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Projet d’activités agroforestières de Mampu (RDC, Province de Kinshasa) Sites web : http://www.delcod.ec.europa.eu/ 1 Entreprise agroforestière individuelle Mots-clés : Valeur nette actualisée, taux interne de rentabilité, analyse de sensibilité, leviers. Introduction Cette note poursuit un objectif spécifique : établir un mode de calcul de la rentabilité financière d’une exploitation agroforestière individuelle d’une superficie de 25 ha. Dans cette optique, il ne s’agit pas d’une exploitation moyenne dont les caractéristiques et les performances financières pourraient être prises comme unitaires et dont le produit par le nombre d’exploitations suffirait à donner la rentabilité de l’ensemble du système agroforestier de Mampu. Il s’agit plutôt d’une analyse financière qui permet de dégager deux indicateurs pertinents, la valeur nette actualisée (VNA) et le taux interne de rentabilité (TIR) afin d’étudier quels sont les leviers au sein de l’entreprise qui permettent d’améliorer la performance de l’entreprise. Car dans cet exercice, l’exploitation agroforestière est regardée comme le serait une PME en milieu rural. Le thème de la note est décrit et illustré dans la section suivante (description). Des réponses aux questions-clés sont apportées dans la section analyse. Il est fortement recommandé de lire la note # 1 préalablement. Questions-clés 1) Quelles sont les hypothèses de calcul? 2) L’exploitation individuelle est-elle rentable? 3) Quels sont les principaux leviers de la rentabilité d’une entreprise agroforestière ? 4) Quelle stratégie d’amélioration peut-on en déduire? Description Lorsque la gestion du site forestier de Mampu a été confiée à la Fondation Hanns Seidel (FHS) et à son partenaire local CADIM 1 , la surface boisée a connu une transition progressive d’un projet forestier pilote vers un centre agroforestier. L’implantation successive de plusieurs dizaines de familles représente un élément très important de cette conversion. Les personnes physiques qui s’occupent actuellement des surfaces boisées et cultivées de Mampu n’étaient pas, pour la plupart, des paysans mais des cadres, des techniciens, et même des fonctionnaires congolais. La grande diversité de la dimension humaine de Mampu imprime la variabilité des styles de gestion rencontrés sur le site, allant de 1 CADIM signifie Centre d’Appui au Développement Intégral / Mbankana. l’agroforesterie de subsistance à l’agroforesterie professionnelle, novatrice et commercialement proactive. Photo 1 – L’exploitant agroforestier. Crédit photographique : M. Téchy Il ne faut pas s’y méprendre… un exploitant agroforestier n’est pas un simple paysan mais un véritable chef d’entreprise, polyvalent et opportuniste. Ce sont les gens qui font le lieu. Mampu ne doit pas être regardé en tant que succès forestier… en réalité, Mampu n’est pas un succès forestier mais une expérience socio-économique prometteuse, financièrement viable. La qualité de l’exploitant agroforestier réside dans les aptitudes suivantes : La motivation, la capacité de travail, le courage et la débrouillardise. Le sens des affaires, le pouvoir de décision et l’esprit critique. Le talent d’entretenir de bonnes relations avec le voisinage. La capacité à planifier et organiser les activités, à gérer des équipes de coopérants, partager équitablement les revenus et limiter les coûts. Avant tout, l’exploitant agroforestier doit vivre sur place ! Photo 2 – La concession de l’exploitant agroforestier. Crédit photographique : M. Téchy Les habitations principales des exploitants agroforestiers sont réalisées à l’aide de matériaux durables (ciment, tuiles) et de techniques éprouvées. Le coût d’une telle habitation et de la citerne

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Projet d’activités agroforestières de Mampu (RDC, Province de Kinshasa) Sites web : http://www.delcod.ec.europa.eu/

1

Entreprise agroforestière individuelle

Mots-clés : Valeur nette actualisée, taux interne de rentabilité,

analyse de sensibilité, leviers.

Introduction

Cette note poursuit un objectif spécifique : établir un mode de calcul

de la rentabilité financière d’une exploitation agroforestière

individuelle d’une superficie de 25 ha.

Dans cette optique, il ne s’agit pas d’une exploitation moyenne dont

les caractéristiques et les performances financières pourraient être

prises comme unitaires et dont le produit par le nombre

d’exploitations suffirait à donner la rentabilité de l’ensemble du

système agroforestier de Mampu.

Il s’agit plutôt d’une analyse financière qui permet de dégager deux

indicateurs pertinents, la valeur nette actualisée (VNA) et le taux

interne de rentabilité (TIR) afin d’étudier quels sont les leviers au sein

de l’entreprise qui permettent d’améliorer la performance de

l’entreprise.

Car dans cet exercice, l’exploitation agroforestière est regardée

comme le serait une PME en milieu rural.

Le thème de la note est décrit et illustré dans la section suivante

(description). Des réponses aux questions-clés sont apportées dans la

section analyse. Il est fortement recommandé de lire la note # 1

préalablement.

Questions-clés

1) Quelles sont les hypothèses de calcul? 2) L’exploitation

individuelle est-elle rentable? 3) Quels sont les principaux

leviers de la rentabilité d’une entreprise agroforestière ? 4)

Quelle stratégie d’amélioration peut-on en déduire?

Description

Lorsque la gestion du site forestier de Mampu a été confiée à la

Fondation Hanns Seidel (FHS) et à son partenaire local CADIM1, la

surface boisée a connu une transition progressive d’un projet

forestier pilote vers un centre agroforestier. L’implantation

successive de plusieurs dizaines de familles représente un élément

très important de cette conversion.

Les personnes physiques qui s’occupent actuellement des surfaces

boisées et cultivées de Mampu n’étaient pas, pour la plupart, des

paysans mais des cadres, des techniciens, et même des

fonctionnaires congolais.

La grande diversité de la dimension humaine de Mampu imprime la

variabilité des styles de gestion rencontrés sur le site, allant de

1 CADIM signifie Centre d’Appui au Développement Intégral /

Mbankana.

l’agroforesterie de subsistance à l’agroforesterie professionnelle,

novatrice et commercialement proactive.

Photo 1 – L’exploitant agroforestier.

Crédit photographique : M. Téchy

Il ne faut pas s’y méprendre… un exploitant agroforestier n’est pas

un simple paysan mais un véritable chef d’entreprise, polyvalent et

opportuniste.

Ce sont les gens qui font le lieu. Mampu ne doit pas être regardé en

tant que succès forestier… en réalité, Mampu n’est pas un succès

forestier mais une expérience socio-économique prometteuse,

financièrement viable. La qualité de l’exploitant agroforestier réside

dans les aptitudes suivantes :

• La motivation, la capacité de travail, le courage et la

débrouillardise.

• Le sens des affaires, le pouvoir de décision et l’esprit critique.

• Le talent d’entretenir de bonnes relations avec le voisinage.

• La capacité à planifier et organiser les activités, à gérer des

équipes de coopérants, partager équitablement les revenus et

limiter les coûts.

Avant tout, l’exploitant agroforestier doit vivre sur place !

Photo 2 – La concession de l’exploitant agroforestier.

Crédit photographique : M. Téchy

Les habitations principales des exploitants agroforestiers sont

réalisées à l’aide de matériaux durables (ciment, tuiles) et de

techniques éprouvées. Le coût d’une telle habitation et de la citerne

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pour l’eau de pluie revient approximativement à € 3.5002. Souvent,

des constructions connexes sont réalisées à l’aide de matériaux

locaux (bois, paille et terre) ; il s’agit essentiellement de hangars,

cuisine, toilette, aire surélevée de séchage pour les macrocossettes

de manioc, et parfois des habitations qui abritent les membres de la

famille étendue ou encore des coopérants sédentaires.

La taille de 25 ha n’a pas été définie en fonction d’une analyse

financière ou socio-économique. Elle ne correspond pas à un

optimum agroforestier, technique ou économique. Cette surface

provient simplement du parcellaire forestier de départ établi selon

une maille carrée de 500 m de côté. La surface nette de la parcelle

vaut (500 m x 500 m) 25 ha et l’emprise des chemins entourant

chaque parcelle, qui font aussi office de pare-feu mitoyen, vaut 3 ha.

La surface nécessaire à l’implantation des bâtiments principaux et

des constructions connexes, verger fruitiers, etc. est variable. Pour

simplifier la description, on considère que cette aire vaut 1 ha, ce qui

laisse une surface agroforestière productive de 24 ha.

La mécanisation complète de l’entreprise n’est pas adaptée au

contexte agroforestier de Mampu. Il en résulte que la force de travail

dont dispose l’exploitant et sa famille ne suffit pas pour réaliser

toutes les activités agroforestières sur une surface totale de 25 ha,

quand bien même seulement une petite fraction seulement de cette

surface est cultivée. En effet, avec une rotation de 12 ans sur les

peuplements d’acacias, et un âge limite de deux ans au-delà duquel

les cultures vivrières ne peuvent plus se développer en association

avec les arbres, la surface maximum à cultiver est de l’ordre de 4 ha,

souvent moins.

Photo 3 – Le coopérant.

Crédit photographique : M. Téchy

Les coopérants constituent la main d’œuvre auxiliaire. Sans eux,

l’exploitant agroforestier ne pourrait pas assumer l’ensemble des

activités de son exploitation. Certains d’entre eux sont sédentaires et

ont établi leur habitation à côté du logement de l’exploitant

agroforestier. La relation entre les coopérants sédentaires et

l’exploitant agroforestier est variable d’une exploitation à l’autre,

dans certains cas, les coopérants sont considérés comme des

proches, presque des membres de la famille de l’exploitant

agroforestier.

L’abattage et le billonnage des arbres se fait soit à la hache soit à la

tronçonneuse. La rémunération de ces tâches peut se faire de

différentes manières.

2 Franck Bisiaux, communication personnelle.

• Pour rémunérer un opérateur travaillant avec une tronçonneuse,

l’exploitant agroforestier paye une somme fixe par litre de

carburant utilisé. Le carburant est aussi à charge de l’exploitant.

• Le travailleur qui utilise une hache sera rémunéré entre

CDF 1.300 et CDF 2.000 par jour.

Le prix de la main d’œuvre, comme tout le reste en RDC d’ailleurs,

est sujet à l’accord négocié dont l’amplitude commune est de

CDF 1.500 à CDF 2.500 / jour. Le travail non qualifié est rémunéré en

espèces ou en nature ou les deux.

Photo 4 – Coopérants réalisant un four de carbonisation.

Crédit photographique : M. Téchy

Le débardage des rondins et le montage des fours de carbonisation

demandent une main-d’œuvre abondante qui est assurée par des

coopérants saisonniers ou sédentaires. Le système agroforestier

offre donc de nombreuses possibilités d’emplois.

Photo 5 – Conditionnement des sacs de charbon de bois.

Crédit photographique : archives projet

Le makala est conditionné dans des sacs en fibres nylon. Ces sacs

sont achetés à Kinshasa et coûtent approximativement CDF 350

l’unité. Ils ont une durée de vie approximative de quatre ans. Qu’il

s’agisse des exploitants agroforestiers de Mampu ou des

charbonniers œuvrant dans les dernières galeries forestières, les

habitudes sont les mêmes : les sacs sont rehaussés d’une portion,

appelée « tête », confectionnée à l’aide de matériaux naturels :

baguettes, feuillage d’acacia, lianes, herbes sèches, etc. Cette portion

permet de placer entre 30 et 50 % de charbon de bois

supplémentaire par sac. C’est le coût du sac d’une part, et l’effet

commercial d’autre part qui motivent cette pratique. Sur le site

agroforestier de Mampu, le sac moyen pèse 63 kg dont 4 kg pour le

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matériau naturel servant à confectionner la tête. Le sac moyen de

Mampu contient donc 59 kg de makala (poids net). Le nombre de sac

par hectare varie selon la biomasse ligneuse exploitable et, dans une

moindre mesure, du rendement de carbonisation.

La biomasse ligneuse recensée dans les parcelles les plus âgées (19

ans) au cours d’un inventaire forestier récent réalisé par la mission

varie de 187 m³ ha-1 à 339 m³ ha-1, et l’AAM correspondant varie de

10 m³ m³ ha-1 an-1 à 18 m³ ha-1 an-1. Cependant, les résultats

d’inventaire forestier issus des placettes de tous les âges donnent un

AAM de 11,8 m³ ha-1 an-1. Sur la base d’une rotation de douze

années, le peuplement d’acacias peut fournir environ 144 m³ de bois,

soit approximativement 150 tonnes de biomasse ligneuse fraîche qui

est transformée en 30 tonnes de charbon de bois, soit 500 sacs par

hectare. A Kinshasa, le prix du sac fluctue selon la saison mais vaut

approximativement CDF 8.000 avant taxes (CDF 500). Le transport

d’un sac entre Mampu et Kinshasa coûte CDF 3.000.

Lorsque la rémunération en nature intervient, les activités

d’abattage, billonnage, débardage, enstérage, montage du four sont

rémunéré par 45% de la production finale de charbon de bois au

bénéfice de la main d’œuvre auxiliaire (coopérants). Le

défournement et mise en sac du makala est rémunéré contre 10% de

la production finale. La confection des têtes est rémunérée à hauteur

de CDF 150 / sac. Quant au transport des sacs et à leur chargement

sur le camion, il est payé entre CDF 100 à CDF 150 selon la distance.

Le coût de revient du sac à bord du camion à Mampu est donc de

l’ordre de CDF 2.750, soit € 3,32. La tonne nette de charbon de bois

conditionnée en sac, à Mampu vaut donc approximativement € 56.

Photo 6 – Chargement des sacs de charbon de bois sur les camions.

Crédit photographique : archives projet

Le transport entre Mampu et Kinshasa est non seulement coûteux

mais aussi périlleux. Chaque année, plusieurs camions déversent leur

chargement … avant la destination voulue. La tonne de charbon

transportée revient à CDF 51.000, soit environ € 62.

Un camion avec une charge utile de 15 tonnes transporte

généralement 20 tonnes, soit 340 sacs. La recette du transporteur se

monte donc CDF 1.020.000, soit € 1.230. Le voyage Kinshasa-

Mampu-Kinshasa compte 350 km, si le camion voyage à vide pour

aller jusque Mampu, la recette au kilomètre vaut € 1.230 / 350 km =

€ 3,51. La marge bénéficiaire du transporteur est confortable.

L’intégration de l’opération de transport par l’entreprise individuelle

est évidemment impossible car les coûts d’investissement liés à

l’acquisition d’un camion et les coûts de fonctionnement associés

sont élevés. Néanmoins, cette option peut prendre du sens par le

biais d’une coopérative à laquelle appartiendrait l’exploitant

forestier. Cette option est à étudier au cas par cas.

Photo 7 – Croissance des plants d’acacias et du manioc.

Crédit photographique : archives projet

Le rendement du manioc (en tubercules frais) a été observé au cours

d’un échantillonnage. Sur la base des pesées réalisées sur les

placettes d’échantillonnage, le rendement en tubercules frais varie

de 10 T ha-1 à 68 T ha-1 avec une moyenne de 38 T ha-1 et un écart-

type de 20 T ha-1. Ces rendements sont des rendements au terme de

la campagne ; ils doivent donc être diminués lorsqu’ils sont ramenés

à l’année. La moyenne mondiale pour les rendements en tubercules

frais (9 T ha-1) reste très modeste par rapport aux potentialités de la

plante (90 T ha-1) [CIRAD-GRET, 2006].

Photo 8 – Tâche collective : épluchage du manioc.

Crédit photographique : M. Téchy

L’épluchage de manioc est une tâche qui requiert beaucoup de main-

d’œuvre. Cette activité est souvent organisée collectivement, parfois

par le biais de tontines de travail. Les tubercules de manioc frais

donnent environ 80% de cossettes épluchées.

Le tubercule épluché doit encore être fendu en quatre afin de

faciliter son rouissage et par la suite son séchage. La décomposition

enzymatique des glucosides du manioc forme de l’acide

cyanhydrique (extrêmement toxique) ; le rouissage et le séchage

favorise l’élimination de ce poison.

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Photo 9 – Séchage des cossettes de manioc.

Crédit photographique : M. Téchy

Le maïs offre un rendement de 1.500 kg à 1.700 kg de grains par

hectare dans le système agroforestier de Mampu. Des ruches bien

conduites peuvent produire 15 kg ruche-1 an-1. La moyenne à Mampu

est cependant inférieure à 10 kg ruche-1 an-1.

Analyse

1) Hypothèses de calcul

Les calculs financiers reposent sur le jeu de données et d’hypothèses

suivantes :

Par convention et pour adhérer à la réalité observée sur le site de

Mampu, la contenance totale nette de la ferme est fixée à 25 ha dont

24 ha pour les spéculations principales, les 4 Ms et 1 ha pour les

spéculations connexes comme par exemple l’élevage de case

(volaille, porcs, lapins, caprins, ovins, bovins), l’arboriculture fruitière

(avocatiers, safoutiers, goyaviers, manguiers, palmiers, etc.)

Afin de déterminer le cadre de calcul, on pose les hypothèses

suivantes :

• La situation de départ est celle d’un peuplement régulier

d’acacias distribué en douze parcelles de deux hectares âgées de

1 à 12 ans, soit une surface totale nette de 24 ha.

• L’exploitant et sa famille vivent à la ferme. La main-d’œuvre de

l’exploitant équivaut à 286 journées de labeur. La main-d’œuvre

du reste de la famille équivaut à 1.027 journées de labeur.

• L’exploitant a recours à la main d’œuvre des coopérants. La

répartition de la force de travail externe (coopérants) peut être

simplifiée en deux groupes de prestations. Les prestations qui

sont rémunérées en espèces et nourritures, à la tâche ou à la

journée. Les prestations qui sont rémunérées en nature, c’est-à-

dire en échange d’une fraction de la production. Etant donné la

grande variété des situations, une répartition moyenne a été

retenue.

• A des fins de calculs, on fixe la valeur de la journée de travail à

3.000 CDF pour l’exploitant agroforestier et à 500 CDF pour les

membres de la famille et 2.500 CDF les coopérants.

• L’investissement principal consiste à construire l’habitation et sa

citerne (3.500 €) ; la mécanisation étant réduite, peu de charges

d’amortissement entrent en compte.

• Les productions agroforestières connexes sont considérées

autoconsommées et une fraction est commercialisée.

• Les analyses porteront sur des durées de 5 ans ou 10 ans au

cours de laquelle les rendements, les coûts et les prix sont

constants.

• Le rendement de manioc (tubercules frais) est fixé à 30 tonnes

ha-1 campagne-1. La durée de la campagne est fixée à 18 mois,

soit un rendement annuel de 20 tonnes ha-1 an-1. Le rendement

de maïs est fixé à 1,5 tonne ha-1 an-1, une seule campagne par

an. L’AAM des peuplements d’acacias est de 12 m³ ha-1 an-1, et la

rotation est de 12 ans. L’exploitation annuelle porte sur une

contenance de 2 ha.

• La diversification se met progressivement en place. Ce n’est qu’à

partir de la deuxième année que l’exploitant produit du miel et à

partir de la quatrième année qu’il commercialise une partie de

ses fruits et de ses productions animales.

• Le choix du taux d'actualisation est fixé à 10%.

• Le Les taux de change (Inforeuro, octobre 2008) suivants sont

utilisés : € 1 = USD 1,4349 = CDF 828,29.

Certaines de ces hypothèses sont discutables. La construction du

tableur représente un modèle qui ne capture qu’une partie de la

réalité. Le but de ce modèle n’est pas de représenter la réalité

moyenne de la parcelle agroforestière moyenne de Mampu mais de

comprendre les implications financières liées à des décisions de

gestion.

2) Analyse financière

L’analyse financière portant sur une période de dix ans et de cinq ans

présente les indicateurs suivants, la VNA et le TIR :

• VNA (dix ans) = € 8.201 et TIR (dix ans) = 29 %

• VNA (5ans) = € 1.392 et TIR (5 ans) = 16 %

L’activité de l’entreprise agroforestière s’avère rentable à moyen et à

long termes, la rentabilité augmentant même avec le temps et la

diversification. Cela signifie que € 1.000 investi dans cette entreprise

va générer annuellement € 160 si on considère les cinq premières

années et € 290 si on considère une période de dix années.

3) Analyse de sensibilité

L’analyse de sensibilité consiste à faire varier les valeurs des leviers

afin d’observer leur impact sur les performances de l’entreprise. Elle

permet ainsi de dégager le point mort, par exemple le seuil minimum

en-dessous duquel une variable induit une VNA nulle. Plus

intuitivement peut-être, l’analyse de sensibilité permet de

comprendre l’importance relative des activités agroforestières. Le

lecteur peu familier avec l’analyse financière trouvera des

explications utiles dans Rubin [2004].

L’analyse de sensibilité porte sur les leviers suivants en leur

conférant alternativement une valeur pessimiste (basse) et optimiste

(élevée). Les indicateurs sont calculés pour une période de cinq ans.

• Rendement de manioc : 20 T ha-1 par campagne et 40 T ha-1 par

campagne. La VNA est positive pour les deux scénarios, le TIR

prend les valeurs 11% et 20 % respectivement.

• AAM des peuplements d’acacias :pour des scénarios de 9 m³ ha-1

an-1 et 15 m³ ha-1 an-1. La VNA est négative et le TIR passe sous le

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taux d’actualisation pour atteindre une valeur proche de 0%.

Dans le cas du scénario optimiste, le TIR vaut 16%.

• Transformation du manioc en micro-cosettes. Les scénarios

portent sur les rendements en tubercules dont 100% sont

ensuite transformés en microcossettes. La VNA reste positive et

le TIR vaut 22% et 33% respectivement.

• Remboursement des coûts d’installation des peuplements

d’acacias (€ 363 ha-1) à charge de l’exploitant agroforestier. Les

deux scénarios portent sur la durée de l’analyse, 5 ans et 10 ans.

La VNA est négative dans le premier cas et positive dans le

second, les TIR valant respectivement -1% et 15%.

• Intensité de la diversification. Aucune diversification ou une

diversification deux fois plus intense que le scénario de base. La

VNA reste positive. Le TIR vaut 13% et 19% respectivement.

La rentabilité de l’exploitation agroforestière est fortement tributaire

du remboursement de l’implantation des peuplements d’acacias.

C’est la transformation du manioc en microcossettes et

l’augmentation de la production du charbon de bois qui sont les

leviers les plus importants. Vient ensuite le rendement en tubercules

de manioc. La diversification a relativement peu d’impacts.

Plus encore que pour le manioc, l’accroissement des arbres a un

impact sur la rentabilité financière de l’exploitation agroforestière.

Cet impact plus important des arbres vient du ratio d’emprise

productive. La surface dévolue aux arbres est six fois plus importante

que la surface dévolue aux cultures vivrières. Pendant une grande

partie du cycle de production (et donc de création de la valeur) les

surfaces boisées n’impliquent absolument aucun coût direct.

Une analyse de sensibilité intéressante à effectuer porte sur le

rendement de carbonisation. Toutes autres choses étant égales dans

l’exploitation forestière, une amélioration absolue de 4% du

rendement de carbonisation fait passer le TIR (10 ans) de 40% à 51%

et la VNA (10%, 10 ans) de € 14.005 à € 19,533! Dans le même ordre

d’idée, la sensibilité des indicateurs financiers à la transformation du

manioc en microcossettes est révélatrice de la stratégie à adopter.

La figure 1 exprime l’impact relatif des leviers sur la VNA dans les

différents scénarios. Le scénario de base correspond à la VNA

moyenne de € 1.392 pour une analyse portant sur 5 ans.

-4.000

-2.000

0

2.000

4.000

6.000

8.000

10.000

12.000

VN

A (€)

Leviers

VNA moyenne

VNA pessimiste

VNA optimiste

Figure 1 – Evolution de la VNA en fonction des leviers.

4) Stratégie d’amélioration

Sur la base de l’analyse financière couplée à l’analyse de sensibilité, il

est possible d’envisager l’amélioration des performances financières.

La stratégie vise donc à créer de la valeur ajouté par une

augmentation de qualité des produits agroforestiers et non pas à

accroître les rendements des produits bruts, c’est-à-dire non

transformés. Pratiquement, il vaut mieux augmenter le rendement

de carbonisation de 2% que d’augmenter l’AAM des peuplements de

1 m³. Il s’avère plus rentable de transformer le manioc en

microcossettes plutôt que d’augmenter le rendement des tubercules

frais de 10 tonnes ha-1. Augmenter les rendements des cultures

vivrières à la fois crée et détruit de la valeur ajoutée.

Conclusion

L’entreprise agroforestière individuelle est rentable dans un bon

nombre de configurations, même lorsque l’exploitant forestier

supporte les coûts liés à l’habitation. Cependant, l’exploitation

agroforestière est particulièrement sensible à l’AAM des

peuplements d’acacias. La transformation du manioc en

microcossettes permet la meilleure amélioration des performances

financières.

Il est aussi envisageable d’augmenter plusieurs leviers dans une

même direction. Il va sans dire que ces scénarios tendent vers la

maximisation de la VNA. Il est dangereux de combiner trop de

facteurs de succès en même temps (excès d’optimisme).

Un enseignement précieux à tirer de ces analyses de sensibilité,

outre l’importance relative des leviers, c’est de comprendre que la

parcelle individuelle moyenne de 25 ha dans le système agroforestier

de Mampu est certainement sous-optimale. Beaucoup de parcelles

du système agroforestier ont été surexploitées en ce qui concerne les

acacias. Cette surexploitation grève largement les performances

financières compte tenu de l’importance de le l’AAM dans la

rentabilité. Ainsi, même en cultivant deux ou trois fois plus de

manioc, il s’avère très difficile de corriger un manque d’arbres dans

le système agroforestier. La seule solution durable passe alors par

des regarnissements et des plantations forestières d’enrichissement

afin d’accroître la matériel sur pied.

Références

CIRAD-GRET [2006] – Memento de l’Agronome. Paris, Centre

de Coopération International en Recherche Agronomique pour le

Développement, Groupe de recherche et d’échanges technologiques,

Ministère français des Affaires étrangères, 1691 p.

Rubin J. [2004] - Analyse financière et reporting avec Excel.

Eyrolles, 278 p.