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« Il était une fois » au parc du Chalet Dans le cadre de notre action Incroyables Comestibles au parc du Chalet (Mont-à-Leux - Mouscron), nous allons partici- per à une grande soirée à la fois mobilisatrice et festive de ce quartier. Différentes associa- tions et des citoyens feront de cette soirée un bel évènement familial qui ravira petits et grands. Pour notre part, nous présenterons nos bacs in- croyables co- mestibles aux participants en vous racontant une bien belle histoire … Mais chut ! …. Pour connaître la suite, venez nous rejoindre à 20h au parc du Chalet pour commencer une belle aventure. Et si vous voulez nous aider dans la réalisation des acces- soires, mais aussi dans la con- fection de « bombes à graines », sachez que nous au- rons besoin d’aide lors de l’ate- lier ouvert qui aura lieu le ven- dredi 8 avril, de 9h à 17h au local scout du Mont-à-Leux (rue de la Grotte). Si cela vous intéresse, contac- tez-nous au 056/337213 ou eco [email protected] Merci d’avance Sylvia Eco- Vie, la revue n. 289 / mars - avril 2016 http:// www. eco- vie. be Prix de vente ( hors- adhésion) : 2 euros Edit. resp. : Sylvia Vannesche, 34 rue de l' Oratoire, 7700 Mouscron - L’« ubérisation »de notre modèle économique et social, pp 3 à 7 - Faire comme si ou lillusion nécessaire ( un livre de Pierre Crombez) pp 7 et 8 - Réfugiés, « réseaux so- ciaux » et médias, pp 10 à 13 - Le cobalt, les batteries et les enfants, pp 14 à 17 - Grisou : page 19 - Agenda : page 20 - « Extractivisme ? », pp 22 à 24 Sommaire Editorial

Eco Vie la revue · fois mobilisatrice et festive de ce quartier. ... du Collectif Lys-Deûle Environnement et enfin du Centre Culturel de Mouscron et du Réseau Mouscron, Terre d'Accueil

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« Il était une fois »

au parc du Chalet

Dans le cadre de notre action

Incroyables Comestibles au

parc du Chalet (Mont-à-Leux -

Mouscron), nous allons partici-

per à une grande soirée à la

fois mobilisatrice et festive de

ce quartier. Différentes associa-

tions et des citoyens feront de

cette soirée un bel évènement

familial qui ravira petits et

grands. Pour notre part, nous

présenterons nos bacs in-

croyables co-

mestibles aux

participants en

vous racontant

une bien belle

histoire …

Mais chut ! ….

Pour connaître

la suite, venez

nous rejoindre

à 20h au parc

du Chalet pour

commencer une

belle aventure.

Et si vous voulez nous aider

dans la réalisation des acces-

soires, mais aussi dans la con-

fection de « bombes à

graines », sachez que nous au-

rons besoin d’aide lors de l’ate-

lier ouvert qui aura lieu le ven-

dredi 8 avril, de 9h à 17h au

local scout du Mont-à-Leux (rue

de la Grotte).

Si cela vous intéresse, contac-tez-nous au 056/337213 ou [email protected]

Merci d’avance

Sylvia

Eco-Vie, la revue n. 289 / mars - avril 2016

http: / /www. eco-vie. be

Prix de vente (hors-adhésion) : 2 euros

Edit. resp. : Sylvia Vannesche, 34 rue de l' Oratoire, 7700 Mouscron

- L’« ubérisation »de notre

modèle économique et social,

pp 3 à 7

- Faire comme si ou l’illusion

nécessaire (un livre de Pierre

Crombez)

pp 7 et 8

- Réfugiés, « réseaux so-

ciaux » et médias, pp 10 à 13

- Le cobalt, les batteries et les

enfants, pp 14 à 17

- Grisou : page 19

- Agenda : page 20

- « Extractivisme ? », pp 22

à 24

Sommaire

Editorial

P a g e 2

ECO-VIE est une association à vocation écologique, reconnue en Education Permanente et membre d'Inter-Environnement Wallonie, de la Maison des Associations de Tourcoing, du CRIE de Mouscron, de Nucléaire STOP !, du réseau Idée, de la Coalition Climat ainsi que du Contrat rivière Escaut-Lys, d'Escaut Sans Frontière, du Collectif Lys-Deûle Environnement et enfin du Centre Culturel de Mouscron et du Réseau Mouscron, Terre d'Accueil

2 8 9 P a g e 3

Tout a commencé il y a 11.000

ans, au début du néolithique. Les

chasseurs-cueilleurs nomades se

regroupent en tribus, commencent

à cultiver et à élever des animaux,

et par ailleurs, à fabriquer et à

échanger les premiers objets ;

c’est l’apparition du troc : opéra-

tion économique par laquelle

chaque participant cède la proprié-

té d'un bien et reçoit un autre bien

se généralise. Les économistes

postulent que le troc a été le seul

mode d'échange de nombreuses

économies anciennes comme celle

de l'Égypte des Pharaons ou celle

des peuples amérindiens.

Mais, l’économie de troc a ses li-

mites : le troc ne favorise pas le

développement des échanges,

l’offre ne rencontrant pas toujours

sa demande. La coïncidence offre-

demande peut être improbable car

on a peu de chance de trouver un

partenaire qui accepte ce qu'on

fournit et propose en même temps

ce qu'on demande. Cette faible

adéquation explique pourquoi la

plupart des transactions écono-

miques utilisent alors un médium,

une unité d’échange : des coquil-

lages bien souvent, puis des mé-

taux précieux comme l’argent et

l’or.

Il faut attendre le VIe siècle avant

Jésus-Christ pour voir apparaître

les premières pièces en or, argent,

ou autre alliage, frappées dans un

atelier et signées par leur proprié-

taire. C’était en Lydie à l’ouest de

l’actuelle Turquie, face à Athènes.

La monnaie fera la fortune de ce

royaume grâce notamment à la

présence de mines d’or. Quelques

années plus tard, son monarque, le

roi Crésus, deviendra le premier

homme le plus riche du monde. La

monnaie prend son essor avec les

grands empires grecs puis romains.

Jusqu’au XIXe siècle, elle n’a

d’autre fonction que d’être une

contre valeur commode, facilement

échangeable car elle se présente

sous une taille plus ou moins ré-

duite, en rapport avec le prix attri-

bué à la matière dont elle est faite.

On peut acheter un cheval avec

quelques pièces d’or.

Au XXe siècle la monnaie com-

mence à se dématérialiser, elle

perd sa substance physique et est

remplacée par du papier (chèques)

puis par

du plas-

tique (cartes de paiement). Appa-

raissent ensuite des échanges im-

matériels comme les transactions

électroniques, via internet (PC Ban-

king) et bien-

tôt via la télé-

phonie mo-

bile. Mais

qu’est-ce qui

se cache der-

rière ce mode

de transac-

tions qui ré-

volutionne

notre vie quo-

tidienne ?

De nos jours,

la machine à

café peut se

mettre en

marche quand

la tablette s’al-

lume ; des puces installées dans

notre frigo nous permettent, via

notre smartphone, de choisir le plat

à consommer en soirée. Bart Des-

medt, expert en mobilité, nous ap-

prend que des voitures-test reçoi-

vent des données selon l’infrastruc-

ture (type de routes) qu’elles utili-

sent. Christian Léonard, expert en

soins de santé, nous informe que

Google développe une filiale santé

qui établira des cartes génétiques

de patients dont il détiendra les

informations, les profils, les pro-

nostics, les futurs coûts à payer

(par qui ?).

Quand l’algorithme, outil mathématique, favorise

l’ubérisation de notre modèle économique et social.

Du troc à la monnaie

Coquillages (« cauris ») longtemps utilisés comme monnaie

P a g e 4

Pour Rudy De Waele, expert en

transformation digitale, les géants

d’Internet créent des économies

sans frontières qui bousculent la

souveraineté des nations, écono-

mies qui seront remplacées par

des standards internationaux avec

ou sans éthique ! Tout ceci nous

amène à constater qu’un nouveau

fonctionnement de la société est à

l’œuvre, bien différent de celui que

nous avons connu jusqu’à peu.

Auteur de l’ouvrage Le Mirage nu-

mérique, chercheur, auteur et pro-

fesseur à l’Université de Stanford,

Evgeny Morozov étudie la façon

dont le Web influe sur les sys-

tèmes politiques et nous met en

garde contre l’actuel phénomène

de numérisation extrême. Il dé-

nonce et démonte le discours des

colossales entreprises du numé-

rique telles les géants du Web

(Google, Facebook, Yahoo, Twitter,

Uber, etc.), qui camoufle « une

nouvelle forme de capitalisme », et

dont le succès s’accompagne d’une

vague de déréglementations. Il

avance la thèse que ces entre-

prises pratiquent le « solution-

nisme » technologique, c’est-à-dire

une prétention à savoir comment

résoudre des problèmes sociétaux

en comptant sur des applications

de plus en plus présentes dans

notre vie en société. Et, il en dé-

montre l’aberration.

Jusqu’à présent, les citoyens

avaient l’habitude de résoudre col-

lectivement les questions de socié-

té à travers l’Etat ou d’autres orga-

nisations, associations ou institu-

tions publiques. Con-

trairement à ce que

nous avons connu

(notre habitus histo-

rique), de nos jours, la

technologie n’est plus

un intermédiaire neutre

car elle redéfinit elle-

même les problèmes

auxquels elle s’attaque.

De plus, elle ne s’ac-

compagne pas d’un

questionnement sur

l’extension omnipré-

sente du marché, elle

l’intègre sans plus. La

vision classique de la

politique où l’on débat

du bien commun et de

la manière de l’at-

teindre est remplacée

par une réponse unique

et standard : le pro-

blème vient de l’indivi-

du seul et non plus de

la collectivité ou de la

société. Exemple : le

changement climatique

comme l’obésité, sont

devenus le fait de

l’individu et non plus de facteurs

sociaux et politiques plus impor-

tants : poids des entreprises

agroalimentaires, publicité adres-

sée aux enfants, infrastructures

favorisant les déplacements en

voiture, suprématie du pétrole,

etc.

D’où la question que l’on est en

droit de poser au monde poli-

tique : chacun de nous fait-il partie

du problème ou de la solution ?

Depuis quelque temps, en réaction

à l’économie de marché, à la pré-

pondérance du financier on a vu

apparaître une autre économie :

l’économie collaborative qui vise à

mutualiser ou à réemployer les

biens matériels (voiture, outils,

logements, etc.), à collaborative-

ment réparer ou fabriquer des ob-

jets, à financer des projets collec-

tifs, à former ensemble. Dans ce

type d’échanges, le citoyen porte

une double casquette : de consom-

mateur de biens, il peut aussi en

devenir producteur. Ces initiatives

peuvent se dérouler de particulier

à particulier ou via un intermé-

diaire, gratuitement ou moyennant

finances, dans une logique mar-

chande ou non. L’économie colla-

borative est une activité humaine

qui vise à produire de la valeur en

commun et qui s'appuie sur une

organisation plus horizontale que

verticale, comme la mutualisation

des biens, des espaces et des ou-

tils (l'usage plutôt que la posses-

sion), l'organisation de citoyens en

« réseau » ou en communautés et

généralement par l'intermédiation

de plateformes internet.

Cette économie collaborative est

entendue dans un sens large, qui

inclut la consommation

(covoiturage, pourquoi faire un

trajet à vide avec mon véhicule, au

lieu de covoiturer avec mes col-

lègues de travail ?), les modes de

vie (colocation, pourquoi posséder

une tondeuse à gazon dont on se

sert quelques fois par an, alors

qu’une seule suffirait pour tout le

voisinage ?), le prêt d'argent de

pair à pair, les monnaies alterna-

tives qui favorisent l’économie lo-

cale, la production contributive

(fabrication numérique) et la cul-

ture libre.

Ce type d'économie s'inscrit dans

un contexte, à la fois, de défiance

vis à vis des acteurs institutionnels

du système capitaliste traditionnel,

de crise économique mais aussi

d'éthique environnementale.

Basée sur l’échange, la confiance

et la convivialité, cette économie

du partage prévoit la possibilité de

partager des objets (une de ses

plus belles vertus).

Economie collaborative ou

nouvelle forme éthique

de capitalisme

P a g e 5 2 8 9

Quand l’algorithme, outil mathématique, favorise

l’ubérisation de notre modèle économique et social.

Son essor est dû à l'utilisation de

nouvelles technologies permettant

d'améliorer la créativité collective

et la productivité. Il répond égale-

ment au désir de pratiques écolo-

giques et de relations sociales plus

conviviales. Vantée et promotion-

née par Jérémy RIFKIN (expert en

prospective), elle annonçait des

alternatives crédibles à un modèle

économique épuisé. Par ailleurs,

elle se voyait dopée par les nou-

veaux moyens de communication.

Inspiré par J. RIFKIN et Paul MA-

SON, le belge Michel BAUWENS dé-

cide de consacrer sa vie à ce qu’il

voit comme nouveau modèle éco-

nomique et social : celui des

« communs et du pair à pair ».

Ce modèle est la rencontre entre le

désir d’un monde durable et soli-

daire et la capacité technologique

qui permet de s’auto-organiser en

lien avec l’entreprise et l’Etat. Se-

lon Bauwens, l’idée est de créer

des outils partagés et de mutuali-

ser les savoirs et le travail : Wiki-

pédia est un grand commun de la

connaissance, Linux, est un logiciel

en accès libre. Cette économie

éthique tient compte des externali-

tés sociales et environnementales.

Bologne est la ville des

« communs » où chaque citoyen

est un véritable acteur ; d’ici 2050,

on y fera revenir une grande partie

de la production industrielle et ali-

mentaire tout en veillant à ne pas

polluer l’environnement.

Bauwens prévient : « Cela clignote

pour notre survie et le capitalisme

extractif (voir notre article p. 22 et

suivantes) ne peut plus continuer.

On fait face à une nouvelle vague

d’automatisation qui pourrait dé-

truire 48 % des emplois d’ici 15

ans. » Que fait-on avec le surplus

libéré grâce à cette nouvelle pro-

ductivité ? Il part dans une écono-

mie spéculative improductive. On

donne l’argent aux banques qui in-

vestissent dans l’économie

« casino » alors qu’on a besoin de

réparer la nature. « Certaines

rentes de situation avec des mono-

poles causent la mort de millions

de personnes ! »

Que souhaiter ?

- plutôt un Etat partenaire qui mu-

tualise les infrastructures qu’un

Etat notaire ;

- la fin d’un système hiérarchique

avec des consommateurs passifs ;

- un soutien aux initiatives locales

qui créent des emplois locaux et

dont le surplus est réinvesti dans

l’économie locale.

Malheureusement, on a déjà per-

verti cette belle idée de collabora-

tion comme par exemple l’échange

d’appartements entre particuliers

qui est passé dans les mains

d’agences de conciergerie qui font

essentiellement du « business ».

Choisissant de ne plus disposer de

ressources financières suffisantes

pour le communautaire et le public,

le politique ne résout plus les

grands problèmes et n’investit plus

dans les (bonnes) infrastructures

qui y sont liées (l’eau, l’énergie, le

transport, etc.). Par contre, les

hommes politiques se rapprochent

des multinationales du net qui fa-

vorise la communication émotion-

nelle, pour être vus comme étant

dans l’air du temps (le nombre

d’amis sur Facebook, l’utilisation de

Twitter, etc.) et être perçus comme

pro-innovateurs.

Ainsi, les créateurs d’entreprises

numériques, ces champions de l’al-

gorithme, entrepreneurs techno-

philes mais asociaux, apparaissent

comme des sauveurs ! La technolo-

gie seule est devenue l’outil par

défaut pour orienter les actions

d’un individu : le titre d’un livre qui

paraît sur le site Amazon peut faire

naître des milliers de commentaires

et critiques alors que pas un(e)

seul(e) n’apparaît dans le très sé-

rieux Magazine Littéraire.

Pourtant, ces entreprises gèrent et

détiennent autoritairement des

données de plus en plus précises et

nombreuses sur nos vies, qu’elles

tissent et qu’elles vendent au sec-

teur de la publicité.

Uber est l’exemple phare de ce

détournement pervers de pra-

tiques d’économie collabora-

tive.

Des centaines de Start Up (« jeune

entreprise innovante à fort poten-

tiel de croissance »), des plate-

formes « smartphonées » comme

Uber, Whats App, ou Airbnb, soute-

nues par Google, naissent réguliè-

rement dans le monde ouvert

qu’est la « toile ».

« On parle de «biens communs» chaque fois qu’une communauté de

personnes est unie par le même désir de prendre soin d’une ressource

collective ou d’en créer une et qu’elle s’auto-organise sur un mode par-

ticipatif et démocratique pour la mettre au service de l’intérêt général.

L’eau, l’air, les forêts ainsi que les océans et autres ressources natu-

relles ; une langue, un paysage, un

code source informatique, une œuvre

ou un édifice passés dans le domaine

public, tous peuvent être traités

comme des biens communs et la

liste n’est pas exhaustive. »

http://www.remixthecommons.org/

« On devrait traiter la Silicon

Valley avec la même suspicion

que Wall Street »

Evgueny Morozov

« Uber, une autoroute

vers la précarité »

(Newsletter du réseau

Financité)

P a g e 6

Inscrites dans la pratique d’écono-

mie de partage, ces start-up pour-

raient initier un véritable change-

ment de modèle économique. Mais,

on peut douter de ce que ces en-

treprises fassent partie de l’écono-

mie collaborative. On peut encore

s’interroger sur leurs conditions de

management, qui les éloignent du

statut de réel outil de transition

sociale et écologique pour en faire

une nouvelle forme de capita-

lisme !

Edgar Szoc (Les infortunes de la

Sharing Economy) prétend qu’on

est passé d’un système de par-

tage à une pratique de l’en-

chère.

Un exemple concret : l’ubérisation

du monde, « miracle » (!) de tech-

nologie face auquel les chauffeurs

de taxi conventionnés ne devraient

pas être seuls à résister. Natahalie

Janne d’Orthée du CNCD 11.11.11.

rappelle que le principe Uber aurait

dû s’inscrire dans un principe

d’économie de partage et d’écono-

mie collaborative. Uber, comme

tant d’autres start-up, semble

avoir perverti cette belle idée.

Cette application numérique smart-

phonée d’origine américaine met

en relation clients et automobilistes

et utilise ses chauffeurs comme

des travailleurs indépendants.

Cette organisation constitue une

dérive du système de protection

sociale, un recul qui tire vers une

économie informelle, c’est-à-dire

sans cotisation pour couvrir les

chauffeurs en matière de pension

ou d’assurance-maladie, sans as-

surance pour les protéger des acci-

dents, etc.

Totalement tributaires d’Uber, les

chauffeurs sont payés à la tâche,

ils doivent assumer financièrement

les frais liés à leur activité - entre-

tien et réparation de leur véhicule,

primes d’assurance, essence - et

leur propre protection sociale. Les

chauffeurs doivent eux-mêmes as-

sumer ces questions alors que sou-

vent ils sont vulnérables car déjà

précarisés. Uber tue un système où

le travailleur est protégé et crée de

la précarisation.

La firme californienne fait exploser

les compteurs sur les marchés fi-

nanciers. En quelques mois, ses

deux fondateurs sont rentrés dans

le monde très restreint des

hommes les plus riches du monde,

possédant chacun un patrimoine de

plus de 5 milliards d’euros. Ironie

du sort, alors que leur activité me-

nace notre système de solidarité,

l’entreprise n’hésite pas à pratiquer

l’« optimisation fiscale ». Ainsi,

certaines filiales d’Uber sont déjà

enregistrées dans des paradis fis-

caux comme les îles Bermudes.

D’autres exemples : la société

WhatsApp (application mobile de

messagerie multiplateforme qui

permet l’envoi gratuit de SMS,

d’images, de vidéos, de fichiers

audio) pèse 19 milliards de dollars

et emploie seulement 55 salariés.

Airbnb (plateforme communautaire

de location et de réservation de

logements entre particuliers) est

devenue milliardaire (2014 : chiffre

d’affaires de près de 4 milliards de

dollars, bénéfices à $423 millions ;

2015 : $675 millions de bénéfices.

Ces chiffres impressionnants ont

conduit l’entreprise à être valorisée

à 20 milliards de dollars, soit près

de 30 fois ses revenus). Il en va de

même avec les firmes Amazon,

l’entreprise de commerce électro-

nique : vente de livres, CD, appa-

reils de photos et de TV, vête-

ments, jouets et depuis peu livrai-

son par taxi de fruits et légumes.

Amazon a son siège au Grand-

Duché de Luxembourg d’où elle

pratique l’optimisation fiscale afin

d’éluder l’impôt des sociétés (son

chiffre d’affaires est estimé à 2 mil-

liards de dollars). CarAmigo

(location de véhicules entre parti-

culiers), Take Eat Easy

(technologie qui connecte des

clients en demande de repas, livrés

à domicile par des coursiers à vélo,

et cuisinés par des restaurants sé-

lectionnés par algorithme), In4ma-

tic, application qui propose l’instal-

lation et la réparation de software

(Windows, sites Web) présentent

tous des chiffres d’affaires qui at-

teignent des millions d’euros.

Toutes ces entreprises reposent

sur les mêmes principes :

- employer une main d’œuvre indé-

pendante, mobile, souple, peu sa-

lariée, payée à la tâche ;

- mettre en place une stratégie afin

de ne pas payer d’impôts ;

- entrer en bourse.

Quand l’algorithme, outil mathématique, favorise

l’ubérisation de notre modèle économique et social.

P a g e 7 2 8 9

On doit aussi craindre le dévelop-

pement d’une forme de travail au

noir niant le principe que tout reve-

nu est taxé et mettant à mal le

principe solidaire de la sécurité so-

ciale. Ce n’est pas parce qu’on

trouve un « dépanneur » sur inter-

net que ses prestations deviennent

immatérielles : l’évier qu’il dé-

bouche est bien réel. « Si toute

l’économie bascule dans le numé-

rique, les recettes de l’Etat vont

disparaître » avance Alexandre de

Streel.

Au départ d’un ordinateur ou d’un

téléphone mobile, de plus en plus

d’applications enregistrées font que

« les individus sont dans une

course poursuite avec les logi-

ciels » affirme l’économiste Daniel

Cohen. A long terme, à travers une

transformation invisible mais radi-

cale, le progrès technique rempla-

cera l’emploi car les sociétés du

numérique reposent essentielle-

ment sur l’efficience de leur appli-

cation, elles créent peu de crois-

sance, peu d’emplois, voire en dé-

truisent.

L’algorithme a pénétré le monde

économique sans que l’on s’en

aperçoive. Aujourd’hui, un consom-

mateur ne sait plus d’où provient

son électricité ! Exemple, l’algo-

rithme Euphemia (mis au point par

la start-up N-Side de Louvain-La-

Neuve) qui détermine le prix de

l’électricité (tarifs par 24h) dans 20

pays européens en fonction d’une

série de paramètres et de critères

(offres, besoins, capacités des

lignes et des réseaux). Seule in-

connue pour ce modèle mathéma-

tique : la météo et ses consé-

quences sur les énergies renouve-

lables, le vent et le soleil échappant

à ce modèle (sic). Cette société de

consultance modélise l’entreprise

qui l’a appelée et détermine quels

sont les leviers de fonctionnement

à modifier afin de pouvoir gagner

en efficacité. Traduisons : accroître

ses revenus et réduire ses coûts.

Une nouvelle organisation du

monde économique et du monde

du travail émerge marquée par une

nouvelle pratique de flexibilité, de

nouveaux ordres de production et

de services au consommateur qui

ne s’accompagnent plus de con-

trats pour les travailleurs. On pour-

rait la qualifier de « libertaire » (1),

c’est-à-dire refusant toute con-

trainte ou autorité découlant d’ins-

titutions « historiques » qui nous

ont apporté une protection sociale

et un bien-être économique.

La réalité virtuelle progresse, la

réalité « nue », elle, est de moins

en moins belle. Dans son dernier

ouvrage « Les irremplaçables », la

philosophe Cynthia Fleury, soutient

que « La démocratie n’est rien sans

le maintien de sujets libres et sans

leur détermination à protéger sa

durabilité ». Dans un futur proche,

on dira « Il est où le bon vieux

temps où j’avais un bureau, des

collègues et un salaire ». Toutes

formes qui seront devenues ar-

chaïques face à cette nouvelle éco-

nomie souterraine.

Les mandataires politiques, en

grande partie responsables de

l’organisation de mon quoti-

dien, vont-ils, un jour, re-

prendre la main pour me laisser

libre de savoir comment je me

déplace, je communique, je

mange et… je pense ?

Jean-Jacques Montignies

(1) Le terme libertaire renvoie aux

pratiques anarchistes. Dans le do-

maine économique on parlerait

sans doute plus volontiers de

« libertarien », puisqu’il s’agit d’un

courant favorable à une réduction

voire à la disparition de l'État en

tant que système fondé sur la coer-

cition, au profit d'une coopération

libre et volontaire entre les indivi-

dus, avec un État limité à des fonc-

tions régaliennes (armée, police,

justice).

L’ubérisation de notre modèle économique et social

Pierre Crombez est un enseignant à la retraite et un pratiquant de l’écologie depuis les années 70. Il est tournaisien de naissance et reste attaché viscéralement à sa ville.

Il a écrit un livre, que j’ai envie de qualifier de « spécial », Faire comme si ou l’illusion néces-saire

« Spécial » dans sa fabrication et diffusion : l’auteur a renoncé à sa rémunération et demande de ver-ser l’équivalent estimé du prix du

livre à une ONG laissée au choix du lecteur !

Ce livre n’est d’ailleurs imprimé qu’au fur et à mesure des com-mandes (il est fabriqué en Belgique et au plus juste prix).

« Spécial » dans son écriture : ce livre, très bien écrit, ne se lit pas comme un roman. Le vocabulaire employé ou l’écriture ne sont pas ceux qu’on nous sert trop souvent.

« Spécial » aussi dans son conte-nu…

Pierre Crombez ne croit pas au changement dans nos habitudes, changement qu’il juge pourtant né-cessaire, par rapport aux change-ments climatiques, par exemple.

Lui, les changements, il ne les croit possibles que si un désastre de très grande ampleur touchait durable-ment les nantis…

Faire comme si ou l’illusion nécessaire

Un livre de Pierre Crombez

P a g e 8

Un désastre qui aurait lieu chez

nous et pas dans les pays du

Tiers-Monde. Cas où nos déci-

deurs compatissent et puis re-

tournent à leurs tâches en s’em-

pressant d’oublier ce qui ne les

touchent pas directement...

Si Pierre Crombez court le risque

de nous faire tomber dans un fa-

talisme démobilisateur, ses

pointes d’humour, son ironie per-

mettent de ne pas succomber à

ce climat noir.

J’ai beaucoup apprécié les des-

sins, illustrant le livre, et réalisés

par Cédric Liano (auteur de la BD

« Amazigh-Itinéraire d’hommes

libres ») ou par Jean-Pierre De-

neubourg, professeur de dessin à

Saint Luc de Tournai, et ses

élèves.

Je vous l’ai dit, on ne lit pas ce

livre comme un roman en le dé-

vorant d’une page à l’autre pres-

sé de savoir comment cela se ter-

mine… Non, on le lit en ayant

besoin de digérer chaque cha-

pitre (parfois même chaque

page) car ceux-ci nous amènent

à la réflexion.

Et il m’a donné la furieuse envie

de pouvoir en discuter avec

d’autres. Je songe sérieusement

à créer une nouvelle activité au

sein de notre association : un

atelier de réflexion qui aurait

comme point de départ chaque

chapitre du livre :

- L’illusion du paradis terrestre

- L’illusion de fin du monde

- L’illusion de notre mode de vie

- L’illusion de solutions

- L’illusion d’activa-

teurs internes

- L’illusion d’activa-

teurs externes

- L’illusion de liberté

- L’illusion du nouveau

paradis terrestre

Sans oublier les an-

nexes :

- L’illusion de l’argent

- L’illusion d’un projet

d’école d’immersion de

conscience

- L’illusion des centres

d’éducation populaire

- L’Illusion du végéta-

risme

- L’illusion de démo-

cratie

- L’illusion de métiers

d’avenir souhaitables.

Tous ces chapitres mé-

ritent qu’on s’y attarde, qu’on les

décortique, qu’on en discute, qu’on

y réfléchisse.

En tous cas, et cela n’engage que

moi, je pense que l’on peut vivre

d’illusions à condition de savoir

que ce sont des illusions et de

choisir celles qui sont nécessaires

pour nous permettre d’avancer.

Merci à Pierre Crombez pour ce

livre qui fait partie dorénavant de

notre bibliothèque Eco-Vie.

Sylvia

Faire comme si ou l’illusion nécessaire

Terrible actualité…

Impossible, alors que nous bou-

clons cette revue, de ne pas dire

un mot des terribles attentats qui

ont touché Bruxelles ce lundi 22

mars. Nous n’allons pas ajouter

encore aux nombreuses déclara-

tions, nous reproduisons ce petit

communiqué qui nous semble bien

dire ce que nous ressentons.

Nos premières pensées vont aux

victimes des attentats de ce 22

mars et à leurs proches.

En frappant à Zaventem et au

cœur de Bruxelles, les terroristes

n’ont pas seulement voulu semer

la mort : ils entendent également

semer la haine. Il appartient à

chacun d’entre nous de ne pas leur

offrir ce qu’ils recherchent.

Être à la hauteur de ce qui nous

arrive, c’est refuser la fureur et le

repli sur soi. C’est continuer à tis-

ser inlassablement un « nous » à

la fois fragile et fondamental. Il

s’agit là non seulement d’un impé-

ratif moral mais de la meilleure

garantie de sécurité à long terme.

2 8 9 P a g e 9

En frappant le centre d’une capitale cosmopolite, les auteurs des attentats voudraient nous amener à croire

en l’impossibilité de la coexistence, de la rencontre et de l’enrichissement mutuel. Nous ne leur offrirons pas

ce succès. Notre résistance au terrorisme passera au contraire par un surcroît de rencontres, de débats et de

réflexions.

Nous invitons chacun à la solidarité à l’égard des victimes et à la fraternité avec tous. Chaque pensée,

chaque acte d’ouverture et de paix constituera une défaite de la terreur et une victoire de l’avenir.

D’après le communiqué de Commission Justice et Paix, Pax Christi et Magma asbl

Beaucoup d’autres associations actives en éducation permanente ont elles aussi réagi. Il est de notre devoir

de continuer à tâcher de donner du sens à ce monde. Eco-Vie continuera de s’y employer.

Il est aussi possible de signer une pétition en ligne : « Ne tombons pas dans le piège que Daech nous

tend » (https://secure.avaaz.org/fr/petition/

Appel_a_nos_dirigeants_aux_medias_et_aux_citoyens_europeens_Ne_tombons_pas_dans_le_piege_que_Daech_nous_tend/?

aKWWqkb)

Oser la démocratie ! * *d’après un article relevé sur « Bonnes Nouvelles. be »

Ce samedi 23 janvier 2016, lors

des « Assises citoyennes (Acte

2) », l’équipe municipale de

Grenoble, conduite par le maire

EELV Eric Piolle, a lancé l’une

des mesures phares de son

mandat : un droit d’interpella-

tion.

Pour rappel, le conseil municipal

de Grenoble compte au total 59

élu(e)s. 42 d'entre eux forment le

groupe majoritaire du

« Rassemblement Citoyen de la

Gauche et des Écologistes », arrivé

en tête au second tour de l'élection

municipale de mars 2014.

Le nouveau « droit d’interpella-

tion » grenoblois, imaginé par la

Ville de Grenoble, a été baptisé

« dispositif d’interpellation et de

votation d’initiatives ». (…). Ses

modalités sont particulièrement

audacieuses. « Le système a été

pensé pour être engageant, afin

qu’il donne du pouvoir d’agir » ex-

pliquait Pascal Clouaire, adjoint

(« échevin ») à la démocratie lo-

cale. « Il y a deux chiffres clés à

retenir : 2 000 et 20 000 » pour-

suit-il. Pour qu’une pétition soit

prise en compte, son auteur devra

réunir seulement 2 000 signatures.

L’objet de la pétition (qui devra

relever des compétences de la

Ville) est ensuite débattu au con-

seil municipal. A partir de là,

« deux possibilités seulement, pas

d’échappatoire » : soit le conseil

accepte la mesure et propose une

délibération dans les trois mois,

soit le conseil municipal ne veut

pas s’engager et soumet cette

question aux Grenoblois par une

votation citoyenne. Pour que le

projet soit adopté, les porteurs de

l’objet de la votation devront récol-

ter 20 000 voix majoritaires. « La

spécificité et la force de notre droit

d’interpellation est de lier un sys-

tème de pétition à un système de

votation », insiste l’adjoint.

Mobilisation imprévisible

« C’est une mesure extrêmement

ouverte et qui fait sens », com-

mente Loïc Blondiaux, professeur

de sciences politiques et expert de

la démocratie participative. Le

chiffre des 20 000 voix n’a en effet

pas été choisi au hasard. Il corres-

pond au nombre de voix obtenues

par l’équipe municipale, au deu-

xième tour des dernières élections.

Ce chiffre sera encore plus facile-

ment atteignable par les porteurs

d’initiatives, car tout habitant de

Grenoble, de plus de 16 ans pour-

ra voter. Ne cachant pas son a

priori positif devant l’innovation

grenobloise, Loïc Blondiaux émet

toutefois deux réserves : « A-t-elle

été parfaitement verrouillé juridi-

quement ? ». Il semblerait que oui,

mais la mise en œuvre le confir-

mera. Sa seconde crainte porte sur

la mobilisation : « Dans un con-

texte d’absentéisme fort, le risque

serait qu’au final, il n’y ait qu’une

trop faible participation et que les

20 000 voix ne soient pas at-

teintes. Il faudra veiller à organiser

le débat ! ».

Pour Pascal Clouaire, rien est écrit

à l’avance : « Mais les gens ont

plutôt tendance à s’informer et à

se mobiliser, quand ils voient que

cela sert à quelque chose ! ».

(suite page 13)

A l’heure où une coordination

(L’Escaut, c’est Vous !) se bat à

Tournai pour faire entendre la

voix citoyenne , à l’heure où le

Collège communal de la même

ville organise un débat sur

l’élargissement de l’Escaut et

laisse les 3/4 du public à l’ex-

térieur, sans possibilité de

voir, ou d’entendre quoi que ce

soit, on se réjouit de constater

que des municipalités osent

des démarches démocratiques

et participatives. On le verra,

rien n’est simple, les risques

sont réels, mais c’est sans

doute-là, le prix de l’audace !

P a g e 1 0

Nul n’ignore que le ré-

veillon de Nouvel-An

2016 fut particulière-

ment agité à Cologne.

« Agité » étant un doux

euphémisme pour parler

d’un nombre très impor-

tant de violences et

d’agressions envers des

femmes, sur la place joi-

gnant la cathédrale de

Cologne et la gare.

La question n’est pas de

débattre ici des faits -

avérés, prouvés, inaccep-

tables- mais bien de la

façon dont ils ont été

traités sur le plan média-

tique.

Pour rappel, un nombre im-

portant de plaintes a été déposé

suite à cette fameuse nuit de la

Saint-Sylvestre. Avec le recul, il

semble que l’on puisse retenir le

nombre de 1.088 plaintes (1.054,

pour certains), dont 470 pour

agressions sexuelles et 618 pour

vols, coups et blessures.

La question des chiffres : une

totale confusion

Pourtant, au fil du temps, toutes

les sources ont cité de nombreux

chiffres, fort différents : 170

plaintes (Le Monde.fr, le

08.01.2016 à 18h35), plus de 200

plaintes pour agressions sexuelles

(Le Monde.fr, le 11.01.2016 à

19h02), 516 plaintes (Rtbf.be, le

12.01.2016), etc.

Il est probable que l’attitude de la

police de Cologne n’a pas facilité

les choses : elle a beaucoup tardé

à fournir des explications et elle a

même commencé par mentir en

dressant, dès le lendemain de la

nuit de la Saint-Sylvestre, un

« bilan positif » de la soirée.

« Comme l’an passé, les festivités

sur les ponts du Rhin, dans le

centre de Cologne et de Leverku-

sen se sont déroulées de façon pa-

cifique », a ainsi annoncé, samedi

1er janvier, le communiqué officiel

des forces de l’ordre.

Ce n’est que devant l’afflux de

plaintes et la progressive publicité

qui leur a été donnée que les

forces de police ont été contraintes

de rectifier leur communication. Le

chef de la police de Cologne a pour

sa part été mis en « congé provi-

soire » le 7 janvier, une sanction

administrative qui, dans les faits,

équivaut à une mise à l'écart le

plus souvent définitive.

Personne ne s’explique vraiment

ce comportement de la police.

Deux thèses principales sont en

présence. La première postule que

les responsable auraient voulu évi-

ter que les demandeurs d’asile

soient stigmatisés (la ville de Co-

logne a la réputation d’être ou-

verte et très tolérante), la seconde

estime que les policiers auraient

très mal mesuré l’ampleur des

choses… A notre sens, il faudrait

sans doute ajouter que la police

s’est trouvée complètement débor-

dée par le nombre d’actes violents

-et que d’ordinaire il s’agit d’une

situation dont les forces de l’ordre

ne se vantent pas. Ensuite, la

communication a -dans une cer-

taine mesure- sans doute aussi été

dictée par des questions d’image.

Le carnaval de Cologne est un évè-

nement majeur sur le plan touris-

tique et la ville n’entendait proba-

blement pas qu’il puisse être mis

en danger.

Quoi qu’il en soit, la confusion a

régné pendant bien plus d’un

mois.

Mais pourquoi ?

Ce qu’on ne comprend pas,

c’est l’absence totale de rete-

nue des médias. Il était parfaite-

ment clair que cette situation de-

mandait à être analysée et qu’il

fallait pour cela avoir du recul,

prendre du temps. Les journalistes

ne se sont pas arrêtés à ces consi-

dérations et ont très vite commen-

cé à aligner des faits plus ou moins

exacts et, surtout, des chiffres fan-

taisistes. Ils se sont toutes et tous

lourdement, très lourdement,

trompés. Et, à notre connaissance,

malgré que nous ayons consulté

des dizaines d’articles de presse,

pas un seul ne s’est excusé.

Ce phénomène est courant à pré-

sent. Il est intimement lié à l’ins-

tantanéité de l’information (?)

(notamment des tweets et de Fa-

cebook) et à cette espèce de né-

cessité de « suivre » dans laquelle

semblent se trouver la presse.

Réfugiés, « réseaux sociaux » et médias : quelle confusion!

Gare de Cologne (16 janvier 2016)

P a g e 1 1

Bref, ce montage, comme souvent,

cherche avant tout à frapper les

esprits, sans attacher de grande

importance à la réalité des faits.

D’autant que cette opposition est

artificielle : plus de la moitié des

SDF sont étrangers, et ce depuis

des années. Les opposer aux mi-

grants n’a donc pas grand sens. »

Dans ce genre d’ouragan mé-

diatique, il est très difficile

pour les citoyens de se forger

un avis, il est regrettable que

la presse ne les y aide pas.

Au lieu de courir, toujours en vain,

derrière la soi-disant information

que véhiculent les médias soi-

disant sociaux, il devrait revenir

aux professionnels de recouper et

de vérifier au mieux les choses,

quitte à prendre du retard. Il

semble encore important de préci-

ser, sans rentrer dans les détails,

que nous ne nous attaquons pas ici

aux personnes, aux salariés que

sont les journalistes : ils sont sou-

mis à d’importantes pressions de

la part de leurs directions et ce

sont les impératifs de rentabilité

(là comme ailleurs) qui gangrènent

la qualité de leur travail.

Des victimes

par centaines de milliers…

Dans les multiples affaires de Co-

logne, outre les centaines de

femmes qui ont été agressées et

demeurent traumatisées, on

compte aussi de nombreuses vic-

times « collatérales ». Longtemps,

ce sont les « réfugiés » qui ont été

pointés du doigt (en 2015, l’Alle-

magne a accueilli 1,1 million de

demandeurs d’asile). Il se fait que

si le terme « réfugiés » ne signifie

rien en soi quant à l’origine des

personnes, en Allemagne, eu

égard à l’actuelle situation, lors-

qu’ils évoquent le problème des

réfugiés, la presse et les commen-

tateurs politiques parlent évide-

ment de Syriens, voire d’Irakiens.

Or, les faits (qui restent largement

à vérifier, on l’a vu) semblent pour

l’instant largement incriminer des

personnes originaires du Maghreb

(Maroc, Algérie, Tunisie), souvent

déjà connues des services de po-

lice pour des faits similaires. On

notera encore que nombre

d’agresseurs étaient sous l’emprise

de la boisson, ce qui ne manque

pas d’ouvrir des doutes sur leur

respect de l’Islam…

Il n’empêche les amalgames ont

été très rapides et tous les oppo-

sants à la politique allemande d’ac-

cueil s’en sont donné à cœur joie

dans la presse. Au point de con-

traindre la chancelière Merkel à

faire des déclarations plus ou

moins musclées, contrastant avec

le discours de tolérance (relatives,

certes) précédent.

Personne ne prétend que rien de

tout ceci soit simple, personne ne

peut dire qu’il détiendrait une véri-

té. Au final, le nombre de victimes

directes, des centaines de femmes,

et indirectes des centaines de mil-

liers de réfugiés est immense.

Et nous continuons de penser -

en attendant les résultats de

toutes les enquêtes- qu’il con-

viendrait que les médias re-

viennent avec finesse, douceur

et empathie sur ces terribles

évènements. Mais l’immédiate-

té dictée par l’impératif de ren-

tabilité leur en laissera-t-elle le

temps ?

JF, pour Eco-Vie

Réfugiés, « réseaux sociaux » et médias : quelle confusion !

Avant de diffuser des photos, vérifiez vos sources !

Il existe de petits logiciels (Tineye, par exemple) qui permettent d’identifier les photos. Nous vous conseillons très vivement d’y re-courir avant de diffuser quoi que ce soit ! On peut aussi utiliser Google Images (https://www.google.fr/imghp) qui permet d’examiner une photo soit à partir de votre disque dur, soit à partir d’un lien (d’une Url) pour con-naître ses occurrences sur la Toile et pour retracer son historique.

Les guerres que mènent les pays européens

sont la première cause de l’afflux de migrants

L’an dernier, presque 1,3 millions de migrants ont pour la première fois introduit une demande de protection internationale dans les états de l’Union européenne, c’est plus du double de l’année précédente. Jamais de-puis la fin de la seconde guerre mondiale, l’Europe n’avait été confrontée à un tel afflux de personnes.

Sans surprise, ce sont les migrants syriens qui sont les plus nombreux. Leur nombre a lui aussi doublé en 2015. Ils sont actuellement presque 400 000 à demander asile en Europe. A eux seuls, ils constituent le tiers de tous les migrants. Rappelons que la guerre en Syrie dure depuis bientôt 5 ans, et qu’en même temps que les Etats-Unis et les pays du Golfe, de nombreux pays européens y participent directement, avec des objec-tifs qui ont varié selon les périodes, mais qui vont dans le sens d’un accroissement des engagements mili-taires et de leurs conséquences dramatiques, notamment pour les civils. Parmi les principaux pays euro-péens engagés dans le conflit syrien : la France, le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, les Pays-Bas, le Portugal, et dans une moindre mesure, l’Italie, l’Estonie, la Pologne et l’Albanie. La guerre en Syrie est donc bien une guerre européenne, et il est aujourd’hui illusoire de renforcer les interventions en Syrie sans penser que ces actions provoqueront automatiquement un nouvel afflux de migrants.

(suite page 13)

2 8 9

Or, c’est une situation drama-

tique pour la qualité de l’infor-

mation. Les lecteurs se trouvent

confrontés à une myriade de mes-

sages au sein desquels il est im-

possible d’établir une hiérarchie.

C’est aux professionnels qu’il de-

vrait revenir d’établir les priorités

et il semble qu’ils ne puissent plus

le faire, qu’ils soient eux-mêmes

entraînés dans ce tourbillon… Est-

ce si compliqué, pourtant, de dire

qu’on ne sait pas ? Que des agres-

sions ont certes eu lieu, qu’elles

semblent nombreuses, mais

qu’avant que puissent être avan-

cés des faits solides et recoupés, il

faut patienter ?

Ne serait-ce pas là le devoir et la

beauté du métier de journaliste ?

A côté de cette dérive journalis-

tique (le mot est fort mais correct

en regard du nombre d’erreurs

commises), il s’est trouvé des mil-

liers de personnes qui se sont

s’engouffrées dans les brèches ou-

vertes pour y déverser leur haine,

leur stupidité, leurs basses visées

d’extrême-droite… Et là, pour le

coup, les professionnels se sont

montrés à la hauteur.

Ainsi « Les Décodeurs » du

Monde.fr (http://www.lemonde.fr/

les-decodeurs/article/2016/01/11/

cologne-de-vraies-agressions-qui-

suscitent-de-fausses-

images_4845463_4355770.html)

se sont employés avec beaucoup

de rigueur à démonter l’utilisation

abjecte d’images (tout aussi ab-

jectes) destinée à stigmatiser les

demandeurs d’asile. Nous vous

épargnerons les dites images pour

simplement retenir qu’ont fait le

tour des réseaux sociaux (entre

autres, hélas) :

- une photo prise le 1er sep-

tembre 2015, à Budapest et sur

laquelle un homme (que l’on a le

plus souvent présenté comme une

femme) est molesté …

- un montage photo montrant

d’une part une femme portant un

panneau souhaitant la bienvenue

aux réfugiés, puis une autre, en-

sanglantée dans la rue. L’idée est

de faire croire qu’il s’agit de la

même personne et qu’elle « paye »

son accueil ; les deux personnes

sont en réalité différentes et la

femme agressée est un mannequin

britannique, Danielle Lloyd, qui a

été attaquée en 2009 dans un club

londonien ;

- la photo d’une femme subis-

sant un crachat, présentée comme

prise à Cologne lors du réveillon

alors qu’on la trouve en réalité uti-

lisée à tous propos depuis plu-

sieurs années.

On notera aussi que les mêmes

personnes (ou, en tout cas, des

gens aux convictions idéologiques

aussi nauséabondes), ont procédé

à amalgames indignes avec les

SDF ; ils accusent en effet les réfu-

giés d’accaparer les dispositifs ré-

servés aux sans-domiciles. Ca

donne ce genre de choses :

Ce sont toujours les décodeurs du

Monde.fr qui expliquent : « Le

montage de photos oppose le sort

des SDF, condamnés à dormir

dans la rue, au dispositif proposé

aux migrants, des lits dans des

gymnases. Mais c’est en réalité un

double mensonge.

Le premier cliché a été pris par Cy-

ril Feferberg, de l’agence AFP, en

octobre 2012 à Paris. (…). Le se-

cond, réalisé par le même photo-

graphe, date de l’année suivante.

Mais il ne montre pas un centre

d’accueil de migrants. Il s’agit en

fait d’un centre d’hébergement

d’urgence, ouvert pour faire face

au froid, dans le gymnase des In-

valides à Paris, et destiné juste-

ment aux SDF de Paris !

On notera quand même -mieux vaut tard que jamais- que le Monde note le 17 février 2016 : « La police locale dispose pour son enquête de 300 récits de témoins et d’un stock de 868 heures de vidéos. La plus grande partie de ce matériel n’a donc pas été analy-sée. « L’enquête va encore prendre des mois », conclut le procureur de Cologne. Trop tôt, donc, pour tirer des conclusions définitives sur les véritables auteurs des agressions de la nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne ». -http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/02/17/cologne-les-agresseurs-etaient-arrives-au-cours-de-l-annee-2015_4867024_3214.html)

Réfugiés, « réseaux sociaux » et médias : quelle confusion!

P a g e 1 2

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Les guerres que mènent les pays européens

sont la première cause de l’afflux des réfugiés

La seconde nationalité à avoir demandé l’asile politique l’an dernier dans l’un des 28 pays de l’Union euro-péenne, ce sont les Afghans. 178 200 demandes, un nombre qui a quadruplé l’an dernier. Y-a-t-il lieu de s’en étonner ? Rappelons, là aussi, que la guerre en Afghanistan dure depuis 36 ans (deux générations !), et qu’en dehors des Etats-Unis, 19 pays européens y ont été engagés (au premier rang desquels, le Royaume-Uni et la France), et que cette guerre, malgré l’oubli dans laquelle elle est tenue par la plupart de nos mé-dias, dure toujours.

Troisièmes demandeurs d’asile en Europe, les Irakiens, 121 500 personnes, leur nombre a été multiplié par sept en 2015. Après 13 ans d’une guerre lancée par les Etats-Unis qui a fait plus d’un million de victimes, la guerre en Irak, non seulement n’est pas terminée, mais elle vient de prendre un tournant encore plus aigu depuis que le groupe Etat islamique a lancé en 2014 une grande offensive dans l’Ouest de l’Irak, privant l’état irakien d’un tiers de son territoire. Là encore, nouvelle intervention des Etats-Unis et de certains pays européens, et pas de perspective de paix en vue.

Ces trois nationalités constituent plus de la moitié des demandeurs d’asile en Europe, dans aucun de ces trois cas l’Union européenne ne peut faire semblant d’ignorer qu’elle est directement impliquée dans le dé-roulement de ces guerres. (d’après http://www.humanite.fr/les-guerres-que-menent-les-pays-europeens-sont-la-premiere-cause-de-lafflux-des-refugies-601114 )

Oser la démocratie !

(suite de la page 9)

Par ailleurs, une seule journée par

an sera consacrée au vote de tous

les sujets de votation de l’année,

ainsi qu’au choix des projets du

budget participatif – de sorte à

concentrer la mobilisation ci-

toyenne.

« On va recueillir des proposi-

tions et aussi des pro-

blèmes ! »

Il n’est pas non plus à exclure que

des mesures, validées par le suf-

frage populaire, soient en contra-

diction avec le projet écologique

plutôt tourné vers la sobriété de

l’actuelle majorité grenobloise. Le

comble étant que ces propositions

entérinées par la votation, pèse-

ront dans les finances, par ailleurs

en piteux état de la Ville…

La municipalité a anticipé l’épi-

neuse question du financement

des initiatives qui vont lui être

soumises. « Si par exemple l’objet

de la pétition ayant recueilli 2 000

signatures est de « mettre partout

des caméras de vidéosurveil-

lance », cela aurait un coût ! Et ce

n’est évidemment pas une mesure

que soutient notre majorité ! Le

financement de cette opération

serait mis au débat durant la pé-

riode précédant la votation. Notre

majorité se prononcerait aussi sur

la manière dont pourrait être fi-

nancée cette mesure. Les Greno-

blois voteront ainsi en connais-

sance de cause… ».

L’équipe d’Eric Piolle préfère miser

sur « l’intelligence collective ».

« Seule la démocratie peut défaire

ce que la démocratie a fait », lance

sentencieusement Pascal Clouaire.

Si nous voulons donner du pouvoir

d’agir aux habitants, il faut que

nous sortions de notre zone de

confort. Donc on va recueillir des

propositions et aussi des pro-

blèmes ».

L’Hôtel de Ville (et Maison des Associations) de Grenoble

Les règles du jeu pourront évo-

luer…

Cyril Lage, créateur de Parlement

& Citoyens et co-fondateur de Dé-

mocratie Ouverte se dit naturelle-

ment partisan de ce type de dispo-

sitif. Ce qui ne l’empêche pas d’en

percevoir déjà les travers : « Les

groupes d’intérêts extrêmement

bien structurés vont instrumentali-

ser ce droit. Cela peut être la porte

ouverte à faire passer tout ce

qu’on veut. » Rompu aux systèmes

de démocratie participative, il dé-

tecte une autre faille plus problé-

matique pour la cohésion sociale :

« Etant donné que l’objet de la pé-

tition, de fait, n’évoluera pas jus-

qu’à la votation, on ne sera pas

dans la co-construction, mais plu-

tôt dans le clivage. Les gens feront

bloc contre bloc … ». Aucun outil

de démocratie participative n’est

parfait. « L’équipe municipale ne

s’interdira pas de faire évoluer les

règles du jeu, si cela s’avérait né-

cessaire », lâchait Pascal Clouaire,

lors de la conférence de presse.

P a g e 1 4 Oser la démocratie !

Smartphones, voitures électriques, etc. :

le cobalt, les batteries et les enfants

Une des difficultés majeures auxquelles sont exposés les militants écologistes est celle de l’absence de

« conscience globale ». Il est en général extrêmement difficile de faire saisir aux gens -pas seulement sur le

plan intellectuel, mais aussi sur le plan émotionnel- que leur mode de vie -« occidental »- pèse d’un poids

insupportable sur la Planète. C’est particulièrement frappant dans le cas du réchauffement climatique : le

lien entre un déplacement inutile en avion et les îles Tuvalu (menacées de disparition à cause de la montée

des eaux) n’est guère évident à établir. Et quand bien même, s’il est parfois intellectuellement compris, il

n’induit pas de changements. Ni sur le plan individuel, ni sur le plan collectif.

Notre mode de vie, sans parler même de celui des Américains du Nord, est pourtant parfaitement insoute-

nable. Non seulement, il menace à moyen terme la survie de l’Humanité mais il s’appuie sur un ensemble de

pratiques immédiatement abominables. Nous vous présentons ci-dessous le résumé des conclusions d’un

récent rapport conjoint d’Amnesty et de l’ONG « African Resources Watch » (téléchargeable ici : https://

www.amnesty.org/fr/documents/document/?indexNumber=afr62%2f3183%2f2016&language=fr).

Puisse cette lecture faire conscience au plus grand nombre du fait que nous ne pouvons plus continuer de

tolérer que les ressources soient pillées et les vies broyées pour notre petit confort.

Une dernière chose : le rapport que nous citons ici émet une série de recommandations d’ordre légal, qu’il

prie les entreprises de respecter. C’est un premier pas (et c’est le « métier » d’Amnesty). Nous pensons que

c’est très largement insuffisant et que la question est fondamentalement celle de la frénésie productrice et

marchande. La Belgique compte par exemple plus de 13 millions de GSM en service pour 11 millions d’habi-

tants en ce donc compris les bébés naissants, les très jeunes enfants ou les personnes très âgées (on ignore

combien de GSM inutilisés « dorment » un peu partout). De plus, l’ensemble des fonctions qui ne cessent de

s’ajouter à ce qui n’est au fond qu’un téléphone est très gourmand en ressources et use les batteries à une

rapidité record.

C’est sans doute cette surconsommation complètement irrationnelle qui constitue le fond du problème. Sauf

pour les actionnaires d’Apple ou de Samsung, naturellement…

« Des millions de personnes bénéficient des avantages des nouvelles technologies, sans se pré-

occuper de la manière dont elles sont fabriquées. Il est temps que les grandes marques assu-

ment leur part de responsabilité dans l'extraction des matières premières qui rendent leurs pro-

duits si lucratifs. » - Mark Dummett, spécialiste de la responsabilité des entreprises en matière de droits

humains à Amnesty International.

« C'est le grand paradoxe de l'ère numérique : des entreprises parmi les plus florissantes et inno-

vantes du monde sont capables de commercialiser des produits incroyablement sophistiqués

sans être tenues de révéler où elles se procurent les matières premières incluses dans leurs

composants. Les violations des droits humains perpétrées dans les mines demeurent hors de la

vue et des consciences : en effet, sur le marché mondialisé, les consommateurs n'ont aucune

idée des conditions de travail dans les mines, les usines et les chaînes de montage. » - Emmanuel

Umpula, directeur exécutif d'Afrewatch (Observatoire africain des ressources naturelles).

P a g e 1 5 2 8 9

Smartphones, voitures électriques, etc. :

le cobalt, les batteries et les enfants

Mines mortelles et travail des

enfants

La République Démocratique du

Congo (RDC) est responsable d'au

moins 50 % de la production mon-

diale de cobalt, composant essen-

tiel des batteries lithium-ion.

L'une des plus grosses compagnies

minières du pays est la Congo

Dongfang Mining (CDM), filiale de

Huayou Cobalt. Plus de 40 % du

cobalt commercialisé par Huayou

Cobalt provient de la RDC.

Les mineurs qui travaillent dans

les zones où la CDM achète du co-

balt sont exposés à des problèmes

de santé récurrents et à un fort

taux d'accidents mortels. Au moins

80 mineurs artisanaux sont morts

sous terre dans le sud de la RDC,

entre septembre 2014 et dé-

cembre 2015. On ne connaît pas le

chiffre réel, car de nombreux acci-

dents ne sont pas signalés et les

cadavres restent ensevelis sous les

décombres.

Les chercheurs d'Amnesty In-

ternational ont également

constaté que la vaste majorité

des mineurs passent chaque

jour de longues heures à tra-

vailler en contact avec le co-

balt, sans les équipements élé-

mentaires (gants, vêtements

de travail ou masques notam-

ment) pour les protéger. Or,

l’exposition chronique à la

poussière contenant du cobalt

peut entraîner une maladie

pulmonaire mortelle connue

sous le nom de « fibrose pul-

monaire aux métaux durs ».

L’inhalation de particules de

cobalt peut également causer

« une sensibilisation des voies

respiratoires, des crises

d’asthme, un essoufflement et

un affaiblissement des fonc-

tions pulmonaires ». En outre,

un contact cutané prolongé avec

ce minerai peut aboutir à des cas

de dermatite.

Des enfants ont raconté qu'ils tra-

vaillent jusqu'à 12 heures par jour

dans les mines, transportant de

lourdes charges, pour gagner entre

un et deux dollars par jour. Selon

l'UNICEF, en 2014, environ 40 000

enfants travaillaient dans les

mines dans le sud de la RDC, dont

beaucoup dans des mines de co-

balt

De 1998 à 2003, le pays a été

frappé par une seconde guerre

alors que le Rwanda, l’Ouganda

et le Burundi ont cherché à ren-

verser Laurent Kabila, le succes-

seur du président Mobutu. Ne

pensant pas pouvoir relancer le

secteur minier industriel en raison

des combats, le président Kabila

a encouragé la population des

villes minières à chercher du mi-

nerai pour leur propre compte.

Des milliers d’adultes et d’en-

fants, munis seulement d’outils à

main, ont commencé à exploiter

les concessions de la Gécamines.

En 1999, le président Kabila a

créé un organisme gouvernemen-

tal pour réglementer et taxer ce

secteur en expansion. Le Service

d’assistance et d’encadrement du

small-scale mining (SAESSCAM)

demeure le principal organisme

gouvernemental chargé de

« surveiller » l’exploitation mi-

nière artisanale.

Un mineur artisanal trie du minerai de cobalt sur la rive du lac Malo à Kapata en

RDC. Malgré les risques sanitaires liés à l’exposition au cobalt, le mineur ne

porte ni masque facial, ni gants, ni vêtements de protection - Mai 2015, © Am-

nesty International et Afrewatch

Des enfants trient et écrasent le minerai de

cobalt dans le quartier de Kasulo (Kowezi -

RDC) - Mai 2015, © Amnesty International

et Afrewatch

P a g e 1 6

La chaîne

d'approvisionnement,

une honte pour les entreprises

En avril et mai 2015, des cher-

cheurs d'Amnesty International et

d'Afrewatch se sont entretenus

avec 87 mineurs de cobalt, encore

en activité ou non, dont 17 en-

fants, travaillant sur cinq sites mi-

niers dans le sud de la RDC. Ils ont

également interviewé 18 négo-

ciants en cobalt et suivi les véhi-

cules de mineurs et de négociants

transportant le minerai de cobalt

depuis les mines jusqu'aux mar-

chés où les grandes entreprises

l'achètent. La principale est la

CDM, filiale congolaise de Huayou

Cobalt.

Huayou Cobalt fournit du cobalt à

trois fabricants de composants de

batteries lithium-ion, à savoir

Ningbo Shanshan et Tianjin Bamo

en Chine, et L&F Materials en Co-

rée du Sud. Ces trois fabricants

ont acheté pour plus de 85 millions

d'euros de cobalt à Huayou Cobalt

en 2013.

Amnesty International a alors con-

tacté 16 marques internationales

de grande consommation listées

comme clients directs ou indirects

de ces trois fabricants. Avant

qu'elles ne soient contactées, au-

cune de ces multinationales n'a

reconnu avoir été en relation avec

Huayou Cobalt, ni assuré la traça-

bilité du cobalt utilisé dans ses

produits.

Le rapport révèle que les entre-

prises impliquées dans la filière

d'approvisionnement du cobalt ne

prennent pas en compte les

risques en termes de droits hu-

mains liés à leurs activités.

Actuellement, le marché mondial

du cobalt n'est pas réglementé. En

effet, le cobalt n'entre pas dans la

catégorie des « minerais du con-

flit » réglementés aux États-Unis –

à savoir l'or, le coltan/tantale,

l'étain et le tungstène– en prove-

nance des mines de la RDC.

« La plupart de ces multinationales

assurent appliquer une politique de

tolérance zéro s'agissant du travail

des enfants. Pourtant, ce ne sont

que de belles paroles, puisqu'elles

ne se renseignent pas sur leurs

fournisseurs. Leurs déclarations ne

sont pas crédibles, a déclaré Mark

Dummett. Tant que les entreprises

ne seront pas tenues légalement

de contrôler la provenance des mi-

nerais et leurs fournisseurs et de

rendre ces informations publiques,

elles continueront de tirer profit de

violations des droits humains. Les

gouvernements doivent en finir

avec ce manque de transparence,

qui permet aux entreprises de tirer

profit de la misère. »

Amnesty International et Afre-

watch demandent aux multinatio-

nales qui intègrent des batteries

lithium-ion dans leurs produits

d'appliquer le principe de diligence

(cf. encadré page 17) due en ma-

tière de droits humains, d'enquêter

pour déterminer si le cobalt est

extrait dans des conditions dange-

reuses ou en recourant au travail

des enfants, et de renforcer la

transparence quant à leurs fournis-

seurs.

Paul, orphelin de 14 ans, a com-

mencé à travailler dans les mines

à l'âge de 12 ans. Il a déclaré aux

chercheurs qu’il est malade en

permanence depuis qu’il a travail-

lé sous terre pendant de longues

heures : « Je passais 24 heures

d'affilée dans les tunnels. J'arri-

vais le matin et repartais le lende-

main matin... Je devais me soula-

ger dans les tunnels… Ma mère

adoptive voulait m'envoyer à

l'école, mais mon père adoptif

était contre, il m'exploitait en

m'envoyant travailler dans la

mine. »

Smartphones, voitures électriques, etc. :

le cobalt, les batteries et les enfants

Le 14 mai 2015, les chercheurs ont aperçu un des camions

de Congo Dongfang Mining (CDM) en train d'être chargé

avec des sacs de minerai au marché de Musompo. Ils l'ont

suivi jusqu'à l'entrepôt de l'entreprise, situé à seulement...

5km du marché. De quoi se poser des questions sur le pra-

tiques du concessionnaire minier ! - Mai 2015, © Amnesty

International et Afrewatch

P a g e 1 7 2 8 9

Amnesty International et Afrewatch invitent égale-

ment la Chine à exiger des compagnies minières

chinoises qui opèrent à l'étranger qu'elles enquê-

tent sur leurs filières d'approvisionnement et remé-

dient aux atteintes aux droits humains liées à leurs

activités. Amnesty International et Afrewatch enga-

gent Huayou Cobalt à révéler qui participe à l'ex-

traction et au commerce de son minerai, quels sont

les sites d'extraction et à s'assurer qu'elle n'achète

pas de cobalt extrait grâce au travail des enfants ni

dans des conditions dangereuses.

« Les entreprises ne doivent pas se contenter

d'interrompre une relation commerciale avec un

fournisseur ou de décréter un embargo sur le co-

balt de la RDC parce que des risques en termes de

droits humains sont identifiés dans la chaîne d'ap-

provisionnement. Elles doivent agir en vue de re-

médier aux souffrances endurées par les victimes

d'atteintes aux droits humains », a déclaré Mark

Dummett.

Le principe de diligence

Les Principes Directeurs des Nations Unies en matière

de commerce et de droits de l’homme mettent en avant

la responsabilité incombant aux entreprises de respec-

ter les droits humains internationaux dans le cadre de

leurs activités mondiales, notamment à travers leurs

chaînes d’approvisionnement. Cela requiert, entre

autres, que les entreprises exercent le devoir de dili-

gence pour veiller au respect des droits humains et

pour « déterminer, prévenir, réduire et recenser l’im-

pact de leurs activités en termes d’atteintes aux droits

humains. »

Un guide pratique présentant de quelle manière ce de-

voir de diligence doit être exercée au niveau des

chaînes d’approvisionnement a été fourni par l’Organi-

sation de coopération et de développement écono-

mique (OCDE). Ce Guide sur le devoir de diligence pour

des chaînes d’approvisionnement responsables en mi-

nerais provenant de zones de conflit ou à haut risque

(Guide l’OCDE) présente un processus décliné en cinq

étapes et devant être suivi par toutes les entreprises

impliquées dans l’approvisionnement en minerais.

Qualité de l’alimentation, l’atelier du 20 février

Le grand méchant gras ?

Pâte rapide à l' huile végétale

Le matériel : grand bol, petit cou-

teau, platines ou plaques pour le

four, papier cuisson, balance et

mesureur, rouleau à tarte.

Les ingrédients pour 4 personnes

(1 tarte) : 200 gr de farine

(froment), 70ml d'huile d'olive, 70

ml d'eau, sel

La préparation :

- Préchauffer le four à 200°

(numéro 7)

- Mélanger la farine et l'huile, puis

intégrer petit à petit l'eau jusqu'à

obtention d'une boule lisse qui ne

colle pas aux doigts. Si c'est trop

collant : remettre un peu de farine

sur les mains.

- Aplatir au rouleau ou à la main

(cette pâte est très souple et facile

à travailler) et déposer sur les pla-

tines. Le reste de pâte, coupé au

couteau, peut être ajouté sur les

bords pour épaissir ou réservé,

pour garnir en bandelettes le des-

sus de la garniture.

- Précuire la pâte 10 minutes pour

la sécher avant de garnir.

Le froment

Le froment est une céréale (une

graminée – avec épis) qui contient

du gluten, ce qui aide à son utili-

sation en cuisine (moins cassant,

plus levant).

L'huile d'olive

Les olives sont des fruits oléagi-

neux, sources principales d’oméga

9, gras mono-insaturé.

On prête à l'huile d'olive de nom-

breux bienfaits : anti-cholestérol,

anti hypertension, anti constipa-

tion, elle serait aussi antidouleur,

préviendrait le cancer du sein et

de la prostate…

Malgré son origine asiatique, l’oli-

vier a été cultivé depuis plus de

3000 ans dans tout le bassin médi-

terranéen. La plupart des olives

produites dans cette région sont

transformées en huile d’olive.

L’huile d’olive de première qualité

et bio est une huile très naturelle,

produite par simple pression à

froid, sans utilisation ou ajout

d’aucun produit chimique.

L’olive est pressée pour extraire le

jus et celui-ci est placé dans une

centrifugeuse pour séparer l’eau

de l’huile. Une cuillère à soupe

d’huile d’olive contient 120 calories

et 14 g. de gras dont 77 % sont

mono-insaturés, 14 % saturés et

9 % polyinsaturés. Elle contient

également un peu de vitamine E.

On reconnaît à l’huile d’olive des

propriétés dans la protection des

maladies cardiovasculaires.

Les pays du bassin méditerranéen

comme la Grèce, l’Italie et l’Es-

pagne, connaissent des taux très

bas d’affections cardiovasculaires.

Le risque de ces affections, selon

les statistiques, y serait 10 fois

plus faible qu’en Amérique du

Nord, par exemple.

Eléonore (notre nouvelle

bénévole !)

P a g e 1 8

Voir aussi notre

annonce page 21

(23 avril 2016)

Qualité de l’alimentation, l’atelier du 20 février

Le grand méchant gras ?

Tarte au chou blanc,

feta et crème

Le matériel

Grand bol, poêlon, petit couteau,

passoire, 3 bols (un pour déposer

les œufs, un pour casser et vérifier

l’œuf, un pour les déchets), ba-

lance et mesureur.

Les ingrédients pour 4 personnes

(1 tarte)

- 500 gr de légumes crus (400 gr

cuits) tels que chou blanc, oignons,

jus de tomates ou tomates pas-

sées...

- une gousse d'ail, 2 œufs, 250 ml

de crème fraîche, huile d'olive, cur-

ry (2 cuillères à café), sel, poivre,

tamari, thym frais,

- 250 g de feta.

La préparation

- préchauffer le four à 200°

(numéro 7)

- préparer la pâte à tarte (voir

fiche) et garnir la platine

- précuire 10 minutes au four

Garniture

- faire revenir doucement les oi-

gnons

- chauffer les tomates et intégrer

les oignons cuits

- cuire dans un peu d'eau le chou

blanc coupé en lamelles

- mélanger œufs, crème, sel,

poivre, curry

- garnir la tarte avec les légumes,

les morceaux de feta, le thym et

recouvrir de la sauce + graines de

Chia*

- cuire 30 à 45 minutes ;

- la tarte doit dorer sans brûler.

* Le chia est une espèce de sauge

originaire de la vallée centrale du

Mexique. Elle produit de petites

graines, riches en acides gras omé-

ga-3, en antioxydants, en fibres,

en minéraux et vitamines.

P a g e 1 9 2 8 9 Eco-vie Junior Grisou raconte. . .

Avez-vous regardé par la fenêtre ces

derniers jours, ces dernières se-

maines ? Avez-vous vu la nature se ré-

veiller ?

Moi oui ! Le soleil a réchauffé la terre

du jardin, du coup tout prend une autre

couleur. Les arbres se parent de vert,

les perce-neiges ont fait leur apparition ainsi que les

jonquilles.

Dans les arbres, les oiseaux chantent et commencent

à préparer leur nid. C’est tout un petit monde qui

s’affaire… Le troglodyte mignon est déjà venu visiter

son nid de l’année dernière, histoire de voir s’il pourra

y amener à nouveau une belle cette année.

Les lapins et lièvres font des galipettes dans les

champs.

J’adore cette période de l’année.

A la maison, les chats aiment le soleil et ses caresses.

Voyez plutôt…

Et vous, comment vivez-vous le printemps ???

N’hésitez pas à m’écrire …

A bientôt

Pour d’autres aventures.

Grisou

V’là le printemps !

Dans le cadre de Wallonie Bienvenue, Eco-Vie vous ac-

cueille le dimanche 22 mai de 10 à 17h30 à l' école de

Leers-Nord :

- de 10 à 12h : atelier djembé (Hugues)

- de 12 à 14h : atelier « rôle de l' alimenta-

tion » (Eléonore)

- de 14 à 16h : atelier « produits d' entretien » (Tatie

Sylvia)

- de 16 à 17h30 : atelier de stretching postural

(Sylviane)

Dans le cadre de Wallonie Bienvenue, Xavier vous ac-

cueille chez lui, le samedi 21 et le dimanche 22 mai, 1E

rue de Néchin, à 7730 Leers-Nord. Il vous fera visiter

sa maison en « eautarcie » à

10 heures

12 heures

14 heures

et 16 heures…

Une expérience passionnante !

P a g e 2 0 AGENDA

Lundi 11, 18 et 25

avril

Atelier stretching postural® de 18 à 19 h.–Ecole communale de Leers Nord (22, rue des

Mésanges, 7730 Leers-Nord [B.]) ; accueil à partir de 17h45

Mercredi 13, 20 et 27

avril

Atelier stretching postural® de 12h30 à 13h30 - Ecole communale de Leers Nord (22,

rue des Mésanges, 7730 Leers-Nord [B.]) ; accueil à partir de 12h15

Jeudi 7, 14, 21 et 28

avril

Atelier stretching postural® de 18h précises à 19h - CRIE de Mouscron (rue de la Vel-

lerie, 135). Accueil à partir de 17h45

Samedi 16 avril Sentier aux Loups, 20 heures, parc du Chalet (voir éditorial et annonce page 21)

Samedi 23 avril Audit citoyen de la dette, 10h30 , au CRIE de Mouscron (rue de la Vellerie, 135)

Samedi 23 avril Qualité de l’alimentation, « La Grande Forme au sortir de l’Hiver », 17h45, La Prairie

(voir annonce p. 21)

Mardi 26 avril Incroyables Comestibles (Moins de biens, plus de liens), Parc du Chalet, 17h30

Avril

Mai

Lundi 2, 23 et 30 mai Atelier stretching postural® de 18 à 19 h.–Ecole communale de Leers Nord (22, rue des

Mésanges, 7730 Leers-Nord [B.]) ; accueil à partir de 17h45

Mercredi 4, 18 et 25

mai

Atelier stretching postural® de 12h30 à 13h30 - Ecole communale de Leers Nord (22,

rue des Mésanges, 7730 Leers-Nord [B.]) ; accueil à partir de 12h15

Jeudi 5, 12, 19 et 26

mai

Atelier stretching postural® de 18h précises à 19h - CRIE de Mouscron (rue de la Vel-

lerie, 135). Accueil à partir de 17h45

Samedi 7 mai Mon Jardin au Naturel (Evregnies, 14 heures) - Voir annonce page 2

Samedi 21 et di-

manche 22 mai

Wallonie Bienvenue (Leers-Nord) - voir annonce page 19

Mardi 24 mai Incroyables Comestibles (Moins de biens, plus de liens), Parc du Chalet, 17h30

Samedi 28 mai Audit citoyen de la dette, 10h30 , au CRIE de Mouscron (rue de la Vellerie, 135)

Et déjà en juin…

Tous nos ateliers « Stretching Postural »®

Jeudi16 juin Eco-Vie au « Marché du terroir »

Samedi 18 juin Qualité de l’alimentation, « Une Santé de fer », 17h45, La Prairie (voir annonce p. 18)

Samedi 25 juin Audit citoyen de la dette, 10h30 , au CRIE de Mouscron (rue de la Vellerie, 135)

Mardi 28 juin Incroyables Comestibles (Moins de biens, plus de liens), Parc du Chalet, 17h30

2 8 9 P a g e 2 1

Le saviez-vous ? Le 17 avril 1996, 19 paysans du mouvement

sans terre au Brésil étaient assassinés par des

tueurs commandités par les grands propriétaires

terriens.

Depuis, le 17 avril est déclaré « Journée mon-

diale des luttes paysannes », le saviez-vous ?

De plus en plus, la société civile belge se mobi-

lise aux côtés des paysans pour défendre l’accès

à la terre, pour développer une agriculture lo-

cale, familiale et bio. C’est essentiel pour notre

nourriture

demain.

Mobilisons-

nous pour

que l’agricul-

ture rede-

vienne ce

qu’elle était

depuis tou-

jours : une

agriculture

raisonnable à

proximité de

ceux qu’elle

nourrit et qui

fait vivre dé-

cemment les

agriculteurs.

P a g e 2 2 « Extractivisme » ?

Nicolas Sersiron est l’auteur de

« Dette et extracti-

visme » (paru en 2014 aux édi-

tions « Utopia ».

Il définit l’extractivisme

comme « le pillage des res-

sources naturelles de la Pla-

nète - notamment par la force -

qui a donné et continue de

donner aux USA et à l’Europe

les moyens de dominer le

Monde ».

Le Brésil (tout comme la RDC,

nous l’avons vu) est une des

nombreuses victimes de l’ex-

tractivisme.

Le barrage de Belo Monte (1)

Le barrage de Belo Monte au cœur

de la forêt amazonienne (Brésil) a

une déjà très longue histoire. Au

début de l’année 1989, ils sont

nombreux à être venus à Altamira

pour écouter les explications du

jeune ingénieur José Antonio Muniz

Lopes et d’une poignée de repré-

sentants d’Eletronorte, l’entreprise

publique alors chargée du projet.

Dans la salle, on aperçoit même

Sting aux côtés du légendaire chef

Raoni… Une jeune indienne, Tuira,

se lève, pose sa machette sur la

joue de l’ingénieur et déclare en

langue kayapo : « Nous n’avons

pas besoin de votre barrage. Nous

n’avons pas besoin d’électricité,

elle ne nous donnera pas notre

nourriture. Vous êtes un men-

teur ! ». L’image fera le tour du

monde… et le projet sera quelques

temps remisé au placard.

Plus de vingt-cinq ans ont passé

depuis le geste de Tuira. Le temps

a fait son œuvre. Les ingénieurs

ont révisé leur projet. L’impact de

l’ouvrage a été quelque peu réduit.

Des terres indiennes qui devaient

être inondées pourraient être pré-

servées grâce a un canal de dévia-

tion. Le barrage de Belo Monte,

objet de tant de controverses, est

bel et bien en cours de construc-

tion et devait produire, dès 2015,

ses premiers mégawatts. Quelque

25 000 ouvriers s’y emploient, jour

et nuit, une armée dispersée à

l’intérieur de la « grande boucle »

du légendaire fleuve Xingu, ce

coude naturel formé de rapides et

gorgé de poissons de toute espèce.

L’ouvrage hydroélectrique, avec

son barrage principal de 3,5 km de

large, son canal de dérivation de

20 km, ses digues et sa retenue

d’eau de 516 km², prévoit d’ali-

menter dix-huit mégaturbines ces

cinq prochaines années. Belo

Monte, 11 233 mégawatts, sera au

troisième rang mondial derrière les

Trois Gorges, en Chine (22 720

MW), et Itaipu (Brésil et Paraguay,

14 000 MW). De quoi, sur le pa-

pier, éclairer 18 millions d’habi-

tants ou répondre à un cinquième

des nouveaux besoins énergé-

tiques du pays. Pour plus de 10

milliards d’euros, c’est le plus

grand projet d’infrastructure du

gouvernement de Dilma Rousseff.

Les dizaines de recours en justice

déposés par les défenseurs des

communautés indiennes, les ONG

et groupes environnementalistes

n’ont rien empêché. A peine ont-ils

retardé le processus : « Soixante

jours de retard sur le calendrier

des opérations », glisse José Bia-

gioni de Menezes, le responsable

des travaux de Belo Monte.

José de Menezes admet que la for-

mation de l’ex-président Lula (le

P.T.) était contre Belo Monte du-

rant ses années d’opposition.

« Mais une fois au pouvoir [en

2003], le parti a compris son utili-

té. » Avant d’ajouter un argument-

clé des défenseurs du projet : « Le

développement du Brésil est pro-

portionnel à l’énergie produite. Les

deux sont intimement liés. »

La frontière est tracée. L’entaille

béante de Belo Monte sépare deux

mondes. D’un côté, la septième

économie mondiale, ses besoins

énergétiques gigantesques, sa pré-

tention à « désenclaver ses ré-

gions les plus pauvres » et à

« offrir des emplois à des milliers

de Brésiliens ». De l’autre, la pro-

tection des Indiens menacés d’être

chassés de ces

terres où ils vi-

vent depuis des

temps immé-

moriaux et la

préservation du

bassin amazo-

nien, poumon

vital pour

l’Amérique du

Sud et la pla-

nète entière.

(1) d’après Belo Monte, le barrage géant du Brésil qui a vaincu les Indiens LE MONDE, le

24.04.2014 par

Nicolas Boursier.

P a g e 2 3 2 8 9

Développement, emplois ?

Mais à quel prix ?

La question des

communautés indiennes

Ingre Koriti est une jeune Indienne

Xikrin, l’une des tribus les plus im-

portantes de la région, installée

sur la terre indigène Trincheira Ba-

cajá, au sud du fleuve. Elle semble

résignée. « La pêche va mourir,

c’est évident, dit-elle. L’eau va se

raréfier, se réchauffer, les poissons

vont mourir ou disparaître de la

région. » [note : sur l’ensemble

des dégâts et le poids écologique

des barrages, voir notre n° 279,

http://www.eco-vie.be] C’est

Ingre, du haut de ses 23 ans, qui

explique aux siens les projets liés

au barrage : « Personne n’est venu

le faire », dit-elle. Avec ses che-

veux de jais, longs et fins, une fa-

conde à toute épreuve, cette fille

du cacique Naoré Kayapo aurait pu

prendre la relève de Tuira. « J’ai

grandi avec cette image de Tuira,

dit-elle. Cela nous a donné de la

force. Mais le souffle est aujour-

d’hui passé. »

Ingre n’a pas de mots assez durs

contre les autorités et contre le

consortium qui a remporté l’appel

d’offres après le feu vert du gou-

vernement Lula en 2010, Norte

Energia, qui regroupe des géants

de l’énergie, comme Eletrobras et

du secteur minier, comme

Vale, ou encore des fonds de

pension, comme Petros. « Ce

sont eux qui ont versé de

l’argent aux aldeias

(communautés villageoises)

pour détourner leur attention

du barrage. »

Avant même d’appliquer un

programme de compensation

sociale et environnementale

de 4 milliards de reais exigée

par le ministère de l’environ-

nement, Norte Energia a dis-

tribué, en 2011 et 2012,

pour 30 000 reais (9 700 eu-

ros) par mois de biens maté-

riels aux villages de la

grande boucle. Un « plan

d’urgence » dont la liste de-

vait être remplie par les ca-

ciques des villages. De quoi ali-

menter envies et jalousies. Et

transformer Altamira en foire de

négoce entre Indiens et indus-

triels.

Les villages indigènes du rio Xingu

se sont scindés. Les 19 aldeias ont

éclaté en 37 entités, dont 34 ont

consenti à collaborer avec le con-

sortium. « Dans mon village, la

majorité a refusé cet argent, glisse

Ingre. Mais certains ont vu des

motos arriver dans les villages voi-

sins, des télévisions et des mo-

teurs de bateau. Cela a créé des

tensions. Un jour, on a appris que

cette manne s’était tarie, sans ex-

plications. Nos terres sont vulné-

rables et les Indiens toujours plus

dépendants. »

Le long de la rive, le quartier

d’Aparecida, construit de briques

et de bois, de maisons sur pilotis

ou d’habitats dérisoires posés sur

monticules, vit ses derniers jours.

Il sera inondé une fois le barrage

opérationnel. Les négociations

pour reloger ses 7 800 familles

sont en cours. José, fabricant de

tuiles en terre cuite, dit avoir ac-

cepté l’indemnisation financière

proposée par le consortium :

20 000 reais. Il s’apprête à s’ins-

taller chez sa sœur en attendant

de trouver un toit.

De nombreuses voix se sont éle-

vées contre les habitations cons-

truites au pas de charge ces der-

niers mois. Quelque 4 100 maisons

estampillées Norte Energia, répar-

ties dans cinq quartiers de la péri-

phérie d’Altamira. Des successions

de carrés de béton sur une terre

rouge vif, trois-pièces-cuisine aux

murs fins, sans charme aucun. Se-

lon le décompte des autorités,

12 000 personnes sur les 20 000

affectées par le barrage y seront

logées.

Joao dos Reis Pimentel, comme

tous les employés du consortium,

dit ne pas pouvoir mesurer avec

précision l’impact du barrage.

« Mais nous avons tout fait pour

réduire sa taille et préserver les

terres indigènes. Il n’y a que 250

Indiens touchés directement. »

Des chiffres qui exaspèrent les op-

posants historiques à Belo Monte.

Coordinateur de l’Institut environ-

nemental et social d’Altamira, Mar-

celo Salazar répète qu’un barrage

de cette taille provoque des dégâts

bien au-delà de sa géographie

proche. « De tels travaux ouvrent

des brèches, soutient-il. Il y a la

déforestation, l’entrée du trafic il-

légal. Prenez Belo Sun, le plus

grand projet d’exploration d’or du

Brésil situé en bordure du Xingu.

N’a-t-il pas été signé après le feu

vert du barrage ? »

« Extractivisme » ?

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La question de l’exploitation

des ressources naturelles

L’exploitation de l’or, de l’alumi-

nium, etc. ? C’est bien la ques-

tion : les dégâts humains et écolo-

giques des grands barrages hy-

droélectriques sont amplement do-

cumentés, leur efficacité énergé-

tique est largement remise en

question et il est avéré que leur

impact en termes de gaz à effet de

serre dépasse nettement celui de

projets à taille humaine… Alors

pourquoi construire de telles aber-

rations ? La réponse est fournie par

Mario Salazar : il s’agit d’alimenter

de grands complexes industriels

internationaux qui vont continuer

d’extraire les minerais des en-

trailles de la forêt amazonienne.

Outre les immenses dégâts en

amont de l’exploitation (barrages,

infrastructures, construction de

routes, etc.), les conditions de l’ex-

traction elle-même sont désas-

treuses. En témoigne la rupture de

deux barrages miniers dans le Mi-

nas Gerais (Brésil), le 5 novembre

2015.

Près de 60 millions de litres d’un

mélange constitué de terre, de si-

lice, de résidus de fer, d’aluminium

et de manganèse (l’équivalent de

24 piscines olympiques) se sont

déversés dans le Rio Doce (la

douce rivière), le cinquième plus

grand fleuve du Brésil. En quelques

jours, des millions de poissons sont

morts d’asphyxie et les habitants

surnomment désormais ce fleuve

le « Rio Morto » (la rivière morte).

Le mélange échappé des barrages

n’est pas directement toxique pour

l’être humain, disent les autorités,

qui conseillent pourtant de jeter

tous les objets et vêtements qui

ont été en contact avec la boue (on

se demande pourquoi !)

Les spécialistes, eux, expliquent

que ce mélange pourrait agir

comme une « éponge » qui piège

les autres polluants. Quelques

jours après le passage des eaux

contaminées, des relevés ont ainsi

montré un taux anormalement éle-

vé de mercure à quelques kilo-

mètres de la catastrophe. D’autres

sources évoquent la présence de

plomb, de cuivre et de divers mé-

taux lourds.

Actuellement, ce sont plus de

500 000 personnes qui sont pri-

vées d’eau pour les approvisionne-

ments domestiques et agricoles, le

long des 850 km qui séparent Ma-

riana et l’océan Atlantique. Des

barrages et des usines de captation

sont à l’arrêt à cause des déchets

flottants et des tonnes de poissons

morts

Par ailleurs, près de 600 personnes

ont été déplacées à cause de la

subite élévation des eaux. Par sa

quantité et sa composition, cette

vague de boue, qui progresse à la

vitesse de 1,2 km/ h, affecte toute

une région pour au moins les cent

prochaines années.

« Plusieurs siècles pour que la

nature reconstitue un sol fer-

tile »

Là où le « Fukushima brésilien »,

comme le désignent les inter-

nautes, a recouvert les terres, plus

rien ne pourra repousser avant de

longue années. « Ce type de résidu

d’extraction est totalement infertile

car il ne contient pas de matière

organique », explique Mauricio Eh-

rlich, professeur de géo-ingénierie

à l’Université de Rio de Janeiro

(URFJ), « il faudra plusieurs siècles

pour que la nature reconstitue un

sol fertile ».

Plus graves encore que la création

de cette zone de désert infertile,

sont les conséquences fluviales et

maritimes. Dans les premiers

jours, les particules boueuses en

suspension dans l’eau, en empê-

chant le passage des rayons du

soleil, ainsi que la bonne oxygéna-

tion de l’eau, ont provoqué la mort

d’une grande partie de la faune et

de la flore. Les pêcheurs et les vo-

lontaires se sont démenés jour et

nuit pour tenter de sauver pois-

sons, crustacés et tortues sur le

littoral avant l’arrivée de la vague.

Et pourtant, même s’il est encore

trop tôt pour le dire, les scienti-

fiques craignent que certaines es-

pèces endémiques de la région

aient définitivement disparu, car la

catastrophe a eu lieu en pleine pé-

riode reproductive de nombreuses

d’entre elles.

Les preuves d’une négligence

de maintenance

Le responsable des barrages est

l’entreprise Samarco, qui appar-

tient au groupe minier brésilien

Vale et à l’anglo-australien BHP

Billiton. Le ministère public de

l’État du Minas Gerais a affirmé

que la rupture du barrage n’était

pas un accident et qu’il rassemblait

les preuves d’une négligence de

maintenance. Une première

amende de 250 millions de réais

(61 millions d’euros) a été infligée

et annoncée par la présidente du

Brésil, Dilma Rousseff.

Mais les experts estiment que la

facture devrait se chiffrer plutôt en

milliards… Si tant est que la Nature

a un prix.

D’après « Le Brésil frappé par la pire catastrophe écologique de son his-toire » 20 novembre 2015 - Mathilde Dorcadie

(Reporterre)