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ENQUÊTE : Cédric Cousseau UN SYSTÈME FRANÇAIS CRITIQUÉ Le tourisme médical est un phéno- mène encore marginal mais il prend de l’ampleur d’année en année. Un nombre grandissant de Français ont donc décidé de tourner le dos à leurs spécialistes. Leur raison est simple : ils trouvent ailleurs des tarifs attractifs comme le site de Séjour dentaire en affiche. « En France, le coût des soins dentaires excluent une trop grande partie de la population », explique Matthieu Picaud, jeune chef d’entreprise de 26 ans, gérant et fondateur de Sé- jour dentaire. Le rôle de ce type de société, également appelé medical voir mâcher à nouveau ; d’autres veulent retrouver une esthétique après un accident de moto ou bien encore corriger un problème surve- nu pendant la croissance. » « Des personnes viennent aussi parce qu’elles n’ont pas le temps de sa- crifier une fin d’après-midi chaque semaine pendant des mois pour se faire poser leurs couronnes. En allant en Hongrie, on peut tout faire en une semaine », ajoute Sébastien Valverde, 33 ans, ancien ingénieur en chimie fine, aujourd’hui gérant d’Ypsée. En plus de soins dentaires, cet autre medical planner propose en Tunisie et au Maroc de la chirur- gie esthétique ainsi que de la cor- Le site de Séjour dentaire ressem- ble à tous les sites de commerce en ligne... à peu de choses près. Arguments marketing accrocheurs en page d’accueil, un « 60 % d’éco- nomie » en gros caractères orange barrant la moitié de l’écran et même des promotions occasion- nelles. « 5 % de réduction mini- mum pour tous vos soins dentaires en Hongrie pour les mois de juillet et août !! » Le terme « soins » ne s’est pas glissé par erreur. Pas question effectivement d’acheter sur ce site une veste griffée ou le dernier baladeur MP3 à la mode. Le site de Séjour dentaire propose des produits radicalement diffé- Greffe du foie en Thaïlande, chirurgie mammaire en Inde, correction de la vision en Tunisie... Se refaire une santé ou un corps parfait tout en voyageant est une combinaison qui peut étonner. Pourtant, de plus en plus de Français se laissent tenter par des coûts médicaux moins élevés à l’étranger. Une nouvelle forme de tourisme est ainsi apparue : le « tourisme médical ». Quels en sont les dangers et les risques ? Chirurgie à prix réduits et soins de qualité sont-ils compatibles ? À qui accorder sa confiance ? Quels avantages réels peut-on tirer du tourisme médical ? Enquête sur une activité lucrative pas tout à fait comme les autres. DOSSIEr rents : des couronnes, des bridges et des implants à se faire poser en Hongrie ou en Turquie. Ainsi, se re- faire un joli sourire à Budapest et profiter de son séjour en pays ma- gyar pour se balader sur les rives du Danube ou effectuer une greffe de cheveux à Maurice avant de se prélasser sur la plage sont des formules auxquelles les Français sont de plus en plus attentifs. Un paradoxe. Car la France est répu- tée pour avoir l’un des meilleurs systèmes de santé au monde. Un comble aussi, certains n’hésitant pas à faire chemin inverse depuis les quatre coins de la planète pour se faire soigner chez nous ! Lifting complet du visage pour 3 000 en Bolivie vol compris, injections anti-rides à 650 l’unité en Thaïlande, abdominoplastie pour 2 500 à Cuba, et même changement de sexe pour 8 000 en Tunisie... Les prix affichés à l’étranger en ten- tent plus d’un. Mais pour Jean-Luc Roffé, président du syndicat national de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique, le jeu n’en vaut pas forcément la chandelle. « Il n’est pas possible de vérifier la qualité des soins à l’étranger. Or, en cas de com- plications, les soins postopératoires peuvent atteindre plusieurs milliers d’euros et ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale. On ne fait alors aucune économie à partir se faire soigner à l’étranger. » Par ailleurs, réduire les coûts implique aussi que l’on réduise la durée de son séjour. Pourtant, certaines opérations demandent un long temps de conva- lescence. C’est le cas, par exemple, de l’abdominoplastie. « Il faut aussi savoir que prendre l’avion dans les jours qui suivent une opération esthétique augmente le risque de phlébite. » Enfin, après certains actes, il vous sera impossible d’approcher la piscine et même de vous exposer au soleil. Dur quand son hôtel a vue sur la plage ! LES LIMITES DE LA CHIRURGIE ESTHÉTIQUE 104 pEtIt futé mag / nOv-DécEmbrE 2009 MÉDICAL TOURISME lE tOurISmE méDIcal ESt un phénOmènE margInal quI prEnD DE l’amplEur D’annéE En annéE planner, est de mettre en relation ses clients avec des dentistes à l’étranger. L’activité est tout à fait lé- gale. Séjour dentaire est, par exem- ple et comme toute autre société, inscrite à la chambre de commerce et d’industrie. « Des personnes vien- nent nous voir parce que leur den- tiste leur a fait un devis correspon- dant à une année de salaires. On a vraiment tous les cas de figure : des personnes âgées de 35 à 75 ans qui veulent retrouver un confort et pou- rection de vision au laser. « Il n’y a pas de contre-indication médicale à poser toute une série de couronnes en quelques jours. En France, avec des professionnels de santé payés par la Sécurité sociale, le système fait que les dentistes ont tout inté- rêt – certains sont même obligés – de diviser les soins par étapes pour encaisser le plus de consultations possible. Le système veut aussi que les dentistes soient libres de fixer le prix pour les couronnes et les brid-

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ENQUêTE : Cédric Cousseau

UN sysTèmE fraNçais CriTiQUéLe tourisme médical est un phéno-mène encore marginal mais il prend de l’ampleur d’année en année. Un nombre grandissant de Français ont donc décidé de tourner le dos à leurs spécialistes. Leur raison est simple : ils trouvent ailleurs des tarifs attractifs comme le site de Séjour dentaire en affiche. « En France, le coût des soins dentaires excluent une trop grande partie de la population », explique Matthieu Picaud, jeune chef d’entreprise de 26 ans, gérant et fondateur de Sé-jour dentaire. Le rôle de ce type de société, également appelé medical

voir mâcher à nouveau ; d’autres veulent retrouver une esthétique après un accident de moto ou bien encore corriger un problème surve-nu pendant la croissance. » « Des personnes viennent aussi parce qu’elles n’ont pas le temps de sa-crifier une fin d’après-midi chaque semaine pendant des mois pour se faire poser leurs couronnes. En allant en Hongrie, on peut tout faire en une semaine », ajoute Sébastien Valverde, 33 ans, ancien ingénieur en chimie fine, aujourd’hui gérant d’Ypsée. En plus de soins dentaires, cet autre medical planner propose en Tunisie et au Maroc de la chirur-gie esthétique ainsi que de la cor-

Le site de Séjour dentaire ressem-ble à tous les sites de commerce en ligne... à peu de choses près. Arguments marketing accrocheurs en page d’accueil, un « 60 % d’éco-nomie » en gros caractères orange barrant la moitié de l’écran et même des promotions occasion-nelles. « 5 % de réduction mini-mum pour tous vos soins dentaires en Hongrie pour les mois de juillet et août !! » Le terme « soins » ne s’est pas glissé par erreur. Pas question effectivement d’acheter sur ce site une veste griffée ou le dernier baladeur MP3 à la mode. Le site de Séjour dentaire propose des produits radicalement diffé-

Greffe du foie en Thaïlande, chirurgie mammaire en Inde, correction de la vision en Tunisie... Se refaire une santé ou un corps parfait tout en voyageant est une combinaison qui peut étonner. Pourtant, de plus en plus de Français se laissent tenter par des coûts médicaux moins élevés à l’étranger. Une nouvelle forme de tourisme est ainsi apparue : le « tourisme médical ». Quels en sont les dangers et les risques ? Chirurgie à prix réduits et soins de qualité sont-ils compatibles ? À qui accorder sa confiance ? Quels avantages réels peut-on tirer du tourisme médical ? Enquête sur une activité lucrative pas tout à fait comme les autres.

DOSSIEr

rents : des couronnes, des bridges et des implants à se faire poser en Hongrie ou en Turquie. Ainsi, se re-faire un joli sourire à Budapest et profiter de son séjour en pays ma-gyar pour se balader sur les rives du Danube ou effectuer une greffe de cheveux à Maurice avant de se prélasser sur la plage sont des formules auxquelles les Français sont de plus en plus attentifs. Un paradoxe. Car la France est répu-tée pour avoir l’un des meilleurs systèmes de santé au monde. Un comble aussi, certains n’hésitant pas à faire chemin inverse depuis les quatre coins de la planète pour se faire soigner chez nous !

Lifting complet du visage pour 3 000 € en Bolivie vol compris, injections anti-rides à 650 € l’unité en Thaïlande, abdominoplastie pour 2 500 € à Cuba, et même changement de sexe pour 8 000 € en Tunisie...Les prix affichés à l’étranger en ten-tent plus d’un. Mais pour Jean-Luc Roffé, président du syndicat national de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique, le jeu n’en vaut pas forcément la chandelle. « Il n’est pas possible de vérifier la qualité des soins à l’étranger. Or, en cas de com-plications, les soins postopératoires peuvent atteindre plusieurs milliers d’euros et ne sont pas remboursés

par la Sécurité sociale. On ne fait alors aucune économie à partir se faire soigner à l’étranger. » Par ailleurs, réduire les coûts implique aussi que l’on réduise la durée de son séjour. Pourtant, certaines opérations demandent un long temps de conva-lescence. C’est le cas, par exemple, de l’abdominoplastie. « Il faut aussi savoir que prendre l’avion dans les jours qui suivent une opération esthétique augmente le risque de phlébite. » Enfin, après certains actes, il vous sera impossible d’approcher la piscine et même de vous exposer au soleil. Dur quand son hôtel a vue sur la plage !

L E s L i m i T E s D E L a C H i r U r G i E E s T H é T i Q U E

104 pEtIt futé mag / nOv-DécEmbrE 2009

méDiCaLToUrismE

lE tOurISmE méDIcal ESt un phénOmènE margInal quI prEnD DE l’amplEur D’annéE En annéE

planner, est de mettre en relation ses clients avec des dentistes à l’étranger. L’activité est tout à fait lé-gale. Séjour dentaire est, par exem-ple et comme toute autre société, inscrite à la chambre de commerce et d’industrie. « Des personnes vien-nent nous voir parce que leur den-tiste leur a fait un devis correspon-dant à une année de salaires. On a vraiment tous les cas de figure : des personnes âgées de 35 à 75 ans qui veulent retrouver un confort et pou-

rection de vision au laser. « Il n’y a pas de contre-indication médicale à poser toute une série de couronnes en quelques jours. En France, avec des professionnels de santé payés par la Sécurité sociale, le système fait que les dentistes ont tout inté-rêt – certains sont même obligés – de diviser les soins par étapes pour encaisser le plus de consultations possible. Le système veut aussi que les dentistes soient libres de fixer le prix pour les couronnes et les brid-

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ges. Ils se rattrapent donc ainsi... » En disant cela, Sébastien Valverde sait qu’il ne se fait pas que des amis dans la profession... mais il se fait des clients. Christian Couzinou, pré-sident du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes, ne dé-ment pas ces dérives et regrette lui aussi ce système : « Revoyons-le ! Il n’y aura peut-être plus ces effets de rattrapage. N’oublions pas, en at-tendant, qu’un cabinet dentaire est une entreprise avec des charges et des salariés qu’il faut payer... Re-voyons peut-être aussi les taux de remboursement des prothèses qui datent de 1978 ! »

LE CHoix D’UNE méDECiNE « Low-CosT »Pour concurrencer nos praticiens français, des pays n’ont pas hésité justement à revoir leur réglemen-tation. Certains pays ont fait de la santé l’outil de leur politique de dé-veloppement économique. « En Tu-nisie, par exemple, les cliniques qui reçoivent des patients étrangers sont exonérées de taxes pendant plusieurs années et il n’y a pas de frais de douane en ce qui concerne l’importation de matériel médical », explique Sébastien Valverde. L’ob-jectif est clair : par ces mesures, les pays font le maximum afin de capter des devises. L’avantage pour les praticiens est aussi d’être payés avec des monnaies fortes, ce qui est très rentable pour eux. À ces dispositions s’ajoutent encore des coûts et des niveaux de vie plus faibles qu’en France. « Un praticien qualifié gagne en moyenne 600 € par mois en Hongrie, indique Sébas-tien Valverde. Il faut multiplier ce chiffre au moins par trois en Fran-ce. » Au final, le tourisme médical rapporterait aujourd’hui plusieurs centaines de millions de dollars à un pays comme la Thaïlande ; les sommes générées pourraient ap-procher le milliard d’euros en Inde en 2012. Et il ne suffit pas de partir loin pour profiter du tourisme médi-cal. Le tourisme transfrontalier – qui consiste à acheter moins cher ses lunettes en Belgique ou à consulter un médecin en Allemagne – pour-suit lui aussi son développement. Une région comme l’Algarve, dans le sud du Portugal, surfe ainsi sur une directive européenne facilitant les soins entre pays voisins pour

cliniques privées et les sites fran-cophones hébergés en France mais pilotés par des entreprises établies à des milliers de kilomètres de là. Les noms de ces entreprises se res-semblent à peu près tous au point

maladie (C.P.A.M.). « On peut toute-fois dire que tous les soins ne sont pas à effectuer loin de chez soi », tient à préciser le docteur André Deseur, conseiller national à l’or-dre des médecins et président de la section exercice professionnel. « Dès lors qu’il y a un suivi au long cours, partir n’est peut-être pas le choix le plus pragmatique. La méde-cine repose en effet sur un échange rapproché entre le patient et son médecin. »

UN TravaiL D’ENQUêTE !Quelle que soit votre décision, il n’est vraiment pas conseillé de se lancer seul dans les préparations de son voyage médical. Ne perdez pas pour autant votre temps sur les forums à la recherche de pro-fessionnels réputés. Le côté trop aléatoire des informations peut vous mener sur de mauvaises pis-tes. Et les conséquences peuvent être désastreuses. Si vous comp-tez partir, n’hésitez pas à parler de votre projet autour de vous. Vous aurez peut-être dans votre en-tourage, sans le savoir, quelqu’un qui a franchi le pas. Si le bouche à oreille ne fonctionne pas, sachez que les intermédiaires et les cli-niques peuvent vous envoyer des contacts de leurs clients. Vous pourrez donc les joindre par mail ou par téléphone et ainsi leur po-ser toutes vos questions. Mais évidemment, on ne vous enverra pas vers un patient pour lequel une opération s’est mal déroulée. Trouver le bon prestataire néces-site donc de mener l’enquête et de prendre le temps de comparer les offres. Si passer par une agence de voyages française vous ras-sure, sachez que la loi interdit aux voyagistes de proposer des pac-kages combinant organisation de séjours et opérations médicales ou chirurgicales. « Nous avons travaillé en collaboration avec le ministère du Tourisme pour met-tre en garde les voyagistes », déclare Laurence Danand, atta-ché de presse au ministère de la Santé. « Les récalcitrants risquent de perdre leur licence de voyage. » Théoriquement, vous ne devriez donc pas en trouver. Mais tous ne jouent pas le jeu, profitant du flou d’Internet pour attirer des clients sur la Toile... et dans la leur ! À vous donc d’ouvrir l’œil.

investir en infrastructures hospita-lières et hôtelières. À une heure de Paris, on peut donc aussi faire de sérieuses économies. Toujours est-il que pour les medical planners, ces coûts réduits n’influent en rien

nOv-DécEmbrE 2009 / pEtIt futé mag 105

cErtaInS payS Ont faIt DE la Santé l’OutIl DE lEur pOlItIquE DE DévElOppEmEnt écOnOmIquE

DEs offrEs pLéTHoriQUEsDes sociétés telles que Séjour den-taire ou Ypsée, il en pousse comme des champignons sur Internet. Il suffit de taper « medical tourism » ou « global medicine » sur un mo-teur de recherche pour que des centaines de pages vous proposent les services d’une myriade de pres-tataires. Difficile de savoir à qui l’on s’adresse entre les medical plan-ners, les associations de dentistes qui consultent en France mais qui réalisent les soins à l’étranger, les

se cache réellement derrière ces façades ? Autant vous le dire : le meilleur comme le pire ! « On peut trouver d’excellents praticiens qui travaillent avec éthique ou qui ont fait leurs études en France, mais on peut aussi tomber sur de mau-vais », déclare Laurence Danand, attachée de presse au ministère de la Santé. « C’est pourquoi, nous ne pouvons qu’appeler à la vigilance et conseiller aux personnes de pren-dre une assurance privée avant de partir », complète Vanessa Honvo de la Caisse primaire d’assurance

sur la qualité des prestations. Ces organisations assurent sélection-ner des médecins formés, compé-tents, assurés : « Ils appliquent les mêmes conditions sanitaires qu’en France et utilisent des matériaux aux normes internationales », s’ac-cordent-elles à dire.

parfois de se confondre. Ces sites sont souvent très bien faits, rassu-rants, avec des photos d’établisse-ments de santé flambant neufs et des équipes médicales toutes très souriantes. Des sociétés font même appel à des communicants pour fai-re de leur site une vitrine. Mais qui

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DiaGNosTiC à DisTaNCEFaute de pouvoir choisir son méde-cin avant de partir, certains Fran-çais décident de partir à l’aven-ture. Ils se rendent à l’étranger et s’en remettent sur place au plus offrant. Pour les aider à faire leur choix, il n’est pas rare de trouver dans certains pays des affiches vantant les mérites ou les tarifs de tel ou tel médecin. Des prati-

on explique quelles sont les diffé-rentes marques d’implants, on les accompagne dans le calcul de la prise en charge des soins par la Sé-curité sociale, on peut également leur conseiller de changer de mu-tuelle pour profiter de meilleurs remboursements. Nous allons même jusqu’à les aider à trouver les meilleurs billets d’avion et à ré-server un hébergement sur place.

DOSSIErtOurISmE méDIcal

tra ; ils sont maintenant de plus en plus au volant de Mercedes. En une vingtaine d’années, le pays est pas-sé du communisme au capitalisme avec les changements de mentalité que cela implique. » « Quelque part, on peut tout de même se réjouir que ces dentistes formés aient les moyens de vivre dans leur pays au lieu qu’ils ne le quittent, tempère Sébastien Valverde. Mais il est vrai aussi qu’une nouvelle ségrégation par l’argent se met en place. » La santé à deux vitesses, une des rai-sons motivant les Européens à se faire soigner ailleurs, semble donc s’être exportée avec eux. Pire, en Thaïlande, en Inde ou en Afrique du Sud, des cliniques ne sont plus ouvertes qu’aux seuls étrangers. Dans certaines de ces cliniques, les

les soins payés par les clients aux praticiens. « Elles sont comprises entre 35 % et 45 % », indique-t-on chez Séjour dentaire. On refuse de répondre si de telles commissions existent du côté d’Ypsée. Quoi qu’il en soit, une fois le devis accepté et vos billets en poche, il ne vous reste plus qu’à faire vos bagages. Dans certains cas, un traducteur vous accompagne si le chirurgien choisi n’est pas francophone. Sur ce point, plusieurs profession-nels de santé français mettent en garde : la barrière de la langue peut altérer la qualité et le cours des soins. Pour ce qui est de la chirur-gie esthétique, vous pourrez aussi vous entretenir par téléphone ou par webcam avec votre chirurgien. Il s’agit là de vous informer sur le

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ques marketing qui seraient, en France, sévèrement réprimées par le conseil de l’Ordre. D’autres pré-fèrent s’en remettre à ces medical planners. « Tout se passe depuis notre site », reprend Sébastien Valverde d’Ypsée. Un dossier est à remplir en ligne en y joignant photos et radios. En fonction du nombre de cliniques qui travaillent avec ces intermédiaires, vous re-cevrez autant de devis. À vous en-suite de n’en retenir qu’un... et de décrypter un jargon pas toujours compréhensible. « Notre rôle est aussi d’aider nos clients à faire le meilleur choix. Secret médical oblige, nous n’avons pas accès aux dossiers de nos clients. Mais

Pour cela, nous leur proposons les services d’un site de réserva-tion avec lequel notre société est partenaire. Mais ceci n’est pas un passage obligé et nous n’achetons rien pour eux puisque la loi nous l’interdit. Nos clients peuvent tout aussi bien s’y prendre par leurs propres moyens. » Néanmoins, proposer ce service est un mode de financement pour ces socié-tés. En sus des 145 € de frais de dossier et d’organisation deman-dés au client, Ypsée perçoit une commission chaque fois que ses clients passent par le fameux site partenaire. Une autre source de ré-munération est levée par des com-missions perçues directement sur

lE tOurISmE méDIcal faIt naîtrE DanS cErtaInS payS un SyStèmE

DE Santé à DEux vItESSESdéroulement de l’opération. « Le but est de pouvoir partir en toute confiance, reprend Sébastien Val-verde. Il s’agit aussi pour les chirur-giens d’apprécier les motivations des clients que nous leur propo-sons et de détecter les demandes farfelues. Et il est arrivé que nos chirurgiens refusent d’opérer des clients pour ces raisons. » Mais dans d’autres cliniques, ces filtres n’existent pas.

DEs paTiENTs à La CHaîNEIl arrive même que l’on ne parle plus du tout de tourisme mais d’industrie médicale. À Budapest comme dans d’autres villes du pays, des cars dé-barquent régulièrement chargés de touristes. Les agences qui les affrè-tent réservent un ou plusieurs den-tistes pour deux ou trois semaines qu’elles font travailler en continu. « Le tourisme médical est devenu un business florissant, admet Mat-thieu Picaud de Séjour dentaire. De fait, on voit aussi les prix grimper, ce qui écarte progressivement les Hongrois eux-mêmes de certains dentistes devenus trop chers par rapport au niveau de vie moyen. Il n’y a qu’à regarder le garage des dentistes : ceux-ci roulaient il y a en-core très peu de temps en Opel As-

médecins enchaînent les patients les uns après les autres comme Charlie Chaplin enchaînait les bou-lons dans Les Temps modernes. Avec le résultat que le film montre. « Il nous est nous-mêmes arrivé d’arrêter de travailler avec un mé-decin car, au fur et à mesure que nous lui adressions des clients, il ne prenait plus autant soin d’eux, révèle Matthieu Picaud de Séjour dentaire. Les couronnes tombaient trop régulièrement et les implants ne tenaient pas. Il fallait donc repar-tir faire les soins et cela engendrait trop de coûts pour notre société. Nous avons donc décidé de ne plus collaborer avec lui et de choisir un autre dentiste, plus calme, plus précautionneux. Car oui, à certains égards, la Hongrie est devenue une usine à produire des dents. »

DEs rECoUrs DiffiCiLEsComment alors demander répa-ration lorsque les conséquences d’actes mal réalisés surviennent après l’opération ? « Si vous avez une petite douleur à votre retour ou si votre couronne se décolle, vous pouvez vous contenter d’al-ler chez votre dentiste qui appor-tera les petits soins nécessaires, poursuit Matthieu Picaud. Si vous

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« sErviCE après-vENTE »Les choses ne sont pas forcément plus aisées en ayant fait appel à un medical planner. Bien que les sièges de ces organisations soient installés en France, il sera très diffi-cile de les attaquer dans la mesure où elles ne sont pas responsables des actes médicaux. En attendant un cadre plus protecteur pour les patients, Christian Couzinou, pré-sident du conseil de l’ordre des chirurgiens-dentistes, constate de plus en plus de retours de clients

ayant subi des soins à l’étranger et à qui il faut assurer en France le « service après-vente », selon ses propres termes. « Cela nous pose un problème de responsabilité à nous aussi. Un dentiste peut être attaqué sur les actes d’un patient qui viendrait se faire réparer une couronne cassée. » Christian Cou-zinou pointe également une autre faille : « Il y a plus un problème d’examen clinique avant le départ. Le devis des soins est fait sur la base d’une radio panoramique en-voyée au médecin.

avez mangé du nougat alors que le dentiste vous l’avait déconseillé les jours suivant la pose de votre bridge, ce sera à vous d’assumer les frais. En revanche, si la faute revient au dentiste, nous prenons tout en charge. » Pour ce qui serait d’une faute grave dont le praticien serait responsable, les recours possibles sont parfois minces.

place et se plonger dans la légis-lation nationale n’est pas donné à tout le monde. « Il y a surtout un problème de responsabilité », précise le docteur André Deseur, conseiller national à l’ordre des médecins. « En France, les méde-cins sont tenus par la loi de vous informer sur la procédure d’une opération, les risques et le prix. Ils

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L E T r a f i C D ’ o r G a N E s E N L i G N E D E m i r E

En caS D’actES mal réalISéS par lE pratIcIEn, lES rEcOurS

SOnt parfOIS mIncES

« Le problème du tourisme médi-cal est là, dans le suivi des soins, interpelle Laurence Danand du mi-nistère de la Santé. Si vous avez un problème en France, vous pourrez toujours solliciter la justice et le conseil de l’ordre des médecins, chose que vous ne pourrez pas faire en ayant subi une opération à l’étranger. » Saisir un tribunal hongrois, thaïlandais ou cubain ainsi que faire appel à un avocat du pays, se rendre à nouveau sur

doivent également être assurés. Or, ces obligations n’existent pas partout. » En clair, il n’est pas tou-jours permis d’intenter une action de justice à l’étranger tout simple-ment parce que la loi manque sur ce point. Sans texte pour se défen-dre... impossible de se défendre ! « Une uniformisation des lois au niveau de l’Europe serait une avan-cée. Cela fait partie des choses sur lesquelles nous travaillons au conseil de l’Ordre. »

« L’attribution des organes doit être dictée par des critères cliniques et éthi-ques et non pas par des considérations financières ou autres ». L’Organisation mondiale de la santé a rappelé, il y a quelques semaines, un certain nombre de principes visant à mieux encadrer la transplantation. L’O.M.S. s’est une nouvelle fois dite pré-occupée par le trafic d’organes humains et le tourisme médical qui l’encourage dans certains pays. De riches étran-gers font en effet le voyage là où les cliniques le permettent pour acheter et se faire greffer un organe. Le problème réside dans l’origine de ces organes. Ils peuvent en effet provenir d’assassinats

ou de mineurs contraints de vendre une partie de leur corps pour survivre finan-cièrement. Pire, en Afrique du Sud, des arrestations ont permis de révéler la complicité de médecins dont la mis-sion était de retirer des organes sur des patients en état de mort cérébrale. Résultat : les organes se trouvent main-tenant un peu partout, à la portée de tous et du plus offrant. Sur le Net, des opérations de transplan-tation de la cornée, d’un rein ou d’un poumon sont proposées en échange de plusieurs dizaines, voire plusieurs cen-taines de milliers de dollars. C’est à peu près la peine encourue s’il vous venait l’idée d’encourager ce trafic.

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de soins expliquant, par exemple, qu’ils se sont cassé le nez dans un pays, qu’ils ont dû recevoir des soins d’urgence, alors que dans les faits, ils se le sont fait refaire dans un cabinet de chirurgie esthétique. Ces personnes doivent bien savoir que la C.P.A.M. traque les abus et est très vigilante avec ce genre de demande de remboursement. La Sécurité sociale n’a pas à perdre d’argent ainsi. »

à L’iNvErsE, La fraNCE aCCUEiLLE pEUSi la France n’a pas à perdre d’argent avec le tourisme médical, a-t-elle à en gagner ? En d’autres termes, peut-elle profiter économiquement de cette activité comme le font d’autres pays ? « Oui », répond avec assurance Catherine Fritsch, directrice de SAM, une société qui existe depuis deux ans sur Paris et qui propose aux étrangers de ve-nir se faire soigner en France. Elle travaille principalement avec des cliniques privées, mais elle a aussi recours à des hôpitaux publics pour des soins aussi spécifiques que les greffes d’organes. Parmi ses clients, elle compte de riches habitants du Golfe, des Russes, des Américains, des Anglais. « Le tourisme médical peut apporter beaucoup à la Fran-ce. Au niveau du tourisme d’abord : quand les Arabes du Golfe viennent se faire soigner en France, ils vien-nent en famille.

lorsqu’elle est négative. Un refus catégorique ne suffit pas. Il peut donc là aussi être contesté devant les tribunaux. Seules deux condi-tions peuvent être avancées pour vous refuser cette autorisation : si les soins demandés à l’étranger ne sont pas eux-mêmes pris en charge en France ou si une solution aussi efficace peut être envisagée en France dans un délai compati-ble avec votre état de santé et son évolution. Cette dernière disposi-tion est importante pour ceux qui habitent des déserts médicaux, ces régions qui connaissent un déficit de professionnels de santé. Ils peuvent donc, s’il y a urgence, se faire soigner dans un pays d’Eu-rope sans que cela n’ait d’incidence sur leur taux de remboursement.

La séCU TraQUE LEs abUs En dehors de l’Union européenne, la France a signé des conventions avec certains pays. Elles sont assez restrictives en matière de remboursements. Ces conventions concernent majoritairement les personnes ayant une double natio-nalité ou qui s’expatrient. Dans un pays avec lequel la France n’a pas d’accord, la prise en charge ne peut intervenir, selon la C.P.A.M., que « lorsque l’assuré peut apporter la preuve qu’il ne pouvait pas recevoir sur le territoire français les soins

Or, cela ne suffit pas pour avoir un consentement éclairé. Il arrive donc que le dentiste reçoive son client et qu’il découvre que d’autres soins sont nécessaires. Il revoit alors le devis et le prix de la prestation peut alors augmenter. » Afin de tester le sérieux de votre devis, rien ne vous empêche, par exemple, d’en demander un à un professionnel français et de le comparer avec le devis étranger. Soyez attentif, enfin, quant au moyen de régler vos soins : il arrive que des dentistes demandent un paiement en espèces sans délivrer de facture. Impossible alors d’in-tenter le moindre recours contre eux, faute d’avoir la preuve que vous avez bien été soigné par eux.

rEmboUrsEmENTs : mErCi L’EUropE !Sans facture, il vous sera également impossible de vous faire rembour-ser vos soins une fois revenu en France. Car la Sécurité sociale prend en charge un certain nombre de prestations effectuées en Eu-rope. Elles sont remboursées sur la base des tarifs appliqués en France. Il se peut donc que vos rembourse-ments soient supérieurs à ce que vous avez réellement payé. En re-

vanche, vos implants dentaires ne vous seront pas remboursés : ils ne le sont pas en France ; ils ne le se-ront pas davantage au motif qu’ils aient été posés à l’étranger. Sachez en tout cas que pour tous les soins ambulatoires – qui, par définition, n’impliquent pas d’hospitalisa-tion –, vous n’avez pas besoin de prévenir votre assurance maladie avant de partir. Il vous suffira de lui adresser les factures et justifi-catifs à votre retour. En revanche, une autorisation au préalable vous sera obligatoire pour vous faire rembourser les soins hospitaliers et actes lourds de type scanner ou I.R.M. ; une réponse devra vous être faite au plus tard dans les deux semaines. Au-delà, l’autorisation est considérée comme accordée selon la législation européenne. Ainsi, en 2000, une Française a demandé l’autorisation de bénéfi-cier d’un don d’ovocytes en Grèce. Elle a reçu une réponse négative de l’assurance maladie deux mois après sa demande. Mais la justice a retenu que la réponse était interve-nue trop tard. Elle a ainsi contraint la Sécurité sociale à prendre en charge l’intervention. La lourdeur de l’administration a donc profité à cette dame. Qui plus est, la C.P.A.M. est tenue de justifier sa réponse

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DES pEtItS malInS abuSEnt Du SyStèmE françaIS pOur ObtEnIr

lE rEmbOurSEmEnt DES SOInSappropriés à son état de santé. » Enfin, les soins inopinés sont aus-si pris en considération dans une procédure de remboursement. Mais cela ne vous concerne théo-riquement pas puisque les soins que vous avez prévu de faire à l’étranger ont été programmés, or-ganisés à l’avance et donc en rien inopinés. Cependant, des petits malins tentent de frauder le sys-tème en abusant de cette dernière mesure : « Certains n’hésitent pas, effectivement, à faire passer des actes de chirurgie esthétique pour des soins inopinés, révèle Vanessa Honvo de la C.P.A.M. Ils nous envoient de fausses fiches

Ils dépensent pour se loger, se nour-rir, pour occuper leurs enfants... Une de mes clientes est venue pour un cancer du sein. Elle s’est logée pendant quatre mois au palace George V situé près des Champs-Élysées. Le tourisme médical peut aussi apporter de l’argent aux clini-ques et au système de santé. Il y a donc beaucoup à gagner, surtout que nous disposons d’une vitrine importante avec la qualité de nos soins. » Nos voisins allemands et belges se sont déjà positionnés sur ce très lucratif créneau. L’Allema-gne y a vu, par exemple, un moyen de trouver de nouvelles ressources pour son hôpital contraint à des

Page 6: ENQUêTE - Blog sur les soins medicaux à l'étranger...en page d’accueil, un « 60 % d’éco-nomie » en gros caractères orange barrant la moitié de l’écran et même des promotions

coûts toujours plus élevés. L’hôpi-tal français connaît d’ailleurs ces mêmes difficultés... « Malheureu-sement, quand je frappe à la porte du ministère de la Santé pour que l’on développe cette activité en France, on me répond littéralement qu’il ne faut pas faire de vagues. Or, on ne peut empêcher le tourisme médical d’exister. » Le ministère explique, lui, être pour l’instant en phase d’observation : « Nous in-terviendrons publiquement si cela

lorsqu’ils ont affaire à des deman-deurs fortunés. » Certains quittent donc la France pour trouver des soins moins chers ailleurs ; d’autres cherchent en France une qualité de services et des infrastructures qu’ils ne trou-vent pas dans leur pays. La santé est aujourd’hui un service mar-chand comme n’importe quel autre, ouvert sur le monde et soumis à une concurrence de plus en plus exacerbée. Des pôles de spécialités

sements. Au mieux, pourrons-nous partir sans crainte en recevant par exemple de la Sécurité sociale ou de notre médecin une liste de pro-fessionnels conseillés ou conven-tionnés ? Le cadre protecteur que les patients attendent doit apporter une réponse à ces éventualités. No-tre législation utilise déjà le terme de « prestataires de services »

pour parler des praticiens et de « consommateurs » pour identifier les patients. Le choix des mots n’est pas anodin. Quoi qu’il en soit et en attendant, c’est à soi de s’impo-ser ses propres règles : prendre le temps de peser sa décision et res-ter vigilant quant à celui à qui l’on confie momentanément le sort de sa santé. nn

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la Santé ESt DEvEnuE un SErvIcE marchanD OuvErt Sur lE mOnDE

Et SOumIS à la cOncurrEncEest nécessaire. Pour l’instant, c’est quelque chose que nous suivons avant de nous prononcer », déclare-t-on au service de presse du cabinet de Roselyne Bachelot. Mais pour Ca-therine Fritsch, il est d’ores et déjà nécessaire d’agir : « Le tourisme médical a besoin d’être réglementé pour surveiller les requins [méde-cins français] qui dépassent leurs honoraires de manière extravagante

se créent... comme dans l’industrie automobile : transplantation rénale aux Philippines, implants capillaires en Tunisie, prothèse du genou en Serbie... Moteur en Inde, carrosse-rie en Corée, plastique en Pologne... Quelle sera la prochaine étape ? On peut en effet se demander si une mutuelle ne favorisera pas un jour l’organisation de tels voyages pour réduire la facture de ses rembour-