6

Click here to load reader

Effet Dynamo

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Effet Dynamo

CLEFS CEA - N° 56 - HIVER 2007-200896

Le magnétisme, la Terre et l’espace

Avec le dispositif expérimental VKS, les équipes du CEA, du CNRS et des Écoles normalessupérieures de Lyon et de Paris créent un champ magnétique par l’agitation d’un métalliquide. Elles reproduisent ainsi en laboratoire “l’effet dynamo” à l’origine du champmagnétique des étoiles et des planètes, à commencer par la nôtre, et ses avatars.

L’expérience VKS: apparitiond’un champ magnétique dansun fluide conducteur turbulent

L’installation VKS aucentre CEA de Cadarache

(Bouches-du-Rhône). A. G

onin

/CEA

Quelle est l’origine des champs magnétiques cos-miques ? Pourquoi le champ magnétique ter-

restre se renverse-t-il de façon erratique ? (Mémo D,Le champ terrestre, faible mais vital, p. 99). C’est pour répondre à ces questions que les chercheursde la collaboration VKS (1) (CEA-CNRS-ENS Paris-ENS Lyon) ont réalisé une expérience qui s’est révé-lée fructueuse au centre CEA de Cadarache (Bouches-du-Rhône). Cette expérience a permis de mettre enévidence l’effet dynamo, c’est-à-dire la générationspontanée d’un champ magnétique dans un écoule-ment pleinement turbulent de sodium liquide. Ellea également montré, pour la première fois, des ren-versements erratiques et des basculements périodiquesdu champ magnétique qui présentent des similitudesétonnantes avec les dynamos naturelles.La plupart des objets astrophysiques qui nous entou-rent possèdent un champ magnétique. Celui de la Terreest principalement dipolaire et connaît des alternan-ces irrégulières de polarité. Le champ magnétique duSoleil est, quant à lui, cyclique, avec une période de22 ans. L’origine de ces champs magnétiques est long-temps restée une énigme, en particulier en ce quiconcerne le magnétisme terrestre, le premier à avoirsuscité l’intérêt. En 1600, William Gilbert pensaitpar exemple que la Terre était un gros aimant tandis

qu’en 1840, Gauss la croyait dotée d’un aimant en soncentre. Mais bien que le champ magnétique possèdetoutes les apparences de celui généré par un tel aimant,la température au centre de la Terre est beaucoup tropélevée pour que les objets puissent y conserver leuraimantation. Ce n’est qu’en 1919 que Sir Joseph Larmorémit l’idée que le champ du Soleil pouvait être engen-dré par effet dynamo, une instabilité due au mouve-ment d’un fluide conducteur. Pour la Terre, composéeen son centre d’un noyau de fer liquide, l’hypothèseétait que son champ magnétique serait créé par ce mêmeeffet dynamo grâce à des mouvements de ce fluide.

L’effet dynamo

L’effet dynamo consiste en la génération spontanéed’un champ magnétique qui s’auto-entretient. Le prin-cipe est celui à la base du fonctionnement des généra-teurs électriques décrits par Siemens à la fin du XIXe siè-cle : l’énergie mécanique est convertie en énergieélectromagnétique. Un effet dynamo peut donc seproduire dans un milieu conducteur (solide ou liquide)en mouvement au-delà d’un certain seuil de vitesse desmouvements de ce milieu: un courant électrique cir-culant dans un milieu conducteur crée un champmagnétique et, réciproquement, un conducteur enmouvement dans un champ magnétique produit ducourant électrique (figure 1).(1) Pour Von Karman et Sodium.

Page 2: Effet Dynamo

CLEFS CEA - N° 56 - HIVER 2007-2008 97

Figure 1. En (a) la rotation à vitesse

angulaire Ω d’un disquesoumis à un champ

magnétique B0 engendreune force électromotrice

et un courant pouvant circuler dans

la résistance. (b) L’idée est alors

de choisir la géométrie du circuit électrique

afin d’utiliser le courantinduit pour engendrer

un champ magnétique.Dans ces conditions, une

perturbation du champengendre un courant

qui à son tour amplifie ce champ si le sens

de rotation est bien choisien fonction de l’induction

mutuelle entre le circuit etle disque, et si ce dernier

tourne suffisamment vite pour compenser

les pertes par effet Joule.

Dans les objets astrophysiques, les conditions ne sontpas les mêmes que dans un circuit électrique: les mou-vements y sont aléatoires et très turbulents et les cou-rants électriques n’y sont pas prescrits. L’enjeu pour lesscientifiques est donc de montrer que des mouvementsbien choisis et suffisamment vigoureux d’un fluideconducteur de l’électricité peuvent engendrer sponta-nément un champ magnétique au-delà d’un certainseuil. Bien que les équations régissant ce phénomènesoient connues (équations de Maxwell et de NavierStokes(2), loi d’Ohm), les simulations numériques nepermettent pas encore de reproduire sans approxima-tion les conditions des milieux naturels, les fluides yétant en particulier très turbulents. Il est donc néces-saire de réaliser des expériences dynamo de laboratoire.

Créer un champ magnétique en laboratoire

Du point de vue expérimental, deux étapes impor-tantes ont permis de prouver que le concept de dynamofluide était valide. En 1963, Lowes et Wilkinson ontd’abord montré que deux rotors solides tournant dansune matrice conductrice pouvaient créer un champmagnétique. Les mouvements des conducteurs sontimposés mais les courants sont libres. En 2000, les expé-riences de Riga et Karlsruhe ont remplacé le mouve-ment de rotors solides par un écoulement de sodiumliquide. Mais cet écoulement est contraint à suivre unegéométrie imposée. Les champs magnétiques engen-drés sont simples, contrairement aux champs magné-tiques des objets naturels qui ont, en général, des dyna-miques complexes. En 2007, la collaboration VKS – qui, comme cinq aut-res équipes dans le monde, conduit ses expériences avecdes écoulements de sodium liquide – a réussi à créer enlaboratoire un champ magnétique par effet dynamo,dans un écoulement pleinement turbulent plus prochedes conditions naturelles, c’est-à-dire avec des mouve-ments et des courants non contraints. Le sodium est un métal excellent conducteur de

l’électricité, solide jusqu’à 98 °C. Au-delà de cette tem-pérature, il est liquide avec une masse volumique etune viscosité toutes deux relativement modérées, cequi permet des écoulements à grands nombres deReynolds(3) comparables aux écoulements de fluidesclassiques tels que l’eau ou l’air. En revanche, le sodiumbrûle spontanément dans l’air et réagit très vivementavec l’eau, ce qui nécessite des dispositions particuliè-res pour sa mise en œuvre. Les expériences du programme se déroulent au CEACadarache, au Département des techniques nucléairesdela Direction de l’énergie nucléaire (DEN). Les instal-lations dédiées à l’usage du sodium liquide y sont cho-ses courantes et bénéficient des années de développe-ment des réacteurs à neutrons rapides de type Phénixqui utilisent ce sodium en très grande quantité commecaloporteur (4).

L’expérience VKS

Un écoulement de Von Karman(5) tourbillonnaire estproduit par la rotation de deux “turbines” tournanten sens inverse dans un cylindre en cuivre rempli desodium liquide. Le mouvement entraîne un fortcisaillement dans le plan médian et génère de part et

La cuve ouverte del’expérience VKS permet d’en distinguer une des“turbines” contrarotatives.

Figure 2. Schéma de l’écoulementmoyen entre les deuxturbines contra-rotatives.L’écoulement toroïdal estreprésenté en bleu et lepompage poloïdal en rouge.

VKS

Vue écorchée de l’expérienceVKS au CEA/Cadarache.

a

b

I

I

A

A

P

P

BO�

B

(2) Équations de Navier-Stokes : équations aux dérivéespartielles non-linéaires qui décrivent le mouvement des fluidesdans des milieux continus.

(3) Nombre de Reynolds : rapport des forces aérodynamiquesaux forces de viscosité dans un écoulement. Il permet le calculdes caractéristiques de la couche limite et de la résistance audécollement.

(4) Ce type de réacteur nucléaire a besoin d’un caloporteur qui ne ralentit pas trop les neutrons et reste transparent auxneutrons : c’est le cas du sodium, métal sous forme liquide.

(5) écoulement de Von Karman : écoulement engendré pardeux disques en contra-rotation dans une enceinte cylindriqueavec une paroi latérale immobile.

Page 3: Effet Dynamo

CLEFS CEA - N° 56 - HIVER 2007-200898

Le magnétisme, la Terre et l’espace

l’écoulement, un anneau permettant de stabiliser lacouche de cisaillement dans le plan médian et des tur-bines en fer pur. Les mesures du champ magnétiquesont réalisées à partir de sondes immergées dansl’écoulement et les paramètres opérationnels defonctionnement (pression, température, vitesse, puis-sance…) sont enregistrés (fig ure 3).Lorsque les turbines tournent en exacte contra-rota-tion à une vitesse supérieure à 1020 tours par minute(vitesse critique), un champ magnétique naît sponta-nément et est auto-entretenu par le mouvement dufluide. Ce champ est fortement fluctuant en raison dela turbulence élevée de l’écoulement. Ce résultat prouveque les dynamos fluides continuent à opérer en pré-sence de turbulences fortes, telles qu’elles existent dansles conditions naturelles où la turbulence est omni-présente (figure 4).Pour se rapprocher plus encore des conditions natu-relles, les chercheurs de la collaboration ont fait tour-ner les turbines en contra-rotation à des vitesses diffé-rentes, ce qui revient à ajouter une rotation d’ensemblesemblable à celle des planètes et des étoiles. Ils ont ainsiobservé que le champ magnétique a alors un compor-tement plus riche que lorsque les turbines tournent àla même vitesse. Le champ magnétique évolue au coursdu temps avec des renversements erratiques de sa direc-tion. Il existe également des excursions au cours des-quelles le champ magnétique décroît comme s’il allaits’inverser puis revient à sa valeur initiale (figure 5).

De singulières similitudes avec le champ terrestre

Ces résultats, en particulier le dernier, mettent enévidence de singulières similitudes avec le champmagnétique terrestre. En effet, il est possible dans cesexpériences d’observer, comme sur Terre, trois phé-nomènes. Le premier voit le champ passer d’un étatde polarité à un état opposé avec des périodes detemps aléatoires et une durée de transition d’un étatà l’autre très courte. Le deuxième est que si les pério-des pendant lesquelles le champ est stable ont unedurée variable, celle-ci est toujours plus longue quele temps nécessaire à un renversement. Le troisièmephénomène est la présence d’excursions du champ,périodes durant lesquelles le champ décroît puis croîtde nouveau sans changer de polarité.Pour d’autres vitesses de rotation, le champ magné-tique peut s’inverser de manière périodique, en tour-nant dans l’espace sans s’annuler, comme cela estobservé, par exemple dans le Soleil (figure 6). Ce résul-tat de l’expérience VKS montre que certaines carac-téristiques de la dynamo terrestre peuvent être étu-diées “au laboratoire” dans des situations biencontrôlées. De plus, la richesse des régimes observéslaisse entrevoir la possibilité de comprendre pourquoides dynamos différentes peuvent être observées pourdes objets naturels a priori similaires (Vénus, par exem-ple, ne possède pas de champ magnétique) ou pour-quoi la durée du cycle d’activité magnétique des étoi-les semble dépendre de leur vitesse de rotation.

> François Daviaud Institut rayonnement matière de Saclay (Iramis)

Direction des sciences de la matièreCEA Centre de Saclay

Figure 4. En (a), évolution

temporelle des troiscomposantes du champ

magnétique lorsque la vitesse de rotation

est augmentée au-dessus du seuil (contra-

rotation exacte). En (b), évolution

des valeurs moyennes de ces composantes

en fonction du nombrede Reynolds magnétique

Rm, paramètre decontrôle proportionnel à la vitesse de rotation

des turbines.

d’autre, comme dans des pompes radiales, un effetde “pompage axial”. L’ensemble est fortement fluc-tuant et le niveau de turbulence élevé (figure 2). Les dimensions, les conditions aux limites et la formedes turbines ont fait l’objet de nombreuses études théo-riques, numériques et expérimentales. La cuve actuellefait 60 centimètres de long pour un diamètre de 60 cmet a un volume de sodium d’environ 150 litres. Ellecomprend une couche de sodium au repos qui entoure

Figure 5. Évolution temporelle

présentant les inversionserratiques du champmagnétique lorsque

les deux turbines ne tournent pas

à la même vitesse. L’unedes turbines tourne ici

à 960 tours/minute et l’autre à

1 320 tours/minute.

Figure 6. Oscillations périodiques

du champ magnétiquepour d’autres vitesses

de rotation des turbines.

a

b

20

0

-20

201510

50

40

30

20

10

0

300

200

100

-100

-200

-300

0

0 10temps (s)

Rm

temps (s)

���

(Hz)

Bi(

G)

Bi(

G)

Bi(

G)

cham

p m

agné

tique

(gau

ss)

20 30 40

10

0 150 300 450 600 750 900

20 30 40

50

-40

-60

temps (s)350 355 360 365 370 375 380

150

100

50

0

-50

-100

-150

Bx

By

Bz

_<Bx>_<By>_<Bz>

Page 4: Effet Dynamo

La Terre possède son propre champmagnétique, se comportant comme un

énorme aimant. Son étude relève du géo-magnétisme. Ce champ peut, en premièreapproximation, être assimilé à celui d’undipôle centré dont l’axe ne coïncided’ailleurs pas avec celui de la rotation dela Terre puisqu’ils forment actuellementun angle de 11,5 °, valeur qui évolue aucours du temps en fonction des mouve-ments du noyau de la planète (figure).

L’angle formé entre la direction du pôlenord magnétique et celle du pôle nord géo-graphique, ou déclinaison magnétique,varie d’un point de la surface du Globe àl’autre. L’angle formé par le vecteur duchamp magnétique et la surface terrestreest l’inclinaison magnétique. Au dipôle centré sont associées des lignesde champ magnétique qui relient le pôleSud au pôle Nord. Les deux points où leslignes de champ convergent et sont verti-cales à la surface du globe correspondentaux pôles magnétiques, respectivementsitués aujourd’hui au Canada et en TerreAdélie. Le pôle Nord magnétique (qui cor-respond au pôle Sud de l’aimant que cons-titue la planète) est celui sur lequel s’ali-gne l’aiguille des boussoles.Le champ magnétique terrestre est unchamp relativement faible, de l’ordre de0,5 gauss, soit 5·10-5 tesla (valeur à Paris,par exemple). Il est créé par l’effet dynamoengendré par les mouvements du noyaude la planète. Le pôle Nord magnétique sedéplace d’une centaine de kilomètres paran. Même si l’intensité du dipôle n’est pastrès forte, les lignes du champ dipolaireforment un écran vis-à-vis de toute par-ticule chargée et mettent les Terriens àl’abri des rayonnements cosmiques.Comme d’autres planètes du systèmesolaire (Mercure, Jupiter, Saturne, Uranus

et Neptune), la Terre possède ainsi unemagnétosphère qui protège sa surface duvent solaire mais ce dernier déforme leslignes de son champ magnétique. Le champ magnétique terrestre est loind’être uniforme. Il présente des anoma-lies magnétiques, déviations de la force duchamp constatées par rapport au modèleglobal, qui peuvent être importantes àl’échelle de toute une région. C’est le casde l’anomalie de l’Atlantique Sud, qui n’estpas sans conséquence sur la dose derayons cosmiques reçue par les équipa-ges et les passagers des avions et des vais-seaux spatiaux qui la traversent. D’autres composantes plus faibles duchamp magnétique terrestre, dites nondipolaires, se superposent au dipôle prin-cipal et ont des constantes de temps beau-coup plus courtes que celles du dipôle ;elles n’ont pas d’effet significatif au-delàde la surface terrestre. Au cours des temps géologiques, le champmagnétique de la Terre a subi de fortesfluctuations, vécu des périodes d’instabi-lité importantes dont aucune n’est vérita-blement périodique, et connu plusieursinversions de ses pôles magnétiques. Entémoignent les empilements de couléesde lave ou les séquences sédimentairesqui s’accumulent au fond des océans. Cesdeux types de roches ont, en effet, la capa-cité de rester magnétisées dans la direc-tion du champ magnétique existant lors deleur refroidissement à la température deCurie (point de Curie), un peu en dessousde 500 °C, et donc de garder la mémoiredu champ magnétique régnant à la sur-face du Globe pendant ce refroidissement(ou pendant leur dépôt via les petits grainsmagnétiques qui les composent). C’est lephénomène de rémanence magnétiquequi a permis le développement du paléo-magnétisme. La direction du champ réma-nent, qui peut être complètement diffé-rente de la direction du champ local actuel,est caractéristique du champ local lors dela formation de la roche. Les roches vol-caniques, après avoir traversé l’écorce ter-restre à une température supérieure aupoint de Curie des minéraux qui les com-posent, se refroidissent et s’aimantent sousl’effet du champ terrestre au passage dece point dans le sens inverse. Moins sen-sibles au phénomène, les roches sédi-mentaires voient les particules magné-tiques s’orienter dans la direction du champterrestre lors de la sédimentation et conser-

ver cette orientation. Les sédiments qui sedéposent dans les fonds océaniquescontiennent des minéraux magnétiquesdont le plus facile à détecter est la célèbremagnétite. Cette aimantation est propor-tionnelle à l’intensité du champ et n’évo-lue pas à la température ordinaire. Maisd’autres facteurs influent sur l’aimanta-tion rémanente : l’action continuelle duchamp terrestre, les champs intensesponctuels (dus par exemple à la foudre) etla cristallisation qui peut en modifier l’in-tensité ou la direction.

Renversements et excursions du champLe champ magnétique terrestre connaîtdeux types d’instabilités, les renversementset les excursions. Les renversements cor-respondent à des inversions des pôles Sudet Nord magnétiques, dont la plus récentea eu lieu il y a environ 790000 ans. Ce typed’inversions a été mis en évidence pour lapremière fois en 1906 en France parBernard Bruhnes, mais il a fallu attendreles années 1960 pour que les études semultiplient et établissent que ces phéno-mènes d’inversion sont vraiment unecaractéristique globale du champ magné-tique terrestre. Elles ont surtout montréqu’ils se produisaient de façon erratiqueet imprédictible, avec une alternance de polarité stable pendant de longues pério-des (plusieurs centaines de milliers d’an-nées) et de renversements rapides(quelques milliers d’années) et que le tauxde renversement avait augmenté au coursde la dernière centaine de millions d’an-nées, passant de un, au début de cettepériode, à quatre renversements par milliond’années pendant les cinq derniers millionsd’années, la période “normale” actuellesemblant donc “anormalement” longue.Les excursions géomagnétiques sont des instabilités de plus courte durée. Si, comme pour les inversions, la polarités’inverse complètement, la polarité initialese rétablit aussitôt. Les études menées au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE/CEA-CNRS-université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines) ont montré que la durée d’uneexcursion est de l’ordre de 1500 ans, appor-tant une première vérification de la théoriedu géophysicien anglais David Gubbins selonlaquelle les excursions ne se produisent quedans le noyau externe fluide de la Terre etnon pas dans le noyau solide.

Le champ terrestre, faible mais vitalDMÉMO

NM

SMSG

NG

SN

Page 5: Effet Dynamo

Le magnétisme trouve essentiellementson origine dans les propriétés des

électrons telles qu’elles sont expliquéespar la physique quantique. Leur état quan-tique de spin est responsable d’une pre-mière partie du magnétisme (magnétismede spin). Une deuxième partie est imputa-ble au mouvement orbital des électronsautour du noyau de l’atome (magnétismeorbital) et également au magnétisme dunoyau lui-même (magnétisme nucléaire),notamment mis à profit dans les techniquesd’imagerie médicale par résonance magné-tique nucléaire. Le magnétisme est doncproduit par des charges électriques enmouvement. La force agissant sur ces char-ges, dite force de Lorentz, traduit la pré-sence d’un champ magnétique.L’électron possède un moment magné-tique élémentaire (le quantum magnétiqueétant le magnéton imaginé par Bohr) quipeut être associé à l’image de son mouve-ment de rotation du spin sur lui-mêmedans un sens ou dans l’autre, orienté versle haut ou vers le bas. Le nombre quantiquede spin (un des quatre nombres qui “quan-tifient” les propriétés de l’électron) est égalà 1/2 (+ 1/2 ou - 1/2). Une paire d’électronsne peut occuper la même orbitale que sil’un et l’autre sont de moments magné-tiques opposés. Chaque atome peut être assimilé à un petitaimant porteur d’un moment magnétiqueélémentaire. Le spin du noyau (neutron etprotonont eux-mêmes un spin demi-entier)est demi-entier si le nombre de masse estimpair ; nul si le nombre de masse et lacharge sont pairs, et entier si le nombrede masse est pair et la charge impaire.De nombreux moments magnétiques peu-vent, à une échelle plus importante, cons-tituer des domaines magnétiques danslesquels tous ces moments sont orientés

dans la même direction. Ces régions del’espace sont séparées entre elles par desparois. Rassemblés, ces domaines peu-vent eux-mêmes constituer un aimant àl’échelle macroscopique (figure E1).De l’organisation de ces constituants élé-mentaires dépend la manifestation de dif-férents types de magnétisme, associés tra-ditionnellement à trois grandes famillesde matériaux: ferromagnétiques, parama-gnétiques et diamagnétiques. Tous les matériaux qui ne sont pas dia-magnétiques sont par définition parama-gnétiques, dans la mesure où leur sus-ceptibilité magnétique est positive, maiscette susceptibilité est particulièrementélevée dans les ferromagnétiques, qui cons-tituent donc en eux-mêmes une famille.1. Les matériaux ferromagnétiques sontconstitués de petits domaines à l’intérieurdesquels les atomes, présentant uneaimantation parallèle, tendent à s’alignercomme autant de dipôles élémentairesdans la direction d’un champ magnétiqueextérieur. Les moments magnétiques dechaque atome peuvent s’aligner sponta-nément dans ces domaines, même en l’ab-sence de champ extérieur. En présenced’un tel champ, les parois se déplacent ettendent à renforcer le champ appliqué. Sicelui-ci dépasse une certaine valeur, leprincipal domaine orienté dans la direc-tion du champ tendra à occuper tout levolume du matériau. Si le champ diminue,les parois se déplacent, mais pas de façonsymétrique, une partie du mouvement“aller” des parois étant irréversible: il sub-siste donc une magnétisation rémanente,importante dans les aimants proprementdits ou la magnétite naturelle. L’ensemble du processus constitue un cycled’hystérésis, la relation du champ induitau champ extérieur dessinant une boucle

ou courbe d’hystérésis dont la surface repré-sente l’énergie perdue dans la partie irré-versible de ce processus (figure E2). Pourannuler le champ induit, il faut appliquerun champ coercitif: les matériaux avec les-quels les aimants permanents artificielssont réalisés présentent une valeur élevéede champ coercitif. En général, le moment magnétique totaldes matériaux ferromagnétiques est nul,les différents domaines ayant des orien-tations différentes. Le ferromagnétismedisparaît si on dépasse une certaine tem-pérature appelée point de Curie.Le couplage collectif des spins entre cen-tres métalliques du matériau ou d’un com-plexe de métaux de transition explique lespropriétés magnétiques du matériau, lesmoments de tous les spins se trouvant tousorientés de manière identique. Les matériaux dont les atomes sont éloi-gnés les uns des autres dans leur structurecristalline favorisent un alignement de cesaimants élémentaires par couplage. Le fer,mais aussi le cobalt, le nickel et leurs allia-ges, en particulier les aciers, et certains deleurs composés appartiennent à cette caté-gorie caractérisée par une susceptibilitémagnétique positive et très élevée, ainsi que,

Les différentes formes de magnétismeAMÉMO

Figure E2. L’induction B d’un matériau magnétique par une bobine n’est pas proportionnelle à l’excitation magnétique (champ H). Si la première aimantation dessine une courbe de type OsS en bleu sur la figure,elle manifeste à partir de s une saturation.L’induction n’est conservée qu’en partie si le champ tend vers zéro ; cette inductionrémanente ne peut être annulée que par une inversion du champ magnétique jusqu’àune valeur de champ “coercitif”. Le cycled’hystérésis traduit des pertes “par frottement”entre les domaines magnétiques. Ces pertessont représentées par la surface que délimitentles courbes d’aimantation et de désaimantation.

Figure E1.Les moments magnétiques élémentaires sont de même sens dans les substancesferromagnétiques (a), de sens opposés mais de somme nulle dans les antiferromagnétiques (b) et de sens opposé et de grandeur différente dans les ferrimagnétiques (c).

a b c

B

O

S

H

S’

s

+BR

-BR

-HS -HC

+HC +HS

Page 6: Effet Dynamo

plus faiblement, certains métaux de la familledes terres rares, quelques alliages dont lesmailles sont grandes et certaines combinai-sons d’éléments n’appartenant pas eux-mêmes à cette famille.Dans les matériaux ferrimagnétiques, lesdomaines magnétiques constituent desensembles pouvant être alignés dans dessens opposés (anti-parallèles), mais leurmoment magnétique résultant diffère dezéro alors que le champ extérieur est nul(exemples de la magnétite, de l’ilménite oudes oxydes de fer). Le ferrimagnétisme s’ob-serve dans des matériaux comportant deuxtypes d’atomes se comportant comme desaimants de force différente et orientés ensens contraire. Si la somme des momentsparallèles et anti-parallèles est nulle, il s’a-git d’anti-ferromagnétisme (exemple duchrome ou de l’hématite). En effet, si les ato-mes sont plus rapprochés, la disposition laplus stable est celle d’aimants antiparallè-les, chacun compensant en quelque sorteson voisin (figure E1). 2. Les matériaux paramagnétiques pré-sentent un comportement de même natureque les ferromagnétiques, bien que beau-coup moins intense (leur susceptibilitémagnétique est positive mais très faible, del’ordre de 10- 3). Chaque atome d’un tel maté-riau a un moment magnétique non-nul. Sousl’action d’un champ extérieur, les momentsmagnétiques s’orientent et augmentent cechamp, qui décroît cependant avec la tem-pérature, l’agitation thermique désorientantles dipôles élémentaires. Les matériauxparamagnétiques perdent leur aimantationdès qu’ils ne sont plus soumis au champmagnétique. La plupart des métaux, y com-pris des alliages d’éléments ferromagné-tiques, font partie de cette famille, ainsi quedes minéraux comme la pegmatite. 3. Les matériaux diamagnétiques présen-

tent une susceptibilité magnétique néga-tive et extrêmement faible (de l’ordre de 10-5). La magnétisation induite par un champmagnétique s’opère dans la direction oppo-sée à ce dernier : ils ont donc tendance às’éloigner le long de ses lignes de champvers les zones de faible champ. Un diama-gnétique parfait offrirait une résistancemaximale au passage du champ magné-tique et présenterait une perméabilité nulle.Les métaux comme l’argent, l’or, le cuivre,le mercure ou le plomb, le quartz, le gra-phite, les gaz rares ainsi qu’une grandemajorité des composés organiques se ran-gent dans cette catégorie.En fait, tous les corps présentent peu ouprou ce phénomène de diamagnétisme,imputable à la déformation des orbitalesélectroniques des atomes sous l’action d’unchamp extérieur, phénomène réversibleavec la disparation du champ extérieur.Comme Michael Faraday l’a montré en sontemps, toute substance est donc plus oumoins “magnétisable” pour autant qu’ellesoit placée dans un champ magnétique suf-fisamment intense.

L’électromagnétismeC’est le Danois Hans Christian Ørsted, pro-fesseur à l’Université de Copenhague qui, lepremier, a fait autour de1820 le lien entreles deux domaines jusqu’alors complète-ment séparés de l’électricité et du magné-tisme. Il a mis en évidence la déviation del’aiguille d’une boussole à proximité d’un filparcouru par un courant électrique, avantque Faraday n’énonce la loi qui porte sonnom: le champ magnétique produit est d’au-tant plus fort que l’intensité du courant estimportante. La discipline qui étudie leschamps magnétiques statiques (ne dépen-dant pas du temps) est la magnétostatique.Le champ magnétique forme, avec le champ

électrique, les deux composantes de l’électromagnétisme. Des ondes peuventse propager librement dans l’espace, etdans la plupart des matériaux, dans tousles domaines de longueur d’onde (ondesradio, micro-ondes, infrarouge, visible,ultraviolet, rayons X et rayons gamma). Leschamps électromagnétiques sont donc unecombinaison de champs de force élec-triques et magnétiques naturelle (le champmagnétique terrestre) ou non (de bassesfréquences comme les lignes et les câbla-ges électriques, ou de plus haute fréquencecomme les ondes radio (téléphone cellu-laire compris) ou de télévision.Mathématiquement, les lois de base del’électromagnétisme sont résumées dansles quatre équations de Maxwell (ou deMaxwell-Lorentz) qui permettent dedécrire l’ensemble des phénomènesélectro magnétiques de manière cohérente,de l’élec trostatique et la magnétostatiqueà la propagation des ondes. James ClerkMaxwell les a formulées en 1873, trente-deux ans avant qu’Albert Einstein ne placela théorie de l’électromagnétisme dans lecadre de la relativité restreinte, qui expli-quait ses incompatibilités avec les lois dela physique classique.

Stoi

ber

Pro

duct

ions

, Mün

chen

Arrivée à la gare routière de Long Yang, à Shanghai (Chine), d’un train à sustentation magnétique du type Transrapid, d’origine allemande, mis en service en 2004 pour relier la ville

à l’aéroport international de Pudong.

Vue de détail des aimants pour le guidage et la propulsion du train.