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ÉDITION SPÉCIALE | 2009 PESQUISA FAPESP Édition Spéciale 2009 LE PRION PROTÈGE LE CERVEAU MALGRÉ LE FAIT DE CAUSER LA MALADIE DE LA VACHE FOLLE LES DEFIS TECHNOLOGIQUES DE L’EXPLOITATION DE LA COUCHE “PRÉ-SEL” Science et Technologie au Brésil L’ethanol du futur L’ethanol du futur www.revistapesquisa.fapesp.br

Édition Spéciale 2009

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L’ethanol du futur

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ÉDITION SPÉCIALE | 2009

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LE PRION PROTÈGE LE CERVEAU MALGRÉ LE FAIT DE CAUSER LA MALADIE DE LA VACHE FOLLE

LES DEFIS TECHNOLOGIQUES DE L’EXPLOITATION DE LA COUCHE “PRÉ-SEL”

Science et Technologie au Brésil

L’ethanol du futurL’ethanol du futur

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PESQUISA FAPESP ■ ÉDITION SPÉCIALE NOVEMBRE 2007/FÉVRIER 2009 ■ 3

L’Amazonie Légale abrite encore 68 groupes indigènes qui vivent dans un isolement total, sans aucun contact avec le Brésil qui bat des records de production d’automobiles et célèbre la conquête de l’investment grade. Un de ces groupes a été photographié pour la première fois par une équipe de la Fondation Nationale de l’Indien (Funai), à la frontière entre l’état de l’Acre et le Pérou. D’après le spécialiste José Carlos Meirelles, qui accompagne la vie des Indiens depuis près de 20 ans, ils habitent dans de grandes huttes (malocas), plantent du manioc et des bananes, mais on ne sait pas à quelle ethnie ils appartiennent. Le groupe a accueilli le passage de l’avion de la Funai en décochant des flèches.

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Nostalgie du Brésil

Publié en juin 2008

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NOVEMBRE 2007/FÉVRIER 2009

> COUVERTURE

18 La FAPESP lance un programme pour encourager la recherche en bioénergie

> ENTRETIEN

12 Pour l’ex-président Fernando Henrique Cardoso, tant que la société sera condescendante en matière d’atteintes à l’environnement, il n’y aura pas de solutions

> POLITIQUE

SCIENTIFIQUE ET

TECHNOLOGIQUE

24 INNOVATION

La vente des entreprises Alellyx et CanaVialis à l’entreprise Monsanto pour un montant de 290 millions de dollars montre combien la recherche compétitive peut être créatrice de richesse

28 ENVIRONMENT

La FAPESP invite les chercheurs de différents domaines – des sciences naturelles aux sciences humaines – à augmenter la contribution brésilienne en termes d’études sur les changements climatiques

36 FINANCEMENT

Le Royaume-Uni présente une importante analyse basée sur le peer review qui orientera le financement des universités

> SCIENCE

40 NEUROSCIENCES

Une équipe brésilienne explique le fonctionnement de la forme saine du prion, essentielle à la protection des cellules nerveuses

46 PHARMACOLOGIE

Des découvertes montrent les voies à suivre pour aider le système immunitaire à combattre les infections généralisées

50 IMMUNOLOGIE

Un groupe de recherche brésilien met au point le premier vaccin contre le venin d’abeille

54 SANTÉ PUBLIQUE

Infection létale provoquée par un parasite d’une seule cellule, la leishmaniose viscérale se rapproche des villes brésiliennes

> SECTIONS 3 IMAGE 6 PRÉSENTATION 8 LETTRE DE L’ÉDITEUR 10 MÉMOIRE 106 CARTOON

COUVERTURE MAYUMI OKUYAMA

PHOTO EDUARDO CESAR

VARIÉTÉ DE CANNE À SUCRE

HIBRIDE CULTIVÉE AU BRÉSIL

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> RUBRIQUES > POLITIQUE SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE > SCIENCES > TECHNOLOGIE > HUMANITÉS

60 ÉCOLOGIE

Des cartes définissent les mesures à prendre pour protéger la végétation native, restaurer les zones dégradées et développer la recherche environnementale à São Paulo

66 GÉOGRAPHIE

Des chercheurs de l’état de Minas Gerais ont mis au point des indices pour détecter les zones les plus exposées à la déforestation en Amazonie

68 PHYSIQUE

L’observatoire Pierre Auger découvre l’origine des rayons cosmiques d’ultra-haute énergie

> TECHNOLOGIE

72 INDUSTRIE PÉTROLIÈRE

L’exploitation du pétrole et du gaz sous les couches de sel au fond des océans crée une demande en connaissances et en technologies

78 INGÉNIERIE

AÉRONAUTIQUE

Un projet d’Embraer vise à réduire le bruit des avions

82 NOUVEAUX MATÉRIAUX

Éthanol et bactéries sont utilisés par des entreprises pour fabriquer des produits substituts des dérivés de pétrole

88 SEMI-CONDUCTEURS

Un centre sur les matériaux céramiques va développer un matériau pour une nouvelle usine de puces électroniques à São Carlos

> HUMANITÉS

92 HISTOIRE

Le bicentenaire de l’arrivée de la famille royale exige une réflexion historiographique

98 LITTÉRATURE

Une réédition de l’œuvre complète de Jorge Amado propose une relecture critique de l’un des écrivains les plus populaires du Brésil

102 ANTHROPOLOGIE

Des scientifiques découvrent que les premiers habitants appartenaient à des civilisations organisées et complexes

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6 ■ ÉDITION SPÉCIALE NOVEMBRE 2007/FÉVRIER 2009 ■ PESQUISA FAPESP

La Science à São Paulo, Brésil

Carlos Henrique de Brito Cruz – Directeur Scientifique de la FAPESP

Pendant quelque temps, la science et la technologie ont été des instruments de développement au Brésil. Au-delà de contribuer à la connaissance humaine par

des articles scientifi ques, des livres, des thèses et des in-terventions prononcées au cours de conférences, le Brésil a employé ses connaissances pour construire le système agricole le plus effi cace au monde et la seule économie industrialisée ayant 47% de son énergie produite à partir de ressources renouvelables. Les entreprises brésiliennes utilisent leurs connaissances pour construire un secteur TI fort, pour promouvoir l’autosuffi sance en matière de pro-duction pétrolière et pour créer l’une des plus importantes industries aéronautiques au monde. Les universités et les instituts de recherche du pays assurent 2% de la production scientifi que mondiale, et forment plus de dix mille docteurs chaque année.

La recherche au Brésil, comme dans beaucoup de pays, est soutenue par l’industrie et par le gouvernement. Des agences nationales telles que le Conseil national de déve-loppement scientifi que et technologique (CNPq), la Coor-dination pour le perfectionnement du personnel de niveau supérieur (CAPES) et le Bureau de fi nancement d’études et de projets (FINEP) soutiennent des milliers de projets de recherche sur l’ensemble du pays. Plusieurs états possè-dent des agences gouvernementales qui offrent un support supplémentaire à la recherche.

Reconnaissant l’importance de la science et de la techno-logie pour le développement économique et social, l’état de São Paulo soutient largement la recherche, les universités publiques de recherche et les instituts supérieurs de techno-logie et de recherche. À São Paulo, 64% du fi nancement public à la recherche proviennent des ressources de l’état.

La FAPESP est une fondation publique maintenue par l’argent du contribuable de l’état de São Paulo, ayant pour mission le soutien aux projets de recherche au sein d’éta-blissements d’enseignement supérieur et d’institutions de recherche dans tous les domaines de connaissance. São Paulo compte une population de quarante millions d’habitants et

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NOVEMBRE 2007

SEPTEMBRE 2008

JUIN 2008

produit 35% du PIB brésilien. La constitution de cet état défi nit qu’ 1% de toutes les taxes perçues doit être alloué à la fondation, et le gouvernement lui verse ces fonds chaque mois. La stabilité de fi nancement et l’autonomie de la fon-dation permettent une gestion effi cace des ressources, ce qui se traduit en un résultat impactant : São Paulo rassemble 22% de la population brésilienne et 30% des chercheurs ayant un doctorat dans le pays, tout en étant responsable pour la production de 52% des articles scientifi ques publiés dans des revues internationales.

La FAPESP prévoit d’investir environ 360 millions de dollars dans des projets de recherche en 2009. Un tiers de ce montant est alloué à des bourses d’études pour des étudiants universitaires de tous cycles (licence, master, doctorat). Environ 55% sont attribués à la recherche ex-ploratoire, majoritairement de nature fondamentale. Les 10% restants sont investis dans la recherche appliquée, souvent dans le cadre des petites entreprises ou de recher-che commune entre l’académie et l’industrie.

La fondation mène un travail rapproché avec la com-munauté scientifi que: toute proposition est soumise à une révision par des experts (« peer reviewed ») avec le concours de groupes des domaines de compétence com-posés de chercheurs actifs. Les scientifi ques de São Paulo apportent souvent des propositions de programmes à la fondation, qui sont soigneusement analysées, et lorsqu’elles sont considérées fortes en termes académiques, ces propo-sitions sont transformées par la fondation en programmes

de recherche pouvant assembler une série de projets de re-cherches. Étant donné que la mission de la fondation est de promouvoir la recherche et le développement scientifi que et technologique au sein de l’état, les idées de programmes de recherche de niveau mondial avec des contributions ayant un impact sur des problèmes sociaux sont les bien-venues. Un programme spécial sur la Génomique a abouti à des résultats scientifi ques et technologiques importants, donnant lieu à une communication mise en exergue sur la couverture de la revue scientifi que américaine Nature, ainsi qu’à la création des deux premières petites entrepri-ses brésiliennes dans ce domaine. En 2008, la fondation a annoncé des initiatives de recherche sur la bioénergie et sur le changement climatique planétaire. La fondation soutient des programmes de recherches conséquents sur les technologies de l’information et sur la biodiversité. Les résultats de BIOTA, l’un des plus grands programmes de recherche sur la biodiversité de la planète, non seulement ont été publiés dans des revues scientifi ques importantes, mais ont aussi été utilisés par le gouvernement de l’état pour la mise en place d’une législation fondée sur la pro-tection environnementale.

Ce numéro spécial de Pesquisa FAPESP (Recherche FAPESP) présente quelques projets scientifi ques soutenus par la FAPESP dans différents domaines de compétence. Recherche FAPESP, publiée depuis 1997, est une voie de communication avec le grand public sur les initiatives scientifi ques soutenues par la fondation.

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8 ■ ÉDITION SPÉCIALE NOVEMBRE 2007/FÉVRIER 2009 ■ PESQUISA FAPESP

Projets pour produire de l’énergie propre et un climat salutaireMariluce Moura – Directrice de la Rédaction

Voici la quatrième édition spéciale de la revue Pesquisa FAPESP (Recherche FAPESP) en langue française – la pre-

mière est parue début 2004, la deuxième fi n 2005 et la troisième septembre 2007. Dans ce numéro nous en avons réuni 18 parmi les plus importants reportages de nos éditions mensuelles en portugais pa-rues entre novembre 2007 et février 2009, pour présenter aux lecteurs francophones un aperçu succint et général de la produc-tion scientifi que et technologique brésilien-ne au cours de cette période.

Nous avons maintenu, essentiellement, le même modèle édi-torial de nos éditions nationales, de telle sorte que les pages de la revue apparaissent dans une séquence ouverte par les textes de politique scientifi que et technologique, auxquels se succèdent les reportages de sciences, puis ceux de technologie et, fi nalement, les textes dans le domaine des sciences humaines. Un entretien ping-pong avec l’ex-président de la République, le sociologue Fernando Henrique Cardoso (page 13), et le reportage présenté en couverture de l’édition (page 18) précèdent cet ensemble de textes. L’ex-président Cardoso aborde le stage actuel du débat à propos des questions environnementales au Brésil et dans le monde, soulignant son évolution et l’acceptation croissante des changements climatiques globaux en tant que problème grave et réel de l’humanité. Cette revue comporte, d’ailleurs, un autre article sur le climat (page 28), relatif au Programme FAPESP de Recherche sur les Changements Climatiques Globaux, lançé par cette agence fi n août 2008, au cours d’une convocation de cher-cheurs de divers domaines scientifi ques, pour élargir, à partir de là, la contribution brésilienne à l’étude sur les changements climatiques de la planète.

Quant au reportage de couverture, il est important de rappe-ler qu’il se structure également à partir d’une initiative de cette fondation, le Programme FAPESP de Recherche en Bioénergie (Bioen), qui a vu le jour le 3 juillet 2008. Le pari de ce projet osé, dans un pays qui, depuis déjà quelques décennies, accumule des avantages dans la production de l’éthanol de première gé-nération – fondé sur la fermentation de la saccharose de la can-

DÉCEMBRE 2008

CELSO LAFERPRÉSIDENT

JOSÉ ARANA VARELAVICE-PRÉSIDENT

CONSEIL SUPÉRIEUR

CELSO LAFER, EDUARDO MOACYR KRIEGER, HORÁCIO LAFER PIVA, HERMAN JACOBUS CORNELIS VOORWALD, JOSÉ ARANA VARELA, JOSÉ DE SOUZA MARTINS, JOSÉ TADEU JORGE, LUIZ GONZAGA BELLUZZO, SEDI HIRANO, SUELY VILELA SAMPAIO, VAHAN AGOPYAN, YOSHIAKI NAKANO

CONSEIL TECHNIQUE & ADMINISTRATIF

RICARDO RENZO BRENTANIPRÉSIDENT-DIRECTEUR

CARLOS HENRIQUE DE BRITO CRUZDIRECTEUR SCIENTIFIQUE

JOAQUIM J. DE CAMARGO ENGLERDIRECTEUR ADMINISTRATIF

CONSEIL ÉDITORIALLUIZ HENRIQUE LOPES DOS SANTOS (COORDENATEUR SCIENTIFIQUE), CARLOS HENRIQUE DE BRITO CRUZ, FRANCISCO ANTONIO BEZERRA COUTINHO, JOAQUIM J. DE CAMARGO ENGLER, MÁRIO JOSÉ ABDALLA SAAD, PAULA MONTERO, RICARDO RENZO BRENTANI, WAGNER DO AMARAL, WALTER COLLI

DIRECTRICE DE RÉDACTIONMARILUCE MOURA

RÉDACTEUR EN CHEFNELDSON MARCOLIN

RÉDACTEUR EN CHEF EXÉCUTIFSCARLOS HAAG (HUMANITÉS), FABRÍCIO MARQUES (POLITIQUE), MARCOS DE OLIVEIRA (TECHNOLOGIE), RICARDO ZORZETTO (SCIENCE)

RÉDACTEURS TECHNIQUESCARLOS FIORAVANTI, MARCOS PIVETTA (ON-LINE) ÉDITRICES ASSISTANTESDINORAH ERENO, MARIA GUIMARÃES

ÉDITRICE D'ARTMAYUMI OKUYAMA

CONCEPTION ET MAQUETTEMARIA CECILIA FELLI JÚLIA CHEREM RODRIGUES

PHOTOGRAPHESEDUARDO CESAR, MIGUEL BOYAYAN

SECRÉTAIRE DE RÉDACTIONANDRESSA MATIAS TEL: (55 11) 3838-4201

ONT COLLABORÉ A CE NUMÉROABIURO, ANDRÉ SERRADAS (BANQUE DE DONNÉES), DANIEL NEVES,GONÇALO JUNIOR, JAIME PRATES E YURI VASCONCELOS

TRADUCTION VERS LE FRANÇAISÉRIC RENÉ LALAGÜE, PATRÍCIA C. RAMOS REUILLARD, PASCAL REUILLARD, JORGE THIERRY CALASANS ET ELAINE PHILIPPE

LA REPRODUCTION TOTALE OU PARTIELLE DESTEXTES ET DES PHOTOGRAPHIES EST INTERDITE, SAUF AUTORISATION PRÉALABLE

DIRECTEUR TECHNIQUEPAULA ILIADIS TEL: (55 11) 3838-4008e-mail: [email protected]

DIRECTION DU TIRAGE RUTE ROLLO ARAUJO TEL. (55 11) 3838-4304 e-mail: [email protected]

IMPRESSIONHR GRÁFICA E EDITORA LTDA.

DIRECTION ADMINISTRATIVEINSTITUTO UNIEMP

FAPESPRUA PIO XI, Nº 1.500, CEP 05468-901ALTO DA LAPA – SÃO PAULO – SP

SECRÉTARIAT D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

GOUVERNEMENT DE L'ÉTAT DE SÃO PAULO

ISSN 1519-8774

FONDATION D'APPUI À LA RECHERCHE DE L'ÉTAT SÃO PAULO

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LETTRE DE L'ÉDITEUR

ne-à-sucre –, est de vaincre les défi s pour augmenter sa productivité et, en même temps, poursuivre les opportu-nités de développement de l’éthanol de deuxième génération, produit à partir de la cellulose. Il s’agit, en bref, d’un programme de recherche pour faire avancer la science de base et le développement technologique liés à la génération de l’énergie à base de biomasse.

Par rapport aux textes fondés sur d’importantes recherches scientifi ques et sur l’innovation technologique dans divers domaines, et qui sont ici pré-sentés, j’aimerais rappeler qu’environ la moitié du matériel se rapporte à des projets réalisés dans des institutions de recherche de l’état de São Paulo et soutenus par la FAPESP, tandis que l’autre moitié se rapporte à des projets développés dans divers états

brésiliens. Cette proportion constitue un vrai réfl exe de la réalité nationale : São Paulo répond pour environ 50% de la science produite au Brésil.

J’aimerais tout d’abord souligner, parmi les 11 textes liés à ces sections de science et de technologie, celui qui aborde une importante étude publiée en 2008 qui a permis d’expliquer le fonctionnement d’une protéine es-sentielle à la protection des cellules nerveuses, le prion céllulaire sous sa forme salutaire – c’est-à-dire, la même protéine qui, dans sa version défec-tueuse, cause la maladie de la vache folle, la quatrième forme connue de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (page 40). Ensuite, je voudrais attirer l’at-tention sur le reportage à propos de la série de nouvelles connaissances et de nouvelles compétences technologiques exigées par les progrès de l’exploitation

du pétrole brésilien pour la zone sous-marine du « pré-sel ».

En guise de conclusion, j’aimerais noter que l’objectif fondamental de Pes-quisa FAPESP, qui a complété 10 ans en octobre 2009, avec un tirage mensuel de 37 mille exemplaires, est de diffuser la production scientifi que brésilienne avec discernement et rigueur, tout en pour-suivant inlassablement la clarté indis-pensable à toute publication journalisti-que. Cette publication, qui est également disponible sur internet (revistapesquisa.fapesp.br) en portugais, en anglais et en espagnol, s’encadre parfaitement dans la mission de la FAPESP, fondation pu-blique créée en 1962 pour appuyer la recherche scientifi que et technologique dans l’état de São Paulo, car dans cette mission est incluse la divulgation des objectifs, des processus et des résultats de la recherche.

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MÉMOIRE

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Publié en avril 2008

Champignon

Adolpho Lutz publiait il y a cent ans deux articles décrivant une nouvelle maladie

Au début du XXe siècle, le médecin et chercheur Adolpho Lutz a minutieusement étudié chez deux patients

une maladie différente, provoquant de graves lésions avec destruction de la muqueuse gingivale et une répercussion douloureuse sur les ganglions. Après quasiment trois années de recherche, il publia en avril 1908 deux articles dans Brazil-Medico – Revista Semanal de Medicina e Cirurgia, où il identifiait le champignon, son mode caractéristique de reproduction et qualifiait la maladie de mycose pseudococcidique.

D’après le pharmacien et biochimiste Cezar Mendes de Assis, chercheur à l’Institut Adolpho Lutz, “Lutz a fait quelque chose de rare et d’absolument remarquable. [...] Il a décrit la maladie, observé au microscope son agent sur un matériel clinique, l’a isolé au moyen de cultures, démontré son dimorphisme (deux formes distinctes, moisissure à 27ºC et levures à 36ºC), décrit ses caractéristiques, reproduit la maladie sur différents animaux de laboratoire et isolé à nouveau l’agent”. D’autre part, il a signalé qu’il était en face d’une nouvelle maladie et mis en garde contre la difficulté de la différencier de maladies similaires.

Depuis un congrès de spécialistes en Colombie en 1971, le nom adopté pour la maladie est paracoccidioïdomycose – néanmoins, elle a porté plusieurs noms depuis 1908, dont notamment “maladie de Lutz”. Il s’agit d’une mycose causée

Neldson Marcolin

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Lutz (ci-dessus) et avec sa fille, Bertha (page précédente) dans le laboratoire. À côté, sur le terrain, effectuant une collecte de bigorneaux.

Fac-similé du premier article de Lutz

par le champignon Paracoccidioides brasiliensis, présent en milieu rural et qui pénètre le plus souvent dans l’organisme humain par voie respiratoire. Si la maladie n’est pas diagnostiquée et traitée au bon moment, elle provoque des blessures sur la peau et des lésions dans la bouche; elle peut contaminer les poumons, le foie et la rate, s’infiltrer dans les os, dans les articulations et dans

le système nerveux central. Certaines des activités à risque sont liées à l’agriculture, à la pratique du jardinage et au transport de végétaux. La déforestation et la préparation du sol pour la plantation augmentent le nombre de particules du champignon en suspension. Vu que la notification n’est pas obligatoire, des informations précises sur l’incidence de cette mycose au Brésil font

défaut. Des données du Ministère de la Santé font état de 3 181 morts entre 1980 et 1995, soit un taux de mortalité de 1,25 cas par million d’habitants.

“Le consensus sur la paracoccidioïdomycose”, rapport technique publié en 2006 par la Revista da Sociedade de Medicina Tropical, a montré que parmi les personnes exposées au champignon peu développent la maladie.

Par contre, quand la mycose se manifeste elle devient un problème important de santé publique car le taux de mortalité est élevé – ceux qui n’en meurent pas ne sont généralement plus en état de travailler. Pour l’instant, il n’existe pas de vaccin efficace.

Depuis les articles pionniers de 1908, la mycose continue de faire l’objet d’études. Les travaux du bactériologiste italien Alfonso Splendore et du mycologue brésilien (São Paulo) Floriano Paulo de Almeida ont beaucoup contribué à sa compréhension. Lutz (1855-1940) a quitté l’Institut Bactériologiste de São Paulo (actuel Institut Lutz) l’année où il a publié sa recherche. Après avoir dirigé le centre pendant 15 ans, il est reparti à Rio de Janeiro, sa ville natale, pour se consacrer exclusivement à la recherche. Habitué à la solitude des laboratoires et aux collectes de données sur le terrain, il est resté à l’Institut Oswaldo Cruz jusqu’à la fin de ses jours, où il a continué à étudier des thèmes d’intérêt médical ou purement biologique.

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12 ■ ÉDITION SPÉCIALE NOVEMBRE 2007/FÉVRIER 2009 ■ PESQUISA FAPESP

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PESQUISA FAPESP ■ ÉDITION SPÉCIALE NOVEMBRE 2007/FÉVRIER 2009 ■ 13

ENTRETIEN

Fernando Henrique Cardoso

Sans indulgence envers la déforestation

Pour l’ancien président, tant que la société sera condescendante en matière d’atteintes à l’environnement, il n’y aura pas de solutions

L’ancien président Fernando Hen-rique Cardoso suit le débat sur l’environnement depuis environ quatre décennies. Depuis qu’il a quitté la Présidence de La Répu-blique, il partage son temps en-tre les cours spécialisés dispensés

dans des universités américaines et les ac-tivités de son institut (iFHC), qui réalise des séminaires sur des thèmes d’intérêt de la société comme la démocratie, le déve-loppement, les institutions politiques, les médias, le fédéralisme et principalement les sciences et l’environnement. Son atta-chement à ce thème date des années 60 et 70, quand il était chercheur et professeur. Suite aux persécutions politiques dues au coup d’État militaire de 1964, il s’est mis à enseigner sa spécialité, la sociologie, dans des universités chiliennes, françaises et américaines.

C’est à l’étranger qu’il a rencontré certaines personnalités comme Ignacy Sachs, Johan Galtung et Marc Nerfi n, qui ont joué un rôle important dans le débat environnementaliste, avant que ce dernier ne devienne incontournable. Il était président de la république durant le sommet de Rio+5 et lors de la con-férence de Kyoto, les deux en 1997. À cette époque, les négociations menées avec d’autres chefs d’État ont débouché sur le fameux protocole qui engageait les pays signataires à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre pour la période comprise entre 2008 et 2012.

Lors d’une cérémonie au mois d’août de cette année, Fernando Henrique a inau-

Fabrício Marques et Neldson Marcolin | Publié en novembre 2008

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guré le lancement du Programme FAPESP de Recherche en matière de Changements Climatiques Mondiaux. Il s’agit de l’effort multidisciplinaire le plus important et le plus articulé jamais réalisé au Brésil, vi-sant à élargir la connaissance sur ce thè-me. Il a également indiqué comment la société s’est peu à peu rendue compte de l’importance de la protection environne-mentale. À la demande du directeur de la Fondation, Carlos Henrique de Brito Cruz, il a remis une copie du programme à l’ancien président chilien Ricardo Lagos, actuel conseiller du secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU), Ban Ki-moon. Durant cet entretien, l’ancien président aborde l’évolution et l’acceptation des questions environne-mentales au Brésil et dans le monde.

■ La première initiative émanant de per-sonnalités importantes de la société pour es-sayer de changer les choses en matière d’en-vironnement a-t-elle été la création du Club de Rome, qui réunissait des personnalités et des spécialistes abordant des thèmes divers et mettant l’accent sur l’écologie en 1968 ? Comment voyez-vous cette époque ? — Si je me souviens bien, oui. L’idée du Club de Rome n’évoluait pas. Elle était incompatible pour les pays en dévelop-pement. Naturellement, la gauche brési-lienne était contre. Et moi aussi, bien sûr. À cette époque, le développement était perçu comme une chose essentielle. Le Club de Rome souhaitait une croissance zéro sa-chant qu’il y a des biens qui sont limités. Mais l’impression générale était que tout

serait illimité, que l’air et les océans seraient toujours disponibles, sans problèmes. Il n’y avait pas de notion de limite. L’un des premiers à avoir eu conscience de cette notion s’appelait Ignacy Sachs, professeur à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, en France. Il s’est toujours soucié de la question environnementale, même si avant lui le professeur norvégien Johan Galtung avait déjà abordé la question. Il enseignait à la Flacso [Faculté Latino-amé-ricaine de Sciences Sociales], au Chili. J’ai également enseigné là-bas dans les années 60 et je me souviens de lui entrant dans la salle de cours en jouant de la fl ûte. Il avait été l’assistant de Paul Lazarsfeld, chercheur en sciences sociales.

■ D’où venait Lazarsfeld? — C’était un professeur de l’Université de Colombia, aux États-Unis. Galtung avait travaillé avec lui là-bas et il était up to date, au courant de tout. Dans une réunion en Suède à laquelle je participais dans les années 70, nous cherchions à concilier le développement et la pro-tection environnementale. Le concept d’écodéveloppement me semble avoir été inventé par Sachs. Par la suite, un autre ami, le suisse Marc Nerfi n, principal arti-culateur de la Conférence de Stockholm en 1972, a créé la Fondation Internatio-nale pour le Développement Alternatif dans une ville proche de Genève. J’ai fait partie de cette fondation.

■ Vous étiez en France à cette époque ?— Non, j’étais au Brésil. Nous avions

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cussion a été créé pour une plus grande participation des gouvernements.

■ Ces méga conférences qui sont apparues ensuite sont devenues à moitié...— ... fantasmagoriques !

■ Oui. Est-ce qu’elles ne vous semblent pas être un gigantesque outil de marke-ting peu effi cace ? Ou du moins d’une effi cacité trop lente?— La machine gouvernementale est tou-jours très lente.

■ Partout?— Partout. L’intergouvernemental est encore pire. Au fond, tous ces thèmes concernant une remise à jour, une pensée politique, sociale et économique étaient liés à ces conférences. À titre d’exemple, la réalisation par l’ONU de la conférence sur le racisme à Durban, en Afrique. Cela n’a rien donné, on peut le dire, mais le thème a été abordé. Des conférences sur la femme ont été réalisées, ainsi que sur l’habitat, sur les villes. Un secrétariat a été créé Ce que je veux dire c’est que bien que ceci soit diffi cilement traduisible en politiques publiques, car cela dépend de chaque gouvernement, il se crée un environnement intellectuel qui favorise une certaine contagion de ces idées. C’est en ce sens que c’est positif. Une de ces initiatives, émanant de l’ONU, a débou-ché sur des résultats pratiques. Elle a été réalisée par Amartya Sen, économiste indien, Prix Nobel en 1998 et marié à Emma Rothschild qui était très proche de Ruth [Ruth Cardoso, femme de Fernan-do Henrique, décédée au mois de juin de cette année]. Amartya et le pakistanais Mahbub ul Haq, qui a été président de la Banque Centrale du Pakistan dans les années 70, ont créé l’Indice de Dévelop-pement Humain, l’IDH.

■ Vous n’avez pas été récompensé par l’ONU pour cet indice ? — Si, en 2002. J’ai été le premier à ga-gner le prix en matière de développement humain car la situation du Brésil s’est améliorée dans ce domaine dans les an-nées 90. Sans l’IDH, nous n’aurions pas eu la possibilité de mesurer une avan-cée autre que le PIB. C’est un indicateur simple qui mesure l’augmentation du revenu par habitant, le niveau d’alpha-bétisation et l’espérance de vie. C’est ce qui a permis la diffusion de la pratique évaluative. Au Brésil nous l’avons adapté pour la Fondation João Pinheiro, de l’état de Minas Gerais, qui réalise un IDH par municipalité. L’indicateur a été créé dans

un type de débat qui semble ne débou-cher sur rien. Lors d’une réunion liée à l’environnement avec Nelson Mandela en Afrique, nous avons proposé (c’est José Goldemberg qui en a eu l’idée et je l’ai reprise), que chaque pays produise au moins 10% d’énergie propre. Nous n’y sommes pas encore parvenus mais les choses avancent. En ce qui concerne la protection des forêts brésiliennes, nous avons beaucoup progressé. La défores-tation et les installations illicites conti-nuent, mais la zone de forêts protégées a beaucoup augmenté. Au fond, c’est l’une des conséquences de ces conférences. Mais en fait, les actions sont toujours plus lentes qu’on le voudrait.

■ Vous étiez contre les brûlis mais les incen-dies continuent. Pourquoi la volonté du pré-sident est-elle si diffi cile à faire respecter? — Parce qu’elle doit passer par des ca-naux plus bureaucratiques que politiques pour y parvenir. Pour reprendre l’exem-ple des brûlis, je suis très proche de Fábio Feldman [environnementaliste, ex-dé-puté fédéral]. Nous avons créé un conseil sur le réchauffement global. Le Brésil a été le premier à le faire à l’époque.

■ Lors de votre premier ou deuxième mandat ? — Le second. J’étais président et Fábio se-crétaire exécutif du conseil. Nous avons réalisé quelques réunions à ce sujet pour expliquer le thème aux ministres, aux se-crétaires, aux gouverneurs etc. Fábio me rendait fou avec les brûlis. Il se plaignait sans cesse auprès de moi, déclarant: “Ils brûlent plus que ce qu’ils ne disent...”. Durant mon premier mandat, nous avons réussi à construire un satellite avec la Chine, qui a été le premier à prendre des photographies de l’Amazonie à plu-sieurs reprises. On arrivait donc à savoir ce qui était en train de brûler. Mais l’an-goisse augmentait car vous savez ce qui est en train de brûler et vous n’avez pas les moyens d’y mettre fi n. Cette région est immense, les intérêts locaux sont très forts, il n’y a pas de contrôles policiers effectifs. Aujourd’hui, du moins, la mentalité des gouverneurs de la région a changé.

■ Dans quels états amazoniens la protec-tion est-elle la plus forte ?—Les états d’Amazonas et de l’Amapá sont protégés. Au sud de l’état de l’Acre, non. La forêt est attaquée par le sud car il y a une pression de la population. Là-bas, il y a de très fortes pressions. Tout d’abord celle des exploitants de bois qui payent les indiens pour abattre et vendre

déjà créé le Cebrap [Centre Brésilien d’Analyse et de Planifi cation], mais nous n’avions pas de moyens pour survivre. J’ai étudié en France à une époque. Je suis devenu professeur titulaire en France à la fi n des années 60, j’ai ensuite enseigné à l’École des Hautes Études. Dans les an-nées 70 je faisais des allers-retours. J’ai été professeur à Cambridge et j’ai également séjourné à Princeton, aux États-Unis. Parfois j’allais en Suède.

■ Votre attachement au thème vient de ces rencontres ? — Il vient de leur infl uence. Je me sou-viens d’une réunion au Canada et d’une fondation similaire à la FAPESP, à l’occa-sion d’une rencontre qui abordait le thè-me du développement et de l’environne-ment et dont la vedette était Sachs. Il a eu une grande infl uence sur de nombreuses personnes au Brésil. Sachs est polonais et a vécu de nombreuses années au Brésil où il y possède une maison, ainsi qu’en France. Il a travaillé avec Michal Kalecki, le grand économiste polonais et l’un des principaux rénovateurs.

■ Le concept de développement durable a commencé à naître de ces discussions ? — L’expression, naturellement, est apparue plus tard, elle est plus récente. En réalité, le souci pour un développement respectueux de l’environnement est apparu après la Conférence de Stockholm, qui fut le point de départ. Ensuite, il y a eu le sommet de Rio en 1992 où un véritable espace de dis-

Si la société ne prend pas conscience du thème, n’exerce pas de pression et si le gouvernement est absent, les intérêts privés détruisent tout

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le bois. Il y a ensuite la pression des col-lectivités territoriales, qui profi tent des exportations de bois. Il y a la pression du petit agriculteur car il y a un déplace-ment de population. Je lisais récemment dans les journaux que l’Incra se chargeait maintenant de l’installation d’agricul-teurs là-bas. Au temps des militaires, seules les grandes entreprises multina-tionales y allaient et sans états d’âme, ils abattaient la forêt, et le gouvernement les y encourageait.

■ Pour avancer à l’intérieur du pays. — Ils voulaient des plantations et des pâturages en Amazonie. J’ai écrit un livre sur la région à cette époque qui s’intitule, Amazonie: expansion du capi-talisme [Brasiliense/Cebrap], de 1977. Je m’y suis rendu avec Juarez Brandão Lopes, professeur à l’USP, afi n de mener des recherches sur le taux d’occupation en Amazonie. Le livre n’a pas été écrit avec lui, mais avec Geraldo Müller, qui était mon assistant, et avec l’aide de Tetê [Teresa Marta], sœur de Marta Suplicy. Severo Gomes [entrepreneur, ex-séna-teur et ex-ministre, décédé en 1992] était mon ami et possédait une ferme dans le sud de l’état du Pará. Quand nous y sommes allés, j’ai été très surpris car on nous a demandé nos pièces d’identité, des justifi catifs et il y avait des militaires. Severo nous a reçu chez lui et le soir, un évêque dominicain de la région qui s’ap-pelait Cardoso et originaire de l’état de Minas Gerais est venu dîner avec nous, accompagné d’une mère supérieure d’un couvent de la région. En discutant le soir avec eux, nous avons découvert qu’il y avait une guérilla dans le pays et nous ne le savions pas.

■ Même avec tous les contacts que vous aviez avec la gauche vous n’étiez pas au courant de la guérilla de l’Araguaia?— Non, personne ne le savait au Brésil. C’était en 1975. Severo, Juarez et moi-même, avions parcouru toute la région... Quand je suis reparti, il y avait des sol-dats blessés dans l’avion. Mais cette histoire est juste un détail. Je suis allé là-bas pour mener des recherches. Nous avons appelé des gens de la région pour discuter. Là-bas c’était la pénétration du capitalisme. Il y avait un “chat” (c’était le nom donné au recruteur de main d’œu-vre) qui pensait que je voulais acheter des terres. Il m’a dit, “Ne vous inquiétez pas, achetez la terre, car ici on s’occupe de tout. Ici nous avons un système : le personnel déboise et reste sur place 15 jours. Ensuite ils reviennent en ville, ils

y passent trois ou quatre jours puis ils retournent en forêt. Ils ne peuvent em-mener avec eux, ni arme, ni femme et ils ne peuvent pas boire d’alcool. S’ils font une de ces choses, nous leur injectons de l’alcool et ils ne le font plus”. Il se référait aux ouvriers agricoles recrutés principalement dans l’état du Maranhão. Je me suis rendu dans un bourg appelé Redenção. Il y avait des maisons closes et des pharmacies pour attirer les gens. C’était l’idée de l’époque. Actuellement, il y a peut-être 100 mille habitants, c’est devenu une ville.

■ Tout ceci avec des encouragements fi s-caux ?— Évidemment. Il y avait la ferme de Volkswagen et d’autres multinationales. Tout ceci allait se transformer en désert. Les arbres sont coupés, le sol foulé par le bétail, cela n’amène rien. Ce type d’ac-tion de l’État favorisant la déforestation est terminé. La capacité effective actuelle de contrôler la déforestation est encore limitée. Comment cela se mesure-t-il ? Par satellite. Nous avons l’Inpe [Institut National de Recherches Spatiales], qui réalise ce travail. Il y a ensuite ceux qui analysent les données. Il y avait toujours une différence entre le véritable chiffre et le chiffre offi ciel. Un jour je suis allé dîner chez Ronaldo Sardenberg, mon dernier ministre des Sciences et de la Technologie, avec Fábio et une de ses amies qui savait tout sur l’Amazonie, ainsi qu’avec le res-ponsable du travail d’analyse satellitaire pour voir si nous arriverions à découvrir le chiffre exact en matière de brûlis et de déforestation. C’est un travail diffi cile. Même étant président, même en voulant les choses, il n’y a pas d’outils sûrs. Le gou-vernement ne peut pas tout résoudre, il faut une participation de la société. Tant que la société sera indulgente à ce sujet, il n’y aura pas de solutions. Nous voyons aujourd’hui que la déforestation continue d’avancer. Je suis en faveur d’une défores-tation zéro. Il y a toujours des initiatives intéressantes. Nous avons réalisé deux réunions à la Fondation Getúlio Vargas, à São Paulo, et j’ai été positivement im-pressionné par l’effort des entrepreneurs brésiliens de l’industrie du ciment et de la sidérurgie qui tous essayent de contrôler les émissions de CO2. Notre responsabi-lité en matière de réchauffement global est due aux incendies de forêt. Il y a aussi les excréments d’animaux et du bétail qui produisent du méthane. La grande par-tie des émissions n’est pas industrielle, le problème ce sont les incendies de forêt et il n’y a rien qui puisse le justifi er.

■ Quand vous avez écrit le livre Ama-zonie, le capitalisme, comparé à celui d’aujourd’hui, était beaucoup plus sau-vage, n’est-ce pas ? — Je pense.

■ Comment contrôler ce processus ? — Du capitalisme plus avancé, ce n’est pas ce qui manque. Mais nous sommes actuellement en train d’assister à cet ef-fondrement boursier général... Le capi-talisme a toujours eu une composante ir-rationnelle, c’est vrai. Mais il ne s’agit pas de cette irrationalité que nous évoquions avant. Celle-ci est sauvage, comme celle qui existe en Chine actuellement. Si la so-ciété n’en prend pas conscience, n’exerce pas de pression et si le gouvernement est absent, les intérêts privés détruisent tout. Il faut avoir un instrument de contre-poids et de régulation. Le pire c’est quand l’État encourage cette atteinte à la nature, comme au temps des militaires où personne n’avait conscience de cela, maintenant cette conscience existe. L'état d’Amazonas avait un gouverneur, Gil-berto Mestrinho, qui ne voulait pas en-tendre parler de protection de la nature. Je l’ai connu au sénat. Il croyait à la force du progrès sans limites. Aujourd’hui, il a changé d’avis.

■ Il a changé ?— Oui. Amazonino Mendes, autre gou-verneur de cet état a également changé. Le gouverneur actuel, Eduardo Braga, est une personne totalement préoccupée par le sujet. Du moins il le dit, je ne sais pas ce qu’il est en train de faire. Je l’ai pré-senté à Al Gore quand il est venu ici. João Alberto Capiberibe, de l’état de l’Amapá, s’en soucie également. Aujourd’hui l’État a davantage conscience de la nécessité d’exercer un contrepoids aux forces les plus sauvages.

■ Les questions intergouvernementales semblent être une diffi culté supplémen-taire, comme vous l’avez déjà dit. La Réu-nion de Bali, en 2007, a montré que l’enjeu actuel est d’essayer de réunir les intérêts des pays pauvres et des pays riches.— Il n’y a pas de solutions faciles. Mais la délégation brésilienne qui s’y est rendue, d’après ce que je sais, est parvenue à une solution raisonnable dans les discussions concernant la protection des forêts. Je pense que nous devrions insister da-vantage sur la valeur de la forêt debout, et même de la forêt plantée. Au début, lorsque nous avons discuté le Proto-cole de Kyoto, nous n’avons jamais tenu compte de ce fait. Je pense que le Pro-

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tocole de Kyoto est devenu insuffi sant. L’idée était d’avoir une responsabilité partagée et inégale. Un arrangement a donc été créé pour que les pays déve-loppés puissent continuer à polluer en payant pour la non pollution des autres. Il est un peu archaïque d’accepter le fait d’avoir le droit de polluer sans essayer de compenser. Je me rappelle toujours de [Mikhail] Gorbatchev car son attitude m’a impressionné dans les années 80.

■ Quelle était sa posture ?— C’était le leader d’un État communis-te, une puissance mondiale basée sur la production atomique. Il déclarait, “Écou-tez, on ne peut plus continuer de cette manière”. Je pense que ceci, est théori-quement très intéressant. Dans la théorie marxiste on ne peut parler d’Humanité sans mystifi cation: tout indique que l’on ne parviendra à l’Humanité que le jour où il y aura une classe universelle. Quand les travailleurs domineront le monde, tous seront égaux. Et là, oui, nous aurons l’Humanité. Sans cela, nous avons des classes sociales. Ce concept d’Humanité est une mystifi cation, le concret c’est l’existence de classes qui s’opposent. Ces idées sont de Karl Marx, ou plutôt des disciples de Marx (Marx était toujours plus intelligent que ses disciples). Gor-batchev déclare le contraire: “On ne peut

pas continuer de cette manière. La ter-reur atomique ne résout rien, la bombe atomique blesse non seulement l’autre mais m’atteint également, car ses effets se diffusent dans l’atmosphère. Nous de-vons penser qu’il s’agit d’un processus qui affecte toute l’Humanité”. Je pense que ceci, à la fi n des années 80, a été un énorme changement. Cette évolution est très intéressante, car dans la pensée traditionnelle de la gauche, cela n’existe pas. La notion de progrès vient du XVIIIe siècle. C’est la croyance en un progrès illimité et qu’il n’y a pas à penser aux limites imposées par la nature. L’hom-me découvrirait toujours une nouvelle technologie qui résoudrait tout. Il s’agit d’une confi ance aveugle envers le progrès technologique. Gorbatchev est venu et a déclaré, “Attention réfl échissez bien, car le progrès peut détruire”. Nous devons alors avoir d’autres valeurs, y compris celle du respect de l’environnement.

■ Gorbatchev avait conscience de ce concept ?— Je l’ai rencontré souvent. Il en a une conscience relative. Mais il est diffi cile de savoir parce qu’il ne parle pas anglais, seulement russe. Il parle beaucoup, il est très sympathique. Il a une fi lle, jolie, qui traduit bien, outre son traducteur offi ciel. Mais même ainsi l’interaction

est diffi cile. Peut être qu’il n’avait pas autant conscience de l’importance, di-sons, conceptuelle de ce qu’il a dit et fait. Ce n’est pas une personne qui raisonne d’une manière aussi abstraite. Je sais qu’il a provoqué ce changement de concept. Aujourd’hui nous assistons à un retour du thème de l’éthique dans la science qui est devenue moins arrogante. Va-t-elle résoudre tous les problèmes du monde? Non elle ne va pas le faire.

■ Nous avons vu récemment de grands débats sur les transgéniques et les cellules souches. — C’était bien, n’est-ce pas ? Il est vrai que nous devons mener des recherches, mais il y a quand même des limites, comme en ce qui concerne la question du développement et de l’environne-ment. Je pense que la conscience sociale a progressé. La jeunesse est très sensible au problème environnemental. Le Brésil a toujours eu, du moins en rhétorique, des positions avancées en matière d’en-vironnement. Dernièrement, ceci s’est un peu amenuisé. Nous sommes à nou-veau revenus à un moment du type “ce qui compte c’est la croissance”. Le souci environnemental a été négligé en raison d’une ambition de croissance.

■ Vous avez toujours critiqué la matrice nucléaire. Ne serait-elle pas une bonne solution aujourd’hui ?— Le problème, c’est que faire des dé-chets atomiques. Mais face aux circons-tances actuelles, nous devons y repenser. J’ai été très impressionné par une discus-sion que j’ai eue avec des gens d’Alcoa. Ils injectent des gaz dans des trous qui auparavant contenaient du pétrole. Au lieu de les envoyer dans l’espace, ils les envoient sous terre. Il faudra inventer quelque chose de ce type pour les dé-chets nucléaires. Plus de 60% de la ma-trice énergétique française est nucléaire. L’Allemagne et l’Espagne peuvent s’offrir le luxe de ne pas faire de même car ils importent l’énergie française. De cette manière, c’est plus facile.

■ Nous avons interviewé le Professeur José Goldemberg il y a quelques mois, et il a critiqué la posture actuelle de la diplomatie brésilienne. Il déclare que le Brésil est en train de faire le jeu de la Chine et qu’il pourrait avoir une posture beaucoup plus proactive. Qu’en pensez-vous? — Je suis d’accord avec lui. En fait la posture diplomatique brésilienne a été très marquée, et c’est compréhensible, par le boom économique des années 70

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où la vision était celle d’un Brésil puis-sant. En ce qui concerne l’environnement, j’ai moi-même forcé la discussion en fa-veur du protocole de Kyoto. J’ai discuté avec Bill Clinton (il m’a appelé plusieurs fois dans le cadre de négociations), de même qu’avec Sardenberg quand il était en Hollande négociant la question, ainsi qu’avec notre diplomatie... Bon, la diplo-matie obéit plus ou moins à la politique, quand il y a un intérêt en jeu. Comme maintenant, Lula se soucie davantage de la croissance que de l’environnement et la diplomatie a repris un peu sa posture première de lutte des pauvres contre les riches. Ils ne sont pas tiers-mondistes, je suis en train d’exagérer, mais il y a quand même une part de vérité. La Chine c’est le tiers monde, les États-Unis et l’Europe représentent les pays développés ; alors nous sommes avec la Chine et non pas avec les pays développés. Je pense qu’il s’agit d’une vue simplifi ée. Et eux aussi le pensent. C’est également l’opinion du très bon ambassadeur Everton Vieira Vargas qui s’est toujours occupé de la question et il n’est pas le seul à penser ainsi à l’Itamaraty [Ministère des Affaires Etrangères]. Mais il y en a d’autres qui pensent autrement. Si la Chine préfère ce côté-ci du monde alors ils s’allient à la Chine. Je pense que nous ne devons pas avoir de relations inconditionnelles avec qui que ce soit. Nous devons voir notre intérêt et l’intérêt de l’Humanité ainsi que les bénéfi ces. La Chine va devoir adopter des mesures, car elle sait qu’elle ne peut plus continuer de cette manière. Le Bré-sil s’est un peu éloigné d’elle à Bali, mais il doit s’en séparer davantage car nous n’avons pas à payer pour leurs erreurs. La Chine a décidé de croître et fait face à un problème que je comprends, il faut qu’un milliard de personnes puissent se nourrir. Mais maintenant qu’ils se nourrissent, soyez plus attentifs à la manière dont les choses évoluent. Le Brésil ce n’est pas la Chine. Il nous faudrait comprendre ces processus. De toute manière, nous avan-çons raisonnablement sur ces aspects.

■ Vous continuez à critiquer le gaspillage d’énergie ?— Je pense qu’il est fondamental de ne pas gaspiller. Nous pouvons y gagner davantage.

■ C’est un traumatisme de l’époque du black out électrique ?— Non, ce n’est pas un traumatisme. Il faut voir ce qui s’est passé et comment cette crise a été gérée. Nous avons gagné en capacité et nous avons appris à écono-

■ Où se situe la question environnemen-tale face à la grande crise économique actuelle ?— La crise aura un effet positif sur l’environnement car elle va réduire la croissance et donc la pollution. Mais il n’y aura pas nécessairement une plus grande recherche pour comprendre la nature du problème. Elle va réduire l’amplitude du drame. On va dépen-ser moins, on consommera moins de pétrole. Les États-Unis ont également beaucoup progressé en matière de prise de conscience sociale, comme par exem-ple en Californie et dans d’autres états et villes. Le Brésil fonctionne également un peu de cette manière. Nous ne sommes pas un pays centralisé. Nous avons des états et des communes, une société plus active, comme aux États-Unis. Là-bas, le gouvernement fédéral n’a pas le pou-voir d’imposer ses vues au gouverneur de la Californie. Je pense que le Brésil a la possibilité d’en faire autant. J’ai été très impressionné par une réunion du WRI [World Resources Institute], duquel je fais partie avec Al Gore, qui décrivait la situation actuelle des entreprises amé-ricaines. Elles sont beaucoup plus en avance que le gouvernement américain, comme certaines de nos entreprises éga-lement. Parlez avec des gens de Voto-rantim pour vous en rendre compte. Ils sont en train de proposer de changer de type de haut-fourneau pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

■ Est-ce que l’on vous demande d’aborder le thème dans votre institut ? Le site de l’iFHC indique différents séminaires à ce sujet.— De nombreuses personnes le deman-dent. Au début, c’était diffi cile. J’ai été Président de la République et je suis président d’honneur du PSDB. Certains pensaient que l’institut ne serait qu’une manœuvre d’homme politique. Ce n’est pas le cas mais je suis toujours confronté à ce problème. Je ne suis pas informé quotidiennement de la politique, mais ils n’y croient pas. Ils pensent qu’il s’agit d’un trompe-l’œil et que je suis en train de manœuvrer et c’est parfois le cas, oui. Mais je n’ai plus la patience et aucun in-térêt personnel pour ce type de chose. À l’institut nous voulons débattre avec la société et également si possible avec les partis politiques. Dans nos séminaires nous nous efforçons de réunir des gens issus d’universités, d’entreprises, des journalistes et des hommes politiques. Le plus diffi cile est de trouver des hom-mes politiques qui aient un intérêt pour ces thèmes. ■

miser l’énergie. Depuis peu, les niveaux de consommation sont revenus aux ni-veaux d’avant. Il y a encore beaucoup de choses à faire.

■ Vous avez remis la copie du Programme FAPESP de Recherche sur les Changements Climatiques Mondiaux à l’ex-président chilien Ricardo Lagos. Dans quel but ? — C’est le conseiller du secrétaire-général de l’ONU en matière d’environnement. J’étais président du Club de Madrid, une association d’anciens présidents fondée par Gorbatchev, dont Clinton était le pré-sident d’honneur. Nous avons réalisé une rencontre importante sur la manière de concilier la lutte contre le terrorisme tout en obéissant aux règles démocratiques. Quand Ricardo a quitté le gouvernement Chilien, je lui ai passé deux de mes fonc-tions: la présidence du Club de Madrid et le poste de chairman de l’Inter-Ame-rican Dialogue, aux États-Unis. Il a donc réalisé à son tour une réunion sur l’envi-ronnement. Je lui ai remis le programme de la FAPESP pour qu’il soit présenté à l’ONU et au Club de Madrid.

■ Peut-on s’attendre à une certaine récep-tivité de la part de ces institutions ?— De la réceptivité, oui. De l’argent, non. Il s’agit davantage de divulguer le programme. Au Brésil nous avons des ressources. L’objectif est d’intéresser les gens, de montrer ce qui peut être fait.

Le Brésil s’est un peu éloigné de la Chine lors de la réunion de Bali en 2007, mais il doit s’en éloigner davantage car nous n’avons pas à payer pour leurs erreurs

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Les chercheurs de l’état de São Paulo sont invités à partici-per à un grand effort de re-cherche pour perfectionner la productivité de l’éthanol brésilien et faire progresser la science de base et le dé-

veloppement technologique liés à la production d’énergie à partir de la biomasse. Lancé le 3 juillet 2008, le Programme FAPESP de Recherche en Bioénergie (Bioen) vise à stimuler et à articuler les activités de recherche dans les institutions de l’état de São Paulo et à perfectionner les connaissances déjà existantes. D’après Carlos Henrique de Brito Cruz, directeur scientifi que de la FAPESP, “le Brésil présente de nets avantages en matière de produc-tion d’éthanol de première génération, fait à partir de la fermentation du sac-

programme, explique: “le défi est d’éta-blir un nouveau modèle de recherche et de développement qui ait un impact réel sur l’amélioration des cultures, sur l’augmentation de l’effi cacité des pro-cessus pour la production d’éthanol et sur l’évaluation de l’impact que provo-quera l’utilisation de biocarburants sur plusieurs secteurs de la société”.

L’appel à projets prévoit un investis-sement de près de 38 millions de réais, répartis entre la FAPESP (19 millions) et le Conseil National de Développement Scientifi que et Technologique (CNPq) – 10,2 millions en bourses et 8,8 millions du Programme de Soutien aux Centres d’Excellence (Pronex). Dans le cadre du Bioen, des accords ont également été signés pour articuler l’effort de recher-che avec des entreprises et d’autres ins-titutions; l’un d’eux est le premier appel d’offres Accord FAPESP/Dedini pour le Soutien à la Recherche sur les Processus Industriels pour la Fabrication d’Éthanol de Canne à sucre, qui investira dans un premier temps 20 millions de réais dans des projets coopératifs regroupant des spécialistes de l’entreprise, des universités et des institutions de recherche de l’état de São Paulo. L’Accord FAPESP/Dedini prévoit des investissements de l’ordre de 100 millions de réais sur 5 ans, répartis à parts égales entre les deux partenaires.

Dedini n’est pas la seule entreprise partenaire de la FAPESP dans le domaine de la recherche sur les biocarburants. En 2006, la Fondation associée à la BNDES (Banque Nationale de Développement Économique et Social) a signé un accord avec l’entreprise Oxiteno du Groupe Ul-tra pour développer sept projets coopé-ratifs de recherche allant du processus d’hydrolyse enzymatique de la bagasse de canne à sucre pour l’obtention de su-cres jusqu’à la bioproduction d’éthanol de cellulose. Au début de l’année 2008, la FAPESP et Braskem ont également conclu un accord pour le développe-ment de biopolymères. En plus de ces accords avec les trois entreprises, le pro-gramme Bioen a émis un appel d’offres d’une valeur de 5 millions de réais pour un accord entre la FAPESP et la FAPE-MIG (Fondation de Soutien à la Recher-che de l’Etat de Minas Gerais) pour des recherches sur les biocarburants. Enfi n, le programme bénéfi cie de 10 millions de réais de la FAPESP pour des aides régulières et pour le programme Soutien

La FAPESP lance un programme pour encourager la recherche en bioénergie | Fabrício Marques

charose, mais plusieurs défi s restent à relever pour améliorer sa productivité. [...] Il existe également d’importantes opportunités de développement tech-nologique de l’éthanol de deuxième gé-nération, produit à partir de cellulose et qui fait l’objet de recherches dans plusieurs pays. Le Bioen intervient sur les deux fronts”.

Le programme est composé de cinq versants: 1. la recherche sur la biomasse et plus particulièrement l’amélioration de la canne à sucre; 2. le processus de fa-brication; 3. les applications de l’éthanol pour les moteurs automobiles; 4. les étu-des sur les bioraffi neries et l’alcoochimie; 5. les impacts sociaux et environnemen-taux de l’utilisation de biocarburants. Glaucia Mendes Souza, chercheuse de l’Institut de Chimie de l’Université de São Paulo (USP) et coordinatrice du

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PRENDRELA TÊTE DES

PRODUCTEURS

D’ÉTHANOLPublié en juillet 2008

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Variété de canne à sucre hibride cultivée au Brésil

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au Jeune Chercheur. L’ensemble d’ap-pels d’offres annoncé au début du mois de juin représente des investissements de 73 millions de réais.

La production de canne à sucre re-présente au Brésil un chiffre d’affaires de 40 milliards de réais par an. La récolte 2007/2008 devrait atteindre 547 millions de tonnes de canne à sucre, soit 15,2 % de plus que la précédente. La moitié est des-tinée à la fabrication d’éthanol, ce qui fait du Brésil le deuxième producteur de car-burant au monde. La première place est occupée par les États-Unis, qui extraient de l’éthanol de maïs grâce à d’impor-tantes subventions agricoles. Deux tiers de la production brésilienne viennent de l’état de São Paulo. On estime que le Brésil devra doubler sa production dans les 5 à 7 années à venir s’il veut répondre aux demandes locales et internationales en termes de carburant. Pour y parvenir, il faudra construire de nouvelles usines, augmenter les surfaces plantées, amélio-rer la manipulation et, surtout, accroître les gains de productivité.

L ’un des objectifs principaux du Bioen est de créer du savoir qui permette d’accélérer le dévelop-

pement de nouvelles variétés de canne à sucre capables de contribuer à cette avancée. À São Paulo, l’augmentation de la productivité pourra par exem-ple être atteinte avec la production de plantations plus riches en saccharose, vu que l’expansion de la culture se heurte au manque de terres libres. Sur le Planalto Central (Plateau Central), l’expansion est davantage possible – il existe des superfi cies au potentiel élevé dans les états du Tocantins (nord), du Maranhão (sud), du Mato Grosso, de Goias et du Triângulo Mineiro de Minas Gerais. Reste à développer un ensemble plus grand de variétés adaptées à l’offre restreinte d’eau. D’après Glaucia Souza, “la disponibilité de plantations résistan-tes à la sécheresse sera nécessaire pour l’expansion de la culture de la canne à sucre dans cette région, car cela viabi-lisera l’utilisation de prés et permettra de diminuer la pression de l’expansion sur les savanes (cerrados) et les forêts. [...] Les producteurs du Nord-est bé-néfi cieront également de plantations résistantes à la sécheresse, susceptibles d’augmenter de manière signifi cative la productivité de la région”.

LE DÉFI DE LA COMPÉTITIVITÉLe Brésil est leader en matière de recherches sur la canne à sucre, mais d’autres nations le devancent dans les études sur l’éthanol de première et deuxième générations

Nombre d’articles scientifiques publiés sur la canne à sucre

États-UnisBrésilÉtat de São PauloIndeAustralie Chine

Nombre d’articles scientifiques publiés sur l’éthanol extrait de la biomasse

États-UnisBrésilÉtat de São PauloIndeChine

Nombre d’articles scientifiques publiés sur l’éthanol de deuxième génération (lignocellulose)

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Sources: ISI/Web of Science

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de plantes, pour aboutir à quelques va-riétés au potentiel élevé. Anete Pereira de Souza, coordinatrice de l’étude et professeur du Département de Géné-tique et d’Évolution de l’Institut de Biologie (Unicamp) et chercheuse du Centre de Biologie Moléculaire et d’In-génierie Génétique (Cbmeg - Unicamp) observe: “L’idée est de réduire le nom-bre de plantes évaluées sur le terrain, en utilisant les données des marqueurs moléculaires pour sélectionner préa-lablement des variétés liées à des gènes d’intérêt”. Pour Marie-Anne Van Sluys, professeur du Département de Botani-que de l’Institut de Biosciences de l’USP, “l’identifi cation de marqueurs molécu-laires associée aux caractéristiques d’in-térêt est extrêmement importante pour l’orientation des croisements dans le programme d’amélioration de la canne à sucre”. Anete et Marie-Anne vont tou-tes les deux coordonner des recherches dans le cadre du Bioen. Identifi er les marqueurs moléculaires est loin d’être une tâche ordinaire. Le génome de la canne à sucre est jusqu’à trois fois plus grand que le génome humain. En plus, il n’y a pas deux copies de chaque chro-mosome mais il peut y en avoir jusqu’à dix, et elles ne sont pas égales. M

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Des variétés de canne à sucre adap-tées aux divers climats et sols brésiliens, hautement productifs et avec une teneur élevée en sucre ou fi bre, sont dévelop-pées depuis plusieurs années à travers des techniques traditionnelles d’amélio-ration génétique. Le Programme Bioen souhaite contribuer à l’accélération du développement de ces variétés via la ma-nipulation génétique du métabolisme énergétique des plantes cultivées, afi n de générer des avantages compétitifs pour la production brésilienne.

Le Programme Bioen est né de l’in-teraction d’un groupe de chercheurs qui étudient des fragments de gènes fonc-tionnels de la canne à sucre – lesdits marqueurs de séquence exprimée (EST, expressed sequence tag) – dans le cadre du Programme FAPESP Sucest (Sugar Cane EST). Plus connu sous le nom de Genoma Cana, ce projet a été mené entre 1999 et 2003 par près de 240 cher-cheurs dirigés par le biologiste Paulo Arruda; il a été fi nancé par la FAPESP et la Coopérative des Producteurs de Sucre et d’Alcool de l’état de São Paulo (Coopersucar). “Nous sommes arrivés à 238 000 EST, nous avons procédé à l’identifi cation des gènes impliqués, étudié les fonctions associées et fait la

matrice de tissus pour aider à la pro-duction de plantes génétiquement mo-difi ées plus effi caces”, résume Glaucia Souza. “Nous possédons déjà 348 don-nées sur les gènes associés à la synthèse de saccharose”.

D ésormais, l’un des défi s des cher-cheurs est d’identifi er les régions du génome de la canne à sucre

responsables de la régulation de l’ex-pression des gènes relevés par Sucest. La connaissance de la localisation physique des gènes, du dosage de leurs variations (allèles) et du milieu dans lequel ils sont insérés permettra une plus grande efficacité au niveau de l’utilisation de marqueurs moléculai-res pour l’amélioration de la culture et la transformation de plantes. Le but est que cette connaissance aide à accélérer le développement de nouvelles variétés, un processus qui dure actuellement au moins dix ans, en le rendant plus com-pétitif et moins cher. Aujourd’hui, les programmes d’amélioration partent de la sélection de futures variétés (génoty-pes) sur le terrain, à travers l’évaluation des caractéristiques d’intérêt présentes dans chaque génotype. Ce processus est effectué chaque année sur des milliers

Tige coupée de canne à sucre

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Le Programme Bioen cherchera également à étudier les mécanismes de défense de la canne à sucre contre quelques-uns des principaux parasites agricoles. L’interaction entre la plante et l’insecte est considérée comme un sys-tème dynamique, sujet à des variations continues. Selon Glaucia Souza, “les plantes ont développé différents méca-nismes pour réduire l’attaque des insec-tes, y compris des réponses spécifi ques qui activent diverses voies métaboliques et altèrent considérablement leurs ca-ractéristiques chimiques et physiques”. D’un autre côté, les insectes ont déve-loppé des stratégies pour dépasser les barrières défensives des plantes, ce qui leur permet de se nourrir, de se dévelop-per et de se reproduire sur leurs hôtes. Un des objectifs spécifi ques est d’étudier le lépidoptère Diatraea Saccharalis, l’un des principaux parasites de la canne à sucre dans la région du Nord-est et qui a récemment été identifi é dans les zones

de culture du Sud-Est, tout en essayant de comprendre la fonction de protéines spécifi ques de défense de la canne à su-cre contre l’attaque du lépidoptère.

Les études se pencheront aussi sur la manière dont la canne à sucre va répon-dre aux changements climatiques. Cette connaissance permettra de développer des variétés plus résistantes à d’éventuel-les augmentations de pluie et de chaleur, et à l’accroissement attendu de parasites agricoles. On sait déjà que la concentra-tion élevée de gaz carbonique produit une augmentation de la photosynthèse et du volume de biomasse – ce qui permet de prévoir une augmentation de la produc-tivité. “En contrepartie, on en sait peu sur les mécanismes de contrôle hormonaux, leurs relations avec le métabolisme de carbone et les réseaux de transcription génique associés”, observe Marcos Buc-keridge, professeur du Département de Botanique de l’Institut des Biosciences de l’USP et coordinateur du programme

Bioen. Et d’ajouter: “La connaissance de tels processus permettra de déceler les points du métabolisme de la canne à sucre qui pourraient être modifi és pour produire des variétés adaptées aux changements climatiques”. La recherche de sources de production de biocarbu-rants qui ne nuisent pas à la nature, à l’exemple de l’obtention d’éthanol à partir de polysaccharides de semences d’arbres natifs cultivées au milieu des plantations de canne à sucre, fera égale-ment l’objet de recherches. De l’avis de Buckeridge, “les systèmes agroforestiers peuvent représenter un nouveau modèle susceptible d’augmenter la production d’énergie renouvelable d’une manière harmonieuse et avec des bénéfi ces so-ciaux, sans compter un impact minimal sur l’environnement”.

S eule le saccharose, responsable d’un tiers de la biomasse de la canne à sucre, est utilisé pour la

production de sucre et d’alcool car-burant. Il est vrai que le Brésil se sert de la bagasse de la canne à sucre pour produire de l’énergie dans les usines ou dans la production d’aliments pour ani-maux – une démarche à l’origine d’un gain notable d’effi cacité. Le grand défi est de convertir également en éthanol la cellulose qui se trouve dans la bagasse et dans la paille de la canne à sucre; des processus d’hydrolyse enzymatique ou physico-chimiques permettraient de fermenter les unités de carbone de la cellulose et de l’hémicellulose. La maî-trise des technologies d’utilisation de la cellulose est au cœur de la course mon-diale pour la production d’énergie à partir de sources renouvelables. Actuel-lement, ce processus est très onéreux et encore loin d’être économiquement viable. Si les chercheurs découvrent comment en réduire les coûts, l’utili-sation des deux tiers de la cellulose de la canne à sucre pourra, à long terme, augmenter énormément la production d’éthanol brésilien.

Le Programme Bioen va étudier la physiologie des parois cellulaires de la canne à sucre. Elles sont constituées de cellulose, d’hémicelluloses et de pectines entrelacées de telle manière qu’il est très diffi cile d’extraire effi cacement l’énergie existante dans leurs liaisons chimiques. Il est prévu d’investir dans l’étude sur la constitution de la paroi pour, peut-être,

LA FORCE DE L’ÉTHANOL BRÉSILIEN

LE BOND DU BIOCARBURANT

Coût de production de l’éthanol en dollar par bidon (4,5 litres) provenant de:

L’évolution de la production mondiale d’éthanol en millions de litres

Sucre raffiné (USA)

Sucre de betterave (Europe)

Canne à sucre (USA)

Sucre de betterave (USA)

Maïs (USA)

Canne à sucre (Brésil)

Source: USDA

Source: Worldwatch Institute & World Ethanol and Biofuels Report (2006)

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altérer sa structure et créer des varié-tés dont la dégradation soit plus facile. D’après Buckeridge, “nous avons déjà la composition et la structure des polysac-charides de la paroi cellulaire des feuilles, de la chaume et des fl eurs de la canne à sucre. Donc nous savons quelles liaisons doivent être brisées pour produire du su-cre. [...] Nous avons également une liste de 469 gènes liés à la paroi cellulaire et nous sommes en train d’approfondir les études pour comprendre comment tra-vaillent certaines enzymes. Mais c’est un travail long, car nous devons comprendre comment travaille chaque enzyme et en plus comment elles travaillent ensemble. Notre objectif à long terme est de faire en sorte que la plante commence à dégrader sa propre paroi à un moment donné de son développement, afi n qu’il soit plus facile, une fois la plante cueillie, de termi-ner le processus d’hydrolyse en utilisant des enzymes de microorganismes”.

Les recherches sur l’obtention d’étha-nol de cellulose impliquent des proces-sus physiques, chimiques ou biologiques et personne ne sait encore lequel est le plus effi cace. Brito Cruz, le directeur scientifique de la FAPESP, souligne l’importance d’investir simultanément dans l’éthanol traditionnel et dans celui de la cellulose: “Il y a encore deux ans, produire de l’éthanol en grande quantité était un sujet brésilien. Aujourd’hui, le fait que les pays développés s’intéressent à ces technologies va donner lieu à une compétition qui nous obligera à avancer beaucoup plus sur le plan scientifi que. [...] L’idée selon laquelle l’éthanol de seconde génération est supérieur est encore controversée. Il sera sans aucun doute avantageux pour les pays qui ne parviennent pas à produire de l’éthanol de première génération. Les recherches indiquent que l’éthanol de première génération restera supérieur à celui de deuxième génération pendant de nom-breuses années. Malgré tout, l’éthanol de deuxième génération sera très attractif en face du coût actuel du pétrole”.

L’entreprise Dedini, en partenariat avec la FAPESP, a déjà développé et fait breveter un processus d’obtention d’éthanol de cellulose, et maintenant elle s’efforce de le perfectionner. “C’est un grand privilège de pouvoir compter sur la connaissance des centres de recherche pour, ensemble, résoudre des problèmes technologiques liés à la production de

l’éthanol”, affi rme José Luiz Olivério, vice-président de Dedini. L’appel d’of-fres établissait que les chercheurs pou-vaient présenter dans un délai de 3 mois des projets sur le perfectionnement des processus traditionnels – comme la pro-duction de l’éthanol ou l’utilisation de résidus de canne à sucre pour produire de l’électricité – et sur le développement de processus innovateurs, comme l’ob-tention d’éthanol de cellulose via l’hy-drolyse acide ou enzymatique à des prix compétitifs. Les propositions ont été sé-lectionnées par un comité et les projets choisis seront suivis par des chercheurs spécialistes de Dedini.

D epuis quelques mois, une discus-sion s’est engagée sur l’éventuel impact de la culture de l’éthanol

sur la production d’aliments. Ce sujet pourra faire l’objet d’études dans le cadre du cinquième versant du programme, qui traite des impacts sociaux et environ-nementaux de l’avancée de la production bioénergétique. Pour Brito Cruz, “il a déjà été clairement prouvé que c’est un sujet équivoque, que les deux plus grands responsables de la croissance du coût des aliments sont l’augmentation du prix du pétrole, qui affecte le transport, et l’augmentation de la consommation mondiale causée par le développement accéléré de la Chine et de l’Inde. [...] La préoccupation du Bioen ne s’arrête pas à ce débat conjoncturel mais au fait que jusqu’à aujourd’hui le développement de l’agriculture dans le monde a toujours été fondé sur la production d’aliments et que maintenant il est aussi fondé sur la production d’énergie pour les auto-mobiles. Cela changera probablement la logique qui gouverne l’évolution de l’agriculture dans le monde, et sur ce point on sait encore peu de choses”.

Enfi n, le Bioen a également l’inten-tion d’attirer et de former du personnel qualifi é pour la recherche en bioénergie. L’idée est de créer les conditions néces-saires pour consolider le leadership de l’état dans ce domaine au moyen d’ac-tions permettant le développement de la recherche universitaire dans un modèle de compétitivité internationale, d’élargir la contribution des instituts et des cen-tres qui développent déjà des recherches en la matière et d’établir un réseau de recherche en partenariat et en collabo-ration avec des entreprises. ■

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Variété de canne à sucre hibride

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INNOVATION

Risque récompensé La vente d’Alellyx et de CanaVialis à l’entreprise Monsanto pour un montant de 290 millions de dollars montre combien la recherche compétitive peut être créatrice de richesse

Il s’agit de la plus grande affaire réalisée au Brésil pour des entreprises biotechnologiques financées à travers un capital-risque. L’entreprise multinationale Mon-santo a acheté le 3 novembre les entreprises brésilien-nes Alellyx Applied Genomics et CanaVialis pour un montant de 290 millions de dollars, l’équivalent de 616 millions de réais. Ces deux entreprises, situées à

Campinas (SP), avaient été créées à travers un financement de capital-risque par Votorantim Novos Negócios afin de développer de nouvelles technologies liées à la culture de la canne à sucre, de l’orange et de l’eucalyptus.

L’entreprise Alellyx a été créée en 2002, grâce à la fusion d’un groupe de chercheurs qui ont participé, à la fi n des années 90, au séquençage du génome de la bactérie Xyllela fastidiosa, vecteur d’une maladie qui attaque les orangeraies et appelée amarelinho (petit jaune), le tout fi nancé par la FAPESP. Il s’agit d’une entreprise de recherche appliquée consacrée au développement (ayant pour base la génétique moléculaire) de produits et de technologies au profi t de l’agriculture. Alellyx est le mot à inversé de Xyllela.

Pour créer CanaVialis en 2003, Votorantim Novos Negó-cios a réuni des chercheurs expérimentés dans le domaine de l’amélioration génétique de la canne à sucre et, prin-cipalement, des chercheurs du Réseau Interuniversitaire pour le Développement du Secteur sucre-alcool (Ridesa). CanaVialis est aujourd’hui la plus grande entreprise privée mondiale en matière d’amélioration génétique de la canne à sucre. Elle développe des variétés de cette plante amélio-rées génétiquement et détient des contrats avec 46 usines

de transformation de canne à sucre. L’investissement de Votorantim Novos Negócios, destiné à la création de ces deux entreprises, s’est élevé à environ 40 millions de dollars.

Les deux entreprises seront tou-jours gérées de manière indépendante et conserveront leurs 250 employés. Monsanto concentrera ses activités mondiales de recherche et de déve-loppement de la canne à sucre dans leurs installations. Cet investissement de Monsanto dans le marché émer-gent la canne à sucre est dû au fait que la canne à sucre sera la quatriè-me culture à intégrer son portefeuille d’affaires, aux côtés du maïs, du soja et du coton.

“Pour Monsanto, la canne à sucre est une culture mondiale”, observe André Dias, président de Monsanto Brésil. “Les demandes mondiales en sucre et en biocarburants commencent à croître à un rythme plus rapide que les niveaux de production. Nous espé-rons que l’acquisition de CanaVialis et d’Alellyx nous permettra d’échanger nos connaissances actuelles sur le soja, le maïs et le coton pour contribuer à l’amélioration de la culture de la can-ne à sucre. L’objectif est d’augmenter la productivité de cette culture et de réduire la quantité de ressources nécessaires à sa production”, souligne

Fabrício Marques

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Dias. Il affi rme également que le Brésil va devenir une plateforme de recher-ches et de développement de la canne à sucre Monsanto. “Le pays aura un rôle primordial, non seulement en tant que créateur de technologie, mais également en tant qu’utilisateur de ces technolo-gies”. Plus de 6,8 millions d’hectares par-mi les 20,2 millions d’hectares de canne à sucre plantés dans le monde sont au Brésil. La récolte 2007/2008 s’élèvera à 547 millions de tonnes, soit 15,2 % de plus que la récolte précédente. La moitié de cette culture est destinée à la fabrica-tion d’éthanol, hissant le Brésil à la deu-xième place des principaux producteurs mondiaux de ce carburant. La première place revient aux États-Unis qui fabri-quent l’éthanol à partir du maïs.

Monsanto investit actuellement 800 millions de dollars en recherche et dé-veloppement et la canne à sucre profi -tera d’une partie de ces investissements. Selon Ricardo Madureira, président d’Alellyx et de CanaVialis, cette acqui-sition permettra aux deux entreprises d’accélérer leurs travaux en recherche et développement. À titre d’exemple, CanaVialis présentera en 2009 une va-riété de canne à sucre de cycle précoce obtenue par amélioration génétique tra-ditionnelle, cueillie en début de récolte et contenant davantage de saccharose. “Nous travaillons sur ce projet depuis un an et demi en partenariat avec Mon-santo”, déclare Madureira. CanaVialis développe également des plantes trans-géniques avec Alellyx. La première canne à sucre transgénique a été testée en 2006 dans une propriété agricole de l’état du Paraná. Cette variété possède un gène du virus vecteur de la mosaïque, une des maladies qui attaquent ces cultu-res. Le gène manipulé en laboratoire par Alellyx a permis aux plantes de résister à ce fl éau.

André Dias, président de Monsanto, espère que cette acquisition favorisera le lancement de nouvelles technologies vers 2016. “Bien qu’il s’agisse d’un in-

vestissement à long terme complétant notre portefeuille en recherche et dé-veloppement, nous espérons utiliser les germoplasmes dans d’autres zones de culture autour du monde au cours de la prochaine décennie”, dit-il. Monsanto n’est pas la seule entreprise intéressée par la canne à sucre. À la fi n du mois d’octobre, l’entreprise multinationale suisse Syngenta AG a déclaré qu’elle était en train d’entrer sur le marché de la canne à sucre grâce à la mise au point d’une nouvelle technique permettant de réduire les coûts de la culture à l’hectare d’environ 15 %. Cette innovation de-vrait être lancée en 2010.

Transfert de technologie - Fernan-do Reinach, directeur exécutif de Vo-torantim Novos Negócios, affi rme que cette vente a eu lieu plus tôt que prévu. “Nous pensions qu’il faudrait au moins huit ans avant de réaliser cette affaire”, déclare-t-il. “Mais c’est le principe du capital-risque. Vous investissez dans la recherche scientifi que avec un potentiel technologique mais avec certains risques. Vous transformez ensuite l’entreprise en affaire que vous vendez plus tard à ceux qui ont les moyens d’investir dans son expansion. Le transfert de technologie vers la société est une pratique com-mune des grandes entreprises”, affi rme Reinach, professeur à l’Université de São Paulo et l’un des coordonnateurs du sé-quençage de la Xyllela fastidiosa à la fi n des années 90. Il souligne que bien que cette acquisition ait été réalisée par une entreprise étrangère, le centre de recher-che et de développement d’Alellyx et de

CanaVialis restera au Brésil. “Il s’agit du premier cas d’entreprise en capital-ris-que qui ait porté ses fruits au Brésil en matière de recherche scientifi que, ce qui pourra favoriser de nouvelles initiatives et de nouveaux investissements”, dit-il. Il rappelle également que quand le sé-quençage du génome de la Xyllela fasti-diosa a été publié par la revue Nature en 2000, l’un des chercheurs du program-me, João Paulo Kitajima de l’Unicamp, a examiné les entreprises qui télécharge-aient le séquençage et les informations disponibles sur Internet. Aucune entre-prise brésilienne ne s’y est intéressée, à l’inverse de nombreuses entreprises multinationales. “Je me souviens qu’à l’époque, j’ai écrit un article qui disait que nous n’étions pas préparé au suc-cès car nous avions fait une découverte scientifi que marquante mais le pays ne possédait pas de structures appropriées pour profi ter de cette avancée”, dit-il. Bien que les deux entreprises aient été vendues à une multinationale, Fernando Reinach voit la situation sous un jour différent. “Nous n’avons pas encore d’entreprises brésiliennes assez solides pour investir, mais nous aurons un cen-tre de recherche mondial au Brésil, ce qui fera une grande différence”, souligne Reinach. “Monsanto n’a pas de savoir-faire en matière de canne à sucre. C’est pour eux une nouvelle culture”, déclare le chercheur.

Selon Fernando Reinach, les négo-ciations relatives à cette acquisition ont duré huit mois et d’autres entreprises étrangères étaient également en compé-tition. “C’était un appel d’offre”, décla-re-t-il. Monsanto avait depuis l’année dernière un partenariat technologique avec CanaVialis et Alellyx pour dévelo-pper et commercialiser les technologies Monsanto appliquées à la canne à sucre, comme la technologie BT qui permet à la plante de résister aux maladies et le Roundup Ready (RR) qui rend les

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plantes plus résistantes à l’herbicide glyphosate.

Selon Carlos Henrique de Brito Cruz, directeur scientifi que de la FA-PESP, la vente des deux entreprises est un exemple rare et encourageant de création de richesses au Brésil à partir d’une recherche scientifi que compétitive sur le plan international. “Ce dispositif consistant à créer une petite entreprise qui détient une propriété intellectuelle pour ensuite la vendre pour un mon-tant supérieur aux investissements de départ me rappelle uniquement le cas de l’entreprise Akwan Information Te-chnologies qui a été achetée par Google en 2005”, souligne Brito Cruz. Akwan est un site de recherche créé par des professeurs de l’Université Fédérale de Minas Gerais et qui est devenu le cen-tre de recherche et de développement de Google en Amérique Latine. “Ce cas démontre qu’il existe un potentiel au Brésil qui doit être davantage exploité. Le fait que Monsanto opère sa platefor-me de recherche et de développement sur la canne à sucre au Brésil est égale-ment un aspect positif, car il démontre que la recherche compétitive attire les investissements et l’activité de grandes entreprises multinationales”.

Selon José Fernando Perez, direc-teur scientifi que de la FAPESP entre 1993 et 2005 et coordonnateur du pro-gramme génome FAPESP à l’origine du séquençage de la Xyllela fastidiosa,

la vente d’Alellyx et de CanaVialis est importante car elle se produit à un mo-ment de rétraction des investissements internationaux. “L’acquisition s’est pro-duite dans une période économique peu favorable, ce qui renforce son importan-ce. La vente a permis au pays de profi ter d’investissements dont peu d’entreprises peuvent bénéfi cier. Quels sont les autres pays qui étaient en concurrence avec nous ?”, s’interroge Perez, président de l’entreprise biotechnologique Recep-ta Biopharma. Pour lui, l’acquisition d’Alellyx et de CanaVialis démontre le succès de la vision du Programme Génome FAPESP. “Les leaderships qui ont élaboré le programme ont travaillé étroitement avec Alellyx. Il s’agit d’un succès sans précédent. Je ne connais au-cun projet scientifi que qui ait favorisé un investissement de cette importance au Brésil”, souligne Perez qui rajoute: “Cette vente démontre que la science peut devenir une excellente affaire dans notre pays”.

Un investissement fructueux - Pe-rez affi rme que le succès de la vente de ces entreprises démontre une volonté politique en matière d’investissement (car outre l’investissement en recherche génomique de la FAPESP et du gouver-nement fédéral, ces entreprises rece-vaient des investissements publics de l’organisme de Financement d’Études et de Projets (Finep) et de la Banque Nationale de Développement Économi-que et Social (BNDES). “Cet investisse-ment a été si fructueux qu’il a favorisé la vente dans des conditions avantageuses. La biotechnologie est un domaine qui exige de lourds investissements pour un retour tardif. Les entreprises ont parfois besoin d’un apport de capital plus im-portant et seules les grandes entreprises y parviennent. Il faut respecter un cycle pour que la recherche débouche sur des produits de grande valeur commerciale au profi t de la société” Perez rappelle que depuis la première présentation du

projet au conseil supérieur de la FAPESP, le principal objectif du Programme Gé-nome était la formation en ressources humaines pour développer la biotech-nologie dans le pays.

L’acquisition des deux entreprises par une multinationale a provoqué un certain malaise au sein du gouverne-ment fédéral. Lors d’un entretien con-cédé au journal O Estado de S. Paulo le 5 novembre, le ministre des Sciences et de la Technologie, Sérgio Rezende, a déclaré qu’il était “surpris et déçu” par cette vente. “Je ne sais pas combien d’argent Votorantim a investi dans ces entreprises ces dernières années, mais le secteur public y a investi énormément”, a déclaré le ministre. “La vente pour tout groupe étranger est décevante”. Le mi-nistre rappelle que la Finep a approu-vé une subvention de 49,4 millions de réaux pour fi nancer les recherches de ces entreprises ces 3 dernières années (6,4 millions de réaux ont déjà été versés). “Ce sont deux entreprises qui recevaient des investissements du gouvernement et quand ces fonds allaient porter leurs fruits elles ont été vendues pour un prix assez modique”, dit-il.

José Fernando Perez regrette égale-ment qu’il n’y ait pas d’organismes pu-blics suffi samment motivés pour inves-tir dans les entreprises. “Mais c’est une petite frustration en comparaison au succès obtenu”, dit-il. Brito Cruz, direc-teur scientifi que de la FAPESP, déclare qu’il aurait été évidemment préférable que l’acquisition soit faite par un grou-pe brésilien. “Mais malheureusement les investisseurs brésiliens ne sont pas habitués à miser sur des activités scien-tifi ques ou technologiques très avancées, même s’il y a des exceptions qui confi r-ment la règle”, dit-il. ■

Colonies de Xyllela fastidiosa qui attaquent les orangeraies

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Caapiranga, en Amazonie, octobre 2005: le lac est devenu une zone aride

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Atmosphère d’union

La FAPESP lance un programme et invite les chercheurs de

différents domaines – des sciences naturelles aux sciences

humaines – à augmenter la contribution brésilienne

en termes d’études sur les changements mondiaux

ENVIRONNEMENTENVIRONNEMENT

Publié en septembre 2008Publié en septembre 2008

Fabrício MarquesFabrício Marques

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Le coup d’envoi du plus grand ef-fort multidisciplinaire déjà fait au Brésil pour élargir la connais-sance sur les changements cli-matiques mondiaux a eu lieu à la fi n du mois dernier. Des scien-tifi ques de l’état de São Paulo

de différents domaines – des sciences physiques et naturelles aux sciences humaines – sont invités à participer au Programme FAPESP de Recherche sur les Changements Climatiques Mon-diaux, lancé offi ciellement le 28 août au matin. 100 millions de réais – soit près de 10 millions de réais par an – seront investis au cours des dix prochaines an-nées pour articuler des études de base et des études appliquées sur les causes du réchauffement de la planète et ses im-pacts sur la vie des personnes. D’après Carlos Henrique de Brito Cruz, direc-teur scientifi que de la FAPESP, “l’ob-jectif est d’intensifi er quantitativement et qualitativement la contribution des chercheurs de São Paulo afi n de faire avancer la connaissance sur ce thème complexe. Nous pensons que ce pro-gramme favorisera la production d’étu-des supplémentaires sur des sujets qui concernent particulièrement le Brésil.

Nous espérons que l’augmentation de la production scientifi que brésilienne en la matière garantira au pays un plus grand espace dans le débat mondial sur les changements climatiques”.

Deux appels d’offres ont été lancés, d’une valeur totale de 16 millions de réais divisés à part égale entre la FA-PESP et le Conseil National de Dévelop-pement Scientifi que et Technologique (CNPq), par l’intermédiaire du Pro-gramme de Soutien aux Centres d’Ex-cellence (Pronex). L’un des appels d’of-fre, d’un montant de 13,4 millions de réais, regroupe des projets concernant six thèmes distincts: 1. Le fonctionne-ment des écosystèmes, avec l’accent sur la biodiversité et les cycles de carbone et d’azote; 2. Le bilan de la radiation atmosphérique et plus particulièrement les études sur les aérosols, lesdits gaz traces (monoxyde de carbone, ozone, oxydes d’azote et composés organiques volatils, entre autres) et le changement d’utilisation de la terre; 3. Les effets des changements climatiques sur l’agricul-ture et l’élevage; 4. L’énergie et le cycle des gaz à effet de serre; 5. Les impacts sur la santé et 6. Les dimensions humai-nes du changement environnemental

mondial. L’objectif initial du program-me étant de former et d’articuler un ré-seau de chercheurs, la FAPESP a décidé de fi nancer des projets thématiques; toutefois, les prochains appels d’offres pourront disposer d’autres modalités de fi nancement, à l’exemple du Sou-tien Financier aux Jeunes Chercheurs. Des partenariats sont prévus dans les semaines à venir avec des fondations de soutien à la recherche de trois états: Amazonas, Pará et Rio de Janeiro.

La justifi cation du lancement du programme va au delà du besoin urgent de faire avancer la connaissance sur ce thème au Brésil, à un moment où les scientifi ques se mobilisent à l’échelle mondiale pour comprendre les change-ments climatiques et adopter des mesu-res pour faire face aux conséquences. Vu qu’une série d’impacts et d’aspects liés au réchauffement de la planète affectent ou affecteront le Brésil en particulier, il incombe aux chercheurs brésiliens de les analyser et de découvrir des élé-ments de réponses. Pour Carlos Nobre, coordinateur du Programme FAPESP de Recherche sur les Changements Cli-matiques Mondiaux et du tout nou-veau Centre des Sciences du Système

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Terrestre (CCST) de l’Institut Natio-nal de Recherches Spatiales (Inpe), “les pays développés veulent engager tous les pays en développement dans la même grande bataille mondiale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ils sont inquiets de l’adaptation aux chan-gements climatiques, mais pas de notre adaptation”.

L a grande majorité des scientifi ques est d’accord sur le fait que l’action humaine contribue de manière dé-

cisive aux changements climatiques en raison de l’émission de gaz et d’aérosols qui provoquent l’effet de serre. Les mo-difi cations continues du modèle de la couverture végétale au Brésil représen-tent notamment un important facteur régional du phénomène. En plus de nuire à la qualité de l’air, le brûlage de forêts est une source importante d’aé-rosols et de gaz traces. Le changement du régime des pluies, qui provoque une recrudescence d’événements extrêmes comme les sécheresses et les inonda-tions, aura des effets économiques sur la production hydroélectrique, sur l’érosion du sol ou sur la quantité d’eau disponible. L’augmentation de la température aura un impact sur la biodiversité – en particulier dans des zones où la végétation d’origine s’est déjà fragmentée –, ou sur l’agriculture, avec l’apparition possible de nouveaux fl éaux et l’impossibilité de maintenir dans leurs régions actuelles des cultures agricoles dépendantes de climats tem-pérés. L’élévation probable du niveau de la mer constitue autant un risque pour les millions de Brésiliens vivant sur la côte que pour les écosystèmes côtiers. Dans le domaine de la santé, on prévoit une augmentation de maladies comme la dengue et la malaria dans les régions les plus pluvieuses, ainsi que des troubles cardiaques et respiratoires ag-gravés par la pollution atmosphérique. Ce sombre tableau suscite une myriade de questions pour les chercheurs.

Carlos Nobre énumère certaines ambitions de cet effort de recherche, dont la ré-duction des incertitudes sur les causes des chan-gements climatiques au Brésil: “nous observons les changements mais nous avons du mal à dé-

fi nir s’il s’agit d’un effet du réchauf-fement global ou de la déforestation. Il y a au Brésil une altération impor-tante de la végétation parallèlement aux phénomènes climatiques, et parfois les signaux sont trompeurs. Comme les politiques publiques ont besoin de connaissances scientifi ques solides, il faut investir dans des études qui nous permettront de comprendre les causes”. Un autre point de la recherche sera le relevé des vulnérabilités du pays en face des changements climatiques dans des domaines comme la santé, l’agriculture, les ressources hydriques et les énergies renouvelables: “Nous disposons de peu de connaissances sur les impacts futurs sur la vie des personnes et sur la société. En repérant nos vulnérabilités, nous réussirons aussi à ébaucher des politi-ques pour une adaptation nécessaire”.

Dans le but de mettre les chercheurs brésiliens en contact avec les meilleurs centres d’études sur les changements climatiques de la planète, le resserre-ment des collaborations internationales est un autre objectif du programme. La

coopération est fonda-mentale; le Programme International de Géos-phère-Biosphère (IGBP) ou le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) sont notamment

dans la ligne de mire du programme lancé par la FAPESP. D’autre part, le programme vise la connaissance et le développement sur le terrain de nou-velles technologies capables de réduire les effets des émissions de gaz à effet de serre, à l’exemple des énergies re-nouvelables, la possibilité d’adapter la société aux changements climatiques en incluant des partenariats avec le secteur privé. Dans le domaine de l’agriculture, une série de défi s technologiques exis-tent, telle que l’adaptation des cultures à des températures plus élevées. Selon Eduardo Assad, chercheur de l’Entrepri-se Brésilienne de Recherche en Agricul-ture et Élevage (Embrapa) et impliqué dans la coordination du programme de la FAPESP, “il existe de bonnes idées qui méritent d’être l’objet d’efforts de recherche, comme les systèmes agro-sylvo-pastoraux qui associent élevage de haute productivité, cultures agricoles et plantation d’arbres, ou les techniques comme l’arborisation de caféières [...] Nous devons également perfectionner les mesures sur la capacité de l’agricul-ture à séquestrer le carbone”.

Un deuxième offre d’appels, d’une valeur de 2,6 millions de réais, a pour objectif spécifi que de choisir un grou-pe de chercheurs chargé de créer le premier modèle climatique brésilien – un logiciel capable de procéder à des simulations sophistiquées sur les phé-

Sécheresse à Manaus et tornade à Florianópolis: événements extrêmes

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Le chercheur explique que le Brésil, pour déve-lopper et affi ner le modèle climatique, ne partira pas de zéro: “nous allons éta-blir des partenariats avec deux ou trois centres les plus performants mon-

dialement et nous pourrons choisir quelques modules de leurs modèles pour les ajouter à notre modèle. Mais nous avons l’intention de développer un modèle compétitif et adapté pour comprendre ce qui se passe dans un pays aux dimensions continentales comme le nôtre”. Selon lui, au moins quatre années seront nécessaires pour atteindre cet ob-jectif. Brito Cruz, directeur scientifi que de la FAPESP, évoque les attentes de la Fondation par rapport au modèle: “Nous aimerions qu’à un certain moment soit utilisé un scénario climatique créé par les chercheurs de São Paulo comme base pour les analyses du GIEC”, dit-il en fai-sant référence au groupe de scientifi ques réunis par les Nations Unies et qui actua-lise la connaissance sur les changements mondiaux tous les cinq ans. Pour Carlos

Nobre, “l’aspect positif de l’appel d’offres est qu’il donnera lieu à des bourses de master, de doctorat et de post-doctorat. Avec cela, nous envisageons une forma-tion de docteurs dans des domaines de grande complexité”.

L a création du modèle climatique bré-silien sera possible grâce à un investis-sement d’un montant de 48 millions

de réais, annoncé il y a environ deux mois. Pour la recherche sur les changements climatiques, l’Inpe va abriter l’un des plus puissants ordinateurs au monde, capa-ble de traiter 15 trillions d’opérations mathématiques par seconde. Sur ces 48 millions de réais, 35 millions viennent du Ministère des Sciences et de la Technolo-gie (MCT) et 13 millions de la FAPESP. L’investissement associe la priorité de l’étude sur les changements climatiques défi nie par le MCT et le programme de la FAPESP. Sérgio Rezende, ministre des Sciences et de la Technologie, affi rme: “Avec ce type d’outil informatique extrê-mement puissant, il sera possible de coor-donner le climat comme jamais personne ne l’aurait imaginé il y a 60 ans”.

La crue du fl euve Tocantins envahit Marabá: impact probable sur le régime des pluies

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Mnomènes climatiques. La nécessité de développer une compétence nationa-le se justifi e: aujourd’hui, pour projeter les effets des changements clima-tiques on utilise des outils informatiques non spéci-fi ques, qui sont en réalité des coupures de la prévision pour le monde entier. “Conquérir cette autonomie est stra-tégique pour le pays”, souligne Carlos Nobre. “Le Brésil est grand, divers et il dispose d’une grande variété de cli-mats sur son territoire. L’exploitation économique est fortement liée aux ressources naturelles, elle dépend en grande partie du climat. La capacité de faire des simulations plus spécifi ques pour le Brésil et l’Amérique du Sud attestera de la bonne qualité des pro-jections”. D’après lui, le Brésil va entrer dans le groupe restreint de pays qui ont un modèle climatique, à l’image des États-Unis, du Japon et de l’An-gleterre. Grâce à cela, la communauté scientifi que de ce domaine acquerra plus d’importance.

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L’Inpe s’est offert pour accueillir le secrétariat exécutif du nouveau pro-gramme et il se prépare déjà pour re-cevoir le superordinateur, qui sera mis en route à partir de 2009. La machine sera installée au Centre de Prévision Mé-téorologique et d’Études Climatiques (CPTEC) situé dans la ville de Cachoeira Paulista (Vale do Paraiba). Trente pour cent du temps du superordinateur sera réservé aux réseaux de chercheurs de tous les domaines liés au programme, pour leur permettre de simuler les effets du climat sur la santé humaine, sur la biodiversité, sur l’agriculture et l’élevage, etc. Le directeur scientifi que de la FA-PESP tient à souligner le soutien offert au programme par l’Inpe: en plus de re-cevoir le superordinateur, l’institut met-tra à disposition du personnel spécialisé pour le support informatique. Cinq chercheurs seront embauchés pour cela et ils seront coordonnés par un scienti-fi que-chef: “il s’agit d’un niveau de sou-tien institutionnel particulier, rarement obtenu dans nos programmes”.

Le caractère multidisciplinaire du programme impose d’autres défi s. L’un des buts est de garantir l’articulation et la communication entre tous les cher-cheurs. “Il faut que les résultats des uns aident les résultats des autres”, dit Brito Cruz. Cette stratégie répète l’expérience du Programme Biota-FAPESP qui a permis de décrire plus de 500 espèces de plantes et d’animaux disséminées sur les 250 000 km² du territoire de l’état de São Paulo. Ce programme a utilisé des protocoles d’intégration de projets pour permettre aux chercheurs de divers domaines de produire et de partager l’accès aux données recueillies sur la biodiversité de l’état de São Paulo. “Un de nos grands défi s est de créer de la compétence en termes de modélisa-tion de la biodiversité”, affi rme Carlos Alfredo Joly, professeur de l’Université d’État de Campinas (Unicamp), coor-dinateur du Biota-FAPESP et qui parti-cipe actuellement à la coordination des recherches sur la biodiversité du Pro-gramme de Changements Climatiques. “Nous sommes compétents pour faire des inventaires et pour caractériser les paysages et la perte d’habitats. Désor-mais nous devons intégrer ces données dans des modèles capables de simuler l’impact des changements climatiques sur les écosystèmes et sur les espèces”.

Joly donne des exemples pratiques sur la manière dont la modélisation peut aider à comprendre les effets des chan-gements climatiques: “Les changements climatiques peuvent altérer la période de fl oraison ou de fructifi cation d’une espèce donnée. La modélisation mathé-matique permettra de faire une prévision détaillée des impacts du changement, de savoir si l’insecte ou l’oiseau pollinisateur sera présent au moment de la nouvelle fl oraison, s’il y aura réduction de la pro-duction de fruits et quel effet cela aura sur la survie des espèces dépendant de fruits pour se nourrir”. D’autres cibles probables pour les simulations sont les plantes ou les insectes invasifs, qui peu-vent bénéfi cier des altérations dans les écosystèmes provoquées par les chan-gements climatiques.

A u Brésil, la biodiversité interagit très fortement et de façon complexe avec les changements climatiques: elle af-

fecte et est affectée par ce phénomène. “La biodiversité subit sans aucun doute les conséquences des changements clima-tiques, qui provoquent des modifi cations dans les habitats et peuvent entraîner la perte d’espèces dans des paysages frag-mentés”, observe Joly. “D’un autre côté, la biodiversité fonctionne aussi comme un amortisseur des effets des change-ments. Les forêts et le plancton marin par exemple, représentent un grand stock de carbone. Si la forêt disparaît, les conséquences seront grandes. L’hu-midité du Centre-Ouest et du Sud-Est vient de l’Amazonie. Si la forêt disparaît, cela affectera toute la superfi cie agricole de ces régions”. Parmi les thèmes du pro-gramme liés à la biodiversité se distin-guent notamment: la reconstruction des modèles d’occurrence de la fl ore et de la faune dans le passé et leurs liens avec les changements climatiques; les effets de l’augmentation de la quantité de CO2 dans la physiologie des plantes natives; l’impact du déboisement sur des systè-mes économiques et environnementaux; une augmentation de la densité des étu-des sur les systèmes aquatiques.

L’idée de lancer un programme pou-vant intégrer des aspects multiples des changements climatiques est née du constat selon lequel la complexité des problèmes est incompatible avec le cloi-sonnement conventionnel des discipli-nes. D’autre part, l’adhésion des sciences

humaines à l’effort déployé par les scien-ces physiques et naturelles constitue un élément essentiel pour saisir les causes et les conséquences de phénomènes qui sont, en fi n de compte, provoqués par l’homme. D’après Pedro Leite da Silva Dias, professeur de l’Institut d’Astro-nomie, de Géophysique et de Sciences Atmosphériques de l’Université de São Paulo (USP), directeur du Laboratoire National d’Informatique Scientifi que et ayant participé à la coordination du programme, “lors des discussions sur le format du programme, nous avons invité des personnes de divers domaines, comme l’économie, la santé, la biologie ou l’ingénierie, pour garantir son carac-tère articulé, inclusif et transversal”.

Un autre diagnostic indique que bien qu’il possède une masse critique sur le thème dans le champ des sciences naturelles, le Brésil pâtit d’un manque d’effort coordonné capable de réunir ses scientifi ques et de produire des résultats plus globaux. “Le Brésil ne fait pas de pe-tites recherches dans ce domaine. C’est l’un des leaders, même s’il souffre d’un manque d’articulation important entre les chercheurs”, souligne Paulo Artaxo, professeur de l’Institut de Physique de l’Université de São Paulo (USP) et coor-dinateur de la partie du programme qui s’occupe du bilan sur la radiation atmos-phérique et du rôle des aérosols. Artaxo se réfère notamment à la participation active de divers chercheurs brésiliens au sein du GIEC – Carlos Nobre et lui-mê-me en sont des exemples. L’importance de la recherche brésilienne est également soulignée par Nobre: “Sur les 20 princi-pales revues internationales, 1,5 % des articles sur la science du climat ou sur des thèmes disciplinaires liés sont écrits par des Brésiliens, et deux tiers ont été produits à São Paulo. Cet indice est un peu en deçà de la moyenne de la pro-duction universitaire brésilienne dans des revues indexées internationalement, responsable de 2 % du total, mais elle demeure importante”. Parmi les rares exceptions à la règle du manque de coor-dination, on peut évoquer le program-me Biota-FAPESP, qui a rassemblé des chercheurs de différents domaines, et le Projet à Grande Échelle de la Biosphère-Atmosphère de l’Amazonie (LBA), qui a généré une quantité énorme d’infor-mations sur les interactions entre l’Ama-zonie et le système climatique mondial.

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Pour Pedro Leite da Silva Dias, “nous aurons la chance d’utiliser des données recueillies par le LBA et d’autres pro-grammes pour les utiliser dans des si-mulations informatiques qui permettent de réaliser des études sur, par exemple, l’interaction entre la forêt amazonienne, le Pantanal et le climat”.

L ’une des innovations du program-me est d’inviter des chercheurs des sciences humaines à participer.

“Nous sommes très curieux de voir les propositions qui seront présentées”, observe le démographe Daniel Joseph Hogan, professeur de l’Unicamp qui travaille au Centre d’Études sur la Population et d’Études et Recherches Environnementales de l’université. Hogan coordonne la recherche sur les dimensions humaines des changements climatiques. Il prédit quelques-uns des thèmes qui pourront surgir: “Il serait intéressant par exemple d’avoir des chercheurs du domaine des relations internationales qui présentent des projets sur les traités et les organismes supranationaux traitant des change-ments climatiques, pour voir comment ils défi ent le concept établi de souve-raineté nationale”. Les questions de sécurité alimentaire, d’urbanisation et de transformation technologique de l’industrie en quête de durabilité sont d’autres sujets émergents.

Hogan rappelle que les scientifi ques sociaux ont mis du temps à s’intéres-ser aux effets du réchauffement de la planète et qu’il a fallu l’appel de leurs collègues des sciences naturelles: “Les sociologues et les anthropologues ont du mal à aborder, sous une perspective à long terme, des phénomènes qui ne se sont pas encore produits. Ils sont plus habitués à le faire avec des phénomè-nes du passé”. L’une des références du Programme de Recherche sur les Chan-gements Climatiques Mondiaux est l’In-ternational Human Dimensions Program (IHDP), créé en 1990 pour développer des programmes de recherche sur des thèmes critiques pour la compréhension de l’infl uence de l’homme sur le change-ment mondial et les conséquences de ces changements sur la société humaine.

Bien que d’autres pays devancent de loin le Brésil en matière d’études sur les dimensions humaines, Hogan observe que le degré de sophistication

de ces recherches ne se situe pas au même niveau que celles de domaines comme la physique ou la météorologie, par exemple: “Il suffi t de comparer les quatre comptes rendus du GIEC de l’an dernier. Le premier texte, qui porte sur la base scientifi que accumulée sur le thème, a eu le plus de répercussion car il a réussi à défi nir les causes et les ef-fets futurs des changements climatiques avec un degré de certitude élevé. Les autres textes, qui abordaient les dimen-sions humaines, étaient moins décisifs”. D’après lui, certaines généralisations calquées sur le sens com-mun ont besoin d’être analysées, à l’exemple de l’idée selon laquelle les pauvres souffriront da-vantage des changements climatiques. “Les pics de chaleur affectent surtout

les jeunes enfants et les personnes âgées. Il faut créer des stratégies dans le champ des politiques publiques pour affronter ces événements extrêmes. Cela impli-que une préparation pour agir avant et après l’événement. Le Brésil n’en est encore qu’à ses premiers pas”.

En ce qui concerne la santé humaine, Paulo Saldiva, coordinateur de cette sec-tion et professeur de la Faculté de Méde-cine de l’USP, prévoit une construction complexe des réseaux de chercheurs: “L’approche est très différente des recher-ches traditionnelles sur la santé. Nous ne

souhaitons pas seulement recueillir des données épi-démiologiques ou évaluer des risques, nous voulons aussi intégrer des spécia-listes en anthropologie, en gestion de la santé ou en urbanisation. [...] Nous

Pollution à São Paulo: risque d’augmentation des maladies respiratoires

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sommes en train de parler de phénomè-nes complexes. L’élévation de la tempé-rature aura des impacts sur la santé parce qu’elle changera aussi la dynamique des villes. Il est possible que les habitants des zones rurales aient besoin d’émigrer vers les villes, avec une augmentation des bidonvilles et du coût de la santé. Je compare le défi à celui qui consiste à faire face aux maladies provoquées par la pollution à São Paulo. La médecine offre des outils incomplets pour affronter le problème, qui est devenu une question de planifi cation urbaine”. Le professeur espère que surgiront des projets sur plusieurs de ces thèmes : “Si ce sont des propositions isolées, nous ferons en sorte de les intégrer et de faire travailler les chercheurs en réseau”.

Carlos Nobre, le coordinateur du programme, pense que le projet se met-tra en route plus vite si la majorité des

propositions présentées est déjà impré-gnée de l’esprit d’interdisciplinarité qui caractérise le programme: “Il n’y a pas de limites pour les propositions. Elles peuvent concerner des recherches de base ou des recherches appliquées, sans restrictions. Le défi est que les groupes discutent entre eux. Plus les projets se-ront interinstitutionnels, plus la chance de réussite sera grande”.

Lors du lancement du programme, le secrétaire de l’environnement de São Paulo, Xico Graziano, a annoncé que le gouvernement de l’état allait envoyer à la Chambre des Députés un projet de loi sur les changements climatiques; ce projet proposera des actions de réduc-tion de l’émission de gaz dans l’état. Présent le jour de la cérémonie, l’ancien président de la République Fernando Henrique Cardoso a rappelé que l’ef-fort des scientifi ques devait également

être d’informer et de faire participer la société, afi n que la connaissance pro-duite se transforme en actions concrè-tes: “Sans la pression de la société, il n’y a pas de revendication et les choses se passent plus diffi cilement. Même aux États-Unis, dont la posture est réaction-naire, les états, les municipalités et les entreprises ont pris des décisions pour contrôler les émissions de gaz à effet de serre à l’encontre de Washington, parce que la base de la société participe au processus de compréhension des effets du réchauffement de la planète”. En vue de diffuser l’initiative et d’inciter à des partenariats internationaux, Fernando Henrique Cardoso a remis une copie du programme de la FAPESP à l’ancien président chilien Ricardo Lagos, actuel représentant de l’Organisation des Na-tions Unies (ONU) sur la question des changements climatiques. ■

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FINANCEMENT

Le mérite mesuréLe Royaume-Uni présente une importante analyse basée sur le peer review (révision par des experts) qui orientera le financement des universités

La communauté universitaire britannique vit un moment d’expectative. Les résultats du sixième Research Assessment Exercise (RAE 2008) ont été présentés en 2008. Il s’agit d’une vaste évaluation de la qualité de la recherche qui orientera le versement de 2,3 milliards de dollars annuels de fonds publics entre les différentes universités britanniques de 2009 à 2014. 52 400 chercheurs appartenant à 159 institutions d’enseignement supérieur ont été évalués. On a constaté que 17 % des recherches menées

sont à la pointe de la recherche mondiale; 37 % se situent dans la catégorie d’excellence internationale; 33 % sont reconnues sur le plan international; 11% sur le plan national, et 2% sont en dessous du niveau exigé par le Royaume-Uni. “Cette évaluation représente une étape importante et confirme que nous sommes une grande puissance mondiale en matière de recherche” a déclaré David Eastwood, lors de l’annonce des résultats. Ce dernier est le directeur exécutif du Higher Education Funding Council for England (Hefce), un des organismes qui a réalisé cette analyse. “Parmi les 159 institutions analysées, 150 mènent des recherches de niveau international” déclare-t-il.

Bien que le RAE 2008 ne propose pas un classement des meilleures institu-tions, une analyse de données réalisée par le Times Higher Education montre que les meilleures universités sont celles de Cambridge et d’Oxford, suivies par la London School of Economics et par l’Imperial College. Certaines institutions ont amélioré leurs performances par rapport au RAE précédent réalisé en 2001. C’est le cas de l’Université Queen Mary de Londres, qui est passée de la 48ème

à la 13ème place. D’autres ont enregistré de mauvaises performances comme l’Université de Warwick qui est passée de la 6ème à la 9ème place. Les universités devront cependant attendre le 4 mars pour connaître celles qui gagneront des fonds et celles qui vont en perdre, car cette analyse tiendra compte de la qualité de la recherche menée et du nombre de chercheurs dans chaque institution. L’Université de Cardiff, par exemple, est passée de la 8ème à la 22ème place, mais il est probable qu’elle ne sera pas pénalisée car le nombre de chercheurs PH

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évalués par le RAE 2008 est plus important que lors de la précédente évaluation. On s’attend quand même à des ondes de choc dans les institutions mal notées et qui se sont traduiront par des licenciements comme pour les évaluations précédentes.

Le RAE possède une méthodologie sophistiquée basée sur un système d’évaluation double, utilisant des consultants britanniques et étrangers. De par son importance, l’évaluation de 2008 a coûté 17 millions de dollars contre 8 millions de dollars en 2001. Elle se base sur 15 panels qui supervisent le travail de 67 sous-panels de disciplines. 950 réviseurs ont participé à ce processus. Les comités principaux comptent sur la participation d’au moins un cher-cheur étranger. “L’objectif n’est pas de comparer l’analyse des membres britanniques et étrangers, mais de s’assurer que les niveaux de qualité exigés sont appropriés”, déclare Ed Hughes, du Hefce, et coordonnateur du RAE 2008. “Dans de nombreuses situations, les spécialistes internationaux nous aident à défi nir des paramètres. Ils doivent garantir une crédibilité internationale”.

Conséquences - Le modèle britannique est différent du système développé au Brésil par la Coordination Nationale de Perfectionnement du Personnel de Ni-veau Supérieur (Capes) qui, depuis les années 70, éva-lue les programmes du 3ème cycle universitaire stricto sensu en analysant les objectifs et les conséquences des processus d’évaluation. Au Brésil, l’évaluation trien-nale de master, master professionnelle et de doctorat ne cherche pas seulement à mesurer la qualité des programmes mais encourage leur développement qui orientera le fi nancement de bourses et reconnaî-tra l’excellence des groupes de recherche impliqués. Certains cours ne sont supprimés que dans des situa-tions extrêmes et des programmes ayant des notes moyennes mais régulières sont autorisés à former des maîtres et des docteurs, bien que parfois leur prestige en pâtisse. Le RAE a un impact immédiat et parfois dévastateur car c’est un indicateur pour l’allocation de

ressources destinées aux universités britan-niques. Une mauvaise évaluation signifi e moins de fi nancement durant une longue période. “En

se basant sur le RAE, les universités peuvent être amenées à supprimer cer-

tains départements comme cela s’est produit lors du premier RAE”, affi rme Lea Velho, profes-seur du Département de Politique Scientifi que

et Technologique de l’Institut de Géosciences de l’Université Publique de Campinas (Uni-

camp). “Les sanctions sont réelles pour les départements ayant eu une mauvaise

évaluation”, déclare-t-il.Bien que les deux modèles tien-

nent compte de données quantita-tives et bénéfi cient d’une double

évaluation, les méthodologies

utilisées par la Capes et par le Hefce britan-nique sont dif-férentes. Le RAE n’évalue qu’une partie de la produc-tion académique des universités considérée importante par chaque département. Chaque chercheur doit indiquer quatre lignes de recher-ches maximum auxquelles il a participé au cours de la période. Pour la Capes, les programmes de maîtrise et de doctorat stricto sensu doivent présenter chaque année de nom-breuses informations concer-nant la production scientifi que des professeurs et des étudiants, la formation des professeurs et la qua-lité de l’enseignement dispensé. Cet ensemble d’informations est la base de l’évaluation triennale.

Dans l’exemple britannique, l’éva-luation des pairs est primordiale. Les ré-viseurs doivent lire et analyser les travaux scientifi ques choisis par chaque départe-ment avant de se prononcer. Dans des cas exceptionnels, certains comités s’abstiennent d’analyser les travaux de manière détaillée quand ils peuvent se baser sur des révisions dé-jà faites par d’autres spécialistes et non à l’aide de données bibliométriques. L’item concernant les critères d’évaluation stipule “qu’aucun critère ne sera infl uencé par des facteurs externes, comme la publication d’articles, pour évaluer la qualité des travaux”.

L’analyse se base sur trois aspects. Le premier concerne les résultats obtenus par la recherche acadé-mique en termes d’articles, de livres, de rapports tech-niques, de brevets déposés, entre autres. Le deuxième est relatif à l’environnement de recherche et se base sur certaines données comme le nombre de bourses, le fi nancement obtenu ou le soutien institutionnel à la recherche. Le troisième correspond aux indi-cateurs de prestige (quatre maximum pour chaque chercheur) comme les récompenses et les distinctions obtenues, l’organisation de congrès et la rédaction d’article scientifi ques, entre autres. Chaque comité analyse la qualité de cet ensemble d’informations et les résultats déterminent un profi l général noté de cette manière : 0 (en dessous du niveau national); 1 (reconnu sur le plan national); 2 (reconnu sur le plan international); 3 (d'excellence internationale); et 4 (de recherche de pointe mondiale). Cette méthodolo-gie a remplacé les RAE précédents qui totalisaient les

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PESQUISA FAPESP ■ ÉDITION SPÉCIALE NOVEMBRE 2007/FÉVRIER 2009 ■ 39

points obtenus dans les différentes catégories. “L’ob-jectif est d’éviter les écarts de fi nancement quand un département noté 5+ reçoit davantage de fonds qu’un autre évalué 5 car les différences entre les deux sont minimes”, déclare Ed Hughes.

Les critères bibliométriques ont une grande im-portance pour la Capes même si l’évaluation dépend de comités de spécialistes. Les principaux articles scientifi ques ont été classés selon l’importance des revues (lire: facteur d’impact) et leur portée (lo-cale, nationale et internationale). Ce système, ap-pelé Qualis, sert à évaluer les articles scientifi ques publiés et justifi e une part signifi cative du proces-sus d’évaluation, surtout dans des domaines où la production académique s’exprime principalement par des articles publiés dans des revues. Une contri-bution modeste publiée dans une revue renommée est plus importante qu’une production plus large publiée dans une revue d’un impact limité, selon les critères des comités d’évaluation. Les informations recueillies sont soumises aux comités respectifs qui utilisent des critères spécifi ques à chaque domaine pour analyser ces informations. Les programmes re-çoivent une note de 1 à 5. Ces analyses sont publiées sur des listes communes pour favoriser la transpa-rence en exigeant que les comités tiennent compte d’un ensemble standardisé d’informations comme : le nombre de professeurs, la quantité de thèses et de dissertations soutenues, les articles publiés dans des revues scientifi ques nationales et internationales, les travaux publiés dans les annales d’événements na-

tionaux et internationaux, les livres et les chapitres de livres. Une analyse qualitative peut également être demandée comme, par exemple, l’évaluation

de livres ou de chapitres de livres qui sont nom-breux dans le domaine des sciences humaines,

en fonction de l’absence d’indicateurs pour évaluer leur qualité.

Les programmes de doctorat ayant ob-tenu la note maximale (5) sont parfois soumis à une deuxième étape d’évalua-

tion plus qualitative. Ils peuvent être réévalués et obtenir la note 6 ou 7 en fonction de certains indicateurs

comme le potentiel scientifi que des groupes de recherche ou leur inser-

tion internationale, mesuré par l’existence d’accords internatio-

naux, la présence de professeurs visiteurs provenant d’univer-sités étrangères réputées, les

échanges d’étudiants entre universités, la participation

de professeurs dans des comités et à la direction d’associations interna-

tionales, entre autres.Les évaluateurs

sont choisis de ma-

nière différente dans les deux méthodologies. Dans le cas du RAE 2008, une sélection a eu lieu pour désigner les membres, les chefs des panels et des sous-panels. Ils ont été choisis par des représentants d’agences de fi nancement à l’aide des 4 948 indications proposées par 1 371 institutions et sociétés scientifi ques (les universités ne peuvent pas indiquer de membres). Les coordonnateurs de comités choisis par la Capes peuvent suggérer les noms de personne avec qui ils veulent travailler, conformément à leurs compétences. Ces personnes indiquées doivent être approuvées par la direction d’évaluation de l’agence. 700 réviseurs ont participé à la dernière évaluation triennale. La moitié des membres de chaque comité doit être renouvelée tous les 3 ans.

Citations - Le RAE 2008 sera la dernière évaluation britannique à suivre ce modèle. Le gouvernement britannique a décidé d’utiliser un nouveau système afi n de réduire les coûts et d’améliorer l’évaluation. Le nouveau modèle appelé Research Excellence Fra-mework (REF) utilisera toujours l’évaluation des pairs mais aussi de nombreux indicateurs bibliométriques, comme le nombre de citations de scientifi ques dans les revues. “Les éléments qui seront utilisés et leur im-portance varieront selon les caractéristiques de chaque domaine de la connaissance”, déclare Ed Hughes. Le Hefce développe une étude pilote dans 22 domaines de la connaissance pour comparer les résultats du RAE 2008 avec la nouvelle méthodologie utilisée par le modèle REF. Ce changement divise la communauté scientifi que britannique car les méthodes qui seront adoptées ne sont pas encore clairement défi nies. “Les citations prises de manière isolée se sont avérées in-suffi santes pour mesurer la qualité de la recherche”, affi rme la revue Nature dans un éditorial sur les chan-gements climatiques publié le 1er janvier.

La revue cite une étude de 1998 qui compare les résultats de deux analyses d’un ensemble d’articles dans le domaine de la physique, l’une utilisant le nombre de citations et l’autre basée sur l’évaluation des pairs. Les différences observées concernent 25 % des articles analysés. “Les décideurs politiques sont obligés de reconnaître que la révision faite par des spécialistes est primordiale dans l’évaluation”, déclare la revue Nature.

Un rapport présenté en 2003 au Hefce, par les chercheurs Nick von Tunzelman, de l’Université de Sussex, et Erika Kraemer-Mbula, de l’Université de Brighton, indique que malgré les critiques à l’encontre du système d’évaluation des pairs, peu de pays ont adopté des systèmes quantitatifs purs pour évaluer la recherche et quand c’est le cas, comme en Flandres, en Belgique, ce système est controversé. Il faut trouver le juste équilibre. “Le nouveau modèle utilisera toujours l’évaluation des pairs mais nous devons créer un sys-tème plus simple et plus effi cace sans perdre la valeur ajoutée acquise grâce au processus d’analyse rigoureux utilisé dans les RAE”, déclare Ed Hughes. ■S

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Une protéine fondamentaleUne équipe brésilienne explique le fonctionnement de la forme saine du prion, essentielle pour la protection des cellules nerveuses

Le ministre de l’Agriculture an-glais, John Gummer, a fait une apparition publique désas-treuse au cours du mois de mai 1990. Il s’est fait filmer et photographier en train de sa-vourer un succulent hambur-

ger aux côtés de sa fille de quatre ans. Son intention était de montrer aux anglais et au reste du monde que la consommation de viande bovine était sans danger face à la grave crise que traversait l’élevage dans son pays. Une partie du bétail était en effet contaminée par la maladie de la va-che folle, l’encéphalopathie spongi-forme bovine qui s’est rapidement répandue en Europe, aux États-Unis et au Canada et qui, depuis 1987, a contraint à l’élimination d’environ 180 mille bovins infectés.

Les anglais allaient se rappeler de Gummer et se sentir trahis six ans plus tard, quand les premiers cas de contamination humaine sont appa-rus, probablement dûs à la con-sommation de viande contaminée. La version humaine de la maladie de la va che folle était un nouveau ty pe (le quatrième connu) d’une maladie très rare et sans guérison, la maladie de Creutzfeldt-Jakob, qui détruit les cellules du système nerveux (neuro-nes), provoquant de multiples trous dans le cerveau et lui donnant l’as-pect d’une éponge.

Cette maladie qui réduit le cerveau à la moitié de sa taille originale avait déjà été décrite en Allemagne dans les années 20 par les neurologistes Hans Gerhard Creutzfeldt et Alfons Maria Jakob. Elle est désormais mieux com-prise grâce aux récentes études me-nées au Brésil et à l’étranger. Dans un article publié au mois d’avril dans la revue Physiological Reviews, un grou-pe de chercheurs de São Paulo, Rio de Janeiro, Minas Gerais et Rio Grande do Sul coordonné par l’oncologiste Ricardo Renzo Brentani, de l’ Hôpital A.C. Camargo de São Paulo, a réalisé une ample révision des agents infec-tieux de cette maladie, réunissant ainsi des informations qui pourront favoriser le traitement de cette mala-die qui s’est installée sournoisement durant 2 ou 3 décennies, évoluant à une vitesse effrayante et débouchant sur une mort tragique. P

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Publié en juin 2008

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Prion cellulaire, en vert: abondant

sur le neurone (gauche) et sur

l’astrocyte (ci-dessus)

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Les premiers signes apparaissent de manière subtile sous la forme de fatigue ou de dépression. Par la suite, les symp-tômes se manifestent par une perte d’équilibre durant les déplacements ou la manipulation d’objets et ces symptô-mes s’aggravent progressivement. Les mouvements deviennent plus lents, la vue se brouille, on perd l’usage de la pa-role, de la mémoire à court terme, et il est chaque fois plus difficile de retrouver son chemin ou des objets. “En moins d’un an, 9 personnes infectées sur 10 sont à tel point affaiblies qu’elles restent alitées et décèdent”, déclare le neurolo-giste Ricardo Nitrini, de l’Université de São Paulo (USP), qui a détecté, il y a 11 ans, le premier cas brésilien d’une va-riante de la maladie provoquée par une modification génétique.

Outre la nouvelle variante de Creutz-feldt-Jakob due à la consommation de viande contaminée et la version généti-que transmise de père en fils, il y a en-core deux autres formes de cette maladie qui détruit le système nerveux central. La plus commune, appelée spontanée, apparaît par hasard, encore pour des raisons inconnues et touche une per-sonne sur 1 million. La dernière varian-te se transmet au cours de chirurgies par l’utilisation d’équipements contaminés ou de transfusions sanguines et égale-ment il y a quelques années, par l’utili-sation d’hormones de croissance préle-vées sur des cerveaux de cadavres et remplacées de nos jours par des hormo-nes synthétiques afin de traiter les trou-bles de croissance.

L ’avancée de la maladie de la vache folle en Europe et en Amérique du Nord, ainsi que l’apparition de nou-

velles formes de la maladie chez l’hom-me, ont intensifié les recherches sur la nouvelle variante de Creutzfeldt-Jakob qui, depuis 1996, a tué 160 personnes en Angleterre et dans les pays voisins, dont la fille d’un ami de l’ancien ministre John Gummer. Le principal vecteur sus-pecté a mis en échec les médecins et les biologistes durant des décennies. À l’in-verse de ce qui se produit avec d’autres maladies infectieuses, le vecteur de la maladie de Creutzfeldt-Jakob n’est pas un virus, comme on l’a cru pendant longtemps. Il s’agit encore moins d’une bactérie ou d’un protozoaire, qui sont des microorganismes qui se multiplient

expliqué son action sur les protéines sai-nes. Cette découverte a poussé les cher-cheurs du monde entier à mener des recherches sur la protéine défectueuse et sur ses effets dans l’organisme. Alors que toute l’attention se portait sur les prions, une autre question de base, et peut être la plus importante, était sous-jacente. Comment réagissait la protéine normale, la protéine prion cellulaire, située sur la surface de toutes les cellules du corps et en plus grande quantité dans le système nerveux central? Personne ne le savait et ne semblait s’en soucier. Il y avait même des raisons pour ignorer le prion cellu-laire. En 1990, le biologiste moléculaire Charles Weissmann a créé une lignée de souris qui ne produisait pas cette pro-téine. Ces animaux n’ont pas développé

seuls et sont facilement traités. Actuelle-ment, on pense que la maladie est pro-voquée par une protéine défectueuse appelée prion (particule infectieuse pro-téinique). Un simple contact du prion avec des protéines saines qui se trouvent en abondance à la surface des neurones modifierait leur structure selon un effet domino que rien ne pourrait arrêter. Les molécules déformées, plus stables que les protéines saines adhèrent les unes aux autres, créant de longues fibres toxi-ques pour les neurones.

Le chercheur nord-américain Stanley Prusiner a reçu le prix Nobel de Méde-cine en 1997 pour avoir découvert le prion dans le cerveau de moutons pré-sentant un type d’encéphalopathie spon-giforme appelée scrapie et pour avoir

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la maladie spongiforme et ont apparem-ment survécu sans dommages apparents. Personne n’imaginait que cette protéine puisse jouer un rôle si important dans l’organisme. “On avait une vision limi-tée”, déclare Brentani.

Brentani qui soupçonnait que la na-ture ne perdrait ni son temps ni son énergie à créer une protéine sans activité biologique, a suivi son intuition, navi-guant à contre-courant. “C’était l’oppor-tunité d’entrer dans un domaine d’étude brûlant qui n’intéressait personne”, dé-clare-t-il. Une lettre publiée dans la revue Nature en 1991 l’a encouragé à aller de l’avant. Trois ans auparavant, Brentani avait présenté une théorie selon laquelle deux rubans de la molécule d’acide dé-soxyribonucléique (ADN) permettaient d’expliquer la production de protéines, et non seulement d’une seule comme on l’imaginait. Il affirmait également que les protéines codifiées par fragment com-plémentaire des rubans d’ADN jouaient des rôles complémentaires en étant ca-pable d’interagir chimiquement et de s’emboîter les unes aux autres comme une clé dans une serrure. D’un point de vue évolutif, il était normal que les frag-ments d’ADN qui codifient une protéine et celle qui s’y relie soient proches, car la probabilité d’émigrer ensemble vers une autre région du matériel génétique est grande en cas de repositionnement. Se-lon Brentani, il s’agissait d’une hypo-thèse à laquelle personne ne croyait, à part lui, bien sûr.

Dans cette lettre publiée par la revue Nature, le chercheur Dimitry Goldgaber, de l’Université Publique de New-York aux États-Unis, expliquait comment le prion cellulaire pouvait interagir avec l’eau (une des caractéristiques chimi-ques des protéines) et déclarait que si Bren tani avait raison, le fragment d’ADN complémentaire à celui du gène du

prion cellulaire contiendrait des infor-mations sur la protéine qui probable-ment l’actionnerait. C’était une piste à ne pas ignorer.

À l’époque où Brentani menait des recherches sur les protéines liées au can-cer ; il a décidé d’analyser le prion et la molécule qui l’activait. En collaboration avec la biochimiste Vilma Martins, de l’institut Ludwig de Recherche sur le Cancer (LICR), et du biochimiste Vi-valdo Moura Neto, de l’Université Fédé-rale de Rio de Janeiro (UFRJ), le cher-cheur a découvert la structure d’une autre protéine, décrite en 1997 dans la revue Nature Médecine.

Cette protéine, appelée ensuite STI-1, (stress inducible protein 1) était com-posée de 543 acides aminés (blocs for-mateurs des protéines) et était pratique-ment deux fois plus grande que le prion cellulaire. Il restait juste à découvrir ce que faisaient les deux. “Nous avions deux hypothèses, soit ils ne servaient à rien, soit ils étaient indispensables aux phénomènes essentiels pour les neuro-nes, comme le processus de neuritoge-nèse [formation des ramifications qui connectent les neurones entre eux]”, dé-clare Brentani.

Comme les neurones n’étaient pas leur spécialité, Brentani et Vilma ont fait appel au neuroscientifique Rafael Lin-den, de l’Institut de Biophysique de l’UFRJ, afin de collaborer aux prochains tests. L’association entre le prion cellu-laire et la STI-1 s’est révélée essentielle tant pour la maturité et la formation des prolongements des neurones que pour les protéger d’une mort cellulaire pro-grammée et appelée apoptose.

Mais ce n’était pas leurs seules fonc-tions. Des expériences menées sur des souris avec la collaboration d’Iván Iz-quierdo, l’un des plus grands spécialistes mondiaux de la mémoire et actuelle-ment chercheur à l’Université Pontifi-cale Catholique du Rio Grande do Sul (PUC-RS), ont révélé que le prion cellu-laire et la protéine STI-1 sont essentiels à la formation de la mémoire. Sans eux, les animaux se souviennent difficilement d’une chose apprise quelques heures auparavant (mémoire à court terme) et également il y a quelques jours (mémoi-re à long terme). Des tests réalisés sur des souris génétiquement modifiées pour ne pas produire le prion cellulaire comme celles de Charles Weissmann ont montré que ces animaux n’étaient normaux qu’en apparence. Quand ils vieillissaient, ils avaient davantage de problèmes de mémoire que les souris produisant le prion cellulaire.

L e groupe brésilien a également dé-couvert que la forme saine du prion provoque des effets distincts sur dif-

férents tissus. À l’UFRJ, l’équipe de Lin-den a constaté que cette protéine mo-dule la réponse du système immunitaire aux inflammations, soit en augmentant, soit en réduisant l’activité des cellules de défense. Le prion cellulaire stimule l’ac-tion des neutrophiles, cellules de dé-fense les plus abondantes dans l’orga-nisme. L’intérieur des os longs produit quotidiennement 100 milliards de ces cellules. Elles sont les premières à arriver sur le lieu de l’inflammation où rapide-ment elles englobent et détruisent les microorganismes intrus comme les bac-téries. En provoquant des inflamma-tions sur des souris, Linden s’est aperçu que les souris génétiquement modifiées pour de ne pas produire de prion cellu-laire possédaient moins de neutrophiles qui réagissaient plus lentement que ceux des rongeurs normaux. Un effet non souhaitable en cas d’infection.

L’effet contraire a été observé sur les macrophages, des cellules du système de défense qui éliminent les cellules mortes. Les macrophages des souris sans prion cellulaire étaient plus actifs que ceux des souris qui produisaient la protéine, un résultat qui ne favorisait pas les animaux modifiés car l’action exagérée des macro-phages peut provoquer des lésions sur les tissus sains. “La réponse à l’inflamma-

Une protéine, deux formes: le prion cellulaire (en haut) et sa forme infectieuse

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que le prion cellulaire était nécessaire au maintien d’un organisme sain, ce qui n’est pas négligeable pour une molé-cule considérée sans importance biolo-gique quelques années auparavant. Mais on ne comprenait pas encore pourquoi dans certaines situations, elle protégeait et parfois endommageait les tissus. Il était donc important de savoir comment cette protéine, ressemblant à un ballon de baudruche muni d’une ficelle et qui se trouve sur la surface ex-terne des cellules, communiquait avec l’intérieur de la cellule.

V ilma Martins, Brentani et Linden ont alors fait appel au biologiste cellulaire Marco Antonio Prado, de

l’Université Fédérale de Minas Gerais (UFMG), qui mène des recherches sur le transport des molécules à l’intérieur des cellules. Vilma Martins et Kil Sun Lee, de l’Institut Ludwig avec la collabo-ration de Prado et Ana Maria Magalhães ont teinté le prion cellulaire avec un co-lorant vert fluorescent pour suivre le chemin qu’il parcourait en utilisant un microscope confocal qui permet d’ob-server des cellules vivantes. Ils ont en-suite marqué le prion infectieux, avec l’aide de Byron Caughey, des Instituts Nationaux de Santé étasuniens, et l’ont vu pénétrer dans les neurones.

Le prion cellulaire, ancré sur des ré-gions plus épaisses de la surface cellu-laire par une longue molécule de sucre et de lipides en forme de ficelle, glisse vers des zones plus fines de la membra-ne des neurones. C’est là qu’il est amené à l’intérieur de vésicules contenant des acides, où il se connecte à d’autres pro-téines et envoie des ordres au noyau ou à d’autres régions. Il ne faut qu’une

Rôle de la protéine prion cellulaire dans le processus physiologique et pathologique II

MODALITÉ

Projet thématique

COORDONNATRICE

VILMA REGINA MARTINS – Institut Ludwig

INVESTISSEMENT

2.053.618,66 réaux

LE PROJET>

heure et demie au prion pour réaliser cette opération, entre le début de sa plongée et son émersion à la surface.

Le groupe brésilien a constaté qu’il ne s’agissait pas d’un déplacement hasar-deux. Le prion cellulaire ne se déplace que si des protéines spécifiques s’y ac-couplent et l’activent. Tel un hôte qui reçoit ses invités à une fête, le prion sain conduit les autres protéines à l’intérieur des neurones. Une fois à l’intérieur de la cellule, cette association composée du prion et sa protéine activatrice envoie des signaux chimiques qui ordonnent l’émission de prolongements ou la pro-duction de composés chimiques qui em-pêchent la mort du neurone, déclarent les chercheurs dans un article qui sera publié dans quelques mois par le Journal of Neuroscience. “Sans cette plongée à l’intérieur de la cellule, la communica-tion faite par l’entremise du prion cellu-laire serait incomplète”, déclare Linden.

De nombreux doutes apparaissent en fonction de l’avancée des recherches sur le prion cellulaire. Linden, Vilma Martins, Prado, Izquierdo et Brentani ont commencé à réexaminer tout ce qui avait été publié sur le prion sain et le prion défectueux en fin d’année 2006, afin de définir un cadre général plus précis. Cette révision, la plus impor-tante dans ce domaine, a été publiée en avril par la revue Physiological Reviews, après l’analyse de 597 articles qui ont permis d’avoir une une vision unifiée du fonctionnement du prion cellulaire et une nouvelle approche sur le fonction-nement de certaines maladies comme la maladie de Creutzfeldt-Jakob et la ma-ladie de la vache folle.

Dans un travail intitulé “Physiology of the prion protein”, les équipes de São Paulo, Rio, Minas et Rio Grande do Sul ont émis l’hypothèse selon laquelle le prion cellulaire fonctionnait comme un aimant sélectif, auquel n’adhéraient que certains types de molécules de l’orga-nisme. La protéine A STI-1, bien sûr, n’est pas unique. Des études réalisées au Brésil et à l’étranger ont identifié 30 autres protéines qui s’unissent au prion cellulaire, actionnant une série de réac-tions chimique qui représentent des or-dres cellulaires distincts. “Nous pensons que le prion cellulaire aide à l’organisa-tion des signaux extérieurs avant qu’ils ne soient envoyés à l’intérieur des cellu-les”, déclare Prado.

tion et la présence de cellules mortes doivent être finement équilibrées”, dé-clare Linden. “Il n’est pas souhaitable qu’elles soient absentes ni exacerbées. Sans réponse inflammatoire le corps ne résiste pas à l’infection mais une réponse excessive peut également tuer”.

Il y a également des évidences qui montrent que le prion cellulaire protège les cellules du cœur contre les agressions chimiques. À l’hôpital A.C. Camargo, Vilma Martins et le médecin Beatriz de Camargo ont détecté la présence d’une forme légèrement modifiée des protéi-nes prion cellulaire sur 160 patients trai-tés durant leur enfance à l’adriamycine, remède qui peut provoquer des lésions cardiaques. Des données préliminaires suggèrent que les porteurs de la varian-te du prion cellulaire sont davantage vulnérables aux effets toxiques du com-posé que les porteurs de la version nor-male de la protéine.

À mesure que les recherches en la-boratoire avançaient, il devenait évident

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Selon Linden, ce rôle d’aimant sélec-tif ou de plateforme de montage de si-gnaux chimiques permet d’expliquer les résultats expérimentaux jusqu’alors contradictoires, comme la protection contre une mort cellulaire dans certains cas, ou l’action toxique dans d’autres. “Cette activité de plateforme de mon-tage de signaux chimiques est si impor-tante pour la vie que d’autres protéines jouent probablement le même rôle dans l’organisme. C’est pour cette raison que des souris génétiquement modifiées pour ne pas produire de prion cellulaire survivent sans aucun dommage appa-rent”, déclare Brentani.

Ce nouveau rôle favorise une nou-velle compréhension des maladies dues aux prions. Selon les dernières décou-vertes sur la maladie de Creutzfeldt-Jakob, les neurones ne meurent pas seu-lement parce que l’adhésion des prions infectieux génère des agglomérats to-xiques. Le groupe brésilien mise sur le fait que la mort cellulaire se produit éga-

lement à cause de la perte de molécules saines de prion, laissant les neurones vulnérables aux agressions chimiques. Selon Prado, il est probable que l’effet toxique du prion infectieux s’intensifie avec la perte du prion cellulaire. “Nous saurons si nous avons raison quand les idées proposées commenceront à être testées”, déclare Linden.

L’espoir est que la compréhension du fonctionnement du prion cellulaire offre des alternatives en termes de traitements qui puissent également s’appliquer aux maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer, due à l’aggloméra-tion de protéines dont la production est contrôlée par le prion sain. “Les appro-ches thérapeutiques qui se sont unique-ment basées sur ce qu’on savait déjà sur la forme défectueuse du prion n’ont pas donné de bons résultats”, déclare Linden. Un remède utilisé contre le paludisme dans les années 30, la quinacrine, s’était montré capable d’inhiber l’agression du prion infectieux dans des expériences in

vitro. Mais il n’a pas empêché la maladie de se développer quand il a été testé sur des êtres humains. “Jusqu’à présent, il n’y a pas de traitement efficace”, déclare Ri-cardo Nitrini, de l’USP.

A u même titre qu’Hélio Gomes et Sérgio Rosemberg de l’USP, Leila Chimelli, Nitrini et Vilma Martins

de l’UFRJ font partie de l’équipe natio-nale chargée du diagnostic de maladies dues au prion et dont la notification est obligatoire depuis 2005. Cette mesure est indispensable pour connaître les ré-gions les plus affectées et les populations les plus vulnérables aux quatre types de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Le groupe a analysé 35 cas suspects entre 2005 et 2007, et 26 de ces cas ont été considérés positifs (la confirmation est faite par l’analyse du tissu cérébral après la mort). Il s’agissait de personnes qui avaient spontanément développé la ma-ladie. Aucun cas ne concernait la con-sommation de viande contaminée. “Il y a certainement une sous-notification de la maladie dans le pays qui devrait nor-malement représenter 200 cas par an”, déclare Vilma.

L’équipe de Vilma Martins de l’ins-titut Ludwig de Recherche sur le Cancer Ludwig poursuit également ses recher-ches sur l’action de la STI-1. Ces derniè-res années, le groupe a constaté qu’un fragment de cette molécule, un peptide composé de 16 acides aminés, avait la même fonction que la protéine entière et qu’il favorisait la formation de la mé-moire chez les souris. Des tests initiaux réalisés sur des plaques à essai montrent que ce peptide inhibe également le dé-veloppement d’une tumeur cérébrale appelée glioblastome et qui tue en six mois. C’est pour cette raison que ce fragment de molécule a été breveté par l’Institut Ludwig en 2007 aux États-Unis. “Il s’agit de données prometteu-ses”, déclare Vilma Martins. On ne peut rien dire de plus pour l’instant, il faut attendre la réalisation de tests de labo-ratoire sur les animaux et si tout se dé-roule bien, sur les êtres humains. ■

Réseau de neurones: le prion cellulaire (en vert) favorise la connexion entre les cellules

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> Article scientifique

LINDEN, R. et al. Physiology of the prion protein. Physiological Reviews. v. 88, pp. 673-728, 2008.

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Guerre dans les cellulesDes découvertes montrent les voies à suivre pour aider le système immunitaire à combattre les infections généralisées

PHARMACOLOGIE

Maria Guimarães

Un macrophage (en vert) capture des bactéries dans les poumons

CIl faut être prudent en tournant ces pages car si vous vous coupez le doigt sur le bord d’une feuille, des bac-téries entreront par la blessure et y déclencheront une bataille. Dans ce cas précis, des cellules de défense des tissus, comme les macrophages, détectent les bactéries intruses, les englobent et les détruisent. Ce processus libère autour des cellules une série de substances (com-

me les morceaux de mie de pain du conte le petit poucet) qui montrent le chemin de la lésion aux leucocytes, cellules de dé-fense qui patrouillent dans le courant sanguin. Si tout se passe bien, l’infection sera contrôlée et passera inaperçue. Cependant, quand il y a trop de bactéries ou quand le système immunitaire est compromis, les bactéries et l’inflammation se répandent dans l’organisme et provoquent une infection généralisée ap-pelée sepsis. C’est la deuxième cause de décès dans les Unités de Thérapies Intensives (UTI) aux États-Unis qui enregistrent plus de 700 mille cas par an et dont 30 % ont une issue fatale. L’équi-pe du pharmacologue Fernando de Queiróz Cunha, de la Fa-culté de Médecine de l’Université de São Paulo à Ribeirão Preto (USP-RP), est en train de dévoiler la bataille que livre le système immunitaire contre le sepsis et montre la voie pour la mise au point de nouveaux médicaments.

Publié en avril 2008

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Le travail de Cunha explique de manière détaillée comment fonctionne la réponse immunitaire. Dans une réaction inflammatoire, les substances de signalisation avancent jusqu’au vais-seau sanguin le plus proche, s’unissent aux cellules de la paroi et envoient des signaux à l’intérieur. Les leucocytes roulent alors à l’intérieur de la paroi du vaisseau jusqu’à trouver une brèche, par où ils sortent. Ils suivent ensuite la piste chimique jusqu’à l’infection et se joignent aux macrophages pour com-battre les bactéries qu’ils détruisent avec des substances comme l’oxyde ni-trique. Les substances qui sont libérées au cours de ce processus provoquent également une réaction inflammatoire qui agresse les tissus.

Q uand les bactéries gagnent la ba-taille et se disséminent dans l’orga-nisme créant un cadre clinique de

sepsis, le système immunitaire continue de lutter. Dans un dernier effort pour contenir l’infection, la propre inflam-mation se généralise provoquant une chute de la pression artérielle et, finale-ment, le dysfonctionnement de multi-ples organes. Ce cadre clinique est ac-tuellement connu sous le nom de sepsis (le terme septicémie étant tombé en désuétude chez les spécialistes). La moitié des personnes qui arrivent à ce stade décèdent.

Il y a environ 10 ans, la commu-nauté scientifique a été très surprise de constater que les bactéries n’étaient pas le problème le plus sérieux. Les plus grands dégâts se produisent quand le processus inflammatoire (arme pré-cieuse quand il s’agit de lutter contre les bactéries) se retourne contre le pro-pre organisme à l’image de certaines maladies comme la goutte, l’arthrite et la sclérose multiple. Selon toute logi-que il fallait donc bloquer l’inflamma-tion pour contenir le sepsis. Des cher-cheurs nord-américains ont testé cette alternative, mais, en l’absence de réac-tion inflammatoire, la lutte contre le foyer infectieux s’interrompt et les bac-téries se répandent sans rencontrer de résistance.

L’équipe de Ribeirão Preto a créé un projet de recherche en 3 volets pour combattre le sepsis de manière efficace.

Le médecin pharmacologue Sérgio Hen-rique Ferreira, coordonnateur du projet, est responsable de l’analyse des méca-nismes qui provoquent la douleur dans le processus inflammatoire.

Cunha est chargé d’étudier le pro-cessus menant au sepsis et à la migra-tion de leucocytes vers le foyer infec-

tieux et a découvert que le rôle de l’oxy-de nitrique, utilisé par les leucocytes pour tuer les bactéries, est essentiel pour le choc septique. Cette substance contribue aux mécanismes de défense dans les vaisseaux, car elle induit la re-laxation des muscles vasculaires, favo-risant ainsi un plus grand volume san-guin qui transporte davantage de leu-cocytes vers le foyer infectieux. Cepen-dant, dans le cas du sepsis, la production d’oxyde nitrique devient désordonnée et atteint parfois une quantité mille fois plus élevée que le taux normal, entraî-nant une chute radicale de la pression artérielle. Cette découverte a permis de proposer un traitement pour inhiber la production d’oxyde nitrique chez le pa-tient. Cependant, ce qui semblait être à la base une bonne idée, a déclenché une

série de nouveaux problèmes, car sans oxyde nitrique les neutrophiles perdent leur principal agent microbicide et n’ar-rivent plus à combattre l’infection.

Cunha a également découvert qu’un excès d’oxyde nitrique inhibe aussi la migration des cellules. “Les leucocytes n’adhèrent plus à la paroi des vaisseaux,

ne se déplacent plus et ne répondent plus au gradient de médiateurs inflam-matoires”, déclare-t-il. L’équipe de Cu-nha a décrit ce phénomène dans des articles publiés en 2006 par les revues internationales Shock, Blood et Critical Care Medicine. Les processus biochimi-ques et les protéines (qui donnent aux cellules un mouvement identique à ce-lui des limaces) ne fonctionnent plus en présence de teneurs élevées d’oxyde ni-trique. L’équipe de Ribeirão Preto a également démontré, dans un article publié en 2007 dans la revue American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, que l’oxyde nitrique inhibe l’action de récepteurs à la surface des neutrophiles qui perdent leur sensibi-lité aux médiateurs inflammatoires. La vie du patient est donc mise en danger

Deuxième cause de décès dans les Unités de

Thérapie Intensive aux États-Unis,

le sepsis est également un problème

sérieux au Brésil. Le système de santé

brésilien a investi plus de 17 milliards de réaux

au profit de 400 mille patients septiques.

Les résultats sont insatisfaisants

car environ 227 mille patients

décèdent de sepsis grave.

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car le système immunitaire est paralysé. Cette découverte a orienté les nouvelles recherches de l’équipe de Cunha. “Si nous rétablissons les mécanismes de migration, l’infection sera contrôlée”, déclare-t-il.

Ils sont donc actuellement en train de mener des recherches sur une subs-tance essentielle à la chaine biochimi-que, l’acide sulfidrique, également ap-pelé hydrogène sulfuré (H2S) et gaz responsable de la mauvaise odeur dé-gagée par les œufs pourris. La migra-tion cellulaire est paralysée quand la synthèse de cet acide est interrompue dans les leucocytes. Les chercheurs ont découvert qu’en rendant du H2S au mi-lieu cellulaire, les cellules de défense se remettaient à rouler dans les parois des vaisseaux sanguins. Le pharmacologue de Ribeirão Preto est en train de rédiger un article sur cette nouvelle approche qui sera prochainement publiée. Selon lui, les résultats poussent à l’optimisme et cette nouvelle compréhension du sepsis permettra peut-être prochaine-ment de sauver des vies.

P our l’instant le choc septique est toujours un problème de santé pu-blique insoluble qui s’aggrave avec

le vieillissement de la population, car le nombre de patients entrant en sepsis dans les UTI augmente chaque année. Un article publié en 2006 par la revue Endocrine, Metabolic & Immune Disor-ders, Drug Targets, sous l’égide d’Eliézer Silva, médecin du Centre de Thérapie Intensive de l’hôpital israélite Albert Einstein à São Paulo et président de l’Institut Latino-américain d’Etudes du Sepsis (Ilas), compare l’impact du sep-sis entre différents pays et montre qu’environ 10 % des personnes admises dans une UTI nord-américaine ont un choc septique.

Au Brésil, Silva a coordonné une étude appelée Bases (étude épidémiolo-gique du sepsis au Brésil), qui a évalué 1 383 patients hospitalisés dans cinq UTI brésiliennes. Cette étude publiée en 2004 dans la revue Critical Care Medicine est l’une des plus complètes du pays et constate qu’environ 30 % de ces patients entrent en sepsis et 50 % évoluent vers un choc septique. Les soins médicaux intensifs n’ont pu sauver que la moitié

des patients souffrant de sepsis. L’Asso-ciation Brésilienne de Thérapie Inten-sive a promu une autre étude appelée Sepsis Brésil, qui a évalué davantage d’UTI avec des résultats identiques à ceux obtenus par Silva.

Le système de santé brésilien a dé-pensé 41 milliards de réaux en thérapies intensives en 2003, desquels plus de 17 milliards étaient destinés aux 400 mille patients septiques, selon les données de l’Ilas. Malgré ces efforts, les résultats ont été plus qu’insuffisants car environ 227 mille patients sont mort de sepsis grave, engloutissant un investissement d’envi-ron 10 milliards de réaux.

L’Ilas a adhéré à la campagne inter-nationale “Survivant au Sepsis” en 2005, afin de réduire d’au moins 25 % jusqu’en 2009 le nombre de décès dû aux chocs septiques, rejoignant les 48 pays qui sont en train d’établir des directives interna-tionales pour le traitement des patients septiques. Les participants de cette cam-pagne envoient des informations qui alimentent une banque de données in-ternationale afin d’en contrôler et d’en optimiser les résultats. Le Brésil est l’un des pays qui contribuent le plus à cette banque de données avec 50 institutions participantes.

L a principale difficulté concerne le changement de culture”, déclare Eliézer Silva, qui a publié en 2006 à

la maison d’édition Atheneu un manuel destiné à la formation de professionnels qui aborde un nouveau concept en mettant l’accent sur le facteur temps. Les nouvelles directives déterminent

que dès qu’un patient souffrant de sep-sis grave arrive aux urgences d’un hô-pital, il faut immédiatement réaliser un prélèvement sanguin pour identifier le germe vecteur de l’infection. Il est en-suite essentiel au cours des 6 premières heures de prescrire des antibiotiques, du sérum physiologique en grande quantité et une médication afin de sta-biliser la pression artérielle. Selon l’évo-lution du cadre clinique, une autre série de mesures seront nécessaires jusqu’à la 24ème heure du traitement comme la prescription de corticoïdes et de protéi-nes C activées, le contrôle de la glycé-mie et, quand la patient a des difficultés respiratoires, la ventilation nécessaire pour maintenir la pression de l’oxygène au niveau approprié. Les données les plus récentes, encore non publiées, montrent que le nombre de décès me-surable et dû au sepsis a reculé de 7 % dans le monde entier au cours de cette campagne.

Selon Fernando de Queiróz Cunha, les patients qui quittent l’hôpital ne sont pas pour autant tirés d’affaire. Il a en effet démontré, grâce à des recher-ches menées sur des souris et qui n’ont pas encore été publiées, que le sepsis débilite le système immunitaire. Le pharmacologue a constaté que 15 jours après la crise septique, il suffisait de va-poriser des bactéries près du museau des souris (comme quand on est en contact avec une personne enrhumée) pour provoquer leur mort. Les travaux de Silva et de Cunha montrent claire-ment qu’il est nécessaire d’associer la recherche de base, clinique et médicale aux politiques publiques afin de vaincre la bataille contre le sepsis. ■

Médiateurs responsables de la douleur, de la migration de leucocytes et du sepsis

MODALITÉ

Projet thématique

COORDONNATEUR

SERGIO HENRIQUE FERREIRA – USP/Ribeirão Preto

INVESTISSEMENT

2.277.550,31 réaux

LE PROJET>

> Articles scientifiques

1. RIOS-SANTOS, F. et al. Downregulation of CXCR2 on neutrophils in severe sepsis is mediated by inducible nitric oxide synthase-derived nitric oxide. American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine. v. 175, pp. 490-497, 2007.2. TORRES-DUEÑAS, D. et al. Failure of neutrophil migration to infectious focus and cardiovascular changes on sepsis in rats: effects of the inhibition of nitric oxide production, removal of infectious focus, and antimicrobial treat ment. Shock. v. 25, n. 3, pp. 267-276, 2006.

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Essaim mortelUn groupe de recherche brésilien met au point le premier vaccin contre le venin d’abeille

L’expression “tomber dans un nid de guêpes” indique de sérieux problèmes et s’applique également aux abeilles. Il s’agit d’insectes sociaux qui travaillent en équipe même quand il s’agit de se défendre contre leurs ennemis. C’est pour cela qu’une personne qui heurte un de ces nids a de grandes chances de se retrouver à l’hôpital avec des centaines de dards incrustés dans la peau. Ces derniers

diffusent des toxines dans le courant sanguin, qui pendant des jours vont endommager le foie, les reins et le cœur, dissolvant la matrice qui unit les cellules et déclenchant des problèmes chroniques. “Nous ne comprenons que maintenant comment le venin de ces insectes fonctionne”, déclare le biochimiste Mário Palma, du Centre d’Études des Insectes Sociaux (Ceis) de’ Uni-versité Publique Pauliste (Unesp) de Rio Claro. Il a fait appel à l’Université de São Paulo (USP) et à l’Institut Butantan pour monter une équipe qui a été la première à mettre au point fois un vaccin contre les piqûres d’abeilles.

Selon Palma, la diffi culté pour mettre au point un vaccin spécifi -que contre les piqûres d’insectes découle d’une méconnaissance de la composition chimique de ces substances. “À l’inverse de ce qui se produit avec le venin de serpent, composé de protéines complexes, 70 % des venins d’abeilles et de guêpes sont composés de pepti-des”, déclare-t-il. Il s’agit de molécules apparentées aux protéines, mais plus petites. Il s’est tout d’abord aperçu que ces venins agissaient de manière différente. Une victime de morsure de serpents (principalement les rongeurs dont ils s’alimentent)

IMMUNOLOGIE

Guêpe Agelaia pallipes

Publié en novembre 2008

Maria Guimarães

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meurt rapidement. Il s’agit, en fi n de comptes, d’une stratégie de chasse, à l’inverse des abeilles et des guêpes qui utilisent leur venin comme défense. Les fragiles dards, effi caces uniquement sur la peau tendre du museau de singes à la recherche de miel, sur un oiseau amateur d’insectes ou sur une personne imprévoyante, laissent un souvenir douloureux et signalent l’endroit à éviter.

Le Ministère de la Santé prévoit qu’entre 10 mille à 15 mille personnes seront piquées cette année par des abeilles et des guêpes. Il s’agit certainement d’un chiffre sous-estimé car les personnes souffrant d’une seule piqûre et n’ayant pas de fortes réactions allergiques ne feront pas appel aux services médicaux. La plupart des patients survit, contrairement aux victimes de morsures de serpents (plus 20 mille morsures par an dans le pays). Cependant les petites molécules de venin d’insectes se répandent avec facilité dans l’organisme. C’est pour cette raison que 98 % des personnes victimes de multiples piqûres souffrent de séquelles chroniques aux reins et au foie.

La méthode utilisée pour mettre au point des vaccins se basait jusqu’à présent sur des tentatives et souvent des échecs car on produisait le vaccin et on testait directement son effet. “Chaque fois que le vaccin ne fonctionne pas on perd un pa-tient”, déclare le chercheur de l’Unesp. C’est une chose à éviter, même lorsqu’il s’agit de tests sur des souris de laboratoire, mais personne n’était encore parvenu à développer des tests in vitro afi n d’évaluer leur effi cacité.

Palma a donc décidé de créer un laboratoire de pointe destiné à l’analyse des protéines, grâce à un projet en bioprospection fi nancé par la FAPESP. Le résultat est surprenant car en quatre ans, son élève de doctorat Keity Souza Santos, également orientée par Fábio Castro, a découvert environ 200 composés chimiques dans le venin des abeilles outre les cinq protéines déjà connues. Cette découverte n’était qu’une première étape car il fallait main-tenant que les chercheurs analysent son effet sur l’organisme. À ce stade des recherches, la collaboration avec l’équipe de l’Hôpital

Guêpe Polybia ignobilis

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tut Butantan menée par Hisako Higashi est en train de produire des lots de vac-cin qui seront testés à l’Hôpital Vital Brazil de l’Institut Butantan, centre na-tional de référence pour le traitement des victimes d’animaux venimeux. La chercheuse pense que le vaccin sera utilisé dans des tests cliniques d’ici 6 mois environ.

Outre l’analyse de protéines, l’Unesp fournit une grande quantité de venin d’abeille destinée à la production du vaccin. L’université possède une ferme d’abeilles sous la responsabilité du bio-logiste Osmar Malaspina du Ceis. Pour prélever le venin d’abeille, il place une plaque de verre couverte d’une grille

Abeille domestique africanisée (Apis mellifera)

Guêpe-tatou (Synoeca cyanea)

des Clini ques (HC) de l’USP, menée par l’immunologiste Jorge Kalil et par l’allergologiste Fábio Castro, a été fon-damentale. En traitant des personnes victimes de piqûres d’abeilles ou de guêpes, les médecins ont répertorié en-viron 50 symptômes comme la douleur, les rougeurs, les tuméfactions, les dé-mangeaisons, la vue qui s’assombrit, la perte de conscience, les jambes lourdes et la perte de mémoire. Le croisement de ces données et de la liste de pepti-des et des protéines du venin a permis d’évaluer l’action de chaque élément sur l’organisme humain.

Production – Palma, avec la collabora-tion de l’Institut Butantan qui produit 80 % des sérums et vaccins utilisés dans le pays, a injecté du venin d’abeille sur des chevaux pour ensuite extraire les anticorps produits par ces animaux. Il a ensuite vérifi é si les anticorps des chevaux neutralisaient tous les éléments toxique du venin, et détecter ainsi les défenses qui manquaient. “D’après ce que nous savons, personne n’avait encore utilisé cette technique de recherche d’anticorps contre chaque protéine”, déclare-t-il.

Avant sa formule fi nale, le vaccin a du passer au crible du pharmacien Marco Antonio Stephano, de la Faculté de Sciences Pharmaceutiques de l’USP, et spécialiste en contrôle de qualité. “Nous avons gardé le secret absolu pendant quatre ans de travail jusqu’au dépôt de brevet”, déclare Palma. La for-mule étant prête, une équipe de l’Insti-

électrifi ée à l’entrée des ruches. Quand les abeilles s’y posent, elles reçoivent une décharge électrique à laquelle elles réagissent en piquant la plaque de verre. Elles ne perdent pas leur dard et laissent une goutte de venin. Grâce à cette mé-thode automatisée, Malaspina récupère une quantité suffi sante de venin pour produire le vaccin. Dès que le produit sera approuvé, il sera distribué sur tout le réseau public. Palma souligne qu’il s’agit d’un projet gouvernemental car il a été fi nancé par des agences nationa-les de soutien à la recherche (FAPESP, CNPq, Finep), et réalisé par l’Institut Butantan, lié au Secrétariat de la Santé de São Paulo.

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PESQUISA FAPESP ■ ÉDITION SPÉCIALE NOVEMBRE 2007/FÉVRIER 2009 ■ 53

Taon du cheval (Polistes lanio)

Le succès de cette première étape a donné l’élan nécessaire au chercheur de l’Unesp pour poursuivre ses recherches. Le vaccin qu’il a mis au point fonc-tionne contre les abeilles brésiliennes, mais il a déjà reçu des échantillons de venin d’abeille provenant d’autres en-droits du monde pour vérifi er si cette méthode fonctionne également contre d’autres sous-espèces d’Apis mellifera, présentes sur 75 % du globe. Si cela fonctionne, Palma pense que le Brésil pourrait devenir le premier produc-teur et exportateur mondial de vaccin contre les piqûres d’abeilles.

L’équipe n’oublie pas que les abeilles sont accusées à tort de piqûres qui en fait sont dues aux guêpes, qui ont un venin différent et non neutralisé par le vaccin contre les abeilles. Palma et Ma-laspina ont sélectionné 12 espèces de guêpes responsables d’une bonne partie des accidents. Le groupe de Rio Claro est déjà en train d’analyser les peptides et les protéines du venin de ces guêpes à la recherche d’un vaccin effi cace contre les piqûres de ces espèces aussi nocives que celles des abeilles.

Allergie – Outre le fait d’être doulou-reuse et toxique, la piqûre d’une seule abeille peut provoquer une réaction allergique capable de tuer en quelques minutes, car le système immunitaire réagit au venin en produisant des an-ticorps appelés immunoglobuline E ou IgE. En luttant contre le venin, ces IgE provoquent des tuméfactions, des dé-

mangeaisons, et même chez certaines personnes un choc anaphylactique qui bloque leur respiration et provoque un évanouissement soudain. Le vaccin n’a aucun effet contre cette réaction.

Pour contrer le processus allergique, il faut identifi er sa cause avec exactitu-de. Comme dans la plupart des cas il est impossible d’obtenir des observations scientifi ques rigoureuses de la part des victimes, les dispensaires ont besoin de tests qui identifi ent les allergènes dans le sang des patients. Il y a déjà des tests qui détectent les allergènes de certaines guêpes nord-américaines et européen-nes, mais ici les espèces sont différen-tes. En outre, les 51 espèces de guêpes

présentes sur le campus de Rio Claro représentent plus que l’ensemble de la biodiversité européenne et nord-amé-ricaine. Le Brésil compte 500 espèces, l’Europe 20 et les États-Unis 20.

L’équipe coordonnée par Palma a l’intention de mettre au point des tests sur les espèces qui provoquent le plus d’accidents au Brésil et de promouvoir une formation permettant d’identifi er et de traiter les allergies dues au venin d’insecte. “Actuellement, la majorité des personnes compétentes dans ce domai-ne a été formée par nos soins”, déclare l’immunologiste et allergologiste Fábio Castro, qui se dit prêt à former davan-tage de personnes hors du Brésil. Palma et Fábio Castro ont déjà commencé à élargir les frontières en créant le Grou-pe d’Études des Nouveaux Allergènes Régionaux (Genar). Il s’agit d’un réseau de chercheurs et de professionnels de la santé qui va analyser et traiter des aller-gies rares comme celles concernant les aliments régionaux, dont on sait encore peu de choses.

Le succès du projet démontre qu’une technique permettant d’analy-ser les peptides et les protéines, alliée à une connaissance de la nature, débou-che sur des résultats surprenants. “Les toxines des animaux sont de véritables sources d’inspiration”, déclare Palma qui analyse préalablement le comporte-ment des insectes et des araignées ainsi que le rôle des substances chimiques dans la nature pour comprendre leur action et leur fi nalité. ■

Bioprospection de la faune des arthropodes de l’état de São Paulo pour mettre au point de nouveaux produits pharmaceutiques et pesticides sélectifs

MODALITÉ

Programme Biota

COORDONNATEUR

MARIO SERGIO PALMA – Unesp

INVESTISSEMENT

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LE PROJET>

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Menace planant sur les métropoles: des villes comme São Paulo pourraient connaître une épidémie au cours des prochaines années

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PESQUISA FAPESP ■ ÉDITION SPÉCIALE NOVEMBRE 2007/FÉVRIER 2009 ■ 55

Une maladie annoncéeInfection létale provoquée par un parasite d’une seule cellule, la leishmaniose viscérale se rapproche des villes brésiliennes

Les grandes villes brésiliennes sont menacées par l’arrivée d’une mala-die hautement létale, qui atteint chaque année près de 3 100 personnes dans le pays et provoque la mort de plus de 90 % d’entre elles en cas de traitement inadapté: la leishmaniose viscérale. Provoquée par un parasite d’une seule cellule – le protozoaire Leishmania chagasi, qui pénètre à l’intérieur des cellules de défense de l’organisme et dété-riore la rate, le foie et la mœlle osseuse –, la leishmaniose viscérale a

longtemps été considérée comme un problème exclusivement sylvestre ou limité aux zones rurales du Brésil. Plus maintenant.

Au cours des trois dernières décennies, les autorités sanitaires ont com-mencé à identifi er les premiers cas d’infection en milieu urbain, au départ dans le nord-est. À partir de là, et pour des raisons encore mal comprises, la leishmaniose viscérale s’est urbanisée et a envahi le pays: elle a atteint les villes du nord, du centre-ouest et du sud-est. Elle s’est déjà propagée dans 20 des 26 états brésiliens – seule la région sud semble épargnée – et frappe aux portes des grandes villes et des villes moyennes. Elle menace des métropoles comme Rio de Janeiro et São Paulo qui, à l’image des villes médiévales fortifi ées, ne pourront peut-être pas contenir l’avancée de la maladie avec leurs murailles de maisons et de bâtiments.

Près de soixante-dix ans après avoir été décrit par le médecin Evandro Chagas dans la revue Science comme la cause d’une nouvelle forme de leis-hmaniose viscérale, différente de celle observée en Europe et en Inde, le pa-rasite Leishmania chagasi et l’insecte qui le transmet aux êtres humains au Brésil continuent de défi er les chercheurs et les autorités sanitaires publiques. Durant cette période, la population brésilienne alors majoritairement rurale jusqu’au début du siècle dernier est devenue urbaine – aujourd’hui, huit Brésiliens sur dix vivent en ville – et a migré d’une région à l’autre en quête de travail. L’apparition des villes a entraîné l’abattage de 30 % des forêts du pays, le milieu naturel du parasite de la leishmaniose présent sur des animaux comme le renard des savanes (Cerdocyon thous) et le renard chenu (Lycalopex vetulus), ainsi que de son vecteur, l’insecte Lutzomyia longipalpis.

Conséquemment, la maladie s’est propagée et le nombre de cas a augmenté. En 1985, le parasitologue de l’état du Pará Leônidas Deane (qui a intégré la commission dirigée par Chagas) a répertorié 8 959 cas de leishmaniose viscérale au Brésil depuis les premiers cas identifi és par Henrique Penna en 1932. Ce tableau s’est aggravé. Le Ministère de la Santé

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Publié en septembre 2008

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a enregistré 53 480 cas entre 1990 et 2007, dont 1 750 mor-tels. La leishmaniose viscérale est également devenue plus agressive. En 2000, elle tuait 3 personnes sur 100 porteuses de la maladie. Aujourd’hui, le nombre est passé à 7. Le mé-decin de santé publique Car-los Henrique Nery Costa, de l’Université Fédérale de l’état du Piauí (UFPI), met en garde: “Au cours des cinq prochaines années, il pourrait y avoir une épidémie dans la ville de São Paulo”. Professionnel chevron-né, Costa étudie la transmis-sion de la leishmaniose viscé-rale depuis près de 20 ans; il a analysé en détail les causes de l’épidémie qui a marqué l’ur-banisation récente de la ma-ladie: les 1000 cas enregistrés dans la ville de Teresina entre 1981 et 1985. Une épidémie suivie d’une autre pratiquement dix ans plus tard, avec plus de 1 200 cas.

Pendant que la capitale de l’état du Piauí (Teresina) traitait ses malades et tentait de comprendre les causes du problème, des villes à plus de 100 ki-lomètres de là – dont São Luís (Mara-nhão), Santarém (Pará), Montes Cla-ros (Minas Gerais) et Corumbá (Mato Grosso do Sul) – assistaient à l’émer-gence de la leishmaniose viscérale. “La maladie est apparue dans ces endroits de manière subite, sans cause défi nie”, souligne Costa.

D ans le centre-sud du pays, le scé-nario a été différent. Peu après l’augmentation des cas urbains de

leishmaniose viscérale à Corumbá (situé à l’ouest du Pantanal du Mato Grosso do Sul, à la frontière avec la Bolivie), la maladie a rapidement traversé l’état en direction de l’est. À la fi n des années 19990, elle avait déjà atteint Campo Grande, la capitale, et Três Lagoas, qui fait frontière avec l’état de São Paulo. Elle a suivi le chemin du gazoduc Brésil-Bolivie, qui emprunte le tracé du fl euve Tietê en direction de la ville de São Pau-lo, et celui de la route BR-262, qui relie Corumbá à l’état d’Espírito Santo. Des données constatées par l’équipe de l’épi-démiologiste Suely Antonialli de l’École de Santé Publique Jorge David Nasser de

Campo Grande, dans un article en 2007 dans le Journal of Infection.

Après Três Lagoas, elle a rapidement traversé le fl euve Paraná pour se pro-pager dans le nord-est de l’état de São Paulo en direction de la capitale. De-puis la détection de l’insecte en 1997, de la maladie sur des chiens en 1998 et du premier cas humain à Araçatuba en 1999, la leishmaniose viscérale s’est installée dans l’état et se répand silen-cieusement en suivant le trajet de la route Marechal Rondon (SP-300) – la principale voie d’accès entre l’état du Mato Grosso do Sul et la ville de São Paulo. Sur près de dix ans, le Centre de Surveillance Épidémiologique (CVE) de São Paulo a enregistré 1 258 cas dans 49 villes de l’état, et 112 décès.

D’après Vera Lucia Camargo-Neves, épidémiologiste et chercheuse au CVE, “dans l’état de São Paulo la maladie est en train de se déplacer de l’ouest vers l’est, et elle peut atteindre la capitale”. En analysant la dissémination de la leishmaniose viscérale, la chercheuse a constaté que chaque année le parasite avançait de 30 kilomètres vers São Pau-lo, transporté par un insecte d’à peine plus de 3 millimètres, aux pattes et aux ailes recouvertes de poils: le Lutzomyia longipalpis, ou phlébotome, connu au Brésil sous les noms de mosquito-palha, cangalha ou tatuquira.

Ces données montrent que tôt ou tard la maladie est susceptible d’atteindre la plus grande métropole d’Amérique du Sud, où vivent 19 millions de personnes. Le département de surveillance sanitaire a identifi é il y a deux ans un en-fant victime de leishmaniose viscérale à Vila Prudente, un quartier de São Paulo. Peu dif-fusé par le Secrétariat d’état à la Santé, le cas continue d’être analysé, car on ne sait pas enco-re comment il est apparu. Mais ce n’est pas le premier. Deux autres ont été détectés il y a de cela 30 ans par Lygia Iversson, alors chercheuse à la Faculté de Santé Publique de l’Université de São Paulo (USP). En mars 1979, Iversson a identifi é un porteur de leishmaniose vis-cérale à Diadema, dans la banlieue de São Paulo. Deux

années auparavant, elle avait également enregistré le cas d’un enfant de 2 ans qui n’avait jamais quitté la capitale.

Jusqu’à présent, les 3 cas n’ont pu être expliqués; l’insecte vecteur n’a été ren-contré dans aucune des 39 villes de la ré-gion métropolitaine de São Paulo, même si en 2002 des chiens contaminés par la Leishmania chagasi ont été découverts dans les villes de Cotia et Imbu. Dans les cas présents, d’autres espèces d’insectes du genre Lutzomyia, vecteurs du parasite Leishmania braziliensis, ont été capturées. Ce parasite est à l’origine de la forme la plus commune et la moins grave de la maladie: la leishmaniose cutanée, qui en-traîne des lésions et des ulcères d’aspect désagréable sur la peau. Luiz Jacinto da Silva, épidémiologiste et superintendant de la Sucen lorsque furent détectés les premiers cas dans l’état et qui continue de suivre le problème de près, déclare: “On suspecte l’insecte capturé dans la banlieue de São Paulo d’être une espèce qui ne transmet la leishmaniose qu’aux chiens. [...] Rien ne permet d’affi rmer avec certitude que la leishmaniose viscé-rale atteindra la ville de São Paulo”.

Même si elle n’atteint pas la capitale, la dissémination de la maladie dans des grandes villes et des villes moyennes comme Bauru (état de São Paulo) et Belo Horizonte (Minas Gerais) inquiète les autorités sanitaires. Plus le nombre de

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L’heure du repas: Lutzomyia se nourrit de sang

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personnes vivant dans la région où se trouve le parasite et son vecteur est élevé, plus le risque d’attraper la maladie est grand. Et les trois principales mesures de contrôle adoptées il y a un demi-siè-cle – insecticides, élimination des chiens malades ou suspectés d’être infectés et traitement des cas humains – n’ont jusqu’à présent pas permis d’empêcher l’expansion de la maladie. D’après Costa, “la leishmaniose viscérale tue près de 200 personnes par an, plus que la dengue et la malaria réunies, et elle est plus diffi cile à contrôler que ce que l’on pensait”.

O n soupçonne les migrations inter-nes – en particulier du nord-est vers le sud-est – d’avoir favorisé la

dissémination de la leishmaniose viscé-rale dans le pays. Néanmoins, d’autres facteurs peuvent avoir collaboré au pro-cessus. Vivant au Brésil depuis 43 ans, le parasitologue anglais Jeffrey Jon Shaw étudie le cycle de vie des protozoaires du genre Leishmania et de ses vecteurs. Il pense que l’insecte vecteur de la leis-hmaniose viscérale s’est très bien adapté aux villes: “Nous sommes en train de créer des environnements propices à la prolifération du vecteur, comme l’humi-dité et les aliments en grande quantité”. Shaw est professeur retraité de l’USP et actuellement chercheur de la Fondation Tropicale de Recherche et de Technologie André Tosello, de Campinas.

Il n’est pas encore possible d’identi-fi er un modèle de dissémination pour toutes les zones du pays. On ne sait pas si les populations d’insectes qui se trouvent aujourd’hui à la périphérie de plusieurs villes existaient déjà avant où si elles ont migré vers des régions où la végétation est mieux préservée. Shaw croit aux deux possibilités: “À Belo Horizonte, il est quasiment certain qu’il y a eu une invasion de moustiques à la périphérie, mais dans d’autres états il est possible que les populations qui vivaient dans les forêts bordant les fl euves se soient propagées”, observe le chercheur qui étudie la dynamique des populations de Lutzomyia à São Paulo, Mato Grosso do Sul et Pernambuco.

Costa, de l’UFPI, pense différem-ment. Pour lui, la dissémination de l’insecte vecteur de la maladie est as-sociée à l’utilisation d’arbres exotiques tels que les acacias, aux petites feuilles et aux fl eurs jaunes, dans les projets

Lax resinannn especial utilizada en la fabricación de hilos y fi brnn de colchonesA côté du danger: le nombre élevé de chiens augmente le risque de transmission

d’urbanisation des villes. Ses soupçons ne sont pas sans fondement. À l’époque de la première épidémie dans les années 1980, la ville de Teresina avait planté de nombreux acacias. Au même moment, le Soudan connaissait une épidémie dé-vastatrice qui allait causer la mort de 100 mille personnes. Or, les familles at-teintes vivaient principalement sous des

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bosquets d’acacias, une source possible de nectar pour les insectes. D’autres in-dices montrent que le nectar de certai-nes plantes favorise la prolifération des parasites dans l’intestin des insectes.

Il faut encore prouver scientifi que-ment qu’il s’agit effectivement de cela au Brésil. Mais il est certain que la réduc-tion des zones de végétation naturelle

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58 ■ ÉDITION SPÉCIALE NOVEMBRE 2007/FÉVRIER 2009 ■ PESQUISA FAPESP

a amené les insectes à s’adap-ter aux parcs et aux jardins des maisons, fréquents en province. À la différence du moustique de la dengue (Aedes aegypti) qui a besoin d’eau pour se re-produire, la femelle du Lutzo-myia longipalpis pond sur des surfaces humides comme les pierres et les feuilles en contact avec le sol. Après l’éclosion des œufs, les larves se nourrissent de matière organique rencon-trée sur le sol pour ensuite se transformer en insectes adultes. Dès que les ailes et le reste du corps sont formés, les adultes se nourrissent du nectar des plantes et se posent, toujours avec les ailes en mouvement, sur des zones humides et om-bragées. Les femelles partent en fi n de journée en quête du sang nécessaire pour y déposer leurs œufs. Elles effectuent des vols courts, sautillants et piquent les parties découvertes du corps.

La piqûre est douloureuse. Quand elle pique, la femelle pratique une petite incision sur la peau pour y injecter de la salive et des substances qui augmentent le calibre des vaisseaux sanguins et empêchent la coagulation du sang. Pendant qu’elle se nourrit, elle régurgite les formes du parasite qui ne se reproduisent que dans son appareil digestif. Une découverte récente montre qu’une fois dans le sang le parasite pro-fi te du mécanisme d’action du système de défense et se cache avant d’envahir d’autres cellules et de se reproduire.

L’équipe de David Sacks, des Insti-tuts Nationaux sur la Santé des États-Unis, a placé des femelles de l’insecte Phlebotomus duboscqi – vectrices de la Leishmania major, capable d’infecter des animaux de laboratoire – sur l’oreille de souris pour qu’elles se nourrissent. Avec un microscope permettant de montrer des images des tissus d’animaux vivants, ils ont accompagné le combat contre les parasites. Dès que le système im-munologique des rongeurs identifi e l’invasion, les neutrophiles ou cellules de défense se déplacent vers la région de la piqûre. En un peu plus d’une demi-heure, les neutrophiles ont déjà englobé la plus grande partie des pa-

rasites et essaient de les détruire avec un bain d’enzymes digestives. Comme ils ne vivent que quelques heures, les neutrophiles sont ensuite digérés par d’autres cellules de défense: les macro-phages, qui sont en quelque sorte une équipe de nettoyage.

Les chercheurs ont remarqué qu’après la mort des neutrophiles les parasites vi-vants se rapprochaient des macrophages, les cellules dans lesquelles ils s’installent et se reproduisent. Dans un article pu-blié le 15 août dans Science, l’équipe de Sacks a nommé cette stratégie “cheval de Troie”, en référence à la tactique utilisée par les Grecs et racontée par Homère pour franchir les murailles de Troie. Tout indique que cette manœuvre per-met au Leishmania chagasi de pénétrer dans les macrophages de l’être humain et d’autres mammifères pour abîmer le foie, la rate et la mœlle osseuse, affaiblis-sant le système de défense et provoquant les symptômes typiques de la leishma-niose viscérale: fi èvre intermittente qui dure plusieurs semaines, gonfl ement de la rate et du foie, perte d’appétit et af-

faiblissement. Selon Costa, “les médecins doivent être attentifs à ces symptômes dans tout le pays. [...] Si le patient présente une fi èvre prolongée sans rai-son apparente, une pâleur et une augmentation de la rate, il faut demander un examen de la mœlle osseuse pour éliminer la suspicion de leishmaniose”.

Du point de vue de la santé publique, on tente de contrôler la population du phlébotome en appliquant l’insecticide deltaméthrine sur les foyers de leishmaniose. Mais même cette mesure, aujourd’hui à la charge des municipalités, n’est pas toujours effi cace. L’insec-ticide a une durée d’action de trois mois et il doit être appli-qué sur les maisons mur après mur. Néanmoins, les insectes ne meurent pas toujours. Par-fois ils tombent simplement par terre pour se relever un peu plus tard et reprendre leur vol. D’après Vera Camargo, “on ne sait pas encore comment appli-quer l’insecticide de manière à ce qu’il atteigne un plus grand nombre d’insectes”.

L’arrivée du phlébotome dans les vil-les s’est accompagnée d’un facteur ag-gravant. En plus de l’ombre et de la terre fraîche des jardins, l’insecte a rencontré une formidable source de sang que les personnes aiment avoir auprès d’elles: le chien. Ce dernier attrape facilement la maladie et devient aussi malade que ses propriétaires.

Pour contrôler l’avancée de la leis-hmaniose, le Ministère de la Santé pré-conise l’élimination des chiens infectés. Polémique, cette mesure utilisée isolé-ment n’est pas pour autant suffi sante. Dans plusieurs états, la population de chiens est élevée – à São Paulo, on compte un chien pour 4 habitants, alors que l’Organisation Mondiale de la Santé estime que le nombre idéal est de un pour dix – et le taux d’infection atteint 20 % des animaux dans certaines muni-cipalités. D’autre part, les propriétaires des chiens ont du mal à faire sacrifi er leur fi dèle compagnon. Maria Cecília Luvizotto, vétérinaire de l’Université de l’état de São Paulo (Unesp) à Araçatuba, a identifi é le premier chien infecté en

Leishmania chagasi: forme rencontrée dans l’insecte (en haut); ci-dessus, forme (points foncés) qui s’installe dans les macrophages

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1998: “Les personnes ne donnent leur chien que quand elles découvrent que quelqu’un du voisinage est mort de leis-hmaniose viscérale”.

Des études menées dans différentes villes indiquent que près de la moitié des chiens identifi és comme étant porteurs de la leishmaniose sont éliminés. Des vétérinaires et des groupes de défense des animaux critiquent la stratégie car ils estiment que les tests diagnostiques ne sont pas toujours fi ables. Pour la parasitologue Célia Gontijo de la Fon-dation Oswaldo Cruz (Fiocruz) à Belo Horizonte, “le test ne permet pas de distinguer la leishmaniose viscérale de la leishmaniose cutanée, ni de savoir si le chien a été vacciné contre la mala-die. [...] Le test peut aussi suggérer que l’animal est atteint de leishmaniose alors qu’en réalité il souffre de maladies cu-rables, comme la babesia canis.

Pour tenter de réduire les erreurs, Olindo Martins Filho et Renata Andrada (membres de la Fiocruz de l’état du Mi-nas Gerais) ont développé un test qui permet de différencier le résultat positif provoqué par l’infection de celui causé par le vaccin – un travail décrit en 2007 dans la revue Veterinary Imunology and Immunopathology. Actuellement, ils es-saient de l’utiliser pour distinguer la for-me viscérale de la cutanée. Célia Gontijo a elle-même obtenu des résultats plus précis que ceux des tests traditionnels en utilisant la technique de réaction en chaîne par polymérase (PCR), qui iden-tifi e l’ADN du parasite. D’autres grou-pes testent l’emploi de colliers de chiens avec de la deltaméthrine, qui éloignerait les insectes pendant plusieurs mois. Le collier coûte environ 20 euros et doit être changé de temps en temps. Richard Reithinger, de la Fiocruz de Minas Ge-rais, a comparé en 2004 l’utilisation du collier et l’euthanasie. Il a démontré que l’utilisation du collier était une alterna-tive viable si les personnes l’utilisaient correctement.

À l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ), l’équipe de Clarisa Palatnik de Souza a développé un vac-cin sur la base d’antigènes du parasite, qui n’est utilisé que dans les cliniques privées. Le vaccin a reçu l’agrément du Ministère de l’Agriculture en 2003, mais le Ministère de la Santé – responsable du contrôle de la leishmaniose – n’a pas encore autorisé son utilisation comme

mesure de protection préventive en masse. La principale critique à l’encon-tre du vaccin est qu’il n’aurait été testé que sur de petits groupes d’animaux. Mais la décision des autorités sanitaires est désormais susceptible de changer de-puis la publication de tests plus récents dans le numéro d’août de Vaccine. Cla-risa Palatnik de Souza a suivi pendant deux ans deux groupes de chiens (550 vaccinés et 588 non vaccinés) à Andra-dina, une ville de la province de l’état de São Paulo où la leishmaniose viscérale est endémique. Le vaccin a protégé les animaux dans 99 % des cas.

C ertains spécialistes voient dans le vaccin préventif une issue pour protéger les chiens, vu que le Mi-

nistère de la Santé a interdit en juillet dernier l’utilisation de médicaments humains pour traiter la leishmaniose ca-nine. Néanmoins, il faut rester prudent. Bien qu’ils aillent cliniquement mieux, les chiens ne sont pas guéris et peuvent continuer à transmettre le parasite aux insectes qui les piquent. D’autre part, le risque est que le traitement favorise la sélection de souches du Leishmania chagasi résistantes aux médicaments humains – antimoine pentavalent, am-photéricine B et pentamidine.

Après des décennies sans nouveaux composants pour traiter les êtres hu-mains, une étude publiée en juin dans PLoS Neglected Tropical Diseases montre une avancée importante. À l’Université de São Paulo (USP), les parasitologues

> Articles scientifiques

1. CHAGAS, E. Visceral leishmaniasis in Brazil. Science. v. 84 (2183), pp. 397-398. 30 août. 1936.2. PETERS, N.C. et al. In vivo imaging reveals an essential role for neutrophils in leishmaniasis transmited by sand flies. Science. v. 321. pp. 970-974. 15 août. 2008.

Evandro Chagas: analyse de cas en 1936, dans l’état du Pará

Silvia Uliana et Danilo Miguel ont prouvé que le tamoxifène, utilisé dans le traitement et la prévention du cancer du sein, est effi cace dans la lutte contre l’infection par Leishmania amazonensis sur des souris. Désormais ils prévoient de répéter les tests contre la Leishmania chagasi sur des hamsters, avant d’évaluer les effets sur un petit nombre de patients. L’avantage du tamoxifène sur les médica-ments nouveaux est que son mécanisme d’action est déjà connu et que son inno-cuité a déjà été prouvée. “Malgré tout”, affi rme Silvia Uliana, “il faut compter encore trois années d’études”.

Parmi les composants testés contre la leishmaniose, au moins l’un d’eux a été entièrement développé au Brésil par le réseau de recherches Farmabra-silis: le P-MAPA, sigle de l’anhydride polymérique phospholinoléate de magnésium et ammonium protéique. Les tests menés au Brésil et aux États-Unis ont montré son effi cacité contre la bactérie Listeria monocytoges, dont le mécanisme de survie dans l’organisme est similaire à celui des protozoaires du genre Leishmania. ■

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60 ■ ÉDITION SPÉCIALE NOVEMBRE 2007/FÉVRIER 2009 ■ PESQUISA FAPESP

Manuel d’urgenceÉCOLOGIE

Des cartes définissent les mesures à prendre pour protéger la végétation native, restaurer les zones dégradées et développer la recherche environnementale à São Paulo

Carlos Fioravanti

Préparez-vous à certaines surprises. À moins de 300 kilomè-

tres de la capitale de l’état le plus industrialisé du pays et sym-

bolisé par une métropole bruyante, des gens stressés et des

champs de canne à sucre s’étendant à perte de vue dans les

plaines de province, vivent encore des jaguars et des pumas.

On trouve également des cerfs du pantanal et des jaburus sur

les terres inondées à l’ouest, parmi les arbres novateiros les

troncs remplis de fourmis et les buritis, de grands palmiers

élégants. Au Sud-ouest se trouve une forêt où poussent en

abondance inexplicable des pitangueiras, des jabuticabeiras,

des cambuís, des araçazeiros, des uvaias et d’autres arbres de

la famille des myrtacées, ainsi que des plantes moins connues

comme les gabirobeiras et les piúnas, qui au printemps et en

été nourrissent les oiseaux et les singes grâce à leurs fruits

succulents et charnus, formant un immense verger parfumé.

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Publié en novembre 2007

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Jaguar: sa mauvaise réputation est dueaux attaques de troupeauxnon protégés car son propre environnementne lui offre plus la nourriture nécessaire

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Les biologistes ont décidé de nous faire profi ter de ces raretés. 160 cher-cheurs du Programme Biota Fapesp, en partenariat avec le Secrétariat à l’Envi-ronnement, ont élaboré 3 cartes générales et huit autres thématiques considérant chaque groupe d’animaux et de plantes, pour montrer la richesse ou les zones détruites de forêts et du Cerrado (savane arborée) paulistes, comme mentionné sur l’affi che de cette publication ou sur le site www.biota.org.br/info/wap2006). Ces cartes sont le fruit de près de 10 ans de recherches et devront orienter le tra-vail de préservation et d’agrandissement des forêts qui contiennent la vraie vie sauvage de cet état. Les quelques restes de végétation forment des environnements très variés, comme les forêts humides du littoral qui rappellent l’Amazonie et les forêts sèches de l’intérieur qui ressem-blent à la Caatinga (forêt épineuse) du Nordeste brésilien.

Ces cartes ont été élaborées grâce à une étude portant sur la répartition de 3.326 espèces de plantes et d’animaux, considérées stratégiques pour préserver les espaces naturels de l’état. Ces cartes, appelées Directives pour la Préservation et la Restauration de la Biodiversité de l’état de São Paulo, proposent deux li-gnes d’action simultanées. La première concerne la création de 10 à 15 unités de préservation et de protection intégrale dans des zones possédant une grande ri-chesse biologique et indiquées sur l’une des cartes. C’est le cas d’une zone exu-bérante de Forêt Atlantique située entre trois parcs nationaux aux alentours de la commune d’Itapeva, dans le sud de l’état, et qui appartient aujourd’hui à des particuliers. La serra do Japi est une région également menacée par l’expan-sion des villes proches de la capitale et elle est stratégique car elle pourrait re-lier les forêts légalement préservées de la serra da Mantiqueira avec celles du sud de l’état de Minas Gerais.

Ces nouvelles zones d’environ 25 mille hectares pourraient s’ajouter aux 800 mille hectares déjà préservés dans 28 unités de préservation intégrale (100 hectares représentent 1 kilomètre carré). Cependant, cette possibilité est diffi cile-ment réalisable car la préservation des forêts est onéreuse et prend du temps. En effet, l’état devrait acheter les terres privées et indemniser les habitants lo-caux avant d’implanter et de gérer ces

nouvelles zones. La deuxième alternative proposée dans la deuxième carte géné-rale pourrait être plus rapide. Il s’agi-rait d’inciter les propriétaires terriens à protéger les forêts se trouvant sur leurs propriétés. “Si tous les propriétaires ru-raux respectaient la loi qui les oblige à préserver 20 % de la végétation native, il y aurait déjà une croissance monu-mentale des zones vertes”, déclare Marco Aurélio Nalon, vice-directeur général de l’Institut Forestier et l’un des coordon-nateurs de ces travaux. Les zones actuel-les de forêts natives, appelées Réserves Légales, représentent environ 10 % des propriétés rurales de l’état.

“Pour prendre les bonnes décisions et choisir les zones qui devront se trans-former en Réserves légales nous avons besoin d’informations précises”, déclare Helena Carrascosa von Glehn, ingénieur agronome qui coordonne les équipes de contrôle environnemental et de préser-vation des ressources naturelles dépen-dant du Secrétariat à l’Environnement. “Maintenant nous pourrons mieux travailler car nous aurons davantage d’arguments”. Son équipe est composée de 320 techniciens qui collaborent avec les 2.200 policiers chargés du contrôle

environnemental et pourra enfi n ex-pliquer aux fermiers et aux éleveurs les plus entêtés ce qu’ils ont légalement le droit de faire sur leurs propriétés grâce à la carte des zones prioritaires desti-née à la création de réserves privées à préserver ou à restaurer. Les couloirs écologiques pourront ainsi augmenter d’environ mille hectares en reliant les restes de forêts comme cela est proposé dans une des cartes de synthèse.

Les cartes deviendront ainsi un type de Constitution Verte qui devra être éga-lement adoptée par d’autres Secrétariats pour que les projets de construction de routes ou de lignes électriques, par exemple, soient refusés par le Secrétariat à l’Environnement s’ils venaient à ne pas respecter les recommandations de la carte. La Chambre de Compensation Environnementale oblige également les entrepreneurs à investir 0,5 % du mon-tant total des ouvrages préjudiciables à l’environnement dans des unités de préservation. “Les cartes seront la base de toute la planifi cation stratégique en-vironnementale de l’état”, souligne le biologiste Carlos Alfredo Joly, professeur à l’Université Publique de Campinas (Unicamp) et premier coordonnateur du Programme Biota-FAPESP.

Carlos Alfredo Joly déclare qu’il se bat depuis dix ans pour utiliser des in-formations scientifi ques au profi t d’une gestion environnementale. Ce combat a démarré avec le secrétaire d’état à l’en-vironnement de l’époque, Fábio Feld-mann, mais sans grands résultats car la connaissance sur la diversité des plantes et des animaux de l’état était très limi-tée et les chercheurs et les organismes de gestion ne parvenaient pas à défi nir les priorités et le rythme de travail à adop-ter. À partir du mois de mars 1999, les chercheurs paulistes du Programme Bio-ta-FAPESP ont commencé à remplir ces lacunes et à transformer la base de don-nées qu’ils utilisaient en outil permettant de formuler et d’améliorer les politiques publiques de l’état de São Paulo.

Cependant, beaucoup de forêts ont disparu. “De nombreuses zones naturel-les sont toujours détruites par le feu, par l’exploitation du bois ou pour la chasse et sont souvent oubliées car elles sont trop petites ou trop isolées”, souligne Ricardo Ribeiro Rodrigues, coordon-nateur actuel du Biota et professeur à l’Université de São Paulo (USP) à Piraci-

Le Cerrado,

beaucoup moins

protégé que

la Forêt Atlantique

et éparpillé

en milliers de

fragments,

est l’environnement

le plus dégradé

à São Paulo

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Fruits de palmier dans des restinga (bosquets longeant l’océan) du littoral sud pauliste où les biologistes recommandent davantage de préservation légale

caba. “Nous devons modifi er cette situa-tion”. La végétation naturelle, détruite principalement durant deux siècles par l’expansion des caféiers et la croissance des villes, ne couvre plus actuellement que 13,9 % du territoire pauliste, soit 3,5 millions d’hectares, desquels 77 % ap-partiennent à des propriétaires privés et 23 % à l’état. Les forêts natives devraient couvrir environ 20 % du territoire pau-liste pour que l’on puisse préserver non seulement la biodiversité mais un aspect qui intéresse de près les habitants des villes et les services environnementaux : l’approvisionnement en eau.

L ’absence de forêts entraîne un ré-chauffement. C’est pour cette rai-son que la région située au nord-

est de l’état entre les rivières Tietê et Grande est la plus désertique, avec moins de 5 % de couverture végétale native, elle est également la plus chau-de et la plus sèche. Il s’agit du désert pauliste qui n’est cependant pas tota-lement exempt de biodiversité. Dans un petit ruisseau longeant des restes de végétations dans la commune de Planalto, l’équipe de Lilian Casatti, du laboratoire d’ichtyologie de l’Univer-

et ouest de l’état selon les données de la troisième carte de synthèse qui dé-fi nit les priorités d’études des équipes de chercheurs du Programme Biota et des instituts de recherche du Secrétariat à l’Environnement.

Les environnements naturels de l’état sont également très contrastés. Jusqu’à présent, un seul type de Forêt Atlantique, appelée ombrophile tropicale, est encore biologiquement bien représentée dans des zones étendues préservées et qui possèdent une structure raisonnable en matière de parcs et de contrôle environ-nemental, principalement situées le long du littoral. Ce n’est pas le cas du Cerrado, à l’intérieur de l’état, qui échappe aux lois en matière de préservation environ-nementale, et qui est éparpillé en milliers de fragments entre les différentes pro-priétés privées. L’un de ces fragments, situé dans la Station Écologique de Jataí, a une superfi cie de plus de 2 mille hec-tares. Le Cerrado est l’environnement naturel qui a le plus souffert car il n’en reste plus que 7 %, soit moins de 1 % de la superfi cie de l’état.

Cette fragmentation qui isole les po-pulations d’animaux, de plantes et em-pêche la dispersion de semences, n’est

sité Publique Pauliste (Unesp) à São José do Rio Preto, a découvert pour la première fois dans la région l’espèce Tatia neivai, un poisson-chat coloré de 4 centimètres de long qui vit entre les troncs et les branches qui jonchent le bord des rivières. Dans un étang près d’une forêt entourée de champs de canne à sucre de la commune d’União Paulista, une autre équipe de l’Unesp coordonnée par Denise Rossa-Feres a également découvert pour la première fois une grenouille singe (Phyllomedusa azurea). “En une seule nuit, j’ai détecté 14 espèces de crapauds et de grenouilles qui coassaient en même temps, juste après les premières pluies d’octobre”, déclare-t-elle. Il y a de nombreuses lacunes en matière de connaissances scientifi ques dans la région nord-est

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fl ore et de la faune de l’état regroupant 1 200 chercheurs. Il a ensuite expliqué que le regroupement de ces informations favoriserait la formulation de politiques environnementales et la mise en œuvre de stratégies de préservation des restes de végétation en partenariat avec le Se-crétariat à l’Environnement. “Pour le moment, les priorités du Secrétariat à l’Environnement correspondent à celles des chercheurs”, déclare Vera Lúcia Ra-mos Bononi. Le Secrétaire à l’Environ-nement a analysé les cartes défi nitives quatre mois plus tard, le 3 octobre, et a été surpris par la richesse des détails. Enthousiasmé par ces cartes, il a aussitôt promulgué une mesure suspendant la concession d’autorisations en matière de déforestation, à partir de septembre et pour une durée de 6 mois. Graziano a présenté publiquement ces cartes le 10 octobre et a déclaré que son inten-tion était de réorganiser les procédures d’autorisation. “Les zones les plus me-nacées doivent bénéfi cier de lois plus

Les priorités à adopter et les lacunes scientifi ques à surmonter ont clairement été identifi ées grâce à la coordination de Joly et de son successeur, Ricardo Rodrigues, de différents chercheurs comme Vera Lúcia Ramos Bononi, di-rectrice de l’Institut de Botanique qui connaît bien les méandres du Secrétariat à l’Environnement pour y avoir débuté comme stagiaire en 1968. Comme elle connaissait les plans de l’équipe du Biota en matière de sélection de zones priori-taires, de préservation et de restauration de la biodiversité de l’état, elle a proposé que Ricardo Rodrigues se charge de la coordination du Biota, lors d’une réu-nion le 5 avril 2008. À cette occasion, Francisco Graziano Neto, nouveau Se-crétaire à l’Environnement, a présenté le programme de recherche qui sera utilisé durant sa gestion. Comme l’une des priorités concernait l’étude de la biodiversité pauliste, Ricardo Rodrigues a décrit le programme Biota en expli-quant qu’il s’agissait d’un relevé de la

qu’une des menaces pour la survie du Cerrado pauliste. Une analyse portant sur 81 fragments et menée par Giselda Durigan et Geraldo Franco, de l’Institut Forestier et par Marinez Siqueira, du Centre de Référence d’Information En-vironnementale (Cria), a mis en éviden-ce d’autres dangers, principalement aux abords des routes et des villes, comme les graminées invasives et le feu qui sont plus nuisibles à l’environnement que la croissance des plantations de canne à sucre et l’exploitation du bois. Il n’y a pas que le Cerrado qui mérite une atten-tion toute particulière. Il faut également protéger deux environnements côtiers menacés par la création de parcelles destinées à l’habitat et appelés restinga (bosquets longeant l’océan) et la man-grove, alerte Kátia Pisciota, technicienne du secteur de préservation environne-mentale de la Fondation Forestière. Ces cartes lui serviront d’arguments pour accélérer la création de réserves natu-relles dans des propriétés privées.

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L’Inventaire deviendra une référence pour les organismes publics de contrôle environnemental. Dès leur publication en 2005, ces cartes ont montré un assè-chement des rivières paulistes dû à la perte des forêts ciliaires, élevant le risque de pénurie d’eau dans les villes et pour les cultures. Elles ont également favorisé l’identifi cation de zones déboisées ou qui utilisent des engrais et dont les eaux alimentent l’aquifère Guarani dans la commune de Ribeirão Preto.

L es problèmes ont commencé quand il a fallu établir la richesse biologi-que et les priorités à adopter pour la

préservation des zones citées dans l’in-ventaire. Les biologistes se sont organi-sés en groupes de travail sur les pois-sons, les mammifères, les reptiles et les amphibies, les arachnides et les insectes, les paysages, les cryptogames (plantes sans fl eurs) et les phanérogames (plan-tes avec fl eurs). Les chercheurs se sont ensuite basés sur leurs collectes, celles d’autres équipes, les informations du SinBiota, la banque de données du Biota, et d’autres données de banques scientifi ques de l’état de São Paulo. Ils ont ainsi réuni environ 220 mille fi -chiers, y compris ceux qui avaient été enregistrés depuis plusieurs décennies. En consultant cette banque d’informa-tions, beaucoup de noms scientifi ques étaient faux, de nombreuses plantes communes étaient désignées comme appartenant à des espèces rares et il y avait un surplus d’informations géné-rales anciennes qui n’indiquaient que le lieu de la collecte. De nombreuses plan-tes semblaient avoir été cueillies hors de l’état de São Paulo en fonction des limitations techniques liées au man-que de précision des appareils calculant les coordonnées géographiques et qui fonctionnent mal en forêt. En fait, on a exploité moins d’informations qu’on ne le pensait.

Les efforts réalisés pour fi ltrer et or-ganiser ces informations se sont inten-sifi és après la réunion du mois d’avril et ont mobilisé les équipes de l’Institut Forestier, de l’Institut de Botanique, de l’USP, de l’Unicamp, de l’Unesp et de l’ONG Préservation Internationale. Le Professeur Nalon, physicien de for-mation qui travaille depuis 15 ans sur les cartes de géotraitement de l’Institut Forestier, a regroupé les informations

de chaque groupe de travail sur la végé-tation, les bassins hydrographiques, les villes et les routes et les a incluses dans les cartes. Le professeur d’Écologie de l’USP, Jean Paul Metzger, a réuni envi-ron 100 mille échantillons de végétation native de l’état en essayant de découvrir le type de végétation pouvant être relié aux autres, selon l’espèce, la taille et la proximité. Dans les coulisses, de jeunes chercheurs regroupaient sans relâche ces données afi n de les inclure aux car-tes. Milton Cezar Ribeiro, Giordano Ciocetti et Leandro Tambosi, de l’USP, ont travaillé sur les versions défi nitives de ces cartes, terminant 5 minutes avant que Metzger et Rodrigues ne présentent les résultats à un public de 150 person-nes dans l’auditorium du Secrétariat, le 10 octobre.

Cette rare collaboration entre la re-cherche scientifi que et l’intérêt public peut malheureusement être ruinée par de nombreux préjugés culturels. Pour de nombreux fermiers et éleveurs, les forêts n’ont aucune importance. En outre, de nombreuses personnes pensent que des animaux sylvestres comme les jaguars doivent être éliminés, car ils attaquent les vaches, les volailles et les chiens. “Les jaguars n’attaquent que les animaux maltraités, malades et non surveillés aux abords des forêts, car ils ne trouvent plus de nourriture dans leur propre environ-nement”, observe Beatriz de Mello Bei-siegel, chercheuse du Centre National de Recherche pour la Préservation des Prédateurs Naturels (Cenap), d’Atibaia. Quand les agriculteurs nous appellent effrayés pour nous signaler un jaguar, l’équipe du Cenap leur explique qu’ils peuvent adopter des précautions sim-ples en laissant par exemple une lumière allumée près du bétail ou en lançant des fusées quand la nuit tombe.

Cette étude est cependant excep-tionnelle car elle démontre que des spécialistes issus d’universités ou d’or-ganismes publics peuvent travailler ensemble à des objectifs communs au profi t de la société. “Les chercheurs ne comprennent pas toujours ce besoin urgent de réponses rapides”, déclare Helena von Glehn. “Ils doivent être rigoureux, perfectionnistes et, parfois, des informations sans valeur scientifi -que apparente peuvent s’avérer utiles pour résoudre les problèmes environ-nementaux urgents”. ■

Chasseurs dans le nord-ouest de

São Paulo en 1910. Le rythme intense

d’occupation du territoire n’a laissé

que 13,9 % de végétation native

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sévères. Les informations recueillies par les chercheurs sont devenues essentiel-les pour la gestion environnementale de l’état de São Paulo”, ajoute-t-il.

Les scientifi ques n’imaginaient pas les diffi cultés, les impasses et les confl its auxquels ils seraient confrontés entre les différentes réunions avec le secrétaire d’état. Le début a été tranquille. Les nouvelles cartes se basent sur l’Inven-taire Forestier de São Paulo, un relevé qui montre la répartition des 13,9 % restants de couverture végétale native dans l’état. Ces cartes sont mise à jour de manière continue et ce mois-ci une version plus détaillée ne concernant que les 27 communes littorales a été publiée.

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Plus de gens, moins d’arbres

GÉOGRAPHIE

Si les administrateurs et les tech-niciens du gouvernement fédé-ral décidaient de travailler de manière plus intense afin de contenir la déforestation, selon les vœux du président de la ré-publique exprimés au mois de

septembre à l’Assemblée Générale des Nation Unies, ils s’interrogeront peut-être sur les zones qu’ils devront prioriser car leurs équipes sont limitées et le pays est immense. Les communes du sud de l’état du Pará qui longent la route nationale Cuiabá/Santarém seraient un choix pos-sible. Il ne s’agit pas d’un choix hasardeux, mais de l’application d’un mécanisme de détection des transformations environne-mentales, appelé Indice des Dimensions Socioéconomi ques (IDS) et mis au point par des géo graphes de l’Université Fédé-rale de Minas Gerais (UFMG).

Cet indice regroupe des aspects so-cioéconomiques comme l’éducation, la santé et l’emploi, la croissance des villes, le rythme de l’activité économique et la transformation de l’espace. Quand l’ex-pansion de l’économie et des communes s’accélère, la précarité des conditions de vie et la migration des populations s’inten-sifi ent. Les indices IDS élevés représentent un risque élevé en termes de dommages environnementaux car le nombre de per-sonnes à la recherche d’un emploi ou d’un meilleur emploi augmente avec un impact direct sur la diminution des forêts.

Des zones à forte croissance popula-tionnelle et un indice IDS élevé pourraient faire l’objet d’une attention particulière car ils représentent des foyers potentiels de déforestation. C’est le cas d’Aripuanã dans

l’état du Mato Grosso, des communes proches de Santarém, dans l’état du Pará, du nord de Manaus en Amazonie, des ri-ves de l’Amazone et de la zone qui longe la route nationale Porto Velho/Manaus.

Pour l’élaboration de cet indice, Ri-cardo Garcia, Britaldo Soares-Filho et Diana Sawyer se sont rendus sur le terri-toire amazonien, région qui subit la pres-sion de différents groupes sociaux. La déforestation s’est maintenant transfor-mée en phénomène social qui possède différentes caractéristiques selon les mo-tivations locales. “La principale cause de la déforestation dans le sud de l’état du Pará est l’expansion de l’élevage, alors que dans l’état de l’Amapá c’est la crois-sance des villes”, déclare Garcia.

L’expansion de l’élevage avait été l’une des explications principales de la disparition des forêts depuis le début de l’occupation amazonienne, il y a environ deux siècles, mais seulement sur une échelle globale. Sur une plus vaste échel-le, quand chaque état est analysé séparé-ment, comme c’est le cas dans cette étude, la migration devient la principale cause de la disparition de la végétation native. “La migration explique en grande partie la déforestation car elle précède l’expan-sion de l’agriculture et de l’élevage”, dé-clare Garcia. “Les personnes se rendent là où ils espèrent trouver un emploi”.

Entre 1995 et 2000, environ cinquan-te mille personnes ont quitté Belém, ca-pitale de l’état du Pará, ce qui démontre le potentiel migratoire de la population constaté dans d’autres capitales de la Ré-gion Nord. Manaus a vécu l’inverse en recevant 40 mille nouveaux habitants au cours de la même période, qui se sont ajoutés aux 1,4 millions d’habitants déjà établis, accentuant la transformation du D

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Détail de la nature équatoriale, huile sur toile de Joseph Leone Righini

Des chercheurs de l’état de Minas Gerais ont mis au point des indices pour détecter les zones les plus exposées à la déforestation en Amazonie

Publié en décembre 2007Carlos Fioravanti

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censements populationnels ou économi-ques. Quatre de ces variables concernent directement la déforestation. Plus la va-leur est élevée, plus le risque de dispari-tion de la forêt est grand. La première variable concerne la concentration dyna-mique populationnelle qui combine la population totale, la densité et le taux de croissance. La deuxième concerne le dé-veloppement économique, considérant le revenu brut de la commune et le vo-lume monétaire en circulation. La troi-sième concerne l’infrastructure agraire, considérant le revenu agricole, la zone cultivée et le nombre de tracteurs et de camions, par exemple. La quatrième a trait à la production agricole et de bois, considérant les zones occupées par les propriétés agricoles, l’élevage et l’exploi-tation du bois.

Seule la cinquième variable repré-sente une force capable d’éviter la dispa-rition des forêts. Il s’agit du développe-ment social, mesuré par des indices qui considèrent la durée de scolarité, le nom-bre de médecins, de dispensaires, de mai-sons desservies par le réseau des eaux et de rues éclairées. La logique est simple, davantage de confort et une meilleure infrastructure évitent la migration de ces habitants.

Cet indice explique également pour-quoi la forêt se transforme en zones

agricoles ou en pâturages. Selon les esti-mations de l’Institut National de Re-cherches Spatiales (Inpe), l’état du Mato Grosso est responsable de 48 % des dé-forestations sur les 26 mille kilomètres carrés déboisés ces dernières années. Les communes de cet état ont les indices IDS les plus élevés de la région.

Pour l’instant rien n’indique que l’IDS soit rapidement adopté par Brasi-lia, mais ce travail aura servi à d’autres recherches. Il a déjà servi de base pour la répartition de l’Amazonie en régions socioéconomiques, dans une étude plus large publiée par la revue Nature en mars 2006. Cette étude révèle que la moitié de la forêt pourrait avoir disparu en 2050, remplacée par des pâturages, des plantations, et des villes. Elle met en garde sur le besoin d’ajustement en ma-tière de politique environnementale. Les zones préservées ne sont peut être plus suffi santes pour sauver la forêt et préser-ver le cycle des pluies dans les grandes villes de la Région Sudeste. ■

paysage naturel dans les espaces urbains. Selon cette étude, plus la population est importante, plus l’impact environne-mental est fort.

Cette logique explique pourquoi les centres urbains amazoniens les plus in-fl uents (les capitales, que les auteurs de cette étude appellent macropoles) ont les indices IDS les plus élevés et ne possèdent plus que quelques forêts éparses. Ces neuf macropoles (São Luís, Cuiabá, Por-to Velho, Rio Branco, Manaus, Boa Vista, Belém, Macapá e Palmas) représentent les nœuds d’un réseau de 792 communes, régies également par 29 centres régio-naux et 48 micropoles, appelés ainsi en fonction de leur zone d’infl uence.

Comme les macropoles sont les com-munes les plus actives sur le plan écono-mique, elles sont le principal foyer de la déforestation. “L’expansion de l’agricul-ture et de l’élevage part et dépend des centres urbains qui fournissent la main d’œuvre, les outils, les entreprises frigo-rifi ques et le marché consommateur, qui se répandent à travers les routes et les voies fl uviales”, déclare Garcia. “Le cas du sud de l’état du Pará explique clairement comment les centres urbains ont un im-pact sur la déforestation”.

L’IDS, expliqué dans un article publié par la revue Ecological Indicators, utilise cinq variables obtenues au cours de re-

Vers de nouvelles terres

L’expansion du réseau urbain, les déplacements populationnels et l’indice des Dimensions Socioéconomiques permettent de détecter les zones de déforestation

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Densité de déforestation

Fronts de déforestation

Centres régionaux

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Limites nationales et d’état

SOURCE: RICARDO A. GARCIA, BRITALDO S. SOARES-FILHO E DIANA O. SAWYER/UFMG

> Article scientifique

GARCIA, R.A. et al. Socioeconomic dimensions, migration, and deforestation: An integrated model of territorial organiza-tion for the Brazilian Amazon Ecological Indicators. v. 7, n. 3, pp. 719-730, jul. 2007

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Le long voyage des rayons cosmiques

Carte du ciel montrant d’où viennent les 27 rayons cosmiques les plus énergétiques détectés par Pierre Auger (cercles blancs) et les Noyaux Galactiques Actifs les plus proches (astérisques rouges). L’astérisque blanc représente la galaxie Centaure A

PHYSIQUE

Le doute qui planait jusqu’à présent sur les rayons cosmiques a peut-être été résolu. Il y a près de 70 ans, le physicien français Pierre Auger a identifi é les particules les plus énergétiques de l’Univers qui, lorsqu’elles entrent en collision avec l’atmosphère terrestre, se désintègrent en milliards d’autres. Mais deux élé-ments d’apparence simples étaient restés sans réponse : la pro-venance de ces rayons et ce qu’ils sont exactement. Actuellement,

une équipe de 370 chercheurs de 17 pays – dont le Brésil – est en mesure de répondre à la première question (la seconde reste encore en suspens). Comme l’indique l’article paru dans la revue Science du 9 novembre, les rayons cosmiques les plus énergétiques doivent se former à proximité de trous noirs – gouffres de matière et d’énergie – rencontrés sur les noyaux galactiques actifs proches de notre propre galaxie, la Voie Lactée.

Les rayons cosmiques d’ultra-haute énergie naissent au milieu d’un mélange de particules électriquement chargées libérées par les trous noirs les plus actifs qui ont absorbé en grande quantité des gaz, de la poussière cosmique et des étoiles. Cette situation dantesque se passe sur des galaxies actives comme la galaxie Centaure A (la plus proche, située à 12 millions d’années-lumière de la Voie Lactée) ou sur d’autres qui peuvent se trouver jusqu’à 300 millions d’années-lumière – une distance relative quand l’on sait que l’Univers s’étend sur 13 milliards d’années-lumière. Les rayons cosmiques les plus énergétiques qui atteignent aujourd’hui la Terre peuvent s’être formés à la veille de la gigantesque extinction qui a fait disparaître 95 % des formes de vie sur notre planète (il y a 250 millions d’année), ou alors quand sont apparus les dinosaures (il y a près de 230 millions d’années).

Les physiciens de ce domaine s’intéressent peu aux rayons cos-miques de basse énergie. Ils sont plus ordinaires et d’origine encore

Publié en décembre 2007

Carlos Fioravanti

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et des scientifiques en quête d’informations sur leur provenance

plus incertaine, même s’ils peuvent interrompre la conversation sur un té-léphone portable ou le fi lm qui passe à la télévision quand ils se forment dans des explosions solaires plus intenses. Les rayons de ultra-haute énergie sont plus intéressants pour trois rai-sons : premièrement, ils sont chargés d’une énergie quasiment inconceva-ble, jusqu’à 60 x 1018 électron-volts (1 électron-volt, ou unité d’énergie des particules, correspond à l’énergie de l’électron, la plus petite particule élé-mentaire). Deuxièmement, ils sont très rares : un seul atteint la Terre par siècle et par kilomètre carré (si le nom de ces particules suggère qu’elles arrivent en faisceau, elles sont en réalité des voya-geuses solitaires). Troisièmement, ils peuvent permettre de voir le ciel d’une autre manière.

D’après Carlos Escobar, physicien, professeur de l’Université d’état de Campinas (Unicamp) et coordinateur de l’équipe brésilienne, “cet article de la revue Science ouvre aussi la voie à des études sur les objets célestes du point de vue des rayons cosmiques”. Depuis Ga- O

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lilée, les astrophysiciens ne se basaient que sur la lumière – d’abord seulement la lumière visible puis sur des longueurs d’onde variée, de l’infrarouge jusqu’aux rayons gamma – pour observer l’Uni-vers. Les rayons cosmiques pourraient aider à étudier dans un premier temps les phénomènes qui se produisent sur les centaines de galaxies actives, dont les noyaux émettent une quantité d’éner-gie mille fois supérieure à celle produite dans toute la Voie Lactée. Les noyaux de ces galaxies abritent très souvent des trous noirs de grande masse (des mil-lions de fois supérieure à celle du Soleil), qui absorbent tout ce qui se trouve aux alentours. Les rayons cosmiques d’ultra-haute énergie sont le fruit de cette vora-cité insatiable, un peu comme les miet-tes d’un pain mangé à la va-vite, avant d’être propulsés par les turbulences des champs magnétiques de l’espace.

Dans un travail publié récemment dans Nature, des physiciens du Japon, d’Irlande, d’Allemagne et des États-Unis ont signalé que les rayons cos-miques d’une énergie 10 000 fois plus basse que ceux présentés dans Science

pouvaient être accélérés par des explo-sions connues sous le nom d’étoiles supernovas, capables de libérer en peu de temps la même énergie émise par le Soleil en 10 billions d’années. Cette étude a confi rmé un phénomène prévu il y a plusieurs décennies par le physi-cien italien Enrico Fermi, mais qui ne répondait pas à la question de la pro-venance de ces particules.

L’équipe dont le Brésil a fait par-tie a réussi à découvrir l’origine des rayons cosmiques les plus énergétiques grâce au monumental Observatoire de Rayons Cosmiques Pierre Auger. L’observatoire s’étend sur 3 000 km², soit le double de la ville de São Paulo, dans une région semi-désertique à l’ouest de l’Argentine, près de la ville de Malargüe (20 mille habitants). Aujourd’hui considéré comme le plus grand ob-servatoire mondial en la matière, il a été imaginé en 1992 par le physicien nord-américain James Cronin, profes-seur de l’Université de Chicago lauréat du prix Nobel de Physique en 1980, et par l’écossais Alan Watson, de l’Univer-sité de Leeds (Angleterre). Devant la

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nécessité d’une coopération internatio-nale au vu des proportions que prenait le projet initial, ils invitèrent quelques collègues intéressés et chevronnés dans le domaine de la physique nucléaire à se joindre à eux pour en discuter en juin 1995. L’un des participants était le phy-sicien Escobar, à l’époque professeur de l’Université de São Paulo (USP).

L ors d’une réunion qui s’est tenue au siège parisien de l’Unesco en novem-bre 1995, Escobar, Ronald Shellard

(Centre Brésilien de Recherches Physi-ques, CBRF), Armando Turtelli (Uni-camp) et les Argentins Alberto Etche-goyen et Alberto Filevivch ont ardem-ment soutenu la possibilité de construire le nouvel observatoire en Argentine. “Ce fut un moment crucial”, raconte le phy-sicien Marcelo Leigui, alors participant à la recherche dans le cadre de son post-doctorat (Unicamp) et aujourd’hui pro-fesseur de l’Université Fédérale de l’ABC (UFBAC). “La participation brésilienne aurait été plus faible si l’Afrique du Sud ou l’Australie, les deux autres pays can-didats, avaient été choisis”. Offi cialisée le 17 juillet 2000 à l’Unicamp, la parti-cipation brésilienne s’est traduite par des investissements de près de 4 millions de dollars, sous la forme d’équipements achetés à des industries brésiliennes, de bourses de 3e cycle universitaire et de frais de voyage.

Les lecteurs de la revue ont pu ac-compagner les principaux moments

de la construction lente et laborieuse de l’observatoire Pierre Auger. En août 2000, l’article principal de la revue Pesquisa FAPESP révélait déjà les cou-lisses des négociations et le début de la construction. En avril 2002, un autre article décrivait la cadence des travaux : “À ce moment, dans un lieu qui rap-pelle très souvent la complexité d’une navette spatiale et la puissante structure d’une centrale hydroélectrique, des di-zaines d’ouvriers, de techniciens et de chercheurs travaillent intensément au montage des équipements de mesure des rayons cosmiques”.

40 des 1 600 détecteurs de surface Cerenkov étaient déjà opérationnels. Ces cuves, remplies de 11 000 litres d’eau ultra pure, captent le rayonne-ment bleuté produit quand un rayon cosmique entre en collision avec l’eau. Elles fonctionnent conjointement avec 24 télescopes à fl uorescence, qui enre-gistrent la lumière produite lorsque les rayons cosmiques se heurtent à l’atmos-phère. L’observatoire Pierre Auger a été le premier à intégrer les deux méthodes d’observation, jusqu’alors utilisées iso-lément dans des observatoires améri-cains et japonais plus petits.

L’ingéniosité de cette construction, déjà relatée dans un reportage d’août 2003, est également le fruit de la col-laboration d’entreprises de 19 pays. Du Brésil ont participé: Alpina et Ro-toplastyc, qui ont fabriqué les cuves Cerenkov; Schwantz, pour les lentilles

correctrices des télescopes; Moura, pour les batteries des panneaux solaires des détecteurs de surface. Le physicien Vitor de Souza raconte qu’il a appris “à dépasser les barrières de l’entende-ment entre la pensée universitaire et la pensée industrielle” au fur et à mesure qu’il participait à la construction et à l’installation des équipements.

La revue Pesquisa FAPESP a égale-ment accompagné l’arrivée des rayons cosmiques. Un article d’octobre 2005 faisait état de l’enregistrement de 3 000 particules, dont 20 étaient précieu-ses parce que situées dans le faisceau d’énergie le plus élevé. Cette année, les physiciens ont réuni les 27 particules d’une énergie supérieure à 57 x 1018 électron-volts enregistrées entre 2004 et 2007, et ils ont constaté qu’elles pro-venaient d’endroits spécifi ques, liés aux noyaux galactiques actifs proches de la

D’où viennent-ils?L’un des berceaux des rayons cosmiques, à 12 millions d’années-lumière: le noyau de la galaxie Centaure A, l’une des galaxies les plus proches de la Voie Lactée. Les particules les plus énergétiques de l’Univers peuvent venir de noyaux galactiques situés jusqu’à 300 millions d’années-lumière

La participation brésilienne> 18 chercheurs de 10 institutions de São Paulo, Rio de Janeiro et Bahia, ainsi que des étudiants de master, doctorat et initiation scientifique.> 5 entreprises: Alpina Termoplástico, Rotoplastyc Indústria de Rotomoldados, Equatorial Sistemas, Schwantz Ferramentas Diamantadas et Acumuladores Moura. > InvestissementsFAPESP: 2,5 millions de dollarsFinep/MCT: 1 million de dollars CNPq: 300 000 dollars FAPERJ: 200 000 dollars N

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Observatoire Pierre Auger

MODALITÉ

Projet thématique

COORDONNATEUR

CARLOS OURÍVIO ESCOBAR – Unicamp

INVESTISSEMENT

R$ 6.034.341,71 (FAPESP)

LE PROJET>

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Voie Lactée. L’hypothèse selon laquelle elles viendraient de la propre Voie Lac-tée ou de régions plus distantes (dans ce cas elles se répartiraient de manière homogène dans le ciel au lieu de se re-grouper conformément aux origines probables) a été écartée.

D ’après Escobar, “nous avons mon-tré qu’il est possible de mener un projet de grande ampleur avec un

budget inférieur à celui prévu initiale-ment”. Les investissements des 17 pays ont été de 54 millions de dollars, soit 6 millions de moins que ce qui était prévu et malgré les imprévus de toute sorte. “Nous avons beaucoup appris en termes de gestion de projets”. Les Brésiliens ont eux aussi réduit les dépenses. Il y a deux ans, Escobar a notamment décidé que tous les membres de l’équipe brésilienne cesseraient de prendre deux avions pour se rendre à l’observatoire Pierre Auger. Désormais, ils prennent un avion jusqu’à Buenos Aires puis un bus pour Malargüe, l’équivalent de 16 heures de voyage.

“Outre la connaissance acquise, nous apprenons à cohabiter avec différents rythmes et formes de travail”, observe Sérgio Carmelo Barroso. Aujourd’hui professeur de l’Université d’état du Sud-Ouest de Bahia (UESB), il s’est rendu dix fois sur place en un an pour mon-ter et tester les équipements. Et Souza d’ajouter: “J’ai appris comment on pro-jette, construit et teste un équipement, comment on analyse les données et

Où arrivent-ils?Cuve de 11 000 litres

d’eau pure de l’un des 1 600 détecteurs

du plus grand observatoire

de rayons cosmiques au monde: le premier

à avoir intégré deux méthodes

d’étude, les détecteurs de surface

(comme celui-ci) et les 24 télescopes à

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fi nalement comment sont extraits les résultats scientifi ques importants”. Ce dernier travaille depuis janvier dernier à l’Université allemande de Karlsruhe.

“Nous n’avons pas encore atteint nos objectifs”, s’inquiète Leigui. Il faut encore confi rmer si les rayons cosmi-ques de ultra-haute énergie sont vrai-ment des protons (un des composants du noyau atomique, presque 2 000 fois supérieur aux électrons) ou des noyaux d’oxygène, de carbone ou d’autre chose. “Nos résultats corroborent l’idée que les rayons cosmiques sont réellement des protons, de faible charge électri-que”, affi rme Escobar.

Avec ce travail, les physiciens testent la validité de certaines théories. En arri-vant sur la Terre, Les rayons cosmiques pourraient présenter une limite maxi-male d’énergie, ladite coupure GZK, proche de 60 x 1018 électron-volts, mais il faut encore confi rmer cette donnée. Selon Escobar, le seul fait d’avoir ob-tenu des corrélations avec des objets extragalactiques proches indique déjà que la coupure GZK fonctionne.

Comme la fi n d’un voyage peut marquer le début d’autres encore plus longs, l’équipe de l’observatoire Auger prévoit également de construire aux États-Unis une version similaire de l’observatoire argentin, qui pourra ré-véler d’autres secrets du ciel de l’hémis-phère nord. Dès qu’il entrera en fonc-tionnement, certes, c’est-à-dire d’ici à une dizaine d’années au moins. ■

Les rayons perdent de l’énergie avant d’atteindre la Terre*

* Actualisation des résultats de la recherche obtenus en 2008

En 2008, les physiciens de l’Observatoire Pierre Auger ont montré que les rayons cosmiques perdaient de l’énergie avant d’atteindre la Terre, en raison de leur interaction avec le rayonnement cosmique de fond – un résidu du Big Bang, la première explosion produite par l’Univers il y a 13,7 milliards d’années. Dans un article de la revue scientifi que Physical Review Letters du 8 août, les chercheurs ont pratiquement confi rmé l’existence de ladite coupure GZK. Selon cette théorie, en arrivant sur Terre les rayons cosmiques peuvent présenter une limite maximale d’énergie d’environ 5 x 1019 électron-volts (eV). Les rayons d’une énergie supérieure à cette valeur deviennent moins puissants avant d’arriver sur terre à cause de l’action du rayonnement cosmique. Ces données sont le résultat des mesures effectuées par l’équipe de l’observatoire, qui a enregistré très peu d’événements avec une énergie supérieure à 5,8 x 1019 eV.

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Plateforme P-34 et pétrolier dans le bassin de Campos

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INDUSTRIE PÉTROLIÈRE

L’exploitation du pétrole et du gaz sous les couches de sel au fond des océans crée une demande en connaissances et en technologies | Marcos de Oliveira

DES RECHERCHES MENÉES DANS DIFFÉRENTES SALLES DU BÂTIMENT D’INGÉNIE-RIE MÉCANIQUE DE L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE (POLI) DE L’UNIVERSITÉ DE SÃO PAULO SITUÉE DANS LA CAPITALE PAULISTE, VONT PERMETTRE DE RÉSOUDRE

le transport de gaz naturel. Ce dernier est exploité en profondeur sous la couche de pré-sel du bassin de Santos qui fait partie des nouvelles réser-ves pétrolières confi rmées par Petrobras à la fi n de l’année 2007. L’équipe du professeur Kazuo Nishimoto, coordonnateur du TPN (Cuves d’Essais Numériques), laboratoire spécialisé en hydrodynamique et équipé d’un groupe d’ordinateurs, met au point des systèmes de simulation du futur transvasement de gaz naturel des plateformes pétrolières vers les navires. Il s’agit d’une des possibilités examinées par Petrobras, l’autre option étant d’utiliser des gazoducs installés au fond des océans, mais il s’agit d’une solution onéreuse et diffi cile à mettre en œuvre car elle nécessite l’installation de conduites de gros diamètre sur de longues distances et dans un environnement marin. Le gaz sera transformé sur les platefor-mes pour passer d’un état gazeux à un état liquide afi n de faciliter son transport par des méthaniers. Il s’agit d’un dispositif qui fonctionnera en haute-mer à plus de 300 kilomètres de la côte à une profondeur de 2 200 à 3 000 mètres, dans un environnement hostile en proie aux va-gues, aux vents violents et à la pression qui compliquent l’ancrage et la stabilité des risers, des conduites reliant l’équipement au fond de l’océan et transportant le pétrole et le gaz jusqu’à la plateforme.

“Il n’y a encore aucun système fonctionnant en haute-mer transfor-mant le gaz en liquide. Le gaz naturel liquide (GNL) doit être maintenu à basse température dans un environnement cryogénique de basse pression. L’ensemble du dispositif et la conduite de transfert de la pla-teforme qui transvasera le gaz vers le navire devront être à une tempé-rature comprise entre moins 120 degrés et moins 160 degrés Celsius. La cuve devra également être réfrigérée. Cependant, quand le métal est soumis à de très basses températures il devient fragile et peut se fi ssurer”, déclare le professeur Nishimoto, du Département d’Ingénierie Navale et Océanique de la Poli. L’autre défi sera de réaliser des transvasements dans des situations critiques dues au mouvement de l’océan et des plate-formes. Ces dernières peuvent être semi-submersibles comme les barges

fl ottantes de production qui combinent les fonctions d’extraction, de traitement et de stockage, appelées FPSO (Floating, Production, Storage and Offl oading), et le navire GNL qui réagit différemment quand ses cuves sont pleines ou vides.

Le TPN intègre le secteur de déve-loppement de systèmes de Petrobras, produit des calculs et simule des situa-tions en utilisant les différentes varia-bles de l’environnement marin et des équipements utilisés. Ce laboratoire a été fi nancé en 2002 par Petrobras et par l’organisme de Financement d’Études et de Projets (Finep), qui dépend du Mi-nistère des Sciences et de la Technologie. Il comprend également des chercheurs de la Coordination des Programmes de 3e cycle d’Ingénierie (Coppe), de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ), du Groupe de Technologie et d’Informatique Graphique (Tecgraf), de l’Université Pontifi cale Catholique de Rio de Janeiro, de l’Université Publique de Campinas (Unicamp), de l’Université Fédérale d’Alagoas (Ufal) et de l’Institut de Recherches Technologiques (IPT).

L’exploitation du gaz naturel est l’un des défi s technologiques de Petrobras et d’autres compagnies qui collaborent également avec des chercheurs et des fournisseurs d’équipements. Ils mènent actuellement des recherches sur la pro-duction, l’extraction et le transport de

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Publié en octobre 2008

TECHNOLOGIE

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Couches d’eau, de terre et de selLe pétrole se trouve à plus de 6 kilomètres de profondeur. Des équipes de chercheurs de Petrobras, des scientifi ques et des fournisseurs cherchent à résoudre les diffi cultés rencontrées en termes de forage et d’extraction de gaz et de pétrole

Couche post-selCe sont des roches sédimentaires de calcaire et d’arénite formant une colonne de 2 kilomètres d’épaisseur. Dans le bassin de Campos, le pétrole se trouve dans cette couche.

Le volume d’eauC’est le premier défi à relever. Petrobras fore actuellement à 1,8 kilomètre de profondeur. Le gisement du bassin de Santos se trouve à 3 kilomètres de profondeur

Croûte salineElle s’est formée il y a environ 113 millions d’années au cours d’une grande évaporation de l’océan. Elle est solide et se compose de roches appelées tachyhydrite, halite et carnalite

Couche pré-selLe pétrole et le gaz sont mélangés dans les pores des roches carbonatées qui forment cette colonne et qui ont été créées il y a plus de 115 millions d’années

Les vannes, appelées arbres de noël, qui retiennent les conduites et qui sont fi xées au début du puits devront être plus résistantes

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RISERS

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SOURCE: COPPE/UFRJ

Danger salinIl y a un risque d’effondrement quand on fore un puits dans cette couche. Les équipes doivent donc être rapides pour poser le revêtement

ARBRES DE NOËL

PLATEFORME

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pétrole et de gaz réalisés dans des condi-tions inédites en fonction des cavités de gaz situées sous les couches de sel et constituées d’un ensemble de roches so-lides d’environ 2 kilomètres d’épaisseur. La couche de sel se comporte comme une barrière naturelle isolant le pétrole et le gaz qui se forment dans les roches carbonatées (voir article page 75), à une profondeur de 5 à 7 mille mètres.

Petrobras est leader dans l’exploita-tion de gisement de pétrole en haute-mer avec des puits en activité situés à 1 800 mètres de profondeur. L’entreprise analyse actuellement l’état des réserves des nouveaux puits pour déterminer la quantité qui sera exploitée commercia-lement dans une région qui s’étend des côtes de l’état d’Espírito Santo jusqu’aux côtes de l’état de Santa Catarina. L’entre-prise étudie la technologie d’extraction de gaz et de pétrole dans des conditions extrêmes et le transport de ces produits jusqu’aux raffi neries et aux distribu-teurs de gaz. Pour ce faire, elle a lancé le Programme Technologique pour le

Développement de la Production des Réserves de la couche Pré-sel (Prosal). L’entreprise développe dans le plus grand secret 23 projets dans des diffé-rents domaines comme l’ingénierie des puits, des réserves et l’écoulement de gaz et de pétrole. “De nombreux détails sont gardés secrets”, déclare Osvair Trevisan, directeur du Centre d’Étude Pétrolier (Cepetro) de l’Unicamp. “L’entreprise est en train de mettre au point le mode opératoire, les modèles et les paramètres d’ingénierie et de production. Nous es-timons qu’il n’y aura pas de grands obs-tacles technologiques pour exploiter la couche pré-sel”, affi rme Osvair Trevisan, ancien Superintendant d’Exploitation de l’Agence Nationale du Pétrole (ANP).

Le secret qui entoure les détails les plus techniques, y compris dans la communauté scientifi que qui travaille en partenariat avec Petrobras est proba-blement lié au contexte économique et aux voies qui seront choisies en matière d’exploitation de la couche pré-sel, car le pays verra ses réserves passer de 14 milliards de barils à 50 milliards ou plus. Des puits comme ceux de Tupi et d’Iara, dans le bassin de Santos, garantissent

déjà entre 9 et 12 milliards de barils de réserve. Les premières analyses mon-trent qu’il s’agit d’un pétrole d’excellente qualité, capable d’offrir les produits les plus nobles à la pétrochimie, mais les réserves doivent encore être calculées avec exactitude. Quoi qu’il en soit, elles pourront hisser le Brésil au rang des 10 principaux producteurs mondiaux de pétrole. Le Brésil occupe actuellement la 24ème place des principaux producteurs de pétrole. On estime que la quantité de gaz naturel de la couche pré-sel pour le gisement de Tupi dans le bassin de Santos représente entre 176 milliards à 256 milliards de mètres cubes, la même quantité que les réserves pétrolières ac-tuelles qui s’élèvent à 330 milliards de mètres cubes et qui se trouvent pour la plupart dans des gisements encore non exploités. Le Brésil importe encore 60 millions de m3 de gaz, dont la moitié provient de Bolivie.

La viabilité de l’exploitation com-merciale et les quantités réelles des réser-ves ne seront établies qu’après des tests de longue durée (TLD), qui devraient s’étendre sur un an et demi à partir de mars 2009 pour le puits de Tupi. Les sys-

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Les principaux puits de pétrole et de gaz dans les bassins de Campos et de Santos

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GAZ ET PÉTROLE

GAZ ET PÉTROLE

PÉTROLE

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Bassin de Campos

PÉTROLE

PÉTROLE

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Pirambu AbaloneOstra

TambaúUruguá

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Merluza Lagosta

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PLATEFORMES

GAZ ET PÉTROLE

Gisement de Tupi

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JúpiterGuará

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CarambaPão-de-açúcar

Bassin de Santos

248 km

en construction

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de production

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400 mètres de profondeur 1.000 m 2.000 m 3.000 m

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tèmes pilotes de production entreront ensuite en action au cours du deuxième semestre 2010. Si tout est validé et défi ni, la phase de production démarrera sur de nouvelles plateformes entre 2013 et 2014. La production sera tout d’abord de 100 mille barils de pétroles et de 5 mil-lions de mètres cubes de gaz par jour.

“Dans ce nouveau type d’exploi-tation, l’un des défi s sera de forer la couche de sel car elle se déforme et peut provoquer la rupture de la colonne de forage. Il faut réaliser des contrôles à chaque instant”, souligne le professeur Nishimoto. “Chaque puits doit avoir un modèle numérique spécifi que expéri-mental informatisé reproduisant les conditions marines et du sol et calculant la dynamique des navires et des platefor-mes”. C’est une des tâches des spécialis-tes en forage de Petrobras qui sont aidés par des institutions de recherche comme l’IPT et l’USP. “Les institutions reçoi-vent souvent des emails provenant de spécialistes se trouvant sur les platefor-mes de forage du bassin de Santos pour l’élaboration de prévisions et de calculs”.Tout est réalisé avec beaucoup de mi-nutie car, outre le sel qui est facilement fracturable, il faut perpétuer et préserver le puits en évitant que le foret se coince dans la couche de sel. “Le forage du sel en soi n’est pas compliqué, le problème c’est le déplacement de la couche de sel qui peut obturer le puits”, déclare le professeur Giuseppe Bacoccoli, membre du département de pétrole et de gaz de la Coppe-UFRJ et ancien employé de

Petrobras. Contenir l’écroulement est une mission particulièrement diffi cile pour un type de roche saline appelée ta-chyhydrite. Les deux autres sont l’halite et la carnalite qui sont plus résistantes. Les équipes doivent donc être rapides pour préserver le puits et récupérer les forets qui sont souvent perdus dans la couche pré-sel du bassin de Santos.

Ciment et acier – Pour forer un puits, il faut utiliser un revêtement en acier et remplir l’espace situé entre celui-ci et la roche avec un ciment spécial. Mal-gré ces précautions, la pression du sel peut déformer l’acier. Pour éviter cela, l’entreprise étudie de nouveaux maté-riaux plus résistants. “Si le revêtement est trop lourd, ils gênera la progression de la sonde dans le puits. Il faut trouver un équilibre”, souligne le géologue Cris-tiano Sombra, coordonnateur du Prosal. Comme il s’agit d’un nouveau domaine d’étude, il faut prendre toutes les pré-cautions nécessaires qui impliquent de nombreuses études d’ingénierie et la coordination du Centre de Recherches de Petrobras (Cenpes) et de son dépar-tement d’exploitation et de production. Le forage du premier puits a coûté 240 millions de dollars. Petrobras a dépensé 1,7 milliard de dollars pour creuser 15 puits. Les prochains forages ne devraient coûter que 60 millions de dollars. “Dans le bassin de Campos, le coût du forage de la couche pré-sel devrait s’élever à 15 millions de dollars maximum”, souligne le professeur Bacoccoli.

Pour l’exploitation en eaux très profondes, les problèmes dûs aux conduites fl exibles (ri-sers) qui transportent le pétrole et le gaz jusqu’à la plateforme semblent désormais résolus. “Les risers utilisés à des profon-deurs supérieures à 2 500 mètres sont en phase fi nale de mise au point et d’homologation”, dé-clare le professeur Celso Pesce du Département d’Ingénierie Mécanique de la Poli. “Ces nou-

veaux risers seront utiles, même pour les forages ne concernant pas la couche pré-sel”, dit-il. Celso Pesce et d’autres chercheurs de la Poli, mènent des études visant à analyser le comportement struc-turel et mécanique des risers pétroliers dans des projets menés en partenariat avec Petrobras et les entreprises qui fa-briquent ces conduites. Cette recherche est fi nancée par la FAPESP, la Finep et le Conseil National de Développement Scientifi que et Technologique (CNPq), y compris pour les risers de grandes profondeurs. Les études analysent le rapport entre le mouvement des unités fl ottantes et l’action des vagues et du vent ainsi que la force exercée sur les risers qui vibrent avec le courant. La Poli étudie, entre autres, comment mainte-nir ces structures en fonctionnement à des profondeurs de 3 mille mètres sans fatigue mécanique.

Celso Pesce indique un autre défi à relever pour les risers utilisés dans la couche pré-sel. “La température de l’huile qui sera extraite est de 60 à 70 degrés Celsius avec une très forte pres-sion interne. La couche externe du tube en contact avec l’eau des profondeurs est beaucoup plus froide, environ 4 degrés Celsius, et la perte de chaleur favorise la formation de paraffi nes qui obstruent la conduite. Ceci se produit également dans les puits de la couche post-sel. La solution utilisée actuellement est d’enle-ver la paraffi ne qui se forme à l’intérieur du tube avec un équipement appelé PIG qui fonctionne comme un déboucheur.

Navire destiné au transport de gaz naturel liquéfi é: Une possible solution pour le gisement de Tupi

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Il faut concevoir de nouvelles conduites munies d’une isolation ou d’un contrôle thermique et qui évitent la formation de paraffi nes”, souligne Celso Pesce, membre du Réseau de Structures Sous-marines, l’un des quarante réseaux de Petrobras qui compte aussi sur la col-laboration de dizaines de centres de recherches brésiliens.

La corrosion est un autre aspect que les ingénieurs vont devoir surmonter pour forer des puits à 6 ou 7 mille mè-tres de profondeur. “Les tubes et les vannes installés au fond de l’océan, ap-pelée arbres de noël, devront être plus résistants car dans cet environnement il y a beaucoup de dioxyde de carbone (CO2) et de soufre”, déclare le profes-seur Nishimoto. “Ces aspects ajoutés à l’agressivité chimique et à l’instabilité structurelle du sol ne sont pas habituels pour Petrobras”, souligne le professeur Trevisan de l’Unicamp.

Des emplois sont disponibles – Les différents défi s à relever vont provoquer une forte demande en professionnels. Leur nombre est encore incertain, mais les domaines sont déjà défi nis. “On aura besoin de professionnels dans le domai-ne métallo-mécanique, la pétrochimie, la logistique et les services, par exem-ple”, souligne le professeur Trevisan. Les étudiants formés par les universités et les instituts de recherche seront tou-jours sollicités par l’entreprise. “En plus de 20 ans, le Cepetro a déjà formé plus de 300 maîtres et docteurs qui sont allés travailler chez Petrobras”. De nombreux étudiants viennent également de l’Uni-versité Fédérale du Rio Grande do Sul, de l’UFRJ, de l’USP et de l’Université Publique Pauliste (Unesp), où a dé-marré la construction de l’Unespetro sur le campus de Rio Claro. Il s’agit d’un complexe tourné vers la recherche et l’enseignement appliqués à l’industrie du pétrole, mettant l’accent sur la géolo-gie et l’environnement. L’investissement initial pour la construction et l’achat des équipements s’élève à 5 millions de réaux qui seront entièrement fi nancés par Petrobras. Le Centre de Géologie Sédimentaire (CGS) et le Centre d’Ex-cellence en Géologie des Carbonatées (Nopec) seront installés dans un bâti-ment de 1 600 m². “Petrobras a contacté l’Unesp au mois de mai 2007 après avoir pris la décision de créer un centre de

Une conjonction intéressante de facteurs géologiques et climatiques a créé de manière aléatoire le pétrole et le gaz du sous-sol marin, sous une couche de sel située le long du littoral sud-est/sud et distante de la côte. Cette réserve contient des roches carbonatées qui ont été produites par des cyanobactéries, il y a des millions d’années. Le démembrement du supercontinent Gondwana, qui a engendré l’Amérique du Sud et l’Afrique, a créé ici et là des lacs au cours d’une période comprise entre 113 millions et 145 millions d’années. L’eau de mer les a ensuite envahis et les bactéries ont alors commencé à interagir et à se développer dans ce tout nouvel écosystème carbonaté en milieu ras avec des températures et une salinité élevées. Cette action microbienne a généré des ensembles calcaires qui plus tard allaient héberger le pétrole créé par la transformation de la matière organique issue du plancton et de microorganismes qui se sont accumulés dans les anciens lacs. Durant des millions d’années, l’enterrement progressif des roches lacustres a réchauffé et exercé une pression sur cette matière qui s’est transformée en hydrocarbonates (gaz et pétrole). Ils ont été ensuite expulsés vers les roches carbonatées où ils ont été confi nés.

“La couche imperméable rocheuse de sel qui possède des centaines de mètres d’épaisseur a fonctionné comme un bouclier et a empêché

le pétrole de migrer vers les roches de la couche post-sel. Cette couche s’est formée en 500 mille ans dans un espace de temps géologique court et probablement au cours d’une période comprise entre 112 e 113 millions d’années, lors de la grande évaporation de l’océan primitif”, explique le professeur Dimas Dias Brito, de l’Unesp. La couche de sel existe également dans d’autres régions, y compris sur terre, comme dans la commune de Carmópolis dans l’état de Sergipe, où Petrobras exploite différents puits. “Même le pétrole du bassin de Campos (exploité depuis les années 70) se trouve sous la couche de sel. Il s’agit d’hydrocarbonates qui ont migré vers les roches supérieures composées de calcaire et d’arénite, à travers les fi ssures de la couche de sel, vers des zones sous-marines rases, où la couche est plus fi ne. La plupart du pétrole exploité au Brésil provient de lacs anciens qui ont précédé l’Atlantique Sud”. Il souligne que les réserves carbonatées de la couche pré-sel ne sont pas d’énormes cavités remplies de pétrole ou de gaz, mais des couches de roches poreuses reliées entre elles.

Bien qu’il n’ait pas davantage de détails sur les nouveaux gisements, Dias Brito rappelle que ces formations carbonatées par l’action des cyanobactéries sont uniques au monde car les autres formations calcaires associées au pétrole ont d’autres origines.

Une histoire ancienne

recherche brésilien sur les roches car-bonatées, celles qui se trouvent dans la couche pré-sel et qui contiennent les gisements de pétrole et de gaz récem-ment découverts”, annonce le profes-seur Dimas Dias Brito, du département de Géologie Appliquée de l’Institut de Géosciences et de Sciences Exactes et responsable du projet Unespetro. “Le cours de géologie de Rio Claro existe depuis près de 40 ans et de nombreux professeurs, dont moi-même, ont déjà travaillé chez Petrobras”, déclare-t-il.

Les investissements de Petrobras ont permis que 18 de leurs géologues dis-pensent cette année un cours sur les roches carbonatées à l’Unesp pendant six mois. “Dans ce centre nous allons étudier tous les types de roches calcai-res de la côte atlantique brésilienne, du pré-sel au post-sel. Les défi s de la géo-logie sont énormes et spectaculaires. Aujourd’hui les géologues brésiliens, représentés par nos collègues de Pe-trobras, vivent un moment magique”, conclut Dias Brito. ■

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INGÉNIERIE AÉRONAUTIQUE

Des avions plus

Un projet d’Embraer vise à réduire le bruit des avions L

e trafi c aérien mondial a augmenté de manière continue au cours de ces dernières décennies et va poursuivre cette trajectoire. L’Association Inter-nationale de Transport Aérien (Iata) estime que le nombre de voyageurs atteindra les 2,75 milliards en 2011 (pour 2,13 milliards début 2007). Un des enjeux de l’industrie aéronautique, pour évoluer

sans porter préjudice à la qualité de vie dans les villes, sera de projeter et de mettre au point des avions plus silencieux qui pourront opérer dans les aéroports sans incommoder les personnes vivant aux alentours. Ce besoin est encore plus urgent suite aux nouvelles exigences de la Federal Aviation Administration (FAA), organe régulateur du sec-teur aérien étasunien, qui limitent encore plus l’émission de bruits aériens dans les aéroports et qui doivent entrer en vigueur à partir de 2015.

Embraer, troisième constructeur mondial d’avions, a récemment lancé un vaste projet appelé Avion Silencieux pour respecter ces nouvelles exigences et rester compétitif sur le marché mondial. Il s’agit d’une étude aéroacoustique visant à identifi er les bruits propagés par leurs modèles. Ces données permettront de mettre au point des systèmes en ingénierie qui rendront les avions plus silencieux. “Dans les grandes villes le volume sonore des avions vient juste après celui des voitures”, déclare l’ingénieur Micael Gianini Valle do Carmo, responsable du projet Embraer. “Cette étude portant sur les bruits externes de nos avions est née il y a quelques années avec les projets des modèles d’avions à réaction Embraer 170/190, beaucoup plus grands que ceux fabriqués précédemment”. Le programme se focalise sur les bruits aérodynamiques créés par le fl ux d’air qui passe autour des ailes et du fuselage de l’avion. Ce projet est cofi nancé par la FAPESP, à travers le programme Re-cherche en Partenariat pour l’innovation technologique (Pite), et par Embraer pour un montant de 11 millions de réaux sur 3 ans.

Les progrès technologiques de ces dernières années ont rendu les moteurs d’avion plus silencieux, mettant ainsi en évidence les bruits aérodynamiques. Au cours de l’atterrissage, 75 % à 80 % des bruits produits par les avions sont d’origine aérodynamique et le reste est provo-

Yuri Vasconcelos

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silencieux

Publié en janvier 2009

Avions au-dessus de São Paulo: moins de bruit dans le futur

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qué par le moteur. Au décollage, quand l’avion a besoin de plus de puissance pour prendre son envol, ce rapport s’inverse. “Les principales sources de bruits aérodynamiques à l’atterrissage et au décollage sont le train d’atterris-sage et les surfaces hypersustentatri-ces, nom donné à l’ensemble formé par l’aile, les volets et les becs (fl aps et slats), dispositifs mobiles placés sur les ailes qui permettent d’augmenter la surface portante de l’avion. Le bruit est causé par des tourbillons d’air et par les fl uctuations de pressions sur ces points”, déclare l’ingénieur Julio Ro-mano Meneghini, professeur à l’École Polytechnique de l’Université de São Paulo (USP) et coordonnateur général du projet.

O utre l’École Polytechnique, cinq autres centres d’enseignement et de recherche brésiliens et quatre

centres étrangers travaillent sur ce pro-gramme. Il s’agit de l’École d’Ingénierie de São Carlos de USP, de l’Université Fédérale de Santa Catarina (UFSC), de l’Université de Brasília (UnB), de l’Insti-tut Technologique Aéronautique (ITA), de l’Université Fédérale d’Uberlândia

(UFU), de l’Université de Twente, en Hollande, de l’Imperial College et l’Uni-versité de Southampton en Angleterre et du Centre Aérospatial Germanique DLR en Allemagne. Les chercheurs ont l’intention d’aborder le problème sous 3 angles différents mais complé-mentaires en termes aéroacoustiques comme les essais en vol et en souffl e-rie, les modèles analytiques, empiriques et aéroacoustiques informatisés. Cette

dernière approche sera étudiée au Cen-tre de Dynamique des Fluides (NDF) de l’École Polytechnique de l’USP, qui recevra un superordinateur composé de plus de 1.200 unités centrales de traitement (CPU) et d’une mémoire de 2,5 téraoctets, le tout fi nancé par le projet. “Nous allons modeler et simu-ler numériquement l’écoulement d’air autour des surfaces hypersustentatrices et du train d’atterrissage. Cette simu-lation nous permettra de comprendre les structures des tourbillons (sillage) et nous pourrons ainsi évaluer les bruits générés par ces surfaces”, déclare Mene-ghini. “Avec l’aide du superordinateur, l’un des plus performants du pays, nous allons concrètement comprendre le phénomène complexe associé au bruit aérodynamique et proposer ensuite des modifi cations à Embraer en matière de géométrie des ailes, des volets, des becs et du train d’atterrissage, etc.”, dit-il.

La partie expérimentale du pro-gramme se déroulera sur la piste de l’unité d’Embraer située dans la com-mune de Gavião Peixoto, dans l’état de São Paulo. Son objectif sera d’identifi er les sources de bruit aérodynamique pour les quantifi er. Pour obtenir ces

Avion Silencieux: Une recherche aéroacoustique

MODALITÉ

Recherche en Partenariat pour l’Innovation Technologique (Pite)

COORDONNATEUR

JULIO ROMANO MENEGHINI – USP

INVESTISSEMENT

707.506,58 réaux et 1.709.305,41 dollars (FAPESP)6.000.000,00 réaux (Embraer)

LE PROJET>

Les régions des ailes et du train d’atterrissage sont les principales sources de bruit des avions EM

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informations, 256 microphones seront placés sur une zone de 50 mètres sur 50 à l’une des extrémités de la piste afi n de capter le bruit produit par les avions qui se poseront et décolleront de nombreu-ses fois. Ce nombre de microphones est nécessaire car le bruit propagé par les avions est très complexe. “Grâce au trai-tement des données acoustiques, nous pourrons respectivement connaitre le pourcentage sonore attribué aux volets, au train d’atterrissage, aux becs, etc.”, souligne Meneghini. Selon le chercheur, les résultats de ces essais permettront, entre autres, de mettre au point des kits de réduction de bruit aérodyna-mique qui seront placés à des endroits spécifi ques de l’avion. Cette partie du travail dépendra de l’UFSC et de l’École d’Ingénierie de São Carlos. “Nous se-rons responsables du développement d’outils expérimentaux et du diagnostic des sources de bruit des avions”, déclare le professeur César José Deschamps, du Département d’Ingénierie Mécanique de l’UFSC. “Nous allons également réaliser des études pour comprendre le bruit aéronautique d’un point de vue plus théorique et ainsi utiliser les meilleures méthodologies pour le pré-voir. Nous pourrons ainsi proposer des modifi cations pour les futurs avions d’Embraer”, déclare Deschamps.

L ’Université de Brasília (UnB) est chargée d’un autre aspect du pro-jet concernant l’étude des bruits

créés par la turbine. La turbine est un type d’hélice muni de nombreuses pa-les, c’est la seconde source de bruit des systèmes propulsifs des avions, la pre-mière étant le jet d’air chaud expulsé par la turbine. Bien qu’Embraer ne fabrique pas les moteurs de ses avions (ils sont fournis par l’entreprise améri-caine General Electric), elle s’intéresse à ce type de bruit car elle fabrique la nacelle, structure métallique qui reçoit le moteur turbofan. “La nacelle est la première ligne de front contre les bruits du moteur”, annonce le professeur Ro-berto Bobenrieth Miserda, de l’Institut de Technologie de l’UnB.

Selon Julio Meneghini, les insti-tutions étrangères impliquées dans le programme jouent un rôle important. L’Université de Twente, en Hollande, fournira une souffl erie pour les es-sais aéroacoustiques. L’Université de

Un des meilleurs avions britanniques, le BAC 1-11 (One Eleven), a été retiré de la circulation à cause du bruit de ses moteurs. Cet avion, mis au point par Hunting Aircraft et fabriqué pour British Aircraft Corporation (BAC), a été lancé au début des années 60 et a volé environ 30 ans, jusqu’à sa retraite forcée pour des raisons de restrictions sonores. D’autres avions comme le Boeing 737-200, le Douglas DC-8 et le Tupolev Tu-154,

auraient connu le même sort sans l’invention d’un équipement antibruit appelé hush kit, créé pour réduire le bruit des anciens moteurs turbofan de type low-bypass. Les modèles actuels (high-bypass) sont beaucoup plus silencieux. Le hush kit est un type d’exhausteur placé à la sortie de la turbine et qui sert à étouffer le bruit des turbines des anciens avions. Cette technologie a également permis de réduire les émissions de gaz polluants du moteur.

Retraite forcéeUn jet anglais a été retiré de la circulation à cause du bruit de ses moteurs

Southampton et l’Imperial College, en Angleterre, mettront leurs compé-tences au service de la mise au point de modèles analytiques simplifi és et de simulateurs “Ils possèdent une longue expérience dans ce domaine et utili-seront ces modèles empiriques pour calculer les estimations en termes de bruit”, déclare Meneghini. Des échanges entre des étudiants brésiliens, hollan-dais et anglais sont également prévus.

Le projet Avion Silencieux qui favo-risera l’avancée théorique de métho-dologies et la création d’outils pour comprendre les phénomènes aéroa-coustiques, contribuera également à la formation de ressources humaines spécialisées dans ce domaine, car il y a peu de professionnels brésiliens spé-cialisés en aéroacoustique. Une par-tie des fonds du programme sera donc des tinée au fi nancement de bourses d’initiation scientifi que, de maîtrise, de doctorat et de post-doctorat pour des élèves impliqués dans des recherches liées au programme. “Nous voulons créer un centre de compétences dans le domaine acoustique et former des spécialistes hautement qualifiés au profit de l’industrie aéronautique”, souligne l’ingénieur Deschamps, de l’UFSC. Actuellement, une partie des études et de l’évaluation des niveaux sonores externes des avions d’Embraer est réalisée par des consultants inter-nationaux, avec certaines diffi cultés, comme une réponse tardive aux situa-tions critiques. On estime qu’environ

40 étudiants participeront au projet, outre les 25 chercheurs d’Embraer et des universités.

Des programmes identiques à ceux fi nancés par la FAPESP et Em-braer sont en train d’être développés par des entreprises et des institutions de recherches aérospatiales aux États-Unis et en Europe. La NASA (agence spatiale nord-américaine) par exem-ple, développe le projet Quiet Aircraft Technology (QAT), dont l’objectif est de réduire les bruits des avions de moi-tié d’ici 10 ans et de 75 % d’ici 25 ans. On estime que les premiers avions qui utiliseront certaines des avancées du QAT seront fabriqués à partir de 2010. Un autre programme américain appelé Advanced Subsonic Technology (une collaboration entre la NASA, le gou-vernement fédéral et le secteur privé) vise à mettre au point des dispositifs de réduction de bruit de 20 décibels d’ici 2020, par rapport aux technologies utilisées en 1997. C’est un objectif osé qui, s’il se concrétise, représentera une réduction d’environ 20 % des bruits générés par un Boeing 777 au cours de l’atterrissage, sur les 100 décibels qu’il produit actuellement. La Communauté Européenne sponsorise également le projet thématique Silence(R) avec la collaboration de 51 entreprises et de 14 pays pour un budget de plus de 110 millions d’euros. Son objectif est de va-lider des technologies visant à atteindre une réduction de six décibels pour des avions plus silencieux. ■

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Plastique renouvelableÉthanol et bactéries sont utilisés par des entreprises pour fabriquer des produits substituts des dérivés de pétrole

“lorsque nous avons repris les discussions, nous avons évalué les options existantes et commencé à travailler avec le polyéthylène vert à partir de l’alcool de canne à sucre”.

Les informations recueillies ont montré que l’entreprise pourrait produire un produit com-pétitif. Morschbacker explique qu’ “au cours de 2005, après en avoir évalué les coûts, nous avons constaté que sa fabrication serait viable; en 2006, nous avons décidé de construire l’usine pilote et de faire en parallèle une étude plus approfondie du marché mondial [ ...] Très effi cace, le processus transforme 99 % du carbone contenu dans l’alcool en éthylène, la substance de base du polyéthylène ”. Le sous-produit principal est l’eau, qui peut être purifi ée et réutilisée.

Déshydratation de l’éthanol – Dans l’usine pi-lote qui est entrée en fonctionnement en juin 2007, l’éthanol obtenu par un processus biochimique de fermentation, de centrifugation et de distillation du jus de la canne à sucre est ensuite transformé en éthylène. La conversion se fait au moyen d’un processus de déshydratation, dans lequel sont ajou-tés des catalyseurs à l’éthanol chauffé – des com-posants qui accélèrent les réactions chimiques et permettent sa transformation en gaz éthylène. Pour obtenir du polyéthylène, le plastique le plus utilisé au monde, le processus de fabrication est le même que celui utilisé pour les matériaux issus de sour-ces fossiles; autrement dit, l’éthylène polymérisé donne le polyéthylène. La polymérisation est une réaction où les plus petites molécules (monomères) s’unissent chimiquement pour former de grandes molécules ramifi ées.

Avec l’éthylène produit selon cette technologie, il est possible de faire tout type de polyéthylène. Braskem a l’intention de produire dans un premier temps des résines de haute et de faible densité, pour

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Polymère biodégradable produit par des bactéries

La forte augmentation des con-sommateurs et la pression exer-cée sur les coûts des matériaux issus du pétrole ont amené les industries du plastique à recher-cher, dans des sources renouve-lables, des matières premières de

remplacement pour leurs produits. Des plastiques recyclables à base d’éthanol de canne à sucre ainsi que des polymères biodégradables produits par des bacté-ries nourries de saccharose et d’autres substances sont dans la ligne de mire des recherches et des investissements annoncés par des géants pétrochimi-ques tels que Dow Química, Braskem et Oxiteno – des fabricants de résines plastiques à base de naphte et d’autres matériaux dérivés du pétrole. Leader latino-américain pour la production de résines, l’entreprise Braskem a in-vesti 5 millions de dollars en recherche et développement pour développer un polyéthylène certifi é à partir d’alcool de canne à sucre: le “polymère vert”.

Si les recherches sur ce nouveau pro-duit ont débuté en 2005, l’entreprise a cependant commencé à évaluer dès 1998 les propriétés d’autres polymères issus de matières premières renouve-lables existantes sur le marché. Mais le sujet a fi nalement été laissé de côté car à l’époque il n’y avait pas encore de mar-ché réellement intéressé par ce type de produit. Pour Antônio Morschbacker, directeur technologique de Polymères Verts du Pôle Pétrochimique de Triu-nfo (état du Rio Grande do Sul) et res-ponsable du développement du projet,

NOUVEAUX MATÉRIAUX

Publié en décembre 2007

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des applications rigides et fl exibles dans des secteurs comme l’automobile, l’em-ballage d’aliments, l’emballage de cos-métiques et d’articles d’hygiène. Certains clients brésiliens et étrangers reçoivent déjà des échantillons de polymère vert produits à une échelle pilote. Le début de la production à échelle industrielle est prévu pour la fi n 2009 et devra atteindre 200 000 tonnes/an. L’entreprise n’a pas encore défi ni le lieu de l’installation de l’usine qui fabriquera le nouveau poly-mère et dont l’investissement sera de près de 150 millions de dollars.

D’un coût entre 15 à 20 % supérieur à celui des polymères traditionnels, le produit sera surtout destiné aux mar-chés asiatique, européen et nord-amé-ricain. Le polymère vert remporte déjà un franc succès, alors qu’il n’a pas encore été lancé à échelle commerciale. Lors du Salon International du Plastique et

du Caoutchouc (K 2007), le plus grand événement de l’industrie pétrochimique qui s’est tenu fi n octobre à Düsseldorf, Allemagne, Morschbacker a fait dix présentations très courues du produit en huit jours et rencontré un grand nombre de personnes intéressées par le produit et le projet.

Le polyéthylène d’éthanol a été cer-tifi é par le laboratoire nord-américain Beta Analytic, par la technique du car-bone-14, comme un produit fabriqué avec 100 % de matière première renouve-lable. Dans le cas de l’éthanol, la matière première est renouvelable, mais le pro-duit fi nal n’est pas biodégradable. Selon Morschbacker, “le produit possède des propriétés identiques à celles des poly-éthylènes produits à partir du pétrole. Comme c’est un plastique très résistant et stable, il peut être recyclé et réutilisé plusieurs fois et, à la fi n de sa durée de vie

utile, il peut être incinéré sans aucune at-teinte à l’environnement”. Le grand avan-tage environnemental du polyéthylène de l’alcool est que pour chaque kilo de polymère produit, environ 2,5 kilos de gaz carbonique – le dioxyde de carbone – sont absorbés de l’atmosphère par la photosynthèse de la canne à sucre.

Pôle Alcool Chimique – L’entreprise Dow Química s’apprête également à pro-duire du polyéthylène à partir de l’étha-nol. En juillet dernier, elle a annoncé une joint-venture avec Crystalsev, trading brésilienne de sucre et d’alcool contrô-lée par Vale do Rosário (à Morro Agu-do) et Santa Elisa (à Sertãozinho), deux usines situées dans l’état de São Paulo, en vue de créer un pôle alcoochimique intégré. Ce nouveau pôle qui débutera ses opérations en 2011 sera capable de produire 350 mille tonnes/an de polyé-thylène de faible densité, connu sous le nom commercial de Sowlex et destiné à la fabrication d’emballages fl exibles, de fi lms industriels et d’articles injectés. Au début le produit sera vendu sur le marché interne, en augmentation de 6 à 7 % par an. Dow fabrique déjà le produit à partir du naphte d’origine pétrolière dans des usines en Asie et en Europe.

Pour transformer l’éthanol en poly-éthylène, Dow utilise aussi le processus de déshydratation. Des catalyseurs mo-dernes permettent d’obtenir un éthylène aussi pur que celui produit à partir du pétrole. L’eau rejetée pendant le proces-sus de transformation de l’éthanol en

Intégration1. Lors de la croissance de la canne à sucre, le gaz carbonique de l’atmosphère est absorbé par la photosynthèse. La vinasse, résidu liquide provenant du processus de broyage et de fermentation, sera utilisée comme engrais dans la culture de la canne à sucre. 2. La transformation de l’éthanol en éthylène se fait par le processus de déshydratation, dans lequel sont ajoutés des catalyseurs. L’eau rejetée pendant le processus sera utilisée dans le système de production de vapeur pour la production d’électricité.

canne à sucre vinasse

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SOURCE: DOW QUÍMICA

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Plastiques rigides fabriqués par PHB à partir du sucre

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éthylène sera utilisée dans le système de production de vapeur pour la génération d’énergie électrique. On estime que le projet va créer près de 3 200 emplois di-rects et des centaines d’emplois indirects dans les secteurs agricole, industriel et manufacturier. L’usine de polyéthylène va consommer 700 millions de litres d’alcool/an, l’équivalent de 8 millions de tonnes de canne à sucre.

Les deux entreprises participeront en tant qu’associées à toutes les étapes, de la plantation d’une cannaie de 120 mille hectares jusqu’à la fabrication et la com-mercialisation du plastique. L’intégra-tion complète du cycle donnera au pôle la possibilité d’être autosuffi sant d’un point de vue énergétique et de produire un excédent d’énergie (provenant de la bagasse de la canne à sucre) suffi sant pour répondre aux besoins d’une ville de 500 mille habitants. Le lieu où sera installé le pôle n’a pas encore été choisi, mais des villes de la région centre-sud du pays font actuellement l’objet d’ana-lyse. Diego Donoso, directeur du secteur Plastiques de Dow pour l’Amérique lati-ne, observe que “le prix du polyéthylène produit à partir de l’éthanol sera établi en tenant compte des mêmes forces d’offre et de demande qui affectent le prix du polyéthylène produit à partir du naphte. [...] Le client fi nal recevra un produit dont les caractéristiques techniques et la performance seront les mêmes que celles du polyéthylène conventionnel, cependant la production augmentera sa valeur ajoutée”.

Obtention et caractérisation de polymères écologiquement biodégradables (PAD) à partir de sources renouvelables: canne à sucre

MODALITÉ

Programme Innovation Technologique dans les Petites Entreprises (Pipe)

COORDONNATEUR

JEFTER FERNANDES DO NASCIMENTO – Industrial PHB

INVESTISSEMENT

333 686,30 réaux (FAPESP)

LE PROJET>

3. L’éthylène est converti en polyéthylène au moyen d’un procédé similaire à celui utilisé pour la fabrication de matériaux provenant de sources fossiles. 4. Le pôle alcoochimique sera autosuffi sant d’un point de vue énergétique et générera un excédent capable d’alimenter une ville de 500 000 habitants.5. Le polyéthylène produit permet de fabriquer divers produits plastiques.

éthylène

énergie pour la communauté

polyéthylène

produits finals

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Hydrolyse acide – L’entreprise Oxiteno, du Groupe Ultra, a un projet similaire à celui de Dow. Elle prévoit de construire une bioraffi nerie qui produira du sucre et de l’alcool à partir de la bagasse, de la paille et des tiges de canne à sucre, au moyen d’une technologie appelée hydro-lyse acide. Pas encore maîtrisée à l’échelle commerciale, cette technologie consiste à briser les molécules de cellulose en ajou-tant de l’acide sulfurique sur les résidus. La future usine fabriquera également des produits alcoochimiques à partir de tech-nologies non conventionnelles.

L’entreprise a établi un partenariat avec la FAPESP en novembre 2006 pour développer des projets de recherche dans le domaine de la technologie de

production de sucres, alcool et dérivés. Lors de la première phase (janvier 2007), 23 projets en partenariat avec des insti-tuts de recherche et des universités ont été choisis. Finalement, 7 ont été retenus à l’occasion de la deuxième phase, au mois de juillet.

Tandis que les industries pétro-chimiques misent sur les plastiques fabriqués à partir de l’éthanol, l’entre-prise PHB Industrial (du Groupe Pedra Agroindustrial de Serrana et du Groupe Balbo de Sertãozinho, tous deux dans l’état de São Paulo) fabrique depuis décembre 2000, dans une usine pilote, un plastique biodégradable produit par des bactéries naturelles. Ce plastique est vendu en petites quantités sous le nom commercial de Biocycle aux États-Unis, au Japon et à des pays européens. La ma-tière première est surtout utilisée dans la fabrication de plastiques rigides pro-duits par le processus d’injection, ainsi que dans des mousses en remplacement du polystyrène. Le Biocycle s’applique aussi à la production de substituts de polyuréthane, de plaques bioplastiques et de produits thermoformés.

Prévue pour ouvrir ses portes en 2010, l’usine industrielle qui produira à grande échelle sera implantée dans la région de Ribeirão Preto. D’après le physicien Sylvio Ortega Filho, directeur exécutif du développement du plasti-que de PHB Industrial, “la production de plastique biodégradable représentera entre 10 et 30 000 tonnes/an”. Le projet a compté sur la participation de l’Institut

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de Recherches Technologiques (IPT), du Centre de Technologie sur la Canne à sucre (CTC) et de l’Institut des Scien-ces Biomédicales (ICB) de l’Université de São Paulo, et il a été fi nancé par la FAPESP à travers le Programme Inno-vation Technologique dans les Petites Entreprises (Pipe).

Polyester naturel – La production de polymère est faite par la culture de la bactérie Alcaligenes eutrophus, actuelle-ment appelée Cupriavidus necator, dans un milieu de culture avec le saccharose présent dans le sucre. Le saccharose est transformé en glucose pour alimenter les bactéries. “La chaîne de carbone du glucose est transformée par la bactérie dans le polyhydroxybutyrate (PHB)”, explique le professeur Elisabete José Vi-cente de l’Institut des Sciences Biomédi-cales (ICB) de l’Université de São Paulo (USP). Elle a participé aux études à l’ori-gine du plastique biodégradable et dirige actuellement certaines recherches sur la production de polymères à partir de bac-téries. Le PHB appartient au groupe de polymères dénommés polyhydroxyalca-noates (PHA), des polyesters accumulés par des microorganismes sous la forme de granulés intracellulaires.

Leurs propriétés thermoplastiques permettent, une fois extraits de l’inté-rieur de la cellule productrice au moyen de solvants organiques, leur purifi ca-tion et leur traitement pour donner un produit biodégradable, compostable et biocompatible. Ces polymères peuvent avoir diverses applications, de la pro-duction de fi lms ou de structures rigides aux utilisations médicales et vétérinai-res: réalisation de sutures, supports pour la culture de tissus, implants, encapsu-lation de médicaments pour une libé-ration contrôlée et autres, en utilisant la nanotechnologie.

Elisabete José Vicente signale que “jusqu’à aujourd’hui, plus de 150 bac-téries différentes accumulant naturel-lement ce granulé cytoplasmique ont été identifi ées”. La bactérie Cupriavidus

Usine pilote de la PHB où sont fabriqués des produits vendus sous le nom de Biocycle (à droite)

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Fils de suture chirurgicale, mailles de renfort dans la chirurgie réparatrice des hernies, membranes pour le traitement de lésions veineuses et artérielles et tubes pour les greffes artérielles sont quelques-uns des produits développés par le Groupe de Recherches sur le Polymère de Canne à sucre, un partenariat entre l’Université Fédérale de l’état du Pernambuco (UFPE) et l’Université Fédérale Rurale de l’état du Pernambuco (UFRPE). “Tous ces produits ont fait l’objet de recherches expérimentales aux résultats excellents”, affi rme José Lamartine de Aguiar, professeur et coordonnateur du groupe. Les recherches ont débuté en 1990, quand Francisco Dutra, ingénieur chimiste de l’UFRPE, a identifi é des formations polymériques dans le processus de fermentation pour la production d’alcool. Le biopolymère est obtenu à partir de sous-produits de la canne à sucre, comme la mélasse. Les caractéristiques physiques et chimiques du biopolymère après purifi cation ont éveillé l’intérêt de chercheurs de plusieurs domaines. D’après Aguiar, “dans un premier temps le matériau a été appliqué sur des animaux de laboratoire, après les tests de cytotoxicité et de biocompatibilité”. Brevetée par l’UFPE, la production du biopolymère sera effectuée par une bio-usine bientôt prête à fonctionner et située dans la Station Expérimentale de Canne à sucre de Carpina (campus de l’UFRPE dans la région forestière de l’état de Pernambuco).

Applications médicales

necator se distingue car elle réussit à ac-cumuler une grande quantité de poly-mère, entre 80 et 90 % de son poids sec. Pour croître, elle a besoin de fructose ou de glucose. “Réalisée il y a déjà plusieurs années, la première amélioration géné-tique de la bactérie a engendré un type mutant capable de croître en glucose, une matière première moins chère que le fructose”, ajoute-t-elle. Au Brésil, les recherches débutées en 1992 par Elisa-bete José Vicente et le professeur Ana Clara Guerrini Schenberg, également de l’ICB, ont résulté en une nouvelle bac-térie mutante capable de croître dans le saccharose de la canne à sucre et en une autre bactérie recombinante permettant une plus grande production de copoly-mère PHBV, plus malléable.

Modifications génétiques – La bacté-rie fabrique naturellement le polymère, mais les améliorations génétiques per-mettent d’augmenter considérablement la production. Dans le projet développé entre l’entreprise PHB et les institutions partenaires, certaines bactéries généti-quement modifi ées ont été développées et brevetées. Ortega observe que “seule la bactérie naturelle est utilisée pour produire le biopolymère, car l’Europe interdit les organismes génétiquement modifi és”. La demande en polymères de sources renouvelables porte essentielle-ment sur trois grandes applications dans le marché mondial: le marché des embal-lages; l’industrie automobile, qui souhaite remplacer les produits utilisés dans les voitures par des produits qui ne contri-buent pas au réchauffement de la planète, une exigence des marchés européens; et le domaine médical (tableau page 84).

Le partenariat avec PHB n’a pas seu-lement permis de créer un produit qui est déjà sur le marché, il a aussi donné suite aux recherches menées à l’univer-sité. Le groupe coordonné par Elisabete José Vicente mène deux types de tra-vaux. L’un d’eux recherche des bactéries qui réussissent à produire du polymère à partir d’autres sources de carbone que le saccharose, comme les déchets produits par l’industrie. “Ce procédé permettrait de baisser le coût de production du bio-matériau, jusqu’à trois fois plus élevé que celui du plastique dérivé du pétrole”, souligne la chercheuse. Parallèlement, le groupe étudie des applications du biopolymère, une fois purifi é, comme

substrat pour la croissance de cellules souches – une ligne de recherche diri-gée en collaboration avec le professeur Radovan Borojevic, directeur du pro-gramme avancé de Biologie Cellulaire Appliquée à la Médecine de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro. Une autre recherche étudie l’emploi du polymère pour l’immobilisation d’enzymes et de substances pharmaceutiques, en parte-nariat avec Mário Politi, professeur de l’Institut de Chimie de l’USP et coor-donnateur du Groupe de Recherches en Nanotechnologie du Conseil National de Développement Scientifi que et Tech-nologique (CNPq), et Carlos Alberto Brandt, également professeur et mem-bre du même centre de recherche.

À l’Institut des Sciences Biomédica-les de l’USP, un autre groupe coordon-né par le professeur Luiziana Ferreira da Silva travaille sur la production de matériaux biodégradables. Elle a aussi participé au développement de la pro-duction du plastique biodégradable de l’entreprise PHB, mais en faisant partie du Centre de Recherches Technologi-ques (IPT). En 2002, elle a développé un procédé pour l’utilisation de la ba-gasse de la canne à sucre pour la pro-duction de PHB. Des bactéries capables de croître dans la bagasse et non dans le jus où se trouve le saccharose, brisé en molécules plus petites par hydrolyse acide, ont été sélectionnées. Une autre recherche étudie le développement d’un plastique hybride produit par des bacté-ries. Mais au lieu d’être nourries avec le sucre de la canne à sucre, elles reçoivent un acide gras de six carbones. “Vu que l’on offre de l’huile aux bactéries, elles commencent à produire un élastomère très similaire à celui du caoutchouc”, dé-clare Luiziana Ferreira da Silva. L’objec-tif de cette étude est d’obtenir un autre type de matériau plastique, qui pourra notamment être utilisé pour recouvrir des couches, des tapis jetables et pour d’autres applications. ■

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SEMI-CONDUCTEURS

Mémoires de futurUn centre de céramique va développer un matériau pour une nouvelle usine de puces électroniques à São Carlos

Une mémoire électronique qui conserve l’information même quand elle n’est pas branchée à une source d’énergie, utilisée sur des cartes à puces intelligentes (smart cards), des tickets de transport public, des téléphones portables, la TV numérique et les transactions bancaires, sera produite dans une nouvelle usine qui sera construite à partir de 2009 dans la ville de São Carlos (état de São Paulo). La présence dans la région du Centre Multidisciplinaire pour le Développement

de Matériaux Céramiques – un des Centres de Recherche, Innovation et Dif-fusion (Cepid) de la FAPESP, qui travaille en collaboration avec l’Université d’état de São Paulo (Unesp) d’Araraquara et de l’Université Fédérale de São Carlos (UFSCar) –, a été décisive dans le choix de la ville qui recevra l’usine de semi-conducteurs ferroélectriques. Partenaire du projet, le centre sur les matériaux céramiques a déjà formé 25 docteurs et 17 titulaires d’un master en matériaux ferroélectriques depuis 2000, date de la création de ce Cepid. Plusieurs de ces professionnels ou étudiants en fi n de formation pourront travailler dans l’usine brésilienne.

Au départ, la mémoire à accès aléatoire ferroélectrique (FRAM), également connue sous le nom de mémoire non-volatile, sera produite au moyen d’une technologie développée par l’entreprise nord-américaine Symetrix, créée aux États-Unis il y a 18 ans par le Brésilien Carlos Paz de Araújo, professeur d’in-génierie électrique à l’Université du Colorado. Le centre participera également de manière active au développement de nouvelles mémoires ferroélectriques et de nouveaux matériaux. José Arana Varela, physicien, professeur de l’Institut de Chimie d’Araraquara, recteur adjoint en charge de la recherche de l’Unesp et responsable du secteur innovation du Cepid, observe : “Nous allons orienter la recherche appliquée vers de nouveaux matériaux ferroélectriques, sans pour autant laisser de côté la recherche de base”.

Développé par le centre sur les céramiques selon une nouvelle méthode, assez simple et bon marché, un fi lm mince ferroélectrique – constitué de couches très fi nes de matériau semi-conducteur – a de grandes chances d’être choisi pour être utilisé postérieurement dans les puces de mémoire fabriquées dans l’usine de São Carlos. “Nous avons réussi à obtenir de nouveaux matériaux dotés d’une capacité de stockage 250 fois supérieure à celle des mémoires conventionnelles”, déclare le chimiste Elson Longo, également directeur général du Centre Multidisciplinaire pour le Développement de Matériaux Céramiques (CMDMC). Ces nouveaux matériaux sont produits à partir d’une solution organique obtenue par le mélange d’acides citriques présents dans des fruits E

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semi-conducteur à la base de la

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Publié en novembre 2008

Dinorah Ereno

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tels que l’orange et le citron et de ba-ryum, plomb et titane. Varela explique que “le composé est chauffé dans un four simple à 300ºC afi n d’en extraire certains éléments organiques comme le carbone”. Puis on procède à la cristalli-sation du matériau dans un micro-onde domestique pour obtenir un fi lm mince de titanate de baryum et de plomb. Et Varela de poursuivre: “Au début, nous allons utiliser le procédé de l’entreprise nord-américaine. Plus tard, nous pour-rons travailler avec d’autres matériaux que ceux déjà développés pour fabriquer des fi lms (couches très fi nes de matériau semi-conducteur) moins épais”. Plus le fi lm est mince, plus l’intégration dans le système semi-conducteur sera grande et moins le coût fi nal sera élevé. Comparés aux céramiques magnétiques utilisées pour la mémoire, les fi lms minces fer-roélectriques utilisés dans la préparation des dispositifs électroniques ont l’avan-tage d’être plus petits, moins lourds, plus rapides en termes d’écriture et de lecture et ne requièrent qu’un faible voltage.

Les matériaux ferroélectriques per-mettent de construire des mémoires électroniques qui n’ont besoin d’aucu-ne énergie pour fonctionner. D’après Longo, “la capacité de stockage des in-formations est liée à la disposition de ses atomes”. Chaque cellule de mémoire consiste en un unique transistor d’accès branché à un condensateur ferroélectri-que, un dispositif qui stocke l’énergie dans un champ électrique. Le transistor agit comme un interrupteur, permettant au circuit de contrôle de lire ou d’écrire les signaux 0 et 1 du système binaire qui

seront stockés dans le condensateur. Le principe utilisé est le même que celui des semi-conducteurs magnétiques des car-tes de crédit ordinaires et des tickets de transport. “La différence, signale Longo, c’est que les cartes magnétiques ont besoin d’être placées devant un lecteur pour transmettre l’information, tandis que les cartes ferroélectriques peuvent être lues jusqu’à six mètres de distance”. La lecture est faite par radiofréquence. D’une taille et d’une épaisseur d’environ deux millimètres carrés, la puce n’est pas apparente. Intégrée dans les cartes ou les téléphones portables par exemple, elle possède un système de protection contre le piratage.

Au Japon, où la technologie déve-loppée par Araújo et son équipe a été brevetée par l’entreprise Panasonic, elle est utilisée sur les cartes de métro, de train et sur les permis de conduire. Il est aussi possible de payer ses achats via le téléphone portable, sans recourir aux cartes de crédit. Au Brésil, dès l’annonce de l’installation de l’usine de nombreu-ses entreprises ont fait part de leur in-térêt pour la technologie. Elles veulent remplacer les cartes magnétiques par les ferroélectriques dans diverses applica-tions. Selon Varela, “une grande banque brésilienne, qui ne souhaite pas impor-ter la technologie pour des raisons de sécurité, nous a contactés pour produire des cartes”. Varela préfère ne pas citer le nom de l’institution fi nancière, car les négociations sont encore en cours. Pour le secteur automobile par exem-ple, un système anti-collision breveté par Symetrix sera développé. “Avec cette

mémoire, il est possible d’installer un système de sécurité sur la voiture avec des capteurs infrarouges, qui fonction-neront comme des caméras de vision nocturne pour détecter la présence de personnes, d’animaux ou de voitures à l’arrêt, à une distance de 100 à 200 mètres devant le véhicule”.

Contrôle intégré – Dans les super-marchés, l’utilisation de la mémoire ferroélectrique à la place des codes-bar-res permettra un contrôle intégré des produits. Des informations telles que la date de validité du produit, le nom du fabricant, le prix, le stock et la quantité achetée seront placées sur un dispositif de la taille d’une pointe d’aiguille. “Ce n’est pas seulement un code-barres, mais une mémoire intelligente”, observe Longo. “Chaque étiquette dotée d’une puce coûtera moins de 0,01 réais”, ajoute pour sa part Varela. L’acheteur saura à l’avance combien il a dépensé en passant à une distance de trois ou quatre mètres d’un panneau. S’il décide de conclure l’achat, le débit sera fait sur la carte de crédit située dans sa poche. D’après Varela, “alors qu’une carte magnétique (comme les cartes de crédit) dure de quatre à cinq ans, la carte ferroélectrique peut être utilisée jusqu’à un trillion de fois au niveau des fonctions de lecture et d’écriture magnétique (la façon dont les informations sont enregistrées sur la mémoire ferroélectrique), ce qui équi-vaut à une durée de vie utile moyenne de 2 000 ans”. La durée de vie utile des cartes magnétiques est notamment plus faible à cause de la nécessité du contact direct avec le lecteur.

Les chercheurs du groupe qui a créé le CMDMC ont commencé à étudier les matériaux ferroélectriques en 1992. Les résultats obtenus ont donné lieu à la publication de 112 articles scien-tifi ques dans des revues brésiliennes et internationales. “Nous avons commencé les recherches à la même époque que Carlos Araújo à l’Université du Colo-rado”, observe Longo. “Nous avons de-puis travaillé sur les mêmes composés, mais de son côté il a breveté le procédé mis au point par son équipe et a créé une entreprise”. Professeur d’ingénierie électrique, Araújo a créé l’entreprise Sy-metrix avec les ressources du Small Busi-ness Innovation Research (SBIR), un pro-gramme nord-américain de soutien aux

Mémoires ferroélectriques

MODALITÉ

Centres de Recherche, Innovation et Diffusion (Cepid)

COORDONNATEUR

ELSON LONGO – Centre Multidisciplinaire pour le Développement de Matériaux Céramiques

INVESTISSEMENT

1.200.000 réaux par an pour tout le CMDMC (FAPESP)

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petites entreprises innovatrices. C’est ce programme qui a inspiré la mise en place du programme de recherche Inno-vation Technologique dans les Petites et Micro-entreprises (PIPE) de la FAPESP. Aujourd’hui, l’entreprise possède plus de 200 brevets internationaux.

Le partenariat avec les chercheurs brésiliens a débuté lors d’un congrès sur les matériaux semi-conducteurs ferro-électriques qui s’est tenu au Portugal à la fi n de l’année 2006. À cette occasion, Araújo a fait part à Varela de son souhait de se rendre au Brésil pour parler de son expérience. Peu de temps après, les chercheurs du centre de céramiques ont organisé un symposium à Natal, dans l’état du Rio Grande do Norte – ville où est né Araújo et où il a passé ses dix-sept premières années, avant de partir aux États-Unis à la fi n des années 1960 dans le cadre d’un programme d’échange étu-diant. “C’est à partir de la rencontre au Portugal qu’est née l’idée de faire venir une usine de semi-conducteurs ferroé-lectriques au Brésil”, raconte Longo. En plus de l’état de São Paulo, les états du Pernambuco et de Rio de Janeiro avaient posé leur candidature. Finalement c’est São Carlos qui a été choisi en raison des résultats obtenus par le groupe de Longo et de Varela après plusieurs années de re-cherche. Symetrix, qui possède des bre-vets au Japon, en Corée du Sud, en Euro-pe et aux États-Unis, a établi au Brésil un partenariat commercial avec le groupe brésilien Emcalso-Damba, un conglo-mérat d’entreprises de construction lourde et de projets immobiliers exis-tant depuis plus de 40 ans et intervenant dans plusieurs secteurs. D’après Longo, “le consortium international viabilise la production pour le marché interne et l’exportation”. L’entreprise d’Araújo possède trois secteurs: Symetrix Devices, pour le développement des systèmes et des mémoires; Symetrix Systems, pour les cartes et les étiquettes intelligentes; Symetrix Development, pour la recher-che, le développement et l’innovation, ainsi que l’agrément des technologies de l’entreprise.

Projet allemand – Le Brésil importe chaque année près de 100 millions de dollars en puces, mais aucune d’entre elles avec une mémoire ferroélectrique. La participation brésilienne représente environ 2 % du marché mondial, soit

> Articles scientifiques

1. COSTA, C.E.F. et al. Infl uence of strontium concentration on the structural, morphological, and electrical properties of lead zirconate titanate thin fi lms. Applied Physics A: Materials Science & Processing. v. 79, n. 3, pp. 593-597 août. 2004.2. SIMÕES, A.Z. et al. Electromechanical properties of calcium bismuth titanate fi lms: A potential candidate for lead-free thin-fi lm piezoelectrics. Applied Physics Letters (publié en ligne). 17 fév. 2006.

l’équivalent de 52 millions de dollars. Les objectifs du consortium sont dans un premier temps de répondre à toute la demande du marché interne. La tech-nologie de l’entreprise Symetrix est en compétition avec d’autres types de mé-moire non-volatiles telle que la mémoire Flash, surtout utilisée dans des cartes de mémoires pour appareils photos, clés USB, lecteurs MP3 et téléphones portables. L’investissement initial pour l’installation de l’usine – qui débutera en 2009 pour s’achever en 2011 – est de 250 millions de dollars. Actuellement, les as-sociés sont en train de structurer le plan d’affaires. “Vu que la taille de l’usine est déjà défi nie, une entreprise allemande a été engagée pour s’occuper du projet”, signale Varela. La fabrication des puces à mémoire ferroélectrique demande un environnement très propre et des professionnels capables de déposer les fi lms minces. “Nous avons un personnel qualifi é en matière de dépôt chimique et de traitement thermique nécessaires pour la fabrication des puces”.

Les fi lms minces peuvent être faits aussi bien par dépôt physique que chimique. La technologie brevetée par Symetrix pour le Japon et qui sera em-ployée dans la production de São Carlos utilise un procédé chimique moins cher

car il peut être utilisé sur de grands vo-lumes de matériau. Varela explique que “la solution chimique est déposée goutte après goutte sur des galettes de silicium, le semi-conducteur à la base de la puce de mémoire. La taille du fi lm dépend de la viscosité de la goutte”. Plusieurs types de fi lms aux propriétés isolantes, ferroé-lectriques et conductrices, responsables de la fonctionnalité du dispositif, sont déposés sur les galettes de silicium, ou wafers. “Pour chaque type d’utilisation est créée une architecture sur mesure du matériau”, observe Longo. La commu-nication entre les matériaux composant la puce de mémoire est simultanée”. Et Longo de compléter: “Plus la conduc-tivité du matériau est grande, plus la réponse est rapide”. ■

De minces couches de fi lms aux propriétés diverses sont créées par procédé chimique

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HISTOIRE

Le bicentenaire de la venue de la famille royale exige une réfl exion historiographique

la venue de la famille royale portu-gaise au Brésil en 1808. Pendant des décennies, on a parlé de ce voyage sur le ton de la moquerie, en évoquant l’aventure du “roi en fuite” Jean VI de Portugal, aux côtés de sa femme “mous-tachue” et de sa cour provinciale. Aujourd’hui, à l’approche du bicente-naire de son arrivée à Bahia et Rio de Janeiro, des célébrations monumen-tales se préparent et le monarque qui “gardait des cuisses de poulet dans sa poche” est désormais perçu comme un homme d’état habile. Quel est l’aspect réel de ce voyage, et quelles conséquen-ces a-t-il eu sur un pays qui, à l’époque, n’était pas encore une nation?

L’historienne de l’Université de São Paulo (USP) Laura de Mello e Souza étudie depuis 2003 la fuite des Bra-gance vers le Brésil d’un point de vue comparatiste – dans le cadre du pro-jet thématique Dimensions de l’empire portugais fi nancé par la FAPESP: “Sans discréditer le rôle qu’a eu la venue de la famille royale sur la formation du Bré-sil comme nation indépendante, peut-être serait-il plus avantageux de voir le phénomène de manière distincte. Il me semble opportun de tenter de dissocier, intentionnellement et momentanément, le phénomène de ce qui en a suivi. Les analyses sur 1808 ont presque toujours été marquées par les réfl exions sur la formation du Brésil, donnant lieu à une série de jugements de valeur et de re-lations très souvent téléologiques. [...] Comme 1808 est profondément associé à l’apparition de la nation, la mémoire de l’événement s’est construite de façon

Carlos haag

quasi burlesque, les évidences empiri-ques étant la plupart du temps escamo-tées par l’idéologie pure”. D’après elle, l’historiographie a fi gé 1808 dans des perspectives opposées, qui “n’ont pas été dûment étudiées”.

Et Laura de Mello e Souza de pour-suivre: “Dans le cas de l’originalité uni-que de l’événement (pour beaucoup, la patrie est née en 1808 et non en 1822), on perdait de vue le processus historique pour ne garder que le fait extraordinaire. On ne considérait que cette expression singulière d’une durée courte – 1808 – au dépit d’une durée longue, comme si elle planait comme une bulle sur les autres expressions de la même conjonc-ture. Vu qu’elle montrait l’anecdotique, l’inhabituel, elle renvoyait sans le savoir à une tradition ancienne fondée sur le préjugé, caractéristique des pays du nord de l’Europe à l’égard des pays du sud à partir du XVIIIe siècle”. À l’op-posé, du côté de la crise générale de l’ancien système colonial (mis en évi-dence par l’indépendance des colonies américaines lorsque fut rompue pour la première fois la sujétion d’une colonie à sa métropole) aux racines fortement marxistes, on péchait par excès pour les raisons contraires: “En se penchant sur le temps long, on distinguait les lignes générales de phénomènes com-muns mais en même temps singuliers les logiques des structures assumant le devant de la scène et celles des événe-ments devenant quasiment opaques”. Ainsi, “tout s’estompait entre la fi gure de l’Angleterre capitaliste dans le contrôle des pays subalternes ou le poids du

rouleau compresseur napoléonien en train de remplacer l’idéologie révolu-tionnaire de la Grande Nation française. Il est possible que cette tension entre temps long et temps court soit insoluble. Néanmoins, sans analyse l’histoire est chronique: avec elle, une certaine marge d’anachronisme est inévitable”.

Pour Jurandir Malerba, historien de l’Université d’état de São Paulo (Unesp) et auteur du livre A corte no exílio [La Cour en exil]: “Ce débat est permanent dans l’historiographie et il remonte aux temps immédiats de l’indépendance; il renferme un volet politique indéniable, qui nuance aussi bien les interprétations privilégiant la présence et l’action de Jean VI dans le processus d’émancipa-tion politique brésilienne que celles qui minimisent son importance au point de concevoir que l’indépendance a eu lieu ‘en dépit de’, ‘nonobstant’ les actions du souverain. [...] L’historiographie sur 1808 est construite à partir de ces rec-tifi cations qui se produisent de géné-ration en génération, mais le leitmotiv de la reconstruction politique et de la lutte politique se jouent dans le présent”. Malgré tout, il existe encore de l’avis de Laura de Mello e Souza d’anciens préju-gés: “il y a un processus de passage entre la fi n de la Renaissance et le début des Lumières, dans lequel s’est construite une relation entre les “riches” (Nord) et les “pauvres” (Sud) basée sur l’am-biguïté et la contradiction, où opérait la loupe du préjugé et de la détraction. Les récits sur la venue de la cour ont été contaminés par cette tradition dé-tractrice préexistante et, sans doute sans

HUMANITÉS

La phrase de Roger Bastide – “Brésil, terre de contrastes” – est peut-être déjà ancienne, mais elle n’a rien perdu de sa valeur. Du football à l’histoire, rien n’échappe à la règle honteuse du “tout ou rien”. C’est par exemple le cas de

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Embarquement de Jean VI, prince régent du Portugal, pour le Brésil le 27 novembre 1807

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le savoir, par les libéraux qui ont mené parmi nous le processus d’indépen-dance en y incorporant des traditions détractrices d’étrangers du Nord. Ces traditions ont fi ni par atteindre, dans le Brésil nation, et les élites cultivées et les couches les plus populaires”.

Cela s’est produit peu de temps après le transfert de la cour: en 1809 par exem-ple, Andrew Grant dans History of Brazil nommait déjà l’épisode de “fuite de cette cour stupide”. En 1900, João Ribeiro af-fi rmait dans História do Brasil [Histoire du Brésil]: “Si en venant au Brésil Jean VI nous a apporté l’autonomie, encore que sous les formes de l’absolutisme, son esprit étroit ne disposait pas des qualités suffi santes pour créer comme il l’a rapi-dement déclaré un ‘nouvel empire’. C’est lui qui a démoralisé l’institution monar-chique, déjà contraire aux aspirations américaines”. Le temps n’a pas aidé à tracer un portrait précis de l’arrivée de la famille royale. Dans História geral da ci-vilização brasileira [Histoire générale de la civilisation brésilienne] organisée par Sérgio Buarque de Holanda, la présence de la cour apparaît peu; l’accent est mis sur l’idée récurrente qu’il faut installer le siège de la monarchie en Amérique, obsession de tous les rois et ministres du Portugal, du prieur du Crate à Dom Rodrigo de Souza Coutinho. Chef du Trésor Royal, Coutinho a remis en 1803

au prince régent une évaluation de la situation politique précaire du Portu-gal, en signalant qu’une guerre entre la France et l’Angleterre “mettrait en danger l’indépendance de la monarchie portugaise”. Il a alors conseillé Jean VI de créer un nouvel empire au Brésil, qui permettrait de donner aux Portugais une base à partir de laquelle l’héritier du trône pourrait reconquérir tout ce qui se perdrait en Europe et “punir l’ennemi cruel”. Mais en 1580 déjà, alors que le roi espagnol Filipe II réclamait la couronne portugaise, la cour avait envisagé de se réfugier au Brésil.

D es décennies plus tard, les raisons stratégiques se sont transformées en une vision messianique dans les

propos du Père Vieira, pour qui le roi pourrait être le chef d’un empire éternel sur les terres de l’Amérique. Au cours du royaume de Jean V (1706-1750), alors qu’augmentait l’expansion espagnole et commençait la décadence lusitanienne, le courtisan portugais Luiz da Cunha a rédigé un mémorandum secret qui anticipait la prévision de Montesquieu sur l’inversion en cours au sein des em-pires modernes. Cunha a pratiquement convaincu le souverain de la nécessité de transférer la cour au Brésil afi n de garantir son avenir et de préserver sa fi erté parmi les nations européennes.

“De fait, le transfert de la cour était une idée ancienne. À la fi n du XVIIIe siècle, il était explicitement défendu par Souza Coutinho, qui percevait clairement les limitations de la métropole”, observe l’historien de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ), José Murilo de Carvalho. Pour la brasilianiste Kirsten Schultz, auteur de Tropical Versailles, “l’histoire politique et la culture politi-que du transfert de la cour commencent bien avant que le prince régent ne quitte le Portugal et arrive sur les côtes brési-liennes. La décision de transférer le cen-tre de la monarchie, prise au milieu d’un chaos et d’un immédiatisme seulement apparents, était déjà enracinée dans une vision du potentiel du Brésil déjà ob-servé au cours du XVIIIe siècle”.

Dans le recueil 1822: dimensões [1822: dimensions], organisé par Guil-herme Motta et publié en 1972, le ton change. L’accent est mis sur la crise de l’Ancien Régime, en particulier dans le chapitre de l’historien Fernando No-vais. L’année 1808 commence à être vue autrement. Dans cet interrègne histo-riographique séculaire où l’événement a été victime de préjugés dévalorisants, de l’apologie acritique et de sa réduction à une anecdote face aux changements structurels et politiques de l’Ancien Ré-gime, il y a, rappelle Laura de Mello e Souza, un épigone important: Dom João

Vision étrangère: cortège royal sur le pont Maracanã, entouré de la nature tropicale

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no Brasil [Jean VI au Brésil], de Manuel de Oliveira Lima (aujourd’hui réédité par la maison d’édition Topbooks), paru en 1908. “Nous devons y revenir pour repenser les directions prises par la fu-ture historiographie de 1808; malgré le style ancien, il demeure actuel et instiga-teur, car Oliveira Lima aborde à la fois le temps long et le temps court, la structure et l’événement, le contexte général et les personnages particuliers”.

Pour compliquer un peu plus la don-ne, il y a dans ce débat historiographique un autre débat, encore plus brûlant, qui déclenche de vives polémiques en dépit des deux cent ans qui nous séparent de l’événement. “Cette idée de faire la fête autour de Jean VI vient des gens de Rio de Janeiro pour promouvoir la ville”, affi rmait lors d’une interview l’histo-rien de l’état du Pernambuco, Evaldo Cabral de Mello. Pour lui, il existe “une insistance à renforcer le lieu commun selon lequel le roi a été le responsable de l’unité du pays, qui n’est pas allé au-delà d’une fabrication de la couronne sans intention d’en créer un pays indépen-dant”. Commémorer le bicentenaire de 1808 vaut-il donc la peine ? “Concernant la célébration du calendrier, je partage l’avis de l’historien François Furet, qui disait qu’il faut craindre la passion de la célébration afi n d’éviter les inventaires. Autrement dit, des festivités excessives risquent de mettre plusieurs questions au placard”, signale l’historienne Mary del Priore. Parmi ces questions se trouve celle sur la manière dont le pays a acquis son indépendance, une polémique qui divise à nouveau l’historiographie en deux camps: d’un côté les défenseurs de la centralisation du Brésil, rendue pos-sible par la permanence des Bragance dans le pays, de l’autre ceux qui l’accu-sent d’opprimer un mouvement fédéra-liste calqué sur le modèle américain et qui a reçu le nom de “séparatisme”.

Remontons un peu dans le temps pour analyser le départ ou la fuite de la cour portugaise vers le Brésil. Le cataly-seur de ce mouvement fut l’ascension en 1799 de Napoléon Bonaparte au poste de premier consul et le début d’une cam-pagne militaire française aux accents de Révolution Française; une action qui a semé un vent de panique sur les cours européennes déjà terrorisées. D’après Murilo de Carvalho, “les principales puissances ont été battues, à l’exception

des Anglais. Jean VI s’est alors retrouvé en face d’un véritable choix cornélien: soit il se rendait aux Français, courant le risque d’être déchu, de voir Lisbonne bombardé par les Anglais et de leur céder la colonie, soit il s’enfuyait, se soumettant à la Grande Bretagne et s’exposant à la colère des sujets portugais abandonnés”. Selon l’auteur, le départ a signifi é pour le Portugal la préservation de la monarchie et le prolongement de la colonie pendant un temps, mais sans les bénéfi ces de l’ex-clusivité coloniale rompue par l’ouver-ture des ports. La permanence aurait pu déboucher sur ce qui s’est passé en Espagne – la destitution et la prison du roi – et, après la chute de Napoléon, une annexion possible à l’Espagne. “Toute-fois, on ne sait pas quel est l’argument principal qui a conduit le Conseil de la Couronne à voter pour le départ de la cour”, ajoute Murilo de Carvalho.

A necdotes sur le voyage et fuite de la cour mises à part, la venue de la famille royale a été synonyme

de changements et de dilemmes pour la nation naissante. Dans Linhagens do pensamento político brasileiro [Lignages de la pensée politique brésilienne], le politologue Gildo Marçal Brandão ob-serve que “l’‘accident de la présence de la famille royale’ change totalement le jeu. Le roi n’est pas seulement l’institution politique qui évite le démembrement du pays à l’époque de la rupture avec la métropole, il est aussi l’auteur de l’hé-gémonie de Rio de Janeiro sur les autres pouvoirs locaux et régionaux. [...] L’in-dépendance néfaste de l’État par rapport à la société civile (la naissance de l’État avant celle de la société civile, sa pré-gnance abusive, la fatalité des individus

et des groupes sociaux qui vivent de et par l’État) s’établit sur l’histoire interne de la métropole, la transmigration océa-nique de l’État portugais et la réitération sévère et avare de la culture des origi-nes”. C’est là le pivot de la division entre les unitaristes et les fédéralistes. Pour l’historienne de l’USP Isabel Lustosa, “certains, comme Frei Caneca et Ci-priano Barata depuis l’état de Pernam-buco, insistaient sur la forme fédérative et sur une plus grande indépendance des provinces par rapport à la capitale. Mais ceux qui voyaient la grandeur du territoire brésilien comme une force et voulaient le maintenir uni à tout prix af-fi rmaient que le modèle fédéraliste avait fonctionné aux USA parce qu’il avait anticipé la formation de l’État. Implanté ici, il fi nirait par provoquer la désinté-gration et nous entraîner vers le même destin que celui des colonies espagnoles, secouées par des révolutions”.

Cabral de Mello émet la critique sui-vante: “Pour ceux qui réduisent notre émancipation politique à la construc-tion d’un État centraliste, la tradition de l’historiographie tend à ignorer que si le royaume américain de Jean VI peut être considéré comme la première marque du futur édifi ce impérial, il n’en a pas moins été sur le point de détruire ses fragiles possibilités, justement de par son incompétence à dépasser la fi gure de rhétorique du vaste empire, en l’ac-tualisant et en la réalisant. De même que Murilo de Carvalho, Cabral de Mello estime que la construction impériale ne fut rien d’autre qu’une fi gure de rhétorique employée par la couronne portugaise pour tenter d’effacer la pé-nible impression créée en Europe après son départ; elle était présentée comme une “mesure visionnaire destinée à ré-habiliter le Portugal et à se revitaliser dans le Nouveau Monde pour revenir dans le Vieux Monde en condition de puissance de premier ordre”. Ce choix cornélien déterminerait si le futur bré-silien allait se situer dans le centralisme monarchique qui a maintenu les Bra-gance au pouvoir jusqu’à la fi n du XIXe siècle, ou dans le fédéralisme similaire à celui en vigueur aux États-Unis, comme l’ont préconisé dès 1817 les leaders des mouvements d’indépendance dans les états de Pernambuco et de Bahia.

Pour Evaldo Cabral de Mello, une autre indépendance était possible, “non R

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pas celle à visée unitaire, conservatrice et naturellement monarchique, qui nous a fait oublier d’autres modes possibles de développement de la nation ou de la formation de l’État. [...] Ces mouve-ments ont été regroupés sous l’amal-game trompeur de ‘séparatisme’, tandis que les constructeurs de l’Empire à Rio de Janeiro se sont vus attribuer dans l’histoire le beau rôle d’unitaires et de nationalistes. Murilo de Carvalho sou-ligne: “Comme les forces unitaires – ou la ‘meute unitaire’ selon les termes de Frei Caneca – ont vaincu les forces cen-trifuges, en particulier celles des états du Pernambuco et du Rio Grande do Sul, on peut se demander si la venue de la cour a aidé à modeler le Brésil de par son poids (et non de par sa détermination) dans la conservation de la monarchie et, surtout, dans le maintien de l’unité. La réponse est affi rmative. Monarchie et unité, unité en partie grâce à la mo-narchie, ont signifi é l’héritage de l’une

des cultures les plus en retard de l’Eu-rope, favorisé la prévention de ruptures sociales, culturelles et économiques, un excès de centralisation politique et de conservatisme social”.

T oujours selon Murilo de Carvalho, ce qui aurait été une colonie trans-formée en quelques pays peut être

perçu en analysant ce qui s’est passé dans la partie espagnole: beaucoup d’insta-bilité, de guerre civile, de caudillisme, mais aussi plus de mobilisation poli-tique, plus d’autogouvernement, plus d’audace réformiste. “Est-ce qu’il aurait mieux valu ? Cela dépend de la perspec-tive adoptée. Pour ceux qui rêvaient et rêvent encore aujourd’hui (ce n’est pas mon cas) d’un grand empire ou d’un Brésil puissance (pétrolière), le maintien de l’unité fut essentiel. Pour ceux qui se soucient davantage de la prospérité et des conditions de vie de la population, la fragmentation aurait pu être plus avan-

tageuse, surtout pour les provinces les plus riches”. Y a-t-il une unanimité au milieu de cette polémique ? Isabel Lus-tosa répond: “Je crois que la plupart des historiens pensent que le maintien de l’unité brésilienne a été une bonne chose. Mais tant que le fédéralisme n’a pas été adopté, la discussion sur ses avantages a accompagné l’Empire, les débats de la première Constitution (1823) et marqué la République. L’application pratique du fédéralisme avec la ‘politique des gou-verneurs’, du gouvernement Campos Salles, a cependant fi ni par consolider le colonélisme et augmenter l’inégalité sociale nationale”.

Revenons-en aux critiques de Cabral Mello à l’encontre de la période Jean VI au Brésil et ses conséquences. “Toute discussion sur les réformes politiques était toujours court-circuitée dans les cercles de la cour, qui objectaient que la Révolution Française avait aussi com-mencé par des réformes. La période de

Départ de la reine pour le Portugal, le 21 avril 1821

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Jean VI a été caractérisée par un conser-vatisme extrême, qui réduisait l’action du pouvoir public à des questions admi-nistratives devant être résolues selon les pratiques de l’ancien État”. D’après lui, c’est à partir de l’indépendance que s’est imposée une notion territoriale selon laquelle le Brésil était destiné à devenir un pays. Les cariocas concevaient le Bré-sil comme un grand pays, avec un po-tentiel correspondant de recouvrement d’impôts, sous un régime centralisateur. D’autre part, l’idéalisation du royaume de Jean VI est née et s’est développée à Rio, faisant du siège de la cour le grand bénéfi ciaire de l’immigration des Bra-gance; les capitaineries étaient quant à elles frappées d’une surtaxe pour fi nan-cer l’embellissement de la capitale, dans le but d’en faire un lieu acceptable pour les courtisans et les fonctionnaires du royaume. Pour Malerba, “cet entrela-cement des intérêts des élites natives et des élites ayant migré a marqué la me-

sure du processus d’indépendance à partir du rapprochement, pendant les années brésiliennes de Jean VI, entre les élites du Centre-Sud et la couronne. [...] Ici je suis d’accord avec Cabral de Mello: ce projet centralisateur vainqueur qui a coopté le prince du Brésil après le retour du roi au Portugal prônait l’imposition des intérêts aussi bien régionaux (voire provinciaux) que ceux desdits ‘sépara-tistes’ des états du Rio Grande do Sul ou du Pernambuco, ce qui me conduit à me demander quels seraient les avantages pour le Brésil si un autre de ces projets s’était imposé sur les autres”.

D e l’avis de Malerba, ce qui compte c’est qu’est née avec Jean VI l’em-bryon de l’élite qui allait construire

l’État impérial et la nation brésilienne au cours du XIXe siècle. “Et cette élite a été celle du Centre-Sud”. Il observe éga-lement que la confi guration patriarcale de l’État portugais de l’Ancien Régime a accompagné, lors de la venue au Brésil, celle du caractère sacré de la royauté: “un des principes de cette forme de gou-vernement, la monarchie absolue, repo-sait sur la libéralité du souverain, sur sa capacité à concéder des grâces. L’utili-sation excessive de ce principe a été la marque distinctive de la monarchie por-tugaise à Rio”. Appartenant à un temps qui s’effondrait sur son lieu d’origine, en arrivant à Rio de Janeiro la monarchie s’est transformée en quelque chose de nouveau, ou du moins différent. Tou-tefois, le poids de ce temps moribond était fortement ancré dans les esprits des hommes de l’élite et, surtout, dans celui de l’héritier, Pierre 1er. Sans expérience de rupture radicale, le Brésil est devenu un État-nation enfant de deux temps. Cette incertitude a marqué la période impériale et ses traits n’ont pas encore disparu à l’heure actuelle”.

“Ce que nous ne pouvons savoir”, note Malerba, “c’est si, dans le cas où ce projet centralisateur, monarchique et conservateur n’avait pas été historique-ment le projet vainqueur, quel type de fédération aurait surgi des décombres du monde colonial. La trajectoire politique est patente: les interprétations qui regret-tent l’avortement des projets fédéralistes tendent à attribuer les plaies sociales du Brésil à notre révolution conservatrice, à la voie prussienne suivie par les éli-tes brésiliennes. Mais nous n’avons pas,

dans l’histoire, le dispositif de la contre-épreuve. [...] Une expérience fédéraliste aurait-elle engendré un pays meilleur ? Notre expérience républicaine ne nous permet pas de répondre”. Laura de Mello e Souza préfère opter pour une “troisiè-me voie”: “Ce que l’on essayait de fait en 1808 était la confi guration d’un nouvel Empire: pas seulement portugais pour les Américains, qui le voulaient luso-bré-silien, et c’est peut-être de là qu’est née la tension qui exploserait bientôt, dans la mesure où les habitants de la métro-pole (car elle continuait à se voir comme telle) continuaient à donner de l’impor-tance à la relation. En somme, ce n’était plus au même Empire que les Portugais et les Luso-brésiliens pensaient: les pre-miers le voulaient portugais, les seconds luso-brésilien”.

Pour l’historien français Charles Mozaré, “un événement ne devient mémorable que s’il est exceptionnel, s’il suscite en plus de son aspect éphé-mère une réalité durable qui fi nit par s’inscrire dans les lieux de la mémoire collective, en devenant une sorte d’ex-périence exemplaire”. Dans ce sens, poursuit Malerba, “la célébration et la construction de la mémoire sont des fondements pour la constitution d’un corps politique. Comment cette entité, que nous nommons nation brésilienne, a-t-elle commencé? La récupération d’événements comme la permanence de la cour au Brésil entre 1808 et 1821 a une fonction de cohésion sociale, elle contri-bue à maintenir les sociétés organiques”. Malerba conseille de faire bon usage de ce “se rappeler ensemble”, en profi tant de la date pour lancer un débat sur notre trajectoire (“à partir de cet événement ou en raison de cet événement”), sur no-tre réalité actuelle et ses impasses. “Pour ce faire, il faut penser aux connexions historiques les plus générales et, en même temps, montrer comment et pourquoi elles ne sont pas aléatoires. Et cesser de voir la venue de la famille royale comme une anecdote grotesque ou une occurrence aléatoire”, observe Laura de Mello e Souza. Et Isabela Lus-tosa de compléter: “Nous célébrons les dates historiques comme les anniversai-res de nos parents, des personnes de qui nous descendons et que nous n’avons pas choisies, mais qui nous ont donné la vie et avec lesquelles nous sommes irrémédiablement unis”. ■

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Une réédition de l’œuvre complète propose une relecture critique de l’un des écrivains les plus populaires du Brésil

Le lancement en mars des six premiers volumes de la réédition complète de l’œuvre de l’écrivain bahianais Jorge Amado (1912-2001) est le projet éditorial le plus ambitieux et le plus important de la maison d’édition Companhia das Letras, qui prévoit d’éditer 32 titres d’ici 2012. Elle prétend être l’emblème d’une relecture cri-tique et donner au père de Gabriela, Tieta et Dona Flor,

parmi tant d’autres personnages, la valeur littéraire qu’il mé-rite. Après 33 années, Amado quitte la maison d’édition Re-cord, de Rio de Janeiro, pour émigrer à São Paulo. Sa nouvelle maison d’édition a remporté en août dernier la bataille pour l’œuvre, qu’elle menait avec six autres concurrentes.

Attirer l’intelligentsia brésilienne nécessitera un investisse-ment parallèle pour la promotion qui se composera de confé-rences et de séminaires avec des auteurs et des artistes renom-més, de spectacles, de présentations de films et même d’histoi-res en bande dessinée de certains romans – dont Jubiabá, pré-paré actuellement par le dessinateur Spacca en collaboration avec Lilia Schwarcz. Lilia est par ailleurs la coordinatrice édito-riale du projet aux côtés du diplomate et écrivain Alberto da

Costa e Silva, considéré au Brésil comme la plus grande autorité vivante sur l’Afrique et l’un des intellectuels brési-liens les plus importants.

La stratégie est ambitieu-se. Depuis mi-mars, les gran-des librairies exposent en nombre, et des livrets com-prenant des extraits des pre-miers livres sont gracieuse-ment distribués aux clients. À

cela s’ajoute une campagne publicitaire dans les journaux, les magazines et sur Internet, avec des photos et des témoignages de ceux qui admirent les livres. La maison d’édition a fait appel au soutien, parfois enthousiaste, de personnes célèbres tel que Rubem Fonseca: “Ses splendides histoires retracent de ma-nière émouvante notre pays et notre peuple, avec une univer-salité capable d’enchanter les lecteurs du monde entier”. Dans un style qui lui est propre, José Saramago écrit: “Chez Jorge Amado, l’art de se faire aimer était spontané, jamais prémé-dité”. L’éditeur Thyago Nogueira observe avec enthousiasme: “Nous voulons faire en sorte que les personnes lisent ses livres, et pour encourager au débat chaque livre possédera une post-face spécifique”. Et d’ajouter: “Nous allons former des profes-seurs dans tout le Brésil, préparer un matériel de soutien sco-laire, faire des spectacles, etc. Nous allons chercher de nouveaux lecteurs parmi les jeunes et les moins jeunes. D’où les activités comme un concours pour les professeurs et les élèves”.

En réalité, les défis à relever sont au nombre de deux. En plus du respect critique, il s’agit de faire à nouveau – même si les ventes de ses livres sont toujours conséquentes – un bon chiffre d’affaires auprès des lecteurs les plus jeunes, comme cela s’est produit avec Nelson Rodrigues dans les années 1990. Alberto da Costa e Silva sait que vendre l’écrivain aux formateurs d’opinion

LITTÉRATURE

Pourquoi aimer

Jorge Amado?

Jorge Amado: un lien efficace entre la littérature et le public

* NDT: Le titre original Por que amar Jorge? opère un jeu de mots entre “aimer” et le nom de l’auteur, Amado, qui signifi e en portugais “aimé.”

Gonçalo Junior

Publié en avril 2008

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sert même d’exemple pour une inter-prétation donnée du Brésil”. Pour lui, les universitaires ont en réalité du mal à se pencher sur l’œuvre d’Amado: “Certains secteurs intellectuels sont fascinés par le formalisme et Amado est antiformaliste par nature. De même qu’il est plus diffi-cile d’étudier la poésie de Manuel Ban-deira et de Cecília Meireles que de João Cabral de Neto, dont les caractéristiques formelles sont beaucoup plus claires. Autrement dit, on a plus de chances de faire un travail brillant et sans grand ef-fort sur un auteur original et de très grande qualité comme Guimarães Rosa”. Jorge Amado appartient à ce deuxième groupe: “Dans son cas, il faut posséder

de profondes connaissances en sociolo-gie et en anthropologie. Dans ses livres apparaît un Brésil féerique, dur, une rencontre de mélanges à partir de leurs non-rencontres. Ceux qui rejettent voi-re méprisent ses livres n’ont pas cette sensibilité spéciale qu’il faut avoir par rapport à la vie en soi, et pas exclusive-ment vis-à-vis de la littérature”.

L e critique et écrivain José Castello est d’accord sur le fait qu’Amado a payé cher son militantisme: “Même

mort, il continue encore à payer. C’est un cas similaire à celui de Saramago, autre communiste déclaré. Les deux sont victimes de la force des préjugés extra-littéraires qui entachent et dimi-nuent leurs littératures. C’est très in-juste. Bien sûr on peut ne pas aimer Amado ou Saramago, mais pas parce qu’ils sont communistes. Ou parce qu’ils sont chrétiens, islamistes, athées, conservateurs ou même fascistes. Cé-line était fasciste, mais cela ne l’a pas empêché d’être un génie”. D’après Cas-tello, ce qui se passe dans le milieu lit-téraire est, aujourd’hui encore, forte-ment imprégné de questions et des re-lents idéologiques qui se cachent sous le voile luxueux des “positions théori-ques”: “Les personnes s’enferment dans des groupes clos, elles ne considèrent que leurs pairs, ne recherchent que l’égal et la répétition”.

Mais dans le milieu universitaire il y a aussi des fervents défenseurs de l’écri-vain bahianais. Claudius Armbruster, professeur allemand de philologie ro-maniste et directeur de l’Institut Portu-gais-Brésilien de l’Université de Colo-gne, a effectué ses études post-doctorales sur le rôle du métissage dans l’œuvre de Jorge Amado – travail soutenu à l’Uni-versité Fédérale de Bahia (UFBA). Il es-time que les préjugés à l’encontre d’Amado à cause de son militantisme communisme sont exagérés: “Malgré son engagement politique, il a en réalité toujours été un écrivain à succès, aussi bien sur le plan de la critique que finan-cier”. Le chercheur met l’accent sur le fait que l’œuvre de l’écrivain exprime sa valeur littéraire à travers le mélange de culture populaire, de voix orales, de contextes politiques et de “lisibilité”.

Dans sa thèse de doctorat Jeux de mi-roirs: l’illustration et la prose de fiction de Graciliano Ramos, José Lins do Rego et

va exiger une certaine persistance. D’après lui, l’aspect politique de ses livres n’a été important qu’à une époque donnée, très spécifique, qui ne justifie pas l’étiquette d’auteur engagé: “Sa création survit aux vicissitudes de la politique”. Il préfère rappeler qu’il existe une très grande ac-ceptation dans des secteurs et des épo-ques donnés: “Son œuvre est estimée et admirée par des compagnons de sa géné-ration et par les auteurs les plus impor-tants des deux générations suivantes”.

Le diplomate admet qu’il existe une certaine résistance de l’université et d’une partie de la critique dans le cas des auteurs au succès populaire: “Son œuvre est riche en nuances, en couleurs et elle

Crayon magique: dans ses livres ressort le Brésil féerique

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Jorge Amado préparée à l’Institut des Arts de l’Université de Campinas (Unicamp), Mara Rosângela Ferraro Nita centre son travail sur l’illustration littéraire. Elle avait déjà lu quelques ouvrages de Jorge Amado avant de débuter sa recherche et connaissait le mépris démontré par une grande partie de la critique envers la pro-duction de l’écrivain bahianais. “Cette opinion défavorable ne m’a peut-être pas affectée parce que je suis une lectrice commune, sans formation dans le do-maine des études littéraires. J’avoue aussi que mon intérêt initial était tourné vers les magnifiques éditions illustrées de l’auteur surtout publiées par les maisons d’édition Ariel, Record et Martins”. Ce nonobstant, au cours de son travail elle s’est peu à peu attachée à la prose de fic-tion de Jorge Amado.

D ans l’ouvrage Jorge Amado: romance em tempo de utopia [Jorge Amado: roman en temps d’utopie], fruit de

sa thèse publiée par la maison d’édition en 1996, Eduardo de Assis Duarte réflé-chit au contexte de production des ouvrages d’Amado. Il y analyse en par-ticulier l’impact de la pensée de gauche sur l’écriture des premiers romans, de Le Pays du carnaval (1931) à Les Souterrains de la liberté (1954). Il souligne égale-ment les nuances existantes quant au respect (ou non) des directives de ladite “esthétique de parti”. Dans les années 1930, la radicalisation idéologique im-posait aux artistes et intellectuels de se positionner politiquement. Cet engage-ment est présent aussi bien dans la cri-tique sociale qu’en termes d’idéalisation du peuple et du militantisme, surtout de ses leaders, comme cela s’est produit avec Prestes dans Le Chevalier de l’espé-rance: vie de Luis Carlos Prestes. D’après l’auteur, Amado ne fait pas de “réalisme socialisme” au sens strict. Dans Les Che-mins de la faim par exemple, il critique fortement l’autosuffisance et les erreurs des dirigeants à mener ledit soulèvement communiste de 1935.

Que ce soit comme militant politi-que au début de sa carrière ou comme romancier qui chantait le peuple mé-tissé, ses fêtes et ses saveurs, Jorge Ama-do a toujours, de l’avis d’Ilana Seltzer Goldstein, abordé des questions liées à l’identité nationale: “C’est cette moti-vation qui m’a conduite à mener une étude sur lui dans le cadre des sciences

sociales, en mettant l’accent sur l’image du Brésil qu’il a aidée à construire”. À sa grande surprise, elle a rencontré très peu de thèses et de mémoires écrites par des sociologues, des anthropolo-gues et des historiens brésiliens sur l’écrivain – pas plus de deux ou trois. “Cela a attisé encore plus mon intérêt”, ajoute-t-elle. Seltzer Goldstein est ac-tuellement consultante de la maison d’édition Companhia das Letras pour la collection d’Amado. Conformément aux données que lui a envoyé la maison d’édition, elle a recensé, pour la seule période 1975-1995 au Brésil, un total de 20 050 500 exemplaires vendus. En plus des romans, Amado a écrit en qua-lité de journaliste et collaborateur de revues plus d’une centaine d’articles sur des sujets les plus variés; dans le champ intellectuel, il a exercé différen-tes fonctions, dont celles de critique, préfacier et membre de l’Académie des Lettres. Sans oublier les adaptations de ses ouvrages pour la télévision, ainsi que les hommages et les conférences à l’étranger, au cours desquels le roman-cier bahianais était une sorte d’ambas-sadeur symbolique du Brésil. Tout cela a fait de Jorge Amado un grand forma-teur d’opinions, un homme politique dont les idées ont eu de grandes réper-cussions sur plusieurs couches sociales de la société, dans plusieurs régions du Brésil et dans le monde.

Selon le Docteur ès Histoire Ana Paula Palamartchuk, auteur de Os novos bárbaros: escritores e comunismo no Bra-

sil (1928-1948) [Les Nouveaux barbares: écrivains et communisme au Brésil (1928-1948)], les préjugés envers Jorge Amado n’existent pas. Toutefois, elle ad-met que la mémoire construite autour de sa trajectoire a du mal à faire avec sa phase communiste: soit elle lui attribue une valeur excessive, soit elle sous-esti-me le rôle du militantisme dans son ex-périence littéraire. C’est d’ailleurs, dit-elle, ce que pensait Amado lui-même: O mundo da paz (1952) [Le Monde de la paix], récit d’un voyage en URSS, a été publié “comme une contribution à la lutte pour la paix. Je l’ai écrit comme un hommage d’un écrivain brésilien au ca-marade Staline pour son soixante-dixiè-me anniversaire, un sage dirigeant des peuples du monde dans la lutte pour le bonheur de l’homme sur terre”.

Des années plus tard, il écrit dans son livre de mémoires Navigation de cabo-tage: “J’ai retiré Le monde de la paix de la circulation, je l’ai rayé de l’ensemble de mes œuvres, je cherche à l’oublier...”. Néanmoins, le militantisme politique suit de près sa création littéraire, en par-ticulier entre 1933 – avec la publication de Cacao – et 1954, date de parution de la trilogie Les Souterrains de la liberté. Par la suite, quand il s’éloigne du Parti Com-muniste, ce militantisme politique va apparaître dans son œuvre comme une absence, pour essayer de donner un autre sens à sa trajectoire précédente. Cette absence est compensée par le peuple et par le populaire qui tentent d’articuler l’ensemble de son œuvre. ■

Jorge et sa femme Zélia Gattai, également écrivain

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Amazonieperdue et retrouvée

Des scientifi ques découvrent que les premiers habitants

appartenaient à des civilisations organisées et complexes

ANTHROPOLOGIE

Publié en octobre 2008

Des indiens dansent dans

le Parc National du Xingu

Gonçalo Junior

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veloppement Scientifi que et Technolo-gique (CNPq).

Il s’agit d’une recherche qui devrait changer une grande partie des acquis sur l’occupation de la région amazonienne. De prime abord, elle dément ce que l’on pensait jusqu’à présent, à savoir que le côté ouest de l’Amazonie était une vaste zone dénuée de culture humaine comple-xe. D’énigmatiques travaux de remblaie-ment laissés par des sociétés organisées montrent qu’elles y vivaient là et prati-quaient la culture. De tels indices peuvent mener à des découvertes importantes à l’aube du XXIe siècle, alors que l’on ne croyait plus à de grandes nouveautés dans le domaine. Pour Alceu Ranzi, membre de l’Institut Historique et Géographique de l’état de l’Acre et intégrant l’équipe d’Ondemar Dias de l’Université Fédé-rale de l’état de Rio de Janeiro (UFRJ), qui a découvert les premiers vestiges de ces éléments en 1977, “ l’occurrence des géoglyphes dans l’état de l’Acre renverse le paradigme selon lequel les sociétés complexes de l’Amazonie se seraient dé-veloppées seulement dans les zones de plaine cultivée des grands fl euves”.

Ranzi explique que les géoglyphes se situent principalement dans des zones interfl uviales – des terres éle-vées qui divisent les eaux des fl euves Acre, Iquiri et Abunã. Autrement dit, une zone non-inondable (terra fi rme). La découverte de l’équipe de Dias n’a été communiquée offi ciellement à la communauté scientifi que qu’en 1988 dans un article publié par l’anthro-pologue Eliana de Carvalho, mais elle n’a eu aucune répercussion. Tou-tefois, les travaux dans la région ont commencé à avoir un retentissement international au cours des neuf derniè-res années. Actuellement, une équipe d’anthropologues dirigée par Denise Pahl Schaan procède à un grand relevé régional des géoglyphes. “Lorsqu’on observe leur maîtrise de la géométrie, des cercles, des octogones et des angles parfaits”, observe Ranzi, “on perçoit la complexité liée à la construction de ces gigantesques géoglyphes”.

Le projet Géoglyphes de l’Amazo-nie est né en 2007. Un an auparavant, un projet pour l’étude de cinq géogly-phes considérés très importants a été T

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L’ironie est des plus cruelles: la déforestation incontrôlée et cri-minelle de la forêt amazonienne a permis de faire l’une des plus importantes découvertes ar-chéologiques brésiliennes de tous les temps. À l’aide d’images

satellites et de recherches sur le terrain, des scientifi ques brésiliens et fi nlandais sont en train de découvrir et de carto-graphier des géoglyphes, de gigantes-ques dessins géométriques de plus de 350 m de longueur et effectués par les premiers groupes organisés d’hommes qui peuplaient la région il y a près de 13 mille ans. D’après Denise Pahl Schaan, vice-coordinatrice du programme de maîtrise et doctorat en sciences sociales, coordinatrice du cours de spécialisation en archéologie de l’Université Fédérale de l’état de l’Acre (Ufac) et présidente de la Société d’Archéologie Brésilienne, “sans la déforestation, on ignorerait peut-être encore leur existence”. Denise Pahl dirige également avec la géographe de l’Ufac Miriam Bueno le groupe de recherche Géoglyphes de l’Amazonie, fi nancé par le Conseil National de Dé-

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créé en association avec des chercheurs fi nlandais. Denise Pahl Schaan raconte que les informations des voyageurs des siècles derniers parlaient de grandes so-ciétés vivant le long du fl euve Amazone et de ses principaux affl uents. De la mê-me manière, les premières recherches archéologiques ont privilégié les zones inondables. Puisque les populations in-digènes ayant survécu à l’époque colo-niale se sont réfugiées dans les zones interfl uviales, c’est là qu’elles ont été rencontrées par les ethnographes ayant décrit leur mode de vie.

Dans les années 1950, certains cher-cheurs ont suggéré que le mode de vie indigène (petits hameaux, changement de hameau en moyenne tous les cinq ans) décrit par les ethnographes refl é-tait le modèle de vie typique sur la zone non-inondable à toutes les époques. D’après Pahl Schaan, “les géoglyphes montrent que cette notion était erronée, l’élaboration des gigantesques dessins indique une organisation de la force de travail et une planifi cation, l’exis-tence d’une hiérarchie sociale et pro-bablement des confl its armés, vu que les tranchées peuvent avoir été creusées pour la défense”. La chercheuse souli-gne que leur géométrie est parfaite et qu’elle dénote un souci du symbolique: “Le stade de développement culturel de ces peuples qui existaient serait celui des chefferies, des sociétés régionales socialement stratifi ées”.

Cependant, il n’existe pas d’infor-mations sur la date et la raison de la dis-parition de ces peuples. “Nous faisons actuellement le relevé des sites dans tout

l’état de l’Acre et ses environs; nous réa-lisons des fouilles dans certains d’entre eux et recueillons des échantillons de sol et de matière végétale pour les dater et voir quelle était la couverture végé-tale à l’époque de leur construction. Il sera ainsi possible de savoir si la forêt a été détruite pour la construction des géoglyphes ou si la zone était une sa-vane, un milieu ouvert”.

C omparés aux Indiens qui vivent aujourd’hui en Amazonie, ces peuples anciens étaient plus nom-

breux et possédaient une organisation sociale plus complexe. Selon Denise Pahl Schaan, les géoglyphes représentent une population importante vivant sur une zone non-inondable. Les ouvrages en terre signalent une mobilisation de la force de travail et une planifi cation, ce qui n’existe que dans les sociétés com-

plexes: “La répartition très étendue des géoglyphes sur une superfi cie de plus de 250 kilomètres de long indique une standardisation de pratiques culturelles monumentales sur de vastes régions, ce qui apparaît uniquement dans les socié-tés complexes. [...] Il faut rappeler que les transformations du paysage réalisées à travers les géoglyphes n’existent égale-ment que dans les sociétés complexes”.

Parmi les chercheurs qui ont fait partie de l’équipe d’Ondemar Dias se trouvait Franklin Levy, aujourd’hui docteur ès Anthropologie. Par courrier électronique, ce chercheur fi nlandais nous rappelle qu’après la découverte de la première structure en terre de l’état de l’Acre, en 1977, il a dirigé les recher-ches sur le front oriental, de Cruzeiro do Sul jusqu’à la frontière avec le Pérou: “Là-bas, on n’a pas encore localisé de structures en terre”. À cette époque, le côté ouest de l’Amazonie était encore méconnu. “Des données éparses et des découvertes fortuites ne constituaient pas une connaissance archéologique organisée, permettant que ce vide soit rempli par l’imagination de chacun et occasionnellement perçu comme une extension de la connaissance ethnolo-gique moderne”.

Pour l’anthropologue, l’observa-tion de cultures modernes calquée sur l’idée reçue d’une évolution linéaire, selon laquelle chaque peuple franchit des niveaux évolutifs faciles à observer – c’est-à-dire des progrès matériels –, a faussé l’évaluation et l’interprétation d’autres penseurs et théoriciens. “Mais cette confusion disparaît peu à peu et cède la place à une nouvelle vision, qui

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Cercle de la civilisation: rencontres inattendues

Fouilles révélatrices: les chercheurs rencontrent de nouvelles évidences

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parle de cultures complexes dans le sens organisationnel, de commandements et de chefferies. Comprendre comment ils ont saisi internement ce phénomène sans tenter de l’expliquer à travers la taille de leurs tâches relève du travail de l’archéologue”.

T oujours selon Levy, les évidences archéologiques permettent d’affi r-mer qu’une société est restée – y

compris avec des allers et venues – sur le lieu de ses géoglyphes pendant plus de 2 500 ans. Elle a ainsi eu le temps de développer une culture si complexe qu’il ne sera jamais possible de la saisir totalement: “Ces peuples ont dominé le milieu grâce aux nombreuses ressour-ces techniques dont ils disposaient et ont vaincu les vicissitudes du climat, en maintenant la production quelle que soit la saison. Ils ont également ha-bité dans les savanes et dans les zones interfl uviales les plus élevées. Comme les eaux les empêchaient de s’installer et de planter, ils creusaient de grandes fosses autour du lieu choisi en rabais-sant la nappe phréatique remontante et en retirant les racines, et ils ont réussi à garder le sol des maisons plus sec au moment de la saison des pluies.

Lorsque les pluies cessaient et qu’il fallait brûler le fourrage des champs, les

fosses devenaient des abris sûrs et pré-servaient le milieu domestique. Ainsi protégés, ils contrôlaient également l’avancée de la forêt avec le feu. Et Levy d’ajouter: “Ils diversifi aient l’économie par les ressources des zones inonda-bles qui, à découvert, fournissaient à la fi n des pluies ce qui manquait sur les terres élevées”. Ils n’y passaient que de courts séjours, comme le prouvent les restes archéologiques. “La maîtrise parfaite des conditions climatiques et environnementales, exploitant de ma-nière productive jusqu’aux formes d’in-teraction entre les différents peuples qui composaient cette culture, dénote un degré d’évolution incompréhensible pour l’observateur actuel. [...] L’inten-tionnalité et l’inventivité de ces tech-nologies de survie ont montré que le processus et les desseins n’étaient pas le fruit du hasard”.

Le fi nlandais Martti Pärssinen, di-recteur scientifi que du projet Man and Nature in Western Amazonian fi nancé par l’Université d’Helsinki, estime qu’Alceu Ranzi est l’âme de l’étude des géoglyphes, car c’est lui qui a en-couragé tous les chercheurs à former un groupe de recherche. Les princi-paux objectifs du projet qu’il coor-donne sont, par ordre d’importance: (1) reconstruire l’histoire, la culture,

l’économie, l’ethnie et la répartition démographique des peuples qui ha-bitaient la région située à la frontière entre le Brésil et la Bolivie, avant et après l’arrivée des Européens; (2) four-nir aux autorités des deux pays des in-formations qui permettront d’aider à protéger les sites archéologiques et à contrôler le tourisme dans la région, de manière durable.

Pärssinen a été invité en 2002 par Ranzi à connaître les géoglyphes de l’état de l’Acre, alors qu’il était en train d’étudier une fortifi cation inca près de Riberalta en Bolivie, à 200 kilomètres de Rio Branco: “Jusqu’à la moitié du XXe siècle, les peuples de l’Amazonie pré-européens étaient généralement interprétés selon une perspective eth-nographique contemporaine. Les socié-tés amazoniennes étaient surtout vues comme des groupes primitifs vivant en petits groupes hostiles et sans or-ganisation sociale complexe”. Il cite les propos de Julian H. Steward, formulés en 1948: “La culture de la forêt tropicale a été adaptée dans une région extrême-ment chaude, humide et très arborisée. La chasse, la pêche et les brûlis sont à l’origine de la faible densité de la po-pulation et de petites communautés”. Aujourd’hui, les découvertes montrent exactement le contraire. ■

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La FAPESP est l’une des plus importantes agences de financement de la recherche brésilienne. En 2009, US$ 400 millions de dollars ont été investis dans tous les domaines du savoir. Ci-dessous, quelques-uns de nos programmes les plus ambitieux:

> Bioénergie (Bioen) Programe de recherche en biocombustibles dont le but est d’augmenter la productivité de l’éthanol de canne à sucre de façon durable et la production d’énergie à partir de la biomasse www.fapesp.br/en/materia/472

> Changements climatiques L’effort multidisciplinaire le plus important et le plus articulé au Brésil, mis en place pour élargir les connaissances sur les causes du changement du climat et ses conséquences sur la vie des personnes www.fapesp.br/en/materia/4485

> Biodiversité-FAPESP Recherche qui a pour but d’identifier, de caractériser et de récupérer la biodiversité de l’État de São Paulo. Base de la formulation des lois de protection de l’environnement, elle a, en 10 ans, permis la découverte de 500 nouvelles espèces de plantes et d’animaux www.biota.org.br/

> Centres de Recherche, d’Innovation et de Diffusion (Cepids)

Les 11 Cepids développent des recherches de base ou appliquées de caractère innovateur. Le savoir géré par les équipes, toujours multidisciplinaires, est transféré à la société, au gouvernement, à tous ses niveaux, de façon à subsidier les politiques publiques, et au secteur privé, sous la forme de nouvelles technologies www.fapesp.br/en/materia/17

La FAPESP invite les chercheurs talentueux, possédant un doctorat et une carrière bien succédée, à poser leur candidature à une bourse de post-doctorat www.fapesp.br/opp

FONDATION D'APPUI À LA RECHERCHE DE L'ETAT DE SÃO PAULO

FAPESPLe financement de cerveaux et du savoir

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