    ,Bordeaux, les puissants Chapitres de Saint-Andr et de Saint-Seurin avaient chacun leur sauvet, o ils exeraient les droitsde haute justice 1.

    Le mouvement tend se laciser au XIIe et au XIIIe sicle. Acette phase nouvelle correspondent plus nombreuses les villesneuves et les bastides.

    La ville neuve proprement dite est l type purement cono-mique. Un seigneur, pour mettre ses terres en valeur, dcrte lfondation d'une villa (au sens de village) ; c'est la ville neuve.Cette opration est analogue celle du propritaire qui appellesur ses terres quelques trangers ou htes pour les cultiver 2;mais elle est plus grandiose. Les nouveaux venus reoiventdes terres moyennant un cens minime. Ils sont garantis contre

    ,les taxes arbitraires. On leur assure des droits d'usage impor-tants dans la fort seigneuriale, un rabais sur le taux courantdes amendes, des exemptions de service militaire 3. Quel est,d'autre part, l'intrt du seigneur ? Des impts indirects paysde prfrence par les marchands du dehors, des droits de justice,

    1 Camille Jullian, Bordeaux, Aperu historique, p. 43.2 Voir un acte de 1142, publi par Luchaire, Hist. des instit. mon., t. II, p. 324;

    actes divers dans Luchaire, Louis VI, ns 86, 196, 222, 538, 551. On peut lire surles htes (hospites) : Lamprecht, Etude sur l'tat conomique de la France pendant lapremire partie du moyen ge, trad. Marignan, Paris, 1889, pp. 232-241 ; Prou, Lescoutumes de Lorris, pp. 22, 23. H. Se, Les htes et les progrs des classes rurales enFrance au moyen ge, dans Nouvelle revue hist. de droit, 1898, p. 116 et suiv. Il y aencore aujourd'hui, dans le dpartement de l'Eure, des tenures appeles htages etdes tenanciers appels hostagers. Voyez Usages locaux du dpartement de l'Eure, art.151 155.

    3 Courajod, Les villes neuves en France du XIe au XIVe sicle, dans Positions desthses de l'Ecole des chartes, Promotion 1865-1866, Paris, 1866, pp. 4, 6.

  • LES COMMUNES. 21

    des droits de mutation modrs, un cens annuel, seront pour luiun considrable accroissement de fortune. Peut-tre aussi pr-voit-il pour les terres qui lui restent une main-d'oeuvre bonmarch. Le seul voisinage d'un centre de population augmen-tera, d'ailleurs, la valeur de ses terres. Le fondateur de la villeneuve emprunte volontiers quelques traits religieux la sauvet,tendant, par exemple, au nouveau village la paix de Dieu, leconsacrant au Seigneur et ses saints 1

    La bastide est une ville neuve fortifie. C'est le type militaire.Les bastides sont fort nombreuses dans le Midi de la France 2.Tout bourgeois d'Agen avait le droit de crer des bastides surses terres et de leur donner des coutumes 3.

    Ces fondations nous font vivement sentir les rsultats merveil-leux du systme de la rente foncire et des diverses concessions perptuit qui mettent la proprit la porte de tous les pro-ltaires. Hostises, sauvets, villes neuves, bastides, furent au-tant de foyers de dfrichement et de culture, et contriburentpuissamment au progrs de la richesse publique. C'est le sys-tme des baux perptuels, appliqu non plus des individus,mais des collectivits.

    Si ces fondations nombreuses ne s'expliquent dans leur en-semble que par l'accroissement de la population, il faut ajouterqu'elles servirent les ambitions et les convoitises des princes.J'ai dit ailleurs ce qu'elles furent ce point de vue 4.

    Je reviens, pour ne plus la quitter, la ville parfaitementconstitue, c'est--dire la commune.

    Cration des communes.

    La commune est la libert orga-nise et fortifie. Ce n'est pas la libert cre.

    Les hommes qui firent les premires communes n'taient pas,en effet, comme nous nous le figurons trop facilement, des nou-veaux venus la vie publique.

    1 Cf. Flach, Les origines de l'ancienne France Xe et XIe sicles, t. II, pp. 161-211,344-348.

    2 A. du Bourg, Etudes sur les coutumes communales du Sud-Ouest de la France,Paris, 1882, p. 23 et suiv. Cf., sur les bastides, Boutaric, Saint Louis et Alfonse dePoitiers, pp. 512 et sniv.

    3 Tholin, Ville libre et barons, pp. 188, 189, 218-220.4 Cf., ci-dessus, t. Il, pp. 176-181.

  • 22 LIVRE IV. PRIODE FRANAISE.La priode qui prcda la cration des communes est loin

    d'offrir l'historien attentif le spectacle d'une multitude enti-rement asservie et passive. Sans doute, le peuple des villes n'apas de reprsentant permanent ( moins que, forant et dna-,turant quelque peu les faits, on ne veuille chercherce reprsen-tant en l'vque, qui est encore thoriquement l'lu du clerget du peuple); mais, en des circonstances frquemment rp-tes, ce peuple se runit et dlibre. Dans ls villes piscopales,la population urbaine forme le noyau principal des lecteurs du diocse, lecteurs dont le rle tend, il est vrai, s'effacerunpeu tous les jours,, mais n'a point encore disparu tout fait.Non seulement ces citoyens font quelque figure dans la.nomi-nation de l'vque 1, mais, en bien des cas, ils demeurent prsde lui, pour la solution de certaines affaires, ses conseils nces-saires 2 : c'est souvent avec leur consentement, au moins lgal,que ce haut dignitaire rgle diverses questions, consent desalinations, fait des acquisitions 3. C'est aussi avec le peuple que,dans certains conciles, les vques dlibrent, ou, du moins,c'est au peuple qu'ils demandent la sanction par acclamation deleurs dlibrations4. En d'autres cas, ces mmes citoyens (le mot

    1 Cf., ci-dessus, t. 1er pp. 411-412 ; t. II, p.. 322 et suiv,A la fin du Xe sicle, Guy, vque du Puy, cogitans assidue de tenenda pace

    de rebus ecclesias quas vi abstuleruntraptores hujus terre, jussit ut omnes.milites acrustici de episcopatu suo convenirent in unum, auditurus ab eis quale sibi de re-genda pace dorent concilium Quod illi dedignantes, etc. (Gallia christ., t. II,Instrum. ecclesae Aniciensis, col. 223).

    3 Acte du X e sicle, Mcon : Maimbodus, autistes cum collegio utriusque ordi-nis cleri ac populi (Ragut, Cartulaire de Saint-Vincent de Macon, p. 60, n LXXI. Cf.Gallia christ., t. IV, Instrum. ecclesiae Matisc, col. 279). En 974, l'vque de Char-tres runit une assemble de nobles, de clercs et de laques; il restitue certainesterres aux moines de Saint-Pre nostra auctoritate et consensu ecclesioe nostras tamclericorum quam laicorum (Gallia christ., t. VIII, Instr. ecclesiae Carnot, col. 292).Acte de la fin du Xe sicle, Modne : Johannes, episcopus Mutinensis, canonicisconsensum praebentibus necnon militibus et populis ipsius civitalis, coenobio S. PetriMulinensi bona quaedam donat

    Muratori, Antiq., t. III, p. 598 A; d'aprs .Cipolla

    et Manno, Indices, n 3890, p. 181). En 1083, les hommes de Garessio donnent desterrains la Chartreuse de Casotto (Nicome.de Bianchi, Le carte degli archivi Pie-montesi, Torino, 1881, p. 288),

    4 Decrevit sancta synodus, etc.. Quam sententiam juste et canonice prolatamnostra et apostolica auctoritas roboravit, laudante dulcissimo filio nostro prenominatoAugusto, cunctoque qui aderat clero et populo (concile de Mayence de 1.049,. dans

  • LES COMMUNES 23citoyen dsigne prcisment les habitants des villes pisco-pales 1) discutent avec l'vque de puissance puissance.Il en va souvent de mme avec les seigneurs laques 2. Aureste, dans une ville ou dans une bourgade, il y a desintrts qu'on rgle entre petites gens, sans l'interventiondu seigneur : droits de pacage, utilisation des communaux,etc. La communaut peut tre propritaire 3 ; elle adminis-

    Weiland, Constit. et acta publica imperator. et regum, t. 1er, Hannoverae, p. 98,n 51).

    1 Of. L. Delisle , Cartulare normand, Cuen, 1852, p. 126, note 1.2 En

    1080 le peuple de Narbonne (le rdacteur de la charte relve avec prdi-lection la prsence de beaucoup d'honestissimi ou nobiles ) ratifie une donation faitepar le vicomte de Narbonne la cathdrale de Saint-Juste. Une innumerabilis multi-tudo provinciae prend part l'affaire [Hist. de Languedoc, t. V, Toulouse, 1675,vol. 1656, 657, n COLXXXI).

    A Sens, de 1008 1015, les bourgeois font cause commune avec le.comte pourrsister l'vque.

    A Noyon, vers 1027, les bourgeois font cause commune avec l'vque, et mmeconspirent avec lui pour renverser le chtelain et dmolirle chteau (Flach , Les ori-gines Xe et XIe sicles, t. II, pp. 278, 279, 333, note 2).

    En 1101, Gaston V fonde l'hpital.de Mifaget et affranchit tous les habitants,.avecle consentement des hommes d'Asson, d'Airros, de Louvie et de Sainte-Colonne(Cadier, Les Etats de Barn, p 87).

    Vers 1897, les coutumes de .Bigorre sont promulgues commui consensu totiuscleri et populi (Giraud, Essai sur l' histoire du droit franais, Pices justifie, ,p. 19.D' A vezac - Macaya, Essais histor.. sur le Bigorre, t. Ier, 1823, p. 192, note 3).

    En 1004 Henri Il donne l'vch de Ble une fort en Alsace : " assentienteomni populo ejusdem saltus haetenus usum habente (Herrgolt, Genelogia idiplo-matica. Aug. gent. Habsburgicae , Vienne, 1737., t. II, p. 99 Cf. Thudichum, DieGau- und Markverfassung, p. 291).

    En l'an 1012 : Banaum nost num, ex consensu et voluntate (et omnium circahabitantinm qui ibi juxta pradia habere noscuntur :(Dronke, Codex diplom, Fuld.,Cassel , 1850 , p..344.)

    3 En 952, an don considrable est fait Vuydo, villicus, et ses pares ou modales(Loersch et Sahroeder, Drk zur Geschichte des deutschen Rechtes, t. Ier, Pirivatrecht,1881, p. 58-S9, :n 76 .(5.6).

    .An XI e.sicle, les bourgeois de Saint-Omer ont des communaux (cf. Flach, Lesoriginesde l'ancienne France, Xe et XIe sicles, t. II,. p. 361, note 3). En 1075. les habitants de Cheminot (pays Messin) possdent un lieu qualifi alodium Villare ; ilspayent une medevance de tres solidi; il est reconnu, aprs contestation, que ces troissolidi sont dus pro theloneo mercati, non pro censu alodii (Hist. gnrale deMetz., t. III,

    .p. 97).En Angleterre, au XIe sicle, nous rencontrons ce texte dans le Domesday book :

    " Hanc terram tenuerunt homines villas communiter et vendere potuerut" (Scrut-ton, Commons mi common fields , p. 14).

    Je termine par ce texte qui intresse l'Espagne : Et sic perdonavit ad omnes

  • 24 LIVRE IV. PRIODE FRANAISE.tre 1; elle aline 2; elle plaide 3; elle juge 4; elle ngocie des trai-ts et des alliances3. Ces droits, le peuple, coup sr, ne les

    abitatores istius loci supra nominato illam quartam partem de illo teloneo ut intereps divisissent (charte de Borrel, comte de Barcelone, dans Munoz y Romero, Co-leccion de fueros municipales, t. Ier, Madrid, 1847, p. 52).

    1 A Toul, au XI e sicle, le gardien de la ville, custodia portae,

    est choisi in plenoplacito par le commun [laude communi et meliorum civitatis) (D. Calmet, Hist. deLorraine, t. II, Nancy, 1745, Preuves, col. CCCXL). A Toul, en 1069, le ban de ven-danges est fix par le communis consensus abbatum et clericorum et villici et me-liorum civitatis (D. Calmet, ibid., col. CCCXXXIX).

    2 En 1118, tous les habitants d'un village prs de Verdun, hommes, femmes etenfants, consentent la cession d'une proprit commune (Flach, Les origines, Xe etXIe sicles, L II, p. 100, note 2). En 1033 (?), le diacre Ezelin prie l'vque deBle ut, eo mediante, et totius urbis populo consentiente, locus ille libertati dona-retur eique fabricandi ecclesiam... licencia concederetur . L'vque populum Deialloquitur, facilique concione consensus totius plebis volo pontificis, mirabili exul-tutionis applausu, inclinatur (Trouillat, Monuments de l'histoire de l'ancien vch deRle, t. II, pp. 2, 3, pice n 2. Cf. Boos, Urkundenbuch der Landschaft Basel., t. II,p. 3, n 11).

    3 En 850, Rothecarius et plusieurs autres qui semblent reprsenter la communautdes habitants de Crmone, soutiennent et perdent un procs contre l'vque (Mura-tori, Antiq., t. II, col. 951; d'aprs Hbner, Gerichtsurkunden, t. II, p. 38, n 746).En 1066, les habitants de Redon, vulgus totius villae, sont engags dans un procscontre les moines qui rclament une redevance (D. Morice, Preuves, t. Ier, pp. 405, 406.Cf. Laronze, Essai sur le rgimemunicipal en Bretagne pendant les guerres de religion,p. 10). Plus tard, lorsque les jurisconsultes analysrent avec soin les situations, ilsremarqurentque le procureur d'une ville o il n'y a pas de commune est le pro-cureur de tous les particuliers qui lui ont donn mandat, mais de ceux-l seulement(Beaumanoir, chap. iv, 17, dit. Beugnot; dit. Salmon, n 154). Dans les hautstemps, le principe ou la fictionde l'unanimit rsout la difficult par une voie peinediffrente.

    4 Au temps de Charlemagne, un vulgi concilium compos de rustici est appel se prononcer sur la vie d'un criminel : on lui demande la vie de ce criminel.Il nel'accorde pas (Vita sec. sancti Liudgeri, II, c. 27, dans Geschichtsquellen des BistumsMunster, t. IV, p. 72; d'aprs Nordhoff, Haus, Hof, Mark und Gemeinde Nordweslfa-lens, p. 26, note 5). Les choses se passent de mme Worms, au XI e sicle : Utillius loci minister cum subjectis concivibus suis sine juramento hoc determinet (Lexfamilie Wormatiensisecclesie, art. 12, dans Boos, Urkundenbuchder Stadt Worms, t. Ier,p. 42. Cf., au XIe sicle, un jugement dans Essays in Anglo-Saxon laws, pp. 374, 375).

    En 1084 dans le diocse de Cologne, tout le vulgus juge un servus accus de vol(Herm. Pabst, Miraculasancti Nicolai Brunwilarensis,dans Archiv, t. XII, Hannover,1872, p. 198).

    En 1127, un jugement est rendu par les bourgeois du chteau deLimoges dans un diffrend entre l'vque Eustorge et Boson de Forcellas (Guibert,Documents relatifs l'histoire municip. des deux villes de Limoges, t. Ier, p. 115,n 126). Cr. ci-dessus, t. Ier , pp. 310, 311, avec les notes; t. II, pp. 453, 455avec la note 1, 457.

    Il s'en faut que tous les tribunaux soient ainsi composs.5 Alliance entre les habitants de Corbie et ceux d'Amiens vers l'an 1025 (saint

  • LES COMMUNES. 25

    a pas uniformment et en tous lieux, mais il les possdesur divers points et en des rgions loignes les unes desautres.

    Ainsi ces hommes, libres ou mainmortables, ne vivaient pointinertes et passifs : il rgnait parmi eux une certaine vie publique,vie publique plus dveloppe mme qu'elle ne l'est de nos jours,car nous n'avons plus dlibrer directement sur nos propresaffaires.

    Un principe constitutionnel fort remarquable, principe souventviol assurment, comme tous les principes, tait flottant dansles esprits en ces temps-l. Il se retrouve dans l'Europe entire :eu Italie, en Espagne, en Allemagne, en France, en Russie. Jeformule ainsi qu'il suit ce principe profondment dmocratique :tous les intresss, les petits comme les grands, les pauvrescomme les riches, doivent prendre part aux dlibrations 1. Onsemble aussi avoir besoin de l'unanimit des voix: divers textesnous rvlent l'existence de cette pense primitive 2, dont certainsphilosophes, vraiment perspicaces, avaient jadis entrevu, par leseul effort de l'esprit, la ncessit thorique au temps de l'tat

    Grard, Miracula sancti Adalhardi, abbat. Corbeiensis, dans D. Bouquet, t. X,pp. 378, 379).

    1 977 : Tam majores quam mediocres quam minores convenientes una nobiscum (Cardi, Antichit italiche, Appendici, 1791, pp. 16, 17, n4).

    Avant 1008 : Tammajores quam minores " (Dom Morice, Preuves, t.. 1er, p. 357; quelques doutes surcet acte).

    1031 ou 1032 ; Tam nobilium quam pauperum (Gallia christ., t: II,Instrum. eccles. Pictav., col. 331, 332).

    Vers 1037 ; In commune decreveruntpotentes cum infimis (Gesta pontif. Camer., t. III, p. 55, dans Patrol. lat., t. 149,col. 174).

    1173 : Universi divites, pauperiores et mdiocres (Bodmann, Rhein-gauische Alterlhmer, Mainz, 1819, p. 453).

    1141 : Omnes burgenses tam pau-peres quam felices invicem consulentes (Monlezun, Hist. de Gascogne, t. VI,p. 197).

    1143 : Omnibus burgensibus tam divitibus quam pauperibus consen-tientibus et annitentibus (Wiegand, Urkundenbuch der Stadt Strassburg, t. Ier,p. 71). 1150 : Per communem consensum et collaudationem omnium vicinorumnostrorum majorum atque minorum (Carli, ibid., p. 30, n 9. Cf. n0s 10, 13).

    Pour l'Espagne, voir Espana sagrada, t. XXI, p. 343.

    Pour la Russie, voir ci-dessus, t. Ier p. 286, note 2.

    2 Voir ce que j'ai dj dit, ci-dessus, t. Ier, p. 286, note 2 ; t. II, pp. 48, 49. Joignez,entre autres indications, les citations de la note prcdente avec le contexte que jen'ai pas reproduit, notamment les documents de 1031 ou 1032, de 1141, enfin undocument de 1157, dans Allart, Privil. et litres... de Roussillon et de Cerdagne,1re partie, Perpignan, 1878, p. 42.

  • 26 LIVRE IV. PRIODE FRANAISE.de nature, comme ils disaient 1 Et l'unanimit, dans de petits mi-lieux, ne fut pas toujours une fiction. Mais les novateurs,notammentBeaumanoir, combattaient cette notion traditionnelle,et la loi de l'unanimit ils s'efforaient de substituer la loi de lamajorit 2.

    Les serfs

    je l'ai laiss entendre

    ne sont pas privs dudroit de runion. Nous pouvons citer notamment une assemblede mainmortables en 1257; une autre en 1389. Les femmesne sont pas toujours exclues de ces assembles populaires,convoques corz cornant et cloiche sonant : des femmesmaries (qui reprsentent peut-tre leurs marisabsents), une fille,une veuve, prennent part, en 1292, une assemble gnraled'habitants, tenue Ling en Berry 3 ; des femmes, reprsentantleurs maris, prennent part, on 1336, une assemble tenue Arbois en Franche-Comt4. Voil ce que nous apprennent leschartes si abondantes de la seconde partie du moyen ge. Je nedoute pas que ces moeurs, si bien attestes au XIIIe et au XIXesicle, ne soient aussi celles du XIe sicle.

    1 Locke, Du gouvernement civil, chap. vu, dit. d'Amsterdam 1755, pp. 132, 135.Cf. une observation fugitive dans W. V. Humboldt, Ideen zu einem Versuch die Gren-zen der Wirhsamkeit des Staats zu bestimmen, chap. III, Leipzig, pp. 56, 57.

    2 Beaumanoir, chap. XXI,

    28, dit. Beugnot, t. Ier, p. 318; dit. Salmon, t. Ier,n 648.

    Lamajorit telleque la conoitBeaumanoir, n'est pas la majoritpure etsim-ple. C'est une majorit o l'aristocratie doit tre, reprsente : anchois soufist se legrengnor partie, lequele partie il ait des mix soufisans,s'i accorde. Dj, dans lapetite loi le Beaumont (1182),. le maire, les jurs et quarante notables font la loi(loi de Beaumont, art. 53, dans Bibl. de l'Ecole des chartes, 3e srie, t. II, p. 253).Mais la droute complte du principe primitif de l'unanimit ne fut consomme quedans les temps modernes; car, au XVIIe sicle, Colbert, dans une circonstance parti-culire, exprime encore l'opinion que le

    .

    consentement unanime est ncessairepourtoute imposition en vue d'embellissement ou d'oeuvre de charit (Pierre Clment,Lettres, instr. et mm. de Colbert, t. IV, p. 134, note 2).

    Je reviendrai, en finis-sant, sur cette question si importante de la majorit.

    3 Cf. Stouff, Cartulaire de la ville d'Arbois, p. 137; Clment, Etude sur les commu-nauts d'habitants dans la province de Berry, Chteauroux, 1893, pp. 73, 75.

    Sur,le rle des femmes dans les assembles, voyez ci-dessus, t. Ier, p. 208; t. II, p. 3, etDroit priv, 2 dit., p. 293, note 4.

    4 Stouff, Cartulaire de la ville d'Arbois, la suite de l'tude intitule : Les comtesde Bourgogne et leurs villes domaniales, Paris, 1899, p. 152. Joignez une assemblede 1394 Marchville, o figurent trente-deux habitants parmi lesquels quatre veuves(Merlet, Les assembles de communauts d'habitants dans l'ancien comt de Danois,Chteaudun, 1887, p. 318, note 1).

  • LES COMMUNES. 27Ce groupe non organis, c'est ce qu'on a appel plus tard la

    communaut d'habitants. La communaut est, pour ainsi dire,de droit naturel. .Son existence est tout la fois si simple et sincessaire qu'elle n'a pas besoin de titre pour tre reconnue.

    ,

    La commune, au contraire, sera un privilge : elle rsulterad'une charte, d'un contrat 1, d'une situation favorable, excep-tionnellement acquise.

    ,

    J'ai voulu faire'toucherdu doigt que l'ducation politique despopulations tait bauche, lorsqu'elles sentirent, aux XI e et XIIesicles, le besoin de s'affranchir, de s'organiser, de se constitueren communes. Elles le firent avec cette spontanit d'o natforcment la varit. La varit, signe de la vie !

    .Les communes apparurent le jour o les intrts des groupes,devenus plus considrables et se sparant de plus en plus desintrts seigneuriaux, se dvelopprent et prirent corps. Iln'est pas prouv que le rgime municipal romain ait persistdans quelques villes anciennes et se soit simplement transform2.L'hypothse d'une volution de ce genre pour telle ou telleville, o l'antique curie aurait peu peu chang de nature etserait devenue insensiblement cour seigneuriale, reste aussi dmontrer. On sait, d'ailleurs, que certaines cours sigeant au-prs de seigneurs fodaux, volurent, quelle que soit leur ori-gine, vers l'indpendance et devinrent, en plusieurs localits,prcisment le corps de ville, c'est--dire le centre, le coeur dela commune3.

    1 Cf. Babeau, Le village sous l'ancien rgime, p. 2; Merlet, Des assembles de com-munauts d'habitants dans l'ancien comt de Dunois, pp. 5, 6.

    2 Voir ce que j'ai dit dans Droit public, t. Ier, pp. 314-318. C'est peut-tre Naplesqu'on peut suivre le plus longtemps l'ancienne curie : les curiales qui ressemblenten ces derniers temps un corps de notaires, existent toujours a la fin du Xe sicleet, sans nul doute, au commencement du XIe (Regii Neapol. archivi monum., Neapoli,1846, I. 1, pp. 16, 18, n 3; p. 23, n 5; pp. 27-34; II, p. 2, n 183 ; pp. 82, 194.Lothar von Heinemann, Zur Entstehwig der Sladlverfassung in Italien, p. 39);mais ils ne sont pas la racine d'o sortira la commune de Naples : cette racine,il faut plutt la chercher dans une societas, qui, en 1030, vient de se former ouva se former (Lothar von Heinemann, ibid., p. 38).

    L'volution semble avoir t diffrente en d'autres villes, comme je le laisse en-tendre dans le texte.

    3 Cf. Dognon, compte rendu de l' Histoire de la commune de Dax, par Abbadie, dans

  • 28 LIVRE IV. PRIODE FRANAISE.Les origines immdiates de nos communes sont trs diverses.'

    La force joua un rle (Laon, Vzelay, Cambrai, etc.); l'argent,un plus frquent rle. Il fallait quelque argent pour acheter duroi ou du seigneur les liberts de la commune. Signalons ici unmarchand mrite, Louis le Gros, qui se conduisit avec un rarecynisme, mettant aux enchres entre la commune et l'vque deLaon sa faveur ou son hostilit 1.

    On s'enrichit surtout par le travail des mtiers et par le com-merce. Je ne suis donc pas surpris que la commune ait t sou-vent l'oeuvre d'artisans et de marchands. C'est parce que cer-taines localits ont t de bonne heure le centre d'un commercpermanent, que ces localits sont devenues villes. Ces villeseurent leur droit spcial, quelquefois appel jus mercatorum.Ce droit nouveau simplifiait les formes surannes de la proc-dure2 et assurait ces populations une justice plus conomiqueet moins brutale 3 : la justice est une des bases ordinaires dela commune primitive.

    Annales du Midi, t. XI, p. 223-224. Je signale, ce propos, au Xe et au XIe sicle,deux personnages fodaux qui seraient peut-tre dignitaires urbains Tours. Ilss'intitulent, l'un : Turonensis civitatis miles et provisor; l'autre : vassalus Turonicsecivitatis (Cf. Grandmaison et Salmon, Le livre des serfs de Marmoutier,p. 68, n LXXII;Haurau, Singularits historiques, Paris, 1861, pp. 203, 204; Mabille, Catal

    ,

    analyt. dela Collection D. Housseau, 1863, p. 60, dans Mm. de la Socit archol. de Touraine,t. XIV). Il n'est pas impossible que le vassalus Turonicae civilatis, que je crois vas-sol du comte Geoffroy, se soit dit vassalus Turonicae civitatis, tout simplement parcequ'il habitait la ville de Tours : cette interprtation enlverait tout intrt la cita-tion. Le miles et provisor Turonicse civilatis resterait seul ; mais c'est peut-tre une sortede prvt. Voir, pour Nmes, ci-dessus, t. 1er, p. 316 ; pour Reims, ci-aprs, p. 93,avec les notes 2 et 3.

    1 Voir Luchaire, Louis VI le Gros, p. XXXV,

    337.

    Pour le XVe sicle, lire jour-nal de Masselin. dit. Bernier, appendice, pp. 684, 685.

    Leber a bien dgag cepoint (Leber, Essai sur l'apprciation de la fortune prive au moyen ge. Paris, 1847,pp. 312, 313).

    2 Pirenne, ibid., dans Revue hist., t. LXVII, pp. 59-70.

    On peut ajouter,avec M. Pirenne, que ces marchands et artisans venaient souvent du dehors et for-maient, l'origine, une population nouvelle qui se distinguait de l'ancienne popula-tion domaniale [milites, ministeriales, censuales).

    3 Voir notamment l'histoire de la commune de Leicester en Angleterre (Giry etRville, dans Lavisseet Rambaud, Hist. gnrale, t. II, pp. 437, 438).

    Pour Mont-pellier, Carcassonne, Toulouse, voyez Boutaric, Organisation judiciaire du Languedocau moyen ge, dans Bibl. de l'Ecole des chartes, 4e srie, t. Ier , pp. 220, 223, note.

    Pour Genve. Franchises de 1387, art. 1er, dans Mmoires et documentspublis par la

  • LES COMMUNES. 29

    On s'enrichit aussi par la culture des champs. Je ne doutepoint que certains groupes ruraux qui recherchrent, au XII e etau XIIIe sicle, la libert et le selfgovernmentne fussent frquem-ment en mesure d'offrir aux seigneurs et au roi de riches ran-ons. Telle est la pense de M. Luchaire, en ce qui touche notam-ment le groupe du Laonnois 1. Ces confdrations rurales appa-raissent, outre le Laonnois, dans le Soissonnois2, dans le paysde Caux 3, dans la Flandre maritime4, dans le Barn 5, dans leBrianonnois6, etc. Vingt villages groups autour de Pontarlierformaient avec cette ville un mme corps politique, le baroi-chage de Pontarlier 7.

    Communes ou agglomrations communales ont des points dedpart trs diffrents. Telle commune est une fraction d'anciennevilla romaine, fraction qui peu peu a conquis l'autonomie ;telle autre est une ancienne communaut d'hommes libres etfrancs. Parmi ces communauts sait d'hommes libres, soit d'an-ciens serfs, quelques-unes sont devenues des villes importan-tes 8; d'autres sont restes de modestes bourgs : tels les nom-breux villages qui suivaient la loi de Beaumont.

    Socit d'histoire et d'archologie de Genve, t. II, pp. 314, 316.

    En 1081, Lucques,qui n'est pas encore commune, obtient des privilges qui intressent avant tout lecommerce : ce sont des commerants qui prparent la commune de Lucques (Jul.Fcker, Forschungen zur Reichs- und RechtsgeschichteItaliens, t. IV, Urkunden, pp. 124,125, n 81).

    1 Cf. Luchaire, La commune collective du Laonnais, dans Les communesfranaises l'poque des Captiens directs, p. 84.

    2 L. Delisle, Catalogue des actes de Philippe Auguste, p. 36, n 148.3 Giry, Les tablissements de Rouen, t. Ier, p. 48.4 E. de Coussemaker, Sources du droit public et coutumier de la Flandre maritime,

    1re srie, Lille, 1873, pp. 10, 21.s Cadier, Les tats de Barn, p. 101s Acte de 1318 publi par Al. Roman, dans Nouvelle Revue hist. de droit, 1885,

    p. 668. Fauch-Prunelle, Essai sur les anc. instit. des Alpes Cottiennes-Brianonnaises,t. II, pp. 323-337. Cf. Flach, Les origines, t. II, p. 138, note 1.

    7 A. Thierry, Recueil des monuments indits de l'histoire du tiers tat, 1re srie,Rgion du Nord, t. II, pp. XLII-XLIV.

    8 Voir pour la Westphalie, Philippi, Zur Verfassungsgeschichte der Westphaelis-chen Bischofsstaedte, Osnabrck, 1894; compte rendu par J. Blondel dans Revuehist., t. LX, pp. 159-161. Des villes qui ont eu souvent pour noyau primitif unecorporation rurale conservent des biens communaux et y attachent une grande im-portance ; beaucoup d'habitants de ces villes ont du btail pour lequel ces commu-

  • 30 LIVRE IV. PRIODE FRANAISE.Pour atteindre cette personnalit distincte qu'est la com-

    mune, pour crer etorganiser cette vie nouvelle, nos pres, partisdes points les plus divers, placs dans les situations les plusdissemblables,, ont employ des moyens trs diffrents. Ici,d'anciens officiers royaux ou seigneuriaux (chevins, Consuls),autour desquels, depuis des sicles, se groupaient, avec con-fiance les populations, ont t les reprsentants naturels: de lacommune; l, des forces intrieures qui s'taient constitues ausein de ces populations laborieuses (ghildes, corporations, etc.)furent l'me des communes; ailleurs enfin, le peuple se cherchasimplement lui-mme, la mode moderne, par le suffrage uni-versel. Nous retrouverons, en tudiant l'organisation munici-pale, ces manifestations multiples, ces signes certains d'unesve abondante et d'une vie intense.

    Signalons ici, sans nous attarder davantage, quelques com-munes anciennes dans la rgion du Nord : Saint-Quentin avaitconquis son titre de commune avant 1077 ; Beauvais, avant1099- Arras devint indpendante au commencement du XII e si-cle. Noyon s'mancipa vers 1108; Valenciennes, en 1114;Amiens, entre 1113 et 1117 ; Soissons, en 1115 ou 1116; Corbie,.aux environs de l'an 1120; Bruges, Lille, Saint-Omer, en 1127;Gand et Lige, peu d'annes aprs 1.

    Une fois certains types de communes crs, ces types se pro-pagrent ensuite par voie d'imitation, suivant les besoins despopulations et au gr des circonstances. Les cits affranchiesfaisaient cole. Leur succs enhardissait les autres. Ce courantatteignit son maximum d'intensit au XII e sicle et dans la pre-mire moiti du XIIIe 2.

    La charte de Mantes a pour filiales les chartes de Pontoise,de Poissy, de Meulan, etc. La charte de Laon a pour filialesles chartes du Laonnois, de Montdidier, la premire charte

    naux sont ncessaires. Cf. Flammermont, Lille et le Nord au moyen ge, pp. 185,186.

    1 Giry et Rville, Emancipation des villes; les communes; la bourgeoisie, dans La-visse et Rambaud, Histoire gnrale, t. II, pp. 424, 425. Je modifie quelques dates.

    .

    Le premier maire d'Arras est du commencement du XIIe sicle (Guesnon, Les ori-gines d'Arras el de ces institutions, I, p. 39).

    2 Expressions de MM. Giry et Rville, ibid., p. 427.

  • LES COMMUNES. 31

    de Reims. La charte de Saint-Quentin a pour filiales cellesd'Eu, de Ham, de Chauny, de Roye, etc. La charte d'Amiensa pour filiales celles d'Abbeville, de Doullens, d'Ergnies etd'autres lieux en Ponthieu et en Picardie. La charte de Sois-sons a pour filiales celles de Compigne et Senlis; de Dijon,Sens, Meaux, Beaune, Montbard, Semur en Auxois 1 La chartede Monlbliard a pour filiales celles de Belfort, de Belvoir etde Hricourt 2. La charte de Beaumont-en-Argonnea pour filia-les plus de trois cents chartes dans la rgion du Nord-Est. Lacharte de Riom, dite Alfonsine parce qu'elle fut octroye cette ville par Alfonse de Poitiers, a pour filiales un bon nom-bre de chartes de l'Auvergne 3. Nous suivrons nous-mmes unpeu plus loin la charte de Rouen travers toute la France.Cette charte n'a pas t sans influence sur les plus anciensstatuts de Bordeaux, possession anglaise comme Rouen. Bor-deaux rayonna, son tour,, sur Blaye, Libourne, Saint-Emi-lion, etc. 4 : ces villes sont dites quelquefois les filleules deBordeaux.

    L'histoire de la plupart des grandes communes mridionales

    1 Cf. Warnkoeng, Franz. Staats-und Rechtsgeschichte, t. Ier , pp. 266-272 ; Thierry,Monum.. indits de l'hist. du tiers tat, Rg. du Nord, t. II, 1853, Prface, p. XXII ;Luchaire,, Les communesfranaises l'poque des Captiens directs, pp. 136-139; Ord.t.XI, pp. XXV, 197-254, 315; Muse des Archives dpartementales, pp. 104-106 ; Bourque-lot, dans Mm- prsents par divers savants, 2e srie, Antiq. de la France, V, lre par-tie, p. 49 ; Beaune, Les conditions des personnes, p. 125, note 1. Il y a une part deconjecture dans cette assertion que la charte d'Abbeville procde de celle d'Amiens,car, dans l'tat actuel de nos connaissances, la charte subsistante d'Amiens est pos-trieure celle d'Abbeville. Mais Amiens a eu une charte plus ancienne, aujour-d'hui perdue : de celte charte perdue drive la charte d'Abbeville, ainsi que l'atabli Augustin Thierry (Essai sur l'histoire de la formationet desprogrsdu tiers tat,Paris, 1853, pp. 338-345). Les doutes qu'a, soulevs Giry ne portent pas et ne mesemblent pas pouvoir porter sur la question mme de filiation, mais sur l'essai derestitution de la charte d'Amiens par Aug. Thierry, Cf., Giry, Documents sur lesrelations de la royaut avec les villes en France, p. 20, note 1; Prarond, Abbevilleavant la guerre de Cent ans, pp. 18-38..

    2 Tuetey, Etude sur le droit municipal au XIIIe et au XIVe sicle en Franche-Comt,p. 99. Toutefois la charte mme de Belfort n'est pas retrouve ; mais ce qu'en con-nat M. Tuetey autorise mon affirmation.

    3 Boutaric, Saint Louis et Alfonse de Poitiers, Paris, 1870, p. 506.1 Cf. Barckhausen,Note sur le texte et l'origine des statuts primitifs de la commune

    deBordeaux; A., Thierry, Recueil des monuments indits de l'histoire du tiers tat,Ire srie, Rgion du Nord, t. II, p. XI

    .

  • 32 LIVRE IV. PRIODE FRANAISE.

    est moins connue que celle des communes du Nord. Elles sesont cres de bonne heure, presque toutes facilement, silen-cieusement. Certaines circonstances spciales favorisrent, sem-t>le-t-il, cette mancipation pacifique. La plupart de ces villestaient partages entre plusieurs seigneurs laques et ecclsiasti-ques; ces propritaires mitoyens, ces coseigneurs, perptuelle-ment en lutte entre eux, trouvaient dans les populations desallis possibles qu'il fallait mnager, gagner leur cause ; lafaveur de ces conflits, les communauts virent sans doute leursprivilges s'accrotre et les liberts municipales se constituer. Les querelles interminables des archevques d'Arles et des com-tes de Provence, plus tard, au XIIIe sicle, les luttes de la Franceet de l'Empire en Provence, furent indirectement utiles l'in-dpendance de certaines villes, notamment l'indpendance dela cit d'Arles 1.

    Certes, je ne prtends pas que les meutes populaires soientinconnues dans le Midi. En 1141, par exemple, Montpellierfondait sa commune par l'insurrection 2. En 1188, Toulouse sesoulevait tumultueusement contre son seigneur, le comte Ray-mond. Mais j'estime qu' tout prendre ce ct tragique del'histoire communale joua un plus faible rle dans les villes m-ridionales 3. Dans quelques-unes de ces villes l'entente de lacommune et de l'vque est vraiment frappante. A Arles et Avignon, l'vque fait partie du conseil de ville 4. A Albi, leslections municipales se font la cathdrale, en prsence del'vque5.

    Qu'on ne s'exagre pas cependant la bonne intelligence des

    1 Giry et Rville, Emancipation des villes ; les communes; la bourgeoisie, dansLavisse et Rambaud, Hist. gnrale, t. II, p. 427.

    2 Germain, Histoire de la communede Montpellier, t. Ier, pp. 12, 13.3 Je signale un dit de Raymond Brenger (1222) trs hostile aux communes et

    consulats (Bibl. Nat., ms. lat. Nouv. acq., 1305, fol. 307 r). Je rappelle aussi que levicomte de Bziers et le viguier de Nmes furent massacrs par les habitants. Cf.Clos, Rech. sur le rgime municipal dans le Midi de la France au moyen ge, dans M-moires prsents par divers savants, 2e srie, Ant. de la France, t. III, p.