72
DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE La situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

  • Upload
    others

  • View
    13

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

La situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

Page 2: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE
Page 3: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE
Page 4: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans Frontière. La situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti Décembre 2018

Page 5: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE
Page 6: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits humains sans frontière. La situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti Haïti, décembre 2018

Ce rapport sur la situation des enfants dans les zones frontalières est élaboré par le Service Jésuite aux Migrants/Solidarite Fwontalye-Haïti

Coordination de l’éditionLunos SAINT BRAVE

Rédaction et mise en pageLunos SAINT BRAVE

RévisionJean Anthony BAZILE

Supporté par

Page 7: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE
Page 8: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Service Jésuite au Migrants / Solidarite

Fwontalye-Haïti

TABLE DES MATIÈRES

Liste des sigles et abréviations utilisés 10

Introduction 12Objectif 15Démarche méthodologique 15Limites et difficultés 17Structure du rapport 18

Chapitre I : La situation des droits des enfants en haïti 20

Cadre légal sur la protection des enfants 20Cadre institutionnel 24Situation des enfants dans le pays 26

Chapitre II : La situation des enfants à la frontière à la frontière haitiano-dominicaine 30

La frontière haïtiano-dominicaine 30Les enfants à la frontière 34Les contraintes à la frontière 48

Chapitre III : Engagement du SJM/SFw-Haïti... 54Les défis 59

Conclusions et recommandations 62

Bibliographie sélective 66

Annexe 68

Page 9: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Service Jésuite au Migrants / Solidarite

Fwontalye-Haïti

REMERCIEMENT

Ce rapport n’aurait pas été possible sans la collaboration de ces institutions et personnes

• Les bureaux de la Brigade de Protection des Mineurs de Ouanaminthe, de Fonds-Parisien et d’Anse-à-Pitres

• Le Sous-Commissariat de Belladère• Les bureaux de l’Institut du Bien-Être social et de

Recherche de Ouanaminthe, de Fonds-Parisien et de Belladère

• Kay Jezi de Ouanaminthe• Centre d’encadrement d’enfants HA715 de l’Église

Chrétienne de Fonds-Parisien• M. Jogens LAGUERRE• M. Matthieu PHILOMÉ• M. Bikenson PANIAGUE• M. Pierre Antoine Valéry MILORME• M. Roudy DELMONT• M. Aniel Louis

Page 10: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Service Jésuite au Migrants / Solidarite

Fwontalye-Haïti

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS UTILISÉS

FAPEO Fédération des Associations de Parents de l’Enseignement Officiel.

AGR Activités génératrices de revenus

BPM Brigade de la Protection des Mineurs

CDE Convention sur les droits de l’enfant EMMUS Enquête, Mortalité, Morbidité et

Utilisation des ServicesIBESR Institut du Bien-Être Social et de

RecherchesMAST Ministère des Affaires Sociales et du

Travail

MSPP Ministère de la santé publique et de la population

MCFDF Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes

MENFP Ministère de l’Éducation nationale et de la Formation Professionnelle

Page 11: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

OPC Office de la Protection du CitoyenPSUGO Programme de scolarisation

universelle gratuite et obligatoire VBG Violence basée sur le GenreOSC Organisation de la société civileAAP Anse-à-Pitres Othe OuanamintheFP Fonds-ParisienCNSA Coordination nationale de la

Sécurité alimentaireOCHA Bureau de la Coordination des

Affaires humanitairesGARR Groupe d’Appui aux Rapatriés et

RéfugiésRNDDH Réseau national de défense des

Droits humainsCNLTP Comité national de Lutte contre la

Traite des PersonnesDCPJ Direction centrale de la Police

judiciaireOIM Organisation internationale pour les

MigrationsPwoKonTraM Pwoteje Kondisyon Travay Moun

Page 12: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Service Jésuite au Migrants / Solidarite

Fwontalye-Haïti

INTRODUCTION

Aucune société n’est viable sans enfants car ils représentent l’avenir et le développement d’une société. Des démographes peuvent prédire l’avenir d’une société en regardant la pyramide des âges. Dans certains pays, les autorités définissent des politiques migratoires en se basant sur l’âge de la population infantile. Pourtant, les enfants restent l’un des groupes les plus vulnérables dans les sociétés. En ce sens, Durkheim et Buisson définissent l’enfance comme une période de croissance, c’est-à-dire cette période où l’individu, tant au physique qu’au moral, n’est pas encore, où il se fait, se développe et se forme. L’enfant est donc un être en devenir, inachevé et donc, par conséquent, faible, malléable, à former et à prendre en charge1. Ce manque de maturité physique et intellectuelle explique la vulnérabilité de l’enfant

1  BUISSON F., DURKHEIM E. ; Enfance in Buisson F., Durkheim E. Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’ éducation primaire ; cite par FAPEO, L ‘ évolution de la place de l’ enfant dans la société, Septembre 2008, p. 7

Page 13: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

13

selon le préambule de la Convention relative aux droits de l’enfant. Par ailleurs, la Convention ajoute que l’ l’enfant reste un être humain dont la dignité lui est inhérente en tant que personne.

Mais si l’on va au préambule de la Convention, la vulnérabilité de cette catégorie s’explique surtout par son manque de maturité. Cela sous-entend que de par sa vulnérabilité, son importance et le rôle qu’il est appelé à jouer dans la société, l’enfant doit évoluer dans un climat de bonheur, d’amour, de compréhension et bénéficier d’une protection spéciale et de soins spéciaux comme il est stipulé dans le préambule de la même convention. Il est donc important de garantir son développement et son épanouissement. Cela est d’autant plus nécessaire en Haïti quand on considère l’effectif d’enfants. En effet, dans une étude réalisée en 2012 par la World Vision, les enfants et les adolescents ont représenté plus de 40% de la population haïtienne2.

Or, la situation des enfants en Haïti est très préoccupante. La situation globale du pays ne favorise pas le plein épanouissement de cette catégorie de personnes. Les problèmes d’insécurité, la crise politique, la déchéance économique, l’insalubrité empêchent aux enfants de vivre dans un environnement sain, un climat de paix et de bonheur.

De plus, les enfants sont victimes de toute sorte de violation de leurs droits. Les rues des grandes villes haïtiennes sont remplies d’enfants abandonnés qui

2  World Vision. Le système de protection de l’ enfance en Haïti, p. 1

Page 14: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

14

assurent leur survie en effectuant divers types de travaux comme essuyer les voitures ou encore en se convertissant en vendeurs ambulants. Certains se trouvent en situation de domesticité dans des foyers. D’où le phénomène de restavèk qui gangrène la société. En 2016, le Ministère des Affaires sociales et du Travail (MAST) a estimé à plus de 207 000 les enfants vivant en situation de domesticité en Haïti3. Ils sont physiquement exploités et même parfois abusés sexuellement. Dans un rapport paru en novembre 2014, le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) a dressé le tableau sombre des agressions sexuelles dont des mineurs sont victimes à travers le pays4. Soulignons toutefois que le nombre de cas enregistrés ne traduit pas l’ampleur du problème. Les victimes ont parfois honte ou peur de dénoncer les agressions ou sont menacées pour ne pas porter plainte contre leurs agresseurs. Le magazine Ayibopost a décrit l’ampleur de ce phénomène dans un article intitulé « Haïti-viol : quand le silence devient loi 5».

La situation à la frontière est encore plus alarmante. Les enfants en bas âge y travaillent comme des adultes. Ils sont exploités, sont victimes de traite et/ou de trafic de personnes. Des mineurs sont violés. Un accent particulier sera accordé dans ce rapport

3 https://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/155858/207-000-enfants-en-domesticite-en-Haiti-une-situation-alarmante-aux-yeux-des-responsables

4  Réseau national de Défense des Droits humains (RNDDH). Défaillance du système de protection des mineurs en Haïti, novembre 2014.

5  https://ayibopost.com/viol-quand-le-silence-devient-loi/

Page 15: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

15

à la situation des droits des enfants dans les zones frontalières entre Haïti et la République dominicaine.

ObjectifCe rapport présenté par le Service Jésuite aux Migrants/Solidarite Fwontalye- Haïti entend constituer une photographie de la situation des enfants à la frontière. Plus spécifiquement, il vise à porter à la connaissance du public en général les conditions dans lesquelles vivent les enfants dans les zones frontalières. Il souhaite présenter, certes de manière non exhaustive, mais de façon fidèle, les différentes violations de droits des enfants dans cette partie du pays et afin d’interpeller l’État sur ses responsabilités.

Démarche méthodologiquePour réaliser le rapport, nous utilisons principalement des données qualitatives. Ces données ont été collectées à l’aide d’un guide d’entretien de 13 questions touchant des aspects divers de la protection de l’enfance comme les types de violation de droits les plus fréquents, la situation des enfants non accompagnés, les manques constatés dans la chaîne de protection et surtout voir avec les acteurs comment ont évolué les droits des enfants pendant les deux dernières années.

Les entretiens ont été réalisés dans les quatre zones frontalières officielles avec des organismes publics,

Page 16: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

16

des organisations de la société civile et des enfants. Nous avons ainsi rencontré des représentants des institutions étatiques et ceux des organisations de la société civile travaillant dans le domaine de la protection des enfants. Nous avons aussi recueilli les points de vue d’enfant vivant dans les centres d’accueil et enfants mineurs orphelins ayant à leurs charges d’autres mineurs. Le tableau ci-dessous présente le nombre de personnes interviewées par institution :

Répartition des institutions et catégories de personnes interrogées selon les zones géographiques

Institution / Zones

Othe Bella-dère

FP AAP Total

IBESR 2 1 1 0 4BPM/PNH 1 1 1 1 4OSC 2 0 1 0 3Enfants 2 0 0 0 2Total 7 2 3 1 13

Source : Données collectées par le SJM/SFw-Haïti entre novembre et décembre 2018

Toutes ces données seront comparées à divers autres travaux déjà réalisés sur la thématique de la protection de l’enfance. En nous basant sut le cadre légal et en adoptant une approche fondée sur les droits humains, nous réaliserons notre analyse pour montrer comment les droits des enfants sont violés de façon systématique dans le pays et notamment dans les zones frontalières.

Page 17: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

17

Limites et difficultésCe rapport n’a pas été réalisé sans difficulté. Il était difficile de réaliser tous les entretiens qui ont été préalablement planifiés. En ce sens, une seule entrevue a été réalisée à Anse-à-Pitres. De plus, les données collectées sont imprégnées également des limites de certains organismes. Nous n’avons pas pu par exemple recueillir des informations chiffrées sur le travail réalisé par certaines institutions pendant les deux dernières années, soit de 2016 à 2018. Il nous manquait également une observation directe de la situation des enfants, surtout ceux-là qui travaillent en République dominicaine. Rencontrer et discuter avec des enfants évoluant dans la partie dominicaine de la frontière serait très intéressant et permettrait de rapporter plus fidèlement le vécu et les besoins de ces derniers.

D’un autre côté, il a été difficile de recueillir les propos des représentants de tous les organismes étatiques et ONG travaillant sur la thématique de la protection de l’enfance. Par exemple, nous n’avons pas pu rencontrer pour ce rapport des représentants de l’Office de Protection de la Citoyenne et du Citoyen (OPC) ou du moins ceux du Ministère à la Condition féminine et aux Droits de la Femme (MCFDF) qui sont censés avoir des axes de protection de l’enfance. On doit reconnaître toutefois que cette limite est liée en partie au choix méthodologique qu’impose la délimitation spatiale du rapport. En effet, l’accent a été mis surtout sur les acteurs travaillant à la frontière pour mieux appréhender la singularité de cet espace.

Page 18: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

18

Structure du rapportLe rapport présentera dans un premier moment la situation des enfants dans le pays. On s’attardera sur le cadre légal et institutionnel avant de présenter la situation concrète des enfants un peu partout dans le pays. Puis, après une brève description de la zone frontalière, nous exposerons la situation des droits des enfants qui y prévaut en nous basant principalement sur les entretiens qui ont été réalisés par le Service Jésuite aux Migrants/Solidarite Fwontalye- Haïti. Tout au cours de cette partie, nous analyserons certaines données en nous référant au cadre légal de protection des enfants dans une perspective fondée sur les droits humains. Par rapport aux différentes violations constatées, une troisième partie exposera le travail réalisé par le SJM/SFw- Haïti en vue d’apporter une réponse aux différentes violations dont sont victimes les enfants. Le rapport se terminera avec des recommandations pour les différents acteurs impliqués dans la chaîne de protection de l’enfance : État, organisation de la société civile, la famille, etc.

Page 19: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

19 Enfant cireur de chaussures, Ouanaminthe

Page 20: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

1

Service Jésuite au

Migrants / Solidarite

Fwontalye-Haïti

CHAPITRE ILA SITUATION DES DROITS DES ENFANTS EN HAÏTI

Pour traiter des droits des enfants en Haïti, nous allons d’abord examiner le cadre légal haïtien relatif à la protection des enfants. Celui-ci est constitué de dispositions nationales et internationales. Ensuite, nous revenons sur quelques faiblesses structurelles et organisationnelles qui génèrent les violations des droits des enfants dans le pays.

Cadre légal sur la protection des enfants La Constitution haïtienne de 1987, en son article 260, assure aide et protection à l’ enfance. Elle poursuit dans l’article 261 en ajoutant que : « la loi assure la protection à tous les enfants. Tout enfant a droit à l’amour, à l’affection, à la compréhension et aux soins moraux et matériels de son père et de sa mère1 ».

1  Constitution de la République d’Haïti de 1987. Version contenant des dispositions amendées. C3 Éditions. 2015, p.94

Page 21: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

21

La violation des droits des enfants a été une préoccupation au niveau international. Ce souci a porté l’Organisation des Nations Unies (ONU) à la négociation d’une convention relative aux droits des enfants. Adoptée dans la résolution 44/25 par acclamation à New York à l’unanimité des pays membres de l’ONU le 20 novembre 1989, cette convention allait être ratifiée par Haïti le 23 décembre 1994 et publiée dans le journal officiel Le Moniteur le 11 mars 1995. À partir de cette date, cette convention fait partie intégrante de la législation haïtienne comme le veut la Constitution haïtienne2. Par cet acte, l’État haïtien s’est engagé, en tant que garant des droits humains à respecter, à protéger, à mettre en œuvre les droits énoncés dans le texte qui vient d’être cité.

La Convention présente les obligations des États et les dispositions qu’ils sont appelés à prendre pour garantir et mettre en œuvre les droits de l’enfant ; c’est-à-dire tout être humain âgé de moins de dix-huit (18) ans. La convention, composée de 54 articles, garantit un ensemble de droits aux enfants comme le droit à l’enregistrement, le droit à la liberté d’expression, le droit à la sécurité sociale, le droit à l’éducation, le droit au repos et au loisir, etc.

L’article 7 de la Convention affirme que « l’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents 2 L’article 276.2 de la Constitution haïtienne stipule que «les traités ou accords internationaux, une fois sanctionnés et ratifiés dans les formes prévues par la constitution, font partie de la législation du pays et abrogent toutes les lois qui leur sont contraires ».

Page 22: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

22

et d’être élevé par eux ». Par ailleurs, les articles 28 et 29 consacrent le droit de l’enfant à l’éducation et rendent l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous. Ils esquissent les valeurs que doivent promouvoir l’éducation et les buts ultimes qu’elle est appelée à poursuivre.

En outre, elle requiert la protection de l’enfant contre toutes formes de violence, la traite d’enfant, l’exploitation sexuelle, la séparation familiale, tout travail susceptible de compromettre son éducation, sa santé ou son développement. En effet, l’article 32 précise : « Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptibles de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, moral ou social ». Plus loin, l’article 34 de la Convention aborde la question de l’exploitation sexuelle en ces termes : « Les États parties s’engagent à protéger l’enfant contre toutes les formes d’exploitation sexuelle et de violence sexuelle ».

Quant à la question de la traite, la Convention stipule dans son article 35 que les États parties prennent toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher l’enlèvement, la vente ou la traite d’enfants à quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce soit.

Tout au début de la Convention relative aux droits de l’enfant, précisément dans l’article 4 dans lequel il est précisé que : « les États parties s’engagent à prendre

Page 23: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

23

toutes les mesures législatives, administratives ou autres qui sont nécessaires pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la présente Convention ». Dans cet ordre d’idée, nous pouvons mentionner quelques-unes des mesures prises par l’État haïtien. Il y a la promulgation en juin 2014 d’une loi sur la lutte contre la traite des personnes créant subséquemment un Comité national de Lutte contre la Traite des Personnes (CNLTP). Il faut aussi dire qu’Haïti a ratifié depuis novembre 2003 la Convention interaméricaine sur le trafic international des mineurs.

Une autre loi sur la paternité, maternité et la filiation a été promulguée en juin 2014. Celle-ci a été votée par le parlement dans le but d’améliorer la situation de nombreux enfants qui n’ont pas été reconnus par leur père. Cette situation d’abandon paternel affecte considérablement le développement et l’avenir des enfants dans le pays. Aussi, la loi voulait-elle améliorer la situation de ces nombreuses familles monoparentales où le parent présent n’est pas toujours en mesure de subvenir aux besoins socio-économiques de leur progéniture.

Il est à noter que, bien avant la Constitution de 1987 et la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant par Haïti et les lois qui lui ont succédé, d’autres textes ont traité des aspects particuliers relatifs à la protection des enfants ont déjà existé. Par exemple, la loi de septembre 1961 institue le tribunal pour enfants ou encore le décret-loi de 1940 interdisant l’accès de certains lieux publics aux mineurs âgés de moins de 16 ans. Une grande partie de ces textes sont répertoriés et présentés dans un ouvrage rédigé par

Page 24: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

24

Norah A. Jean-François3.

Le cadre légal étant établi, surgit à présent la question de savoir le cadre institutionnel appliquant les dispositions qui sont prises. Dans l’un des exemples que nous venons de donner, il a été fait mention d’un tribunal pour enfants. Ce tribunal statue sur les cas des enfants en conflit avec la loi. À part cela, il y a d’autres institutions de l’État qui participent dans la protection des enfants.

Cadre institutionnelOutre le tribunal pour enfants, l’État dispose de plusieurs autres institutions intervenant dans la protection des enfants. Parmi ces instances étatiques, deux (2) d’entre elles seront présentées vu leur importance dans la chaîne de protection de l’enfant au niveau de la frontière. Il s’agit de la Brigade de Protection des Mineurs (BPM) et de l’Institut du Bien-Être social et de Recherche (IBESR).

Créée en 2002 par la Directive générale #69, la Brigade de Protection des Mineurs est une unité spécialisée attachée à la Direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ) de la Police nationale d’Haïti (PNH). Sa mission est d’assurer « la prévention des infractions commises par les mineurs et la protection des mineurs en conflit

3 Une typologie des textes de la législation en vigueur sur les mineurs en Haïti est réalisée par Norah A. Jean-François. Le livre présente la législation civile, pénale, administrative sur les mineurs en Haïti. Cf : Jean-François, Norah A. Législation haïtienne en vigueur sur les mineurs. Quatrième Edition, Port-au-Prince, 2016

Page 25: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

25

avec la loi, la prévention et la répression des crimes et délits perpétrés contre les mineurs et toutes les formes de violences intrafamiliales impliquant les enfants4 ». Sa compétence s’étend sur toute l’étendue du territoire et est habilitée à conduire toute enquête sur les infractions dont sont victimes les mineurs, comme les agressions sexuelles, les mauvais traitements et l’exploitation5. Elle dissèque son travail en quatre (4) sections : la section des enquêtes spéciales, la section de la délinquance juvénile, la section des mineurs victimes et la section des violences domestiques.

L’Institut du Bien-Être social et des Recherches (IBESR), pour sa part, relève du Ministère des Affaires sociales et du Travail (MAST). Il est la principale institution étatique chargée de la protection des enfants. L’IBESR joue un rôle majeur dans la coordination des différentes activités liées à la protection des enfants. En effet, il s’occupe de la protection sociale, la réhabilitation sociale et la promotion socioéconomique des familles. De plus, il intervient dans les processus d’adoption, supervise le fonctionnement des maisons d’enfants, assure l’insertion ou la réinsertion des enfants séparés de leur famille, etc.

Il appert que le pays prend quelques mesures législatives et s’est doté de cadre institutionnel afin de garantir les droits des enfants. Toutefois, arrivent-ils à assurer adéquatement le respect des droits des enfants dans le pays ?

4 LUCIUS, V. Michaël, le rôle de la Brigade de protection des Mineurs in Le Nouvelliste, 11 juillet 2006

5 Jean-François, Norah A. Op Cit., p. 157

Page 26: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

26

Situation des enfants dans le paysLa situation générale des droits des enfants en Haïti reste très préoccupante. Les enfants ne jouissent pas comme il se doit de leurs droits. Leur droit à la vie et à la santé, leur droit à l’éducation, leur droit à l’alimentation, etc. sont entre autres des droits qui sont constamment violés dans le pays.

La Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) garantit le droit à la vie. En son article 3, elle stipule que : tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. Toutefois, Haïti doit encore consentir plus d’efforts pour le plein respect de cette disposition de la DUDH. En effet, l’Enquête Mortalité, Morbidité et Utilisation des Services6 (EMMUS 2016-2017) révèle qu’Haïti n’a pas amélioré le niveau de mortalité infantile depuis 2012. Sur 1000 enfants nés, 59 seraient décédés avant de fêter leur premier anniversaire, soit un taux de 59‰. Quant au quotient de mortalité infanto-juvénile, il est de 81 ‰. Cela signifie que sur 1 000 enfants nés vivants, 81 seraient décédés avant de fêter leur cinquième anniversaire, poursuit l’enquête7. Ces résultats font d’Haïti le pays avec le taux de mortalité infantile le plus élevé dans la région des Caraïbes et de l’Amérique latine8. Il s’ensuit

6 Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) et. Al. Enquête Mortalité, Morbidité et Utilisation des Services (EMMUS-VI) 2016-2017. Indicateurs Clés. Septembre 2017, p.41

7  Ibid., p.42

8  Edrid St Juste. 1 enfant sur 12 meurt avant son 5e anniversaire en Haiti. in Le Nouvelliste, 5 septembre 2018. https://lenouvelliste.com/article/192280/1-enfant-sur-12-meurt-avant-son-5e-anniversaire-en-haiti

Page 27: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

27

qu’Haïti n’arrive pas encore à garantir le droit à la vie des enfants. Les défaillances du système sanitaire du pays sont l’une des causes de décès infantile.

Avec un système de santé qui n’arrive pas à assurer le droit à la santé de la population, les enfants ne peuvent qu’en payer les fâcheuses conséquences. En nous basant sur les taux de mortalité infantile, on peut dire que les enfants figurent parmi les premières victimes du système sanitaire défaillant. Ce dernier est marqué par des grèves constantes des professionnels de la santé pour de meilleures conditions de travail. La disponibilité des services dans le pays reste un problème majeur. « Le pays compte en moyenne 5,9 médecins ou infirmières et 6,5 professionnels de santé pour 10 000 habitants. Près de 125 sections communales sont dépourvues d’institution sanitaire9 ». D’autre part, les services qui sont disponibles ne sont pas accessibles aux plus pauvres, selon un rapport de la Banque mondiale10.

La jouissance du droit à l’éducation se voit également confrontée au problème d’accessibilité et de disponibilité des services scolaires. Les mesures comme le Programme de Scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO) lancé en octobre 2011 n’ont pas résolu le problème ni sur le plan quantitatif ni sur le plan qualitatif. À date, la loi sur les frais scolaires qui visait à protéger les familles contre les 9  Jean Pharès Jérôme. Haïti très mal classée en matière de couverture universelle en santé. In Le Nouvelliste, 8 décembre 2017. https://lenouvelliste.com/article/180256/haiti-tres-mal-classee-en-matiere-de-couverture-universelle-en-sante

10  Groupe de la Banque mondiale. Mieux dépenser pour mieux soigner. Un regard sur le financement de la santé en Haïti

Page 28: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

28

hausses vertigineuses des prix des écoles n’a pas été respectée. Cette loi, votée en 2009 a attendu environ 8 ans, soit en janvier 2017 pour être promulguée. . Cette situation se résume dans ces données collectées par le Ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) rapportées par un article du Nouvelliste en 2017 : « Plus de 320 000 enfants de 6 à 14 ans qui ne sont pas scolarisés sur tout le territoire. Environ 160 000 adolescents de 15 à 18 ans ne fréquentent pas l’école. Au total, toujours selon les résultats de la recherche, près de 500 000 enfants de 5 à 18 ans sont complètement exclus du système scolaire en Haïti et environ 1 million est à risque de quitter le système sans avoir fini11 »

La dégradation de la situation économique du pays marqué par un taux élevé d’inflation, le chômage, la dévaluation accélérée de la monnaie nationale détériore les conditions de vie de la population. De plus, la vulnérabilité du pays sur le plan environnemental affecte la production agricole des familles. Les enfants sont au cœur de ces tourments. Par exemple, Unicef a estimé à un demi-million les enfants qui vivent dans les zones les plus touchées par l’ouragan Matthew en Haïti12. La situation socioéconomique et environnementale accentue l’insécurité alimentaire et empêche les personnes de jouir de tous les droits dont ils sont titulaires. On peut aussi lire dans une publication du Bureau de la Coordination des Affaires

11  Emmanuel Thélusma. Résultats accablants d’une étude sur les enfants non scolarisés en Haïti. In Le Nouvelliste, 21 juin 2017. https://lenouvelliste.com/article/172281/resultats-accablants-dune-etude-sur-les-enfants-non-scolarises-en-haiti

12  https://www.unicef.org/haiti/french/media_34573.html

Page 29: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

29

humanitaire (OCHA) ces données collectées par la Coordination nationale la Sécurité alimentaire (CNSA) : « On avait estimé à environ 1,32 million de personnes la population en situation de crise ou urgence pour la période d’octobre 2017 à février 2018. Le rapport prévoyait une détérioration de la situation de sécurité alimentaire pour la période allant de mars à juin 2018 dans certaines zones en raison de la période de soudure13 ».

Domesticité, violence physique, exploitation économique, agression sexuelle, abandon sont d’autres formes de violations des droits des enfants qui sont légion dans le pays. Elles se répandent jusqu’aux zones frontalières parfois avec de petites variations dues aux spécificités de cet espace séparant Haïti et la République dominicaine. Le prochain chapitre décrira les particularités de ces violations des droits des enfants dans cette zone.

13 https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/ocha-hti-food-insecurity-20180608-fr.pdf

Page 30: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Service Jésuite au

Migrants / Solidarite

Fwontalye-Haïti

2CHAPITRE IILA SITUATION DES ENFANTS À LA FRONTIÈRE HAITIANO-DOMINICAINE

Les zones frontalières font partie intégrante du territoire du pays. Cela dit, elles font face aux mêmes difficultés que les autres régions du pays. Toutefois, en tant que zones frontalières, elles présentent certaines spécificités qui vont influer également sur les conditions des personnes qui les fréquentent et particulièrement les enfants. Pour parler des conditions de vie des enfants dans cette zone, nous allons décrire la zone frontalière et essayer de décrire la situation qui y prévaut.

La frontière haïtiano-dominicaineAprès la période dénommée par Jean Price Mars l’ère des disputes frontalières, Haïti et la République dominicaine se sont entendues sur le tracé de la frontière en 19291 avec de légères modifications en 1  Après l’accord de paix signée en 1867 entre les gouvernements d’Haïti et de la République Dominicaine, la question de la

Page 31: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

31

1935. C’est une frontière longue de près de 360 km2. Toutefois, il ne faut pas voir uniquement dans la frontière le tracé. Marie Redon nous explique que la ligne frontière n’est pas seulement démarcation, elle est aussi lieu d’interactivité. La coupure territoriale affichée au poste de contrôle prend en effet une tournure différente à quelques dizaines de mètres, la lourde charge symbolique faisant place à une vie quotidienne de relations et d’échanges économiques3. C’est dans ce contexte que nous parlons davantage de zone frontalière pour nous référer aux nombreux types d’échanges et de relations qui se développent aux alentours de cette ligne. Les 360 km de frontière ne contiennent que quatre (4) postes-frontières officiels : Ouanaminthe/Dajabon, Belladère/Elias Piñas, Malpasse/Jimani et Anse-a-Pitres/Pedernales. Plusieurs institutions des deux États sont présentes à la frontière comme la Douane, les directions traitant les questions d’immigration et d’émigration, la police, etc. Il est difficile de constater la présence de l’État haïtien sur les autres points frontières non officiels estimés à plus d’une centaine. Par contre, l’armée dominicaine contrôle presque tous ces points à travers le « Cuerpo especializado en la seguridad de la frontera terestre (CESFRONT)4 ».

frontière allait être reposée et résolue jusqu’en 1935. Jean Price Mars. La République d’Haïti et la République Dominicaine, Tome II, Éditions Henri Deschamps, pp. 367-394

2  Marie Redon. Frontière poreuse, État faible : les relations Haïti/République dominicaine à l’aune de la frontière, in Bulletin de l’Association de géographes français, 87e année, 2010-3, p. 310

3  Ibidem, p. 312

4  Corps spécialisé dans la sécurité de la frontière terrestre

Page 32: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

32

La présence de cette unité de l’armée dominicaine n’empêche pas à ces points d’être une passoire qui retient uniquement ceux et celles que l’on ne peut pas rançonner. Les réseaux de passeurs, communément appelé buscones vont servir parfois d’interface pour les négociations. Leo D. P. Bien-Aimé explique que « les émigré-e-s dépensent entre 250 à 750 gourdes (monnaie nationale haïtienne) pour la traversée. L’organisation de ce voyage clandestin se fait en étroite complicité avec des militaires dominicains, des agents de la police dominicaine et haïtienne et des agents de l’immigration haïtienne et dominicaine5 ».

Les échanges et les nombreuses relations qui s’établissent entre les agents évoluant à la frontière sont parfois source de tension entre des groupes d’intérêts multiples : militaires, passeurs, vendeurs, politiciens. Pour l’année 2018, on a enregistré plusieurs épisodes de violence qui a paralysé les activités dans presque tous les points frontaliers.

En mars 2018, suite au meurtre d’un couple dominicain à Las Mercedes (Pedernales/Anse-à-Pitres), près de 606 familles6 ont été chassées de la République dominicaine en guise de représailles puisqu’on a accusé deux Haïtiens de ce crime. Parmi les membres de ces familles qui ont été chassés à Anse-à-Pitres, plus de 60% étaient des enfants. Les relations entre

5 Leo D. Pizo Bien-Aimé. Les conditions de vie des émigré-e-s-immigré-e-s haïtien-ne-s au regard de leur expérience migratoire en République Dominicaine : une dynamique de précarité et d’absence, mémoire de licence, Faculté des Sciences humaines de l’Université d’État d’Haïti, avril 2016, p.68

6 Données collectées par le Service Jésuite aux Migrants/Solidar-ite Fwontalye-Haïti entre février et mars 2018

Page 33: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

33

les habitants de Pedernales et Anse-à-Pitres ont été paralysées pendant plus d’une semaine.

En août 2018, une situation de tension a éclaté à Belladère. Au moins six (6) personnes ont été blessées par balles qui proviendraient des armes des soldats dominicains. Les activités ont été bloquées pendant des jours.

En octobre 2018, un échange de tir entre un agent de la douane et d’un chauffeur de taxi moto a encore provoqué une situation de tension et un blocage temporaire à Ouanaminthe. On a répertorié un blessé et un mort.

En novembre 2018, soit un mois plus tard après l’altercation à la frontière de Ouanaminthe, un épisode similaire s’est passé à Malpasse. Celui-ci impliquait des agents douaniers et des membres de la population. Les conséquences ont été encore plus désastreuses. L’immeuble abritant les agents douaniers haïtiens a été incendié et six (6) personnes ont été tuées.

Ces événements qui se déroulent le plus souvent en présence d’enfants qui sont parfois des vendeurs ambulants ou entreprennent d’autres activités à la frontière ne sont pas sans conséquence sur eux. Ils sont donc exposés à toutes sortes de danger et de menaces pour leur vie. Voyons à présent plus en détail la vie que mènent les enfants dans cet espace qui vient d’être décrit.

Page 34: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

34

Les enfants à la frontièrePour avoir une vision plus globale de la situation des enfants dans les zones frontalières, le Service Jésuite aux Migrants/Solidarite Fwontalye ne s’était contenté de son expérience à la frontière. Il a également recueilli des données et des points de vue d’un ensemble d’acteurs travaillant dans les zones frontalières. Au cours de ces entretiens, plusieurs violations récurrentes de droits des enfants ont été dénoncées.

La traite et le trafic des enfants

Le trafic et la traite des enfants restent un problème très délicat à aborder. L’article 1er de la Loi sur la lutte contre la traite des personnes de juin 2014 définit la traite dans son premier paragraphe comme « le recrutement, le transport, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou recours à la force ou à d’autres formes de contraintes, par enlèvement, par la fraude, la tromperie, par abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou davantage pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre à des fins d’exploitation ». Quant au trafic, il implique une aide apportée lors de l’entrée illégale et/ou d’un séjour clandestin dans un pays.

Si la traite est présente à la frontière, le trafic d’enfant est encore plus répandu. À Malpasse un agent de l’IBESR a attiré l’attention sur les cas rencontrés. Il explique qu’au cours de l’année 2017, un ensemble de

Page 35: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

35

parents ont entrepris des démarches pour que leurs enfants puissent les rejoindre quand le flux migratoire des Haïtiens et Haïtiennes vers le Chili était à la hausse. Beaucoup d’enfants ont transité par la République dominicaine. Ces enfants n’ont pas généralement d’autorisation pour entrer en République dominicaine. Deuxièmement, les personnes qui accompagnent ces enfants n’ont pas une autorisation pour voyager avec l’enfant. Donc, il s’agit des cas de trafic, selon l’agent de l’IBESR.

À Ouanaminthe, c’est presque le même scénario. Un parent vivant en République dominicaine peut demander à un individu de rentrer avec un enfant en République dominicaine de façon irrégulière. Ces individus sont généralement des inconnus pour l’enfant. Dans ces cas, l’enfant ne sent pas à l’aise en compagnie du passeur. Cela soulève des suspicions et poussent les agents de l’IBESR, de la BPM ou d’autres agents d’organisation locale d’intervenir pour procéder à une vérification. Si l’on découvre qu’il s’agit d’un cas que l’on pourrait assimiler au trafic, l’IBESR garde l’enfant et demande à la personne de présenter les documents l’autorisant à voyager avec l’enfant en question. Parfois, les parents se déplacent pour venir chercher les enfants. Les cas enregistrés sont plus élevés au cours de la période estivale. Parfois les parents font chercher leurs enfants pour les vacances.

Les trafiquants utilisent parfois des stratégies pour essayer de tromper la vigilance des agents de l’ordre. Ils font parfois porter aux enfants des vêtements sales pour faire penser qu’il s’agit des enfants de la zone qui ne vont nulle part. Mais cela n’empêche

Page 36: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

36

que les agents les découvrent. Dans d’autres cas, les trafiquants utilisent des documents d’autres enfants et prétendent que ceux-ci appartiennent à l’enfant qu’ils accompagnent. Mais les enfants n’ont pas toujours le temps de mémoriser le nouveau qui est dans l’acte de naissance. Ce qui facilite la tâche aux agents de l’ordre.

Le trafic aboutit parfois à un abandon en pleine route. Nous avons rencontré un enfant de 13 ans à Ouanaminthe qui tentait d’entrer en République dominicaine de façon irrégulière. Vivant avec une tante au Cap-Haïtien, il a décidé d’aller en République dominicaine parce que sa tante ne pouvait ou voulait plus le prendre en charge. Il a économisé de l’argent et a payé 500 HTG à un passeur pour l’amener en territoire voisin. Abandonné à Ouanaminthe par le passeur, il a dû rebrousser chemin.

Les cas de trafic débouchent également parfois sur la traite des personnes. Les trafiquants exploitent sexuellement les enfants. Au cours de notre entrevue avec le responsable de BPM à Ouanaminthe, il nous a parlé d’un cas de viol qui s’est passé la veille. Des trafiquants violaient quatre (4) jeunes filles au moment de les conduire en République dominicaine. Des enfants sont également exploités économiquement. On les fait travailler dans les villes dominicaines limitrophes avec Haïti.

Selon les personnes interrogées, le trafic et la traite des enfants ont de graves conséquences sur leur vie. Le Coordonnateur de l’IBESR de Ouanaminthe confie que ces phénomènes occasionnent d’autres violations des droits des enfants comme l’exploitation sexuelle

Page 37: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

37

dans les boîtes de nuit, la domesticité dans des familles dominicaines, le vol d’enfants, etc. il s’agit donc d’un fléau à combattre pour l’avenir des enfants.

En 2016, le monitoring réalisé par le SJM/SFw-Haïti a révélé beaucoup de cas de traite et trafic de personnes à la frontière de Ouanaminthe. Ces données ne sont pas exhaustives puisqu’elles ne tiennent pas compte de tous les autres points de passages non officiels.

Distribution des cas de traite et trafic de personnes enregistrés à Ouanaminthe en 2016

Effectif PourcentageEnfant 1179 7.55%Homme 8814 56.43%Femme 5625 36.02%Total 15618 100%

Source : Base de données du SJM/SFw-Haïti

Le travail et l’exploitation des enfants

La frontière, étant une aire d’attraction dynamique7, contient de plus en plus d’activités. Ces dernières se multiplient avec ce que l’on appelle le marché « binational8 ». Le tableau ci-dessous présente les jours

7  Marie Redon. Frontière poreuse, État faible : les relations Haïti/République dominicaine à l’aune de la frontière, in Bulletin de l’Association de géographes français, 87e année, 2010-3, p. 314

8  La dénomination « marché binational » pour se référer au marché dominicain dans les villes frontalières dominicaine est très contestable. En effet, il ressemble beaucoup à un dominicain ouvert aux acheteurs haïtiens. En effet, ces marchés se trouvent

Page 38: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

38Enfant travailleur, Ouanaminthe

Page 39: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

39

de marché dans les différentes zones frontalières.

Marché Jour de marchéDajabón Lundi et vendrediElias Piñas Lundi et vendrediMalpaso Lundi et JeudiPedernales Lundi et vendredi

Les différents représentants des institutions travaillant à la frontière que nous avons rencontrés reconnaissent que beaucoup d’enfants haïtiens vont en République dominicaine pour travailler.. Certains enfants expliquent qu’ils ont des responsabilités envers leur famille. Ils travaillent dans les « colmados9» en République dominicaine. Ils cirent des chaussures ou portent des marchandises ou d’autres produits les jours de marché. D’autres s’adonnent à la mendicité. Parfois, ils mendient pour le compte de leur trafiquant ou d’autres personnes à qui ils doivent apporter de l’argent à la fin de la journée.

Les enfants travaillant en République sont aussi victimes parfois d’autres adultes ou mineurs plus âgés qu’eux. Les responsables que nous avons rencontrés à Kay Jezi10 nous rapportent que parfois des enfants plus

sur le territoire dominicain. Deuxièmement, il est difficile de trouver l’accord signé entre les deux États sur la question. Ces espaces sont donc régulés par les lois dominicaines et contrôlés uniquement par les autorités dominicaines.

9  Équivalent de ce que l’on appellerait « boutique » en Haïti

10  Kay Jezi est une initiative de Pères jésuites dominicain qui voulaient assister les enfants qui travaillent à Dajabón. Ces enfants sont accueillis à Hogar de Cristo où ils peuvent dormir. Après des séances de travail et de sensibilisations, certains ont décidé de laisser les rues pour aller à l’école. Kaz Jezi reçoit ces enfants, les héberge et organise leur entrée à l’école.

Page 40: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

40Expulsion à la frontière de Ouanaminthe

Page 41: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

41

âgés volent le gain d’une journée de travail d’un autre.

Les enfants sont également victimes d’exploitation ou d’agression sexuelle. Ces actes odieux sont commis par des trafiquants, des militaires dominicains ou d’autres individus de la population. Lors des tentatives pour entrer en République dominicaine de façon irrégulière, des trafiquants profitent de la vulnérabilité des enfants et du fait que les chemins empruntés ne sont pas les plus fréquentés pour violer des filles. Au moment de la visite du SJM/SFw-Haïti à Ounaminthe pour collecter des informations pour ce rapport, IBESR et la BPM traitaient un cas de viol de quatre (4) mineures perpétré par des passeurs (trafiquants). Pour l’année 2017, sur les 203 cas traités par la BPM à Ouanaminthe, on compte onze (11) cas de viol de mineurs11.

Expulsion d’enfants non accompagnés

Les enfants traversant la frontière ne sont pas tous restés dans les villes frontalières. Certains continuent leur périple et vont dans d’autres villes de la République dominicaine. Majorité d’entre eux font partie des enfants qui sont expulsés vers Haïti dans le cadre des expulsions journalières réalisées par la Direction générale de Migration (DGM) de la République dominicaine. Le tableau ci-après présente les cas enregistrés par le SJM/SFw-Haïti dans les

11 Ces données sont à titre indicatif. La BPM n’a pas les moyens nécessaires à la réalisation de son travail. Elle n’arrive donc à traiter qu’un infirme partie des cas de violations des droits des enfants dans la zone frontalière de Ouanaminthe.

Page 42: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

42

différents postes frontières officiels.

Distribution des cas d’expulsion d’enfants enregistrés à Ouanaminthe, Belladère et Fonds-Parisien

Période EffectifMai 2016- décembre 2016 308Janvier 2017 - décembre 2017 405Janvier 2018 - novembre 2018 125

Source : Base de données du SJM/SFw-Haïti12

Ces enfants présentaient des vulnérabilités différentes. De juillet à décembre 2017, ceux-là qui étaient enregistrés par l’OIM présentaient ces vulnérabilités :

Distribution des critères de vulnérabilités des enfants enregistrés

Critères de vulnérabilité des enfants EffectifEnfants et adolescents séparés/non-accompagnés 39L’enfant est en situation de domesticité 17L’enfant est en situation de rue 20L’enfant travaille (cireur de chaussures, vendeur, etc.) 13Le mineur voyage seul - non accompagné 33Le mineur n’a pas de lien avec les personnes qui l’accompagnent 7Le mineur est orphelin 9L’enfant ou l’adolescent est chef de famille monoparentale 14

L’enfant exprime le souhait d’être réunifié avec sa famille 33

Source : OIM13

12 Ces données sont collectées uniquement dans les postes frontaliers officiels. Elles ne considèrent pas les expulsions qui seraient dans les points de passage non-officiels.

13 OIM. Sitrep XI – Décembre 2017. https://drive.google.com/

Page 43: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

43

Selon les témoignages de l’IBESR, les enfants expulsés passent parfois plusieurs jours en prison. Certains ne reçoivent pas de nourriture et d’autres n’ont pas d’accès à des blocs sanitaires. Pourtant à travers le protocole signé en décembre 1999 sur les processus de « rapatriement », la République dominicaine s’était engagée à éviter la séparation de familles nucléaires (parents et enfants mineurs)14. Malgré tout, les autorités haïtiennes ne font aucune intervention pour demander le respect des droits de ces enfants.

Les violences à l’égard des enfants

L’expression violence à l’égard des enfants désigne « la maltraitance et le préjudice physique et mental, le défaut de soins ou de traitement inadéquat, l’exploitation et la maltraitance sexuelles15 ». Elle comprend différents types de violence envers les enfants comme la violence psychologique, l’agression physique, la négligence, l’exposition à la violence familiale, l’agression sexuelle. La violence à l’égard des enfants se produit dans des espaces aussi divers qu’épars : écoles, famille, prisons, la rue, la frontière, etc.

open?id=1pnA84-52m2Uxv6gNBCZEKRUzi_GuAagA

14  Le protocole sur les rapatriements dont nous detenons une version espagnole intitulé Protocolo de entendimiento sobre los mecanismos de repatriación dit au point b) ce qui suit : “Las autoridades dominicanas de migración evitarán la separación de familias nucleadas (padres e hijos menores) en los procesos de las rapatriaciones”.

15 https://www.unicef.org/french/protection/files/La_violence.pdf

Page 44: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

44

La violence physique qui désigne « toute utilisation délibérée de force physique contre un enfant qui constitue une menace à la santé, au développement et/ou au respect de soi de ce dernier16 » est très répandue à la frontière. Les enfants sont souvent victimes de bastonnade, explique un responsable de Kay Jezi. Un fonctionnaire de IBESR à Belladère a également mentionné les violences physiques à l’égard des enfants des rues à Elias Piñas. On les accuse de voleur et soutient que leur présence peut nuire au tourisme. On les stigmatise et les fait subir une violence psychologique. Cette dernière est considérée comme « une attaque répétée contre l’estime de soi d’un enfant par une personne en position de confiance ou d’autorité. La violence psychologique consiste à rejeter, à humilier, à isoler, à terroriser, à corrompre, à négliger ou à exploiter17». Les enfants sont également exposés aux nombreuses scènes de violence sur les filles et femmes qui se déroulent souvent à la frontière sans compter les violences domestiques. Un rapport du SJM/SFw-Haïti sur la violence à l’égard des femmes à Ouanaminthe a montré la prépondérance de ce type de violence de la zone18 et es enfants y sont continuellement exposés.

16  Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants. La maltraitance des enfants. Février 2012. http://www.enfant-encyclopedie.com/sites/default/files/dossiers-complets/fr/maltraitance-des-enfants.pdf

17 https://www.croixrouge.ca/nos-champs-d-action/prevention-de-la-violence-et-de-l-intimidation/parents/violence-envers-les-enfants

18  SJM/SFw-Haïti. Violence et discrimination à l’égard des femmes en Haïti : le cas de Ouanaminthe. Novembre 2016, pp. 14-17

Page 45: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

45

La question de la documentation

Comme dans le pays, le système d’enregistrement des enfants dans les zones frontalières est très défaillant. Bon nombre d’enfants n’ont jamais été enregistrés et ne détiennent pas, de ce fait, d’acte de naissance, contrairement aux engagements pris par l’État haïtien à travers la Convention relative aux droits de l’enfant. Quand ils en ont un, celui-ci n’est généralement pas enregistré aux Archives nationales d’Haïti. À Belladère, l’agent de l’IBESR avec qui nous avons discuté estime à environ 70% le nombre d’enfants accompagnés ne détenant pas d’acte de naissance.

Certains acteurs interrogés ont identifié comme causes une négligence de la part des parents et un manque d’information et de moyens économique. Il faut aussi noter des causes structurelles qui ont été soulignées dans le cadre d’une étude19 réalisée en 2007 par le Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR) sur le système de l’état civil haïtien. D’un autre côté, dans le cadre de l’exécution du projet intitulé PwoKonTraM20, le SJM/SFw-Haïti a repéré un ensemble de contraintes21 auxquelles le système fait face. Il s’agit d’un problème d’accessibilité des bureaux d’état civil à population, un problème de matériels et de ressources, problème de formation du personnel 19 GROUPE D’APPUI AUX RAPATRIES ET REFUGIES. Diagnostic des systèmes d’enregistrement à l’état civil et d’Identification nationale en Haïti, Port-au-Prince, Novembre 2007.

20  Prokontram est l’accronyme d’un projet implémenté par le SJM/SFw-Haïti dont le titre complet est : Pwoteje kondisyon travay moun.

21  https://drive.google.com/open?id=16MA3NJZf_n9MIjiAbkrk1j6ugiS46ioy

Page 46: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

46

des bureaux d’état civil, des problèmes politiques et bureaucratiques.

Le non-enregistrement des enfants constitue non seulement une violation de leur droit, mais entraîne d’autres violations à l’avenir. Cela dit, l’État haïtien compromet grandement l’avenir de ces enfants. En effet, ces derniers risquent l’apatridie. En n’étant enregistrés nulle part, les enfants ne pourront prouver avec des documents légaux leur nationalité. Ils ne pourront, de ce fait demander un passeport, une carte électorale, ouvrir un compte bancaire, acheter une propriété, etc. Il s’ensuit que cette personne ne pourra à aucun moment, sans l’obtention de cet acte, participer dans la vie civile et politique du pays.

Le droit à l’éducation

Si nous considérons tout ce qui a été dit sur le travail des enfants, le droit à l’enregistrement à l’état civil, il paraît évident que les enfants ne jouissent pas pleinement leur droit à l’éducation. Beaucoup d’enfants ne vont pas à l’école. Plusieurs raisons expliquent ce fait. Le responsable de Ouanaminthe a pointé du doigt l’incapacité de l’État à offrir l’éducation à tous les enfants. Le Directeur du Centre d’encadrement d’enfant HA 715 de l’Église Chrétienne de Fonds-Parisien abonde dans le même sens en précisant qu’à Fonds-Parisien, seulement trois professeurs sont nommés à l’école nationale. De leur côté, les parents n’ont pas toujours les moyens pour couvrir les autres dépenses de scolarisation de leurs enfants. Le Directeur cite en exemple le programme qu’il dirige

Page 47: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

47

qui subventionne une grande partie de ces dépenses. À cause de la dégradation des conditions de vie des familles, les parents n’arrivent pas toujours à combler les dépenses qui ne sont pas prises en charge.

Un autre phénomène important a été souligné dans les quatre (4) zones frontalières. Il s’agit du fait que de nombreux enfants haïtiens sont scolarisés en République dominicaine. Ils traversent la frontière chaque matin pour aller à l’école. L’école dominicaine et celle d’Haïti présentent de nombreuses différences en termes de langue d’enseignement, du curriculum de façon générale, de l’histoire, de la géographie, du civisme en particulier. Cette situation risque de produire, selon des personnes interviewées, une acculturation de ces enfants fréquentant l’école dominicaine dès leur premier âge.

L’État haïtien, de son côté, ne s’est jamais penché sur cette question. Les enfants haïtiens continuent à traverser la frontière pour aller à l’école. S’il y a des turbulences à la frontière, ces élèves restent chez eux et perdent ainsi les jours de classe. De plus, de nombreux élèves ratent généralement les premières heures de cours puisque la rentrée des classes n’attend pas l’ouverture de la frontière. Certains cours commencent dès 7h AM alors que l’on ouvre les barrières de la frontière après 8 heures AM.

Il faut également souligner une discrimination dont sont victimes certains enfants en fonction de leur zone de naissance. Quand on demande à certaines personnes si les enfants de la commune ont accès à l’éducation, elles ont divisé la commune en deux

Page 48: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

48

parties. À Belladère et Ouanaminthe, elles ont dit qu’une grande partie des enfants de la ville (ville de Belladère ou Ouanaminthe) vont à l’école. Cependant les enfants des autres sections ou quartiers ont beaucoup plus de difficulté pour s’y rendre.

Les contraintes à la frontièreLes acteurs présents à la frontière rencontrent de nombreuses difficultés qui les empêchent de venir en aide à la majorité des enfants victimes chaque jour de violation de leurs droits. Ils font face entre autres à un manque de ressources humaines, une insuffisance de matériels de travail, un problème de coordination et une absence d’une volonté politique de l’administration centrale pour répondre aux problèmes urgents que connaît le système de protection.

La question de personnel est l’un des problèmes clés de la chaîne de protection de l’enfance. Du côté de la Brigade de protection des mineurs par exemple, on ne retrouve qu’un seul agent dans les commissariats ou sous-commissariats des zones frontalières. Ce qui est largement insuffisant quand on considère les différentes zones dans lesquelles l’agent est appelé à intervenir. Par exemple, en plus de la ville de Ouanaminthe, l’agent de la BPM a sous sa responsabilité des zones comme Ganisé, Capotille, Carice, etc. Ce sont des zones où l’on enregistre beaucoup de cas de violation des droits des enfants : travail forcé, viol, maltraitance, confie l’inspecteur

Page 49: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

49

de la BPM… Il est difficile pour l’agent de la BPM de pouvoir visiter toutes ces zones pendant une semaine. Et s’il y arrive, il n’aura pas peut-être suffisamment de temps pour traiter tous les dossiers. Un problème de ressources matérielles est également à considérer.

Pour réaliser ses différentes activités, l’agent reçoit seulement 2,500.00HTG par mois pour carburant. Ce montant ne peut pas couvrir tous les voyages dans toutes les zones qui viennent d’être mentionnées. De plus, la BPM ne dispose d’aucun moyen pour donner une première assistance à un enfant victime. Parfois témoigne le responsale, les enfants dorment sur les bancs au commissariat. Il n’y a pas de salle de séjour qui permettrait l’hébergement des enfants. La BPM n’est pas en mesure d’offrir un plat chaud aux enfants faute de moyens.

L’inspecteur de la BPM de Fonds-Parisien fait face aux mêmes difficultés. Il ne dispose d’aucun moyen de déplacement pour mener à bien sa mission. Il ne peut pas faire d’inspection, de visites, etc. Ne disposant pas non plus de moyens pour repondre aux premiers besoins de l’enfant en situation difficile (nourriture, hebergement...), il ne peut que le référer à une organisation de la société.

Les constats et les entretiens réalisés par le SJM/SFw-Haïti montrent que les contraintes énumérées par le Directeur central de la Police judiciaire, M. Michael V. Lucius en 2006 paralysent encore la BPM. Dans un article du Nouvelliste, M. Lucius déclarait : « les moyens de toutes sortes sont quasiment inexistants. Ce qui engendre comme conséquence que les déplacements

Page 50: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

50

du personnel aux fins d’enquêtes judiciaires sont aléatoires22».

La BPM n’est pas l’unique institution à faire face à ces difficultés. L’IBESR doit également jongler avec ses nombreuses contraintes dans les différents points frontaliers. Avec un personnel en majeure partie contractuel, l’IBESR fait aussi face à un problème de personnel même si son effectif est supérieur à celui de la BPM. Les responsables de l’IBESR déplorent également un manque d’équipement et de matériels. À Ouanaminthe, ils n’ont pas de centre d’accueil pour la prise en charge des enfants. Ils sont obligés de les référer à des organisations de la société civile qui gèrent des centres pour les enfants en fonction des partenariats ou des projets en cours d’exécution dans la zone. Ils ne disposent pas non plus de de véhicule pour transporter les enfants victimes dans ces espaces d’accueil et de prise en charge.

L’Institut ne dispose pas de local de travail. Elle est logée à la mairie de la ville. Pourtant l’IBESR est le principal organe étatique qui coordonne et met en œuvre la politique de protection de l’enfance de l’État.

Les acteurs, étant divers, doivent coordonner leurs interventions afin d’avoir de meilleurs résultats. Si dans certaines zones la collaboration entre les différents acteurs est harmonieuse, dans d’autres zones, la situation se présente autrement. En effet, à Fonds-Parisien, on a expliqué la façon dont certains policiers n’étant pas affectés à la BPM traitent les

22 LUCIUS Michael. Le rôle de la Brigade de Protection des Mineurs. In Le Nouvelliste, 11 juillet 2006

Page 51: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

51

enfants en faisant fi de leur statut de mineur. Les autres fonctionnaires des institutions étatiques présents à la frontière ne reçoivent pas généralement de formation sur les étapes et les démarches à suivre face à des cas impliquant des enfants. Cela provoque parfois des discussions.

En ce sens, un inspecteur de la BPM regrette le fait que le « projet DIP » n’a pas fait long feu. Il s’agissait d’une initiative datant des années de 2010 et 2011 qui visait à réunir les agents de douane, de l’immigration et la police pour des sessions de formation pouvant leur permettre de mieux coordonner leur travail à la frontière. Si ce programme avait fait long feu, cela aurait pu faciliter une compréhension commune de l’application de la convention et des lois de protection de l’enfance dans les zones frontalières .

En termes de politique de protection de l’enfance, l’État haïtien doit doubler ses efforts afin de répondre aux exigences de la Convention relative aux droits de l’enfant. Il y a certes un document de « stratégie nationale sur la protection de l’enfance » de 2015 à 2020 qui essaie de définir des actions stratégiques cohérentes pouvant permettre l’atteinte des résultats concrets pour le bien-être des enfants. Mais ce document devait être complété par un plan d’action national et des plans d’action départementaux. On es malheureusement pas sûr que ces documents ont pu être élaborés. Il a été impossible de trouver l’un de ces documents.

Cette absence d’orientation fait penser aux déclarations d’un représentant de l’IBESR disant que l’État n’a pas

Page 52: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

52

un programme de protection de l’enfance, mais plutôt de petit projet. Même le personnel est payé par des projets. Cela veut dire que la fin des projets entraîne la fin du contrat d’une personne. Du coup, moins d’attention aux problèmes de l’enfant. De leur côté, les organisations de la société civile manquent de moyen pour endosser toute la responsabilité.

Bien que les manques constatés soient nombreux, il y a beaucoup de gaspillage dans le secteur de la protection des enfants en Haïti, et surtout à la frontière, confie un cadre interrogé à Ouanaminthe. Certaines personnes profitent pour s’enrichir au détriment de la situation des enfants. Tout cela s’explique par un manque de vision et de leadership au niveau de l’État, conclut l’interviewé.

Page 53: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

53 Registre d’un bureau d’état civil

Page 54: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Service Jésuite au

Migrants / Solidarite

Fwontalye-Haïti

3CHAPITRE IIIENGAGEMENT DU SJM/SFW- HAÏTI DANS LA PROTECTION DE L’ENFANCE

Face à cette situation, le Service Jésuite aux Migrants/Solidarite Fwontalye-Haïti dont la mission consiste à accompagner, servir et défendre les droits et la dignité des migrant-e-s, des personnes déplacées et des rapatrié-e-s victimes d’agressions, d’abus et de violence (physiques, sexuels, moraux, etc.) ainsi que les membres de leurs familles, en quelque point du territoire haïtien où ils se trouvent veut apporter sa contribution. Ainsi, conformément à sa mission, le SJM/SFw-Haïti fournit une assistance humanitaire aux personnes vulnérables victimes de violations de leurs droits et fait du plaidoyer pour le respect des dits droits et la mise en œuvre de programmes et politiques pour l’application des droits de la personne.

Considérant la complexité du phénomène migratoire, le SJM/SFw-Haïti implémente également des programmes visant à prévenir la migration irrégulière. De même, il s’intéresse à d’autres groupes spécifiques présentant des vulnérabilités particulières, dont des

Page 55: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

55

enfants, et intervient dans des domaines transversaux comme la documentation.

Il est aussi important de souligner des mesures institutionnelles prises par le SJM/SFw-Haïti pour promouvoir les droits des enfants. En effet, il se donne une politique interne de protection des enfants. Ce document qui exprime la vision du SJM/SFw-Haïti et l’importance accordée à cette thématique définit les exigences faites aux personnes qui interviennent dans le travail avec les enfants.

D’autre part, de juin 2016 à décembre 2018, le Service Jésuite aux Migrants/Solidarite Fwontalye-Haïti a mis en œuvre un projet dénommé «Pwoteje Kondisyon Travay Moun (PwoKonTraM)». Ce projet visait à réduire la prévalence du travail des enfants et améliorer les conditions de travail et les droits des travailleurs à travers un ensemble d’interventions intégrées qui engagent le gouvernement, la société civile et le secteur privé. Ce projet, financé par le Catholic Relief Services (CRS) avec des fonds du département d’État américain a été exécuté dans les départements du Nord, du Nord’Est et des différentes zones frontalières par cinq (5) acteurs : JURIMEDIA, CLES, HAITI SURVIE, SJM, AVSI.

À travers ce projet, le Service Jésuite aux Migrants/Solidarite Fwontalye-Haïti a accompagné de nombreuses personnes pour l’obtention de document d’identité dans les différentes zones frontalières comme Ouanaminthe, Capotille, Fonds-Parisien, Belladère et Anse-à-Pitres. Une grande partie de ces personnes sont des enfants. En effet, parmi les

Page 56: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

56

personnes qui ont reçu un acte de naissance, 56.8% sont des enfants, tandis que 52.8% des bénéficiaires d’un extrait des archives sont des enfants. Le tableau ci-après présente ces données de manière plus détaillée.

Répartition du nombre de personnes ayant obtenu un document légal par type de document selon la catégorie d’âge

Type de documents

0-14 ans

15-17 ans

18 ans et plus Total

Acte de naissance 1444 209 1255 2908

CIN 13 13

Extrait d’archives 161 91 225 477

Source : Base de données du SJM/SFw-Haïti

Par ailleurs, il faut aussi mentionné que SJM/SFw-Haïti a facilité une assistance légale un plus grand nombre de personnes dans les différentes zones frontalières. Le tableau ci-dessous donne une idée plus générale du nombre de bénéficiaires.

Page 57: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

57

Répartition du nombre de personnes ayant reçu une assistance pour l’obtention de documentation légale par type de document selon la zone géographique

Communes Acte de Nais. CIN

Extrait des

archivesTotal

Belladère 500 0 500 500

Anse-à-Pitres 1480 0 1480 1480

Fonds-Parisien 600 0 600 600

Othe 445 64 445 445

Capotille 309 0 309 309

Source : Base de données du SJM/SFw-Haïti

Outre ces actions envers des familles des zones frontalières, le SJM/SFw-Haïti fournit un accompagnement aux bureaux des officiers d’état civil de ces zones. Celui-ci consiste à distribuer des matériels et des équipements de travail comme classeurs, motocyclettes, ventilateurs, chaises, etc. Un renforcement des capacités organisationnelles des bureaux a été également réalisé en animant des séances de formations pour le personnel du bureau de l’état civil à Anse-à-Pitres et une prise en charge du salaire de certains membres du personnel. Parallèlement, des campagnes de sensibilisations sur les droits des enfants et l’importance de la documentation ont été réalisées au niveau national.

D’autres actions sont entreprises pour accompagner

Page 58: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

58

les enfants expulsés de la République dominicaine. Un centre d’accueil à Ganthier a été équipé pour les prendre en charge avec un personnel capable de les accompagner en attendant leur réinsertion dans leur famille. Des centaines d’enfants ont pu bénéficier de ce soutien au cours des deux dernières années à Fonds-Parisien. Présentement, le SJM/SFw-Haïti fournit également un accompagnement socio-économique aux familles de réinsertion afin que ces dernières puissent renforcer leurs activités génératrices de revenus (AGR) pour une meilleure prise en charge des enfants.

À travers un nouveau projet dénommé « Pwoteje m se dwa m » financé par l’Union européenne, le SJM/SFw-Haïti continue de renforcer la capacité des autorités étatiques à Ouanaminthe et Fonds-Parisien en réalisant des séances de formations dans les différentes zones frontalières sur la protection des enfants et le cadre légal national et international relatif aux droits des enfants applicables en Haïti. Des acteurs de la société civile prennent part également à ces séries de formations et réfléchissent ensemble sur les mécanismes à mettre en place pour la protection des enfants dans la communauté. Au bureau de Ouanaminthe, une assistance légale est fournie aux enfants victimes de viol, de harcèlement, etc. Les parents bénéficient également d’un accompagnement pour l’obtention d’acte de naissance des enfants dans les zones du projet. De plus, le SJMSFw-Haïti travaille avec différents enfants d’abandon, de maltraitance, d’exploitation, de négligence, etc. Ces différentes activités s’étendront jusqu’en décembre 2019.

Page 59: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

59

Au-delà des activités exécutées dans le cadre du projet, le SJM/SFw-Haïti continuera à fournir l’assistance nécessaire aux enfants victimes de violation de droits.

Les défisLe SJM/SFw-Haïti partage l’avis de certains acteurs participant dans la collecte des informations pour l’élaboration de ce rapport. Il est constaté que des progrès, aussi faibles qu’ils puissent être, ont été réalisés. En effet, sur le plan légal, il y a un ensemble de textes de loi qui ont été votés. Il y a également la présence d’un ensemble d’acteurs étatiques qui interviennent sur la thématique de la protection de l’enfant. Néanmoins, les défis restent énormes malgré les efforts consentis. Certaines catégories d’enfants dont les enfants-parents nécessitent un accompagnement très spécial qui peine encore à voir le jour faute de ressources nécessaires.

On entend par enfant-parent toute personne âgée de moins de 18 ans avec un ou plusieurs enfants à sa charge. Les enfants-parents constituent une catégorie qui mériterait un accompagnement tenant compte de la complexité de leur cas. Ils constituent généralement des familles monoparentales. Cela dit, ils doivent prendre à leur charge la responsabilité d’un ou de plusieurs enfants tout seuls alors qu’ils ne sont même pas encore prêts pour ces responsabilités faute de maturité physique, psychologique, économique, etc.

Un autre défi important pour les organisations et les institutions est d’arriver à garder les enfants dans les

Page 60: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

60

familles après leur réinsertion. Parfois, l’enfant qui est réinséré dans sa famille ne s’identifie plus au cadre familial. L’expérience faite en République dominicaine ou à la frontière lui donne une autre appréhension de son environnement familiale. Dans d’autres cas, ce sont les parents eux-mêmes qui se déresponsabilisent envers leurs enfants. Ils leur demandent de partir pour aller travailler afin de contribuer dans les dépenses de la maison. De ce fait, la question de la rétention des enfants reste une grande préoccupation.

Des efforts sont consentis pour mieux coordonner les actions des acteurs impliqués dans la protection. En ce sens, Ouanaminthe s’est doté du Groupe de Travail de Protection de l’Enfant (GTPE) depuis 2014. Cependant, il reste à répliquer cette initiative dans d’autres zones frontalières pour mieux promouvoir et assurer la protection de l’enfant.

Page 61: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

61 Atelier de travail avec un groupe d’Officier d’état civil

Page 62: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Service Jésuite au Migrants / Solidarite

Fwontalye-Haïti

CONCLUSIONS ETRECOMMAN-DATIONS

La situation des droits des enfants dans les zones frontalières reste préoccupante. Les violations des droits sont récurrentes. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce fait. Les institutions étatiques chargées d’assurer la protection et la promotion des droits des enfants sont sous-équipées. De plus, ces instances n’ont pas les ressources humaines suffisantes pour faire face aux nombreux défis que connaît le secteur. Les organisations de la société civile ont des ressources limitées qui ne leur permettent pas d’apporter toute l’assistance nécessaire.

Face aux nombreuses difficultés rencontrées par les acteurs travaillant sur le terrain, ces derniers attirent l’attention sur certains aspects. D’abord on a souligné la coexistence de deux (2) éléments contradictoires, à savoir un manque de ressources financières pour prendre en charge les enfants et un gaspillage de ressources par d’autres acteurs au nom des enfants. En ce sens, il a été demandé à l’État de définir le

Page 63: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

63

cadre pouvant orienter les actions à entreprendre en fonctions des priorités qu’il a préalablement définies. Cela pourrait aider à une allocation plus intelligente des ressources. Cela aiderait également à sortir de la logique de projet pour développer des programmes pouvant attaquer les racines des problèmes afin d’apporter des solutions durables.

Une approche participative doit être également au centre de la stratégie à adopter. En effet, il est important de prendre en compte dans la définition des actions l’expérience des acteurs travaillant directement sur le terrain et qui développent ainsi des rapports de proximité avec les bénéficiaires. Il faut donc consulter les différents acteurs de terrain afin que ces derniers puissent donner leur contribution dans l’élaboration de politiques publiques afin de pouvoir proposer des solutions réalistes. De plus, la société civile doit jouer également son rôle en faisant du plaidoyer pour exiger l’État de prendre ses responsabilités dans le respect et la mise en œuvre de toutes les dispositions légales relatives aux droits de l’enfant. Elle doit veiller à ce que l’État élabore des politiques publiques pour garantir le respect des droits humains.

La capacité technique des différents acteurs doit être également renforcée en réalisant des séances de formation. Cela permettra aux acteurs de se mettre à jour et mieux aborder la question de la protection de l’enfance

On doit avoir également des centres de réinsertion sociale pour prendre en charge les enfants des rues et les enfants expulsés de la République Dominicaine

Page 64: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

64

n’ayant pas de famille proche ou de maison. Un espace de travail adéquat, doté d’équipement et de matériels pour mieux réaliser le travail est nécessaire pour une institution étatique comme IBESR.

La protection de l’enfance est très complexe. Les interventions des organisations de la société doivent être renforcées par d’autres mesures. Par exemple, une organisation peut prendre en charge les frais scolaires d’un mineur. Mais si les parents n’ont pas de moyens pour lui nourrir ou lui acheter une chaussure, l’enfant peut tout de même perdre l’année scolaire. Cela dit, on doit avoir des programmes pouvant permettre aux familles vulnérables de générer de revenus afin de pouvoir subvenir aux besoins des enfants. Ces familles ont également besoin d’être formées et sensibilisées sur les droits des enfants et les attitudes à adopter avec eux afin qu’ils puissent grandir dans l’amour et le bonheur.

Les collectivités territoriales peuvent jouer également un rôle important dans la mise en œuvre des droits de l’enfant en créant des espaces de jeu et de loisir ; en gardant un environnement propre et en promouvant les droits des enfants dans toutes leurs activités.

Page 65: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

65

Page 66: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Service Jésuite au Migrants / Solidarite

Fwontalye-Haïti

BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE

BIEN-AIMÉ, Leo D. Pizo. Les conditions de vie des émigré-e-s-immigré-e-s haïtien-ne-s au regard de leur expérience migratoire en République Dominicaine : une dynamique de précarité et d’absence, mémoire de licence, Faculté des Sciences humaines de l’Université d’État d’Haïti, avril 2016

Constitution de la République d’Haïti de 1987. Version contenant des dispositions amendées. C3 Éditions. Port-au-Prince, 2015

FAPEO. L’évolution de la place de l’enfant dans la société, Septembre 2008, p. 7

GROUPE D’APPUI AUX RAPATRIES ET REFUGIES. Diagnostic des systèmes d’enregistrement à l’état civil et d’Identification nationale en Haïti, Port-au-Prince, Novembre 2007.

Groupe de la Banque mondiale. Mieux dépenser pour mieux soigner. Un regard sur le financement de la santé en Haïti

Page 67: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

67

JEAN-FRANÇOIS, Norah A. Législation haïtienne en vigueur sur les mineurs. Quatrième Edition, Port-au-Prince, 2016

Jean Price Mars. La République d’Haïti et la République Dominicaine, Tome II, Éditions Henri Deschamps

LUCIUS, V. Michaël, le rôle de la Brigade de protection des Mineurs in Le Nouvelliste, 11 juillet 2006

Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP). Enquête Mortalité, Morbidité et Utilisation des Services (EMMUS-VI) 2016-2017. Indicateurs Clés. Septembre 2017

OIM. Sitrep XI – Décembre 2017.

Protocolo de entendimiento sobre los mecanismos de repatriación,

REDON, Marie. Frontière poreuse, État faible : les relations Haïti/République dominicaine à l’aune de la frontière,

RNDDH. Défaillance du système de protection des mineurs en Haïti, novembre 2014.

SJM/SFw-Haïti. Violence et discrimination à l’égard des femmes en Haïti : le cas de Ouanaminthe, novembre 2016

Page 68: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Service Jésuite au Migrants / Solidarite

Fwontalye-Haïti

ANNEXE

Guide d’entretien pour la collecte d’informations pour le rapport sur les droits des enfants

1) Quelles sont les violations des droits humains, et en particulier des droits des enfants, que l’on peut ob-server à Ouanaminthe / Belladère, Anse-à-Pitres, Gan-thier / Fonds-Parisien ?

2) Comment les phénomènes du trafic de personnes, la traite de personnes affectent-ils les enfants vivant dans cette zone frontalière et les zones avoisinantes ?

3) Que pouvez-vous nous dire sur la situation des enfants non accompagnés expulsés de la République Dominicaine dans cette zone frontalière ?

4) Les enfants de votre commune, ont-ils accès à l’éducation ? Si non, pourquoi ?

5) Les enfants de votre commune ont-ils accès aux services de santé ? Si non, pourquoi ?

6) Y a-t-il des enfants qui traversent la frontière quo-tidiennement par exemple pour aller à l’école ou pour

Page 69: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Droits Humains Sans FrontièreLa situation des enfants dans les zones frontalières d’Haïti

69

travailler ? Si oui, pourquoi et comment cela les affecte-il ?

7) Quel est le pourcentage d’enfants dans votre com-mune qui ne possède pas de documents d’identité ? Pas d’actes de naissance ? D’où vient ce problème ? Quelles sont les conséquences de ce problème sur la vie de ces enfants ?

8) Quel est le rôle de votre institution pour défendre les droits des enfants dans la zone frontalière de Oua-naminthe / Belladère, Anse-à-Pitres, Ganthier / Fonds-Parisien ?

Quelles procédures suit votre institution ?

9) Selon vous, quels sont les manques en matière de protection des droits des enfants dans la zone fron-talière de Ouanaminthe / Belladère, Anse-à-Pitres, Gan-thier / Fonds-Parisien ? Quel est le rôle de l’État ? Et de la société civile ?

10) Pouvez-vous nous présenter en chiffre votre travail avec les enfants pour la période allant de juin 2016 à date (novembre 2018) ?

11) Quelles sont les plus grandes difficultés auxquelles vous faites face et vos recommandations.

12) Peut-on dire que les conditions de vie et le respect des droits des enfants s’améliorent dans votre zone d’intervention / votre commune/ votre région ?

13) Pensez-vous que l’État haïtien prend les mesures nécessaires pour protéger et garantir le respect des droits des enfants ? Si non, que devait faire l’État pour protéger et garantir le respect des droits des enfants ?

Page 70: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE
Page 71: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

Port-au-PrinceDécembre 2018

Page 72: DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE

DROITS HUMAINS SANS FRONTIÈRE