ERIK LE ROUGE et LEIF ERIKSON, Xe - Les vikings découvrent l’Amérique Le 8 juin 793, des hommes venus du nord sur de longs bateaux pillent le monastère de l'île anglaise de Lindisfarne. En quelques heures, ils remplissent leurs bateaux d'un riche butin : objets d'art, métaux précieux, esclaves… Les auteurs de cette brutale agression d'un genre nouveau sont des guerriers désignés par leurs contemporains comme les hommes du nord, les Normands. Eux-mêmes s'appellent Vikings, ce qui signifie « guerriers de la mer » dans leur langue, le norrois. Ils viennent de la Scandinavie (aujourd'hui, Danemark, Suède et Norvège). Malgré son succès et l'émotion qu'il suscite à la cour du roi des Francs, le futur Charlemagne, le raid des Vikings à Lindisfarne restera longtemps sans suite. C'est seulement après la mort de l'empereur Charlemagne, en 814, que, profitant de la division des Francs, les Vikings multiplient leurs incursions en Occident. Ils occupent alors une moitié de l'Irlande et envahissent l'Angleterre en 865. Plus au sud, ils remontent la Seine et la Loire. Ils attaquent Paris en 845 avec leur violence coutumière. Quelques rares seigneurs francs sont en état de leur résister. Parmi eux Robert le Fort, ancêtre des futurs rois de France. En 886, les Vikings tentent une nouvelle fois de piller Paris mais ils sont repoussés après un long siège grâce à l'énergie du comte Eudes, fils de Robert le Fort. Un chef viking, Rollon, obtient pour finir la cession de la basse vallée de la Seine en échange de son baptême. Les navires nordiques (knörr) atteignent même les rivages italiens après avoir franchi le détroit de Gibraltar. À la même époque, d'autres guerriers normands, les Varègues, ou gens de l'Est, traversent la mer Baltique et s'imposent aux habitants du cru, des Slaves. L'un de leurs chefs, Riourik, fonde en 860 la principauté de Kiev qui sera à l'origine de l'État russe. Des Vikings de Norvège colonisent l'Islande entre 870 et 930. En 982, le chef viking Erik le Rouge navigue vers l'ouest et accède à une grande île chargée de glace avec quelques maigres prairies sur les littoraux. Il la baptise Groenland, “terre verte”, histoire d'y attirer des colons. Le fils d'Erik le Rouge, Leif Ericsson, part à son tour à l'aventure vers l'ouest et atteint vers l’an 1000 l’actuel Labrador, une grande presqu'île au nord du fleuve Saint-Laurent. Il serait ainsi le premier Européen à avoir atteint l'Amérique. Les Normands du XIe siècle qui envahissent l’Angleterre (Guillaume le Conquérant), la Sicile et le sud de l’Italie (Robert et Roger de Hauteville) ne sont plus des barbares bredouillant un norrois incompréhensible, mais des chevaliers chrétiens parlant une langue romane d’oïl et ayant parfaitement assimilé les techniques militaires des Francs (les manoeuvres de cavalerie lourde en particulier ) et le système féodal.

Il faudra attendre 500 ans pour que les Européens mettent le pied sur les terres septentrionales. Jean Cabot, un marin italien soutenu par le roi Henri VII d'Angleterre quitte Bristol en 1497. Il traverse l'Atlantique par le Nord dans l'espoir de trouver une route plus rapide vers les « Indes occidentales » et arrive quelque part en Amérique du Nord, probablement à Terre-Neuve. En 1499, João Fernandes Lavrador et Pêro de Barcelos, financés par le roi du Portugal, découvrent le Labrador. Au même moment, les frères Gaspar et Miguel Corte-Real explorent les côtes du Groenland et de Terre-Neuve.

En Grande-Bretagne

Vers la fin de l'année 865, des Vikings, principalement danois, débarquent en ce qui était alors l'Est-Anglie, l'un des royaumes anglo-saxons dans l'est de l'actuelle Angleterre. Cette fois, il ne s'agit pas d'une expédition de pillage comme c'était le cas depuis la fin du siècle précédent. Les Vikings sont nombreux, ils sont venus pour rester, pour se tailler des domaines à la pointe de l'épée et de la hache. Les chroniques anglo-saxonnes décrivent cette force d'invasion : la grande armée païenne. On ne sait pas combien ils étaient, probablement quelques milliers, emmenés par plusieurs chefs de guerre. Au fil des batailles et des négociations, la grande armée païenne finit par s'emparer d'une grande partie est du pays, descendant jusqu'à Londres.

Ces possessions vikings seront ensuite connues sous le nom de Danelaw, le pays où le droit anglo-saxon cédait le pas au droit nordique. L'appellation durera jusqu'à l'unification de l'Angleterre par un descendant de Viking : Guillaume le Conquérant.

En France

Les premiers raids vikings visent la proximité du rivage, pillant les endroits peu défendus et repartant rapidement. Ils pillent les côtes de la Manche et de l'Atlantique puis, en remontant les fleuves, attaquent les villes et les monastères situés plus à l'intérieur du pays. Vers 830, des groupes plus nombreux pénètrent plus profondément et plus loin dans le pays, dévastent et pillent principalement des églises et des monastères. Ils capturent les riches (personnes importantes, de haut rang) et les rendent contre une rançon ou s'emparent des plus pauvres qu'ils emmènent comme esclaves. Le 24 juin 843, lors des célébrations de la Saint-Jean, ils pillent la ville de Nantes un des principaux ports de commerce de l'Empire carolingien.

Vers 860, au pillage s'ajoutent la conquête et la colonisation de territoires. En 861, après le troisième siège de Paris, Charles le Chauve, petit-fils de Charlemagne, organise la défense des régions situées entre la Seine et la Loire, en créant la marche de Neustrie qu'il confie à Robert le Fort, l’arrière grand-père d'Hugues Capet qui fondera la dynastie des Capétiens..

De 885 à 887, Paris est assiégé pour la quatrième fois. Le paiement d'un tribut par le roi Charles le Gros, après deux ans de siège, contribua à discréditer la dynastie carolingienne et à l'éclosion de ce qui devient la dynastie capétienne.

En 911, le traité de Saint-Clair-sur-Epte donne à Rollon le comté de Rouen, base du futur duché de Normandie.

Le succès des raids vikings s’explique par la vitesse d’exécution de la machine militaire viking, efficace et novatrice, et par la décadence politique de l'empire franc après 830. Ils cessent dans le premier tiers du XIe siècle avec le ravage, vers 1015, des comtés de Blois et de Chartres par deux « rois » scandinaves, Olaf et Lacman.

En Russie Varègues est le nom donné dans l'Empire byzantin et par les Slaves orientaux aux Vikings de Suède qui, entre le milieu du IXe et le milieu du XIIIe siècle, ont fondé et gouverné l’État médiéval de la Rus.

L'un de ces marchands varègues, Riourik, prend vers 856 la direction de Novgorod, une ville d'étape proche de la Baltique. et y crée un embryon d'État slave en concurrence avec un autre État slave en cours de formation plus au Sud, autour de Kiev, sur le cours supérieur du Dniepr. En 882, son successeur Oleg le Sage s'empare de Kiev et y établit sa capitale. La Rus' de Kiev prend la forme d'une fédération de principautés dont Oleg est le grand-prince. Au XIe siècle, c’est l'État d’Europe le plus étendu, atteignant la mer Noire, la Volga, ainsi que le royaume de Pologne et ce qui deviendra le grand-duché de Lituanie.

La Rus' de Kiev vers 1050 :

Enrichie par le commerce entre Byzance et la Scandinavie, la principauté de Kiev apparaît comme une société relativement prospère au regard des critères de l'époque, tandis que l'Occident carolingien est ravagé par les invasions et les guerres privées. Cet essor est dû aux voies commerciales existant alors entre la Scandinavie, fournisseur de bois, de peaux et surtout d'ambre, mais aussi des esclaves, et Constantinople, source de cire d'abeille et de miel, de soieries, et d'or. La Rusʹ contrôle en effet deux routes commerciales importantes :

La route commerciale de la Volga, de la mer Baltique à l'Orient, en passant par la Caspienne.

La route commerciale du Dniepr, de la mer Baltique à l'Empire byzantin, en passant par la mer Noire.

La dynastie des Riourikides (issu de Riourik) a gouverné le Rus’ pendant 748 ans, de 862, date à laquelle les Varègues prennent le pouvoir, jusqu'à 1610, année où est déposé le dernier tsar des Riourikides, Vassili IV de Russie.

En Islande

Ce serait vers 860 que l’île aurait été découverte par le norvégien Naddoddr et ses marins qui furent rejetés par une tempête. D’autres sources affirment que ce serait un Suédois du nom de Gardarr Svávarsson, toujours vers la même époque. Cependant, ces Vikings n’auraient pas vraiment colonisé l’île, mais y simplement passé quelques mois. Les premiers colonisateurs scandinaves trouvent l’Islande déserte à l’exception d’un groupe de moines irlandais, les papars.

En 870, toujours selon certains écrits, le Norvégien Flóki Vilgerðarson y reste quelque temps. Il peut chasser, mais par contre le manque de fourrage lui fait perdre l’ensemble de son bétail. Cet homme nomme le pays de son nom actuel, Islande, le pays de glace.

Au bout de quelques décennies, les Norvégiens, puis les Norrois des colonies britanniques débarquent sur l’île. La population augmentant (près de 25.000 en 930), un cadastre est dressé pour éviter les conflits sur le partage des terres. En effet, les premiers landnámsmenn s’étaient attribués la plupart des terres cultivables, ce qui créait des conflits avec les nouveaux arrivants. Les colonisateurs s’organisent et conçoivent des assemblées locales, les things, … qui contrastent avec les systèmes monarchiques que l’on trouve majoritairement en Europe. Ils assurent leur survie avec l’élevage (bovin et ovin), la chasse (oiseaux, phoques et morses), la cueillette ou le ramassage (œufs, bois, lichens ou carcasses de baleines) et la pêche de rivière et côtière. L’hiver, ils vivent avec la viande et le poisson salés et séchés, ainsi qu’avec du yaourt (le skyr).

L’une des autres difficultés pour les Islandais est la rareté du bois et de la pierre dure qui poussent les colonisateurs à construire leurs maisons avec du bois flotté venant de la mer, de la tourbe et de l’herbe pour l’isolation.

Le tout jeune peuple islandais va coloniser ce grand pays en seulement 60 ans entre 870 et 930.

Erik Thorvaldson, dit Erik le Rouge (940-1010) au Groënland

Banni de Norvège à la suite d’un meurtre, le père d'Erík le Rouge s’installe au nord-ouest de l'Islande vers 970. En 982, Erík le Rouge est à son tour banni d'Islande pour le même motif ; il part alors pour des terres que seuls quelques Européens avaient déjà vues avant lui, et notamment Gunnbjörn Ulfsson, le premier à les avoir découvertes au début du Xe siècle. Erick appelle cette terre, qui connaît un climat plus favorable au début du deuxième millénaire, Groenland (“terre verte”) dans le but d'y attirer le plus de colons possible. Il s'installe dans le sud autour de l’actuelle ville de Qaqortoq. A noter qu’aucun autochtone n’habitait le Sud du Groenland au moment où les Vikings l’ont colonisé.

De retour en Islande après les trois années d'exil qu'il passe à explorer la côte orientale du Groenland, il prépare la colonisation des terres qu'il a découvertes.

Il repart en 985 avec une flotte d'une trentaine de bateaux, les premiers colons sont au nombre de 450. Plus tard, leur nombre s’élève à près de 5.000, répartis en deux établissements situés tous deux au fond de fjords de la côte sud-ouest (établissement de l'Est et de l'Ouest).

Eirík reste païen, mais la colonie se convertit au christianisme autour de l’an 1000 ; sa femme Thjodhild fait construire une église dont il subsiste encore des vestiges.

Les colons s'organisent politiquement sur le modèle islandais et Erick devient le chef suprême du Groenland, riche et respecté.

Cette colonisation viking durera près de 500 ans. Leurs traces disparaissent aux XIVe et XVe siècles. Les raisons restent méconnues, mais le climat a dû avoir son importance : le Groenland se refroidit lors du petit âge glaciaire (qui dure du XIVe au XIXe siècle) et les colons n’auraient pas réussi à s’adapter.

Reconstruction de l’église de Thjodhild et de la demeure d’Érik le Rouge à Qassiarsuk (Brattahlid vikinge).

Leif Erikson (970-1020)

Fils ainé d’Erik le Rouge, Leif Eríkson est le premier Européen à avoir découvert l'Amérique du Nord continentale, 500 ans avant Christophe Colomb !

Il grandit au Groenland où il entend parler des terres qu'un compatriote nommé Bjarni Herjólfsson a aperçues vers 986 alors qu'il était dérouté vers l'ouest lors de son voyage d'Islande vers le Groenland. Accompagné de 35 hommes, Leif part en exploration. Il quitte les établissements de l'Est et met le cap à l'ouest.

Il rencontre d'abord une terre dominée de glaciers qu'il nomme Helluland (pays de la pierre plate) ⇒ L'île de Baffin.

Continuant vers le sud, il aborde un pays avec un rivage sablonneux derrière lequel s'élèvent de grands arbres. Il appelle cette terre Markland (pays de la forêt) ⇒ La côte est de l'actuel Labrador.

Enfin, il découvre une zone verdoyante avec un climat doux, des saumons et des vignes en abondance qu’il nomme Vinland (pays du vin) ⇒ La côte nord de l’île de Terre-Neuve.

Après avoir passé l'hiver au Vinland, il retourne au Groenland avec une cargaison de raisins et de bois.

D'autres expéditions suivent. L'année suivante le frère de Leif, Thorsvaldr, entreprend un nouveau voyage et hiverne à deux reprises dans les baraquements de Leif. Mais, il est tué par les indigènes ; ses compagnons regagnent alors le Groenland. Un an plus tard, un autre fils d'Erik le Rouge, Thorsteinn, tente sans succès le voyage. Thorfinn Karlsefni, qui a épousé en secondes noces la veuve de Thorsteinn, entreprend à son tour le voyage en emmenant des familles et du bétail dans le but de s'installer durablement. Au second hiver, après un affrontement avec les indigènes (probablement des Micmacs), l'établissement est abandonné et tous retournent au Groenland.

En fin de compte, aucune colonie viking permanente ne reste au Vinland, bien que des voyages sporadiques au moins au Markland pour du commerce, du minerai ou du bois aient pu durer des siècles.