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Séverine ARAN
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Master 2 Professionnel
Sciences du Management - Spécialité Logistique
En quoi la Reverse Logistics est-elle une
solution aux problématiques
de RSE et de Développement Durable ?
- Mémoire de fin d’études -
Maître de Mémoire : Yaëlle OUANOUNOU Année 2006-2007
Papier 100% recyclé
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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Remerciements
Je tiens à remercier en premier lieu Mme Yaëlle OUANOUNOU, Directrice Marketing et
Commercial des Laboratoires Biogoujard et tutrice de ce mémoire, pour le temps qu’elle
m’a accordé et pour ses conseils avisés sur la structure de ma réflexion.
C’est avec une sincère reconnaissance que je remercie M. Jean-Marc LEHU, Directeur
de la Spécialité Logistique du Master Sciences du Management de l’Université Paris 1
Panthéon Sorbonne, pour ses précieuses suggestions concernant la problématique, le
développement et l’orientation de ma démarche, et pour ses nombreuses recommandations.
J’adresse ensuite mes remerciements à Mme Amina BECHEUR, Maître de conférences à
l’Université de Marne-La-Vallée, pour son aide et ses conseils concernant la RSE, son
domaine de recherche.
Je remercie également Mme Fulvia DOROSZ, Consultante Informatique chez Almasys
Conseil et intervenante au sein du Master Logistique de la Sorbonne, qui m’a aidée au
cours de son séminaire à comprendre les principaux enjeux et les grandes problématiques
que posent le Développement Durable et la Reverse Logistics.
Je souhaite enfin remercier avec la plus profonde sincérité l’ensemble de la promotion
2007 du Master 2 Professionnel Logistique de l’Université Paris 1 Panthéon
Sorbonne, grâce à qui j’ai passé une année inoubliable.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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Table des matières Remerciements _____________________________________________________2
Introduction ________________________________________________________5
PREMIERE PARTIE : De la RSE au DD et à la Reverse Logistics________________15
1 Concepts et théories ___________________________________________________17 1.1 Les approches théoriques de la RSE ________________________________________17
1.1.1 A l’origine de la RSE : la nécessité de réhabiliter le social____________________________ 17 1.1.2 Le modèle de Carroll (1979) ___________________________________________________ 21 1.1.3 La théorie des parties prenantes ________________________________________________ 24
1.2 Pour aller plus loin : l’approche pragmatique ________________________________32 1.2.1 Le pragmatisme : origine, principe, but et implications ______________________________ 32 1.2.2 En pratique : les tendances, le lancement d’une démarche RSE ________________________ 34 1.2.3 Les apports de l’approche pragmatique __________________________________________ 35
1.3 Le concept de développement durable (DD)__________________________________36 1.3.1 Définition et naissance du concept ______________________________________________ 37 1.3.2 Les trois piliers du développement durable et leurs implications _______________________ 38 1.3.3 La nécessité de revaloriser le pilier social ________________________________________ 39
2 Entre pratiques anciennes et engagements récents __________________________41
2.1 Parallèle entre RSE et développement durable _______________________________41 2.1.1 Naissance de l’entreprise citoyenne : la RSE comme réponse aux pressions des parties
prenantes __________________________________________________________________ 42 2.1.2 D’une démarche réactive à une stratégie proactive _________________________________ 49 2.1.3 Conclusion : importance de l’éthique et de la légitimité ______________________________ 50
2.2 Du discours à la pratique : la RSE est-elle « éthique ou cosmétique ? » ___________53 2.2.1 Les différentes stratégies des entreprises__________________________________________ 54 2.2.2 Ce que disent les rapports de développement durable________________________________ 57 2.2.3 Opinions et critiques : le manque de crédibilité des discours __________________________ 61
DEUXIEME PARTIE : La Reverse Logistics, outil de progrès durable_____________67 1 La Reverse Logistics, outil indispensable au DD ____________________________69
1.1 La RL : outil décisif pour un monde meilleur ________________________________69 1.1.1 Les activités, acteurs et réglementations de la RL __________________________________ 69 1.1.2 Les problématiques et enjeux___________________________________________________ 74 1.1.3 Les spécificités de la RL_______________________________________________________ 76 1.1.4 Les facteurs de développement _________________________________________________ 77
1.2 Pour les Hommes et leur planète, un but social et environnemental ______________78 1.2.1 La RL : une réponse aux problématiques du Développement Durable ___________________ 78 1.2.2 Les conséquences de ces évolutions______________________________________________ 83
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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1.3 Pour les entreprises, un but économique ____________________________________85 1.3.1 Le recyclage en quelques chiffres _______________________________________________ 85 1.3.2 Les difficultés pour les entreprises_______________________________________________ 86 1.3.3 Les solutions apportées _______________________________________________________ 87
2 La RL : un progrès pour l’environnement _________________________________89
2.1 Evaluation des coûts _____________________________________________________89 2.1.1 Le coût environnemental lié au transport des déchets _______________________________ 89 2.1.2 Le processus de recyclage _____________________________________________________ 90 2.1.3 Les contraintes administratives et légales _________________________________________ 91
2.2 Evaluation des bénéfices__________________________________________________91 2.2.1 Une prise de conscience progressive _____________________________________________ 91 2.2.2 Le recyclage : bénéfice pour l’environnement et pour les entreprises ___________________ 92 2.2.3 Exemples de succès de la RL ___________________________________________________ 93
2.3 Solutions et recommandations _____________________________________________95 2.3.1 Un bilan environnemental nettement positif en faveur de la RL ________________________ 95 2.3.2 L’importance de l’audit, phase décisive __________________________________________ 96 2.3.3 Les solutions à envisager ______________________________________________________ 97
3 La Reverse Logistics : une motivation pour les entreprises ___________________100
3.1 Les freins à la mise en place de la RL ______________________________________100 3.1.1 Les coûts de la RL pour une entreprise __________________________________________ 100 3.1.2 Une des raisons de ces coûts: la complexité de la RL _______________________________ 104
3.2 Les bénéfices de la RL pour les entreprises _________________________________110 3.2.1 Le rôle stratégique des retours ________________________________________________ 110 3.2.2 Viabilité et performance économique ___________________________________________ 111 3.2.3 Viabilité légale,un moteur pour les entreprises ___________________________________ 118 3.2.4 Satisfaction des clients et image _______________________________________________ 121
3.3 Solutions et recommandations pour surmonter les freins______________________127 3.3.1 Réorganiser les systèmes, repenser les organisations et processus_____________________ 127 3.3.2 Agir sur les politiques internes ________________________________________________ 132 3.3.3 Développer des stratégies externes _____________________________________________ 135 3.3.4 Adopter un nouveau mode de pensée____________________________________________ 137
Conclusion ________________________________________________________139
Liste des tableaux et liste des figures ________________________147
Annexes ___________________________________________________________148
Liste des annexes ________________________________________________149
Références bibliographiques ___________________________________173
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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« Rien ne se perd,
Rien ne se crée,
Tout se transforme. »
- Antoine de Lavoisier -
Ce mémoire propose en premier lieu une étude du concept de Responsabilité Sociale des
Entreprises (RSE). Ce mode de pensée a donné naissance à la notion de Développement
Durable (DD), qui constitue l’application concrète des principes de la RSE. Le
développement durable est fondé sur trois piliers : le pilier environnemental, le pilier
économique et le pilier social, qui consistent respectivement à la protection de
l’environnement, à la croissance économique des entreprises et au respect des conditions
de travail des salariés. Ainsi, la notion de RSE et sa déclinaison dans les actions de
développement durable cherchent à concilier les performances économiques des
entreprises, en tenant compte de leur responsabilité sociale et de leur devoir de
préservation de l’environnement. La RSE révèle les limites de notre mode de
développement économique, dans lequel certaines activités entraînent une dégradation
irrémédiable des conditions de vie au nom de la croissance économique.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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La Reverse Logistics (RL), qui sera étudiée dans la deuxième partie, est un outil
permettant aux entreprises de se conformer aux réglementations environnementales et aux
principes de RSE et de DD. Elle peut être considérée comme une réponse à la citation
d’Antoine de Lavoisier. Cette forme de logistique inversée permettra de garantir un
meilleur avenir pour notre planète, dans une logique de Développement Durable et de
respect de l’environnement, tout en garantissant un progrès social et économique. Il s’agit
d’une activité nouvelle et complexe, dont le potentiel de développement et les multiples
bénéfices doivent susciter la plus grande attention de la part des industriels. En effet, nous
montrerons à travers ce mémoire en quoi la RL constitue un outil de progrès pour
l’environnement et la société, et de ce fait représente une motivation pour les entreprises à
condition que celles-ci puissent en tirer d’importants bénéfices. Ainsi, nous étudierons les
principaux avantages dont les entreprises peuvent bénéficier grâce à un processus de RL, et
nous montrerons que les obstacles éventuels sont nettement compensés par les multiples
bénéfices dont les entreprises peuvent tirer profit. Par conséquent, nous montrerons que la
mise en place d’un système de RL représente non seulement une motivation, mais
également un véritable moteur de performance économique pour les entreprises.
Cet outil apparaît donc nécessaire au DD et doit être développé, dans la mesure où il
représente un puissant facteur de progrès proposant de multiples bénéfices pour
l’environnement, la société et les entreprises. Toutefois, pour que ce modèle puisse être
généralisé à l’ensemble du paysage économique, les entreprises doivent comprendre que
des efforts sont nécessaires, et que les freins identifiés peuvent être contournés. De cette
manière, leur motivation pour la RL sera indéniable, ce qui à terme valorisera le DD.
Il est donc indispensable de promouvoir la RL, qui apparaît comme une solution aux
problématiques de DD et de RSE.
Ce travail d’étude et de recherche révèle différents enjeux. D’abord, le développement
durable est aujourd’hui un sujet d’actualité. Les entreprises l’ont bien compris, et
nombreuses sont celles qui investissent aujourd’hui dans des démarches de RSE. Outre la
nécessité d’engager des investissements financiers conséquents, ces démarches requièrent
un changement culturel au sein des entreprises, d’où une réticence de la part de certaines.
Le management du changement représente ici un enjeu décisif. Les enjeux sont d’abord
d’ordre environnemental : il s’agit de promouvoir un nouveau mode de fonctionnement
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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industriel via la Reverse Logistics, qui permettra une modification en profondeur de nos
modes de pensée et des priorités économiques, en faveur de la préservation de
l’environnement. De ce fait, l’enjeu devient également social : la préservation du
patrimoine naturel entraînera l’amélioration des conditions de vie et de travail des
populations, comme le suggèrent les principes du DD. Ensuite, l’enjeu est économique :
pour les entreprises, il est nécessaire d’atteindre la meilleure performance économique, via
l’optimisation de leur supply chain, mais également en termes d’image. Elles doivent
également réduire leurs coûts, et savoir investir de façon pertinente dans de nouvelles
infrastructures : la RL en est un très bon exemple. Enfin, l’enjeu est personnel : je souhaite
relever le défi de montrer que s’investir dans des pratiques écologiques peut être bénéfique
pour l’environnement et les hommes, mais également pour les entreprises, qui peuvent
bénéficier de nombreuses retombées positives grâces à un comportement proactif.
Définissons à présent les différents termes employés dans le sujet.
En premier lieu, explicitons le terme de Développement Durable (DD). Selon le
Dictionnaire Economique, la notion de développement durable se définit comme un
« Développement qui répond aux besoins présents d’un pays sans compromettre la
capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins ». La Commission des
Communautés Européennes précise qu’il s’agit d’une politique et d’une stratégie visant à
assurer la continuité dans le temps du développement économique et social, dans le respect
de l’environnement et sans compromettre les ressources naturelles indispensables à
l’activité humaine (Stratégie Logistique, juin 2004, n°67). Le développement durable serait
donc un moyen permettant aux hommes de préserver leur avenir. Cette définition a été
élaborée lors du Sommet de Stockholm en 1972 (Sommet des Nations Unies sur l’homme
et l’environnement), elle représente la première définition canonique de ce concept
émergent. Elle a été publiée en 1987 par la Commission Mondiale pour l’Environnement et
le Développement (CMED). Une définition plus complète a été donnée par le rapport de
Brundtland en 1987, selon lequel « les besoins des sociétés futures sont surtout ceux des
populations pauvres » (Michel Griffon, février 2003). Ce rapport propose une autre
approche du développement durable, reprise par l’OCDE : « le développement durable
présente trois dimensions : économique, sociale, environnementale. Il implique que l’on
porte l’attention sur des considérations plus générales que la croissance économique et le
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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bien-être matériel. Le concept englobe des préoccupations d’équité et de cohésion sociale,
ainsi que la nécessité de parer aux menaces contre les biens communs de l’humanité »
(Amina Bécheur et Faouzi Bensebaa, juin 2004).
Ensuite, explicitons la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE). Le terme anglais «
Corporate social responsibility » a été traduit par « responsabilité sociale des entreprises »
(Alain Journot, 2004). Or, en français, le mot « social » se réfère au capital humain, alors
qu’en anglais il désigne l’ensemble du corps social, notion plus vaste donc (Patrick
D’Humières, 2005). Pour cette raison, il est parfois préférable de l'appeler « responsabilité
sociétale ». On trouvera également la dénomination de « Responsabilité Sociale et
Environnementale » (Alain Journot, 2004).
Selon Novethic (centre de ressources sur la responsabilité sociale des entreprises), « la
RSE signifie qu’une entreprise doit non seulement se soucier de sa rentabilité et de sa
croissance, mais aussi de ses impacts environnementaux et sociaux. Elle doit aussi être
plus attentive aux préoccupations de ses parties prenantes (« stakeholders ») dont les ONG
sont les porte-parole ». Ainsi, les principales préoccupations en matière de RSE seraient la
réhabilitation de l’éthique et du social dans le management, et la satisfaction des attentes
des parties prenantes.
La démarche RSE est complexe et dense : « La RSE est une intégration volontaire des
considérations sociales et environnementales au sein de l’activité de l’entreprise, par-delà
les contraintes légales et les obligations contractuelles existantes ». Par ailleurs, d’après
les analyses de Carroll (1979 et 1995) et de Clarckson (1995), pionniers dans les études
concernant la RSE, la méthode la plus efficace pour évaluer ce concept consiste à prendre
en compte les impacts des activités des entreprises sur leur environnement physique mais
également social, à savoir sur les parties prenantes, et à intégrer dans leurs réflexions les
relations que les entreprises entretiennent avec ces dernières (Amina Bécheur et Faouzi
Bensebaa, juin 2004).
La Responsabilité Sociale des Entreprises est une réponse des entreprises face aux
accusations de ces parties prenantes. C’est en quelque sorte un moyen de communiquer
leur volonté d’agir en faveur de leur environnement et de la société. Il s’agit avant tout
d’une démarche en cours d’élaboration, qui se définit essentiellement au travers de ses
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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acteurs et non par des théories. C’est un concept « temporel » dans la mesure où il se
construit au fil du temps, à l’appui de l’expérience des entreprises. La RSE est en ce sens
un vecteur de changement culturel dans l’entreprise. L’adoption de ce concept par les
entreprises est progressive, il n’a pas encore été clairement formalisé (Patrick D’Humières,
2005).
Il est intéressant d’étudier l’origine de ce concept et de ces démarches. Plusieurs raisons
ont suscité un intérêt pour la RSE : on a d’abord réalisé que le système économique, basé
uniquement sur les objectifs de profit, ne pouvait être garant d’une société durable. En
effet, trop de nuisances ont été provoquées : écologie dégradée, problématiques éthiques et
sanitaires, etc. Nous pouvons citer par exemple les accidents industriels (voir annexe 1).
Ensuite, du fait de l’évolution des règles de la concurrence, les entreprises doivent se
positionner de façon à avoir un avantage concurrentiel. Pour cela, elles peuvent utiliser des
« instruments d’auto-régulation basés sur de bonnes pratiques sociales ». Elles peuvent
par exemple élaborer un « projet éthique et responsable » au sein de leur stratégie, dans
une logique RSE, qui permettra de mobiliser l’ensemble des dirigeants et salariés autour
d’un même objectif (Pierre Bobe, 2002).
Enfin, la RSE résulte d’une prise de conscience collective, à l’échelle mondiale, de la
nécessité d’agir pour revaloriser notre patrimoine : les grands sommets tels que Rio et
Kyoto ont permis cette prise de conscience. Le mouvement de globalisation et la
mondialisation de l’économie ont provoqué une « prise de conscience des enjeux
sociétaux » de la part des grandes entreprises dont le rayonnement est planétaire : elles
subissent en effet des pressions sociales accrues (Mourad Attarca et Thierry Jacquot, mai
2005).
Au final, les entreprises doivent adopter des codes de conduite et des règles de bonnes
pratiques (Pierre Bobe, 2002). La tendance est unanime : les mots clés sont dorénavant
sécurité, transparence, rejet de la consommation standardisée, « de masse » (Mourad
Attarca et Thierry Jacquot, mai 2005). Par conséquent, la majorité des grandes entreprises
a montré son intérêt, soit par obligation, soit par conviction, pour les démarches RSE.
Globalement, grâce au respect des principes de RSE et de DD, l’efficacité de
l’entreprise s’améliore : l’impact des investissements nécessaires à la mise en place de la
RSE est largement positif (Novethic). Toutefois, on constate souvent des écarts entre les
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attentes des entreprises et les résultats réels, mais ces écarts peuvent être expliqués par
deux raisons : d’une part, la mesure des impacts de ces démarches en RSE est complexe
car le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) n’a pas encore défini
des indicateurs pertinents pour évaluer ces démarches. D’autre part, les effets des
démarches de RSE sur la performance de l’entreprise se mesurent sur le long terme
(Amina Bécheur et Faouzi Bensebaa, juin 2004).
A présent, définissons le terme de Reverse Logistics (RL). La RL doit être considérée
comme un outil indispensable au développement durable pour diverses raisons. Sa mise en
place et sa valorisation au sein des entreprises permettront d’aboutir à des progrès
considérables pour l’environnement et pour la société. Nous tenterons de montrer à travers
ce mémoire que, de ce fait, la RL constitue une motivation pour les entreprises.
La Reverse Logistics est une activité complexe qui doit être explicitée. Pour commencer,
il est important de définir le terme de Reverse Logistics telle que la voient les différents
auteurs.
On emploie souvent diverses expressions pour désigner la RL : « logistique des déchets,
retour des produits en fin de vie, ramassage, récupération, recyclage, démantèlement,
désassemblage, déconstruction, etc. (Stratégie Logistique, mars 2005, n°74) ». Traduite en
français par rétrologistique ou logistique à rebours, le terme qui semble le mieux adapté
serait « logistique inverse » selon Yves Pimor (2003). Toutefois, le terme le plus utilisé
aujourd’hui désignant le flux inverse de produits vient des Etats-Unis : « Reverse
Logistics » ou « logistique de retour » en français, par opposition à « direct logistics ».
Mais toutes ces expressions regroupent finalement la même signification : un flux inverse
de produits, la gestion des retours. La RL est donc un flux qui remonte du consommateur
vers le producteur, à l’inverse de la supply chain traditionnelle (Yves Pimor, 2003). Le
cycle traditionnel est donc inversé : on commence par démanteler les produits afin d’en
extraire les différents composants, qui sont ensuite acheminés vers un centre de traitement
pour y pour y être triés, remis en état, reconditionnés et stockés.
Ainsi, Volker DAUT définit la RL comme suit : « Reverse logistics is the bi-directional
supply chain process for planning, managing and controlling the efficient and cost
effective flow of products after and during the useful life – from and to the point of origin –
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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to the point of further processing (…) to fulfill customer needs. » (Logistique et
Management, 2005). Le Council of Logistics Management propose une approche
similaire : « partant du point de consommation jusqu’au point d’origine, la rétrologistique
est un processus efficient de planification, de mise en œuvre et de contrôle des flux de
matières premières, d’en-cours, de produits finis, et de l’information relative à ces flux,
dont le but est de recapter la valeur des matières en les remettant à disposition dans une
supply chain de retour. » (Alexandre K. Samii, 2004). On voit se dessiner les contours
d’une RL permettant aux entreprises d’accroître leur performance.
Pour Yves Pimor, « la logistique des retours doit prendre en charge tout ce qui revient des
consommateurs ou des distributeurs vers le fabricant. ».
« La Reverse Logistics commence donc dès la conception du produit et se termine
lorsqu'il a été entièrement revalorisé ou détruit » (Ruddy Sochay, CNRS).
La RL couvre de nombreux domaines et de nombreuses activités, que nous exposerons par
la suite. Elle est apparue aux Etats-Unis sous la forme du recyclage dès les années 1990.
Puis en 1992 ce concept a été introduit par l’ASLOG concernant l’environnement, dans un
contexte de réglementation sur les déchets industriels et banals. C’est l’environnement qui
a véritablement révélé l’importance de la RL (Yves Pimor, 2003). Au-delà du simple
retour des produits, il s’agit d’une véritable logique écologique de retraitement des déchets
sans que ceux-ci ne reviennent jusqu’au producteur. Si les entreprises ont de manière
générale nettement amélioré leur logistique descendante, certaines ont décidé depuis
quelques années de consacrer leurs efforts à la RL d’en faire leur cheval de bataille. Cela
dit, elles ont bien souvent constaté des résultats très satisfaisants.
La RL est une réponse au besoin de reprendre les produits et de les réinsérer dans la chaîne
logistique en partant de l’aval pour remonter vers l’amont. Ces produits seront alors traités,
valorisés ou recyclés, afin de réduire les coûts et aujourd’hui de répondre aux exigences
environnementales (Maxime Oubrayrie, 2004). Selon Yves Pimor, il s’agit d’un domaine
nouveau qui s’est développé avec l’essor du e-commerce, générateur d’une quantité
importante de flux de retour, et avec l’implémentation des nouveaux ERP, qui ont révélé
cette partie de la logistique trop longtemps négligée.
Il est important de souligner que l’un des points les plus critiques de cette forme de
logistique est son coût (transport, réacheminement, traitement, etc.).
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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Figure 1 : Intégration de la RL dans la chaîne logistique (Agate Bienkowska, Alexis Duperray, Sabrina
Hoareau, 2006)
Suite à ces différents éléments, nous pouvons dégager une problématique essentielle :
En quoi la Reverse Logistics est-elle une solution aux problématiques
de RSE et de Développement Durable ?
Il est aujourd’hui urgent de s’intéresser et de s’interroger sur la pérennité de nos
organisations en termes de viabilité environnementale : notre système est à bout de souffle,
il faut réagir et proposer de nouveaux modes d’organisation, de gestion, ainsi qu’une
nouvelle façon de penser. La logistique devient une fonction clé dans la protection de
l’environnement, il est indispensable de repenser la gestion des retours. Les entreprises, si
elles en sont parfois conscientes, doivent désormais se prendre en main et dépasser les
simples paroles pour mettre en place de nouveaux systèmes. On voit alors apparaître de
façon nettement plus évidente l’importance de la Reverse Logistics.
La première partie de ce mémoire proposera une analyse de la RSE. Nous présenterons
d’abord le concept et les théories qui s’y réfèrent : les apports des différents auteurs, les
intérêts et les enjeux de la RSE pour les entreprises et leurs parties prenantes. Puis nous
présenterons l’approche pragmatique, ainsi que le concept de développement durable.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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Ensuite, nous étudierons l’évolution des pratiques des entreprises. Nous effectuerons un
parallèle entre RSE et développement durable (DD), en dégageant les principales
tendances qui apparaissent dans les stratégies managériales. Nous confronterons à cette
occasion les pratiques et les discours des entreprises afin de discuter la question posée par
P.F. Smets : la RSE est-elle « éthique ou cosmétique » ?
La deuxième partie de ce mémoire sera consacrée à l’étude de la RL. Nous montrerons
dans un premier temps en quoi cette activité représente un outil indispensable au DD, en
expliquant de manière générale quels en sont les objectifs pour l’environnement, la société
et les entreprises. Puis nous montrerons en quoi la RL est bénéfique à l’environnement.
Nous évaluerons les coûts environnementaux d’une telle activité, ainsi que ses avantages
d’un point de vue écologique. Enfin, nous étudierons dans quelle mesure la RL peut être
bénéfique pour les entreprises, et de ce fait constituer une motivation pour que celles-ci
s’engagent dans des démarches de RSE et de DD.
L’objectif de ce mémoire est de montrer que la recherche du progrès pour l’environnement
peut conduire les entreprises à une véritable motivation pour mener des actions et une
réorganisation durables.
Nous conclurons de notre réflexion que la RL est non seulement un outil de progrès pour
l’environnement et la société, mais qu’elle constitue de ce fait une motivation pour les
entreprises : in fine, cette activité représente une véritable solution aux
problématiques de RSE et de DD.
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Première partie : De la RSE au Développement
Durable et à la Reverse Logistics
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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L’objet traité dans cette première partie est l’étude de la RSE,
comme nous l’avons expliqué en introduction. Il s’agit de
définir des principaux enjeux et ses implications en termes de
management pour les entreprises. Cette partie constitue un
premier cadrage théorique permettant d’appréhender l’une des
problématiques majeures du développement durable : le surcroît
d’importance accordé aux préoccupations économiques et aux
profits des entreprises, au détriment des aspects sociaux et environnementaux.
Les enjeux liés à ce concept sont divers. Nous pouvons mentionner les principaux :
d’abord, il est essentiel de réhabiliter le social et l’éthique dans le management. De même,
les entreprises doivent être à même de prendre en compte les attentes des parties prenantes,
et de valoriser les ressources les plus précieuses des entreprises : les ressources humaines.
Ensuite, décliner ce concept dans des actions proactives de développement durable
permettra aux entreprises de revaloriser la légitimité de leur activité. Il est indispensable de
gagner la confiance des parties prenantes. Pour cela, les pratiques des entreprises doivent
correspondre à leurs discours et ne pas être « cosmétiques » : il s’agit ici d’un véritable défi
que la plupart des entreprises, qui se disent citoyennes, doit encore relever.
La RSE est un concept à la mode, qui soulève de nombreuses interrogations. Que traduit-
il ? En quoi la RSE se distingue-t-elle ou ressemble-t-elle aux pratiques existantes des
entreprises? En quoi est-ce une idée nouvelle ? Quelles sont les pratiques actuelles des
entreprises ? Quelle est l’influence des activités de l’entreprise sur les parties prenantes et
sur les autres acteurs ? Comment les entreprises peuvent-elles remédier au manque de
crédibilité de leurs discours ?
Dans cette première partie, nous apporterons des réponses à ces questions essentielles.
RSE et Développement Durable constituent un nouvel enjeu, un défi que nous devons
relever pour assurer l’avenir des génération futures. Si nous poursuivons notre
développement dans de telles conditions, cet avenir est véritablement compromis.
La RL est une solution aux problématiques de RSE et de DD car elle constitue un
progrès pour l’environnement et pour la société, donc une motivation pour les
entreprises.
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1 Concepts et théories
Cette première partie propose une étude des différents apports théoriques de la RSE, ainsi
qu’une présentation du concept de développement durable.
1.1 Les approches théoriques de la RSE
Nous pouvons d’abord étudier les différents apports théoriques qui ont contribué à
l’élaboration et au développement du concept de RSE.
1.1.1 A l’origine de la RSE : la nécessité de réhabiliter le social
L’une des grandes polémiques liées à la RSE et au développement durable concerne la
performance économique des entreprises, dans le sens où celles-ci auraient pour objectif
prioritaire la rentabilité et le profit, parfois au détriment des considérations
environnementales et sociales.
Dans cette optique, de nombreux incidents sont causés par le manque de prudence et
d’attention des entreprises dont le seul but serait d’être rentable. En effet, les entreprises
sont prises dans une course pour la compétitivité et les parts de marchés, et mettent en
œuvre de nombreux moyens afin de parvenir aux meilleurs résultats financiers. Leurs
performances sont soumises au regard et aux pressions des parties prenantes, actionnaires
et investisseurs notamment, qui comptent sur la rentabilité de l’entreprise. Ainsi, les
entrepreneurs et dirigeants doivent obéir aux contraintes imposées par ces parties
prenantes, et aux exigences des marchés financiers pour les entreprises cotées en bourse.
« Pris en étau entre la pression des consommateurs (…) et l’obligation qu’ils ont à
rémunérer leurs fournisseurs, leurs salariés et leurs actionnaires, les dirigeants
d’entreprises expliquent souvent que respecter les principes du développement durable
relève de la gageur » (Bénédicte Faivre-Tavignot, consultante et directrice pédagogique du
mastère Développement Durable au groupe HEC, mars-avril 2004).
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Nous pouvons ici apporter un éclairage théorique emprunté à la théorie de « l’axiomatique
de l’harmonie naturelle des intérêts privés » des classiques Bernard de Mandeville et Adam
Smith, selon lequel la poursuite de l’intérêt économique favoriserait l’harmonie sociale.
Selon ces théoriciens, le fait que chaque individu poursuive son intérêt individuel conduit à
la maximisation de la prospérité et du bien-être pour la société. Cela signifie que
l’extension sans limites de l’activité économique afin de produire des richesses ne saurait
nuire aux relations sociales, bien au contraire elle favoriserait le climat social. La
socialisation des individus, indispensable à la cohésion sociale, serait ainsi garantie par le
mécanisme de la « main invisible » de Smith. Ce mécanisme « valorise l’activité
économique pour elle-même » et met en avant le fait que cette course à la production et à la
consommation serait « nécessaire, souhaitable et socialement utile ». En d’autres termes,
l’importance que les entreprises accordent à leur performance économique ne nuirait pas à
la sphère sociale, aux salariés par exemple. Bien au contraire, elle serait favorable aux
considérations sociales.
Emile Durkheim réfute l’hypothèse classique. Pour lui, l’échange marchand issu de la
logique économique n’est pas vecteur de cohésion sociale car il est « intéressé » et que
« l’intérêt est (…) ce qu’il y a de moins constant au monde » : la logique économique
engendre donc des relations superficielles, qui ne sont pas favorables à la cohésion sociale.
Albert O. Hirschman partage cette idée. Selon lui, la cohésion sociale ne peut se construire
sur la base de l’échange marchand et de la logique économique car celle-ci est « motivée
par l’intérêt » (Stéphane Bonnevault, novembre 2003).
On retrouve cette idée dans la thèse du « désenchâssement » de Karl Polanyi, qui évoque la
« montée en puissance de la logique économique (le modèle du Marché) et son emprise sur
la vie sociale ». Ainsi, il n’y aurait selon l’auteur qu’un seul Marché autorégulateur, unifié
et international, auquel la société doit se soumettre : « au lieu que l’économie soit
encastrée dans les relations sociales, ce sont les relations sociales qui sont encastrées
dans le système économique » (Stéphane Bonnevault, novembre 2003). Dans cette logique,
la compétitivité devient la priorité des entreprises et la concurrence accrue au niveau
international impose de nouvelles règles de rentabilité. Selon la thèse du désenchâssement
de Karl Polanyi, dans un contexte de domination de l’économie et des performances des
entreprises sur la société, les conséquences sociales et humaines sont jugées « suicidaires »
par l’auteur. Polanyi dénonce la « clochardisation des hommes ». Ainsi, les conséquences
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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du « tout-marché » sur la société peuvent devenir très problématiques vis-à-vis des
conditions de travail et de vie des hommes, particulièrement des salariés (Stéphane
Bonnevault, novembre 2003).
Selon Stéphane Bonnevault, « les rapports interpersonnels pourtant producteurs de liens
sociaux se raréfient au profit d’échanges dépersonnalisés entre individus atomisés ».
Louis Dumont évoque dans le même ouvrage la « primauté des relations aux choses sur la
primauté des relations entre hommes », que provoque la « primauté de la vue
économique ». Ainsi, notre nouveau mode de développement donnerait la priorité aux
« préoccupations économiques au cœur de la vie sociale, avec une tendance à tout y
subordonner ». Alors, le côté social est « réduit à la seule logique de l’optimisation de
l’efficacité productive », c’est-à-dire à la logique rationnelle économique, qui va à
l’encontre de la logique raisonnable « pourtant inséparable de la prise en compte de la
diversité des phénomènes sociaux et des motivations humaines » (Stéphane Bonnevault,
novembre 2003). De même, si l’on reprend les termes mentionnés par Stéphane
Bonnevault, qui se base sur les travaux de Gilbert Rist, la « destruction généralisée » des
rapports sociaux serait due au fait que, suite à une mondialisation croissante, des
phénomènes sont apparus et se sont développés, ce qui aurait détérioré les relations
sociales : « le développement exacerbe les tensions sociales nées de la marchandisation du
monde, de l’exclusion, de la précarisation et de la déculturation » (Stéphane Bonnevault,
novembre 2003). Ainsi, si l’on applique le raisonnement aux entreprises, on peut
considérer que celles-ci préfèrent souvent miser sur leur croissance et leur rentabilité plutôt
que sur la préservation des rapports sociaux (entre les dirigeants et les parties prenantes par
exemple) et des ressources humaines : conditions de travail, sécurité, etc. Ces relations
sociales et de ce fait la cohésion et le climat social au sein de l’entreprise sont détériorés,
du fait de l’exclusion et de la précarisation des hommes, phénomènes engendrés par
l’importance croissante de la sphère économique.
Par ailleurs, selon André Gorz, « le propre de la logique quantitative, c’est de n’admettre
aucune limitation ». Stéphane Bonnevault ajoute à ces propos le fait que ce qui est
incontrôlable peut « conduire à des abus aussi absurdes que dangereux ». Il fait ainsi
référence « à l’aliénation du travail, aux cités-dortoirs, au métro-boulot-dodo », qui
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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constituent une dégradation des conditions sociales au sein des économies guidées par la
logique égoïste de profit des entreprises.
De la même manière, nous pouvons citer les propos de Gilbert Rist, qui a analysé le
contenu « effectif » du concept de développement, « le développement est constitué d’un
ensemble de pratiques parfois contradictoires en apparence qui, pour assurer la
reproduction sociale, obligent à transformer et à détruire, de façon généralisée, le milieu
naturel et les rapports sociaux en vue d’une production croissante de marchandises (biens
et services) destinées, à travers l’échange, à la demande solvable ». L’auteur dénonce
entre autres « l’obsession de la production-consommation », en vue d’une croissance
économique toujours plus forte mais malheureusement au détriment des aspects sociaux.
Selon son idée, le fait que le développement, c’est-à-dire la croissance économique et le
progrès, transforme les rapports sociaux ne serait que le reflet d’un nouveau mode de
relation dans les entreprises : le « rapport salarial ». Il explique ce rapport en ces termes :
« la formation d’une main d’œuvre libre disposée à vendre sa force de travail en échange
d’une rémunération lui permettant de se reproduire » (Stéphane Bonnevault, novembre
2003). On retrouve dans ce raisonnement l’analyse de Karl Marx dans « Le Capital »,
selon laquelle les entreprises capitalistes exploitent leur ressource humaine afin de parvenir
à leurs objectifs de croissance économique. Dans un sens, si l’on ne tenait pas compte de
l’ensemble des progrès sociaux permis par les entreprises, on pourrait penser en suivant la
théorie de Marx que nous sommes revenus à l’ère de « l’exploitation de l’homme par
l’homme ». Les politiques de croissance des entreprises sont-elles une application moderne
de la pensée marxiste ? Jusqu’où les entreprises iront-elles au nom de la croissance
économique ?
L’auteur parle également de « la réduction du progrès humain au développement, et du
développement à la croissance économique ». Ainsi, il remet en cause le fait que les
entreprises réduisent leurs préoccupations à la seule sphère économique, niant presque
l’importance du progrès social. Il partage la vision d’Amartya Sen, Prix Nobel d’économie
en 1998, selon qui « l’homo œconomicus » des néoclassiques, individu égoïste et rationnel
cherchant à maximiser son intérêt personnel, ne tiendrait pas compte des comportements
humains fondamentaux, tels que les « comportements compassionnels, normatifs,
solidaires, coopératifs, etc. ». Ainsi, l’auteur pense que cet individu théorique rationnel,
maximisateur de profit, nie et déshumanise la société. Cette conception met en valeur le
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fait que les dirigeants considèrent uniquement les défis de rentabilité et de maximisation du
profit des entreprises, au détriment des comportements humains et sociaux. Par ailleurs,
pour Amartya Sen, les concepts d’éthique et de responsabilité sociale sont fondamentaux et
constituent le cœur de ses recherches. Il estime que « l’économie moderne s’est trouvée
considérablement appauvrie par la distance qui a éloigné l’économie de l’éthique ».
L’individu est placé au cœur de relations d’interdépendance et d’interactions dans la
société, ce qui détermine les comportements : d’où l’importance de l’éthique dans les
relations avec autrui (Didier Stéphany, 2003).
Dans la même perspective, l’approche normative, ou « éthique des affaires » (Bentham,
Kant et Mill pour les idées anciennes, Rawls et Nozick pour les idées plus récentes) stipule
que les problématiques éthiques doivent être prises en compte par les entreprises dans leurs
stratégies, les décisions devant être « fondées sur la justice ». Ainsi, les dirigeants doivent
appliquer des principes éthiques à l’appui d’un raisonnement moral lorsqu’ils prennent des
décisions ou formulent des stratégies ou des politiques (Amina Bécheur et Faouzi
Bensebaa, mai 2005).
Finalement, Henri Bartoli souligne l’importance de replacer « le social aux commandes »,
tout en utilisant l’économie comme un moyen et non comme une fin (Didier Stéphany,
2003).
1.1.2 Le modèle de Carroll (1979)
Nous pouvons maintenant étudier l'approche développée par A.Bécheur et Faouzi
Bensebaa (juin 2004) concernant le modèle de Carroll. Carroll est considéré comme le
fondateur des approches théoriques en RSE. Il définit la nature de la RSE selon quatre
types de responsabilité. D’abord, la responsabilité légale (respect des lois et
réglementations) représente la responsabilité de l’individu de répondre aux exigences de la
loi, et de « rendre des comptes » envers un autre individu. Les lois sont construites sur la
base de principes de justice, de morale peut-on penser. Or, la difficulté lorsque l’on parle
de morale réside dans son aspect subjectif intrinsèque : ce qui est moral pour une société
ne le sera pas forcément pour une autre, d’où la difficulté de construire des lois
universelles, fondées sur un unique principe de justice et de moralité. Par ailleurs, ce qui
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est légal peut ne pas être moral, c’est le cas par exemple des plans sociaux mis en places
dans les entreprises en période de difficulté économique. De même, ce qui est moral peut
ne pas être légal. Par conséquent, le risque serait de voir certains actes jugés légaux mais
immoraux ne pas être sanctionnés par la loi, car ils ne seront pas jugés comme criminels ou
illégaux.
Les normes juridiques permettent d’identifier ce qui est illégal, et proposent des sanctions
pour chaque type d’infraction par rapport aux normes définies pour la vie en société.
Toutefois, il ne faut pas séparer le légal de l’éthique. Par exemple, la loi selon laquelle tuer
quelqu’un est illégal nous renvoie à un principe d’éthique : tuer n’est pas non plus éthique.
D’où l’importance de cette autre norme sociale dictée par l’éthique, et qui consiste à
respecter « la vie des autres individus ». Cependant, il est parfois nécessaire de séparer
norme légale et norme éthique : dans certains cas, ce qui est légal peut ne pas être éthique.
Par exemple, une personne peut se comporter de façon légale d’un point de vue juridique
dans la société, et agir avec un manque d’éthique à l’égard de certains individus. Ainsi, si
l’on applique ce raisonnement à la sphère de l’entreprise, il est nécessaire de mettre en
place un système juridique performant afin de limiter les dérives illégales, mais cela n’est
pas suffisant : il faut également faire appel à la bonne conscience, à la morale des
dirigeants et par extension des salariés afin de garantir la cohésion et la paix sociale dans
l’entreprise et dans les relations de l’entreprise à son environnement.
Ensuite, la responsabilité économique (générer avant tout du profit) désigne le fait que
l’objectif unique des entreprises est de créer des richesses et de faire du profit afin de
redistribuer une partie de ces richesses à leurs actionnaires. Selon cette approche, le seul
intérêt à prendre en compte est celui des actionnaires. Les dirigeants sont ainsi poussés à
satisfaire les exigences de ces derniers, et donc à maximiser les profits de leur entreprise :
les deux parties ont un intérêt commun : le gain financier. Dans cette logique, le fait de
s’engager dans des démarches RSE représente un risque financier pour les dirigeants et
donc pour les actionnaires, qui voient les perspectives de profit diminuer. Si l’on adopte
une logique utilitariste, l’entreprise doit se contenter de suivre son rôle, c’est-à-dire la
création de richesse. D’où le report des activités « socialement responsables » vers
d’autres institutions, telles que la famille ou l’Etat, dont le rôle devient alors de « répondre
aux besoins sociaux ».
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Par ailleurs, la responsabilité morale ou éthique (orienter ses actions en fonction des
codes moraux de la société) considère que les entreprises sont responsables socialement, de
la même manière que les autres institutions. L’activité économique doit être soumise aux
obligations éthiques : les entreprises doivent se subordonner à la loi morale commune et
agir de manière « juste ». Elles sont associées à des « artefacts sociaux » dont les pratiques
doivent être « socialement construites et soutenues » (Freeman et Gilbert, 1988 ; Wicks,
1996). Ainsi, les entreprises doivent se soumettre aux obligations éthiques de la même
manière que le reste de la société, et agir en faveur de celle-ci. Elles doivent obéir aux
codes moraux et à la loi morale commune. Alors que la loi juge un « individu sans âme »,
la morale considère que les individus agissent en suivant leur morale, ce qui peut les
pousser soit à être juste, soit à ne pas l’être. Certains auteurs ont étudié en quoi le contexte
de l’entreprise pouvait être le plus favorable socialement pour promouvoir des
comportements moraux : ce contexte doit favoriser « les effets des formulations éthiques,
les comités d’éthique, les conseillers d’éthique à domicile, les audits d’éthique, les
programmes de formation à l’éthique » (Smith et Carroll, 1894 ; Trevino, 1986 ; Weber,
1993). En effet, selon Trevino (1990), la culture de l’entreprise et le climat social qui y
règne sont facteurs d’influence sur le comportement moral des salariés et des dirigeants.
Enfin, la responsabilité discrétionnaire ou philanthropique (« agir avec bienfaisance et
charité », Mourad Attarca et Thierry Jacquot, mai 2005) consiste à agir de manière éthique
au-delà de ses propres responsabilités, et parce que le dirigeant en montre la volonté. Il
s’agit d’une responsabilité « pour faire le bien », qui concerne des actions de mécénat par
exemple. Il faut distinguer ici les droits et les avantages : ne pas accorder un droit signifie
« faire le mal », alors que ne pas accorder un avantage ne signifie pas faire le mal, sans
toutefois faire le bien. En d’autres termes, nous distinguons la « responsabilité
obligatoire » de l’entreprise qui oblige celle-ci à agir de façon morale en ne faisant pas le
mal, et la « responsabilité sociale discrétionnaire » qui pousse celle-ci à agir en faisant le
bien. Dans cette optique, les dirigeants choisissent eux-mêmes d’impliquer ou non leur
entreprise dans des démarches sociétales ou environnementales (traitement des déchets,
aide aux associations de protection de l’enfance…).
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Le modèle de Carroll a été affiné par Wood (1991), qui propose une approche
complémentaire. Il définit trois niveaux de responsabilité : un niveau institutionnel selon
lequel l’entreprise est une « institution sociale » qui doit utiliser son pouvoir afin de
satisfaire les attentes de la société, dans le but de conserver sa légitimité d’exercer ses
activités, un niveau organisationnel selon lequel l’entreprise doit considérer les
conséquences de ses activités (« outcomes ») sur les parties prenantes primaires,
concernées directement, et secondaires, concernées indirectement, et un niveau individuel
selon lequel les dirigeants sont moralement responsables, de façon individuelle et
personnelle, et « doivent utiliser leur pouvoir discrétionnaire au service de la
responsabilité sociétale de l’entreprise ».
Les deux modèles étant complémentaires, chaque type de responsabilité développé par l’un
des auteurs peut être décliné selon les types de responsabilités définis par l’autre auteur
(Mourad Attarca et Thierry Jacquot, mai 2005).
1.1.3 La théorie des parties prenantes
Autre approche théorique pertinente pour l’étude de la RSE, la théorie des parties
prenantes est le fruit de la réflexion de nombreux auteurs. Selon Carroll (1996), ces parties
prenantes sont « un individu ou groupe qui peut affecter (ou est affecté par) les actions, les
décisions, les politiques, les pratiques ou les buts de l’organisation ». Selon Frederik
(1992), les entreprises sont dites responsables si elles tiennent compte des intérêts, besoins
et influence des parties prenantes car elles sont affectées par leurs activités (Amina
Bécheur et Faouzi Bensebaa, mai 2005).
Nous pouvons nous appuyer sur l’analyse de Jean-Pascal Gond et Samuel Mercier (juin
2005) dont les réflexions ont été publiées dans une note du Laboratoire Interdisciplinaire
de recherches sur les Ressources Humaines et l’Emploi (LIRHE). Les auteurs développent
une approche critique de la SHT (StakeHolder Theory). Depuis l’ouvrage de Freeman en
1984, considéré comme le fondateur de la SHT, cette théorie est en effet devenue une
référence en matière d’étude de la RSE. Toutefois, on constate une profusion de théories et
de concepts liés à la SHT, d’où une confusion liée au terme de SH (StakeHolder). Le
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concept de SH a été intégré dans les stratégies et dans le
vocabulaire des entreprises, mais les théories qui le concernent
n’ont pas encore dépassé le stade embryonnaire. Aussi, à défaut de
pouvoir se baser sur une théorie unifiée des parties prenantes, nous
devons nous contenter « des théories » des parties prenantes.
L’origine du concept de SH vient des travaux de Berle et Means (1932) : ces auteurs ont
noté une augmentation des pressions sociales de la part des acteurs identifiés plus tard
comme parties prenantes, à savoir tous les acteurs qui subissent les impacts négatifs de
l’activité des entreprises sur leur bien-être, sur les dirigeants de ces entreprises. Ces
pressions les poussent donc à assumer leur responsabilité envers leurs parties prenantes, et
à adopter une approche qui permettra d’équilibrer les intérêts de chacun.
Le concept de SH apparaît dans les années 1960, et affiche une volonté de montrer que les
dirigeants ne sont pas les seules parties à avoir un intérêt (« stake ») dans l’entreprise : le
mot « stakeholder » se rapproche ainsi du mot « stockholder », désignant le fait que les
actionnaires, eux aussi, y ont un intérêt. En 1968, Ansoff indique que l’entreprise « doit
ajuster ses objectifs de manière à donner à chaque groupe une part équitable de
satisfaction ». L’auteur distingue les responsabilités, qui constituent des obligations pour
les entreprises et compromet de ce fait l’atteinte de leurs objectifs, et les SH, qui seraient
pour les entreprises « des contraintes qu’il convient de gérer ». Freeman popularisera le
concept de SH et lui donnera une signification plus vaste en 1984.
La pertinence de la théorie des parties prenantes se justifie grâce à deux notions :
D’une part, la reconnaissance de la légitimité des SH : l’entreprise doit nécessairement
s’adapter aux attentes de la société, et rendre ses pratiques conformes avec la notion de
légitimité. Ainsi, elle doit obéir aux « pressions normatives externes ». Dans un sens plus
vaste, la SHT a pour but essentiel d’identifier les fondements de la légitimité des SH. Selon
les auteurs, ils doivent nécessairement être intégrés dans les stratégies des entreprises, d’où
leur légitimité de parole et d’intervention. D’autre part, la présence de relations de pouvoir
entre l’entreprise et les SH justifie également leur existence. Une théorie
incontournable traite de ce sujet : la théorie de la « dépendance envers les ressources »
développée par Pfeffer et Salancick en 1978.
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Toutefois, un problème se pose dès lors que l’on élargit la notion de SH : on ne peut plus
savoir qui bénéficie de la légitimité du statut de SH, et, comme le soulignent Jensen (2002)
ou Strenberg (2001), « n’importe qui pourrait revendiquer un intérêt dans une
organisation ». Aussi, certains auteurs sont plus favorables à une approche plus ciblée de
la notion de SH : Clarckson par exemple établit en 1995 une distinction entre SH
« volontaires » (qui acceptent le risque lié à l’activité de l’entreprise) et SH
« involontaires » (qui n’acceptent pas un tel risque).
En 1995, Donaldson et Preston distinguent trois formes d’utilisation de la théorie des
parties prenantes :
- une utilisation descriptive : on considère alors l’entreprise comme un ensemble d’intérêts
« coopératifs et concurrents »
- une vision « instrumentale » : on cherche ici la nature des liens entre la gestion des
interactions entre l’entreprise et les SH d’un côté, et les performances économiques de
l’entreprise d’un autre côté.
- une utilisation à vocation normative : on étudie dans quelle mesure les intérêts des parties
prenantes sont légitimes.
On considère dans cette approche que le rôle des SH est de permettre à l’entreprise
d’atteindre ses objectifs. Ainsi, les dirigeants peuvent remplir leurs obligations
(fiduciaires) envers leurs actionnaires. De cette manière, on estime que les entreprises qui
passent un « contrat » avec leurs actionnaires, basé sur la confiance et la coopération,
bénéficient d’un avantage concurrentiel. On aboutit alors à une vision de l’entreprise en
tant que « centre d’un réseau d’intérêts et de participants indépendants » (Post et al.,
2002). Du point de vue des parties prenantes, l’entreprise qui recherche la performance
économique à travers le profit doit systématiquement prendre en considération les intérêts
et attentes des parties prenantes qui subissent les externalités négatives de leur activité, car
leur bien-être s’en trouve affecté. Les décisions stratégiques des entreprises doivent tenir
compte de ce phénomène.
Finalement, l’utilisation des principes éthiques donne une légitimité aux intérêts des parties
prenantes dans la mesure où les entreprises doivent gérer le problème de la répartition
équitable des retombées économiques de son activité.
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Concernant la version éthique de la théorie des parties prenantes, d’abord, dans la mesure
où l’entreprise est considérée comme « un véhicule permettant de coordonner les intérêts
des différents SH » (Evan et Freeman, 1993), il est indispensable que celle-ci accorde une
grande considération à ses parties prenantes, et que le principe de justice contraigne la
logique managériale de maximisation du profit. Ces auteurs rappellent l’impératif de
Kant selon lequel « chaque personne humaine possède une dignité fondamentale qui
commande un respect absolu ». Ils proposent ainsi deux lignes directrices pour les
dirigeants :
« - l’entreprise doit être dirigée pour le bénéfice de ses SH, ceux-ci doivent être reconnus
et participer aux décisions qui affectent leur bien-être ;
- les dirigeants ont une relation fiduciaire avec les SH. »
Par ailleurs, Freeman (1994) s’appuie sur les idées de justice de Rawls (1971) et propose
que l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise bénéficie d’un traitement équitable et
voie ses intérêts représentés. Il montre ainsi une volonté de justice sociale au sein de
l’entreprise.
Enfin, l’éthique peut être mise en valeur par la théorie des contrats sociaux développée par
Donaldson et Dunfee en 1999 : cette théorie considère l’obligation éthique de la part des
dirigeants de contribuer au bien-être social, en passant avec la société un « contrat social »
implicite permettant à la société d’admettre l’exercice des activités de l’entreprise si celle-
ci en assume les conséquences et contribue à la satisfaction de ses intérêts.
La SHT a été très critiquée pour deux raisons essentiellement : d’une part, la profusion des
définitions du concept de SH sème la confusion et compromet la cohérence des théories.
D’autre part, cette approche n’a pas véritablement pu s’imposer face à l’importance
dominante des considérations économiques et financières.
Deux problématiques soutiennent le débat central au sujet de l’intégration de ces théories :
comment est-il possible de concilier les approches normatives et les approches
stratégiques ? Est-il nécessaire d’intégrer ces deux approches ?
Selon Donaldson et Preston (1995), l’approche normative est la base de la réflexion, la
justification de l’élaboration de toutes les théories sur ce sujet. Jones et Wicks (1999) ont
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réaffirmé qu’il était nécessaire de concilier deux approches indissociables de la théorie des
parties prenantes : la SHT comme science sociale et comme « éthique normative ».
Friedman et Miles affirment au contraire en 2002 que cette intégration est « prématurée »,
à cause de la « divergence des paradigmes auxquels font référence les auteurs s’inscrivant
dans l’un ou l’autre versant de la théorie ».
Le problème vient du fait qu’il y ait un débat entre deux parties : ceux qui prônent
l’intégration sont souvent des chercheurs en éthique des affaires, et veulent donc que leurs
principes soient intégrés dans les stratégies des entreprises, alors que les détracteurs de
cette intégration appartiennent à la catégorie des financiers, des « stratèges ». D’où un
débat sur les logiques de « légitimité académique » et de « reconnaissance
institutionnelle » de cette théorie.
Selon les théoriciens de l’éthique des affaires, il est impossible de distinguer l’éthique et le
management. La « thèse de la séparation » de Goodpaster (1991), critiquée ouvertement
par Freeman, suppose que l’on peut prendre en compte les intérêts des parties prenantes
soit d’un point de vue éthique, soit d’un point de vue stratégique, mais qu’en aucun cas il
est possible de concilier ces deux approches. Ainsi, le problème vient du fait que l’on ne
peut pas prendre en compte la dimension éthique lorsque l’on se base sur une approche
économique comme le font les détracteurs de la théorie des parties prenantes. C’est
pourquoi le fait que les recherches se fixent pour objectif d’atteindre une intégration totale
de l’ensemble des théories des parties prenantes semble aujourd’hui être une utopie.
Par ailleurs, les auteurs considèrent que la « focalisation excessive » sur un seul aspect des
approches de la théorie, ainsi que l’utilisation systématique de théories connexes,
constituent une entrave à la crédibilité et à la pertinence des théories sur les parties
prenantes. Il apparaît donc nécessaire de rechercher une « perspective équilibrée ». En
effet, le fait de considérer la SHT de façon instrumentale, comme moyen de créer des
outils de gestion, n’apporte pas nécessairement une valeur ajoutée par rapport à ce qui
existe déjà. Dès lors, on peut se demander si cette approche présente un intérêt, dans la
mesure où elle n’apporterait rien de plus à la connaissance commune selon laquelle
« l’évidence qu’une entreprise doit tenir compte de ses collaborateurs, clients et
actionnaires pour mettre en oeuvre sa stratégie ».
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De même, il apparaît que les discours mettent en avant une sorte d’incantation afin de
pousser les entreprises à mieux prendre en considération les SH au nom de l’éthique, ce
qui relève parfois plus de l’idéologie que de la logique rationnelle. Par exemple, certains
auteurs veulent considérer l’environnement comme un SH : nous sommes ici face à « une
croyance naïve et à un certain angélisme ». En outre, certains auteurs estiment qu’il est
nécessaire de considérer en priorité les attente des SH « les plus proches de l’activité
économique de l’entreprise » afin de garantir ses performances économiques. Toutefois,
Berman et al. ont montré que la prise en compte des SH dans les stratégies n’est pas encore
établie comme une norme.
De la même manière, certains auteurs dénoncent le caractère émotionnel et donc irrationnel
de la SHT, qui « relèverait plus d’une logique de persuasion faisant appel à des réflexes
collectivistes que d’une analyse rationnelle ».
Finalement, les auteurs constatent que les approfondissements récents de la théorie se
basent sur des théories « connexes » (se référer au travail des auteurs pour une explication
détaillée) :
- la théorie des réseaux sociaux, qui permet d’étudier en quoi l’entreprise est contrainte
- l’analyse cognitive de Mitchell et al.
- La théorie des ressources et compétences, qui permet de justifier l’importance de la
considération des parties prenantes
Nous voyons donc que plus les recherches progressent, et plus la théorie dérive vers
« des » théories et s’éloigne de son origine, le risque étant qu’elle perde sa pertinence. Elle
présente toutefois un grand intérêt : elle oblige les chercheurs à étudier précisément des
acteurs quelques fois sous-estimés, tels que les groupes de pression.
Les auteurs évoquent ensuite les limites de la SHT : selon eux, une limite importante est
son aspect statique. En effet, elle se contente d’étudier les parties prenantes existantes ainsi
que l’environnement de l’entreprise au sens large, en proposant de nombreuses catégories
de SH. Aussi, les outils qui aident à expliquer qui sont les SH ne permettent pas
d’identifier une possible émergence de nouvelles catégories de SH.
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Deux approches ont été distinguées :
La première insinue que les SH les plus pertinents pour une entreprise évoluent au cours du
cycle de vie de l’entreprise. Mais cette approche ne fait que « lister » les processus leur
permettant d’être considérés comme des intervenants pertinents pour l’entreprise, sans
émettre de théorie. L’intérêt de la SHT serait alors uniquement d’aider les dirigeants à
orienter leur stratégie.
La deuxième approche est bien plus pertinente : elle consiste en « l’analyse empirique de
la gestion de la légitimité », c’est-à-dire une approche plus constructive et dynamique qui
permet d’appréhender le processus par lequel se constituent des systèmes de valeurs, au fil
du temps et en fonction des relations entre l’entreprise et les SH.
Jean-Pascal Gond et Samuel Mercier constatent que tous les auteurs ne sont pas d’accord
pour affirmer l’existence d’obligations éthiques entre les dirigeants et leurs parties
prenantes. Pour Goodpaster (1991), « l’entreprise a des responsabilités envers ses SH mais
elles ne sont pas d’ordre fiduciaire ». L’auteur estime que celle-ci a en réalité une
« mission économique, contrainte par des obligations éthiques ». Selon Jensen (2002),
l’objectif économique de maximisation du profit ne fait que donner une indication sur le
succès de la stratégie de l’entreprise, dont l’objectif est plus vaste : il s’agit en réalité de
« prendre les décisions qui contribuent à augmenter la valeur de marché à long terme
compte tenu des limites en connaissances et compétences. »
De ce point de vue, il s’agit de confirmer « la supériorité de la vision actionnariale en
terme de performance organisationnelle ». Toutefois, nous voyons ici apparaître deux
limites. D’une part, Friedman (1970) estime que ce n’est pas parce que les SH sont affectés
par les activités de l’entreprise ou qu’ils exercent une influence sur celle-ci qu’ils peuvent
bénéficier d’un « droit à la gouvernance », ou que l’entreprise doit leur être « redevable »,
même si elle doit considérer leurs intérêts.
D’autre part, on peut s’interroger sur la légitimité des intérêts des actionnaires. Trois
arguments avancés par les promoteurs du droit de propriété des actionnaires légitiment leur
intérêt : avec la SHT, les droits des actionnaires à définir de quelle manière leur propriété
doit être utilisée sont annulés. De plus, les recommandations de cette théorie sont faites
pour arranger les dirigeants uniquement. Enfin, les actionnaires, en tant que « créanciers
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résiduels exclusifs », assument tous les risques, d’où la nécessité de protéger leurs intérêts
en priorité.
Les promoteurs de la primauté des actionnaires soutiennent l’hypothèse selon laquelle « la
maximisation de la valeur actionnariale [par le biais de la définition précise des droits de
propriété notamment] entraîne (…) celle du bien-être collectif » (Jensen, 2002). Ainsi, il
est dans l’intérêt des dirigeants de s’appliquer à satisfaire les attentes de leurs actionnaires.
Pour conclure, les auteurs soulignent le fait que de nombreuses confusions sont nées de la
diversité des méthodologies proposées. Le concept de partie prenante permet d’identifier et
de prioriser les obligations des dirigeants envers la société qui subit les impacts de leurs
activités.
Toutefois, certaines limites subsistent : par exemple, il est nécessaire de définir
précisément la notion de SH. Par ailleurs, la théorie des parties prenantes ne permet pas
systématiquement de trouver des solutions aux dilemmes éthiques, dans la mesure où elle
ne précise pas la manière dont on peut estimer la légitimité des revendications des SH. De
même, cette théorie n’aboutit pas systématiquement à un « traitement éthique des SH ».
Ainsi, il paraît nécessaire que les dirigeants agissent conformément aux attentes et
aux droits des SH afin de garantir leur performance économique. Pour cela, il leur est
indispensable d’instaurer des relations durables et fiables avec leurs SH, dans une logique
de long terme.
Nous pouvons par ailleurs mentionner les apports de cette théorie : selon les auteurs, elle
permet d’analyser les mécanismes de management des parties prenantes au moyen d’une
« grille d’analyse féconde », et introduit les notions de « respect de la personne, d’équité
et de justice organisationnelle ». En cela, elle constitue un réel enrichissement permettant
de résoudre de nombreuses questions et de trouver une solution à la problématique
essentielle de répartition de la valeur générée par l’entreprise.
Nous pouvons poursuivre l’analyse théorique de la RSE en nous intéressant à l’approche
pragmatique.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
32
1.2 Pour aller plus loin : l’approche pragmatique
L’approche pragmatique, telle que j’ai choisi de la présenter, a été développée par Amina
Bécheur et Faouzi Bensebaa (mai 2005). Elle révèle l’idée que face aux insuffisances des
approches théoriques en matière de RSE, il est nécessaire de mettre en valeur les apports
des analystes pragmatistes.
1.2.1 Le pragmatisme : origine, principe, but et implications
Le principe est simple : il se base sur le fait que les individus évoluent non pas de façon
individuelle et isolée, mais en interaction les uns avec les autres dans une société au sein de
laquelle les valeurs de RSE naissent des apprentissages réalisés par ces individus.
L’écueil des théories fondatrices de la RSE telles que la théorie des parties prenantes ou la
théorie du contrat social réside dans le fait qu’elles se basent sur l’idée que les individus
sont isolés : elles évoquent « l’individu atomisé », en conflit permanent les uns avec les
autres car poursuivant tous un but égoïste. Par conséquent, aucune harmonie sociale ne
peut découler de ces relations de façon logique. Le fait de dire que l’individu est isolé
suppose qu’il s’oppose à la société, à la communauté, d’où l’impossibilité d’aboutir à des
solutions d’accord sociaux satisfaisants pour tous.
On peut alors adopter une approche différente : le pragmatisme. Cette approche pourrait
servir de modèle à l’étude de la RSE. Ainsi, selon Margolis (1998), il est de notre devoir
« d’aider les individus dans les organisations à faire ce qu’il y a de mieux ». Selon
Buchholz et Rosenthal (1997), « le pragmatisme offre une voie fructueuse pour prendre en
compte les organisations dans leurs relations avec la société ». Ces idées sont en
désaccord avec le principe de l’individu isolé.
Le principe et le but du pragmatisme peuvent être identifiés comme tels : « le pragmatisme
suppose une conscience étendue des conséquences sociales et vise à trouver des solutions
pour des problèmes affectant la société dans son ensemble et pas seulement des solutions
pour des problèmes immédiats ou ceux de l’organisation ».
Selon les pragmatistes, « l’expérience est le fondement de l’éthique » et, par extension, de
la RSE. Ils considèrent que la notion d’obligation ne serait ainsi pas inhérente aux
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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individus, elle serait plutôt « déterminée socialement et par l’expérience ». Ainsi, cette
approche suppose que les individus, lorsqu’ils doivent faire un choix ou mener une action,
se basent sur la morale en évaluant les conséquences et les effets de ces choix et actions sur
la société. Cette évaluation est rendue possible par l’expérience, l’apprentissage et la
personnalité de l’individu. Les pragmatistes n’admettent donc pas l’hypothèse
d’atomicité des individus envers la société. Ils considèrent que l’identité des individus s’est
formée grâce aux expériences vécues dans la société. La logique est identique pour les
entreprises, qui ne sont pas isolées de la société mais agissent au sein de celle-ci, en
interaction avec elle : elles doivent donc tenir compte des conséquences de leurs activités
sur la société et sur l’environnement.
Le pragmatisme a trois implications : d’abord, les entreprises ne sont pas isolables de la
société, elles ont des obligations envers elle, des responsabilités à l’intérieur même de cette
société.
Ensuite, comme le souligne Solomon (1992) : « les organisations (…) sont des parties des
communautés qui les ont créées, et les responsabilités qu’elles supportent (…) sont
intrinsèques à leur existence comme entités sociales ». Ainsi, les entreprises doivent
assimiler les normes et les exigences de la société. De cette manière, elles peuvent
combiner leur propre créativité et l’adéquation de leurs activités avec les intérêts de la
société : l’enjeu est donc d’être capable d’accepter un compromis, une « dynamique
d’ajustement » entre l’entreprise et la société. Selon Simon (1957), « l’organisation
associe ainsi conformité à la société et créativité individuelle ». Dans une optique de
responsabilité sociale, l’entreprise doit donc répondre favorablement aux attentes et aux
pressions de la société et des parties prenantes.
Enfin, il semble nécessaire de poursuivre les recherches et d’élaborer des modèles
théoriques plus approfondis concernant les préoccupations sociales et les attentes de
l’opinion publique. Puisque la société est définie comme un ensemble homogène dont les
attentes sont en interaction avec les attitudes et activités des entreprises, elle constitue un
tout dans lequel les entreprises s’insèrent et évoluent. Pour cette raison, la société bénéficie
légitimement d’un pouvoir de décision concernant les problématiques sociales.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
34
1.2.2 En pratique : les tendances, le lancement d’une démarche RSE
L’étude de plusieurs cas a révélé certaines tendances, certaines caractéristiques propres à la
RSE. D’abord, la RSE se construit à partir de l’expérience et du vécu des individus, qui
agissent en interaction les uns envers les autres. Aussi, cette notion évolue et se construit
progressivement, au fur et à mesure que ces individus apprennent et accumulent expérience
et informations. Ensuite, la RSE est un moteur de changement culturel dans une entreprise,
c’est une démarche volontaire.
Par ailleurs, on peut considérer que l’entreprise est intégrée dans la « cité » : encastrée dans
la société, elle a comme objectif d’atteindre une performance économique tout en
respectant cette dernière, en recherchant à faire le bien pour elle. Elle fait preuve de
responsabilité car elle intègre des valeurs morales (celles du dirigeant notamment) dans ses
activités, afin de ne pas nuire à la société.
De plus, la démarche RSE peut être valorisée par le marché : un salarié qui voudrait faire
le bien autour de lui peut se laisser impressionner par une croyance selon laquelle cette
responsabilité revient uniquement à l’entreprise. Or, il peut penser que l’entreprise ne
souhaite qu’une chose : améliorer continuellement sa performance économique, sans
considérer ses impacts sur la société. Une solution pourrait être adoptée : le mécénat, qui
toutefois peut être trop réducteur. Si l’on considère que l’entreprise n’a aucune conscience
morale, ses effets peuvent être très néfastes sur la société et sur l’environnement étant
donné qu’elle écarterait toute considération externe à son propre intérêt. Or, une solution
optimale consisterait pour ce salarié conscient et moralement responsable à prouver à ses
dirigeants que la RSE et les démarches favorables à l’environnement sont un bienfait non
seulement pour leur performance mais également pour la société : l’entreprise peut alors
engager des démarches de RSE et montrer qu’elle s’est engagée dans des actions
responsables. Cela lui permettrait de valoriser son image et de se positionner en tant
qu’entreprise exemplaire car à la fois socialement responsable et économiquement
rentable.
Enfin, la RSE peut permettre à l’entreprise de mettre sa communication au service de
l’environnement et des droits de l’homme. En s’associant à des entités affichant de tels
objectifs, l’entreprise peut utiliser sa puissance, son réseau, son envergure pour valoriser
des engagements responsables à travers la communication. Ainsi, la RSE s’inscrit dans une
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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logique de long terme et permet la cohésion non seulement au sein de l’entreprise, mais
également entre l’entreprise et la société.
Une démarche RSE peut être initiée par l’entreprise elle-même, par son dirigeant
(anticipation des risques, démarche proactive), ou par la volonté individuelle d’un salarié
(remise en question des pratiques de l’entreprises sur la base de valeurs morales
individuelles).
Si cette démarche est initiée par le dirigeant, on la qualifie de « volontaire ». Elle se forge
alors par un processus d’expérimentation, « d’essai erreurs », tout en prenant en compte au
fur et à mesure les avis des parties prenantes. Cette manière de procéder instaure un
changement culturel dans l’entreprise, en intégrant des valeurs morales et socialement
responsables grâce à la conviction du dirigeant : il s’agit ici d’une opportunité à valoriser
sur le long terme, et non d’une contrainte.
Si cette démarche vient de l’initiative d’un individu, d’un salarié concerné par la
problématique de responsabilité sociale de l’entreprise, un nouveau mode d’action doit être
mis en place. Il peut être nécessaire de faire appel à des organismes experts en matière de
RSE, tels que les ONG ou les associations, dont la légitimité n’est plus à prouver. On
constate que les partenariats sont toujours plus valorisés que les conflits entre les parties.
La « valorisation économique » reste le moteur le plus efficace pour encourager les
entreprises à s’engager dans des démarches de RSE.
1.2.3 Les apports de l’approche pragmatique
On constate que les entreprises montrent une volonté de connaître précisément l’impact de
leurs activités sur leur environnement. Lorsque les acteurs estiment que l’entreprise n’est
pas prête à adopter des démarches RSE, ils cherchent des solutions en dehors de leur
périmètre (en faisant appel à des ONG par exemple). Ils sont prêts à tester plusieurs
solutions et à remettre leur mode de fonctionnement en question afin de mettre en place
progressivement des démarches de RSE, à l’appui de leurs expériences, ce qui constitue
une approche pragmatique. Dans cette optique, on constate que l’entreprise change de
statut : elle devient un moyen au service d’objectifs humains.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
36
Les pragmatistes estiment que les succès et échecs qui fondent les expériences à partir
desquelles la RSE se construit constituent un « processus historique ou un continuum de
pensée » qui permet de générer des processus de fonctionnement, des guides d’actions qui
pourront être utilisés comme des modèles de décision par la suite. A partir de ces guides
pragmatiques peuvent être développés des modèles théoriques. D’un point de vue pratique,
le pragmatisme nous montre que les démarches de RSE peuvent naître des solutions
constructives et originales, initiées par des individus et non des entreprises, qui sont
poussés à considérer un champ de solutions très vaste et hors de la sphère de l’entreprise :
cette méthode permet de résoudre les conflits entre le salarié et son entreprise, en l’incitant
à faire appel à des organismes extérieurs et légitimes, afin de mettre en place des solutions
et des démarches RSE en faveur de l’entreprise et de son environnement.
L’approche pragmatique est considérée comme pertinente dans sa manière de faire
comprendre comment les démarches de RSE peuvent être initiées et développées : grâce
aux individus ou organisations qui se sentent préoccupés par les problématiques de RSE, et
qui, à l’appui de leur expérience et en interaction les uns avec les autres, construisent de
tels modèles et les reproduisent, parfois en faisant appel à des intervenants extérieurs. Ces
individus non atomisés sont incités à produire des solutions de manière créative. Ainsi, on
peut dire que le rôle de la RSE peut être de stimuler les individus et les entreprises à
trouver des solutions pour résoudre les conflits entre l’entreprise et la société, en incitant
l’entreprise à mieux comprendre les attentes de la société et à intégrer un nouveau mode de
management, plus responsable.
1.3 Le concept de développement durable (DD)
Après avoir étudié les différents apports théoriques de la RSE, il est intéressant de
présenter le concept de développement durable, qui constitue la concrétisation des
concepts de RSE. Il représente une solution aux questions de RSE, une réponse aux
pressions des parties prenantes. Ce concept s’impose partout car il donne une perspective
optimiste pour l’avenir.
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1.3.1 Définition et naissance du concept
La préoccupation qui a donné naissance au concept de développement durable est apparue
dans les années 1970, lorsque des experts ont noté que les objectifs de croissance des
entreprises avaient un impact inquiétant sur l’environnement et sur le contexte social, et en
ont conclu que si la tendance se poursuivait, notre avenir et celui de notre planète étaient
perdus. Dès lors, plusieurs définitions ont été proposées (se reporter à l’introduction de ce
mémoire). En 1992, la notion de développement durable est de nouveau prise en compte
lors du Sommet de la Terre de Rio sur l’environnement et le développement. Une
déclaration comportant 27 principes est alors rédigée, comportant les 2500
recommandations de l’Agenda 21 ainsi que quatre conventions. Lors de ce sommet, des
actions ont été engagées en faveur du développement durable dans le monde entier.
Toutefois, il faut attendre 2002, à l’occasion du Sommet mondial sur le développement
durable de Johannesburg, pour que toutes les questions qui seront à l’origine des débats sur
le développement durable soient posées en même temps : on traite alors de façon concrète
les questions portant sur l’environnement, l’écologie, l’économie et les aspects sociaux
(Michel Griffon, février 2003). Les discussions de ce sommet ont porté majoritairement
sur l’environnement et l’écologie, au détriment des problématiques d’ordre économique et
social. Or, il est fondamental de concilier l’ensemble de ces enjeux.
Cette notion a donc suscité depuis les années 1990 une prise de conscience à l’échelle
planétaire. L’engagement des Nations Unies pour le développement durable se manifeste
au travers de leurs grands organismes : le PNUD (Programme des Nations Unies pour le
Développement) et le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement).
Toutefois, il est important de souligner que parmi les nombreux ouvrages parus sur le
sujet, la majorité reste très descriptive, et se contente d’énumérer une liste de
préoccupations pour chacun de ces trois piliers, en valorisant ceux qui avantagent les
entreprises. Au final, avec un peu de recul et un point de vue critique, on pourrait penser
que le développement durable reste une « utopie » (Sylvie Brunel, mars 2005).
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
38
1.3.2 Les trois piliers du développement durable et leurs implications
Au niveau des entreprises, on peut aujourd’hui considérer la notion de développement
durable comme acquise. Par exemple, les entreprises du transport aérien sont conscientes
de leur devoir de se développer en intégrant trois piliers :
- Le pilier environnemental : il s’agit de la préservation, voire de l'amélioration du
patrimoine naturel. Il est notamment nécessaire de prendre en compte les nuisances
sonores et la pollution (air, eau, traitement des déchets et impacts sur la faune et la flore).
- Le pilier économique : les grandes entreprises sont porteuses de croissance. Le transport
aérien notamment est un facteur de développement économique pour de nombreuses
activités. En ce sens, les mesures prises pour un développement durable de son activité ne
doivent pas compromettre son dynamisme et sa performance économique.
- Le pilier social : des mesures doivent être engagées pour renforcer le progrès social et
atteindre une meilleure satisfaction des besoins de santé, de sécurité, de logement et de
conditions de travail. Ces mesures indiquent que l’entreprise est responsable non
seulement envers ses salariés et la communauté voisine, mais également et de manière plus
globale envers la population de la planète étant donné son envergure de plus en plus
internationale. Le minimum que l’on doit exiger de leur part est qu’elles respectent et
qu’elles fassent respecter les droits de l’homme et de l’enfant à leurs partenaires. Le DD
est un moyen de les protéger du risque de réputation car il les incite à agir pour la société et
à communiquer sur ces actions. Pour les employés, les actions portent essentiellement sur
la protection et la sécurité de leur emploi, ainsi que sur la négociation par les syndicats de
codes de bonne conduite. Les thèmes négociés sont le plus souvent l’emploi, la formation,
le droit syndical, la couverture médicale, la retraite et surtout la « gestion de la diversité » :
égalité des chances, accès à l’emploi et aux promotions pour les femmes comme pour les
hommes, rémunération, non-discrimination de toute forme : sexe, âge, religion, race, etc.
(Jean-Pierre Détrie, 2005).
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1.3.3 La nécessité de revaloriser le pilier social
Le DD ne se limite pas à la dimension environnementale. En effet, les trois volets du
développement durable sont indissociables : on ne peut séparer les problèmes de pollution
de ceux du sous-développement et de l’exclusion sociale (Pierre Bobe, 2002). Or, dans la
majorité des cas, la priorité a été donnée essentiellement à l’environnement et à
l’économie. En réalité, il est primordial, pour mener une politique de développement
durable complète, de ne pas négliger le pilier social, voire de le valoriser. Cette facette
sociale présente en effet un potentiel de développement considérable.
Comme le souligne Gérard Boivin, PDG du groupe Bel, « le développement durable vise
une performance environnementale, sociale et… économique. Aucun de ces trois termes ne
vaut sans une interaction avec les deux autres. ». Dans ses propos, il montre l’importance
qui doit être accordée à chacun des trois piliers du développement durable, mais également
à leur aspect indissociable. De ce fait, lorsqu’une entreprise élabore sa stratégie, elle doit
tenir compte non seulement de sa performance économique, mais également de son impact
sur la société (ses salariés, partenaires, actionnaires, les collectivités locales, etc.), et sur
l’environnement. Or, il semblerait que les dirigeants aient tendance à favoriser
essentiellement leur performance économique. Gérard Boivin ajoute qu’un dirigeant
d’entreprise « est en droit de s’interroger sur la pertinence d’un modèle tant qu’il ne
garantit pas la performance économique » (Didier Stéphany, 2003). Cette idée illustre
notre raisonnement : la plupart des chefs d’entreprises, soucieux en premier lieu de leur
croissance et de leur rentabilité, peuvent remettre en question la pertinence de politiques
telles que le développement durable et ses applications sociales et environnementales, s’ils
estiment que l’engagement dans une telle démarche ne leur assure pas un développement
économique. Faut-il y voir un souci d’agir au mieux pour la santé financière de
l’entreprise, ou plutôt une preuve d’égoïsme envers la société et l’environnement ?
Depuis les lois NRE (Nouvelles Régulations Economiques), les entreprises ont bien intégré
dans leur politique l’obligation de publier leurs résultats. En revanche, elles peuvent encore
progresser en ce qui concerne la réalité de leurs pratiques : les entreprises ayant engagé des
mesures concrètes en faveur du développement durable sont encore trop peu nombreuses.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
40
Il est nécessaire de comprendre que les entreprises, qu’elles soient privées ou publiques et
quelle que soit leur taille et leur secteur d’activité, contribuent d’un côté à la création de
richesses des pays mais provoquent d’un autre côté des effets néfastes sur l’environnement
et la société. C’est pourquoi elles représentent un levier décisif pour le développement
durable (Alain Journot, 2004).
Or, la société devient de plus en plus exigeante envers les entreprises en matière de
développement durable. Cette nouvelle manière de penser et d’agir est encore au stade de
maturation et reste le fruit d’un engagement avant tout volontariste. Certaines entreprises
ont déjà intégré le développement durable, d’autres passent progressivement à cette
nouvelle logique, et les dernières n’y ont recours que par contrainte. Les entreprises
doivent intégrer les trois dimensions du développement durable à leur stratégie et modifier
leur mode de management de façon à faire du développement durable un réflexe
automatique pour les générations futures qui reprendront les rênes des entreprises : pour
que le développement durable devienne un « savoir-faire organisationnel » et soit introduit
de façon naturelle et systématique dans le management (Jean-Pierre Détrie, 2005).
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2 Entre pratiques anciennes et engagements récents
Cette deuxième partie propose une étude des concepts de RSE et de développement
durable ainsi que des pratiques de mécénat de solidarité des entreprises : après avoir établi
un parallèle entre RSE et développement durable, nous confronterons les discours des
dirigeants d’entreprises à leurs pratiques afin de déterminer si leurs engagements sont réels
ou fictifs.
2.1 Parallèle entre RSE et développement durable
Comme nous l’avons expliqué précédemment, le DD constitue l’application concrète du
concept de RSE (Patrick D’Humières, 2005). La RSE impose aux entreprises qui se
veulent responsables des engagements en faveur des trois piliers du développement
durable : profit, performance sociale et conséquences sur l’environnement. Aujourd’hui, le
développement durable est devenu une réelle préoccupation pour les entreprises. Elles
doivent procéder à des changements en interne en adaptant leur stratégie pour intégrer les
valeurs et les engagements en développement durable de la même manière que leurs
engagements envers leurs actionnaires et leur souci de performance économique. Ainsi, le
développement durable fait partie intégrante de la stratégie de l’entreprise : « On ne lui
demande pas de changer le monde, on lui demande d’avoir une claire vision de son
environnement à moyen et long terme pour en déduire ce qu’elle peut faire et ne pas faire,
ce qu’elle doit engager ou favoriser, ce qu’elle a intérêt à assumer ou à éviter pour
améliorer sa performance propre en contribuant à la performance générale » (Patrick
D’Humières, 2005). Si la notion de progrès reste la principale motivation des entreprises
pour engager des actions en faveur du développement durable, la responsabilité envers les
parties prenantes et la morale sont deux leviers d’actions décisifs. Il est possible d’établir
un parallèle entre les notions de RSE et de développement durable selon différents critères
de comparaison.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
42
Tableau 1 : comparaison RSE / Développement durable :
(Didier Stéphany, 2003)
Il est alors intéressant de faire apparaître l’évolution récente des pratiques de
développement durable afin de mettre en valeur la prise de conscience des entreprises en
ce qui concerne leur responsabilité. Nous pouvons identifier et développer les trois
évolutions majeures.
2.1.1 Naissance de l’entreprise citoyenne : la RSE comme réponse aux pressions des parties prenantes
D’abord, le rôle des entreprises passe de la prédominance de l’économique à la notion
de citoyenneté. Comme nous l’avons montré dans la première partie, la logique des
entreprises était auparavant strictement centrée sur des objectifs purement économiques :
maximisation du profit, croissance rentable, etc. En appliquant notre raisonnement aux
Critères RSE Développement Durable
Axe structurant Ethique, social, sociétal écologie, environnement
Valeurs associées le bien, le juste, l’équitable /
paradis perdu / lendemains
qui chantent
le sain, le beau, l’harmonie /
mouvement, progrès / cycle,
conservation
Logique d’action proactive, engagement,
comptes à rendre
s’adapter mais aussi
persévérer
Priorité de gestion ressources humaines puis
conditions de vie
ressources naturelles puis
sauvegarde de l’humanité
Système de contraintes interdépendance des acteurs
internes et externes
résistance aux chocs
externes
Temporalité engagement sur le long
terme
maintien d’un niveau de
développement sous
contraintes, non-dégradation
dans le temps
Centrage objectifs moyens
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acteurs du transport aérien, on constate que la stratégie économique mise en place dans les
entreprises ne considère pas systématiquement les problématiques sociales concernant la
qualité de travail des employés ou les conditions de vie des personnes qui peuvent être
liées indirectement à l’activité de l’entreprise (les riverains des aéroports par exemple, qui
subissent les nuisances sonores). En effet, on constate souvent que les entreprises préfèrent
valoriser leur performance économique plutôt que les conditions de travail de leurs
employés par exemple. Trop souvent, les préoccupations liées au respect des clients, des
fournisseurs, de l’éthique, au respect des droits de l’homme, n’occupent pas la première
place dans les stratégies des entreprises.
La conception de l’entreprise de Milton Friedman supposait que l’entreprise, dont le seul
but était la création de richesses, ne pouvait être une personne morale. Sa seule fonction
était de générer du profit afin de le redistribuer aux actionnaires, et par ce biais elle
permettait aux communes qui l’accueillaient de profiter de cette création de richesse
(Patrick D’Humières, 2005). Cette logique est encore d’actualité aujourd’hui dans
certaines entreprises, qui ne considèrent pas la RSE et le développement durable comme
étant de leur ressort. Ainsi, on trouve parfois des raisonnements tels que celui de Didier
Stéphany (2003) : « l’entreprise découvre le développement durable comme Christophe
Colomb découvrait le Nouveau Monde. S’agit-il d’un continent différent ou d’une petite île
sur la route des Indes ? (…) Il est probablement peu pertinent, en tout état de cause
prématuré, de vouloir créer un modèle de l’entreprise socialement responsable. Et pour
reprendre l’analogie avec les grandes découvertes, gardons-nous des Pizarre et Cortès, il
n’y a pas de nouvel Eldorado ». Il s’agit également du point de vue de Louis Schweizer,
ancien PDG de Renault : « Je ressens un malaise vis-à-vis de l’expression d’entreprise
‘citoyenne’, parce qu’elle porte une idée de l’entreprise qui se substitue à un Etat (…). Ce
n’est pas notre métier. Nous avons des tâches limitées : produire des biens et des services
marchands de façon efficace. » (débat « Où va le capitalisme français ? », Le Monde, 26
mars 2004, Mourad Attarca et Thierry Jacquot, mai 2005).
Dans leur étude, Mourad Attarca et Thierry Jacquot expliquent les limites de la RSE qui
sont à l’origine de tels raisonnements : la première limite de cette notion tient de son
« caractère normatif » : il s’agit plus d’une idéologie, d’une « vision subjective de
l’entreprise idéale », que d’un véritable modèle d’entreprise.
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Par ailleurs, pour les libéraux, cette notion remet en question la légitimité du principe de
propriété et le rôle de l’entreprise, qui selon eux est de générer du profit, et pas de trouver
des solutions aux problématiques sociales : « la responsabilité sociétale de l’entreprise
consiste à accroître ses profits » (Milton Friedman).
Ensuite, la notion de RSE nie les droits et la légitimité des actionnaires dans la mesure où
elle place leurs intérêts au même niveau que ceux des autres parties prenantes, qui ne sont
pas propriétaires de l’entreprise et qui de ce fait ne devraient pas avoir les mêmes
avantages. Enfin, la RSE demande aux entreprises de prendre en charge certaines
responsabilités qui devraient revenir à d’autres institutions telles que l’Etat par exemple
(Mourad Attarca et Thierry Jacquot, mai 2005).
Une autre limite du concept de RSE est la « difficulté de leur opérationnalisation », définie
par Gond (2003) et Griffin (2000), et accrue du fait de la multiplication des définitions et
des termes qui s’y réfèrent : responsabilité sociale, parties prenantes, citoyenneté, etc.
Nous pouvons toutefois apporter un éclairage différent, et qui, espérons-le, fera à l’avenir
l’unanimité au sein des dirigeants d’entreprises : de plus en plus, nous trouvons dans le
vocabulaire des théoriciens et des chefs d’entreprises qui souhaitent promouvoir la RSE au
travers de leurs actions de développement durable la notion d’entreprise citoyenne. Cela
signifie que l’entreprise est intégrée dans la Cité, et de ce fait elle doit agir en faveur des
citoyens (Patrick D’Humières, 2005). Les entreprises ne peuvent pas ignorer l’impact de
leurs activités sur la société. C’est pourquoi elles doivent prendre en compte et assumer
leur devoir de citoyenneté : elles « ne peuvent pas se soustraire de leurs devoirs à l’égard
de la cité » (Amina Bécheur et Faouzi Bensebaa, mai 2005). Aussi, les années 1970 ont
marqué un tournant dans la pensée économique : on réalisait alors que la création de
richesses dans l’unique but de maximiser le profit ne pouvait garantir la survie des
entreprises. Celles-ci devaient prendre en compte l’opinion et les intérêts de leur
entourage, dont les préoccupations pouvaient se révéler néfastes à l’avenir des entreprises
(Patrick D’Humières, 2005). Aussi, cette prise de conscience amène les acteurs à penser de
manière durable et donc à élaborer de nouveaux codes de conduite afin de rétablir la
cohésion sociale. Comme le souligne Frederick (1994), « le pouvoir (économique,
financier, technologique…) implique la responsabilité » (Mourad Attarca et Thierry
Jacquot, mai 2005). On considère alors que l’entreprise est liée à la société par un contrat
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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sous-entendu dans la notion RSE : le « contrat social » (concept évoqué par Rousseau et
repris par différents auteurs) suppose que l’entreprise doit savoir évaluer l’impact de ses
activités ainsi que les effets de ses décisions sur l’environnement, l’économie et la société.
L’objectif du contrat social est d’arriver à une situation d’équilibre entre les intérêts de
l’entreprise et ceux des parties prenantes. Ce contrat affecte les droits et précise les devoirs
de chaque partie (Patrick D’Humières, 2005). Grâce à lui, les coûts sociaux dus à l’activité
des entreprises sont réduits car il contraint celles-ci à s’engager de manière croissante dans
des actions valorisant le bien-être social et plus seulement économique.
Les objectifs de développement durable des entreprises ont été identifiés : il s’agit avant
tout de créer de l’emploi, de préserver l’environnement, les savoir-faire des artisans et la
culture locale, d’agir en faveur des conditions sanitaires et sociales. Ainsi, les objectifs de
développement durable en matière de RSE semblent être orientés en priorité sur
l’environnement, puis sur le climat social et culturel (Amina Bécheur et Faouzi Bensebaa,
juin 2004).
Toutefois, bien que les enjeux et les objectifs soient identifiés, il est important de se
demander comment les entreprises peuvent être incitées à adopter une démarche de
développement durable afin de concrétiser leur RSE. Nous voyons ici apparaître les
principales limites des démarches de RSE : elles sont le fruit d’un engagement volontaire.
La notion de RSE pose un dilemme : les entreprises devraient en apparence choisir entre
rentabilité financière et engagement social et environnemental. Le concept de RSE suppose
qu’il est nécessaire de prendre en compte dans la stratégie des entreprises le respect des
valeurs éthiques afin de garantir un développement à caractère durable de leur activité.
Ainsi, elles doivent trouver une réponse au dilemme « rentabilité / responsabilité
sociale » : les auteurs estiment que la confiance qui pourrait s’instaurer entre l’entreprise et
les parties prenantes doterait l’entreprise d’un « avantage concurrentiel de
différentiation », lui permettant d’assurer sa pérennité (Mourad Attarca et Thierry Jacquot,
mai 2005).
Les entreprises voient la RSE comme « l’intégration volontaire de préoccupations sociales
et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties
prenantes » (définition du Livre Vert de la Commission européenne sur la responsabilité
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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sociale des entreprises, 2001) : on comprend mieux pourquoi un nombre croissant
d’entreprises adhèrent à des chartes ou des codes de bonne conduite par exemple. Si
certains dirigeants voient la RSE comme une contrainte nécessitant un changement culturel
et des investissements importants, d’autres la voient comme une opportunité leur
permettant de montrer un « certain volontarisme social » et de bénéficier d’une meilleure
image de marque (Mourad Attarca et Thierry Jacquot, mai 2005).
Une synthèse des études UNEP (United Nations Environment Programme) publiée en
2003 révèle qu’un tiers des personnes interrogées « demandent aux entreprises de
construire une meilleure société pour tout le monde et aller au-delà des profits » (Patrick
D’Humières, 2005). Nombreuses sont les entreprises qui ont compris cela et qui
s’engagent dans des démarches responsables socialement par le biais d’actions de
développement durable afin d’affirmer leur rôle devenu « citoyen ». Cette nouvelle
manière de penser la stratégie constitue ainsi une réponse aux attentes des parties
prenantes.
Nous pouvons par conséquent remarquer une évolution de la prise de conscience des
entreprises, qui considèrent le développement durable comme une réponse aux pressions
de la société. Intégrer des pratiques de RSE dans la stratégie de l’entreprise à travers des
actions de développement durable peut permettre de diminuer ces pressions sociales
(Patrick D’Humières, 2005). En effet, l’entreprise doit désormais jouer le jeu de la
durabilité. Elle doit donc intégrer les attentes des parties prenantes dans la conception de sa
stratégie, afin d’assurer sa pérennité.
Les parties prenantes et l’opinion publique sont de plus en plus sceptiques quant à la
légitimité des pratiques des entreprises, d’où leurs exigences de plus en plus sévères à leur
égard : les grandes entreprises doivent aujourd’hui rendre des comptes afin de justifier leur
activité, et de se prémunir de mouvements de protestation qui leur seraient néfastes. Aussi,
comme le souligne Peter Drucker dans « Will the Entreprise Survive ? » (novembre 2001),
« dans la prochaine société, le plus grand défi que devra relever l’entreprise d’envergure
– en particulier la multinationale – sera sans doute sa légitimité sociale : ses valeurs, sa
mission, sa vision ». Aussi, le pouvoir accru des actionnaires se manifeste de façon
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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récurrente : l’auteur parle même de « la démocratie actionnariale ». Les grands dirigeants
souffrent d’une mauvaise image, « négative et individualiste » : de nombreuses affaires ont
été médiatisées, ce qui a mis en péril la santé de leur entreprise. On voit bien le pouvoir des
médias et leur influence. Selon l’auteur, la relation entre l’entreprise, son dirigeant et la
société perd de sa légitimité. D’après l’opinion publique, l’entreprise représente un acteur
extrêmement puissant, du fait de sa force économique mais également à cause des
nuisances associées : si l’entreprise peut faire le bien, elle peut également faire le mal, dans
des proportions parfois difficiles à maîtriser. C’est pourquoi elle est au cœur des
préoccupations.
Il convient alors de développer le concept de « licence to operate » et l’importance de la
communication envers les parties prenantes. Du fait de sa position envers les parties
prenantes et de son impact sur l’environnement et la société, l’entreprise doit aujourd’hui
faire preuve d’une responsabilité accrue. Elle peut exercer son activité si elle bénéficie de
l’accord d’un point de vue légal, administratif et réglementaire, mais elle doit également
disposer de l’accord de la société et de l’opinion publique, ce qui constitue une nouvelle
forme de préoccupation : il s’agit de ce que l’on nomme le « licence to operate » (Patrick
D’Humières, 2005). L’opinion peut nuire à la réputation d’une entreprise dont elle
considère que les pratiques sont répréhensibles. Ainsi, elle se positionne en véritable
contre-pouvoir, et représente une force d’incitation ou de dissuasion. En utilisant des
moyens tels que les médias, la communication à grande échelle, et la critique de l’image de
marque, elle constitue une menace pour les entreprises qui se disent responsables mais
dont les actes ne valident pas les discours.
Par ailleurs, il est important de savoir que s’engager dans une démarche RSE permet de
gérer le risque d’image : selon la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, « il
importe donc que pouvoir et responsabilité coïncident et que les activités des grands
groupes qui affectent par le monde des millions d’individus fassent l’objet d’un contrôle
démocratique accru » (Patrick D’Humières, 2005). D’où le rôle de la communication au
sein de l’entreprise : il est nécessaire de surveiller l’environnement et les actions des
parties prenantes afin de ne pas être pris au dépourvu et de pouvoir répondre aux attaques
afin de préserver l’image de l’entreprise. Le rapport de développement durable sert alors
de support de communication interne et externe. Le rôle de la communication est varié :
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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gérer les relations avec les parties prenantes en leur assurant une information objective et
transparente, assurer la cohérence et la pertinence des discours, en assurant que les
engagements ne soient pas en contradiction avec ces discours.
Un autre facteur est à prendre en compte dans la gestion du risque d’image : Internet
permet la diffusion instantanée et à grande échelle de tout type d’information. La
propagation immédiate d’une mauvaise image peut ainsi mettre en péril une entreprise, qui
ne maîtrise même plus le contenu et la qualité de ses discours. Ainsi, le risque d’image
s’accroît avec l’essor des nouvelles technologies. Les nouveaux médias sont autonomes et
touchent chaque individu : il est pratiquement impossible de s’opposer à l’opinion et
d’essayer de lui résister. La simple communication sur les pratiques de l’entreprise est trop
faible et ne garantit plus sa pérennité. Elle doit être préventive et montrer à l’opinion
publique qu’elle est en accord avec ses exigences. Preuve que les entreprises craignent les
réactions de l’opinion publique : elles ont tendance à sur-communiquer au sujet de leurs
produits ou services, en vantant leurs mérites, afin de rassurer les consommateurs,
principaux acteurs de l’opinion publique.
Avec la mondialisation, les entreprises ont gagné en taille, en puissance, et perdu en
confiance. On attend d’elles qu’elles s’investissent dans des démarches responsables afin
de prouver que leur but n’est plus uniquement leur croissance mais également la protection
de l’environnement et le progrès pour tous. On attend d’elles qu’elles adoptent des valeurs
et des comportements éthiques, et qu’elles s’imposent des codes de conduites et des
bonnes pratiques envers leur environnement au sens large. La RSE devient la revendication
de nombreuses entreprises qui craignent les crises d’image et les attaques de l’opinion, et
qui préfèrent montrer que leur engagement va dans le sens des parties prenantes. Pour
asseoir leur légitimité, les entreprises doivent véritablement négocier et tenter de se faire
entendre. Alors que jusqu’à présent l’essentiel était d’être puissant et reconnu, il est
aujourd’hui indispensable de gagner la confiance. Les enjeux actuels sont donc de savoir
gérer le contact, le dialogue, afin d’assurer la compréhension de la société, et de faire
accepter un discours et des pratiques. Après avoir convaincu l’opinion publique de ses
bonnes pratiques et de sa volonté d’engagement, celle-ci demande des preuves : le
management du changement devient alors un enjeu clé, un défi relever.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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2.1.2 D’une démarche réactive à une stratégie proactive
Nous pouvons alors étudier une troisième évolution : les entreprises sont passées d’une
démarche réactive à une stratégie proactive en s’investissant dans le management
durable. Le fait de considérer les démarches proactives comme volontaires montre que les
entreprises ont bien intégré la nécessité de prendre en compte l’intérêt de l’opinion
publique dans une stratégie de long terme. La volonté d’engagement et l’honnêteté de
l’entreprise qui opte pour une telle démarche doivent être avérées et déclinées en actions
réelles si celle-ci souhaite être crédible aux yeux des parties prenantes (Patrick
D’Humières, 2005). Par ailleurs, il est nécessaire de faire preuve d’une réelle transparence
concernant les enjeux identifiés par l’entreprise pour sa croissance à long terme.
Le management durable impose à l’entreprise de valoriser en premier lieu les ressources
humaines (RH), qui sont le volet le plus occulté du développement durable, mais qui
constituent l’une des priorités de la RSE. La plupart des théories se basent sur la pyramide
de Maslow ou les études de Herzberg : pour avoir des salariés productifs, il faut d’abord
satisfaire l’ensemble des besoins des salariés, des besoins primaires aux besoins plus
spirituels afin d’augmenter leur motivation et donc leur productivité. En d’autres termes, il
est nécessaire d’assurer d’abord un revenu élevé aux salariés, ensuite il faut leur garantir de
bonnes conditions de travail, et enfin leur assurer reconnaissance et réalisation de soi au
travail. Or, le lien existe peut-être mais on ne peut assurer une relation de cause à effet de
manière si caricaturale. En effet, un salarié satisfait peut être moins productif qu’un salarié
moins satisfait. L’important, en réalité, est de valoriser l’éthique et les valeurs humaines,
qui sont indépendantes de la valeur strictement économique de productivité : il faut
respecter chaque individu, et lui assurer des conditions de travail décentes. Aussi,
l’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle est au cœur des débats sur la RSE
(Didier Stéphany, 2003).
Par ailleurs, les choix de Gestion des Ressources Humaines (GRH) concernant les
embauches et les licenciements posent des questions d’éthique. Pour les embauches, les
entreprises, sous la pression des organisations syndicales, favorisent généralement les
salariés « fixes », appelés « insiders » (embauchés en CDI), plutôt que les « outsiders »
(CDD, stagiaires, intérimaires, etc.) : on préfèrera plus souvent l’augmentation des salaires
des insiders à l’embauche des outsiders, en donnant la priorité aux RH internes à
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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l’entreprise. De même, pour un licenciement, on gardera un CDI ayant un avantage
d’ancienneté et de statut, plutôt qu’un jeune CDD. Qu’en est-il des valeurs d’éthique, de
solidarité, et d’équité ? (Didier Stéphany, 2003).
Les RH sont un moyen de valoriser l’éthique et le respect des valeurs de l’entreprise. Pour
évaluer la « performance humaine de l’entreprise », il est possible de mesurer le respect
des valeurs de l’entreprise, ainsi que ses principes d’équité ou de transparence : respect de
l’application des codes de conduite et des règles internes (pour la sécurité par exemple), et
externe à l’entreprise (droit social, accords d’entreprises ou lois). Le respect des lois et des
conventions est un premier stade de mesure : part des personnes handicapées employées
par rapport à ce qu’exige la loi, prévention du harcèlement, etc. Mais la législation, si elle
sert de base, peut être dépassée : l’entreprise peut aller au-delà en affichant ses propres
objectifs, afin d’affirmer sa RSE. On n’utilisera plus les indicateurs à ce stade, mais les
rapports d’audit : ils permettent par exemple de vérifier si les objectifs éthiques ont été
clairement expliqués aux dirigeants et aux filiales, et de s’assurer que ces valeurs sont bien
appliquées à travers des objectifs concrets et des règles, tant au sein de l’entreprise que
chez ses fournisseurs et acheteurs par exemple (Didier Stéphany, 2003).
Au niveau des RH, un bon exemple de pensée durable serait d’établir un système de
gestion proactive de la pyramide des âges tout en investissant dans des programmes de
formation à long terme. Les entreprises ne peuvent plus se satisfaire d’une gestion
« défensive », elles doivent être proactives afin d’assurer à leurs salariés le meilleur
potentiel d’employabilité, c’est-à-dire leur assurer la possibilité de trouver un emploi à tout
moment (Patrick D’Humières, 2005).
2.1.3 Conclusion : importance de l’éthique et de la légitimité
De ces différents apports, nous pouvons conclure d’une part que l’éthique doit être intégrée
au management de l’entreprise. La politique de développement durable ne se limite pas à
un discours prônant les bonnes manières ou les codes de conduite : il s’agit de développer
et de faire appliquer de réels engagements. Ainsi, comme le souligne Etheredge (1999),
même si les pratiques considérées comme responsables et éthiques n’ont pas encore été
clairement définies, elles sont admises comme devant être nécessairement intégrées dans
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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les stratégies des entreprises, en tant qu’ « éléments significatifs de la pratique
managériale et de la prise de décision ». Le problème du comportement considéré comme
« éthiquement juste » est que celui-ci relève de la morale, qui est subjective et dépend de
chaque culture (Amina Bécheur et Faouzi Bensebaa, juin 2004).
On constate en effet que la responsabilité morale développée par Carroll prédomine par
rapport aux trois autres : les entreprises valorisent les « programmes de formation des
clients, des fournisseurs et des employés » par exemple, ou sont de plus en plus
nombreuses à adhérer à des chartes les conduisant à promouvoir les bonnes pratiques.
Cette prédominance de la responsabilité morale s’explique par les concepts
d’ « acceptabilité », de « crédibilité » et de « légitimité » (Amina Bécheur et Faouzi
Bensebaa, juin 2004). Le principe d’acceptabilité a été développé par Mikkala en 2003. Il
explique le fait que les entreprises, du fait de leur impact néfaste sur l’environnement et sur
la société, ne peuvent continuer d’exercer des activités si celles-ci sont considérées comme
répréhensibles par les parties prenantes, qui reflètent en les exprimant les avis de la société.
La préservation de l’environnement est évidemment le premier enjeu qui garantisse
l’acceptabilité sociale, mais il n’est pas le seul : la création d’emploi dans les pays du Sud
lors de délocalisations ou lorsque l’entreprise s’implante localement, ainsi que le respect
des populations et des traditions locales, entrent en compte dans le principe d’acceptabilité.
Ce critère permet de définir ce qui est moralement, économiquement et légalement
acceptable ou non : il nous permet ainsi de mieux comprendre le modèle de Carroll.
Concernant la responsabilité discrétionnaire, on considèrera qu’elle appartient au domaine
privé des entreprises, et donc « déconnectée de la sphère collective ». Ce premier principe
permet d’évaluer la conformité des actions en RSE de l’entreprise avec les attentes des
parties prenantes (Amina Bécheur et Faouzi Bensebaa, juin 2004).
Ensuite, le principe de crédibilité développé par Gabriel en 2003 permet d’évaluer la
cohérence des actions en RSE de l’entreprise avec ses pratiques envers les parties
prenantes.
Ces deux principes, s’ils sont satisfaits, confèrent à l’entreprise la légitimité d’exercer son
activité. Selon les auteurs, « les entreprises ne seraient légitimes qu’à condition que leurs
approches RSE (…) correspondent à la représentation partagée par les parties internes
(principe de crédibilité) et les parties prenantes externes (principe d’acceptabilité) ».
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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Ainsi, les entreprises agissent en tant qu’acteurs intégrés à la société et répondant aux
attentes de celle-ci, plutôt que comme acteurs motivés uniquement par leur performance
économique, « agissant seulement ‘en marché’ » (Amina Bécheur et Faouzi Bensebaa, juin
2004).
Le but des engagements en RSE et en développement durable est d’obtenir l’accord des
parties prenantes pour exercer leur activité sans entrave, voire leur bienveillance. Aussi, les
investissements en RSE, même s’ils paraissent injustifiés au départ, se révèleront par la
suite être de véritables économies. Le fait de « prendre en compte ‘sérieusement’
l’éthique… et par extension la RSE » répond à l’appel de Donaldson (2003) : « jamais la
légitimité des entreprises n’a dépendu si fortement de la clarification de ses connexions
avec les valeurs humaines. De ce fait, prendre l’éthique au sérieux [et donc la RSE] est
devenu une mission envisageable » (Amina Bécheur et Faouzi Bensebaa, juin 2004).
Ainsi, nous voyons apparaître un deuxième aspect incontournable de la RSE dans son
application en actions de développement durable : l’entreprise doit mériter sa légitimité
aux yeux de ses patries prenantes (Patrick D’Humières, 2005).
Le volet social du développement durable est ainsi devenu incontournable, et les efforts
des entreprises doivent se poursuivre afin d’assurer le progrès social et environnemental,
garants de la santé économique de l’entreprise.
Si l’on applique les différents raisonnements issus des théories qui replacent le social et
l’éthique au cœur des préoccupations aux entreprises du transport aérien, les risques liés à
un manque de considération des besoins des salariés d’une entreprise peuvent, à terme,
avoir des conséquences sur la santé de l’entreprise. En effet, il est primordial de considérer
entre autres la santé et la sécurité des employés et des clients, ainsi que l’application des
principes d’éthique. Par exemple, l’évolution du nombre d’accidents du travail doit être
maîtrisée, et toutes les formes de discrimination ou de
harcèlement doivent être éliminées afin de garantir un
climat social sain dans l’entreprise, et une cohésion du
personnel, qui contribuera à l’amélioration des
performances globales des entreprises.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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Pour conclure sur le parallèle entre RSE et développement durable, nous pouvons constater
que les entreprises qui ont fait le choix d’intégrer la RSE dans leur stratégie en s’engageant
dans des démarches de développement durable ont essentiellement valorisé les aspects
sociaux de ce concept. Les pratiques ont évolué pour ce pilier, essentiellement en ce qui
concerne la politique de ressources humaines des entreprises. Le pilier économique a perdu
de son importance aux yeux des entreprises qui se veulent socialement responsables, au
profit du pilier social. En ce qui concerne l’environnement, il est la préoccupation de
nombreuses entreprises, qui ont déjà engagé de nombreuses actions en sa faveur du fait de
leur part importante de responsabilité. Il bénéficie d’une plus grande attention, et fait
l’objet de longs développements dans les rapports d’activité des entreprises les plus
concernées.
2.2 Du discours à la pratique : la RSE est-elle « éthique ou cosmétique ? »
La RSE est une notion très à la mode aujourd’hui. Elle a suscité un grand intérêt auprès des
dirigeants d’entreprises, qui y voient l’opportunité de « mieux maîtriser les contraintes
sociétales et de favoriser un développement commercial et une performance économique
durable ». On peut toutefois se demander si les pratiques annoncées dans les discours et les
rapports de développement durable des entreprises trouvent une application concrète et
avérée dans la réalité. C’est la question que pose P.F. Smets lorsqu’il parle de la RSE :
« éthique ou cosmétique » ? En effet, les entreprises ont tendance à faire la promotion de
leurs pratiques citoyennes à travers leurs discours. Il est très courant et valorisant de
parler d’éthique des affaires ou de développement durable, mais le risque est de ne faire en
réalité que du « marketing sociétal ». Nous pouvons donc confronter les discours des
entreprises à leurs pratiques afin de déterminer dans quelle mesure la RSE serait plutôt
« éthique ou cosmétique » (Mourad Attarca et Thierry Jacquot, mai 2005).
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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2.2.1 Les différentes stratégies des entreprises
Plusieurs auteurs se sont intéressés aux stratégies des entreprises en matière de RSE. Dans
notre analyse, nous retiendrons la classification de Jean-Pierre Détrie (2005), qui définit
trois types de stratégies.
D’abord, les « volontaristes » montrent une réelle prise de conscience envers les enjeux du
développement durable, et prennent en compte de manière explicite les thèmes des trois
piliers et les attentes des parties prenantes. Ces démarches sont facilitées dans le cas où le
dirigeant montre lui-même sa propre volonté d’engagement et son implication personnelle.
Cette stratégie est celle des entreprises pionnières en développement durable, qui mènent
une communication active auprès de l’opinion publique en mettant en avant leur
engagement volontaire, ce qui leur procure un réel avantage concurrentiel face aux clients
et autres parties prenantes. Nous pouvons par exemple citer les entreprises Ben&Jerry’s et
The Body Shop. Dans ce cas, le changement peut se faire progressivement, il est alors plus
facile à gérer que si l’entreprise est contrainte de « se conformer rapidement à des
dispositions gouvernementales brutales ». Ces entreprises voient le développement durable
comme une nécessité. Leur discours objectif, montrant une volonté de communiquer de
façon « substantielle », a pour but de prouver un réel engagement de l’entreprise envers
son environnement (Mourad Attarca et Thierry Jacquot, mai 2005).
La deuxième stratégie identifiée est celle des « légalistes », ou des « bons citoyens ». Ces
entreprises respectent toutes les lois et réglementations sociales et environnementales
(telles que les réglementations sur le retraitement des déchets et le recyclage comme nous
le verrons ultérieurement), et font tout leur possible pour s’adapter au fur et à mesure aux
évolutions rapides et fréquentes de ces réglementations. Elles peuvent se montrer elles-
mêmes très convaincues par les enjeux du développement durable. Leur objectif est de
satisfaire les intérêts de leurs actionnaires dans une logique de long terme, tout en
respectant les contraintes légales. Les entreprises qui sont les plus soumises à ces
réglementations sont essentiellement celles qui provoquent le plus de nuisances, par
exemple le transport aérien qui génère une forte pollution gazeuse et sonore, ou les
constructeurs d’automobiles ou de produits électriques et électroniques qui doivent gérer la
fin de vie de leurs produits. Ces entreprises sont les premières à subir les pressions sociales
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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et les attaques de l’opinion publique, des ONG ou des médias : en ligne de mire de la
majorité des accusations, elles doivent consacrer de lourds investissements au
développement durable et adapter leur activité et leur politique en permanence. Les
contraintes légales (normes écologiques et sociales) ont un impact significatif sur ces
entreprises. Toutefois, certaines voient le développement durable comme une opportunité,
malgré les investissements qu’il nécessite.
Nous pouvons apporter un éclairage théorique sur ce sujet : selon les propos de Gérard
Boivin, PDG du groupe Bel, il ne s’agit pas « d’une simple opération médiatique » dans la
mesure où un grand nombre d’entreprises se seraient déjà investies dans des actions en
faveur du développement durable (Didier Stéphany, 2003). Selon cette idée, les entreprises
se soucient véritablement du développement durable, et engagent des mesures non pas
dans le but de vernir leur image, mais afin de devenir de véritables acteurs du
développement durable. Cette approche permet de nuancer les critiques formulées à
l’égard des grandes entreprises par ceux qui se méfient de cette forme d’engouement pour
le « politiquement correct ». Les grandes entreprises sont les premières cibles lorsque l’on
évoque la responsabilité sociale, du fait de leur préoccupation considérée comme
prioritairement économique. Or, si leur performance économique occupe certes une place
prépondérante dans leur stratégie, certaines oeuvrent également en faveur du progrès social
de leurs salariés et de leur environnement au sens large.
Pour Gérard Boivin, le développement durable et l’ensemble des enjeux qu’il recouvre
doivent être placés au cœur de toute stratégie globale d’entreprise et en déterminer les
plans d’actions prioritaires : « des valeurs telles que l’éthique, l’innovation ou la cohésion
pour un groupe (…) ne peuvent rester au niveau des principes, elles doivent s’inscrire
dans une pratique rénovée du management de l’entreprise. » (Didier Stéphany, 2003).
Même si on ne peut mesurer de manière précise l’efficacité des résultats de telles
démarches, il est certainement possible d’évaluer la sincérité des engagements des
entreprises, qui passent d’une logique du « pour quoi » à une logique du « comment », ce
qui montre d’une part qu’elles ont intégré la nécessité d’une démarche responsable, et
d’autre part qu’elles sont prêtes à agir dans ce sens.
Cela dit, si certains grands groupes se sont d’ores et déjà engagés dans la RSE, nombreuses
sont les entreprises dont « la courbe d’épuisement entre les paroles et les actes semble
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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encore vertigineuse ». Les entreprises qui se positionnent dans des stratégies « légalistes »
sont en effet les plus concernées par le problème du décalage entre discours et pratiques
réelles. Comment passent-elles « de la parole aux actes manqués » (Patrick D’Humières,
2005) ? Comment garantir leur engagement ? L’élaboration des rapports de DD est une
condition nécessaire mais elle n’est pas suffisante pour constituer une preuve de leur
engagement. Vogel (1991) estime ainsi que la RSE est une manière de pousser les
entreprises à considérer la société avec une vision plus humanisée, et de modifier les
manières de penser et d’agir des dirigeants en leur proposant des valeurs morales afin de
revaloriser l’éthique face à l’objectif purement économique de profit. Toutefois, il doute de
la réalité des préoccupations de certains dirigeants, qui pourraient utiliser le prétexte de la
RSE pour dissimuler des pratiques non modifiées, dans le but de se dégager des critiques et
des accusations de l’opinion publique, et afin de vernir leur image et leur réputation. Il peut
donc être question d’une « utilisation symbolique » de la RSE, mais qui ne profiterait à
l’entreprise que sur le court terme (Mourad Attarca et Thierry Jacquot, mai 2005). A cette
stratégie peut correspondre un discours normatif, « symbolique », qui véhicule des valeurs
idéologiques mais sans application concrète, sans engagement avéré de l’entreprise. Il
présente un double objectif : celui de satisfaire une cohésion sociale interne, et celui
d’améliorer la réputation de l’entreprise aux yeux des parties prenantes (Mourad Attarca
et Thierry Jacquot, mai 2005).
Enfin, la troisième stratégie est celle des « minimalistes », qui affichent un manque de
préoccupation envers les enjeux du développement durable. Leur objectif est de maximiser
leur profit afin de satisfaire les attentes de leurs actionnaires dans une logique de court
terme. Il s’agit malheureusement de la stratégie adoptée par la majorité des entreprises
aujourd’hui. Ces entreprises ne croient pas au concept de développement durable, et
pensent que la notion de RSE subit uniquement un effet de mode. Elles voient les
engagements en développement durable comme une contrainte et non comme une
opportunité : ces engagements nécessitent en effet non seulement des investissements
massifs, mais en plus un changement des pratiques et de la stratégie. La gestion du
changement devient un enjeu déterminant pour le passage au développement durable, et il
n’est pas accepté par tous. Selon les dirigeants, l’entreprise doit se recentrer sur son rôle :
la création de valeur au profit des actionnaires. Ils refusent d’adopter un comportement
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citoyen, prétextant qu’il n’est pas du ressort de l’entreprise de se préoccuper des enjeux
sociaux et environnementaux. Ainsi, ces entreprises attendent le dernier moment pour
réagir, et appliquent uniquement les règlements qui leur sont imposés.
Dès lors, il est nécessaire de préciser l’une des problématiques associées à la RSE, déjà
évoquée précédemment : il s’agit d’une démarche volontaire à l’initiative de chaque
entreprise, qui choisit le moment où elle lancera cette démarche, de quelle manière et dans
quelles proportions. Mais le problème d’une démarche volontaire est qu’elle doit être
suivie par le plus grand nombre d’entreprises afin de rester crédible : ces entreprises
doivent dépasser les discours pour s’engager activement. L’action volontaire se trouve
rapidement face à un obstacle : elle est bel et bien présente dans certaines grandes
entreprises performantes, mais reste loin de faire l’unanimité et de garantir le progrès
durable. Cela dit, « l’adaptation passive, faire trop peu ou trop tard, garantit la crise et
l’échec » alors qu’en adoptant une démarche volontaire et proactive l’entreprise se donne
toutes les chances de pérenniser son activité, malgré une certaine prise de risque (Patrick
D’Humières, 2005). Frederick ajoute qu’il est préférable d’adopter une démarche de façon
volontaire plutôt que de devoir subir les interventions et réglementations des pouvoirs
publics. Cela revient de plus à s’exposer à des sanctions si la réaction n’est pas immédiate.
A l’inverse, une anticipation des réactions des parties prenantes permet à l’entreprise
d’ajuster ses politiques et ses actions, et ainsi de garantir « une plus grande stabilité
économique, sociale et politique, et donc (…) un niveau plus bas de (…) critique sociale »
(Mourad Attarca et Thierry Jacquot, mai 2005).
A ces trois stratégies correspondent, comme nous l’avons expliqué, des discours différents.
Ces discours figurent dans les rapports annuels d’activité et de développement durable.
2.2.2 Ce que disent les rapports de développement durable
Les rapports annuels d’activité sont un support de communication utilisé par les entreprises
afin de transmettre leurs valeurs et leurs engagements à plusieurs destinataires internes et
externes : salariés, actionnaires, partenaires, médias, opinion publique, etc. La partie la
plus lue de ces rapports est la lettre du président, qui figure en introduction : elle constitue
la source d’information et le critère de décision les plus importants. Les rédacteurs doivent
tenir compte de la diversité des lecteurs, qui pose une difficulté supplémentaire car leurs
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exigences sont très hétérogènes : par exemple, alors que les actionnaires veulent des
informations concernant la rentabilité de l’entreprise, l’opinion publique attend des
résultats en matière de cohésion sociale. Ce discours doit donc adopter un positionnement
« commun », et prendre en considération le dilemme qui s’impose entre satisfaction des
performances économiques et respect des attentes de la société (Mourad Attarca et Thierry
Jacquot, mai 2005).
Mourad Attarca et Thierry Jacquot (mai 2005) proposent une analyse des termes contenus
dans les rapports d’activité. Il est nécessaire d’identifier et d’analyser de manière critique
les mots utilisés et la façon dont les discours sont présentés. Le vocabulaire des entreprises
révèle ainsi plusieurs faits intéressants : d’abord, les discours ont tendance à valoriser les
parties prenantes. D’autre part, ils subissent les effets de mode, en employant
systématiquement les termes valorisants tels que « développement durable » et
« citoyenneté ». Ensuite, en essayant de mettre en valeur les efforts accomplis par
l’entreprise, les discours dissimulent les dérives associées telles que les licenciements, les
nuisances sur l’environnement, les mouvements sociaux, etc. Enfin, ils rendent compte des
deux volets de l’action sociétale : les contraintes que l’entreprise doit intégrer dans sa
stratégie (réglementations par exemple) et les actions d’autorégulation volontairement
engagées dans un soucis d’action proactive (règles de bonne conduite, actions pour
l’environnement, politiques sociales, etc.). Cette dernière solution est celle que privilégient
les entreprises qui recherchent la confiance de leurs parties prenantes ainsi qu’un regain de
légitimité.
Par ailleurs, dans les rapports d’activité, les messages des dirigeants laissent apparaître des
thèmes récurrents. Leurs préoccupations sont « croissantes, diversifiées mais sélectives ».
Les dirigeants mettent en avant les progrès accomplis dans le domaine de la GRH :
mobilité de leur personnel, formation et compétences. On constate que seule la moitié des
entreprises aborde les problématiques sociales dans le discours introductif. Les chartes
signées par les entreprises et les codes de bonne conduite adoptés, principaux accords
sociaux mentionnés, valorisent essentiellement l’égalité au travail et leur souci de lutter
contre les formes de discrimination et de travail des enfants, et en faveur des droits
collectifs (Mourad Attarca et Thierry Jacquot, mai 2005).
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Globalement, trois formes de préoccupation apparaissent dans les rapports :
D’abord, « l’attitude managériale » : les discours mettent en avant le pouvoir des
dirigeants, le « partage des responsabilités » et le rôle des dirigeants en tant que force
mobilisatrice. On constate leur volonté de montrer les valeurs de l’entreprise, et de faire
partager leur culture, la « philosophie » de l’entreprise. La direction et son mode de
management sont très présents dans les rapports. Par ailleurs, la « valorisation des
acteurs » permet à l’entreprise d’orienter son discours de façon à montrer aux parties
prenantes qu’elle se préoccupe de leurs attentes, et qu’elle souhaite leur faire prendre part à
sa réflexion, le but étant de développer chez elles un « sentiment d’appartenance ». On
constate une évolution du discours des entreprises vers une forte tendance à considérer
l’importance des valeurs « humanistes » : en valorisant ce nouvel aspect de leur
responsabilité, les entreprises dépassent leur rôle traditionnel et deviennent des entreprises
citoyennes, c’est-à-dire intégrées dans la vie de la Cité, et souhaitant œuvrer en sa faveur,
en s’engageant dans des actions de solidarité, de sécurité, de préservation du patrimoine
naturel, etc.
Ensuite, l’entreprise montre son engagement et sa responsabilité sociale en considérant ses
ressources internes (salariés et dirigeants) comme « partenaires », et en les intégrant de
façon récurrente dans les discours : on ne parle plus de personnel mais « d’équipe », ni de
salariés mais de « collaborateurs », et les organisations représentatives occupent une place
de plus en plus importante. Toutes ces évolutions montrent l’attention accrue apportée
à l’Homme.
Enfin, le fait de concentrer le discours sur les préoccupations sociales et environnementales
et d’intégrer de façon quasi-systématique les actionnaires et les clients révèle une
recherche de légitimité de l’entreprise envers la société. En effet, l’entreprise souhaite
valoriser ces acteurs afin de gagner leur confiance, leur bienveillance et leur soutien, car
elle sait que leur pouvoir d’action peut compromettre son développement. Elle souhaite
ainsi en faire ses partenaires plutôt que ses opposants (Mourad Attarca et Thierry Jacquot,
mai 2005).
Concernant la responsabilité sociale, l’étude de la rhétorique de la RSE met en relief les
préoccupations de l’entreprise envers ses salariés à travers l’expression de sa politique
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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sociale : l’entreprise tente généralement de montrer qu’elle mise sur la cohésion sociale
interne, et sur la qualité et la sécurité des conditions de travail. Dans ce sens, elle met en
valeur les qualités de ses RH : plans de formation, politique de promotion, santé et
sécurité.
La responsabilité sociale de l’entreprise la pousse à agir en faveur de ses parties prenantes
internes d’une part, mais également en faveur de la société en général. Elle favorise ainsi
les partenariats « durables » (en jouant sur sa politique d’achats et de sélection des
fournisseurs par exemple), mène des actions en faveur des populations locales (réduction
des nuisances liées à son activité, respect des traditions), et en faveur de l’ensemble de la
société (incitation au respect des droits de l’homme notamment) (Mourad Attarca
et Thierry Jacquot, mai 2005).
Le fait de communiquer sur les efforts entrepris et sur les perspectives d’avenir constitue
une première manifestation de leur volonté de responsabilité et d’engagement en faveur du
développement durable. Toutefois, les preuves de ces engagements sont nécessaires : les
discours contenus dans les rapports ne suffisent pas. Il s’agit d’une forme de promotion, de
communication sur les bonnes pratiques, mais qui peuvent ne pas être avérées. Même en ce
qui concerne les résultats financiers, les données communiquées peuvent parfois être
contredites. Or, les parties prenantes attendent de l’entreprise qu’elle leur montre
réellement ses engagements : « don’t tell me, show me » (Patrick D’Humières, 2005). Le
rapport doit donc faire apparaître les risques encourus par l’entreprise, les progrès réalisés
et ceux qui lui restent à accomplir, ses pratiques et ses propositions pour l’avenir. Elle doit
montrer qu’elle est consciente des risques qu’elle fait courir à la société et à
l’environnement, preuve de sa bonne foi. Pour faciliter le dialogue avec les parties
prenantes, les entreprises joignent à leur rapport un coupon-réponse ou une possibilité de
les contacter via l’Internet, ce qui garantit une plus grande interaction et prouve l’ouverture
des entreprises aux avis de l’opinion publique. Puis, ces avis seront publiés, ce qui montre
la capacité d’écoute et de prise en compte de l’intérêt des parties prenantes dans le
management de l’entreprise. Finalement, celle-ci gagne en crédibilité et en légitimité, et
ses parties prenantes ont pu faire passer leurs idées : le bénéfice est donc bilatéral (Patrick
D’Humières, 2005).
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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L’intérêt de ces rapports est de servir de base objective et discutable dans un dialogue avec
les parties prenantes. « Le compte-rendu engage » (Patrick D’Humières, 2005) : le fait de
pouvoir discuter sur des informations chiffrées, justifiées, permet d’instaurer des relations
de confiance entre les acteurs. Cela permet, suite au dialogue, de traduire les paroles en
actes et d’engager l’entreprise dans des actions en faveur de son environnement. Ce
document engage l’entreprise dans les démarches qu’elle énonce, et constitue en ce sens
une excellente réponse face aux attentes de l’opinion publique, permettant ainsi à
l’entreprise de se prémunir contre ses attaques. Il rend public la politique et les
engagements de l’entreprise : il explique les enjeux sur lesquels l’entreprise est amenée à
agir (santé, sécurité, éthique, transparence, etc.), et fournit la preuve de ces engagements au
travers d’exemples précis d’actions et de bonnes pratiques de l’entreprise, avant de
conclure sur les objectifs à moyen et long terme.
Pour conclure, un bon rapport DD doit refléter une capacité d’ouverture et d’écoute, une
volonté de considérer les effets à moyen et long terme des activités, la capacité d’être
objectif et honnête, et à reconnaître ses torts tout en montrant sa volonté de mettre en place
des mesures correctives pour aller dans le sens de l’intérêt collectif. Le rapport doit faire
office de « document exprimant l’intention de l’entreprise de créer une relation de progrès
avec la société et non uniquement de se justifier » (Patrick D’Humières, 2005).
2.2.3 Opinions et critiques : le manque de crédibilité des discours
Le manque de crédibilité des discours vient du fait que la notion de développement durable
est très à la mode, d’où une tendance générale des entreprises à promouvoir leurs pratiques
qui parfois ne sont que superficielles, sans fondement réel. Comme le souligne Patrick
d’Humières, « au bilan, ‘crédibilité et objectivité’, tel est le défi que doit relever un
rapport DD ». Selon une enquête menée auprès des ONG en décembre 2003, 76% d’entre
elles pensent que le discours tenu par les entreprises dans leur rapport de DD n’est « pas du
tout » ou « pas très » crédible. Selon un sondage IFOP 2003, 40% de la population
interrogée n’accorde pas de crédibilité aux chartes et programmes éthiques des entreprises,
qu’ils jugent comme des actions purement marketing, de façade. Or la crédibilité d’un
rapport est fonction de son degré d’objectivité. D’où la question que l’on peut se poser : les
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entreprises qui élaborent elles-mêmes leur propre rapport DD respectent-elles
véritablement « l’esprit du DD » ? (Patrick D’Humières, 2005). Selon Patrick D’Humières,
l’un des principaux facteurs de perte de crédibilité est le fait que les entreprises aient trop
souvent misé sur un discours réducteur, vantant leurs performances économiques, leur
réussite, leur formidable potentiel d’innovation et de progrès. Elles se contentaient de
satisfaire leurs actionnaires, cibles de toutes les attentions. Cette période que l’auteur
qualifie « d’euphorie inconsciente » a provoqué peu à peu la perte de crédibilité des
entreprises, marquant la fin de ce modèle par une véritable « crise de confiance ».
Une autre question mérite d’être étudiée : qui contrôle ces rapports ? Si les entreprises sont
les premières à commenter et à contrôler leur rapport, elles ne sont pas les seules. On
relève trois niveaux de contrôle des données contenues dans un rapport : la sûreté
(chiffres), la réalité des pratiques (management) et l’engagement de l’entreprise (ses
valeurs). Le champ du contrôle va donc au-delà des seules données chiffrées. Dans un
soucis d’objectivité, d’autres acteurs interviennent dans ce processus : ONG, agences de
rating, médias, etc. Ces acteurs apportent leur propre point de vue, ce qui permet par
confrontation d’aboutir à un rapport le plus objectif possible et répondant au mieux aux
attentes de chacun. Ces intervenants garantissent ainsi la crédibilité des rapports.
L’opinion des ONG sur les rapports DD des entreprises est globalement décevante : elles
ne sont pas satisfaites par le contenu. Parmi les différents avis, on note un manque de
fiabilité, d’exhaustivité, d’objectivité des informations, ou encore : « beaucoup d’habillage
marketing », « les rapports restent essentiellement au stade des déclarations d’intention »,
« il sera nécessaire dans les années à venir de s’orienter vers des rapports qui soient des
outils mieux renseignés, plus pertinents et plus fiables pour le bon suivi de l’équilibre entre
résultats économiques, sociaux et environnementaux de l’entreprise » (Patrick
D’Humières, 2005).
Les origines de ces critiques sont généralement le décalage entre discours et pratiques, et
l’aspect incantatoire de ces discours.
D’une part, le premier problème aujourd’hui se pose lorsque l’on confronte les discours
aux pratiques réelles des entreprises : on trouve souvent un décalage (Mourad Attarca
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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et Thierry Jacquot, mai 2005). Le DD est victime d’un effet de mode indiscutable, ainsi un
grand nombre d’entreprises se disent « socialement responsables », mais sur l’ensemble de
ces entreprises, moins de la moitié respectent leurs engagements et mettent en application
les mesures annoncées dans leurs discours, et moins d’un tiers ont mis en place un système
de management environnemental. Parmi les grandes entreprises, on estime à environ 1% la
part de celles qui se sont effectivement engagées de manière concrète dans des démarches
de DD (analyses de SAM, Sustainable Asset Management).
Toutefois, la prise de conscience et le développement des mesures de DD sont encore trop
récents, et il faut attendre d’avoir plus de recul pour pouvoir juger les engagements des
entreprises de manière précise et rigoureuse. Par ailleurs, la médiatisation des discours de
certaines entreprises ne signifie pas que celles-ci se soient engagées pour le DD de manière
pertinente. Les entreprises les plus visées et dont les engagements sont les plus
attendus sont par exemple les producteurs ou transformateurs de pétrole, tels que les
compagnies aériennes.
Par ailleurs, la RSE semble être considérée par certaines entreprises plutôt comme une
idéologie symbolique que comme une véritable problématique à intégrer à la stratégie
globale de l’entreprise, et à décliner en pratiques. En effet, les préoccupations sociales
arrivent seulement au second rang des priorités des dirigeants, qui privilégient leur
développement économique et leur performance financière. Dans cette optique, les
engagements en RSE tels que le financement de projets sociaux ne peuvent être pris que si
l’état de santé financier de l’entreprise le permet, d’où la suppression dans certaines
entreprises des postes budgétaires associés à des actions sociales. Ainsi, les discours
reflètent souvent une intention d’engagement, plutôt que de réelles actions (Mourad
Attarca et Thierry Jacquot, mai 2005).
De ce fait, Mourad Attarca et Thierry Jacquot parlent de la « mise en scène managériale
de la RSE » : bien que certains objectifs témoignent véritablement d’une préoccupation et
d’une réelle volonté d’engagement des entreprises, il arrive souvent que leurs discours
dissimulent certains aspects de la RSE, et en choisissent d’autres afin de les valoriser.
Ainsi, les thèmes les plus souvent mis en valeur dans les rapports sont par exemple
l’écologie, l’importance du progrès et de la croissance économique, la place prépondérante
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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de certaines parties prenantes (clients en actionnaires essentiellement), et les bonnes
pratiques en matière de GRH (« développement du potentiel humain », détection et
valorisation des compétences,etc.) (Mourad Attarca et Thierry Jacquot, mai 2005).
Toutefois, la stratégie de relation des entreprises conduit à avantager certaines parties
prenantes par rapport à d’autres : celles qui sont estimées économiquement avantageuses
sont valorisées (par exemple les acteurs liés aux performances commerciales, techniques
ou financières) alors que les groupes de pression et les médias sont marginalisés dans les
discours (Mourad Attarca et Thierry Jacquot, mai 2005).
Par ailleurs, le langage employé est en permanente évolution. Il subit les effets de mode,
ainsi le vocabulaire utilisé reflète d’une certaine manière une instrumentalisation des
termes clés afin que le discours contenu dans le rapport joue en faveur de l’image de
l’entreprise. Les formulations utilisées dans les chartes par exemple sont souvent floues et
ne présentent pas de concrétisation en actes réels.
De même, certaines facettes de la RSE semblent être dissimulées : d’abord, on ne voit pas
apparaître les difficultés rencontrées par les dirigeants dans leur manière de gérer le conflit
inhérent à la RSE entre performance économique et satisfaction des attentes sociales et
environnementales. Les discours ne soulèvent pas ce genre de problème, et s’ils sont
évoqués, ils sont assimilés à des défis que l’entreprise souhaite relever. Ensuite, les
contraintes liées aux réglementations et aux pressions des parties prenantes sont absentes
des discours, qui favorisent les engagements volontaires et les démarches proactives, plus
valorisantes. Enfin, les thèmes négatifs sont occultés pour faire place aux actions de
bienfaisance, telles que la création d’une fondation et le récit de ses actions, ou encore les
différentes actions de mécénat de l’entreprise (Mourad Attarca et Thierry Jacquot, mai
2005).
D’autre part, outre ce décalage constaté entre discours et pratiques, le discours des
entreprises est parfois considéré comme « incantatoire » : les dirigeants cherchent à asseoir
la légitimité de leurs pratiques en faisant passer leur entreprise pour « citoyenne ». C’est
pourquoi ils annoncent souvent des ambitions démesurées et hors de leur activité
traditionnelle. Il devient même difficile aujourd’hui de distinguer un discours citoyen d’un
discours idéologique.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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Ainsi, les discours sont « fortement chargés de symboles mais souvent vides de sens » : ils
utilisent des termes exubérants, excessifs et peu adaptés au professionnalisme et à la
sobriété recommandés dans ce genre de communication. Ils donnent à l’entreprise un rôle
de « créateur des valeurs de la société ». Par exemple, le Club Méditerranée est jugé « très
lyrique » dans ses propos : « [les GO] transmettent au monde un message de paix, de
chaleur, d’amitié et d’humanité », ou encore « le monde a plus que jamais besoin qu’on lui
parle d’amour », « les mots de tolérance et de liberté prennent tout leur sens ».
Une étude menée par le cabinet Alpha en mars 2004 concernant les chartes et code de
conduite des entreprises du CAC 40 en France montre la présence dans les discours de ces
entreprises de « formulations très étudiées pour limiter le pouvoir contraignant des
engagements, [et] l’absence d’affichage d’objectifs précis et mesurables et de modalités
concrètes de mise en œuvre » (Mourad Attarca et Thierry Jacquot, mai 2005).
Un éclairage théorique intéressant pourrait compléter notre analyse : Sylvie Brunel
considère que le développement durable est avant tout « un moyen de se concilier les
bonnes grâces de ses interlocuteurs, de ses partenaires (…) de ses cibles (…), de se doter
d’un vernis respectable et séduisant. (…) Concept, programme d’action, le développement
durable est donc aussi devenu un argument publicitaire » (Sylvie Brunel, mars 2005).
Ainsi, l’auteur considère que les entreprises s’engagent dans le développement durable par
intérêt uniquement, par souci d’image de marque. Cette hypothèse explique pourquoi on
constate souvent un manque d’attention de la part des entreprises au sujet des
préoccupations sociales, alors qu’il est dans leur intérêt de préserver cet aspect du DD dans
la mesure où la santé de leur entreprise peut être affectée si les conditions sociales ne sont
pas préservées.
Ainsi, les discours contenus dans les rapports d’activité des entreprises sont parfois le
reflet d’un marketing sociétal permettant d’instrumentaliser certains termes à la mode afin
de valoriser l’image de l’entreprise aux yeux de ses parties prenantes. L’entreprise est donc
associée de plus en plus à un « pôle central de régénération des rapports sociaux », et
selon Le Goff (1993), à « une gardienne et une productrice de valeurs ». Encore faudrait-il
que ces revendications soient justifiées par des actes. La tendance est donc aujourd’hui
d’encourager les engagements éthiques des entreprises en poussant les dirigeants et salariés
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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à assumer une nouvelle forme de responsabilité : la RSE (Mourad Attarca et Thierry
Jacquot, mai 2005).
Ainsi, pour conclure cette première partie, nous pouvons souligner la nécessité pour les
entreprises de réagir face au constat actuel. Il est donc nécessaire d’établir un nouveau
modèle économique, issu d’une réflexion approfondie sur nos modes de pensée et de
gestion, et orienté vers la préservation du patrimoine naturel. La protection de
l’environnement, condition indispensable à la survie de notre planète et à la pérennité de
notre développement, doit s’accompagner de mesures visant à améliorer les conditions de
vie et de travail de chacun, sans toutefois détériorer la performance économique des
entreprises de façon à motiver en permanence ces acteurs majeurs du développement.
Dans la deuxième partie de ce mémoire, nous étudierons donc un nouvel outil, un nouveau
modèle logistique : la Reverse Logistics. Nous verrons en quoi cet outil peut s’avérer être
une solution aux problématiques de RSE et de Développement Durable.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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Deuxième partie : La Reverse Logistics,
outil de progrès durable
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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Notre modèle économique actuel est à bout de souffle, nos ressources s’épuisent. La
planète ne supporte plus notre mode fonctionnement industriel. Nous avons un véritable
besoin de trouver des solutions innovantes et efficientes, qui conjuguent performance
économique et respect de l’environnement et de la société. Ce modèle nous permettra de
répondre aux contraintes du Développement Durable. Nous pouvons, dans ce cadre,
étudier un nouvel outil de la logistique : la Reverse Logistics. Nous verrons en quoi cette
activité constitue un outil décisif pour le Développement Durable, et dans quelle mesure il
peut être bénéfique non seulement à l’environnement et à la société, mais également aux
entreprises. De ce fait, nous verrons que la Reverse Logistics représente une motivation
pour les entreprises, et permet donc de répondre aux principes de la RSE et du DD.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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1 La Reverse Logistics, outil indispensable au DD
Dans cette première partie, nous allons montrer en quoi la Reverse Logistics représente un
outil indispensable au Développement Durable : il s’agit en effet d’un outil de progrès à
exploiter, dans le sens où cette activité permettra un progrès pour l’environnement et la
société, et de ce fait pour les entreprises.
1.1 La RL : outil décisif pour un monde meilleur
Pour commencer, il est intéressant de présenter la Reverse Logisctics : quelles en sont les
activités, les acteurs ? À quelle réglementation répond-elle ? Quelles en sont les
problématiques, les enjeux et les spécificités ? Quels sont ses facteurs de développement ?
1.1.1 Les activités, acteurs et réglementations de la RL :
Nous pouvons d’abord étudier différentes approches théoriques concernant les activités de
la RL. Ces approches, bien qu’elles soient similaires, présentent quelques différences.
Selon Patrick Pépin, président d’ACR Logistics France, « cette logistique comprend trois
grandes familles : les produits défectueux, le SAV et un ensemble environnemental
(emballages, déchets, produits en fin de vie, DLC dépassée…). Toutefois, la problématique
de la Reverse Logistics est différente de celle des produits en fin de vie. » (Stratégie
logistique, mars 2005, n°74). Selon Supply Chain Magazine (décembre 2006, n°10), la RL
regroupe trois types de flux : flux de marchandises (invendus, rappels, fin de vie), SAV
(réparations, tests, échanges), recyclage et destruction (réglementations
environnementales).
Le magazine Stratégie Logistique (janvier-février 2006, n°83) propose une approche
différente, selon laquelle la RL comprendrait :
les produits en fin de vie : il s’agit du potentiel le plus important de la RL. Avec la
multiplication des réglementations et des directives européennes pour minimiser la
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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production de déchets et pour lutter contre la pollution, de nouvelles activités vont
voir le jour dans ce secteur.
le retour des invendus : il s’agit de l’élément le plus ancien de la RL.
la « logistique d’après-vente », terme employé par DHL, est l’aspect le moins
connu de la RL : récupération des produits, tests, réparation, envoi d’éléments de
rechange, etc., essentiellement pour les produits high-tech.
Ces différences, même sensibles, nous montrent la complexité de la RL dans sa définition,
ce qui peut être dû au fait que ce domaine n’ait suscité l’intérêt des entreprises que très
récemment.
Les activités que comprend la RL sont diverses, elles comprennent notamment le contrôle
et la classification des produits, la remise en stock des produits contrôlés mais non
défectueux, le reconditionnement, la retransformation, le recyclage et l’élimination, la
réparation de premier niveau, les échange, etc. A ces prestations peuvent s’ajouter la
réutilisation des contenants, composants et emballages, de même que la conception de
produits et d’emballages, dans le but de diminuer les nuisances environnementales
(Stratégie logistique, mars 2005, n°74, et Alexandre K. Sami, 2004). Il s’agit par la suite
d’économiser l’énergie utilisée dans la vie courante et au cours des activités des entreprises
telles que la production et le transport (Alexandre K. Samii, 2004).
Nous pouvons apporter au tableau 2 qui présente une synthèse de ces activités, tirée de
l’analyse de Maxime Oubrayrie (2004) :
Activité Définition
Collecte Démarche visant à détourner les actifs
secondaires et à les diriger vers un réseau à
valeur ajoutée.
Triage Séparation des différentes matières qui
auraient été récupérées en vrac (par exemple
papier, aluminium, fer, plastique, etc.) ou
démontage des produits complexes en leurs
différentes composantes (par exemple,
ordinateur).
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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Entreposage Constitution d’un volume suffisant pour
permettre un transport de façon
économique.
Transport Déplacement des actifs secondaires vers les
activités de traitement ou de retraitement
Traitement intermédiaire Série d’activités en vue de préparer les
actifs secondaires pour les activités de
retraitement (par exemple lavage,
granulation, filtration). Cette activité peut
consister en des contrôles exhaustifs de la
qualité des matières récupérées.
Retraitement Activités permettant à l’actif secondaire de
retrouver un état lui permettant d’être
réutilisé. Ces activités peuvent prendre la
forme de réparation, de reconditionnement
ou de recyclage des actifs.
Afin de compléter cette synthèse, nous pouvons reprendre l’analyse de AK Samii, qui
montre que la RL se compose de cinq activités (selon les différents ouvrages étudiés par
l’auteur) :
- le reconditionnement, si toutefois cette option est la moins onéreuse,
- la réhabilitation : il s’agit de « réparer au moindre coût »,
- remanufacturer : pas de réparation, simple remplacement d’un composant,
- la cannibalisation, en récupérant les composants qui peuvent être réutilisés,
- le recyclage : si aucune pièce ne peut être réutilisée, on peut réutiliser certains sous-
composants comme matière (Alexandre K. Samii, 2004) (voir le détail des tâches de la RL
en annexe 2).
Le champ de la RL est donc très vaste et diversifié. Selon Henri Seroux, directeur France
de Manhattan Associates, « Il n’y a pas de raisons de limiter le sujet de la Reverse
Logistics. Cela concerne aussi bien les produits défectueux, qu’en fin de vie ou mal
achetés » (Stratégie logistique, mars 2005, n°74). La RL ne se limite donc pas à la gestion
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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des déchets, des produits en fin de vie ou du service après-vente. Elle concerne également
des domaines plus larges tels que le retour de produits suite à des méventes, excès de
stocks de produits saisonniers tels que les journaux, les articles de mode, des rappels de
produits défectueux, voire des processus de recyclage de produits devenus obsolètes ou
dangereux (Alexandre K. Samii, 2004). Le retour des produits défectueux ou invendus
représente en effet une part non négligeable de la logistique des retours. La logistique des
invendus concerne notamment le secteur de la presse. Par exemple, la société Exel a été
engagée par les Messageries Lyonnaises de Presse pour réaliser les opérations de
réception, tri et reconditionnement des magazines. Ces articles invendus seront par la suite
commercialisés dans d’autres circuits ou en promotion (Stratégie Logistique, janvier-
février 2003, n°83).
Il est maintenant intéressant de constater que de nombreux auteurs, tels qu’Alexandre K.
Samii (2004), insistent sur l’importance d’une activité de la RL, qui selon eux devrait être
la première étape de ce processus : il s’agit du contrôle de la porte d’accès à la chaîne
rétrologistique, le gatekeeping. Dans cette étape, ceux qui sont chargés de l’accès au
processus de retour décident quel produit est autorisé à entrer dans le système de
rétrologistique. Le magazine Logistique et Management propose une définition du
gatekeeping : « il s’agit de faire en sorte qu’un produit n’entre pas dans la chaîne
logistique car le coût est alors plus élevé » (Logistique et Management, 2005, n°13).
Afin d’optimiser les différentes étapes, il est nécessaire de comparer les économies
d’énergie générées par le recyclage par rapport au coût de transport des déchets pour cette
même activité de recyclage. L’enjeu du transport est certes inférieur à l’enjeu du recyclage,
toutefois il ne faut pas l’isoler étant donné son impact potentiel sur l’efficience du
recyclage (Conférence Européenne des Ministres des Transports,16-17 décembre 1999).
Les acteurs de la RL sont divers (voir annexe 3) : il s’agit aussi bien des spécialistes du
traitement des déchets comme Veolia Propreté ou Suez Environnement, que des
logisticiens et transporteurs, voire des loueurs d’emballages, sans oublier les groupes
nationaux et professionnels des filières concernées, bien que ces derniers utilisent souvent
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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les premiers cités pour le traitement de leurs déchets (Stratégie Logistique, janvier-février
2006, n°83).
La réglementation environnementale oblige la plupart des industries à se préoccuper du
sort de leurs produits en fin de vie. Ainsi apparaît la nécessité de nouvelles mesures
concernant la rationalisation de la logistique des retours et le développement de nouveaux
outils pour la rendre plus performante. Par exemple, depuis septembre 2000, la
Communauté Economique Européenne a mis en place une directive qui impose que « le
taux minimal de réutilisation et de valorisation des déchets provenant des VHU (Véhicules
Hors d’Usage) devra représenter 85% en poids moyen par véhicule et par an au 1er
janvier 2006 et 95% en 2015, les taux de réutilisation et de recyclage étant portés aux
mêmes dates à 80 puis 85% » (Yves Pimor, 2003).
Selon le magazine Stratégie Logistique (juin 2004, n°67), la directive européenne devrait
être révisée, et son nouvel objectif minimal de recyclage pour tous les matériaux devrait
atteindre 55% en 2008. Par ailleurs, la conjoncture économique affecte le secteur du tri des
déchets ; en 2003, 2 900 entreprises composaient ce secteur, ce qui représente 200 de
moins qu’en 2002. Ce phénomène reflète également la concentration des acteurs et du
marché. De plus, la croissance en volume des déchets recyclés est très limitée (+ 1% en
2003) même si elle représente une hausse en termes de chiffre d’affaires (+ 4%).
On observe un regain d’intérêt pour les activités de récupération et de recyclage,
notamment grâce aux préoccupations pour l’environnement. C’est à partir des années 90
que les industriels Français commencent à accroître les quantités de matière recyclées. Le
recyclage, autrefois presque considéré comme une activité marginale, devient alors une
composante nouvelle dans la filière industrielle. Depuis quelques années déjà, cela devient
une branche à part entière dans certains secteurs, comme l’automobile ou l’électroménager.
Cet engouement récent à la course au recyclage est sans aucun doute dû à l’évolution des
politiques publiques à cet égard et à la mise en évidence des problèmes écologiques. Mais
n’y aurait-il pas des raisons essentiellement économiques derrière cet optimisme à vocation
écologique? Quels sont les enjeux et les coûts de la destruction et du recyclage des produits
en fin de vie ? Nous répondrons à ces questions ultérieurement.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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Les modalités de récupération ont changé : aujourd’hui, on valorise le tri sélectif. De
nouveaux mécanismes de financement voient le jour, et les exigences se renforcent.
Parallèlement à cela se pose la question de l’organisation des différentes filières de
récupération : quelles responsabilités, quel financement, quelle organisation logistique ?
Il est important de savoir quelles sont les limites du recyclage : en effet, à un taux de
recyclage très élevé correspond des coûts « prohibitifs ». Surtout lorsqu’on sait que le gain
environnemental n’est pas toujours garanti (Gérard Bertolini, 2005).
1.1.2 Les problématiques et enjeux
Étudions en premier lieu les principales problématiques ou enjeux de la RL telles que
Pacal Eymery (1997) les a identifiées :
Réseau de collecte et transport
De manière symétrique à la distribution, il faut reprendre les produits disséminés sur tout
un territoire, en passant par des étapes de regroupements successifs, avec des collectes dont
la fréquence est liée au niveau de stockage. Selon les produits, se pose la question de faire
participer un certain nombre d’acteurs (souvent les consommateurs) à cette opération de
distribution inverse. Les systèmes de consigne sont un moyen de donner une conséquence
économique au geste qu’on leur demande. Cela convient bien pour des produits chers
comme par exemple des pièces ou des sous-ensembles mécaniques. Mais d’autres moyens
doivent être mis au point pour des produits très bon marché, comme les emballages.
L’appel au sens de l’environnement, avec une communication adaptée, y contribue tout en
étant en outre un moyen de publicité pour les firmes qui se soucient de la récupération de
leurs produits. Mais il convient de plus de rendre la chose suffisamment aisée en proposant
des points de récupération pratiques (Pascal Eymery, 1997).
Selon la CEMT (Conférence Européenne des Ministres des Transports,16-17 décembre
1999), le choix du mode de transport est un enjeu majeur. Les modes de transport utilisés
le plus fréquemment sont les suivants : pour l’amont, des tournées sont organisées et la
collecte se fait par la route car le temps prime sur la distance. Pour l’aval, sur le continent,
la route reste prédominante, mais pour les expéditions vers l’étranger le recours au
maritime devient alors le plus compétitif. Pour établir un bilan environnemental, la
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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question du modal se pose car le transport est un maillon central de la chaîne de
retraitement des déchets. En Europe, il semble que les modes de fonctionnement évoluent
et ne favorisent plus systématiquement le transport routier. Nous étudierons cette question
ultérieurement.
Identification des produits et tri
Un problème crucial pour le traitement des produits récupérés est de disposer de
l’information nécessaire sur les produits pour les orienter vers les traitements appropriés.
Par exemple, il convient de savoir quelle matière plastique précise est utilisée pour chaque
composant récupéré dans une automobile. Des techniques de marquage sont en cours de
généralisation pour cela. Les opérations de tri représentent souvent un coût très significatif
(Pascal Eymery, 1997).
Définition des opérations de traitement
Il s’agit ici de définir la stratégie de valorisation ou de destruction des produits récupérés,
en simulant les diverses possibilités, et les conséquences associées sur les coûts techniques
et logistiques (Pascal Eymery, 1997).
Point de basculement du flux poussé au flux tiré
Dans la définition de la logistique inverse, pour des produits qui, transformés, peuvent
avoir une utilité, se pose la question de la gestion de la demande de ces produits. Dans
certains cas, cela est très simple. Si par exemple on récupère du métal dans une fonderie, le
plus souvent, on pourra toujours le réinjecter en entrée, la quantité disponible de métal
étant toujours inférieure au besoin en métal. Mais cela n’est pas toujours le cas si on a une
contrainte technique sur le taux maximum de matière récupérée (Pascal Eymery, 1997).
On peut alors décider de gérer un stock intermédiaire, avec des règles de dimensionnement
de ce stock appropriées. Apparaîtront alors éventuellement des excédents de flux de
produits qui sont inutiles car ils gonfleraient le stock au-delà du niveau de l’objectif. Il
convient alors de les orienter vers des traitements de type destruction, ou bien vers d’autres
utilisations si cela est possible, même si la valorisation correspondante est moins favorable
(Pascal Eymery, 1997).
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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Détermination d’une dotation globale
Lorsque l’ensemble du circuit est maîtrisé, ce qui est parfois facile du fait de la simplicité
ou rendu absolument indispensable du fait de la criticité ou du coût des produits, il
convient de dimensionner une dotation globale de produits, en prenant en compte :
- les différents points de stockage et les quantités correspondantes
- les en-cours et temps d’écoulement aux diverses étapes
Et ceci avec des hypothèses et des stratégies de sécurisation par rapport aux risques
possibles, de manière à limiter le risque de rupture tout en ayant un niveau de dotation
global le plus bas possible (Pascal Eymery, 1997).
Par ailleurs, pour Alexandre K. Samii (2004), l’enjeu économique de cette nouvelle
logistique n’est pas le même selon les secteurs d’activité, car tous les secteurs ne font pas
face aux même taux de retour (Tableau 3 : Taux de retour par secteur):
Secteur Taux de retour (en%)
Journaux et magazines 20-30
Distributeurs de livres 10-20
Ventes par correspondance 18-35
Distributeurs de composants électroniques 10-12
Ordinateurs 10-20
Grande distribution 4-15
Pièces de rechange automobile 4-6
Électronique grand public 4-5
Produits chimiques ménagers 2-3
1.1.3 Les spécificités de la RL
Nous pouvons maintenant expliquer quelles sont les spécificités de la Reverse Logistics.
De manière générale, la logistique doit être vue non pas comme une simple chaîne
composée de maillons, mais comme un véritable réseau d’intervenants interdépendants et
en interrelation. De ce fait, tous les produits en fin de vie ne remontent pas nécessairement
jusqu’au producteur, mais vers des filières, des intervenants « tierces parties », qui se
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chargent de leur gestion et de leur valorisation. Ainsi, les producteurs organisent de plus en
plus des filières de récupération pour leur réseau. C’est le cas de la gestion des différentes
parties d’une voiture par exemple (Yves Pimor, 2003). Pour Pascal Eymery (1997), la
logistique inverse se distingue de la logistique traditionnelle dans le sens où elle est
« nécessairement poussée et non pas tirée, du moins jusqu’à un certain point ». Par
ailleurs, pour Pierre Enderlé, PDG de DHL Solutions, « la logistique des retours demande
un savoir-faire spécifique. Alors que la logistique de distribution a un point d’émission et
plusieurs points de distribution (…), la logistique des retours a un grand nombre de points
d’émission avec un centre de consolidation sur des volumes beaucoup plus faibles. La
gestion du réseau est différente. »
1.1.4 Les facteurs de développement
Enfin, les facteurs de développement de la RL qui ont été globalement identifiés sont :
les réglementations environnementales, l’augmentation des exigences de qualité, le
raccourcissement des cycles de vie des produits et la volonté de dynamiser les ventes.
(Stratégie Logistique, mars 2005, n°74). Ces facteurs devraient inciter cette activité à se
développer, en encourageant les entreprises à adopter des pratiques plus responsables
envers l’environnement et la société, tout en améliorant leur gestion en interne.
Il est donc à présent nécessaire de montrer que le recyclage est bénéfique pour
l’environnement et les entreprises. Prenons d’abord l’exemple de la filière pneumatique :
Aliapur est une filière créée par les fabricants de pneumatiques. Elle est chargée d’assurer
le devenir des pneus usagés en France. Il s’agit donc de la collecte auprès des distributeurs
et détenteurs, du tri et de la valorisation matière ou énergétique. Les pneus, une fois triés,
sont revendus sur le marché de l’occasion, rechapés ou broyés puis revalorisés. Ils servent
alors de combustibles pour les cimenteries ou de remblais pour les routes, murs anti-bruit,
tapis de support de voie ferrée, revêtement de sols de salles de sport, etc. La collecte et le
tri sont généralement gérés par d’anciens collecteurs de pneus agréés. « En fait, chaque
prestataire gère ses départements. Les distributeurs connaissent les collecteurs qu’ils
appellent quand ils ont un besoin de se débarrasser de leur stock. Chez les distributeurs
importants comme Euromaster ou Feu Vert, une benne est généralement placée sur le
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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parking » (Stratégie Logistique, mars 2005, n°74). Les distributeurs et les détenteurs ont
eux aussi des obligations : ils doivent séparer les différentes catégories de pneus et les
stocker. « Ils doivent être propres, car le coût de nettoyage est important. Or, nous ne
gagnons pas d’argent. Il n’est pas question de faire du business avec l’environnement.
Nous travaillons à prix coûtant ». (Karine Solère, responsable de la communication
Aliapur). Et cette société fait bénéficier ses clients des profits générés en leur offrant une
baisse tarifaire, ce qui prouve bien que l’organisation mise en place remplit véritablement
son rôle (Stratégie Logistique, mars 2005, n°74).
Nous avons également une idée plus précise des économies engendrées par la RL grâce au
bilan énergie. Étudions le cas du recyclage de matières plastiques. Le recyclage permet de
réaliser des économies de matières premières mais également des économies d’énergie. Par
exemple, pour la production des bouteilles en PVC, on constate qu’en utilisant des
bouteilles recyclées les consommations d’énergie sont quatre fois moins élevées que pour
une production à partir des matières premières. Les opérations nécessaires sont le
transport, la collecte, la mise en balles, puis le lavage et le traitement, et enfin l’extrusion.
On peut également opter pour l’incinération avec récupération de l’énergie afin de
valoriser le plastique détruit. Les différents types de plastiques ont des pouvoirs
calorifiques variables. Toutefois, l’énergie ainsi dégagée ne sera pas totalement valorisée.
Dans ce cas précis, la récupération par recyclage s’avère être la solution la plus efficace
pour récupérer de l’énergie (Gérard Bertolini, 2005).
Enfin, selon les recommandations formulées à l’égard des pays développés et en voie de
développement, nous pouvons ainsi conclure que la RL est indispensable au
Développement Durable. Les recommandations en question concernent « l’air pur et
l’eau saine, l’approvisionnement en eau, l’énergie, l’utilisation des terres, le logement, le
traitement des déchets, le transport, le bruit, les besoins de santé, etc. ». On voit donc
qu’un besoin de Reverse Logistics apparaît (Maxime Oubrayrie, 2004). En effet, le
développement durable intègre la gestion des ressources : recyclage des produits,
économie d’énergie, gestion des déchets dans les usines, les entrepôts mais aussi au niveau
de chaque siège social (papier surtout, mais aussi informatique, plastiques, énergie, etc.)
(Stratégie Logistique, juin 2004, n°67).
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Selon Jacques Salamitou (2004), la réglementation sur l’environnement est nécessaire mais
pas suffisante : « Pour une entreprise, la protection de l’environnement représente des
enjeux extrêmement importants en termes économiques, humains et relationnels ; son
aspect évolutif dans le temps et l’espace aussi bien que son caractère émotionnel ne
permettent pas qu’elle soit abordée uniquement par le biais de la réglementation même si
le respect de cette réglementation est une exigence incontournable. ». Aussi, il apparaît
indispensable que les entreprises mettent en place des structures et des organisations en
faveur de l’environnement, telles que le recyclage ou la logistique des retours, qui
permettent une amélioration non seulement de la performance environnementale mais
également une performance économique globale.
Il est important de prouver la valeur non seulement économique mais également sociale et
environnementale de la gestion de la RL (Alexandre K. Samii, 2004).
Ainsi, nous allons voir dans un premier temps que la RL répond à un but social et
environnemental, puis qu’elle peut s’adapter à une logique économique.
1.2 Pour les Hommes et leur planète, un but social et environnemental
Dans cette partie, nous étudierons dans quelle mesure la Reverse Logistics apporte un
bénéfice à la société et à l’environnement.
1.2.1 La RL : une réponse aux problématiques du Développement Durable
L’état de la planète révèle une négligence dramatique envers l’environnement : pluies
acides, déforestation, réduction de la couche d’ozone, pollution… sont les conséquences de
l’exploitation non mesurée et abusive des ressources naturelles par l’humanité. Le
Développement Durable est un concept dont tout le monde parle aujourd’hui, bien qu’il
apparaisse sous différentes formes : « concept à la mode propre séduire les idéalistes,
contrainte réglementaire pour les sociétés cotées en bourse, argument marketing,
générateur de filières de recyclage… » (Stratégie Logistique, juin 2004, n°67).
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Malgré tout, nous devons nécessairement modifier nos pratiques à la fois économiques et
sociétales. D’où la nécessité de se poser des questions telles que « Comment concevoir des
produits que l’on peut maintenir, recycler, démanteler ? Comment limiter les ressources et
les déchets en fabrication ? Comment réduire la pollution dans le transport ? » Les
entreprises doivent prendre conscience du fait que l’ensemble de la supply chain doit être
repensé. Le développement durable se positionne alors comme une « tendance lourde
susceptible de modifier les modes de fonctionnement des entreprises » (Stratégie
Logistique, juin 2004, n°67).
On constate que l’organisation de toutes les filières de recyclage reflète une véritable
préoccupation pour l’environnement, qui semble être la partie la plus concrète du
développement durable malgré les initiatives lancées par quelques entreprises dans le
domaine social (Stratégie Logistique, juin 2004, n°67). PEA, pôle conseil d’Euriware
(filiale d’Areva), estime qu’on ne pourra plus « se contenter d’effet de mode. Toute la
chaîne va devoir travailler ensemble. » Aussi, il apparaît nécessaire de repenser nos
activités dès la construction d’un entrepôt ou d’une usine. Selon Muriel Garnier, associée
chargée du secteur du développement durable chez PEA, la question fondamentale à se
poser aujourd’hui est « comment tout cela va se rééquilibrer dans les cinq prochaines
années ? Le développement durable peut redéfinir l’ensemble du paysage industriel
mondial. » (Stratégie Logistique, juin 2004, n°67).
Côté social, le développement durable doit permettre d’agir volontairement mais avec
conviction. Certaines actions ont déjà été engagées à l’initiative des grands distributeurs.
Par exemple, certains produits sont ôtés des linéaires bien avant d’avoir atteint leur DLC
(Date Limite de Consommation), pour être donnés aux banques alimentaires et aux
associations caritatives. Marie-Hélène Boidin-Dubrule précise que « pour le recyclage, il
existe une connexion avec le social, notamment sur les cartouches d’encre qui sont
données à l’association Delta 7, qui achète ensuite du matériel pour les personnes
handicapées. » Les MDD (Marques De Distributeurs) ne sont pas épargnées par la
politique de réduction des déchets : ces marques devaient ainsi diminuer leurs déchets de
1250 tonnes avant 2005 (Stratégie Logistique, juin 2004, n°67).
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Par ailleurs, Darty organise la reprise des anciens appareils. Grâce à la création d’un
partenariat avec l’association Envie, le distributeur spécialisé participe à l’insertion
sociale. Il fait don à l’association des anciens appareils électroménagers récupérés chez ses
clients par ses propres livreurs. Les appareils collectés et donnés sont garantis en bon état
de fonctionnement ou réparables. Ces produits servent uniquement à la formation ou à la
revente sur le marché de l’occasion à bas prix, pour les personnes qui en ont besoin. De
plus, Darty fournit à l’association, devenue un véritable spécialiste des opérations de
collecte et de recyclage, du personnel pour la logistique et la formation. Cet aspect social
du développement durable a permis ici de créer 300 emplois. Par ailleurs, Darty se
positionne en tant qu’acteur social dans la mesure où il exige que ses fournisseurs
travaillent et fassent travailler leurs employés dans des conditions acceptables pour les
standards européens : il condamne l’exploitation des enfants par exemple (Stratégie
Logistique, juin 2004, n°67).
Ces associations à vocation sociale sont devenues de véritables partenaires pour les
entreprises qui souhaitent se lancer dans des actions de DD. Une partie du processus de
collecte est depuis une trentaine d’année réalisée par les réseaux d’insertion sociale tels
qu’Emmaüs ou Envie. Cela contraste avec l’objectif des industriels : la rentabilité
économique. D’où la difficulté de concilier ces deux objectifs très distincts et que tout
oppose. Afin de rester « séduisants » aux yeux des industriels, les réseaux sociaux ont revu
leur manière de procéder. Comme l’explique Martin Hirsch, président d’Emmaüs, « le
grand changement a été d’édicter des règles de tri communes pour nos 250 implantations,
afin d’être à disposition du reste de la filière. » Envie a dû aussi s’adapter, comme
l’explique son directeur général Jean-Luc Tessier : « nous collecterons deux fois plus de
DEEE et nous avons investi dans des camions et des plates-formes. » (L’Usine
Nouvelle,23-29 novembre 2006, n°3032).
Côté social, il est également intéressant d’étudier le cas des emballages : le papier-carton,
le plastique et le verre peuvent faire l’objet d’un tri sélectif avant recyclage. Dans les
centres de tri, le traitement des emballages reste majoritairement manuel : ce système est
source de création d’emplois. De même, pour les activités de tri des DEEE (Déchets
d’Equipement Electriques et Electroniques), en 2001 les déchetteries comprenaient 5 000
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emplois de gardiens, dont deux tiers étaient en Contrat à Durée Indéterminée. La
croissance des emplois dans ce secteur a d’ailleurs fortement augmenté ces dernières
années (Maxime Oubrayrie, 2004).
Cependant ces derniers sont peu qualifiés et se déroulent dans des conditions difficiles.
Gérard Bertolini (2005) fait observer que ce travail manuel en bout de chaîne s’oppose à
l’automatisation croissante et toujours plus performante qui règne dans les usines de
production de ces mêmes emballages.
L’aspect humain devrait également marquer les politiques : la préservation de
l’environnement ne se juge pas uniquement en termes économiques. Elle impacte
également le personnel qui fait vivre l’entreprise. Par exemple, les émissions polluantes
qui ont un impact non négligeable sur l’environnement extérieur de l’entreprise touchent
aussi l’intérieur. C’est le cas également du bruit et des risques d’accidents. Or, les actions
visant à améliorer l’environnement au sein d’une usine ont pour effet une amélioration
globale des conditions de travail et de sécurité de ses employés (Jacques Salamitou, 2004).
Cela dit, même dans les cas où les rejets polluants ne concernent pas l’entreprise en
interne, il a été montré que les employés des entreprises se sentaient concernés par ces
émissions polluantes et y étaient sensibles. Ils prennent alors conscience que de tels rejets
émis par l’entreprise dans laquelle ils travaillent peuvent avoir des conséquences sur leur
santé. Ainsi, les actions favorables à l’environnement ont un aspect extrêmement motivant
pour les employés, qui sont le premier ambassadeur de l’entreprise et de la marque. Les
conséquences sont de ce fait très positives pour l’ensemble de l’entreprise : amélioration de
son image, des relations en interne, sentiment de fierté d’appartenir à une entreprise
respectueuse de son environnement, motivation du personnel, satisfaction de l’opinion
publique, réduction des coûts environnementaux, etc. On voit donc que la préservation de
l’environnement peut se révéler être un véritable thème fédérateur pour un projet
d’entreprise (Jacques Salamitou, 2004).
Ainsi, la protection de l’environnement doit être considérée comme une priorité pour
l’ensemble des populations et des entreprises : Jacques Salamitou (2004) considère cet
aspect comme une préoccupation très durable. Depuis une vingtaine d’années, on a
constaté la part de plus en plus importante que prenait l’environnement dans l’esprit des
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consommateurs. Aussi, une enquête du CREDOC (Centre de Recherche pour l’Etude et
l’Observation des Conditions de vie) révèle qu’une grande partie des individus (66% en
1993) serait prête à payer plus cher pour avoir des produits plus respectueux de
l’environnement (Yves Pimor, 2003).
Jacques Salamitou (2004) constate une tendance générale à l’urbanisation des modes de
vie sur l’ensemble de la planète, avec comme corollaire une préoccupation grandissante
pour les valeurs nostalgiques et de retour à la nature, ce qui rend la population d’autant
plus sensible à la protection de l’environnement et aux agressions qui lui sont infligées
(« par les autres »…). De ce fait, il semble que la société fasse un lien entre la dégradation
de l’environnement et celle de sa propre santé, et donc passe d’une atteinte à un bien
commun très général à une atteinte bien plus personnelle à soi et à ses proches : la
préoccupation environnementale en devient alors plus importante, plus urgente. Le risque
lié à la dégradation de l’environnement se transforme en risque pour la santé, et donc pour
la vie. Par conséquent, la société devient de plus en plus exigeante envers les entreprises et
les acteurs économiques : elle estime qu’il devient nécessaire d’accompagner les progrès
économiques d’efforts et de progrès environnementaux, tels que ceux qui seront permis par
la mise en place de la RL, et donc d’un effort manifeste de diminution des risques. Les
préoccupations environnementales sont véritablement devenues pérennes. Or il semble que
la majorité des chefs d’entreprises soient conscients de ce phénomène et en reconnaissent
l’importance. Toutefois, peu d’entre eux ont jusqu’ici montré un engagement proactif en
faveur de l’environnement (Jacques Salamitou, 2004).
1.2.2 Les conséquences de ces évolutions
Suite à ces évolutions et à ces prises de conscience, on a vu apparaître des entreprises
spécialisées dans le démontage, la valorisation et le recyclage des produits (ICPE :
Installations Classées pour la Protection de l’Environnement). Ces entités se chargent du
traitement des déchets des particuliers mais aussi des entreprises. Par ailleurs, en ce qui
concerne l’élimination des déchets, on considère qu’elle est de la responsabilité de leur
dernier détenteur. La logistique des retours se situe entre consommateurs et distributeurs /
producteurs : elle génère elle-même des déchets et de ce fait elle a également recours à ce
type d’entreprises (Yves Pimor, 2003).
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Parmi les évolutions récentes, le paradigme de la propreté apparaît comme une nouvelle
préoccupation. On constate qu’une sorte d’obsession de la propreté et de l’ordre s’installe
progressivement. Il devient primordial de nettoyer, ranger, organiser. D’un point de vue
logistique, une nouvelle responsabilité apparaît alors : il faut gérer les machines qui ne
seront plus utilisées, les déchets, et tout ce qui ne servira plus à personne de manière
générale. Par exemple, on demande aux logisticiens de remplir leurs camions de ces
éléments « encombrants » lors de leur trajet de retour (Yves Pimor, 2003).
De ce fait, le recyclage s’inscrit dans la logique des évolutions de la logistique. Les enjeux
du recyclage doivent être identifiés et intégrés dans les stratégies des entreprises. Même si
cette activité apporte une contribution non négligeable à la réduction de la quantité de
déchets, elle reste insuffisante pour parer à l’augmentation de la production de déchets.
Pour avoir une idée de ces quantités, il faut savoir qu’entre 1980 et 2005, le volume de
déchets de la France a doublé et a atteint 360 kg par an et par personne. Ce phénomène a
été constaté dans d’autres pays, sachant que le volume total de déchets pour l’Union
Européenne atteint plus de deux milliards de tonnes par an. Pour cette raison, le recyclage
apparaît comme une nécessité. La réduction à la source ainsi que la démarche des Trois
R semblent être des solutions :
Réduire la quantité de produits en fin de vie,
Réutiliser certains produits ou leurs composants pour éviter qu’ils ne deviennent
des déchets,
Recycler les matières premières.
A ces solutions peut s’ajouter la valorisation, qui consiste à tirer une certaine valeur des
déchets qui n’entrent pas dans la démarche des trois R, avant leur élimination. La
valorisation peut prendre trois formes :
la valorisation biologique est un « mode de traitement des déchets organiques par
compostage ou méthanisation »
la valorisation énergétique est une « récupération des calories contenues dans les
déchets incinérés, permettant la production d’énergie thermique ou électrique »
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la valorisation matière est un « mode de traitement des déchets permettant leur
réemploi, leur réutilisation ou leur recyclage » (Agate Bienkowska, Alexis
Duperray, Sabrina Hoareau, 2006).
De nos jours, de nombreuses parties prenantes souhaitent que les entreprises veillent au
respect de l’environnement, ce qui passe notamment par une « gestion conforme et
raisonnée des déchets » (se référer à l’annexe 4 concernant les types de déchets et le
modèle allemand) (Agate Bienkowska, Alexis Duperray, Sabrina Hoareau, 2006).
Après avoir montré que la RL était indispensable au DD d’un point de vue social et
environnemental, nous pouvons étudier son intérêt économique.
1.3 Pour les entreprises, un but économique
Il est à présent intéressant de voir en quoi la Reverse Logistics répond à un but
économique pour les entreprises.
1.3.1 Le recyclage en quelques chiffres
Pour commencer, étudions quelques chiffres de l’industrie du recyclage : cette industrie
affiche 38% de croissance en 5 ans, emploie plus de 30 000 salariés, et génère un CA de
7,7 milliards d’euros (L’Usine Nouvelle, 23-29 novembre 2006, n°3032). Le coût de
traitement des déchets ménagers tel qu’il a été établi en 1999 représente à lui seul 50%
coûts logistiques (plus élevé pour les déchets industriels spéciaux) (Conférence
Européenne des Ministres des Transports,16-17 décembre 1999).
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Figure 2 : Répartition des coûts de traitement des déchets (Yves Pimor, 2003) :
Ces coûts sont l’un des freins majeurs pour les entreprises aujourd’hui. Toutefois, celles-ci
se doutent qu’il existe de nombreuses économies à réaliser par le biais de la récupération,
qui devient un nouvel enjeu, une nouvelle ressource à exploiter. D’où l’émergence de
certaines activités novatrices dans les entreprises, telles que la gestion comptable de la
récupération, des contrats d’enlèvement, de destruction, etc.
Aussi, il est intéressant d’étudier les difficultés que pose la logistique des retours, perçue
comme un domaine complexe, dont les flux, qui sont certes importants et coûteux, restent
toutefois moins importants que les flux de la logistique amont-aval (production et
distribution).
1.3.2 Les difficultés pour les entreprises
Selon l’étude d’Yves Pimor (2003), il arrive de plus en plus fréquemment que les
distributeurs soient dans l’obligation de reprendre les articles des consommateurs. Dans le
cas des ventes par correspondance, la loi Scrivener les y contraint, et dans le cas d’une
garantie ils doivent reprendre l’article défaillant. De même, les producteurs doivent
souvent reprendre les produits des distributeurs, qu’il s’agisse d’invendus périodiques tels
que les journaux (20 à 30% des journaux, 10 à 20% des livres), des produits saisonniers
(articles de mode ou jouets de Noël), des excédents de promotions, ou des produits en fin
de vie ou enlevés des catalogues. Ils sont également obligés de reprendre les produits
défaillants remis par les consommateurs aux distributeurs ou par voie directe (Yves Pimor,
2003).
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Le taux de retour des produits a été évalué par une étude de l’association américaine des
fabricants de produits électroniques grand public. Cette étude révèle que ce taux se situe
entre 14% (matériel informatique) et 28% (matériel audio, vidéo, et téléphonie). Le coût
des retours est variable et se situe entre 30 et 50 millions de dollars. La RL représente donc
un coût réel (Yves Pimor, 2003).
Par conséquent, la gestion des retours est souvent négligée. Elle est assurée par les services
logistiques internes des entreprises (producteurs et distributeurs), et ne bénéficie pas de
moyens supplémentaires par rapport aux autres activités. Ainsi, il arrive trop souvent que
les produits retournés s’accumulent dans des entrepôts, et que certains produits entrent
dans le processus reverse alors qu’ils ne devraient pas. De même, leur traitement se fait en
fonction de la disponibilité du personnel des entreprises, d’où l’accumulation de nombreux
retards de réparations. Le suivi informatique est souvent mal fait car les entreprises
n’engagent pas suffisamment de moyens pour bénéficier de systèmes informatiques
adaptés. La plupart du temps, le personnel n’est pas formé et donc pas spécialisé, les
opérations sont donc plus longues et de nombreuses erreurs surviennent, ce qui dégrade la
qualité du service et fait augmenter son coût (qui par ailleurs est difficile à évaluer mais
certainement sous-estimé) (Yves Pimor, 2003).
1.3.3 Les solutions apportées
Par conséquent, les entreprises sont souvent tentées de se débarrasser de ce problème :
elles envisagent alors deux types de solutions. D’un côté, elles peuvent recourir à la
politique de « retour zéro » en confiant cette gestion aux distributeurs. Elles offrent une
marge supplémentaire si le distributeur accepte de faire réparer (ou d’éliminer) le produit
repris, voire de le rembourser. Toute la difficulté de la négociation entre les deux parties
réside dans le taux de marge consenti : le producteur propose 2%, le distributeur souhaite
avoir 6%, sachant que la négociation aboutit le plus souvent à un taux proche de celui
proposé par le distributeur. Cependant, le distributeur en charge de la gestion des retours
dans une politique de « retour zéro » se trouve confronté à une activité qu’il ne maîtrise
pas : il est donc tenté de l’externaliser.
D’un autre côté, l’entreprise peut externaliser elle-même la gestion des retours, car elle
considère que d’autres entreprises, spécialisées dans ce domaine, seront plus performantes
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pour ces activités complexes. Par conséquent, le marché a vu apparaître de nombreuses
entreprises, essentiellement en Amérique du Nord et en Europe (Yves Pimor, 2003).
Il est dès lors intéressant de connaître les raisons de retour qui peuvent être invoquées par
le client ou pas le distributeur, ainsi que les canaux de retour utilisés. Par la suite, les
différentes stratégies de la RL ainsi que le financement de cette activité doivent être
étudiées. Ces différents éléments de réponse sont présentés en annexe 5.
Nous avons vu dans cette première partie quelle était l’importance de la RL non seulement
pour l’environnement et pour la société, mais également pour les entreprises qui devraient
pouvoir en tirer profit, à condition de s’investir dans la mise en place de processus
efficients.
Nous pouvons ainsi en conclure que la RL est un outil indispensable au DD, qui doit être
exploité par les acteurs économiques afin de pérenniser leur développement tout en
respectant l’environnement et la société.
Il est maintenant nécessaire de s’intéresser de manière plus précise et détaillée aux aspects
environnementaux : quels sont les coûts environnementaux de la RL, et quels en sont les
bénéfices ? Cette évaluation nous permettra de peser l’importance d’une telle activité, et de
déterminer dans quelle mesure il est nécessaire de la développer.
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2 La RL : un progrès pour l’environnement
Dans cette partie, nous étudierons en quoi la Reverse Logistics constitue un progrès pour
l’environnement : nous évaluerons ainsi les coûts et les bénéfices que cette activité génère.
2.1 Evaluation des coûts
Selon les différentes sources étudiées, nous pouvons retenir trois types de coûts pour
l’environnement.
2.1.1 Le coût environnemental lié au transport des déchets
D’abord, l’activité de transport génère une certaine pollution. Or, la RL vise justement à
réduire le niveau de pollution des activités économiques, d’où l’intérêt d’approfondir ce
phénomène.
Deux raisons expliquent le fait que le bilan environnemental du recyclage soit plutôt
négatif : d’une part, le transport par rail n’est pas envisageable pour des distances
inférieures à 50 km, dans un contexte où le principe de proximité prime pour le recyclage
des déchets. De ce fait, le transport s’effectue par la route, ce qui alourdit la facture
environnementale, même pour une action qui devrait favoriser l’environnement. Par
ailleurs, il semblerait qu’à proximité des villes, les équipements de recyclage et de
traitement des déchets soient saturés. De ce fait, les entreprises doivent les traiter sur des
plates-formes plus éloignées, ce qui augmente les distances de transport. Le jour où l’on
accordera une importance égale au transport des déchets et à leur traitement, chaque mode
de transport aura sa place. Ces décisions attirent progressivement l’attention des politiques,
qui voient un véritable enjeu dans la gestion des flux logistiques : chaque mode de
transport devrait alors être évalué au cas par cas (Conférence Européenne des Ministres des
Transports,16-17 décembre 1999).
Le bilan environnemental du traitement des déchets en 1999 était le suivant : le transport
de déchets, qui se faisait par la route à 80%, représentait alors 5% de l’énergie consommée
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
90
dans le secteur des transports. Les véhicules utilisés pour la collecte étaient équipés de
moteurs diesels (émission de nombreuses particules nocives, notamment pour la santé,
surtout en milieu urbain, et pour l’environnement) et consommaient entre 70 et 100 litres
/100 km. La logistique urbaine devaient impérativement être revue : les études sont
actuellement en cours, et si aucune solution idéale n’a encore été trouvée, les entreprises
font tout de même des progrès.
L’un des problèmes majeurs vient du fait que le transport de déchets vers l’étranger reste
bon marché. De ce fait, les déchets sont envoyés vers des plates-formes de retraitement ou
d’élimination dans d’autres pays, dont les réglementations sont souvent moins
contraignantes en matière d’environnement et de pollution. Or, si le coût du transport était
plus élevé, de nombreuses chaînes logistiques seraient reconfigurées (Conférence
Européenne des Ministres des Transports,16-17 décembre 1999).
2.1.2 Le processus de recyclage
Ensuite, le processus de recyclage génère lui aussi une quantité non négligeable de
pollution.
Par exemple, le recyclage du papier requiert l’utilisation de chlore pour éliminer l’encre.
Ce produit blanchissant est extrêmement polluant pour les eaux, notamment pour les
rivières, et il se dégrade très lentement et difficilement. La production de papier « gris »
(peu désencré après recyclage) pourrait être une solution car il nécessite une moindre
quantité de chlore, mais ce type de papier n’est pas encore adapté aux utilisations courantes
du papier de nos jours. Pour le verre, le recyclage est également complexe car ce matériau
est lourd, son transport nécessite ainsi une quantité plus importante de carburant et de ce
fait rejette une plus grande quantité d’émissions polluantes dans l’atmosphère. Par ailleurs,
son processus de recyclage impose de fondre le verre à une température extrêmement
élevée (1 550°C), ce qui génère une consommation d’énergie considérable.
Aussi, il est nécessaire d’agir sur ces sources de pollution afin de garantir un recyclage
sain : cette opération est en effet prévue à l’origine pour favoriser l’environnement et
limiter notre impact sur les écosystèmes, il est donc indispensable d’agir pour éliminer ce
type d’incohérence. La solution la plus évidente serait d’agir à la source en produisant
moins de déchets, qu’ils soient recyclables ou non, et de favoriser les circuits courts tels
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
91
que les achats locaux. Les consignes devraient également être généralisées à tous les pays.
Enfin, après avoir mis en place ces différentes solutions, le tri et le recyclage des déchets
pourront être envisagés, en tenant compte néanmoins de la nécessité de revoir les
processus actuels en vue de leur amélioration d’un point de vue environnemental.
2.1.3 Les contraintes administratives et légales
Enfin, il existe des freins administratifs et législatifs au recyclage des déchets dangereux.
Le recyclage des déchets présentant des degrés de toxicité élevés connaissent des freins
administratifs et législatifs majeurs, d’où la difficulté qui se pose pour leur recyclage. Or,
ces déchets doivent impérativement être traités et non éliminés : il en va de la « santé » de
l’environnement, qui a déjà subi pendant trop longtemps les effets de l’élimination des
déchets toxiques (Conférence Européenne des Ministres des Transports,16-17 décembre
1999).
2.2 Evaluation des bénéfices
Les bénéfices de la Reverse Logistics d’un point de vue écologique sont multiples, et nous
permettent de penser que cette activité représente un véritable levier de progrès pour
l’environnement.
2.2.1 Une prise de conscience progressive
Le recyclage et plus généralement la Reverse Logistics devraient connaître un
développement très dynamique dans les prochaines années. Selon les propos de
l’économiste Philippe Chalmin, « Le XIXe et le XXe siècles étaient des siècles de
prédation. On ne se préoccupait pas de ce qui était disponible. Il y a aujourd’hui une prise
de conscience des limites des ressources » (L’Usine Nouvelle, 23-29 novembre 2006,
n°3032). Cette prise de conscience se traduit par des réglementations concrètes toujours
plus contraignantes et qui concernent des types de déchets toujours plus complexes.
D’autres facteurs, en plus de cette prise de conscience et des réglementations, ont
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
92
encouragé la dynamique du recyclage. Il s’agit notamment de la flambée des prix des
matières premières et de l’énergie : les plastiques ont augmenté de 30%, et les produits
non-ferreux de 300% ! Les avancées techniques ont également renforcé ce mouvement,
notamment avec l’automatisation du tri qui permet de mieux maîtriser la séparation, etc.
(L’ Usine Nouvelle, 23-29 novembre 2006, n°3032). Aussi, il est important de montrer que
les entreprises ont tout intérêt à s’investir dans des actions pour l’environnement.
2.2.2 Le recyclage : bénéfice pour l’environnement et pour les entreprises
Montrons d’abord que le recyclage est bénéfique pour la préservation de l’environnement.
D’abord, il faut savoir que l’obtention de matières premières issues du recyclage présente
moins de déchets que l’obtention de matières premières brutes. Par ailleurs, l’activité qui
permet d’obtenir des matières premières secondaires (issues du recyclage) génère moins
d’émissions polluantes que celle permettant d’obtenir des matières premières primaires :
cela pourrait compenser le problème lié au transport, que nous verrons par la suite.
De plus, il est important de considérer la comparaison entre retraitement et incinération.
L’incinération rejette des gaz à effet de serre dans l’atmosphère : il faudrait déterminer
pour chaque filière le niveau de production d’émissions polluantes et sélectionner la
solution optimale. en sachant que le principe de proximité prévaut pour certaines matières
(Conférence Européenne des Ministres des Transports,16-17 décembre 1999).
De plus, les consommateurs se montrent sensibles à l’environnement. L’un des facteurs
qui influence la RL est le fait que les consommateurs souhaitent participer à la protection
de l’environnement. Par exemple, dans les pays d’Europe du Nord tels que l’Allemagne ou
les Pays-Bas, la pratique de la consigne (casiers à bouteilles par exemple) est largement
répandue et encouragée. Les produits ainsi réunis après utilisation seront renvoyés au
producteur et remonteront la chaîne logistique afin d’être réutilisés (Logistique et
Management, 2005).
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
93
2.2.3 Exemples de succès de la RL
Afin d’appuyer notre réflexion et de montrer que la logistique des retours est bénéfique
pour l’environnement, nous pouvons étudier quelques exemples de succès de la RL d’un
point de vue environnemental.
Le premier de ces succès revient au groupe Wincanton, en Grande-Bretagne, qui a investi
4 M£ dans une nouvelle machine de retraitement des DEEE afin de se conformer à la
nouvelle réglementation. Le site de retraitement est ouvert depuis février 2006 et les
performances de cette nouvelle machine sont incontestables : conçue pour traiter une vaste
gamme d’appareils, sa capacité annuelle est de 75 000 tonnes de DEEE (soit l’équivalent
de 826 500 machines à laver !). La machine restitue les composants des DEEE au format
de recyclage spécifié dans la réglementation. Certains composants sont préservés, d’autres
transformés, dans le but d’être tous recyclés. Selon Graeme McFaul, Chief Executive de
Wincanton, « Il s’agit d’un investissement significatif qui va permettre pour la première
fois en Grande-Bretagne de couvrir l’ensemble de la chaîne de valorisation. Nous avons
développé des partenariats stratégiques qui nous permettent de proposer des solutions
répondant à tous les aspects de la directive DEEE incluant le tri, le recyclage et la gestion
des déchets. » (Supply Chain Magazine, décembre 2006, n°10).
Prenons maintenant l’exemple de FM Logistic, « une entreprise citoyenne » : selon Jean-
Christophe Machet, co-président de FM Logistic, l’entreprise travaille depuis longtemps
sur sa « capacité à améliorer le traitement de tout ce qui est nuisible à l’environnement,
comme la revalorisation des produits éventrés, des huiles ou des batteries. » Par exemple,
l’entreprise a installé des déchetteries sur les plates-formes pour le recyclage et la
valorisation de tous les emballages. Les étiquettes sont séparées des films des palettes, et le
polystyrène est traité avec des broyeurs (Stratégie Logistique, juin 2004, n°67).
Le groupe Auchan mérite également d’être cité. La grande distribution est en effet
souvent placée au cœur des débats sur l’environnement, et souvent accusée pour ses
pratiques contraires à l’écologie. Or, certains grands groupes mettent en place des actions
ciblées dans le but de prouver leur engagement en faveur de l’environnement. Chez
Auchan, les acteurs du développement durable semblent particulièrement engagés, et
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
94
mettent en place plusieurs actions, notamment la réduction des sacs de caisse et des
déchets. Marie-Hélène Boidin-Dubrule, directrice de la communication en charge du
développement durable, précise que la politique du groupe met en valeur le tri des déchets
et le recyclage. L’enseigne a mis en place des « meubles environnement » permettant aux
clients de venir y déposer leurs piles, sacs et bouchons. Or, il existe déjà dans plusieurs
magasins de la grande distribution des « stations vertes » pour la collecte et le recyclage
des bouteilles, des huiles et des textiles. Par ailleurs, les magasins doivent de leur côté
recycler leurs déchets d’emballage, qu’ils soient en bois, en carton ou en plastique. Le taux
moyen de recyclage approche les 50%, bien que certaines enseignes atteignent déjà les
70%. L’objectif fixé à terme est de 75% (Stratégie Logistique, juin 2004, n°67).
Enfin un dernier exemple doit être mentionné : la société Indra, qui gère le recyclage des
déchets issus de l’industrie automobile. Manuel Munoz, PDG d’Indra et président de la
FNDA (Fédération Nationale de déconstruction Automobile), constate par ailleurs que
« les Romains séparaient déjà les métaux sur leurs armes. Depuis un siècle, nous sommes
en plein gaspi avec l’industrialisation. Les voitures sont déconstruites n’importe comment
et cela n’a rien coûté aux consommateurs, qui ont un poids économique important.
Heureusement, l’Europe a été courageuse devant l’augmentation alarmante des déchets.
Le producteur est devenu responsable de ses produits en fin de vie ». Indra s’engage quant
à elle par contrat sur l’ensemble de la filière en favorisant la traçabilité de tous ses
composants, tels que les huiles, les plastiques et la ferraille.
Nous pouvons ici présenter le processus de recyclage et de valorisation de la société Indra :
le point de départ est le concessionnaire, qui transmet à la société une demande
d’enlèvement pour un VHU (Véhicule Hors d’Usage) ainsi que la carte grise du véhicule.
Les informations sont transmises par fax, email ou EDI (Echange de Données Informatisé,
ou Electronic Data Interchange). Toutes les données sont intégrées par le prestataire dans
son système informatique. Puis celui-ci transmet au déconstructeur un bon d’enlèvement et
un certificat de destruction physique, qui lui sera retransmis après l’opération. De son côté,
la carte grise est envoyée à la préfecture, qui renvoie un récépissé de déclaration des
destructions. Le concessionnaire transmet ensuite par liaison informatique à Indra
l’enlèvement effectué. La société valide l’ensemble des informations puis les joint aux
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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concessionnaires et constructeurs : la traçabilité est ainsi assurée pour les VHU (Stratégie
Logistique, juin 2004, n°67).
Pour répondre aux nouvelles réglementations, les constructeurs automobiles ont mis en
place des filières de recyclage pour que l’ancien système de casses disparaisse et laisse
place au recyclage des véhicules. Selon la directive européenne de septembre 2000, les
objectifs de recyclage ou de revalorisation des déchets sont fixés à 85%, à atteindre avant
le 1er janvier 2006. D’ici 2015, ce sont 95% d’un véhicule qui devront être recyclés. Il est
en effet important de souligner que jusqu’en 2004, 1 500 000 véhicules étaient détruits
chaque année (Stratégie Logistique, juin 2004, n°67).
De l’ensemble de cette réflexion, nous pouvons conclure que la RL est une solution
viable d’un point de vue environnemental.
2.3 Solutions et recommandations
Il est à présent nécessaire de dresser un bilan sur la Reverse Logistics, afin de proposer des
solutions et des recommandations à mettre en place dans le but de garantir son
développement et d’agir en faveur de la RSE et du Développement Durable.
2.3.1 Un bilan environnemental nettement positif en faveur de la RL
A ce stade, nous pouvons conclure que la RL représente un pas décisif pour
l’environnement. En effet, la planète se dérègle. L’Homme la bouleverse avec ses
émissions de gaz à effet de serre et « son activité débridée épuise les ressources
naturelles ». A ce sujet, Alain Juppé rappelle que « la situation est extrêmement
dangereuse. Il faut lancer une mobilisation planétaire pour changer les mentalités, les
méthodes de production et de consommation. » Il prône une « gouvernance écologique
mondiale » et souhaite pousser les dirigeants à « s’unir pour relever le défi
environnemental du XXIe siècle », afin de pouvoir concilier croissance économique,
préservation de l’environnement et progrès social : « Nous devons basculer vers une
croissance écologique qui s’accompagnera de moins de gaspillage (…) C’est un monde
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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nouveau à inventer, une révolution à opérer, une nouvelle utopie au sens le plus
mobilisateur du terme. » (L’Usine Nouvelle, 01 à 07 février 2007, n°3041).
Si nous ne changeons rien à nos modes actuels de production et de consommation, le
réchauffement climatique ne cessera de croître et « le prix économique et social à payer
au-delà de 2050 pourrait être équivalent à celui des deux Guerres Mondiales ou de la
crise de 1929 » selon les estimations de Nicolas Stern, ancien économiste en chef de la
Banque mondiale (L’Usine Nouvelle, 01 à 07 février 2007, n°3041).
Christian de Boissieu, président délégué du Conseil d’analyse économique auprès du
premier Ministre, ajoute que « prendre en compte le développement durable est une vraie
révolution culturelle pour les économistes » (L’Usine Nouvelle, 01 à 07 février 2007,
n°3041, tiré de l’article « Utopies pour un monde nouveau » de Jean-Michel Meyer).
2.3.2 L’importance de l’audit, phase décisive
Aussi, avant d’étudier les différentes solutions que nous pouvons dégager de notre
réflexion, nous pouvons suggérer aux entreprises de commencer leurs démarches
environnementales par la réalisation d’un audit de l’élimination de leurs déchets (Yves
Pimor, 2003). Les entreprises industrielles sont aujourd’hui dans l’obligation de faire face
aux nouvelles réglementations et aux risques de sanction si elles ne s’engagent pas dans
des démarches environnementales telles que le recyclage. Elles doivent donc prendre en
considération les processus d’élimination des déchets et des effluents. Réaliser un audit
permettra aux entreprises de déterminer les axes d’amélioration et les principales actions à
mener pour gérer la problématique environnementale. Les producteurs de déchets doivent
effectuer une « étude déchets » dans le cadre de leur « étude d’impact » sur
l’environnement, afin de limiter leur production de déchets à la source sur les sites
industriels classés. Cette limitation tient compte du minimum de production de déchets
ultimes techniquement réalisable. Une telle étude permet également à l’entreprise qui en
prend l’initiative de mieux connaître son flux de déchets. Pour être conforme à la circulaire
du 28 décembre 1990, cette étude doit comporter trois facettes :
une description de la situation actuelle au niveau de la production de l’entreprise,
de sa gestion des déchets et de leur élimination, d’un point de vue technique et
économique,
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
97
une étude des autres solutions envisageables, techniquement et économiquement,
afin de limiter les flux de déchets et leur toxicité résiduelle,
une présentation et une justification des filières d’élimination retenues.
Yves Pimor (2003) préconise quatre analyses afin de diagnostiquer la situation réelle de
l’entreprise (se référer à l’annexe 6). Une fois cet audit réalisé, les entreprises doivent
s’investir concrètement dans des actions de préservation de l’environnement, telles que la
RL, qui en est un excellent exemple.
Ainsi, nous pouvons assurer qu’une prise de conscience et un intérêt croissant pour la
protection de l’environnement devraient désormais guider les entreprises vers des pratiques
respectueuses et responsables. Toutefois, ces entreprises doivent suivre certains codes de
conduite et revoir leur fonctionnement : nous pouvons à ce stade proposer différentes
solutions afin de les aider dans leurs démarches.
2.3.3 Les solutions à envisager
Une première solution concerne l’optimisation du transport et la massification des flux de
retour. Les centres de transfert sont utilisés pour la massification des flux entre les
différents points de collecte et le lieu de traitement des produits. Ces centres permettent
d’atteindre deux objectifs, dont la réduction des émissions nocives pour l’environnement et
la santé. Les phases d’exploitation d’un centre de transfert sont le stockage, le chargement
puis l’évacuation par transport routier, fluvial ou ferroviaire.
L’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) estime que le
recours à un centre de transfert se justifie dans deux cas de figure. D’abord, si le centre de
traitement des déchets est éloigné du lieu de production de ces déchets. C’est souvent le
cas lorsqu’un centre ou une usine d’incinération ont été construits hors des grandes villes
afin de ne pas gêner la qualité de vie des populations. Ces centres sont de grandes
installations qui permettent l’évacuation de plusieurs tonnes de déchets par jour sur
plusieurs kilomètres de distance.
Le deuxième cas est celui où le centre de traitement est obligé d’élargir sa zone d’influence
afin de rentabiliser ses installations. Il s’agit notamment des zones rurales où les
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
98
habitations (et donc les lieux de production de déchets) sont éloignées les unes des autres.
Les déchets doivent donc être acheminés vers un centre qui sert de plate-forme de
regroupement (Maxime Oubrayrie, 2004).
Le recours à ces centres permet une meilleure gestion des déchets : en effet, ces centres ne
génèrent pas de pollution car les déchets n’y sont pas stockés, ils sont en transfert. De
même, le système montre une certaine souplesse dans la mesure où il est possible d’ajuster
les capacités en modifiant le nombre de camions de transfert. Enfin, il est possible de
procéder à certaines opérations de tri au sein du centre de transfert, en anticipant le
recyclage des produits (Maxime Oubrayrie, 2004).
De ce fait, l’utilisation des centres de transfert permet un progrès considérable pour
l’environnement et la santé. Avoir une grande unité de traitement représente un coût mais
procure également d’importants avantages. La convergence des flux de déchets vers un
nombre réduit de plates-formes de retraitement aurait notamment pour conséquence une
optimisation du transport et la possibilité de recourir au rail, moins nocif pour
l’environnement (Conférence Européenne des Ministres des Transports,16-17 décembre
1999).
Grâce à ces éléments de réflexion, nous pouvons constater que le choix du mode de
transport des déchets représente un enjeu majeur. Il est de ce fait essentiel d’étudier les
différents modes de transport pour les flux de retour.
D’abord, le transport routier génère une quantité importante d’émissions polluantes, par
conséquent il n’est pas recommandable dans le cadre d’un plan de progrès pour
l’environnement et la santé, bien qu’il soit viable économiquement car il ne nécessite pas
un investissement trop important.
Ensuite, le transport fluvial peut être envisagé : toutefois, une attention particulière doit
être portée au chargement et au déchargement des navires afin de ne pas laisser tomber un
conteneur dans l’eau, ce qui risquerait de polluer les fleuves, surtout si les déchets
transportés sont dangereux. En cas de massification des flux, il semblerait que le transport
fluvial constitue une alternative idéale à la route d’un point de vue environnemental, bien
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
99
que le transport ferroviaire soit parfois une solution plus efficiente (CEMT - Conférence
Européenne des Ministres des Transports,16-17 décembre 1999).
Examinons maintenant une autre solution, qui pourrait compléter la mise en place d’une
RL efficiente. La question à se poser serait de savoir si « l’objectif est le profit maximum
des entreprises ou des objectifs plus globaux de protection de l’environnement ». Les
experts de la table ronde de la CEMT ne se sont pas opposés à la taxation des émissions
de carbone, qui permettrait de diminuer la pollution et la consommation de transport. Une
solution proposée par la table ronde serait de taxer les émissions de carbone, et
parallèlement de réduire la taxe liée à l’emploi (ce qui favoriserait également l’emploi)
(Conférence Européenne des Ministres des Transports,16-17 décembre 1999).
L’étude de ces différentes solutions nous a permis de montrer en quoi la RL appartient à
une logique d’action en faveur de l’environnement. Il est dès lors nécessaire de prouver
que la RL, malgré les coûts qu’elle entraîne pour les entreprises, constitue également une
activité essentielle à leur développement et à leur pérennité. Nous pouvons donc évaluer
quels sont les coûts et les bénéfices d’une telle activité pour les entreprises, et proposer des
solutions afin de leur permettre de contourner ces freins.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
100
3 La Reverse Logistics : une motivation pour les entreprises
Dans cette partie, nous montrerons en quoi la Reverse Logistics représente une solution
pour les entreprises, malgré les coûts qu’elle génère. Nous évaluerons ces freins et nous les
comparerons avec les bénéfices qu’elle confère aux entreprises.
3.1 Les freins à la mise en place de la RL
Commençons par une étude des freins liés à la mise en place de la RL dans les entreprises.
3.1.1 Les coûts de la RL pour une entreprise
Étudions d’abord les différents coûts imposés par la RL. La dimension environnementale
est un frein pour l’entreprise car elle estime que l’environnement ne génère que des coûts
et qu’elle ne peut en tirer aucun bénéfice. « L’environnement, ça coûte cher et ça ne
rapporte rien. » Il s’agit ici de la raison la plus souvent mentionnée par les entreprises pour
se dégager de leurs responsabilités vis-à-vis de l’environnement, et pour retarder au
maximum leur action environnementale. Si la première partie de cette citation est certes
vérifiée, il n’en est pas de même pour la seconde (Jacques Salamitou, 2004).
« L’environnement coûte cher » : il est indéniable que la mise en place de systèmes et de
structures visant à favoriser la prise en compte de l’environnement pour une entreprise
entraîne des dépenses conséquentes, malgré les aides financières apportées notamment par
l’ADEME et les Agences de l’Eau. Les dépenses sont de deux ordres :
dépenses d’investissement : il s’agit par exemple de l’acquisition de matériels de
dépollution, de structures de traitement des eaux usées, de filtres pour les
dégagements de fumées nocives, l’installation d’un incinérateur de déchets,…
dépenses opérationnelles : une fois ces différentes structures achetées, il est
nécessaire de les entretenir et de veiller à leur bon fonctionnement. Il est parfois
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
101
indispensable de recourir à des prestataires externes, à des sous-traitants, ou de
demander des analyses et des conseils (Jacques Salamitou, 2004).
Ces dépenses peuvent représenter entre moins de 1% et quelques pourcents du chiffre
d’affaires d’une entreprise. Même si ces coûts varient en fonction de la taille et du secteur
d’activité de l’entreprise (le secteur de la chimie sera notamment plus en difficulté que
l’agroalimentaire), il est reconnu que ces installations ont un impact significatif sur la
compétitivité de l’entreprise (Jacques Salamitou, 2004).
Prenons comme exemple la société Rhône-Poulenc : à la fin des années 1990, ce groupe
consacrait 4% de son chiffre d’affaires à la préservation de l’environnement (Jacques
Salamitou, 2004). D’un côté, les dépenses d’investissements ne cessaient de diminuer car
l’entreprise s’équipait peu à peu en infrastructures, révélant ainsi d’importants efforts de
rattrapage et de remise à niveau de son activité, mais d’un autre côté les dépenses
opérationnelles ne cessaient d’augmenter afin de permettre à ce nouveau système de
fonctionner. Quoi qu’il en soit, ces dépenses de fonctionnement ne peuvent pas diminuer
sur le court terme comme le font les dépenses d’investissement dans la mesure où la
réglementation en matière d’environnement se durcit continuellement.
Toutefois, il est important de noter que les dépenses pour l’environnement, malgré leur
montant parfois dissuasif, n’ont encore jamais provoqué la faillite d’une entreprise. Elles
sont lourdes à supporter à court terme, mais leurs bénéfices sur le long terme permettent de
croire en leur efficacité et en leur absolue nécessité, comme nous le montrerons par la
suite.
Pour l’auteur Alexandre K. Samii (2004), il est possible d’évaluer le coût de la RL comme
suit :
Coût de rétrologistique =
Coût d’entreposage +
Coût de transport +
Coût de traitement (triage et mise à disposition) +
Coût de gestion des processus de retour +
Coût associé aux réseaux de RL utilisés et au niveau de service requis dans ce réseau
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
102
Or, le coût logistique total de la RL n’est pas correctement évalué aujourd’hui, ainsi la
rétrologistique est sous-estimée. Les raisons de ce constat peuvent être soit une politique
délibérée de l’entreprise, soit un manque d’attention de la part de ses dirigeants. Par
conséquent, les investissements en informatique, ressources financières et humaines, sont
largement insuffisants, et l’analyse juridique des retours ainsi que la gestion managériale
de cette activité sont déconnectées. De manière surprenante, il n’y a pas eu de
reconfiguration active systématique de la gestion des retours malgré les pressions
réglementaires et des agences gouvernementales.
Par ailleurs, le problème du coût du transport constitue un frein pour les entreprises. La
question des modalités de transport reste entière. Les distributeurs européens estiment que
ce maillon de la supply chain génère plus de coûts que de gains, et aucun ne se sent prêt à
les assumer. Or ils possèdent l’une des plus performantes chaînes d’approvisionnement du
monde. En effet, les consommateurs se positionnent toujours plus favorablement envers
l’environnement et le développement durable, sans toutefois accepter d’en payer le prix
(L’Usine Nouvelle, 01 à 07 février 2007, n°3041).
Or, on ne peut nier l’importance majeure des coûts de transport et de logistique dans le
cadre de l’étude des coûts de la RL. En fonction des secteurs, on estime que ces coûts
représentent entre 40 et 70% du coût total du recyclage des produits en fin de vie. Dans ces
coûts sont inclus l’enlèvement, le transport, le regroupement et parfois le tri. Si l’on se
base sur le taux de 40%, on estime le potentiel du marché de transport et de logistique à
environ 2,2 milliards d’euros pour un processus global de gestion des produits en fin de
vie. En prenant l’hypothèse haute de 70%, ce potentiel s’élève à 3,9 milliards d’euros. Il
faut souligner par ailleurs qu’une majeure partie de ce marché est aujourd’hui captée par
des entreprises spécialisées dans le recyclage, la récupération et le traitement des produits
en fin de vie et des déchets, et non par les logisticiens et transporteurs. Si le transport est
responsable de la majeure partie de ces coûts, il n’est toutefois pas envisageable de l’isoler
dans la mesure où il est, la plupart du temps, compris dans la prestation globale de gestion
des retours. On estime que cette activité représente environ les deux tiers du coût logistique
total, ce qui situe le potentiel du marché du transport pour la gestion des retours des
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
103
produits en fin de vie entre 1,4 et 2,6 milliards d’euros (Agate Bienkowska, Alexis
Duperray, Sabrina Hoareau, 2006).
Nous pouvons ici identifier les raisons de ces coûts. D’abord, une entreprise qui doit
assumer un taux de retours important du fait de la non-qualité ou non-conformité de ses
produits doit faire face à des coûts financiers importants, d’où la nécessité d’établir des
contrôles en amont de la chaîne logistique effectués par une entité centrale. Une autre
raison à ces coûts peut être la non-centralisation des flux, et donc le fait que différents
acteurs se sentent responsables de ces flux créant une désorganisation de la gestion des
retours. Pour parer à ce phénomène, la devise que suggère Volker Daut est d’encourager le
gatekeeping : « gatekeep tout ce qui peut l’être, consolider et simplifier les flux,
collaborer avec les partenaires logistiques et de vente » (Logistique et Management, 2005,
n°13).
Selon une étude américaine réalisée auprès de 311 directeurs logistiques, il semblerait que
pour plus de 40% des sondés, le principal frein à la mise en place de la RL dans leur
entreprise est le fait qu’ils accordent peu d’importance à la RL. D’autres obstacles sont
les manques de systèmes (35%), de ressources humaines (19%) ou financières (19%)
(Maxime Oubrayrie, 2004).
Pour certains auteurs, les coûts de la RL dépendent des relations de coopération dans la
chaîne. Il semblerait que les coûts de la RL soient en partie dépendants du degré de
coopération existant entre les différents maillons de la chaîne logistique. Les relations
sociales et socio-économiques notamment ont une influence sur l’estimation de ces coûts.
Par exemple, pour réaliser une estimation précise des coûts de la RL, il est nécessaire de
prendre en compte les besoins supplémentaires en espace et en personnel pour les
opérations de collecte, stockage et valorisation des déchets.
Une autre raison est expliquée par Mickaël Pichavant, manager chez PEA Consulting :
« les entreprises sont bien structurées pour gérer les flux retour de palettes et de colis
complets (…). A partir d’une demande de transfert validée, les systèmes d’information
tracent les produits en retour de A à Z. Mais dès que l’on casse l’unité logistique (ex :
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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retour d’invendus textiles) on passe plutôt à un mode artisanal avec BL manuel et
inscription manuscrite sur le colis » (Supply Chain Magazine, décembre 2006, n°10). Car
étant donné le faible volume et la faible valeur de ces produits, il est plus intéressant de les
solder directement sur le point de vente plutôt que de leur faire suivre la chaîne des
retours : frais de retour, de contrôle, de reconditionnement et remise en stock dans un
entrepôt plus lointain.
3.1.2 Une des raisons de ces coûts : la complexité de la RL
Nous montrerons ici que ces coûts sont essentiellement la conséquence de la complexité de
la RL. Depuis les années 90, les entreprises ont eu tendance à placer les activités
logistiques au cœur de leurs préoccupations. De ce fait, la plupart n’a pas encore intégré
l’importance de la rétrologistique, et n’accorde pas encore une place prédominante à cette
gestion inversée de la chaîne. Toutefois, de plus en plus de secteurs d’activité comprennent
que la logistique inverse est une activité complexe et requiert différents arbitrages
(stockage, transport, systèmes d’information) pour des taux de retour et de satisfaction
clients donnés (Alexandre K. Samii, 2004).
Cause majeure du coût financier de la RL, sa complexité constitue un frein parfois difficile
à surmonter. Le contexte actuel ne permet pas aux différents prestataires de tirer profit de
la RL. Les nouvelles filières ainsi que les nouveaux modes de traitement ont des difficultés
à se développer, et le marché est toujours dominé par les services à plus faible valeur
ajoutée, tels que la mise en décharge. De ce fait, le défi auquel les prestataires sont
confrontés est de taille : ils doivent permettre à leurs clients de se conformer aux
réglementations, qui évoluent progressivement, tout en maîtrisant l’inflation qui touche la
gestion des déchets.
De multiples entités se sont créées à tout niveau de la chaîne logistique de retour, ayant
pour conséquence l’apparition de procédures spécifiques, adaptées à cette logistique
particulière. Or, la principale difficulté est liée à la multiplicité des points de collecte au
départ de la chaîne de retour. La filière du recyclage doit donc faire face à une certaine
complexité de mise en place au niveau de la chaîne logistique de retour, et ce, pour des
raisons très précises. Cette première difficulté génère des émissions de flux diversifiés et
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
105
de volumes très hétérogènes, souvent faibles. Or, deux sources de collectes vont devoir
coexister : les collectivités locales et la grande distribution. Les adhérents de l’organisme
Eco-Systèmes, tels que Casino, Boulanger, Auchan ou Darty, doivent ainsi reprendre
l’ancien appareil lors de l’achat d’un nouveau par le consommateur. Didier Meriadec,
chargé de mission non-alimentaire pour le groupe Casino, précise que « tous les magasins
prendront ce qu’on leur donne, même sans achat en contrepartie, mais on craint que
quelques parkings soient un peu encombrés le temps de mettre en place la logistique »
(L’Usine Nouvelle, 23-29 novembre 2006, n°3032).
Une nouvelle priorité semble apparaître : la nécessité de sécuriser le flux. Pour rentabiliser
un centre de tri, les flux doivent être suffisamment abondants et stables. C’est pour cela
que « les filières mettent du temps à se mettre en place. Il a fallu douze ans pour installer
le circuit de recyclage des pneus. Et de nouvelles filières émergent sans cesse » constate
Alain Geldron, chef du département prévention, recyclage et organisation pour l’ADEME.
(L’Usine Nouvelle, 23-29 novembre 2006, n°3032). De ce fait, la seule solution à cette
problématique semble être l’optimisation de la supply chain : la massification des flux
permettra ainsi de rentabiliser la RL.
Ensuite, l’hétérogénéité des produits qui intègrent le flux des retours s’ajoute aux
difficultés de gestion des retours, particulièrement pour les produits qui doivent
impérativement être recyclés, et dont les contraintes techniques diffèrent nécessitent une
logistique et un traitement spécifiques (DEEE par exemple).
De plus, les opérations logistiques sont très diverses : collecte, tri, traitement, valorisation,
etc., d’où l’existence des nombreuses étapes qui composent la chaîne des retours.
Enfin, la complexité de mise en place de la RL est due aux nombreux acteurs qui
interviennent dans le processus de retour, notamment en ce qui concerne la récupération et
le recyclage : collecteurs, centres de tri et de traitement, démolisseurs, recycleurs, etc. En
effet, la RL fait intervenir de nombreux prestataires, notamment en aval du processus pour
tout ce qui relève de la récupération et du traitement des déchets. Ainsi, en 2004, ce
marché très atomisé rassemblait en France 184 entreprises spécialisées dans la collecte et
le traitement des DEEE, et à la fin de cette même année, ce marché réunissait 2 700
entreprises pour les métiers du recyclage, de la récupération, de la valorisation (dont
environ 45% constituaient la filière de la ferraille et des Véhicules Hors d’Usage – VHU).
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
106
Les interlocuteurs sont nombreux, ce qui complique encore l’organisation de la RL et la
gestion des déchets aussi bien pour les distributeurs que pour les producteurs. En effet, les
entreprises de récupération et de recyclage en 2004 étaient de tailles très différentes,
sachant que 70% d’entre elles emploient moins de cinq salariés, et 13% seulement en
comptent 20 salariés ou plus (Agate Bienkowska, Alexis Duperray, Sabrina Hoareau,
2006).
L’Eco-Bilan peut révéler un manque de viabilité de la RL. Pour juger de la pertinence du
recyclage, il est nécessaire de prendre en compte plusieurs critères permettant d’établir un
éco-bilan. Ce bilan permet par exemple d’écarter certains produits du processus de
recyclage : les pots de yahourt par exemple ne peuvent être recyclés car il n’y a pas
suffisamment de matière à récupérer ou valoriser pour rentabiliser le processus de
recyclage.
Certaines questions doivent donc être posées préalablement à l’entrée des produits dans le
cycle de RL : « Comment est organisée la collecte ? », « Quelle énergie nécessite-t-elle ? »,
« La technique de recyclage est-elle plus économe que la fabrication de la matière
première ? », et enfin « Les débouchés sont-ils rentables ? ». Le fait de se poser toutes ces
questions impose à l’entreprise de s’interroger sur son propre fonctionnement, ce qui peut
poser des difficultés car ce processus de réflexion lui semble compliqué, et la résistance
au changement au sein d’une entreprise peut pousser celle-ci à refuser une telle remise en
question.
L’une des solutions pour le verre serait de généraliser le principe de la consigne, mais la
majorité des industriels ne sont pas favorables à cette méthode de récupération car ils la
juge non rentable. Il est indéniable que la consigne des bouteilles en
plastique et en verre requiert une organisation logistique complexe et
irréprochable, notamment pour le transport des bouteilles (éviter la
casse, trier par type de bouteille), et leur nettoyage avant réemploi : la
viabilité économique de ce type d’activité n’est donc pas garantie,
alors que la complexité d’une telle organisation freine facilement les
entreprises.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
107
Un facteur important nous montre que la RL semble difficile à mettre en place : il s’agit
de la difficulté d’identification de l’origine et de la destination des composants. Par
exemple, les véhicules construits avant 2002 comportent des composants qui ne sont pas
identifiables et donc difficilement recyclables. En 2004, on recensait 28 à 30 millions de
véhicules de ce type en circulation. De même, la question de la destination des résidus de
broyage restait alors entière, et ces résidus représentaient à cette époque 400 000 tonnes
par an de matériaux non recyclables, dont seulement 20 tonnes étaient valorisées. Le reste
partait en décharge, bien que cette manœuvre soir interdite depuis 2002. Manuel Munoz,
PDG d’Indra et président de la FNDA (Fédération Nationale de Déconstruction
Automobile) dénonce le fait que, malgré l’existence très ancienne du recyclage, « le
problème vient du fait que personne ne veut payer et ce sont trop souvent les
consommateurs qui sont taxés » (Stratégie Logistique, juin 2004, n°67).
Par ailleurs, le tri automatisé a été testé dans divers endroits (Système Revalord à Nancy
par exemple) mais son coût et sa complexité en ont fait un échec. Le tri manuel a été
progressivement abandonné lui aussi pour des raisons sanitaires, même s’il est encore
pratiqué dans les pays en développement comme le Brésil. Le tri implique des coûts
importants du fait que chaque objet trié impose un geste humain. Par exemple, on estime
que le coût du tri des bouteilles plastiques peut atteindre 1000 euros la tonne (Gérard
Bertolini, 2005).
Ainsi, les entreprises estiment que la RL impose des dépenses à court terme, pour des
bénéfices à long terme. Il s’agit ici d’un problème majeur dans l’économie
environnementale. En effet, si les dépenses doivent le plus souvent être engagées à court
terme, les bénéfices attendus n’apparaissent qu’à plus longue échéance. Il est nécessaire
d’engager des frais pour une mise en conformité avec la réglementation dès que celle-ci
paraît, ou pour réparer des dommages suite à un accident, toutefois les nombreux
avantages compétitifs ou d’amélioration de l’image des entreprises ne sont ressentis que
bien plus tardivement, ce qui pousse les entreprises à douter de l’efficacité et de la
crédibilité des engagements en faveur de l’environnement. Cela constitue un frein majeur à
contourner.
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Ainsi, le résultat économique est difficilement mesurable : si l’entreprise connaît de façon
certaine le montant des dépenses à engager, il lui est presque impossible d’en évaluer les
bénéfices avec exactitude (Jacques Salamitou, 2004).
Il est également indispensable de prendre en compte l’un des obstacles au recyclage et à la
revalorisation : la diminution des prix de revente des matériaux récupérés.
Ces prix se définissent généralement par référence (avec une décote) aux cours des
matières premières vierges dont ils représentent des substituts (souvent en rang inférieur),
dans la mesure où ils font l’appoint et donc s’inscrivent à la marge vis à vis des besoins.
Cette instabilité constitue un obstacle à la récupération, en particulier à l’investissement
dans ce domaine. Le raisonnement proposé précédemment peut s’appliquer soit à un
matériau spécifique, soit à un gisement de matériaux mêlés, par exemple les ordures
ménagères (Gérard Bertolini, 2005).
La logique du coût évité d’élimination et l’intérêt d’une vison élargie ou intégrée ont
progressé dans les esprits et dans les faits. Cependant, l’accroissement de l’offre de
certains matériaux de récupération a eu des conséquences au niveau macroéconomique, à
savoir une baisse des cours donc des prix de revente (Gérard Bertolini, 2005).
Au niveau du transport, la complexité de la RL réside dans le fait qu’il est impossible de
transporter ensemble des produits alimentaires et des déchets destinés au recyclage, ce qui
impose des investissements dans de nouvelles structures notamment. D’après certaines
études, renvoyer des produits le long de la chaîne logistique, plutôt que de les transporter
en propre, présente un coût quatre fois supérieur, même si ces coûts restent difficiles à
évaluer avec précision. De plus, dans le cas des déchets dangereux, il serait nécessaire
d’imposer une formation et une réglementation sur le modèle de la gestion et le transport
des matières dangereuses. Cela présente également des coûts financiers et en temps, que
toutes les industries ne sont pas prêtes à assumer (Conférence Européenne des Ministres
des Transports,16-17 décembre 1999).
De même, l’organisation de la filière recyclage pour les DEEE pose encore problème : les
distributeurs sont les mieux placés pour mettre en place un premier niveau de collecte,
celle-ci peut donc être orchestrée assez facilement. Mais il n’en est pas de même pour
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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l’organisation des filières de recyclage. Comme le précise le Screlec, SA créée en 1999 par
les fabricants, « il est aujourd’hui difficile d’installer un centre de traitement en moins de
douze mois » (Stratégie Logistique, juin 2004, n°67).
Les nombreux désaccords entre fabricants et distributeurs au cours des négociations
sont également source de complexité et freinent la mise en place d’une RL fluide et
efficiente. La divergence d’objectifs entre ces deux parties est due à deux facteurs. D’une
part, l’état dans lequel se trouve l’article : le fabricant soupçonnera souvent le détaillant
d’abuser de sa politique de retour, et de ce fait n’accordera pas facilement une note de
crédit complète, ou fera tarder le remboursement. D’autre part, la valeur de l’article : le
détaillant retourne souvent des articles pour réduire ses stocks, mais les fabricants sont
parfois lents à voir dans ces retours une diminution de leurs ventes. Ils tendent alors à
retarder ces retours pour des raisons comptables, ou à ne pas accorder de crédit total pour
les produits retournés (Alexandre K. Samii, 2004). Ainsi, il est nécessaire d’avoir une
bonne gestion de la capacité de réponse, qui doit être rapide et efficace, prévisible, et de
respecter des procédures qui seront au préalable acceptées par les deux parties.
Par ailleurs, la RL impose à l’entreprise d’accepter des responsabilités supplémentaires.
La traçabilité des déchets est importante, on doit pouvoir suivre les déchets de leur
production à leur destruction ultime. Ceci est d’autant plus crucial pour les déchets à
caractère dangereux, pour lesquels il faut pouvoir remonter jusqu’à la conception du
produit afin d’identifier les responsabilités de chaque maillon de la supply chain
(producteur, transporteur…) et de pouvoir anticiper les risques éventuels. Le producteur de
déchets dangereux est responsable du devenir de ses déchets, il doit vérifier que son
transporteur est apte à garantir les conditions de transport les mieux adaptées et les plus
sécurisées (Conférence Européenne des Ministres des Transports,16-17 décembre 1999).
Enfin, les réglementations sont compliquées à mettre en place dans les entreprises. En
Europe, les différentes filières sont progressivement obligées de se soumettre à des
réglementations concernant le recyclage et la valorisation. Selon Alain Geldron, chef du
département prévention, recyclage et organisation des filières à l’ADEME, « le décret
d’application de la DEEE ne paraîtra pas dans les délais prévus. Les Français ne sont pas
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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les seuls et elle est compliquée à appliquer » (Stratégie Logistique, juin 2004, n°67). Il
précise que « les prix baissent toujours. Les modèles se renouvellent très vite. Il existe peu
de pièces détachées. Du coup, les appareils sont de moins en moins souvent réparés ».
Pour limiter l’afflux de déchets, une solution serait donc de revenir à des produits plus
solides dans le temps et plus facilement réparables. Or, faire fabriquer en Asie revient
moins cher que de réparer : dans tous les cas, la France ne parvient toujours pas à atteindre
l’objectif fixé pour 2006 de « 4kg de produits collectés par habitant et pas an » (Stratégie
Logistique, juin 2004, n°67).
3.2 Les bénéfices de la RL pour les entreprises
Après avoir étudié les différents obstacles à la mise en place de la RL dans une entreprise,
essayons d’analyser les bénéfices que cette activité génère pour ces entreprises.
3.2.1 Le rôle stratégique des retours
Etudions d’abord le rôle stratégique des retours pour les entreprises (Tableau 4) :
Raisons invoquées % de réponses
Pression concurrentielle
La libéralisation des procédures de retour en vertu de
laquelle si un article ne satisfait pas il peut être
retourné, défectueux ou non, exerce une pression
concurrentielle dans la recherche de fidélisation /
satisfaction des clients. Le courant entreprise
citoyenne oblige les entreprises qui acceptent les
retours à les traiter dans le respect de l’environnement
et selon des pratiques socialement responsables.
65
Supply chain propre
En acceptant de reprendre des articles, pièces ou
composants ; auprès de leurs clients, les fabricants
peuvent à la fois refabriquer et recapter la valeur des
33
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
111
produits mais aussi permettre au client d’acheter et de
stocker de nouvelles marchandises. Ce
désengorgement des stockages associé à une
extension des lignes de crédit et une augmentation du
taux de satisfaction clientèle permet de faire d’une
pierre deux coups : vendre le nouveau et recycler
l’ancien pour le revendre.
Réglementation
Elle force la reconfiguration des systèmes de
production et de distribution pour s’assurer de ce que
sur le cycle de vie de l’article à des phases
différentes, l’ensemble de la chaîne de retour soit géré
effectivement.
25
Recapter la valeur et recouvrer les actifs
Les entreprises qui ont effectivement pris en charge
des programmes de recouvrement des actifs ont pu
revaloriser et améliorer la rentabilité à partir de
matières qui sinon auraient été éliminées ou
gaspillées.
20
Protéger les marges d’exploitation
Les raisons invoquées ci-dessus permettent de mieux
protéger à long terme la rentabilité en créant de
nouvelles sources de revenus et de profits.
18
(Source : projet de recherche du Reverse Logistics Executive Council, Alexandre K. Samii, 2004)
3.2.2 Viabilité et performance économique
Étudions l’ensemble des bénéfices liés à la mise en place de la RL dans les entreprises.
D’abord, les retombées économiques de la protection de l’environnement sont
généralement positives dans la mesure où elles donnent lieu à des bénéfices en termes
économiques, d’où l’importance des actions telles que la RL et le recyclage.
Illustrons cette idée à l’aide d’un exemple, afin de montrer que la RL assure une meilleure
performance aux entreprises. La société Wincanton en Grande-Bretagne (machine
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
112
incontestablement performante pour le traitement des DEEE), qui travaille avec des
distributeurs, a entamé une campagne de communication très active dans le but de mettre
en avant les performances de ce nouveau site et de conclure de nombreux contrats de
partenariat. Ce développement devrait permettre de gonfler les volumes de retraitement,
permettant non seulement de se conformer à la directive européenne, mais aussi d’être
rentable et performant d’un point de vue économique, malgré le lourd investissement de
départ (4 M£ pour la nouvelle machine, comme nous l’expliquions précédemment). Ce site
de retraitement est d’autre part bien connecté aux infrastructures de transport du Royaume-
Uni, et le groupe prend la responsabilité de l’optimisation des chargements et des coûts de
transport des flux de retour dans le pays (Supply Chain Magazine, décembre 2006, n°10).
La recherche d’un optimum financier signifie que la mise en place de la RL dans une
entreprise lui permettra à terme de réaliser des profits. Pour expliquer cela, étudions
l’articulation entre récupération-recyclage et élimination. Les activités de récupération
relèvent traditionnellement d’une logique d’économie marchande : le récupérateur
confronte les coûts de collecte et de préparation (tri, prétraitement, conditionnement,
transport) aux recettes provenant de la vente des matières préparées (Gérard Bertolini,
2005).
Certains gisements sont très convoités ; il s’agit notamment de chutes neuves de
production ou de transformation, lorsqu’elles ne sont pas recyclées par le producteur lui-
même. Ces gisements sont les plus intéressants pour les récupérateurs parce qu’ils sont
homogènes et concentrés en un même lieu. Dès lors, les coûts de collecte et de préparation
sont faibles. De plus, leur valeur de revente est élevée, en particulier en raison de leur
caractère homogène. Dans divers cas, la concurrence entre récupérateurs pour enlever la
matière est assortie d’un paiement au détenteur. Par exemple, pour les papiers-cartons, les
gisements les plus convoités sont les rognures blanches d’imprimerie, puis d’autres chutes
de transformation (Gérard Bertolini, 2005).
Cependant, ce qui n’est pas récupéré doit être éliminé ; il en résulte un coût. Dans le cas
des ordures ménagères, l’élimination répond à une logique de service public, financé
généralement par l’impôt (impôts locaux, taxes sur les ordures ménagères,…) (Gérard
Bertolini, 2005).
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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L’articulation entre récupération et élimination résulte du fait que ce qui n’est pas récupéré
doit être éliminé. Une récupération à 100% supprimerait le besoin d’élimination, mais elle
reste utopique. La dualité d’une logique d’économie marchande pour la récupération et
d’une logique de service public pour l’élimination conduit à une récupération jusqu’à un
certain seuil, qui ne constitue pas un optimum financier. En effet, à ce stade, le coût
d’élimination est supérieur au coût de récupération. Cela signifie qu’il vaudrait mieux
payer (aider financièrement) la récupération plutôt que de supporter les coûts
d’élimination.
Gérard Bertolini (2005) explique que l’optimum financier conduit à pousser la
récupération jusqu’à un deuxième seuil, qui correspond à l’égalisation du coût marginal de
récupération et du coût marginal d’élimination. La récupération serait dès lors rémunérée
sur une double base : revente sur le marché des produits récupérés et rémunération
complémentaire correspondant soit au coût évité d’élimination, soit seulement à la
rémunération nécessaire pour assurer l’équilibre financier des opérations de récupération.
Ce dilemme ainsi que d’autres difficultés peuvent être évités si la récupération et
l’élimination sont le fait d’un seul opérateur (Gérard Bertolini, 2005).
Toutefois, l’effet à la baisse des cours des matériaux de récupération constitue une
incitation à investir pour développer les capacités d’utilisation, en d’autres termes, les
collectes sélectives mises en place seront appelées encore à se développer. Un autre acteur
majeur favorable à la récupération résulte de la tendance à l’accroissement des coûts
d’élimination (Gérard Bertolini, 2005).
Le recyclage permet également de réaliser des économies. Selon les experts de la table
ronde, le recyclage serait « moins coûteux que l’élimination et compense l’augmentation
des coûts de transport » (Conférence Européenne des Ministres des Transports,16-17
décembre 1999).
Selon une étude réalisée aux Etats-Unis pour la RL dans le domaine du e-commerce
(« Send it back ! The role of reverse logistics, 2000), la principale motivation pour les
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entreprises serait leur souci de compétitivité (65,2%). Prenons le cas des entreprises qui
exploitaient les CFC (chlorofluorocarbones), utilisés par exemple pour les aérosols. Il a été
démontré que ces éléments chimiques nuisaient à la couche d’ozone et se révélaient de ce
fait directement nocifs pour l’environnement et pour les populations (destruction de
systèmes immunitaires et nombreux cancers de la peau notamment). Ces entreprises ont
d’abord nié ces accusations, puis se sont engagées dans des programmes de recherche de
particules de substitution, avec le soutien et l’encouragement du Programme des Nations
Unies pour l’Environnement (PNUE). Dupont a alors commercialisé des substituts aux
CFC, ce qui a permis la signature du protocole de Montréal en septembre 1987, imposant
la suppression des CFC. Ce protocole est aujourd’hui considéré comme un modèle
exemplaire de coopération internationale pour l’environnement. Et il a permis à
l’entreprise Dupont de bénéficier d’une image nettement meilleure et de gagner un
avantage compétitif décisif par rapport à ses concurrents (Jacques Salamitou, 2004).
Par ailleurs, la RL incite les entreprises à optimiser leur système de transport, ce qui leur
assure une certaine compétitivité. Du fait que les centres ne soient plus implantés à
proximité des villes, la question du transport devient un enjeu majeur qui permet aux
entreprises de gagner en compétitivité si elles savent le valoriser. Ainsi, le transport peut
faire la différence et les coûts de cette activité deviennent un facteur de compétitivité, d’où
un intérêt croissant pour ce domaine. Si la route est le moyen le plus utilisé (avec le
transport fluvial mais en bien moindre quantité), le rail peut générer d’importantes
économies d’échelle malgré son coût nettement supérieur. En effet, il permet d’acheminer
d’importantes quantités (plusieurs tonnes) vers quelques sites concentrés. Il serait opportun
que les pouvoirs publics proposent des subventions pour favoriser des transports innovants
et respectueux de l’environnement. Si le transport routier paraît viable, certains experts ne
partagent pas cet avis : pour eux, le transport routier est tellement compétitif (pour de
nombreuses raisons, notamment par la déréglementation), que sa position n’aurait
nullement besoin de se préoccuper des questions environnementales. Par ailleurs, grâce à
son développement et à la taille de ses acteurs, la route offre une qualité de service
incomparablement supérieure à celle du rail (Conférence Européenne des Ministres des
Transports,16-17 décembre 1999).
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Puis vient l’importance du maintien des marges : les marges peuvent être valorisées.
Pierre Enderlé (PDG de DHL Solutions) affirme que « si la prestation est bien faite, on
dégage des marges significatives plus importantes qu’en logistique de distribution »
(Stratégie Logistique, mars 2005, n°74).
Ensuite vient la possibilité de pouvoir recapturer la valeur des produits. La récupération
de la valeur des produits constitue un bénéfice non négligeable pour les entreprises. Selon
Henri Seroux, « la logistique des retours ne s’improvise pas ». On estime que le retour de
produits, s’il est mal géré, peut entraîner une baisse des profits d’environ 30%. D’où la
nécessité de mettre en place une organisation fiable et performante : « Auparavant, la
Reverse Logistics était considérée comme un coût unique et incompressible. Maintenant,
on sait qu’il est possible de récupérer de la valeur (retour sur le marché,
reconditionnement…) » (Stratégie Logistique, mars 2005, n°74).
On voit dans cette étude que les entreprises américaines ont plutôt tendance à agir de façon
proactive par rapport aux réglementations dans la mesure où leur motivation pour la RL ne
découle pas principalement de ces réglementations (3ème raison à hauteur de 28,9%). Il
s’agit donc de critères purement économiques : les problématiques environnementales
n’apparaissent à aucun moment (Maxime Oubrayrie, 2004).
La RL permet de plus la création de valeur ajoutée pour les filières, et la rentabilité de
l’ensemble du système. Il est notamment possible de réutiliser les granulés de PET en les
transformant, c’est le cas par exemple pour leur transformation en fibre destinées à
rembourrer les couettes. Ces nouveaux marchés sont créateurs d’une plus forte valeur
ajoutée pour les filières. Toutefois, selon Valorplast, « les fibres représenteront à l’horizon
2010 à peine la moitié des débouchés français ». L’objectif principal, qui semble le plus
économiquement rentable, serait de réutiliser le PET dans les bouteilles alimentaires. Cyril
Fraissinet, responsable coordination métiers propreté chez Suez Environnement, assure que
« techniquement, il n’y a aucun problème » (article « Le déchet de plastique, un nouveau
pétrole », L’Usine Nouvelle, 23-29 novembre 2006, n°3032).
Il est alors possible de recouvrer la valeur des actifs dans le processus de retour. On peut
définir le recouvrement d’actif comme « le processus de classification et de traitement des
biens retournés, des surplus, des déchets, des gaspillages, des matériaux excédentaires et
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d’autres actifs circulants, de manière à en maximiser la rentabilité pour leur propriétaire,
tout en réduisant les coûts et les risques associés à ce traitement ». L’objectif d’une telle
manœuvre est de recouvrer un investissement en termes économiques, de manière
rationnelle, et en réduisant le gaspillage. Ce processus de recouvrement peut être rentable
grâce à l’existence de marchés secondaires qui pourront écouler les marchandises, qui
seront dégriffées afin de supprimer le nom du fabricant, le prix et le numéro
d’identification (Alexandre K. Samii, 2004).
Par ailleurs, selon Pierre Frisch, responsable du développement durable du groupe Auchan,
« le recyclage est devenu une démarche rentable (…). On vend la tonne de plastique
(films, emballages PVC) entre 150 et 250 euros, alors que l’enlèvement des déchets non
triés nous est facturé 70 euros la tonne ». En 2006, Auchan est parvenu à faire recycler
54% des déchets produits par ses différents magasins (article « La grande distribution en
quête d’une image ‘durable’ », Yves Dougin, L’Usine Nouvelle, 01 à 07 février 2007,
n°3041).
La RL permet également de générer de nouveaux marchés : une entreprise qui a fait
l’effort d’acquérir des compétences en matière d’environnement pour son propre compte
bénéficie d’un double avantage. Elle peut en effet mettre ces compétences au service
d’autres sociétés, et ainsi récupérer son investissement de départ et générer de nouveaux
profits grâce à ces nouveaux marchés. Plusieurs entreprises ont bien compris cet avantage
et en ont déjà tiré profit. C’est le cas par exemple de la société Dupont aux Etats-Unis et de
Rhodia, qui a pris l’initiative de créer un service spécialisé dans le traitement de la
pollution, eaux usées et sols pollués notamment (Jacques Salamitou, 2004).
La mise en place de la RL représente donc un potentiel de croissance important pour les
entreprises. Parmi les différents marchés du transport et de la logistique, la RL présente un
des meilleurs potentiels de croissance en raison des contraintes de récupération et de
valorisation des déchets imposées par Bruxelles. Ainsi, l'obligation de traitement des
DEEE génère un nouveau marché, et représente un axe de développement prioritaire pour
la plupart des intervenants tels que les prestataires logistiques (Geodis par exemple).
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De même, l’entreprise peut améliorer sa gestion au quotidien : il n’est pas rare de
constater que de nombreuses entreprises, même si elles respectent au mieux les normes
environnementales, accordent une plus grande importance à la gestion de leur activité
économique qu’aux questions relatives à l’environnement (tri des déchets et traitement des
eaux usées par exemple). De ce fait, elles se rendent compte souvent trop tard des
nombreuses économies qu’elles auraient pu réaliser si elles avaient mis en place une
structure particulière en faveur de l’environnement. Par exemple, le directeur d’une usine
de production de l’entreprise 3M a déclaré lors d’un séminaire professionnel que « le coût
de la mise en place d’un système conforme à la norme ISO 14001 avait été dans l’année
récupéré par les économies réalisées par le traitement externe de ces déchets qui, avant la
mise en place du SME, n’était pas suivi de l’entreprise » (Jacques Salamitou, 2004).
Cependant, il est important de remarquer qu’il n’existe aucun lien de réciprocité entre une
entreprise bien gérée et une entreprise qui a intégré la dimension environnementale.
Enfin, la mise en place de la RL permet de diminuer le montant des primes
d’assurance : Les compagnies d’assurance sont aujourd’hui nettement plus sensibles à la
manière dont les entreprises gèrent le risque environnemental et aux différentes solutions
mises en place à cet effet. En effet, le coût généré par un accident environnemental pour la
réparation des dommages représente pour elles une importante somme, et un risque très
élevé (se référer à l’annexe 1). Afin d’évaluer l’intégration des considérations
environnementales des entreprises que les assurances pourraient couvrir, celles-ci envoient
des questionnaires et réalisent des audits des différents systèmes et des infrastructures de
ces entreprises. Suite à ces enquêtes, certaines compagnies d’assurances choisissent parfois
d’augmenter le montant des primes, voire de refuser la couverture d’une entreprise.
Cependant, il existe des cas où la compagnie d’assurance incite l’entreprise à s’engager
dans des actions environnementales. C’est le cas de la compagnie Axa, qui assure une
réduction de 10% de la prime d’assurance si l’entreprise est certifiée ISO 14001 (respect
des contraintes environnementales) (Jacques Salamitou, 2004).
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
118
3.2.3 Viabilité légale,un moteur pour les entreprises
Après avoir montré de quelle manière la RL permet à l’entreprise d’être viable d’un point
de vue économique, nous allons voir en quoi cette activité lui confère également une
viabilité légale.
D’abord, il est important de constater que les réglementations (se référer à l’annexe 7)
peuvent constituer un véritable moteur pour les entreprises. La réglementation
environnementale est particulièrement dense mais son respect est souvent considéré
comme un véritable moteur de progrès. Elle représente à la fois une contrainte nécessaire
au fonctionnement d’une entreprise, mais constitue également la base de progrès
significatifs. Et ces progrès se manifestent au travers de diverses possibilités.
Tout d’abord, grâce à cette réglementation, les entreprises sont encouragées à se
développer et à exploiter de nouvelles opportunités. Tous les professionnels de la
logistique n’ont pas encore intégré la RL et la gestion des produits en fin de vie. Toutefois,
avec les nouvelles réglementations se dessinent de nouvelles opportunités pour ceux qui
souhaitent entrer sur ce marché porteur. S’il est difficile dévaluer le CA généré par la
gestion des retours de produits en fin de vie, les observateurs considèrent qu’il existe un
véritable gisement offrant de multiples possibilités de développement d’activités dans ce
domaine. « Il n’est pas possible de savoir quel sera le prix du marché. Tout le monde veut
s’y engouffrer en pensant trouver un nouvel Eldorado » (Jean-Louis Demeulenaere,
Directeur Général de Geodis Solutions).
Le problème vient du fait que, malgré la tendance aux délocalisations, les sources de
déchets restent sur le lieu de la consommation. Il s’agit ici d’un marché sûr et voué à un
développement certain, notamment grâce aux diverses réglementations. Régulièrement, on
voit apparaître de nouveaux acteurs, de nouvelles filières de recyclage par exemple. Les
consultants en Supply Chain estiment qu’il est temps d’investir : « Nous sommes sur un
marché en pleine expansion qui va créer des vocations » (Valentin Pisa-Burgos, vice-
président de Diagma, Stratégie Logistique, janvier-février 2006, n°83).
Ainsi, le potentiel du marché du recyclage est tel que de nouvelles opportunités de
croissance se dessinent progressivement pour ce nouveau secteur. Le marché européen des
déchets bénéficie d'un contexte encore très favorable, notamment grâce à l’augmentation
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
119
régulière du volume de déchets, et au durcissement de la réglementation, qui garantit la
croissance du marché en valeur du fait des obligations de traitement. Le secteur du retour
des produits en fin de vie a réalisé un chiffre d'affaires global (toutes activités) de 7,9
milliards d'euros en 2004 (Agate Bienkowska, Alexis Duperray, Sabrina Hoareau, 2006).
Ensuite, ces réglementations encouragent l’innovation, et la RL devient un nouvel enjeu.
Selon l’analyse de Jean-Louis Chaussade, PDG de Suez Environnement, « la nécessité de
traiter de plus en plus de déchets se traduit par de nouvelles technologies, des
investissements et va déboucher sur une consolidation du secteur ». Selon Jérôme Le
Conte, Directeur général de Veolia Propreté, « le métier s’industrialise et nécessite des
modes de collecte et des capacités de centres de tri de plus en plus importants ».
Aujourd’hui, l’attrait du recyclage va au-delà des filières traditionnelles. Le recyclage des
plastiques fait partie des nouveaux enjeux, et certaines activités vont pousser cette filière à
se développer : meilleur tri des emballages ménagers, obligation de recycler les déchets
d’équipements électriques, etc. (L’Usine Nouvelle, 23-29 novembre 2006, n°3032).
Par ailleurs, conséquence de ces réglementations, il semblerait que le déchet devienne un
nouveau pétrole. Par exemple, les dernières filières à avoir vu le jour sont notamment le
démantèlement et la valorisation des avions et des navires. En Europe, ce sont 800 navires
de guerre et 1500 bateaux européens de la marine marchande qu’il faudra recycler. Selon
Alain Maubert, directeur général de la société Eurocompound, spécialisée dans le
recyclage des plastiques, « le déchet devient un nouveau pétrole » (L’Usine Nouvelle, 23-
29 novembre 2006, n°3032).
Par conséquent, il semble que la RL permet de développer de nouvelles compétences.
L’expertise des prestataires logistiques a pu se développer grâce à ce nouveau créneau
porteur. Ces intervenants se sont ainsi spécialisés et sont devenus très performants dans le
domaine de la RL. Dans le cas de Geodis (se référer à l’annexe 8), la RL a fait un grand
pas en avant depuis l’intégration dans le groupe en 1999 de la société Valenda, qui assure
la collecte et la valorisation des déchets produits par les opérations d’entretien et de
réparation des automobiles. Cette société prend en charge le transport, la logistique, le
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
120
tracking et le pilotage de l’ensemble du processus. Geodis a créé un pôle à part entière
pour l’environnement et la RL en 2002 (Stratégie Logistique, janvier-février 2006, n°83).
L’antériorité reconnue de Geodis sur le marché de la RL lui confère une avance
considérable. Dans une interview de Jean-Louis Demeulenaere, DG adjoint en charge de la
stratégie et du développement chez Geodis, nous constatons que la RL, notammenent grâce
aux nouvelles réglementations, représente un véritable enjeu. Geodis gère depuis
longtemps les retours de marchandises. Mais c’est grâce à la pression des réglementations
que le groupe a pu se développer sur cet axe stratégique, et son expertise la place en tout
premier plan vis-à-vis des entreprises. Geodis a choisi de se positionner en « general
contractor », soit en pilote de flux pan européen, qui sélectionne lui-même ses partenaires
pour les opérations de collecte, de transport et de traitement des produits.
Pour organiser sa RL, Geodis utilise son réseau de proximité afin de massifier les flux de
retour, ce qui lui permet d’optimiser les coûts. Trois sites sont entièrement dédiés aux
activités de RL (Italie, Allemagne et France). Geodis consacrera à terme plusieurs
centaines de millions d’euros par an à la RL, pour les activités de collecte, dépollution et
valorisation des DEEE. Pour lui, « c’est une vraie satisfaction de participer activement à
cette vaste entreprise citoyenne » (Supply Chain Magazine, décembre 2006, n°10).
De même, selon Dr. Rod Franklin, vice-président de Kuehne + Nagel, responsable des
solutions Supply Chain (notamment sur la RL), « la croissance de la logistique des retours
concernera trois secteurs : la logistique des pièces de rechange, la gestion
environnementale des retours de produits en fin de vie, mais également des supports
réutilisables » (Stratégie Logistique, janvier-février 2006, n°83).
Enfin, DHL Exel SC bénéficie déjà des moyens nécessaires à la RL des DEEE : transport,
logistique après-vente, copacking, etc. Ainsi, le groupe s’appuie sur des compétences
existantes et exploite cette force pour saisir l’opportunité liée à la nouvelle directive
européenne. Les résultats attendus sont encourageants : une croissance annuelle de l’ordre
de 5M€ sur deux ans, avec une rentabilité de 4,9%.
Le prestataire, tout comme Geodis ou Wincanton, n’a pas hésité à investir pour proposer
des offres « clé en main ». Or il est effectivement de leur responsabilité de prendre en
charge cette activité de RL étant donné leur savoir-faire. Leur rôle d’optimisation de la
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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collecte, du tri et de la valorisation est indéniable. Ils doivent également se rapprocher des
filières de recyclage qui naissent peu à peu. Les opportunités ne manquent pas, les besoins
sont croissants et ces prestataires n’hésitent pas à se précipiter dans ce nouveau créneau
prometteur. Selon Cathy Polge, journaliste de Supply Chain Magazine, « il y a assurément
du Business à la clef, et comme en plus, c’est pour la bonne cause, les prestataires
auraient tort de s’en priver ! » (Supply Chain Magazine, décembre 2006, n°10).
Toutefois, il est important de noter que les prestataires logistiques ne disposent pas des
compétences nécessaires pour réaliser l’ensemble des activités de la chaîne des retours. Ils
peuvent prendre en charge la collecte, le transport et le regroupement, voire les opérations
de tri sélectif, en utilisant des plates-formes. Mais ils doivent donc établir des partenariats
avec des entreprises spécialisées dans le tri, le recyclage ou la valorisation des produits
(Stratégie Logistique, janvier-février 2006, n°83).
3.2.4 Satisfaction des clients et image
La RL ne constitue pas uniquement une opportunité économique et légale. Elle a
également des conséquences positives sur le niveau de satisfaction des clients, et donc sur
l’image des entreprises qui s’engagent dans des actions favorables à l’environnement à
travers des processus de RL. Étudions quelques bénéfices permis par la RL.
D’abord, la RL permet de répondre aux attentes des clients tout au long de la chaîne
logistique. Selon certaines études, notamment dans Valeurs Vertes n°118, janvier 1996, il a
été révélé que la population montrait une attention et un intérêt croissants pour
l’environnement. Cette sensibilité se reflète de manière évidente dans le comportement de
consommation des sociétés, mais à deux conditions : il faut que le produit proposé et
fabriqué dans des conditions respectueuses de l’environnement procure le même service, et
qu’il ne coûte pas plus cher au consommateur. Prenons un exemple
significatif d’un tel comportement : la Smart, véhicule conçu par
Mercedes dans une logique de protection de l’environnement (il
présente en effet des impacts réduits sur l’environnement), est un
produit de taille réduite mais présentant un coût relativement élevé. Ces
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
122
caractéristiques en ont fait un produit dont le succès n’a pas été immédiat, et le démarrage
des ventes a été très lent du fait que le produit n’air pas su séduire sa cible (Jacques
Salamitou, 2004).
Toutefois, l’évolution constatée du comportement des consommateurs en faveur de
l’environnement a permis aux entreprises les plus perspicaces de saisir une nouvelle
opportunité, un nouveau créneau : l’environnement est alors devenu le nouvel argument
publicitaire. L’automobile se révèle être particulièrement concernée par cette tendance, et
même une entreprise comme Peugeot, qui était réticente au départ, se positionne
aujourd’hui comme pionnière dans ce domaine. Par ailleurs, il est très intéressant de noter
que dans cette nouvelle perspective, les entreprises qui prônent des valeurs
environnementales imposent également à leurs partenaires tout au long de la chaîne
logistique de se plier aux exigences environnementales afin de garantir une véritable
cohérence. Les entreprises qui se lancent dans de telles démarches vont jusqu’à menacer
leurs partenaires de rompre leur relation en cas de non-respect des préoccupations
environnementales. Dans le secteur du papier, on a même observé que certaines entreprises
imposaient à leurs fournisseurs de matière première (le bois des forêts) la mise en place
d’un système de management environnemental, SME (Jacques Salamitou, 2004).
Ensuite, le service supplémentaire de reprise proposé au client permet à l’entreprise de
bénéficier d’une meilleure différenciation et d’une meilleure satisfaction de la clientèle,
d’où une fidélisation accrue. En effet, créer un réseau performant de RL permet à terme
d’« apporter un service supplémentaire aux clients finaux tout en respectant les nouvelles
directives européennes » (Ruddy Sochay, CNRS). De plus, la fréquentation de l’enseigne
augmente si celle-ci propose des produits labellisés : écologiques, développement, durable
et commerce équitable sont des valeurs très séduisantes aujourd’hui (Maxime Oubrayrie,
2004).
Par ailleurs, la RL permet une amélioration de l’image de l’entreprise. Il est difficile pour
les entreprises aujourd’hui, malgré les efforts engagés, de se défaire de l’image de pollueur
qu’elles représentent dans l’esprit de l’opinion publique. Certaines entreprises ont de ce
fait opté pour une stratégie proactive afin d’améliorer significativement leur image. En
effet, elles ont compris que cela pourrait engendrer pour elles des conséquences très
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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négatives d’un point de vue économique. Même si l’on ne peut établir avec exactitude le
coût d’une image négative, les investisseurs ne semblent pas prêts à accorder leur
confiance à une entreprise qui ne saurait gérer son risque environnemental et qui ne montre
pas une véritable volonté de s’engager dans des actions réelles. De la même manière, les
consommateurs se montrent de plus en plus attentifs et sensibles au degré d’intégration de
l’environnement aux politiques des entreprises, et orientent de plus en plus leurs choix de
produits en fonction des « étiquettes vertes ». Nous pouvons citer le cas de Monoprix, qui
s’est ouvertement engagé pour l’environnement. L’opinion des consommateurs et leur
satisfaction représentent un enjeu que les entreprises ont bien compris : celles-ci sont très
sensibles aux réactions parfois radicales des consommateurs telles que les boycotts
(Jacques Salamitou, 2004).
La mise en place d’une RL fiable et efficiente permet de proposer un SAV performant, et
de ce fait d’améliorer la satisfaction client, ce qui bénéficie à la valeur de l’entreprise et à
son image. Selon Logistique et Management (2005), le principal objectif de la RL est de
« servir le client, pour un moindre coût associé au processus de logistique des retours ». Il
est indispensable en ce sens d’augmenter la satisfaction du client et le taux de service,
éléments qui constituent également un bénéfice certain pour l’entreprise du fait de leur
impact sur la valeur et la crédibilité de l’entreprise. D’où l’importance d’avoir un SAV
performant et fiable (Logistique et Management, 2005).
D’après le sondage « 88% des Français : ‘l’environnement est un atout pour l’entreprise’ »,
il semble que les entreprises qui s’engagent dans le chemin écologique gagnent la
préférence des Français : meilleure image, augmentation des ventes et meilleur potentiel
d’attraction des collaborateurs sont les principaux bénéfices identifiés au cours de
l’enquête. L’enjeu est d’autant plus important que les plus favorables aux actions
environnementales sont les plus diplômés (96% d’entre eux auraient d’autant plus envie
d’acheter), ainsi que les plus âgés et la population de la région parisienne : il s’agit des
populations ayant un pouvoir d’achat plus élevé que la moyenne française (L’Usine
Nouvelle, 01 à 07 février 2007, n°3041).
À travers cette étude, les Français lancent un message aux dirigeants d’entreprises : ils
doivent fournir un effort plus important. Plus de la moitié (54%) des sondés estime que les
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dirigeants n’ont pas encore suffisamment pris conscience de la nécessité d’intégrer des
actions environnementales dans leur activité. Il s’agit surtout des jeunes (64%) et des
diplômés (59%) (L’Usine Nouvelle, 01 à 07 février 2007, n°3041). Les entreprises qui
s’investissent dans les problématiques environnementales sont donc gagnantes. Toutefois,
les Français sont d’accord pour adopter des produits verts, mais pas à n’importe quel prix :
il s’agit ici d’un nouveau message pour les industriels (L’Usine Nouvelle, 01 à 07 février
2007, n°3041).
Par ailleurs, l’approche volontariste est une clé de réussite pour une entreprise qui
déciderait de s’investir dans des actions responsables. Ainsi, les systèmes volontaires /
obligatoires imposent un choix stratégique aux entreprises. Il est intéressant de revenir sur
un tel arbitrage. Par exemple, les producteurs de systèmes informatiques se basent sur le
volontariat : ils regroupent les appareils sur des plateformes européennes de retraitement,
les fabricants reprennent les photocopieurs, et font appel à des sociétés spécialisées dans le
démantèlement.
Les avantages des systèmes volontaires sont multiples. Ils apportent une « appropriation »
de la réglementation et des codes de conduite à adopter par les acteurs, qui veulent limiter
l’intervention de l’Etat. L’approche volontaire, proactive, permet à terme une meilleure
efficience économique, et une meilleure flexibilité (Gérard Bertolini, 2005).
Toutefois, il est important de connaître également les inconvénients de l’approche
volontariste pour l’entreprise. D’abord, les acteurs doivent être fortement motivés pour agir
dans ce sens. Ils doivent faire preuve d’un esprit coopératif et d’une véritable capacité
d’auto-organisation. Il peut être nécessaire d’envisager éventuellement la non participation
de certains acteurs, notamment des « free-riders », ou passagers clandestins, qui
bénéficient des avantages sans subir les contraintes. Enfin, il n’existe pas de sanction en
cas de non-atteinte des objectifs (Gérard Bertolini, 2005).
Étudions à présent l’exemple d’une entreprise engagée dans une démarche volontaire :
Canon. Canon se positionne en entreprise proactive en allant au-delà des exigences
réglementaires : l’entreprise se situe en effet bien au-dessus des taux imposés par la
directive (75% pour la valorisation et 65% pour le recyclage et la réutilisation). En effet,
Canon France a imposé dès janvier 2005 un seuil de 10 points supérieur à ces taux
(Stratégie Logistique, mai 2005, n°76). Dans une logique de protection de
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
125
l’environnement, Canon France s’engage dans la suppression des substances dangereuses
et des matières non recyclables au niveau de la conception de ses
produits. L’entreprise a même mis en place un système de
récupération et de recyclage pour les composants des machines et des
cartouches d’encre (Stratégie Logistique, mai 2005, n°76).
Canon effectue son recyclage en Bretagne, auparavant cette opération
était effectuée en Chine. L’entreprise a également participé en 2001 à la fondation de
Conibi, à savoir le « CoNsortium Industriel Bureautique Informatique », qui prend en
charge la logistique de « récupération, de stockage et de valorisation des produits ».
l’objectif fixé à l’usine bretonne est une valorisation de 100% des déchets produits. A ce
jour, on estime que 63% des composants des cartouches sont valorisés et 37% sont
incinérés avec récupération d’énergie. Une opération automatisée de tri des cartouches
broyées permet de séparer les différentes matières chimiques qui composent les produits.
Ces matières sont ensuite revendues, ce qui permet à Canon d’en dégager un certain profit.
Certains de ces composants chimiques tels que les plastiques mélangés sont d’ailleurs
réutilisés pour la fabrication de nouveaux produits (Stratégie Logistique, mai 2005, n°76).
Aussi, les approches volontaires sont à favoriser et à encourager afin de respecter les
contraintes environnementales mais également afin de responsabiliser les entreprises. « La
Commission Européenne dans son huitième programme reconnaît et encourage le principe
de démarche volontaire des entreprises pour aborder la protection de l’environnement. »
(Jacques Salamitou, 2004).
Afin d’illustrer le fait que la RL constitue une réelle opportunité pour les entreprises, il est
intéressant d’exposer l’exemple de la société Airbus. Une dizaine d’appareils en fin de vie
seront admis à Tarbes dès 2008, dont deux ou trois devraient y être traités entièrement et
recyclés. De cette manière, le projet « Pamela » (Process for Advenced Management of
End-of-Life Aircraft) devrait permettre de déterminer des procédures de déconstruction et
de recyclage des pièces et équipements d’avions (article « Les Airbus seront ‘désossés’ à
Tarbes », Marina Angel, L’Usine Nouvelle, 01 à 07 février 2007, n°3041). Il s’agit pour le
constructeur européen Airbus de se conformer aux réglementations en vigueur concernant
la gestion des produits industriels en fin de vie, mais également de proposer un service
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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supplémentaire aux compagnies aériennes en démantelant leur flotte hors d’usage (L’Usine
Nouvelle, 01 à 07 février 2007, n°3041).
Ce marché semble très avantageux et prometteur : Sita développe des activités de
recyclage, notamment la collecte, le tri et la valorisation. Pour cette société, il s’agit de se
positionner sur un nouveau segment de marché très intéressant : par exemple, uniquement
sur le marché des avions commerciaux de plus de 100 places, on atteint environ 100
appareils déclarés hors d’usage chaque année dans le monde. Ce nombre devrait atteindre
150 en 2012 et dépasser les 300 appareils par an en 2015. Jean-Luc Taupiac, responsable
des moyens techniques chez Airbus France, précise que « le marché potentiel du
démantèlement est évalué à 6500 appareils sur les 20 prochaines années ». L’objectif du
projet Pamela est de « démontrer la faisabilité d’un processus industriel de traitement qui
assurerait le recyclage de 85 à 90% des composants d’un avion à l’horizon 2015 »
(L’Usine Nouvelle, 01 à 07 février 2007, n°3041).
La zone actuelle devrait être agrandie et reconfigurée afin d’assurer l’intégration des
entreprises intéressées. Les investissements à prévoir sont de taille : 6,8 millions pour
l’accès par la route et pour l’aménagement d’une aire de stockage des avions notamment
ainsi que pour la construction d’une zone étanche pour le démantèlement des avions. De
même, un investissement de 12,5 millions d’euros sera consacré à la construction d’un
hangar de 9 000 mètres carrés ainsi que dans l’acquisition de l’outillage et de l’équipement
nécessaires au lancement industriel de cette activité. Enfin, il est prévus que l’effectif de la
plate-forme atteigne les 70 salariés d’ici trois à cinq ans (L’Usine Nouvelle ; 01 à 07
février 2007, n°3041).
Pour conclure, nous pouvons affirmer que la barre à franchir n’a jamais été aussi haute
pour la planète, et l’industrie a un rôle crucial : elle se doit de bien se positionner, et de
transformer cette contrainte en opportunité. Pour Nicola Stern, « l’action sur le
changement climatique créera de nouveaux marchés dans les technologies énergétiques,
les biens et les services moins carbonés. Ils pourraient représenter des centaines de
milliards de dollars chaque année » (L’Usine Nouvelle, 01 à 07 février 2007, n°3041).
Nous distinguons ici l’importance de la RL dans le sens où elle représente un enjeu, un défi
à relever pour les entreprises industrielles, non seulement pour agir en faveur de
l’environnement mais aussi en faveur de la société. Toutefois, si la RL représente un outil
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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décisif de progrès pour les entreprises, celles-ci sont confrontées à de multiples obstacles
qui freinent leur engagement : il est indispensable de proposer des solutions afin de leur
permettre de contourner ces obstacles et de s’investir dans des démarches de progrès
durable.
3.3 Solutions et recommandations pour surmonter les freins
Nous avons ainsi comparé les obstacles et les bénéfices de la RL pour les entreprises. Nous
pouvons dès lors proposer différentes solutions et élaborer certaines recommandations
pour surmonter les freins à la mise en place de la RL dans les entreprises, et de ce fait
encourager ces acteurs à valoriser la RL.
3.3.1 Réorganiser les systèmes, repenser les organisations et processus
Cette première solution consiste à centraliser la gestion des retours et à organiser les
activités d’un centre de traitement. Un système centralisé consiste à regrouper tous les
produits du pipeline de rétrologistique sur un site central afin d’y être triés, traités et
expédiés vers leur prochaine destination. L’avantage majeur de ce type de système est de
créer de plus grands volumes pour chaque flux de retour : le triage peut ainsi être
rentabilisé, l’entreprise peut développer une expertise dans un ou plusieurs domaines, et
peut trouver systématiquement la meilleure destination pour chaque article retourné
(Alexandre K. Samii, 2004).
Ces centres regroupent sur une région les produits retournés par la distribution et peuvent
en disposer de manière convenue contractuellement par le fabricant et le distributeur.
L’activité de triage constitue l’étape majeure, lors de laquelle on prend les décisions de
revente ou d’élimination de chaque produit et composant. Ces centres permettent ainsi
d’ordonner les flux de retours, qu’il s’agisse de matières, d’informations ou de flux
financiers. Ces flux peuvent ensuite être intégrés dans un système informatique afin de
revaloriser les actifs circulants (Alexandre K. Samii, 2004).
Ainsi, grâce à la mise en place de ces centres de traitement, on constate une meilleure
organisation des flux de retour, qui sont plus cohérents, et de la collecte. La standardisation
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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permet la mise en place progressive d’un processus d’amélioration continue, ce qui permet
de réduire les gaspillages et de valoriser la formation du personnel affecté à ces centres de
traitement. L’espace est optimisé, la manutention s’automatise progressivement, ce qui se
traduit par un gain significatif d’espace et de propreté au niveau des sites, à tout niveau de
la chaîne (Alexandre K. Samii, 2004).
De la même manière, ces sites permettent de mieux rentabiliser les coûts de personnel, et la
mise en place d’une collecte groupée permet d’optimiser les coûts de transport. De son
côté, le fabricant peut améliorer nettement son service clientèle : les processus de
vérification des commandes livrées et les processus d’autorisation de retour sont plus
rapides. Par ailleurs, il peut consolider l’information nécessaire à la gestion du site en
renseignant les tendances de retours. La fidélisation des clients, même des plus
mécontents, est également facilitée par le traitement des transactions de retour et par
l’accélération des procédures d’acceptation et de redressement des facturations. La
satisfaction de la clientèle renforce le capital confiance accordé à l’entreprise.
Les problèmes liés à la qualité apparaissent de manière plus évidente car le fabricant a
accès à une source d’information centralisée, ce qui lui permet d’éliminer les
dysfonctionnements récurrents au fur et à mesure et ainsi d’améliorer son produit
(Alexandre K. Samii, 2004).
Le problème de la centralisation ou non du tri se pose : un site par pays permet par
exemple de réaliser des économies d’échelle et une meilleure maîtrise des circuits, alors
que la multiplication des sites permet de ne pas encourager les situations de monopole et
de limiter les transports (Bertolini). Un arbitrage est donc nécessaire, mais il doit être
confié à chaque entreprise en fonction de son secteur et de son organisation actuelle.
Le jour où les entreprises accorderont autant d’importance au recyclage des déchets qu’à
leur transport, on favorisera alors certainement les grandes unités de traitement des déchets
plutôt que les petites unités diffuses. En effet, il est plus facile de rentabiliser une grande
plate-forme de traitement et de recyclage du fait du coût des équipements fixes et coût de
traitement des rejets dans l’atmosphère (et il y aura moins de transport entre chaque unité).
(CEMT)
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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Par conséquent, la centralisation des activités permet une massification des flux ainsi
qu’une optimisation du transport des déchets. Grâce à la massification des flux, on
obtient l’optimisation du coût d’acheminement des produits qui suivent le flux des retours.
Toutefois, en ce qui concerne la loi, les experts ont estimé qu’il était indispensable de
proposer une réglementation plus flexible en ce qui concerne les importations et le
transport international de déchets non dangereux. Certaines matières telles que le papier, la
ferraille ou le plastique s’exportent facilement. Or, comme nous l’avons vu, pour
rentabiliser une grande plate-forme de traitement et de recyclage en lui faisant atteindre
une masse critique, il est nécessaire d’avoir un flux important de déchets à traiter. De ce
fait, l’importation et la convergence des flux vers un nombre limité de grandes plates-
formes aurait pour conséquence la rentabilisation des centres. « Pour le recyclage, il faut
en effet dépasser les limites géographiques du principe de proximité et donc admettre un
certain ‘tourisme’ des déchets tant qu’ils ne présentent pas un caractère dangereux »
(Conférence Européenne des Ministres des Transports,16-17 décembre 1999).
Les centres de transfert permettent la réduction des coûts de transports de trois manières.
D’abord, un seul camion peut transporter une quantité bien plus importante de déchets : le
chargement est optimisé. Ensuite, les infrastructures sont solides et fiables et ne
représentent pas un investissement trop important. Enfin, leur exploitation est simple et ne
représente pas de coût important (Maxime Oubrayrie, 2004).
L’utilisation d’un centre de transfert présente deux avantages majeurs : d’abord, la
massification des flux engendre des économies sur les coûts de transport. De plus, les
véhicules de collecte et de transport, ainsi que les centres de traitements, sont optimisés. Il
en résulte une diminution significative de l’ensemble des coûts pour les entreprises.
Etudions à présent la question du transport. Le transport routier permet une grande
souplesse d’exploitation pour un investissement réduit, ce mode de transport est donc
viable économiquement, malgré les nuisances environnementales qu’il crée : cet élément le
rend donc peu recommandable dans notre cas.
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Le transport ferroviaire peut être proposé comme alternative à la route. Il permet en effet
d’acheminer de grandes quantités de déchets sur de longues distances, à condition que le
centre de transfert et le centre de traitement soient raccordés à une voie ferrée. Il est
recommandé de regrouper plusieurs centres de transfert afin d’optimiser le chargement des
trains, et de ne pas avoir de conteneurs vides ou peu utilisés. Cette solution permet de
réaliser d’importantes économies. Pour le « recyclage embranché », le chemin de fer
devient une alternative très compétitive : au moment où l’on installe de nouveaux
équipement sur les plates-formes de traitement, une étude d’impact peut permettre de
dégager pour chaque site quelles conditions sont à prendre en compte et donc quelles
infrastructures seraient les mieux adaptées. Par exemple pour le rail, si les centres de
transfert ne sont pas équipés pour recevoir les flux par voie ferrée, les surcoûts peuvent
être difficiles à assumer et des difficultés d’exploitation peuvent survenir si le centre de
traitement ne dispose pas d’une voie ferrée interne permettant le déchargement à l’intérieur
de l’installation. Cependant, certaines innovations apparaissent en Europe telles que le
tramway de Saint Petersbourg : ces innovations sont à étudier et à exploiter (Conférence
Européenne des Ministres des Transports,16-17 décembre 1999).
Les inconvénients majeurs du rail doivent être reconnus : ce mode est de plus en plus
utilisé pour les déchets bruts et recyclés, mais il manque de flexibilité et de souplesse
lorsque la collecte est intégrée au transport. Ce mode est par ailleurs peu adapté au principe
de proximité car les distances sont alors trop courtes pour que ce système soit justifié, étant
donné son coût.
Le transport fluvial présente certains avantages : il s’agit essentiellement de sa grande
capacité de chargement et de son coût réduit, qui en font un mode de transport tout à fait
compétitif dans certains cas (Maxime Oubrayrie, 2004). Les centres de traitement et de
transfert doivent néanmoins se situer sur des quais, ce qui n’est pas toujours le cas et peut
donc nécessiter des investissements. La construction de nouvelles infrastructures ou la
mise en place d’un système multimodal peuvent être nécessaires afin d’acheminer les
déchets en provenance ou en direction des centres. Ce système est essentiellement
recommandé pour la gestion des déchets lourds et non polluants tels que ceux issus du
secteur de la construction et de la démolition : l’inconvénient majeur de cette solution est
en effet la difficulté d’implanter des centres de traitement à proximité des voies fluviales.
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131
De ce fait, il est nécessaire d’établir un second centre de transfert entre le port de
déchargement et le centre de traitement, ce qui rend la solution plus complexe et coûteuse.
Les barges n’ont pas de limitation de tonnage, il est donc possible de les charger avec
d’importants volumes (Maxime Oubrayrie, 2004).
Dans un système d’intermodalité, lorsque les déchets sont stockés dans un centre de
regroupement ou passent par un centre de transfert, le principe de conteneurisation devient
central. Les caissons amovibles permettent de transférer les flux facilement de la route au
rail ou au fluvial, bien que deux freins soient identifiés : les conteneurs réduisent la charge
utile, et toute rupture de charge coûterait très cher (Conférence Européenne des Ministres
des Transports,16-17 décembre 1999).
Si toutefois la solution de la massification des flux via les centres de transfert n’était pas
viable, il est possible de réduire les coûts de transport par d’autres moyens.
D’abord, il est possible d’agir au niveau de la conception des produits et du choix des
composants : l’utilisation d’un nombre réduit de composants permet de réduire le nombre
de filières de retraitement nécessaires en fin de vie du produit. Si les produits sont
facilement démontables ou utilisent des composants non polluants et respectueux de
l’environnement, les opérations de RL telles que le retraitement sont également facilitées.
De même, la mutualisation des efforts peut constituer une bonne alternative. Il est en
effet possible de se débarrasser des consommables issus de l’informatique « en mutualisant
les moyens pour réduire les coûts et assurer un taux de ramassage efficace » (article
« Informatique : du recyclage des consommables à une politique globale », Stratégie
logistique, juin 2004, n°67). Ainsi, la plupart des producteurs de consommables a adhéré à
la SAS Conibi. Cette société propose des opérations de collecte des déchets, tri, transport
et valorisation, tout en assurant la traçabilité complète tout au long des processus. Les
coûts liés à ces produits sont pris en charge par les sociétés signataires.
Essayons de comprendre le processus logistique mis en place par Conibi : des « éco-box »
(conteneurs en carton) sont mis à disposition des entreprises pour leur permettre de
collecter leurs déchets informatiques et de les regrouper. Une fois que les conteneurs sont
pleins, le client de Conibi fait appel à la société via son site Internet pour organiser la
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collecte. Puis le client télécharge un bon de commande, le remplit et le renvoie par email.
Conibi réceptionne les documents et répartit les demandes d’intervention chez ses
différents partenaires en fonction de leur situation géographique. Ces sous-traitants se
chargent ensuite de prendre rendez-vous chez le client de Conibi, et organisent la collecte.
Au moment de récupérer les conteneurs pleins, le sous-traitant de Conibi donne en échange
des conteneurs vides au client, qui signe alors un bordereau de suivi des déchets
industriels. Il en recevra un exemplaire à la fin du processus, précisant le devenir de
chacune de ses références (Stratégie logistique, juin 2004, n°67).
Puis, les produits collectés sont rassemblés sur une plate-forme de tri. Ils sont séparés par
marque, par référence et par nature. 80% des consommables sont recyclés chez les
constructeurs, en réintroduisant des composants en bon état dans le processus de
production (Stratégie logistique, juin 2004, n°67).
3.3.2 Agir sur les politiques internes
Outre la réorganisation des processus, il existe diverses solutions afin de contourner les
freins à la mise en place de la RL : les entreprises peuvent agir sur leurs politiques internes.
La première solution apparaît comme une nécessité : il s’agit du gatekeeping (contrôle de
l’accès aux flux de retour). Cette nouvelle logique de gestion peut se définir comme « le
filtrage, au point d’entrée, des processus de logistique de retour, de marchandises
défectueuses ou de retours indésirables ; ce filtrage permet de rendre les flux de retour
gérables et rentables dans leur globalité. » (Alexandre K. Samii, 2004). Alexandre K.
Samii donne un exemple afin d’illustrer cette réflexion : « Une entreprise de grande
distribution, très performante en termes de service clientèle et de marketing centré sur le
client, suit une politique de retour très généreuse. Elle est connue pour être prête à
accepter des articles partiellement utilisés et à accorder au client un remboursement total
s’il n’est pas satisfait. De ce point de vue, tous les risques associés à l’achat d’un produit
sont pris en charge par le vendeur plutôt que par le consommateur. Ce
concept d’affaire augmente les ventes, attire les clients, mais pose un
problème majeur : il peut encourager certains abus. Si cette entreprise
n’utilise pas les techniques de contrôle d’accès, il peut arriver que des
personnes retournent à e marchand des articles qui ne lui ont pas été
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
133
achetés. Son flux de retour se trouve ainsi engorgé par un flux de marchandises provenant
d’autres marchands. Une solution pour cette entreprise serait d’utiliser des tiers et
d’externaliser une gestion contrôlée de ses retours. » Cet exemple nous montre bien toute
l’importance d’une politique de gatekeeping pour une entreprise qui souhaite mettre en
œuvre une RL efficiente.
On voit ainsi que le gatekeeping est une activité déterminante dans la chaîne des retours.
Le service clientèle doit donc être formé pour contrôler l’accès aux flux de retour, et la
traçabilité du produit doit faciliter la décision d’orientation des marchandises retournées.
De ce fait, il est à présent nécessaire de montrer l’importance d’une traçabilité
performante. Tracer les retours est indispensable. Cyclamed est un exemple de filiale qui
ne fonctionne pas de manière optimale : la société a montré d’importantes fautes
notamment pour la revente des produits repris, ou l’envoi de médicaments inadaptés aux
pays du tiers monde. Dans le cas des médicaments, la difficulté est de connaître de façon
précise les conditions de stockage et de conservation des produits, afin de savoir s’il est
possible de les envoyer aux pays nécessiteux. D’où l’importance d’une traçabilité
performante : « La problématique des produits impropres à la consommation est de
connaître précisément les références concernées et de pouvoir remonter à la source.
Ensuite, la gestion des retours implique d’envoyer les produits chez les spécialistes pour
destruction. » (Eric Hémar, directeur général d’ID Logistics, Stratégie Logistique, mars
2005, n°74).
Par conséquent, nous constatons qu’il est nécessaire de mettre en place un système
informatique adapté aux retours afin de garantir une traçabilité performante. Les systèmes
informatiques actuels ne sont pas suffisamment performants pour accueillir les processus
de retour. Le développement de logiciels adaptés est souvent long, et prend du retard car
cela n’est pas considéré comme une priorité pour les entreprises. Or, la mise en place d’un
système informatique couvrant l’ensemble de la chaîne et plusieurs entités est très
complexe et demande une grande flexibilité. Un détaillant doit être capable, grâce à ce
système, de tracer les marchandises dans un flux de retour partant du point de vente pour y
retourner (Alexandre K. Samii, 2004). Ainsi, la traçabilité des produits d’aval en amont est
bien plus difficile à appréhender que dans le sens traditionnel. Or, les standards EDI ont été
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développés pour s’adapter aux contraintes de la gestion des retours : 180 types de
transactions de retours entre fabricants et détaillants ont été élaborées. Mais le langage
structuré de l’EDI est difficile à manier, et donc peu souvent utilisé. Toutefois, avec le
développement des logiciels à interfaces Internet, l’informatique peut devenir plus
conviviale et plus accessible, tout en étant moins coûteuse en temps et en efforts de
formation.
Les codes EDI sont structurés en deux catégories (tableau 5) :
Raisons du retour Mode de traitement
Réparer / entretenir
Cela va de la réparation d’erreurs dans le
cycle de commande à la réparation /
entretien / maintenance
Endommagé / défectueux
Du défaut apparent au vis caché,
fonctionnement défectueux
Contrat de service
Retour contractuel : stock excessif, rotation
insuffisante, produit obsolète
Divers
Endommagé lors du transit
Réparer / modifier
Remanufacturer, réhabiliter, modifier les
configurations, réparer, retourner au
fournisseur
Eliminer de la chaîne logistique
De la destruction à la cession à des tiers ou
l’offre vers un marché parallèle
Procédure standard
Outre les procédures standards, des
échanges / remplacements ont lieu
Divers
Utiliser / revendre / rabais
(AK Samii)
Le système d’informations permet d’optimiser la gestion des flux retours en favorisant
une traçabilité sans faille, d’où l’émergence de deux avantages majeurs. D’une part, il
permet une identification précise des produits qui intègrent le processus de retour, ainsi
que des motifs du retour. D’autre part, la mise en place d’un système de contrôle des
produits en fin de vie permet de présenter un justificatif aux pouvoirs publics afin de se
conformer à la réglementation.
En règle générale, les prestataires logistiques tels que les transporteurs, logisticiens et
spécialistes du traitement et de la valorisation se chargent d’assurer la traçabilité,
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conformément aux exigences des fabricants et des distributeurs. Ceux-ci peuvent
notamment exiger l’utilisation du code barres ou de la technologie RFID.
3.3.3 Développer des stratégies externes
Parmi les stratégies externes visant à faciliter la mise en place de la RL, nous devons
valoriser l’importance des partenariats et de l’externalisation. Depuis le 15 novembre
2006, les fabricants de produits électriques et électroniques sont responsables de la gestion
de fin de vie de leurs produits. En réalité, la directive européenne votée le 8 décembre
2003 à ce sujet leur laisse comme alternative soit de créer leur propre filière soit de s’allier
entre eux pour créer des organismes. Tous ont choisi la solution des organismes, qui ont
pour rôle de prendre en charge le recyclage des produits des fabricants, qui doivent quant à
eux assumer le paiement au prorata de leurs parts de marchés. Ces derniers répercutent
ensuite les coûts sur les consommateurs. De ce fait, une nouvelle ligne est apparue sur les
factures depuis le 15 novembre 2006 : cette taxe, qui peut aller jusqu’à environ 13 euros
pour le gros électroménager, sera mise en place jusqu’en 2011 et devrait permettre de
récolter 100 millions d’euros par an afin de financer le recyclage de ces produits (L’Usine
Nouvelle, 23-29 novembre 2006, n°3032).
Une telle politique d’externalisation permet non seulement de se recentrer sur son métier
de base, mais également de confier la complexité de la gestion des retours à des entités
spécialisées, afin notamment de minimiser les investissements nécessaires (automatisation
par exemple). Les prestataires à l’entreprise permettent de bénéficier d’activités à plus
forte valeur ajoutée dans la mesure où ils combinent le transport, la passation de
commande, la manutention et le stockage. Cela conduit in fine à une gestion des retours
plus efficiente et plus efficace (Alexandre K. Samii, 2004).
Aussi, Volker Daut estime qu’il est préférable d’externaliser vers des spécialistes.
Aujourd’hui, certaines entreprises telles que les constructeurs automobiles s’entêtent à
rassembler des parties importantes, comme le tableau de bord d’un véhicule. D’autres
entités spécialisées peuvent être plus rapides et plus performantes. En recourant à de tels
partenariats, l’entreprise n’a pas à assumer les coûts financiers des salariés notamment.
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136
Volker Daut est donc favorable à l’externalisation, en utilisant des partenariats et en
valorisant des flux visibles par informatique (Logistique et Management, 2005, n°13).
Par ailleurs, pour garantir le succès d’une stratégie de RL, une attention particulière doit
être portée aux bouts de chaîne, c’est à dire à l’amont (collecte et pré-collecte), et surtout à
l’aval (débouchés). L’existence de débouchés constitue une condition sine qua non pour
mettre en place une nouvelle filière. Par exemple, si un outil de la chaîne de retraitement
tombe en panne, et si la collecte se poursuit, le stockage se fait dans de mauvaises
conditions et l’ensemble du processus est altéré (Gérard Bertolini, 2005).
Une autre manière de gérer le recyclage et de financer ces opérations serait de proposer
une taxe. En effet, les différentes opérations qui composent ce processus ont un coût : ce
coût peut être répercuté dans le prix que paye le déconstructeur. Manuel Munoz, PDG
d’Indra et président de la FNDA (Fédération Nationale de déconstruction Automobile),
cite ici l’exemple des Pays-Bas : « ce pays est très sensibilisé sur l’environnement. Un
système a été mis en place où chaque voiture importée est taxée pour gérer le recyclage. Et
leur objectif est d’atteindre 95% de recyclage dès 2007. En France, il est regrettable que
nous attendions la promulgation de textes réglementaires pour que chacun prenne ses
responsabilités… » (Stratégie logistique, juin 2004, n°67).
L’idée d’imposer une écotaxe pour le petit électroménager a notamment été émise par
Darty, qui estime qu’il est en avance pour la logistique, le recyclage et la valorisation du
gros électroménager. Toutefois, la situation est différente pour le petit électroménager : les
appareils de cette catégorie ne sont pas repris lors d’une livraison à domicile, et sont de
moins en moins souvent réparés. Comme le précise Alexandre Gallon, « nous sommes sur
des marchés avec des baisses de prix de 10 à 15% par an. Il n’est pas possible de les
réparer. L’intérêt est que la planète ne devienne pas une poubelle, d’où la nécessité de
recycler et de valoriser. La solution serait d’imposer une écotaxe, déjà appliquée dans les
pays du Nord de l’Europe. Elle prend en compte le coût de traitement de l’appareil. Il faut
intégrer le recyclage du produit avant sa mise en vente comme dans l’automobile ».
Pour Darty, la protection de l’environnement se situe également dans ses entrepôts : son
site le plus important valorise ou recycle donc 95% de ses déchets (Stratégie Logistique,
juin 2004, n°67).
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137
De la même manière, pour avoir une meilleure surveillance des déchets dangereux et
uniformiser les règles du transport international, les experts de la table ronde de la CEMT
proposent d’instaurer une licence CEMT pour ces déchets. En effet, les différentes
législations constituent un frein aux mouvements transfrontaliers, nécessaires au recyclage
de certains déchets, et engendrent des coûts supplémentaires pour ces déchets. La
réglementation doit être cohérente et comporter des règles strictes, applicables de manière
uniforme dans tous les pays concernés (Conférence Européenne des Ministres des
Transports,16-17 décembre 1999).
3.3.4 Adopter un nouveau mode de pensée
Il est indispensable de souligner l’importance d’une nouvelle approche pour les
entreprises. Celles-ci doivent en effet revoir leur mode de fonctionnement. La première des
solutions serait de « penser le territoire comme un écosystème ». Nous pouvons voir dans
cette nouvelle façon de penser les prémices d’une nouvelle économie industrielle :
l’écologie industrielle. Il s’agit de penser le territoire comme un écosystème dans lequel la
matière rejetée par une entité est utilisée par une autre. L’objectif étant de limiter au
maximum la production de déchets de l’industrie mondiale. Les industriels savent déjà
comment valoriser leurs déchets. Toutefois, il est bien plus difficile de rationaliser les flux
de déchets. Un modèle a été longuement étudié : il s’agit de celui de Kalundborg au
Danemark. Au total, ce sont 19 échanges qui ont été mis en place, dont des matières telles
que la vapeur, les eaux usées, le soufre, etc. Les économies réalisées sont de taille : 20 000
tonnes de pétrole, 200 000 tonnes de gypse et 3 millions de mètres cubes d’eau. Le retour
sur investissement d’une telle symbiose est inestimable (article « J’ai rêvé d’une industrie
propre », L’Usine Nouvelle, 01 à 07 février 2007, n°3041).
Le pays où l’enjeu est le plus fort du fait de la croissance incessante de son nombre de
parcs industriels est la Chine. Ce pays a inscrit dans son objectif (plan quinquennal 2006-
2010) le principe de « l’économie circulaire », qui devrait lui faire rechercher
systématiquement les boucles réalisables pour la matière, l’énergie et l’eau (L’Usine
Nouvelle, 01 à 07 février 2007, n°3041).
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138
Pour conclure cette deuxième partie, nous pouvons affirmer qu’il est nécessaire de
reconfigurer les processus des entreprises, afin qu’elles puissent contourner les freins
potentiels à la mise en place de la RL. Les entreprises pourront alors tirer profit des
multiples bénéfices que la RL pourrait leur apporter. Toutefois, cet objectif ne pourra être
atteint que si les entreprises adoptent un nouveau mode de pensée, orienté vers la
protection de l’environnement et plus uniquement dans une logique de profit maximum.
La RL doit être considérée comme un véritable enjeu. Les entreprises doivent être capable
d’évaluer l’ensemble des coûts et des obstacles qui entravent la mise en place de la RL au
sein de leur organisation, puis elles doivent identifier et mettre au point des solutions visant
à contourner ces freins. De cette manière et en considérant l’ensemble des bénéfices
potentiels, cette activité porteuse devrait constituer une véritable motivation pour les
entreprises, et par extension un moteur de progrès pour l’environnement et la société.
In fine, la RL constitue donc une solution aux problématiques de RSE et de DD.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
140
Pour conclure, nous pouvons synthétiser les principaux résultats de nos analyses, et
identifier leurs limites.
Les différents apports de la première partie concernant la RSE nous montrent la nécessité
de prendre en compte les attentes des parties prenantes afin de garantir la survie des
entreprises, soumises aux pressions sociales et à l’influence de ces acteurs puissants. Ainsi,
l’entreprise doit agir de manière socialement responsable afin de gagner la confiance, la
bienveillance et le soutien de ses parties prenantes. Il est également indispensable de faire
preuve d’éthique et de transparence dans le management. L’entreprise doit donc agir de
manière proactive et montrer son nouveau rôle citoyen.
Avec la croissance économique et la recherche permanente de nouveaux profits, on a vu se
constituer de nouveaux groupes d’opinion qui ont soulevé de nouvelles préoccupations, à
savoir des nuisances liées aux activités des entreprises (sur l’environnement et la société
essentiellement). Ces groupes d’opinion, les parties prenantes, sont plus ou moins
directement concernés par les pratiques des entreprises, d’où un nouvel enjeu pour celles-
ci : concilier leur intérêt économique avec celui des parties prenantes. Cette forme
d’obligation envers la société donnera naissance à la RSE, qui implique que les entreprises
et les modèles économiques modernes ne peuvent plus se permettre d'orienter leurs efforts
uniquement vers des objectifs de croissance économique : ils doivent également prendre en
compte les attentes des parties prenantes, garantes de leur légitimité du fait de leur pouvoir
et de leur influence. Ainsi, les entreprises doivent reformuler leurs objectifs dans une
logique de développement durable, à long terme.
Selon les idées développées par Mourad Attarca et Thierry Jacquot (mai 2005) autour du
concept de RSE, « l’entreprise doit être considérée comme une institution sociale dont les
activités s’inscrivent dans la vie de la Cité et qui, à ce titre, est responsable vis-à-vis de
tous les autres acteurs de la société ». Selon Buccholz (1996), les dirigeants d’entreprises
ont pris conscience de l’impact néfaste de leurs activités sur la société et l’environnement :
ils ont ainsi réalisé que la recherche de la performance économique ne génère pas
forcément le bien-être et le progrès social, et qu'elle peut se reprocher d’être responsable de
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
141
nombreuses dérives telles que la discrimination, les écarts de développement et
l’insécurité.
Par ailleurs, comme le souligne Patrick D’Humières (2005), les engagements des
entreprises en matière de développement durable montrent leur implication et leur volonté
de se conformer aux principes de la RSE. Ces actions sont reportées dans leur rapport de
développement durable. Celui-ci voit peu à peu se dessiner une trame, une structure de
base, qui deviendra bientôt une norme afin d’uniformiser l’ensemble des rapports, en
nombre croissant. Le concept de DD est lui-même de mieux en mieux défini et structuré.
Le rapport qui découle de cette responsabilité accrue des entreprises doit donc entrer dans
une logique et être certifié, afin de servir d’appui à la communication globale de
l’entreprise.
Ce rapport sert également de réponse face aux interrogations et aux pressions des ONG,
des médias, des gouvernements, de l’opinion publique, qui dénoncent le « too much
corporate power », en d’autres termes le fait que l’entreprise ait trop de pouvoir. Celles-ci
doivent donc rendre compte de la manière la plus transparente possible de leurs actions
actuelles, et de celles qu’elles comptent engager pour répondre aux pressions sociales.
Toutefois, nous pouvons analyser les limites de la notion de RSE. D’abord, les démarches
de RSE ne sont pas encore formalisées, elles sont encore au stade « embryonnaire ». De
plus, comme nous l’avons montré, elles restent du domaine du volontariat : le problème
d’une action volontaire, comme nous l’avons expliqué, est que ces démarches doivent être
adoptées par le plus grand nombre d’entreprises afin d’être crédibles.
Par ailleurs, les entreprises qui choisissent de s’investir dans une démarche de RSE doivent
accepter d’engager de lourds investissements. De même, le passage d’une stratégie réactive
d’adaptation aux normes et aux réglementations à une stratégie proactive de RSE nécessite
un effort considérable de la part des employés et des dirigeants des entreprises : le
management du changement devient alors un enjeu déterminant, un véritable défi à relever.
Il est en effet difficile, surtout dans les grandes entreprises, qui sont les plus concernées par
les problématiques de RSE, de convaincre les dirigeants et les employés d’accepter un
changement de culture et de management.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
142
Nous voyons ici apparaître une autre limite, qui découle de la volonté des entreprises de
s’engager dans des démarches de RSE. En effet, les points de vue des entreprises
divergent : certaines considèrent cette notion comme idéologique, et estiment que le rôle
de l’entreprise n’est pas d’agir en faveur de la société mais de générer du profit afin de
satisfaire les actionnaires et de garantir sa pérennité. D’où l’apparition de comportements
déviants : certaines entreprises adoptent des discours citoyens et disent agir en faveur de la
société, sans toutefois faire preuve d’engagements avérés. Il s’agit alors d’une RSE
« cosmétique », de discours vides de sens et sans fondements.
Nous pouvons conclure de ces différents apports que la notion de RSE ne fait pas encore
aujourd’hui l’unanimité au sein des entreprises, et qu’il est encore difficile de la mettre en
place. En ce sens, la RSE devient un véritable enjeu pour l’avenir de nos économies et
de l’impact des activités des entreprises sur nos sociétés. Ainsi, il est indispensable de
promouvoir la RSE et d’en montrer les intérêts et les enjeux. En effet, les entreprises ne
peuvent plus continuer d’agir en ignorant leurs impacts, tant sur le plan environnemental
que sur le plan humain : elles doivent aujourd’hui s’engager de manière durable pour
préserver ces deux entités, et afin de favoriser un « développement qui répond aux besoins
présents (…) sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs
propres besoins », tel que nous le suggère la définition du développement durable.
Etudions à présent les résultats qui concernent la Reverse Logistics.
L’évolution rapide des technologies et le renouvellement constant des modèles entraînent
une augmentation croissante des flux de retour et des déchets, que les industriels doivent
prendre en charge du fait d’une réglementation environnementale de plus en plus stricte.
La logistique des retours est un marché en pleine émergence ayant un fort potentiel de
développement, qui s’appuie en grande partie sur le renforcement des réglementations.
Toutefois, sa rentabilité dépend pour une grande partie du potentiel de valorisation des
produits traités et de la capacité des prestataires à l’intégrer dans le cadre d’une offre
logistique globale. Aussi, la structuration du marché passe par l’organisation et
l’optimisation des filières. Elles offrent, avec le SAV notamment, de réelles opportunités
pour les opérateurs (transporteurs et logisticiens).
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143
D’abord, nous pouvons synthétiser les différents résultats obtenus dans la deuxième partie
de ce mémoire, consacrée à la RL. Au cours de notre réflexion, nous avons montré que la
Reverse Logistics était un outil efficace et efficient qui permettrait à l’entreprise d’être plus
performante. Définissons cette notion. La performance est la conséquence pour l’entreprise
de l’atteinte des objectifs qu’elle se fixe, et ce, de manière optimale, c’est-à-dire en
minimisant les coûts et en maximisant les bénéfices. Dans notre cas, il s’agit d’une triple
performance, conformément aux trois piliers du Développement Durable :
la performance environnementale est atteinte si l’entreprise parvient à mettre en
place un système de gestion des retours efficient et si elle le maîtrise.
la performance sociale signifie que l’entreprise offre des conditions de travail
saines à ses employés, qui de ce fait se sentent fiers d’y appartenir, ainsi que des
conditions de vie acceptables à son environnement, et signifie qu’elle est capable
de proposer des emplois et d’être attractive aux yeux des parties prenantes.
la performance économique est atteinte si l’entreprise fait preuve de rentabilité et
de compétitivité, de rapidité, de flexibilité, si elle agit de façon proactive (et non
réactive), et si ses produits sont de qualité.
Ces performances peuvent être atteintes par le biais de la RL, comme nous l’avons montré.
Aussi, nous pouvons détailler les différentes formes de progrès engendrées par la mise en
place de la Reverse Logistics.
D’abord, la RL permet le progrès environnemental dans la mesure où elle incite les
entreprises à instaurer des politiques nouvelles, dont l’objectif est de diminuer le gaspillage
(pour l’énergie et les matières notamment), en favorisant le recyclage et la valorisation.
Les entreprises agissent en faveur de l’environnement car elles contribuent à la limitation
des activités polluantes et des rejets nocifs à l’environnement.
Ensuite, la RL agit en faveur du progrès social dans la mesure où elle participe à
l’insertion sociale, elle permet de créer des emplois, et incite les entreprises à proposer de
meilleures conditions de travail à leurs employés ainsi que de meilleures conditions de vie
pour leur environnement. Celui-ci devient en effet plus sain, plus propre, plus vivable car
moins pollué. De plus, la motivation du personnel des entreprises augmente car les
employés se sentent fiers d’appartenir à une entreprise « citoyenne » et engagée dans des
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
144
actions responsables, surtout si cet engagement est proactif et provient d’une volonté de la
direction.
Enfin, le progrès économique des entreprises est favorisé par la mise en place de la RL car
cette activité engendre de multiples bénéfices. Comme nous l’avons vu, les profits générés
ainsi que les économies réalisées s’ajoutent à d’autres avantages, tels que : la valorisation
de l’innovation, la création de nouveaux marchés, l’apparition de nouvelles opportunités de
développement et de nouvelles compétences, l’amélioration de l’image et de la satisfaction
des clients, l’amélioration de la gestion en interne, une meilleure différentiation par rapport
aux concurrents, d’où une compétitivité plus affirmée, une attractivité renforcée et une
meilleure rentabilité.
Toutefois, il est nécessaire de souligner les limites inhérentes au processus de Reverse
Logistics. D’une part, ce processus génère une certaine quantité de pollution alors que son
fondement, son objectif premier est précisément de minimiser la pollution afin de préserver
l’environnement. Ainsi, le processus de recyclage et l’activité de transport sont deux
sources de pollution non négligeables, qui doivent impérativement être optimisées afin de
limiter leurs effets nocifs.
D’autre part, si la RL représente une source de gains indiscutable pour les entreprises, elle
est également à l’origine de coûts importants : investissement massif de départ, dépenses
d’infrastructures et de fonctionnement, etc. Sa complexité de mise en oeuvre représente
par ailleurs un frein dissuasif pour certaines organisations, qui ne croiraient pas en son
utilité et en sa réelle nécessité. De la même manière, nous avons vu que les freins
administratifs et législatifs pouvaient entraver son développement.
Par ailleurs, si la mise en œuvre de la RL obéit dans une certaine mesure à la
réglementation, elle relève en partie d’un engagement volontaire et proactif des
entreprises. Sans une motivation certaine de la part des industriels, son développement ne
sera pas suffisamment rapide et assuré. Il s’agit ici, comme nous l’avons expliqué
précédemment, de l’inconvénient majeur des politiques volontaristes. Il faut souligner le
fait qu’un engagement annoncé n’est pas systématiquement prouvé : certains discours ne
sont pas suivis d’actions avérées. Toutes les entreprises ne s’engagent pas de manière
proactive, et il est parfois difficile de les pousser à repenser leur organisation, d’où
l’importance de la conduite du changement.
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145
Après avoir synthétisé les différents résultats et mis en valeur leurs limites, nous pouvons
rappeler les principales solutions et recommandations concernant la diffusion d’un
nouveau modèle économique valorisant la Reverse Logistics.
D’un côté, les entreprises doivent agir en interne. Elles doivent notamment favoriser le
principe du gatekeeping afin d’optimiser leur chaîne de retour. De même, la massification
des flux de retour semble indispensable, et le recours à des centres de transfert et de
traitement pourrait être une solution viable. Le transport doit ainsi être optimisé, d’où
l’importance du choix du mode de transport pour chaque filière. L’intermodalité et la
multimodalité apparaissent ici comme des solutions adaptées, toutefois chaque
organisation doit dresser un état des lieux de ses propres besoins en fonction de ses propres
ressources et contraintes. Il n’existe pas de modèle unique, applicable de manière
universelle. La mutualisation des efforts reste néanmoins un rempart efficace contre le
gaspillage des ressources et des matières. Enfin, il est nécessaire que chaque organisation
développe un Système d’Informations (SI) fiable et interfaçable (avec les SI des
partenaires) afin de pouvoir contrôler ses flux de retour, de les maîtriser et de pouvoir agir
conjointement avec ses partenaires. Ce SI permettra notamment à l’entreprise d’assurer la
traçabilité la plus complète et la plus efficace tout au long de sa chaîne de retour, et ce dans
l’optique d’une meilleure gestion globale de la chaîne de Reverse Logistics.
D’un autre côté, il est nécessaire d’agir sur l’ensemble du paysage économique, au-delà
du système interne à chaque entreprise, dans une conception globale de l’univers
industriel. Les acteurs agissent en effet en interrelation et sont en interdépendance. Les
choix des uns conditionnent les performances des autres. Il est ainsi recommandé
d’assouplir dans un premier temps les réglementations, afin de diminuer les contraintes qui
s’imposent à tous et de favoriser l’adhésion du plus grand nombre d’acteurs aux pratiques
de RSE et de DD. Cela pourrait permettre un développement plus rapide de la RL, si
chacun en comprend l’importance et se sent apte à en surmonter les obstacles. De la même
manière, les différentes taxes peuvent être vues comme une solution afin de diminuer les
émissions polluantes (taxe sur les émissions de carbone) ou afin de financer le recyclage
(écotaxe). Par ailleurs, il est indispensable d’encourager la coopération entre les entreprises
et leurs partenaires de manière à créer des synergies, notamment en favorisant
l’externalisation et le recours à la sous-traitance, dont les bénéfices ont été exposés au
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
146
cours de ce mémoire. De même, nous avons vu qu’il était nécessaire de modifier notre
manière de concevoir l’économie : penser le territoire comme un écosystème se révèle être
une solution tout à fait pertinente dans notre cas, étant donné le contexte actuel
d’interdépendances entre les acteurs économiques, où chacun profite des activités des
autres. In fine, notre réflexion nous conduit à penser qu’il est indispensable de valoriser
l’importance de la RL pour les entreprises en communiquant sur ses bénéfices et en
dédramatisant les risques et les coûts qui lui sont associés : les coûts liés à la gestion des
retours sont en effet compensés par les bénéfices qu’en tirent les entreprises et
l’environnement.
Notre réflexion nous montre ainsi la viabilité environnementale, sociale, économique, et
plus seulement légale de la Reverse Logistics. En conclusion, nous pouvons donc
affirmer que la RL est une solution aux problématiques de RSE et de DD.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
147
Liste des tableaux
Tableau 1 : Comparaison RSE / Développement Durable……………………………… 42
Tableau 2 : Synthèse des activités de la RL………………………………….…………. 70
Tableau 3 : Taux de retour par secteur…………………………..……………………… 76
Tableau 4 : Rôle stratégique des retours pour une entreprise……...…………………… 110
Tableau 5 : Structure des codes EDI………………………………...………………….. 134
Liste des figures
Figure 1 : Intégration de la RL dans la chaîne logistique…………………..…………… 13
Figure 2 : Répartition du coût de traitement des déchets………………………..……… 86
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
149
Liste des annexes
Annexe 1 : Les accidents industriels……………………………………………………. 150
Annexe 2 : Les tâches de la RL………………………………………………………..... 152
Annexe 3 : Les acteurs de la RL………………………………………………………....156
Annexe 4 : Les différents types de déchets………………………………………………160
Annexe 5 : Les raisons et canaux de retour, les stratégies de la RL
et son financement……………………………………………………......… 162
Annexe 6 : L’audit des déchets…………………………………………………………..168
Annexe 7 : Les réglementations et le modèle allemand………………………………… 170
Annexe 8 : L’exemple de GEODIS……………………………………………………... 173
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150
ANNEXE 1 : Les accidents industriels
(Jacques Salamitou, 2004)
« Toulouse 2001
Le 21 septembre 2001 dans la matinée, une quantité importante (120 tonnes)
d’ammonitrates déclassés détonne en masse dans l’usine AZF Grande Paroisse (Groupe
Total) située à Toulouse et classée Seveso. L’explosion est ressentie à plusieurs kilomètres
jusqu’au centre de la ville et provoque d’importants dégâts tant à l’intérieur qu’à
l’extérieur du site. La plus grande partie de ce site (70ha) est dévastée ; les usines voisines
sont endommagées mais aucun effet domino n’est à déplorer malgré les risques de leurs
installations. Les conséquences humaines sont surtout catastrophiques : 21 décès sur le
site, 1 décès sur un site voisin et 8 décès à l’extérieur, tandis que 29 personnes sont
grièvement blessées et 2 400 hospitalisées. 2 500 logements sont endommagés (1 000
totalement détruits). Les dommages totaux sont estimés entre 2 et 2,5 milliards d’euros.
Une enquête judiciaire est en cours pour déterminer les causes et responsabilités de
l’accident.
Seveso 1976
Le 10 juillet 1976 (samedi après-midi), suite à un emballement d’une réaction chimique
dans un réacteur non surveillé, une faible quantité de dioxine (environ 5kg) s’échappe de
l’usine de la société ICMESA (Groupe Roche) situé à Seveso près de Milan (Italie).
L’usine fabrique des intermédiaires chimiques pour l’industrie cosmétique et
phytopharmaceutique. L’usine tarde à communiquer et envoie des messages
contradictoires. Aucun décès humain n’est observé mais de nombreux cas (200) de lésions
cutanées (chloracné) et des morts massives d’animaux. L’évacuation des riverains est
décidée à partir du 24 juillet (…). Au centre, la zone A (110 hectares) restera interdite
pendant plus de 4 ans. Des débris et déchets, les plus contaminés, furent retrouvés en
France en mai 1983 et alors soigneusement éliminés. Des femmes furent autorisées à ne
pas mener leur grossesse à terme, des cas de cancers furent suspectés mais aucun décès
humain ne peut être attribué à l’accident. Seveso marque le début de la prise de conscience
du risque industriel majeur et donne son nom à deux directives européennes.
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Bhopal 1984
Dans la nuit du 2 au 3 décembre 1984, un nuage d’isocyanate de méthyl (MIC), un gaz
extrêmement toxique, s’échappe de l’usine de pesticides appartenant à la société
américaine Union Carbide, située dans la ville de Bhopal (Inde). Les dégâts humains sont
catastrophiques (…). Les investigations ultérieures montrent que plusieurs dispositifs de
sécurité prévus n’ont pas fonctionné dans une usine souffrant d’un manque d’entretien
manifeste et de graves problèmes de management. Depuis la société Union Carbide a dû
vendre ses actifs pharmaceutiques.
Protex 1988
A 3h30 du matin, le 8 juin 1988, une explosion se déclenche dans l’usine de la société
Protex située à Auzouer près de Tours. L’entreprise Protex est une grosse PME qui
fabrique ou stocke plus de 800 produits chimiques. L’explosion provoque un incendie et
un léger nuage toxique (sans conséquence). L’incendie est vite maîtrisé mais les eaux
utilisées pour l’extinction, chargées de produits chimiques, sont déversées directement
dans la Brenne et par là dans la Loire, contaminant l’alimentation en eau potable de
l’agglomération de Tours (200 000 habitants). La distribution de l’eau n’est rétablie qu’au
bout de 10 jours. De plus environ 20 tonnes de poissons sont tuées. Le coût total est estimé
à 20 millions d’euros alors que l’investissement dans un bassin de rétention qui aurait
supprimé la pollution représente 600 000 euros. »
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152
ANNEXE 2 : Les tâches de la logistique des retours
(Yves Pimor, 2003)
« Les tâches de la logistique des retours, qu’elles soient effectuées par des industriels, des
distributeurs ou pour leur compte par des entreprises spécialisées, sont nombreuses,
souvent complexes et prêtent à de nombreux incidents ou erreurs. On peut cependant
essayer de les analyser logiquement tout en sachant que chaque filière est un cas particulier
et doit se traduire par son organisation propre, ses procédures et ses techniques.
- le gatekeeping : on appelle ainsi un ensemble de tâches qui vont permettre d’initialiser la
procédure et de vérifier que l’article reçu doit bien entrer dans cette procédure, d’où le nom
de gatekeeping (contrôle du portier). Ces tâches peuvent être accomplies avec des
modalités différentes par le détaillant qui a vendu l’article ou par un centre de retours
relevant du fabricant, du distributeur ou d’un 4PL spécialisé.
Identifier le matériel (fabricant et nomenclature) : l’identification du fabricant est le plus
souvent simple. Mais il faut aussi souvent procéder à la détermination du numéro de
nomenclature de l’article (GTIN du code EAN-UCC) et plus encore de son numéro de
série. Ces informations peuvent être saisies directement par lecture d’un code barres, qui
peut d’ailleurs permettre d’entrer ensuite à travers le Net dans une procédure standardisée
de gatekeeping.
Enregistrer la cause de la restitution : parmi ces retours, il y a des articles en panne mais le
taux des NFF (No Fault Found – en français RAS pour rien à signaler) peut être
particulièrement important. Nooyl et Dhar citent le cas d’un grand manufacturier nord
américain qui découvrit que ses principaux distributeurs faisaient passer systématiquement
pour des défaillances techniques leurs invendus de façon à bénéficier de conditions de
garanties plus avantageuses que celles de reprise de matériels en bon état. Il est même
arrivé que certains articles aient été manifestement endommagés par leur détenteur pour en
obtenir le remboursement. Il peut être important dans le cas d’une défaillance d’enregistrer
un certain nombre d’informations qui permettront de guider le diagnostic et d’effectuer des
statistiques de fiabilité : circonstances de la défaillance, durée de service avant défaillance,
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
153
etc. En France, la loi Scrivener permet au consommateur de renvoyer pendant 7 jours – à
ses frais cependant – l’achat en VPC ou en e-commerce qui ne lui convient pas. On note
que l’e-commerce entraîne des taux de retours importants. Les photographies sur écran ne
donnent pas toujours à l’acheteur une idée exacte de la couleur d’un vêtement ou de la
taille d’un article. L’acheteur a pu trouver par la suite un article moins cher ou qui lui plaît
mieux sur un autre site. De plus, l’acheteur qui n’est pas assisté par un vendeur peut avoir
du mal à utiliser un produit et le retourne en pensant qu’il ne marche pas. Ce RAS
n’apparaîtra que plus tard lors du diagnostic en centre de retour ou même chez le
réparateur.
Vérifier l’achat : Il est utile de vérifier que l’article a bien été acheté au distributeur. La
présentation de la facture par celui qui restitue l’article est le moyen le plus courant mais il
arrive souvent que le client n’ait plus cette facture ni le bon de garantie.
Vérifier éventuellement la garantie : La garantie d’un article est pratiquement toujours
limitée à une période. Le point de départ de cette période est normalement l’achat ou
parfois la date de mise en service, mais on ne connaît pas toujours la date d’achat et
pratiquement jamais la date de mise en service. On connaît parfois la date de fabrication à
partir du numéro de l’article (serial number). Il est donc indispensable de mettre en place
un système d’enregistrement de la date d’achat avec, par exemple, un bon de garantie visé
et daté par le vendeur que le client conserve avec le produit, même si, très souvent, il ne
l’aura plus lorsqu’il s’agit d’un retour pour défaillance.
Une des meilleures façons de s’assurer que l’article a bien été acquis chez le distributeur et
de vérifier la date de garantie est pour le fabricant la réalisation d’un fichier central des
ventes enregistrant pour chaque vente le numéro de série de l’article, la date et le lieu de
vente. Il suffit de consulter ultérieurement ce fichier pour effectuer les contrôles
précédents. La difficulté est de faire en sorte soir que l’utilisateur renvoie le bon de
garantie au fabricant (mais c’est rarement le cas), soit que le vendeur du distributeur
saisisse ces informations, par exemple à travers le Net. Certains fabricants rémunèrent le
distributeur pour cette tâche, par exemple un demi-dollar pour chaque produit enregistré. Il
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
154
va de soi cependant qu’une telle procédure ne peut être mise en place que pour des
produits ayant une valeur importante : véhicules, électronique, ordinateurs,…
Déterminer la réceptivité de ce matériel et la suite à donner : La suite à donner peut être
très variable selon l’article, son statut (défaillant ou non défaillant, avec ou sans garantie,
etc.) et ce que l’entreprise a décidé. Il peut y avoir en ce qui concerne le client : échange
standard, remboursement, prêt d’un autre appareil, envoi pour réparation individualisée,
etc. L’article peut être détruit (selon une procédure déterminée) ou envoyé au centre de tri
ou stocké provisoirement pour un envoi regroupé.
Vérifier l’état apparent du matériel et la présence de tous ses constituants : vérifier que
tous les éléments d’un appareil retourné sont présents n’est pas simple. Lorsque le produit
provient d’un distributeur, celui-ci devrait s’assurer par exemple qu’un appareil
électronique a bien son cordon d’alimentation, sa télécommande, etc. Encore faut-il que le
distributeur sache, pour chacun des appareils qu’il distribue, ce qui doit se trouver dans
l’emballage restitué. Le problème de documentation est presque insoluble compte tenu de
la variété des marques et des modèles. On se heurte donc à une multitude de cas
particuliers qu’il faut traiter informatiquement avec des systèmes rarement conçus pour cet
usage.
Emballer : L’article restitué n’est pas toujours rapporté dans son emballage d’origine. Il
faut donc trouver un nouvel emballage adapté à l’article.
Enregistrer et étiqueter : L’enregistrement de l’opération de reprise – et éventuellement
l’étiquetage de l’article – doit permettre de suivre ultérieurement sa procédure, qui peut
être très différente d’un article à l’autre : envoi en réparation avec suivi individuel ou
tracking, remboursement ou échange standard et prise en compte non individualisée (en
nombre) pour expédition soit au fabricant soit à une entreprise spécialisée de recyclage ou
de revente, envoi individualisé en centre de retours pour diagnostic avant l’une ou l’autre
des procédures précédentes,etc.
Stocker provisoirement : de façon à massifier les transports, tout au moins quand il n’y a
pas d’urgence pour une réparation éventuelle.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
155
- le tri :
Examen rapide de l’état et test éventuel : le tri est l’élément essentiel de l politique de
gestion des retours. On peut essayer de l’effectuer dès le gatekeeping de façon à diminuer
les coûts de traitement des retours. On fixe pare exemple un minimum de valeur des
articles en dessous duquel on renonce à tout test et réparation.
L’examen des articles peut être plus ou moins important selon la valeur des articles, depuis
un contrôle de l’apparence avec vérification de la présence des composants, un simple test
de fonctionnement jusqu’à un test complet de performance. Il faut en effet noter que ces
examens et tests sont toujours coûteux car ils prennent du temps et demandent un
minimum de formation de la part de l’opérateur.
Décision : à l’issue des examens et tests, il convient de prendre un décision en fonction de
critères strictement définis à l’avance : envoi en réparation avec panne connue et identifiée,
envoi en réparation avec diagnostic préalable et devis, condamnation du matériel avec
décision sur ce qu’il convient d’en faire (démontage pour récupération de pièces,
destruction par une entreprise spécialisée, etc.), envoi en reconditionnement et cosmétique
(action de nettoyage, restauration de certains éléments pour redonner une apparence de
neuf, reconditionnement) ; une telle procédure ne peut pas être utilisée en principe pour
une remise en vente comme matériel neuf mais peut être utilisée dans le cas de location ou
réemploi en interne. Ce type d’opérations peut aller jusqu’à une véritable réfection en
usine pour des matériels de grande valeur.
- la réparation : Modalités des réparations et de leur suivi : test et diagnostic, réparation,
enregistrement de la réparation, décision de suite et retour. »
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
156
ANNEXE 3 : les acteurs de la RL
(Yves Pimor, 2003)
« Il s’est d’abord constitué des third party logistics qui se sont spécialisés dans le stockage
et le tri des produits retournés. Travaillant pour plusieurs entreprises et bénéficiant donc
d’un avantage en taille tant pour le traitement des produits et leur manutention que par la
massification des transports, elles disposent en outre de procédures bien rodées en ce
domaine et de systèmes informatiques spécialisés. Des centres de retours, à l’imitation des
central return centers de l’entreprise nord américaine GENCO, se sont ainsi constitués.
Ces centres réalisent les opérations de tri et d’inspection ci-dessus et dirigent les produits
vers des filières spécialisées. GENCO a assuré le service complet de return logistics, y
compris la logistique des retours, pour K-Mart aux Etats-Unis.
Chaque filière a bien entendu ses filières de réparation aptes à établir un diagnostic des
produits défaillants, puis à les réparer ou à les soumettre à une simple cosmétique (voir
infra) ou même à les condamner selon les cas. Ces tâches sont souvent mieux assurées par
des entreprises spécialisées que par les usines de production qui ne sont pas organisées à
cet effet. D’autre part ces tâches de main d’œuvre ont tendance à émigrer vers des pays à
main d’œuvre bon marché et on ainsi vu la réparation des cartes électroniques quitter la
France pour l’Espagne puis vers d’autres pays, encore que les améliorations de fiabilité de
ces dernières années ont encouragé à renoncer à réparer les cartes de valeur faible ou
moyenne.
Le développement du e-commerce et l’incapacité de nombreuses entreprises de ce nouveau
domaine à traiter des flux de retours importants ont conduit à la création de véritables
places de marché ‘retour’ . L’idée était de passer des accords avec les fabricants sur les
conditions de reprise des matériels et sur les filières de leur traitement puis de mettre à
disposition soit des détaillants soit du public un portail de prise en charge des produits à
retourner. Il suffit alors d’entrer dans le système l’identification du fournisseur et de son
produit pour connaître les possibilités de reprise et de remboursement. Ces 4PL d’un
nouveau type prennent alors en charge la reprise des colis, la fourniture des emballages, le
transfert des informations avec le producteur en EDI – assez souvent sur le Net – et
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
157
l’ensemble des opérations nécessaires à la reprise. De nombreuses autres prestations
peuvent être assurées pour le compte des fabricants ou des distributeurs : tris, contrôles des
conditions de garantie, stockage, regroupement, revente des produits à des filières de
commercialisation secondaires (voir infra), destruction avec recyclage, facturation et
remboursements, établissement de statistiques, etc. Certaines entreprises de ce type sont
spécialisées par branche, par exemple la pharmacie aux Etats-Unis, d’autres sont des
généralistes.
On a vu aussi de développer tout un secteur de commercialisation secondaire pour
revendre les produits que le fabricant ou le distributeur ne peuvent réintégrer directement
aux flux normaux : fins de séries, excédents de promotions, invendus d’habillement en fin
de saison, articles remballés après cosmétique, etc. C’est le cas des Usine Centers ou des
soldeurs. Ces filières organisées de valorisation (Asset Recovery Service) prennent toute
leur importance avec les retours massifs d’articles invendus pendant les périodes de ventes
saisonnières (à Noël jusqu’à 20% de certains articles par exemple). »
Parmi les acteurs, on recense les prestataires logistiques :
Parmi les spécialistes du transport et de la logistique, Geodis est un des premiers
opérateurs à s'être positionné sur ce marché avec la signature d'un premier contrat en 1994
avec l’entreprise Xerox pour la collecte, le traitement et la remise dans le circuit des
matériels hors service ou en fin de période de location, puis la création en 2002 d'une entité
spécialement dédiée à la collecte et au traitement des produits en fin de vie à travers le pôle
«E environnement et Reverse Logistics ». Début 2005, Geodis s'est également associé avec
le spécialiste de l'environnement Sita pour créer une société conjointe, Valogistic, afin de
proposer une solution complète de gestion des produits en fin de vie, de la collecte jusqu'au
traitement des déchets et à la commercialisation des produits valorisés. Valogistic se
positionne en tant qu’intégrateur de solutions pour les produits en fin de vie en pilotant
l'ensemble de la chaîne de « reverse logistics », soit via ses ressources internes, soit en
faisant appel aux opérateurs du marché.
D'autres logisticiens ont également noué des partenariats avec des spécialistes de
l'environnement, à l'image de DHL Exel Supply Chain qui vient de s'associer avec
Valdelec pour se positionner sur le marché français des DEEE. Dans le cadre de ces
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
158
partenariats, les logisticiens assurent généralement la collecte, le transport, le
regroupement sur des plates-formes, voire le tri, tandis que les spécialistes environnement
prennent en charge l'aval de la filière (traitement, recyclage).
Toutefois, si les logisticiens présentent de nombreux atouts pour occuper le marché de la
récupération et du traitement des déchets, dans la mesure où ils ont l'habitude de gérer pour
leurs clients des flux de plus en plus complexes, ils doivent également faire face à une forte
concurrence de la part des spécialistes de la gestion des déchets (dans le cas où ils ne
travaillent pas ensemble), comme Sita et Veolia, qui peuvent également proposer une offre
globale allant de la collecte et du transport des déchets, via leurs propres moyens
logistiques, jusqu'à leur traitement et leur valorisation.
Les acteurs de la RL (Agate Bienkowska, Alexis Duperray, Sabrina Hoareau, 2006) :
« La multitude d'acteurs de petite taille présents sur le marché de la récupération et du
traitement des déchets et qui peuvent également réaliser les tournées d'enlèvement via leurs
propres ressources complexifie l’organisation. Selon une étude du Bipe réalisée en 2004,
on dénombre en France 184 entreprises spécialisées dans la collecte et le traitement
d'équipements électriques et électroniques. De son côté, la Federec (fédération de la
récupération, du recyclage et de la valorisation) comptait en 2004, 2 700 entreprises
exerçant une activité sur ce marché, dont près de 45 % interviennent dans la filière des
ferrailles et des VHU.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
159
Exemples de prestataires intervenant dans ta collecte et le traitement des déchets par
secteurs/catégories de déchets (liste non exhaustive) :
Automobile DEEE
Valenda (Valogistic/ Geodis) :
gestion des déchets issus de
l'entretien et de la réparation
automobile (pots catalytiques, pare-
chocs, pare-brises, ferrailles, huiles,
solvants, batteries, piles, néons,
airbags et prétentionneurs de
ceintures)
Chimirec: déchets dangereux
(collecte des huiles usagés)
Valogistic (Geodis/ Sita) : Pilotage de la gestion
des DEEE de la collecte jusqu’aux filières de
valorisation
Triade Electronique (filiale de Veolia Propreté,
division Propreté du groupe Veolia
Environnent) : collecte et traitement des déchets
des équipements électriques et électroniques
générés par la consommation des ménages ou
l'activité des entreprises.
DHL Exel SC/ Valdelec
Wincanton
Kuehne & Nagel
Venditelli (Norbert Dentressangle)
D’autres prestataires, les Eco-organismes :
Des filières spécialisées, gérées par des éco-organismes, ont été mises en place pour
certaines catégories de produits usagés (pneus, piles et accumulateurs, équipements
électriques et électroniques...). Toutefois, ces éco-organismes, qui organisent toute la
filière (collecte, transport, tri, voire traitement), ont un rôle de pilotage et d'organisation de
la chaîne logistique, mais les opérations d'enlèvement, de traitement et de valorisation sont
externalisées à des prestataires spécialisés dans le transport et la logistique ou dans la
gestion des déchets. Les déchets pour lesquels il n'existe pas d'éco-organismes organisant
leur collecte et leur traitement, les distributeurs font généralement appel directement à des
prestataires (par exemple de certains déchets automobiles). La collecte des déchets chez les
distributeurs se fait le plus souvent à la demande et parfois dans le cadre de tournées
régulières. Les délais d’enlèvement peuvent varier entre quelques jours et jusqu'à deux
semaines.
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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ANNEXE 4 : les différents types de déchets
(Yves Pimor, 2003)
- Déchets ménagers : ordures ménagères, résidus urbains, quelques déchets d’origine
industrielle. On estime que l’impact de ces déchets sur l’environnement est mineur. Le
coût du traitement de ces déchets pourrait d’élever à environ 40 milliards de francs (en
euro ?) en 2010. Le dernier détenteur est responsable de ces déchets, pour le traitement
desquels il paye une taxe.
- DIB : Déchets Industriels Banals. Ils contiennent les mêmes composants principaux que
les déchets ménagers mais sont issus des industries (papier, bois, carton, plastique…). Ils
suivent le même procédé de traitement que les déchets ménagers, à condition qu’ils n’aient
pas été souillés par des substances toxiques. Les emballages en carton ou en plastique ne
peuvent suivre qu’un seul mode d’élimination : d’après un décret de 1994, ils doivent être
valorisés par réemploi, recyclage ou autre mode de traitement permettant d’obtenir de
l’énergie ou d’autres matériaux réutilisables. L’élimination de ces déchets est soumise à
une taxe pour les entreprises.
Ces déchets peuvent représenter des volumes considérables : par exemple, 300 000 tonnes
par an pour Carrefour. L’enseigne a opté pour un équipement adapté : des presses à
comprimer les emballages carton. Les aliments les plus abîmés sont vendus à des zoos ou à
d’autres entreprises qui les transforment en farines ou en aliments pour animaux. Il arrive
que les aliments proches de la date de péremption soient donnés à des sociétés caritatives,
ce qui représente pour l’enseigne une forme de publicité. Certaines enseignes ont ainsi
signé des accords avec la Fédération des banques alimentaires.
- DEIS : Déchets d’Emballages Industriels et Commerciaux. Il s’agit des déchets
« résultant de l’abandon des emballages d’un produit à tous les stades de la production ou
de la commercialisation dès lors qu’il ne s’agit pas de la consommation ou de l’utilisation
de produit par les ménages ». Sont concernés les cartons, palettes, caisses en bois,… Il est
nécessaire pour les entreprises de recourir à des installations agréées pour faire éliminer
ces déchets. En cas de volume supérieur à 1 100 litres, les entreprises doivent valoriser ces
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
161
déchets pas réemploi ou recyclage, en faisant appel à une instance agréée ou par elle-
même.
- DIS : Déchets Industriels Spéciaux. Ces déchets d’origine industrielle doivent être
éliminés ou valorisés en tenant compte de précautions particulières visant à protéger
l’environnement étant donné leur caractère potentiellement toxique. Ils nécessitent de ce
fait des installations spécifiques. Ils sont soumis à la nomenclature européenne des déchets,
qui oblige les entreprises produisant des DIS à émettre des bons de suivi de ces déchets en
cas de production ou d’expédition d’un poids supérieur à 100 kg. La TGAP (Taxe
Générale sur les Activités Polluantes) est perçue par les entreprises de stockage et de
traitement de ces déchets, qui répercutent à leur tour cette taxe sur leurs clients. Les ICPE,
qui transportent ou éliminent ces déchets, doivent faire l’objet d’un agrément ou être munis
d’une autorisation.
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ANNEXE 5 : Les raisons et les canaux de retours, les stratégies de la RL,
le financement des filières
(Alexandre K. Samii, 2004, et Yves Pimor, 2003)
Les raisons des retours :
Client / consommateur Le produit ne répond pas aux besoins du
client
Le client ne comprend pas comment utiliser
correctement le produit ; il semble
défectueux au client : ce produit n’est testé
qu’au centre de traitement et peut être
retourné dans la chaîne
Le produit est défectueux
Le client abuse d’une politique de retour
très généreuse
Distributeur / détaillant La date de péremption du produit est
dépassée
Le produit saisonnier non vendu peut être
retourné (…)
Le produit est remplacé par une nouvelle
version (…)
La référence produit est retirée du catalogue
Surplus : les stocks auprès du détaillant sont
trop élevés (surstock, rotation trop faible,
retour prévu par le merchandising)
Les canaux de retour :
Les flux de retours empruntent différents canaux. Parmi les sept canaux de retours, on
distingue :
- Retour au fournisseur : il permet au distributeur de ne pas avoir de stocks de produits
obsolètes, et ainsi de libérer de l’espace en stock et de réinvestir dans des stocks de
nouveaux produits afin de mieux satisfaire la demande.
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163
- Revente à l’état neuf : un produit retourné peut être remis en rayon tel qu’il est revenu s’il
n’a pas été utilisé ou ouvert. Si tel n’est pas le cas, il peut être reconditionné ou réemballé.
Le réemballage est une activité qui peut parfois représenter un budget considérable afin de
masquer au consommateur le fait que le produit ait été réintroduit dans la chaîne suite à un
retour. Si toutefois le consommateur sen aperçois et s’en plaint, le réseau de vente doit être
capable de lui fournir une réponse rapide et claire afin de protéger l’image et la réputation
de l’entreprise.
- Vente par magasin d’usine ou discount : les articles les plus concernés sont ceux qui sont
soumis aux effets de saisonnalité ou de mode (secteur du textile et de l’habillement
notamment). Ce canal de distribution secondaire présente un avantage majeur : l’entreprise
garde le contrôle sur ses produits, et peut savoir de manière exacte où celui-ci sera vendu.
Le risque est qu’elle perde son positionnement sur le marché, voire la réputation de sa
marque.
- Vente dans le marché secondaire : les entreprises ont recours à cette option lorsque le
vante en magasins d’usine n’est pas envisageable. Ce marché secondaire est spécialisé
dans l’achat de surplus et de fins de séries.
- Offre à des œuvres de bienfaisance : L’aspect social est ici fortement valorisé. Les
organisations caritatives peuvent bénéficier à titre gratuit de produits encore utilisables,
même s’ils comportent des défauts superficiels. Pour l’entreprise, cela se traduit par un
avantage fiscal. Le donateur bénéficie alors d’un avantage immatériel, il est vu comme
citoyen faisant preuve de bonne volonté, ce qui le crédite d’une bonne réputation.
- Remanufacturer ou reconditionner : cette pratique concerne essentiellement les produits
électroniques défectueux, qui, une fois retournés, ont une faible valeur de revente. Le
fabricant peut trouver plus avantageux de renvoyer un nouveau produit plutôt que de
reprendre et réparer celui qui est endommagé pour le renvoyer au client. Ce produit sera
ensuite réparé, reconditionné et réemballé si nécessaire, ou remanufacturé et revendu dans
un autre canal de distribution. L’objectif est ici aussi l’augmentation de la satisfaction des
clients et leur fidélisation grâce à une réponse rapide au besoin de disponibilité du produit.
- Destruction avec recyclage : s’il n’est pas possible de revendre ou d’offrir un produit,
l’entreprise peut choisir de le détruire avec pour objectif d’en tirer le maximum de valeur.
Certains composants peuvent être récupérés, ou recyclés. Par exemple, les chaussures de
Séverine ARAN - Mémoire M2P Logistique - 23 avril 2007
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sport peuvent être réutilisées pour fabriquer des pistes d’athlétisme, et les cintres sont
recyclés pour en fabriquer de nouveaux.
Les marchés secondaires sont nombreux et comprennent des intervenants variés qui
revendent des produits qui n’ont pas pu être écoulés sur leur marchés d’origine.
Ces marchés sont par exemple les liquidateurs de fins de séries (qui sont triées,
réemballées et renvoyées aux magasins d’usine), les commissionnaires (entremetteurs
entre clients et détaillants), les entreprises de troc ou celles qui organisent des marchés
parallèles.
Les stratégies de la RL :
Après avoir identifié les différents canaux de retour, il est intéressant d’analyser les
différentes stratégies de la RL. D’abord, « Le diagnostic des retours » permet d’identifier
les flux majeurs, qui sont souvent répartis entre plusieurs établissements et à des niveaux
différents, ce qui engendre des procédures mal définies et trop hétérogènes selon les
établissements. Or, les entreprises peuvent réaliser d’importances économies en
centralisant ces procédures dans des centres de retours et en les homogénéisant. Toutefois,
une difficulté supplémentaire se pose car il s’agit la plupart du temps de nombreux petits
flux.
Ensuite, la « mise en place des indicateurs » permet de mesurer les flux et les stocks
(notamment les stocks en attente), les délais (par exemple pour la réparation : moyennes et
écarts-types), ainsi que les niveaux de qualité de service pour les distributeurs et les
consommateurs (notamment la qualité de la traçabilité des produits dans le flux de retour,
et les délais de remise au détaillant pour restitution au consommateur final).
Par ailleurs, « la comptabilité des coûts de retour » permet d’avoir une connaissance plus
fine des coûts de retour et d’évaluer avec plus de précision les économies potentielles.
L’un des intérêts majeurs des centres de retours est de pouvoir isoler dans la comptabilité
analytique les coûts qui leurs sont associés. En effet, la difficulté essentielle de l’estimation
des coûts de retour vient de leur nature très hétérogène et du fait qu’ils sont répartis au sein
de multiples centres analytiques de l’entreprise. Toutefois, il est complexe de prévoir les
économies possibles car ces économies dépendent elles-mêmes des prévisions des impacts
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des politiques envisagées par les entreprises. On a souvent constaté des taux de retours
nettement diminués par une politique efficace de gatekeeping par exemple.
De plus, une « politique de zéro-retour ou politique de maîtrise des flux » est non
seulement intéressante mais également difficile à mettre en place du fait de son coût
comme nous l’avons expliqué précédemment (négociation avec les distributeurs). Une telle
politique présente également divers inconvénients : « diffusion des produits à des prix
bradés par des filières de commercialisation secondaire sans enlever sur les produits les
références à la marque, revente de produits non conformes, assimilation ruineuse des
invendus aux produits défaillants par des distributeurs peu scrupuleux, etc ». Il est
nécessaire d’engager d’importants efforts afin de maîtriser les flux de retour, et de mettre
en place des centres de retours, qu’ils soient gérés en interne (isolés ou intégrés à des
centres logistiques ou commerciaux) ou externalisés.
Ensuite, une des stratégies peut être le choix de « l’externalisation ou non des procédures
de retour » : lorsque l’entreprise possède une bonne connaissance des coûts des retours et
des indicateurs de qualité de service, elle peut proposer à prestataire 3PL (Third Party
Logistics) ou 4PL (Fourth Party Logistics) une externalisation des flux de retour. Pour
cela, elle devra étudier avec son prestataire les modalités, conditions, avantages et
inconvénients de ce système. Les centres de retours, dans ce cas, peuvent se situer soit
dans les locaux de l’entreprise, soit chez le spécialiste.
La « définition des procédures » ainsi que les critères de décision pour chaque flux de
retour sera difficile car ces flux sont non seulement transverses mais aussi extérieurs à
l’entreprise, donc difficiles à identifier. Or la maîtrise des flux de retour peut être une
source de gains non négligeable pour l’entreprise et encourage une politique générale de
propreté, d’où son intérêt général.
Ensuite, « l’organisation de l’informatique des retours » représente un investissement
important en temps et en coûts dans la mesure où les ERP ne sont pas encore adaptés et
organisés pour gérés les retours. Or les systèmes doivent prévoir dès le début des
procédures multiples selon les catégories de produits (notamment pour l’identification des
produits défectueux, le suivi des remises d’articles, leur réparation, etc.), ces procédures
étant difficiles à mettre en place par la suite si elles ne sont pas configurées au départ.
L’entreprise peut refuser d’assumer un tel investissement : en effet, les procédures sont
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manuelles, longues, coûteuses et peu fiables. Dans ce cas, elle peut recourir à la sous-
traitance.
Au niveau de l’informatique, il est important d’accorder une grande attention aux relations
entre les utilisateurs, les détaillants et le fabricant. Pour la relation entre client et détaillant,
un fichier central pourra par exemple recenser les articles vendus : le détaillant pourrait y
accéder afin d’y enregistrer les détails de la vente (dates, nom du client…) afin de pouvoir
retrouver ces informations à l’aide des codes barres des produits en cas de retour. Ensuite,
le détaillant pourra recueillir ces informations via Internet afin de réaliser le gatekeepin. En
saisissant le numéro de l’article retourné, il pourra immédiatement l’identifier et repérer les
divers accessoires qui doivent éventuellement y être joints. Le système devra préciser la
procédure de retour du produit, ainsi que les conditions d’échange et de remboursement. Il
doit prévoir d’appliquer des pénalités au détaillant ou au client en cas d’erreur de leur part,
par exemple s’il manque un élément tel que l’emballage, ce qui complique les opérations
d’expédition. Le système informatique pourra prévoir enfin l’édition d’étiquettes
automatiques afin de fluidifier la procédure d’envoi.
Par la suite, la procédure de retour entre le détaillant et le fabricant peut être gérée par EDI
(Echange de Données Informatisé). On dénombre plus de 180 types de transactions de
retour du détaillant au producteur, qui couvrent l’ensemble des procédures de retour. Or,
certains prestataires 4PL se sont spécialisés dans ces opérations afin d’offrir un portail
unique (via leur ordinateur et leur lecteur de codes barres) aux détaillants qui
commercialisent les produits de différents producteurs.
Le financement des filières :
Les enjeux financiers majeurs du recyclage sont concentrés dans la partie logistique. Dans
la réglementation, le producteur est responsable du financement des filières de recyclage
de ses produits. Cependant, il arrive souvent que celui-ci répercute sur le consommateur
final le coût de la mise en place des procédures de RL.
Pour les DEEE (Déchets d’Equipements Electriques et Electroniques), le financement des
filières de recyclage est géré en deux étapes :
- Le premier système fonctionnera jusqu’en 2011 : pour les déchets « historiques »,
souvent orphelins, les producteurs actuels doivent prendre en charge le financement du
traitement selon leur part de marché. Ce surcoût devra être affiché séparément, en tant que
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« visible fee », sur le prix de vente des produits. On peut considérer cette participation
comme une « éco-participation », qui varie en fonction des quantités de produits
commercialisés et du degré de complexité de leur recyclage. Par exemple, on estime à 10
centimes d’euro la participation pour un téléphone portable, contre six euros pour un lave-
linge. Finalement, le recyclage est financé à 100% par le consommateur final, sans
toutefois générer de bénéfice pour les entités responsables de ces opérations.
- A partir de 2011, le surcoût sera internalisé.
Certaines filières n’ont pas d’impact financier : pour l’automobile, les filières de recyclage
des pneumatiques, des huiles et des batteries ne sont ainsi pas financées par les garages.
Pour les autres déchets de ce secteur, la collecte et la valorisation sont gérées par les
entreprises, qui supportent également les coûts de bacs, de transport et de traitement.
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ANNEXE 6 : L’audit des déchets
(Yves Pimor, 2003)
« Analyse de l’unité de production sous l’angle des déchets, effluents et fumées :
- analyse des processus de l’unité de production en repérant tous les éléments liquides,
solides ou gazeux qui entrent dans les processus, les flux, à travers les ateliers et les sorties
de chaque processus
- recensement de tous les ateliers et îlots de production : pour chacun d’entre eux
déterminer les production de déchets et effluents
- analyse des causes d’apparition de ces déchets, effluents et fumées
- recensement à part de tous les déchets provenant d’emballages de matières premières.
Analyse des procédures actuelles de conditionnement et de stockage
- repérer les parcs de stockage (capacité, type et durée de stockage, dispositions prises pour
lutter contre la pollution du sol et du sous-sol)
- déterminer la marge de capacité de stockage prévue pour faire face à une indisponibilité
de la filière d’élimination
- établir la liste des sociétés susceptibles de stocker ces déchets.
Analyse des déchets : il s’agit de réaliser une fiche par type de déchets en relevant :
- la désignation et les références à la réglementation les concernant
- la quantité produite par période y compris les variations saisonnières
- son mode de conditionnement
- son aspect physique, densité et couleur
- ses composants toxiques ou dangereux et leurs proportions
- les produits qui résulteraient de leur mélange avec l’eau, un acide, un oxydant
(combustion)
- les risques résultant d’incidents de production, inondations, incendies, etc. »
Analyse du traitement des déchets, effluents, fumées :
Description des opérations de traitement pratiquées à l’intérieur de l’entreprise. Pour
chaque déchet, effluent et fumée, il faut définir :
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- le service responsable de la collecte, du conditionnement, du stockage et de l’évacuation
- l’issue qui lui est donné (recyclage, valorisation, traitement en vue d’élimination, etc.)
- les entreprises chargées de l’élimination de ces déchets ou effluents
- les quantités traitées annuellement et les coûts de traitement.
Pour chaque déchet, on détermine le bilan financier de sa collecte, de son conditionnement,
de son stockage, de son transport et de son traitement (y compris une revente éventuelle de
certains déchets). Ces informations sont à reporter sur les fiches précédentes réalisées au
moment de l’analyse des déchets. »
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ANNEXE 7 : La réglementation de la RL et le modèle allemand
(Yves Pimor, 2003)
Responsabilité des producteurs ou détenteurs de déchets :
« Toute personne encourt une responsabilité en raison des dommages causés à autrui,
notamment du fait de l ‘élimination des déchets qu’elle a détenus ou transportés ou
provenant de produits qu’elle a fabriqués. Les pouvoirs publics peuvent assurer d’office
l’élimination de déchets abandonnés ou traités contrairement aux dispositions
réglementaires. Une responsabilité pénale peut être encourue par les responsables de ces
entreprises.
Lorsque des déchets sont confiés à des tiers, la jurisprudence considère que le contrat n’est
pas opposable aux pouvoirs publics. Il est donc nécessaire de passer des contrats prévoyant
expressément les conditions d’élimination des déchets et le prestataire doit fournir un
certificat de destruction pour chaque opération. La réglementation impose à l’entreprise la
mise en place d’un système d’information et d’un dispositif de contrôle rigoureux tant
qualitatif que quantitatif de suivi des flux de déchets. Un bordereau de suivi des déchets
(CERFA n°070320) est obligatoire pour certaines catégories de déchets définies par un
arrêté du 4 janvier 1985. »
Participation des fabricants de produits :
« Un décret de 1992 fait obligation à tout producteur, tout importateur ou à défaut à toute
personne responsable de la première mise sur le marché des différents emballages, de
contribuer ou de pourvoir à l’élimination de l’ensemble des déchets d’emballage servant à
commercialiser les produits qu’il lance sur le marché en vue de la consommation ou de
l’utilisation par les ménages, soit en pourvoyant lui-même à l’élimination des déchets, soit
en recourant par contrat aux services d’un organisme ou d’une entreprise agréée. C’est un
élément important car les déchets d’emballages représentent près de 40% des déchets
ménagers. Plus de 10 000 entreprises françaises qui commercialisent plus de 90% des
produits de grande consommation ont donc adhéré à une société privée Eco-emballages et
versent 1 centime par emballage mis sur le marché. Cette société qui passe des contrats
avec des collectivités locales doit parvenir à ‘valoriser 75% des déchets d’emballages d’ici
à 2002’. Ce qui implique la valorisation par le recyclage (75%) et l’incinération avec
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récupération d’énergie (25%) des trois quarts des 9 millions de tonnes d’emballages jetés
chaque année par les Français.
Mais le point majeur reste la conception de produits intégralement recyclables. Les
constructeurs automobiles français ont signé un accord cadre en 1993 prévoyant que les
déchets ultimes d’un véhicule hors d’usage ne devront plus représenter que 10% du poids
du véhicule après 2002 et 5% plus tard. ‘Dès la conception d’un nouveau véhicule sont
prévues les procédures de désassemblage décrivant le mode de démontage, la liste des
pièces à récupérer et leur composition. Les procédures de désassemblage de la Renault
Laguna ont ainsi été transmises aux démolisseurs au moment même de son lancement
commercial’. Il est vraisemblable que cet aspect de conception des produits va devenir
dans les prochaines années une obligation importante pour les industriels. »
L’exemple de la réglementation allemande et ses effets (Alexandre K. Samii, 2004)
Les aspects environnementaux de la RL sont plus avancés en Europe qu’aux Etats-Unis,
qui privilégient la revalorisation et l’efficacité de la RL. Avec le changement des
mentalités qui devrait s’opérer dans les prochaines années, il est très probable que la RL
vienne se placer au cœur des préoccupations de la supply chain.
Le système allemand de traitement des emballages primaires et secondaires est un bon
exemple. Ce Duales Systel Deutschland obéit à une législation dont les objectifs ont été
clairement définis :
« - Obliger les fabricants et distributeurs à accepter le reconditionnement des emballages
de transport tels que palettes, cartons, pour les recycler et les réutiliser ;
- Obliger la grande distribution à collecter les emballages primaires et secondaires pour les
transmettre aux distributeurs ;
- Fixer des quotas gouvernementaux qui imposent un taux de récupération par type
d’emballage (72% pour le verre et le métal, 64% pour le papier, plastiques et cartons) ;
- Définir un système de consignation obligatoire pour les boissons, détergents et
peintures. »
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Les conséquences de cette législation ont été très positives et encourageantes : un intérêt
accru pour la réutilisation des emballages de transport, une disparition progressive des
emballages secondaires, et la volonté de relever le challenge du recyclage pour les
emballages primaires
Les entreprises ont connu certaines difficultés au départ, car elles avaient sous-estimé les
coûts de la RL, notamment les coûts de collecte et de triage. Mais elles ont su adapter leur
stratégie et leur mode de fonctionnement à cette nouvelle réglementation. Les efforts de
recherche sur les nouveaux emballages réutilisables a conduit à la réduction de 11% du
volume d’emballages à recycler entre 1991 et 1995, ce qui représente un net progrès.
Grâce à cette nouvelle réglementation, les emballages de transport sont devenus
réutilisables. L’utilisation des palettes a également été réduite. Et cela a été rendu possible
grâce à l’utilisation de nouveaux contenants réutilisables répondant à plusieurs
contraintes :
« - Traçabilité des contenants permettant une meilleure gestion des stocks,
- Facilité d’inspection de la sécurité et de la propreté,
- Facilité de nettoyage et de réparation,
- Facilité de rangement et de triage,
- Adaptabilité à des usages futurs,
- Calcul de deux coûts de transport : celui d’amont en aval et du retour. »
Le succès de l’association de ces contraintes est dû à la combinaison de ces différents
éléments :
« - La réduction des coûts de transport en groupant des allers et retours, permettant d’éviter
les retours à vide, a certainement joué en faveur des emballages réutilisables ;
- L’effort de standardisation des sous-unités de charge des palettes, bien que n’ayant pas
réussi, a néanmoins réduit le nombre de tailles de contenants à transporter ;
- Le partenariat avec un nombre limité d’acteurs a permis d’améliorer le mode de
collaboration pour gérer la chaîne de rétrologistique. »
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ANNEXE 8 : L’exemple de GEODIS
Les activités proposées par Geodis pour leurs clients :
Conception des meilleures solutions selon les besoins du client, pilotage et suivi tout au
long du processus, transport et logistique (interface avec les points de collecte, mise à
disposition des conteneurs et organisation des enlèvements, regroupement sur des centres,
gestion des autorisations nécessaires pour le transport), traitement (reconditionnement,
démantèlement, organisation des filières d’élimination et de valorisation des déchets
dangereux), production et diffusion de statistiques conformément à la réglementation et
pour garantir une grande transparence envers les parties prenantes, conformité aux
contraintes environnementales (dépollution, recyclage, destruction sécurisée ou
revalorisation).
La gestion des DEEE chez Geodis :
Mise à disposition des conteneurs et programmation des enlèvements grâce à un call center
européen, réception et consolidation des flux sur des plates-formes agréées, réparation pour
nouvel emploi en collaboration avec des partenaires spécialisés, dépollution,
démantèlement manuel ou automatisé, valorisation puis traitement jusqu’à élimination
ultime.
La traçabilité et la sécurité sont garanties tout au long du processus : autorisations,
contrôles, gestion des bordereaux de suivi des déchets et certificats de destruction ou de
valorisation / régénération des produits ou des matières.
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Chapitre dans un ouvrage imprimé
- BERTOLINI Gérard, Economie des déchets, Paris, Technip Environnement, 2005.
- BOBE Pierre, Développement durable : l’avenir de la planète, Paris, Nouveaux horizons,
CFDT, 2002.
- BONNEVAULT Stéphane, Développement insoutenable, pour une conscience
écologique et sociale, Bellecombe-en-Bauges, éditions du Croquant, novembre 2003.
- BRUNEL Sylvie, Le Développement Durable, Paris, Que Sais-je ?, PUF, mars 2005.
- DETRIE Jean-Pierre, Strategor : politique générale de l’entreprise, Paris, Dunod, 2005.
- D’HUMIERES Patrick, RIVALS Julien, LURIE Evgenia, Le développement durable, le
management de l’entreprise responsable, Paris, éditions d’Organisation, 2005.
- DUBIGEON Olivier, Mettre en pratique le DD : quels processus pour l’entreprise
responsable ?, Paris, éditions village mondial, 2002.
- EYMERY Pascal, La logistique de l’entreprise, Paris, Editions Hermès, 1997.
- GRIFFON Michel, enquête de Marie-Odile MONCHICOURT, Développement durable,
ensemble ?, Paris, Platypus Press, CIRAD, février 2003.
- JOURNOT Alain, 100 questions pour comprendre et agir : Le développement durable,
Saint-Denis La Plaine, AFNOR, 2004.
- LEGRAND Christian et CHENE Françoise, Développement Durable et Haute Qualité
Environnementale,Voiron, Techni.Cités, mai 2003.
- PIMOR Yves, Logistique : Production, Distribution, Soutien, Paris, Edition Dunod,
2003.
- PLANET Jean, LEKIEFFRE Manuel, CHOFFE Thomas, Développement durable :
dynamiser l’action publique (Formation secteur public, Pricewaterhousecoopers / PWC
Global Learning), Paris, éditions de la Performance, 2004.
- ROUMIS Sandra, THOMAS Gaël, En toute logistique, Afilog, Edition Jacob-Duvernet.
- SALAMITOU Jacques, Management Environnemental, Paris, Edition Dunod, 2004.
- SAMII Alexandre K., Stratégie Logistique : Supply Chain Management, Paris, Edition
Dunod, 2004.
- STEPHANY Didier, Développement durable et performance de l’entreprise, Bâtir
l’entreprise DD, Paris, éditions Liaisons, 2003.
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176
Rapports électroniques
- ATTARCA Mourad et JACQUOT Thierry, La représentation de la Responsabilité
Sociale des Entreprises : une confrontation entre les approches théoriques et les visions
managériales, IAE Aix-en-Provence, Journée du développement durable, 11 mai 2005.
- BEJI-BECHEUR Amina et BENSEBAA Faouzi, Responsabilité Sociale de l’Entreprise :
acceptabilité, crédibilité, légitimité des pratiques, Normandie, 13ème conférence AIMS, 2,
3 et 4 juin 2004.
- BEJI-BECHEUR Amina et BENSEBAA Faouzi, Responsabilité Sociale de l’Entreprise :
les apports prometteurs du pragmatisme, IAE Aix-en-Provence, Journée du
développement durable, 11 mai 2005.
- CEMT (Conférence Européenne des Ministres des Transports), Transport de déchets,
conclusions de la Table Ronde 116, Paris, 16-17 décembre 1999.
- GOND Jean-Pascal et MERCIER Samuel, Les théories des parties prenantes : une
synthèse critique de la littérature, Toulouse, juin 2005 (Note du LIRHE, n°411).
Travaux universitaires
- OUBRAYRIE Maxime, Comment gérer efficacement la Reverse Logistics des
Equipements Electriques et Electroniques en fin de vie ?, Mémoire de fin d’études, DESS
Logistique, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, avril 2004.
- BIENKOWSKA Agate, DUPERRAY Alexis, HOAREAU Sabrina, Les enjeux et
l'organisation de la logistique des retours des produits en fin de vie, Dossier universitaire,
Master 2 Professionnel Logistique, Université Paris 1Panthéon-Sorbonne, novembre 2006.
Articles de périodiques imprimés
- « Canon France : une Reverse Logistics d’avance », Stratégie Logistique, mai 2005,
n°76.
- « Environnement, la chance de l’industrie », L'Usine Nouvelle, 01 à 07 février 2007,
n°3041.
- « L’arbre qui cache la forêt », Stratégie Logistique, juin 2004, n°67.
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- « La Lettre du Transport et de la Logistique », Les Echos, 25 Janvier 2006, n° 319.
- « Logistique et Développement Durable », Logistique et Management, 2005, vol 13, n°1
(publication de l’ISLI).
- « Recyclage, la ruée vers l’or », L'Usine Nouvelle, 23-29 novembre 2006, n°3032.
- « Reverse Logistics : l'offre se structure », Supply Chain Magazine, décembre 2006,
n°10.
- « Reverse Logistics : un engouement croissant », Stratégie Logistique, mars 2005, n°74.
- « Reverse Logistics : un nouvel Eldorado ? », Stratégie Logistique, janvier-février 2006,
n°83.
Sites web consultés
- AIMS, Association Internationale de management stratégique, [référence du 24 mars
2006], www.strategie-aims.com
- CNRS (Centre National sur la Recherche Scientifique, article de Ruddy Sochay),
[référence du 12 janvier 2007], http://cat.inist.fr
- GEODIS, [référence du 22 février 2007], http://www.geodis.com
- LIHRE, Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche sur les Ressources Humaines et
l’Emploi, travaux des doctorants, [référence du 24 mars 2006], http://lirhe.univ-tlse1.fr
- Ministère de l’Environnement et du Développement Durable, [référence du 24 mars
2006], www.environnement.gouv.fr
- Novethic, centre de ressources et d’expertise sur la responsabilité sociétale des
entreprises et l’investissement socialement responsable [référence du 15 mars 2006],
www.novethic.fr
- Objectif Développement Durable, [référence du 24 mars 2006], www.objectifdd.org
- Premier Ministre, portail du Gouvernement, [référence du 6 février 2006], www.premier-
ministre.gouv.fr
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Séminaires
BECHEUR Amina, « Ethique des affaires : pourquoi aujourd’hui ? Pourquoi si tard ? »,
Séminaire Stratégie d’Entreprise et Innovation, Université de Marne-La-Vallée, 3 mars
2006.
Brochures
- GEODIS, Environnement / Reverse logistics : Transformer en atouts les contraintes
environnementales.
- GEODIS, Reverse Logistics : Des solutions clients pour un développement durable.