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Gérer une crise sur les médias sociaux Anthony Babkine Mounira Hamdi Préface Nicolas Bordas BAD BUZZ © Groupe Eyrolles, 2013 ISBN : 978-2-212-55672-8

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Gérer une crise sur les médias sociaux

Anthony BabkineMounira HamdiPréface Nicolas Bordas

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Comment soigner son image et gérer une crise en ligne quand la communication vacille entre une marque et ses publics ? Comment la marque doit-elle réagir face aux propos virulents d’une communauté mécontente sur les médias sociaux ?

La digitalisation des marques et de leur communication a considérablement bouleversé l’attitude et les messages de l’entreprise face à ses publics : consomacteurs, influenceurs, blogueurs, fans Facebook, followers et bien d’autres. Peu d’entreprises peuvent encore prétendre pouvoir répondre de manière automatique et quasi-indifférente à une crise contemporaine. En quelques heures, une marque peut être confrontée à un phénomène de bad buzz sur les médias sociaux et voir l’ensemble de ses communications malmenées, critiquées, voire massivement déformées et relayées.

Cet ouvrage répond à toutes les problématiques liées à la communication de crise digitale avec :

➤ de nombreux cas pratiques ; ➤ des témoignages et règles d’or d’experts de la communication et du digital ; ➤ des astuces juridiques.

Anthony Babkine est spécialiste en communication digitale et e-réputation. Diplômé du CELSA Paris Sorbonne et de TELECOM École de Management, Anthony Babkine est Digital Strategist au sein de l’agence en Relations Publics Wellcom. Responsable du MBA ESG « Stratégie et Communication Digitale », il est également conférencier et organisateur des www.conferences- labcom.com. Il est auteur de plusieurs ouvrages dans le domaine de la communication dont Réussir l’organisation d’un événement et Bien gérer sa réputation sur Internet. @AnthonyBabkine

Mounira Hamdi est consultante en communication web et e-réputation. Diplômée de Reims Management School et TELECOM École de Management. Elle est organisatrice des conférences Labcom et a également co-écrit Bien gérer sa réputation sur Internet. @MouniraHamdi

Gérer une crise sur les médias sociaux

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© Groupe Eyrolles, 2013ISBN : 978-2-212-55672-8

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L’agence Burson-Marsteller a réalisé, en 2011, une étude auprès de 826 grandes entreprises internationales afin de mieux comprendre les modalités de gestion de leur e-réputation1 et les dispositifs de gestion de crise mis en œuvre en lien avec la montée du digital2. Le constat est sans appel, une majorité d’entre elles négligent leur e-réputation et, selon l’étude, un décideur sur deux en entreprise (49 %) estime que l’essor du digital a accru la vulnérabilité aux crises. De plus, seules 38 % d’entre elles disposent d’un plan de commu-nication de crise numérique permettant de répondre efficacement à des situations sensibles sur les médias sociaux, 62 % admettent n’en n’avoir aucun et 46 % des répondants affirment ne pas avoir l’expertise nécessaire pour gérer leur image sur les médias sociaux.

Un constat qui est quelque peu inattendu quand nous savons qu’Internet occupe aujourd’hui une place prépondérante dans la vie quotidienne des Français ainsi que dans celle des marques.

Avec plus de 23,1 millions d’abonnés au haut et très haut débit sur le territoire français3, c’est une large majorité des internautes français (73 %) qui affirme ne plus pouvoir « se passer d’Internet dans la vie de tous les jours4 ». De manière plus internationale,

1. E-réputation : évaluation sociale faite à partir des traces laissées de manière consciente ou inconsciente sur Internet.

2. Préparation à la gestion de crise (« Crisis Preparedness Study »), Étude – agence Burson-Marsteller & Penn Schoen Berland, juin 2011.

3. Observatoire annuel du marché des communications électroniques en France, Étude Arcep, 31 mai 2012.

4. Internet dans la vie des Français, sondage Ifop pour l’observatoire Netexplo, février 2012.

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Internet bouleverse les habitudes de consommation (explosion de l’e-commerce), les modes de communication interpersonnels (réseaux sociaux, messageries instantanées, chats) ainsi que les modes de travail (travail à distance et bien d’autres).

Ainsi, cette montée en puissance d’Internet dans le quotidien des Français bouleverse les modes de communication des marques et plus généralement des annonceurs. Au fil des dernières années, certains ont su comprendre et percevoir l’intérêt de cibler davan-tage leurs messages auprès de leurs clients ou prospects grâce aux techniques et outils du webmarketing, délaissant parfois un peu plus l’usage de certains médias traditionnels. En 2012, les inves-tissements publicitaires associés au média Internet représentaient en France un montant de 3  milliards d’euros brut1 (hausse de 3,3 % en 2012). Quant à 2011, les investissements publicitaires sur Internet ont enregistré l’une des plus fortes progressions, soit une hausse de 10,6 % de l’investissement par rapport à 20102. Ces chiffres reflètent une corrélation entre la hausse des inves-tissements publicitaires, d’une part, et l’accroissement significatif des usages d’Internet par les internautes et les entreprises, d’autre part.

On assiste également aujourd’hui à des tendances fortes au chan-gement des supports de communication – la presse se dématéria-lise, la télévision vit une véritable révolution digitale (télévision connectée), elle devient Internet… et Internet devient télévision. Sans compter que l’ordinateur ne rime plus nécessairement avec la navigation Internet puisque 21 % des Européens accèdent à Internet depuis leur mobile3. Ainsi pour la première fois dans l’histoire de la

1. « Bilan annuel 2012 de l’investissement publicitaire en France » par Kantar Media’ du 5 février 2013.

2. Les chiffres clés des annonceurs, Union des annonceurs, Édition 2011, www.uda.fr/Chiffres_cles_2011.

3. 8e édition de l’étude Mediascope, Étude IAB, mai 2012, www.iabeurope.eu.

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communication, nous pouvons regarder la télé, écouter la radio, lire la presse, regarder un film… sur un même média.

Internet est donc devenu un média et un outil quasiment incon-tournable, dans la vie quotidienne des individus et des marques. Nombreuses sont les entreprises qui ont orienté une grande partie de leur business model ou budget de communication vers Internet. Le Web s’est donc immiscé dans nos quotidiens professionnels et personnels.

L’étude de l’influence d’Internet sur le comportement des indi-vidus met en exergue des éléments importants. Beaucoup d’études soulignent ainsi l’impact d’Internet – lequel peut être positif ou négatif – sur le comportement de l’internaute à la recherche d’in-formations sur un produit/service, une marque, une organisation, une personne ou un employeur.

En mai 2012, l’entreprise Reevoo1 a mené une étude afin d’évaluer les différences d’usages en Europe en matière de social commerce. Selon cette enquête réalisée auprès d’un panel représentatif de 5 000  personnes dans cinq pays différents (France, Grande-Bretagne, Espagne, Allemagne et Pays-Bas), les Français sont ceux qui feraient le moins confiance aux sources d’informations en ligne. Paradoxalement, ils sont ceux qui présentent le taux le plus élevé en Europe en ce qui concerne la pratique d’évaluation d’un produit sur Internet. Cette étude nous apporte d’autres précisions intéressantes :

–– 53 % des Français déclarent être influencés par leurs amis sur Facebook avant l’achat d’un produit ;

–– 70 % des Français ont déjà lu des avis sur Internet avant d’ache-ter leur voiture ;

1. Les Français consultent les avis sur Internet avant leur achat et restent méfiants face aux moyens de communication traditionnels. Étude Reevoo, 31 mai 2012, http://bit.ly/etude_reevoo

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–– 89 % des Français consultent les avis sur Internet avant d’effec-tuer leurs achats.

De facto, les stratégies de communication des entreprises doivent désormais aussi bien « composer avec les médias traditionnels qu’avec les nouveaux médias sur Internet », plus communément appelés « médias sociaux » ; « le digital a entraîné non seulement une démultiplication des points de contacts à la marque mais aussi une autre façon d’interagir avec les consommateurs1 ». Comme nous le verrons, le constat qui ressort de l’étude Reevoo est signi-ficatif et vient corroborer d’autres analyses et études sur lesquelles nous reviendrons tout au long de cet ouvrage.

Le développement phénoménal du Web 2.0 ces dernières années, dit « Web participatif », permet à la marque d’être active sur Internet, mais également à ces publics internes ou externes d’intéragir avec cette dernière. « Les citoyens veulent interagir et communiquer avec ces grandes entreprises, et ces plateformes constituent un accès direct, d’où leur succès auprès des internautes », commente Maxime Drouet2. Le Web 2.0 permet aux internautes d’endosser plusieurs rôles vis-à-vis de la marque : ambassadeurs, influenceurs mais aussi détracteurs, à l’image de clients mécontents à l’origine de rumeurs et d’attaques virulentes finement orchestrées ou tout autre message en ligne, susceptibles de déstabiliser la stratégie de communication d’une marque sur le Web. « Dans un environne-ment qui se digitalise, les consommateurs, notamment ceux issus de nouvelles générations, se révèlent plus attentifs et plus volatiles. Ils choisissent leur manière de consommer, fixent eux-mêmes les règles du jeu et inversent le rapport de force3. »

1. Interview pour l’Union des annonceurs, Anne-Marie Gaultier-Dreyfus, présidente du Club des annonceurs – directrice marketing des Galeries Lafayette et BHV, octobre 2011.

2. Directeur executif chez Burson-Marsteller.

3. Les Nouveaux Métiers du marketing, 1re édition, Étude TNS Sofres – octobre 2011.

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Dans ce contexte, que se passe-t-il lorsqu’une crise survient en ligne et que la communication vacille entre une marque et son client ? Comment l’entreprise doit-elle réagir lorsqu’un consomac-teur1 mécontent s’exprime de manière virulente sur la page Face-book d’une marque à propos d’une expérience malencontreuse ? La marque peut être en quelques heures confrontée à un phénomène de bad buzz sur les médias sociaux. Le bad buzz, qui pourrait litté-ralement être traduit par « mauvais bourdonnement », est un phéno-mène nouveau qui caractérise le bruit (perturbation) provoqué par des internautes, ou par toute autre partie prenante, mécontents d’une marque, de son action ou de ses produits sur le Web. Il s’agit là d’une situation que les clients et consommateurs n’auraient sans doute pas pu provoquer avant l’avènement des médias sociaux et que Christine Balagué2 nomme les « voix silencieuses ».

La naissance, l’expansion ou dissolution d’une crise ou d’un risque potentiel en termes d’image, de réputation et de communi-cation ont rarement été aussi importants dans la vie des marques. Il est désormais impératif de développer des stratégies permettant de répondre à ce nouveau type de risques, mais également d’en-visager certaines situations dites à risques comme des opportu-nités. Le Web semble en effet changer les règles préétablies de la communication de crise traditionnelle et appelle de nouvelles réponses, de nouveaux comportements.

1. Consomacteur : « C’est un consommateur responsable et engagé, qui a une attitude réfléchie vis-à-vis de sa consommation et qui l’utilise pour influencer plus ou moins directement le monde dans lequel il vit », extrait de l’ouvrage, L’Émergence des créatifs culturels, Paul H. Ray et Sherry Ruth Anderson, Éditions Yves Michel, 2001.

2. Directrice de la chaire des réseaux sociaux à Telecom ParisTech, auteur d’ou-vrages sur les médias sociaux et Internet, enseignante chercheuse à l’Institut Mines-Télécom – extrait des interviews semi-directives, réalisées dans le cadre de cet ouvrage.

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Lorsque nous explorons la communication de crise traditionnelle, encore trop peu de références bibliographiques évoquent l’impor-tance du Web dans l’apparition, le développement ou la gestion d’une crise. Pourtant, le Web est aujourd’hui un lieu propice à la naissance de crises, et requiert donc la mise en œuvre de dispo-sitifs de communication adaptés en réponse à ce nouveau type de risques.

Répondre à l’instantanéité qu’exige une présence sur le Web fait désormais partie intégrante d’une stratégie de communication, il est donc nécessaire de savoir comment une marque peut anti-ciper et gérer une communication de crise sur Internet. Le tout en se protégeant des éventuels risques ou maladresses provoqués par une méconnaissance des mécaniques et logiques associées au média Web. Cet ouvrage tentera ainsi de mettre en exergue les différents éléments qui apportent des réponses aux marques sur les problématiques liées à la gestion de la communication digitale.

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Chapitre 2

fondamentaux de la communication de cRise et naissance du bad buzz

« Aujourd’hui on dissout la crise dans la communication au lieu de focaliser sur la gestion de la crise en tant que telle pour la résoudre.

L’agitation médiatique va donc à l’encontre des défis qui s’imposent à l’entreprise sur le plan de la gouvernance. »

Patrick Lagadec, spécialiste des situations de crise et directeur de recherche à l’École polytechnique

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Nous l’aborderons tout au long de l’ouvrage, mais il serait faux de dire qu’Internet a tout changé. La communication de crise est un domaine étudié depuis de nombreuses années et nous ne pouvons prétendre dans cet ouvrage redessiner ses fondamentaux. Cepen-dant, l’ascension d’Internet, la digitalisation des marques et de leurs communications invitent à de nouveaux réflexes et prises de conscience que nous observerons dans les chapitres suivants. Ainsi, redécouvrons quelques principes fondateurs de la commu-nication de crise.

Définition de la communication de crise

La communication de crise rassemble les moyens et les actions de communication mis en place afin de pallier les effets néga-tifs de toute situation critique sur une marque. Cette typologie de communication a la particularité d’être transverse aux diffé-rents services d’une entreprise, qu’il s’agisse de la communication interne ou externe, des relations presse ou publiques, etc.

La communication de crise se démarque notamment par des prises de décision stratégiques et la mise en place d’un dispositif dédié à la prévention de crise afin que la marque soit parée à toute éventualité.

La  communication de crise  est également un des éléments qui composent la gestion de crise. Elle se distingue alors sous deux aspects :

• la communication utile à la gestion de crise : nécessaire pour la réduction des impacts directs liés à la crise ;

• la communication sur les enjeux : elle vise, entre autres, à proté-ger la réputation d’une organisation en crise.

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Cependant, de nos jours, les entreprises s’en aperçoivent parfois trop tard. Ainsi, les crises d’aujourd’hui sont loin d’être équiva-lentes à celles d’hier car elles ne sont pas perçues de la même manière par les médias et l’opinion publique.

« La communication de crise s’est développée dans les années 1980 en réponse à une ouverture des entreprises sur l’extérieur via la diffusion d’informations. Cette ouverture a réinventé les notions de légitimité et de responsabilité pour les entreprises », estime Patrick Lagadec1.

Face à ce constat, la communication de crise est désormais un élément crucial que toute société espère tenir à portée de main afin de pouvoir répondre dans le cadre de la médiatisation d’une crise. En effet, la communication de crise agit dans un spectre bien délimité, mais ce dernier tend à se modifier et à s’étendre, notamment avec l’essor des médias sociaux et la profusion d’in-formations en flux continus. De nos jours les informations circu-lent très rapidement, grandissent et se nourrissent même, via le Web, des rumeurs ou de l’avis des consommateurs. Afin de pallier ces risques, la communication de crise doit comporter un élément vital à son fonctionnement : la préparation de l’entreprise. En effet, si l’entreprise ne met pas en place une stratégie de communication de crise bien précise, elle encourt alors le risque de voir son image de marque se ternir au moindre accroc.

Pour pouvoir préparer au mieux sa stratégie de communication de crise, l’entreprise et, notamment, la cellule de crise2 qui est

1. Patrick Lagadec, « Communication de crise, ça passe ou ça casse » sur Le Journal du Net http://bit.ly/article_jdncrise.

2. Cellule de crise : équipe de personnes décisionnaires aidant à la prise en charge de la gestion de crise. La cellule peut inclure des experts spécialisés (communication, digital, etc.), des décideurs, des juristes, etc. Elle reste cependant composée d’un nombre restreint de personnes de différentes compétences qui vont analyser la situa-tion, déclencher des actions définies dans la stratégie de communication adoptée.

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dédiée à cela doivent travailler sur plusieurs scénarios qui vont répondre à différentes situations de crises potentielles ainsi que sur les différents moyens à mettre en œuvre pour pouvoir endi-guer ces crises.

Les typologies de scénarios

Un scénario peut être défini comme un moyen de se représenter la crise afin d’envisager des règles de conduite, de raisonne-ments inhabituels voire déstabilisants. Pour ce faire, selon Chris-tophe Roux-Dufort, il existe quatre méthodes d’élaboration de scénarios1 :

–– méthode historique : utiliser le retour d’expérience en s’ap-puyant sur des événements passés ;

–– méthode du portefeuille de crises : imaginer que l’entreprise est dans une situation où elle est confrontée à une multitude d’événements dans une période donnée ;

–– méthode dialectique : imaginer différentes situations en inter-action. La réflexion s’appuie ici sur un raisonnement contraire et basé sur des croyances fortement ancrées ;

–– méthode métaphorique : transposer un événement comme situation de crise pour une entreprise donnée.

1. Christophe Roux-Dufort dans Gestion de crise, un enjeu stratégique pour les orga-nisations – De Boeck, 1999.

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Les différentes stratégies de communication de crise

En fonction des différents scénarios dégagés et appréhendés, il est nécessaire, en cas de crise, d’élaborer des stratégies de communi-cation qui seront spécifiques selon les entreprises et les situations traversées.

Sur ce point, Thierry Libaert1 distingue trois stratégies de commu-nication de crise bien spécifiques.

Stratégie de l’acceptation

Cette stratégie de reconnaissance se définit par l’acceptation de la crise dans un délai de temps assez court. Elle permet notamment à l’entreprise de prendre les devants face à toute divulgation d’infor-mation que les médias pourraient faire. Didier Heiderich explique que « dans cette stratégie, si la presse dévoile la crise en devançant l’entreprise, c’est que la communication de celle-ci est mauvaise et que la crise ne lui appartient déjà plus. Pour mener l’opération, l’entreprise doit donc aller vite et être en mesure de déterminer rapidement si elle est compétente par rapport au moteur de la crise (interne ou externe) 2 ». Il ajoute que cette « stratégie est l’une de celles qui fonctionnent le mieux » bien qu’elle soit encore peu employée par les entreprises qui doivent alors parfois reconnaître et leur responsabilité et la crise.

1. Thierry Libaert, La Communication de crise, Dunod, 2012, 2e édition.

2. Didier Heiderich, « Communication de crise, ça passe ou ça casse » sur Le Journal du Net : http://bit.ly/article_jdncrise

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Stratégie du projet latéral

Cette stratégie consiste à changer l’angle de vue de la crise, en l’élargissant ou en le réduisant. Il est alors nécessaire, voire vital, d’avoir bien préparé ses scénarios en amont pour pouvoir trouver d’autres propositions. C’est une stratégie très coûteuse, car la communication ne se suffit pas à elle seule, il faut également que l’entreprise prouve ses dires par des actes. Cependant, Didier Heiderich précise que cette stratégie « doit pouvoir être fondée sur la réalité et des faits concrets pour réussir à déplacer le lieu de débat », sinon il est probable que les effets soient encore plus négatifs que la crise elle-même.

Stratégie de refus

Cette méthode consiste à refuser de répondre à la presse. Le fait de ne pas communiquer ici est un acte de communication. Bien que stratégique, cette décision peut être difficile à tenir pour toute entreprise traversant une crise et subissant la pression médiatique.

En 1993, Patrick Lagadec propose une classification des typo-logies de crises traditionnelles. À travers cette présentation des typologies de crise (cf. page suivante), nous constatons qu’une crise peut naître de faits ou d’actions internes, mais aussi de manifestations externes à l’entreprise. Ces crises peuvent également se partager en deux catégories, humaines, sociales et organisationnelles d’un côté, puis davantage techniques et économiques de l’autre.

Le tableau récapitulatif suivant est fondamental car il est la somme des crises qui peuvent être à l’origine de la naissance d’une communication de crise.

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Différents types de crises organisationnellesIn

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Techniques/économiques

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• Défauts de produit/services• Accidents dans les installations• Panne informatique, Information

erronée, cachée• Faillite

• Destruction majeure de l’environne-ment/accidents

• Défaillances du système à grande échelle

• Catastrophe naturelle• OPA

Crise gouvernementale Crise internationale

• Échec pour s’adapter/changer Défaillance organisationnelle

• Mauvaises communications• Sabotage• Altération du produit en usine• Rumeurs, diffamations• Activités illégales• Harcèlement sexuel• Maladies du travail

• Projection symbolique• Sabotage• Terrorisme• Enlèvement de dirigeants• Altération du produit hors usine• Contrefaçons• Rumeurs, diffamations• Grèves• Boycotts

Humaines/Sociales/Organisationnelles

Source : Lagadec Patrick, Apprendre à gérer les crises, Éditions d’Organisation, 1993.

Il existe trois grandes catégories de risques pouvant être source de crises :

• le risque produit : rumeur, contamination, accident, boycott d’un produit ;

• le risque industriel : contamination ou risque de contamination du public ;

• le risque institutionnel : identité institutionnelle, les affaires médiatico-judiciaires ou financières, les restructurations…

Comme démontré précédemment, la communication de crise est encore difficile à cadrer car elle dépend de beaucoup de facteurs internes comme externes à l’entreprise. Cependant, pour qu’elle soit efficace, il est essentiel de bien la préparer en réfléchissant aux différents moyens et stratégies à mettre en place.

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DaviD Fayon, expert en technologies numériques et auteur D’ouvrages sur internet

Plan de gestion de crise

Le plan de gestion de crise permet notamment : • de définir les risques identifiés ; • de calculer leurs probabilités d’occurrences ; • d’évaluer leurs conséquences en termes de gravité ; • de définir des procédures types en amont, pour réduire les

vulnérabilités et en aval, en cas de buzz négatif par exemple ; • de définir la conduite de la gestion de crise et ses étapes.

Le plan de gestion de crise comprend : • le processus d’alerte de la crise (QQQOCCP : qui, quoi, quand,

où, comment, combien, pourquoi) ; • la composition de la cellule de crise (composition type géné-

rique et acteurs complémentaires selon les risques particuliers identifiés) ;

• la cartographie des risques et des acteurs impliqués ; • les outils de gestion de crise (avec les contacts : journalistes,

blogueurs, entreprises partenaires, clients importants, etc.) avec leurs plans de communication associés.

PAROLES D’EXPERT

Quelle que soit la nature des crises auxquelles une structure (entreprise, collectivité, association…) peut être confrontée, la communication de crise obéit à un ensemble de règles génériques. Peu importe que l’origine ou le déroulé de la crise soit off ou on-line : la réponse s’articule autour d’un ensemble de règles d’or, valables dans la plupart des situations, structurant le pilotage de la gestion de la crise et de sa communication, depuis l’amont jusqu’à la sortie de crise… Ainsi, il est possible de disposer d’une grille de lecture permettant d’anticiper la crise, d’en limiter l’impact – ou a minima de ne pas se laisser dépasser par les événements – et de

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gérer une situation par nature inattendue, exceptionnelle, mettant en cause une poursuite normale des activités de la structure et de ce fait susceptible d’attenter à la réputation de la structure. À ces facteurs propres à la crise s’ajoutent souvent une situation extrêmement volatile et évolutive, une pression de l’externe et/ou de l’interne, des enchaînements d’événements hors normes qui exigent une extrême réactivité et une communication maîtrisée, comme l’explique ci-dessous Nicolas Bouvier.

Les 10 règles d’orde niCOlas BOuvier,

direCteur général franCe d’apCO WOrldWide

Fondamentaux de la communication de crise traditionnelle

En amont de la crise

1.  Anticiper les situations de crise de façon à minimiser autant que possible l’effet de surprise en posant les principaux scénarios susceptibles d’affecter la structure, les réponses opérationnelles à mettre en place, les bonnes postures de communication et les principaux messages envisageables. Dans ce travail de prépara-tion, il est capital de qualifier ces situations critiques en fonction de leur nature et de leur impact éventuel. Ce qui permet au final d’an-ticiper leur gravité et, le cas échéant, d’organiser et de hiérarchiser les priorités lorsque plusieurs crises se déclarent simultanément.

2.  Identifier les acteurs susceptibles de devenir des parties prenantes face à de tels événements, en fonction de leur influence, de ce qu’on anticipe de leurs positions, de leur volonté probable de prise de parole. Cette cartographie doit être large et comprendre les coordonnées de ces acteurs. Elle sera adaptée au cas par cas, chaque crise appelant des interlocuteurs spécifiques en interne

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comme en externe – notamment médias, autorités publiques, orga-nisation professionnelles, experts et alliés possibles, voire opposants.

3.  Mettre en place les procédures d’information et d’alerte afin d’assurer une remontée efficace des signaux faibles ou forts, aux personnes susceptibles de les évaluer pour décider de l’activation ou non d’un dispositif de crise. Une veille presse efficace, un centre d’appels consommateurs bien encadré, un standard réactif font, par exemple, partie des procédures clés pour la mise en place d’une nécessaire identification des alertes.

4.  Éprouver les procédures, les messages, les porte-parole par des tests, des exercices de simulation, des formations à la prise de parole, des media trainings…

Pendant la crise

5.  Activer une cellule de gestion de crise resserrée, assurant un circuit de décision court pour hiérarchiser les initiatives, répartir les rôles et les responsabilités. Sont généralement requis :

• un décideur au bon niveau ;

• un responsable du pilotage des opérations ;

• un porte-parole ;

• des experts pertinents par rapport au sujet (ressources humaines, logistique, sécurité, marketing, service consommateur…) ainsi que des experts externes (avocat, huissier, psychologue… et conseil en communication de crise).

6.  Mettre en place le dispositif de surveillance et d’alerte néces-saire pour disposer de l’information en temps réel, si possible d’une information qualifiée et mise en perspective – en obtenant un déroulé précis des faits et de leur enchaînement, des reprises dans les médias ou sur le online, des interventions des autorités et des autres parties prenantes à l’interne comme à l’externe.

7.  Développer une prise de parole opportune et graduée auprès des médias car la nature a horreur du vide et le silence est de

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plus en plus systématiquement interprété comme un aveu de culpabilité, de faiblesse ou d’impréparation – les porte-parole étant soigneusement choisis pour illustrer légitimement le sujet et dûment formés pour diffuser de manière efficace les messages retenus. L’objectif ultime est que ces derniers soient relayés par les médias dont on souhaite qu’ils proposent a minima une présenta-tion équilibrée des faits.

8.  Initier les contacts nécessaires avec les parties prenantes prioritaires afin de recueillir en direct leurs préoccupations et de veiller à ce que les messages de la structure soient bien compris. Ce travail permet aussi d’identifier des alliés possibles capables à leur tour de répercuter ces messages auprès de leur cercle d’influence.

En sortie de crise

9.  Évaluer l’impact de la crise sur les opérations et sur la réputa-tion – baisse des ventes, nombre de retours clients, perturbations de la production ou de la chaîne logistique, nature des critiques exprimées par les parties prenantes, couverture presse… – afin de mettre en place les étapes nécessaires permettant d’envisager rapidement un retour à la normale des opérations et les leviers de communication pertinents à cette fin.

10.  Poursuivre le dispositif de surveillance pour être certain de disposer d’une vision complète le temps de gérer la communica-tion de sortie de crise – en informant les parties prenantes des actions initiées pour acter des leçons tirées de cette situation et en continuant à recueillir leur réactions pour décider de la mise en place d’éventuelles actions complémentaires. Cet effort a aussi pour but d’éviter de possibles résurgences de la crise et d’améliorer la communication en situation sensible à l’avenir.

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La rumeur, un ancêtre du bad buzz

Les liens sanguins entre (bad) buzz et rumeur

Pour Pascal Froissart1, la définition du buzz est la même que la définition d’une rumeur, c’est une légende contemporaine, un récit, une histoire, une trame narrative qui circule sans contrôle ou sans contrôle en apparence, qui provoque des effets ou qui donne l’impression de provoquer des effets. Il maintient ses propos en précisant que la terminologie et le nom changent, mais l’essentiel du phénomène est décrit de la même manière. Il soutient égale-ment que le buzz pourrait être assimilé à une rumeur positive, « le buzz est la symétrique de la rumeur en ce sens que depuis ses débuts la rumeur a été conçue de manière très négative ». Laurent Gaildraut2 note cette même distinction forte entre le buzz et la rumeur, car selon lui le buzz peut être positif, ce qui est rarement le cas de la rumeur. Christine Balagué3 nuance en évoquant le fait que la rumeur est historiquement offline, tandis que le buzz est apparu avec Internet.

La rumeur peut être considérée en grande partie comme un ancêtre du bad buzz. Les mécanismes et caractéristiques de la rumeur sont souvent proches du mécanisme d’une crise sur Internet.

En effet la rumeur est caractérisée par :

• une information circulante parfois imprécise ou fausse ;

• un pic d’attention d’un public puis des médias traditionnels ;

1. Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris-VIII, et chercheur associé au laboratoire Communication et politique (CNRS).

2. Auteur d’Orchestrer la rumeur, Éditions Eyrolles, 2011, et fondateur du trophée Sun Tzu.

3. Responsable de la chaire Marketing et réseaux sociaux à l’institut Mines-Telecom, Télécom École de Management.

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• un bruit confus dont on ne peut difficilement connaître l’émet-teur ni la raison exacte qui génère le mécontentement ;

• une très forte capacité à susciter la curiosité et l’attention du grand public.

pascal Froissart, maître De conFérences à l’université De paris-viii

La rumeur : ancêtre du buzz ?

Le parallèle entre buzz et rumeur est intéressant à tracer : en son temps, quand le concept de rumeur a été inventé (début du xxe siècle), il s’est dégagé de la gangue de la réputation – en son négatif. Jusqu’alors, les deux termes étaient quasi synonymes. C’est fascinant : en 1900, on crée le concept de rumeur en l’extirpant de l’acception de réputation, pour laisser à la réputation la possibilité d’être soit positive, soit négative, et en assignant à la rumeur une image à peu près totalement négative. Cent ans plus tard (et c’est là où le parallèle se fait), on invente un concept, le buzz, pour requa-lifier les rumeurs, extirper de la réputation un objet qui serait de la rumeur positive. Cela explique qu’aujourd’hui on rattache les phénomènes de buzz à l’e-réputation, ou à la réputation tout court.

En cent ans, nous avons fait une véritable boucle : nous revenons à l’idée de réputation, la rumeur n’apparaît que comme un outil, la « cause » d’une réputation.

Dans les deux cas, que ce soit le buzz ou la rumeur, le rôle des médias est minoré, ainsi que les facteurs marchands dans le fonc-tionnement des médias. Au début du xxe siècle, alors que la presse industrielle et la radio sont déjà bien implantées, et malgré le fait que leur existence soit évoquée dans les tout premiers articles sur la rumeur, leur rôle est laissé dans le vague : de toute manière, face à la rumeur, « les démentis voyagent lentement et sont peu remarqués1 ».

PAROLES D’EXPERT

1. Témoignage en 1911 de Rosa Oppenheim, une proche collaboratrice de William Stern dans la revue qu’il dirige, la Zeitschrift für die gesamte Strafrechtswissenschaft.

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Petite histoire de la rumeur d’Orléans

En 1969 naissait à Orléans une terrifiante rumeur relatant de graves disparitions de jeunes femmes, vraisemblablement chloro formées dans les cabines d’essayage des magasins de la rue de Bourgogne au cœur de la ville d’Orléans. À cette époque, l’histoire avait alarmé toute la population et fait régner un vent de frayeur pendant plusieurs semaines. Le sociologue Edgar Morin, qui a consacré un ouvrage1 sur le sujet, a, pendant de longs mois, étudié cet épiphénomène.

Un matin, un groupe de passants curieux s’était agglutiné devant la vitrine d’un magasin de prêt-à-porter. Les propriétaires de la boutique s’inquiétaient de voir cette foule s’amasser devant leur boutique et avaient appelé la police. Quand les forces de l’ordre arrivèrent, de nouveaux badauds avaient rejoint les premiers.

En interrogeant les passants, la police se rendit compte que les gens s’étaient arrêtés parce qu’on leur avait dit qu’une jeune fille était entrée et n’était jamais ressortie. La rumeur s’est alors propagée jusqu’à trouver un écho dans la presse. Le fait le plus troublant est sans doute qu’aucune disparition n’avait été recensée. Fait qui ne fit pas taire la rumeur pour autant, car les Orléanais pensaient qu’on leur cachait la vérité.

D’après Edgar Morin, l’apparition de cette rumeur était « révéla-trice des transformations profondes que subissait la société fran-çaise à l’époque », alors marquée par une angoisse des mutations profondes des mœurs (mini-jupe pour les demoiselles, mode des yé-yé, de la musique rock et des soirées folles). « Ces femmes [étaient] tiraillées entre l’envie de jouer les affranchies et leurs vieilles inhibitions2 », précise le sociologue.

1. Edgar Morin, La Rumeur d’Orléans, Le Seuil, 1969.

2. Extrait d’une interview d’Edgar Morin sur Lepoint.fr, « La Rumeur d’Orléans, quarante ans après » : http://bit.ly/article_lepoint

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La rumeur d’Orléans est devenue un cas d’école extrêmement intéressant car ses mécanismes ont été amplement décryptés et analysés.

Les produits de grande consommation font également l’objet de nombreux commentaires souterrains partagés tous les jours sur le mode du bouche à oreille ou de la rumeur, par des consomma-teurs soumis à toutes sortes d’opinions :

• lors d’une expérience malencontreuse avec un produit ;

• une nouvelle inquiétante racontée par des amis qui la tiennent eux-mêmes d’autres amis ;

• des critiques comparatives avec un produit concurrent présen-tées par un vendeur comme une confidence ou un conseil1.

La seule différence notable réside dans le fait qu’autrefois ces indi-vidus n’avaient pas accès à Internet pour diffuser des éléments d’information à leur communauté en ligne.

Un bouche à oreille virtuel et négatif

Les médias sociaux offrent pour la première fois aux individus la possibilité de répondre publiquement et ouvertement à une marque et ainsi de bouleverser les actions et la communication de la marque. Cette récente perméabilité2 entre la communication de la marque et le grand public transforme la relation des marques avec ses consommateurs, clients, prospects ou détracteurs. Cette mutation provoque un impact irrémédiable sur les risques

1. Michel Ogrizek et Jean-Michel Guillery, Communication de crise, PUF, coll. « Que sais-je », 2010.

2. La presse a fait son arrivée au xviie siècle, l’affichage au xixe, le cinéma a vu le jour entre 1900 et 1910, le mailing au début du xxe siècle, la radio en 1920, la télévision en 1940 et le Web social, quant à lui, s’est développé considérablement à partir de 2003.

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potentiels de naissance de crises et, indirectement, d’une commu-nication de crise.

Nous le constaterons par la suite, transposé au Web, le terme de bad buzz est souvent perçu comme le néologisme de bouche-à-oreille négatif, parfois appelés « bruits » ou « conversations » sur le Web.

En 2005, Thierry Libaert précisait que, dans le cas d’une commu-nication de crise, le Web intervenait dans le cadre d’une commu-nication par la preuve. Le Web était donc un moyen de démontrer la tangibilité des preuves apportées par une entreprise pour répondre à une crise potentielle, car « il offre à tout internaute la possibilité de vérifier, image à l’appui, les discours de l’entre-prise1 ». L’inverse est également possible, se servir du Web comme arme redoutable, pour se faire entendre ou faire valoir une cause et ainsi se retourner contre la marque et provoquer un bad buzz d’envergure.

La gestion d’un bad buzz s’apparente donc, à certains égards, à celle d’une gestion de crise traditionnelle (cellule de spécialistes, réponse personnalisée et adaptée), mais exige dorénavant une expertise sur les postures à adapter sur un canal de communica-tion et d’échange public comme le Web. Ces nouveaux réflexes, postures et actions à mettre en œuvre sur le Web seront abordés dans les chapitres suivants.

1. Thierry Libaert, La Communication de crise, Dunod, 2012, 2e édition.

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L’astuce juridiqueRéfléchir à la réaction la plus appropriée et en peser les risques1

Avant toute action, il convient de réfléchir à la stratégie à mener et de bien choisir parmi les différentes modalités d’actions possibles, notamment :

• demande de retrait du contenu litigieux (cf. page 129) ;

• demande d’exercice du droit de réponse (cf. p. 131) ;

• introduction d’une action judiciaire devant les tribunaux (cf. p. 146) ;

• etc.

Il faut en outre peser les risques d’image inhérents à la ou les modalités d’actions choisies.

En effet, il arrive parfois que la demande de retrait, la publica-tion d’une réponse et/ou l’introduction d’un contentieux créent un « bad buzz » bien supérieur à celui émanant directement du contenu initialement préjudiciable (cf. par exemple l’affaire Anne Hidalgo, au cours de laquelle la lettre de mise en demeure de son avocat demandant le retrait d’un tweet s’est retrouvée publiée sur Internet, et a finalement créé plus de buzz que le tweet attaqué par Anne Hidalgo).

Peut-être vaut-il mieux alors ne pas réagir, ou choisir des voies non « juridiques » et des actions de communication contrebalançant le « bad buzz ».

1. Conseils de Florence Gaullier, Élise Pascal-Heuzé et Gilles Vercken, avocats au Cabinet Gilles Vercken.

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table des matièRes

Remerciements ................................................................................ 5

Sommaire ......................................................................................... 9

Préface, Nicolas Bordas .................................................................. 11

Introduction ..................................................................................... 13

Chapitre 1 Web social : les exigences d’une présence en ligne .................... 19

Des médias traditionnels aux nouveaux médias ................... 20Des Français toujours plus connectés .................................... 20Des médias sociaux toujours plus importants et prédominants 22Les principes forts d’une présence sur les médias sociaux ..... 25

Les mutations provoquées par l’ascension du Web dans la communication.......................................................... 28

Une information qui circule vite : un monde de plus en plus connecté ............................................................................... 28Internet : un espace d’expression libre pour l’internaute ........ 30L’émergence du phénomène de crise en ligne ........................ 33La présence sur les médiaux sociaux : un enjeu économique pour les marques .................................................................. 37

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Chapitre 2 Fondamentaux de la communication de crise et naissance du bad buzz ..................................................................................... 43

Définition de la communication de crise .............................. 44

Les typologies de scénarios ................................................... 46

Les différentes stratégies de communication de crise .......... 47Stratégie de l’acceptation ....................................................... 47Stratégie du projet latéral ...................................................... 48Stratégie de refus ................................................................... 48

La rumeur, un ancêtre du bad buzz ...................................... 54Petite histoire de la rumeur d’Orléans ................................... 56Un bouche à oreille virtuel et négatif ..................................... 57

Chapitre 3 Comment identifier un bad buzz ? Les signes avant-coureurs et les typologies d’acteurs ............................................................. 61

Les premières crises de communication numérique et apprentissages ................................................................... 63

Principes clés de l’identification des crises en ligne .............. 65Définitions et notions autour du bad buzz ............................ 66Le bad buzz, phénomène de crise en ligne ............................ 67Les éléments à l’orgine du bad buzz ...................................... 68

Les parties prenantes : sources potentielles de crises ? ......... 71

Chapitre 4 Naissances et typologies du bad buzz ......................................... 87

Bad buzz : des impacts et des niveaux d’alertes différents .. 88Intensité et cycle de vie d’un bad buzz .................................. 89Les marques et leurs (im)postures écologiques ...................... 90

Les bad buzz juridiques ......................................................... 93

L’effet Streisand : la viralité du Web ...................................... 98

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Les réactions maladroites des marques génèrent de l’audience .......................................................................... 101

La crise émotionnelle : lorsque la résistance au changement engendre un bad buzz .......................................................... 105

La crise communicationnelle : la marque n’est plus (vraiment) libre de surprendre .............................................. 110

Les crises structurelles : la naissance d’attaques militantes commanditées sur le Web ..................................................... 112

Les détournements de codes par la culture Web ................. 116

Chapitre 5 Anticiper et prévenir un bad buzz ................................................ 117

Bouleversement de la gestion de la communication de crise 118Détecter les signaux faibles .................................................... 120Surveiller les sujets sensibles ................................................. 121Être en veille constante et en écoute active ............................ 121Impliquer sa communauté et générer de l’engagement .......... 124Éviter le conflit et privilégier les résolutions à l’amiable ......... 128S’entourer de spécialistes du Web ......................................... 132Un besoin de formation et de préparation interne ................. 136

Chapitre 6 Les réflexes à adopter pendant un bad buzz .............................. 143

Une réactivité à toute épreuve ............................................. 144

Les médias sociaux forcent à davantage de transparence de votre marque .................................................................... 144

Le manque d’expérience de la marque sur les médias sociaux renforce le risque ...................................................... 148

La vidéo, un bon moyen de répondre à un bad buzz .......... 150

Être crédible pour le grand public, tout ne se passe pas que sur le Web ....................................................................... 152

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Chapitre 7 Les réflexes à adopter après la tempête digitale et les impacts sur la marque ................................................................................... 159

Le mea culpa de la marque ................................................... 160

Les nouveaux défis du directeur de communication ............ 166

Typologies des impacts du bad buzz sur la marque ............. 167Un impact variable et différent selon les types de crises ......... 168Les principaux risques liés à la naissance d’un bad buzz ....... 169Quels sont les impacts qualitatifs et quantitatifs du bad buzz ? 170Des impacts parfois plus profonds et difficiles à gérer ........... 171Attention aux liens trop directs entre bad buzz et conséquences sur les résultats de l’entreprise ..................... 174Le bad buzz, un événement responsabilisant pour la marque 175

Postface, Olivier Cimelière ............................................................. 177

« Le bad buzz n’est pas une fatalité » ................................... 177Irréversible ? .......................................................................... 178Ne cédons pas à la paranoïa ! ................................................. 178Changer de logiciel communicant ......................................... 179N’ayez pas peur ! ................................................................... 180

Index des noms ............................................................................... 183

Tables ................................................................................................ 185