Entrez dans la foi

Entrezdanslafoi

ÉdouardDivryo.p.

ENTREZDANSLAFOI

ARTÉGE

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produitdanslesecret,demeureinvisibleauxyeuxextérieursetseréaliseauprofondducœur.Lagrâcetouchemystérieusementle cœur de l’homme et donne ainsi à l’esprit humain « ladouceur de consentir et de croire à la vérité2 » divinementrévélée.La foi est doncd’abordunegrâceofferte, ensuite uneadhésionpersonnelle,Bossuetdisaitquec’étaitune«adhérencedecœuràlavéritééternelle»(Sermonsurlacharité).Enraisondesonunité,lafoiestsimultanément«adhésionpersonnelle»àDieuet«assentimentlibreàtoutelavéritéqueDieuarévélée»(CEC,n°150).C’estpourquoi ilne faut jamaisopposer l’actede foi que nous réalisons vis-à-vis de Dieu, vis-à-vis de lapersonnedeJésus,ouduSaint-Esprit,avecceluiquifutapprisaucatéchismedenotreenfance :«Jecrois fermementà touteslesvéritésquevousnousavezrévéléesetquevousenseignezparvotreÉglise,parcequevousnepouveznivoustromperninoustromper.»

Le concile Vatican I déclare avec grande précisionintellectuelleque«croireestunactedel’intelligenceadhérantàla vérité divine sous le commandement de la volontémue parDieuaumoyendelagrâce1».Ilfautdonccommetroisacteursdont le principal s’avère la grâce qui agit en premier.Dieu sedonneàcroire.Puisc’estautourdel’intelligencede«voir»cequi est révélé, car « la foi cherche à comprendre2 ». Enfin, ilrevient à la volonté d’adhérer à ce que l’intelligence a surecevoircommeuncadeaudevéritéetdeprésence.Ce«voir»n’est pas une évidence qui tombe sous le sensmais une vraiecertitudequiserendprésentefermementànotreconscience«enappétit»decequiestvrai.L’épîtreauxHébreuxnotequeMoïseavaitlafoietqu’ilavançait«commes’ilvoyaitl’invisible»(He11,27).

Lemêmeauteur sacréénumèreaumêmeendroit lesgrandsmaîtresdelafoidelapremièrealliance,telAbraham:«Parlafoi,Abrahamobéità l’appeldepartirversunpaysqu’ildevaitrecevoirenhéritage,etilpartitnesachantoùilallait»(He11,8). Il y a dans ces expressions « ne sachant où il allait »,« comme s’il voyait l’Invisible », la manière dont la foi estdonnée : une réalité, si belle, simystérieuse, si transcendante,dont le bénéficiaire doit prendre soin,mais qui se donnedansl’obscurité ce qui ne signifie pas des ténèbres.Cet aspect trèsobscur de la foi n’empêche pas qu’elle soit saisie avec grandeforce,etqu’ellesemaintienneennouscommeunecertitudesivigoureusequ’elleapparaîtpour lespluszéléscommequelquechosepourquilecroyantdonneraitsavie.

SisaintPaulparled’«obéissancedelafoi»(Rm1,5;16,26),c’estqueDieunousdemanded’agirparlafoi.Lafoinousentraîne à choisir d’aimerDieu et notre prochain, outre le faitque la foi estmue par la charité qui la dilate aux besoins dumonde.La foiopèredoncaussipar lacharité (cf.Ga5,6).Etcelle-ci nous presse à saisir l’enjeu de la vie éternelle et agirselonlavolontédeDieu:«CaritasChristiurgetnos(lacharitéduChristnouspousse)»(2Co5,14).C’estd’aborduneaffairedemort et de résurrection (cf. 2 Co 5, 14–15), après vient letemps du partage et de l’amour qui se livre : « Par la charitémettez-vousauservicelesunsdesautres»(Ga5,13).

Hélas,l’hommepeutaussipéchercontrelafoi:parledoutevolontaire, ou en cultivant volontairement un doute à la basesimplementinvolontaire(cf.CEC,n°2088),etsurtoutonpèchepar l’incrédulité au sens d’une infidélité volontaire qui sediversifie en hérésie – l’erreur obstinée, schisme – la coupureaveclahiérarchie,l’apostasie:parexemple,sefairedésinscrire

volontairementd’unregistredebaptême1.

Le même Auteur nous révèle aussi les conditions pourrecevoir lafoi :on l’acquiertsanscalcul,ni réserve,maisdansl’appelàunvraidondesoiàDieuquisedonneànouscar«lafoi fait voir ce qu’on croit2 » ce qui permet déjà au fidèle des’uniràDieumêmequiserévèle:«Approchons-nousavecuncœursincère,danslaplénitudedelafoi,lescœursnettoyésdetouteslessouilluresd’uneconsciencemauvaiseetlecorpslavéd’uneeaupure»(He11,22).Si la«foipurifie lecœur»(Ac15,9),elle«produit[aussi]lacrainte»(Jc2,19),craintefilialededéplaireàDieuparnosoffenses.

Quant à la foi, l’auteur sacré déclare que, si elle estnécessairepourplaireàDieu,elleestavanttout«lasubstance-garantiedesbiensquel’onespère, lapreuvedesréalitésqu’onnevoitpas»(He11,1).Elleestdoncennouslesprémicesdelavieéternelleetrésideennousparunmodepermanentennous,sinousentretenonscedon!SainteThérèsedeLisieux,docteurde l’Église,disaitvers la findesaviealorsqu’ellepassaitparunenuitparticulièrementarduedelafoi:«Jecroisparcequejeveux croire, je crois ce que je veux croire. » Dans sa nuitprofonde, elle continue envers et contre tout à agir dans lacharité éclairée par la lumière de l’Église. Sans une foisolidementdéveloppéeenelle,ellen’auraitsansdouteputenir.

La foi, en d’autres termes, tout comme l’espérance et lacharité(cf.1Co13),estunevertuthéologale,c’est-à-direundonstable deDieu, sans cesse actualisé par lui en nous, donné envuedenotreviesurnaturelle,c’est-à-direlagrâce,cequedonnedéjà le baptême.Par la foi, le croyant « s’en remet tout entierlibrement à Dieu » (Vatican II, ConstitutionDei Verbum, 5 ;


et la louange»(Ap5,12).Dieu,Père,FilsetSaint-Esprit,esttout-puissant.

Enva-t-ildemêmeàproposdelabontédivine?Malgrélesinsinuationsdephilosophes,Dieun’estpasméchantpuisquelabonté est attribuée à Dieu dans la Bible sans équivoque. Leserviteurd’Abrahamdéclare:«BénisoitAdonaï,DieudemonmaîtreAbraham,quin’apasménagésabienveillanceetsabontéàmonmaître»(Gn24,27).LelivredesNombresaffirmeplusgénéralement:«Adonaïestlentàlacolèreetricheenbonté»(Nb 14, 18). Les références sont innombrables jusque dans leNouveau Testament. Saint Paul argumente même grâce à labonté de Dieu contre les détracteurs : « Méprises-tu sesrichesses de bonté, de patience, de longanimité, sansreconnaître que cettebonté deDieu te pousse au repentir ? »(Rm2,4).SaintPaul l’invoqueaussi en l’attribuant auChristdans ses admonestations : «C’estmoi, Paul en personne, quivousenprie,parladouceuretlabontéduChrist»(2Co10,1).

Enfin l’attribut de sagesse à peine rencontré dansl’ApocalypseàproposdeDieuressortitaussiauChristdanslaplénitudedesadivinité.

Le non-juif Job déclare dans une profession de foi qui ad’autant plus de valeur qu’elle est énoncée dans la période desonmalheur : « EnLui résident sagesse et puissance, à lui leconseiletlediscernement»(Jb12,13).LeprophèteDanielseral’écho de cette foi dans le sein même du peuple israélite :«Danielpritlaparoleetdit:“QuesoitbénileNomdeDieudesiècle en siècle, car à lui la sagesse et la force”» (Dn 2, 20).QuantauChrist,ilestdéclaré«puissancedeDieuetsagessedeDieu»parsaintPaullui-même(1Co1,24).

Silaraisondéfaille,l’ÉcriturevientausecoursdenotrefoienDieuinfinimentbon,sageet tout-puissant.Alorsd’oùvientlemal?PuisqueDieuexiste,pourquoilepermet-il?Ilconvientde comprendre en premier queDieu est innocent de toutmal,malcompriscommeprivationdebien,carDieualeregardtroppurpourvoirlemal(cf.Ha1,13).Nepasvoirlemalnesignifiepasuneinsensibilité.Sonimpassibilitéessentiellen’exclutpasunecompassionvis-à-visdenous,avons-nousvuplushaut, luiqui voit qu’ici-bas nous peinons et ployons sous le poids dufardeau ainsi que le remarque Jésus (cf.Mt 11, 28). C’est samiséricordequiopèrealors.

SaintThomasd’Aquindéclareque«lamiséricordedoitêtreauplushautpointattribuéeàDieu,maisenraisondesoneffetet non de son affect passionnel2 ». Dieu nous dépassetellement!

Qu’est alors le mal ? Le mal physique ? Le véritable malc’est la privation d’une perfection due en nature à une réalitéquellequ’ellesoit39.Ilnes’agitpasd’unesimplelimitecommele fait pour un homme de ne pas être un ange ; le fait d’unanimaldenepasêtredouéderaison.Iln’yaaucunmaldanslahiérarchiedesêtres.Lebonangen’estpasjalouxdenepasêtrearchange. Cette gradation – règne minéral, végétal, animal,humain,angélique–magnifielagrandeurinaccessibledeDieu.

Le mal, saisi au niveau de ce qui est, se comprendsimplement comme une privation de bien. La raison du mal(ratiomali) n’est ni celle d’une substance d’être ni celle d’unaccidentd’être,pourparler commenous le faisons au sujetdel’eucharistie,maisseulementlaraison(ratio)d’uneprivation1:il y a seulement unmanque d’ordination à la finalité, à la fin

voulue. Ces affirmations ne signifient jamais que lemal n’estrien,ilestvécuconcrètementcommeuneterrible«gangrènedel’être2».

Dieu,dont l’intellectest toujoursenacte,connaît la formepositivedontlemalest laprivation: ilconnaîtainsilemaldumonde,conditionsinequanon(«sansquoiiln’estpas»)pourqu’ilpuissegouverner lemondeavecSagesse3.Dieunousvoitdonc toujours dans la lumière future de notre résurrection, denotretransfiguration(cf.Ph3,21).C’esttrèsréjouissant.Ilvoitsanscesselebientotalquiseralenôtre.

LaSagessedivine,enoutre,peutsemanifesterdemultiplesmanières qui s’avèrent toutes parfaitement rationnelles, maissans aucuneunivocité, sansnousôter notre liberté.Dieun’estdéterminé par rien. Il peut tout rattraper, tout reconstruire, etmêmenousressusciter.

Cependantuneobjection a été formulée.Puisque, en touteaction,Dieusemblemotivéparuneraison,Abélard,siprécoceencehautMoyenÂge,etdéjàéprisderationalisme,pensait,aucontraire de ce qui précède, pouvoir limiter la liberté deDieuparsarationalité,desortequesiDieunefaisaitpasmaintenantcequ’ilréalise,ilagiraitcontrelemotifrationnelpourlequelilagit, il irait contre sa nature rationnelle. Sa toute-puissanceseraitrationnelle.

Lesynodedesévêques,rassemblésàSensenFranceauXIIesiècle, a condamné la proposition suivante ressortissant auxthéoriesd’Abélard:«Dieupeutfaireseulementcequ’ilfait,etpermettrecequ’ilpermet,ouseulementdecettemanièreouàcemoment, et non autrement1. » La Sagesse infinie de Dieu qui


anges,alorsilprendraplacesursontrônedegloire»(Mt25,31).

IlestRoietJugedegloire.

«LaPâque,vouslesavez,tombedansdeuxjours,etleFilsdel’hommevaêtrelivrépourêtrecrucifié»(Mt26,2).

IlannonceencoreunefoissaPâque,mortparcrucifixion.

«LeFilsdel’hommes’envaselonqu’ilestécritdelui;maismalheuràcethomme-làparqui leFilsde l’hommeest livré !Mieuxeûtvalupourcethomme-làdenepasnaître!»(Mt26,24).

Ildénoncelerôledutraître,detouttraître.

«Alorsilvientverslesdisciplesetleurdit:“Désormaisvouspouvezdormir et vous reposer : voici toute proche l’heure où le Fils del’hommevaêtrelivréauxmainsdespécheurs”»(Mt26,45).

IlréitèresanséquivoquelacertitudedecesigrandmomentdesaPassion.

« Tu l’as dit, dit Jésus [à Pilate]. D’ailleurs je vous le déclare :dorénavant, vous verrez le Fils de l’homme siégeant à droite de laPuissanceetvenantsurlesnuéesduciel»(Mt26,64).

Encettedernièremention,iln’oubliepaslasuiteglorieusedecettelivraisonauxpaïens.

Pour nous qui l’aimons, ce ne peut être lassant d’entendreles paroles de Jésus le concernant, et cette énumération d’enhauts’avèreautotalunsublimefestivaldeparolesdivines,silemot festival n’apparaît pas trop peu ou même déplacé. Celas’avère en tous cas une démonstration grandiose desouveraineté,unmagnifiquetémoignagedel’autoritéduFilsde

l’homme qui se révèle dans toutes ses attributionsmessianiques1, celles d’unique médiateur et sauveur deshommes(cf.1Tm2,5).

Certesdansd’autrespassagesévangéliques,leFilsd’hommesignifie diversement celui qui apparaît avec d’autres nuancescomme l’Avocat, leMédiateur, le Jugemiséricordieux, capabledeprononcerunjugementdeclémenceàcausedesacommunehumanité avec nous, comme cela fut annoncé au début del’Évangilejohannique(cf.Jn3,17):«CommelePèreeneffetalavieenlui-même,demêmea-t-ildonnéauFilsd’avoiraussilavieenlui-mêmeetilluiadonnépouvoird’exercerlejugementparcequ’ilestFilsd’homme»(Jn5,26–27).

C’estfinalementcetteacceptionjohanniquequil’emporterachez les Pères. Il est alors loisible de comprendre le chassé-croiséde l’expressionquiva s’effectuer àpartirdes rudimentsbibliques hébraïques vers la clarté patristique grecquerencontrée au début de notre méditation1. Encore que cetteambivalenceexistedéjàdanslarédactiondesévangiles, leFilsde l’homme, nom mystérieux aux caractéristiques divines,devient plus nettement le nom qui désigne Jésus en sa simplehumanité;leFilsdeDieu,nomangéliqueouadamique,devientàjamaislenomduChristensadivinité.

Mais Jésus a pris d’autres noms dans l’Évangile, et en cetemps liturgique de l’Année de la foi, je vous propose d’enadopterunparmiceuxévoquéstoutaulongdel’Évangile:Filsdel’homme,FilsdeDieu,ouunautrecommevouslevoudrez,pour le laisser être murmuré à vos oreilles, venant du plusprofonddevoscœursen faveurdeceluiquenousaimonsetàquinousoffronstouteschosesàcommencerparnosdéfaillances

et nosmisères. La question adressée à Pierre et aux discipless’adresseaussiànous.Pourtoi,«quiestlefilsdel’homme?»(cf.Mt16,17).

Enrésumé,si leCatéchismede l’Églisecatholique répondavecclarté,puissions-nousaussibiendire:«JésusaaccueillilaprofessiondefoidePierrequilereconnaissaitcommeleMessieenannonçantlapassionprochaineduFilsdel’Homme (cf.Mt16, 16–23). Il a dévoilé le contenu authentique de sa royautémessianique à la fois dans l’identité transcendante duFils del’Homme“quiestdescenduduciel”(Jn3,13;cf.Jn6,62;Dn7, 13) et dans sa mission rédemptrice comme Serviteursouffrant :“LeFilsde l’Hommen’estpasvenupourêtre servimaispour serviretdonner savieen rançonpour lamultitude”(Mt20,28;cf.Is53,10–12).C’estpourquoilevraisensdesaroyautén’estmanifestéqueduhautde lacroix(cf.Jn19,19–22;Lc23,39–43).C’estseulementaprèssarésurrectionquesaroyautémessianiquepourraêtreproclaméeparPierredevant lepeuple de Dieu : “Que toute la maison d’Israël le sache aveccertitude :Dieu l’a fait Seigneur etChrist, ce Jésus quevous,vousavezcrucifié”(Ac2,36)»(CEC,n°440).LeCatéchismeareconnunettement le faîtede la révélationduFilsde l’hommedans l’acception importante que nous avions relevée duServiteursouffrant(cf.Mt20,28),maisaussidanslalumièredesonidentitétranscendante.

Quels sont donc les autres noms du Fils de David ouéquivalemment du Fils de l’homme ? Ces expressionsn’épuisent pas la révélation que leChrist réalise de lui-même.Jésus s’est inscrit en tant que l’Oint de Dieu1, l’Innocent2,l’AgneaudeDieuquienlèvelepéchédumonde3,lePremier-né,


régime qui agit lentement. C’est parfois un épuisement, uneconsomption de l’âme. Les Pères du désert lui ont donné unnomquasi intraduisible : l’acédie. L’abbéHuvelin écrit : «Latiédeur…bienpetitmotpourlaplusredoutabledesmenacesetpour un état particulièrement dangereux1. » C’est l’inverse duscrupuleux qui demande avec l’aide de l’Esprit d’autrestraitements.Tantqu’ildemeureune inquiétude intérieure l’âmepeut être sauvée, dirait saint Augustin. Le tiède a cessé des’inquiéter.Cetétats’accompagnesouventd’unehostilitévis-à-vis deDieu à travers tel ou tel point de saRévélation d’où ilressortuneabouliepourfairelebienetypersévérer.

Sans suivre Cassien qui semble extrême lorsqu’il notequ’«ilvautmieuxnepasprierquedepriersansyêtrefidèle»(Collatio 9, 12), il y a lieude réfléchir à lamaxime sévèredePadrePio : «Mauvaisquinepriepas ;mais trèsmauvaisquiprie mal. » L’engagement dans la prière par le désir est trèsimportant à conserver comme on garde toujours allumée uneveilleuse à côté du Saint-Sacrement. « Autre chose est lebavardage qui dure, autre chose le désir qui dure » (Augustin,Lettre à Proba, n° 19). La nature ayant horreur du vide, à laplace de l’élan que procurent la ferveur et la fidélité, naît laparesse. Dès lors l’acédie est prête à s’introduire comme lechevaldeTroiedanslacitadelledenotrecœur.Queproduit-elleà terme?«La tiédeur est la sourcede soupçonsméchants, depensées de blasphème, de dénigrements malicieux »(Bonaventure, De Triplici Via, I, 6). Pour arriver à cet étatcalamiteux,latiédeurabandonnelahiérarchiedesvaleurs:parexemple elle obtient qu’on préfère le primat du corps sur lesvaleursascétiquesd’unionàDieucar«lanatureaimelereposducorps»(ImitationdeJ.-C., III,54).Maisd’autrespertesderepères peuvent être néfastes : l’égalitarisme à tous crins, le

relativisme des dogmes, de la morale, de la connaissance,l’idéologie laïciste. La tendance actuelle a produit des pertesd’énergie considérables en cherchant à se battre contre desmoulinsàvent.Lesacerdocedesfemmes,lemariagedesprêtres,l’égalitédeslaïcsetdesconsacrés,lareconnaissance–nondesdroitshumainslégitimesdespersonneshomosexuelles–maisdepseudo-droitsnonfondéssurlesdevoirsdelaloinaturelle,etc.La tiédeur est comme un lierre qui envahit ou peut envahirlentementetsûrementtoutunterrainenyprenanttout:laterre,l’eau,lesoleil.

Quelquesexemplesdetiédeur:

– S’auto-suggérer des œuvres trop astreignantes endéclenchantlesurmenagepuisledégoût(Gerson).«Quandonatropàfaireilarrivequel’onsecouche»(abbéHuvelin)1.

– Préférer les douceurs de la consolation par gourmandisespirituelle ce qui produit une erreur sur le but de la viespirituelleaulieuetplacedelajoiequeprovoquel’obéissance,toute opération qui immanquablement conduit au dégoût. Àl’inverseleChristnousinviteàmortifiernotrevolontépropre:« Seigneur non pas ma volonté mais la tienne1. » C’est uneatmosphèretrèsdifférenteduconseildesaintFrançoisdeSalesqui demande de se « tenir le cœur ouvert dans l’attente de lasainterosée».«Ilfauts’ydisposeravecunsoinquisoitgrandmaishumbleettranquille.»

– La prière devient ennuyeuse, parfois cela atteint unedifficulté insurmontable, ilne resteque leparaîtrede laprièrecollective (abbé Georges Finet). L’ennuyeuse nécessité de laprièrequotidiennearemplacé«lefantastiqueeffortdelaprière

detouslesjours»(AntoinedeSaint-Exupéry)2.

–Développementd’unesprithypercritique.Onsélectionnepour faire grief. On ne raisonne plus en Dieu. Le regardanagogiqueadisparu.Enparticulier,cequivientdel’autoritésetrouvesouventcontesté.Ladocilitéestperdue.

– Formalisme religieux d’abord. L’enveloppe est vide. Lacharité ayant disparu, on persécute, on semoque de ceux quivivent avec plus de foi. Puis on provoque la perte des repèresreligieux:l’habit,lescrucifix,lessaintesimages.

– Entretenir la triple mesquinerie : garder des rancunes,maintenir des susceptibilités, pratiquer des petits mensonges(sœurMarieDupontdesSœursdeBethléem).

– Désobéir dans les petites choses puis dans les plusgrandes : lapentedevientdeplusenplusglissante.«Pensonsqu’une infidélité localisée en fait commettre d’autres » (abbéHuvelin).

–Vivre la triplepertedes repères religieux :perdre l’oublidesoi,moteurdelavied’amouràl’instardesainteThérèsedel’Enfant-Jésus, perdre la patience en épousant un caractèrecolérique,perdre laconfiancedans lesautresdansunsoupçonpermanent.

– Ne plus écouter les conseils autorisés. Un jugementpréalablebloquelecœurquidevraitsemettreensituationdesemettre sous pour écouter, donc obéir. On traite de haut lesdevoirs quotidiens comme s’ils étaient facultatifs et pour lesdébutants.Lesmauvaisexemplespullulentdenosjours.


« La contemplation du Christ fut inaugurée […] avec les évangilessynoptiques. Puis, elle connut une phase nouvelle avec les écrits dePaul et de Jean. Avec eux, nous avons trouvé deux “voies”, deuxparcours conduisant à la découverte de l’identité de Jésus-Christ : lavoie de Paul qui part de l’humanité pour déboucher sur la divinité ;elle conduit de la chair à l’Esprit, de l’histoire du Christ à lapréexistence du Christ ; la voie de Jean qui suit le cheminementinverse,partantdeladivinitéduVerbepourrejoindreetaffirmersonhumanité;elleconduitdesonexistenceéternelleàsonexistencedansletemps;lapremièrevoieplacelarésurrectionduChristàlacharnièreentre les deux phases ; la seconde voit le passage d’un état à l’autredansl’incarnation1.»

Aucundesdeuxcourants théologiquesnesongeun instants’éloigner dePaul oude Jean,mais chacun interprète l’unparl’autreécrivainsacréselonsonaxepropredevison,sathéologieascendanteoudescendantecommeilestconvenudelesappeler.Essayonsdelefairesentir:

1/ La résurrection/exaltation du Christ apparaît commel’événementcapital,centraldelaviechrétienne.PourPaul,ilyamême une association entre la résurrection duChrist et sonéternelle filiation divine, comme une osmose pourrait-on direentre lesdeux.Par l’Espritqui lui redonnevie,Jésus leChristestmanifestéSeigneur(Kyrios).Parexemple,Ph2,9–11:

«AussiDieul’a-t-ilexaltéetluia-t-ildonnéleNomquiestau-dessusde tout nom, pour que tout, au nom de Jésus, s’agenouille, au plushaut des cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langueproclame, de Jésus Christ, qu’il est Seigneur, à la gloire de Dieu lePère.»

C’estlaveinetypiquementpaulinienne:exaltation/filiationdivine. Cette strate de compréhension semanifeste aussi danslesActes,enplusdeslettresdesaintPaul.

«Jésus leNazôréen,cethommequeDieuaaccréditéauprèsdevousparlesmiracles,prodigesetsignesqu’ilaopérésparluiaumilieudevous, ainsi que vous le savez vous-mêmes, cet homme qui avait étélivréselonledesseinbienarrêtéetlapresciencedeDieu,vousl’avezprisetfaitmourirenleclouantàlacroixparlamaindesimpies,maisDieu l’a ressuscité, le délivrant des affres de l’Hadès. […] Etmaintenant,exaltéparladroitedeDieu,ilareçuduPèrel’EspritSaint,objet de la promesse, et l’a répandu. C’est là ce que vous voyez etentendez. Car David, lui, n’est pas monté aux cieux ; or il dit lui-même:“LeSeigneuraditàmonSeigneur:Siègeàmadroite,jusqu’àcequej’aiefaitdetesennemisunescabeaupourtespieds.Quetoutelamaisond’Israëllesachedoncaveccertitude:Dieul’afaitSeigneuretChrist,ceJésusquevous,vousavezcrucifié.”»(Ac2,22–36).

C’estl’époquedelapublicationduKérygmeetl’apôtrePaultémoigneavoirfaitl’expérienceduChristvivant,ressuscité,surlechemindeDamas :«Saoul,Saoulpourquoimepersécutes-tu ? » (Ac 9, 4). Ainsi que nous l’avions déjà noté, il prêchependant sonministère que sans la résurrection notre foi seraitvaine (cf. 1Co 15, 17)1. La foi, la justification trouvent leurraison d’être dans la résurrection du Christ. On le voit parexempleenRm4,24–25:«Nousàquilafoidoitêtrecomptée,nousquicroyonsenceluiquiressuscitad’entrelesmortsJésusnotre Seigneur, livré pour nos fautes et ressuscité pour notrejustification.»Cequicomptec’estlanouvelleviedeschrétiensqui prend sens dans l’événement de la Résurrection, dans lachair ressuscitée, ainsi que l’ont bien compris nos premiersthéologiens1 : «Nous avonsdonc été ensevelis avec lui par lebaptêmedans lamort,afinque,comme leChristest ressuscitédesmorts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dansunevienouvelle.Car si c’estunmêmeêtreavec leChristquenoussommesdevenusparunemortsemblableàlasienne,nousleseronsaussiparunerésurrectionsemblable»(Rm6,4–5).Ouencore:«Etsi l’EspritdeCeluiquiaressuscitéJésusd’entre

lesmortshabiteenvous,Celuiquiaressuscité leChristJésusd’entre lesmorts donnera aussi la vie à vos corpsmortels parsonEsprit quihabite envous» (Rm8,11).Ouencore : «Eneffet, si tes lèvres confessent que Jésus est Seigneur et si toncœur croit queDieu l’a ressuscité desmorts, tu seras sauvé »(Rm10,9).L’attentionportesurl’effetduChristressuscitésurnous.

Cet axe puissant, résurrectionnel, semble pouvoir toutexpliquer,ycomprislestatutontologiqueduChristcommeFilsdeDieu.Ainsiprocèdel’introductiondel’épîtreauxRomains:«ÉtabliFilsdeDieuavecpuissanceselonl’Espritdesainteté,parsarésurrectiondesmorts,JésusChristnotreSeigneur»(Rm1,4).

C’est aussi dans une certaine mesure le pivot des troissynoptiquesquiaboutissentà l’événementde la résurrectionetquiconduisentaukérygmedelaBonneNouvelle(cf.Lc24,6:«Iln’estpasici;maisilestressuscité»).Lapremièreannonceest bien celle de la résurrection qui concrétise l’ensemble dumessageapostolique.«Ilestvraimentressuscité!»(Lc24,34).MaisPaulavecses raisonnementsbalancés rabbiniquesvaviteêtreconsidérécommeunpeudialectique,unpeuobscurdanslacommunauté des croyants, ainsi que l’atteste la lettre déjàtardive de la deuxième épître dite de saint Pierre : « Tenez lalonganimitédenotreSeigneurpoursalutaire,commenotrecherfrère Paul vous l’a aussi écrit selon la sagesse qui lui a étédonnée.Illefaitd’ailleursdanstoutesleslettresoùilparledecesquestions.Ils’yrencontredespointsobscurs,quelesgenssansinstructionetsansfermetédétournentdeleursens–commed’ailleurslesautresÉcritures–pourleurpropreperdition»(2P3, 15–16). La lettre est mise sous l’autorité de Pierre pour


faitinattenduqueDieu«avaitouvertauxpaïenslaportedelafoi » (Ac 14, 27), signifiait là son désir de relancer notre viechrétienneàpartirdelapremièreévangélisation.Cetteportedelumière, car la foi est une lumière, conduit au port définitif àtravers laporte duCiel.Demandons pour nous-mêmes et tousles nôtres de passer cette porte précieuse, sans complexe, à lamanièredont levénérableVieillardduDialogueavecTryphonexhortaitsibiensaintJustin(†165)àleréaliserpourlui-même:« Avant tout, prie pour que te soient ouvertes les “portes delumière” (phôtòs pùlas) : car ces choses pour tous demeurentinvisibles et inconcevables, sauf pour celui à quiDieu, et sonChrist,accordentdecomprendre1.»

Surcechemindefoi,vécuenactedansl’EspritSaint,saintJustin a rencontré la Vierge Marie ayant conçu « fidélité etgrâce2».LaMèreduChrist, laMèredeCeluiquiestDieu, laDeigenitrix, ouMater Dei («Mère de Dieu »), Marie, cettebonnemère,estelle-même,paruneffetdelamiséricordedivine,la«PorteduCiel», laPortaCielidans les litaniesdeNotre-DamedeLorette.Si laMèredeDieunousouvrelaportec’estenraisondesaplénitudedegrâcequ’ellevitdansl’obéissancelaplus immédiateàDieu, sanscalculni réserve (cf.Lc1,38).«C’estl’obéissancedeMariequiouvrelaporteàDieu1.»Ellesouhaite, en outre, selon les désirs mêmes de son Fils, quechaque fidèle passe par elle selon le conseil de l’Ange duSeigneur : « ne crainspasdeprendre chez toiMarie» (Mt1,20).LaViergeMarieestunesorted’accélérateur,uncyclotron,desdesseinsbienveillantsdeDieupourl’humanité:quivoudraencorelamanquerendésirantpasserlaportedelafoi?

1.THOMASD’AQUIN,ST,IIaIIæ,q.2,a.7,c.

2.Lc7,34:«LeFilsdel’hommeestvenu,mangeantetbuvant,et vous dites : “Voilà un glouton et un ivrogne, un ami despublicainsetdespécheurs!”»1.Lc5,32 :« Jenesuispasvenuappeler les justes,mais lespécheurs,aurepentir.»Lc19,10:«CarleFilsdel’hommeestvenuchercheretsauvercequiétaitperdu.»2.Cf. Jn 12, 27 : «Maintenantmon âme est troublée.Et quedire?Père,sauve-moidecetteheure!Maisc’estpourcelaquejesuisvenuàcetteheure.»1.Cf. Jn12,47 :«Siquelqu’unentendmesparolesetne lesgardepas,jenelejugepas,carjenesuispasvenupourjugerlemonde,maispoursauverlemonde.»1. Cf. JEAN DAMASCÉNE, De fide orthodoxa, « Sur laProvidence », cap. 2, 29 (SC, n° 535, 2010, p. 364–365) ;THOMASD’AQUIN,ST,Ia,q.19,a.6,ad1;SuperICor.,cap7,l.1.1.Dialogue7,3dansJustinmartyr :DialogueavecTryphon,édition critique, traduction et commentaire de PhilippeBobichon, « Paradosis, n° 47/1 », Fribourg, Academic PressFribourg,2003,p.204–205.BenoîtXVIdanssacatéchèsesursaint Justin (21 mars 2007) évoque puis cite ce passage. Lebaptêmequidonnelafois’appelleprécisément«illumination»(phôtismos)(JUSTIN,ApologieI,61,12).2.Dialogue,100,5,idem,p.454–455.1.JosephRATZINGER (BenoîtXVI),L’enfancedeJésus,Paris,Flammarion,2012,p.83.

Tabledesmatières

Préface

L’actedefoidansPortafidei

LePèreest-ilencoretout-puissant?

QuiestleFilsdel’homme?

L’EspritSaint,Paracletpournous?

Peut-onfairel’impassedelarésurrection?

Conclusiongénérale

Achevéd’imprimerenmars2013

PourlecomptedeséditionsARTEGE

parSARLPulsio,75018Paris

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