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Prise en charge Masso-Kinésithérapique
D’un Rugbyman Professionnel à 4 mois d’une rupture de LCA
opérée par ligamentoplastie selon la technique DIDT
Institut Régional de Formation aux Métiers de la Rééducation et
Réadaptation
Pays de la Loire
54, Rue de la Baugerie, 44230 SAINT-SEBASTIEN SUR LOIRE
Nicolas CAMPION
Travail Écrit de Fin d’Études
En vue de l’obtention du Diplôme d’État de Masseur-Kinésithérapeute
Année Scolaire : 2013 - 2014
RÉGION DES PAYS DE LA LOIRE
REMERCIEMENTS
Pour la réalisation de ce travail écrit, j’ai pu bénéficier de l’aide et du soutien de plusieurs
personnes que je souhaiterais remercier :
- Fabrice Cercleron, mon tuteur à l’institut, pour sa présence, son implication et ses
conseils tout au long de l’année
- Sylvie Voyer-Moisan, la documentaliste de l’école, pour les nombreux articles et
ouvrages qu’elle m’a aidé à trouver
- Ma famille, pour son soutien au cours de ces trois années de formation
- Benoît, Christophe et Michel, grâce à qui j’ai appris beaucoup sur le métier de
Masseur-Kinésithérapeute dans le milieu du sport, et qui m’ont permis de suivre ce
cas clinique
- Et M. C. sans qui tout ce travail n’aurait pas été possible, et dont je suis fier d’avoir
participé à la rééducation.
RÉSUMÉ / SUMMARY
Le cadre de rééducation d’un sportif professionnel blessé est particulier. Après une rupture
de ligament croisé antérieur opérée, plusieurs phases se succèdent. L’étude de ce cas
clinique met en lumière la phase qu’on nomme phase « d’athlétisation » chez un rugbyman
professionnel.
Il s’agit de la transition entre les premiers mois post-opératoires et la reprise de la
compétition. C’est la phase de la rééducation où le patient est le plus actif. Il s’agit de
trouver un compromis en intensifiant la dynamique de rééducation, sans pour autant mettre
en danger le patient.
Après une introduction sur le contexte de la prise en charge, suivie d’une présentation
anatomo-pathologique, les bilans masso-kinésithérapiques ainsi que le traitement détaillé
seront présentés. Puis, une réflexion sur les conditions de travail dans le milieu du sport
professionnel, illustrée d’un exemple observé sur le terrain de stage, viendra conclure ce
travail écrit.
The rehabilitation background of a professional sportsman is specific. There are several
phases after a surgery following an anterior cruciate ligament injury. This clinical case of a
professional rugby player highlights the phase called “athletization”.
This transition period takes place between the first’s postoperative months and the return to
competition. The patient is the most active during that phase. It is essential to find the right
balance in stepping up the rehabilitation process without jeopardizing the rest of the
patient’s rehabilitation.
After an introduction on the background, followed by an anatomical presentation, check up
and treatment will be presented. Then, a study of the work conditions in the field of
professional sport, illustrated by an example, will conclude this paper.
MOTS CLÉS / KEY WORDS
- Athletization
- Anterior Cruciate Ligament
- Ligamentoplasty
- Rehabilitation
- Rugby
- Athlétisation
- Ligament Croisé Antérieur
- Ligamentoplastie
- Rééducation
- Rugby
SOMMAIRE
1 INTRODUCTION ................................................................................................................... 1
1.1 Contexte de prise en charge ........................................................................................ 1
1.2 Choix du patient........................................................................................................... 1
1.3 Questionnement initial ................................................................................................ 2
2 GENERALITES ....................................................................................................................... 2
2.1 Anatomie et biomécanique du genou ......................................................................... 2
2.2 Rupture du LCA ............................................................................................................ 3
2.3 Traitement conservateur ou chirurgical ...................................................................... 4
2.3.1 Traitement conservateur ..................................................................................... 4
2.3.2 Traitement chirurgical .......................................................................................... 4
2.4 Le Rugby, historique et différents postes .................................................................... 5
3 CAS CLINIQUE ...................................................................................................................... 6
3.1 Bilan Diagnostique Kinésithérapique .......................................................................... 6
3.1.1 Déficits de structure et de fonction ..................................................................... 6
3.1.2 Limitations d’activité .......................................................................................... 11
3.1.3 Restrictions de participation .............................................................................. 12
3.1.4 Diagnostic kinésithérapique ............................................................................... 12
3.1.5 Problématique .................................................................................................... 12
3.1.6 Objectifs de prise en charge ............................................................................... 13
3.2 Traitement MK ........................................................................................................... 13
3.2.1 Principes de rééducation .................................................................................... 14
3.3 Résultats .................................................................................................................... 23
4 DISCUSSION ....................................................................................................................... 25
5 CONCLUSION ..................................................................................................................... 28
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
1
1 INTRODUCTION
1.1 Contexte de prise en charge
Ce travail écrit repose sur une prise en charge rééducative (cas clinique), réalisée au cours
d’un stage dans un club de rugby professionnel du Top 14 (première division du
championnat de France de rugby), le Stade Toulousain Rugby.
L’équipe du staff médical se compose de deux médecins généralistes et de
trois masseurs-kinésithérapeutes, travaillant en collaboration avec trois
préparateurs physiques. Leur travail se base sur le groupe des 37 joueurs
professionnels de l’équipe première, ainsi que de certains « espoirs », parfois
amenés à être surclassés en équipe A.
Au cours du stage, j’ai eu la chance d’être un des acteurs de la rééducation d’un des joueurs
du groupe professionnel. Après son opération à la Clinique du sport médico-chirurgicale
Médipole Garonne, le patient a passé une partie de sa rééducation au CERS de Saint-
Raphaël. Elle se déroule à présent au centre d’entraînement du Stade Toulousain.
1.2 Choix du patient
Il s’agit de M. C., 32 ans, joueur professionnel de rugby depuis 1998. Il a subi une rupture
totale du ligament croisé antérieur du genou droit, lors d’un match de championnat en avril
2013. Cette rupture est accompagnée d’une atteinte du ligament croisé postérieur du même
genou, ainsi que d’une lésion méniscale interne postérieure. Il est opéré le 29 avril, par
ligamentoplastie selon la technique du DIDT (Droit Interne Demi Tendineux). Au premier jour
de mon stage, il se trouve donc à 4 mois post opératoires.
Il a été le premier joueur dont je me suis occupé en soins après sa séance de musculation,
soit le premier jour de stage. La séance de soins était composée de massages de
récupération au niveau des membres inférieurs.
Cela a permis d’établir un premier contact avec le patient. Nous avons discuté des
circonstances de l’accident, du déroulement de sa rééducation jusqu’à présent, et de la
manière dont il appréhendait son avenir.
Le patient a semblé très enclin à se confier. Il possède une très bonne connaissance de son
corps, de par son métier et ses antécédents, ce qui a permis d’être très précis dans chacune
des actions effectuées. Il semble également motivé et très sérieux, ce qui s’est rapidement
confirmé par la suite.
Ce premier contact s’est très bien déroulé, ce qui a incité M. C. à me solliciter régulièrement
pour ses soins après ses différentes séances d’entraînement physique. Cela m’a donc poussé
2
à participer avec mon tuteur aux premières séances de kinésithérapie, puis à les réaliser par
moi-même par la suite, avec un encadrement.
1.3 Questionnement initial
Plusieurs questions me sont venues à l’esprit au début de cette prise en charge, la principale
étant : en quoi cette prise en charge peut-elle différer d’une prise en charge « classique » de
ligamentoplastie après rupture du ligament croisé antérieur?
En effet, différents facteurs rendent le contexte de rééducation particulier :
- Le fait que le patient soit sportif de haut niveau influence-t-il sa rééducation ?
- Si oui, en quoi ?
- Quel sont les rôles du Masseur-Kinésithérapeute et du préparateur physique dans ce
type de rééducation ?
2 GENERALITES
2.1 Anatomie et biomécanique du genou
Le genou est composé de deux articulations au sein d’une même « poche » articulaire :
l’articulation fémoro-patellaire et l’articulation fémoro-tibiale (Figure 1) (l’articulation tibio-
fibulaire supérieure, bien que située dans la
région du genou, n’étant pas comprise dans cet
ensemble). (1)
Parmi les différents moyens d’union du genou,
on retrouve les ligaments. Ces ligaments sont
répartis en différents systèmes :
Le système collatéral
Le système pivot central
Le système sagittal
Les rétinaculums patellaires
Les attaches méniscales
C’est donc au système pivot central que l’on s’intéressera particulièrement ; Il est composé
des deux ligaments croisés :
Le ligament croisé antérieur (ou LCA)
Le ligament croisé postérieur (ou LCP)
Figure 1: schéma de l’articulation fémoro-tibiale en vue antérieure
3
Le LCA part du tibia, au niveau de l’aire intercondylaire antérieure, pour s’insérer au niveau
du condyle fémoral latéral du fémur (partie postéro-supérieure de la face médiale). Il est
oblique en haut, en arrière et en dehors. Il est composé de deux faisceaux, torsadés entre
eux, lui permettant d’avoir systématiquement certaines fibres sous tension dans toutes les
positions articulaires du genou.
Le LCP part lui de l’aire intercondylaire postérieure, et se termine sur le condyle médial du
fémur (partie antéro-supérieure de la face latérale). Il est oblique vers le haut, l’avant et le
dedans. Il est lui aussi torsadé en deux faisceaux.
Ces deux ligaments jouent un rôle de stabilité du genou dans la limitation de certains
mouvements (2):
La rotation médiale du genou (ou rotation interne du tibia par rapport au fémur) :
l’entrecroisement des deux ligaments dans le plan transversal et leur mise en tension
limitent cette rotation.
L’hyper extension du genou
L’hyper flexion
Les glissements dans le plan sagittal du tibia par rapport au fémur (ou inversement),
donc vers l’avant ou vers l’arrière.
Si ces ligaments sont atteints, on retrouvera des mouvements anormaux au niveau de
l’articulation fémoro-tibiale : il s’agit de glissements pathologiques appelés tiroirs.
Le tiroir postérieur correspond à un glissement anormal du tibia vers l’arrière par
rapport au fémur (ou un glissement anormal vers l’avant du fémur par rapport au
tibia). Un tiroir postérieur révèle une atteinte du LCP.
Le tiroir antérieur est un glissement anormal du tibia vers l’avant par rapport au
fémur. Ce tiroir est le signe d’une atteinte du LCA.
2.2 Rupture du LCA
La rupture du LCA est la blessure ligamentaire la plus courante au niveau du genou. (3) En
effet, 40% des blessures de genoux sont des atteintes ligamentaires, dont 46% sont des
atteintes du LCA seul, et 19% des atteintes associées (ligament croisé et autre(s) lésion(s)).
On estime les atteintes de LCA dix fois plus fréquentes que celles du LCP. (4)
Classiquement, on retrouve ce genre de blessure dans les sports « pivots contacts », comme
le rugby, ainsi que les sports dits de « stop and go » comme le tennis ou le ski. Les
mécanismes entraînant une rupture de LCA correspondent à une exagération des
mouvements mettant en tension ce ligament, ou une mise en tension brutale de la
4
structure. Les changements de direction brusques sont des causes fréquentes de blessure de
LCA.
2.3 Traitement conservateur ou chirurgical
A la suite d’une rupture de LCA, il existe plusieurs
options de traitement. Selon le type de patient, la
gravité de l’atteinte, et d’autres facteurs (5), un choix
sera fait entre un traitement dit conservateur, et un
traitement chirurgical (Figure 2).
2.3.1 Traitement conservateur
Le traitement conservateur a pour but la cicatrisation
du LCA par immobilisation du genou à l’aide d’une
attelle. Ceci correspond au traitement orthopédique.
On lui associe un traitement masso-kinésithérapique
précoce qui consiste à renforcer les muscles stabilisateurs du genou dans le plan sagittal
(ischio-jambiers et quadriceps) pour prendre le relais du LCA. Mais la cicatrisation d’un LCA
ne peut s’observer qu’en cas de rupture partielle de ce ligament.
2.3.2 Traitement chirurgical
2.3.2.1 Indications
Actuellement, le traitement chirurgical d’une rupture de LCA le plus pratiqué se nomme
ligamentoplastie. La pratique d’un sport contraignant, du type pivot/contact, et qui plus est
en compétition, constitue une indication majeure à ce type de traitement (Figure 2). La
ligamentoplastie consiste à remplacer le ligament rompu par un transplant prélevé sur le
genou du patient. Les techniques de suture de LCA sont aujourd’hui rares et considérées
comme dépassées par rapport aux greffes de plasties. Les résultats des ligamentoplasties
sont également meilleurs. (5)
On étudiera ici la technique dit du DIDT : Droit Interne, Demi-tendineux. Elle est basée sur le
principe de prélèvement de tendons pour le greffon : les tendons du muscle Droit Interne,
aujourd’hui appelé Gracile, et du muscle Demi-tendineux appelé aujourd’hui Semi-
tendineux.
2.3.2.2 Technique chirurgicale du DIDT
Comme énoncé précédemment, la technique du DIDT (6) est une autogreffe visant à
remplacer le ligament rompu par un néo-ligament formé de tendons. L’opération se réalise
en plusieurs temps :
Figure 2: Traitement conservateur ou chirurgical
5
- Le prélèvement des tendons : il s’effectue par une incision face interne du tibia,
d’environ 2 centimètres. Il s’agit des tendons des muscles Droit-Interne (aujourd’hui
appelé Gracile), et Demi-tendineux (Semi-tendineux).
- La préparation de la greffe : les deux tendons sont pliés en deux pour obtenir un néo-
ligament à 4 brins. Cette plastie est par la suite mise sous tension.
- L’exploration du genou : elle est réalisée sous arthroscopie comme le reste de
l’opération (deux petites incisions de part et d’autre de la patella). Le but est de
déceler d’autres lésions éventuellement présentes (ménisques, autres ligaments…)
qui seront traitées ou non. Les débris du LCA sont retirés, à l’exception des insertions
qui serviront de repères.
- Le forage des tunnels : grâce à des broches guides qui servent de viseurs pour les
mèches, deux tunnels sont percés au niveau du fémur et du tibia, pour permettre
d’insérer la greffe à l’endroit exact de l’ancien ligament.
- La fixation de la greffe : il existe différents moyens de fixation de la plastie (vis
d’interférence, agrafes, endobouton, système transfixant…). Chacun est valable, c’est
donc à l’appréciation du chirurgien. La greffe est insérée dans les tunnels grâce à un
fil tracteur, puis fixée à l’aide du moyen choisi.
2.4 Le Rugby, historique et différents postes
HISTORIQUE DU STADE TOULOUSAIN
Le Stade Toulousain (S.T) est un club omnisport créé en 1907 dont la section principale est le
rugby à XV. Le club est présidé par Jean-René Bouscatel depuis 1992 et son équipe première
est entraînée par Guy Novès depuis 1989. Avec 19 titres de champion de France, le ST
possède le plus beau palmarès du rugby français. Il est considéré comme un des meilleurs
clubs d’Europe, avec 4 titres en Heineken-Cup (Coupe d’Europe).
LE RUGBY A XV ET LES DIFFERENTS POSTES
Une équipe de rugby est composée de 15 joueurs répartis en deux groupes, les avants et les
arrières. Parmi les arrières, on distingue 7 joueurs aux postes bien définis :
Le demi de mêlée et le demi d’ouverture, portant les numéros 9 et 10, forment ce
que l’on appelle la charnière
Les centres, portant les numéros 12 et 13 forment, avec les ailiers, la ligne des trois-
quarts
L’arrière, portant le numéro 15
Et enfin les ailiers, portant les numéros 11 et 14
Ailier est le poste de M. C. au sein de son club. Les ailiers sont supposés être les joueurs les
plus rapides de leur équipe. En effet, certains ailiers internationaux peuvent courir le 100m
6
en moins de 11 secondes. Ils sont les finisseurs, les marqueurs d’essais. On leur associe
généralement un petit gabarit. Trapus et véloces, ils sont choisis pour leur agilité. Beaucoup
de courses en zig-zag leur sont demandées, ainsi que des feintes et autres crochets,
sollicitant énormément des pivots de genoux parfois brutaux. Ils sont également de bons
plaqueurs car représentent souvent la dernière ligne de défense face à une contre-attaque
adverse, ce qui explique leur musculature imposante.
3 CAS CLINIQUE
3.1 Bilan Diagnostique Kinésithérapique
3.1.1 Déficits de structure et de fonction
3.1.1.1 Interrogatoire du patient
M. C, 32 ans, droitier est marié et a une fille de 3 ans. Il habite dans une maison à étages à
Toulouse. Rugbyman professionnel depuis 1998, il évolue au poste de trois quarts aile (ou
ailier). Mr C. est également codirigeant d’une entreprise de marketing sportif. Ses principaux
loisirs : voyager, jouer du piano, et surtout s’occuper de sa fille.
3.1.1.2 Histoire de la pathologie
Lors d’un match de championnat, M. C. s’est rompu le ligament croisé antérieur (LCA) du
genou droit sur une reprise d’appui. Cette rupture a été associée à une atteinte du ligament
croisé postérieur (LCP) visible par IRM, ainsi qu’une lésion méniscale postéro-interne.
Suite à cet accident, M. C. a été opéré à la clinique médico-chirurgicale du sport Médipole
Garonne. Le chirurgien a réalisé une ligamentoplastie par DIDT (Droit-Interne Demi-
tendineux) du ligament croisé antérieur. En ce qui concerne l’atteinte du LCP, l’un des
faisceaux du ligament est resté en continuité, par conséquent aucune plastie n’a été
réalisée. La lésion méniscale quant à elle a été jugée stable par le chirurgien.
Suite à l’hospitalisation, les consignes du chirurgien étaient les suivantes :
- Immobilisation du genou droit par attelle articulée pour permettre la cicatrisation du
LCP pendant un mois. L’appui est autorisé.
- Récupération articulaire sans restriction sauf la douleur.
- Mr C peut bénéficier d’un travail de réveil musculaire quadricipital, ainsi que
d’exercices de réveil isométrique des ischio-jambiers.
Le traitement médical de M. C. à sa sortie de la clinique est composé d’un anticoagulant anti-
thrombotique (INNOHEP® 4500), d’un anti-inflammatoires (PROFENID® 100 LP), et de
plusieurs antalgiques (PROFENID® et IXPRIM®).
7
La rééducation du patient se déroule au centre d’entraînement du Stade Toulousain, où il est
suivi par un médecin, un masseur-kinésithérapeute, et un préparateur physique.
Ses antécédents majeurs sont les suivants :
- Péritonite à l’âge de 17 ans
- Rupture du LCA du genou gauche en Avril 2008
A trois mois de sa ligamentoplastie, M. C. revoit le chirurgien pour un bilan. L’évolution est
jugée excellente :
- Le genou est sec et les amplitudes ont presque été récupérées (flexion équivalente
au côté sain, mais persistance d’un léger flessum en extension)
- Le test de Lachman est négatif (arrêt dur et précoce), mais on retrouve un arrêt mou
lors du tiroir postérieur.
- Le patient ne ressent pas de douleur au niveau méniscal.
- La récupération musculaire et proprioceptive est d’excellente qualité.
Il estime que le patient peut reprendre progressivement la course à pied.
Nous voici à 4 mois de l’opération de M. C.
3.1.1.3 Projet du patient
Pour M. C. l’objectif est clair, il souhaite pouvoir reprendre le rugby avec l’équipe première
de son club, et pourquoi pas le XV de France. En effet, à 32 ans, le patient arrive plutôt en fin
de carrière internationale, mais il veut pouvoir décider quand prendre sa retraite, qui serait
ici prématurée s’il devait s’arrêter à cause de la blessure. Le patient a donc beaucoup
d’exigences, et attend beaucoup de sa rééducation.
3.1.1.4 Bilan de la douleur
L’évaluation de la douleur du patient a été mesurée par une échelle numérique (EN), de 0 à
10, 0 correspondant à une absence de douleur, et 10 la douleur maximale imaginable :
Au repos, M. C ne ressent aucune douleur, soit 0/10 sur l’échelle numérique.
Après une séance de physique où son genou est sollicité (exemple : course à pied), il
cote sa douleur entre 2 et 3/10. Il la situe face antérieure du genou droit, en
périphérie de la patella. Cette douleur n’apparaît pas lors de la sollicitation du genou
pendant l’effort, mais en fin de séance de kinésithérapie ou d’entraînement
physique.
Il ressent également une gêne face postéro-interne du même genou, derrière sa
cicatrice, à l’endroit de la plastie, mais il la décrit vraiment comme une gêne et non
une douleur.
8
3.1.1.5 Bilan cutané, trophique et vasculaire
Le genou de M. C. est sec, soit aucun œdème à signaler, celui-ci s’étant complètement
résorbé. En effet les périmétries des deux genoux sont égales au niveau de la base de la
patella.
Le bilan cutané révèle plusieurs cicatrices, marques des antécédents du patient :
une cicatrice à deux travers de doigts en interne de l’épine iliaque antéro-supérieure
droite, datant de la péritonite de M. C. Malgré son ancienneté, cette cicatrice est
encore adhérente.
une cicatrice face externe de genou gauche d’une dizaine de centimètres, résultat de
la ligamentoplastie du genou gauche du patient en 2008. La cicatrice est blanche
(non inflammatoire) et n’est pas adhérente.
La cicatrice résultant de la ligamentoplastie étudiée se situe face postéro-interne du genou
droit et mesure entre 2 et 3 centimètres.
Elle n’est pas inflammatoire et n’est presque plus adhérente même si les plans cutanés
manquent de mobilité dans cette zone par rapport au côté sain.
Au niveau de la trophicité, on note une différence de périmétrie entre les deux membres
inférieurs (Figure 3). Cette différence est visible au niveau du galbe du quadriceps, plus
volumineux au niveau du membre sain (jusqu’à 2cm).
En revanche, le périmètre du mollet droit est nettement plus important du côté opéré
(+2,5cm à 15cm sous la patella).
Distance de la base de la
patella (en centimètres)
Périmètre membre inférieur
gauche (en centimètres)
Périmètre membre inférieur
droit (en centimètres)
+ 15 54 53,5
+ 10 50,5 48,5
+ 5 45 44
Base de la patella 41 41
- 15 38,5 41
Figure 3: Mesures du bilan de la trophicité aux membres inférieurs
9
3.1.1.6 Bilan articulaire et ligamentaire
Sur le plan articulaire, M. C. a récupéré ses amplitudes d’avant la blessure. La flexion de
genou est équivalente des deux côtés. En revanche, un léger flessum persiste au niveau du
genou droit. Le déficit d’extension passive est
mesuré entre 1 et 5° suivant le degré
d’échauffement.
Un bilan ligamentaire précis a pu être réalisé
grâce à un Masseur-Kinésithérapeute Diplômé
d’Etat formé en laximétrie instrumentale (7),
ayant réalisé une séance de monitoring à M. C.
au début du mois de septembre (Figure 4).
Ces séances mensuelles permettent de
mesurer l’évolution de la greffe au sein du genou du patient. Les données de la séance du
mois de septembre montrent que la greffe évolue favorablement au sein de l’articulation.
Le comportement ligamentaire a aussi été testé, en comparant les données de l’appareil, en
pré et post-effort, l’effort correspondant à un protocole spécial pivot mis en place. Selon les
résultats (Figure 5), la greffe tolère bien le protocole. (ANNEXE 1)
En effet, comme l’explique Piret (7), le parallélisme des pentes, c’est-à-dire un
comportement de la plastie se rapprochant de l’autre genou, tend à montrer une évolution
favorable du transplant en rééducation.
Figure 4: Appareil de GnRB® de laximétrie instrumentale
Figure 5 : Résultats laximétrie instrumentale en pré et post-effort
10
3.1.1.7 Bilan musculaire
Au niveau palpatoire, j’ai relevé certaines tensions
musculaires au niveau du membre inférieur droit du
patient, en comparant la texture musculaire avec celle
du membre sain. En effet, le biceps fémoral droit de M.
C. peut être qualifié de raide (au repos), voire
contracturé après une séance d’entraînement physique.
Sa palpation est douloureuse pour le patient.
Comme dans le cas de l’évaluation ligamentaire réalisée
à l’aide la laximétrie instrumentale, M. C. a également
bénéficié d’une analyse détaillée du comportement musculaire de ses membres inférieurs,
ainsi que de certains muscles du tronc. Cette analyse a été réalisée par Tensiomyographie (8)
(9) (Figure 6) : deux électrodes déclenchent une contraction du muscle cible, et un capteur
de déplacement va calculer les paramètres
suivants (Figure 7):
- Le délai de contraction
- Le temps de contraction
- Le temps de repos
- Le déplacement du ventre musculaire
Les résultats (ANNEXE 2) de cette analyse ont
montré une fatigabilité du biceps fémoral droit,
avec un temps de repos plus important par rapport au côté gauche, pouvant expliquer les
contractures et douleurs après l’entraînement physique. Ce muscle a besoin de plus de
temps pour pouvoir se re-contracter de façon optimale après une première sollicitation.
- Globalement, les ischio-jambiers droits présentent des signes de faiblesse par
rapport au côté sain.
- Le quadriceps quant à lui a récupéré des valeurs similaires au côté sain.
3.1.1.8 Bilan cardio-respiratoire
Il n’y a pas d’anomalie au niveau cardio-respiratoire chez M. C. En effet, sa condition
physique est équivalente à celle qu’il avait avant son accident. Il se décrit comme « affuté ».
Figure 6: Analyse musculaire par Tensiomyographie (TMG)
Figure 7: Paramètres musculaires TMG
11
3.1.1.9 Bilan de l’équilibre
En ce qui concerne l’équilibre statique, on décèle un
léger report d’appui du côté gauche (côté sain). Cette
différence a été mise en évidence sur plateforme de
posture (Figure 8).
L’analyse de l’équilibre dynamique a pu être effectuée
avec l’analyse musculaire par Tensiomyographie
(ANNEXE 2). Elle révèle également un report des
contraintes du côté sain. On relève une asymétrie
importante notamment au niveau des adducteurs,
traduisant un défaut de répartition des contraintes dans
le plan frontal.
3.1.1.10 Bilan psychologique
Sur le plan psychologique, M. C. fait preuve d’une grande motivation. Il est conscient de la
gravité de sa blessure, et reste malgré tout très impliqué dans sa rééducation. Plusieurs
facteurs positifs sont à noter :
- Il s’agit d’une blessure équivalente à celle subie en 2008, par conséquent il n’est pas
dans l’inconnue.
- Il peut compter sur un soutien important de la part de son entourage, des autres
joueurs et du staff
- Sa volonté de retrouver son plus haut niveau est présente
- Il bénéficie d’un encadrement quotidien, et les professionnels faisant partie de cet
encadrement sont très attentifs à l’évolution de sa rééducation.
3.1.1.11 Bilan Fonctionnel
Au niveau fonctionnel, M. C. marche sans aucune boiterie. Au moment du bilan, il est
capable de courir sans appréhension et de réaliser des sauts sur chaque pied.
En revanche, il n’a pas repris les pivots du genou ni le sprint.
3.1.2 Limitations d’activité
Les déficits de fonction et de structure énumérés ci-dessus sont à l’origine des limitations
suivantes :
- Courir à vitesse élevée n’est pas encore possible pour M. C., et il en va de même pour
tous les déplacements caractéristiques de son poste :
Courses en zig-zag
Figure 8: Résultats plateforme de posture
12
Cadrages débordements : qui consistent à fixer un défenseur en courant dans sa
direction (cadrage), puis à le déborder sur un côté par un brusque changement de
direction (débordement) et une accélération.
- Après la notion de vitesse, celle d’endurance est également à prendre en compte : en
effet les déficits présents au niveau du genou droit, ainsi que l’appréhension de M. C.
l’empêchent de tenir la cadence qu’il pouvait tenir avant sa blessure. Tout cela
malgré le fait que le patient ait parfaitement récupéré sur le plan cardio-respiratoire
ou sur le plan musculaire global.
- Les plaquages, première arme du joueur de rugby, ne lui sont pas encore possibles
non plus. S’entraîner à cette pratique serait dangereux avec l’instabilité encore
présente au niveau du genou droit du patient, ainsi que son appréhension.
3.1.3 Restrictions de participation
Ces limitations d’activité empêchent M. C. de jouer au rugby, donc d’exercer son activité
professionnelle principale :
- Les entraînements séparés (uniquement les ¾) ou en groupe avec des oppositions
(simulations de matches) lui sont impossibles.
- Il ne peut donc pas faire partie du groupe pour les matches.
3.1.4 Diagnostic kinésithérapique
M. C. a été victime d’une rupture du LCA du genou droit en avril 2013, opérée par
ligamentoplastie selon la technique du DIDT.
Mon arrivée intervient à 4 mois après l’opération. A ce stade de la rééducation, le patient
présente un déficit global de force musculaire au niveau des ischio-jambiers droits qui sont
fatigables par rapport au côté gauche. Ces faiblesses empêchent M. C. de courir à vitesse
élevée et dans la durée.
Les douleurs résiduelles ainsi que l’appréhension du patient par rapport à son genou droit
entraînent une impossibilité à réaliser tous les déplacements caractéristiques du rugby.
Par conséquent, M. C. n’est pas encore apte à reprendre son activité professionnelle.
3.1.5 Problématique
La problématique de cette prise en charge est la suivante : comment gérer la
rééducation du patient, tout en lui permettant de retrouver ses aptitudes physiques
pour la reprise de la compétition ? Cette question en sous-entend donc une autre :
quelles sont les conditions de travail dans le milieu du sport professionnel ?
13
3.1.6 Objectifs de prise en charge
Pour guider la rééducation de M. C., voici les objectifs suivis pour la prise en charge
rééducative :
- Récupérer une force musculaire équivalente au niveau des deux membres inférieurs,
et suffisante pour reprendre le rugby en compétition.
- Lutter contre les douleurs résiduelles.
- Faire disparaître l’appréhension du patient par rapport à ce genou droit.
- Récupérer l’extension complète au niveau du genou droit, ainsi qu’une souplesse
musculaire globale au niveau des membres inférieurs.
- Lutter contre les adhérences et la raideur cutanée au niveau de la zone cicatricielle.
- Permettre à M. C. de reprendre le rugby parmi l’équipe première de son club.
3.2 Traitement MK
La rééducation de M. C. s’effectue grâce à une collaboration étroite entre les
Kinésithérapeutes et les préparateurs physiques du club. Il s’agit à la fois de gérer le
traitement du genou du patient à proprement parler, et de retrouver et entretenir les
capacités physiques et sportives et l’athlète.
Par conséquent, le planning de M. C. se partage entre les séances suivantes :
- Entraînement physique individuel, encadré par le préparateur physique, comprenant
de la musculation du tronc et des membres supérieures et des exercices basés sur
l’entretien cardio-respiratoire et musculaire (cycloergomètre, course...).
- Kinésithérapie pré et post-physique, comprenant les soins globaux et la rééducation
du genou.
Je développerai ici le déroulement des séances de kinésithérapie (traitement MK), ainsi que
les exercices d’entraînement physique ayant un lien direct avec la rééducation de M. C.
(exercices membres inférieurs). Je ne parlerai donc pas du renforcement musculaire des
membres supérieurs et du tronc (séances de musculation pure).
La durée de ce stage est de 6 semaines. J’aborderai donc le traitement semaine après
semaine.
14
3.2.1 Principes de rééducation
Durant toute mon intervention, le principe de la non-douleur est suivi.
Il s’agit de trouver un compromis entre les principes suivants :
- Exploiter au maximum les capacités du patient, en étant dynamique dans la
rééducation
- Respecter la plastie du genou en freinant éventuellement le patient
SEMAINE 1 : J+120 post-opération
Pour cette première semaine de stage, M. C. m’a sollicité après ses séances d’entraînement
physique pour lui prodiguer des soins au niveau des membres inférieurs.
Les soins consistent en des massages de récupération globaux des membres inférieurs, avec
une dominante sur la zone du genou droit. M. C. vient donc en salle de kinésithérapie après
avoir pris une douche. Il est habituellement en short ou en sous-vêtements.
- Les groupes musculaires cibles sont les suivants :
Triceps suraux
Ischio-jambiers
Quadriceps
Adducteurs et abducteurs de hanche
Fessiers
- Les objectifs de ces massages sont de lutter contre d’éventuelles douleurs ou gènes que
ressentent le patient, et de détendre et assouplir les différents groupes musculaires
ciblés.
Ils sont donc systématiquement précédés d’un interrogatoire sur le ressenti actuel du
patient, et d’une palpation pour rechercher des zones douloureuses.
- L’installation se fait en fonction des zones à masser, et se base avant tout sur le confort
du patient. Le but est de garder la même position le plus longtemps possible, ou de
changer de position un minimum de fois. En effet, on cherchera toujours à mettre en
place un climat de relaxation et de bien-être, favorable à l’objectif de détente
musculaire.
Tout d’abord, M. C. s’installe en décubitus dorsal, avec la têtière relevée (position semi-
assise). On place un coussin cylindrique ou demi-cylindrique sous les genoux pour le
confort du patient. Cette position permet d’avoir un accès aux quadriceps ainsi qu’aux
adducteurs et aux abducteurs de hanche, tout en gardant un contact visuel entre le
praticien et le patient. Elle est idéale pour s’entretenir avec le patient tout en le massant.
15
Puis après, M. C. s’installe en procubitus avec un coussin sous les chevilles ou les pieds
en dehors de la table, et peut complètement se relâcher (il ne changera plus de position).
Dans cette position, je peux masser les triceps, les ischio-jambiers et les fessiers en
continuité.
- En ce qui concerne le matériel, j’utilise une crème de massage neutre, ou de l’huile de
massage.
- J’emploie différentes techniques (10), qui varient selon les zones à masser :
Les effleurages : il s’agit d’un glissement des mains sans réelle pression dont l’action est
limitée aux téguments. Ces manœuvres me servent ici à prendre contact avec le patient, à
ressentir son état de tension et à étaler l’huile ou la crème utilisée. Je les utilise également,
entre deux autres manœuvres, pour garder un contact permanent et pour laisser les muscles
se relâcher entre deux manœuvres ciblant les muscles.
Les pressions glissées profondes : il s’agit de manœuvres équivalentes aux effleurages, mais
dont l’intensité est plus importante. Il s’agit ici de cibler les plans sous-jacents, donc les
muscles. L’utilisation de ces pressions glissées dans le sens disto-proximal a un effet
circulatoire important, bénéfique pour le drainage d’un membre en récupération.
Les pétrissages superficiels : il s’agit de décoller la peau des plans sous-jacents en réalisant
un pli de peau que l’on cherchera à mobiliser. J’utilise cette manœuvre exclusivement sur la
zone cicatricielle, l’objectif étant d’assouplir la peau et de lui redonner sa mobilité
antérieure. On évite ainsi l’apparition d’adhérences sous-cutanées au niveau de la cicatrice,
qui peuvent être à l’origine d’une limitation d’extension de genou. La cicatrice n’étant plus
inflammatoire, ces manœuvres peuvent être réalisées sans aucune douleur ou gène du
patient.
Les pétrissages profonds : c’est la manœuvre musculaire par excellence. Ils se basent sur le
même principe que les pétrissages superficiels, mais sont à visée musculaire. Je saisis ici les
masses musculaires charnues et entraîne des torsions et des étirements de ces muscles. Les
pétrissages peuvent être longitudinaux (manœuvre dans le sens des fibres musculaires) ou
transversaux (perpendiculaire au sens des fibres). Je les emploie surtout sur les triceps
suraux ou les fessiers.
Pressions statiques et frictions : comme son nom l’indique, la pression statique est un appui
plus ou moins fort, localisé sur un plan sous-jacent résistant. On les utilise pour faire céder
un spasme ou une contracture musculaire, en les accompagnant de frictions, qui sont des
manœuvres permettant le glissement d’un plan anatomique sur un autre.
16
- La durée de ces massages varie en fonction de l’état de fatigue du patient et des
douleurs ressenties : la séance de soins peut aller de 30 minutes (en général en début de
semaine) à plus d’une heure lorsque l’état de fatigue (musculaire et globale) de M. C. est
important (souvent le vendredi : dernière séance de la semaine).
Les massages ont une autre utilité que la récupération dans la prise en charge de M. C. En
effet, certaines manœuvres, effectuées de façon plus intenses et rapides, servent de
préparation avant un entraînement physique :
Il s’agit ici « d’échauffer » le système locomoteur (ici les membres inférieurs) par des
manœuvres de forte intensité, stimulant le métabolisme musculaire et la sensibilité
proprioceptive. Outre ces effets physiologiques, le massage avant l’effort sportif a un impact
psychologique important, en donnant cette sensation d’échauffement au sportif, même s’il
ne remplace en rien un échauffement actif.
Pour m’aider dans le travail cicatriciel, en plus des pétrissages
superficiels, j’ai pu disposer du LPG Cellu M6® (Figure 9).
L’utilisation de cet outil de rééducation permet de lutter contre
les adhérences sous-cutanées et une éventuelle fibrose.
Le LPG repose sur une technique d’aspiration, possible grâce à
une tête reliée à un corps aspirant, tête composée de rouleaux
motorisés permettant la mise en forme d’un pli cutané. Cette
technique équivaut à un palper-rouler (pétrissage superficiel),
accompagné d’un effet vascularisant et d’un effet défibrosant :
Le massage de la tête de l’appareil
(par le biais des rouleaux
motorisés) (Figure 10) permet de relancer, ou ici de stimuler la
vascularisation.
La mobilisation de ce pli cutané a un effet d’assouplissement
tissulaire, recherché ici pour lutter contre d’éventuelles
rétractions cutanées.
Lors de l’utilisation du LPG (qui peut durer jusqu’à 10 minutes
environ), j’applique la tête dans le sens de la cicatrice
(aspirations longitudinales) et de façon perpendiculaire sur
toute la longueur (aspirations transversales). Selon le ressenti de M. C. j’augmente ou
diminue l’intensité de l’aspiration. Cette pratique est très bien tolérée par le patient.
Figure 9: LPG Cellu M6
Figure 10 : Rouleaux motorisés de la tête du LPG
17
Suite à la séance de soins, M. C. va en salle de balnéothérapie.
Il peut ainsi bénéficier de l’utilisation des bains chauds et
froids (Figure 11). Ce procédé, aussi appelé « Contrast Water
Therapy» est utilisé pour la récupération après un effort
sportif, soit ici la succession de séances d’entraînement
physique et de kinésithérapie.
L’eau froide (10 à 12°C) a un effet vasoconstricteur, qui
diminue les inflammations et ralentit le métabolisme du corps.
L’eau chaude (38 à 40°) a un effet vasodilatateur entraînant une accélération de la
circulation sanguine, soit un apport en oxygène important.
L’alternance des deux procédés entraîne un effet de pompe bénéfique pour la récupération
musculaire après un effort, en particulier dans les sports de contact comme le rugby (11).
SEMAINE 2
La deuxième semaine de mon stage marque la reprise du travail actif du quadriceps du
patient en chaîne cinétique ouverte de façon intensive :
Une chaîne cinétique ouverte correspond à un travail dans lequel l’articulation terminale est
libre. Il s’agit donc d’exercices en décharge dans ce cas précis. Ces exercices sont
complémentaires avec le travail en chaîne cinétique fermée (l’articulation terminale
rencontre une résistance externe) confié à M. C. par le préparateur physique (Squat, presse).
L’objectif de cette association (chaînes cinétiques ouverte et fermée) est d’obtenir une
meilleure récupération musculaire, et un genou stable (12).
M. C. se positionne assis en bout de table, le tronc droit, et les mains agrippant le bord de
table pour se stabiliser.
J’applique ma résistance au niveau de la jambe, en alternant le positionnement de ma main
pour faire varier le bras de levier :
Plus la main sera proche du genou, plus le bras de levier sera court.
Plus la main sera proche du pied, plus le bras de levier sera long.
La difficulté de l’exercice augmente avec la longueur du bras de levier.
Je procède ici à trois types d’exercices :
Figure 11 : Bain froid
18
- Un travail concentrique, soit des mouvements contre résistance d’extension du
genou. M. C. a pour consigne ici de tendre son genou en poussant contre ma main.
Des séries de 10 mouvements contrariés sont ici réalisées (3 séries le premier jour de
la semaine). L’objectif des contractions concentriques est un renforcement pur des
différents chefs du quadriceps.
- Un travail statique, où le patient doit garder son genou dans la position que je lui
donne en résistant à l’application de ma main. J’utilise les contractions statiques en
fin d’extension concentrique, où je demande à M. C. de garder son genou tendu en
résistant à la force que j’applique (je tente de faire fléchir son genou). Le but ici est la
stabilisation du genou.
- Un travail excentrique, où le patient doit freiner la flexion forcée du genou. Là aussi,
je procède à des séries de 10 mouvements. M. C. part genou tendu, et il a pour
consigne de m’empêcher de plier son genou. Ces contractions excentriques ont pour
objectif de favoriser la protection du genou par le quadriceps. En effet, le quadriceps
est le muscle limitant du glissement postérieur du tibia par rapport au fémur. On
cherche donc ici à protéger le ligament croisé postérieur.
J’accompagne chacune des contractions effectuées par le patient d’encouragements verbaux
afin de le stimuler pour obtenir les meilleurs résultats possibles.
Chaque série est entrecoupée de temps de repos allant de 30 secondes à une minute,
équivalant environ au temps de travail.
Ces exercices peuvent être réalisés de façon progressive. En effet, je peux augmenter la
difficulté sur différents points :
- Augmenter le bras de levier permet d’augmenter directement la force de résistance
appliquée.
- Augmenter le nombre de séries, pour avoir un impact sur l’endurance, ainsi
qu’augmenter le nombre de répétitions dans chaque série. Je privilégie ici
l’augmentation du nombre de séries.
- Diminuer le temps de repos entre chaque série permet de stimuler la réactivité des
fibres musculaires.
Ces exercices viennent en complément du travail effectué par M. C. avec mon référent de
stage sur le Cybex Norm® : un appareil d’isocinétisme que le Stade Toulousain possède. Ce
travail ne sera pas développé ici car il s’agit d’un programme réalisé entièrement par mon
tuteur, dont je n’ai été qu’ « observateur ».
19
Au cours des séances de soins de cette semaine, je me focalise sur l’objectif de gain
d’amplitude en extension du genou. Par conséquent, j’accompagne les massages
d’étirements et de techniques de massages étirements en visant les muscles postérieurs
(Ischio-jambiers), responsables de cette limitation. On cherche ici à retrouver de la souplesse
au niveau de la chaîne postérieure des membres inférieurs (13).
Pour réaliser des étirements passifs de la chaîne postérieure au niveau des membres
inférieurs, M. C. s’installe en décubitus dorsal. Je me positionne assis, presque en bout de
table, et positionne sa jambe droite sur mon épaule. Je peux amener ainsi les Ischio-Jambiers
et le Grand Fessier en position longue. Pour appliquer un étirement sur le Triceps Sural,
j’amène la cheville du patient en flexion dorsale à l’aide de ma main droite.
Pour que l’étirement soit efficace, je demande à M. C. de m’indiquer son seuil de tolérance,
pour ne pas le franchir et risquer une lésion musculaire. Je maintiens la position d’étirement
maximal environ 30 secondes, puis je relâche. Cet étirement est réalisé plusieurs fois, et aux
deux membres inférieurs.
Durant cette deuxième semaine de stage (J+4 mois et demi), le préparateur physique de M.
C. a contacté un athlète professionnel, spécialiste du 800 mètres, pour venir courir avec lui.
Une séance avec l’athlète est donc organisée le jeudi après-midi, dans un but de
réentraînement à l’effort en endurance à vitesse moyenne (de 15 à 20 km/h). Cette séance
est basée sur un échauffement, puis deux fois 5 minutes, avec 30 secondes d’effort, et 30
secondes de repos (marche).
Après cette séance, M. C. ressent une gêne en face postérieure du genou, ainsi qu’une
fatigue musculaire ciblée au niveau des Ischio-Jambiers (le Biceps Fémoral précisément). Je
cible donc les soins sur les douleurs du patient, et m’attarde sur des massages
décontracturants des membres inférieurs, plus particulièrement des Ischio-Jambiers.
SEMAINE 3
Durant la troisième semaine, la coordination entre séances de kinésithérapie et préparation
physique est primordiale. L’objectif ici est d’être complémentaire dans les deux disciplines,
pour ne pas surcharger le patient en lui faisant prendre des risques.
Les séances de physique de M. C. cette semaine sont composées de montées et descentes
d’escaliers, ainsi que de course freinée avec un parachute. Il s’agit donc d’un travail
dynamique de renforcement des membres inférieurs.
20
Les séances de kinésithérapie sont donc basées sur un travail plus statique, axé sur
l’équilibre et la proprioception :
Je propose ainsi des exercices d’équilibre statique debout, en
monopodal (équilibre sur un pied) à M. C (Figure 12). La première
consigne est de tenir la position le plus longtemps possible, sur un
pied, puis sur l’autre. Puis j’augmente la difficulté en demandant au
patient de fermer les yeux. On shunte ainsi l’entrée visuelle, pour
privilégier le travail proprioceptif. L’exercice progresse encore
lorsque M. C. se place sur une surface instable (tapis mou puis
plateau instable).
Pour un aspect plus dynamique de l’équilibre, je donne
pour consigne à M. C. de partir de la position suivante : en
équilibre sur le pied droit, l’autre membre inférieur
(gauche) en triple extension et le bras gauche en flexion
(Figure 13). Puis il amène à grande vitesse son membre
inférieur gauche en triple flexion et le bras droit en
flexion. Le patient doit se stabiliser dans les deux positions
et aller de l’une à l’autre. Ces exercices ont pour but
d’améliorer l’équilibre debout de Mr C, mais aussi de rééquilibrer les contraintes debout, en
insistant sur le côté droit.
Toujours sur un mode statique, je propose à M. C. des exercices à visée stabilisatrice pour
son genou droit. L’objectif ici est de renforcer en statique les muscles limitant les tiroirs
(ischio-jambiers et quadriceps) en tenant des postures. J’ajoute également une composante
de proprioception à l’aide d’un ballon de Klein ou d’un coussin.
Sur le principe du ponté pelvien, M. C. s’allonge au sol en
décubitus dorsal, tend sa jambe droite et la place sur le ballon
de Klein (que je stabilise avec mes pieds). Sa consigne est de
décoller les fesses du sol et de tenir la position (Figure 14). Les
ischio-jambiers réalisent donc ici leur travail de stabilisation du
genou en empêchant le tiroir antérieur. Il s’agit d’un exercice en
chaîne cinétique fermée, qui vise le Grand Fessier et surtout les
Ischio-Jambiers.
Figure 12 : Exercice d'équilibre monopodal statique
Figure 13 : Exercice équilibre monopodal dynamique
Figure 14 : Exercice stabilisation Ischio-Jambiers
21
Pour limiter le tiroir postérieur, je vise le renforcement statique
du Quadriceps. M. C. s’installe au sol en procubitus, un coussin
sous les pieds, et a pour consigne de décoller les genoux et le
bassin du sol, et de tenir la position (Figure 15). Ce travail en
chaîne cinétique fermée du Quadriceps fait également
travailler le muscle Ilio-Psoas dans la stabilisation de la hanche.
Pour les séances de soins de la semaine, j’utilise les programmes de récupération musculaire
du LPG. Des études consignées par Portero et Vernet dans leur article (14) ont montré
l’efficacité de cet appareil dans la récupération après l’effort sur les masses musculaires, en
luttant contre la fatigue musculaire et les éventuelles courbatures. Certains des résultats de
mes bilans le montreront aussi dans le cas de M. C.
Le principe est une mobilisation du tissu musculaire et des fascias. Le tissu saisi est travaillé
de façon continue ou discontinue entre les deux rouleaux motorisés.
Les zones cibles sont les masses musculaires des membres inférieurs suivantes :
Fessiers
Ischio-jambiers
Quadriceps
Triceps sural
La durée de ce type de traitement est d’environ 20 minutes (10 sur chaque membre), et
j’augmente l’intensité d’aspiration et mobilisation en fonction de la tolérance au traitement
du patient.
J’applique la tête de manière longitudinale et transversale afin de pouvoir solliciter au
maximum les fibres musculaires.
SEMAINE 4
La 4e semaine de traitement permet d’introduire des exercices
préparant le patient à la reprise des pivots. Grâce aux
installations du Stade, M. C. peut bénéficier de l’utilisation d’un
bassin de balnéothérapie (Figure 16).
L’eau en piscine permet de réaliser des exercices en diminuant
toutes les contraintes (poids, appuis au sol…).
Figure 15 : Exercice stabilisation Quadriceps
Figure 16 : Bassin de balnéothérapie du Stade Toulousain
22
La consigne pour M. C. est de faire des pas chassés. Il s’agit d’appuis latéraux constituant un
bon exercice de préparation aux pivots. Le patient fait donc des longueurs de bassin en
changeant de côté pour les appuis afin de solliciter les structures médiales et latérales du
genou. Après quelques longueurs d’échauffement, je demande à M. C. de changer de
direction à mon signal sonore (je frappe dans les mains) pour stimuler sa réactivité.
En séances d’entraînement physique, le préparateur a mis en place un exercice que je trouve
pertinent d’évoquer au niveau du traitement de M. C. dans le cadre de la rééducation aux
pivots. Il s’agit d’une poursuite en boxe.
M. C. doit avancer en frappant les protections du préparateur physique, en alternant gauche
et droite. Le préparateur, tout en reculant, décide de la trajectoire que prend le patient en
avançant. Il induit donc de légers changements de direction, se rapprochant des pivots. C’est
également un bon travail d’endurance cardiaque dans le reconditionnement à l’effort
intense.
Au cours des séances de soins de la semaine, le patient bénéficie de l’intervention de mon
référent de stage qui applique des techniques s’inspirant de la méthode Mézières (15). Ces
techniques sont appliquées dans un but de reprogrammation du schéma moteur des
membres inférieurs : « le patient apprend comment réaxer, aligner et étirer dans l’axe un
corps qui, pour diverses raisons, dévie » selon Denys-Struyf dans son manuel de méziériste.
Il utilise ici des postures en décubitus dorsal, hanches à 90° et genoux tendus, pour pouvoir
reprogrammer les muscles Grands Fessiers, afin de déprogrammer le travail des adducteurs,
et soulager les muscles ischio-jambiers.
Etant seulement spectateur de ces techniques kinésithérapiques, je ne développerai pas le
sujet dans ce travail écrit, tout comme l’utilisation de l’isocinétisme.
SEMAINES 5 ET 6 : J+5 mois
Les dernières semaines de traitement pendant ma présence sont surtout marquées par
l’intensification des exercices proposés à M. C., accompagnés des séances de soins
habituelles, et la reprise des pivots à proprement parler.
Certains exercices, mis en place par une collaboration avec le préparateur physique,
permettent de mettre le patient dans des conditions « type rugby » :
Sur le même schéma que la poursuite en boxe, le préparateur physique se munit d’un
bouclier en mousse (ceux utilisés pour les oppositions à l’entraînement). Au lieu de frapper
avec les poings, M. C a pour consigne de venir percuter le bouclier, comme pour un impact
23
lors d’un match. Le préparateur peut à nouveau faire changer le patient de direction à sa
guise, pour lui imposer des mouvements en pivots des genoux.
Nous avons mis un en place un autre exercice sollicitant les pivots, et permettant au patient
de ré-appréhender les plaquages. Il se tient entouré de plusieurs coussins type cylindrique
de grande taille, et doit venir les plaquer au sol les uns après les autres, en revenant à son
point de départ après chaque plaquage. Cet exercice est très complet car il sollicite les
changements de direction rapides, les pivots et reprises d’appui, la course avant et la course
arrière. Il est également très stimulant pour le patient, en plus d’encouragements verbaux
que nous lui donnons, car il remet le joueur dans la situation de son sport.
L’intensification des exercices est également visible dans la séance hebdomadaire avec M. J.,
l’athlète de haut niveau avec qui M. C. court. Ils suivent à présent une base de trois fois 5
minutes, avec toujours 30 secondes de course et 30 secondes de marche, oscillant de 17 à
23 km/h.
Au cours de chaque semaine, et plus particulièrement pendant ces dernières semaines plus
intensives, les temps de récupération et de repos sont très importants. C’est pourquoi les
derniers vendredis, je me suis limité aux séances de soins, durant ainsi plus longtemps, pour
permettre à M. C. de se reposer et de bien récupérer de sa semaine. Il s’agit ici, tout en
intensifiant la rééducation, de ne pas précipiter les choses, en évitant de sur-solliciter le
patient.
3.3 Résultats
A l’issue de ces 6 semaines de traitement, j’ai pu refaire des bilans à M. C. pour observer et
quantifier l’évolution de la rééducation. La semaine de mon départ, le patient a à nouveau
bénéficié d’un monitoring ligamentaire et musculaire grâce aux outils GnRB® de laximétrie
instrumentale et Tensiomyographie d’évaluation musculaire.
Sur le plan algique, le patient ne ressent plus de douleur. Il lui arrive encore de ressentir une
gêne après une séance intense de physique, surtout les séances de course à pied avec
l’athlète professionnel. Il s’agit plus d’une « fatigue musculaire qu’une douleur » ressentie
par M. C.
Au niveau cutané trophique et vasculaire, la cicatrice de M. C. est de plus en plus souple et
mobile grâce au travail de palper-rouler manuel et du LPG.
24
On note une évolution dans la trophicité (Figure 17) des membres inférieurs :
Distance de la base de la
patella (en centimètres)
Membre inférieur gauche (cm) Membre inférieur droit (cm)
+15 54 54
+10 50,5 49,5
+5 45 44,5
Base de la patella 41 41
-15 39,5 40,5
Figure 17: Mesure de la trophicité des membres inférieurs le 10/10/2013
Ces mesures montrent une ré-harmonisation de la trophicité au niveau des membres
inférieurs, avec une certaine symétrie retrouvée.
Le bilan articulaire n’a que peu évolué au cours du stage. Un flessum résiduel du genou droit
est toujours présent, d’1 à 2° selon le degré d’échauffement.
Le monitoring GnRB® réalisé la dernière semaine révèle une évolution toujours positive de la
greffe au sein de l’articulation. La comparaison au côté sain montre une raideur de la plastie
proche de la raideur ligamentaire du côté sain (Figure 18).
La courbe verte représente le côté gauche, et la courbe bleue le côté droit. Le premier
graphique correspond au monitoring du mois de septembre, et le deuxième correspond à
celui du mois d’octobre. La particularité avec M. C., c’est que le comparatif s’effectue avec
une autre plastie car le patient a subi une rupture du LCA gauche, également opérée par
ligamentoplastie en 2008. Il est donc logique que la plastie gauche soit plus élastique car
plus ancienne. On remarque tout de même un parallélisme des courbes (7) plus marqué au
dernier monitoring par rapport au mois de septembre. De plus, on note que la force de
poussée à 250N a été testée contrairement à septembre, et qu’elle a été parfaitement
Figure 18 : Courbes de déplacement de la plastie (mm) en fonction de la force de poussée (N)
25
tolérée par le patient, avec un allongement de la plastie dans la continuité des forces de
poussée précédentes.
C’est au niveau musculaire que l’évolution est la plus importante. L’analyse par
Tensiomyographie (ANNEXE 3) a révélé une amélioration générale des fonctions déficitaires.
- L’athlète auparavant adducteur-dépendant bénéficie maintenant du travail des
Grands Fessiers, déchargeant les adducteurs de contraintes.
- Les muscles fessiers droits ont retrouvé des temps de contraction similaires au côté
gauche, montrant une symétrie qui constitue une amélioration dans le contrôle
postural.
- Les ischio-jambiers droits, bien que toujours déficitaires, ont progressé dans le temps
de repos après contraction.
Sur le plan psychologique, M. C. est resté très concentré et professionnel pendant toute la
durée du stage. Son implication et sa détermination sont exemplaires, sans pour autant
vouloir « brûler des étapes ».
M. C. a retrouvé le chemin des terrains de rugby tout d’abord aux entraînements collectifs
au mois de décembre, puis en situation de match avec l’équipe Espoirs début janvier.
Désormais, il a récupéré sa place d’ailier titulaire dans l’équipe professionnelle (en l’absence
des internationaux) et souhaite postuler pour la tournée d’été avec l’équipe de France.
4 DISCUSSION
L’étude de ce cas clinique a permis de faire un constat de l’exigence qu’a le patient par
rapport à sa rééducation, ainsi que son application au quotidien et sa détermination à
recouvrer au plus vite ses capacités antérieures.
Le masseur-kinésithérapeute en charge de la rééducation de M. C. est constamment sollicité,
de par le grand nombre de séances par semaine (tous les matins et après-midi en semaine).
On cherche ici à mettre en lumière la pression quotidienne autour de cette rééducation sur
le masseur-kinésithérapeute et les autres professionnels qui y participent, ainsi que sur le
« joueur/patient ».
L’objectif majeur de la rééducation est de permettre au patient de retrouver son plus haut
niveau, au plus vite, sans risquer une nouvelle lésion à son genou.
Dans un club sportif professionnel, un joueur blessé ne peut reprendre la compétition
qu’avec l’aval du médecin du club (ou l’un des médecins, celui en charge du cas du patient).
Pour donner son feu vert, le médecin s’appuie sur des examens précis :
26
- L’interrogatoire du patient
- Une IRM du genou pour contrôler son état
- Des tests de tiroirs
- Les bilans kinésithérapiques
A partir de ces différentes données, le médecin décide si oui ou non le joueur peut
réintégrer l’équipe. Théoriquement, le joueur reprend donc son activité seulement s’il a
parfaitement récupéré, et s’il ne court plus aucun risque.
Mais pour le président du club et l’entraîneur, le but est de récupérer le joueur le plus
rapidement possible. En effet avant sa blessure, M. C. était l’un des titulaires de son équipe,
et un joueur considéré par beaucoup comme indispensable.
Chacun des acteurs de la rééducation est donc soumis à une pression dans les délais du
traitement :
- Le médecin du club, qui seul a le pouvoir d’émettre son véto sur l’éventuelle reprise
de la compétition pour un joueur, est un « intermédiaire » entre le kinésithérapeute
et la direction du club. En effet, s’il estime que le joueur n’est pas apte à réintégrer
l’équipe, il doit s’appuyer sur de solides données venant confirmer ses doutes. Quand
il s’agit d’un joueur clé, une situation complexe se pose, car en s’opposant à un
retour sur les terrains d’un joueur, le médecin « prive » l’entraîneur de pouvoir
disposer de ce joueur pour les différents matchs ayant lieu pendant sa période de
convalescence (championnat de France, coupe d’Europe).
- La pression est également sur le patient. En effet, pendant son absence, il est
remplacé par un autre joueur. Ce dernier peut donc faire ses preuves, et s’installer
comme un cadre de l’équipe en réalisant des performances. Il est donc important
pour le patient, même si sa guérison est pour lui prioritaire, que la rééducation dure
le moins longtemps possible, pour ne pas qu’un autre joueur s’installe à son poste.
Le cas de M. C. est particulier, car il possède également le statut de joueur international
français. Une longue blessure compromet donc son retour en équipe de France.
Par conséquent, de par le joueur et le médecin, c’est sur le masseur-kinésithérapeute que
repose la pression. En effet, il voit le patient tous les jours et est donc la personne la plus à-
même de répondre aux questions sur l’état de santé du joueur.
Ces différents points montrent donc l’importance des bilans réalisés par le masseur-
kinésithérapeute. On part ici des connaissances professionnelles, les bilans, qui représentent
les aspects qualitatif et quantitatif du patient.
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Si les données sont précises et pertinentes, le médecin peut prouver à la direction qu’il est
dangereux pour un joueur de reprendre avant la fin d’une éventuelle rééducation.
En effet il y a parfois conflit d’intérêt entre le corps médical et les dirigeants du club :
- Les professionnels de santé, tout en faisant le maximum pour raccourcir les délais de
convalescence, vont privilégier la santé du joueur aux éventuels résultats de l’équipe.
- Les dirigeants et l’entraîneur, sans pour autant faire prendre de risque inconsidéré à
un joueur, cherchent à faire jouer leur joueur un maximum. Ils sont, eux, sous la
pression d’enjeux de résultats, et d’enjeux financiers.
Voici un exemple de situation venant illustrer mes propos :
Lors de la dernière semaine de mon stage, j’ai pu assister à une séance d’entraînement des
trois-quarts. Les joueurs et entraîneurs préparaient les schémas tactiques et les mises en
place pour le match du week-end suivant. Les phases de jeu étaient simulées grâce à des
oppositions avec les jeunes joueurs de l’équipe espoirs. Lors d’une phase de jeu, un des
joueurs de l’équipe professionnelle s’est tordu la cheville sur un plaquage d’un des espoirs.
Nous sommes donc immédiatement intervenus sur le terrain, pour amener le joueur en salle
de kinésithérapie. La cheville a aussitôt été glacée à l’aide du GameReady® (appareil de
compression par le froid).
Il s’agissait d’un jeune joueur (19 ans), talentueux et titulaire à chaque match depuis le
début de la saison. Son rôle au sein de l’effectif est donc majeur.
Moins de 5 minutes après la blessure, le président du club et l’entraîneur sont venus
s’entretenir avec le staff médical, autour du joueur. La première question posée par
l’entraîneur a été « peut-il jouer samedi ? ». A ce moment là, le kinésithérapeute présent et
le médecin ne s’étaient pas encore prononcés sur l’état de la cheville du jeune joueur. Après
un premier examen comprenant un bilan de la douleur au repos et à la mobilisation, un bilan
morpho-statique en comparant au côté sain, et une rapide palpation, les professionnels du
staff médical ont estimé qu’ils ne pouvaient pas se prononcer pour le moment. L’évolution
au cours des prochains jours allait donc déterminer si le joueur était apte pour le match du
week-end.
Au cours des jours suivants, le kinésithérapeute était de moins en moins optimiste pour la
titularisation du joueur le samedi. Et tous les jours, l’entraîneur du club venait s’informer de
son état de santé, en signalant à quel point il était important qu’il puisse jouer ce match. La
situation était donc complexe pour le kinésithérapeute.
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Mon questionnement est donc le suivant : Qu’aurais-je fais en tant que professionnel dans
cette situation ?
En effet, ma première réaction était de penser que la santé du joueur primait sur sa
présence au match, mais la réalité du milieu professionnel est tout autre. De nombreux
paramètres rentrent ici en ligne de compte, et la pression qu’imposent la direction et
l’entraîneur en fait partie intégrante. Le médecin peut décider de ne pas s’opposer aux
dirigeants. Le rôle du kinésithérapeute ne se limite donc pas à des conseils donnés au
médecin, mais à un appui qualitatif et quantitatif sur l’état du joueur de part ses bilans. Je
constate donc à nouveau l’importance de la précision et la pertinence de ces bilans. Un
professionnel sûr de son diagnostic, présentant des arguments solides est plus à-même de
prouver qu’il est dangereux pour un joueur de reprendre trop tôt la compétition.
Le Stade Toulousain Rugby est un des clubs français majeurs, dont le titre de Champion de
France est un objectif, ainsi qu’en coupe d’Europe. Pouvoir disposer de ses joueurs cadres
est donc déterminant pour l’entraîneur. Peut-être la pression serait-elle moins grande dans
un club de 2e division (Pro D2) ?
5 CONCLUSION
La rééducation d’un sportif professionnel blessé est complexe, en particulier lorsqu’il s’agit
d’une blessure grave nécessitant un arrêt du sport de longue durée. C’est le cas de la
rééducation après une rupture de ligament croisé antérieur d’un genou.
L’étude de la prise en charge de Mr C. à partir du 5e mois post opératoire (J + 4 mois) a
permis de détailler la phase de réentraînement au sport, ainsi que les rôles du Masseur-
Kinésithérapeute dans ce contexte.
En effet, dans le milieu du sport professionnel, les grands clubs possédant les moyens
financiers nécessaires composent leur staff médical de médecins, de masseur-
kinésithérapeutes et de préparateurs physiques. La prise en charge d’un joueur
professionnel repose alors sur une collaboration entre ces trois corps de métiers.
Il s’agit dont d’analyser les limites de la profession au cours de la prise en charge du patient.
Les bilans masso-kinésithérapiques trouvent toute leur importance pour la reprise de la
compétition d’un joueur. L’utilisation dans ce cas clinique des techniques de laximétrie
instrumentale (GNRB®) et de tensiomyographie (TMG®) apportent des informations précises
et chiffrées permettant de situer le patient dans sa rééducation.
Ces techniques pourraient-elles avoir un intérêt dans la prévention de blessures, notamment
des genoux, chez le sportif professionnel ?
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ANNEXE 1 : Examen ligamentaire par laximétrie instrumentale GnRB® - Septembre 2013
ANNEXE 2 : Monitoring musculaire par Tensiomyographie des membres inférieurs – Comparatif Août 2013 - Septembre 2013
ANNEXE 3 : Monitoring musculaire par TMG des membres inférieur – Comparatif Septembre 2013 - Octobre 2013