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« Il était une fois »
au parc du Chalet
Dans le cadre de notre action
Incroyables Comestibles au
parc du Chalet (Mont-à-Leux -
Mouscron), nous allons partici-
per à une grande soirée à la
fois mobilisatrice et festive de
ce quartier. Différentes associa-
tions et des citoyens feront de
cette soirée un bel évènement
familial qui ravira petits et
grands. Pour notre part, nous
présenterons nos bacs in-
croyables co-
mestibles aux
participants en
vous racontant
une bien belle
histoire …
Mais chut ! ….
Pour connaître
la suite, venez
nous rejoindre
à 20h au parc
du Chalet pour
commencer une
belle aventure.
Et si vous voulez nous aider
dans la réalisation des acces-
soires, mais aussi dans la con-
fection de « bombes à
graines », sachez que nous au-
rons besoin d’aide lors de l’ate-
lier ouvert qui aura lieu le ven-
dredi 8 avril, de 9h à 17h au
local scout du Mont-à-Leux (rue
de la Grotte).
Si cela vous intéresse, contac-tez-nous au 056/337213 ou [email protected]
Merci d’avance
Sylvia
Eco-Vie, la revue n. 289 / mars - avril 2016
http: / /www. eco-vie. be
Prix de vente (hors-adhésion) : 2 euros
Edit. resp. : Sylvia Vannesche, 34 rue de l' Oratoire, 7700 Mouscron
- L’« ubérisation »de notre
modèle économique et social,
pp 3 à 7
- Faire comme si ou l’illusion
nécessaire (un livre de Pierre
Crombez)
pp 7 et 8
- Réfugiés, « réseaux so-
ciaux » et médias, pp 10 à 13
- Le cobalt, les batteries et les
enfants, pp 14 à 17
- Grisou : page 19
- Agenda : page 20
- « Extractivisme ? », pp 22
à 24
Sommaire
Editorial
P a g e 2
ECO-VIE est une association à vocation écologique, reconnue en Education Permanente et membre d'Inter-Environnement Wallonie, de la Maison des Associations de Tourcoing, du CRIE de Mouscron, de Nucléaire STOP !, du réseau Idée, de la Coalition Climat ainsi que du Contrat rivière Escaut-Lys, d'Escaut Sans Frontière, du Collectif Lys-Deûle Environnement et enfin du Centre Culturel de Mouscron et du Réseau Mouscron, Terre d'Accueil
2 8 9 P a g e 3
Tout a commencé il y a 11.000
ans, au début du néolithique. Les
chasseurs-cueilleurs nomades se
regroupent en tribus, commencent
à cultiver et à élever des animaux,
et par ailleurs, à fabriquer et à
échanger les premiers objets ;
c’est l’apparition du troc : opéra-
tion économique par laquelle
chaque participant cède la proprié-
té d'un bien et reçoit un autre bien
se généralise. Les économistes
postulent que le troc a été le seul
mode d'échange de nombreuses
économies anciennes comme celle
de l'Égypte des Pharaons ou celle
des peuples amérindiens.
Mais, l’économie de troc a ses li-
mites : le troc ne favorise pas le
développement des échanges,
l’offre ne rencontrant pas toujours
sa demande. La coïncidence offre-
demande peut être improbable car
on a peu de chance de trouver un
partenaire qui accepte ce qu'on
fournit et propose en même temps
ce qu'on demande. Cette faible
adéquation explique pourquoi la
plupart des transactions écono-
miques utilisent alors un médium,
une unité d’échange : des coquil-
lages bien souvent, puis des mé-
taux précieux comme l’argent et
l’or.
Il faut attendre le VIe siècle avant
Jésus-Christ pour voir apparaître
les premières pièces en or, argent,
ou autre alliage, frappées dans un
atelier et signées par leur proprié-
taire. C’était en Lydie à l’ouest de
l’actuelle Turquie, face à Athènes.
La monnaie fera la fortune de ce
royaume grâce notamment à la
présence de mines d’or. Quelques
années plus tard, son monarque, le
roi Crésus, deviendra le premier
homme le plus riche du monde. La
monnaie prend son essor avec les
grands empires grecs puis romains.
Jusqu’au XIXe siècle, elle n’a
d’autre fonction que d’être une
contre valeur commode, facilement
échangeable car elle se présente
sous une taille plus ou moins ré-
duite, en rapport avec le prix attri-
bué à la matière dont elle est faite.
On peut acheter un cheval avec
quelques pièces d’or.
Au XXe siècle la monnaie com-
mence à se dématérialiser, elle
perd sa substance physique et est
remplacée par du papier (chèques)
puis par
du plas-
tique (cartes de paiement). Appa-
raissent ensuite des échanges im-
matériels comme les transactions
électroniques, via internet (PC Ban-
king) et bien-
tôt via la télé-
phonie mo-
bile. Mais
qu’est-ce qui
se cache der-
rière ce mode
de transac-
tions qui ré-
volutionne
notre vie quo-
tidienne ?
De nos jours,
la machine à
café peut se
mettre en
marche quand
la tablette s’al-
lume ; des puces installées dans
notre frigo nous permettent, via
notre smartphone, de choisir le plat
à consommer en soirée. Bart Des-
medt, expert en mobilité, nous ap-
prend que des voitures-test reçoi-
vent des données selon l’infrastruc-
ture (type de routes) qu’elles utili-
sent. Christian Léonard, expert en
soins de santé, nous informe que
Google développe une filiale santé
qui établira des cartes génétiques
de patients dont il détiendra les
informations, les profils, les pro-
nostics, les futurs coûts à payer
(par qui ?).
Quand l’algorithme, outil mathématique, favorise
l’ubérisation de notre modèle économique et social.
Du troc à la monnaie
Coquillages (« cauris ») longtemps utilisés comme monnaie
P a g e 4
Pour Rudy De Waele, expert en
transformation digitale, les géants
d’Internet créent des économies
sans frontières qui bousculent la
souveraineté des nations, écono-
mies qui seront remplacées par
des standards internationaux avec
ou sans éthique ! Tout ceci nous
amène à constater qu’un nouveau
fonctionnement de la société est à
l’œuvre, bien différent de celui que
nous avons connu jusqu’à peu.
Auteur de l’ouvrage Le Mirage nu-
mérique, chercheur, auteur et pro-
fesseur à l’Université de Stanford,
Evgeny Morozov étudie la façon
dont le Web influe sur les sys-
tèmes politiques et nous met en
garde contre l’actuel phénomène
de numérisation extrême. Il dé-
nonce et démonte le discours des
colossales entreprises du numé-
rique telles les géants du Web
(Google, Facebook, Yahoo, Twitter,
Uber, etc.), qui camoufle « une
nouvelle forme de capitalisme », et
dont le succès s’accompagne d’une
vague de déréglementations. Il
avance la thèse que ces entre-
prises pratiquent le « solution-
nisme » technologique, c’est-à-dire
une prétention à savoir comment
résoudre des problèmes sociétaux
en comptant sur des applications
de plus en plus présentes dans
notre vie en société. Et, il en dé-
montre l’aberration.
Jusqu’à présent, les citoyens
avaient l’habitude de résoudre col-
lectivement les questions de socié-
té à travers l’Etat ou d’autres orga-
nisations, associations ou institu-
tions publiques. Con-
trairement à ce que
nous avons connu
(notre habitus histo-
rique), de nos jours, la
technologie n’est plus
un intermédiaire neutre
car elle redéfinit elle-
même les problèmes
auxquels elle s’attaque.
De plus, elle ne s’ac-
compagne pas d’un
questionnement sur
l’extension omnipré-
sente du marché, elle
l’intègre sans plus. La
vision classique de la
politique où l’on débat
du bien commun et de
la manière de l’at-
teindre est remplacée
par une réponse unique
et standard : le pro-
blème vient de l’indivi-
du seul et non plus de
la collectivité ou de la
société. Exemple : le
changement climatique
comme l’obésité, sont
devenus le fait de
l’individu et non plus de facteurs
sociaux et politiques plus impor-
tants : poids des entreprises
agroalimentaires, publicité adres-
sée aux enfants, infrastructures
favorisant les déplacements en
voiture, suprématie du pétrole,
etc.
D’où la question que l’on est en
droit de poser au monde poli-
tique : chacun de nous fait-il partie
du problème ou de la solution ?
Depuis quelque temps, en réaction
à l’économie de marché, à la pré-
pondérance du financier on a vu
apparaître une autre économie :
l’économie collaborative qui vise à
mutualiser ou à réemployer les
biens matériels (voiture, outils,
logements, etc.), à collaborative-
ment réparer ou fabriquer des ob-
jets, à financer des projets collec-
tifs, à former ensemble. Dans ce
type d’échanges, le citoyen porte
une double casquette : de consom-
mateur de biens, il peut aussi en
devenir producteur. Ces initiatives
peuvent se dérouler de particulier
à particulier ou via un intermé-
diaire, gratuitement ou moyennant
finances, dans une logique mar-
chande ou non. L’économie colla-
borative est une activité humaine
qui vise à produire de la valeur en
commun et qui s'appuie sur une
organisation plus horizontale que
verticale, comme la mutualisation
des biens, des espaces et des ou-
tils (l'usage plutôt que la posses-
sion), l'organisation de citoyens en
« réseau » ou en communautés et
généralement par l'intermédiation
de plateformes internet.
Cette économie collaborative est
entendue dans un sens large, qui
inclut la consommation
(covoiturage, pourquoi faire un
trajet à vide avec mon véhicule, au
lieu de covoiturer avec mes col-
lègues de travail ?), les modes de
vie (colocation, pourquoi posséder
une tondeuse à gazon dont on se
sert quelques fois par an, alors
qu’une seule suffirait pour tout le
voisinage ?), le prêt d'argent de
pair à pair, les monnaies alterna-
tives qui favorisent l’économie lo-
cale, la production contributive
(fabrication numérique) et la cul-
ture libre.
Ce type d'économie s'inscrit dans
un contexte, à la fois, de défiance
vis à vis des acteurs institutionnels
du système capitaliste traditionnel,
de crise économique mais aussi
d'éthique environnementale.
Basée sur l’échange, la confiance
et la convivialité, cette économie
du partage prévoit la possibilité de
partager des objets (une de ses
plus belles vertus).
Economie collaborative ou
nouvelle forme éthique
de capitalisme
P a g e 5 2 8 9
Quand l’algorithme, outil mathématique, favorise
l’ubérisation de notre modèle économique et social.
Son essor est dû à l'utilisation de
nouvelles technologies permettant
d'améliorer la créativité collective
et la productivité. Il répond égale-
ment au désir de pratiques écolo-
giques et de relations sociales plus
conviviales. Vantée et promotion-
née par Jérémy RIFKIN (expert en
prospective), elle annonçait des
alternatives crédibles à un modèle
économique épuisé. Par ailleurs,
elle se voyait dopée par les nou-
veaux moyens de communication.
Inspiré par J. RIFKIN et Paul MA-
SON, le belge Michel BAUWENS dé-
cide de consacrer sa vie à ce qu’il
voit comme nouveau modèle éco-
nomique et social : celui des
« communs et du pair à pair ».
Ce modèle est la rencontre entre le
désir d’un monde durable et soli-
daire et la capacité technologique
qui permet de s’auto-organiser en
lien avec l’entreprise et l’Etat. Se-
lon Bauwens, l’idée est de créer
des outils partagés et de mutuali-
ser les savoirs et le travail : Wiki-
pédia est un grand commun de la
connaissance, Linux, est un logiciel
en accès libre. Cette économie
éthique tient compte des externali-
tés sociales et environnementales.
Bologne est la ville des
« communs » où chaque citoyen
est un véritable acteur ; d’ici 2050,
on y fera revenir une grande partie
de la production industrielle et ali-
mentaire tout en veillant à ne pas
polluer l’environnement.
Bauwens prévient : « Cela clignote
pour notre survie et le capitalisme
extractif (voir notre article p. 22 et
suivantes) ne peut plus continuer.
On fait face à une nouvelle vague
d’automatisation qui pourrait dé-
truire 48 % des emplois d’ici 15
ans. » Que fait-on avec le surplus
libéré grâce à cette nouvelle pro-
ductivité ? Il part dans une écono-
mie spéculative improductive. On
donne l’argent aux banques qui in-
vestissent dans l’économie
« casino » alors qu’on a besoin de
réparer la nature. « Certaines
rentes de situation avec des mono-
poles causent la mort de millions
de personnes ! »
Que souhaiter ?
- plutôt un Etat partenaire qui mu-
tualise les infrastructures qu’un
Etat notaire ;
- la fin d’un système hiérarchique
avec des consommateurs passifs ;
- un soutien aux initiatives locales
qui créent des emplois locaux et
dont le surplus est réinvesti dans
l’économie locale.
Malheureusement, on a déjà per-
verti cette belle idée de collabora-
tion comme par exemple l’échange
d’appartements entre particuliers
qui est passé dans les mains
d’agences de conciergerie qui font
essentiellement du « business ».
Choisissant de ne plus disposer de
ressources financières suffisantes
pour le communautaire et le public,
le politique ne résout plus les
grands problèmes et n’investit plus
dans les (bonnes) infrastructures
qui y sont liées (l’eau, l’énergie, le
transport, etc.). Par contre, les
hommes politiques se rapprochent
des multinationales du net qui fa-
vorise la communication émotion-
nelle, pour être vus comme étant
dans l’air du temps (le nombre
d’amis sur Facebook, l’utilisation de
Twitter, etc.) et être perçus comme
pro-innovateurs.
Ainsi, les créateurs d’entreprises
numériques, ces champions de l’al-
gorithme, entrepreneurs techno-
philes mais asociaux, apparaissent
comme des sauveurs ! La technolo-
gie seule est devenue l’outil par
défaut pour orienter les actions
d’un individu : le titre d’un livre qui
paraît sur le site Amazon peut faire
naître des milliers de commentaires
et critiques alors que pas un(e)
seul(e) n’apparaît dans le très sé-
rieux Magazine Littéraire.
Pourtant, ces entreprises gèrent et
détiennent autoritairement des
données de plus en plus précises et
nombreuses sur nos vies, qu’elles
tissent et qu’elles vendent au sec-
teur de la publicité.
Uber est l’exemple phare de ce
détournement pervers de pra-
tiques d’économie collabora-
tive.
Des centaines de Start Up (« jeune
entreprise innovante à fort poten-
tiel de croissance »), des plate-
formes « smartphonées » comme
Uber, Whats App, ou Airbnb, soute-
nues par Google, naissent réguliè-
rement dans le monde ouvert
qu’est la « toile ».
« On parle de «biens communs» chaque fois qu’une communauté de
personnes est unie par le même désir de prendre soin d’une ressource
collective ou d’en créer une et qu’elle s’auto-organise sur un mode par-
ticipatif et démocratique pour la mettre au service de l’intérêt général.
L’eau, l’air, les forêts ainsi que les océans et autres ressources natu-
relles ; une langue, un paysage, un
code source informatique, une œuvre
ou un édifice passés dans le domaine
public, tous peuvent être traités
comme des biens communs et la
liste n’est pas exhaustive. »
http://www.remixthecommons.org/
« On devrait traiter la Silicon
Valley avec la même suspicion
que Wall Street »
Evgueny Morozov
« Uber, une autoroute
vers la précarité »
(Newsletter du réseau
Financité)
P a g e 6
Inscrites dans la pratique d’écono-
mie de partage, ces start-up pour-
raient initier un véritable change-
ment de modèle économique. Mais,
on peut douter de ce que ces en-
treprises fassent partie de l’écono-
mie collaborative. On peut encore
s’interroger sur leurs conditions de
management, qui les éloignent du
statut de réel outil de transition
sociale et écologique pour en faire
une nouvelle forme de capita-
lisme !
Edgar Szoc (Les infortunes de la
Sharing Economy) prétend qu’on
est passé d’un système de par-
tage à une pratique de l’en-
chère.
Un exemple concret : l’ubérisation
du monde, « miracle » (!) de tech-
nologie face auquel les chauffeurs
de taxi conventionnés ne devraient
pas être seuls à résister. Natahalie
Janne d’Orthée du CNCD 11.11.11.
rappelle que le principe Uber aurait
dû s’inscrire dans un principe
d’économie de partage et d’écono-
mie collaborative. Uber, comme
tant d’autres start-up, semble
avoir perverti cette belle idée.
Cette application numérique smart-
phonée d’origine américaine met
en relation clients et automobilistes
et utilise ses chauffeurs comme
des travailleurs indépendants.
Cette organisation constitue une
dérive du système de protection
sociale, un recul qui tire vers une
économie informelle, c’est-à-dire
sans cotisation pour couvrir les
chauffeurs en matière de pension
ou d’assurance-maladie, sans as-
surance pour les protéger des acci-
dents, etc.
Totalement tributaires d’Uber, les
chauffeurs sont payés à la tâche,
ils doivent assumer financièrement
les frais liés à leur activité - entre-
tien et réparation de leur véhicule,
primes d’assurance, essence - et
leur propre protection sociale. Les
chauffeurs doivent eux-mêmes as-
sumer ces questions alors que sou-
vent ils sont vulnérables car déjà
précarisés. Uber tue un système où
le travailleur est protégé et crée de
la précarisation.
La firme californienne fait exploser
les compteurs sur les marchés fi-
nanciers. En quelques mois, ses
deux fondateurs sont rentrés dans
le monde très restreint des
hommes les plus riches du monde,
possédant chacun un patrimoine de
plus de 5 milliards d’euros. Ironie
du sort, alors que leur activité me-
nace notre système de solidarité,
l’entreprise n’hésite pas à pratiquer
l’« optimisation fiscale ». Ainsi,
certaines filiales d’Uber sont déjà
enregistrées dans des paradis fis-
caux comme les îles Bermudes.
D’autres exemples : la société
WhatsApp (application mobile de
messagerie multiplateforme qui
permet l’envoi gratuit de SMS,
d’images, de vidéos, de fichiers
audio) pèse 19 milliards de dollars
et emploie seulement 55 salariés.
Airbnb (plateforme communautaire
de location et de réservation de
logements entre particuliers) est
devenue milliardaire (2014 : chiffre
d’affaires de près de 4 milliards de
dollars, bénéfices à $423 millions ;
2015 : $675 millions de bénéfices.
Ces chiffres impressionnants ont
conduit l’entreprise à être valorisée
à 20 milliards de dollars, soit près
de 30 fois ses revenus). Il en va de
même avec les firmes Amazon,
l’entreprise de commerce électro-
nique : vente de livres, CD, appa-
reils de photos et de TV, vête-
ments, jouets et depuis peu livrai-
son par taxi de fruits et légumes.
Amazon a son siège au Grand-
Duché de Luxembourg d’où elle
pratique l’optimisation fiscale afin
d’éluder l’impôt des sociétés (son
chiffre d’affaires est estimé à 2 mil-
liards de dollars). CarAmigo
(location de véhicules entre parti-
culiers), Take Eat Easy
(technologie qui connecte des
clients en demande de repas, livrés
à domicile par des coursiers à vélo,
et cuisinés par des restaurants sé-
lectionnés par algorithme), In4ma-
tic, application qui propose l’instal-
lation et la réparation de software
(Windows, sites Web) présentent
tous des chiffres d’affaires qui at-
teignent des millions d’euros.
Toutes ces entreprises reposent
sur les mêmes principes :
- employer une main d’œuvre indé-
pendante, mobile, souple, peu sa-
lariée, payée à la tâche ;
- mettre en place une stratégie afin
de ne pas payer d’impôts ;
- entrer en bourse.
Quand l’algorithme, outil mathématique, favorise
l’ubérisation de notre modèle économique et social.
P a g e 7 2 8 9
On doit aussi craindre le dévelop-
pement d’une forme de travail au
noir niant le principe que tout reve-
nu est taxé et mettant à mal le
principe solidaire de la sécurité so-
ciale. Ce n’est pas parce qu’on
trouve un « dépanneur » sur inter-
net que ses prestations deviennent
immatérielles : l’évier qu’il dé-
bouche est bien réel. « Si toute
l’économie bascule dans le numé-
rique, les recettes de l’Etat vont
disparaître » avance Alexandre de
Streel.
Au départ d’un ordinateur ou d’un
téléphone mobile, de plus en plus
d’applications enregistrées font que
« les individus sont dans une
course poursuite avec les logi-
ciels » affirme l’économiste Daniel
Cohen. A long terme, à travers une
transformation invisible mais radi-
cale, le progrès technique rempla-
cera l’emploi car les sociétés du
numérique reposent essentielle-
ment sur l’efficience de leur appli-
cation, elles créent peu de crois-
sance, peu d’emplois, voire en dé-
truisent.
L’algorithme a pénétré le monde
économique sans que l’on s’en
aperçoive. Aujourd’hui, un consom-
mateur ne sait plus d’où provient
son électricité ! Exemple, l’algo-
rithme Euphemia (mis au point par
la start-up N-Side de Louvain-La-
Neuve) qui détermine le prix de
l’électricité (tarifs par 24h) dans 20
pays européens en fonction d’une
série de paramètres et de critères
(offres, besoins, capacités des
lignes et des réseaux). Seule in-
connue pour ce modèle mathéma-
tique : la météo et ses consé-
quences sur les énergies renouve-
lables, le vent et le soleil échappant
à ce modèle (sic). Cette société de
consultance modélise l’entreprise
qui l’a appelée et détermine quels
sont les leviers de fonctionnement
à modifier afin de pouvoir gagner
en efficacité. Traduisons : accroître
ses revenus et réduire ses coûts.
Une nouvelle organisation du
monde économique et du monde
du travail émerge marquée par une
nouvelle pratique de flexibilité, de
nouveaux ordres de production et
de services au consommateur qui
ne s’accompagnent plus de con-
trats pour les travailleurs. On pour-
rait la qualifier de « libertaire » (1),
c’est-à-dire refusant toute con-
trainte ou autorité découlant d’ins-
titutions « historiques » qui nous
ont apporté une protection sociale
et un bien-être économique.
La réalité virtuelle progresse, la
réalité « nue », elle, est de moins
en moins belle. Dans son dernier
ouvrage « Les irremplaçables », la
philosophe Cynthia Fleury, soutient
que « La démocratie n’est rien sans
le maintien de sujets libres et sans
leur détermination à protéger sa
durabilité ». Dans un futur proche,
on dira « Il est où le bon vieux
temps où j’avais un bureau, des
collègues et un salaire ». Toutes
formes qui seront devenues ar-
chaïques face à cette nouvelle éco-
nomie souterraine.
Les mandataires politiques, en
grande partie responsables de
l’organisation de mon quoti-
dien, vont-ils, un jour, re-
prendre la main pour me laisser
libre de savoir comment je me
déplace, je communique, je
mange et… je pense ?
Jean-Jacques Montignies
(1) Le terme libertaire renvoie aux
pratiques anarchistes. Dans le do-
maine économique on parlerait
sans doute plus volontiers de
« libertarien », puisqu’il s’agit d’un
courant favorable à une réduction
voire à la disparition de l'État en
tant que système fondé sur la coer-
cition, au profit d'une coopération
libre et volontaire entre les indivi-
dus, avec un État limité à des fonc-
tions régaliennes (armée, police,
justice).
L’ubérisation de notre modèle économique et social
Pierre Crombez est un enseignant à la retraite et un pratiquant de l’écologie depuis les années 70. Il est tournaisien de naissance et reste attaché viscéralement à sa ville.
Il a écrit un livre, que j’ai envie de qualifier de « spécial », Faire comme si ou l’illusion néces-saire
« Spécial » dans sa fabrication et diffusion : l’auteur a renoncé à sa rémunération et demande de ver-ser l’équivalent estimé du prix du
livre à une ONG laissée au choix du lecteur !
Ce livre n’est d’ailleurs imprimé qu’au fur et à mesure des com-mandes (il est fabriqué en Belgique et au plus juste prix).
« Spécial » dans son écriture : ce livre, très bien écrit, ne se lit pas comme un roman. Le vocabulaire employé ou l’écriture ne sont pas ceux qu’on nous sert trop souvent.
« Spécial » aussi dans son conte-nu…
Pierre Crombez ne croit pas au changement dans nos habitudes, changement qu’il juge pourtant né-cessaire, par rapport aux change-ments climatiques, par exemple.
Lui, les changements, il ne les croit possibles que si un désastre de très grande ampleur touchait durable-ment les nantis…
Faire comme si ou l’illusion nécessaire
Un livre de Pierre Crombez
P a g e 8
Un désastre qui aurait lieu chez
nous et pas dans les pays du
Tiers-Monde. Cas où nos déci-
deurs compatissent et puis re-
tournent à leurs tâches en s’em-
pressant d’oublier ce qui ne les
touchent pas directement...
Si Pierre Crombez court le risque
de nous faire tomber dans un fa-
talisme démobilisateur, ses
pointes d’humour, son ironie per-
mettent de ne pas succomber à
ce climat noir.
J’ai beaucoup apprécié les des-
sins, illustrant le livre, et réalisés
par Cédric Liano (auteur de la BD
« Amazigh-Itinéraire d’hommes
libres ») ou par Jean-Pierre De-
neubourg, professeur de dessin à
Saint Luc de Tournai, et ses
élèves.
Je vous l’ai dit, on ne lit pas ce
livre comme un roman en le dé-
vorant d’une page à l’autre pres-
sé de savoir comment cela se ter-
mine… Non, on le lit en ayant
besoin de digérer chaque cha-
pitre (parfois même chaque
page) car ceux-ci nous amènent
à la réflexion.
Et il m’a donné la furieuse envie
de pouvoir en discuter avec
d’autres. Je songe sérieusement
à créer une nouvelle activité au
sein de notre association : un
atelier de réflexion qui aurait
comme point de départ chaque
chapitre du livre :
- L’illusion du paradis terrestre
- L’illusion de fin du monde
- L’illusion de notre mode de vie
- L’illusion de solutions
- L’illusion d’activa-
teurs internes
- L’illusion d’activa-
teurs externes
- L’illusion de liberté
- L’illusion du nouveau
paradis terrestre
Sans oublier les an-
nexes :
- L’illusion de l’argent
- L’illusion d’un projet
d’école d’immersion de
conscience
- L’illusion des centres
d’éducation populaire
- L’Illusion du végéta-
risme
- L’illusion de démo-
cratie
- L’illusion de métiers
d’avenir souhaitables.
Tous ces chapitres mé-
ritent qu’on s’y attarde, qu’on les
décortique, qu’on en discute, qu’on
y réfléchisse.
En tous cas, et cela n’engage que
moi, je pense que l’on peut vivre
d’illusions à condition de savoir
que ce sont des illusions et de
choisir celles qui sont nécessaires
pour nous permettre d’avancer.
Merci à Pierre Crombez pour ce
livre qui fait partie dorénavant de
notre bibliothèque Eco-Vie.
Sylvia
Faire comme si ou l’illusion nécessaire
Terrible actualité…
Impossible, alors que nous bou-
clons cette revue, de ne pas dire
un mot des terribles attentats qui
ont touché Bruxelles ce lundi 22
mars. Nous n’allons pas ajouter
encore aux nombreuses déclara-
tions, nous reproduisons ce petit
communiqué qui nous semble bien
dire ce que nous ressentons.
Nos premières pensées vont aux
victimes des attentats de ce 22
mars et à leurs proches.
En frappant à Zaventem et au
cœur de Bruxelles, les terroristes
n’ont pas seulement voulu semer
la mort : ils entendent également
semer la haine. Il appartient à
chacun d’entre nous de ne pas leur
offrir ce qu’ils recherchent.
Être à la hauteur de ce qui nous
arrive, c’est refuser la fureur et le
repli sur soi. C’est continuer à tis-
ser inlassablement un « nous » à
la fois fragile et fondamental. Il
s’agit là non seulement d’un impé-
ratif moral mais de la meilleure
garantie de sécurité à long terme.
2 8 9 P a g e 9
En frappant le centre d’une capitale cosmopolite, les auteurs des attentats voudraient nous amener à croire
en l’impossibilité de la coexistence, de la rencontre et de l’enrichissement mutuel. Nous ne leur offrirons pas
ce succès. Notre résistance au terrorisme passera au contraire par un surcroît de rencontres, de débats et de
réflexions.
Nous invitons chacun à la solidarité à l’égard des victimes et à la fraternité avec tous. Chaque pensée,
chaque acte d’ouverture et de paix constituera une défaite de la terreur et une victoire de l’avenir.
D’après le communiqué de Commission Justice et Paix, Pax Christi et Magma asbl
Beaucoup d’autres associations actives en éducation permanente ont elles aussi réagi. Il est de notre devoir
de continuer à tâcher de donner du sens à ce monde. Eco-Vie continuera de s’y employer.
Il est aussi possible de signer une pétition en ligne : « Ne tombons pas dans le piège que Daech nous
tend » (https://secure.avaaz.org/fr/petition/
Appel_a_nos_dirigeants_aux_medias_et_aux_citoyens_europeens_Ne_tombons_pas_dans_le_piege_que_Daech_nous_tend/?
aKWWqkb)
Oser la démocratie ! * *d’après un article relevé sur « Bonnes Nouvelles. be »
Ce samedi 23 janvier 2016, lors
des « Assises citoyennes (Acte
2) », l’équipe municipale de
Grenoble, conduite par le maire
EELV Eric Piolle, a lancé l’une
des mesures phares de son
mandat : un droit d’interpella-
tion.
Pour rappel, le conseil municipal
de Grenoble compte au total 59
élu(e)s. 42 d'entre eux forment le
groupe majoritaire du
« Rassemblement Citoyen de la
Gauche et des Écologistes », arrivé
en tête au second tour de l'élection
municipale de mars 2014.
Le nouveau « droit d’interpella-
tion » grenoblois, imaginé par la
Ville de Grenoble, a été baptisé
« dispositif d’interpellation et de
votation d’initiatives ». (…). Ses
modalités sont particulièrement
audacieuses. « Le système a été
pensé pour être engageant, afin
qu’il donne du pouvoir d’agir » ex-
pliquait Pascal Clouaire, adjoint
(« échevin ») à la démocratie lo-
cale. « Il y a deux chiffres clés à
retenir : 2 000 et 20 000 » pour-
suit-il. Pour qu’une pétition soit
prise en compte, son auteur devra
réunir seulement 2 000 signatures.
L’objet de la pétition (qui devra
relever des compétences de la
Ville) est ensuite débattu au con-
seil municipal. A partir de là,
« deux possibilités seulement, pas
d’échappatoire » : soit le conseil
accepte la mesure et propose une
délibération dans les trois mois,
soit le conseil municipal ne veut
pas s’engager et soumet cette
question aux Grenoblois par une
votation citoyenne. Pour que le
projet soit adopté, les porteurs de
l’objet de la votation devront récol-
ter 20 000 voix majoritaires. « La
spécificité et la force de notre droit
d’interpellation est de lier un sys-
tème de pétition à un système de
votation », insiste l’adjoint.
Mobilisation imprévisible
« C’est une mesure extrêmement
ouverte et qui fait sens », com-
mente Loïc Blondiaux, professeur
de sciences politiques et expert de
la démocratie participative. Le
chiffre des 20 000 voix n’a en effet
pas été choisi au hasard. Il corres-
pond au nombre de voix obtenues
par l’équipe municipale, au deu-
xième tour des dernières élections.
Ce chiffre sera encore plus facile-
ment atteignable par les porteurs
d’initiatives, car tout habitant de
Grenoble, de plus de 16 ans pour-
ra voter. Ne cachant pas son a
priori positif devant l’innovation
grenobloise, Loïc Blondiaux émet
toutefois deux réserves : « A-t-elle
été parfaitement verrouillé juridi-
quement ? ». Il semblerait que oui,
mais la mise en œuvre le confir-
mera. Sa seconde crainte porte sur
la mobilisation : « Dans un con-
texte d’absentéisme fort, le risque
serait qu’au final, il n’y ait qu’une
trop faible participation et que les
20 000 voix ne soient pas at-
teintes. Il faudra veiller à organiser
le débat ! ».
Pour Pascal Clouaire, rien est écrit
à l’avance : « Mais les gens ont
plutôt tendance à s’informer et à
se mobiliser, quand ils voient que
cela sert à quelque chose ! ».
(suite page 13)
A l’heure où une coordination
(L’Escaut, c’est Vous !) se bat à
Tournai pour faire entendre la
voix citoyenne , à l’heure où le
Collège communal de la même
ville organise un débat sur
l’élargissement de l’Escaut et
laisse les 3/4 du public à l’ex-
térieur, sans possibilité de
voir, ou d’entendre quoi que ce
soit, on se réjouit de constater
que des municipalités osent
des démarches démocratiques
et participatives. On le verra,
rien n’est simple, les risques
sont réels, mais c’est sans
doute-là, le prix de l’audace !
P a g e 1 0
Nul n’ignore que le ré-
veillon de Nouvel-An
2016 fut particulière-
ment agité à Cologne.
« Agité » étant un doux
euphémisme pour parler
d’un nombre très impor-
tant de violences et
d’agressions envers des
femmes, sur la place joi-
gnant la cathédrale de
Cologne et la gare.
La question n’est pas de
débattre ici des faits -
avérés, prouvés, inaccep-
tables- mais bien de la
façon dont ils ont été
traités sur le plan média-
tique.
Pour rappel, un nombre im-
portant de plaintes a été déposé
suite à cette fameuse nuit de la
Saint-Sylvestre. Avec le recul, il
semble que l’on puisse retenir le
nombre de 1.088 plaintes (1.054,
pour certains), dont 470 pour
agressions sexuelles et 618 pour
vols, coups et blessures.
La question des chiffres : une
totale confusion
Pourtant, au fil du temps, toutes
les sources ont cité de nombreux
chiffres, fort différents : 170
plaintes (Le Monde.fr, le
08.01.2016 à 18h35), plus de 200
plaintes pour agressions sexuelles
(Le Monde.fr, le 11.01.2016 à
19h02), 516 plaintes (Rtbf.be, le
12.01.2016), etc.
Il est probable que l’attitude de la
police de Cologne n’a pas facilité
les choses : elle a beaucoup tardé
à fournir des explications et elle a
même commencé par mentir en
dressant, dès le lendemain de la
nuit de la Saint-Sylvestre, un
« bilan positif » de la soirée.
« Comme l’an passé, les festivités
sur les ponts du Rhin, dans le
centre de Cologne et de Leverku-
sen se sont déroulées de façon pa-
cifique », a ainsi annoncé, samedi
1er janvier, le communiqué officiel
des forces de l’ordre.
Ce n’est que devant l’afflux de
plaintes et la progressive publicité
qui leur a été donnée que les
forces de police ont été contraintes
de rectifier leur communication. Le
chef de la police de Cologne a pour
sa part été mis en « congé provi-
soire » le 7 janvier, une sanction
administrative qui, dans les faits,
équivaut à une mise à l'écart le
plus souvent définitive.
Personne ne s’explique vraiment
ce comportement de la police.
Deux thèses principales sont en
présence. La première postule que
les responsable auraient voulu évi-
ter que les demandeurs d’asile
soient stigmatisés (la ville de Co-
logne a la réputation d’être ou-
verte et très tolérante), la seconde
estime que les policiers auraient
très mal mesuré l’ampleur des
choses… A notre sens, il faudrait
sans doute ajouter que la police
s’est trouvée complètement débor-
dée par le nombre d’actes violents
-et que d’ordinaire il s’agit d’une
situation dont les forces de l’ordre
ne se vantent pas. Ensuite, la
communication a -dans une cer-
taine mesure- sans doute aussi été
dictée par des questions d’image.
Le carnaval de Cologne est un évè-
nement majeur sur le plan touris-
tique et la ville n’entendait proba-
blement pas qu’il puisse être mis
en danger.
Quoi qu’il en soit, la confusion a
régné pendant bien plus d’un
mois.
Mais pourquoi ?
Ce qu’on ne comprend pas,
c’est l’absence totale de rete-
nue des médias. Il était parfaite-
ment clair que cette situation de-
mandait à être analysée et qu’il
fallait pour cela avoir du recul,
prendre du temps. Les journalistes
ne se sont pas arrêtés à ces consi-
dérations et ont très vite commen-
cé à aligner des faits plus ou moins
exacts et, surtout, des chiffres fan-
taisistes. Ils se sont toutes et tous
lourdement, très lourdement,
trompés. Et, à notre connaissance,
malgré que nous ayons consulté
des dizaines d’articles de presse,
pas un seul ne s’est excusé.
Ce phénomène est courant à pré-
sent. Il est intimement lié à l’ins-
tantanéité de l’information (?)
(notamment des tweets et de Fa-
cebook) et à cette espèce de né-
cessité de « suivre » dans laquelle
semblent se trouver la presse.
Réfugiés, « réseaux sociaux » et médias : quelle confusion!
Gare de Cologne (16 janvier 2016)
P a g e 1 1
Bref, ce montage, comme souvent,
cherche avant tout à frapper les
esprits, sans attacher de grande
importance à la réalité des faits.
D’autant que cette opposition est
artificielle : plus de la moitié des
SDF sont étrangers, et ce depuis
des années. Les opposer aux mi-
grants n’a donc pas grand sens. »
Dans ce genre d’ouragan mé-
diatique, il est très difficile
pour les citoyens de se forger
un avis, il est regrettable que
la presse ne les y aide pas.
Au lieu de courir, toujours en vain,
derrière la soi-disant information
que véhiculent les médias soi-
disant sociaux, il devrait revenir
aux professionnels de recouper et
de vérifier au mieux les choses,
quitte à prendre du retard. Il
semble encore important de préci-
ser, sans rentrer dans les détails,
que nous ne nous attaquons pas ici
aux personnes, aux salariés que
sont les journalistes : ils sont sou-
mis à d’importantes pressions de
la part de leurs directions et ce
sont les impératifs de rentabilité
(là comme ailleurs) qui gangrènent
la qualité de leur travail.
Des victimes
par centaines de milliers…
Dans les multiples affaires de Co-
logne, outre les centaines de
femmes qui ont été agressées et
demeurent traumatisées, on
compte aussi de nombreuses vic-
times « collatérales ». Longtemps,
ce sont les « réfugiés » qui ont été
pointés du doigt (en 2015, l’Alle-
magne a accueilli 1,1 million de
demandeurs d’asile). Il se fait que
si le terme « réfugiés » ne signifie
rien en soi quant à l’origine des
personnes, en Allemagne, eu
égard à l’actuelle situation, lors-
qu’ils évoquent le problème des
réfugiés, la presse et les commen-
tateurs politiques parlent évide-
ment de Syriens, voire d’Irakiens.
Or, les faits (qui restent largement
à vérifier, on l’a vu) semblent pour
l’instant largement incriminer des
personnes originaires du Maghreb
(Maroc, Algérie, Tunisie), souvent
déjà connues des services de po-
lice pour des faits similaires. On
notera encore que nombre
d’agresseurs étaient sous l’emprise
de la boisson, ce qui ne manque
pas d’ouvrir des doutes sur leur
respect de l’Islam…
Il n’empêche les amalgames ont
été très rapides et tous les oppo-
sants à la politique allemande d’ac-
cueil s’en sont donné à cœur joie
dans la presse. Au point de con-
traindre la chancelière Merkel à
faire des déclarations plus ou
moins musclées, contrastant avec
le discours de tolérance (relatives,
certes) précédent.
Personne ne prétend que rien de
tout ceci soit simple, personne ne
peut dire qu’il détiendrait une véri-
té. Au final, le nombre de victimes
directes, des centaines de femmes,
et indirectes des centaines de mil-
liers de réfugiés est immense.
Et nous continuons de penser -
en attendant les résultats de
toutes les enquêtes- qu’il con-
viendrait que les médias re-
viennent avec finesse, douceur
et empathie sur ces terribles
évènements. Mais l’immédiate-
té dictée par l’impératif de ren-
tabilité leur en laissera-t-elle le
temps ?
JF, pour Eco-Vie
Réfugiés, « réseaux sociaux » et médias : quelle confusion !
Avant de diffuser des photos, vérifiez vos sources !
Il existe de petits logiciels (Tineye, par exemple) qui permettent d’identifier les photos. Nous vous conseillons très vivement d’y re-courir avant de diffuser quoi que ce soit ! On peut aussi utiliser Google Images (https://www.google.fr/imghp) qui permet d’examiner une photo soit à partir de votre disque dur, soit à partir d’un lien (d’une Url) pour con-naître ses occurrences sur la Toile et pour retracer son historique.
Les guerres que mènent les pays européens
sont la première cause de l’afflux de migrants
L’an dernier, presque 1,3 millions de migrants ont pour la première fois introduit une demande de protection internationale dans les états de l’Union européenne, c’est plus du double de l’année précédente. Jamais de-puis la fin de la seconde guerre mondiale, l’Europe n’avait été confrontée à un tel afflux de personnes.
Sans surprise, ce sont les migrants syriens qui sont les plus nombreux. Leur nombre a lui aussi doublé en 2015. Ils sont actuellement presque 400 000 à demander asile en Europe. A eux seuls, ils constituent le tiers de tous les migrants. Rappelons que la guerre en Syrie dure depuis bientôt 5 ans, et qu’en même temps que les Etats-Unis et les pays du Golfe, de nombreux pays européens y participent directement, avec des objec-tifs qui ont varié selon les périodes, mais qui vont dans le sens d’un accroissement des engagements mili-taires et de leurs conséquences dramatiques, notamment pour les civils. Parmi les principaux pays euro-péens engagés dans le conflit syrien : la France, le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, les Pays-Bas, le Portugal, et dans une moindre mesure, l’Italie, l’Estonie, la Pologne et l’Albanie. La guerre en Syrie est donc bien une guerre européenne, et il est aujourd’hui illusoire de renforcer les interventions en Syrie sans penser que ces actions provoqueront automatiquement un nouvel afflux de migrants.
(suite page 13)
2 8 9
Or, c’est une situation drama-
tique pour la qualité de l’infor-
mation. Les lecteurs se trouvent
confrontés à une myriade de mes-
sages au sein desquels il est im-
possible d’établir une hiérarchie.
C’est aux professionnels qu’il de-
vrait revenir d’établir les priorités
et il semble qu’ils ne puissent plus
le faire, qu’ils soient eux-mêmes
entraînés dans ce tourbillon… Est-
ce si compliqué, pourtant, de dire
qu’on ne sait pas ? Que des agres-
sions ont certes eu lieu, qu’elles
semblent nombreuses, mais
qu’avant que puissent être avan-
cés des faits solides et recoupés, il
faut patienter ?
Ne serait-ce pas là le devoir et la
beauté du métier de journaliste ?
A côté de cette dérive journalis-
tique (le mot est fort mais correct
en regard du nombre d’erreurs
commises), il s’est trouvé des mil-
liers de personnes qui se sont
s’engouffrées dans les brèches ou-
vertes pour y déverser leur haine,
leur stupidité, leurs basses visées
d’extrême-droite… Et là, pour le
coup, les professionnels se sont
montrés à la hauteur.
Ainsi « Les Décodeurs » du
Monde.fr (http://www.lemonde.fr/
les-decodeurs/article/2016/01/11/
cologne-de-vraies-agressions-qui-
suscitent-de-fausses-
images_4845463_4355770.html)
se sont employés avec beaucoup
de rigueur à démonter l’utilisation
abjecte d’images (tout aussi ab-
jectes) destinée à stigmatiser les
demandeurs d’asile. Nous vous
épargnerons les dites images pour
simplement retenir qu’ont fait le
tour des réseaux sociaux (entre
autres, hélas) :
- une photo prise le 1er sep-
tembre 2015, à Budapest et sur
laquelle un homme (que l’on a le
plus souvent présenté comme une
femme) est molesté …
- un montage photo montrant
d’une part une femme portant un
panneau souhaitant la bienvenue
aux réfugiés, puis une autre, en-
sanglantée dans la rue. L’idée est
de faire croire qu’il s’agit de la
même personne et qu’elle « paye »
son accueil ; les deux personnes
sont en réalité différentes et la
femme agressée est un mannequin
britannique, Danielle Lloyd, qui a
été attaquée en 2009 dans un club
londonien ;
- la photo d’une femme subis-
sant un crachat, présentée comme
prise à Cologne lors du réveillon
alors qu’on la trouve en réalité uti-
lisée à tous propos depuis plu-
sieurs années.
On notera aussi que les mêmes
personnes (ou, en tout cas, des
gens aux convictions idéologiques
aussi nauséabondes), ont procédé
à amalgames indignes avec les
SDF ; ils accusent en effet les réfu-
giés d’accaparer les dispositifs ré-
servés aux sans-domiciles. Ca
donne ce genre de choses :
Ce sont toujours les décodeurs du
Monde.fr qui expliquent : « Le
montage de photos oppose le sort
des SDF, condamnés à dormir
dans la rue, au dispositif proposé
aux migrants, des lits dans des
gymnases. Mais c’est en réalité un
double mensonge.
Le premier cliché a été pris par Cy-
ril Feferberg, de l’agence AFP, en
octobre 2012 à Paris. (…). Le se-
cond, réalisé par le même photo-
graphe, date de l’année suivante.
Mais il ne montre pas un centre
d’accueil de migrants. Il s’agit en
fait d’un centre d’hébergement
d’urgence, ouvert pour faire face
au froid, dans le gymnase des In-
valides à Paris, et destiné juste-
ment aux SDF de Paris !
On notera quand même -mieux vaut tard que jamais- que le Monde note le 17 février 2016 : « La police locale dispose pour son enquête de 300 récits de témoins et d’un stock de 868 heures de vidéos. La plus grande partie de ce matériel n’a donc pas été analy-sée. « L’enquête va encore prendre des mois », conclut le procureur de Cologne. Trop tôt, donc, pour tirer des conclusions définitives sur les véritables auteurs des agressions de la nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne ». -http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/02/17/cologne-les-agresseurs-etaient-arrives-au-cours-de-l-annee-2015_4867024_3214.html)
Réfugiés, « réseaux sociaux » et médias : quelle confusion!
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Les guerres que mènent les pays européens
sont la première cause de l’afflux des réfugiés
La seconde nationalité à avoir demandé l’asile politique l’an dernier dans l’un des 28 pays de l’Union euro-péenne, ce sont les Afghans. 178 200 demandes, un nombre qui a quadruplé l’an dernier. Y-a-t-il lieu de s’en étonner ? Rappelons, là aussi, que la guerre en Afghanistan dure depuis 36 ans (deux générations !), et qu’en dehors des Etats-Unis, 19 pays européens y ont été engagés (au premier rang desquels, le Royaume-Uni et la France), et que cette guerre, malgré l’oubli dans laquelle elle est tenue par la plupart de nos mé-dias, dure toujours.
Troisièmes demandeurs d’asile en Europe, les Irakiens, 121 500 personnes, leur nombre a été multiplié par sept en 2015. Après 13 ans d’une guerre lancée par les Etats-Unis qui a fait plus d’un million de victimes, la guerre en Irak, non seulement n’est pas terminée, mais elle vient de prendre un tournant encore plus aigu depuis que le groupe Etat islamique a lancé en 2014 une grande offensive dans l’Ouest de l’Irak, privant l’état irakien d’un tiers de son territoire. Là encore, nouvelle intervention des Etats-Unis et de certains pays européens, et pas de perspective de paix en vue.
Ces trois nationalités constituent plus de la moitié des demandeurs d’asile en Europe, dans aucun de ces trois cas l’Union européenne ne peut faire semblant d’ignorer qu’elle est directement impliquée dans le dé-roulement de ces guerres. (d’après http://www.humanite.fr/les-guerres-que-menent-les-pays-europeens-sont-la-premiere-cause-de-lafflux-des-refugies-601114 )
Oser la démocratie !
(suite de la page 9)
Par ailleurs, une seule journée par
an sera consacrée au vote de tous
les sujets de votation de l’année,
ainsi qu’au choix des projets du
budget participatif – de sorte à
concentrer la mobilisation ci-
toyenne.
« On va recueillir des proposi-
tions et aussi des pro-
blèmes ! »
Il n’est pas non plus à exclure que
des mesures, validées par le suf-
frage populaire, soient en contra-
diction avec le projet écologique
plutôt tourné vers la sobriété de
l’actuelle majorité grenobloise. Le
comble étant que ces propositions
entérinées par la votation, pèse-
ront dans les finances, par ailleurs
en piteux état de la Ville…
La municipalité a anticipé l’épi-
neuse question du financement
des initiatives qui vont lui être
soumises. « Si par exemple l’objet
de la pétition ayant recueilli 2 000
signatures est de « mettre partout
des caméras de vidéosurveil-
lance », cela aurait un coût ! Et ce
n’est évidemment pas une mesure
que soutient notre majorité ! Le
financement de cette opération
serait mis au débat durant la pé-
riode précédant la votation. Notre
majorité se prononcerait aussi sur
la manière dont pourrait être fi-
nancée cette mesure. Les Greno-
blois voteront ainsi en connais-
sance de cause… ».
L’équipe d’Eric Piolle préfère miser
sur « l’intelligence collective ».
« Seule la démocratie peut défaire
ce que la démocratie a fait », lance
sentencieusement Pascal Clouaire.
Si nous voulons donner du pouvoir
d’agir aux habitants, il faut que
nous sortions de notre zone de
confort. Donc on va recueillir des
propositions et aussi des pro-
blèmes ».
L’Hôtel de Ville (et Maison des Associations) de Grenoble
Les règles du jeu pourront évo-
luer…
Cyril Lage, créateur de Parlement
& Citoyens et co-fondateur de Dé-
mocratie Ouverte se dit naturelle-
ment partisan de ce type de dispo-
sitif. Ce qui ne l’empêche pas d’en
percevoir déjà les travers : « Les
groupes d’intérêts extrêmement
bien structurés vont instrumentali-
ser ce droit. Cela peut être la porte
ouverte à faire passer tout ce
qu’on veut. » Rompu aux systèmes
de démocratie participative, il dé-
tecte une autre faille plus problé-
matique pour la cohésion sociale :
« Etant donné que l’objet de la pé-
tition, de fait, n’évoluera pas jus-
qu’à la votation, on ne sera pas
dans la co-construction, mais plu-
tôt dans le clivage. Les gens feront
bloc contre bloc … ». Aucun outil
de démocratie participative n’est
parfait. « L’équipe municipale ne
s’interdira pas de faire évoluer les
règles du jeu, si cela s’avérait né-
cessaire », lâchait Pascal Clouaire,
lors de la conférence de presse.
P a g e 1 4 Oser la démocratie !
Smartphones, voitures électriques, etc. :
le cobalt, les batteries et les enfants
Une des difficultés majeures auxquelles sont exposés les militants écologistes est celle de l’absence de
« conscience globale ». Il est en général extrêmement difficile de faire saisir aux gens -pas seulement sur le
plan intellectuel, mais aussi sur le plan émotionnel- que leur mode de vie -« occidental »- pèse d’un poids
insupportable sur la Planète. C’est particulièrement frappant dans le cas du réchauffement climatique : le
lien entre un déplacement inutile en avion et les îles Tuvalu (menacées de disparition à cause de la montée
des eaux) n’est guère évident à établir. Et quand bien même, s’il est parfois intellectuellement compris, il
n’induit pas de changements. Ni sur le plan individuel, ni sur le plan collectif.
Notre mode de vie, sans parler même de celui des Américains du Nord, est pourtant parfaitement insoute-
nable. Non seulement, il menace à moyen terme la survie de l’Humanité mais il s’appuie sur un ensemble de
pratiques immédiatement abominables. Nous vous présentons ci-dessous le résumé des conclusions d’un
récent rapport conjoint d’Amnesty et de l’ONG « African Resources Watch » (téléchargeable ici : https://
www.amnesty.org/fr/documents/document/?indexNumber=afr62%2f3183%2f2016&language=fr).
Puisse cette lecture faire conscience au plus grand nombre du fait que nous ne pouvons plus continuer de
tolérer que les ressources soient pillées et les vies broyées pour notre petit confort.
Une dernière chose : le rapport que nous citons ici émet une série de recommandations d’ordre légal, qu’il
prie les entreprises de respecter. C’est un premier pas (et c’est le « métier » d’Amnesty). Nous pensons que
c’est très largement insuffisant et que la question est fondamentalement celle de la frénésie productrice et
marchande. La Belgique compte par exemple plus de 13 millions de GSM en service pour 11 millions d’habi-
tants en ce donc compris les bébés naissants, les très jeunes enfants ou les personnes très âgées (on ignore
combien de GSM inutilisés « dorment » un peu partout). De plus, l’ensemble des fonctions qui ne cessent de
s’ajouter à ce qui n’est au fond qu’un téléphone est très gourmand en ressources et use les batteries à une
rapidité record.
C’est sans doute cette surconsommation complètement irrationnelle qui constitue le fond du problème. Sauf
pour les actionnaires d’Apple ou de Samsung, naturellement…
« Des millions de personnes bénéficient des avantages des nouvelles technologies, sans se pré-
occuper de la manière dont elles sont fabriquées. Il est temps que les grandes marques assu-
ment leur part de responsabilité dans l'extraction des matières premières qui rendent leurs pro-
duits si lucratifs. » - Mark Dummett, spécialiste de la responsabilité des entreprises en matière de droits
humains à Amnesty International.
« C'est le grand paradoxe de l'ère numérique : des entreprises parmi les plus florissantes et inno-
vantes du monde sont capables de commercialiser des produits incroyablement sophistiqués
sans être tenues de révéler où elles se procurent les matières premières incluses dans leurs
composants. Les violations des droits humains perpétrées dans les mines demeurent hors de la
vue et des consciences : en effet, sur le marché mondialisé, les consommateurs n'ont aucune
idée des conditions de travail dans les mines, les usines et les chaînes de montage. » - Emmanuel
Umpula, directeur exécutif d'Afrewatch (Observatoire africain des ressources naturelles).
P a g e 1 5 2 8 9
Smartphones, voitures électriques, etc. :
le cobalt, les batteries et les enfants
Mines mortelles et travail des
enfants
La République Démocratique du
Congo (RDC) est responsable d'au
moins 50 % de la production mon-
diale de cobalt, composant essen-
tiel des batteries lithium-ion.
L'une des plus grosses compagnies
minières du pays est la Congo
Dongfang Mining (CDM), filiale de
Huayou Cobalt. Plus de 40 % du
cobalt commercialisé par Huayou
Cobalt provient de la RDC.
Les mineurs qui travaillent dans
les zones où la CDM achète du co-
balt sont exposés à des problèmes
de santé récurrents et à un fort
taux d'accidents mortels. Au moins
80 mineurs artisanaux sont morts
sous terre dans le sud de la RDC,
entre septembre 2014 et dé-
cembre 2015. On ne connaît pas le
chiffre réel, car de nombreux acci-
dents ne sont pas signalés et les
cadavres restent ensevelis sous les
décombres.
Les chercheurs d'Amnesty In-
ternational ont également
constaté que la vaste majorité
des mineurs passent chaque
jour de longues heures à tra-
vailler en contact avec le co-
balt, sans les équipements élé-
mentaires (gants, vêtements
de travail ou masques notam-
ment) pour les protéger. Or,
l’exposition chronique à la
poussière contenant du cobalt
peut entraîner une maladie
pulmonaire mortelle connue
sous le nom de « fibrose pul-
monaire aux métaux durs ».
L’inhalation de particules de
cobalt peut également causer
« une sensibilisation des voies
respiratoires, des crises
d’asthme, un essoufflement et
un affaiblissement des fonc-
tions pulmonaires ». En outre,
un contact cutané prolongé avec
ce minerai peut aboutir à des cas
de dermatite.
Des enfants ont raconté qu'ils tra-
vaillent jusqu'à 12 heures par jour
dans les mines, transportant de
lourdes charges, pour gagner entre
un et deux dollars par jour. Selon
l'UNICEF, en 2014, environ 40 000
enfants travaillaient dans les
mines dans le sud de la RDC, dont
beaucoup dans des mines de co-
balt
De 1998 à 2003, le pays a été
frappé par une seconde guerre
alors que le Rwanda, l’Ouganda
et le Burundi ont cherché à ren-
verser Laurent Kabila, le succes-
seur du président Mobutu. Ne
pensant pas pouvoir relancer le
secteur minier industriel en raison
des combats, le président Kabila
a encouragé la population des
villes minières à chercher du mi-
nerai pour leur propre compte.
Des milliers d’adultes et d’en-
fants, munis seulement d’outils à
main, ont commencé à exploiter
les concessions de la Gécamines.
En 1999, le président Kabila a
créé un organisme gouvernemen-
tal pour réglementer et taxer ce
secteur en expansion. Le Service
d’assistance et d’encadrement du
small-scale mining (SAESSCAM)
demeure le principal organisme
gouvernemental chargé de
« surveiller » l’exploitation mi-
nière artisanale.
Un mineur artisanal trie du minerai de cobalt sur la rive du lac Malo à Kapata en
RDC. Malgré les risques sanitaires liés à l’exposition au cobalt, le mineur ne
porte ni masque facial, ni gants, ni vêtements de protection - Mai 2015, © Am-
nesty International et Afrewatch
Des enfants trient et écrasent le minerai de
cobalt dans le quartier de Kasulo (Kowezi -
RDC) - Mai 2015, © Amnesty International
et Afrewatch
P a g e 1 6
La chaîne
d'approvisionnement,
une honte pour les entreprises
En avril et mai 2015, des cher-
cheurs d'Amnesty International et
d'Afrewatch se sont entretenus
avec 87 mineurs de cobalt, encore
en activité ou non, dont 17 en-
fants, travaillant sur cinq sites mi-
niers dans le sud de la RDC. Ils ont
également interviewé 18 négo-
ciants en cobalt et suivi les véhi-
cules de mineurs et de négociants
transportant le minerai de cobalt
depuis les mines jusqu'aux mar-
chés où les grandes entreprises
l'achètent. La principale est la
CDM, filiale congolaise de Huayou
Cobalt.
Huayou Cobalt fournit du cobalt à
trois fabricants de composants de
batteries lithium-ion, à savoir
Ningbo Shanshan et Tianjin Bamo
en Chine, et L&F Materials en Co-
rée du Sud. Ces trois fabricants
ont acheté pour plus de 85 millions
d'euros de cobalt à Huayou Cobalt
en 2013.
Amnesty International a alors con-
tacté 16 marques internationales
de grande consommation listées
comme clients directs ou indirects
de ces trois fabricants. Avant
qu'elles ne soient contactées, au-
cune de ces multinationales n'a
reconnu avoir été en relation avec
Huayou Cobalt, ni assuré la traça-
bilité du cobalt utilisé dans ses
produits.
Le rapport révèle que les entre-
prises impliquées dans la filière
d'approvisionnement du cobalt ne
prennent pas en compte les
risques en termes de droits hu-
mains liés à leurs activités.
Actuellement, le marché mondial
du cobalt n'est pas réglementé. En
effet, le cobalt n'entre pas dans la
catégorie des « minerais du con-
flit » réglementés aux États-Unis –
à savoir l'or, le coltan/tantale,
l'étain et le tungstène– en prove-
nance des mines de la RDC.
« La plupart de ces multinationales
assurent appliquer une politique de
tolérance zéro s'agissant du travail
des enfants. Pourtant, ce ne sont
que de belles paroles, puisqu'elles
ne se renseignent pas sur leurs
fournisseurs. Leurs déclarations ne
sont pas crédibles, a déclaré Mark
Dummett. Tant que les entreprises
ne seront pas tenues légalement
de contrôler la provenance des mi-
nerais et leurs fournisseurs et de
rendre ces informations publiques,
elles continueront de tirer profit de
violations des droits humains. Les
gouvernements doivent en finir
avec ce manque de transparence,
qui permet aux entreprises de tirer
profit de la misère. »
Amnesty International et Afre-
watch demandent aux multinatio-
nales qui intègrent des batteries
lithium-ion dans leurs produits
d'appliquer le principe de diligence
(cf. encadré page 17) due en ma-
tière de droits humains, d'enquêter
pour déterminer si le cobalt est
extrait dans des conditions dange-
reuses ou en recourant au travail
des enfants, et de renforcer la
transparence quant à leurs fournis-
seurs.
Paul, orphelin de 14 ans, a com-
mencé à travailler dans les mines
à l'âge de 12 ans. Il a déclaré aux
chercheurs qu’il est malade en
permanence depuis qu’il a travail-
lé sous terre pendant de longues
heures : « Je passais 24 heures
d'affilée dans les tunnels. J'arri-
vais le matin et repartais le lende-
main matin... Je devais me soula-
ger dans les tunnels… Ma mère
adoptive voulait m'envoyer à
l'école, mais mon père adoptif
était contre, il m'exploitait en
m'envoyant travailler dans la
mine. »
Smartphones, voitures électriques, etc. :
le cobalt, les batteries et les enfants
Le 14 mai 2015, les chercheurs ont aperçu un des camions
de Congo Dongfang Mining (CDM) en train d'être chargé
avec des sacs de minerai au marché de Musompo. Ils l'ont
suivi jusqu'à l'entrepôt de l'entreprise, situé à seulement...
5km du marché. De quoi se poser des questions sur le pra-
tiques du concessionnaire minier ! - Mai 2015, © Amnesty
International et Afrewatch
P a g e 1 7 2 8 9
Amnesty International et Afrewatch invitent égale-
ment la Chine à exiger des compagnies minières
chinoises qui opèrent à l'étranger qu'elles enquê-
tent sur leurs filières d'approvisionnement et remé-
dient aux atteintes aux droits humains liées à leurs
activités. Amnesty International et Afrewatch enga-
gent Huayou Cobalt à révéler qui participe à l'ex-
traction et au commerce de son minerai, quels sont
les sites d'extraction et à s'assurer qu'elle n'achète
pas de cobalt extrait grâce au travail des enfants ni
dans des conditions dangereuses.
« Les entreprises ne doivent pas se contenter
d'interrompre une relation commerciale avec un
fournisseur ou de décréter un embargo sur le co-
balt de la RDC parce que des risques en termes de
droits humains sont identifiés dans la chaîne d'ap-
provisionnement. Elles doivent agir en vue de re-
médier aux souffrances endurées par les victimes
d'atteintes aux droits humains », a déclaré Mark
Dummett.
Le principe de diligence
Les Principes Directeurs des Nations Unies en matière
de commerce et de droits de l’homme mettent en avant
la responsabilité incombant aux entreprises de respec-
ter les droits humains internationaux dans le cadre de
leurs activités mondiales, notamment à travers leurs
chaînes d’approvisionnement. Cela requiert, entre
autres, que les entreprises exercent le devoir de dili-
gence pour veiller au respect des droits humains et
pour « déterminer, prévenir, réduire et recenser l’im-
pact de leurs activités en termes d’atteintes aux droits
humains. »
Un guide pratique présentant de quelle manière ce de-
voir de diligence doit être exercée au niveau des
chaînes d’approvisionnement a été fourni par l’Organi-
sation de coopération et de développement écono-
mique (OCDE). Ce Guide sur le devoir de diligence pour
des chaînes d’approvisionnement responsables en mi-
nerais provenant de zones de conflit ou à haut risque
(Guide l’OCDE) présente un processus décliné en cinq
étapes et devant être suivi par toutes les entreprises
impliquées dans l’approvisionnement en minerais.
Qualité de l’alimentation, l’atelier du 20 février
Le grand méchant gras ?
Pâte rapide à l' huile végétale
Le matériel : grand bol, petit cou-
teau, platines ou plaques pour le
four, papier cuisson, balance et
mesureur, rouleau à tarte.
Les ingrédients pour 4 personnes
(1 tarte) : 200 gr de farine
(froment), 70ml d'huile d'olive, 70
ml d'eau, sel
La préparation :
- Préchauffer le four à 200°
(numéro 7)
- Mélanger la farine et l'huile, puis
intégrer petit à petit l'eau jusqu'à
obtention d'une boule lisse qui ne
colle pas aux doigts. Si c'est trop
collant : remettre un peu de farine
sur les mains.
- Aplatir au rouleau ou à la main
(cette pâte est très souple et facile
à travailler) et déposer sur les pla-
tines. Le reste de pâte, coupé au
couteau, peut être ajouté sur les
bords pour épaissir ou réservé,
pour garnir en bandelettes le des-
sus de la garniture.
- Précuire la pâte 10 minutes pour
la sécher avant de garnir.
Le froment
Le froment est une céréale (une
graminée – avec épis) qui contient
du gluten, ce qui aide à son utili-
sation en cuisine (moins cassant,
plus levant).
L'huile d'olive
Les olives sont des fruits oléagi-
neux, sources principales d’oméga
9, gras mono-insaturé.
On prête à l'huile d'olive de nom-
breux bienfaits : anti-cholestérol,
anti hypertension, anti constipa-
tion, elle serait aussi antidouleur,
préviendrait le cancer du sein et
de la prostate…
Malgré son origine asiatique, l’oli-
vier a été cultivé depuis plus de
3000 ans dans tout le bassin médi-
terranéen. La plupart des olives
produites dans cette région sont
transformées en huile d’olive.
L’huile d’olive de première qualité
et bio est une huile très naturelle,
produite par simple pression à
froid, sans utilisation ou ajout
d’aucun produit chimique.
L’olive est pressée pour extraire le
jus et celui-ci est placé dans une
centrifugeuse pour séparer l’eau
de l’huile. Une cuillère à soupe
d’huile d’olive contient 120 calories
et 14 g. de gras dont 77 % sont
mono-insaturés, 14 % saturés et
9 % polyinsaturés. Elle contient
également un peu de vitamine E.
On reconnaît à l’huile d’olive des
propriétés dans la protection des
maladies cardiovasculaires.
Les pays du bassin méditerranéen
comme la Grèce, l’Italie et l’Es-
pagne, connaissent des taux très
bas d’affections cardiovasculaires.
Le risque de ces affections, selon
les statistiques, y serait 10 fois
plus faible qu’en Amérique du
Nord, par exemple.
Eléonore (notre nouvelle
bénévole !)
P a g e 1 8
Voir aussi notre
annonce page 21
(23 avril 2016)
Qualité de l’alimentation, l’atelier du 20 février
Le grand méchant gras ?
Tarte au chou blanc,
feta et crème
Le matériel
Grand bol, poêlon, petit couteau,
passoire, 3 bols (un pour déposer
les œufs, un pour casser et vérifier
l’œuf, un pour les déchets), ba-
lance et mesureur.
Les ingrédients pour 4 personnes
(1 tarte)
- 500 gr de légumes crus (400 gr
cuits) tels que chou blanc, oignons,
jus de tomates ou tomates pas-
sées...
- une gousse d'ail, 2 œufs, 250 ml
de crème fraîche, huile d'olive, cur-
ry (2 cuillères à café), sel, poivre,
tamari, thym frais,
- 250 g de feta.
La préparation
- préchauffer le four à 200°
(numéro 7)
- préparer la pâte à tarte (voir
fiche) et garnir la platine
- précuire 10 minutes au four
Garniture
- faire revenir doucement les oi-
gnons
- chauffer les tomates et intégrer
les oignons cuits
- cuire dans un peu d'eau le chou
blanc coupé en lamelles
- mélanger œufs, crème, sel,
poivre, curry
- garnir la tarte avec les légumes,
les morceaux de feta, le thym et
recouvrir de la sauce + graines de
Chia*
- cuire 30 à 45 minutes ;
- la tarte doit dorer sans brûler.
* Le chia est une espèce de sauge
originaire de la vallée centrale du
Mexique. Elle produit de petites
graines, riches en acides gras omé-
ga-3, en antioxydants, en fibres,
en minéraux et vitamines.
P a g e 1 9 2 8 9 Eco-vie Junior Grisou raconte. . .
Avez-vous regardé par la fenêtre ces
derniers jours, ces dernières se-
maines ? Avez-vous vu la nature se ré-
veiller ?
Moi oui ! Le soleil a réchauffé la terre
du jardin, du coup tout prend une autre
couleur. Les arbres se parent de vert,
les perce-neiges ont fait leur apparition ainsi que les
jonquilles.
Dans les arbres, les oiseaux chantent et commencent
à préparer leur nid. C’est tout un petit monde qui
s’affaire… Le troglodyte mignon est déjà venu visiter
son nid de l’année dernière, histoire de voir s’il pourra
y amener à nouveau une belle cette année.
Les lapins et lièvres font des galipettes dans les
champs.
J’adore cette période de l’année.
A la maison, les chats aiment le soleil et ses caresses.
Voyez plutôt…
Et vous, comment vivez-vous le printemps ???
N’hésitez pas à m’écrire …
A bientôt
Pour d’autres aventures.
Grisou
V’là le printemps !
Dans le cadre de Wallonie Bienvenue, Eco-Vie vous ac-
cueille le dimanche 22 mai de 10 à 17h30 à l' école de
Leers-Nord :
- de 10 à 12h : atelier djembé (Hugues)
- de 12 à 14h : atelier « rôle de l' alimenta-
tion » (Eléonore)
- de 14 à 16h : atelier « produits d' entretien » (Tatie
Sylvia)
- de 16 à 17h30 : atelier de stretching postural
(Sylviane)
Dans le cadre de Wallonie Bienvenue, Xavier vous ac-
cueille chez lui, le samedi 21 et le dimanche 22 mai, 1E
rue de Néchin, à 7730 Leers-Nord. Il vous fera visiter
sa maison en « eautarcie » à
10 heures
12 heures
14 heures
et 16 heures…
Une expérience passionnante !
P a g e 2 0 AGENDA
Lundi 11, 18 et 25
avril
Atelier stretching postural® de 18 à 19 h.–Ecole communale de Leers Nord (22, rue des
Mésanges, 7730 Leers-Nord [B.]) ; accueil à partir de 17h45
Mercredi 13, 20 et 27
avril
Atelier stretching postural® de 12h30 à 13h30 - Ecole communale de Leers Nord (22,
rue des Mésanges, 7730 Leers-Nord [B.]) ; accueil à partir de 12h15
Jeudi 7, 14, 21 et 28
avril
Atelier stretching postural® de 18h précises à 19h - CRIE de Mouscron (rue de la Vel-
lerie, 135). Accueil à partir de 17h45
Samedi 16 avril Sentier aux Loups, 20 heures, parc du Chalet (voir éditorial et annonce page 21)
Samedi 23 avril Audit citoyen de la dette, 10h30 , au CRIE de Mouscron (rue de la Vellerie, 135)
Samedi 23 avril Qualité de l’alimentation, « La Grande Forme au sortir de l’Hiver », 17h45, La Prairie
(voir annonce p. 21)
Mardi 26 avril Incroyables Comestibles (Moins de biens, plus de liens), Parc du Chalet, 17h30
Avril
Mai
Lundi 2, 23 et 30 mai Atelier stretching postural® de 18 à 19 h.–Ecole communale de Leers Nord (22, rue des
Mésanges, 7730 Leers-Nord [B.]) ; accueil à partir de 17h45
Mercredi 4, 18 et 25
mai
Atelier stretching postural® de 12h30 à 13h30 - Ecole communale de Leers Nord (22,
rue des Mésanges, 7730 Leers-Nord [B.]) ; accueil à partir de 12h15
Jeudi 5, 12, 19 et 26
mai
Atelier stretching postural® de 18h précises à 19h - CRIE de Mouscron (rue de la Vel-
lerie, 135). Accueil à partir de 17h45
Samedi 7 mai Mon Jardin au Naturel (Evregnies, 14 heures) - Voir annonce page 2
Samedi 21 et di-
manche 22 mai
Wallonie Bienvenue (Leers-Nord) - voir annonce page 19
Mardi 24 mai Incroyables Comestibles (Moins de biens, plus de liens), Parc du Chalet, 17h30
Samedi 28 mai Audit citoyen de la dette, 10h30 , au CRIE de Mouscron (rue de la Vellerie, 135)
Et déjà en juin…
Tous nos ateliers « Stretching Postural »®
Jeudi16 juin Eco-Vie au « Marché du terroir »
Samedi 18 juin Qualité de l’alimentation, « Une Santé de fer », 17h45, La Prairie (voir annonce p. 18)
Samedi 25 juin Audit citoyen de la dette, 10h30 , au CRIE de Mouscron (rue de la Vellerie, 135)
Mardi 28 juin Incroyables Comestibles (Moins de biens, plus de liens), Parc du Chalet, 17h30
2 8 9 P a g e 2 1
Le saviez-vous ? Le 17 avril 1996, 19 paysans du mouvement
sans terre au Brésil étaient assassinés par des
tueurs commandités par les grands propriétaires
terriens.
Depuis, le 17 avril est déclaré « Journée mon-
diale des luttes paysannes », le saviez-vous ?
De plus en plus, la société civile belge se mobi-
lise aux côtés des paysans pour défendre l’accès
à la terre, pour développer une agriculture lo-
cale, familiale et bio. C’est essentiel pour notre
nourriture
demain.
Mobilisons-
nous pour
que l’agricul-
ture rede-
vienne ce
qu’elle était
depuis tou-
jours : une
agriculture
raisonnable à
proximité de
ceux qu’elle
nourrit et qui
fait vivre dé-
cemment les
agriculteurs.
P a g e 2 2 « Extractivisme » ?
Nicolas Sersiron est l’auteur de
« Dette et extracti-
visme » (paru en 2014 aux édi-
tions « Utopia ».
Il définit l’extractivisme
comme « le pillage des res-
sources naturelles de la Pla-
nète - notamment par la force -
qui a donné et continue de
donner aux USA et à l’Europe
les moyens de dominer le
Monde ».
Le Brésil (tout comme la RDC,
nous l’avons vu) est une des
nombreuses victimes de l’ex-
tractivisme.
Le barrage de Belo Monte (1)
Le barrage de Belo Monte au cœur
de la forêt amazonienne (Brésil) a
une déjà très longue histoire. Au
début de l’année 1989, ils sont
nombreux à être venus à Altamira
pour écouter les explications du
jeune ingénieur José Antonio Muniz
Lopes et d’une poignée de repré-
sentants d’Eletronorte, l’entreprise
publique alors chargée du projet.
Dans la salle, on aperçoit même
Sting aux côtés du légendaire chef
Raoni… Une jeune indienne, Tuira,
se lève, pose sa machette sur la
joue de l’ingénieur et déclare en
langue kayapo : « Nous n’avons
pas besoin de votre barrage. Nous
n’avons pas besoin d’électricité,
elle ne nous donnera pas notre
nourriture. Vous êtes un men-
teur ! ». L’image fera le tour du
monde… et le projet sera quelques
temps remisé au placard.
Plus de vingt-cinq ans ont passé
depuis le geste de Tuira. Le temps
a fait son œuvre. Les ingénieurs
ont révisé leur projet. L’impact de
l’ouvrage a été quelque peu réduit.
Des terres indiennes qui devaient
être inondées pourraient être pré-
servées grâce a un canal de dévia-
tion. Le barrage de Belo Monte,
objet de tant de controverses, est
bel et bien en cours de construc-
tion et devait produire, dès 2015,
ses premiers mégawatts. Quelque
25 000 ouvriers s’y emploient, jour
et nuit, une armée dispersée à
l’intérieur de la « grande boucle »
du légendaire fleuve Xingu, ce
coude naturel formé de rapides et
gorgé de poissons de toute espèce.
L’ouvrage hydroélectrique, avec
son barrage principal de 3,5 km de
large, son canal de dérivation de
20 km, ses digues et sa retenue
d’eau de 516 km², prévoit d’ali-
menter dix-huit mégaturbines ces
cinq prochaines années. Belo
Monte, 11 233 mégawatts, sera au
troisième rang mondial derrière les
Trois Gorges, en Chine (22 720
MW), et Itaipu (Brésil et Paraguay,
14 000 MW). De quoi, sur le pa-
pier, éclairer 18 millions d’habi-
tants ou répondre à un cinquième
des nouveaux besoins énergé-
tiques du pays. Pour plus de 10
milliards d’euros, c’est le plus
grand projet d’infrastructure du
gouvernement de Dilma Rousseff.
Les dizaines de recours en justice
déposés par les défenseurs des
communautés indiennes, les ONG
et groupes environnementalistes
n’ont rien empêché. A peine ont-ils
retardé le processus : « Soixante
jours de retard sur le calendrier
des opérations », glisse José Bia-
gioni de Menezes, le responsable
des travaux de Belo Monte.
José de Menezes admet que la for-
mation de l’ex-président Lula (le
P.T.) était contre Belo Monte du-
rant ses années d’opposition.
« Mais une fois au pouvoir [en
2003], le parti a compris son utili-
té. » Avant d’ajouter un argument-
clé des défenseurs du projet : « Le
développement du Brésil est pro-
portionnel à l’énergie produite. Les
deux sont intimement liés. »
La frontière est tracée. L’entaille
béante de Belo Monte sépare deux
mondes. D’un côté, la septième
économie mondiale, ses besoins
énergétiques gigantesques, sa pré-
tention à « désenclaver ses ré-
gions les plus pauvres » et à
« offrir des emplois à des milliers
de Brésiliens ». De l’autre, la pro-
tection des Indiens menacés d’être
chassés de ces
terres où ils vi-
vent depuis des
temps immé-
moriaux et la
préservation du
bassin amazo-
nien, poumon
vital pour
l’Amérique du
Sud et la pla-
nète entière.
(1) d’après Belo Monte, le barrage géant du Brésil qui a vaincu les Indiens LE MONDE, le
24.04.2014 par
Nicolas Boursier.
P a g e 2 3 2 8 9
Développement, emplois ?
Mais à quel prix ?
La question des
communautés indiennes
Ingre Koriti est une jeune Indienne
Xikrin, l’une des tribus les plus im-
portantes de la région, installée
sur la terre indigène Trincheira Ba-
cajá, au sud du fleuve. Elle semble
résignée. « La pêche va mourir,
c’est évident, dit-elle. L’eau va se
raréfier, se réchauffer, les poissons
vont mourir ou disparaître de la
région. » [note : sur l’ensemble
des dégâts et le poids écologique
des barrages, voir notre n° 279,
http://www.eco-vie.be] C’est
Ingre, du haut de ses 23 ans, qui
explique aux siens les projets liés
au barrage : « Personne n’est venu
le faire », dit-elle. Avec ses che-
veux de jais, longs et fins, une fa-
conde à toute épreuve, cette fille
du cacique Naoré Kayapo aurait pu
prendre la relève de Tuira. « J’ai
grandi avec cette image de Tuira,
dit-elle. Cela nous a donné de la
force. Mais le souffle est aujour-
d’hui passé. »
Ingre n’a pas de mots assez durs
contre les autorités et contre le
consortium qui a remporté l’appel
d’offres après le feu vert du gou-
vernement Lula en 2010, Norte
Energia, qui regroupe des géants
de l’énergie, comme Eletrobras et
du secteur minier, comme
Vale, ou encore des fonds de
pension, comme Petros. « Ce
sont eux qui ont versé de
l’argent aux aldeias
(communautés villageoises)
pour détourner leur attention
du barrage. »
Avant même d’appliquer un
programme de compensation
sociale et environnementale
de 4 milliards de reais exigée
par le ministère de l’environ-
nement, Norte Energia a dis-
tribué, en 2011 et 2012,
pour 30 000 reais (9 700 eu-
ros) par mois de biens maté-
riels aux villages de la
grande boucle. Un « plan
d’urgence » dont la liste de-
vait être remplie par les ca-
ciques des villages. De quoi ali-
menter envies et jalousies. Et
transformer Altamira en foire de
négoce entre Indiens et indus-
triels.
Les villages indigènes du rio Xingu
se sont scindés. Les 19 aldeias ont
éclaté en 37 entités, dont 34 ont
consenti à collaborer avec le con-
sortium. « Dans mon village, la
majorité a refusé cet argent, glisse
Ingre. Mais certains ont vu des
motos arriver dans les villages voi-
sins, des télévisions et des mo-
teurs de bateau. Cela a créé des
tensions. Un jour, on a appris que
cette manne s’était tarie, sans ex-
plications. Nos terres sont vulné-
rables et les Indiens toujours plus
dépendants. »
Le long de la rive, le quartier
d’Aparecida, construit de briques
et de bois, de maisons sur pilotis
ou d’habitats dérisoires posés sur
monticules, vit ses derniers jours.
Il sera inondé une fois le barrage
opérationnel. Les négociations
pour reloger ses 7 800 familles
sont en cours. José, fabricant de
tuiles en terre cuite, dit avoir ac-
cepté l’indemnisation financière
proposée par le consortium :
20 000 reais. Il s’apprête à s’ins-
taller chez sa sœur en attendant
de trouver un toit.
De nombreuses voix se sont éle-
vées contre les habitations cons-
truites au pas de charge ces der-
niers mois. Quelque 4 100 maisons
estampillées Norte Energia, répar-
ties dans cinq quartiers de la péri-
phérie d’Altamira. Des successions
de carrés de béton sur une terre
rouge vif, trois-pièces-cuisine aux
murs fins, sans charme aucun. Se-
lon le décompte des autorités,
12 000 personnes sur les 20 000
affectées par le barrage y seront
logées.
Joao dos Reis Pimentel, comme
tous les employés du consortium,
dit ne pas pouvoir mesurer avec
précision l’impact du barrage.
« Mais nous avons tout fait pour
réduire sa taille et préserver les
terres indigènes. Il n’y a que 250
Indiens touchés directement. »
Des chiffres qui exaspèrent les op-
posants historiques à Belo Monte.
Coordinateur de l’Institut environ-
nemental et social d’Altamira, Mar-
celo Salazar répète qu’un barrage
de cette taille provoque des dégâts
bien au-delà de sa géographie
proche. « De tels travaux ouvrent
des brèches, soutient-il. Il y a la
déforestation, l’entrée du trafic il-
légal. Prenez Belo Sun, le plus
grand projet d’exploration d’or du
Brésil situé en bordure du Xingu.
N’a-t-il pas été signé après le feu
vert du barrage ? »
« Extractivisme » ?
P a g e 2 4 Si vous voulez participer à la rédaction de cette revue, merci de le signaler au 056/ 337213. Pro-
chain comité de rédaction : 04/ 05/ 2016
Si vous désirez nous soumettre un article, merci de nous le faire parvenir, si possible, pour le
02/ 05/ 2016, par mail à eco-vie@skynet. be ou par courrier (34, rue de l' Oratoire, 7700 Mouscron)
Abonnement - adhésion : 15 euros ou un virement permanent de 1, 25 € par mois mi-
nimum au BE82 5230 8023 7768 (BIC : TRIOBEBB) . ECO-VIE, Rue de l' Oratoire 34,
7700 MOUSCRON Tél. : 00 32 (0) 56 33 72 13 / mail ; eco-vie@skynet. be
Les articles signés n' engagent que leurs auteurs.
La question de l’exploitation
des ressources naturelles
L’exploitation de l’or, de l’alumi-
nium, etc. ? C’est bien la ques-
tion : les dégâts humains et écolo-
giques des grands barrages hy-
droélectriques sont amplement do-
cumentés, leur efficacité énergé-
tique est largement remise en
question et il est avéré que leur
impact en termes de gaz à effet de
serre dépasse nettement celui de
projets à taille humaine… Alors
pourquoi construire de telles aber-
rations ? La réponse est fournie par
Mario Salazar : il s’agit d’alimenter
de grands complexes industriels
internationaux qui vont continuer
d’extraire les minerais des en-
trailles de la forêt amazonienne.
Outre les immenses dégâts en
amont de l’exploitation (barrages,
infrastructures, construction de
routes, etc.), les conditions de l’ex-
traction elle-même sont désas-
treuses. En témoigne la rupture de
deux barrages miniers dans le Mi-
nas Gerais (Brésil), le 5 novembre
2015.
Près de 60 millions de litres d’un
mélange constitué de terre, de si-
lice, de résidus de fer, d’aluminium
et de manganèse (l’équivalent de
24 piscines olympiques) se sont
déversés dans le Rio Doce (la
douce rivière), le cinquième plus
grand fleuve du Brésil. En quelques
jours, des millions de poissons sont
morts d’asphyxie et les habitants
surnomment désormais ce fleuve
le « Rio Morto » (la rivière morte).
Le mélange échappé des barrages
n’est pas directement toxique pour
l’être humain, disent les autorités,
qui conseillent pourtant de jeter
tous les objets et vêtements qui
ont été en contact avec la boue (on
se demande pourquoi !)
Les spécialistes, eux, expliquent
que ce mélange pourrait agir
comme une « éponge » qui piège
les autres polluants. Quelques
jours après le passage des eaux
contaminées, des relevés ont ainsi
montré un taux anormalement éle-
vé de mercure à quelques kilo-
mètres de la catastrophe. D’autres
sources évoquent la présence de
plomb, de cuivre et de divers mé-
taux lourds.
Actuellement, ce sont plus de
500 000 personnes qui sont pri-
vées d’eau pour les approvisionne-
ments domestiques et agricoles, le
long des 850 km qui séparent Ma-
riana et l’océan Atlantique. Des
barrages et des usines de captation
sont à l’arrêt à cause des déchets
flottants et des tonnes de poissons
morts
Par ailleurs, près de 600 personnes
ont été déplacées à cause de la
subite élévation des eaux. Par sa
quantité et sa composition, cette
vague de boue, qui progresse à la
vitesse de 1,2 km/ h, affecte toute
une région pour au moins les cent
prochaines années.
« Plusieurs siècles pour que la
nature reconstitue un sol fer-
tile »
Là où le « Fukushima brésilien »,
comme le désignent les inter-
nautes, a recouvert les terres, plus
rien ne pourra repousser avant de
longue années. « Ce type de résidu
d’extraction est totalement infertile
car il ne contient pas de matière
organique », explique Mauricio Eh-
rlich, professeur de géo-ingénierie
à l’Université de Rio de Janeiro
(URFJ), « il faudra plusieurs siècles
pour que la nature reconstitue un
sol fertile ».
Plus graves encore que la création
de cette zone de désert infertile,
sont les conséquences fluviales et
maritimes. Dans les premiers
jours, les particules boueuses en
suspension dans l’eau, en empê-
chant le passage des rayons du
soleil, ainsi que la bonne oxygéna-
tion de l’eau, ont provoqué la mort
d’une grande partie de la faune et
de la flore. Les pêcheurs et les vo-
lontaires se sont démenés jour et
nuit pour tenter de sauver pois-
sons, crustacés et tortues sur le
littoral avant l’arrivée de la vague.
Et pourtant, même s’il est encore
trop tôt pour le dire, les scienti-
fiques craignent que certaines es-
pèces endémiques de la région
aient définitivement disparu, car la
catastrophe a eu lieu en pleine pé-
riode reproductive de nombreuses
d’entre elles.
Les preuves d’une négligence
de maintenance
Le responsable des barrages est
l’entreprise Samarco, qui appar-
tient au groupe minier brésilien
Vale et à l’anglo-australien BHP
Billiton. Le ministère public de
l’État du Minas Gerais a affirmé
que la rupture du barrage n’était
pas un accident et qu’il rassemblait
les preuves d’une négligence de
maintenance. Une première
amende de 250 millions de réais
(61 millions d’euros) a été infligée
et annoncée par la présidente du
Brésil, Dilma Rousseff.
Mais les experts estiment que la
facture devrait se chiffrer plutôt en
milliards… Si tant est que la Nature
a un prix.
D’après « Le Brésil frappé par la pire catastrophe écologique de son his-toire » 20 novembre 2015 - Mathilde Dorcadie
(Reporterre)