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Université Mohammed V Faculté des Sciences Juridiques,Economiques et Sociales Souissi, Rabat Droits des travailleurs dans une économie mondialisée A la lumière du Droit Social Marocain Etude élaborée par Moulay Hassan Aboutahir Pour l’obtention du Diplôme des Etudes Supérieures de l’Université Droit des Affaires et des Entreprises Année universitaire 20072008

Droits des travailleurs dans une économie mondialisée - Étude établie à la lumière du Droit social marocain

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Une étude qui tente de mettre la lumière sur l'applicabilité des normes de travail au Maroc et ailleurs dans un monde où les économies nationales sont en interdépendance continuelle et où la responsabilité de l'État vis-à-vis du travailleur est en net effritement en raison des contraintes de la mondialisation. L'étude cherche à contribuer à l'établissement d'un équilibre entre les droits des travailleurs et les intérêts des employeurs dans une économie mondialisée.

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Université Mohammed V Faculté des Sciences 

Juridiques,Economiques et SocialesSouissi, Rabat 

  

Droits des travailleurs dans une économie mondialisée  A la lumière du Droit Social Marocain   

 Etude élaborée par

Moulay Hassan Aboutahir  

 Pour l’obtention du Diplôme des Etudes 

Supérieures de l’Université 

Droit des Affaires et des Entreprises 

  

Année universitaire 2007‐2008 

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ABRIEVIATIONS

AMDH Association Marocaine des Droits de l’Homme BIT Bureau Internationale du Travail ALENA Accord Nord Américain de Libre Échange ANACT Accord Nord Américain de Coopération en matière de Travail CA Conseil d’Administration de l’OIT ECOSOC Conseil Economique et Social des Nations Unies GATT Accord Général des Tarifs et du Commerce GPS Global Positionning System HLA Human Leucocyte Antigen IED Investissement Etranger Direct IPEC Programme international pour l’abolition du travail des enfants NTIC Nouvelles technologies de l’information et de la communication OMC Organisation Mondiale de Commerce OCDE Organisation de la Coopération et du Développement Economique OIT Organisation Internationale du Travail OFPPT Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail ONG ORGANISATION NON GOUVERNEMENTALE ONU Organisation des Nations Unies SGP Système Généralisé des Préférences UMT Union Marocaine du Travail ZFE Zones franches d’exportation

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INTRODUCTION

La mondialisation de l'économie présente une menace réelle pour les normes sociales. Cette menace est de plus en plus forte du fait de l’ouverture des marchés, de l’interdépendance des économies nationales et de l’exacerbation de la concurrence pour acquérir des parts de marché et attirer l’investissement étranger. La montée de la concurrence puise ses fondements dans le concept de l'économisme, c'est-à-dire une logique économique poussée à l'extrême, un système de valeurs dans lequel les différentes sphères de la vie humaine sont subordonnées à des considérations d'ordre purement économique, en particulier, aux exigences de la concurrence et de la compétitivité. La mondialisation pose des défis économiques et sociaux par les mutations profondes qu’elle engendre dans les relations industrielles et les modes de production et de distribution. Certes, la mondialisation présente des opportunités mais également des risques d’exclusion pour les nations, les entreprises et les individus qui n’arrivent pas à amortir les chocs d’un monde aux relations purement compétitives. La montée du chômage, l’effritement de la protection sociale et le développement du travail indécent seraient les traits saillants de cette menace. Les impératifs de la concurrence, aussi bien sur les marchés que pour attirer et retenir des investissements étrangers, font que les pouvoirs publics de nombreux pays sont tentés de recourir à des mesures de réduction du niveau de la protection sociale pour pouvoir alléger les charges des entreprises implantées sur leur territoire.1

La protection sociale se trouve alors confrontée à la protection économique et l’équilibre recherché entre ces deux politiques2 semble se perdre dans les calculs libre-échangistes de la mondialisation alors même que le progrès économique et le progrès social ne devraient être des protagonistes. Le premier devrait en principe être le moyen pour parvenir au second. Ainsi les remous de la mondialisation de l’économie présentent une sérieuse épreuve pour les normes du travail dans tous les pays du monde, mais d’une manière plus aigue dans les pays en développement. D’où l’importance d’analyser ces phénomènes et leurs implications sur le système des normes sociales dans les Etats nationaux.                                                                  

1 Alain EUZEBY, le financement de la protection sociale et l’emploi à l’épreuve de la mondialisation de l’économie, 

étude  présentée  à  la  Conférence  internationale de  recherche  en  sécurité  sociale «  an  2000 »,  publications  de 

l’Association internationale de la sécurité sociale (AISS), Helsinki, Finlande, 2000, pp 10et 11. 2  Abdelkrim  Ghali,  droit  social marocain,  chapitre  consacré  à  « la mondialisation  de  l’économie  et  la  justice 

sociale »,  partie  de  l’étude  présentée  au  symposium  scientifique  « justice  et  équité »  organisé  par  l’ISESCO  et 

l’ACCT à l’Institut  National des Etudes Judicaires les 28, 29, et 30 octobre 1997, p.406  

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Le sujet de cette étude couvre des notions transversales. Il ne s’agit pas d’un sujet se rapportant stricto sensu aux normes du travail abordées dans un contexte purement national. Il s’agit plutôt d’appréhender les normes du travail en corrélation avec les effets de la mondialisation. Nous essayerons de voir comment la mondialisation pourrait créer des tensions entre la compétitivité économique et les normes sociales. Comment elle peut bousculer l’équilibre toujours recherché entre les droits des travailleurs et les intérêts des employeurs. En fait, nous analyserons certains aspects de la mondialisation en liaison avec leurs répercussions sur les normes du travail. Nous utiliserons indifféremment les termes de normes du travail et de normes sociales même si les secondes ont une portée en principe plus générale. Pour des raisons d’ordre pratique, nous aborderons les effets de la mondialisation sur les « normes du travail » d’une manière générale, et par souci de clarté, nous mettrons beaucoup plus l’accent sur les « normes fondamentales du travail » lorsque nous avancerons des exemples qui nous aideront à mieux voir les aspects de la problématique dans cette étude qui se veut appliquée au Droit Social Marocain. Nous nous proposons donc d’analyser les effets de la mondialisation sur les normes du travail dans la Première partie et l’applicabilité des normes du travail dans une économie mondialisée dans la deuxième partie. Nous présenterons à la fin des propositions dans le sens d’une réconciliation entre la protection économique et la protection sociale.

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PREMIERE PARTIE LES NORMES DE TRAVAIL A L’EPREUVE DE LA MONDIALISATION  

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Pour mettre la lumière sur les effets de la mondialisation sur les normes du travail, il est utile de délimiter, de prime abord, la notion des « normes de travail » et celle de la « mondialisation ». Les normes du travail représentent les règles et les principes qui puisent leurs sources dans la justice sociale et les droits de l’Homme et qui servent de base pour les règles du droit du travail et de la protection sociale. Selon une étude de l’Organisation de la Coopération et du Développement Economique (OCDE), les « normes de travail » sont les principes et les règles qui régissent les conditions de travail et les relations professionnelles3. Pour la Commission des normes de travail du gouvernement du Québec, les normes du travail (en anglais : Labour standards) sont les règles qui régissent des conditions de travail fixées, par voie législative ou par voie réglementaire, et qui prévoient des droits et des obligations minimales pour les parties d'un contrat de travail 4. S’il existe des normes du travail sur une multitude de questions relatives aux relations et aux conditions du travail, il n’existe pas un ensemble de normes du travail uniques et universelles. Les gouvernements nationaux établissent différemment des normes de travail ayant force de loi. Cependant, les normes du travail les plus largement acceptées sont celles définies dans les conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT)5 ayant un caractère contraignant pour les Etats qui les ratifient. Le Maroc a ratifié plusieurs de ces conventions. Nous trouverons, en annexe 3, un tableau récapitulatif des conventions de l’OIT ratifiées par le Maroc à la date de la présente étude. Il convient également de préciser la notion des « normes fondamentales » de travail qui sont définies par le consensus international 6 qui apparaît à travers « LA DECLARATION DE L'OIT

RELATIVE AUX PRINCIPES ET DROITS FONDAMENTAUX AU TRAVAIL» de 19987. Cet instrument déclare au paragraphe 2 de son dispositif que : « l'ensemble des Membres, même lorsqu'ils n'ont pas ratifié les conventions en question, ont l'obligation, du seul fait de leur appartenance à l'Organisation, de respecter, promouvoir et réaliser, de bonne foi et conformément à

                                                                 

3  Le  commerce,  l’emploi  et  les  normes  du  travail:  étude  sur  les  droits  fondamentaux  des  travailleurs  et  les 

échanges internationaux, Organisation de la Coopération et le Développement Economique (OCDE), 1996, p. 27 4 Petit lexique, Commission des Normes du Travail, Québec.  

Site Internet : http://www.cnt.gouv.qc.ca/fr/gen/lexique/index.asp 5 Les normes du travail de l’OIT sont contenues dans des conventions contraignantes pour les Etats qui les ont 

ratifiées et des recommandations qui aident les pays membres de l’OIT dans leur politique sociale ; Article 19 de la 

Déclaration de Philadelphie, Conférence de Philadelphie, 1944.   6 Echanges internationaux  et les normes fondamentales du travail, OCDE, 2000, p. 20. 7 Base de données de l’Organisation Internationale du Travail, Genève, 1998. 

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la Constitution [de l’OIT], les principes concernant les droits fondamentaux qui sont l'objet desdites conventions, à savoir:

a) la liberté d'association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective; b) l'élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire; c) l'abolition effective du travail des enfants et d) l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession.

Ces normes dégagent donc leur caractère « fondamental » du fait du minimum de protection sociale qu’elles se proposent de procurer et surtout du consensus qui s’est dégagé autour d’elles à travers les obligations qui découlent de la Déclaration de 1998 susmentionnée et qui engagent tous les pays membres de l’OIT, abstraction faite de la ratification ou non des conventions correspondantes. S’agissant de la « mondialisation », il n’existe pas d’unanimité sur sa notion, encore moins sur son ampleur et ses effets. La mondialisation de l'économie n'est pas un phénomène nouveau. Ce n’est qu’à l’une de ses étapes relativement avancée que le monde assiste ces dernières années. La libéralisation du commerce des biens et services, la disparition progressive des barrières douanières et techniques aux échanges internationaux et la libre circulation à travers les frontières du capital d'investissement et de la finance sont les caractéristiques les plus saillantes de la mondialisation de l’économie. La mondialisation de l’économie est donc une internationalisation accrue du commerce, du capital d'investissement, de la finance, des entreprises, de la production, de la distribution et de la technologie. Le phénomène de mondialisation est exacerbé par une révolution sans précèdent des technologies de l’information qui a bouleversé profondément la vie des sociétés, modifié les modes de production et de distribution et influé sur les relations individuelles et collectives, notamment dans le monde du travail, ce qui n’est pas sans effets sur le système des normes sociales. En raison de la libre circulation du capital à travers les frontières, l’ouverture des marchés et la révolution technologique, la mondialisation de l'économie est aussi cette capacité qu'ont les entreprises de transférer leurs activités de production au-delà des frontières nationales à la recherche de plus de profit et moins de normes sociales. Ce transfert intervient dans le cadre des opérations appelées habituellement « délocalisations ».

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Dans ce climat de mondialisation dans le quel les normes sociales devront évoluer et s’adapter, nous allons essayer de voir, dans un premier temps, quels effets la libéralisation du commerce et de l’investissement pourrait avoir sur les normes du travail (chapitre I) et ensuite quelles sont les implications des nouvelles technologies sur ces normes (chapitre II).

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CHAPITRE I : LES NORMES DE TRAVAIL FACE A LA LIBERALISATION

DU COMMERCE ET DE L’INVESTISSEMENT

Parmi les aspects les plus saillants de la mondialisation figurent la libéralisation du commerce et la libre circulation du capital à travers les frontières. Ces deux phénomènes économiques ont des répercussions considérables sur les politiques sociales en général et sur les normes du travail en particulier. Les impératifs de compétitivité d’une part et la course à l’attractivité des investissements directs étrangers d’autre part conduisent à une certaine « souplesse » dans la formulation et la mise en œuvre du système des normes sociales. Bien que la libéralisation du commerce et la libre circulation du capital d’investissement soient intimement liées et ont souvent les mêmes implications, nous aborderons, par souci de précision, dans deux sections séparées, d’abord les relations entre le commerce et les normes du travail (Section I) et ensuite l’impact la libéralisation des flux transfrontaliers d’investissement sur les normes de travail (Section II).

Section I : Les normes de travail et le commerce

Au terme d’une longue période de cloisonnement et à la fin de la deuxième guerre mondiale, le libéralisme a pris le pas sur le protectionnisme. D’abord, les Accords de Bretton Woods du 22 juillet 1944 ont instauré la base d’une nouvelle architecture financière internationale. Ensuite, la libéralisation du commerce fut engagée, à ses débuts, en octobre 1947 par les signataires8 de l’Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce (GATT) qui a contribué, durant une cinquantaine d’années, au démantèlement progressif des droits de douane et des systèmes de quota sur les importations qui entravaient les échanges des marchandises. Ce cadre légal international a contribué à l’ouverture des marchés des pays membres du GATT.

                                                                 

8 Australie, Belgique, Brésil, Birmanie, Canada, Ceylan, Chili,la République de Chine, Cuba,Etats‐Unis, France, Inde, 

Liban,Luxembourg, Norvège, Nouvelle‐Zélande, Pakistan, Pays‐Bas, Rhodésie du Sud, du Royaume‐Uni, 

Syrie,Tchécoslovaque et l'Union Sud‐africaine. 

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Le processus de libéralisation du commerce a abouti en avril 1994 à la création à Marrakech de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Cette Organisation dont le siège est à Genève a pris le flambeau du libre échange le 1er janvier 1995, date d’entrée en vigueur de l’Accord de Marrakech, en incluant dans ce processus, en plus du commerce des marchandises, le commerce des services et en établissant un lien sans précédent entre le commerce et la protection des droits de la propriété intellectuelle.

Ces développements ont eu un impact considérable sur les cursus juridiques et les systèmes des normes sociales des Etats nationaux. L’exacerbation de la concurrence au niveau des marchés, due à la libéralisation du commerce des biens et services, a donné lieu à des pressions sur les normes du travail. C’est ainsi que les impératifs de compétitivité ont renforcé le besoin de réduire constamment les coûts pour pouvoir s’aligner avec les prix les plus bas du marché. Ces réductions sont effectuées soit par l’abaissement des normes sociales ou par le transfert des unités de production vers un lieu où la main d’œuvre est abondante, de bon marché et de faible niveau de protection sociale. Pour mieux cerner les effets de la libéralisation du commerce sur les normes du travail, nous aborderons les relations d’interaction mutuelle entre le commerce et les normes du travail en mettant l’accent sur les aspects économiques et sociaux des normes du travail (sous-section A). Nous exposerons ensuite les enjeux du lien que certains proposent d’introduire entre le commerce et les normes du travail, sous la fameuse dénomination : « clause sociale » (sous-section B).

§ A. Les relations entre la libéralisation du commerce et les normes sociales

Il n’existe pas, au niveau des recherches effectuées à ce sujet, une preuve qui puisse nous

aider à nous prononcer, d’une manière tranchée, positivement ou négativement sur l’impact de la libéralisation du commerce sur les normes sociales. Certains sont prudents et essaient de mettre l’accent sur les aspects négatifs de la libéralisation du commerce sur les systèmes de protection sociale, tandis que les tenants du libre échange essaient de faire valoir plutôt les bienfaits de la libéralisation du commerce sur les normes sociales. Les premiers estiment que la protection sociale est souvent considérée par les libres échangistes comme un poids qui pèserait très lourdement sur l’économie et qui ferait obstacle à l’emploi puisque que les prélèvements y relatifs alourdissent le coût de la main d’ouvre et par là les coûts de production. Cette analyse tend à poser un problème de tension entre la compétitivité économique et les normes sociales.

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Le problème se pose d’une manière plus complexe du fait que la compétitivité est une notion économique clairement définie et élément moteur du commerce, alors que les normes sociales paraissent moins claires, puisent leur source de légitimité dans les principes de l’équité, de la morale et de la justice et porteraient le risque de devenir un frein à la concurrence dans des marchés de plus en plus ouverts et compétitifs.

Ce problème est déjà très ancien, mais il se pose de manière très aigue sous la pression de la mondialisation de l’économie qui nourrit la concurrence, prise sous les tenailles des théories du libre échange et de la dictature des mécanismes du marché. Autrement dit, les échanges reposent fondamentalement sur les exigences d’une concurrence internationale de plus en plus vive appelant aux privatisations, à la déréglementation et au besoin d’un assouplissement des législations sociales. En effet, les impératifs de compétitivité des entreprises dans un monde de libre échange impliquent souvent des compressions de salaires et des charges sociales. Ils conduisent les entreprises à réduire les salaires ou éliminer les emplois pour demeurer en mesure de vendre à de meilleurs prix et augmenter les bénéfices en vue de disposer de ressources accrues pour financer les investissements.

Cette équation contraint les entreprises à rechercher, sans cesse, les coûts de production les plus bas, en réduisant les coûts sociaux par l’instauration du travail précaire, le recours au travail des enfants et au travail forcé, et par d’autres pratiques affectant les droits des travailleurs. Ces phénomènes engendrent un net recul de la protection sociale et portent un sérieux coup au pouvoir de pression des syndicats. La concurrence internationale et les politiques de compétitivité augmentent, ainsi, les inégalités sociales, les situations de pauvreté et d'exclusion dans la plupart des pays, notamment en développement.

En opposition à cette analyse, les défenseurs du libre échange pensent que la libéralisation du commerce contribue au progrès économique qui contribue à son tour au progrès social. La concurrence internationale est donc un facteur positif pour le progrès économique car elle incite les entreprises à être plus dynamiques, à innover, à comprimer les coûts et les prix et à mieux s'adapter aux désirs du consommateur. La richesse qui en découle à moyen et à long terme est redistribuée pour servir la promotion du bien être social.

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Ces thèses néo-libérales défendent en particulier l’idée que chaque pays a intérêt, dans le cadre d’un commerce de plus en plus libre entre les nations, à se spécialiser dans les productions pour lesquelles il bénéficie d'avantages relatifs et à importer les marchandises qui sont plus coûteuses à produire chez lui.9. Les études qui ont été menées à ce sujet par l’OCDE, organisation regroupant les pays industrialisés, faut-il bien le rappeler, tentent de démontrer l’existence d’une relation d’interaction positive, dans un cadre concurrentiel, entre la productivité (et par là la performance de l’entreprise) et le niveau des normes du travail et ce pour défendre l’idée de l’impact positif du libre échange sur les normes sociales. Selon ces études, il existe une corrélation positive entre les normes du travail et la productivité, car si par exemple les salariés des usines américaines sont considérablement mieux payés que leurs collègues sud-coréens, il n’en demeure pas moins que la productivité du travailleur américain constitue le double de celle du travailleur sud-coréen. Et puisque le travailleur américain perçoit un salaire plus élevé et bénéficie de conditions de travail meilleures, son coût social est largement compensé par sa productivité plus élevée. Ainsi selon les tenants de cette théorie, le respect des normes du travail développe un climat qui favorise l’innovation et la productivité10 et par conséquent l’aptitude de l’entreprise à s’adapter à la concurrence dans les marchés. La libéralisation du commerce n’a pas, en conséquence, d’effets négatifs sur les normes sociales. Bien au contraire, elle devrait favoriser leur promotion. Dans la pratique, ces analyses supposent l’existence de marchés de concurrence parfaite et de concurrents (entreprises ou pays) de niveaux de développement rapprochés. Leur applicabilité est fonction de plusieurs facteurs dont le niveau de développement de chaque pays et la capacité de ses entreprises. Autrement dit, les effets positifs et négatifs de la libéralisation du commerce sur les normes sociales ne sont pas les mêmes partout, ils varient selon le niveau de développement de chaque

                                                                 

9  Cette  recommandation  s'appuie  sur  la  théorie  néo‐classique  du  commerce  international,  qui  prolonge  et 

développe la fameuse «loi des avantages comparatifs» formulée au début du XIXe siècle par D. Ricardo et qui a 

fourni des justifications au libre‐échange. Le noyau de cette théorie est représenté par le «théorème» d'Hechsher‐

Ohlin‐Samuelson, deux économistes suédois et un américain qui ont repris et approfondi au début du 20ème siècle  

la théorie de Ricardo .  10 Etude de l’Organisation de la Coopération et le Développement Economique  précitée, 2000, p. 35 

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pays, le contexte régional et international dans lequel ils évoluent et suivant la mise en oeuvre des politiques commerciale et sociale11 supposées être cohérentes et équilibrées. En tout cas, la libéralisation du commerce et l’ouverture des marchés pourraient avoir des effets pervers sur les normes sociales. Les analyses schématisées que nous venons de citer conduisent donc à des conclusions sur l’existence d’un risque tangible du recul des normes sociales. Que l’on se place du côté de l’une ou l’autre théorie, le risque d’un moins disant social demeure réel et pourrait résulter des politiques et stratégies des entreprises multinationales et des entreprises nationales qui se trouvent en pleine compétition souvent sur la base des prix et dans des marchés ouverts. En effet, de nombreux travaux académiques confirment que les réformes économiques et sociales en cours dans la plupart des pays opèrent dans le sens de la normalisation vers le bas des normes sociales et que la mondialisation de l’économie et plus précisément la globalisation des entreprises y contribue considérablement12. Dans le but de pallier au risque de tiraillement vers le bas des normes sociales, certains théoriciens, notamment du monde occidental, estiment que l’inclusion dans le régime commercial de règles sociales contraignantes pourrait être une panacée. C’est ce qu’on a l’habitude d’appeler les « clauses sociales ».

                                                                 

11  Les  instruments  des  politiques  commerciale  et  sociale  d’un  pays  sont  la  vision,  la  stratégie,  les  lois,  les 

règlements et les institutions.  12 Pierre Berthaud et Michel Rocca, firmes globales et normes sociales, 2004, publications  de « Annuaire Français 

de Relations Internationales » (AFRI).   

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§ B. Les clauses sociales

Pour saisir la notion des clauses sociales, il convient de distinguer, d’abord, les « normes

sociales » des « clauses sociales ». Les « normes sociales » définissent un ensemble de règles que les gouvernements doivent faire respecter dans le cadre des relations du travail.

Une clause sociale, quant à elle, est une règle qui introduit un lien entre le commerce et les

normes sociales en conditionnant l’octroi de certains avantages au respect de ces normes. Ces avantages, appelés aussi « concessions tarifaires», sont accordés par un pays, dans le cadre d’un accord commercial, en forme d’accès au marché, aux marchandises d’un autre pays, en franchise ou avec réduction des droits de douane13.

Le manquement à l’application de ces normes sociales conduirait à l’application de sanctions sous forme de retrait des concessions d’accès au marché préalablement accordée ou l’imposition de droits additionnels appelés « droit compensateurs » sur les marchandises qui seraient produites en violation des normes sociales. La clause sociale a gagné en importance surtout à la fin des négociations commerciales multilatérales du Cycle d'Uruguay14 des parties à l’Accord Général sur les Tarifs et le Commerce (GATT). Les partisans des clauses sociales, principalement des pays industrialisés, ont pris conscience qu’il fallait introduire un certain lien entre le commerce et les normes sociales afin de se prémunir de la concurrence des marchandises des pays où un certain niveau de protection sociale n’est pas établi.

Ces derniers n'ont, cependant, pas réussi à rallier à leur discours les pays en développement, malgré l'objectif déclaré de l’introduction dans les accords commerciaux d'un tel lien et qui consiste à protéger les droits des travailleurs de ces pays.

                                                                 

13 Glossaire posté au site : http://training.itcilo.it/seminaire_quebec/manuel/chap07/toc.html 

Consulté le 10 avril 2007.  14 Cycle de négociations commerciales entre les pays membres du GATT, déclenché en 1986 à Punta Del Este en 

Uruguay et achevé à Marrakech en Avril 1994. 

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Avant d’aborder la difficulté de l’application de la clause sociale au niveau multilatéral, il est intéressant de constater que le lien entre le commerce et les normes du travail était encore plus nettement affirmé dans la Déclaration de La Havane15 qui stipulait dans son article 7 que « Les Etats Membres reconnaissent que les mesures relatives à l’emploi doivent pleinement tenir comte des droits qui sont reconnus aux travailleurs par des déclarations, des conventions et des accords intergouvernementaux. Ils reconnaissent que tous les pays ont un intérêt commun à la réalisation et au maintien de normes équitables de travail en rapport avec la productivité de la main d’œuvre [..]. Les Etats reconnaissent que l’existence de conditions de travail non équitables, particulièrement dans les secteurs de la production travaillant pour l’exportation, crée des difficultés aux échanges internationaux [..]. ». Pourtant ni le GATT ni l’OMC ne reprennent ce type de mention à cause de l’opposition des pays en développement et la réticence de certains pays industrialisés. En effet, au cours des négociations du cycle d’Uruguay et ensuite dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce, à Singapour en 1996 et à Seattle en 199916, les pays en développement ont vu dans la clause sociale un nouveau type de protectionnisme qui vient s’ajouter aux barrières techniques, sanitaires et phytosanitaires dressées contre les produits d’exportation des pays en développement. Les pays en voie de développement voient dans les clauses sociales un moyen de saper l’avantage comparatif dont ils disposent. Pour les pays industrialisés, par contre, le but de la clause sociale serait double : garantir certains droits aux travailleurs tout en évitant que les termes de la concurrence commerciale ne soient faussés par la violation de ces droits. La clause sociale peut donc viser à préserver la concurrence dans les marchés et prévenir des pratiques de dumping social tout en garantissant un niveau minimum de normes sociales.

                                                                 

15 Charte signée en 1947, dans le cadre des Nations Unies. Elle prévoyait la création d’une organisation 

Internationale du commerce (OIC). Cette Charte n’a jamais été ratifiée par les pays (notamment les Etats‐Unis) et  

n’est donc jamais entrée en vigueur. Le GATT, avec sa portée très limitée, a pallié cette défaillance institutionnelle 

jusqu’à la création de l’Organisation Mondiale du Commerce en 1994 à Marrakech. 16 Déclaration du Ministre Marocain des Affaires Etrangères et de la Coopération, M. Mohamed Benaissa, au nom 

du Groupe des 77 et de la Chine, document de l’OMC  sous la référence (WT/MIN (99)/ST/22), 1999. Dans cette 

déclaration,  les  pays  en  développement  reconnaissent  l’importance  des  normes  fondamentales  du  travail,  les 

prérogatives en  la matière de  l’OIT et non de  l’OMC,  l’inacceptation du  lien entre  le  commerce et  les normes 

sociales et  l’importance de  l’avantage comparatif des pays en développement à bas salaire ne devant pas être 

mis en question.   

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Il apparaît donc très difficile pour la clause sociale de trouver sa légitimité, du moins dans un cadre multilatéral, puisqu’elle a été perçue par la majorité des pays membres de l’OMC comme niant un avantage comparatif économiquement considérable et remettant en cause l’efficacité et le progrès économique des pays en voie de développement. Les grands défenseurs des clauses sociales, les américains, sont d’ailleurs largement réfractaires à la ratification d'instruments juridiques internationaux à caractère contraignant, et particulièrement à l’égard des conventions de l’Organisation Internationale du Travail17, ce qui laisse planer le doute quant aux raisons réelles qui les poussent à proposer des clauses sociales. En effet, il est clair que dans la vision américaine de la libéralisation des échanges, il s'agit essentiellement de garantir les conditions d'une "concurrence loyale" et non de garantir la protection des droits fondamentaux des travailleurs en tant que tels. Ainsi, ceux qui sont pour l’inclusion des clauses sociales dans les contrats commerciaux (Contrats avec les entreprises et Accords internationaux) estiment que le lien entre les normes sociales et le commerce prémunit ce dernier des pratiques anti-concurrentielles déloyales et sauvegarde certains droits fondamentaux aux travailleurs. Par conséquent, ce qui intéresse les défenseurs du lien entre le commerce et les normes sociales ce n’est pas les droits des travailleurs en premier, c’est plutôt la concurrence loyale sur les marchés qui est un impératif économique libre-échangiste contrairement aux droits des travailleurs dont la légitimité reposent sur les principes de l’équité et la justice. Parmi les défenseurs des clauses sociales, certains pensent qu’au delà des soucis d’une concurrence loyale sur les marchés, la politique des clauses sociales s’inscrit dans une stratégie à plus long terme qui tend à préserver la paix sociale et la stabilité du commerce dans le cadre des valeurs libérales du nouvel ordre économique international. En opposition aux tenants des clauses sociales, d’autres doutent de la pertinence de l’inclusion de telles clauses dans les instruments bilatéraux, régionaux ou multilatéraux du commerce. Pour eux il est clair qu’en plus de l’agenda dissimulé des défenseurs des clauses sociales qui cachent de nouvelles formes de protectionnisme, l'idée d'une clause sociale ne peut, par sa nature même, que protéger une partie restreinte des travailleurs – ceux qui travaillent dans les secteurs d'exportation - et une partie restreinte seulement des droits fondamentaux, alors même que la

                                                                 

17 Des 185 conventions de l’OIT, les Etats‐Unis n’ont ratifié, à ce jour, que quatorze (14) dont deux (2) seulement 

des huit (8) conventions contenant les « normes fondamentales du travail ». 

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libéralisation du commerce et l’ouverture des marchés ont des effets sur un grand éventail de normes sociales. Autrement dit, la notion de la clause sociale limite le champ et la portée des normes sociales puisqu’elle vise à établir seulement un socle minimal de normes sociales et ne lui confère souvent de légitimité que par rapport aux produits destinés à l’exportation et aux investissements étrangers directs. Le problème de l’insertion de la clause sociale dans les Accords de l’OMC n’ayant donc pas été tranché au niveau multilatéral, les pays industrialisés tentent de l’introduire par le biais d’autres instruments internationaux, tels que le Système Généralisé des Préférences (SGP)18, les accords commerciaux bilatéraux, les accords de libre échange, les accords d’intégration régionale et les instruments à caractère facultatif ou volontaire.

Des clauses sociales ont été ainsi insérées dans certains accords d’intégration régionale (comme l’Accord de Libre Echange Nord Américain/ALENA) et dans des accords de libre échange (tel que celui que les Etats-Unis ont signé en 2004 avec le Maroc). Des codes de conduite à l’intention des entreprises des pays industrialisés ont été aussi établis par les Communautés Européennes et l’OCDE.

C’est ainsi par exemple que des clauses sociales ont été insérées différemment dans tous les instruments bilatéraux du SGP de l’Union Européenne et des Etats-Unis. Ce système à caractère unilatéral, qui accorde des franchises en droit de douane pour des produits d’exportation de certains pays en développement, exige de ces pays comme condition à cet octroi d’observer un minimum de respect des normes sociales particulièrement dans le cadre de la production de ces produits. Dans les accords de l’ALENA qui regroupent les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, la notion de la clause sociale n’est pas complète du fait d’abord que les pays membres de l’ALENA ont opté pour un accord parallèle de coopération en matière de travail (ANACT) à coté de l’Accord commercial, ce qui évacue dès le départ un quelconque lien direct entre le commerce et les normes de travail. Ainsi, les normes sociales n’ont pas été insérées dans l’accord commercial lui-même.

                                                                 

18 Le SGP constitue un cadre volontaire et unilatéral dans lequel les pays développés accordent des franchises en 

droit de douane pour des produits de certains pays en développement, notamment les moins avancés parmi eux. 

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Ensuite, peu de normes sont concernées par une procédure pouvant aboutir à des sanctions. Seulement celles relatives au travail des enfants et au salaire minimum peuvent faire l’objet de cette procédure. De plus l’ANACT ne propose aucun contenu normatif commun et aucun socle minimum puisqu’il prend comme référence les législations nationales de chacune des parties19 et non les normes internationalement reconnues. Contrairement à l’ANACT qui constitue un accord parallèle à l’accord commercial (ALENA), les clauses sociales dans l’Accord de Libre Echange Maroc/Etats-Unis sont plus claires. En effet, les dispositions relatives aux normes du travail sont stipulées dans le corps même de l’Accord Commercial20, ce qui laisse présager, dès le départ, un lien direct entre les règles commerciales et les normes sociales (Voir Annexe 2). De plus, en stipulant clairement « qu’aucune des parties ne manquera pas de faire respecter, de manière probante, ses lois sur le travail, par une action ou inaction soutenue ou récurrente, dont l’effet nuirait au commerce entre les parties, après la date d’entrée en vigueur du présent accord.», l’Article (16.2. paragraphe 1.a) de l’Accord de libre échange Maroc/Etats-Unis établit un lien direct et sans équivoque entre le commerce et les normes du travail. L’Article (16.2. paragraphe 2.) ajoute un lien direct entre le commerce et l’investissement d’une part et les normes du travail internationalement reconnues d’autre part en se référant à l’article (16.7) qui établit un socle minimum de normes sociales en énumérant ses éléments constitutifs.

En effet, L’Article 16.7 de l’Accord de libre échange Maroc/Etats-Unis énonce comme socle minimum des normes sociales : le droit d’association ; la liberté syndicale et la négociation collective ; l’interdiction du travail forcé ; l’interdiction du travail des enfants et les conditions de rémunération dont le salaire minimum et la durée du travail font partie. Il est, à cet égard, intéressant de noter que ni le Maroc ni les Etats-Unis n’ont, à ce jour, ratifié la convention 131 de l’OIT sur le salaire minimum. Enfin, l’Accord en question soumet l’Article (16.2.1.a.) à la procédure très sophistiqué de règlement des différends, assortie de retrait de concession et de compensations financières, ce qui confère à la clause sociale dans cet Accord une grande efficacité (Voir particulièrement les articles 16.6 et 20.12 de l’Accord).

                                                                 

19 Sylvie Paquerot, juriste, Les clauses sociales dans l’ALENA, publications ATTAC/Québec, 12/01/2002, p.11.  20 Chapitre (16) de l’Accord de libre Echange Etats‐Unis/Maroc, intitulé « Déclarations d’Engagement Commun ». 

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A cet effet, et conformément à l’Accord de libre échange en question, le Maroc devra progressivement mettre en œuvre une réglementation effective sur le travail des enfants et sa législation sociale ne devra pas constituer une incitation aux investissements américains 21.

Devant l’impertinence des clauses sociales dans les accords commerciales multilatérales, certains trouvent que des instruments à caractère facultatif et volontaire pourraient être plus efficaces. Il s’agit d’engagements que les entreprises multinationales pourraient prendre d’une manière volontaire dans le but de sauvegarder un niveau adéquat de normes sociales applicables dans ces entreprises. Ces engagements qui ne comportent que des obligations morales peuvent être pris dans le cadre des codes de conduite établis, entre autres, par l’Organisation Internationale du Travail (OIT), les Communautés Européennes et l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE).

C’est ainsi que l’OIT a adopté en 1977 une Déclaration de Principes Tripartite sur les

entreprises multinationales et la politique sociale qu’elle amendé en 2000. Cette Déclaration énonce des principes de portée universelle destinés à guider les entreprises multinationales, les gouvernements, les employeurs et les travailleurs dans des domaines tels que l’emploi, la formation, les conditions de travail et de vie et les relations professionnelles. Ses dispositions s’appuient sur une série de conventions et de recommandations internationales du travail que les partenaires sociaux sont appliqués à appliquer (Voir Annexe 4).

S’agissant des Communautés Européennes, une résolution votée en 1999 par le Parlement

Européen encourage les codes de conduite volontaires des entreprises européennes opérant dans les pays en développement22. Elle vise en premier lieu à établir un cadre morale de conduite pour les entreprises européennes qui opèrent dans les pays en développement en vue de minimiser la tendance vers le bas des normes sociales, protéger la main d’ouvre européenne de la concurrence « déloyale » des travailleurs du monde en développement à bas salaire et proposer de nouvelles formules, bien que non contraignantes, de clauses sociales. Quant aux principes directeurs de l’OCDE, ils représentent des recommandations non contraignantes adressées aux entreprises multinationales qui visent à garantir le respect des politiques gouvernementales en matière de normes sociales notamment23. Selon l’OCDE, les efforts

                                                                 

21 Adam Mekkaoui, « Libre Echange Etats‐Unis/Maroc : il y a encore du travail », article publié par  L’Economiste, 

10 août 2004. 22 Normes applicables aux entreprises européennes opérant dans les pays en développement, Journal officiel des 

CE, 1999, partie II.  23 Etude de l’OCDE, les échanges internationaux et  les normes fondamentales du travail, OCDE, 2000, p 79. 

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volontaires pour définir et appliquer des normes appropriées de conduite des entreprises constituent l’une des tendances les plus remarquables des dernières années. Les normes sociales parviennent ainsi à être mises en œuvre dans le cadre de mécanismes facultatifs comportant une sorte de clause sociale volontaire pouvant à terme acquérir une obligation morale. Ces mécanismes sont assortis de systèmes de « rating » ou de « labelling », établis pour renforcer leur l’efficacité.

Section II : Les normes de travail et l’investissement

L’Investissement Etranger Direct (IED) constitue l’élément le plus dynamique du processus de mondialisation et joue un rôle imminent dans l’économie mondiale. Entre 1985 et 1999, les flux de l’investissement direct étranger des pays de l’OCDE ont augmenté presque deux fois plus rapidement que le commerce mondial, et plus de deux fois plus vite que la production mondiale. Ces investissements ont été accélérés et renforcés par la libéralisation du commerce et la libre circulation des capitaux à travers les frontières nationales et ont donné lieu d’une part à la montée de la concurrence des pays en matière de l’attractivité et du maintien des investissements et d’autre part à une latitude de plus en plus grande des entreprises multinationales de choisir leur lieux d’implantation parmi les pays les plus offrants en matière d’incitation de différentes natures.

Cette nouvelle équation créée par la mondialisation de l’économie et la globalisation des entreprises a obligé en particulier les pays en développement à réformer leurs législations sociales en les rendant plus flexibles et servant d’outils déterminants dans leurs politiques d’incitation pour attirer l’Investissement Etranger Direct. Le Maroc n’a pas échappé à cette tendance en procédant à une large réforme législative et en introduisant un assouplissement marqué de certaines normes sociales dans le nouveau code du travail contenu dans la loi n° 65-99 relative au Code du travail 24 , promulguée par le Dahir n° 1-03-194 du 11 septembre 2003 et entrée en vigueur le 7 juin 2004.

                                                                 

24 Bulletin officiel ‐ Edition de traduction officielle, 2004‐05‐06, n° 5210, pp. 600‐658.‐‐ Le texte en langue 

arabe a été publié dans l'édition générale du " Bulletin officiel " n° 5167 du 8‐12‐2003. 

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Selon, le gouvernement marocain, l’encouragement des investissements générateurs d’emplois et l’élimination de la concurrence déloyale viennent au premier plan des objectifs économiques visés par la nouvelle législation du travail25. Selon le milieu syndical et notamment les responsables de l’UMT26, le code du travail consacre la notion de « flexibilité de l'emploi » au détriment du droit au travail qui englobe « le droit à avoir un travail et le droit à le garder ». Cette « flexibilité » apparaît dans les stipulations suivantes:

- Suppression pour le travailleur du droit à la titularisation après 12 mois de travail continu dans les secteurs de l'industrie, du commerce et services et après 6 mois dans l'agriculture.

- Elargissement du champ d'utilisation du travail sur la base de contrat à durée déterminée

avec ce qui en découle comme précarité de l'emploi et comme effritement des droits. - Allongement de la période d'essai au cours de laquelle l'employeur peut renvoyer le salarié

sans préavis et sans indemnisation. - Autorisation de l'employeur à diminuer la durée du travail en diminuant

proportionnellement les salaires ; en fait cette stipulation aboutit à transformer les travailleurs permanents en travailleurs occasionnels.

- Grandes facilités accordées à l'employeur pour les licenciements individuels et collectifs, même

arbitraires, des travailleurs; on signalera notamment la suppression par le code de toute contrainte administrative quant au licenciement collectif ou la fermeture pour les entreprises ayant moins de dix travailleurs et la suppression de toute peine de prison pour l'employeur fermant l'entreprise de manière illégale.

- Transfert d’une partie de ses prérogatives au secteur privé, autorisé à créer des agences

d'emploi. Pour le gouvernement, l’intermédiation va permettre de structurer le marché de l’emploi, de lui donner plus de visibilité et de rendre les recherches de l’emploi et de l’employé plus aisées. Alors que certains syndicalistes voient dans cette nouvelle disposition un désengagement de l'Etat dans le domaine de l'organisation de l'emploi et une légalisation des

                                                                 

25 Seddik Mouaffak, Maroc Hebdo international, pages electroniques,p. 12, archives No. 588, 2001. 26 Amine Abdelhamid, Analyse du nouveau Code du Travail marocain, Publications du CISL, 5/02/2005. 

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agences de travail intérimaire leur permettent de commercialiser la main-d'œuvre, notamment temporaire, en contradiction flagrante avec la célèbre devise de l'OIT « Le travail n’est pas une marchandise ».

- Pour ce qui est des salaires, le code du travail, en conformité avec le credo sur la « flexibilité

des salaires » intègre des dispositions en totale contradiction avec la conception du salaire comme revenu stable garantissant une vie digne: le code du travail envisage l'abrogation de la loi d'octobre 1959 sur l'échelle mobile des prix des salaires sans la remplacer par des stipulations permettant d'indexer obligatoirement l'évolution des salaires sur l'évolution du coût de la vie. Au lieu de stipuler l'unicité du salaire minimum garantissant un minimum de dignité, le code consacre la possibilité de fixer plusieurs niveaux de salaires minima pour l'industrie, l'agriculture, l'administration, etc. Le code du travail permet à l'employeur de diminuer les salaires proportionnellement à la diminution de la durée du travail ce qui constitue une régression par rapport à la loi de 1936 relative à la fixation de la durée du travail et qui interdit d'abaisser les salaires suite à une diminution de la durée de travail.

Les effets négatifs de la mondialisation sur les droits des travailleurs ont été, auparavant, beaucoup plus flagrants dans le cadre du projet du code de travail de 1995 et ses multiples expressions de recul par rapport aux acquis de la classe ouvrière. Ce projet ajusté légèrement, par la suite, à travers le projet de 1999, reflétait des développements majeurs essentiellement en faveur des employeurs. Ainsi, une grande souplesse a été introduite aux règles de travail, ce qui n’a laissé aucune rigueur combien nécessaire pour protéger les travailleurs. Il s’agit, entres autres, de27 : - l’annulation des sanctions d’emprisonnement pour les délits commis par les employeurs, - la stabilité de l’emploi et sa promotion ne sont pas garanties, - la clause sociale n’est pas stipulée, - le réduction du salaire suivant la réduction du temps de travail est permise, - le jugement pour retour à l’emploi en cas de licenciement arbitraire n’est pas stipulé dans le

projet de 1995. Le projet de 1999 a remédié à cette situation. - La fermeture de l’établissement en facilitant les licenciements généraux ou partiels, ce qui

n’est pas dans la même ligne avec la gestion des difficultés de l’entreprise que reflète la loi no. 15.95 dans le code du commerce, donnant ainsi priorité aux critères purement économiques. Le projet de 1999 a remis les choses dans leur logique à travers ses articles 66 à 71 (autorisation du Gouverneur).

                                                                 

27 Abdelkrim Ghali, Du Droit Social Marocain, en arabe, pp. 409‐413.  

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- Le droit de grève a été vidé de son contenu dans le cadre du projet de 1995 et légèrement redressé par le projet de 1999, bien que le problème reste en entier.

En plus de cette flexibilité imposée par le souci d’encourager les entreprises parfois aux

dépens des travailleurs et d’attirer les investissements étrangers directs, et qui se dégage de la politique économique du pays, les sociétés multinationales, qui font recours aux travailleurs étrangers au pays d’implantation, obligent par leurs pressions les pouvoirs publics, dans bien des cas, à assouplir les procédures d’application des règles de travail, notamment celles régissant le recrutement des étrangers.

Au Maroc par exemple, des firmes multinationales et des opérateurs des centres d’appel font

recours à des contingents d’employés étrangers, prétextant du fait de l’inexistence de ressources humaines au Maroc répondant aux profils recherchés.

Devant cette situation et en face des pressions des sociétés multinationales, le Ministère de

l’Emploi et de la Formation Professionnelle explore actuellement les possibilités d’assouplir les procédures de recrutement des étrangers qui, parait-il, pèsent lourdement sur ces multinationales. Selon un Arrêté du Ministre de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, l’employeur doit apporter la preuve de l’inexistence, parmi les candidats de nationalité marocaine, du profil recherché28.

La problématique posée dans le cadre de telles situations parait dans le conflit entre la

protection de la main d’œuvre nationale et les exigences de la mondialisation. Cette situation démontre aussi que le processus d’assouplissement ne se limite pas aux lois

mais concernent aussi la réglementation et peut, par conséquent se poursuivre dans le temps chaque fois que des multinationales exercent des pressions sur le gouvernement.

Par ailleurs, certains théoriciens marocains estiment que cette souplesse si elle est bien gérée pourrait apporter ses fruits. Pour eux, la souplesse se trouve partout dans le code du travail, en filigrane, mains ne doit pas être synonyme de précarité. Cette souplesse présente plusieurs avantages, en particulier une meilleure gestion du temps de travail. Le droit de licenciement, quant à lui par exemple, est plus attentif aux contraintes internes et internationales de l’entreprise marocaine29.

                                                                 

28 Editorial et Article intitulé “ Emploi des salariés étrangers: Mansouri se heurte aux réalités de la globalisation, 

L’Economiste, 10 octobre 2006. 29 Professeur Ahmed Aouani, université Hassan II, Maroc Hebdo, propos recueillis par Seddik Mouaffak, pages 

électroniques, archives 588, p. 12, 1991. 

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Contrairement à ceux qui estiment que la législation du travail au Maroc a été considérablement assouplie, une étude faite récemment par la Banque Mondiale30 a démontré que certaines rigidités persistent dans les facteurs de production et entrave un redéploiement normale des facteurs de production et une meilleure exploitation des bienfaits de la libéralisation du commerce et de l’investissement. Il s’agit de rigidités qui existent notamment dans le marché du travail marocain et qui a trait aux procédures de licenciement des travailleurs qui ne sont plus nécessaires pour l’entreprise. Pour les entreprises interviewées à ce sujet par les rédacteurs de l’étude de la Banque Mondiale, les coûts élevés occasionnés par les licenciements économiques découragent les entreprises à investir et à embaucher. Ils affirment aussi que le Maroc dispose d’un marché de travail plus rigide par rapport aux autres pays en développement qui ont fait l’objet de ladite étude31. La libre circulation du capital d’investissement a donc donné lieu à une grande liberté de choisir le lieu d’investissement qui répond le mieux aux exigences des entreprises multinationales. Les délocalisations fréquentes et instables et la multiplication des zones franches d’exportation constituent les phénomènes les plus édifiants à ce sujet. Les délocalisations se font dans l’objectif de construire un avantage concurrentiel reposant sur l’exploitation des différences qui existent entre les pays. Ces délocalisations des unités de production dépendent des incitations les plus fortes quant aux coûts de production. Les pays ou les lieux de localisation ne sont pas nécessairement les lieux où l’on écoule ses produits mais du fait de la libéralisation du commerce et de l’investissement, les entreprises multinationales peuvent écouler leurs produits sur la base d’une distribution mondiale qui est assurée depuis le pays qui présente la combinaison coût-avantage la plus optimale de production. Ce phénomène a donné lieu, à son tour, à un effritement des normes sociales dans les pays en compétition pour attirer l’Investissement Etranger Direct. Les zones franches d’exportation (ZFE) sont souvent établis pour attirer l’investissent étranger, dynamiser l’économie et créer l’emploi. Se sont des espaces dont le recours est devenu très fréquent dans les pays en développement sous l’impulsion de la libre circulation du capital et des marchandises dans une économie mondialisée.                                                                  

30 Trade Liberalisation, factors Market flexibility and Growth: « the case of Morocco and Tunisia », working paper 

no. 3857, March 2006, World Bank. 31 Tableau no. 4, document précité, p.7. 

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Les politiques industrielle et commerciale qui font recours aux ZEF reposent sur le besoin des pays en développement en investissement étranger direct et constituent un cadre attractif pour les entreprises multinationales et même nationales qui sont à la recherche de main d’œuvre moins chère et de systèmes moins exigeants de normes sociales. Ces ZFE présentent donc des avantages en tant que viviers d’emplois pour une main d’œuvre à faible coût et peu qualifiée. Selon le Bureau International du Travail, certains pays, comme le Bangladesh et le Pakistan, excluent les ZFE du champ d’application de la législation nationale du travail. D’autres, comme le Panama, adopte une législation du travail spéciale aux ZFE. Même dans les pays ou la législation nationale s’applique aux ZFE, le manque de moyens d’inspection conduit à une dégradation des normes sociales. Au Mexique par exemple dans les « machiadoras », les salaires sont inférieurs de moitié par rapport aux salaires hors zone franche. Au Maroc, les moyens d’attirer les investisseurs dans les ZFE ne sont pas d’ordre social et se limitent aux incitations financières, notamment fiscales. Autrement dit, il n’existe pas au Maroc de loi sociale spéciale pour les ZFE. Ces ZFE ne sont pas, en droit, exclues du champ d’application de la législation nationale du travail. Cependant, l’insuffisance de l’inspection du travail laisse présager le risque davantage d’effritement des normes sociales dans les zones franches d’exportation. De plus, la présence des entreprises étrangères, en grande partie européennes, oblige les entreprises nationales à se restructurer pour faire face à cette rude concurrence, ce qui n’est pas sans conséquences sur les normes sociales en général et sur les conditions d’emploi en particulier.

Ainsi, la mondialisation contribue d’une manière considérable à la perte de l’équilibre des forces entre les syndicats et le patronat, ce qui présente une source d’insuffisance pour les normes sociales. La mondialisation de la production et des échanges commerciaux a pour effet de modifier sensiblement l'environnement dans lequel l'employeur évolue. N’ayant pas de contraintes dans la détermination de la Localisation de ses activités, l’employeur peut choisir à moindre coût le lieu qui lui permet un rendement optimal.

L'investisseur et l'entrepreneur jouissent maintenant d'une réelle possibilité de choisir une autre localisation pour leurs unités de production. L’affaire « Ken Worth », un dossier de relations du travail fortement médiatisé en 1996 au Canada, montre combien le pouvoir de l’entreprise est devenu grand en raison du libre choix de localisation qui lui est conféré grâce à la libre circulation du capital à travers les frontières.

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En 1996, la multinationale américaine « Paccar » annonçait qu'elle fermait son usine de camions « Ken Worth » établie à Sainte-Thérèse au Québec et qu'elle transférait la production dans ses nouvelles installations de la côte ouest des États-Unis. Les travailleurs de la « Ken Worth » étaient en grève en raison des difficiles négociations visant à renouveler la convention collective de travail expirée. Huit mois plus tard, la direction de l’entreprise a pu obtenir des concessions sur le plan des conditions de travail et des garanties de paix sociale de la part du syndicat permettant ainsi la réouverture de l'usine. La menace de délocalisation de la production vers les États-Unis a donc été un bras de levier essentiel entre les mains de l'employeur. Dès que le syndicat et le gouvernement ont compris que la menace de fermeture de l'usine allait se concrétiser et devenir une réelle décision, ils ont du assouplir leurs exigences auparavant exprimées32.

Cette affaire montre jusqu’à quel point la mondialisation a modifié l’équilibre des forces entre le syndicat et le patronat, ce qui n’est pas sans effets sur les normes du travail. Les gouvernements et leurs systèmes de normes sociales restent donc prisonniers des frontières nationales et les négociations collectives sont vidées de leur contenu dès lors que le pouvoir de mobilité conféré aux entreprises par la libre circulation du capital d’investissement et la libéralisation du commerce peut leur permettre de modifier les règles du jeu et imposer leur agenda.

Au Maroc, l’exemple d’une filiale du groupe irlandais « Fruit of the Loom » dans la ville de Salé, qui emploie plus de 1.200 personnes, clarifie encore davantage la puissance des entreprises multinationales à l’égard du pouvoir syndical et l’effet d’annulation que leur comportement peut avoir sur les normes sociales même les plus fondamentales parmi elles et même si la loi les protège. Selon un rapport de la Confédération internationale des Syndicats Libres33, plusieurs mesures antisyndicales ont été prises par la direction de la filière de la multinationale « Fruit of the Loom », dès qu’elle a été informée de l’établissement d’un syndicat. Des personnes participant à l’assemblée syndicale ont ainsi été intimidées, huit représentants syndicaux ont été licenciés.

                                                                 

32 Marie‐Ange Moreau, Institut de droit des affaires, Université D'Aix‐Marseille III, France et Gilles Trudeau, école 

de relations industrielles, université de Montréal, relations industrielles, 1998, VOL. 53, N° 1, pp 3,4. 33 CISL, Normes fondamentales du travail reconnues à l’échelon international, Maroc, rapport pour l’examen par le Conseil Général de l’OMC des politiques commerciales du Maroc, juin 2003, p 2.  

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Le comportement de la direction de l’entreprise multinationale irlandaise a été soutenu par le représentant des pouvoirs publics locaux bien que la filiale en question avait agi au mépris de l’article 9 de la Constitution marocaine, du Dahir du 16 juillet 1957 sur les syndicats professionnels qui garantissent la liberté de former ou d’adhérer à un syndicat ainsi qu’au mépris de la ratification par le Maroc le 20 mai 1957 de la convention 98 de l’OIT sur le droit d’organisation et de négociation collective. Gardant à l’esprit le pouvoir que la multinationale détient si elle voulait délocaliser ses unités de production dans un autre lieu où la liberté syndicale n’existait pas, le représentant des pouvoirs publics locaux à Salé a cru devoir soutenir la multinationale irlandaise, peut être, par souci de vouloir maintenir des investissements créateurs d’emplois. La libéralisation du commerce international et des mouvements transfrontaliers des capitaux, dans une économie mondiale globalisée et des marchés interdépendants, induit donc des mutations profondes dans les relations de travail et un impact marqué sur les normes sociales. Cette libéralisation a permis aux entreprises d’investir, de produire et de vendre, avec une plus grande liberté, là où c’est le plus rentable du point de vue des coûts. D’où le changement fondamental dans les équilibres de force entre les employeurs et les salariés, l’amenuisement du pouvoir des représentants syndicaux et le risque de l’effritement des normes de travail. Nous allons voir, dans le chapitre suivant, comment la révolution technologique accentue ces phénomènes et influe sur les relations de travail d’une manière particulière.

Evoluant dans un monde de relations économiques internationales interdépendantes et guidée par sa politique d’ouverture et ses engagements vis-à-vis de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), de l’Union Européenne et des Etats-Unis d’Amérique34, Le Maroc n’échappe pas à ces phénomènes de mondialisation qui ne cessent d’impacter profondément sur son système des normes sociales déjà vulnérable.

                                                                 

34 Le Maroc est membre de l’OMC, lié à l’Union Européenne par l’Accord d’association et aux Etats‐Unis par 

l’Accord de Libre Echange. 

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Chapitre II: Les normes de travail et les nouvelles technologies

La mondialisation est aussi cette révolution sans précèdent des technologies de l’information et de la communication qui ont bouleversé les relations individuelles et collectives des sociétés, provoqué des mutations profondes dans les modes de production et de distribution et ont modifié d’une manière très marquée les relations du travail. Par leur impact sur l’emploi (Section I) et leurs implications sur les relations de travail (Section II), nous essayerons de comprendre comment les nouvelles technologies pourront affecter les normes sociales et quelles pourraient être les difficultés juridiques qui en découleraient.

Section I : L’impact des nouvelles technologies sur l’emploi

Les préoccupations essentielles en matière d’emploi se ramènent à la recherche du plein

emploi et à la protection de la main d’œuvre nationale. Elles sont exprimées à travers les politiques économiques et sociales ainsi qu’à travers l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires qui les traduisent. Dans une société en pleine mutation technologique, les normes sociales se trouvent confrontées à de nouveaux défis. L’impact des nouvelles technologies sur l’emploi pourra être analysé à travers les répercussions considérables que le progrès technique pourrait avoir sur les procédures d’embauche et la rupture du contrat du travail (Sous-section A) ainsi que sur les conditions du travail (Sous-section B).

    § A. L’accès à l’emploi et la rupture du contrat de travail à l’épreuve des nouvelles technologies

Les nouvelles techniques ont déstabilisé les prévisions en matière de création et de perte

d’emplois. D’une part, l’utilisation des nouvelles techniques d’embauche risque de porter atteinte aux droits de la personne demandeur d’emploi et d’autre part l’introduction des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) comporte un risque réel de perte d’emploi.

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L’utilisation des ordinateurs recruteurs qui emploient des techniques telles la gestuologie, la numérologie, l’analyse du sang, l’astrologie, l’horoscope, etc. peuvent avoir des effets négatifs sur les droits du candidat à un emploi. Ces éléments sont incorporés dans des logiciels de recrutement et d’évaluation.

Sans aucune garantie scientifique, certains recruteurs font appel à des méthodes relevant de

leurs convictions personnelles. Ainsi, les adeptes de l'astrologie affirment que celle-ci permet de connaître les grands traits de la personnalité et le mode de fonctionnement d'un candidat... De même, les numérologues fondent leur méthode sur les chiffres de la date de naissance, du nom et du prénom, ce qui permettrait de savoir notamment si un candidat entre dans un bon cycle de vie.

La gestuologie s'intéresse au comportement du corps, révélateur de personnalité. Ainsi le fait

de croiser les bras ou les jambes lors de l'entretien serait un signe de repli ! Selon la morphopsychologie, la forme d'un visage révélerait les traits de la personnalité, alors que la phrénologie analyse les caractéristiques du crâne, et notamment ses bosses... Plus fort encore, la chirographie, qui étudie la main, et l'hémato-psychologie, qui détermine la personnalité en fonction du groupe sanguin.

Les tests génétiques aux Etats-Unis par exemple comportent le risque de violation des

libertés des personnes. A travers des HLA (Human Leucocythe Antigen), des laboratoires arrivent à rechercher les faiblesses génétiques susceptibles d’entraîner un faible rendement, un accident de travail ou une maladie professionnelle ».

Ces progrès techniques risquent de porter atteinte aux droits de la personne et ne sont pas

sans incidence sur le droit du travail. En effet, en l’absence de réglementation sur le respect des libertés fondamentales de l’individu en matière d’embauche, il n’est pas exclu que de telles techniques, pour le moins contestables, envahissent les pays en développement, notamment le Maroc. Il est par conséquent nécessaire pour le législateur marocain de se pencher, dans le cadre de la réglementation du travail, sur les questions d’embauche par le biais des nouvelles techniques informatiques de recrutement, en vue d’identifier les risques qui pourraient en découler en ce qui concerne les libertés individuelles et les droits du candidat à un poste de travail.

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Le changement technologique modifie le contenu de nombreux emplois, déplace la demande de travail et réduit les besoins dans certaines branches de l’économie. C’est ainsi que sous l’effet de l’introduction des nouvelles technologies et leurs répercussions sur l’organisation de la production et de la distribution, un grand nombre d’entreprises sont amenées à « se débarrasser » de plusieurs activités qui jusqu’ici étaient occupées par le personnel de l’entreprise35, ce qui risque d’ajouter au chômage existant une nouvelle catégorie de chômeurs.

La cybernétique transforme les méthodes de production et la pratique des professions. La robotique envahit les usines. Des études ont montré que plus l’entreprise est productive, moins elle emploie de travail humain36. L’exemple de la banque virtuelle est édifiant à ce sujet. La métamorphose des institutions bancaires se traduit par la disparition de nombreuses fonctions

administratives d’une part, et l’externalisation de certaines taches vers les pays où la main d’œuvre est moins chère d’autre part. Dans le domaine du gardiennage, la vidéosurveillance est devenue une pratique courante.

Aussi, dans une société en mutation technologique continue, le travail non qualifié ne trouve plus ou trouve peu de place en raison des changements dans la manière de produire et du recours accru au travail hautement qualifié. Le problème de l’employabilité et de la formation continue se pose alors d’une manière très insistante. Nous verrons cette question dans la sous-section B.

Les nouvelles technologies ont aussi un impact direct sur la rupture du contrat du travail.

Dans le cadre des licenciements technologiques, le risque sur les normes du travail est plus grand quand la législation comporte des ambiguïtés ou ne réglemente pas convenablement ce phénomène. A ce propos, la législation marocaine, comme ailleurs dans plusieurs pays en développement, est peu explicite. Elle consacre à ce type de licenciement toute une section et le qualifie de « licenciement pour motifs technologiques, structurels ou économiques » sans aucune définition précise de ces motifs pouvant entraîner nécessairement une suppression ou une transformation d’emplois. Cette ambiguïté de la définition du motif technologique est toutefois entourée d’une procédure d’autorisation administrative nécessaire et préalable au licenciement qui implique également les représentants des salariés, ce qui présente une innovation du code marocain du travail.

                                                                 

35 Mohamed Korri Youssoufi, la protection des travailleurs dans le cadre de la relation du travail au Maroc, 1999, 

p.12. 36  J.Ellul, le bluff  technologique, Paris, Hachette, 1988, p. 19 

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§. B. Impact des nouvelles technologies sur les conditions du travail

Les nouvelles technologies ont des répercussions sur de nombreux aspects des conditions du travail. Nous nous limiterons à leur impact sur la durée du travail, la rémunération, et sur la carrière et la formation. Nous essayerons aussi de relever les difficultés inhérentes à ces aspects. La réglementation du temps du travail est dictée non seulement par le souci de permettre au salarié de se reposer et avoir des loisirs, mais aussi par la volonté de distribuer le temps de travail parmi la population active en vue de lutter contre le chômage. Si le droit de travail peut contrôler l’effectivité de la durée du travail dans le cadre d’une organisation classique du travail, il est très difficile, voire impossible de faire respecter cette norme du travail en raison de la mobilité du salarié. En effet, les NTIC ont rendu possible la non nécessité de la présence physique du travailleur sur le territoire de l’entreprise. C’est ainsi que le développement du télétravail ou du travail à domicile rend très compliqué l’application des normes sociales, en particulier celles relatives à la durée du travail. C’est le cas du web master, traducteur ou concepteur de logiciel dont la présence en entreprise n’apporte aucun avantage en termes de production. Il semble bien difficile d’imposer à ce télétravailleur, aussi bien le respect de la durée du travail que des pauses régulières qui sont pourtant nécessaires en cas de travail sur écran. Le travail de nuit, qui est fort utilisé dans ce genre de travail est aussi difficilement contrôlable. Le problème qui se pose en fait est de savoir comment délimiter le temps effectif du travail du télétravailleur, partagé entre la quasi-indépendance et la quasi-dépendance vis-à-vis de son employeur. Les inspecteurs du travail, seuls habilités à contrôler l’application des normes du travail, ne peuvent dresser des procès verbaux en cas d’infraction à ce sujet. La frontière entre le travail et le temps de repos ou entre la vie professionnelle et la vie privée semble donc très mince sous l’effet des nouvelles technologies d’information et de communication. S’agissant de la rémunération du travail, les nouvelles technologies ont bouleversé les données d’analyse en perturbant les règles traditionnelles du marché et en donnant ainsi un très grand avantage à la main d’ouvre qualifiée aux dépens de la main d’oeuvre non ou peu qualifiée.

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Ainsi, l’écart entre les salaires des travailleurs qualifiés et non qualifiés a augmenté du fait de l’augmentation du coût de la main d’œuvre qualifiée et de la demande de celle-ci, et ce en raison des nouvelles manières dont les entreprises produisent, profondément modifiée par le progrès technique.

Quoique cette forme « d’inégalité des salaires » ne soit pas enfreignant les normes légales

nationales et internationales, elle présente cependant sur le plan de la morale et de l’équité une injustice sociale causée par les impératifs de la compétitivité dans un monde en mutation technologique continue.

L’évolution de la situation du travailleur au sein de l’entreprise demeure l’élément qui le motive par excellence. Si certains domaines qui intéressent la carrière du travailleur étaient prévus par la législation du travail dans plusieurs pays en développement dont le Maroc, l’avancement et la promotion du travailleur n’étaient pas traités convenablement. Le législateur marocain, par exemple, a laissé le pouvoir d’appréciation à l’entière discrétion de l’employeur37, ce qui pourrait laisser la carrière d’un travailleur, ayant plusieurs années d’ancienneté, sans évolution aucune. Or, le problème se pose d’une manière plus aigue avec la révolution technologique qui exige une réadaptation avec les nouvelles manières de produire. Le législateur marocain est resté muet à ce sujet aussi bien dans le cadre de l’ancienne législation que dans le code du travail de 2003. Bien que l’article 105 prévoit que la convention collective doit comporter des dispositions relatives aux conditions du travail, dont les relations hiérarchiques relatives aux différentes qualifications professionnelles. Mais là encore, cette précision semble concerner uniquement la préoccupation de détermination des salaires38.

Un autre aspect d’une importance capitale des répercussions des changements technologiques sur la garantie de l’emploi pour le travailleur, c’est celui de la formation. Le professeur Forquin et Teyssié ont souligné que « la formation doit être permanente pour éviter l’obsolescence des connaissances, facteur de perte d’emploi, pour assurer une promotion et permettre une reconversion. A l’entreprise, elle assure des performances accrues, écho de la qualité des hommes qu’elle

                                                                 

37 Mohamed Tadili, la réforme de la législation sociale au Maroc, 2004, pp.375 et 376. 38 Mohamed Tadili, la réforme du droit social au Maroc, 2004, p. 377 

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emploie. »39. Avec l’évolution continue des technologies, ces propos deviennent plus que jamais valables. Dans une Déclaration sur « les aspects sociaux du changement technologique, l’OCDE souligne la nécessité d’accorder des possibilités de promotions et une aide aux travailleurs par des actions en matière d’enseignement et de formation. Dans la même déclaration, elle encourage les syndicats des employeurs et des travailleurs à maximiser les possibilités offertes aux travailleurs par les nouvelles technologies dans l’entreprise40. Un certain nombre d’entreprises s’est récemment saisi de la notion d’employabilité pour incarner leur politique sociale. Elles posent comme objectif institutionnel de garantir l’employabilité de leurs salariés, afin d’accompagner les mutations internes mais aussi de limiter les effets d’un éventuel licenciement. Comme l’indique Alain Finot41 : « Développer l’employabilité c’est maintenir et développer les compétences des salariés et les conditions de gestion des ressources humaines pour leur permettre d’accéder à un emploi à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise dans des délais et des conditions favorables. » En effet, les changements technologiques notamment en informatique ont rendu nécessaire le développement de la formation continue. Même si l’Etat établit des programmes de formation, il est nécessaire qu’ils soient ajustés en fonction de l’évolution technologique42. Par Dahir du 21 mai 1974, le législateur marocain a prévu cet aspect de la formation en instituant l’Office de Formation et de Promotion du Travail (OFPPT)43 dont les prérogatives comportent l’adaptation de la formation aux besoins du marché du travail. L’article 2 du Dahir en question confie la reconversion professionnelle des travailleurs à l’OFPPT. Le Dahir du 21 juin 1996 portant promulgation de (la loi no. 36-96)44 a institué la formation professionnelle alternée permettant ainsi aux entreprises qui le souhaitent d’organiser une formation professionnelle au sein de leur entreprises en concluant des contrats avec l’OFPPT.                                                                  

39 Mohamed Tadili, la réforme de la législation sociale au Maroc, 2004, pp. 303,304, et Bernard Teyssie, droit du 

travail, deuxième édition litec.1993, p. 171 40 OCDE, acte en annexe au document C (86) 204, emploi, travail et affaires sociales, 19 novembre 1986, pp. 1 et 

2. 41 Alain FINOT, l’analyse microéconomique des déterminants de la performance des entreprises, London University Press, 1992. 42 Mohamed Tadili, la réforme de la législation sociale au Maroc, 2004, p. 285. 43 Bulletin Officiel du 29 mai 1974, p. 893. 44 Bulletin Officiel  no. 4428 du 7 novembre 1966, p. 725. 

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La loi no. 13.00 adopté par Dahir du 19 mai 200045 a institué la formation professionnelle privée. Dans son article premier, la loi en question présente la formation professionnelle privée comme étant un service public destiné, entre autres, à « l’adaptation des connaissances acquises aux évolutions technologiques en relation avec les besoins du monde du travail ».

Si le code du travail de 2003 a omis de réglementer la formation professionnelle dans l’entreprise, un projet de loi, qui est en instance de finalisation, s’articule autour du contenu de la formation et des obligations des parties46.

Section II : Les implications des nouvelles technologies sur les relations de travail

Les implications des nouvelles technologies sur les relations du travail portent des risques aussi bien sur les relations individuelles que collectives.

§ A. Relations individuelles : Protection des libertés dans l’entreprise

La généralisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) soulève de nombreuses questions et crée un cadre conflictuel où se mêlent surveillance, utilisation d’Internet, collecte et transmission des données personnelles, etc. La relation de travail telle qu'elle a été perçue depuis le XIXe siècle est sérieusement et continuellement modifiée principalement en raison de la mutation du lien de subordination entre l’employeur et le travailleur.

L'apparition de la cyber surveillance, rendue possible grâce à la sophistication des moyens de contrôle, comporte un risque tangible sur les libertés fondamentales des travailleurs. Cette nouvelle technologie risque de promouvoir l’émergence d’une société de surveillance capable de mettre en danger les libertés individuelles au travail. La géo localisation des salariés, par exemple, est devenue une pratique dans certains secteurs des services utilisant les véhicules comme moyen de prestation.

                                                                 

45 Bulletin Officiel no. 4800 du 1er juin 2000, p. 411. 46 Mohamed Tadili, la réforme de la législation sociale au Maroc, 2004, pp. 306 à 312. 

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Certaines entreprises utilisent le système GPS (Global Positioning System)47 pour localiser les véhicules utilisés par leurs salariés.

Dans l’entreprise, le salarié doit bénéficier en tant que personne du droit au respect de sa vie privée. Il s’agit des droits et libertés fondamentales tel que la protection de la liberté privée, protégée par la constitution, la législation nationale et les conventions internationales. L’article 12 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 stipule que « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. » Ce principe apparaît aussi dans l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 dont le Maroc en est devenu partie à la date du 03 mai 1979. Récemment en France à titre d’exemple, la société « France Telecom » a été condamnée en avril 2006 à suspendre les écoutes téléphoniques qui avait installé pour surveiller ses employés. Il s’agit d’un dispositif permettant à la direction d’écouter les conversations téléphoniques des salariés avec les clients et de surveiller leurs comportements. Constatant que ce système collecte les données personnelles, le juge français a du demander au début sa suspension puis a ordonné son annulation après avoir constaté que ce procédé de contrôle contredit aux règles de la loi sur la protection de la vie privée, de la législation du travail et de la convention collective de travail48.

§ B. Relations collectives : Impact sur les syndicats

L’impact des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) sur les syndicats est appréhendable à travers les aléas qu’elles peuvent avoir sur leurs fonctions et leurs rôles. Par les changements des modes de production et de distribution dans l’entreprise, ainsi que le développement du télétravail, du travail à domicile et des modèles de sous-traitance, les NTIC ont déstabilisé la base de l’implantation traditionnelle des syndicats au sein des entreprises.

                                                                 

47 Le GPS (Global Positioning System) est un système de localisation par satellite mis en place par le département 

américain de la défense dans les années 1970. Il permet de déterminer les coordonnées géographiques d'un point 

situé n'importe où dans le monde 24 h sur 24 h. 48 http://www.legalis.net/jurisprudence-decision.php3?id_article=1614. 

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Ce phénomène rétrécit les milieux de recrutement des syndicats, rend difficile le maintien de contacts entre leurs composantes et contribue au recul de leur pouvoir. Le monde d’aujourd’hui assiste peut être au risque de disparition de l’entreprise comme lieu d’action, de motivation, de revendication et d’influence des travailleurs, et au risque même du démantèlement des syndicats.

Et comme l’a souligné le Conseiller Fédéral Suisse en décembre 2000 49« Les syndicats sont victimes de l’individualisation croissante du travail. Les NTIC, le télétravail et le outsoursing (sous-traitance) favorisent le travail en solitaire. Ce phénomène est potentiellement dangereux, car l’instinct de solidarité s’amenuise ».

L’usage d’internent et des intranets d’entreprises par les syndicats pose aussi plusieurs questions qui touchent au rôle des syndicats et leur façon de s’organiser. Pour les employeurs, il s’agit de ne pas trop donner de pouvoir de communications syndicales et pour les syndicats, le risque d’une déshumanisation de la relation qui les éloigne des travailleurs est réel, bien que certains reconnaissent que la communication sur réseaux apporte bien aux syndicats efficacité et efficience, notamment en matière d’organisation de luttes ou de médiation de conflits. Le même problème pourrait être posé sur un plan purement juridique si nous nous interrogeons sur les droits et obligations de partenaires sociaux à l’égard de l’utilisation de l’internent et des intranets d’entreprise par les syndicats. L’usage des intranets d’entreprises par les organisations syndicales pose donc la question de l’adaptation du droit aux nouveaux moyens de communications et d’information. En France, il a fallu attendre un jugement du 17 novembre 1997 du Tribunal de Grande Instance de Paris faisant jurisprudence pour que l’existence des sites syndicaux sur internent soit inattaquable. Le jugement stipule en effet que « la création d’un site externe à l’entreprise sur Internet librement accessible aux salariés de l’entreprise et la diffusion sur un tel site de message contenant l’expression de revendications syndicales, ne peuvent être considères comme illicites ». Concernant l’utilisation par les syndicats des réseaux intranet de l’entreprise, la question est plus difficile à trancher. En l’absence d’une loi, mettre à la disposition des syndicats les réseaux intranet de l’entreprise demeure soumis au bon vouloir de l’entreprise.                                                                  

49 Pascal Couchepin, Conseiller Fédéral Suisse, chef du Département Fédéral de l’Economie, discours prononcé le 

12 décembre 2000 lors de la 6ème réunion régionale européenne de l’OIT. 

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En 1999, le gouvernement français, en réponse à une question au parlement indique la voie de la négociation : « il appartient aux organisations syndicales de rechercher par la voie d’accord avec l’employeur, les modalités d’accès à la messagerie générale et de diffusion de message à caractère syndical sur celle-ci… même si, intranet ayant vocation à être un instrument strictement professionnel, aucune disposition ne contraint l’employeur à accorder aux organisations syndicales l’accès à ce réseau. »50

Les NTIC n’ont pas seulement pour effet le risque d’affaiblir les syndicats, elles ont également des conséquences sur la principale arme de lutte des travailleurs : la grève. Avec la réduction du nombre d’adhérents et leur force de négociation, l’isolement des travailleurs, l’avènement du télétravail et du télétravail à domicile et l’inadaptation des syndicats aux nouveaux outils de communication, les mouvements de grève trouvent difficilement leur place dans la plupart des entreprises modernes. Dans certains cas l’automation permet à la direction de l’entreprise d’assurer la poursuite de l’activité avec l’aide des techniciens et des surveillants qui ne relèvent pas de la juridiction des unités traditionnelles de négociation. La problématique qui se pose dans ce cadre est celle du principe d’accorder aux sections syndicales des moyens en matériel et en formation pour faciliter la communication syndicale et la mettre, d’un point de vue technologique, au niveau des autres activités de l’entreprise. En l’absence de textes de loi en la matière, cette problématique pourrait trouver une réponse dans le cadre des négociations et conventions collectives, dans le cadre desquelles on pourrait prévoir de mettre à la disposition des syndicats des moyens de communication avancés en vue de permettre aux travailleurs de s’organiser au même niveau d’organisation que l’entreprise où ils travaillent.

                                                                 

50 Journal Officiel, France, 1er février 1999. 

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En général les travailleurs doivent avoir le droit d’être consulté sur toute introduction de nouvelles technologies affectant leurs conditions de travail. La législation française impose aux entreprises de consulter les représentants des travailleurs à ce sujet. L’Article L432-2 du code français du travail51stipule que le comité d'entreprise est informé et consulté, préalablement à tout projet important d'introduction de nouvelles technologies, lorsque celles-ci sont susceptibles d'avoir des conséquences sur l'emploi, la qualification, la rémunération, la formation ou les conditions de travail du personnel. Les membres du comité reçoivent, un mois avant la réunion, des éléments d'information sur ces projets et leurs conséquences quant aux points mentionnés ci-dessus. Lorsque l'employeur envisage de mettre en oeuvre des mutations technologiques importantes et rapides, il doit établir un plan d’adaptation. Ce plan est transmis, pour information et consultation, au comité d'entreprise en même temps que les autres éléments d'information relatifs à l'introduction de nouvelles technologies. En outre, le comité d'entreprise est régulièrement informé et périodiquement consulté sur la mise en oeuvre de ce plan.

Au Maroc, une des principales innovations du code du travail est la création du comité d'entreprise qui est un comité consultatif institué dans les entreprises employant au moins 50 salariés ayant pour objet d'assurer une expression collective des salariés (Article 464 du code du travail). Ce comité est composé de l’employeur ou son représentant, deux des délégués des salariés et un ou deux représentants du syndicat. Parmi les attributions de ce comité figure les consultations sur les modifications structurelles et technologiques à effectuer dans l’entreprise ainsi que sur les divers programmes de formation à dispenser en faveur des salariés.

Les nouvelles technologies ont induit une « révolution informationnelle » et ont donné une place centrale à l’information, à la fois comme moyen de production et comme produit à part entière. Ce phénomène a engendré une déstabilisation des analyses économique et juridique. Economique, en ce sens que les NTIC sont devenues la base de la valeur à côté du travail et l’informatique une source renouvelable. Déstabilisation des bases d’analyse juridique, puisque les NTIC perturbent les règles connues du droit. Les technologies ne sont pas donc neutres, puisque elles menacent l’individu dans ses droits les plus fondamentales qui sont la liberté et l’emploi. La façon dont on utilise les

                                                                 

51  (Loi n° 82‐915 du 28 octobre 1982 Journal Officiel du 29 octobre 1982)(Loi n° 82‐915 du 28 octobre 1982 art. 29 

Journal Officiel du 29 octobre 1982 LOI AUROUX)(Loi n° 86‐1320 du 30 décembre 1986 art. 20 III 1° Journal 

Officiel du 31 décembre 1986)(Loi n° 2001‐152 du 19 février 2001 art. 1 I Journal Officiel du 20 février 2001). 

 

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NTIC nécessite une protection juridique contre les risques des nouvelles technologies de l’information et de la communication52.

Devant cette vague d'invasion technologique, le salarié a besoin des mesures protectrices édictées par le Code du travail, notamment en matière de protection des libertés individuelles. S'il n’est peut être pas nécessaire de faire naître à cet effet une branche autonome du droit du travail, il n'en demeure pas moins que des difficultés spécifiques, attachées à l'inadaptation des règles en vigueur, restent à résoudre. Afin d'éviter une fracture entre le droit et ses principaux protagonistes, il convient d’explorer le meilleur équilibre entre les différents intérêts en présence, sachant que les adaptations juridiques s'avèrent être aussi bien nécessaires au travailleur qu’à l'organisation et au fonctionnement de l'entreprise elle même. D’une manière générale, les NTIC font émerger de nouveaux modèles d’entreprise que la réflexion politique, économique, sociale et juridique doit impérativement intégrer à plusieurs niveaux pour que l’équilibre recherché entre droits des travailleurs et intérêts des employeurs soit sauvegardé. Les problèmes qui se posent et les questions auxquelles la législation et la jurisprudence devront répondre sont nombreux. On peut citer essentiellement ce qui suit :

- Protection des libertés des salariés dans le cadre de l’utilisation des nouvelles technologies. - Droits des candidats au travail à l’épreuve des nouvelles méthodes technologiques de

recrutement. - Rupture du contrat du travail et les licenciements technologiques. - La nouvelle conception du lien de subordination entre l’employeur et le salarié et la remise en

cause de la notion classique du lien de subordination avec l'introduction des NTIC dans le travail.

- l’adaptation du droit du travail au développement des télétravailleurs salariés à domicile. - La nécessité de fixer des limites à la surveillance patronale exercée au moyen des NTIC et

les risques d'un contrôle illimité. L'existence de limites légales et constitutionnelles. · - Les NTIC : nouveau moyen d'expression des organisations représentatives des salariés. - Les syndicats et les NTIC.

                                                                 

52 Ghali, 1997, publication précitée, p.410  

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Nous avons vu, dans la première partie, comment la mondialisation influe sur les

normes de travail et comment les impératifs de la concurrence et de la compétitivité, aussi bien au niveau national qu’international, ont induit des mutations profondes sur les relations industrielles en général et sur les relations de travail en particulier.

Nous avons également constaté que ces répercussions prennent des dimensions internationales qui vont au-delà de la simple application locale ou nationale des règles sociales. D’où la nécessité de faire appel aux règles du Droit international pour permettre aux règles du Droit interne de s’adapter à ces phénomènes aux influences et retombées transfrontalières.

Cependant l’applicabilité au niveau national des normes sociales au standard

international n’est pas une entreprise sans heurts.

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DEUXIEME PARTIE APPLICABILITE DES NORMES FONDAMENTALES DU TRAVAIL DANS

UNE ECONOMIE MONDIALISEE

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Comme nous l’avons pu constater au niveau de la première partie, les normes du travail puisent leur source de légitimité dans les principes de l’équité et de la justice, c'est-à-dire dans des concepts qui, bien que moralement solides, paraissent non quantifiables et peu précises. Leur application se heurte souvent à des notions économiques mesurables et plus claires : la concurrence et la compétitivité dont les fondements reposent sur la théorie libre-échangiste du libéralisme économique. Cette problématique se pose d’une manière encore plus aigue avec le processus de la mondialisation dans le cadre duquel la concurrence et la compétitivité s’accentuent, s’internationalisent et trouvent leur champ d’action et leur portée continuellement élargis. D’où le problème de l’applicabilité des normes sociales dont le test repose sur la portée des réponses qu’elles pourraient donner aux préoccupations des travailleurs d’une part, et sur la conformité des législations nationales aux normes et pratiques internationales d’autre part. Ainsi l’applicabilité des normes du travail rencontre souvent des difficultés inhérentes soit aux politiques économique et sociale suivies par les gouvernements soit aux conflits des lois que pose leur application. Et même en supposant qu’elles puissent s’intégrer sans heurts au régime juridique interne, chose qui n’est nullement aisée, ces normes du travail rencontrent dans la pratique de sérieux obstacles dans leur application.

Dans cette deuxième partie, nous allons aborder les problèmes liés à l’applicabilité des normes du travail à travers l’analyse du cadre général de son application qui est le droit international du travail (Chapitre premier) et nous passerons ensuite en revue quelques aspects de l’application effective de ces normes (deuxième chapitre), notamment au Maroc, en signalant certains problèmes qui entravent leur application dans la pratique. A cet égard, nous mettrons essentiellement l’accent sur les normes fondamentales du travail telles qu’elles sont internationalement reconnues à travers la « Déclaration de l’OIT sur les principes et les droits fondamentaux au travail » de 1998 et qui est citée dans l’introduction de la première partie de cette étude.

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Chapitre I : Le droit international du travail comme cadre général pour l’application des normes de travail au niveau national : vers une mondialisation du droit social

Le contenu et les objectifs du droit international du travail ne sont pas toujours clairs. Il comporte ainsi des difficultés de mise en œuvre à plusieurs niveaux. La compréhension de ses implications dépend dans une large mesure de la délimitation de son contenu et d’une meilleure compréhension de ses objectifs. Comme expliqué plus haut la mondialisation exerce une forte pression sur l’action normative de l’Etat à l’égard de la réglementation du travail. Cette pression donne lieu à une insuffisance du droit national du travail. Ce qui interpelle un autre niveau de régulation sociale : le niveau supranational. Autrement dit, la mondialisation affecte le contenu et l’efficacité des normes du travail au niveau national et exige, en retour, un cadre d’application plus large : le droit international du travail. Le droit international du travail repose sur plusieurs sources. Nous nous intéressons, dans ce cadre, surtout aux instruments et conventions des Nations Unies ainsi qu’aux Conventions et Recommandations de l’Organisation Internationale du Travail. Nous aborderons le contenu des règles du droit international du travail, leurs objectifs normatifs et leurs implications ainsi que les difficultés de leur mise en œuvre dans le cadre du droit interne.

Section I : Les objectifs des normes internationales de travail sous l’impulsion de la mondialisation

 

Les normes internationales de travail ont gagné beaucoup en importance en raison de l’interdépendance et l’interaction entre les Etats nations et des économies, phénomènes nourris sous l’impulsion de la mondialisation.

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  §. A. Contenu des normes internationales du travail

Le droit international du travail puise fondamentalement ses sources dans les instruments

des droits de l’Homme de l’Organisation des Nations Unies et des Conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Les premières sources se rapportent au cadre général des droits de l’Homme des Nations Unies et comportent des normes du travail. Les secondes sources présentent plutôt des normes sociales plus détaillées régissant d’une manière plus précise l’emploi, les relations du travail, les relations professionnelles, les conditions du travail et la protection sociale.

Tout d’abord, il convient de souligner l’importance du rôle des Nations Unies dans la promotion des droits de l’homme, qui englobent les droits des travailleurs. La défense et le respect des droits de la personne et ses libertés fondamentales figurent parmi les obligations des Etats membres des Nations Unies en vertu de la Charte des Nations Unies, adoptée à San Francisco en 1945, et énoncés en plus de détail dans la Déclaration Universelle des droits de l’homme de 1948.

La portée juridique de la Déclaration universelle des droits de l’Homme n’est pas pleinement établie. Il s'agit en fait d'une résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies. Elle n'a pas la valeur juridique d'un traité international et n'a donc pas de dimension contraignante et ne peut être invoquée devant un juge53. C'est un texte dont la portée est avant tout morale et dont la légitimité s'appuie sur l'autorité que lui confère la signature de la majorité des Etats du monde. C’est pourquoi, il a été décidé d’établir des déclarations des droits ayant valeur juridique, de manière à assurer plus efficacement le respect des libertés fondamentales sur le plan international. Tel est l'objet des deux Pactes adoptés le 16 décembre 1966 : le premier relatif aux droits civils et politiques et le second aux droits économiques, sociaux et culturels. Ces deux textes sont entrés en vigueur pour le Maroc en 197954. Ils ont pour principal intérêt de reprendre, en détail, l'ensemble des droits évoqués dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 et de leur

                                                                 

53  Le  Conseil  d'État  en  France  a  affirmé  qu'elle  était  dépourvue  de  valeur  normative  par  un  arrêt    dénommé 

« Roujansky » de 1984. 54 Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966, ratifié par le Maroc le 3 mai 

1979, traite notamment des droits des travailleurs relatifs à la non‐discrimination, à la liberté d’association et à la 

liberté syndicale ; Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966,  ratifié par le Maroc le 3 mai 

1979, traite notamment de droits des travailleurs tels que la liberté d’association, l’interdiction du travail forcé et 

l’égalité devant la loi ;  

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conférer une valeur juridique contraignante. Ces Pactes n’ont cependant de valeur juridique que pour les Etats qui les ont ratifiés.

Deux autres instruments des Nations Unies touchent directement aux droits fondamentaux du travail. La Convention internationale relative aux droits de l’enfant de 198955 établit le principe de la non exploitation de la main d’œuvre infantile et d’autres droits connexes. La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 197956 traite dans son article (11) de la non discrimination en matière d’emploi et du travail. Comme c’est le cas pour les deux Pactes des droits de l’Homme mentionnée plus haut, ces conventions ne sont contraignantes que pour les Etats qui les ont ratifiés. Ces Etats ont l’obligation de transposer les normes juridiques contenues dans ces instruments dans leur législation interne. Des rapports périodiques sont présentés, à cet effet, par chaque Etat partie à ces instruments onusiens devant des comités d’experts indépendants appelés à vérifier l’application de ces normes au niveau national. A côté de ces instruments, les conventions de l’OIT constituent un véritable code international du travail. Instituée en1919 par le Traité de Versailles et renforcée en 1944 par la Déclaration de Philadelphie, l’Organisation Internationale du Travail a présidé à l’élaboration d’un véritable code international du travail comprenant à ce jour 185 conventions et 195 recommandations57. Ces normes internationales du travail sont destinées à guider l’action nationale en matière de politique sociale. Les conventions de l’OIT sont ouvertes, après leur adoption par la Conférence générale de cette organisation, à la ratification des Etats membres. Les recommandations n’appellent pas, quant à elles, de ratification et visent à orienter la politique, la législation et la pratique nationale en matière de normes sociales.                                                                  

55 Le Maroc a ratifié cette convention le 21 juin 1993  56 Le Maroc a ratifié cette convention le 22 juin 1993 57 Base de données de l’OIT, « ILOLEX »,Genève, Suisse. 

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Par ailleurs les Etats membres qui ratifient une convention ont l’obligation d’en appliquer les dispositions. L’application des conventions ratifiées est contrôlée par un système tout à fait particulier. Elle est régulièrement examinée par des organes de contrôle de l’OIT58. Des procédures relatives aux réclamations et aux plaintes peuvent être initiées contre les Etats membres qui ne respectent pas les conventions qu’ils ont ratifiées. Parmi les conventions de l’OIT, certaines comportent des normes « fondamentales » du travail. Ce sont les conventions auxquelles la Déclaration de l’OIT adoptée en 199859 fait référence. C’est ainsi que cette Déclaration énonce des normes fondamentales du travail en affirmant l’engagement des Etats membres à :

- Respecter, promouvoir et réaliser la liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit de négociation collective (conventions 87 et 98);

- Œuvrer en faveur de l’élimination du travail forcé ou obligatoire (conventions 29 et 105); - Abolir le travail des enfants (conventions 138 et 182) ; - Eliminer toute discrimination en matière d’emploi (conventions 100 et 111).

Présentant un socle minimum de normes du travail, les huit conventions citées au paragraphe

précédant regroupent les quatre catégories de normes sociales les plus universellement reconnues. Les Etats membres sont tenus de respecter ces normes dites fondamentales, même s’ils n’ont pas ratifié les conventions correspondantes.

Autre instrument important de l’Organisation Internationale du Travail c’est la

Déclaration de Principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale mentionnée plus haut et annexée à cette étude (Annexe 4). Bien que cet instrument n’ait pas de force juridique contraignante et fait partie du « Soft Law », il n’en demeure pas moins que, par sa force morale, il constitue une source du Droit international du Travail. En effet, cette Déclaration, qui constitue un véritable code de conduite des entreprises multinationales, donne lieu à des engagements unilatéraux de la part de celles-ci, ce qui contribue, dans une certaine mesure à l’amélioration de la situation sociale des salariés.

                                                                 

58 La Commission d’experts pour l’application des conventions, la Commission de la Conférence pour l’application 

des normes et le Comité de la liberté syndicale. 59 Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, Organisation Internationale du 

Travail, Genève, 1998. 

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Le juge peut dans certaines situations se référer à ces engagements, bien qu’unilatérales, pour constater le délit de violation des droits des travailleurs. En effet, le Juge américain considère ces engagements comme ayant une force juridique contraignante malgré leur caractère unilatéral et volontaire. Dans un arrêt de la Cour Suprême des Etats-Unis, il a été fait valoir du droit du consommateur pour incriminer la non application du code de conduite de l’entreprise Sport Nike en se basant sur la règle de l’interdiction de la publicité mensongère et en considérant que l’adoption par l’entreprise en question d’un code de conduite et sa publication sans l’application de ses dispositions est contraire au droit du consommateur 60.

§. B. objectifs des normes internationales du travail

D’une manière générale, les normes internationales du travail présentent des outils pour les

Etats qui cherchent à élaborer et à faire appliquer une législation du travail et une politique sociale dans le respect des normes convenues à l'échelle internationale. C’est dire que ces normes n’ont de valeur juridique que si elles sont acceptées par les Etats membres.

L’objectif des normes internationales du travail est multiple. Il consiste à protéger les travailleurs contre les éventuels abus des employeurs dans une économie mondialisée d’une part, et d’autre part, à épargner le marché des pratiques restrictives anticoncurrentielles et de dumping social.

Au delà de cette finalité de fond, quel objectif normatif visent-elles dans un monde de plus en

plus élargi et interdépendant ? Visent-elles l’unification des règles de droit régissant les relations entre les travailleurs et les employeurs à travers le monde ? Visent-elles plutôt une harmonisation des normes sociales appliquées dans différents Etats? Ou bien servent-elles, juste, à assurer l’application de règles minima à reconnaître et à respecter par les Etats dans une économie mondialisée?

Avant d’essayer de répondre à ces questions, il est peut être utile de définir les différentes notions juridiques en question.                                                                  

60 Article,  quotidien canadien LeDevoir, 28 juin 2003 relatant  la décision rendu par la Cour Supême des Etats‐Unis 

qui signifie que Spotif Nike pourrait être poursuivi en justice pour des publicités et des déclarations mensongères 

sur la manière dont il fait travailler ses salariés dans les pays en développement. 

http://www.ledevoir.com/2003/06/28/3078.html 

Consulté le 28 juin 2008.  

 

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L’unification des normes consiste à substituer de manière obligatoire, dans les ordres juridiques internes, une règle commune uniforme, aux règles antérieures qui sont divergentes d’un Etat à un autre. La règle qui sera directement applicable dans les ordres juridiques internes ne laissera aucune place aux particularismes juridiques nationaux.

Quant à l’harmonisation des normes, elle consiste à assurer une équivalence des règles applicables dans des Etats à systèmes juridiques différents. La norme supranationale est transposée dans l’ordre juridique interne sans toucher aux particularismes juridiques nationaux. La manière dont il est fait effet de la norme internationale demeure de la prérogative de chaque Etat. Les règles de droit dégagées de cette harmonisation doivent être proches mais pas nécessairement identiques61.

S’agissant d’assurer des règles minima dans des systèmes juridiques internes différents, cela

consiste à garantir un niveau normatif minimum de normes sociales applicables au-dessous duquel l’Etat se trouve enfreignant les obligations qu’il a contractées. Dans ce cas, l’Etat peut assurer aux travailleurs assujettis à son système juridique interne, un niveau plus élevé de normes sociales que celui défini par les règles minima édictées par un instrument international. Ces prescriptions minimales ou ce minimum commun imposé visent à assurer le respect du dénominateur commun le plus bas de normes sociales. Elles risquent, cependant, de conduire à un alignement vers le bas des normes sociales au niveau national.

Certains pays commencent par réviser leur législation et leurs politiques afin de les mettre en conformité avec l'instrument international qu'ils souhaitent ratifier. D'autres ratifient les conventions de l'OIT assez rapidement et s'efforcent ensuite d'harmoniser leur législation et leurs pratiques nationales avec ces instruments.

Dans les deux cas, les normes internationales du travail servent alors d'objectifs à

l'harmonisation des lois et pratiques nationales dans le domaine des relations du travail.

D'autres pays encore décident de ne pas ratifier telle ou telle convention et alignent, quand même, leur législation sur les dispositions de cet instrument. Les normes internationales leur servent dans ce cas de modèle pour formuler des lois et des orientations politiques. Elles peuvent leur servir aussi d’indicateur pour assurer des prescriptions minimales dans un domaine social particulier, sans se lier les mains par des obligations juridiques internationales vis-à-vis des Etats membres.

                                                                 

61 Elizabeth Thomas, mémoire de DEA, Université de Lille II, école doctorale no. 74, 2003, p. 28.  

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L’unification des normes sociales telle qu’expliquée plus haut n’est donc pas l’objectif des normes internationales du travail. Ces dernières visent souvent une harmonisation des normes sociales nationales et laissent intactes les particularités juridiques nationales. Elles peuvent viser dans les cas de non ratification la garantie du respect d’un socle minimum de normes sociales, tels que celui établi par la Déclaration de l’OIT de 1998 sur les principes et droits fondamentaux du travail, qui dégage des obligations de l’ensemble des Etats membres de l’OIT vis-à-vis de certaines normes sociales, même dans l’absence de ratification des conventions correspondantes. Dans ce cas l’objectif des normes internationales se limite à faire assurer le respect d’un niveau minimum de normes sociales applicables au niveau national et restreindre la portée du dumping social et ses effets sur la compétitivité des entreprises et la concurrence des marchés.

Section II : Les difficultés de mise en œuvre des normes internationales du travail dans une économie mondialisée

  Les difficultés qui entravent la mise en œuvre des normes internationales du travail sont

nombreuses et de différentes natures. Ces difficultés deviennent de plus en plus complexes du fait des conflits des intérêts mis en jeu par la mondialisation. Nous nous intéressons ici aux difficultés d’ordre juridique, aux difficultés inhérentes aux politiques économiques suivies par les gouvernements, et aux difficultés liées à l’action des partenaires sociaux.    

  §. A. Les difficultés d’ordre juridique et les difficultés relatives aux politiques économiques conçues dans une économie mondialisée

   Les notions de souveraineté, de la hiérarchie des normes et de la primauté du droit international sur le droit interne posent de nombreux problèmes en cas de conflits de lois. Des solutions à ces conflits sont souvent expliquées par le pouvoir judiciaire dans le cadre de la jurisprudence qu’il développe. La coexistence du droit national et du droit international pose d’abord le problème de souveraineté. Certains pensent qu’appliquer des normes internationales contraint les Etats nationaux à concéder sur l’un des principes les plus fondamentaux de l’existence même de l’Etat : la souveraineté.

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Certains Etats ont pu résoudre cette question par la constitutionnalisation des normes internationales soit dans l’absolu, soit en conditionnant l’application des traités et conventions internationales qu’ils ont ratifiés par la règle de réciprocité. La constitution Française par exemple indique clairement que les traités et conventions internationaux ratifiés par la France sont immédiatement appliqués en France à condition que l’autre partie en observe l’application. Ce qui évacue dès le départ le problème de la souveraineté. La coexistence du droit national et du droit international nous amène aussi à nous interroger sur leur rapport et interaction lors de l’émergence d’un conflit. Le principe universellement reconnu est celui de la primauté du droit international sur le droit interne. Une loi, même postérieure à la ratification d’une convention internationale, doit en principe s’effacer si elle apparaît incompatible avec l’une des sources du doit international. Comme nous l’avons vu, l’article 55 de la Constitution française stipule que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ». Les conflits des lois sont aussi évacués dès le départ par la constitution.

Au Maroc, en l’absence d’une définition constitutionnelle claire sur la hiérarchie des sources entre les traités internationaux et le droit interne, la jurisprudence semble pencher implicitement vers la théorie dualiste62, et ce dans le cadre d’une remarquable évolution jurisprudentielle par laquelle le juge marocain fait un recours direct à la norme internationale comme outil d’interprétation ou d’application de la loi interne63.

Malgré l’existence du maigre inventaire de la jurisprudence marocaine à propos de la prééminence du droit international sur le droit interne, le plaideur (travailleur ou syndicat) devra veiller à se référer dans sa requête à toute convention internationale à laquelle le Maroc est partie afin de conforter sa position devant le juge.

  Par ailleurs,  les instances judiciaires peuvent se prévaloir de la norme internationale du travail pour trancher des cas où la législation nationale est ambigüe ou muette sur le sujet. Elles peuvent aussi avoir recours dans le cadre de leurs interprétations des lois nationales à des définitions

                                                                 

62 La théorie dualiste, en opposition à la théorie moniste, consiste en l’existence de deux ordres juridiques interne 

et international, avec la primauté du second sur le premier en cas de conflit des lois. 63 Professeur Amin Hajji, Faculté de droit de Casablanca, note de synthèse de  l’exposé préparé à  l’occasion du 

séminaire sur « la justice marocaine : institution et fonction (Axe II/ : justice et mondialisation), 30 et 31 mai 2003, 

p.1 »   

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figurant dans les normes internationales. C’est dans ce cadre que des difficultés purement judicaires risquent d’entraver la mise en œuvre pleine et effective des normes internationales du travail. Le problème se pose avec une plus grande ampleur dans les pays qui ne disposent pas d’une justice spécialisée. C’est le cas du Maroc, par exemple, où le législateur n’a pas estimé, à ce jour, nécessaire d’instituer une réelle magistrature sociale malgré l’accord conclu le 30 avril 2003 dans le cadre du dialogue social entre le gouvernement et les partenaires sociaux et qui comporte parmi les points sur lesquels on s’est accordé « l’examen de la possibilité de création de tribunaux sociaux »64. Cette situation laisse la justice marocaine en souffrance d’une spécialisation et d’une expertise nécessaires pour la promotion de l’application des normes internationales du travail à l’égard desquelles le Maroc s’est engagé. En formulant leurs politiques économiques dans une économie mondialisée, les Etats ont tendance, comme on l’a déjà vu plus haut, à observer une certaine flexibilité dans leur législation sociale pour s’assurer de l’attrait de l’investissement, créateur d’emplois, et assurer un certain équilibre « approprié » entre les droits des travailleurs et la compétitivité des entreprises. Cette flexibilité est reflétée soit dans l’inaction quant à la ratification des conventions internationales, soit dans l’interprétation que les gouvernements donnent aux normes internationales du travail ou encore dans la manière avec laquelle ces normes sont transposées au niveau du droit interne.  

Pour les pays qui ne ratifient pas une ou plusieurs conventions, il reste dans ses propres prérogatives d’en appliquer ou non le contenu. Quant aux pays qui procèdent à la ratification, ils n’appliquent pas de la même façon les conventions et traités internationaux qu’ils ont ratifiés. Dans de nombreux pays, on interprète ces traités et conventions de la manière qui permet leur incorporation dans les politiques socio-économiques qu’ils poursuivent. Dans d’autres pays, on met en place des dispositions juridiques internes qui rendent difficile la mise en application réelle les normes internationales du travail. Si l’on prend le cas du Maroc par exemple, les difficultés qui relèvent des politiques économiques et qui entravent la liberté syndicale sont nombreuses. La première difficulté qui nous vient à l’esprit réside dans la longue hésitation observée par le gouvernement dans la ratification de la convention no. 87 de l’OIT relative à la liberté syndicale. Le Maroc n’a pas à ce jour ratifié cette

                                                                 

64 Mohamed Tadili, la réforme du droit social au Maroc, 2004, p. 181. 

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convention qui fait partie des normes fondamentales du travail. La complexité et l’ambiguïté qui entourent la législation marocaine en matière de liberté syndicale reflètent une autre difficulté. Une autre difficulté est constatée dans la position du Maroc lors de la Conférence de l’OMC qui s’est tenue à Singapour en 1996 et au cours de la quelle le Maroc a joué un rôle catalyseur dans l’adoption dans la déclaration de l’OMC de Singapour un paragraphe historique65 sur les droits fondamentaux du travail et qui a constitué une sorte de prélude à la Déclaration de l’OIT de 1998 sur les principes et les normes fondamentales du travail, dont la liberté syndicale fait partie intégrante, et ceux en dépit de la position des pays en développement qui ne voulaient pas de déclaration des droits des travailleurs au sein de l’OMC. En analysant ces exemples et ces faits, nous pouvons retenir que la politique suivie par le Maroc en matière de liberté syndicale n’est pas, pour le moins, claire et comporte certaines hésitations dictées par les soucis d’une certaine politique économique. Selon une analyse faite par le Secrétaire général de l'USF-UMT et président de l'AMDH et publiée le 5 février 2005 66 , le nouveau code du travail n’a pas réglé les problèmes concernant la liberté syndicale et présente toujours beaucoup de défaillances. Selon lui, le code du travail ignore l'indispensable protection des représentants syndicaux -membres des bureaux syndicaux au niveau des entreprises- et les facilités dont ils doivent bénéficier pour poursuivre une activité syndicale normale. En revanche, le nouveau code du travail a renforcé les prérogatives des délégués des salariés - qui ne sont pas forcement syndiqués - en les consacrant comme représentants des travailleurs au niveau du comité d'entreprise, du comité d'hygiène et de sécurité et comme interlocuteurs uniques dans plusieurs opérations de concertation prévues par le code.

                                                                 

65  Le paragraphe 4 de  la déclaration  se  lit  comme  suit : « Nous  renouvelons notre  engagement d'observer  les 

normes fondamentales du travail internationalement reconnues. L'Organisation internationale du travail (OIT) est 

l'organe compétent pour établir ces normes et s'en occuper, et nous affirmons soutenir les activités qu'elle mène 

pour  les  promouvoir.  Nous  estimons  que  la  croissance  économique  et  le  développement  favorisés  par  une 

augmentation  des  échanges  commerciaux  et  une  libéralisation  plus  poussée  du  commerce  contribuent  à  la 

promotion de ces normes. Nous rejetons  l'usage des normes du travail à des fins protectionnistes et convenons 

que l'avantage comparatif des pays, en particulier des pays en développement à bas salaires, ne doit en aucune 

façon être remis en question. A cet égard, nous notons que les Secrétariats de l'OMC et de l'OIT continueront de 

collaborer comme ils le font actuellement. » 66 Amine Abdelhamid, Annahjaddimoctrati, 2005. Site Internet : 

http://www.annahjaddimocrati.org/francais/debat/code_travail.htm 

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Selon la même source, le code du travail consacre et approfondit, à travers plusieurs dispositions, les atteintes au droit de grève constitutionnellement garanti. Par exemple, « l'entrave à la liberté du travail » est considérée comme une faute grave pouvant conduire au renvoi du travailleur qui en est accusé sans aucune indemnité (Article 39 du code de travail). En effet on peut constater cet état de fait à la lecture du code de travail, qui ne comporte aucune disposition relative au droit de grève, à côté du fameux article 288 du code pénal réprimant le droit de grève à travers le « délit de l’entrave à la liberté du travail ». La grève pourrait être observée par une partie des salariés, sans une autre partie, avec l’objectif de défendre ou de revendiquer certains droits que l’employeur refuse d’accorder. Dans ces cas, les grévistes pourraient essayer de rallier l’autre partie des salariés à leur action afin de garantir l’unité de la grève ou sa consolidation. Si cette action est entreprise par des moyens sains comme ceux de la conviction, elle reste donc saine aux yeux de la loi. Mais si elle accompagnée de menace, de violence ou de fraude, l’action serait passible de mesures coercitives selon le code pénal marocain67.

En outre, l'article 5 du décret du 5 février 1958 concernant le droit syndical des fonctionnaires réprime toute action collective des fonctionnaires et le Dahir du 13 septembre 1938 permet de réquisitionner les grévistes sous peine de prison. Par ailleurs, il pose l'obligation pour les travailleurs de recourir à la procédure de conciliation. Le nouveau code du travail démembre également l'unité du cadre juridique relatif à la création des syndicats. En effet, l’adoption du code du travail a conduit à une dualité du cadre juridique concernant l'activité syndicale: Dahir du 16 juillet 1957 pour les fonctionnaires, code du travail pour les salariés et les employeurs entrant dans son champ d'application. Certaines catégories des salariés- tels que les journaliers permanents ou occasionnels relevant des administrations publiques et certaines catégories de travailleurs et de citoyens ayant des intérêts communs comme les paysans indépendants, les artisans, les commerçants- n'ont plus le cadre juridique pour créer un syndicat ou exercer une activité syndicale à moins de recourir à la loi sur les associations.  

                                                                 

67 Abdelatif Khalifi, Jurisprudence en matière sociale, publication No. 1, Imprimerie et librairie nationale, 

Marrakech, pp. 313‐323 

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  §. B. Les difficultés inhérentes à l’action des partenaires sociaux

Le régime social national avec toutes ses composantes demeure une œuvre commune de l’Etat et des partenaires sociaux. Par le biais du dialogue social et de la négociation collective, les trois acteurs du régime social arrivent à établir des règles régissant les rapports entre employeurs et travailleurs.   Ce même schéma est transposé au niveau des institutions qui formulent le droit international du travail, à savoir l’OIT dont les organes directeurs68 sont à composition tripartite regroupant les représentants des gouvernements, des travailleurs et des employeurs. Les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs jouent un rôle essentiel dans le système des normes internationales du travail. Elles participent au choix des thèmes des nouvelles normes de l'OIT et à l'élaboration des textes. Leurs votes peuvent déterminer si la Conférence internationale du Travail adopte une convention ou une recommandation.

Lorsqu'une convention est adoptée, les employeurs et les travailleurs peuvent encourager le gouvernement à la ratifier. Si la convention est ratifiée, le gouvernement est tenu d'envoyer régulièrement au BIT un rapport sur son application en droit et en pratique. Ce rapport doit également être transmis aux organisations d'employeurs et de travailleurs représentatives qui peuvent faire des commentaires sur son contenu. Les organisations d'employeurs et de travailleurs peuvent aussi envoyer directement au BIT des informations sur l'application des conventions. Elles peuvent entamer une procédure de réclamation en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT. En outre, un délégué des employeurs ou des travailleurs à la Conférence internationale du Travail peut déposer une plainte en vertu de l'article 26 de la Constitution de l’OIT.   Si un État ratifie la convention (n° 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, comme l'ont fait à ce jour 119 pays, il est obligé d'organiser des consultations tripartites sur les projets d'instruments qui seront discutés à la Conférence, sur les instruments à soumettre aux autorités compétentes, sur les rapports concernant

                                                                 

68 L'OIT dispose de deux organes directeurs qui  intègrent le principe de base de l'Organisation, le tripartisme 

(gouvernement, employeurs, travailleurs). Il s’agit de la Conférence et du Conseil d’administration. 

 

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les conventions ratifiées, sur les mesures relatives aux conventions non ratifiées et aux recommandations et sur les propositions de dénonciation de conventions ratifiées auparavant.

Le Maroc n’a pas à ce jour ratifié cette convention (144), mais dispose d’une législation qui organise les consultations tripartites dans le cadre du dialogue social. Il s’agit du Dahir no. 1-95-78 du 26 juin 199569 et du dahir no. 1-94-297 du 24 novembre 199470 relatif au conseil consultatif pour le suivi du dialogue social.

Par l’intermédiaire des consultations tripartites, les partenaires sociaux agissent donc aux niveaux de l’élaboration des normes internationales du travail et de l’application de ces normes. Iles interviennent dans la procédure de transposition d’une convention de l’OIT dans le cadre des lois, des règlements et des conventions collectives. Nous constatons ici que les acteurs privilégiés de la mise en œuvre des normes sociales ne sont autres que les partenaires sociaux. Encore faudrait-il que ces partenaires sociaux auxquels une importante partie de la fonction normative est déléguée soient suffisamment actifs dans tous les secteurs des relations de travail et disposant d’une culture développée en matière de dialogue social et des conventions collectives pour que ces normes puissent être pleinement et convenablement appliquées. Or, nous constatons qu’au Maroc le dialogue social n’a commencé à se développer que très récemment. La négociation collective, outil fondamental de l’action normative des partenaires sociaux n’est pas développée au Maroc. Les syndicats notamment professionnels sont peu dynamiques sur ce plan, le peu d’entrain des organisations d’employeurs et l’interventionnisme latent du pouvoir exécutif dans l’élaboration de la législation du travail réduisent l’action des partenaires sociaux71. Sur le plan juridique, un cadre global de la négociation collective n’a jamais été instauré au Maroc. Des dispositions juridiques relatives au dialogue social qui déterminent le but, la périodicité et les parties à la négociation ont jusqu'à très récemment fait défaut.

                                                                 

69 BO, 1995‐08‐02, no. 4318, p. 541 70 BO, 1995‐01‐18, no. 4290, pp. 18‐19 71 Abdallah Boudahrain, Droit Social Marocain, Sochepress, page 115. 

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Cependant, nous assistons ces dernières années à une évolution positive des relations du travail avec la coopération du Bureau International du Travail (BIT) et de pays amis du Maroc72. Des projets visant la promotion du droit à la négociation collective sont en cours d’exécution avec l’assistance du BIT. Le projet financé par le Département du travail des États-Unis a commencé au cours du deuxième semestre 2002 pour une durée de 3 ans. Il vise à fournir une assistance technique pour améliorer le dialogue social au niveau sectoriel, prévenir et réduire les conflits. Les principaux objectifs du projet sont les suivants:

- améliorer les pratiques en matière d'administration du travail pour favoriser le dialogue social au niveau des entreprises.

- renforcer le dialogue des partenaires sociaux et leurs compétences en matière de négociation. - mieux informer les partenaires sociaux sur la nouvelle législation du travail. D’autres efforts sont pris en charge par certains acteurs de la société civile et qui visent à :

- Renforcer les capacités des leaders des organisations syndicales et patronales (ateliers de formation, missions d’information en Europe),

- Vulgariser les normes nationales et internationales du travail (guide pratique de la nouvelle législation sociale, présentation des normes et conventions internationales du travail),

- Former les partenaires sociaux aux techniques de la négociation collective, - Intégrer les organisations nationales dans le réseau mondial des instances professionnelles,

syndicales et consultatives.

L’une des plus importantes innovations du Code du travail se rapportant à la négociation collective figure dans les articles 92 à 103. Ces dispositions définissent la négociation collective et son objectif, fixent les partenaires de cette négociation et déterminent les niveaux et la périodicité de la négociation collective. Le Conseil Supérieur de la négociation collective est institué comme organe de facilitation de cette négociation. Le gouvernement a donc institutionnalisé la procédure de négociation collective pour tous les travailleurs couverts par l'un des trois types de contrats introduits par le nouveau Code (à durée indéterminée, à durée déterminée et temporaire).

                                                                 

72 Mohamed Tadili, la réforme de la législation sociale au Maroc, page 163, 2004.  

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Cependant, quelques remarques sur la structure légale de la négociation collective telle que stipulée par le Code marocain du Travail laisse présager le risque des mêmes effets négatifs que sous l’ancien régime du Dahir du 17 avril 1957 relatif à la Convention collective du travail73. La négociation collective n’est pas obligatoire au Maroc contrairement en France où la négociation collective annuelle est obligatoire. Certains pays comme les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne et l’Espagne ont fait de la négociation collective un droit constitutionnel.   Tant que la négociation collective n’est pas obligatoire au Maroc et que le manquement à cette obligation n’est pas sanctionné par la législation, l’action des partenaires sociaux sera toujours réduite et leur rôle normatif ne sera guère dynamique. Cette situation continuera d’affecter négativement la mise en œuvre adéquate des normes sociales au Maroc.

                                                                 

73 Bulletin officiel du 23 août 1957, no. 2339, p. 1108. 

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Chapitre II: Application effective des normes de travail dans un monde interdépendant

Nous avons abordé dans le chapitre précédant les différentes difficultés de mise en œuvre d’ordre juridique et politique des normes internationales du travail en mettant l’accent sur les difficultés de leur insertion dan le système juridique interne. Nous allons à présent passer en revue certains obstacles rencontrés lors de l’application dans la pratique des normes de travail (section I) et essayer ensuite d’identifier les moyens qui existent pour une application effective de ces normes (Section II). Qu’ils soient de la part des gouvernements ou des employeurs, ces obstacles reflètent un manquement aux engagements pris, aux obligations de droit qui découlent des normes sociales, c'est-à-dire une violation des règles sociales convenues aux niveaux national et/ou international. Le cas du Maroc et de quelques autres pays devraient clarifier nos propos à cet égard.

Section I : Les obstacles à l’application effective des normes de travail

 

  Les obstacles à l’application effective des normes sociales sont de différentes natures. Ils peuvent généralement découler d’une volonté souvent non déclarée, de la part des autorités publiques ou des employeurs, de ne pas appliquer ces normes, ou encore lorsqu’elles sont transposées dans le droit interne, elles le sont parfois d’une manière qui rend difficile leur application effective. Il est intéressant de voir à ce propos les différentes manières d’appliquer les normes internationales par les pays. Pour ce faire, nous prendrons quelques normes fondamentales du travail et nous verrons les différences nationales dans leur application dans certains pays y compris le Maroc. Ce comparatif d’application des normes fondamentales de travail nous donnera une idée des conséquences qui pourraient en découler sur la mise en œuvre effective de ces normes dans la pratique.

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  §. A. L’application effective des règles de la lutte contre la discrimination

La lutte contre la discrimination à l’emploi et à la rémunération, c’est à dire l’égalité des chances figure parmi les normes fondamentales du travail. Les conventions de l’OIT no. 100 relatif à l’égalité de rémunération et no. 111 sur la non discrimination à l’emploi forment à ce sujet le socle normatif au niveau international. Les obstacles à l’application de ces normes résident dans la difficulté de prouver les infractions dans ce domaine. L’employeur peut toujours affirmer que c’est la différence de compétence qui est à l’origine de la « discrimination » et non le sexe, l’age, l’origine ethnique, raciale ou religieuse. En France par exemple, les statistiques montrent que les populations d’origine maghrébine connaissent un taux de chômage bien supérieur à celles d’origine européenne. En Inde, les travailleurs d’appartenance musulmane sont l’objet de discrimination par rapport aux hindouistes. Le Maroc a ratifié les conventions 100 et 111 de l’OIT respectivement le 11 mai 1979 et le 27 mars 1963. Le code du travail dans son article 9 interdit toute discrimination entre les travailleurs basée sur l’origine, le sexe, la couleur, etc. susceptible de porter atteinte ou dénaturer le principe de l’égalité des chances particulièrement dans l’embauchage et la rémunération. Il y a lieu de signaler que l’une des conséquences de la mondialisation est la création des agences d’emplois privées, innovation du code du travail marocain auxquelles il a interdit toute discrimination. En effet, l’instauration de l’intermédiation privée dans l’embauchage, que nous estimons essentielle dans une économie libéralisée et mondialisée, porte le risque d’amplifier la discrimination. Devant ce phénomène difficile à cerner, une législation, même très évoluée et complète, n’est pas suffisante. Une culture de non discrimination doit être développée parmi les employeurs et les intermédiaires d’embauchage. Les syndicats doivent être activement impliqués et le contrôle administratif et judiciaire renforcé pour pouvoir détecter et remédier à toutes formes de discrimination.

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§. B. l’application effective de la règle de la liberté syndicale

En Inde, les contrastes entre les situations syndicales d’une région à une autre sont très marqués. Les contextes syndicaux d’une petite entreprise et celui d’une grande entreprise sont incomparables. La liberté syndicale est aléatoire dans les entreprises ou régions où la culture syndicale est peu ou pas implantée. Même les grandes entreprises orientées vers l’exportation, telle Eastman-Exports qui emploie plus de mille travailleurs, ne disposent pas de syndicat et interdisent le droit d’association74, bien que le code du travail indien stipule que « les syndicats sont obligatoires dans les entreprises de plus de 50 personnes ». En France, la présence d’un délégué syndical au sein de l’entreprise est obligatoire à partir de 50 salariés. Il est pourtant fréquent qu’aucun syndicat n’existe, même au sein de grosses entreprises alors que la législation française l’exige75. L’entreprise Berg Electronics, située à Besançon, qui était une société multinationale dont le siège social est américain et qui comptait parmi ses employés plus de 600 personnes, a toujours refusé l’implantation d’une structure syndicale jusqu’en 1999 où elle a été racheté par le Groupe français Framatome qui a alors toléré l’implantation d’une section syndicale au sein de cette nouvelle filiale. C’est finalement une transformation culturelle dans l’entreprise qui favorise l’application de la norme sociale et non la législation qui a permis cette évolution.   Au Maroc, la situation n’est nullement différente. Le Maroc avait ratifié le 20 mai 1957 la convention no. 98 de l’OIT sur le Droit d’organisation et de négociation collective de 1949 et n’a pas à ce jour ratifié la convention no. 87 sur la liberté syndicale, bien que celle-ci figure parmi les normes fondamentales de travail édictées par la Déclaration de 1998 de l’OIT. L’article 9 de la constitution garantit « la liberté d'association et la liberté d'adhérer à toute organisation syndicale et politique de leur choix ». Le Dahir n° 1-58-376 du 15 novembre 1958 réglementant le droit d'association76.

                                                                 

74 Effets sur les clauses sociales de l’application des normes fondamentales du travail, Thierry Brugvin, 

« Multitudes », revue trimestrielle, édition électronique page 1, 2002, Web Site : 

http://multitudes.samizdat.net/Effet‐sur‐les‐clauses‐sociales‐de.html 75 Loi no. 86‐845 du 17 juillet 1986 relative à l’exercice du droit syndical dans les entreprises. 76 Bulletin officiel, 1958‐11‐27, p. 1909 

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Pourtant, dans un communiqué de presse du 19 juin 199777 , la commission de la liberté syndicale de l’OIT « a déploré avec une profonde préoccupation les nombreuses plaintes contre les mesures de discrimination antisyndicale et d'ingérence dans les activités syndicales, bien que le gouvernement [marocain] se soit engagé à soumettre au parlement un projet de Code du travail pour rendre sa législation pleinement conforme à la convention no 98.  

  La Commission de la liberté syndicale a demandé instamment que l'instrument précité soit communiqué à la commission d'experts afin que celle-ci puisse examiner si ce texte garantit une protection adéquate aux travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale et aux organisations de travailleurs contre les actes d'ingérence. Elle a en outre regretté que le gouvernement [marocain] n’ait pas accepté la mission de contacts directs qu'elle a proposée il y a trois ans. »

Le Dahir no 1-00-01 du 15 février 2000 portant promulgation de la loi no 11-98 modifiant et complétant le dahir no 1-57-119 du 16 juillet 1957 sur les syndicats professionnels78 insère une innovation en visant d'une part à interdire aux organismes professionnels des employeurs et des salariés de s'immiscer les uns dans les affaires des autres et à interdire à toute personne physique ou morale d'entraver l'exercice du droit syndical d'autre part. Il interdit aussi toute mesure discriminatoire entre les salariés fondée sur l'appartenance ou l'activité syndicale. Le nouveau code interdit spécifiquement aux employeurs de licencier des travailleurs qui auraient participé à une action de syndicalisation légitime, et les tribunaux ont le pouvoir de réintégrer arbitrairement des travailleurs licenciés tout comme celui d'obliger les employeurs à payer des indemnités et les arriérés de salaire. En juin 2003, et comme indiqué à la Section II du chapitre I de la première partie de cette étude, l’entreprise « Fruit of the Loom », installée à Salé, avait interdit l’implantation d’un syndicat en son sein, appuyée en cela par les autorités publiques locales. La culture syndicale peu développée au sein des entreprises implantées au Maroc constitue ainsi un obstacle à la mise en œuvre effective de la liberté syndicale et du droit d’organisation.

                                                                 

77 Communiqué de presse no. BIT/97/18 du 19/06/1997, 

http://www.ilo.org/public/french/bureau/inf/pr/1997/18.htm 78 Bulletin officiel, 2000‐03‐16, no 4778, pp. 133‐134 

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§. C. L’application effective de l’interdiction du travail forcé et du travail des enfants

 

L’interdiction du travail forcé, qui est une norme fondamentale 79 du travail n’est pas toujours appliquée ou elle l’est différemment d’un pays à un autre. En Chine, il y avait en 1996, 1155 camps où étaient détenus six à huit millions de prisonniers travaillant contre leur volonté pour l’exportation et sans recevoir de salaire80. En France, même si les détenus choisissent de travailler, l’administration pénitentiaire leur verse des salaires très inférieurs au salaire minimum arrêté par la législation française, selon l’Observatoire International des Prisons. Or l’article 14 de la Convention no. 29 de l’OIT sur le travail forcé stipule que les prisonniers doivent être rémunérés à un salaire équivalent au niveau du salaire national. Les responsables français, tout en reconnaissant les obligations qui incombe à la France à l’égard de la convention no. 29, justifient cette faiblesse du salaire par les déductions des frais de logement et de nourriture. On voit dans ce cas que l’interprétation par l’administration de la norme qui fait obstacle à son application effective.

Le Maroc a ratifié les conventions no. 29 et 105 relatives au travail forcé, respectivement le 16 décembre 1957 et le 1er décembre 1966.

Le dahir n° 1-03-207 du 11 novembre 2003 portant promulgation de la loi n° 24-03 modifiant et complétant le Code pénal81 a modifié les articles 13, 138, 139, 140, 408, 418, 459, 461, 475, 491, 497, 502 et 503 du Code pénal. Les modifications concernent notamment la responsabilité pénale des mineurs, l'abandon et l'enlèvement de mineurs ainsi que l'incitation des mineurs à la prostitution et à la mendicité. Sont ajoutées des dispositions incriminant et définissant la vente d'enfants (art. 467-1) et le travail forcé des enfants (art. 467-2)82, des dispositions incriminant le harcèlement sexuel et l'exploitation des enfants dans la pornographie (art. 503) ainsi que des dispositions sur la discrimination (définition et peines applicables) (art. 431).

                                                                 

79 Conventions no. 29 et 105 de l’OIT. 80 Thierry Brugvin, Effets sur les clauses sociales de l’application des normes fondamentales de travail,     

« Multitudes Web », mise en ligne octobre 2002. 81 Bulletin officiel, 2004‐01‐15, n° 5178, pp. 114‐118 82 On entend par  travail  forcé  tout acte  tendant à  forcer un enfant à exercer un  travail  interdit par  la  loi ou à 

commettre un acte préjudiciable à sa santé, à sa sûreté, à ses moeurs ou à sa formation (article 467‐2 du Code 

Pénal Marocain). 

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L’article 10 du nouveau Code de travail « interdit de réquisitionner les salariés pour exécuter un travail forcé ou contre leur gré ».

§. D. L’application effective de l’interdiction du travail des enfants

L’abolition du travail des enfants présente une norme fondamentale du travail. La convention no 138 de l’OIT sur l’âge minimum d’admission au travail prône l’abolition du travail des enfants. Cette convention spécifie que l’âge minimum d’admission au travail ne doit pas être inférieur à l’âge auquel cesse la scolarité obligatoire ni en tout cas à 15 ans. Pour des travaux susceptibles d’affecter la santé, la sécurité ou la moralité des adolescents l’âge minimum est de 18 ans.   Des enquêtes du Bureau International du Travail ont estimé que 25 à 40 % des enfants de moins de 15 ans sont économiquement actifs dans les pays en développement. L’application de cette norme sociale est difficile malgré les arsenaux juridiques existants en la matière en raison du recours des employeurs à ce type de travail très bon marché. Les impératifs de compétitivité et de concurrence internationale viennent aggraver cette situation déjà alarmante. Ce phénomène existe partout dans le monde et son ampleur est plus élevée dans les pays en développement. Mais elle l’est aussi dans certains pays développés par rapport à certains pays en développement. Le taux d’activité économique des enfants au Portugal est deux fois plus élevé qu’au Venezuela. Il est plus élevé en Italie qu’au Chili et à Cuba où le travail des enfants est considéré comme inexistant83.

Le travail domestique est une réalité sociale rencontrée presque dans la majorité des pays en développement. Au Maroc, le phénomène a pris beaucoup d’ampleur. Selon plusieurs études entreprises par des institutions nationales et internationales, des milliers de filles, dont l’âge varie entre 7 et 15 ans, travaillaient comme des «bonnes» chez des familles. Elles travaillent environ 67 heures par semaine dépassant de loin les normes appliquées pour les adultes.

  Devant cette situation alarmante et la spécificité du phénomène, un projet de loi est actuellement en chantier. Une liste surnommée «les pires tâches» devrait figurer dans ce projet de loi. Il s’agit de l’esclavage, les travaux forcés, les conflits armés, les tâches hors les capacités physiques et intellectuelles de l’enfant, les activités illégales telles que la prostitution et la production pornographique.                                                                  

83 Le taux d’activité économique des enfants au Bangladesh (30,1%),  Inde (14,4%), Chine (11,6%), Maroc (11%), 

Mexique (6,73%), Portugal (1,8%) Venezuela (0,95%), Italie (0,38%). 

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La limitation de l’âge d’admission au travail domestique constitue la problématique principale de ce projet de loi. A ce propos, des dispositions relatives à la limitation de l’âge minimum au travail domestique devraient être établies en adéquation avec le code du travail et les conventions internationales (15 ans comme âge minimum d’admission au travail).   Une autre convention de l’OIT comportant une norme fondamentale de travail et concernant les enfants est celle no. 182, entrée en vigueur le 19 novembre 2000. Elle porte sur l'interdiction des pires formes de travail des enfants. Cette nouvelle convention vise explicitement la libération des enfants de toutes les formes d'esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire en vue de leur utilisation dans des conflits armés, de l'utilisation à des fins de prostitution et de pornographie et des activités illicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants, et de tous travaux susceptibles de nuire à leur santé, sécurité et moralité. Le Maroc a ratifié le 26 janvier 2001 la convention no. 182 sur les pires formes de travail des enfants. Dans le cadre de l’examen de la mise en œuvre de cette convention, le Bureau international du travail a noté les amendements faites au code pénal marocain au sujet de la traite des enfants, les nouvelles dispositions du code du travail relatif au travail forcé et le projet de loi sur les pires formes du travail des enfants qui est en cours d’examen. Le BIT a noté dans ce cadre que l'article 10 du Code du travail interdit le travail forcé mais que cette interdiction ne s'applique qu'aux salariés et qu'en vertu de l'article 467-2 du Code pénal, seul le travail forcé des moins de 15 ans est interdit. Dans le cadre de la mise en œuvre de cette convention no. 182, le BIT fournit une assistance technique aux pays dans leur lutte contre le travail des enfants par des programmes d'action à travers son "Programme international pour l'abolition du travail des enfants" (IPEC). L'IPEC fonde toute son action sur la volonté politique et l'engagement des Etats de lutter contre l'exploitation du travail des enfants en collaboration avec les organisations d'employeurs et de travailleurs et avec la société civile dans son ensemble, les ONG, les universités, les médias, etc. Les pays concernés reçoivent un appui de l’OIT pour concevoir et appliquer des mesures visant à prévenir le travail des enfants, soustraire les enfants des travaux dangereux en leur offrant des solutions de remplacement.

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Le Maroc a signé un protocole d'accord avec l’IPEC et conduit un programme de lutte contre les pires formes de travail des enfants. Le Maroc a ratifié la Convention onusienne sur les droits de l’Enfant le 21 juin 1993 et la Convention de l’OIT no. 138 sur l’âge minimum d’admission le 6 janvier 2000. Le Maroc a élevé, dans le Code du Travail, l’âge minimum de 12 ans à 15 ans. Les adolescents de moins 18 ans n’ont pas le droit de travailler dans des industries à risques. Il s’est ainsi aligné avec les normes internationales en la matière. Mais reste à parvenir à une application effective de ces normes. Les obstacles à cette application sont multiples. Ils relèvent de la souffrance de la législation marocaine d’une part, du laxisme de l’appareil judiciaire et de la défaillance du système de contrôle de l’administration. En effet la précarité juridique reflétée dans l’absence pendant longtemps du contrat d’apprentissage garantissant la formation et l’emploi et la persistance du contrat verbale qui souvent crée et renforce l’alliance entre les parents et les employeurs en défaveur de l’enfant au travail. La législation du travail même la plus récente, la plus évoluée, n’est pas appliquée à plusieurs égards, notamment en ce qui concerne la durée de travail et la rémunération. Soixante pour cent des fillettes travaillent dans l’industrie du tapis et perçoivent un salaire inférieur au SMIG et 34 % ne perçoivent aucun salaire84. Au Maroc l’appareil judiciaire est laxiste en ce qui concerne l’application des normes sociales protégeant les enfants. Les juges font rarement appliquer les clauses de la législation du travail et du Code Pénal sur les abus contre les enfants ou sur le travail forcé des enfants travailleurs. Les parents ne sont pas actifs dans les poursuites souvent longues et coûteuses. L’appareil judiciaire ne dispose pas de juges spécialisés ou formés pour détecter l’exploitation économique des enfants et parvenir à une application effective des normes sociales. Le système de contrôle de l’administration est défaillant. Le manque de moyens accordés aux inspecteurs du travail, leur nombre restreint limite géographiquement la couverture escomptée. La vulnérabilité de leur engagement et parfois de leur intégrité limite la portée de leurs fonctions et compromet les objectifs qu’ils sont supposés atteindre et les taches qui leur sont assignées.

                                                                 

84 R. Majjati Alami, le travail des enfants au Maroc: approche socioéconomique, septembre 2002, page 14. 

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Section II : Les moyens possibles pour une application effective des normes de travail

 

  Les normes sociales peuvent et doivent être appliquées pour le bien être des sociétés dans leur ensemble. Dans les sociétés où persiste un malaise social, les entreprises n’évolue que dans le désordre et le risque de conflits et d’éclatement. Plusieurs moyens sont disponibles aux niveaux national et international pour parvenir à une meilleure application des normes sociales. La législation, la justice, l’administration, la presse, la société civile et tous les autres outils de pression connus au niveau national contribuent à promouvoir l’application des normes sociales. Ces outils sont, certes, nécessaires mais insuffisants dans un monde interdépendant et dont l’économie évolue en se mondialisant. Nous allons nous limiter dans cette section aux moyens qui nous paraissent indispensables dans la bonne conduite des nouvelles relations professionnelles et du travail qui émergent de la mondialisation. Il s’agit d’une part d’utiliser pleinement les moyens dont disposent les partenaires sociaux au niveau national et relevant de leur fonction normative. C’est dans le cadre du dialogue social et de la négociation collective que les partenaires sociaux pourraient évacuer, dans les règles de l’art et dès le départ, toute possibilité de conflit ou de violation des normes. Il s’agit d’autre part d’user des mécanismes de contrôle de l’Organisation Internationale du Travail par les organisations syndicales qui disposent de l’arme des « plaintes auprès des organes du BIT » pour exercer une pression sur les employeurs et les pouvoirs publiques lorsque ceux-ci observent un manquement à leurs obligations.

  §. A. Fonction normative des partenaires sociaux comme moyen d’une meilleure application des normes sociales

Comme nous l’avons signalé plus haut, les partenaires sociaux sont appelés à contribuer à la formulation et à l’application des normes sociales. L’expérience des pays développés a démontré que le droit conventionnel est mieux à même d’éviter les conflits sociaux et de parvenir à une application adéquate des normes sociales qui préserverait les droits des uns et des autres et l’équilibre entre leurs intérêts respectifs. Il faut d’abord identifier la différence entre les notions utilisées et qui sont le dialogue social, la négociation collective, la convention collective et les consultations tripartites pour pouvoir situer l’action normative et décisionnelle des partenaires sociaux.

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Le dialogue social et les consultations tripartites sont deux notions utilisées pour déterminer le cadre général des interactions entre les trois acteurs qui agissent dans le domaine des relations du travail et qui sont les pouvoirs publics, les organisations des représentants des employeurs et les organisations des représentants des travailleurs. Le but du dialogue social consiste essentiellement à favoriser le consensus entre les trois composantes de cette consultation sur toutes les questions liées au domaine du travail. Les partenaires sociaux participent ainsi à l’action normative du législateur du droit interne. Au Maroc, les Dahir no. 1-95-78 du 26 juin 1995 et no. 1-94-297 du 24 novembre 1994 relatif au conseil consultatif pour le suivi du dialogue social présentent le cadre juridique pour les consultations tripartites en vue d’examiner tous les aspects des relations professionnelles et de travail. La convention no. 144 de l’OIT oblige les Etats qui l’ont ratifiée à organiser des consultations tripartites sur les normes de travail de l’OIT entre le gouvernement et les représentants des employeurs et ceux des travailleurs à toutes les étapes des activités normatives de l’OIT. Les partenaires sociaux sont donc associés depuis la première phase de la formulation d’une convention (questionnaires) jusqu’à la phase de dénonciation de la convention en passant par la phase de ratification et de réexamen des conventions non ratifiées. Si les consultations triparties ne parvenaient pas au consensus le gouvernement est contraint de prendre les décisions qui s’imposent en raison du fait que c’est lui qui représente l’Etat auprès de l’OIT. La fréquence de ces consultations reste des prérogatives du gouvernement, mais, en tout cas, elles doivent se dérouler une fois par an.

Ainsi, Les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs jouent un rôle essentiel dans le système des normes internationales du travail: elles participent au choix des thèmes des nouvelles normes de l'OIT et à l'élaboration des textes; leurs votes peuvent déterminer si la Conférence internationale du Travail adopte un nouveau projet de norme.

  Lorsqu'une convention est adoptée, les employeurs et les travailleurs peuvent encourager le gouvernement à la ratifier. Si la convention est ratifiée, le gouvernement est tenu d'envoyer régulièrement au BIT un rapport sur son application en droit et en pratique. Ce rapport doit également être transmis aux organisations d'employeurs et de travailleurs représentatives qui peuvent faire des commentaires sur son contenu. Les organisations d'employeurs et de travailleurs peuvent aussi envoyer directement au BIT des informations sur l'application des conventions.

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Nous pouvons constater que les partenaires sociaux participent, par le biais de ces consultations, à l’action normative du législateur du droit international. Le Maroc n’a pas à ce jour (2008) ratifié cette convention (144) qui l’est jusqu’à

maintenant (2008) par 123 pays.

La négociation collective est une discussion entre les employeurs ou leurs représentants et les syndicats représentatifs des travailleurs. Elle a pour objectif de réglementer les questions relatives aux conditions de travail et aux garanties sociales, de revoir et d’adapter régulièrement le droit du travail afin d’en améliorer les conditions et de parvenir à des accords collectifs ou à des conventions collectives. L’accord collectif se limite à un seul aspect tel que le salaire, alors que la convention collective porte sur un ensemble de questions et aborde tous les aspects des relations du travail. La négociation collective ne se limite pas à la convention collective. Elle peut viser une décision commune qui va au delà de la convention collective. La négociation collective conduit à l’établissement de contrats qui ne s’appliquent qu’à leurs parties. Au Maroc, l’article 101 du code du travail a crée le conseil de la négociation collective et le décret no. 2-04-425 du 29 décembre 2004 précise sa composition et son fonctionnement en tant qu’organe de facilitation de la négociation collective. Le peu de dynamisme des syndicats professionnels et l’interventionnisme des pouvoirs publics ont réduit le droit conventionnel en la matière à sa simple expression. Les seules conventions collectives existantes ne sont que des tentatives d’établissement de normes pas toujours respectées. Devant le nouveau pouvoir des employeurs vis-à-vis des travailleurs, générée par la mondialisation, et l’appel à l’assouplissement des législations du travail, l’un des moyes de rétablir l’équilibre entre syndicat et patronat est de favoriser les négociations collectives qui pourrait offrir aux travailleurs des moyens juridiques mieux adaptés au contexte économique mondialisé. Cette approche ne diminuera en rien les prérogatives de l’Etat. Ses différents rôles législatif, exécutif, administratif et judicaire continueront à se renforcer dans l’objectif de promouvoir un meilleur système de protection sociale à côté d’un système économique ouvert et performant. Cependant, en la présence d’une négociation collective considérablement développée, l’Etat doit rester vigilant vis-à-vis du risque que des solutions négociées ne soient socialement inacceptables

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Nous constatons donc, à travers ces développements, que les partenaires sociaux disposent de plusieurs moyens pour contribuer à une meilleure application des normes sociales. Si ce potentiel est légalement bien encadré et pleinement exploité dans la pratique, il présentera un moyen efficace pour parvenir à une application effective des normes sociales d’une manière consensuelle et appropriée. Dans un régime social adéquat dans le cadre duquel les partenaires sociaux disposent de toutes leurs fonctions, y compris normatives et conventionnelles, et suffisamment encouragés à dialoguer et à parvenir à des solutions satisfaisantes, il reste toujours un autre moyen de garantir l’application des normes sociales qui est complémentaire aux moyens dont dispose les partenaires sociaux : c’est les moyens de pression de l’Organisation Internationale du Travail.

  §. B. les moyens de pression de l’Organisation Internationale du Travail

Les moyens de pression de l’Organisation Internationale du Travail se manifestent dans le système de contrôle de cette organisation. Ce système de contrôle repose sur quatre types de procédures :

- La procédure de contrôle régulier ; - La procédure des réclamations ; - La procédure des plaintes ; et - La procédure spéciale de la liberté syndicale.  

Le système de contrôle régulier : La ratification d’une norme du travail comporte l’obligation de présenter à intervalles réguliers des rapports périodiques sur les mesures prises pour appliquer cette norme. Une Commission indépendante d’experts examine les rapports et les informations reçues des gouvernements; elle peut entamer un dialogue avec le gouvernement à propos de l’application de la convention. La Commission tripartite de l’application des normes examine les rapports de la commission indépendante et soumet son rapport à la Conférence Internationale du Travail.

La procédure des réclamations (article 24 de la constitution de l’OIT) : Toute organisation nationale ou internationale des travailleurs ou des employeurs peut formuler une « réclamation » si un Etat n’a pas assuré l’application d’une convention qu’il a ratifiée. Le BIT reçoit la réclamation, informe le gouvernement visé et saisit de la question le Conseil d’Administration (CA). Si la réclamation est jugée recevable par le CA, celui-ci établit un comité formé de trois membres pour l’examiner.

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Si la réclamation porte sur la liberté syndicale, elle est renvoyée au comité de la liberté syndicale qui dépend du Conseil d’Administration. Le comité tripartite ad hoc examine la réclamation. Le gouvernement concerné peut être contacté. Le Conseil d’Administration examine en réunion à huis clos le rapport du comité tripartite. Le gouvernement concerné est invité à envoyer un représentant qui pourra prendre part aux délibérations du Conseil d’Administration. Le Conseil d’Administration peut décider de rendre publique la réclamation. Il peut également décider d’entamer une procédure de plainte au titre de l’article 26 de la Constitution.

La procédure des plaintes (article 26) : Une plainte peut être déposée par tout pays membre ayant ratifié la convention, par un délégué à la Conférence internationale du travail ou par le Conseil d’Administration. Le Conseil d’Administration peut former une Commission d’enquête. Si la plainte porte sur la liberté syndicale, elle peut être renvoyée au Comité de la liberté syndicale. La Commission d’enquête, composée de personnalités indépendantes, étudie la plainte de manière plus approfondie. Elle peut se rendre dans le pays concerné ; elle dépose un rapport sur ses conclusions, formule des recommandations et fixe un délai pour l’application de ses recommandations. Le rapport est rendu public et il est adressé au Conseil d’Administration et au gouvernement concerné. Le Conseil d’Administration formule des recommandations à partir du rapport de la commission ; la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations assure le suivi de la mise en œuvre des recommandations. Le gouvernement concerné peut renvoyer la plainte à la Cour Internationale de Justice pour une décision finale.

La procédure concernant la liberté syndicale : Une procédure spéciale a été instituée, en collaboration avec l’ECOSOC (Conseil économique et social des Nations Unies), pour l’examen des plaintes en violation des droits syndicaux dont le principal rouage est le Comité de la liberté syndicale, comité tripartite composé de 9 membres indépendants, nommés par le Conseil d’Administration. Il examine les plaintes émanant des gouvernements et des organisations de travailleurs et d’employeurs.

C’est une procédure exceptionnelle en droit international : les plaintes en violation du droit

syndical peuvent être examinées même si le pays en question n’a pas ratifié les conventions sur la liberté syndicale, sous réserve que ce pays y consent. Elle peut aussi examiner les plaintes en violation de la liberté syndicale à l’encontre d’Etats qui ne sont pas membres de l’OIT, lorsque ces plaintes sont transmises par l’ONU et que les pays mis en cause y consentent.

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L’expérience a démontré que bien qu’ils soient dépourvus de sanctions à l’égard des pays violant les normes sociales, ces mécanismes de contrôle sont efficaces à moyen et long terme. La pression morale qu’ils exercent sur les pays peut les amener à la réadaptation de la réglementation sociale et à l’amélioration de l’application des normes sociales. Pour le cas du Maroc par exemple, et en plus des pressions exercées au niveau interne, les pressions de l’OIT et de son Bureau international du travail ont joué un rôle crucial dans l’évolution de la réglementation sociale au Maroc et son application. Il ressort des rapports du comité de la liberté syndicale sur le Maroc que depuis 1960, soixante sept (67) cas de plaintes ont été examinés dont 62 ont été closes et 5 sont en cours d’examen et n’ont, à ce jour, pas été élucidés.

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CONCLUSION :

 

En définitive, ne faudrait-il pas rechercher un nouvel équilibre entre les partenaires sociaux et explorer la possibilité d’une réconciliation entre la protection sociale et la protection économique.

La mondialisation est un ensemble de processus qui comportent plusieurs défis pour les

normes sociales. Ces défis disposent d’une grande capacité de nuisance rapide en raison du rythme accéléré des mutations que la mondialisation provoque. Le droit du travail n’est pas une enclave protégée car il subit continuellement, en premier lieu, les chocs de la mondialisation et ses règles sont constamment bousculées par les impératifs de la compétitivité économique et la concurrence sur des marchés ouverts et interdépendants.

Le droit du travail, avec ses technicités, ses principes juridiques et ses valeurs morales doit

pouvoir répondre aux secousses et menaces provoquées par la mondialisation. Mais du fait que les phénomènes à réglementer dépassent, par leur effets, les frontières des Etats nationaux, le droit interne, à lui seul, ne peut pas suivre les changements rapides et profondes et relever les défis de la mondialisation. Un autre niveau de réglementation s’avère donc nécessaire : Le droit international du travail.  

 Il est partout établi que le droit interne du travail et le droit international à connotation

sociale peuvent poursuivre leurs objectifs de protection du travailleur, même dans un environnement de plus en plus mondialisé.

Une mondialisation du droit du travail paraît donc nécessaire pour s’ajuster aux mutations

provoquées par l’accélération de la libéralisation des échanges internationaux, la libre circulation des flux de capitaux et la révolution technologique. Les mutations que provoque de la mondialisation de l’économie et leurs effets transfrontaliers, affectent le contenu et l'efficacité du droit du travail.

Il est par conséquent crucial que le droit du travail ait une forte capacité d’adaptation. S’il

ne s’adapte pas continuellement et au rythme des mutations que subissent les relations industrielles

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et technologiques, il ne saura maintenir son efficacité pour jouer son rôle dans le nouvel environnement économique.

Sur cette toile de fond complexe et mouvante, l’action des partenaires sociaux est plus que jamais vitale. Les actions normatives, de régulation et de supervision des gouvernements et des organisations internationales risquent de demeurer lettre morte sans que les partenaires sociaux ne soient particulièrement associés dans le cadre d’un droit conventionnel plus élargi.

Les règles sociales imposées par l’interventionnisme de l’Etat peuvent ne pas être efficaces

pour préserver les droits de chacun. Le droit conventionnel présente, par conséquent, un élément fondamental dans un monde où se confrontent droits humains et intérêts économiques afin que l’équilibre recherché entre les droits des travailleurs et les intérêts des entreprises puissent être préservé.

Le dialogue social, les consultations tripartites et les négociations collectives institutionnalisées, obligatoires et régulières présentent un réel gage de la participation effective des partenaires sociaux à l’action normative et à l’application effective des normes de travail. C’est dans ce cadre que les acteurs du monde du travail et des milieux des affaires peuvent parvenir progressivement à un équilibre entre le progrès économique et le progrès social, condition sine qua none pour une paix sociale et un développement durable.

Ce diagnostic et ces propositions s’appliquent parfaitement au Maroc dont les systèmes

économique et social se trouvent, depuis la fin des années quatre-vingt-dix, en profonde mutation. Le droit social au Maroc est appelé à s’adapter continuellement aux remous de la mondialisation. L’action normative des partenaires sociaux et les outils que présente la négociation collective devront être au centre des de cette adaptation.

En réduisant son interventionnisme, en institutionnalisant le dialogue social et en

encourageant le développement du droit conventionnel en matière des normes de travail, le gouvernement marocain devra demeurer particulièrement vigilant et son rôle de régulateur ne devra pas s’amenuiser.

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ANNEXE 1. : DECLARATION DE L'OIT RELATIVE AUX PRINCIPES ET

DROITS FONDAMENTAUX AU TRAVAIL ET SON SUIVI

Attendu que la création de l'OIT procédait de la conviction que la justice sociale est essentielle pour assurer une paix universelle et durable; Attendu que la croissance économique est essentielle mais n'est pas suffisante pour assurer l'équité, le progrès social et l'éradication de la pauvreté, et que cela confirme la nécessité pour l'OIT de promouvoir des politiques sociales solides, la justice et des institutions démocratiques; Attendu que l'OIT se doit donc plus que jamais de mobiliser l'ensemble de ses moyens d'action normative, de coopération technique et de recherche dans tous les domaines de sa compétence, en particulier l'emploi, la formation professionnelle et les conditions de travail, pour faire en sorte que, dans le cadre d'une stratégie globale de développement économique et social, les politiques économiques et sociales se renforcent mutuellement en vue d'instaurer un développement large et durable; Attendu que l'OIT doit porter une attention spéciale aux problèmes des personnes ayant des besoins sociaux particuliers, notamment les chômeurs et les travailleurs migrants, mobiliser et encourager les efforts nationaux, régionaux et internationaux tendant à résoudre leurs problèmes, et promouvoir des politiques efficaces visant à créer des emplois; Attendu que, dans le but d'assurer le lien entre progrès social et croissance économique, la garantie des principes et des droits fondamentaux au travail revêt une importance et une signification particulières en donnant aux intéressés eux-mêmes la possibilité de revendiquer librement et avec des chances égales leur juste participation aux richesses qu'ils ont contribué à créer, ainsi que de réaliser pleinement leur potentiel humain; Attendu que l'OIT est l'organisation internationale mandatée par sa Constitution, ainsi que l'organe compétent pour établir les normes internationales du travail et s'en occuper, et qu'elle bénéficie d'un appui et d'une reconnaissance universels en matière de promotion des droits fondamentaux au travail, en tant qu'expression de ses principes constitutionnels; Attendu que, dans une situation d'interdépendance économique croissante, il est urgent de réaffirmer la permanence des principes et droits fondamentaux inscrits dans la Constitution de l'Organisation ainsi que de promouvoir leur application universelle ; La Conférence internationale du Travail 1. Rappelle: (a) qu'en adhérant librement à l'OIT, l'ensemble de ses Membres ont accepté les principes et droits énoncés dans sa Constitution et dans la Déclaration de Philadelphie, et se sont engagés à travailler à

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la réalisation des objectifs d'ensemble de l'Organisation, dans toute la mesure de leurs moyens et de leur spécificité; (b) que ces principes et droits ont été exprimés et développés sous forme de droits et d'obligations spécifiques dans des conventions reconnues comme fondamentales, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Organisation. 2. Déclare que l'ensemble des Membres, même lorsqu'ils n'ont pas ratifié les conventions en question, ont l'obligation, du seul fait de leur appartenance à l'Organisation, de respecter, promouvoir et réaliser, de bonne foi et conformément à la Constitution, les principes concernant les droits fondamentaux qui sont l'objet desdites conventions, à savoir: (a) la liberté d'association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective; (b) l'élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire; (c) l'abolition effective du travail des enfants (d) l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession. 3. Reconnaît l'obligation qui incombe à l'Organisation d'aider ses Membres, en réponse à leurs besoins établis et exprimés, de façon à atteindre ces objectifs en faisant pleinement appel à ses moyens constitutionnels, pratiques et budgétaires, y compris par la mobilisation des ressources et l'assistance extérieures, ainsi qu'en encourageant d'autres organisations internationales avec lesquelles l'OIT a établi des relations, en vertu de l'article 12 de sa Constitution, à soutenir ces efforts: (a) en offrant une coopération technique et des services de conseil destinés à promouvoir la ratification et l'application des conventions fondamentales; (b) en assistant ceux de ses Membres qui ne sont pas encore en mesure de ratifier l'ensemble ou certaines de ces conventions dans leurs efforts pour respecter, promouvoir et réaliser les principes concernant les droits fondamentaux qui sont l'objet desdites conventions (c) en aidant ses Membres dans leurs efforts pour instaurer un climat propice au développement économique et social. 4. Décide que, pour donner plein effet à la présente Déclaration, un mécanisme de suivi promotionnel, crédible et efficace sera mis en œuvre conformément aux modalités précisées dans l'annexe ci-jointe, qui sera considérée comme faisant partie intégrante de la présente Déclaration. 5. Souligne que les normes du travail ne pourront servir à des fins commerciales protectionnistes et que rien dans la présente Déclaration et son suivi ne pourra être invoqué ni servir à pareilles fins; en outre, l'avantage comparatif d'un quelconque pays ne pourra, en aucune façon, être mis en cause du fait de la présente Déclaration et son suivi. EN FOI DE QUOI ont apposé leurs signatures, ce dix-neuvième jour de juin 1998: Le Président de la Conférence, JEAN-JACQUES OECHSLIN. Le Directeur général du Bureau international du Travail, MICHEL HANSENNE

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ANNEXE 2. : CHAPITRE 16 DE L’ACCORD DE LIBRE ECHANGE

MAROC – ETATS-UNIS

CHAPITRE 16

TRAVAIL

ARTICLE 16.1 : DECLARATION D’ENGAGEMENT COMMUN 1. Les Parties réaffirment leurs obligations en leur qualité de membres de l’Organisation internationale du travail (OIT) ainsi que les engagements qu’elles ont pris en vertu de la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et à son suivi (1998) (« Déclaration de l’OIT »). Chaque Partie s’efforcera de veiller à ce que lesdits principes et les droits du travail internationalement reconnus énoncés à l’article 16.7 soient reconnus et protégés par sa législation. 2. Les Parties reconnaissent le droit de chaque Partie d’adopter ou de modifier ses lois et standards nationaux relatifs au travail. Chacune des Parties s’efforcera de veiller à ce qu’elle prévoit des normes de travail compatibles avec les droits du travail internationalement reconnus qui sont énoncés à l’article 16.7 et veillera à les améliorer dans ce sens. ARTICLE 16.2 : APPLICATION ET RESPECT DE LA LEGISLATION DU TRAVAIL 1. (a) Aucune des Parties ne manquera pas de faire respecter, de manière probante, ses lois sur le travail, par une action ou inaction soutenue ou récurrente, dont l’effet nuirait au commerce entre les Parties, après la date d’entrée en vigueur du présent Accord. (b) Les Parties reconnaissent que chaque Partie garde un droit d’exercer une discrétion sur les questions relatives aux enquêtes, à l’ouverture de poursuites, à l’application de la réglementation et au contrôle du respect des lois ainsi que la prérogative de prendre des décisions sur l’affectation des ressources aux fins de faire respecter ses lois en ce qui concerne d’autres questions du travail jugées d’une priorité supérieure. En conséquence, les Parties conviennent qu’une Partie se conforme au sous paragraphe (a) lorsque l’action ou l’inaction correspond à l’exercice raisonnable de cette discrétion ou résulte d’une décision d’affectation de moyens arrêtée de bonne foi. 2. Chaque Partie reconnaît qu’il est inapproprié d’encourager le commerce ou l’investissement en affaiblissant ou en réduisant les protections que confère la législation nationale sur le travail. Par conséquent, chaque Partie s’efforcera de veiller à ne pas déroger, ou contourner d’autre manière, ou à ne pas offrir de déroger, ou de contourner d’autre manière, ces lois d’une manière susceptible d’affaiblir ou d’amoindrir le respect des droits du travail internationalement reconnus qui sont énoncés à l’article 16.7, en guise d’encouragement à commercer avec l’autre Partie, ou en guise d’encouragement aux fins d’établir, d’acquérir, d’élargir ou de conserver un investissement sur son territoire. ARTICLE 16.3 : GARANTIES DE PROCEDURE ET SENSIBILISATION DU PUBLIC 1. Chacune des Parties fera en sorte que les personnes ayant un intérêt juridiquement reconnu à l’égard d’une question donnée, puissent avoir un accès adéquat à des instances administratives, quasi-judiciaires ou judiciaires impartiales et indépendantes, en vue de faire appliquer sa législation du travail. 2. Chacune des parties fera en sorte que ses procédures d’application de la législation du travail soient justes, équitables et transparentes. A cet effet, chaque partie fera en sorte que ces procédures soient conformes au principe de la primauté du droit,

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ouvertes au public, excepté le cas où l’administration de la justice exige de procéder autrement et ne doit pas entraîner des retards indus. 3. Chacune des Parties fera en sorte que les décisions définitives concernant ces procédures soient consignées par écrit, en motivant les fondements sur lesquels elles reposent, soient mises, sans retard indu, à la disposition des Parties aux procédures ; et, conformément à ses lois, à la disposition du public ; et s’appuient sur les informations ou les preuves au sujet desquelles les Parties ont eu la possibilité d’être entendues, et susceptibles de révision et dans les cas justifiés, de correction conformément à sa législation locale. 4. Chacune des Parties fera en sorte que les parties à ces procédures puissent chercher des recours (Comme des ordonnances du tribunal, des accords sur le respect des droits, des amendes, des injonctions ou des ordres de fermeture d’urgence de l’entreprise) en vue de faire respecter leurs droits conformément à leur droit du travail. 5. Chacune des Parties encouragera la sensibilisation du public à sa législation du travail, y compris ce qui suit :

(a) en veillant à ce que les informations concernant sa législation du travail ainsi que les procédures de respect de ces lois soient à la disposition du public ; et

(b) en encourageant l’éducation du public au sujet de sa législation du travail.

ARTICLE 16.4 : ARRANGEMENTS INSTITUTIONNELS 1. Chacune des Parties désignera un bureau au sein de son ministère du Travail qui sera le point de contact avec l’autre Partie et le public, aux fins d’application des dispositions du présent chapitre. Le point de contact de chacune des Parties sera chargé de présenter, de recevoir et d’étudier les communications émanant du public sur des questions relatives au présent chapitre et de mettre ces communications à la connaissance de l’autre Partie, et, le cas échéant, à celle du public. Chacune des Parties procédera à l’examen desdites communications, comme il se doit, conformément à ses procédures internes. 2. Chacune des Parties pourra réunir une commission consultative nationale de travail qui sera composée d’éléments du public, y compris de représentants des organisations du travail,des affaires et d’autres personnes, en vue de lui donner conseil sur les modalités de mise en œuvre du présent chapitre. 3. Chacune des décisions officielles des Parties concernant la mise en œuvre du présent chapitre sera rendue publique, sauf si les Parties conviennent autrement. 4. Dans les cas jugés appropriés, les Parties prépareront conjointement des rapports sur des questions liées à la mise en œuvre du présent chapitre et rendront ces rapports publics. ARTICLE 16.5 : COOPERATION CONCERNANT LE TRAVAIL 1. En reconnaissant que la coopération élargit les possibilités d’encourager le respect des normes principales de travail qu’incarne la Déclaration de l’OIT ainsi que celui de la Convention 182 de l’OIT sur l’interdiction et la prise de mesure immédiates aux fins d’éliminer les pires formes du travail des enfants (1999 «ILO Convention 182») et en vue de promouvoir davantage d’autres engagements communs relatifs à des questions du travail, les Parties établissent ainsi un mécanisme de coopération en matière de travail tel qu’il a été énoncé à l’annexe 16-A.

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2. Les parties peuvent entreprendre des activités de coopération dans le cadre du mécanisme de coopération en matière de travail relatives à des sujets d’intérêt commun, comme : la promotion des droits fondamentaux et leur application effective ; l’abolition des pires formes du travail des enfants ; l’amélioration des relations professionnelles ; l’amélioration des conditions de travail ; le développement de programmes d’assistance contre le chômage et un réseau de programmes de sécurité sociale; la promotion du développement des ressources humaines et de la formation continue ; et l’utilisation des statistiques de travail. ARTICLE 16.6 : CONSULTATIONS SUR LES QUESTIONS DU TRAVAIL

1. Une Partie peut solliciter des consultations avec l’autre Partie au sujet de toute question soulevée dans le cadre du présent chapitre en délivrant une demande écrite au point de contact désigné par l’autre partie conformément à l’article 16.4.1. Les Parties commenceront rapidement les consultations, après la réception de la demande. 2. Les Parties feront de leur mieux pour parvenir à un règlement de la question mutuellement satisfaisant et elles pourront chercher conseil et assistance auprès de toute personne ou de tout organisme qu’elles jugent convenables. 3. Si les consultations n’arrivent pas à régler la question, et si un sous-comité sur les questions du travail a été établi en application de l’article 19.2 (Comité mixte), chacune des Parties peut soumettre la question à la sous-commission en remettant une notification écrite au point de contact de l’autre Partie. La sous-commission devra se réunir dans les 30 jours qui suivent la remise par une Partie d’une notification, sauf accord contraire des Parties. Si les Parties n’ont pas établi un sous-comité à la date de la délivrance d’une notification par une Partie, elles doivent y procéder durant la période de trente jours décrite dans ce paragraphe. Le sous-comité s’efforcera de régler la question dans les plus brefs délais, y compris, dans les cas qui s’y prêtent, en consultant des experts gouvernementaux ou non gouvernementaux et en recourant à des procédures telles que les bons offices, la conciliation ou la médiation. 4. Lorsqu’une Partie estime que l’autre Partie a manqué d’exécuter ses obligations aux termes de l’article 16.2.1 (a), la Partie peut solliciter des consultations conformément au paragraphe 1 ou à l’article 20.5 (Consultations).

(a) Lorsqu’une Partie sollicite des consultations aux termes de l’article 20.5 alors que les Parties ont engagé des consultations sur la même question aux termes du paragraphe 1 ou lorsque le sous-comité s’efforce de régler la question aux termes du paragraphe 3, les Parties suspendront les efforts menés en vue de régler la question au titre du présent Article. Une fois que les consultations ont commencé aux termes de l’article 20.5, aucune consultation ne peut être engagée au titre du présent article sur la même question.

(b) Lorsqu’une Partie sollicite des consultations au titre de l’article 20.5 après plus de 60 jours de la date de remise d’une demande de consultation aux termes du paragraphe 1, les Parties peuvent à tout moment, convenir de renvoyer la question à la Commission mixte conformément à l’article 20.6 (renvoi à la Commission Mixte).

5. Aucune Partie ne pourra avoir recours au règlement du conflit prévu dans cet Accord, pour toute question soulevée dans le cadre du présent chapitre autre que celles de l’article 16.2.1 (a). ARTICLE 16.7 : DEFINITIONS Aux fins du présent chapitre : L’expression Législation du travail désigne les textes législatifs et réglementaires d’une Partie, ou des dispositions y afférentes, qui sont directement liés aux droits du travail internationalement reconnus suivants :

a) droit d’association,

b) droit de se syndiquer et de négocier collectivement,

c) interdiction de recourir à toute forme de travail forcé ou obligatoire,

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d) protections conférées aux enfants et aux mineurs qui travaillent, dont âge minimal pour l’emploi des enfants ainsi que l’interdiction et l’élimination des pires formes de travail des enfants, et

e) conditions de travail acceptables en termes de salaire minimal, d’heures de travail ainsi que d’hygiène et de

sécurité au sein de l’entreprise. Pour plus de clarté, rien dans cet accord ne saurait être interprétée comme imposant des obligations à l’une ou à l’autre Partie au sujet de l’établissement d’un salaire minimal. L’expression Textes législatifs ou réglementaires désigne :

a) pour le Maroc : Dahirs ; lois adoptées par le Parlement, décrets, ou règlements administratifs et, b) pour les Etats-Unis, les lois votées par le Congrès fédéral ou les règlements promulgués conformément à une loi

votée par le Congrès fédéral et applicable par voie de mesure prise par le Gouvernement Fédéral.

Annexe 16-A

MECANISME DE COOPERATION EN MATIERE DE TRAVAIL Etablissement d’un Mécanisme de Coopération en matière de Travail 1. Reconnaissant que la coopération bilatérale offre aux Parties des possibilités accrues d’améliorer les normes de travail et de promouvoir d’autres engagements communs, concernant le domaine du travail, comprenant la Déclaration de l’OIT et la Convention 182, les Parties ont établi un mécanisme de coopération en matière de travail. Fonctions Principales et Organisation 2. Les fonctionnaires des ministères du travail des Parties et d’autres agences compétentes et des Ministères exécuteront le travail nécessité par le mécanisme de coopération en matière de travail en développant et en poursuivant des activités de coopération sur les questions de travail y compris en oeuvrant conjointement pour:

a) établir les priorités en matière d’activités coopératives sur les questions relatives au travail ;

b) développer des activités coopératives spécifiques conformément à ces priorités ;

c) échanger des informations sur le droit et les pratiques du travail de chaque Partie ;

d) échanger des informations sur les moyens d’améliorer le droit et les pratiques du travail, notamment, sur les meilleures pratiques dans le domaine du travail ;

e) contribuer à une meilleure compréhension, au respect et à l’application effective des principes reflétés dans la

Déclaration de l’OIT ;

f) promouvoir le plein respect de la Convention 182 ;

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g) solliciter l’appui d’organisations et organismes internationaux en vue de faire avancer des engagements

communs relatifs aux questions du travail ; et

h) formuler des recommandations concernant les mesures à prendre par chaque Partie, et qui seront soumises à l’examen du Comité Mixte.

3. Les points de contact désignés à l’article 16.4.1 supporteront les travaux du mécanisme de coopération en matière de travail. Les Activités de Coopération 4. Les Parties peuvent entreprendre des activités de coopération à travers le mécanisme de coopération en matière de travail portant sur tout sujet qu’elles jugeront approprié, y compris sur :

a) Les droits fondamentaux et leur application effective : législation et pratiques relatives aux

éléments fondamentaux de la Déclaration de l’OIT (liberté d’association et reconnaissance effective du droit à la négociation collective, élimination de toutes les formes de travail forcé ou obligatoire, abolition effective du travail des enfants et élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession) ;

b) Les pires formes de travail des enfants : législation et pratiques relatives au respect de la

Convention 182;

c) Les relations au travail : formes de coopération entre les travailleurs, la gestion et les gouvernements, y compris la résolution des différends ;

d) Les conditions de travail : horaires de travail, salaires minimums et heures supplémentaires ; sécurité et

hygiène du travail ; prévention et indemnisation des blessures et maladies liées au travail; et conditions d’emploi ;

e) Les programmes d’assistance-chômage et autre réseau de programme de sécurité sociale ;

f) Le développement des ressources humaines et l’apprentissage continu : développement de la

main-d’œuvre et formation en vue de l’emploi ; programmes d’adaptation des travailleurs ; programmes, méthodologies et expériences concernant l’amélioration de la productivité ; et emploi des technologies ; et

g) Les statistiques relatives au travail : développement de méthodes pour les parties en vue de produire les

statistiques comparatives du marché dans un temps raisonnable. Mise en œuvre des Activités de Coopération 5. Les Parties peuvent mettre en œuvre les activités de coopération convenues au titre du mécanisme de coopération en matière de travail, sous toute forme qu’elles considèrent appropriée, y compris par :

a) l’arrangement des visites d’études et d’autres échanges entre délégations gouvernementales, les professionnels

et les spécialistes ;

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b) l’échange d’informations sur les normes, les règlements, les procédures et les meilleures pratiques, notamment par l’échange de publications et monographies pertinentes ;

c) l’organisation conjointe de conférences, de séminaires, d’ateliers, de réunions, de rencontres, de sessions de

formation et programmes de diffusion externe et d’éducation;

d) l’élaboration de projets de collaboration ou des démonstrations ;

e) L’entreprise conjointe des projets de recherche, d’études et rapports, y compris en engageant des experts indépendants ;

f) le recours à l’expertise d’institutions d’enseignement et autres situées sur leur territoire pour élaborer et

mettre en œuvre des programmes de coopération et par l’encouragement de coopération entre ces institutions dans le domaine des questions techniques relatives au travail ; et

g) l’engagement dans des échanges technique et dans la Coopération techniques.

6. Lors de l’identification des domaines de coopération et de l’exécution des activités de coopération, les Parties tiennent compte des points de vue des représentants de leurs travailleurs et employeurs respectifs.

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ANNEXE 3. : CONVENTIONS DE L'ORGANISATION INTERNATIONALE DU

TRAVAIL (OIT) RATIFIEES PAR LE MAROC

Source: ILOLEX ‐ 30.06. 2008) BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL 

Convention  Date de ratification  

Statut 

C2 Convention sur le chômage, 1919 14:10:1960 ratifiée

C4 Convention sur le travail de nuit (femmes), 1919 13:06:1956 ratifiée

C11 Convention sur le droit d'association (agriculture), 1921 20:05:1957 ratifiée

C12 Convention sur la réparation des accidents du travail (agriculture), 1921

20:09:1956 ratifiée

C13 Convention sur la céruse (peinture), 1921 13:06:1956 ratifiée

C14 Convention sur le repos hebdomadaire (industrie), 1921 20:09:1956 ratifiée

C15 Convention sur l'âge minimum (soutiers et chauffeurs), 1921 14:03:1958 dénoncée le 06:01:2000

C17 Convention sur la réparation des accidents du travail, 1925 20:09:1956 ratifiée

C18 Convention sur les maladies professionnelles, 1925 20:09:1956 ratifiée

C19 Convention sur l'égalité de traitement (accidents du travail), 1925 13:06:1956 ratifiée

C22 Convention sur le contrat d'engagement des marins, 1926 14:03:1958 ratifiée

C26 Convention sur les méthodes de fixation des salaires minima, 1928 14:03:1958 ratifiée

C27 Convention sur l'indication du poids sur les colis transportés par bateau, 1929

20:09:1956 ratifiée

C29 Convention sur le travail forcé, 1930 20:05:1957 ratifiée

C30 Convention sur la durée du travail (commerce et bureaux), 1930 22:07:1974 ratifiée

C41 Convention (révisée) du travail de nuit (femmes), 1934 13:06:1956 ratifiée

C42 Convention (révisée) des maladies professionnelles, 1934 20:05:1957 ratifiée

C45 Convention des travaux souterrains (femmes), 1935 20:09:1956 ratifiée

C52 Convention sur les congés payés, 1936 20:09:1956 ratifiée

C55 Convention sur les obligations de l'armateur en cas de maladie ou d'accident des gens de mer, 1936

14:03:1958 ratifiée

C65 Convention sur les sanctions pénales (travailleurs indigènes), 1939 27:03:1963 ratifiée

C80 Convention portant revision des articles finals, 1946 20:05:1957 ratifiée

C81 Convention sur l'inspection du travail, 1947 14:03:1958 ratifiée

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C94 Convention sur les clauses de travail (contrats publics), 1949 20:09:1956 ratifiée

C98 Convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949

20:05:1957 ratifiée

C99 Convention sur les méthodes de fixation des salaires minima (agriculture), 1951

14:10:1960 ratifiée

C100 Convention sur l'égalité de rémunération, 1951 11:05:1979 ratifiée

C101 Convention sur les congés payés (agriculture), 1952 14:10:1960 ratifiée

C104 Convention sur l'abolition des sanctions pénales (travailleurs indigènes), 1955

27:03:1963 ratifiée

C105 Convention sur l'abolition du travail forcé, 1957 01:12:1966 ratifiée

C106 Convention sur le repos hebdomadaire (commerce et bureaux), 1957

22:07:1974 ratifiée

C108 Convention sur les pièces d'identité des gens de mer, 1958 15:10:2001 ratifiée

C111 Convention concernant la discrimination (emploi et profession), 1958

27:03:1963 ratifiée

C116 Convention portant révision des articles finals, 1961 14:11:1962 ratifiée

C119 Convention sur la protection des machines, 1963 22:07:1974 ratifiée

C122 Convention sur la politique de l'emploi, 1964 11:05:1979 ratifiée

C129 Convention sur l'inspection du travail (agriculture), 1969 11:05:1979 ratifiée

C135 Convention concernant les représentants des travailleurs, 1971 05:04:2002 ratifiée

C136 Convention sur le benzène, 1971 22:07:1974 ratifiée

C138 Convention sur l'âge minimum, 1973 06:01:2000 ratifiée

C145 Convention sur la continuité de l'emploi (gens de mer), 1976 07:03:1980 ratifiée

C146 Convention sur les congés payés annuels (gens de mer), 1976 10:07:1980 ratifiée

C147 Convention sur la marine marchande (normes minima), 1976 15:06:1981 ratifiée

C158 Convention sur le licenciement, 1982 07:10:1993 ratifiée

C178 Convention sur l'inspection du travail (gens de mer), 1996 01:12:2000 ratifiée

C179 Convention sur le recrutement et le placement des gens de mer, 1996

01:12:2000 ratifiée

C180 Convention sur la durée du travail des gens de mer et les effectifs des navires, 1996

01:12:2000 ratifiée

C181 Convention sur les agences d'emploi privées, 1997 10:05:1999 ratifiée

C182 Convention sur les pires formes de travail des enfants, 1999 26:01:2001 ratifiée

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Annexe 4 DÉCLARATION DE PRINCIPES TRIPARTITE SUR LES ENTREPRISES MULTINATIONALES ET LA 

POLITIQUE SOCIALE 

Adoptée par le Conseil d’administration du Bureau international du Travail à sa 204e session (Genève, novembre 

197), telle qu’amendée par le Conseil à sa 279e session (Genève, novembre 2000)) Le Conseil d’administration du Bureau international du Travail, Rappelant que l’Organisation internationale du Travail s’occupe depuis de nombreuses années de certains problèmes sociaux liés aux activités des entreprises multinationales; Notant en particulier que diverses commissions d’industrie et conférences régionales ainsi que la Conférence internationale du Travail ont demandé, depuis 1965 environ, que le Conseil d’administration prenne des mesures appropriées dans le domaine des entreprises multinationales et de la politique sociale; Ayant été informé des activités d’autres organisations internationales, en particulier la Commission des sociétés transnationales des Nations Unies et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE); Considérant que l’OIT, du fait de sa structure tripartite unique, de sa compétence et de sa longue expérience dans le domaine social, a un rôle essentiel à jouer en élaborant des principes pour orienter les gouvernements, les organisations de travailleurs et d’employeurs ainsi que les entreprises multinationales elles-mêmes; Rappelant qu’il avait convoqué, en 1972, la Réunion tripartite d’experts sur les relations entre les entreprises multinationales et la politique sociale qui a recommandé un programme de recherche et d’études de l’OIT et, en 1976, la Réunion consultative tripartite sur les relations entre les entreprises multinationales et la politique sociale, aux fins de passer en revue le programme de recherche de l’OIT et de suggérer une action appropriée de l’OIT dans le domaine social et celui du travail; Gardant à l’esprit les délibérations de la Conférence mondiale de l’emploi; Ayant décidé par la suite de constituer un groupe tripartite chargé d’élaborer un projet de Déclaration de principes tripartite englobant tous les secteurs du ressort de l’OIT qui ont trait aux aspects sociaux des activités des entreprises multinationales, y compris la création d’emplois dans les pays en voie de développement, en tenant toujours compte des recommandations formulées par la Réunion consultative tripartite qui s’est tenue en 1976; Ayant également décidé de convoquer derechef la Réunion consultative tripartite afin qu’elle examine le projet de Déclaration de principes que le groupe tripartite a élaboré; Après avoir étudié le rapport et le projet de Déclaration de principes qui lui étaient soumis par la Réunion consultative tripartite convoquée une nouvelle fois, Par les présentes, approuve la déclaration ci-après, qui sera dénommée Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale, adoptée par le Conseil d’administration du Bureau international du Travail, et invite les gouvernements des Etats Membres de l’OIT, les organisations d’employeurs et de travailleurs intéressées et les entreprises multinationales exerçant leurs activités sur leurs territoires à respecter les principes qu’elle contient. _______________________________________________________________________ 1. Les entreprises multinationales jouent dans les économies de la plupart des pays et dans les relations économiques internationales un rôle important qui intéresse de plus en plus les gouvernements ainsi que les employeurs et les travailleurs et leurs organisations respectives. Ces entreprises peuvent, grâce à leurs investissements directs internationaux et par d’autres moyens, apporter aux pays du siège comme aux pays d’accueil des bénéfices tangibles en contribuant à l’utilisation plus efficace du capital, des techniques et de la main-d’oeuvre. Dans le cadre des politiques de développement instaurées par les gouvernements, elles peuvent aussi contribuer largement à la promotion du bien-être économique et social, à l’amélioration des niveaux de vie et à la satisfaction des besoins essentiels, à la création, directement ou indirectement, de possibilités d’emploi et à la jouissance des droits fondamentaux de l’homme, y compris la liberté syndicale, dans le monde entier. Mais les progrès réalisés par les entreprises multinationales dans l’organisation de leurs activités hors du cadre national peuvent conduire à des concentrations abusives de puissance économique et donner lieu à des conflits avec les objectifs des politiques nationales et avec les intérêts des travailleurs. En outre, la complexité des entreprises multinationales et le fait qu’il est difficile de discerner clairement la diversité de leurs structures, de leurs opérations et de leurs politiques suscitent parfois des préoccupations dans les pays du siège, dans les pays d’accueil ou dans les uns et les autres. 2.  La présente Déclaration de principes  tripartite  a pour objet d’encourager  les entreprises multinationales  à contribuer positivement au progrès économique et social, ainsi qu’à minimiser et à résoudre  les difficultés que 

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leurs  diverses  opérations  peuvent  soulever,  compte  tenu  des  résolutions  des  Nations  Unies  préconisant l’instauration d’un nouvel ordre économique international. 3. Cet objectif  sera  favorisé grâce  à une  législation, une politique, des mesures et des  initiatives  appropriées qu’adopteront  ou  prendront  les  gouvernements,  ainsi  que  par  une  coopération  entre  gouvernements  et organisations d’employeurs et de travailleurs de tous les pays. Les paragraphes 1 à 7, 8, 10, 25, 26 et 52  (précédemment paragraphe 51) ont  fait  l’objet d’une  interprétation conformément à la procédure pour l’examen des différends relatifs à l’application de la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale. On peut obtenir une copie des interprétations en s’adressant au Bureau pour  les activités des entreprises multinationales, Bureau  international du Travail, 4, route des Morillons, CH‐1211 Genève 22, Suisse, ou en consultant le site http://www.ilo.org. 4.  Les  principes  énoncés  dans  la  présente Déclaration  sont  préconisés  à  l’intention  des  gouvernements,  des organisations  d’employeurs  et  de  travailleurs  des  pays  du  siège  et  des  pays  d’accueil  et  des  entreprises multinationales elles‐mêmes. 5. Ces principes sont destinés à guider les gouvernements, les organisations d’employeurs et de travailleurs ainsi que  les  entreprises multinationales  en  prenant  telles mesures  et  initiatives  et  en  adoptant  telles  politiques sociales, y compris celles qui se fondent sur les principes énoncés dans la Constitution et dans les conventions et recommandations pertinentes de l’OIT, qui soient de nature à encourager le progrès social. 6. Une définition juridique précise des entreprises multinationales n’est pas indispensable pour que la présente Déclaration  puisse  répondre  à  son  but;  le  présent  paragraphe  est  destiné  à  mieux  faire  comprendre  la Déclaration et non à donner une telle définition. Les entreprises multinationales comprennent des entreprises, que leur capital soit public, mixte ou privé, qui possèdent ou contrôlent la production, la distribution, les services et autres moyens en dehors du pays où elles ont leur siège. Le degré d’autonomie de chaque entité par rapport aux autres au sein des entreprises multinationales est très variable d’une entreprise à l’autre, selon la nature des liens qui unissent  ces entités et  leur domaine d’activité et  compte  tenu de  la grande diversité en matière de forme  de  propriété,  d’envergure,  de  nature  des  activités  des  entreprises  en  question  et  des  lieux  où  elles opèrent.  Sauf  indication  contraire,  le  terme  «entreprise multinationale»,  tel qu’il  est  utilisé  dans  la  présente Déclaration,  se  réfère  aux  diverses  entités  (société mère  ou  entités  locales  ou  les  deux,  ou  encore  tout  un groupe)  en  fonction  de  la  répartition  des  responsabilités  entre  elles,  dans  l’idée  qu’elles  coopéreront  et s’entraideront, le cas échéant, pour être mieux à même d’observer les principes énoncés dans cette Déclaration. 7.Dans la présente Déclaration sont exposés des principes concernant les domaines de l’emploi, de la formation, des conditions de travail et de vie et des relations professionnelles qu’il est recommandé aux gouvernements, aux organisations d’employeurs  et de  travailleurs  et  aux  entreprises multinationales d’observer  sur une base volontaire; ses dispositions n’ont pas pour effet de restreindre ou de modifier en quoi que ce soit les obligations découlant de la ratification d’une convention de l’OIT. POLITIQUE GÉNÉRALE 

8. Toutes  les parties que  la présente Déclaration concerne devraient  respecter  les droits souverains des Etats, observer  les  législations  et  réglementations  nationales,  tenir  dûment  compte  des  pratiques  locales  et  se conformer aux normes internationales pertinentes. Elles devraient respecter la Déclaration universelle des droits de l’homme et les Pactes internationaux correspondants que l’Assemblée générale des Nations Unies a adoptés, de même que  la Constitution de  l’Organisation  internationale du Travail et  ses principes en vertu desquels  la liberté  d’expression  et  d’association  est  une  condition  indispensable  d’un  progrès  soutenu.  Elles  devraient contribuer à  la réalisation de  la Déclaration de  l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son  suivi,  adoptée  en  1998.  Elles  devraient  également  tenir  les  engagements  pris  librement  par  elles,  en conformité de la législation nationale et des obligations internationales acceptées. 9.  Les  gouvernements  qui  n’ont  pas  encore  ratifié  les  conventions  nos  87,  98,  111,  122,  138  et  182  sont instamment priés de  le  faire et, en  tout état de cause, d’appliquer dans  la plus  large mesure possible, dans  le cadre de leur politique nationale, les principes énoncés dans ces conventions et dans les recommandations nos 111, 119, 122, 146 et 1901. Sans préjudice de  l’obligation  incombant aux gouvernements de faire observer  les conventions  ratifiées  par  eux,  dans  les  pays  où  les  conventions  et  recommandations  citées  au  présent paragraphe ne sont pas observées, toutes les parties devraient s’en inspirer dans leur politique sociale. 

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10. Les entreprises multinationales devraient tenir pleinement compte des objectifs de politique générale que se sont fixés les pays où elles opèrent. Leurs activités devraient s’harmoniser avec les priorités du développement ainsi qu’avec  les  structures et  les objectifs  sociaux du pays où elles  s’exercent. A  cet effet, des  consultations devraient avoir  lieu entre  les entreprises multinationales, le gouvernement et,  le cas échéant,  les organisations nationales d’employeurs et de travailleurs intéressées. 11.  Les  principes  formulés  dans  la  présente  Déclaration  ne  visent  pas  à  instaurer  ou  à  faire  subsister  des différences de  traitement entre entreprises multinationales et entreprises nationales.  Ils  traduisent de bonnes pratiques pour toutes  les entreprises. Chaque fois que  les principes de  la présente Déclaration sont applicables tant aux entreprises multinationales qu’aux entreprises nationales, on devrait attendre des unes et des autres la même conduite en général et les mêmes pratiques sociales en particulier. 12.Les  gouvernements  des  pays  du  siège  devraient  encourager,  conformément  à  la  présente Déclaration  de principes, de bonnes pratiques  sociales,  compte  tenu de  la  législation, de  la  réglementation et des pratiques sociales dans les pays d’accueil, ainsi que des normes internationales pertinentes. Les gouvernements aussi bien des pays d’accueil que des pays du siège devraient être prêts à avoir des consultations réciproques, chaque fois que besoin en est, à l’initiative des uns ou des autres. EMPLOI 

Promotion de l’emploi 

13. Pour stimuler la croissance et le développement économiques, relever le niveau de vie, faire face aux besoins de  main‐d’œuvre  et  remédier  au  chômage  et  au  sous‐emploi,  les  gouvernements  devraient  formuler  et appliquer, comme un objectif essentiel, une politique active visant à promouvoir  le plein emploi, productif et librement  choisi  ‐Convention  (no 87)  concernant  la  liberté  syndicale  et  la protection du droit  syndical,  1948; convention  (no 98) concernant  le droit d’organisation et de négociation  collective, 1949;  convention  (no 111) concernant  la  discrimination  (emploi  et  profession),  1958;  convention  (no  122)  concernant  la  politique  de l’emploi, 1964;  convention  (no 138)  concernant  l’âge minimum d’admission  à  l’emploi, 1973;  convention  (no 182)  concernant  l’interdiction  des  pires  formes  de  travail  des  enfants  et  l’action  immédiate  en  vue  de  leur élimination,  1999;  recommandation  (no  111)  concernant  la  discrimination  (emploi  et  profession),  1958; recommandation  (no 119)  concernant  la  cessation de  la  relation de  travail à  l’initiative de  l’employeur, 1963; recommandation (no 122) concernant la politique de l’emploi, 1964; recommandation (no 146) concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi, 1973; recommandation (no 190) concernant l’interdiction des pires formes de travail  des  enfants  et  l’action  immédiate  en  vue  de  leur  élimination,  1999.2  Convention  (no  122)  et recommandation (no 122) concernant la politique de l’emploi, 1964. 

14.  Cela  est particulièrement  important dans  le  cas des gouvernements des pays d’accueil  situés dans  les régions  en  développement  du  globe  où  les  problèmes  de  chômage  et  de  sous‐emploi  revêtent  le  plus  de gravité. A  cet  égard,  il  convient de garder à  l’esprit  les  conclusions générales adoptées par  la Conférence mondiale  tripartite  sur  l’emploi,  la  répartition du  revenu,  le progrès  social et  la division  internationale du travail (Genève, juin 1976)3. 

15. Les paragraphes 13 et 14 tracent le cadre dans lequel il devrait être dûment tenu compte, aussi bien dans les pays du siège que dans les pays d’accueil, de l’impact des entreprises multinationales sur l’emploi. 16.  Les  entreprises  multinationales  devraient,  surtout  lorsqu’elles  exercent  leur  activité  dans  des  pays  en développement,  s’efforcer d’accroître  les possibilités et normes d’emploi,  compte  tenu de  la politique et des objectifs des gouvernements en matière d’emploi, ainsi que de  la sécurité de  l’emploi et de  l’évolution à  long terme de l’entreprise. 17. Avant de commencer leurs activités, les entreprises multinationales devraient, dans tous les cas appropriés, consulter les autorités compétentes et les organisations nationales d’employeurs et de travailleurs de manière à harmoniser  autant  que  praticable  leurs  plans  concernant  la main‐d’œuvre  avec  les  politiques  nationales  de développement  social.  Elles  devraient  poursuivre  ces  consultations,  comme  dans  le  cas  des  entreprises nationales, avec toutes les parties intéressées, y compris les organisations de travailleurs. 18. Les entreprises multinationales devraient donner la priorité à l’emploi, à l’épanouissement professionnel, à la promotion  et  à  l’avancement  des  ressortissants  du  pays  d’accueil  à  tous  les  niveaux,  en  coopération,  le  cas 

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échéant, avec les représentants des travailleurs qu’elles emploient ou des organisations de ces derniers et avec les autorités gouvernementales. 19.  Lorsqu’elles  investissent  dans  des  pays  en  développement,  les  entreprises  multinationales  devraient prendre en considération l’importance de l’utilisation de techniques génératrices d’emploi soit directement, soit indirectement. Dans  toute  la mesure possible,  compte  tenu de  la nature du procédé et des particularités du secteur économique en cause, elles devraient adapter  les  techniques aux besoins et caractéristiques des pays d’accueil. Elles devraient aussi participer,  lorsque  cela est possible, à  l’élaboration de  techniques appropriées dans les pays d’accueil. 20.  Pour promouvoir l’emploi dans les pays en développement, dans le contexte d’une économie mondiale en expansion,  les  entreprises multinationales devraient,  chaque  fois que  cela  est  faisable,  envisager de  conclure avec  des  entreprises  nationales  des  contrats  pour  la  fabrication  de  pièces  et  d’équipements,  d’utiliser  des matières premières locales et d’encourager progressivement la transformation sur place des matières premières. Elles ne devraient pas utiliser de tels arrangements pour éluder les responsabilités contenues dans les principes de la présente Déclaration. 3 OIT, Conférence mondiale de l’emploi, Genève, 4‐17 juin 1976. 

Egalité de chances et de traitement 

21. Tous  les gouvernements devraient poursuivre des politiques destinées à promouvoir  l’égalité de chances et de traitement en matière d’emploi afin d’éliminer toute discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, les opinions politiques, l’origine nationale ou sociale4. 22. Les entreprises multinationales devraient s’inspirer dans  toutes  leurs activités de ce principe général, sans préjudice des mesures envisagées au paragraphe 18 ou des politiques gouvernementales conçues pour corriger des situations historiques de discrimination et pour promouvoir ainsi l’égalité de chances et de traitement dans l’emploi. Les entreprises multinationales devraient en conséquence faire des qualifications, de la compétence et de  l’expérience  les  critères  du  recrutement,  du  placement,  de  la  formation  et  du  perfectionnement  de  leur personnel à tous les échelons. 23. Les gouvernements ne devraient jamais exiger des entreprises multinationales ou les encourager dans cette voie – de pratiquer une discrimination fondée sur  l’une des caractéristiques mentionnées au paragraphe 21. Ils sont encouragés à fournir, dans des cas appropriés, une orientation continue en vue d’éviter une discrimination de ce genre dans l’emploi. Sécurité de l’emploi 24.  Les gouvernements devraient étudier  soigneusement  l’impact des entreprises multinationales  sur  l’emploi dans  les différents  secteurs  industriels.  Les gouvernements, de même que  les entreprises multinationales, de tous les pays devraient prendre des mesures appropriées pour faire face aux répercussions des activités de ces entreprises sur l’emploi et le marché du travail. 25. Les entreprises multinationales devraient, au même titre que les entreprises nationales, s’efforcer d’assurer par une planification active de la main‐d’oeuvre un emploi stable à leurs travailleurs et s’acquitter des obligations librement négociées concernant  la stabilité de  l’emploi et  la sécurité sociale. En raison de  la souplesse que  les entreprises multinationales  peuvent  avoir,  elles  devraient  s’efforcer  de  jouer  un  rôle  d’avant‐garde  dans  la promotion  de  la  sécurité  de  l’emploi,  en  particulier  dans  les  pays  où  la  cessation  de  leurs  activités  serait susceptible d’accentuer le chômage à long terme. 26. Les entreprises multinationales qui envisagent d’apporter à leurs activités des modifications (y compris celles qu’occasionnent  les  fusions,  rachats  ou  transferts  de  production)  pouvant  avoir  des  effets  importants  sur l’emploi  devraient  signaler  suffisamment  à  l’avance  ces  modifications  aux  autorités  gouvernementales appropriées et aux représentants des travailleurs qu’elles emploient, ainsi qu’à leurs organisations, afin que les répercussions  puissent  en  être  examinées  en  commun  et  qu’en  soient  atténuées  le  plus  possible  les conséquences  défavorables.  Cela  est  particulièrement  important  dans  le  cas  de  la  fermeture  d’une  entité entraînant des congédiements ou des licenciements collectifs.  Convention  (no 111) et  recommandation  (no 111)  concernant  la discrimination  (emploi et profession), 1958; convention  (no 100) et  recommandation  (no 90) en matière d’égalité de  rémunération entre  la main‐d’œuvre masculine et la main‐d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale, 1951. 

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27. Les procédures de licenciements arbitraires devraient être évitées5. 28.  Les  gouvernements  devraient,  en  coopération  avec  les  entreprises  tant multinationales  que  nationales, assurer sous une forme ou une autre la protection du revenu des travailleurs à l’emploi desquels il est mis fin6. 

FORMATION 

29. Les gouvernements devraient, en coopération avec toutes les parties intéressées, développer des politiques nationales de  formation  et d’orientation professionnelles  étroitement  liées  à  l’emploi7.  Tel  est  le  cadre dans lequel les entreprises multinationales devraient poursuivre leur politique de formation. 30.  Les  entreprises multinationales  devraient  veiller,  en  déployant  leurs  activités,  à  ce  que  leurs  travailleurs bénéficient  à  tous  les  niveaux,  dans  le  pays  d’accueil,  d’une  formation  appropriée  en  vue  de  répondre  aux besoins de l’entreprise ainsi qu’à la politique de développement du pays. Cette formation devrait, dans la mesure possible,  développer  des  aptitudes  utiles  en  général  et  promouvoir  les  possibilités  de  carrière.  Cette responsabilité  devrait  s’exercer,  le  cas  échéant,  en  coopération  avec  les  autorités  du  pays,  les  organisations d’employeurs et de travailleurs et les institutions locales, nationales ou internationales compétentes. 31. Les entreprises multinationales exerçant  leur activité dans des pays en développement devraient participer de même que  les entreprises nationales à des programmes, y compris des  fonds spéciaux, encouragés par  les gouvernements  des  pays  d’accueil  et  soutenus  par  les  organisations  d’employeurs  et  de  travailleurs.    Ces programmes devraient viser à encourager  l’acquisition et  le développement de compétences ainsi qu’à fournir une orientation professionnelle.  Ils devraient être administrés en commun par  les parties qui  les soutiennent. Autant  que  praticable,  les  entreprises multinationales  devraient,  à  titre  de  participation  au  développement national, fournir  les services de personnel de formation qualifié pour aider à mettre en œuvre  les programmes de formation organisés par les gouvernements. 32.  Les  entreprises  multinationales  devraient,  en  coopération  avec  les  gouvernements  et  dans  la  mesure 

admissible pour ne pas entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise, offrir dans l’entreprise tout entière des 

possibilités pour élargir l’expérience des cadres de direction locaux  

Recommandation (no 119) sur la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur, 1963. 

Ibid. 

Convention  (no  142)  et  recommandation  (no  150)  concernant  le  rôle  de  l’orientation  et  de  la  formation 

professionnelles dans la mise en valeur des ressources humaines, 1975. 

CONDITIONS DE TRAVAIL ET DE VIE 

Salaires, prestations et conditions de travail 

33. Les salaires, prestations et conditions de travail offerts par  les entreprises multinationales ne devraient pas 

être moins  favorables pour  les  travailleurs que ceux qu’accordent  les employeurs comparables dans  le pays en 

cause. 

34. Lorsque les entreprises multinationales opèrent dans des pays en développement où il peut ne pas exister des 

employeurs  comparables,  elles  devraient  octroyer  les meilleurs  salaires,  prestations  et  conditions  de  travail 

possibles dans  le  cadre de  la politique du gouvernement8. Ceux‐ci devraient  être en  rapport avec  la  situation 

économique  de  l’entreprise, mais  devraient  être  au moins  suffisants  pour  satisfaire  les  besoins  essentiels  des 

travailleurs  et  de  leurs  familles.  Lorsque  des  entreprises  multinationales  font  bénéficier  leurs  travailleurs 

d’avantages essentiels tels que le logement, les soins médicaux ou l’approvisionnement en denrées alimentaires, 

ces avantages devraient être d’un niveau correct9. 

35.  Les  gouvernements,  en  particulier  ceux  des  pays  en  développement,  devraient  s’efforcer  d’adopter  des 

mesures appropriées afin d’assurer que les groupes à bas revenus et les régions peu développées profitent autant 

que possible des activités des entreprises multinationales. 

Age minimum 

36.  Les  entreprises  multinationales  ainsi  que  les  entreprises  nationales  devraient  respecter  l’âge  minimum 

d’admission à l’emploi ou au travail, en vue d’assurer l’abolition effective du travail des enfants10. 

Sécurité et hygiène 

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37. Les gouvernements devraient  faire en sorte que  les entreprises  tant multinationales que nationales  fassent 

bénéficier  leurs  travailleurs de normes adéquates en matière de  sécurité et d’hygiène.  Les gouvernements qui 

n’ont  pas  encore  ratifié  les  conventions  de  l’OIT  (no 119)  sur  la  protection  des machines, 1963,  la  protection 

contre  les  radiations  (no 115),  le benzène  (no 136) et  le cancer professionnel  (no 139)  sont  instamment priés, 

néanmoins, d’appliquer dans toute la mesure possible les principes énoncés dans ces conventions ainsi que dans 

les  recommandations  correspondantes  (nos  118,  114,  144  et  147).  Les  recueils  de  directives  pratiques  et  les 

guides  figurant  sur  la  liste des publications du BIT  consacrées à  la  sécurité et à  l’hygiène du  travail devraient 

également être pris en considération11. 

Recommandation (no 116) concernant la réduction de la durée du travail, 1962. 

Convention  (no 110) et  recommandation  (no 110) concernant  les plantations, 1958;  recommandation  (no 115) 

concernant  le  logement des  travailleurs, 1961;  recommandation  (no 69)  concernant  les  soins médicaux, 1944; 

convention  (no 130) et  recommandation  (no 134) concernant  les soins médicaux et  les  indemnités de maladie, 

1969. 

Convention no 138, art. 1; convention no 182, art. 1. 

Les  conventions et  recommandations de  l’OIT dont  il est  fait mention  sont  indiquées dans  le Catalogue of  ILO 

Publications  on  Occupational  Safety  and  Health,  édition  1999,  BIT,  Genève.  Voir  aussi  http://www.ilo.org 

/public/english/protection/safework/publicat/index.htm. 

38.  Les  entreprises multinationales  devraient maintenir  les  normes  de  sécurité  et  d’hygiène  les  plus  élevées, 

conformément  aux  exigences  nationales,  compte  tenu  de  leur  expérience  correspondante  acquise  dans 

l’entreprise  tout  entière,  y  compris  la  connaissance  de  risques  particuliers.  Elles  devraient  aussi mettre  à  la 

disposition des représentants des travailleurs dans l’entreprise et, sur leur demande, des autorités compétentes et 

des organisations de travailleurs et d’employeurs de tous les pays où elles exercent leur activité des informations 

sur les normes de sécurité et d’hygiène applicables à leurs activités locales qu’elles observent dans d’autres pays.  

En  particulier,  elles  devraient  faire  connaître  aux  intéressés  tous  les  risques  particuliers  et  les  mesures  de 

protection correspondantes qui sont associés à de nouveaux produits et procédés. De même que  les entreprises 

nationales comparables, elles devraient être appelées à jouer un rôle prépondérant dans l’examen des causes des 

risques en matière de  sécurité et d’hygiène du  travail et dans  l’application, dans  l’entreprise  tout entière, des 

améliorations qui en découlent. 

39. Les entreprises multinationales devraient coopérer à l’activité déployée par les organisations internationales 

qui s’occupent de préparer et d’adopter des normes internationales de sécurité et d’hygiène. 

40. Les entreprises multinationales devraient, conformément à  la pratique nationale, coopérer pleinement avec 

les  autorités  compétentes  en  matière  de  sécurité  et  d’hygiène,  les  représentants  des  travailleurs  et  leurs 

organisations  et  les  organismes  établis  de  sécurité  et  d’hygiène.  Le  cas  échéant,  les  questions  concernant  la 

sécurité et  l’hygiène devraient  figurer dans  les  conventions  conclues avec  les  représentants des  travailleurs et 

leurs organisations. 

RELATIONS PROFESSIONNELLES 

41. Les entreprises multinationales devraient appliquer, en matière de relations professionnelles, des normes qui 

ne soient pas moins favorables que celles qu’appliquent des employeurs comparables dans le pays en cause. 

Liberté syndicale et droit d’organisation 

42. Les travailleurs employés tant par les entreprises multinationales que par les entreprises nationales devraient 

jouir, sans distinction d’aucune sorte, du droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur 

choix ainsi que  celui de  s’affilier à  ces organisations, à  la  seule  condition de  se  conformer aux  statuts de  ces 

dernières12.  Ils  devraient  également  bénéficier  d’une  protection  adéquate  contre  les  actes  de  discrimination 

tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi13. 

43. Les organisations représentant les entreprises multinationales ou les travailleurs employés par elles devraient 

bénéficier  d’une  protection  adéquate  contre  tous  actes  d’ingérence  des  unes  à  l’égard  des  autres  soit 

directement, soit par leurs agents ou membres, dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration. 

‐Convention no 87, art. 2. 

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‐Convention no 98, art. 1.1. 

‐Convention no 98, art. 2.1. 

‐Convention no 98, art. 4. 

‐Convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs dans l’entreprise et les facilités à leur accorder, 

1971. 

44. Lorsque les circonstances locales s’y prêtent, les entreprises multinationales devraient donner leur appui à des 

organisations d’employeurs représentatives. 

45. Les gouvernements qui ne le font pas encore sont instamment priés d’appliquer les principes de la convention 

no 87, article 5, étant donné l’importance qu’il y a, en relation avec les entreprises multinationales, à permettre 

aux  organisations  représentant  ces  entreprises  ou  les  travailleurs  qu’elles  emploient  de  s’affilier  à  des 

organisations internationales d’employeurs et de travailleurs de leur choix. 

46. Là où les gouvernements des pays d’accueil offrent des avantages particuliers pour attirer les investissements 

étrangers,  ces  avantages ne  devraient  pas  se  traduire par  des  restrictions  quelconques  apportées à  la  liberté 

syndicale des travailleurs ou à leur droit d’organisation et de négociation collective. 

47. Les représentants des travailleurs des entreprises multinationales ne devraient pas être empêchés de se réunir 

pour  se  consulter  et  échanger  leurs  points  de  vue,  étant  entendu  que  le  fonctionnement  des  opérations  de 

l’entreprise  et  les  procédures  normales  régissant  les  relations  avec  les  représentants  des  travailleurs  et  leurs 

organisations n’en pâtissent pas. 

48.  Les  gouvernements  ne  devraient  pas  apporter  de  restrictions  à  l’entrée  de  représentants  d’organisations 

d’employeurs  et  de  travailleurs  qui  viennent  d’autres  pays  et  sont  invités  par  des  organisations  locales  ou 

nationales intéressées aux fins de consultations sur des questions d’intérêt commun, du seul fait qu’ils sollicitent 

l’entrée dans cette capacité. 

Négociation collective 

49.  Les travailleurs employés par les entreprises multinationales devraient avoir le droit, conformément à la 

législation et à la pratique nationales, de faire reconnaître des organisations représentatives de leur propre choix 

aux fins de la négociation collective. 

50 Des mesures appropriées aux  conditions nationales devraient,  si nécessaire, être prises pour encourager et 

promouvoir  le développement  et  l’utilisation  les plus  larges de procédures de négociation  volontaire  entre  les 

employeurs ou leurs organisations et les organisations de travailleurs en vue de régler les conditions d’emploi par 

le moyen de conventions collectives15. 

51. Les entreprises multinationales, de même que les entreprises nationales, devraient fournir aux représentants 

des travailleurs les moyens nécessaires pour aider à mettre au point des conventions collectives efficaces16. 

52.  Les  entreprises  multinationales  devraient  faire  en  sorte  que  les  représentants  dûment  autorisés  des 

travailleurs  employés  par  elles  puissent,  dans  chacun  des  pays  où  elles  exercent  leur  activité,  mener  des 

négociations avec les représentants de la direction qui sont autorisés à prendre des décisions sur les questions en 

discussion. 

53. Lors des négociations menées de bonne foi avec les représentants des travailleurs sur les conditions d’emploi, 

ou  lorsque  les  travailleurs  exercent  leur  droit  de  s’organiser,  les  entreprises multinationales  ne  devraient  pas 

menacer de recourir à la faculté de transférer hors du pays en cause tout ou partie d’une unité d’exploitation en 

vue d’exercer une influence déloyale sur ces négociations ou de faire obstacle à l’exercice du droit d’organisation; 

elles ne devraient pas non plus déplacer des travailleurs de leurs filiales dans des pays étrangers pour nuire aux 

négociations de bonne foi engagées avec les représentants des travailleurs ou à l’exercice par les travailleurs de 

leur droit de s’organiser. 

54. Les conventions collectives devraient comporter des dispositions en vue du  règlement des conflits auxquels 

pourraient donner  lieu  leur  interprétation et  leur application et des dispositions assurant  le  respect mutuel des 

droits et des responsabilités. 

55.  Les  entreprises  multinationales  devraient  fournir  aux  représentants  des  travailleurs  les  renseignements 

nécessaires à des négociations constructives avec l’entité en cause et, lorsque cela est conforme à la législation et 

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à  la pratique  locales, elles devraient également fournir des  informations de nature à  leur permettre de se faire 

une  idée exacte et correcte de  l’activité et des  résultats de  l’entité ou,  le cas échéant, de  l’entreprise dans son 

ensemble17. 

56. Les gouvernements devraient fournir aux représentants des organisations de travailleurs, à leur demande et 

pour autant que  la  législation  et  la pratique  le permettent, des  informations  sur  les branches dans  lesquelles 

opère  l’entreprise qui puissent  leur être utiles pour définir des critères objectifs dans  le cadre de  la négociation 

collective. A  cet  égard,  tant  les  entreprises multinationales  que  les  entreprises  nationales  devraient  répondre 

constructivement aux gouvernements qui leur demandent des informations pertinentes sur leurs activités. 

Consultation 

57. Dans les entreprises tant multinationales que nationales, des systèmes élaborés d’un commun accord par les 

employeurs,  les  travailleurs  et  leurs  représentants  devraient  prévoir,  conformément  à  la  législation  et  à  la 

pratique  nationales,  des  consultations  régulières  sur  les  questions  d’intérêt  mutuel.  Ces  consultations  ne 

devraient pas se substituer aux négociations collectives18. 

Examen des réclamations 

58. Les entreprises multinationales, comme les entreprises nationales, devraient respecter le droit des travailleurs 

qu’elles emploient de faire examiner toutes  leurs réclamations de manière conforme aux dispositions suivantes: 

tout  travailleur  qui,  agissant  individuellement  ou  conjointement  avec  d’autres  travailleurs,  considère  avoir  un 

motif de  réclamation devrait avoir  le droit de présenter cette  réclamation  sans  subir de ce  fait un quelconque 

préjudice  et de  faire  examiner  cette  réclamation  selon une procédure appropriée19. Cela  est particulièrement 

important  lorsque  les  entreprises multinationales opèrent dans des pays qui n’observent pas  les principes des 

conventions de l’OIT relatifs à la liberté syndicale, au droit d’organisation et de négociation collective et au travail 

forcé. 

Recommandation (no 129) concernant les communications entre la direction et les travailleurs dans l’entreprise, 

1967. 

Recommandation  (no 94) concernant  la consultation et  la collaboration entre employeurs et  travailleurs sur  le 

plan de l’entreprise, 1952; recommandation (no 129) sur les communications dans l’entreprise, 1967. 

Recommandation (no 130) concernant l’examen des réclamations dans l’entreprise en vue de leur solution, 1967. 

Convention (no 29) concernant le travail forcé ou obligatoire, 1930; convention (no 105) concernant l’abolition du 

travail forcé, 1957; recommandation (no 35) concernant la contrainte indirecte au travail, 1930. 

Règlement des conflits du travail 

59.  Les  entreprises  multinationales,  tout  comme  les  entreprises  nationales,  devraient,  de  concert  avec  les 

représentants  et  les  organisations  des  travailleurs  qu’elles  emploient,  s’efforcer  d’instituer  un mécanisme  de 

conciliation  volontaire  et adapté aux  circonstances nationales, pouvant  comporter des dispositions  relatives à 

l’arbitrage  volontaire,  afin  de  contribuer  à  prévenir  et  à  régler  les  conflits  du  travail  entre  employeurs  et 

travailleurs. Ce système de conciliation volontaire devrait comporter l’égalité de représentation des employeurs et 

des travailleurs. 

Recommandation (no 92) concernant la conciliation et l’arbitrage volontaires, 1951. 

 

Genève, 17 novembre 2000. 

 

 

 

Page 92: Droits des travailleurs dans une économie mondialisée -  Étude établie à la lumière du Droit social marocain

   

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Table des matières 

 INTRODUCTION ........................................................................................................................................ 3 Première partie: Les Normes De Travail  A L’épreuve De La Mondialisation                                                                  5 

Chapitre I : Les normes de travail face à la libéralisation du commerce et de l’investissement ........ 9 Section I : Les normes de travail et le commerce ............................................................................................................ 9 § A.  Les relations entre la libéralisation du commerce et les normes sociales ............................................................... 10 § B.  Les clauses sociales ................................................................................................................................. 14 Section II : Les normes de travail et l’investissement .................................................................................................... 20 

Chapitre II: Les normes de travail et les nouvelles technologies .................................................... 28 Section I : L’impact des nouvelles technologies sur l’emploi ........................................................................................... 28 § A.  L’accès à l’emploi et la rupture du contrat de travail à l’épreuve des nouvelles technologies ...................................... 28 §. B.  Impact des nouvelles technologies sur les conditions du travail ........................................................................... 31 Section II : Les implications des nouvelles technologies sur les relations de travail ............................................................... 34 § A.  Relations individuelles : Protection des libertés dans l’entreprise ........................................................................ 34 § B.  Relations collectives : Impact sur les syndicats ............................................................................................... 35 

DEUXIEME PARTIE ................................................................................................................................. 41 APPLICABILITE DES NORMES FONDAMENTALES DU TRAVAIL DANS UNE ECONOMIE MONDIALISEE ........... 41 Chapitre I : Le droit international du travail comme cadre général pour l’application des normes de travail au niveau national : vers une mondialisation du droit social ........................................... 43 

Section I : Les objectifs des normes internationales de travail sous l’impulsion de la mondialisation ........................................ 43 §. A. Contenu des normes internationales du travail ................................................................................................... 44 §. B. objectifs des normes internationales du travail ..................................................................................................... 47 Section II : Les difficultés de mise en œuvre des normes internationales du travail dans une économie mondialisée ...................... 49 §. A.  Les difficultés d’ordre juridique et les difficultés relatives aux politiques économiques conçues dans une économie mondialisée ......................................................................................................................................................... 49 §. B.  Les difficultés inhérentes à l’action des partenaires sociaux .............................................................................. 54 

Chapitre II: Application effective des normes de travail dans un monde interdépendant ............. 58 Section I : Les obstacles à l’application effective des normes de travail ........................................................................... 58 §. A. L’application effective des règles de la lutte contre la discrimination ......................................................................... 59 §. B. l’application effective de la règle de la liberté syndicale ........................................................................................... 60 §. C. L’application effective de l’interdiction du travail forcé et du travail des enfants .......................................................... 62 §. D. L’application effective de l’interdiction du travail des enfants ................................................................................. 63 Section II : Les moyens possibles pour une application effective des normes de travail .......................................................... 66 §. A. Fonction normative des partenaires sociaux comme moyen d’une meilleure application des normes sociales ...................... 66 §. B. les moyens de pression de l’Organisation Internationale du Travail .......................................................................... 69 

CONCLUSION : .......................................................................................................................................... 72 Annexe 1 : Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi .......... 74 Annexe 2 : Chapitre 16 de l’Accord de libre échange Maroc – Etats-Unis ..................................................... 76 Annexe 3 : Conventions de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) ratifiées par le Maroc ............... 82 Annexe 4 : Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales  ......................................... 84