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8/14/2019 Ethique ou dontologie
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-IXIEME
CONFERENCE INTERNATIONALE DE MANAGEMENT STRATEGIQUE-
" PERSPECTIVES EN MANAGEMENT STRATEGIQUE "
AIMS 2000
Montpellier
- 24-25-26 Mai 2000 -
Ethique ou dontologie : quelles diffrences pour quelles
consquences managriales ?
Lanalyse comparative de 30 codes dthique et de dontologie
Henri ISAAC
Matre de confrences en sciences de gestionCREPAUniversit Paris Dauphine
75775 Paris [email protected]
Tel : 01 44 05 43 08
Fax : 01 44 05 40 84
Samuel MERCIERMatre de confrences en sciences de gestion
CREGO/LATEC, IAE de Dijon
Universit de [email protected]
Tel/Fax : 03 80 70 17 72
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Introduction.
La dcennie qui sachve aura vu lextension de lespace marchand : libralisation des
marchs et des changes, privatisations, drgulations. Cette profonde modification delenvironnement socio-conomique des entreprises a entran de trs nombreusesmodifications concomitantes des mthodes de management. Parmi, ces modifications
sensibles, les proccupations thiques dans lentreprise ont tenu une place sans cessecroissante dbouchant sur la mise en place de comits dthique et de codes dthique.Avec leffacement progressif dune rgulation macro-socitale, les entreprises tentent de
rpondre par une rgulation des comportements en interne. Paralllement, ce nouvelenvironnement se caractrise pour certains (Cotta,1991) par une corruption croissante
de la sphre politique par la sphre conomique. A ceux qui dnoncent cette monte enpuissance de la corruption, les entreprises opposent, dans le pire des cas la ncessit defaire des affaires, dans le meilleur des cas, lengagement dans une dmarche thique ou
dontologique. Dans le mme temps plusieurs professions possdent depuis denombreuses annes des rgles professionnelles rassembles dans un code de
dontologie.Dans les entreprises, lanalyse stratgique, c'est--dire le questionnement portant sur ledomaine dactivits, sur le mode de dveloppement de lentreprise et sur lagencement
des ressources se complte, de plus en plus, par une rflexion sur lthique delentreprise. Jusqu prsent, les principes directeurs qui composaient la politique
gnrale de lentreprise restaient largement implicites. Aujourd'hui, les entreprisesmettent en place des dmarches thiques ou dontologiques formalises. Ces pratiquessinscrivent dans le cadre de la monte de lentreprise relationnelle. La performance
repose de plus en plus sur la qualit des relations entre les acteurs. Les allers-retours
permanents entre les acteurs au sein de la firme, entre les firmes et leurs fournisseurs,
leurs clients, leur environnement sont au cur de lefficacit. Ces interactions tantsusceptibles de provoquer des conflits thiques, il est devenu opportun de formaliser desvaleurs et des rgles de conduite.
La socit, les revues acadmiques, des chercheurs semparent alors de cetteproblmatique sans que jamais une distinction prcise ne soit opre entre thique et
dontologie. Il nexiste, notre connaissance, aucune tude empirique qui se propose decomparer ces deux types de dmarche.Or, peut-on mettre sur le mme plan le code dthique de la Lyonnaise des Eaux et le
code de dontologie des experts-comptables ? De quoi parlent exactement lesentreprises lorsquelles arguent dune dmarche thique ? Plus gnralement, quest-ce
qui distingue thique et dontologie ? En quoi cette distinction fait-elle sens pour lemanagement de lentreprise ?
Le simple recensement des codes dthique et de dontologie selon leur metteur met envidence deux groupes de codes distincts : les entreprises prises individuellement et des
organismes de regroupement professionnel (syndicat, ordre). Ce premier constat suffit-il distinguer deux catgories dobjets de gestion ? Bien videmment, non. Ds lors, uneanalyse systmatique du contenu des codes nous a sembl un moyen de mettre en
vidence des diffrences qui ne relvent pas de simples questions de vocabulaire, mmesi cest par ce biais que nous les analysons. Ces diffrences sont beaucoup plus
profondes et renvoient directement la finalit mme de ces objets. Aprs une
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prsentation des concepts dthique et de dontologie, nous mettons en uvre uneanalyse de contenu de trente codes afin de mettre en vidence leurs diffrences. Nous
proposons ensuite une interprtation de ces deux outils de gestion et en tirons desconclusions quant leur instrumentation dans une perspective de management
stratgique.
1 - Ethique et dontologie : une premire approche
Ethique et morale sont deux termes voisins qui sont souvent mal diffrencis dans la
littrature parce quils sont quivalents tymologiquement.Le terme thique est utilis, ds le XIIIme sicle, dans le milieu restreint des
philosophes de profession et renvoie une racine grecque : thos (murs).Le premier usage attest du terme morale dans la langue franaise se situe en 1530 etprovient du mot latin mores (murs).
Les philosophes amricains sont gnralement ports assumer la pleine synonymieque rvle ltymologie et font de lthique et de la morale un usage indiffrenci. A
linverse, les penseurs europens aiment prciser les domaines de comptence.Selon Ricoeur (1988, p. 42), il convient de rserver le terme dthique pour tout lequestionnement qui prcde lintroduction de lide de loi morale et de dsigner par
morale tout ce qui se rapporte des impratifs.La morale se dfinit comme un ensemble de normes et de rgles qui doivent simposer
tous, elle dit le bien et le mal, cest donc la fois un rfrentiel et un impratif.Lthique introduit une dimension supplmentaire : elle impose de donner une place lindividu, reconnu capable de faire valoir sa parole et ses intrts propres. Le passage
de la morale lthique est celui de luniversel au particulier et traduit sa concrtisation
dans laction de chacun, pris comme un individu intgr dans un collectif de travail.
Ainsi, lthique dune entreprise regroupe un ensemble de principes, de valeurs et decroyances qui dirigent la conduite des individus. Elle a pour ambition de rechercher, parune rflexion personnelle, la bonne et la mauvaise faon dagir, c'est--dire une sagesse
de laction.Le terme dontologie a t forg par Jeremy Bentham dans un ouvrage posthume publi
en 1834 : Deontology or the science of morality . Son utilisation en France remonteau dbut du XX sicle. Littralement, la dontologie est la science des devoirs, ce quiest trs proche de la dfinition originelle de lthique vue comme la science de la
morale. Ce qui va progressivement diffrencier la dontologie de lthique, cest lusagedu vocable dans des contextes bien prcis : ceux des devoirs professionnels.
Comme le note Couret (1992), la dontologie est ncessairement lexpressionoprationnelle dune thique des affaires. Lthique donne des principes directeurs : largle dontologique leur donne un contenu concret. . La dontologie vise rguler les
situations couramment rencontres par un corps de personnes exerant un mtieridentifi. Elle cherche donner imprativement ces situations des solutions pratiques
et prcises dfinissant les rgles de comportement adopter.
Lexistence dun code de dontologie au sein dune profession peut cependant avoir des
origines diffrentes : soit il sagit de professions accs rglement et ds lors ladontologie est un lment structurant de la profession lexemple des avocats ou des
experts-comptables, soit il sagit de professions dont laccs est libre, et ds lors la
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dontologie est le fruit dune auto-rglementation que simpose les entreprises dunmme secteur linstar du conseil en management.
Dans les deux cas, linstance commune (syndicat, ordre, association professionnelle) estlorgane en charge de la dfinition des rgles dontologiques, de leur mise en uvre,
des contrles du bon respect de ces rgles et des ventuelles sanctions en cas dedfaillance (pnalits financires, interdiction dexercer, exclusion).
Le recours la formalisation dune thique ou dune dontologie peut tre apprhendcomme un outil de rgulation des relations entre lorganisation et ses diffrentes partiesprenantes. Une partie prenante est un groupe ou un individu qui peut affecter ou tre
affect par la ralisation des objectifs de lentreprise (Mercier, 1999, p. 61). Cest doncun acteur pour lequel le dveloppement et la bonne sant de lentreprise constituent un
enjeu important. Cela inclut les fournisseurs, les consommateurs, les employs,actionnaires et la communaut locale. A la suite des travaux de Freeman (1998), il estpossible dinterprter lentreprise comme un nud de contrats entre les dirigeants et ses
parties prenantes. Les dirigeants contractent, en effet, avec toutes les parties prenantes,de faon directe ou indirecte. Il est de leur responsabilit de diriger les ressources pour
obtenir des avantages aux parties prenantes lgitimes (quelles aient pass un contratformel ou implicite avec la firme) et pour sauvegarder le bien-tre de lentreprise.
Les codes de dontologie constituent un ensemble de rgles dont se dote une profession,ou une partie de la profession, au travers dune organisation professionnelle, qui devient
linstance dlaboration, de mise en uvre, de surveillance et dapplication de cesrgles.Le code thique formalise les valeurs, principes et rgles de conduite dune entreprise. Il
vise, par une rflexion propre lentreprise, se doter dune orientation thique en
liaison avec la culture dentreprise. Cette autorgulation des comportements peut tre
qualifie de pro-active : elle permet danticiper les demandes de nature socitale. Cestune possibilit pour lentreprise de promouvoir des normes de comportement quisatisfont aussi bien ses propres intrts que les attentes des acteurs extrieurs. Guillon
(1994, p. 10) indique que cette volont de devancer les pouvoirs publics dans leurmission lgislative permet dviter de se faire imposer une norme voire mme dinfluer
sur la fixation de celle-ci.
Cette distinction entre thique et dontologie est-elle recevable ? Lenjeu de notre tudeest de prciser la nature des dmarches thiques et dontologiques et den dgager les
implications stratgiques. Pour ce faire, nous mettons en uvre une mthodologierendant possible une comparaison des codes dthique et de dontologie sur une basestatistique.
2 Mthodologie et rsultats de la recherche
2.1. Mthode employe et champ de lanalyse
La mthodologie sappuie sur la statistique textuelle (Lebart, Salem, 1994). Celle-cipermet de mener une analyse de contenu sur la base lexicale des codes. Ce type
danalyse, sans se substituer totalement une analyse de contenu classique, permet
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dtablir des comparaisons entre textes en liminant le biais invitable de lanalyste,mme avec un processus dinter-codage avec plusieurs valuateurs (Bardin,1993;
Thietart & alii,1999, Weber, 1990). Cette technique, la frontire de la linguistique etde la statistique exploratoire multidimensionnelle, permet danalyser des textes
importants sur la base de tableaux de contingences lexicaux particuliers : lindividustatistique est constitu par une occurrence dune unit textuelle (mot, lemme, segment,segment rpt). Un texte se caractrise par des frquences leves de mots ou de
segments de mots. La caractrisation du texte est permise par la recherche despcificits et de formes caractristiques sur la base du calcul des valeurs-tests. Celles-cicomparent la moyenne dune variable au sein dune classe la moyenne gnrale en
tenant compte de la variance de cette variable dans la classe. La valeur-test est ensuitecentre et rduite pour une plus grande facilit dinterprtation (Lebart & Salem, 1994 ;
Lebart L. & alii, 1995).
Nous avons utilis le logiciel SPAD.T. Lanalyse de correspondance simple (ACS)
permet dtudier les proximits lexicales et les diffrences entre les codes sur la basedun tableau de contingence lexicale. Cette analyse des correspondances est elle-mme
complte par une classification des textes laide dune analyse ascendantehirarchique. Cette dernire phase permet de mettre en vidence une typologie de codes.Lanalyse est ensuite affine par une tudes des mots caractristiques des diffrents
codes. Enfin, nous reclassons les codes dthique et de dontologie en deux groupes afinde comprendre les dimensions sur lesquelles ils sopposent.
Lchantillon de textes tudis se compose de 30 codes. Il est compos selon la mthodesplit-half : 15 codes thiques et 15 codes de dontologie.
La reprsentativit de cet chantillon peut sapprcier par rapport au total de codes
dnombrs en France par les auteurs dans leurs prcdentes recherches : une
cinquantaine de codes dthique (Mercier, 1997) et une trentaine de codes dedontologie (Isaac, 1996).Cette classification a priori est lobjet de lanalyse.
Le tableau 1 permet de dcrire le corpus des textes tudis.
Tableau 1 : Le corpus de 30 codes
Titre du documentNombre de mots
(en % du total destextes)
Nombre de mots
distincts(en % des mots du texte)
Marketing tlphonique : Code dontologique 745 (0,98) 313 (42,01)Conseil en Management : Code de dontologie 1 730 (2,28) 566 (32,72)
Conseil en Informatique : Code dontologique 407 (0,54) 217 (53,32)
Relations Publiques : Code de dontologie 965 (1,27) 385 (39,90)
Publicit conseil : Rgles professionnelles 1 505 (1,98) 554 (36,81)
Conseil en Recrutement : Charte dontologique 786 (1,04) 322 (40,97)
Architectes : Code des devoirs professionnels 3 368 (4,44) 891 (26,45)
Cration publicitaire : Rgles professionnelles 1 505 (1,98) 554 (36,81)
Etudes de march : Code de dontologie 2 972 (3,91) 861 (28,97)
Experts comptables : Code des devoirs professionnels 5 030 (6,62) 1 221 (24,27)
Formation professionnelle : Charte dontologique 482 (0,63) 220 (45,64)
Communication directe : Code de dontologie 280 (0,37) 138 (49,29)
Informateurs financiers : Code de dontologie 170 (0,22) 115 (67,65)
EFCA : Code dthique 1 023 (1,35) 380 (37,15)
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Vente par correspondance : Code professionnel 2 583 (3,40) 700 (27,10)
CODES DETHIQUE
Accor : Ethique et management 1 470 (1,94) 580 (39,46)
Bouygues : Charte des ressources humaines 3 220 (4,24) 901 (27,98)
Danone : Valeurs du groupe 1 208 (1,59) 486 (40,23)
Elf : Principes daction et rgles de comportement 1 343 (1,77) 518 (38,57)
Framatome : Guide de dontologie 1 438 (1,89) 532 (37,00)
Lafarge : Principes daction 1 080 (1,42) 379 (35,09)
Lagardre Groupe : Code dthique 4 413 (5,81) 1 125 (25,49)
Lyonnaise des eaux : Charte dthique 2 946 (3,88) 804 (27,29)
PSA : Valeurs et comportements 2 389 (3,15) 646 (27,04)
Renault : Code de dontologie 1 589 (2,09) 533 (33,54)
Hewlett-Packard : Guide de la pratique des affaires 7 951 (10,47) 1 577 (19,83)
IBM : Rgles de conduite dans les affaires 13 667 (18,00) 2 280 (16,68)
Philips : Code de conduite 2 750 (3,62) 847 (30,80)
Procter &Gamble : Notre raison dtre 4 851 (6,39) 1 238 (25,52)
Shell : Principes de conduite 2 074 (2,73) 706 (34,04)
Le nombre de mots dcompts fournit une premire indication de la diversit desdocuments : le plus petit document est le code des informateurs financiers qui comprend
170 mots, le plus grand est le code dict par IBM contenant 13 667 mots. Enregroupant les textes en deux catgories : code de dontologie ou code thique, onobtient la rpartition dcrite dans le tableau 2.
Tableau 2
Type de documentNombre de mots
(en % du total des textes)
Nombre de mots distincts
(en % des mots du texte)
Code de dontologie 23 551 (31,01) 2 414 (10,25)
Code thique 52 389 (68,99) 3 280 (6,26)
Les codes thiques sont en moyenne de taille plus leve que les codes de dontologie.Cette trs forte disparit en terme de mots indique, sans aucun doute, des diffrences de
nature.
2.2. Analyse des correspondances simples et classification ascendante hirarchique
Le tableau de contingence lexicale comporte 6 357 mots distincts pour un corpus totalde 83 315 mots, soit 7, 63% de mots distincts. Une caractristique intressante de ce
corpus de textes est la faible richesse de son vocabulaire. Cette pauvret duvocabulaire sexplique par le fait que les codes rptent souvent les rgles.
Lanalyse du tableau de contingence lexicale donne lieu une reprsentation graphiquesur les deux premiers axes factoriels (cf. Graphique 1).
Graphique 1 : Analyse des correspondances simple sur les 30 codes
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Une premire lecture du graphique met en vidence plusieurs points importants. Tout
dabord, la quasi totalit des codes de dontologie se regroupent dans le quadrant Sud-Est (C1). On note une plus grande proximit des textes entre eux que pour les codes
dthique qui sont disperss de faon trs diffrencie dans le plan factoriel. Lanalysetypologique confirme ce rsultat : la variance intra-classe est la plus faible pour cettecatgorie de codes (cf. Tableau 3).
Ainsi, les codes dthique sont moins homognes que les codes de dontologie et serpartissent en trois catgories distinctes :
- les documents dicts par Hewlett-Packard et IBM (quadrant Nord-Est) ;- une demi-douzaine de documents se caractrisent par un profil voisin situ autour delorigine du graphique. Parmi ces codes, il nest pas surprenant de constater une grande
proximit entre les contributions de Renault, Lagardre, Framatome et Elf. En effet, ces
entreprises ont organis des sminaires de rflexion communs pour formaliser leurthique ;- enfin, un ensemble de documents plus loigns regroupe Accor, PSA, Bouygues,Lafarge et Danone.
Lanalyse du nuage de mots et la projection des coordonnes des codes permettent de
fournir linterprtation suivante des axes factoriels :- le premier axe factoriel (horizontal) oppose les codes fort contenu axiologique(quadrant Ouest du graphique 1) ceux fort contenu dontologique (quadrant Est du
graphique 1). Cet axe (qui exprime 6,2 % de la variance totale) opre donc unedistinction entre la formalisation des valeurs et celle des rgles.
C2
C1
C3
C4
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dentreprise tous les niveaux) et de Lafarge (aller au devant des attentes de ses clients,valoriser linvestissement de ses actionnaires et mriter leur confiance, mettre lhomme
au cur de lentreprise, faire de la diversit croissante du groupe une richesse, respecterlintrt gnral) sont plus globales.
Ces documents comprennent galement une rflexion dordre ontologique qui traduisentla volont de sinterroger sur sa propre nature et sa raison dtre. Ainsi, la question
Qui sommes nous ? , Danone prcise le contenu de sa mission : Partout dans lemonde, faire grandir, mieux vivre et spanouir les hommes en leur apportant chaque
jour une alimentation meilleure, des gots plus varis, des plaisirs plus sains .
Enfin, on relve dans ces documents la prsence de rflexions tlologiques quiprcisent les intentions des entreprises : lambition de Lafarge est dtre un leader
mondial des matriaux de construction, Danone et Philips prcisent leur projet.
Enfin, la classe C4 ne contient que le document dAccor. Cette singularit peut
sexpliquer par le fait que le code comprenne la fois une rflexion sur sa culture avecla formalisation de huit valeurs cls et une prsentation des rgles de conduite
sappliquant chacun dans ses relations avec les autres parties prenantes.
Il apparat donc trs clairement que les contenus des codes dthique et de dontologie
diffrent. Par consquent, il y a trs peu de chances que leur finalit soit identique. Afinde prciser cette opposition, nous avons procd une analyse smantique
complmentaire : la recherche des mots caractristiques dans les diffrents codes.
2.3. Dontologie ou thique : les mots caractristiques
Lanalyse du vocabulaire par ltude des mots caractristiques des 30 codes donne desindications trs clairantes sur leurs finalits. Pour une prsentation simplifie, onrsume dans le tableau 4, les mots caractristiques rcurrents relevs dans au moins trois
codes.Tableau 4 : Mots caractristiques des codes.
Codes dthique Codes de dontologie
Mots
caractristiquescommuns plus de
trois codes.
Management, valeurs,confiance, loyaut, projet,hommes, coopration,
principes, comportements,employ, hirarchie, groupe,
au sein,notre, nos, nous, on, vous,votre, vos, comportements.
Mission, qualit, conseil,honoraires, garanties,professions, professionnelle,
client, contractuels, confrres,membres, interlocuteurs,
formation, litiges, doit,doivent, devoirs, discipline,qualifications, contrles.
La lecture du tableau 4 montre clairement que les finalits des deux types de codesdiffrent.Les mots caractristiques des codes dthique renvoient au comportement des individus
(comportement, confiance, loyaut, coopration) et leur appartenance un groupe,une communaut (notre, groupe, nos, nous, on, au sein).
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Plus prcisment, lanalyse des mots caractristiques des diffrents documents faitapparatre des points communs lintrieur de chaque classe mais traduit galement la
singularit de certains textes.En rgle gnrale, les documents appartenant C2 sont rdigs sur le mode
impersonnel. Seul le document dIBM est rdig la deuxime personne du pluriel(vous, votre, vos). Il sadresse donc directement et exclusivement aux collaborateurs etnonce des obligations (devez). En outre, IBM et Hewlett-Packard possdent des mots
caractristiques communs : concurrence (concurrents) et information(s). Cela signifie,par rapport aux autres documents de la classe, que ces deux entreprises attachent uneimportance particulire aux relations avec les concurrents et au traitement de
linformation.Le document de Lagardre insiste davantage sur les prcautions prendre dans les
oprations financires (titres, oprations, transactions). La Lyonnaise des Eaux metlaccent sur les relations avec les actionnaires et sur la cration dun comit thique auservice du gouvernement dentreprise (actionnaires, comit, dirigeants, examiner).
Dautre part, plusieurs codes insistent sur la ncessit dinstaurer des relations deconfiance et de loyaut avec les parties prenantes.
Les codes de la classe C3 sont gnralement rdigs la premire personne du pluriel(nous, nos, notre) et visent donc susciter ladhsion de tous les collaborateurs desvaleurs communes (quipe, groupe).
Ces documents intressent en premier lieu les collaborateurs de lentreprise, mais lesvaleurs affiches en interne ont vocation tre diffuses aux autres parties prenantes.
Lanalyse des mots caractristiques montre galement la singularit de certains textes :le document de Bouygues comporte un vocabulaire propre la Gestion des RessourcesHumaines (potentiel, entretien, talents, opportunits), Lafarge communique sur sa
volont damliorer son fonctionnement (progrs, mieux) et Philips exprime sa
philosophie des relations sociales (encourager, rcompenser).
Enfin, loriginalit du code dAccor rside dans le recours la premire personne dusingulier pour communiquer les rgles de comportement : En tant que collaborateurdAccor, je . Le document est donc destin une seule partie prenante : les
collaborateurs, ce qui constitue un point commun avec IBM et Hewlett-Packard.
Les mots caractristiques des codes de dontologie renvoient plusieurs dimensions quiont trait aux relations entre lentreprise et ses clients (clients, contractuels,interlocuteurs, mission, qualit, garanties, honoraires). On remarque galement que la
notion de devoir (doivent, doit, devoir) est trs prsente tout comme celle deprofessionnalisme (professions, professionnelle, qualifications).
3 Interprtation des rsultats et consquences managriales.
Les analyses prcdentes mettent clairement en vidence des diffrences marques entrecodes dthique et codes de dontologie. Il sagit prsent dorienter la discussion dansdeux directions : quelle est lorigine de cette distinction entre dmarche thique et
dontologique et quelles sont les implications en terme de management stratgique deces deux dmarches ?
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3.1. A la source des diffrences entre codes thiques et codes de dontologie
Un facteur fondamental est prendre en compte dans lanalyse de cette distinction. Eneffet, les codes de dontologie possdent une caractristique commune : ils sont tous
lmanation de professions de service.Une des caractristiques importantes de ces activits est leur caractre immatriel et leurdimension extra-marchande (Barcet & Bonamy, 1995, Gadrey, 1994). Les prestations
mises en uvre par les professionnels donnent lieu de relles difficults dapprciationde la qualit du fait mme de limmatrialit, mais aussi du fait de la participation duclient la ralisation de la prestation. Les codes de dontologie cherchent donc fournir
aux acteurs de lchange de service des lments pour grer la relation de service, pourstructurer les reprsentations des acteurs et par l mme, rduire lincertitude et
permettre lchange (Isaac, 1996,1998). Dans les services professionnels, lincertitudesur la qualit des prestations changes est trs importante compte tenu du fait quilsagit dune mobilisation de moyens et de comptences dont lvaluation savre
extrmement dlicate. Les codes de dontologie cherchent donc fournir aux clients etaux professionnels des lments communs afin de faciliter la dfinition de la qualit et
son valuation. Les codes de dontologie constituent une grammaire communedinterprtation de la qualit.Les codes thiques formalisent, par contre, des rflexions propres chaque entreprise :
les secteurs industriels nont pas eu recours des pratiques collectives dautorgulation,les dmarches thiques sont de nature individuelle.
La dontologie peut donc tre interprte comme tant un compromis entre des thiquesdiffrentes (une thique minimale en quelque sorte). Elle sinspire ncessairement dunethique mais elle a une porte beaucoup plus pratique et restrictive.
La dontologie revt un caractre obligatoire (elle sappuie sur un systme disciplinaire)
alors que lthique relve du facultatif. En effet, le respect des obligations
dontologiques simpose chacun (il est systmatiquement fait mention desdestinataires) et tout manquement est qualifi de faute et fait lobjet de sanctions.Lthique mne plutt linterrogation identitaire, un code thique ne possde pas de
valeur juridique. Lthique ne se rsume pas la conformit un ensemble de normes :elle comprend un ensemble de valeurs et fait donc rfrence la culture
organisationnelle. En revanche, le code de dontologie fait plutt rfrence la culturedune profession.
3.2. Les implications stratgiques des deux dmarches
Du point de vue managrial, cette recherche met en vidence des diffrencesfondamentales entre thique et dontologie. Ainsi, notre typologie porte sur les deuxdimensions suivantes :
- formalisation de valeurs ou de rgles,- formalisation usage interne ou externe.
Le croisement qui en rsulte donne naissance diffrents outils de gestion.
La dontologie vise structurer les comportements entre les entreprises dune mme
profession et entre lentreprise et ses clients. Le code de dontologie dresse linventairedes devoirs respecter lgard des clients et des confrres (importance de la
confraternit). La dontologie est donc un code de bonne pratique professionnelle : les
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rgles communes dictes doivent permettre la profession de prosprer et garantissentun niveau de qualit dans les prestations. Son existence vite lindividu de devoir faire
des choix thiques. Toutefois, un tel code risque dtre inoprant quand il sagit deprendre des dcisions dans des situations nouvelles qui dpassent lexercice normal.
La formalisation thique a pour vocation premire de rguler les comportementsorganisationnels et peut conduire plusieurs types de documents :
- lexpression des valeurs organisationnelles,- la formalisation de principes daction nonant les responsabilits de lentreprise,- la formalisation de rgles de conduites lattention des collaborateurs et prcisant
leurs propres responsabilits.Dans la ralit, ces trois aspects peuvent se recouvrir et tre abords dans un mme
support mais on peut supposer quune des trois dimensions reste toujours dominante etoriente les finalits du code. Il sagit donc, prsent, de sinterroger sur les implicationsstratgiques de chaque type de codification.
Tout dabord, les codes comportant essentiellement une rflexion axiologique visent renforcer la cohsion organisationnelle par linternalisation dun certain nombre de
valeurs communes. Leur objectif est de doter lentreprise dun cadre de rfrencecommun et de raliser le vieux rve de la convergence des buts dans lentreprise(fonction dintgration des diffrents acteurs). Le document est vu comme force
dhomognisation. Il sagit de faire voluer la culture organisationnelle vers unenvironnement de travail qui favorise la satisfaction et lpanouissement de chaque
collaborateur.Ce questionnement sur les valeurs est un processus de plus en plus largement rpandudans les entreprises qui souhaitent raffirmer lexistence et la force de leur culture face
aux mutations de lenvironnement socio-conomique. La rflexion axiologique procde
dune recherche de cohrence dans le fonctionnement collectif des organisations et revt
une importance stratgique. Daprs Zadek (1999, p. 36), plusieurs tudes, portantnotamment sur un chantillon dentreprises anciennes, suggrent un lien entre le respectde valeurs affiches par lentreprise (celles auxquelles les salaris peuvent adhrer) et
longvit. La dmarche cherche construire une relation de confiance entre lentrepriseet ses employs.
Les codes qui noncent les responsabilits de lentreprise tout comme ceux quiformalisent les rgles de conduite sappliquant chaque membre organisationnel ontpour objectif principal de prserver la rputation dhonntet et dintgrit de
lentreprise.Dans le premier cas, il sagit galement de donner lassurance aux diffrentes parties
prenantes que tous les collaborateurs respecteront les mmes rgles : la constructiondune relation de confiance dans les relations avec ces parties prenantes ne peut natreque de lapplication de rgles de conduite claires. Leffet rgulateur provient de
ladhsion des individus aux principes daction de lentreprise. Pour ce faire,lentreprise mise sur la responsabilisation des acteurs lorsquils sont confronts des
dilemmes thiques. Le code prend laspect dun rfrentiel normatif de management etsignale la lgitimit de lentreprise par rapport aux diffrentes parties prenantes. Il vientcombler le vide entre la loi en vigueur dans la socit et les valeurs organisationnelles
implicites. Ainsi, dans le document de Danone, Franck Riboud crit : Jai laconviction que nous devons nos actionnaires, nos consommateurs et nos
collaborateurs plus que des profits .
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La dmarche thique permet donc de rpondre aux diffrents acteurs de sonenvironnement qui risquent de remettre en question son identit : lentreprise formule
les contraintes provenant de la socit ainsi que les engagements autonomes quellesimpose.
Enfin, les codes nonant les rgles de conduite respecter par chaque collaborateur sesituent dans une logique dobissance. Ce sont des outils de gestion qui servent encadrer les comportements en interne. Leur objectif est dviter tout conflit thique
entre lorganisation et ses parties prenantes avec comme proccupation centrale laprotection des intrts de lentreprise. Ces documents sont relativement proches descodes de dontologie, ils visent fournir un moyen routinier de traiter les dilemmes
thiques mais ne comprennent pas de rflexion sur le sens des rgles nonces.Il convient de noter que ces rgles de conduite concrtisent les rflexions axiologiques
et lnonc des principes daction.
Conclusions : apports de la recherche et perspectives futures
Lobjet de cette recherche tait de confronter des codes dthique des codes dedontologie afin de percevoir une ventuelle diffrence de nature entre ces deux objets.La mthodologie mise en uvre a permis de mettre en vidence, sur un chantillon
reprsentatifs de 30 codes, des diffrences notables. La dontologie ne peut seconfondre avec lthique : elle sen distingue tant par la nature de ses rgles que par les
objectifs poursuivis.En premier lieu, lthique est le fait dentreprises alors que la dontologie est le fait dunsyndicat professionnel. Les codes de dontologie sont plus homognes que les codes
dthique au sein desquels plusieurs types de codes mergent : formalisation de valeurs
cls, de principes daction prsentant les responsabilits de lentreprise ou de rgles de
conduite lattention des collaborateurs.Les codes de dontologie visent rguler les relations entre les clients et lesprofessionnels dans des activits de service, activits pour lesquelles, lvaluation de la
qualit savre trs complexe et ncessite que les acteurs puissent quiper leur jugement laide de reprsentations a priori de la prestation.
Au del des documents eux-mmes, il reste tudier la faon dont les acteursmobilisent les codes dans laction. Cette question est trs dlicate tudierempiriquement et ouvre le dbat qui porte sur la pertinence des pratiques de
formalisation, quelles dbouchent sur des codes thiques ou dontologiques et sur laparticipation de tous les acteurs llaboration de ces documents.
Par ailleurs, une autre question reste ouverte : comment dans certaine professionssarticule le respect de la dontologie professionnelle avec lexistence dun codedthique propre lentreprise ?
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