Environnement Fiscal de l’Entreprise en Tunisie - Neji_baccouche

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  • 7/23/2019 Environnement Fiscal de lEntreprise en Tunisie - Neji_baccouche

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    ENVIRONNEMENT FISCAL DE LENTREPRISE EN TUNISIE

    Etude prpare par :

    Nji BACCOUCHE

    Professeur de droit public et directeur du Centre dEtudes Fiscales

    de la Facult de droit de Sfax

    Ce travail sest largement inspir dune prcdente tude prpare avec mes collgues

    Sami KRAEIM et Mohamed KOSSENTINI

    2009

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    INTRODUCTION

    1-La gravit de la rcente crise financire et conomique revitalise les dbats sur

    les rapports entre lentreprise et lEtat. Dans ce cadre, la fiscalit est plus que jamais

    implique dans la stratgie fixe par les pouvoirs publics de tous les Etats pour sortir de la

    crise puisquelle est sollicite pour soutenir les diffrents secteurs qui se trouvent

    confronts des difficults dont lampleur est probablement sans prcdent. Pourtant, les

    tenants du libralisme ainsi que les entrepreneurs sont souvent hostiles la fiscalisation et

    ne cessent de prner la rduction des impts. La ralit de la crise qui sest aggrave en

    2008 a toutefois conduit les oprateurs conomiques solliciter linterventionnisme de la

    puissance publique. Dans tous les pays, le trsor public est sollicit et son intervention se

    traduit par lexplosion de lendettement public faute de pouvoir augmenter les impts dansle contexte de crise. Mais, un jour, limpt doit assurer le remboursement de cette dette.

    Cest dire que limpt est au cur de la problmatique des politiques publiques de

    dveloppement aujourdhui et demain.

    2-LEtat tunisien est un Etat de services publics par excellence. En labsence de

    ressources semblables celles dont disposent ses voisins, la Tunisie a imprativement

    besoin de ressources fiscales durables pour faire fonctionner ses innombrables services

    publics et accomplir sa politique de dveloppement social quilibr et qui, quoique londise, reste rellement exemplaire, du moins pour les pays en dveloppement. De notre

    point de vue, cest cette politique de redistribution et de transferts sociaux qui procure la

    fois la stabilit et la lgitimit aux institutions qui nous gouvernent. Cest pourquoi la

    lgislation fiscale doit tre manie avec beaucoup de prudence. Elle doit viter un double

    cueil. Dun ct, elle doit viter la lourdeur dont Ibn KHALDOUN avait dcrit, depuis

    plus de six sicles, leffet nfaste sur lappareil de production et sur lEtat lui-mme1. De

    lautre ct, elle doit viter le nivellement fiscal par le bas que semble imposer une

    concurrence fiscale rude entre les divers pays et qui prive lEtat de ses ressources

    ncessaires pour mener le dveloppement global et assurer la cohsion sociale.

    3- En 1382, IBN KHALDOUN disait que Parfois le fisc prtend se tirer

    daffaire en augmentant le taux des impts, jusquau moment o la limite du possible

    est atteinte : le cot de la production est trop lev, les impts sont trs lourds et tout

    espoir de gain demeure thorique. En consquence, le revenu national continu

    dcrotre, les impts augmenter dans lespoir que ceci compensera cela. Finalement, la

    1 IBN KHALDOUN,La Moukaddima, Chapitre 36.

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    chute de la civilisation suit la disparition de toute possibilit de production et cest lEtat

    qui en ptit . Lactualit de ses propos est telle quelle a inspir le clbre conomiste

    LAFFER, conseiller du Prsident REGAN, pour tablir la courbe, dite courbe de LAFFER

    qui met en exergue le caractre anticonomique dune fiscalit lourde.

    4-Il est vrai que trop dimpt tue limpt, mais il nen reste pas moins vrai quepeu

    dimpt menace lEtat et peut le tuer. Or, lEtat est notre bien commun, il est devenu

    irremplaable et son affaiblissement menace, en premier lieu, lentreprise et ne sert aucune

    catgorie sociale ou autres entits. Le payement de limpt est un devoir sacr et son

    vitement frauduleux constitue, certes, un acte dtestable, mais qui doit interpeller les

    gouvernants sur les raisons de sa non culpabilisation par la socit. La fraude fiscale nest

    malheureusement pas un acte socialement condamnable. Des personnes, parfois

    socialement considres, se vantent de frauder le fisc mais ne se vantent jamais de voler un

    bien dautrui autre que celui de lEtat et ses dmembrements.

    5-Pour la Tunisie indpendante, lamlioration du cadre juridique de lentreprise a

    toujours constitu une proccupation majeure des pouvoirs publics depuis loption pour la

    libralisation de lconomie entame en 1970 sous la conduite du premier ministre,

    Monsieur Hdi NOUIRA. Plus tard, lvolution de lenvironnement juridique et fiscal de

    lentreprise en Tunisie a t pousse grce deux acclrateurs :

    6- Le premier consiste dans le plan dajustement structurel, ayant favoris

    lvolution de lconomie nationale, dune conomie administre vers une conomie de

    lentreprise qui opre dans un milieu concurrentiel. Depuis le dbut des annes 1970, la

    Tunisie sest engage dans une politique caractrise par la rorientation de l'conomie

    vers l'encouragement de l'entreprise prive, la libralisation conomique et l'ouverture sur

    l'extrieur. Cette mme politique sest consolide, depuis 1986, par ladoption dun

    programme d'ajustement structurel, qui a constitu la base du VIIme

    Plan de

    dveloppement conomique et social (1987-1991). Le changement politique survenu en

    1987 a relanc le programme d'ajustement structurel et a rendu possible la mise en

    oeuvre, entre autres, de profondes rformes fiscales qui ont accompagn la libralisation et

    louverture effective sur lextrieur2. Grce ces rformes, la Tunisie a pu devenir, en

    2 Rvision des codes d'investissement en direction d'une libralisation de l'investissement et des

    procdures, libralisation progressive des prix la production et la distribution, libralisation

    progressive des importations, rvision de la fiscalit par l'institution de la taxe sur la valeur ajoute et

    l'impt unique sur les revenus, rforme du systme montaire et financier et rvision du rle de l'Etat etde ses moyens d'intervention dans la vie publique, par le biais d'un dsengagement progressif de son rle

    d'oprateur en faveur du secteur priv

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    1990, membre du GATT. Elle a sign, en tant que membre fondateur, les accords GATT /

    OMC en 1994.

    7- Le secondacclrateur consiste dans les exigences imposes par la conclusion

    dun accord dassociation avec lUnion Europenne conscutive la signature des accords

    du GATT/OMC3. Le rapprochement et lharmonisation de la lgislation tunisienne avec les

    lgislations des pays de la communaut europenne sont devenus une exigence

    explicitement pose par larticle 52 de lAccord dassociation. La Tunisie avait intrt

    harmoniser sa lgislation avec celle des pays partenaires et lUnion Europenne sest

    engage soutenir ses efforts cet effet.

    8- Dans ce nouveau contexte, la prise en considration des rgles de bonne

    gouvernance de lentreprise dans les pays partenaires de la Tunisie, est devenue unencessit absolue pour permettre lentreprise tunisienne dtre comptitive et dagir,

    ainsi, dans un monde devenu aujourdhui presque sans frontires conomiques4. La

    fiscalit est alors devenue lun des facteurs dterminants de lactivit de lentreprise et de

    sa comptitivit compte tenu du cot fiscal de plus en plus lev dans le cot global des

    biens et services. La comptitivit de ces derniers dpend, entre autres, de la comptitivit

    du systme fiscal. Louverture sur lextrieur impose alors la comparaison entre les

    systmes fiscaux qui conditionnent lactivit conomique. Ds lors, il devient

    incontournable derapprocher les cots fiscaux supports par les produits et services, en

    Tunisie, de ceux en vigueur dans les pays partenaires et concurrents. Le poids de la

    fiscalit est devenu un dterminant que linvestisseur ne peut ignorer. Cest pourquoi lon

    parle de lingnierie fiscale qui est lune des composantes de lingnierie financire.

    9- Outre son impact sur les choix et dcisions faits par lentreprise, le systme

    dimposition est lun des facteurs que lentreprise doit pouvoir matriser afin de fixer sa

    stratgie conomique et dassurer sa bonne gouvernance. Le rgime fiscal auquel est

    soumise lentreprise, la nature de la relation entre lentreprise et ladministration fiscale,

    lassiette, le taux, le recouvrement et leffectivit des rgles fiscales et leur justesse,

    3

    La Tunisie a t le premier pays tiers-mditerranen conclure un accord dassociation avec lUnion

    europenne en 1995. Nji BACCOUCHE, Les implications de laccord dassociation sur le droit fiscal et

    douanier, in Mlanges Habib AYADI, op. cit. p. 5.4 Les pouvoirs publics ont entrepris depuis quelques annes des mesures pour amliorer le cadre juridique

    rgissant lentreprise dans toutes les phases de sa vie juridique : cration, fonctionnement, disparition

    Les rformes jusque l apportes ont t principalement influences par les mesures convergentes

    rcemment prises, partout dans le monde, pour consolider lentreprise et lui permettre, le cas chant, de

    faire face la crise conomique et/ou financire. Cette crise dclenche depuis 2007, est due, entre

    autres, une mauvaise gouvernance de lentreprise et labsence dthique et de rgulation suffisantespour pallier les drapages au rythme desquels nous vivons depuis quelques annes.

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    influencent dans une large mesure, non seulement le fonctionnement interne de

    lentreprise, mais aussi laccomplissement par cette dernire de ses obligations fiscales vis-

    -vis de lEtat. La perception de la fiscalit par les oprateurs conomiques est importante

    et elle impose lEtat de soigner limage du fisc et davoir une politique de marketing ceteffet.

    10-Lobligation de transparence pse non seulement sur lentreprise, mais aussi sur

    ladministration fiscale. Or, il semble que la transparence fiscale (que nous utilisons non

    pas au sens technique qui signifie limposition des membres de lentit en application de

    larticle 4 du CIR, mais au sens de sincrit, de clart et de vrit) est loin dtre

    suffisamment enracine. Le fisc accuse les contribuables alors que ces derniers se

    plaignent, leur tour, du manque de transparence de la part du fisc. Dans certains cas, la

    transparence est carrment sacrifie par des textes et par des pratiques administratives.

    Pourtant, la transparence est une exigence de bonne gouvernance (Chapitre I).

    Par ailleurs, la comptitivit de lentreprise est conditionne par le poids de la

    fiscalit. Or, et en dpit des rformes louables qui ont t introduites par le lgislateur

    depuis 1988, la comptitivit fiscale semble tre mise mal dans la mesure o la fiscalit

    supporte par lentreprise tunisienne savre lourde par rapport ses concurrentes

    trangres en raison de la rpartition inquitable de la charge fiscale au sens large, cest--

    dire celle englobant les prlvements sociaux (Chapitre II).

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    CHAPITRE I

    LEXIGENCE DE TRANSPARENCE

    11-La bonne gouvernance de lentreprise est tributaire dune double transparence,

    interne lentreprise et externe cette dernire. Dun ct, lentreprise doit pouvoir

    surmonter les problmes lis sa transparence vis--vis du fisc (SectionI). Mais, dun

    autre ct, lentreprise risque dtre confronte des problmes lis au manque de

    transparence de ladministration fiscale elle-mme (Section II).

    SECTION I : LA PROBLEMATIQUE DE LA TRANSPARENCE DE

    LENTREPRISE

    12-La transparence de lentreprise dans ses rapports avec le fisc est une vritable

    quation laquelle il est impratif de trouver un fait gnrateur pour la rendre irrversible.

    Elle est commande par deux facteurs dterminants.

    Le premier facteur est dordre psychologique et moral dans la mesure o la

    transparence de lentreprise nest que le reflet du degr du civisme des personnes agissant

    au nom de lentreprise. La transparence fiscale est, avant tout, une conviction des

    personnes de contribuer positivement leffort collectif de couverture des charges

    publiques. Mais, la conviction des dirigeants dentreprises et des contribuables en gnral

    est conditionne par la conduite du fisc et par lexemplarit quil doit assurer.

    Le deuxime facteurqui commande la transparence consiste dans la comparaison

    de la situation financire de lentreprise elle-mme avec celle des autres car, le sentiment

    dune injustice fiscale ou de limpt sanctionpeut conduire lentreprise pratiquer la

    fraude puisque ceux qui ludent limpt sont forcment favoriss. Lorsquil se transforme

    en conviction, le sentiment dtre bern ou sanctionn conduit le contribuable, dune

    manire quasi invitable, la fraude. Il faut le savoir, pour survivre, lentreprise se sent,

    dans certains cas, oblige de frauder mme si le dirigeant de lentreprise a tort de raisonner

    et de se comporter ainsi.

    13- En pratique, la transparence de lentreprise tunisienne se trouve

    involontairement sacrifie soit cause de lampleur du secteur informel, foncirement en

    fraude ( 1), soit cause du manque dune culture fiscale de transparence chez les

    dcideurs au sein de lentreprise et ce pour des raisons complexes ( 2).

    1 : Lampleur du secteur informel

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    14-Le secteur informel nest pas un phnomne rcent en Tunisie. On peut mme

    penser que le tissu conomique sest constitu, au lendemain de lindpendance, dans

    lambiance de linformel compte tenu de la raret du capital dans le pays et de labsence

    dune culture de lorganisation du travail et de lentreprise. Mais, durant les vingt derniresannes, et alors mme que lEtat avait entrepris les rformes fiscales et conomiques les

    plus audacieuses pour moderniser lconomie, on a assist un accroissement

    spectaculaire du secteur informel qui, dans la meilleure des hypothses, opte pour le

    forfait dimpt. Loption pour le forfait dimposition sexplique, en particulier, par la

    rduction des cots du travail quil permet grce au contournement de la lgislation sociale

    et des contraintes fiscales. Le secteur informel se justifie essentiellement par le souci

    dviter la fiscalisation.

    Outre lexistence dun march parallle souvent en fraude et difficile quantifier

    (A), lentreprise transparente souffre galement de laccroissement dmesur du nombre

    des forfaitaires qui supportent une charge fiscale insignifiante. Le secteur informel gnre,

    au mieux, des forfaitaires (B).

    A- Un march parallle en fraude

    15- Le secteur informel englobe lensemble des activits dont lexercice illgal

    constitue une fuite devant les diffrentes normes fiscales, sociales, commerciales et autres.

    Lexistence de ce type dentreprises exerant souvent des activits lgales mais par des

    personnes non dclares au fisc et la scurit sociale, est de nature fausser le jeu normal

    de la concurrence. En effet, les entreprises exerant leurs activits en toute lgalit se

    trouvent ainsi pnalises par leur transparence. Les biens produits ou les services fournis

    par le secteur informel sont naturellement moins coteux. Ils sont donc plus comptitifs par

    rapport ceux raliss par les entreprises organises conformment la loi. Dans une

    socit o le pouvoir dachat est relativement modeste, la qualit nest pas, pour le

    consommateur, le dterminant de larbitrage quil effectue lors de ses dpenses.

    16- Le secteur informel constitue une vritable agrgation dintervenants. Par

    dfinition, ce secteur est difficile de quantifier de manire trs prcise dautant plus quen

    Tunisie, le critre de non enregistrement nest pas utilis par lappareil statistique pour

    mesurer le secteur informel5. Certains conomistes murmurent que ce secteur

    reprsenterait entre 20% et 40% des activits conomiques du pays6. Pendant les vingt

    5

    Mondher BEN AROUS, Le secteur informel en Tunisie : Rpression ou organisation ? Universit deLimoges, p. 6.

    6 Nous navons pas rencontr dtudes qui quantifient le secteur.

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    notion de forfait constitue la ngation de la bonne gouvernance parce quelle carte le

    revenu ou le chiffre daffaires rellement ralis et repose sur des suppositions

    approximatives qui sont trs loin de la ralit.

    20-Alors que lEtat est oblig demprunter annuellement des sommes de lordre de

    4000 millions de dinars environ (soit le tiers de ses besoins financiers) afin dquilibrer son

    budget, plusieurs professions parmi les plus lucratives du pays occultent encore leur devoir

    fiscal en se rfugiant dans les niches du forfait. Le nombre des forfaitaires ne cesse

    daugmenter : il a pass de 140.000 lors de la promulgation du CIR en 1989, environ

    270.000en 1999. Leur nombre a encore augment puisque parmi ceux qui sadonnent

    une activit industrielle et commerciale, le nombre des forfaitaires en 2007, dpasse

    350.0009. Compte tenu des difficults du recensement de cette catgorie dagents

    conomiques, nous estimons quactuellement, le nombre de forfaitaires serait

    probablement suprieur 400.000. En revanche, le nombre des entreprises soumises au

    rgime rel serait de lordre de 90.000 uniquement soit environ 20% des contribuables

    passibles de limposition au titre des bnfices industriels et commerciaux. On peut

    regretter que le ministre des finances ne communique pas rgulirement et ne publie pas

    des statistiques fiscales jour. Pourtant, cest l une exigence de transparence (infra, n27).

    21-Certes, le lgislateur soumet le bnfice du rgime forfaitaire des conditions

    multiples. Mais, la rigueur de ces conditions semble avoir produit des effets inverses. Aussi

    paradoxal que cela puisse paratre, au fur et mesure que le lgislateur tunisien alourdit et

    multiplie les conditions du bnfice du rgime forfaitaire, le nombre de forfaitaires

    augmente. En instituant un nouveau type de forfait optionnel10

    en 1999, le lgislateur na

    fait quencourager la prolifration des forfaitaires et tendre le champ dapplication du

    rgime forfaitaire. Le tarif du forfait est absurde car le chiffre daffaires de rfrence pour

    fixer le montant de limpt est bizarrement bas. Il est irraliste et incite la fraude. Peut-on

    comprendre quune exploitation puisse vivre durablement si elle ralise un chiffre

    daffaires gal 3000DT ou 6000DT ou mme 30.000DT avec une marge bnficiaire

    gnralement infrieure 10% ?

    22- Le produit de limpt forfaitaire est tellement faible quil ne couvre

    probablement pas les frais de sa perception. Il y a une dizaine dannes, la contribution

    moyenne par forfaitaire tait infrieure 50DT. Depuis, il ne semble pas quelle a

    9 Dclaration du Ministre des finances devant le Parlement en dcembre 2007.10

    Par la Loi de finances pour la gestion 1999, le lgislateur a permis aux personnes physiques ralisant desrevenus dans la catgorie des bnfices industriels et commerciaux dopter pour le paiement dun impt

    forfaitaire annuel gal 1500DT (Article 44 IV 1-bis du CIR).

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    sensiblement augment puisque le produit de limpt sur le revenu au titre des BIC se

    limite, pour lanne 2009, 47 millions de dinars (des acomptes et avances, y compris pour

    les contribuables soumis au rgime rel, cest--dire de prs de 500.000 contribuables)11

    .

    Ds lors, ce sont les salaris dont le revenu est soumis la retenue la source, ainsi que lesentreprises soumises au rgime rel qui supportent la charge fiscale relle au titre des

    impts directs. Le nombre important des forfaitaires ne nuit pas seulement aux finances

    publiques mais il constitue un vritable danger pour lconomie organise. Lampleur du

    secteur informel et le nombre dmesur des forfaitaires constituent, avec leur faible

    contribution au titre des prlvements obligatoires, une source de concurrence dloyaleet

    un autre facteur qui pnalise les entreprises fiscalement honntes qui supportent forcment

    une charge fiscale et sociale plus leve que celle que laisse penser le taux nominal des

    prlvements obligatoires.

    23-Par ailleurs, la distorsion fiscale trop grande entre les entreprises qui supportent

    la charge fiscale et sociale conformment au droit commun et celles qui ne la supportent

    pas, soit en bnficiant des incitations fiscales, soit en tant soumises au forfait dimpt,

    risque dtre conomiquement fcheuse. La tentation de la fraude ou de lvasion

    continuera se dvelopper au dtriment du civisme fiscal et de la transparence de

    lentreprise vis--vis du fisc. Actuellement, tout se passe comme si ladministration fiscale

    ne voulait pas ou ne pouvait pas sattaquer aux forfaitaires. Si tel est le cas, il doit y avoir

    des raisons. Le discours du chef de lEtat du 11 octobre 2009 a, fort heureusement,

    annonc une rforme du rgime fiscal des forfaitaires qui ne devrait pas manquer de

    rduire lampleur du phnomne forfaitaire et le contenir dans des dimensions

    raisonnables12

    .Tout dpendra du degr de dtermination de la haute administration pour

    traiter ce phnomne que nous considrons comme tant la plaie du systme fiscal tunisien.

    - 2 : La culture fiscale de non transparence

    24- La transparence de lentreprise vis--vis du fisc ncessite un haut degr de

    civisme fiscal. Or, il semble que le mal qui guette la fiscalit tunisienne est le dficit de

    civisme fiscal li une conjoncture trs peu favorable laccomplissement par les

    contribuables de leur devoir fiscal. En dpit de lvolution remarquable du niveau de

    linstruction des tunisiens, grce un systme ducatif gnralis, la transparence est loin

    dtre ancre dans lesprit des citoyens. Il est vrai que le pass naide pas ltablissement

    11 Selon les prvisions de la loi de finances rectificative du 8 juillet 2009. La rgularisation pour toutes les

    personnes physiques (salaris et professionnels libraux compris) devra rapporter 83millions de dinars.12 Discours du Prsident de la Rpublique lors de louverture de la campagne lectorale pour les lectionslgislatives et prsidentielles 2009. La Presse du 12 octobre 2009.

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    dune culture fiscale qui intgre la transparence et le civisme. Le non payement de limpt

    tait un acte de nationalisme puisque le fisc tait celui de la puissance occupante.

    25-Mais, le manque de civisme fiscal rsulte aussi de ltat actuel de la lgislation.

    En effet, ct du rgime du forfait dimpt, le lgislateur maintient toujours, mme pour

    les professions librales, des mthodes dvaluation forfaitaire de lassiette imposable. Les

    entreprises concernes par ces mthodes dvaluation trouveront leur compte dans la

    mesure o limpt quelles auront payer ne concide pas avec les revenus quelles ont

    rellement raliss. Cette dmarche lgislative de forfaitisation de limpt ou de lassiette,

    parfois au profit des catgories sociales aises (professionnels libraux), prsente

    linconvnient dencourager des mthodes de gestion qui favorisent la fraude au dtriment

    de la transparence alors que, dans une conomie moderne, la transparence de gestion est

    une exigence morale, politique, conomique et juridique dsormais incontournable.

    Lentreprise a besoin dune gestion transparente pour tre crdible auprs du march. Le

    respect de la loi fiscale par lentreprise rassure les associs et les cranciers.

    26-LEtat moderne et dmocratique se doit dexpliquer que le fonctionnement des

    services publics et la ralisation des infrastructures sont financs par limpt. Dans

    nimporte quel pays, les gouvernants doivent viter de confisquer par la propagande

    mdiatique les ralisations car cette conduite mdiatique ne favorise pas le civisme

    fiscal. La perception de limpt par la conscience collective est un dterminant du civisme.

    Les autorits publiques ne peuvent pas ne pas en tenir compte dautant plus que nos

    gouvernants mobilisent toutes les ressources pour garantir des prestations de services

    publics. En Tunisie, la bonne utilisation des finances publiques a mme valu, en 2008, un

    satisfecit international puisque le pays a t class deuxime dans le monde13

    . Il convient

    de modeler la communication avec lopinion publique pour faciliter ladhsion limpt

    mme sil faut reconnatre que cette adhsion dpend de plusieurs facteurs.

    SECTION II : LEXIGENCE DE TRANSPARENCE DE

    LADMINISTRATION FISCALE

    27- Ladministration fiscale a beaucoup de marge pour accomplir des progrs rels

    et pratiquer la transparence effective. Un des aspects lmentaires et pralables concerne

    les statistiques et autres informations. Actuellement, ladministration ne communique pas

    les chiffres sur les dpenses fiscales14

    , sur les recettes fiscales par catgories de

    13

    Selon le rapport du Forum Davos pour 2008. Pour 2009, la Tunisie est classe 5me

    au monde.14Au Maroc, lvaluation des dpenses fiscales est devenue priodique et les rapports sont publis. Pour

    lanne 2009, le rapport est dj publi.

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    contribuables et par zones, sur le nombre de vrifications accomplies, sur les critres de

    slection des dossiers contrler et mme certaines notes explicatives des textes fiscaux.

    Les SAI et les prises de position ne sont pas accessibles toutes les personnes qui les

    demandent. Tout se passe comme si ces domaines taient scells par la confidentialit

    15

    .Or, il suffit de les mettre sur le site du ministre. Plus gnralement, la doctrine

    administrative fiscale doit tre rationalise et rigoureusement contrle. La bonne

    gouvernance laquelle on est attache repose sur une information fiable et facilement

    accessible. La confidentialit est lennemi de lEtat de droit qui suppose la transparence16

    .

    28-Alors que dans la nouvelle philosophie de gestion des administrations fiscales

    modernes, le contribuable est considr comme un client ou usager17

    , en Tunisie, le

    contribuable est toujours considr comme un assujetti. La relation administration -

    contribuable est historiquement marque par la mfiance et les tensions ayant parfois

    conduit des rvoltes18

    . Ce type de rapport est de nature creuser le dsquilibre naturel

    entre les deux parties : une administration fiscale dont les prrogatives sont de plus en plus

    renforces sans que ce renforcement ne soit utile ( 1) et un contribuable dont les garanties,

    mme juridictionnelles, sont encore limites ( 2).

    -1 : Le renforcement inutile des prrogatives de ladministration fiscale

    29- En dpit des amliorations apportes par le lgislateur pour rassurer lecontribuable, lentreprise en Tunisie continue percevoir ladministration fiscale comme

    une source darbitraire et dinscurit juridique. Le fisc est encore peru comme un

    gendarme redoutable et non comme une structure au service de lintrt gnral. Mme sil

    y a de lexagration dans cette perception, elle est rvlatrice de lincapacit de

    ladministration soigner son image auprs de lentreprise contribuable. Ladministration

    fiscale ne semble pas lutter avec beaucoup de dtermination contre certaines pratiques de

    certains vrificateurs et qui, mme si elles sont rares, crent une psychose nocive au

    civisme fiscal. En outre, lorsquelles ne sont pas rprimes avec svrit, tout en assurant

    la publicit cette rpression, ces pratiques risquent fort de se propager grande vitesse.

    30-Avec ladoption en 2000 du Code des Droits et Procdures Fiscaux (CDPF), on

    a lgitimement espr un certain rquilibrage des rapports entre ladministration et le

    15 Le projet de la loi de finances nest pas diffus pour recueillir les avis des experts.16

    La raison dEtat ne peut encore tre valablement invoque que lorsquil sagit de la scurit de lEtat ou

    du droulement dune enqute.17 Bernard PLAGNET, Les facteurs de la comptitivit fiscal dun pays, Revue Etudes Juridiques, n 10,

    2001, p. 27.18 La rvolte fiscale dAli BEN GHDHEHUM a t provoque par des pratiques fiscales hasardeuses

    imputables au gouvernement beylical.

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    contribuable et une consolidation au niveau des droits de ce dernier. Mais lobjectif

    annonc na t que partiellement atteint. Certes, le CDPF a consacr des droits non

    ngligeables notamment au niveau des garanties juridictionnelles dans la phase

    contentieuse. Certes aussi, le CDPF a fait lobjet de quelques modifications qui ontamlior le statut du contribuable. Nous visons en particulier les dispositions concernant

    lobligation faite pour ladministration de rpondre aux observations du contribuable la

    notification des rsultats de la vrification (article 44bis introduit en 2006)19

    .

    31-Mais le code a reconnu des prrogatives exorbitantes au profit de

    ladministration fiscale. Les rdacteurs du CDPF ont consolid les prrogatives de

    ladministration fiscale au dtriment des garanties offertes au contribuable dont le statut

    na volu que timidement. Lirrecevabilit de la comptabilit dpose au-del du dlai de

    30 jours fix par larticle 38 du CDPF est une aberration car elle fait prvaloir la forme sur

    la vrit que peut comporter la comptabilit. Elle peut conduire ladministration des

    situations absurdes puisque le contribuable tax doffice peut apporter la preuve de

    lexactitude de son revenu moyennant sa comptabilit car lirrecevabilit ne concerne que

    la phase administrative du contrle. Le juge est dans lobligation den tenir compte. Cette

    disposition de larticle 38, ajoute par la loi de finances du 31 dcembre 2004, constitue

    une sorte de ruse procdurale qui ouvre la voie des abus incompatibles avec lEtat de

    droit qui repose sur la justesse des dcisions de la puissance publique. LEtat na pas

    besoin de cette prrogative absurde et qui peut tre remplace par une pnalit lencontre

    du contribuable qui ne fournit pas sa comptabilit dans le dlai imparti. Il est souhaitable

    que lautorit politique comptente purifie, au plus vite, notre lgislation de ce type de

    dispositions. Le formalisme doit se soucier de protger le contribuable car il est la partie

    faible dans son rapport avec le fisc. La loi se doit de faire valoir la vrit sur les

    commodits administratives, furent-elles lgitimes.

    32- Par ailleurs, outre la soumission des contribuables un rgime de contrle

    fiscal pratiquement continu et labsence de critres transparents pour le choix des dossiers

    vrifier, le contribuable vrifi est quasiment condamn subir une taxation doffice

    moins quil accepte la demande du fisc. Cette mesure unilatrale qui aurait d tre

    exceptionnelle, comme cest le cas en droit compar, constitue dans le CDPF, le procd

    19 Larticle 57 de la loi de finances du 25 dcembre 2006.

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    dimposition de droit commun. Le champ dapplication de la taxation doffice a t

    paradoxalement gnralis20

    .

    33-Au niveau du contrle fiscal, la gnralisation de la taxation doffice, y compris

    en cas de vrification prliminaire, est une mesure malencontreusequi affecte inutilement

    limage de ladministration fiscale et nuit sa rputation. Le contribuable risque dtre tax

    doffice non seulement par suite un contrle approfondi mais aussi par suite une

    vrification prliminaire. De mme, et compte tenu de la formulation large des textes

    relatifs aux cas de la taxation doffice21

    , ladministration fiscale peut recourir la taxation

    doffice chaque fois que la rponse du contribuable aux rsultats de la vrification ne la

    satisfait pas. Il faut le savoir, la gnralisation de la mesure de taxation doffice, qui se

    caractrise par son unilatralit trop pousse, nest pas de nature rassurer lentreprise car,

    lentreprise taxe doffice se verra transfrer la charge de la preuve son dtriment.

    34-Souvent, lentreprise ne peut viter la taxation doffice que si elle se conforme

    la demande de ladministration fiscale. Ainsi, lentreprise se trouve parfois oblige

    daccepter les rsultats de la vrification fiscale non pas par conviction, mais pour viter la

    taxation doffice compte tenu du cot de gestion lev du contrle et du contentieux fiscal

    et compte tenu du renversement de la charge de la preuve qui rsulte de la taxation

    doffice. Les entreprises soumises au contrle fiscal suscitent la mfiance de la part des

    institutions financires et des cranciers.

    35-En confrant la prrogative redoutable de taxation doffice en tant que mesure

    de redressement de droit commun, alors quelle constitue une mesure exceptionnelle en

    France, la loi fiscale traite indiffremment le contribuable, ayant au moins accompli sa ou

    ses dclarations, et le contribuable qui se situe en dehors du droit puisquil na mme pas

    observ son obligation lmentaire de dclaration. Ce traitement juridique gal ouvre la

    voie de mauvaises pratiques par certains vrificateurs22

    .

    36-Une fois larrt de taxation doffice a t pris lencontre du contribuable, ce

    dernier doit, en principe, lexcuter mme sil entend le contester devant le juge23

    . Or,

    lexcution de larrt de TO peut, dans certains cas limites, aboutir des consquences

    irrparables pour lentreprise. Lexcution dun arrt de TO ayant fix un montant trop

    20Maysoun BOUZID-AJROUD, La taxation doffice en droit fiscal tunisien, Thse de doctorat, Facult de

    droit dAix-en Provence et Facult de droit de Sfax, mars 2009.21 Article 47 du CDPF.22 Maysoun BOUZID-AJROUD, La taxation doffice en droit fiscal tunisien, Thse de doctorat, Facult de

    droit dAix-en Provence et Facult de droit de Sfax, mars 2009.23 Selon larticle 52 du CDPF, Larrt de taxation doffice est excutoire nonobstant les actions en

    opposition y affrentes.

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    lev, peut mettre en pril la situation financire de lentreprise. Cette dernire risque

    mme la faillite cause dune taxation doffice24

    . Il faut dire que lexcution de larrt de

    taxation doffice y compris en cas de recours intent par le contribuable a t une

    innovation du CDPF qui fragilise le statut du contribuable. Le Prsident de la Rpublique,aprs avoir cout des chefs dentreprises le 26 juillet 2001, a pris linitiative pour

    introduire des adoucissements concernant le secret bancaire et le montant consigner par

    le contribuable tax doffice qui demande la suspension de larrt de taxation. Le code a

    t rvis par deuxloisavant son entre en vigueur pour tenter de limiter le dsquilibre

    entre le fisc et le contribuable. Lune des lois modifiant le code avant son entre en vigueur

    est dnomme loi portant assouplissement des procdures fiscales25. Cette double

    rvision, dicte par la sagesse politique, devrait interpeller les rdacteurs des textes fiscaux

    sur le bien-fond de leur dmarche.

    37- Par ailleurs, la restitution des sommes indment payes sapparente un

    combat auquel lentreprise doit se livrer avec beaucoup de patience. L aussi, le droit fiscal

    tunisien a beaucoup de marge pour rquilibrer les rapports entre ladministration et le

    contribuable. Actuellement, le dsquilibre est flagrant et nuit limage du fisc. Les

    demandes de restitution sont pratiquement conditionnes par une vrification approfondie

    et mme lorsque ladministration se rend lvidence que la demande du contribuable est

    fonde, la restitution nintervient pas immdiatement. Il nous a t donn de constater que,

    dans certains cas, deux ans se sont couls depuis le verdict de ladministration et la

    restitution na pas t encore accorde. Entre la demande de restitution et la restitution

    effective les annes scoulent et le contribuable nose pas demander les intrts

    moratoires par crainte de rtorsion ultrieure. La loi doit rendre le versement de ses

    intrts automatique.

    38-En outre, la compensation entre le crdit dimpt et la dette fiscale est interdite

    au contribuable26alors que la compensation est institue au profit du fisc27. Le rgime de

    24 Sami KRAIEM, La taxation doffice en droit tunisien, Revue Tunisienne de Fiscalit, publie par le

    centre dEtudes Fiscales de la Facult de Droit de Sfax, n 7, p. 347 et s.25 La rvision, par la loi du 8 janvier 2002, des dispositions de larticle 52 du code a t vot le 27 dcembre

    2001 par la chambre des dputs alors que lentre en vigueur du CDPF, promulgu en 2000, a t fixeau 1erjanvier 2002. Lautre modification du code avant son entre en vigueur fut par la loi de finances du

    28 dcembre 2001.26

    Larticle 39 du CCP dispose qu aucune compensation ne peut tre faite entre les crances et les

    dettes publiques, sauf drogation par dcret.27 Selon larticle 33 du CDPF La restitution des sommes perues en trop seffectue aprs dduction des

    crances fiscales constates dans les critures du receveur des finances la charge de la personne ayantdemand la restitution ou de son ayant cause, mme si ces crances sont encore partiellement ou

    totalement litigieuses.

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    restitution est tellement lourd quil a t ncessaire denvisager des rgimes drogatoires

    au titre des avantages fiscaux et au titre de la TVA. Lamlioration du rgime par larrt

    du ministre des finances du 7 juillet 200828

    est timide et ne rpond pas aux exigences de

    lexercice dun droit fondamental, celui de la restitution. De mme, et afin dviter que lecontribuable se trouve amen payer des pnalits de retard au titre des sommes notifies

    dans le cadre dune vrification fiscale conscutive une demande de restitution, la loi de

    finances pour la gestion 2009 a prvu que la pnalit constate suite lintervention des

    services du contrle fiscal ne sapplique pas aux montants de limpt exigible suite une

    vrification fiscale approfondie et ce, dans la limite du crdit dimpt confirm soit par les

    services eux-mmes, soit par le juge29

    . En effet, pour limiter le risque pour le Trsor, la loi

    peut exiger le visa du commissaireauxcomptesdes demandes de restitution.

    39-Les retards dans la restitution des impts et la non compensation au profit du

    contribuable ont un cot politico-conomique difficilement quantifiable. Ce qui est certain,

    la non rforme indique nencourage pas la transparence. Dans son discours du 11

    octobre 2009, le Chef de lEtat a annonc lamlioration du rgime de la restitution de

    limpt et lon peut esprer que cette mesure intervienne le plus rapidement possible et

    quelle rapproche le systme tunisien de restitution de ceux applicables dans les pays

    modernes et dmocratiques. Mme sil y a un cot financier cette rforme, cette dernire

    vaut la peine dtre engage compte tenu de son impact politique immdiat.

    - 2 : Linsuffisance des garanties juridictionnelles au profit du contribuable

    40-La scurit juridique de lentreprise, lune des conditions favorisant le terrain

    pour la transparence, est tributaire, entre autres, des garanties juridictionnelles qui sont

    offertes lentreprise face ladministration fiscale. Dailleurs, la dcision dune

    entreprise trangre de venir simplanter en Tunisie ne dpend pas uniquement des

    incitations fiscales offertes, mais aussi et surtout de lexistence dun appareil juridictionnel

    suffisamment quitable et protecteur des droits des contribuables. Or, les juridictions

    fiscales noffrent pas encore, les garanties suffisantes et effectives au contribuable.

    Certaines dcisions du tribunal administratif ont provoqu la colre de la doctrine la plus

    autorise30

    . Nous pensons en particulier au rejet des pourvois pour des raisons qui

    28 Arrt du ministre des finances du 7 juillet 2008, portant modification de larrt du 8 janvier 2002

    fixant les modalits de statuer sur les demandes de restitution des sommes perues en trop.29 Voir les dispositions de larticle 82 du CDPF telles quajoutes par larticle 23 de la loi n 2008-77 du 22

    dcembre 2008, portant loi de finances pour lanne 2009.30 Habib AYADI, La discontinuit du contentieux de la cassation fiscale, in Mlanges BEN ACHOUR,

    CPU, 2008, p. 628.

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    sapparentent, dans certains cas, des prtextes. Lorsque le tribunal refusait le pourvoi

    parce que lauteur du pourvoi avait introduit le recours contre le ministre des finances et

    non contre la direction gnrale du contrle fiscal, redevenue en 2007 direction gnrale

    des impts, la haute juridiction ne se faisait aucun souci de la justice et de lquit dautantplus que la loi ne prvoit pas cette rgle procdurale. Et mme si la loi prvoyait cette

    rgle, elle ne lui rattachait pas une telle sanction.

    41-Certes, un effort a t entrepris par les rdacteurs du CDPF afin dassurer la

    sparation entre ladministration et la fonction contentieuse. Avec ce code, lessentiel du

    contentieux fiscal a t juridictionnalis. Mais, au-del de cette juridictionnalisation, le

    contentieux fiscal en Tunisie souffre toujours de certaines imperfections qui risquent de

    compromettre la scurit juridique de lentreprise et sa confiance en lappareil

    juridictionnel.

    42- Outre lparpillement des textes rgissant la comptence et la procdure

    juridictionnelle, le lgislateur na pas opt pour linstitution dun juge fiscal spcial. Le

    contentieux fiscal est extrmement dispers entre les diffrents juges l o ils se trouvent :

    juges de lordre juridictionnel judiciaire et juges de lordre juridictionnel administratif31

    .

    43- Le lgislateur a certes instaur travers le CDPF, la voie dappel dans le

    contentieux fiscal, qui constitue une garantie essentielle au profit du justiciable. Mais, laconscration de la rgle du double degr de juridiction est limite certains litiges fiscaux.

    Dabord, elle est limite par la lourdeur de la justice. Ensuite, la rgle du double degr de

    juridiction na pas t gnralise tout le contentieux fiscal. Le contentieux des droits de

    douane et le contentieux des impts locaux, restant en dehors du champ du CDPF, tout

    comme le contentieux de recouvrement, ne sont pas couverts par la rgle du double degr

    de juridiction.

    44-Par ailleurs, mme si le lgislateur a consacr la possibilit pour le contribuable

    de se concilier avec ladministration devant le juge, la phase juridictionnelle de

    conciliationsemble tre peu raliste ou mme une dmarche risque pour le contribuable

    pour deux raisons :

    Dune part, le reprsentant de ladministration nest pas habilit engager

    ladministration lors de la phase de conciliation.

    Dautre part, lors de la phase de conciliation, les propositions faites par le

    contribuable peuvent tre utilises son encontre. Le juge a mme considr que la

    31 Sami KRAIEM, Le juge comptent en matire fiscale en Tunisie, LHarmattan, Paris 2007, p. 57.

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    conciliation constitue un aveu, de la part du contribuable, du bien-fond de la taxation

    doffice32

    . Ainsi, si lentreprise tente la voie de la conciliation avec ladministration, cette

    tentative risque de lui coter la perte du procs devant le juge.

    45-Par ailleurs, mme si lentreprise a remport le recours devant le juge, elle ne

    serait pas labri de toute intervention de ladministration fiscale. En effet, en se fondant

    sur les dispositions de larticle 46 du CDPF, ladministration fiscale peut procder une

    nouvelle taxation doffice, mme par suite lintervention du juge33

    . Permettant de taxer

    doffice de nouveau le contribuable dj tax doffice sous certaines conditions alors mme

    que la Cour dappel se trouve saisie, larticle 46 du CDPF confre ladministration fiscale

    une prrogative vritablement exorbitante dont la mise en uvre risque de supplanter la

    dcision juridictionnelle par un nouvel arrt de taxation doffice34

    . Cette prrogative

    injustifie est inutilement fcheuse pour limage de ladministration fiscale car, il suffit

    pour le fisc de formuler une demande de rehaussement du montant de limpt et il

    appartiendra au juge de statuer sur le bien-fond de la demande.

    46- Au total, le rgime du contrle et du contentieux fiscal nencourage pas

    lentreprise adopter la transparence. Au contraire, ce rgime peut pousser lentreprise

    senfoncer dans la fraude pour faire face, le jour J, aux alas du contrle fiscal. En tout

    cas, cest ce quaffirment beaucoup doprateurs conomiques, lorsquils sont interrogs

    sur leur perception de la transparence. Les pouvoirs publics tunisiens ne doivent pas

    ignorer que le risque fiscal est, parfois, trs difficile matriser par lentreprise. Le

    professionnel de la fiscalit est parfois dans lincapacit de donner une solution rassurante.

    Et puis, comment comprendre le refus dintroduire le rescrit fiscal dans la lgislation

    fiscale? Pourtant, cette technique est conue dans tous les pays modernes au nom de la

    scurit juridique qui, rappelons-le, est au moins aussi importante que la scurit publique

    laquelle nous sommes attachs et dont les pouvoirs publics tunisiens sont fiers, trs

    juste titre dailleurs.

    47- Les dcideurs politiques ne doivent pas lignorer, lorsquun contribuable est

    condamn verser des sommes pour non observation dune simple formalit (un visa

    32 Nji BACCOUCHE, Droit fiscal gnral, op.cit., p. 371.33 Selon larticle 46 du CDPF Ladministration fiscale peut procder une rduction ou un

    rehaussement des rsultats de la vrification fiscale, et ce, pour rparer les erreurs matrielles relatives

    limposition ou lorsquelle dispose de renseignements touchant lassiette ou la liquidation de

    limpt et dont elle na pas eu connaissance prcdemment Le rehaussement des rsultats de la

    vrification fiscale seffectue, aprs le prononc du jugement de premire instance, par arrt detaxation doffice .

    34 Nji BACCOUCHE, Droit fiscal gnral, op. cit. p. 353.

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    pralable ou une omission sur une dclaration demployeur ou encore une demande

    adresse un service plutt qu un autre), il prouvera un sentiment de frustration ou

    dinjustice qui ne sert pas lEtat et ses gouvernants. Ces faits laisseront des traces. Le pire

    pour un systme fiscal est que le contribuable vive limpt comme une sanction. Cesentiment ouvre la voie des pratiques odieuses. Le fisc et le juge fiscal se doivent de faire

    valoir la vritsur les formalits non substantielles. Lui aussi, le lgislateur doit veiller

    ce que les impositions soient justes. Mme si elle est dtestable, une fraude qui chappe

    la vigilance des vrificateurs est politiquement moins grave quun abus commis par ces

    derniers. Le civisme fiscal passe par la lutte impitoyable contre les abus des agents du fisc

    travers un verrouillage de leurs prrogatives et un contrle administratif et juridictionnel

    dont les rsultats sont ports la connaissance du public. En mme temps, la fraude

    dment tablie doit tre rprime avec la svrit ncessaire pour asseoir lautorit de

    lEtat. Limpunit des uns et des autres favorise la fraude et affaiblit lEtat. La fermet

    et la justesse de laction administrative sont le garant de la prennit lEtat.

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    CHAPITRE II

    LEXIGENCE DE COMPETITIVITE

    48-La question fiscale est au centre du dbat sur la prennit de lentreprise et de

    sa comptitivit. Depuis sa formation jusqu sa disparition, lentreprise baigne dans un

    environnement fiscal complexe et gre une panoplie de prlvements fiscaux frappant son

    bnfice, son chiffre daffaires et parfois mme son capital :

    - Limpt sur le revenu,

    - Limpt sur les socits,

    - La TVA,

    - Le droit de consommation,

    -

    La TCL,- La taxe htelire,

    - Les droits denregistrement,

    - Les droits de timbre,

    - La TFP,

    - La contribution au FOPROLOS,

    - La taxe unique sur les assurances,

    - Les droits de licence sur les dbits de boissons,

    - La taxe sur les spectacles,

    - La contribution au Fonds de dveloppement de la comptitivit dans le secteur

    industriel,

    - La contribution au fonds de dveloppement de la comptitivit dans le secteur de

    lagriculture et de la pche,

    - La contribution au fonds de dveloppement de la comptitivit dans le secteur du

    tourisme,

    -

    Les taxes de circulation,

    - Les droits de douane et assimils.

    - Les cotisations sociales multiples (CNSS, CNAM, accidents de travail,).

    Tels sont les principaux prlvements fiscaux et quasi fiscaux que lentreprise qui

    opre en Tunisie peut tre amene, selon son statut, supporter. Il faut prciser que cette

    longue liste nest pas le propre du systme tunisien qui na rien invent. Un peu partout, et

    pour des raisons complexes, on assiste un foisonnement des prlvements, li la

    sollicitation de plus en plus grande de la puissance publique pour fournir des prestations.

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    49-En Tunisie comme ailleurs, la multiplicit des prlvements fiscaux soulve la

    question de leur impact sur la comptitivit de lentreprise tunisienne qui volue dans un

    milieu conomique dsormais hautement concurrentiel en raison de labandon de la

    protection douanire conscutive ladhsion de la Tunisie aux accords multilatraux delOMC et la Zone de libre-change rsultant de laccord dassociation avec lUnion

    europenne et autres accords de ZLE35

    . La mondialisation et la libralisation des changes

    internationaux imposent des comparaisons entre lenvironnement fiscal de lentreprise

    oprant en Tunisie et celui des entreprises oprant ltranger afin de mesurer le degr de

    comptitivit de lentreprise tunisienne.

    50-Ces diffrentes considrations ont conduit la plupart des Etats sengager dans

    une bataille fiscale pour attirer les investissements et qui sest traduite par un

    mouvement continu dassainissement de la fiscalit des entreprises afin dassurer leur

    comptitivit fiscale et damnager un climat de bonne gouvernance fiscale des entreprises,

    condition essentielle de leur prennit. Les pouvoirs publics tunisiens ont tent depuis

    ladoption du programme dajustement structurel, en 1986, de rformer la fiscalit de

    lentreprise tunisienne travers :

    - La rationalisation de la taxation du chiffre daffaires des entreprises suite

    ladoption en 1988 du CTVA ;

    - La rationalisation de limposition des bnfices des entreprises suite ladoption

    en 1989 du CIR ;

    - La rationalisation de limposition des mouvements des capitaux physiques des

    entreprises suite ladoption en 1993 du CDET ;

    - La rationalisation des rgimes fiscaux incitatifs accords aux entreprises suite

    ladoption en 1993 du CII ;

    - La refonte de la lgislation douanire travers ladoption du code des douanes du

    8 juin 2008.

    51- Outre ces rformes globales de la fiscalit des entreprises, les pouvoirs publics

    ont t amens prendre des mesures pour consolider la bonne gouvernance fiscale des

    entreprises soit dans le cadre des rcentes lois de finances, soit dans le cadre des lois

    fiscales spciales modificatives des codes fiscaux en vigueur. Tel est le cas de :

    35

    La Tunisie a conclu des accords de zone de libre-change avec des pays de la zone arabe. LaccorddAgadir et laccord conclu dans le cadre de la ligue arabe en sont des illustrations mme si leur porte

    pratique est trs limite.

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    - La loi du 18 dcembre 2006 relative la rduction des taux de limpt et

    lallgement de la pression fiscale pour les entreprises ;

    - La loi de finances pour lanne 2007 (loi du 25 dcembre 2006) qui a apport

    dimportantes mesures relatives au traitement fiscal de la transmission des entreprises ;- La loi du 27 dcembre 2007 relative linitiative conomique qui contient des

    mesures lies la fiscalit des entreprises.

    52- Malgr toutes ces rformes tantt globales, tantt ponctuelles, lexamen des

    textes fiscaux en vigueur et du contexte de leur mise en uvre permet de constater que

    lentreprise tunisienne qui pratique une gestion fiscale transparente baigne dans un

    environnement fiscal qui met mal sa comptitivit. La lourdeur de la charge fiscale de

    lentreprise pratiquant un gestion fiscale transparente (Section I) se ddouble par

    lexistence de certaines ponctions fiscales touffantes de la trsorerie de lentreprise

    (Section II).

    SECTION I : LA LOURDEUR DE LA CHARGE FISCALE DE LENTREPRISE

    PRATIQUANT UNE GESTION FISCALE TRANSPARENTE

    53-La lourdeur de la charge fiscale de lentreprise pratiquant une gestion fiscale

    transparente est due plusieurs facteurs qui brisent sa comptitivit :

    - Le taux effectif de la pression fiscale est assez lev lgard des entreprises

    pratiquant une gestion fiscale transparente ;

    - Lexistence de certaines distorsions fiscales entre les entreprises tunisiennes ;

    - Le caractre comparativement gonfl du rsultat imposable des entreprises du fait

    des rgles dassiette qui sont manifestement restrictives par rapport aux rgles comptables;

    - Lvolution contraste des taux des impts dus par les entreprises.

    1 : Un taux effectif de pression fiscale lev

    54-Dans le dernier rapport de la Banque Centrale, le taux de la pression fiscale est

    estim 22,5%36

    alors que le ministre des finances maintient, depuis plusieurs annes,

    que le taux serait plutt de lordre de 21%. Mais au del de cette divergence non

    ngligeable, il convient dajouter cette pression fiscale proprement dite, les charges

    sociales pour obtenir la pression des prlvements obligatoires. Situ 30 %environ du

    PIB37

    , le taux nominal de la pression des prlvements obligatoires semble tre rassurant

    36 Le 50me Rapport de la BCT sur lanne 2008, p183.37

    Selon le Rapport de la Banque Centrale de lanne 2007, le taux de la pression fiscale slve 21,3 %du PIB, auquel il convient dajouter 1 % environ reprsentant le poids de la fiscalit locale et 7 %

    environ au titre des prlvement sociaux.

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    dans la mesure o il se situe au mme niveau que celui des Etats-Unis (28 %) et du Japon

    (27 %)38

    alors que le taux de la pression fiscale dans les pays de lUnion Europenne se

    rapprocherait de lordre de 40% en 200439

    .

    55- Cependant, sil est vrai que le taux nominal global des prlvements

    obligatoires est, en Tunisie, comparativement raisonnable, il nen reste pas moins vrai que

    ce taux nest plus comptitif (Infra n90 et s.). De mme, le taux des prlvements ne pse

    pas de manire gale sur toutes les entreprises. Certaines entreprises supportent un taux de

    pression fiscale trs rduit. Il sagit essentiellement des entreprises soumises au rgime

    forfaitaire dimposition qui contribuent trs faiblement leffort fiscal du pays et qui ne

    supportent pratiquement pas de charges sociales. Il en est ainsi galement de certaines

    entreprises ligibles aux divers avantages fiscaux prvus par une lgislation foisonnante et

    qui, dans certains cas, bnficient dune franchise fiscale quasi totale.

    Le caractre discriminatoire de la fiscalit des entreprises entrane une variation du

    taux rel de la pression fiscalequi est assez lourd pour les entreprises qui supportent une

    charge fiscale et sociale conformment au droit commun et trs rduit pour les entreprises

    qui ne la supportent pas savoir celles ligibles au rgime forfaitaire dimposition et celles

    ligibles aux avantages fiscaux.

    1- Les entreprises ligibles au rgime forfaitaire dimposition : une

    vritable prime la fraude

    56-La distorsion du poids rel des prlvements obligatoires entre les entreprises

    apparat notoirement surtout lorsque lentreprise est soumise lun des rgimes

    forfaitaires dimposition applicables aux entreprises individuelles ralisant des BIC (forfait

    lgal et forfait optionnel).

    Le rgime forfaitaire dimposition sapplique aux petites entreprises individuelles

    industrielles et commerciales qui remplissent un certain nombre de conditions et

    notamment la condition relative au chiffre daffaires annuel qui ne doit pas dpasser

    30.000 dinars. Si lon sen tient ce chiffre daffaires, le contribuable qui le ralise et

    mme avec une marge bnficiaire de 10%, ne pourrait mme pas subvenir aux besoins

    vitaux les plus lmentaires. En ralit, le tableau fixant le chiffre daffaires entretient une

    illusion et constitue une contre-performance de notre systme fiscal.

    38 Voir Bernard PLAGNET les facteurs de la comptitivit fiscale dun pays , Revue Etudes Juridiques

    publie par la Facult de Droit de Sfax, n 10, 2003, p. 19.39 Syndicat national unifi des impts, Quelle Europe fiscale ?, Fiscalit et justice sociale, Prface de John

    CHRISTENSEN, d. Syllepse, 2008, p. 44.

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    57-Un exemple concret peut illustrer lencouragement de la loi au rgime de

    forfait depuis une rvision du CIR en 199840

    . Le contribuable qui dclare un chiffre

    daffaires de 30.000DT, lui suffit de payer 1500DT (au lieu de 1330DT soit 700+630 AP)

    au titre du forfait optionnel pour chapper la taxation doffice si son chiffre daffairesrel nest pas suprieur 100.000DT. Il chappe aussi la TVA puisque la loi a

    malencontreusement libr les forfaitaires de la TVA depuis 199341. Or, le contribuable

    qui ralise 100.000DT devrait, sans lavantage que lui procure le forfait, se soumettre au

    rgime rel et payer la TVA. En outre, et cest ce qui nous parat inadmissible, la loi admet

    que le contribuable puisse minorer son chiffre daffaires et auquel cas, il sera gratifi

    puisque le montant de limpt ne peut pas tre redress. Le contribuable qui ralise un

    chiffre daffaires gal 50.000DT et qui se soumet au rgime rel simplifi aura

    supporter la TVA et il peut, tout naturellement, subir un redressement sil savre quil

    avait minor son chiffre daffaires.

    58-Lapplication du rgime forfaitaire dimposition constitue, selon lexpression du

    professeur H. AYADI, une sorte de dgrvement occulte42

    . En ralit, la loi fiscale

    institutionnalise, involontairement, la fraude fiscale. La contribution moyenne par

    forfaitaire serait infrieure 50DTalors que celle dun salari serait de lordre de 700DT43

    environ. Ce rgime permet aux petits exploitants de bnficier des avantages suivants :

    * une dispense de la tenue dune comptabilit 44;

    * la non soumission la TVA45

    ;

    * une faible contribution leffort fiscal, au titre de lIR, qui ne dpasse pas 1330

    DT annuellement au cas o le forfaitaire ralise le plafond du chiffre daffaires limite qui

    est de 30.000 DT46

    . Mme lorsque le chiffre daffaires annuel dpasse les 30.000 DT,

    lexploitant pourrait bnficier dun forfait dit optionnel en payant annuellement un

    impt forfaitaire fix 1500 DT tant que son chiffre daffaires annuel ne dpasse pas

    100.000 DT

    47

    .

    40 Larticle 61 de la loi de finances du 28 dcembre 1998.

    41 Larticle 105 de la loi de finances pour la gestion 1993.42 Habib AYADI droit fiscal, impt sur le revenu des personnes physiques et impt sur les socits ,

    CERP, Tunis, 1996, p. 30.43 Fayal DERBEL a fait une excellente tude intitule : Regards sur la pression fiscale : tat des lieu et

    benchmarking dans laquelle il a tent, avec les chiffres dont il pu disposer, de procder des

    quantifications et comparaisons trs utiles. Selon ses calcules, la contribution moyenne du salari est de

    664.DTalors que celle du forfaitaire serait de 45.DT.44 Cette dispense est accorde expressment par larticle 62 III 1) du CIR.45

    Voir larticle 44 IV du CIR.46 Voir lannexe 2 du CIR relatif aux tarifs de limpt forfaitaire.47

    Voir larticle 44 IV du CIR.

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    Les avantages ci-dessus prsents et qui sont lis lexercice de lactivit

    industrielle et commerciale sous le rgime de limpt forfaitaire constituent un vritable

    danger pour lconomie organise. Les faux forfaitaires, cest dire ceux qui procdent

    une minoration frauduleuse de leur chiffre daffaires pour bnficier du forfait, sont trsprobablement plus nombreux que les vrais forfaitaires.

    59-Lattrait du rgime forfaitaire qui constitue une vritable prime la fraude a

    entran une augmentation spectaculaire des assujettis ce rgime dont le nombre ne cesse

    de crotre en dpit de la succession des mesures lgislatives restrictives. Laccroissement

    dmesur du nombre des entreprises forfaitaires par rapport aux entreprises soumises au

    rgime du bnfice rel constitue une source de concurrence dloyale au dtriment des

    entreprises organises et pratiquant une gestion transparente qui supportent une charge

    fiscale et sociale plus leve que celle que laisse penser le taux nominal de la pression

    fiscale. Le forfait est une vritable nichedans laquelle se rfugient confortablement des

    dizaines de milliers de fraudeurs sous couvert dun chiffre daffaires irrel.

    2- Les entreprises qui bnficient des avantages fiscaux

    60- Certaines entreprises bnficient dune quasi-franchise fiscale grce une

    panoplie davantages fiscaux prvus essentiellement par le CII. Loctroi de ces avantages

    fiscaux qui constituent une aubaine fiscale pour lentreprise, tend inciter lesinvestissements dans un certain nombre de secteurs vitaux et privilgis tels que le secteur

    de lagriculture, de lexportation, du logement universitaire, du dveloppement rgional,

    etc.

    61-Abstraction faite du bien-fond de ces avantages fiscaux, il est ncessaire de

    prciser que ces avantages sont nuisibles la fois pour le trsor public et pour les

    entreprises qui ne bnficient pas de ces avantages. Du ct du trsor, les incitations

    fiscales linvestissement qui se traduisent essentiellement par des exonrations et

    abattements, sont coteuses. Le cot des avantages fiscaux ne cesse daugmenter. Il est

    estim en 2006 654.744 millions de dinars48

    , soit 9% des recettes fiscales ralises et 2%

    du PIB. Par ailleurs, et du ct de lentreprise, loctroi des avantages fiscaux au profit dun

    nombre considrable dentreprises se traduit par une augmentation de la pression fiscale

    pesant sur le reste des entreprises qui nen bnficient pas. Ces dernires supportent un

    48 Ce chiffre a t indiqu dans un tableau relatif laide tatique linvestissement. Ce tableau est insr

    dans document labor par le ministre des finances et mis la disposition du Conseil National desImpts, relatif lvaluation de la politique fiscale suivie au cours de la priode du 9meplan et selon les

    orientations du 10me

    plan.

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    taux rel suprieur celui que laisse penser le taux nominal de 30 % environ49

    . Une

    meilleure rpartition de la pression fiscale entre les entreprises commande une

    rationalisation des avantages fiscaux qui constitue une orientation plus rationnelle et qui

    pargne le systme fiscal tunisien les reproches ventuels que le contexte de crise pourraitractiver

    50.

    - 2 : Les distorsions fiscales entre les entreprises

    62- La bonne gouvernance des entreprises suppose comme pralable lexistence

    dun rgime fiscal quitable et juste en ce sens que lentreprise doit pouvoir bnficier dun

    traitement fiscal identique et uniforme des entreprises exerant dans le mme secteur

    dactivit. Il est vrai que le lgislateur a t conduit, en raison de la divergence quant la

    taille des entreprises oprant dans le mme secteur dactivit mettre en place untraitement fiscal prfrentiel des entreprises de petite taille par rapport aux entreprises de

    taille assez importante. Tel est le cas des entreprises exerant une activit industrielle ou

    commerciale et qui sont soumises quatre rgimes diffrents en fonction de leur taille :

    - Le rgime rel normal applicable aux entreprises socitaires et aux entreprises

    individuelles relevant de la catgorie des BIC (gnralement lorsque ces entreprises

    individuelles ralisent un chiffre daffaires annuel suprieur 100.000 D) ;

    - Le rgime rel simplifi applicable aux entreprises individuelles relevant de la

    catgorie des BIC, lorsque le chiffre daffaires annuel ne dpasse pas 100.000 D ;

    - Le rgime du forfait lgal applicable aux entreprises individuelles relevant de la

    catgorie des BIC, lorsque le chiffre daffaires annuel ne dpasse pas 30.000 D ;

    - Le rgime du forfait optionnel applicable aux entreprises individuelles relevant de

    la catgorie des BIC, lorsque le chiffre daffaires annuel ne dpasse pas 100.000 D.

    63-Bien quelles puissent tre justifies par la taille des entreprises relevant de la

    catgorie des BIC, ces distorsions sont discutables, voire contestables pour deux raisons.

    La premire rside dans lingalit du traitement fiscal entre les entreprises qui se

    situent aux frontires des seuils dapplication de lun des quatre rgimes. Pour un dinar de

    chiffre daffaires de plus, lentreprise bascule dun rgime un autre avec toutes les

    consquences fiscales qui en dcoulent.

    La seconde raison rside dans le fait que lentreprise forfaitaire qui ralise au cours

    dun exercice un chiffre daffaires suprieur au seuil dapplication du rgime forfaitaire

    49 Fayal DERBEL, Fiscalit, finances et performances de lentreprise, in Les journes de lentreprise,

    IACE, 2001, p. 170.50 Le dbat actuel sur les paradis fiscaux en Europe en est lillustration. Voir le journal Le Monde

    du 14 mars 2009 avec un titre la une Les paradis fiscaux sont contraints la rforme .

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    sera tente sous dclarer son chiffre daffaires rel afin de ne pas perdre le bnfice du

    rgime forfaitaire et des avantages comptables et fiscaux attachs ce rgime. Nous

    lavons dj signal, le nombre des faux forfaitaires dpasse probablement celui des

    contribuables qui mritent rellement de bnficier de ce rgime. Lattrait du rgimeforfaitaire empche les entreprises de franchir le pas vers lapplication du rgime rel

    synonyme de transparence et de bonne gouvernance. La comparaison des deux rgimes

    ne laisse pas de choix compte tenu de lavantage immdiatement perceptible que

    confre le rgime forfaitaire mme si, dans le moyen et le long terme, le forfait

    encourage la gestion artisanale et empche la modernisation de lentreprise. Ce qui est

    incomprhensible, cest que le rgime forfaitaire constitue un rgime de droit commun

    pour les petits exploitants. Il nest mme pas optionnel. Le comble est que, pour les BIC ,

    le rgime rel est optionnel.

    64- Outre ces distorsions qui pnalisent les entreprises loges au rgime rel et

    pratiquant une gestion fiscale transparente, le systme fiscal tunisien dimposition des

    entreprises comporte des distorsions plus graves et qui sont, pour le moins que lon puisse

    dire, contestables.

    65-La premire distorsion contestable concerne les entreprises relevant de la

    catgorie des BNC. En effet, pour limposition des bnfices des professionnels libraux,

    larticle 22 du CIR a prvu deux rgimes alternatifs de dtermination du rsultat fiscal

    imposable : un rgime rel cens tre le rgime de droit commun qui suppose la tenue

    dune comptabilit et un rgime de forfait dassiette cens tre un rgime dexception qui

    dispense lentreprise librale de la tenue dune comptabilit complte. Cependant, il est

    curieux de constater que lapplication du rgime du forfait dassiette nest subordonne

    aucune condition lie la taille de lentreprise librale. Quelle soit de grande ou de petite

    taille, lentreprise librale peut tre ligible au rgime du forfait dassiette. La seule

    condition est que lentreprise librale nait pas opt pour le rgime rel au titre dun

    exercice dtermin car cette option est dfinitive et lentreprise perdra dfinitivement la

    possibilit dopter pour le forfait dassiette51

    . Labsence de conditions lies la taille de

    lentreprise librale pour tre ligible au rgime forfaitaire dassiette a consolid

    lattrait de ce rgime combien nuisible la transparence de lentreprise librale puisquelle

    est dispense de la tenue dune comptabilit. Si les professions librales, y compris celle

    de lexpert-comptable, peuvent se dispenser de la tenue de comptabilit en toute

    lgalit, peut-on exiger lgitimement dun commerant la tenue de comptabilit ?

    51 Voir larticle 22 III du CIR.

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    66-La deuximedistorsion contestable est similaire la premire. Elle concerne les

    entreprises relevant de la catgorie des bnfices agricoles et de pche (BAP) pour

    lesquelles larticle 24 du CIR prvu trois rgimes alternatifs de dtermination du rsultat

    fiscal imposable : Deux rgimes dispensant lentreprise de tenir une comptabilit savoirle rgime du forfait dassiette et le rgime de lexcdant des recettes sur les dpenses et un

    rgime rel qui oblige lentreprise de tenir une comptabilit complte et qui est cens tre

    le rgime de droit commun. Cependant, il est curieux de constater que ladhsion lun des

    deux rgimes sans comptabilit nest subordonne aucune condition. Une grande

    entreprise agricole peut trangement tre forfaitaire !

    67-Dans ces conditions, la lgislation fiscale nencourage pas la transparence et la

    bonne gouvernance des entreprises agricoles, puisque lapplication du rgime

    rel, normalement synonyme de transparence, nest aucunement une obligation. Pouvant

    tre ligibles aux rgimes sans comptabilit , les grandes entreprises agricoles peuvent

    alors pratiquer une concurrence dloyale lgard des entreprises agricoles adhrant au

    rgime rel et qui ont probablement une taille moins importante que lentreprise forfaitaire.

    Pour les socits, cette situation est difficilement explicable lorsquon sait que le taux de

    limpt sur les socits agricoles est fix 10%.

    La suppression ou la subordination de lapplication des rgimes sans

    comptabilit des conditions objectives strictes est une mesure urgente afin damliorer

    la gouvernance des entreprises agricoles et leur comptitivit. Lincontournable

    modernisation de ce secteur lexige.

    68-La troisimedistorsion discutable rside dans la diffrenciation du traitement

    fiscal des entreprises en fonction de leur forme juridique. Que lentreprise individuelle soit

    traite fiscalement de manire diffrente de lentreprise socitaire, cela peut tre justifi

    par la progressivit de limpt. Mais quand le lgislateur traite de manire diffrentielle des

    socits, qui, pourtant, ont le mme objet, les distorsions fiscales deviennent discutables,

    voire contestables.

    69-En matire dimposition des bnfices des socits, le lgislateur distingue

    partir de 1989, date de la promulgation du CIR, entre deux rgimes dimposition. Le

    premier rgime, dit rgime de lopacit fiscale , concerne les socits de capitaux (SA et

    SCA) et les SARL. Ces socits sont soumises lIS pour limposition de leur bnfice au

    taux proportionnel de 30 % (taux de droit commun). Le second rgime, dit rgime de la

    transparence fiscale , concerne les socits de personnes (SNC, SCS et SEP), les socits

    civiles, les GIE et les FCC. Ces socits de personnes et assimiles ne sont soumises, en

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    tant quentits, ni lIR ni lIS. Mais leur bnfice est impos entre les mains de chacun

    des associs en fonction de sa part dans le capital social, et ce selon le barme progressif de

    lIR, variant entre 0 % et 35 %.

    70-Lorsque la socit opaque et la socit transparente relvent du mme secteur

    dactivit, des distorsions fiscales peuvent natre concernant le montant de limpt payer

    sur les bnfices raliss par les deux socits. Un exemple permettra dillustrer cette

    distorsion.

    1) Soit une socit responsabilit limite exerant un commerce de gros dans

    lalimentation gnrale et qui a ralis un rsultat net de 200.000D.

    Limpt sur le bnfice, savoir lIS, sera gal 60.000 D, soit 200.000 x 30 % =

    60.000 D.

    2) Soit une socit en nom collectif exerant un commerce de gros dans

    lalimentation gnrale et qui a ralis un rsultat net de 200.000 D. Cette socit est

    constitue par cinq associs dont chacun dtient 20 % du capital social.

    Limpt sur le bnfice ralis par la socit sera liquid entre les mains de chacun

    des associs. Chaque associ sera impos raison de 40.000 D, soit 200.000 D X 20 % =

    40.000 D. Limpt sur le revenu d par chacun des associs sur sa quote-part dans les

    bnfices sociaux est gal :

    Tranche du revenu Taux de lIR Montant de limpt

    De 0 D 1500 D 0 % 0 D

    De 1500 D 5000 D 15 % 525 D

    De 5000 D 10000 D 20 % 1000 D

    De 10000 D 20000 D 25 % 2500 D

    De 20000 D 40000 D 30 % 6000 D

    Total 10025 D

    Le total de limpt sur les bnfices sociaux sera gal : 10.025 D X 5 = 50.125 D.

    Ainsi, la socit fiscalement dite transparente exerant dans le mme secteur

    dactivit quune socit opaque ralisera un gain dimpt de 9.875 D, soit : 60.000 D

    50.125 D = 9.875 D.

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    71-Par cette distorsion, la lgislation fiscale nest nullement neutre quant au choix

    de la forme de lentreprise sociale par les contribuables. Le choix de la forme dune entit

    fiscalement transparente permettra aux associs de raliser des conomies dimpt

    comparativement au choix de la forme dune entit soumise lIS qui sera plus lourdementimpose. Dailleurs, cette distorsion a t conomiquement dommageable puisque, de

    laveu mme des pouvoirs publics, elle a entran une transformation massive des socits

    opaques en socits transparentes afin de raliser des conomies dimpt52

    . Cette distorsion

    est injustifiable et risque dencourager les contribuables souhaitant crer une socit,

    constituer une socit en nom collectif fiscalement transparente au lieu dune socit

    anonyme fiscalement opaque alors mme que cette dernire constitue la structure sociale la

    plus solide et le foyer des grands investissements capables de rsister dans une conomie

    mondialise et hautement concurrentielle. Si le lgislateur avait pris la peine de privilgier

    les entits passibles de lIS (notamment les SA), son initiative aurait t justifiable car ce

    type de structures modernise lconomie et facilite le recours au march financier.

    - 3 : Le caractre comparativement gonfl du rsultat fiscal des entreprises

    72--La lourdeur de la charge fiscale de lentreprise pratiquant une gestion fiscale

    transparente sexplique par le caractre gonfl du rsultat fiscal soumis lIR (cas de

    lentreprise individuelle) ou lIS (cas de lentreprise socitaire). La rforme fiscale

    introduite en 1989 sest focalise sur les taux des impts sur les bnfices et en 2006, une

    loi spciale a port sur la rduction des taux. Mais le texte initial du CIR a nglig

    lassiette dont les rgles sont restes en retrait par rapport celles adoptes dans les pays

    partenaires de la Tunisie et en particulier ceux de lUnion Europenne53

    . Plus rcemment,

    les pouvoirs publics ont pris conscience de la ncessit dassainir les rgles rgissant le

    rsultat fiscal des entreprises et ce travers :

    - La rforme des rgles relatives la transmission des entreprises en accordant ces

    oprations un caractre intercalaire54;

    - La rforme des rgles relatives lamortissement des biens immobiliss des

    entreprises en procdant dune part lharmonisation entre les rgles fiscales et les rgles

    comptables relatives lamortissement et dautre part ladmission de la dduction de

    lamortissement des biens acquis en leasing entre les mains de lentreprise utilisatrice55

    .

    52 Voir lexpos des motifs des articles 55 et 56 de la loi de finances pour lanne 2000.53

    Nji BACCOUCHE, op. cit., p.102.54 Voir les dispositions des articles 12 20 de la loi de finances pour lanne 2007.55

    Voir larticle 12 bis du CIR tel quajout par larticle 41 de la loi de finances pour lanne 2008.

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    73- Cependant, malgr ces retouches utiles, les rgles rgissant lassiette de limpt

    sur les bnfices demeurent encore en retrait par rapport celles rgissant les entreprises

    de nos partenaires europens et affectent considrablement la comptitivit des entreprises

    tunisiennes. Ce retrait concerne essentiellement les rgles relatives certaines chargesdductibles, certains produits imposables et au rgime des groupes de socits.

    1- Les rgles relatives aux charges dductibles

    74- Partant du fait que le rsultat fiscal des entreprises est calcule partir du

    rsultat comptable, un expert comptable a constat que les dispositions du CIR

    comportent le nombre le plus lev des rintgrations56

    , comparativement la

    lgislation fiscale franaise et marocaine. Le lgislateur tunisien a, pour des raisons

    financires, subordonn la dduction fiscale de certaines charges des conditionsrigoureuses qui se traduisent par la rintgration au rsultat imposable, des charges qui ne

    remplissent pas des conditions exclusives. Trois exemples au moins peuvent tre cits.

    75- Le premier exemple concerne le rgime des provisions dductibles. La

    dduction des provisions comptables constitues est doublement limite.

    La premire limite concerne la nature de la provision dductible puisque le

    lgislateur nadmet la dduction que pour quatre types de provisions. Il sagit des

    provisions pour crances douteuses, des provisions pour dprciation des stocks destins la vente, des provisions pour dprciation de la valeur des actions cotes en bourse et des

    provisions pour dprciation de la valeur des actions et parts sociales (la dduction de la

    quatrime provision nest permise quaux tablissements de crdit et aux SICAR). En droit

    compar, le nombre des provisions dductibles est nettement suprieur celui adopt par le

    lgislateur tunisien. En droit franais par exemple, le nombre des provisions dductibles est

    de lordre dune quinzaine57

    . Le droit allemand, quant lui, autorise les entreprises

    dduire 11 provisions58

    .

    56 Fayal DERBEL, Fiscalit, finances et performances de lentreprise, in Les journes de lentreprise,

    IACE, 2001, p. 170.57

    En droit franais, les provisions dductibles sont les suivantes :

    I-

    Provisions pour dprciation :

    1-

    Provisions pour dprciation des immobilisations.

    2- Provisions pour dprciation du portefeuille titre.3-

    Provisions pour dprciation des stocks.

    4-

    Provisions pour crances douteuses.

    II- Provisions pour risques et charges :

    1-

    Provisions pour frais de personnel.

    2-

    Provisions pour impts.

    3-

    Provisions pour litiges.4-

    Provisions pour prestations fournir.

    5- Provisions pour travaux.

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    La deuxime limite consiste dans le plafonnement du montant de la dduction des

    provisions 50 % du bnfice imposable (avant imputation des provisions)59

    . Le

    rattachement de la dduction des provisions la condition de lexistence dun bnfice est

    en soi discutable, car, par ce rattachement, le lgislateur vince les entreprises dficitaireset celles lgrement bnficiaires de la possibilit de dduire les provisions constitues.

    76-Le deuxime exempleconcerne le rgime des frais gnraux dductibles. En

    effet, mme si larticle 12 du CIR semble avoir admis sans rserves la dduction des frais

    gnraux, larticle 14 du CIR a apport plusieurs drogations au principe de la dduction

    des frais gnraux. Certaines de ces drogations doivent tre revues puisquelles sont

    adoptes, il y a dj 20 ans, sans tre rvises. Il en est ainsi des frais de cadeaux, de

    rception et de restauration dont la dduction nest autorise que dans la limite de 1 % du

    chiffre daffaires avec un plafond de 20.000 dinars par exercice. Ce plafond, fix en 1989,

    na mme pas t actualis pour tenir compte de linflation alors quil fallait le moduler en

    fonction de la taille de lentreprise.

    77-Le troisime exempleconcerne le rgime des dficits dductibles. La dduction

    du dficit constat au cours dun exercice est sans doute admise. Mais, cette dduction est

    doublement limite.

    La premire limiteconsiste dans le fait que le lgislateur na admis que le report en

    avant des dficits60

    . Le report en arrire, considr comme un rgime plus favorable pour

    lentreprise que le report en avant, est totalement ignor par le droit tunisien alors mme

    quil est adopt par les lgislations fiscales de nos partenaires conomiques, y compris la

    France.

    La deuxime limite consiste dans le fait que le lgislateur na admis le report en

    avant du dficit que pour les quatre exercices ultrieurs lexercice de la constatation du

    dficit. Dans certains pays europens, le report dficitaire en avant est tantt autoris sans

    aucune limitation dans le temps (cest le cas de la Belgique, du Royaume-Uni de

    III-

    Provisions rglementes :

    1- Provision pour implantation dentreprises ltranger.

    2-

    Provision pour hausse des prix.

    3-

    Provision pour fluctuation des cours.

    4- Provision pour prt dinstallation des salaris.5-

    Provision des entreprises de presse.

    6-

    Provision des entreprises dassurance.

    7- Provision des entreprises ptrolires et minires.58 Voir Nji BACCOUCHE, op. cit. p.104.59 Le plafond des provisions dductibles a connu une lgre amlioration puisquil a pass de 30% 50%

    du bnfice suite la modification de larticle 12 -4 du CIR par larticle 45 de la loi de finances pourlanne 2008.

    60 Voir larticle 8 et 48 IX du CIR.

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    lAllemagne et du Pays-bas), tantt autoris pour une dure suprieure celle adopte par

    le lgislateur tunisien (10 ans en Espagne, 5 ans en France, 15 ans aux Etats-Unis).

    78-Si nos partenaires conomiques tendent instituer des rgles de report en avant

    sans limitation de dlai et ont mis en place un systme de report en arrire souvent limit

    dans le temps, la lgislation tunisienne ne peut continuer ignorer de tels mcanismes qui,

    lvidence, constituent des avantages comptitifs non ngligeables. Pendant ces temps

    difficiles, le report des dficits peut tre une solution qui incite lentreprise compter sur

    elle-mme pour sortir des difficults.

    2- Les rgles relatives aux produits imposables

    79-Le lgislateur tunisien a dfini le bnfice imposable de manire tellement large

    quil englobe non seulement les produits courants de lexploitation, mais aussi les produits

    exceptionnels tels que les plus-values, les subventions et les indemnits encaisses par les

    entreprises. Si ladoption de cette dfinition large du bnfice imposable nest pas

    conteste quant son principe, elle semble tre contestable quant ses consquences

    fiscales sur lentreprise sur de nombreux points.

    80-Lepremierpoint concerne le rgime des plus-values. En effet, lintgration de

    la plus-value dans le rsultat fiscal de lentreprise entrane son imposition selon le taux

    progressif de lIR pour le cas de lentreprise individuelle et selon le taux proportionnel de

    30 % pour le cas de lentreprise socitaire soumise lIS. Ce traitement fiscal de la plus-

    value ralise par les entreprises est discutable pour deux raisons. Dune part, la

    soumission de la plus-value ralise par les entreprises individuelles au barme progressif

    de lIR projetterait probablement lentreprise dans la tranche la plus leve du barme

    progressif au taux de 35 % ce qui se traduit par une surcharge fiscale61

    . Dautre part, le

    traitement fiscal de la plus-value ralise par les entreprises est nettement discriminatoire

    comparativement avec le traitement fiscal de la plus-value ralise par les particuliers.

    Pour ces derniers, la plus-value est impose de manire spare par rapport aux autres

    revenus raliss par le contribuable, et ce selon un taux de 5 % ou de 10 % nettement

    infrieur celui applicable aux entreprises62

    . Envisage sous cet angle, lentreprise est

    paradoxalement dfavorise par rapport aux particuliers.

    81-Le secondpoint concerne le rgime des produits dcoulant de la transmission

    des entreprises, c'est--dire des plus-values. En effet, afin dencourager la restructuration

    61 Voir Mohamed KOSSENTINI, La plus-value en droit fiscal tunisien, LHarmattan, Paris, 2008, p.337.62

    Voir Mohamed KOSSENTINI, op. cit. p. 439

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    des entreprises, le lgislateur a institu depuis 1946 une exonration de la plus-value de

    cession globale des actifs immobiliss de lentreprise63

    . Cette exonration qui a pu survivre

    lissue de la promulgation du CIR en 1989 a t supprime par larticle 49 de la loi n 97-

    88 du 29 dcembre 1997 portant loi de finances pour lanne 1998. La suppression de cetteexonration est une mesure anti-conomique. Elle se traduit par un cot excessif et elle

    menace la prennit de lentreprise dans la mesure o les entrepreneurs rpugnent cder

    leurs entreprises par crainte de raliser des plus-values importantes intgralement

    imposables.