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REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 525 EXAMEN DE JURISPRUDENCE (1987 à 1993) (*) LA RESPONSABILITÉ DÉLICTUELLE ET QUASI .DÉLICTUELLE PAR R.O. DALCQ, PROFESSEUR ÉMÉRITE À T.'U.C.L. ET GENEVIÈVE ScHAMPs, AssiSTANTE À LA FACULTÉ DE DROIT DE L'U.C.L. TABLE DES MATIÈRES DE LA PREMIÈRE PARTIE CHAPITRE PREMIER. - RESPONSABILITÉ AQUILIENNE ET RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE. 1. Evolution de la jurisprudence. 2. Jurisprudence française. 3. Applications. (*) Voyez les chroniques précédentes des professeurs Dabin et Lagasse : 1938 à 1948 (cette Revue, 1949, p. 50 à 96); 1948 à 1951 (cette Revue, 1952, p. 55 à 99); 1951 à 1955 (cette Revue, 1955, p. 216 à 278); 1955 à 1959 (cette Revue, 1959, p. 175 à 226 et 279 à 333); 1959 à 1963 (cette Revue, 1963, p. 257 à 309 et 1964, p. 289 à 351), ainsi que nos précédentes chroniques : 1963 à 1967 (cette Revue, 1968, p. 193 à 251 et 329 à 386); 1968 à 1972 (cette Revue, 1973, p. 627 à 680 et 1974, p. 249 à 319); 1973 à 1979 (cette Revue, 1980, p. 355 à 451 et 1981, p. 87 à 172); 1980 à 1986 (cette Revue, 1987, p. 601 à 672 et 1988, p. 391 à 493). R.C.J.B. - 3e trim. 1995

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REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 525

EXAMEN DE JURISPRUDENCE

(1987 à 1993) (*)

LA RESPONSABILITÉ DÉLICTUELLE

ET QUASI .DÉLICTUELLE

PAR

R.O. DALCQ,

PROFESSEUR ÉMÉRITE À T.'U.C.L.

ET

GENEVIÈVE ScHAMPs,

AssiSTANTE À LA FACULTÉ DE DROIT DE L'U.C.L.

TABLE DES MATIÈRES DE LA PREMIÈRE PARTIE

CHAPITRE PREMIER. - RESPONSABILITÉ AQUILIENNE ET RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE.

1. Evolution de la jurisprudence.

2. Jurisprudence française.

3. Applications.

(*) Voyez les chroniques précédentes des professeurs Dabin et Lagasse : 1938 à 1948 (cette Revue, 1949, p. 50 à 96); 1948 à 1951 (cette Revue, 1952, p. 55 à 99); 1951 à 1955 (cette Revue, 1955, p. 216 à 278); 1955 à 1959 (cette Revue, 1959, p. 175 à 226 et 279 à 333); 1959 à 1963 (cette Revue, 1963, p. 257 à 309 et 1964, p. 289 à 351), ainsi que nos précédentes chroniques : 1963 à 1967 (cette Revue, 1968, p. 193 à 251 et 329 à 386); 1968 à 1972 (cette Revue, 1973, p. 627 à 680 et 1974, p. 249 à 319); 1973 à 1979 (cette Revue, 1980, p. 355 à 451 et 1981, p. 87 à 172); 1980 à 1986 (cette Revue, 1987, p. 601 à 672 et 1988, p. 391 à 493).

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4. Obligations de sécurité.

CHAPITRE II. -LA FAUTE- NOTION. (articles 1382 et 1383 du Code civil)

5. La faute- Notion.

6. Prévisibilité des dommages.

7. Appréciation de la prévisibilité.

8. Critères du bon père de famille.

9. Infériorité psychologique.

10. Diminution physique.

11. Age - Expérience.

12. Discernement.

13. Prudence spéciale.

14. Ordre public et articles 1382 et suivants.

15. Droit international privé.

16. Régions.

17. Contrôle de la Cour de Cassation.

18. Preuve de la faute.

19. Abus de droit.

CHAPITRE III.- LA FAUTE ET SES APPLICATIONS.

20. Critères de l'abus de droit.

21. Applications de la théorie de l'abus de droit.

22. Action téméraire et vexatoire.

23. Culpa in contrahendo.

24. Chasse.

25. Dégâts de gibier.

26. Rupture des fiançailles.

27. Sports.

28. Responsabilité des organisateurs.

29. Le drame du Heysel.

30. Troubles de voisinage.

31. Troubles causés par les pouvoirs publics.

32. Compensation ou indemnisation.

33. Refus d'appliquer la théorie des troubles de voisinage aux entrepre­neurs.

34. Intérêt à agir.

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35. Notion de voisins.

36. Notion de troubles excessifs.

37. Exemples de troubles excessifs.

38. Troubles n'ayant pas un caractère excessif.

CHAPITRE IV.- LES RESPONSABILITÉS PROFESSIONNELLES.

39. Les administrateurs de société d'a.s.b.l.

40. Agent immobilier.

41. Architectes et entrepreneurs.

42. Avocat.

43. Devoir de conseil.

44. Banquier.

45. Fichiers.

46. Conseiller fiscal et autres.

47. Curateur de faillites.

48. Contrat de travail.

49. Courtier en assurance.

50. Expert.

51. Huissier.

52. Coiffeur- Institut de bronzage- Esthéticien.

53. Jeux forains.

54. Responsabilité médicale.

55. Anesthésiste.

56. Interruption de grossesse.

57. Sécurité du matériel utilisé.

58. Dossier médical - Propriété du patient.

59. Responsabilité médicale - Prescription.

60. Responsabilité médicale et clinique.

61. Responsabilité médicale et bio-éthique.

62. Notaire.

63. Pharmacien.

64. Presse.

65. Prêt.

66. Self-defense.

67. Vendeur professionnel.

68. Responsabilités professionnelles - V aria.

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CHAPITRE V. - LES RESPONSABILITÉS DU FAIT D'AUTRUI.

(article 1384, al. 2 à 5 du Code civil)

SECTION 1re. - CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.

69. Y a-t-il un principe général de responsabilité du fait d'autrui~

70. Présomptions de responsabilité et assurances.

SECTION 2.- RESPONSABILITÉ DES PARENTS.

71. Fondement de la présomption.

72. Devoir d'éducation.

73. Responsabilité des parents et article 1386bis du Code civil.

7 4. Appréciation des devoirs d'éducation et de surveillance.

75. Cas divers.

76. Responsabilité des parents et amendes de roulage.

77. Prescription.

78. Cumul des présomptions à charge des parents et des instituteurs.

SECTION 3. -MAÎTRES ET COMMETTANTS.

79. Acte commis dans l'exercice des fonctions.

80. Prescription.

81. Abus de fonction.

82. Lien de préposition et prêt de préposé.

83. Qui peut invoquer la présomption~

SECTION 4.- INSTITUTEURS ET ARTISANS.

84. Principe- Notion d'instituteur.

85. Mécanisme de la présomption.

86. Responsabilité personnelle de l'instituteur - Exemple.

CHAPITRE VI. - LES RESPONSABILITÉS DU FAIT DES CHOSES.

(article 1384, §1er, 1385 et 1386 du Code civil)

SECTION rre.- LA GARDE D'UNE CHOSE

OU D'UN ANIMAL

87. Notion de garde.

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SECTION 2.- LE VICE DE LA CHOSE

88. Le vice de la chose- notion.

89. La notion de vice : exemples.

90. Commentaires ...

91. Responsabilité du fait des choses et prescription.

92. La présomption n'existe qu'en faveur des tiers.

93. Vice et force majeure.

94. Preuve du vice.

SECTION 3. - LE FAIT DE L'ANIMAL

95. Le fait de l'animal.

96. Présomption irréfragable.

SECTION 4.- LA RESPONSABILITÉ

DU PROPRIÉTAIRE D'UN BÂTIMENT

97. Charge de la preuve.

98. Cas d'application de l'article 1386 du Code civil.

CHAPITRE VII. - CAPACITÉ AQUILIENNE ET RESPONSABILITÉ DES ANORMAUX.

99. Conditions d'application de l'article 1386bis.

CHAPITRE VIII.- CLAUSES D'EXONÉRATION.

100. Conditions d'application.

CHAPITRE PREMIER. -

RESPONSABILITÉ AQUILIENNE ET RESPONSABILITÉ

CONTRACTUELLE

1. EvoLUTION DE LA JURISPRUDENCE. - Les questions et les incertitudes engendrées par la jurisprudence de l'arrêt de la Cour de cassation du 7 décembre 1973 sont loin d'être toutes résolues, notamment en ce qui concerne la responsabilité des organes des personnes morales (voyez notre précédent examen

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de jurisprudence : cette Revue, 1987, p. 604, no 3; voyez aussi depuis lors Cass., 9 novembre 1987, Pas., 1988, l; p. 296; Cass., 14 octobre 1985, R. O.J.B., 1988, p. 341 et note VAN QUICKENBORNE).

La Cour d'appel de Mons a décidé dans un arrêt du 24 mars 1987 que le médecin-anesthésiste n'est pas un agent d'exécu­tion au sens où l'expression est employée dans l'arrêt du 7 décembre 1973 (R.G.A.R., 1989, n° 11.458). Cet arrêt est révélateur de l'attitude des juridictions répressives vis-à-vis des conséquences que pouvait entraîner la jurisprudence de 1973 en ce qui concerne la responsabilité du prévenu.

La Cour de cassation a été amenée à préciser sa position à ce sujet. Elle l'a d'abord fait en rappelant, ce qui était acquis de longue date ( cfr. notre traité de responsabilité civile, T. I, n° 101; FAGNART et DE NÈVE, Chronique de Jurisprudence, J.T., 1985, p. 453, nos 1 et s.),<< que la circonstance qu'un défaut de prudence constitue aussi un manquement à une obligation contractuelle n'empêche pas que l'auteur de la faute encoure une responsabilité extra-contractuelle pour le dommage ainsi causé à un tiers>> (Oass., 21 janvier 1988, Pas., 1988, I, p. 602 ; R.G.A.R., 1989, n° 11.563; R. W., 1988-1989, p. 675 et note E. DIRIX; Oass., 26 mars 1992, Pas., 1992, I, p. 675 ; Mons, 11 juin 1993, J. T., 1993, p. 741 ; Corn. Verviers, 16 mai 1990, Ann. Prat. Comm., 1990, p. 348; voyez aussi Cass., 13 novembre 1989, Pas., 1990, I, p. 298 ; J. T. T., 1990, p. 371 : dans cette espèce le juge du fond avait, à tort selon nous, appliqué la même règle entre contractants).

L'arrêt du 25 octobre 1990 confirme<< que l'auteur de ce man­quement, qu'il soit partie contractante ou l'agent d'exécution qu'elle s'est substitué, encourt une responsabilité extra-contrac­tuelle pour le dommage ainsi causé aux tiers avec lesquels il n'a pas été contracté>> (Cass., 25 octobre 1990, Pas., 1991, I, p. 210; R.O.J.B., 1992, p. 493 et note R.O. DALCQ).

La Cour a été beaucoup plus loin dans l'arrêt du 26 octobre 1990 (Pas., 1991, I, 216 ; R. O. J.B., 1992, p. 497 et note R.O. DALCQ) en affirmant :

i) que la circonstance qu'une infraction est commise lors de l'exécution du contrat ne fait obstacle ni à l'application de la

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loi pénale, ni à celle des règles relatives à la responsabilité civile résultant d'une infraction;

ii) que le dommage causé par une infraction ( << un fait léga­lement punissable >> selon l'arrêt) ne peut être considéré comme un dommage de nature exclusivement contractuelle pour le seul motif qu'il a été causé par la mauvaise exécution de l' obli­gation contractuelle de veiller à la sécurité de la victime qui incombait à son auteur ;

iii) que malgré les restrictions apportées par l'arrêt de 1973 au cumul des responsabilités- violation d'une obligation qui s'impose à tous et dommage étranger à l'inexécution du contrat (voyez aussi Cass., 9 novembre 1987, Pas., 1988, I, p. 296 ; Bruxelles, 16 octobre 1989, J.L.M.B., 1990, p. 618 et note D. PHILIPPE; Mons, 13 février 1990, Dr. circul., 1991, p. 37) -l'agent d'exécution ou l'auxiliaire peut toujours être déclaré responsable sur le plan extra-contractuel lorsque sa faute constitue une infraction ayant causé le dommage liti­gieux.

En ce qui concerne les conséquences de cette jurisprudence, nous renvoyons à notre note précitée (R.C.J.B., 1992, p. 495 et s.) tout en soulignant que l'arrêt du 26 octobre 1990 réduit considérablement la portée de l'arrêt du 7 décembre 1973 : pratiquement tous les accidents ayant pour cause une faute ayant entraîné un dommage corporel en sont exclus puisque, dans cette hypothèse, il y a toujours infraction pénale (cfr. dans ce sens, en matière sportive : Bruxelles, 1 juin 1988, R. W., 1989-1990, p. 1.401).

2. JuRISPRUDENCE FRANÇAISE. - Les hésitations de notre jurisprudence en ce qui concerne le cumul des responsabilités peuvent être comparées à celles de la jurisprudence française. Alors qu'en 1973, notre Cour de cassation limitait le recours aux règles de la responsabilité quasi délictuelle dans la sphère d'influence du contrat, sans pour autant étendre le domaine d'application de la responsabilité contractuelle, la Cour de cas­sation de France admettait l'extension de la responsabilité contractuelle en accueillant l'action directe du maître de l'ou­vrage contre les sous-traitants (1 e Ch. civ., 8 mars 1988, J.C.P., 1988, II, 21.070 et obs. P. JouRDAIN; pr Ch. civ., 21 juin 1988, J.C.P., 1988, II, 21.125 et obs. P. JouRDAIN;

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voyez aussi à ce sujet les commentaires de P. JoURDAIN dans sa chronique R.T.D.C., 1988, p. 760 et s.; voyez également F. GLANSDORFF, <<Réflexions complémentaires au sujet de l'ac­tion contractuelle directe du maître de l'ouvrage contre les sous-traitants et plus généralement au sein des groupes de contrats>>, R.G.A.R., 1990, n° 11.596; comparez Cass. belge, 14 décembre 1990, Pas., 1991, I, p. 375 ; voyez aussi Bruxelles, 28 octobre 1987, J.L.M.B., 1988, p. 312 et note P. RIGAUX; voyez E. MoNTERO, <<La responsabilité directe de l'entrepreneur sous-traitant envers le maître de l'ouvrage>>, R.G.A.R., 1989, no 11.445; voyez aussi P.H. DELVAUX, <<La responsabilité contractuelle du fait d'autrui et l'arrêt du 29 novembre 1984 de la Cour de Cassation>>, J. T., 1987, p. 420).

Au moment où notre Cour de cassation a limité la portée de la jurisprudence de l'arrêt du 7 décembre 1973 en écartant son application en cas d'infraction pénale, la jurisprudence fran­çaise a également fait marche arrière (voyez l'arrêt de la Cour de cassation de France statuant en assemblée plénière du 12 juillet 1991, Dal., 1991, Juris. p. 549 et note de J. GHESTIN, J.C.P., 1991, II, 27743 et note G. VINEY; voyez sur l'en­semble de l'évolution de la jurisprudence française dans ce domaine,<< Sous-contrat et responsabilité civile>>, par G. VINEY in Mélanges R.O. Dalcq, p. 611 et s., Ed. Larcier, 1994).

3. APPLICATIONS. - Le contrat de transport, le contrat d'entreprise, la responsabilité du fait des produits (cfr. P. VAN ÜMMESLAGHE, <<Examen de jurisprudence en matière de droit des obligations>>, R.C.J.B., 1986, p. 210, n° 102 et n° 103; Bruxelles, 13 novembre 1987, J.L.M.B., 1987, p. 1.460) sont sans doute les domaines priviligiés du concours des responsabi­lités.

Il n'est pas inutile, sans doute, d'insister à ce sujet sur la portée de la loi du 25 février 1991 concernant la responsabilité du fait des produits défectueux. Cette loi, prise en application d'une directive communautaire, supprime toute distinction entre l'action contractuelle et l'action quasi délictuelle (voyez à ce sujet le commentaire de FALLON, <<La loi du 25 février

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1991 relative à la responsabilité du fait des produits défec­tueux>>, J. T., 1991, p. 465 et s.).

Ne peut-on y voir l'amorce d'une évolution vers un rappro­chement des deux ordres de responsabilité qui ferait dispa­raître tout intérêt pour les discusions casuistiques dans les­quelles la jurisprudence se complaît actuellement (voyez à ce sujet les réflexions de Madame LAMBERT-FAIVRE,<< Fondement et régime de l'obligation de sécurité>>, Dal., 1994, Chr. p. 81)?

4. OBLIGATIONS DE SÉCURITÉ. -Le problème du concours des responsabilités ne se pose que si l'obligation violée trouve sa source dans le contrat, ce qui implique l'analyse du contenu de la convention. Le problème apparaît le plus souvent à pro­pos des obligations de sécurité et le juge du fond doit implici­tement ou explicitement répondre alors à deux questions : existe-il une obligation contractuelle de sécurité et dans l' affir­mative s'agit-il d'une obligation de moyen ou de résultat ?

Si l'obligation n'est qu'une obligation de moyen, la respon­sabilité du débiteur contractuel ne sera engagée que dans la mesure où la preuve de sa faute sera rapportée (voyez pour l'obligation de moyen de l'installateur d'un système d'alarme : Anvers, 24 avril 1990, Bull. Ass., 1990, p. 467 et obs. DENOËL; pour l'obligation de résultat de l'exploitant d'un car-wash : Ci v. Nivelles, 10 janvier 1991, Bull. Ass., 1991, p. 451 et note M. LAMBERT).

Notre jurisprudence n'a guère approfondi la notion d'obliga­tion de sécurité se contentant de distinguer entre obligations de moyen et de résultat. (voyez notamment Y. HANNEQUART, <<Le défaut de prévoyance en droit belge>>, R.T.D.O., 1994, p. 292 et s. ; voyez aussi CoRNELIS, <<Le sort imprévisible du dommage prévisible>>, note sous Cass., 11 avril1986, R.O.J.B., 1990, p. 79). Madame Lambert-Faivre dans l'étude précitée (supra, no 3) nous incite à approfondir l'analyse en soulignant la distinction à faire entre obligations de sécurité et la division entre obligations de moyen et de résultat pour considérer que les obligations de sécurité sont toujours des obligations déter­minées.

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CHAPITRE II. -LA FAUTE (articles 1382 et 1383 du Code civil)

5. LA FAUTE- NOTION. - Certains arrêts rendus ces der­nières années par la Cour de cassation engendrent quelque per­plexité ; ils paraissent parfois difficilement conciliables entre eux.

En 1944, la Cour suprême affirme que la violation d'une prescription légale ou réglementaire est constitutive de faute dès qu'elle est commise consciemment et librement, sauf cas fortuit ou force majeure, peu importe que l'agent ait commis une quelconque maladresse ou fausse manœuvre. Un arrêt iné­dit du 3 octobre 1994 reprend la même formule. Une formula­tion différente est adoptée dans l'arrêt du 13 mai 1982 où la Cour retient une faute dans le chef de l'autorité administrative lorsque celle-ci viole une obligation déterminée, sous réserve d'une erreur invincible ou d'une autre cause d'exonération de responsabilité. La référence au comportement conscient et libre est éludée. Enfin, dans un arrêt du 22 février 1989 (Pas., 1989, I, 631), la Cour va plus loin encore en affirmant que les obligations imposées par le Code de la route, plus particulière­ment celles énoncées à l'art. 10.1.1 o et 3°, sont des obligations de résultat.

Ces décisions sont généralement citées pour justifier que le seul manquement à la norme préétablie imposant une obliga­tion déterminée constitue en soi une faute, sans qu'il faille avoir égard à une prévisibilité de la conséquence dommageable dans le chef de l'agent ou à la comparaison avec le bon père de famille placé dans les mêmes circonstances.

Néanmoins, la Cour semble réintroduire la vérification de la prévisibilité du dommage préalable à la reconnaissance d'une faute dans le cas particulier de l'administrateur de société qui commet une infraction aux articles 574, 4° de la loi du 18 avril 1851 sur les faillites et 489 du Code pénal en ne faisant pas l'aveu de la faillite et ne déposant pas le bilan dans les trois jours de l'état de cessation de paiement, tel qu'imposé à l'ar­ticle 440 de cette loi. En effet, elle considère légalement justi­fiée la décision qui ne retient pas la responsabilité personnelle des administrateurs de la société pour le préjudice causé au

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vendeur et résultant du non-paiement de marchandises ache­tées à un moment où il n'est pas établi qu'ils avaient ou devaient avoir conscience que la société qu'ils géraient était en état de cessation de paiement ou que le crédit était ébranlé (Cass., 28 septembre 1988, R.C.J.B., 1990, p. 203 et note R.O. DALCQ, <<Appréciation de la faute en cas de violation d'une obligation déterminée>>; R. W., 1988-1989, 847; Cass., 18 mai 1990, Pas., 1990, I, 1069; Cass., 7 décembre 1990, T.R. V., 1991, p. 86 et note M.W., << Bestuurdersaansprakelij­kheid en aangifte van faillissement >> ; I. VEROUGSTRAETE et C. V AN BuGGENHOUT, << Faillissement en continuïteit van de onderneming >>, T.P.R., 1990, p. 1749 et 1750, n° 17; I. CoRBI­SIER, << Quelques réflexions en filigrane des développements récents qu'a connus le droit de la responsabilité des adminis­trateurs d'une personne morale>>, Rev. prat. soc., 1994, p. 5 à 118 ; L. CoRNELIS, << Fout en wetsovertreding in het handels­verkeer : enkele beschouwingen >>,in Mélanges Roger O. Dalcq, Responsabilités et assurances, Larcier, Bruxelles, 1994, p. 34 à 53).

Contredisant l'opinion bien établie selon laquelle le simple manquement à la loi est une faute, ces décisions semblent constituer le prolongement de la décision du 10 avril 1970 (Pas., 1970, I, 682) qui acquiert dès lors un nouvel éclairage. Tout en rappelant dans cet arrêt que le caractère conscient et libre de la transgression commise constitue en soi une faute, la Cour ne réaffirme toutefois pas explicitement le rejet de l'exa­men d'une imprudence, comme elle l'a fait dans la décision de 1944 précitée. Les décisions relatives à la responsabilité per­sonnelle des administrateurs de société paraissent déduire l'ab­sence de conscience de la situation effective de la société de l'évolution imprévisible des affaires des gérants, ce qui revient à exiger la prévisibilité du dommage dans leur chef (sur les cri­tiques que pareille conception engendre, voy. R.O. DALCQ, <<Appréciation de la faute en cas de violation d'une obligation déterminée>>, op. cit., p. 212.).

Pareille conception est en porte-à-faux avec les arrêts des 31 janvier 1944, 13 mai 1982 et 22 février 1989. L'étonnement est d'autant plus grand que la Cour de cassation a réaffirmé sa position traditionnelle dans une décision rendue le même

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jour que celle qui a constitué le point de départ de la nouvelle approche de la responsabilité personnelle des administrateurs de société (Cass., 22 septembre 1988, Pas., 1989, I, 83 ; J. T., 1989, p. llO; R. W., 1989-1990, p. 433). Elle a en effet cassé l'arrêt qui excluait toute responsabilité au motif que la trans­gression de l'article 158sexies du Règlement général pour la protection du travail n'allait pas à l'encontre des règles d'un comportement normalement prudent et ne constituait que l'omission d'une précaution exceptionnelle. Reprenant dans sa motivation la formulation de l'arrêt du 10 avril 1970, le juge du fond a subordonné l'existence d'une faute à la prévisibilité du dommage, même lorsqu'une norme légale déterminée est violée. La juridiction de renvoi a suivi la position de la Cour de cassation mais ajoute surabondamment que l'agent respon­sable est d'ailleurs un ouvrier qualifié, nettement plus âgé et expérimenté que les victimes, collègues de travail. Cet ajout est surprenant car il laisse transparaître le fruit défendu de la prévisibilité ainsi qu'une tentative de personnaliser le compor­tement de l'agent. (Bruxelles, 28 avril 1992, J.L.M.B., 1994, p. 40 et note G. ScHAMPS, <<La violation de la loi et la prévisi­bilité du dommage en matière aquilienne >>).

L'exigence de la prévisibilité du dommage se limiterait-elle dès lors au cas spécifique de la responsabilité personnelle des administrateurs de société ne respectant pas une norme déter­minée? Même s'il en est ainsi, la situation n'est pas favorable à la sécurité juridique puisque tantôt il reviendra au deman­deur d'établir que l'agent avait conscience de commettre une faute, tantôt ce sera le défendeur qui devra prouver la cause de justification en raison du renversement traditionnel de la charge de la preuve, en cas d'obligation déterminée.

6. PRÉVISIBILITÉ DU DOMMAGE. - Il est acquis que la viola­tion de l'obligation générale de prudence ne constitue une faute que si le dommage est prévisible dans les circonstances données. Suivant la jurisprudence constante de la Cour de cas­sation, il suffit que le dommage constitue une conséquence possible du comportement et que cette possibilité soit prévue, en manière telle que l'agent n'est responsable que s'il pouvait prévoir le préjudice et n'a pas pris les mesures nécessaires pour le prévenir. L'acte ne doit pas être de nature à causer nécessai-

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rement un dommage (Bruxelles, 6 novembre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 1135; voy. également quant à la responsabilité du banquier : << Que celui qui néglige d'ouvrir les yeux lorsqu'il avait l'obligation de le faire, ne peut se prévaloir légitimement de la circonstance qu'il n'a pas aperçu ce qu'il pouvait et devait voir>>, Bruxelles, 11 septembre 1987, Pas., 1988, II, p. 1 ; Comp. notre étude<< La prévisibilité du dommage est-elle une condition nécessaire de la faute?>>, in Mélanges en l'hon­neur du professeur H eenen).

Il n'est toutefois pas exigé que le responsable ait pu prévoir qui serait finalement la victime de l'homicide involontaire (Oass., 8 août 1990, Pas., 1990, I, 1260). Il s'agissait en l'es­pèce d'un trafic d'amphétamines où, selon le juge du fond, il était prévisible que la vente incontrôlée par quantité de dix grammes à la fois pour un usage indéterminé était susceptible de causer des accidents mortels.

L'agent ne doit pas non plus avoir une connaissance précise des conséquences possibles de son acte lorsqu'en raison du contexte où il se trouve, il ne pouvait légitimement exclure l'éventualité d'un risque à agir comme il l'a fait. Dès lors, si la seule possession d'ifs en milieu rural n'est pas fautive, tout homme normalement prudent et diligent est tenu d'empêcher qu'ils présentent un risque de dommage par leur caractère inapproprié à l'alimentation normale du bétail se trouvant dans la prairie voisine (Liège, 30 novembre 1992, Rev. rég. dr., 1993, p. 240).

Enfin, s'il est nécessaire qu'un dommage soit prévisible pour établir une faute dans le chef de l'agent, la seule prévisibilité d'une nuisance et du préjudice qui en découle ne constitue pas en soi une faute par défaut de prudence (Anvers, 17 février 1988, R. W., 1989-1990, p. 50 en matière d'environnement).

7. APPRÉCIATION DE LA PRÉVISIBILITÉ. - Selon la jurispru­dence constante de la Cour de cassation (Oass., 15 mai 1941, Pas., 1941, I, 192 ; Cass., 28 juin 1974, Pas., 1974, I, 1133 ; Oass., 26 juin 1975, Pas., 1975, I, 1046; Oass., 30 avril 1976, Pas., 1976, I, 944; Cass., 21 mars 1986, Pas., 1986, I, 910), la prévisibilité du dommage est appréciée au regard du critère abstrait du bon père de famille, c'est-à-dire un type d'homme abstrait, raisonnable, normalement soigneux et prudent,

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transposé dans une situation similaire appréciée concrètement. Cette appréciation se limite en théorie aux seules circonstances externes qui ont entouré l'agent, soit celles qui se rapportent à la région, au milieu, à l'époque, aux circonstances atmosphé­riques, à la classe sociale, aux habitudes sociales (Anvers, 17 février 1988, R. W., 1989-1990, p. 50 qui, en matière d'envi­ronnement, mentionne l'étendue de l'entreprise, le lieu d' éta­blissement, les environs, le climat; Liège, 22 mai 1986, J.L.M.B., 1987, p. 37 qui souligne le milieu rural, le moment de la journée; Liège, 29 octobre 1990, J.L.M.B., 1991, p. 766; R. G.A.R., 1993, no 12.214 en matière sportive). Elle rejette les éléments subjectifs propres à l'individu, tels que l'âge, le sexe, l'intelligence, les aptitudes personnelles, l'instruction (Bruxelles, 26 juin 1990, R.G.A.R., 1991, no 11.758, affaire du Heysel qui refuse de prendre en compte au pénal l'âge, le sexe, l'origine culturelle, le développement intellectuel, l'expérience de vie, l'état de santé et la capacité de réagir du prévenu en invoquant l'identité des fautes civile et pénale ; voy. la chroni­que publiée dans cette Revue, 1980, p. 361, no 5; M. Fauré et R. V AN DEN BERGH, << Efficienties van het foutcriterium in het belgisch aansprakelij kheidsrecht >>, R. W., 198 7-1988, p. 1105 et s.).

8. ÜRITÈRE DU BON PÈRE DE FAMILLE. - L'analyse de la jurisprudence qui s'est prononcée au fond ces trente dernières années laisse apparaître des positions plus nuancées. S'il est vrai que de nombreuses décisions se réfèrent expressément au critère abstrait du bon père de famille, d'autres laissent trans­paraître une personnalisation plus ou moins marquée du com­portement de l'agent lorsqu'il convient d'apprécier le caractère prévisible du dommage dans son chef, même si, pour éviter la cassation, elles rappellent dans leur motivation le critère abs­trait (voy. G. ScHAMPS, <<La prévisibilité du dommage en res­ponsabilité civile. De son incidence sur la faute et sur le rap­port de causalité>>, R.D.P. O., 1994, p. 380 et s.).

Applique strictement la référence au bon père de famille, le juge qui :

- décrit les obligations d'une certaine catégorie de per­sonnes, en l'espèce un accompagnateur attaché comme éduca-

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teur à un établissement d'éducation de l'Etat (Cass., 21 mars 1986, Pas., 1986, I, 911) ;

- considère que tout conducteur prudent doit raisonnable­ment s'attendre à ce que le fait de rouler en plein jour sur un objet abandonné implique que celui-ci puisse être projeté sur le côté (J.P. Merksem, 8 janvier 1987, Dr. Circul., 1987, p. 141) ;

- constate qu'une accumulation importante de boue dans une courbe de la chaussée la rendant humide et glissante constitue un obstacle sournois rendant la circulation dange­reuse même pour des conducteurs prudents et avisés et rend responsable la fermière qui, après le retour des véhicules à la ferme, s'est rendu compte de la terre répandue sur la chaussée mais n'a pas immédiatement nettoyé celle-ci (Civ. Charleroi, 13 novembre 1990, R.G.A.R., 1993, n° 12.221);

- énonce qu'il est prévisible que l'abandon d'une flaque d'eau de plusieurs centimètres de surface au bas d'un escalier puisse surprendre la personne qui emprunte celui-ci et provo­quer sa chute (Bruxelles, 28 mai 1990, R.G.A.R., 1993, n° 12.138);

- tient compte pour l'appréciation des responsabilités, en cas d'accident de roulage sur un terrain privé, des règles de prudence qui s'imposent aux usagers, les dispositions du Code de la route n'étant applicables à ce titre que par référence (Liège, 10 février 1993, B.A., 1993, p. 639) ;

- estime que le dépôt d'une boîte d'œufs devant la porte d'une habitation ne constitue pas une faute car un bon père de famille vérifie, avant de quitter sa demeure, s'il peut sortir sans danger, et a fortiori lorsqu'il déménage et porte de lourdes charges (Civ. Hasselt, 30 juin 1987, R.G.A.R., 1989, no 11.496; R.G.A.R., 1990, no 11.597).

Il en est également de même lorsque, appréciant la faute de la victime en cas d'accident survenu dans le cadre des trans:.. ports en commun, le juge :

- ne retient pas la responsabilité du voyageur qui, tenu de descendre du train avant que celui-ci reparte, ne devait pas s'attendre à la présence sur le quai, le long du train, d'un trac­teur des postes mais pouvait au contraire raisonnablement

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supposer que celui-ci s'arrêterait lors des montées et descentes des voyageurs. L'employé des postes n'a pas agi comme un conducteur normalement prudent en ne laissant pas une dis­tance suffisante entre son véhicule et le train et en n'adaptant pas sa vitesse de façon à pouvoir s'arrêter devant tout obs­tacle (Bruxelles, 20 février 1991, R. G.A.R., 1992, no 12.044) ;

- reconnaît dans le chef du passager d'un autobus un défaut de prudence en adoptant une attitude qui peut causer sa chute alors qu'il peut prévoir que l'autobus va s'arrêter (Bruxelles, 15 novembre 1989, Dr. Oircul., 1990, p. 280) ou encore en se levant, en cours de route sans s'assurer de pou­voir le faire sans danger pour lui-même et sans se tenir ferme­ment en cas de freinage brusque, chutant ainsi contre le pare­brise qui a éclaté en lui occasionnant des blessures (Civ. Has­selt, 15 septembre 1987, R.G.A.R., 1990, no 11.733 et obs. J. LIBOUTON).

9. INFÉRIORITÉS PSYCHOLOGIQUES. - Même si les infério­rités psychologiques de l'agent ne sont en principe pas prises en considération par la jurisprudence, diverses décisions pren­nent en compte sa supériorité intellectuelle ou physique, résul­tant de la profession ou du niveau de spécialisation au regard des règles de l'art et des techniques professionnelles (Anvers, 17 février 1988, R. W., 1989-1990, p. 50 en matière d'environ­nement ; Ci v. Turnhout, 21 septembre 1988, Turnh. Rechtsl., 1989, p. 67 quant à l'abattage d'un arbre pourri).

La jurisprudence effectue ainsi la comparaison entre la conduite de l'alter ego de la même spécialité ou du même niveau et le comportement :

- du médecin (Civ. Bruxelles, 22 janvier 1987, R.G.A.R., 1990, n° 11.747; Mons, 24 mars 1987, R.G.A.R., 1989, no 11.463; Bruxelles, 27 octobre 1988, R.G.A.R., 1990, no 11.687 avec la particularité qu'il s'agit d'une section spécia­lisée d'une clinique universitaire ; Bruxelles, 3 février 1989, R.G.A.R., 1991, no 11.817);

- de l'avocat (Civ. Bruxelles, 6 février 1991, J.T., 1991, p. 661) ;

- de l'officier de gendarmerie (Bruxelles, 26 juin 1990, R.G.A.R., 1991, no 11.758, affaire du Heyse!, qui tout en

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signalant la profession, les fonctions remplies quotidiennement par le prévenu et la formation reçue durant cinq années consé­cutives, prétend appliquer le critère abstrait de l'homme nor­malement prudent et diligent. En l'espèce, le capitaine de gen­darmerie chargé du commandement d'un escadron a commis diverses fautes en ce que, contrairement à l'exécution correcte de sa mission, il a fait preuve d'une absence totale de réaction en présence d'une situation qui aurait dû l'alarmer - avoir omis d'adapter le dispositif sur place et d'avertir le comman­dant de l'évolution des circonstances -, il est resté un long moment à l'extérieur du stade de football pour régler des in ci­dents mineurs et n'a pas veillé à faire respecter l'ordre verbal de maintenir libre le couloir de séparation des deux blocs où se trouvaient les supporters des équipes différentes) ;

- du camionneur (Liège, 26 novembre 1986, J.L.M.B., 1987, p. 719, obs. H. de Rode);

- du sportif, le respect de la norme de prudence est d'au­tant plus valable pour un sportif professionnel qui connaît ou est censé mieux connaître les limites de ses propres possibilités et des techniques adaptées qu'un amateur : Gand, 6 février 1992, R. W., 1992-1993, p. 570 et note M. ADAMS et M. VAN HoECKE, << Enkele rechtstheoretische en civielrechtelijke bedenkingen bij 'voetbal en aansprakelijkheid' >> et la décision prononcée sur renvoi après cassation pour un autre motif ; Anvers, 25 juin 1993, R. W., 1993-1994, p. 302 et note M. ADAMS, << Is risico-aanvaarding een zelfstandig juridisch concept ? >>; Liège, 29 octobre 1990, J.L.M.B., 1991, p. 766; R.G.A.R., 1993, no 12.214 qui souligne que s'il est dispensé de l'observation stricte du code de roulage, le participant commet une faute en n'adaptant pas son allure aux circonstances atmosphériques, à ses possibilités et à celles de son engin ; Corr. Tournai, 13 mai 1987, R. G.A.R., 1989, no 11.446 et la décision en appel Mons, 16 février 1988, R. G.A.R., 1990, n° 11.743; voy. nos 27 et s. concernant le sport).

Cette approche n'est pas nécessairement favorable à l'agent, sa conduite étant plus sévèrement appréciée puisqu'elle doit correspondre au degré d'aptitude qu'il est censé posséder. Les connaissances retenues sont, il est vrai, davantage liées à l'ac­tivité exercée qu'aux qualités personnelles de l'individu et

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ainsi objectivées, elles sont presque assimilables aux circons­tances externes. Par ailleurs, contrairement aux supériorités de l'agent qui alourdissent sa responsabilité, ses infériorités intellectuelles ne l'atténuent nullement. Sont ainsi favorisés les droits de la victime qui peut s'attendre à ce que des personnes moins douées n'entreprennent pas d'activités dépassant leurs compétences.

10. DIMINUTIONS PHYSIQUES. - En revanche les diminu­tions physiques sont parfois prises en compte pour reprocher à l'individu, dans la mesure où il connaissait ses infériorités, de ne pas avoir adapté son comportement en conséquence. Il en est principalement ainsi dans le domaine de la circulation routière. Est constitutif d'une faute antérieure au fait domma­geable direct, le fait de conduire un véhicule en sachant ou en devant savoir qu'on n'en possède pas les aptitudes physiques (J.P. Boussu, 12 juillet 1988, R.G.A.R., 1991, n° 11.764 en rai­son d'un état de fatigue et d'épuisement qui ne résulte pas d'une maladie quelconque mais d'importants efforts physiques consentis librement et volontairement durant une période déterminée; Bruxelles, 2 octobre 1990, B.A., 1991, p. 364; B.A., 1992, p. 261 où l'agent aurait dû s'abstenir de conduire alors qu'il avait souffert de douleurs moins d'une heure avant l'accident nécessitant la prise d'un médicament, alors qu'il était âgé de 71 ans et avait déjà subi plusieurs infarctus dans l'année). En revanche, aucun reproche ne peut être adressé à celui qui circule à bord d'un véhicule sur la voie publique alors qu'il ignorait légitimement son état de santé déficient (voy. la chronique, cette Revue, 1987, p. 670, n° 71).

11. AGE - ExPÉRIENCE. - L'âge, l'expérience et l'habi­tude de l'agent sont tantôt rejetés, tantôt accueillis favorable­ment. Il est à déplorer que même lorsqu'ils sont pris en compte, ils reçoivent parfois une portée différente dans des situations similaires quant aux circonstances concrètes et aux comportements dommageables (G. ScHAMPS, <<La prévisibilité du dommage en responsabilité civile. De son incidence sur la faute et sur le rapport de causalité>>, R.D.P.O., 1994, p. 383 et s. ; en ce qui concerne l'expérience, souvent retenue pour aggraver la responsabilité de l'individu, comp. Bruxelles, 28 juin 1988, R.G.A.R., 1990, no 11.729 avec Cass.,

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15 décembre 1958, Pas., 1959, I, 385 ; B.A., 1960, p. 289, obs. M.G. ; R.G.A.R., 1960, n° 6.483 et note R.O. DALCQ; voyez aussi le jugement a quo : Liège, 21 juin 1958, B.A., 1960, p. 287 et Corr. Liège, 13 décembre 1965, Jur. Liège, 1965-1966, p. 267 ; voy. également Civ. Hasselt, 26 septembre 1989, R. G. D. O. , 1990, p. 7 6 où le peu d'expérience professionnelle du jeune diplômé en médecine n'est pas élisif de responsabilité lorsqu'il n'a notamment pas adapté sa méthode de traitement au matériel existant à la clinique ; la trop grande confiance en soi et en son expérience a été retenue à charge dans une autre affaire : Cass., 6 novembre 1973, Pas., I, 258; Civ. Marche-en­Famenne, 13 décembre 1990, R.G.D.C., 1991, p. 185 où la cas­sure d'un feuillu en temps de gel n'est pas un cas fortuit lors­qu' elle survient au cours d'une manipulation destinée à faire pivoter le bois, celle-ci augmentant le risque théorique et connu de l'abatteur, fils d'un exploitant forestier et disposant de plusieurs machines personnelles; Bruxelles, 26 juin 1990, R.G.A.R., 1991, n° 11.758 dans l'affaire du Heysel, qui sou­ligne que l'officier de gendarmerie avait suivi une formation durant cinq années ; Civ. Louvain, 21 mai 1992, Dr. Circul., 1992, p. 286 qui tient compte de la connaissance préalable par­ticulière de l'auteur du fait, notamment celle que peut avoir un usager de la route quant à la disposition particulière des lieux ; Mons, 4 juin 1987, J.L.M.B., 1988, p. 175 où il est reproché à un ancien policier d'avoir perdu son sang-froid alors qu'il était peu familiarisé avec le maniement d'armes à feu, ayant principalement effectué durant toute sa carrière des tâches administratives, et d'avoir tiré en direction de jeunes gens ayant pénétré par escalade et perpétrant des actes de vandalisme dans la propriété de son demi-frère, avec une arme qu'il n'avait jamais utilisée auparavant, dont il n'avait aucune expérience et dont il n'ignorait pas les dangers ; voy. néan­moins Liège, 22 mai 1986, J.L.M.B., 1987, p. 37 qui décide que les conducteurs et les convoyeurs de troupeaux, qui en ont l'habitude et l'expérience, ont le droit d'emprunter l'itinéraire qu'ils estiment le plus opportun, sous réserve de prendre toutes les précautions nécessaires ; Bruxelles, 2 novembre 1987, R.G.A.R., 1989, no 11.514 qui ne reproche aucune faute au fermier qui a fait appel à des personnes d'expérience, agri­culteurs, pour l'assister ainsi que pour prêter assistance au

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vétérinaire lors du vêlage d'une vache; voy. également Civ. Malines, 14 mars 1988, Pas., 1988, III, p. 79 qui considère qu'un non-expert ne doit pas prévoir l'explosion d'une bou­teille remplie d'essence).

Alors que le critère de l'âge n'est en principe pas relevé pour qualifier le comportement fautif (Civ. Courtrai, 21 septembre 1987, R. W., 1988-1989, p. 1303; voy. les chroniques publiées dans cette Revue, 1973, p. 631, no 5 et 1980, p. 361, n° 5), il est quand même parfois ouvertement retenu pour déterminer le degré de diligence exigé dans le chef d'une personne âgée ou d'un enfant.

Ainsi, aucune faute d'inattention n'a été reprochée à une personne de 87 ans, pensionnaire d'un home pour personnes âgées, qui ne s'est pas rendu compte que la cabine de l'ascen­seur n'était pas au niveau du palier lors de l'ouverture de la porte (Liège, 19 janvier 1988, R.G.A.R., 1989, no 11.565). Il ne peut également être reproché à la victime âgée un éventuel comportement hésitant lorsqu'elle traverse la chaussée à un endroit où la visibilité est réduite mais pouvant se sentir en sécurité dans un passage protégé alors que le conducteur arrive à une allure dangereuse, non réglementaire et inadaptée aux circonstances (Corr. Liège, 17 avril 1989 et en appel Liège, 28 juin 1990, B.A., 1990, p. 818, obs. M. LAMBERT). En revanche, il a été décidé que même s'il est moins valide et âgé, un piéton doit réagir sur la voie publique comme tout usager de la route en adoptant les mesures de prudence appropriées aux circonstances pour éviter un accident (Bruxelles, 28 novembre 1989, R.G.A.R., 1991, n° 11.829).

Quant à l'appréciation de la conduite d'un enfant, il a été jugé que le fait de jouer avec des pétards ou de tenter de fabri­quer une petite fusée ne constitue pas en soi pour des adoles­cents de 16 et 17 ans, une activité illicite si les mesures élé­mentaires de prudence sont respectées. Ne commet pas d'im­prudence le mineur qui à cette fin invite un ami qui se prétend spécialiste et aide celui-ci à confectionner la fusée dont le mélange a explosé (Bruxelles, 20 février 1989, R.G.A.R., 1991, no 11.782; voy. aussi Bruxelles, 18 mai 1990, R.G.A.R., 1992, no 11.992 qui décide que la construction d'une cabane dans un arbre sur un terrain de camping constitue une activité normale

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pour des enfants de 14 ans bien que cela nécessite l'utilisation d'une hache; cons. toutefois Civ. Bruxelles, 10 janvier 1992, J. T., 1992, p. 643 lorsque ce sont des enfants atteints d'un handicap mental grave qui manipulent pareil instrument dan­gereux).

La prise en considération de l'âge n'entraîne pas nécessaire­ment l'indulgence dans l'appréciation du caractère illicite de l'acte. Ainsi, à 12 ans, l'enfant connaît les dangers inhérents à la mise à feu de pétards (Gand, 7 janvier 1986, publié partiel­lement in R. W., 1986-1987, col. 2660), un garçon de 11 ans est et doit être conscient des risques inhérents au feu et s'abstient normalement d'enflammer des allumettes à proximité de papiers dont le caractère particulièrement inflammable est bien connu et a fortiori se garde de les faire brûler dans une cave (Mons, 29 février 1988, R.G.A.R., 1990, no 11.636). Si la notion de danger ne signifie rien pour un enfant en bas âge, elle reçoit toute sa signification chez un adolescent de 13 ans, qui, à cet âge, a déjà fait l'expérience de certains risques que l'on prend inconsidérément et dont on fait les frais, le jeune garçon s'étant électrocuté en escaladant un pylône à haute tension, portant la mention << danger de mort >>. L'insouciance du danger ainsi manifestée ne peut se justifier compte tenu de son âge, du milieu social, de sa scolarité (Bruxelles, 1er mars 1989, R.G.A.R., 1991, no 11.784; voy. encore Anvers, 29 juin 1988, Turnh. recht., 1989, p. 27 qui décide qu'un adolescent de 14 ans doit, à son âge, être conscient des dangers propres au lancer du poids, lors d'un cours de gymnastique; Bruxelles, 21 juin 1991, R.G.A.R., 1991, no 11.856 qui juge que le fait pour une enfant de participer à un jeu de ville, ne la dispense pas, vu son âge, de respecter les règles de prudence prescrites dans le chef d'un piéton lorsqu'elle s'engage sur une chaussée ; voy. enfin Civ. Courtrai, 21 septembre 1987, R. W., 1988-1989, p. 1303 où le tribunal applique le critère abstrait du bon père de famille pour néanmoins refuser tout acte objectivement illi­cite dans le chef d'un enfant de 11 ans qui lance des petits cail­loux dans une boîte de fer car le dommage - le bris d'une dent d'une fillette se trouvant à proximité- n'était pas pré­visible pour une personne normalement prudente. Jou er n'est pas en soi fautif; voy. toutefois Bruxelles, 8 janvier 1988,

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R.G.A.R., 1990, no 11.717 qui décide que le lancer d'une lampe de poche dans l'obscurité alors qu'un compagnon de jeu est présent est un acte objectivement illicite. Même s'il ne s'agit pas en soi d'un jeu dangereux, le bris d'une dent n'est pas une conséquence normale et acceptée du jeu. Ne constitue en revanche pas un acte objectivement illicite selon une personne normalement prudente, le fait de donner de l'herbe fraîche­ment tondue à un cheval (Civ. Marche-en-Famenne, 12 novembre 1987, R.G.A.R., 1990, no 11.730).

12. DISCERNEMENT. -Un enfant qui n'a pas atteint l'âge du discernement ne peut engager sa responsabilité personnelle, même s'il a commis un geste impulsif qui aurait été qualifié d'imprudence dans le chef d'une personne responsable (voy. les chroniques précédentes, cette Revue, 1980, p. 397, no 47bis et 1987, p. 610, no 7 et p. 670, n° 70). Après avoir souligné que cette solution unanimement admise ne vaut toutefois que pour le préjudice provoqué à autrui, une juridiction a fait supporter par un mineur d'âge non doué de discernement une partie du dommage (un quart) qu'il s'est causé à lui-même, aucun texte de loi ne lui imposant de préserver son intégrité physique (Corr. Liège, 25 novembre 1991, Dr. Circul., 1993, p. 10, alors que l'enfant, âgé de 5 ans et 4 mois, a traversé la chaussée sans prendre garde au véhicule qui survenait de façon parfai­tement visible). Cette décision est contraire à l'arrêt de la Cour de cassation du 3 mai 1978 (Pas., 1978, I, 1012) qui considère que l'auteur d'une faute ne peut opposer à l'enfant non doué de discernement l'acte objectivement illicite qu'il a commis, afin d'obtenir un partage de responsabilité (comp. Bruxelles, 21 juin 1991, R.G.A.R., 1991, no 11.856, qui parle tantôt de faute, tantôt d'acte objectivement illicite tout en retenant 1 p.c. de responsabilité à charge d'une enfant de 10 ans qui a traversé le passage pour piétons alors que la présence du motocycliste était visible).

L'absence de discernement passagère à la suite d'une défail­lance cardiaque au volant n'exclut pas la responsabilité de l'agent s'il avait connaissance de son affection en raison de plusieurs infarctus subis durant l'année et d'une alerte mani­festée au cours des heures précédant l'accident (Bruxelles, 2 octobre 1990, B.A., 1991, p. 364; B.A., 1992, p. 261). Par

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ailleurs, la survenance d'un malaise est tout à fait prévisible lorsque celui qui en est victime se trouve dans un état de fati­gue et d'épuisement qui ne résulte pas d'une maladie quelcon­que mais d'efforts physiques importants, consentis volontaire­ment et librement durant une période déterminée. Elle ne constitue dès lors pas un cas fortuit qui doit être pris en charge par le Fonds Commun de Garantie Automobile (art. 50 de la loi du 9 juillet 1975) (J.P. Boussu, 12 juillet 1988, R.G.A.R., 1991, n° 11.764). En revanche, il ne peut être reproché au conducteur de ne pas s'être comporté en bon père de famille lorsqu'il prend le volant alors qu'une thrombose cérébrale est en train de se produire l'empêchant de prendre conscience de son incapacité de conduire (Anvers, 17 avril 1987, B.A., 1987, p. 490 obs. Ch. KoNINGs).

13. PRUDENCE SPÉCIALE.- En vertu de l'art. 40.2 du Code de la route, le conducteur est tenu de redoubler de prudence en présence de personnes âgées, handicapées ou d'enfants (Bruxelles, 2 avril 1987, R. G.D. O., 1989, p. 346 et note D. DELl, <<De aansprakelijkheid van de ouders voor verkeers­overtredingen van hun minderjarige kinderen en de verplich­ting tot 'dubbele voorzichtigheid' van de bestuurder t.a.v. kinderen in het verkeer >>. Il est ainsi parfois tenu compte de l'âge des enfants (Bruxelles, 20 décembre 1990, R.G.A.R., 1993, n° 12.204), de leur situation sur la voie publique (Anvers, 5 mars 1986, Dr. Oircul., 1987, p. 39, petit enfant jouant avec son vélo sur le trottoir ; Bruxelles, 4 janvier 1988, R. W., 1988-1989, p. 1132; Bruxelles, 21 juin 1991, R.G.A.R., 1991, no 11.856), de leurs activités, du fait qu'ils sont ou non accompagnés (Gand, 7 octobre 1986, Dr. Oircul., 1987, p. 319; Liège, 22 mai 1986, J.L.M.B., 1987, p. 37). Il convient toute­fois que le conducteur ait pu ou dû apercevoir ceux-ci en temps utile. Il n'en est pas ainsi parce que constitue un obs­tacle imprévisible une fillette de moins de cinq ans, double­ment masquée par une voiture en stationnement et par son père, dont le bras gauche, encombré d'un enfant, forme un écran supplémentaire (Bruxelles, 26 mars 1992, B.A., 1992, p. 753, obs. M. LAMBERT) ou lorsque le piéton est<< âgé certes, mais apparemment attentif et bénéficiant d'une excellente visibilité>>. Celui-ci a adopté un comportement imprévisible en

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s'engageant brusquement, après plusieurs hésitations, sur la chaussée alors que le conducteur en était trop rapproché pour l'éviter (Bruxelles, 4 octobre 1991, R. G.A.R., 1992, no 12.031).

14. ÛRDRE PUBLIC ET ARTICLES 1382 ET S. DU CODE CIVIL. - Les dispositions légales relatives à la responsabilité résultant d'un acte illicite ne sont ni d'ordre public ni impéra­tives. C'est ce que la Cour de cassation a récemment rappelé en déclarant irrecevable le moyen nouveau fondé sur la viola­tion des articles 1382 et 1383 du Code civil (Cass., 15 février 1993, R. W., 1992-1993, p. 1341 ; Cass., 4 janvier 1993, J. T. T., 1993, p. 328 et note; Cass., 12 décembre 1986, Pas., 1987, I, 462 ; J. T., 1987, p. 381).

15. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ. - Depuis l'arrêt du 17 mai 1957 (Cass., 17 mai 1957, Pas., 1957, I, 1111 ; R.C.J.B., 1957, p. 192 et note R. VANDER ELST), la jurispru­dence la lex loci delicti, en cas d'accident survenu à l'étranger, c'est-à-dire la loi du lieu du fait générateur de l'accident car la matière de la responsabilité civile se rattache aux lois de police au sens de l'article 3, alinéa l er, du Code civil (Cass., 12 avril 1985, Pas., 1985, I, 979 ; J. T., 1986, p. 600 ; R.G.A.R., 1987, no 11.214; Bruxelles, 2 janvier 1986, Rev. dr. comm. b., 1987, p. 425; Bruxelles, 27 novembre 1986, R.G.D.C., 1988, p. 113 et note L. BARNICH, qui souligne en outre que la subrogation aux droits de la victime se rattache à la loi régissant l'obligation en vertu de laquelle le subrogeant a payé la dette; Cass., 10 mars 1988, B.A., 1988, p. 659, obs. J.R. ; R. W., 1988-1989, 403), sous réserve de l'existence d'une convention internationale en vigueur qui règle autrement la question (pour un examen de la jurisprudence et de la doctrine sur le sujet, voy. B. HANOTIAU et M. FALLON,<< Les conflits de lois en matière d'obligations contractuelles et non contrac­tuelles>>, J.T., 1987, p. 117).

Deux décisions ont par ailleurs appliqué l'article 18 de la loi belge sur le contrat de travail du 3 juillet 1978 à la responsabi­lité aquilienne résultant d'une faute commise sur le territoire belge par un travailleur étranger dont le contrat de travail était régi par une loi étrangère (Anvers, 8 novembre 1989, Pas., 1990, II, lOO; R.G.A.R., 1991, no 11.763 et Bruxelles,

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26 juin 1990, R.G.A.R., 1991, no 11.762, affaire du Heysel, et obs. R. VANDER ELsT). Alors que les règles relatives à la res­ponsabilité civile ne sont pas d'ordre public (voy. no 4), le pre­mier arrêt a en outre transposé dans ce droit le caractère d'ordre public accordé à cette disposition en droit social qui prévoit que le travailleur ne peut être tenu que de son dol, de sa faute lourde ou légère habituelle.

16. RÉGIONS. - Quant aux Régions, les procédures judi­ciaires relatives à la responsabilité civile sont comprises dans les obligations qui leur sont transférées, en ce qui concerne les compétences qui leur sont attribuées par la loi du 8 août 1988 modifiant la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institu­tionnelles (L. de financement du 16 janvier 1989, art. 61, par. pr, al. 1er) (Cass., 24 avril 1992, Pas., 1992, I, 747, obs.). Cette disposition de la loi de financement est une règle géné­rale de droit commun (Bruxelles, 5 mars 1992, Pas., 1992, II, p. 36).

17. CONTRÔLE DE LA COUR DE CASSATION. - Ainsi qu'il a été constaté lors des chroniques précédentes (cette Revue, 1987, p. 607, n° 5 et 1980, p. 360, n° 4), la Cour de cassation a rarement l'occasion de contrôler l'application du concept de la faute par le juge du fond. Alors qu'il revient à ce dernier d'apprécier souverainement les faits de l'espèce, la Cour Suprême se doit de vérifier si ceux -ci justifient les consé­quences que le juge en déduit en droit, notamment si ces déductions respectent les notions légales de faute et de lien causal (Cass., 8 octobre 1992, Pas., 1992, I, 1124 et conc. de l'Av. Gén. Piret; Dr. circul., 1993, p. 75). Afin de permettre ce contrôle, le juge du fond est tenu de préciser les éléments constitutifs de la négligence retenue à charge du responsable (Cass., 22 mars 1988, Pas., 1988, I, 877 ; Cass., 3 février 1989, Pas., 1989, 594; R. W., 1989-1990, p. 619).

Est ainsi entaché de contradiction le jugement qui déclare établie la faute civile mais non l'infraction alors que le défaut de prévoyance ou de précaution, au sens des articles 418 du Code pénal et suivants, correspond, selon la Cour de cassation, à la négligence ou à l'imprudence visée à l'article 1382 du Code civil (Cass., 19 février 1988, Pas., 1988, I, 733 et note; Dr.

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Circul., 1988, p. 325; R. W., 1988-1989, p. 159). Par cette affir­mation, la Cour reste, hélas, encore attachée à l'identité des fautes civile et pénale dans l'hypothèse de coups et blessures involontaires (voy. également Cass., 26 octobre 1990, Pas., 1991, I, 216; R.C.J.B., 1992, p. 497 et note R.O. DALCQ, << Restrictions à l'immunité de responsabilité de l'agent d' exé­cution>>; Bruxelles, 26 juin 1990, R.G.A.R., 1991, no 11.758, affaire du Heysel, où la Cour a refusé de prendre en compte au répressif les caractéristiques personnelles du prévenu, opé­rant ainsi une objectivation de la faute pénale), quoique de nombreux auteurs en aient souligné les iniquités (voy. les tra­vaux concernant Le défaut de prévoyance à l'épreuve des faits et du droit. Droit belge et droit comparé, Séminaire <<Université­Monde judiciaire>>, sous la direction de Ch. HENNAU­HuBLET, R.D.P.C., mars-avril 1994, p. 229 à 587; A. MEEUS, <<Faute pénale et faute civile>>, R.G.A.R., 1992, no 11.900; P.­H. DELVAUX et G. ScHAMPS, <<Unité ou dualité des fautes pénale et civile : les enjeux d'une controverse>>, R.G.A.R., 1991, n° 11.795; G. ScHAMPS, <<Unité des fautes civile et pénale : une brèche>>, J.L.M.B., 1991, p. 1165 et s. ; Ch. HEN­NAU-HUBLET et J. VERHAEGEN, Droit pénal général, Bruylant, Bruxelles, 1991, spéc. p. 302 et s., nos 410 et s. ; Ch. HENNAU­HUBLET, L'activité médicale et le droit pénal, Bruxelles, Bruy­lant, 1987, p. 368 et s., nos 739 et s., p. 391 et s., nos 780 et s.; W. WILMS, De verjaring van de burgerlijke vordering voortsprui­tend uit een misdrijf, Kluwer rechtswetenschappen, Anvers, 1987; quant à l'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil, voy. Cass., 15 février 1991, Pas., 1991, I, 572; R. W., 1991-1992, p. 15 et les conclusions de l'avocat général G. D'Hoore; J.L.M.B., 1991, p. 1159 et note F. PIEDBCEUF, <<Quelle est encore l'étendue de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le procès civil ultérieur 1 >>; B.A., 1991, p. 276 et note J. RuT­SAERT, <<De l'autorité de la chose jugée au pénal et du droit des tiers à un procès équitable au civil>>; J. T., 1991, p. 741 et note R.O. DALCQ; R.G.A.R., 1991, no 11878 et note P.­H. DELVAUX, <<La fin de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil; Dr. Circul., 1991, p. 144; cette Revue, 1992, p. 5 et note F. RIGAUX, <<L'érosion de l'autorité 'erga omnes' de la chose jugée au pénal par la primauté du droit au procès équitable>>; Rev. trim. dr. h., 1992, p. 227 et note

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M. Franchimont ; L. INGBER, I. DE SAEDELEER et A. RENARD, <<L'arrêt de la Cour de cassation du 15 février 1991, l'autorité erga omnes de la chose jugée au pénal et ses effets sur l'admi­nistration de la preuve en matière civile : encore une révolu­tion ... >>, in Chronique de droit civil belge, Rev. trim. dr. civ., 1992, no 4, p. 844; voy. également Cass., 6 mai 1993, cette Revue, 1994, p. 163 et note F. RIGAUX, <<Sursis pour un condamné : l'autorité au civil de la chose jugée au pénal>>).

Le maintien du principe de l'unité des fautes civile et pénale paraît au surplus difficilement conciliable avec la solution adoptée par l'arrêt de la Cour de cassation du 13 janvier 1994, permettant de reporter le point de départ de la prescription d'une action civile née d'une infraction jusqu'au moment où l'état de la victime a permis de déterminer l'infraction (Cass., 13 janvier 1994, J.T., 1994, p. 291 et obs. R.O. DALCQ).

La Cour de cassation a également déclaré contradictoire l'arrêt qui condamne le conducteur d'un véhicule automobile pour coups et blessures involontaires lors d'un accident de la circulation, tout en relevant que la survenance d'un enfant sur la chaussée à quelques mètres au-delà d'un passage pour pié­tons constitue un obstacle prévisible mais que la présence inconsidérée d'un camion sur ce passage a pu rendre partielle­ment imprévisible l'arrivée de l'enfant (Cass., 1er juin 1988, Pas., 1988, 1183).

18. PREUVE DE LA FAUTE. - Il est traditionnellement admis que le simple fait de causer un dommage ou de se livrer à une activité de nature à entraîner un préjudice n'est pas par lui-même constitutif de faute (voy. les références citées par G. ScHAMPS, <<La prévisibilité du dommage en responsabilité civile. De son incidence sur la faute et sur le rapport de causa­lité>>, R.D.P. C., 1994, p. 377). C'est ce que souligne la Cour de cassation lorsqu'elle casse une décision admettant l'existence d'une faute au seul motif qu'il ressort du rapport d'expertise qu'un lien de causalité existe entre les travaux exécutés par l'agent et le dommage (Cass., 14 décembre 1990, Pas., 1991, 370; J. T., 1991, p. 743; Dr. Circul., 1991, p. 112; voy. égale­ment Corr. Verviers, 16 février 1988, J.L.M.B., p. 558, en matière sportive; Civ. Malines, 14 mars 1988, Pas., 1988, III, 79, quant à l'introduction dans une maison d'une bouteille

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d'essence qui explose). Dans le même sens, l'existence d'un déficit de caisse n'implique pas la preuve d'une faute légère habituelle dans le chef d'un travailleur (C.T. Mons, 19 avril 1990, J. T. T., 1990, p. 426).

Encore faut-il établir dans le chef du défendeur la violation d'une obligation préexistante pouvant se traduire en deux normes de conduite (voy. la définition fournie par J. Dabin et A. Lagasse lors de leur chronique publiée .dans cette Revue, 1949, p. 57, n° 15, qui, toujours actuelle, résume les différentes acceptions émises ; cons. également les conclusions du premier avocat général J. Velu précédant Cass., 19 décembre 1991, Pas., I, 316, sp. p. 358 quant à la responsabilité de l'Etat pour les fautes commises par les magistrats dans l'exercice de leurs fonctions).

L'une est insérée dans une loi, un règlement ou un traité international ayant des effets directs dans l'ordre juridique interne. Elle peut imposer de façon précise un comportement bien déterminé ou au contraire édicter de manière générale une obligation de prudence. L'autre n'est pas préétablie et se confond notamment avec les règles de la vie sociale compre­nant une grande variété d'obligations indéterminées, qualifiées de diligence ou de prudence. Par ailleurs, le respect de la pre­mière ne dispense pas de la seconde (voy. en matière d'envi­ronnement Anvers, 17 février 1988, R. W., 1989-1990, p. 50).

Lorsque la loi interdit un comportement précis ou impose un acte bien défini, la faute est démontrée par le simple man­quement à cette règle, selon une doctrine et une jurisprudence constante (voy. e.a. L. CoRNELIS, Principes du droit belge de la responsabilité extra-contractuelle, vol. I., Bruylant, Bruxelles, Maklu Uitgevers, Antwerpen-Apeldoorn, ced. Samson, Bruxelles, 1991, p. 65, no 40). Il ne convient pas de rechercher si tout homme normalement prudent et raisonnable, placé dans les mêmes circonstances, aurait agi de même ou si le dommage était prévisible. Le défendeur échappera toutefois à la responsabilité s'il établit l'existence d'une erreur invincible ou d'une autre cause de justification (voy. l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 mai 1982 signalé dans la chronique précédente, cette Revue, 1987, p. 609, no 6). Il assume en quel­que sorte une présomption de faute, une obligation de résultat.

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En revanche, la violation d'une obligation indéterminée -aussi qualifiée de moyen -, qu'elle soit légale ou non, requiert la vérification de la norme de prudence bafouée ainsi que la détermination d'une faute. Il s'agira en ce cas de comparer le comportement du défendeur par rapport à celui du bon père de famille placé dans des circonstances identiques, eu égard à la prévisibilité possible du dommage dans son chef (sur la nature du dommage prévisible, voy. Y. HANNEQUART, <<Le défaut de prévoyance en droit belge>>, R.D.P. C., 1994, p. 292 et s., ainsi qu'en matière contractuelle, L. CoRNELIS, << Le sort imprévisible du dommage prévisible>>, note sous Cass., 11 avril 1986, R.C.J.B., 1990, p. 79).

Des reconnaissances éventuelles de responsabilité ne lient pas les tribunaux, les parties pouvant se tromper sur la portée ou l'étendue de leurs droits (Bruxelles, 3 février 1988, Dr. Cir­cul., 1988, p. 225).

CHAPITRE III.- LA FAUTE ET SES APPLICATIONS

(Articles 1382 et 1383 du Code civil)

19. ABus DE DROIT. - L'arrêt de la Cour de cassation du 19 novembre 1987 décide qu'il peut y avoir abus de droit lors­qu'un droit est exercé sans intérêt raisonnable et suffisant, notamment lorsque le préjudice causé aux tiers est sans pro­portion avec l'avantage recherché par le titulaire du droit (Pas., 1988, I, 332; R. W., 1987-1988, p. 1060). Cet arrêt s'ins­crit dans le cadre d'une jurisprudence qui devient classique. Toute faute commise dans l'exercice d'un droit est constitu­tive d'un abus de droit, l'absence d'intérêt raisonnable ou davantage en proportion du préjudice causé révélant l' exis­tence de la faute ( cfr. notre examen de jurisprudence : cette Revue, 1987, p. 613, no 14; Cass., 18 juin 1987, Pas., 1987, I, 1299 ; J. T., 1988, p. 156).

La Cour de cassation a consacré dans diverses décisions la conception selon laquelle il suffit que le droit ait été exercé d'une manière qui dépasse manifestement les limites de l' exer­cice normal par une personne prudente et diligente. L'inten­tion de nuire, l'usage téméraire, vexatoire ou encore de la

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façon la plus dommageable pour autrui, ne sont que des cri­tères permettant de révéler la faute (Cass., 10 septembre 1971, Pas., 1972, I, 28 et la note W.G., voy. les chroniques précé­dentes, cette Revue, 1973, p. 635, no 12 et 1987, p. 613, n° 14; Cass., 20 novembre 1987, Pas., 1988, I, 337; R. W., 1987-1988, p. 1099 ; Cass., 19 octobre 1989, Pas., 1990, I, 212; voy. J.P. Kontich, 1er décembre 1988, R. W., 1989-1990, p. 59 sur l'in­tention de nuire ; sur le fait de construire de la manière la plus nuisible, J.P. Huy, 2 février 1989, J.J.P., 1989, p. 276; voy. également E. KRINGS, <<Aspects de la contribution de la Cour de cassation à l'édification du droit>>, J. T., 1990, p. 548, nos 16 et 17 ; infra, no 20).

La sanction de l'abus de droit trouve son fondement dans l'article 1382 du Code civil lorsqu'il concerne la responsabilité aquilienne tandis qu'en matière contractuelle, l'abus de droit est régi par le principe de l'exécution de bonne foi des conven­tions consacré par l'article 1134 du Code civil, contrairement à ce qu'affirme une certaine doctrine (L. CoRNELIS, <<Principes du droit belge de la responsabilité extra-contractuelle>>, vol. I, Bruylant, Bruxelles, Maklu Uitgevers, Antwerpen-Apeldoorn, ced. Samsom, Bruxelles, 1991, p. 97 et s. ; voy. également les auteurs cités par S. STIJNS, <<Abus, mais de quel(s) droit(s) ? Réflexions sur l'exécution de bonne foi des contrats et l'abus de droits contractuels>>, J. T., 1990, p. 35, note 43).

Sont invoqués à l'appui de ces considérations relatives au droit conventionnel les arrêts que la Cour de cassation a pro­noncés e.a. les 19 septembre 1983 (Pas., 1984, I, 55 ; R. O. J.B., 1986, p. 282 et note J.-L. FAGNART, <<L'exécution de bonne foi des conventions : un principe en expansion >> ; voy. également la chronique précédente, cette Revue, 1987, p. 616, n° 15), 16 janvier 1986 (Pas., 1986, I, 601 ; J. T., 1986, p. 404 ; R.G.D.C., 1987, p. 130; Rev. rég. dr., 1986, p. 37; R. W., 1987-1988, col. 1470 et note A. VAN ÜEVELEN, <<De goede trouw bij de keuze tussen de gerechtelijke ontbinding en de gedwongen uitvoering van een wederkerige overeenkomst (art. 1154, B.W.)>>; R.C.J.B., 1991, p. 6 et note M. FoNTAINE,<< La mise en œuvre de la résolution des contrats synallagmatiques pour inexécution -fautive>>) et 18 février 1988 (Pas., 1988, I, 728 ; R. W., 1988-1989, p. 1226 ; Rev. dr. comm. b., 1988, p. 696 et

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note DIRIX, p. 660, << Over de beperkende werking van de goede trouw >>; voy. également Cass., 18 juin 1987, Pas., 1987, I, 1295; R. W., 1987-1988, col. 503; Cass., 20 novembre 1987, Pas., 1988, 337; Cass., 10 juin 1988, Pas., 1988, I, 1212; R. W., 1988-1989, col. 771 ; Cass., 19 octobre 1989, Pas., 1990, 212, obs. ; J. T., 1990, p. 101 ; R. W., 1989-1990, p. 1254 ; Cass., 30 novembre 1989, Pas., 1990, I, 392; Cass., 30 janvier 1992, Pas., 1992, I, 475; J.L.M.B., 1992, p. 650; Rev. rég. dr., 1992, p. 256; cette Revue, 1994, p. 163 et note P.-A. FoRIERS, << Observations sur le thème de l'abus de droit en matière contractuelle>>; voy. également Cass., 17 mai 1990, Pas., 1990, I, 1061 ; J. T., 1990, p. 442; J.L.M.B., 1990, p. 881 obs. P. HENRY, qui, concernant la rechtsverwerking, souligne qu'il n'existe pas de principe général du droit selon lequel un droit subjectif se trouve éteint ou en tout cas ne peut plus être invo­qué lorsque son titulaire a adopté un comportement objective­ment inconciliable avec ce droit, trompant ainsi la confiance légitime du débiteur et des tiers ; voy. e.a. L. CoRNELIS, << Rechtsverwerking : een toepassing van de goede trouw >>, T.P.R., 1990, p. 545 et s.; S. STIJNS, <<La 'rechtsverwerking' : fin d'une attente (dé )raisonnable ? Considérations à propos de l'arrêt de la Cour de cassation du 17 mai 1990 >>, J. T., 1990, p. 685 et s. ; P.-A. FoRIERS, note précitée, p. 234 et s.).

D'aucuns y ont vu en outre une reconnaissance par la Cour de cassation d'une fonction<< restrictive>> ou <<modératrice>> de la bonne foi en tant que norme de comportement dans l'exécu­tion des conventions, considération davantage répandue dans la partie néerlandophone du pays. D'autres craignent que la référence à la bonne foi aille de pair avec des exigences plus élevées à charge des parties que celles imposées aux tiers. La discussion porte également sur la détermination des droits contractuels susceptibles d'abus. Une controverse existe par ailleurs quant au critère de la faute où certains n'admettent pas une adéquation entre le critère général de la faute -l'exercice d'un droit que n'aurait pas effectué un homme pru­dent et diligent - et celui de l'abus, dont le champ d' applica­tion serait plus restreint. Enfin, la question du contrôle margi­nal est également soulevée, c'est-à-dire l'opinion selon laquelle le juge ne peut intervenir que si l'acte dépasse manifestement

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la marge d'appréciations divergentes de personnes raison­nables (voy. pour les développements sur ces sujets, S. STIJNS, <<Abus, mais de quel(s) droit(s) ? >>, J. T., 1990, 35 et s. et la note relative à la rechtsverwerking précitée, J. T., 1990, p. 686 et la doctrine citée ; Ci v. Turnhout, 25 mars 1991, R. W., 1992-1993, p. 963 qui se réfère à l'approche marginale en matière de bail).

20. CRITÈRES DE L'ABUS DE DROIT. -Les critères invoqués pour caractériser l'exercice fautif d'un droit ont trait notam­ment au choix du mode d'exécution le plus préjudiciable pour l'autre partie, sans utilité appréciable pour le titulaire du droit (Cass., 16 janvier 1986, op. cit., 601 (voy. no 19) où l'inexécu­tion fautive de ses obligations par une partie à un contrat synallagmatique ne la prive pas du droit d'invoquer l'abus dont fait preuve l'autre partie en effectuant un choix entre l'exécution forcée et la résolution de la convention, article 1184 du Code civil; J.P. Huy, 5 février 1993, J.J.P., 1993, p. 335, obs.) ou à la disproportion entre l'avantage recherché et l'intérêt lésé (Cass., 19 septembre 1983, op. cit., 55; Cass., 18 juin 1987, op. cit., 1295; Cass., 19 novembre 1987, Pas., 1988, I, 332; R. W., 1987-1988, p. 1060; Cass., 30 janvier 1992, op. cit., 4 75 ; Corn. Malines, 16 mai 1986, Rev. dr. comm. b., 1987, p. 150 et note A. DE CALUWE; Civ. Huy, 16 juin 1986, Jur. Liège, 1986, p. 505 ; Civ. Liège, 1er octobre 1986, Jur. Liège, 1986, p. 695 ; Civ. Charleroi, 22 mars 1988, R.G.D.C., 1989, p. 397 quant aux articles 35 et 36 du Code rural; Civ. Arlon, 5 mai 1989, J.L.M.B., 1989, p. 1189; Bruxelles, 25 mai 1989, J. T., 1989, p. 536 ; Mons, 21 novembre 1989, J.L.M.B., p. 485, obs. P.H., en matière de saisies; Liège, 27 novembre 1990, J.L.M.B., 1991, p. 687; Bruxelles, 30 novembre 1989, J.L.M.B., 1991, p. 812 ; Civ. Charleroi, 22 juin 1990, J. T., 1991, p. 10, dans des conditions où, vu l'inertie de la ville durant des mois, le bénéficiaire d'une autorisation ministérielle pouvait légitimement considérer que celle-ci, même contraire au plan particulier d'aménagement, ne pouvait plus être contestée ; Anvers, 12 novembre 1992, R. W., 1992-1993, p. 1169 et note G. VAN HAEGENBORGH, << Bewarend beslag, kantonnement en bankgarantie >>; Liège, 1er décembre 1992, J.L.M.B., 1993, p. 820; Rev. rég. dr., 1993, p. 149 en

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matière d'assurances; Bruxelles, pr octobre 1991, Entr. et dr., 1992, p. 65 quant au contrat d'entreprise; J.P. Louveigné, 12 janvier 1993, J.J.P., 1993, p. 185 sur l'interdiction de maintenir une haie à une hauteur de deux mètres cinquante, même si elle est légale, lorsqu'il en résulte pour le voisin des récoltes de qualité inférieure à la moyenne ; voy. également W. VAN GERVEN, <<Principe de proportionnalité, abus de droit et droits fondamentaux >>, J. T., 1992, p. 305).

21. APPLICATIONS DE LA THÉORIE DE L'ABUS DE DROIT. -Les litiges se référant à la théorie de l'abus de droit sont variés, voyez notamment :

- en matière commerciale : Cass., 24 septembre 1992, Pas., 1992, I, 1049 ; Rev. dr. comm. b., 1993, p. 650, obs. ; J.L.M.B., 1993, p. 686; R. W., 1992-1993, p. 685 où le refus d'approvi­sionner un débiteur peut constituer un abus de droit et être sanctionné comme un acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale au sens de l'article 54 de la loi sur les pratiques du commerce du 14 juillet 1971 lorsqu'il n'est pas fondé sur des critères objectifs mais vise l'élimination d'un nouveau distributeur présentant un danger de concurrence ; Corn. Malines, 16 mai 1986, op. cit., p. 150 et note A. DE CALUWE, lorsqu'un commerçant profite des frais exposés pour la mise au point d'un know-how, d'un processus de fabrica­tion, d'une publicité, d'une étude de marché faite par un concurrent; Civ. Brux. (réf.), 27 octobre 1987, lng. -Cons., 1988, p. 62; Corn. Bruxelles (réf.), 20 janvier 1987, Rev. prat. soc., 1987, no 6426; Bruxelles, 11 février 1988, J.T., 1988, p. 570, le concurrent bénéficiant d'une exclusivité de fait ne pouvant exiger celle-ci en droit, l'implantation d'un kiosque près d'un magasin jouissant d'un emplacement privilégié n'est dès lors pas constitutif d'abus de droit ; Bruxelles, 1er mars 1988 et Corn. Bruxelles (réf.), 9 février 1988, Journ. procès, 1988, n° 123, p. 20 et no 125, p. 26 et note J.-P. BouRs (offre publique d'achat lancée par le groupe De Benedetti) ; Bruxelles, 1er mars 1988, Rev. dr. comm. b., 1988, p. 512 sur une suppression abusive du droit de préférence des action­naires par le recours au capital autorisé ; Corn. Bruxelles, 9 mai 1989, Journ. Procès, 1989, no 151, p. 24 obs. F.G.; Bruxelles, 25 mai 1989, J. T., 1989, p. 536 quant au droit de

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rupture d'un contrat d'agent autonome dont les résultats sont insatisfaisants et qui refuse de partager une exclusivité contractuelle; Mons, 16 octobre 1989, Rev. dr. comm. b., 1991, p. 28 obs. E. PoTTIER sur la poursuite de la mise en faillite d'une société par un créancier ; Corn. Nam ur, 18 décembre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 1426 et noteE. BALATE, <<Dieu est un fumeur de havanes (S. Gainsbourg)>> sur la rechtsverwer­king; Liège, 19 mars 1992, J.L.M.B., 1992, p. 1013 ; Rev. rég. dr., 1993, p. 27 où la cessation subite et sans avertissement des commandes a engendré pour le fournisseur des difficultés d'écoulement de produits par essence périssables ; voy. T. TIL­QUIN, << Les conflits dans la société anonyme et l'exclusion d'un associé>>, Rev. prat. soc., 1991, p. 1, no 6560; <<Les opérations d'assainissement du capital des sociétés en difficulté et l'abus de droit des actionnaires>>, Rev. dr. comm. b., 1991, p. 6).

- en matière de bail, Cass., 18 février 1988, Pas., 1988, I, 728 lorsque le bailleur intente tardivement une action en rési­liation de bail commercial et aggrave par son inaction prolon­gée la situation des cédants successifs du bail ; Cass., 19 octobre 1989, Pas. 1990, I, 212; Cass., 17 mai 1990, Pas., 1990, I, 1061 où l'article 1134 al. 3 du Code civil reconnaît implicitement à une partie la possibilité de ne pas exercer immédiatement le droit qui lui est conféré par le contrat, en établissant les règles de la prescription extinctive; voy. égale­ment cette décision quant à la rechtsverwerking; J.P. Deurne, 26 septembre 1986, R. W., 1987-1988, p. 1343; J.P. Ciney, 9 novembre 1988, Rev. rég. dr., 1989, p. 322, la Société natio­nale du logement commet un abus de droit lorsqu'elle met fin au bail sans motif lié à sa finalité publique et sociale ; Civ. Mons, 4 mars 1988, J. T., 1989, p. 4 79 où le refus de consentir à la résiliation est dépourvu de motifs légitimes ou cause au locataire un grave désavantage sans utilité ; Civ. Liège, 19 mai 1989, J.L.M.B., 1989, p. 1316; J.P. Bruxelles, 18 octobre 1990, J.J.P., 1991, p. 173 (voy. aussi B. HuBEAU et W. RAuws, <<De toepassing van de leer van het rechtsmisbruik in het huurrecht >>, R.G.D.C., 1987, p. 113 et 1988, p. 31).

- concernant le contrat de travail : T.T. Bruxelles, 13 mars 1986, J.T.T., 1987, p. 307; C.T. Anvers, 4 février 1988, Chron. dr. soc., 1988, p. 381 ; quant au travailleur pro-

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tégé, Cass., 7 mars 1988, Pas., 1988, I, 806; J.T.T., 1988, p. 462; Rev. dr. soc., 1988, p. 227; R. W., 1988-1989, 122; sur le licenciement abusif, voy. e.a. C.T. Bruxelles, 25 février 1987 et 24 juin 1987, Chron. dr. soc., 1988, p. 129 et note I. BRAN­DON; C.T. Anvers, 21 septembre 1988, J.T.T., 1990, p. 14; T.T. Bruxelles, 2 août 1990, J. T. T., 1991, p. 265 et note D. CuYPERS, <<Le licenciement d'un chef de sécurité>>; T.T. Bruxelles, 26 novembre 1990, J.T.T., 1991, p. 302; C.T. Mons, 16 novembre 1992, J. T. T., 1993, p. 251 ; Rev. rég. dr., 1993, p. 168 ; C.T. Bruxelles, 29 septembre 1992, J. T. T., 1993, p. 396; Chron. dr. soc., 1993, p. 27; C.T. Bruxelles, 23 juin 1992, Chron. dr. soc., 1993, p. 76, harcèlement sexuel; C.T. Liège, 22 octobre 1991, Chron. dr. soc., 1992, p. 118 et note J. JACQMAIN, <<Puisqu'il faut bien parler de harcèlement sexuel...>>; C.T. Mons, 14 mai 1992, Chron. dr. soc., 1993, p. 72 obs. H.F.; T.T. Anvers, 10 septembre 1992, Chron. dr. soc., 1993, p. 276 ; (F. LAGASSE, <<Le licenciement abusif des employés - Chronique de jurisprudence 1978-1992 >>, Orienta­tions, 1993, p. 227).

- à propos des contrats d'assurances : Cass., 30 janvier 1992, Pas., 1992, I, 4 75 ; Ci v. Marche-en-Famenne, 13 août 1987, R.G.A.R., 1990, n° 11.665; C.T. Bruxelles, 9 septembre 1987, 2 mars 1988 et 8 juin 1988, Chron. dr. soc., 1988, p. 340; C.T. Bruxelles (réf.), 13 novembre 1987, J.T., Bruxelles, 1988, p. 64 où des fédérations et l'union nationale ayant commis un abus de droit et des voies de fait vis-à-vis d'une mutualité sont tenues d'assurer à celle-ci et à ses membres la continuité des services de l'assurance obligatoire et libre jusqu'à la date régu­lièrement fixée de la mutation de cette mutualité ; Civ. Liège, 13 octobre 1988, R.G.A.R., 1990, no 11.670; Bruxelles, 30 novembre 1989, J.L.M.B., 1991, p. 812 ; T.T. Bruxelles, 26 novembre 1900, J.T.T., 1991, p. 302 où abuse de son droit l'employeur qui donne à la suppression des fonctions de l' em­ployé une publicité humiliante ou prend à son égard des mesures vexatoires, telle l'obligation de pointer imposée à un membre de la direction; C.T. Bruxelles, 4 février 1991, J.T.T., 1991, p. 231 ; Civ. Neufchâteau, pr avril 1992, Rev. rég. dr., 1992, p. 268.

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quant à la liberté d'affiliation à un club de sport : Ci v. Liège (réf.), 4 octobre 1991, J.T., 1992, p. 547 et note; Civ. Liège (réf.), 25 octobre 1991, J.T., 1992, p. 544 et note.

- en droit bancaire : Civ. Gand (réf.), 31 janvier 1991, Rev. dr. comm. b., 1992, p. 984 et note; Liège, 16 mai 1991, J.L.M.B., 1992, p. 84, obs. P. HENRY ; sur la garantie à pre­mière demande, Bruxelles, 15 octobre 1987, Rev. Banque, 1988, no 2, p. 29 et note D. DEvos ; Corn. Bruxelles (réf.), 26 mai 1988, J.L.M.B., 1989, p. 448 ; sur le refus non motivé par le saisissant d'une garantie bancaire émise par une banque réputée, Anvers, 12 novembre 1992, R. W., 1992-1993, p. 1169 et note G. VAN HAEGENBORGH; R. W., 1992-1993, Corn. Gand, 10 février 1987, Rev. dr. comm. b., 1989, p. 84 obs.

- en matière de contrat d'entreprise : sur la rupture immé­diate du contrat par le maître de l'ouvrage, en raison de la non-production de certains documents et de l'omission de mettre une grue de chantier en état de fonctionnement, Bruxelles, 1er octobre 1991, Entr. et dr., 1992, p. 65.

- quant à la fourniture d'électricité : Civ. Charleroi, 30 janvier 1990, J. T., 1990, p. 388 où manque au principe d'exécution de bonne foi des conventions et abuse d'une situa­tion contractuelle particulièrement contraignante, la société distributrice d'électricité qui fait procéder à la coupure de l'installation d'un abonné, en règle de ses propres redevances, suite au non-paiement par un ancien locataire de ce dernier d'une somme de 1.350 francs, sans en avertir l'abonné et sans entreprendre une action judiciaire aux fins d'en obtenir le paiement, J.P. Saint-Josse-ten-Noode, 18 février 1986, J.J.P., 1987, p. 274.

- en cas de rupture des fiançailles : Civ. Tournai, 7 mai 1986, J.L.M.B., 1987, p. 458 qui considère comme un abus du droit de rupture, le fait de ne pas se présenter à l'hôtel de ville pour la célébration du mariage après en avoir averti en der­nière minute la fiancée.

- en droit procédural : sur le dépôt de conclusions, Bruxelles, 24 mai 1988, J. T., 1989, p. 513, obs. P. GÉRARD ; Civ. Malines, 19 décembre 1989, R.G.D.C., 1991, p. 92; J.P. Mouscron, 28 janvier 1991, J.J.P., 1991, p. 249; concernant des manœuvres dilatoires, Cass., 14 février 1992, Pas., 1992, I,

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528; R. W., 1991-1992, p. 1302, conclusions prises hors des délais fixés à l'article 748 du Code judiciaire; Civ. Liège, 21 janvier 1986, J.L.M.B., 1987, p. 385 ; quant au choix entre la citation ou la requête, J.P. Anvers, 16 juillet 1986, J.J.P., 1989, p. 241 (voy. A. TAELMAN, << Gebruik en misbruik van procesrecht >>, T.P.R., 1988, p. 39).

La sanction appliquée à l'abus de droit ne consiste pas en la déchéance du droit mais uniquement en la réduction de celui-ci à son usage normal ou en la réparation du dommage causé par l'abus (Cass., Il juin 1992, Pas., 1992, I, 895; J.T., 1992, p. 676; R. W., 1993-1994, p. 60; Civ. Arlon, 5 mai 1989, J.L.M.B., 1989, p. 1189; Mons, 21 mars 1990, Rev. dr. comm. b., 1991, p. 234 où il peut être excepté à la règle de l'ar­ticle 1152 du Code civil relative à la clause pénale lorsque le créancier a abusé de son droit).

22. AcTION TÉMÉRAIRE ET VEXATOIRE. - Constitue égale­ment une application de l'abus de droit, l'exercice téméraire ou vexatoire d'une action ou d'une voie de recours pour autant qu'une faute soit établie (Cass., 3 février 1989, Pas., 1989, I, 594 et note; R. W., 1989-1990, p. 619). Celle-ci se caractérise par la simple légèreté que n'aurait pas commise un homme normalement prudent et avisé (Civ. Bruxelles (j. sais.), 13 janvier 1988, J. T., p. 246; Corn. Bruxelles (réf.), 20 décembre 1988, T.R. V., 1990, p. 571 et note; Civ. Anvers (j. sais.), 18 décembre 1989, Bull. contr., 1991, p. 1341 ; Civ. Bruxelles (ch. sais.), 24 septembre 1992, J.T., 1993, p. 361).

La démonstration d'une faute lourde, d'une mauvaise foi, d'une intention méchante n'est pas exigée (Civ. Namur (j. sais.), 24 avril 1987, Rev. not., 1988, p. 158; Bruxelles, 14 jan­vier 1988, Pas., 1988, II, 98; Civ. Namur, 12 mars 1990, J.L.M.B., 1990, p. 853 ; Civ. Bruxelles, 21 novembre 1990, J.T., 1991, p. 90 dans un litige de presse), contrairement à ce qu'affirme une certaine jurisprudence et doctrine, (voy. la chronique précédente, cette Revue, 1987, p. 617, no 16; C.T. Mons, 21 mars 1986, Chron. dr. soc., 1987, p. 28; T.T. Liège (réf.), 24 février 1992, Actual. droit, 1992, p. 1171 ; J.P. Visé, 17 mai 1993, J.L.M.B., 1993, p. 991).

L'action est qualifiée de téméraire lorsqu'elle a été intro­duite à la légère et de vexatoire si elle résulte de la méchan-

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ceté. Fait preuve de témérité, le justiciable qui agit de bonne foi mais par suite d'une erreur d'appréciation à ce point évi­dente qu'elle devait être aperçue et évitée (Bruxelles, ·14 jan­vier 1988, J.L.M.B., 1988, p. 484). Il en est de même lorsqu'il formule une demande qui n'a raisonnablement aucune chance d'aboutir, même sans mauvaise foi (Civ. Namur, 12 mars 1990, J.L.M.B., 1990, p. 853 ; Corn. Bruxelles, 10 septembre 1992, T.R. V., 1992, p. 437 et note B. SERVAES, <<De bevoegd­heid van de rechtbanken bij een vrijwillig openbaar bod )) ) ou encore lorsque le débiteur d'une facture tente de se soustraire au paiement en invoquant l'existence d'une traite sans établir qu'il y a eu acceptation de celle-ci (Bruxelles, 29 janvier 1992, J. T., 1992, p. 660).

Le caractère téméraire ou vexatoire de la demande est exa­miné au moment où elle est introduite (T.T. Bruxelles, 12 jan.­vier 1987, J.J.T. Brux., 1987, p. 145).

Constitue également un abus de droit l'intentement fautif des voies de recours. Ainsi en est-il de l'appel à des fins dila­toires, Bruxelles, 22 mars 1988, Rev. trim. dr. fam., 1989, p. 46 dans le cadre d'une procédure en divorce alors que l'auteur de l'abus se réfère à la justice tant en opposition qu'en appel, après avoir sollicité de nombreuses remises ; Bruxelles, 14 jan­vier 1988, Pas., 1988, II, 98 ; Bruxelles, 25 janvier 1990, J.L.M.B., i991, p. 456 et note M.E. STORME, <<L'obligation de procéder de manière diligente et raisonnable : une obligation indépendante du fond de l'affaire>>, s'agissant d'une décision interlocutoire ne se prononçant pas sur le fond de l'affaire et sanctionnant la tardiveté des moyens de défense invoqués ; C.T. Mons, 18 décembre 1991, Rev. dr. soc., 1993, p. 47; Mons, 3 novembre 1993, J.L.M.B., 1993, p. 1504 en relevant l'appel la veille de l'expiration du délai et en s'abstenant de diligenter la procédure; voy. encore sur l'appel fautif, Bruxelles, 9 mai 1990, J. T., 1990, p. 630; Bruxelles, 23 février 1990, Res et jur. imm., 1990, p. 257, lorsque le premier jugement étant parfaite­ment motivé, l'appelant se borne à réitérer ses moyens et arguments; sur l'opposition, Civ. Liège (j. sais.), 21 avril 1986, Bull. contr., 1987, p. 2035; Civ. Bruges (j. sais.), 17 février 1987, Bull. contr., 1989, p. 1064; Civ. Louvain (j. sais.), 24 février 1987, Bull. contr., 1989, p. 1067.

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L'exercice fautif des voies d'exécution peut donner lieu à des dommages et intérêts : Liège, 15 janvier 1987, J.T., 1987, p. 287; Civ. Anvers (j. sais.), 20 novembre 1986, Dr. europ. transp., 1987, p. 135; Civ. Bruxelles (j. sais.), 13 janvier 1988, J.T., p. 246; Civ. Bruxelles (j. sais.), 13 avril1989, J.T., 1990, p. 49; Civ. Bruxelles (j. sais.), 4 mars 1991, Journ. dr. fisc., 1991, p. 108 quant à la signification de saisies-arrêts entraî­nant un inévitable discrédit du débiteur auprès de son employeur ; Bruxelles, 19 octobre 1988, J.L.M.B., 1989, p. 146 quant à une saisie-arrêt conservatoire pratiquée sur une pension modeste alors que des négociations amiables sont en cours de sorte qui le recours à la saisie constitue davantage à un moyen de pression qu'à la crainte d'une insolvabilité ; Ci v. Bruxelles (j. sais.), 15 septembre 1988, Ing. -Cons., 1988, p. 256 sur l'inapplication d'une saisie-description en matière de mar­que; Civ. Anvers (j. sais.), 18 décembre 1989, Bull. contr., 1991, p. 1341; Civ. Bruxelles (ch. sais.), 24 septembre 1992, op. cit., p. 361 ; voy. encore sur l'abus de droit, Civ. Bruxelles, 12 janvier 1987, J.T., 1987, p. 290; Liège, 20 mars 1987, J.L.M.B., 1987, p. 841; Civ. Namur (j. sais.), 19 juin 1987, Rev. rég. dr., 1988, p. 35; Civ. Liège (j. sais.), 6 juillet 1988, J.L.M.B., 1988, p. 1368 ; Liège, 29 avril 1988, Rev. rég. dr., 1988, p. 263; Mons (j. sais.), 21 avril 1988, J.L.M.B., 1989, p. 45; Civ. Mons (j. sais.), 2 novembre 1989, J.L.M.B., 1990, p. 496 ; Mons, 21 novembre 1989, J.L.M.B., 1990, p. 485 obs. P.H. ; Liège, 17 décembre 1990, J.L.M.B., 1991, p. 401 quant à l'insaisissabilité; Civ. Liège (j. sais.), 20 mars 1991, J.L.M.B., 1991, p. 694; Anvers, 17 septembre 1991, R. W., 1991-1992, p. 957 et note A. CARETTE.

Ont encore été reconnues téméraires et vexatoires, la demande introduite sans vérification de la pertinence des arguments du défendeur relatifs à des principes élémentaires de droit (Civ. Charleroi, 18 janvier 1991, Rev. rég. dr., 1991, p. 267; R.G.D.C., 1991, p. 296), l'action manifestement non fondée et juridiquement totalement injustifiée afin d'éviter les conséquences d'une procédure normale, sans avoir exercé un moyen de recours régulier (les conclusions de B. Dejemeppe, Ci v. Bruxelles, réf., 14 juillet 1989, J. T., 1989, p. 696) ; T.T. Nam ur, 9 septembre 1987, Rev. dr. soc., 1988, p. 240, lorsque

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l'O.N.S.S. intente des poursuites alors qu'il n'existe aucune dette; sur la signification d'un commandement de payer quoi­que le titre soit manifestement prescrit, Ci v. Bruxelles (j. sais.), 19 mars 1991, J.L.M.B., 1991, p. 892; sur le fait de se baser sur une doctrine et une jurisprudence qui ne concernent pas la situation des parties (Corn. Bruxelles (réf.), 1er sep­tembre 1988, Ing. -Cons., 1989, p. 151 ; ne constitue toutefois pas un abus de droit, l'erreur d'appréciation, partagée par le premier juge, d'une clause attributive de compétence territo­riale (Bruxelles, 18 décembre 1986, J. T., 1987, p. 126).

Ont également donné lieu à condamnation, l'action tendant à obtenir la désignation d'un expert sur base d'informations médicales erronées (T.T. Nivelles, 5 octobre 1990, B.A., 1991, p. 602 obs. L.V.G.); le fait d'empêcher par tous moyens la mission correcte de l'expert obtenu ; voy. également quant aux relations des parties avec l'expert, C.T. Liège, 18 mars 1986, Rev. dr. soc., 1987, p. 213; T.T. Bruxelles, 26 octobre 1989, J. J. T. Brux. , 1990, p. 58 ; sur l'omission de produire aux débats certains documents, Bruxelles, 13 mai 1987, J. T., 1987, p. 613 ; sur l'absence de collaboration raisonnable de la vic­time d'un accident du travail, C.T. Bruxelles, 8 janvier 1990, B.A., 1991, p. 288 obs. P. MICHEL; quant à l'introduction d'une action par des contribuables devant le pouvoir judiciaire alors qu'ils pouvaient et devaient savoir que leur contestation ne pouvait être présentée qu'auprès du directeur régional des contributions, Anvers, 17 mai 1988, Bull. contr., 1990, p. 2668. Néanmoins, la simple introduction d'une demande tardive n'implique pas automatiquement un abus du droit d'agir en justice (Civ. Namur, 19 décembre 1988, Rev. rég. dr., 1990, p. 199 et note S. STIJNS, <<La rechtsverwerking : dix ans déjà); voy. encore Bruxelles, 22 septembre 1988, J. T., 1989, p. 694 quant au discrédit jeté sur une banque; Civ. Louvain, 11 mars 1988, Pas., 1988, III, 72, où une personne souhaite acheter une voiture pour une bouchée de pain ( << voor een appel en een ei >>) alors que l'annonce qui l'offre en vente indique à un autre endroit le prix en numéraire; Corn. Bruxelles, 16 juin 1989, J.T., 1989, p. 623 obs. M.M. lorsqu'une compagnie d'assu­rances qui, couvrant l'auteur d'un dommage en responsabilité civile et garantissant la victime en protection juridique - ce

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qui implique un conflit d'intérêts -, soutient que l'interven­tion d'un avocat n'est pas nécessaire et n'exécute pas cette dernière garantie; sur une action en cessation, Corn. Bruxelles, Prés., 7 octobre 1987, J.L.M.B., 1987, p. 1397.

Concernant les compétences des juridictions à imposer une condamnation du chef d'action téméraire et vexatoire, la Cour de cassation est en mesure d'apprécier si le pourvoi est témé­raire et d'imposer au demandeur le payement d'une indemnité (Cass., 17 janvier 1991, Pas., 1991, I, 457). En revanche, la Cour d'appel ne dispose que d'un pouvoir judiciaire limité en droit fiscal ne lui permettant pas de connaître d'une pareille action (Gand, 15 octobre 1992, T. G.R., 1993, p. 75). En raison de l'article 563, dernier al., du Code judiciaire qui prévoit que les demandes reconventionnelles basées sur une telle demande sont portées devant le juge qui en est saisi, la compétence du président statuant en référé ne peut être contestée (T.T. Liège [réf.], 24 février 1992 et 30 décembre 1991, Actual. droit, 1992, p. 1171 et 1159).

La reconnaissance par la Cour de cassation d'un pourvoi téméraire et vexatoire implique la condamnation du deman­deur aux dépens (Cass., 11 avril 1988, Pas., 1988, I, 930, quant à une personne bénéficiant du minimum de moyens d' exis­tence; Cass., 30 mars 1992, Pas., I, 687, à charge de la victime d'un accident du travail).

Selon la Cour d'arbitrage, le législateur n'a pas violé les articles 6 et 6bis de la Constitution en choisissant de con dam­ner à une amende pour action téméraire et vexatoire la seule partie qui interjette appel à titre principal et non celle qui le fait à titre incident (article 1072bis du Code judiciaire). En effet, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel (article 1068 du Code judiciaire), le juge n'a l'obligation de connaître du fond du litige qu'en raison de l'appel principal. Il est vrai que l' ap­pel incident engendre également un dommage lorsqu'il est téméraire ou vexatoire. Le législateur a toutefois pu estimer accorder à l'intimé souhaitant l'examen des contestations déjà soumises à la première juridiction un traitement distinct de celui réservé à la partie qui a pris l'initiative de saisir le juge d'appel. Par ailleurs, il n'existe pas de discrimination entre les justiciables auxquels une amende est infligée par rapport aux

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contribuables soumis à l'impôt. Celui-ci constitue une presta­tion en argent imposée légalement pour subvenir à des dépenses d'utilité publique alors que la première réprime un comportement fautif. Enfin, n'est pas fondée la comparaison entre le justiciable condamné à l'amende et l'usager d'autres services publics qui ne serait pas puni. Outre le fait que les requérants ne fournissent aucune comparaison adéquate entre celui -ci et le demandeur abusant du droit d'appel à des fins dilatoires, le législateur est légitimement fondé à être plus sévère vis-à-vis du recours abusif au service public de la jus­tice, cet abus tendant particulièrement à se multiplier (Cour Arb., 29 septembre 1993, Arr. C.A., 1993, p. 763 ; J.L.M.B., 1993, p. 1190; Jur. Fond., 1993, no 15, p. 14; voy. également cette décision concernant l'intérêt des requérants agissant en qualité d'avocats, la modification du taux de dernier ressort, les griefs portant sur les articles 740, 74 7, 748, 751, 753, 755 du Code judiciaire).

23. 0ULPA IN CONTRAHENDO. - La culpa in contrahendo réprime l'ensemble des fautes commises à l'occasion de l' exer­cice de la liberté contractuelle (W. DE BoNDT, << Precontrac­tuele aansprakelijkheid >>, R. G.D. O., 1993, p. 116). Cette notion a souvent trait à la rupture illicite des pourparlers, aux infor­mations incomplètes ou aux fausses données communiquées au cours des négociations et à l'annulation d'une convention.

Le fondement généralement invoqué est celui de la respon­sabilité extra-contractuelle, soit l'article 1382 du Code civil (voy. Cass, 10 décembre 1981, Pas., 1982, I, 494). D'aucuns limitent la portée de cette disposition à l'annulation d'une convention ou à la méconnaissance de l'obligation d'informa­tion et de conseil et soumettent à la responsabilité contrac­tuelle le retrait d'une offre valable ainsi que l'avant-contrat ou invoquent encore qu'en matière d'abus de droit le juge devrait se limiter à un contrôle marginal (L. CoRNELIS, <<La responsa­bilité précontractuelle, conséquence éventuelle du processus précontractuel >>, R. G.D. O., 1990, p. 391 et s. ; voy. les auteurs cités par W. DE BoNDT, op. cit., 1993, p. 93 et s. ; cons. entre autres sur le sujet, J. HERBOTS, <<De goede trouw in de pre­contractuele rechtsverhoudingen >>, in Le contrat en formation, Bruxelles, A.B.J.E., 1987, 31-96; Ph. MARCHANDISE,<< La libre

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négociation : droits et obligations des négociateurs >>, A.B.J.E., 1987, p. 3-30; J.T., p. 621-625; X. DrEux, obs. sous Liège, 29 octobre 1989, Rev. dr. comm. b., 1990, p. 528 ; sur les avant­contrats, voy. M. FoNTAINE, Droit des contrats internatio­naux, Analyse et rédaction de clauses, Feduci, Forum Euro­péen de la Communication, 1989, p. 30 et s. ; voy. également sur la responsabilité précontractuelle, R. KRUITHOF, H. Boe­KEN, F. DE LY, B. DE TEMMERMAN, << Overzicht van recht­spraak (1981-1992). Verbintenissen >>, T.P.R., 1994, p. 430 et s. , nos 166 et s. ) .

Le futur concédant commet une culpa in contrahendo lors­que, dans le cadre des pourparlers, il rompt du jour au lende­main sans motif valable des négociations arrivées quasiment à terme, après avoir en connaissance de cause laissé l'autre par­tie exposer des frais importants, notamment de publicité, pour lancer les produits concernés (Corn. Bruxelles, 3 février 1988, J.T., 1988, p. 516). Le choix de contracter avec un autre qui offre des conditions plus avantageuses ne peut être considéré comme une rupture de pourparlers fautive (Liège, 20 octobre 1989, Pas., 1990, II, p. 80, obs. ; Rev. dr. comm. b., 1990, p. 521 et obs. X. DrEux qui voit dans cette décision, pronon­cée sur renvoi après la cassation d'un arrêt de Bruxelles, 14 juin 1984 (Rev. dr. comm. b., 1985, p. 4 72; Cass., 17 avril 1986, R. W., 1986-1987, p. 695) une continuation de la juris­prudence actuelle; voy. également la critique de F. DE LY, << Letters of intent under recent Belgian case law>>, Journal de droit des affaires internationales, 1991, p. 568 ; pour une déci­sion dans le même sens, Corn. Bruxelles, 19 janvier 1990, Rev. dr. comm. b., 1990, p. 555).

Est encore qualifiée telle, la rupture brutale et intempestive de négociations précontractuelles qui sont sur le point d'abou­tir à la signature d'un contrat de concession exclusive de vente, les parties ayant marqué leur accord sur les éléments essentiels de leur coopération commerciale. Est solidairement responsable avec la société qui met fin aux négociations, celle qui, sans intervenir dans celles-ci, a pris l'initiative de la rup­ture (Bruxelles, 5 février 1992, J. T., 1993, p. 130 ; voy. encore en matière de contrats administratifs où le maître d'ouvrage doit répondre d'une faute précontractuelle dans l'élaboration

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des documents ayant servi à l'établissement du marché, Liège, 15 février 1991, Entr. et dr., 1993, p. 72).

24. CHASSE. -Les accidents de chasse restent malheureu­sement fréquents, soit qu'ils soient la conséquence de l'impru­dence d'un chasseur, soit qu'ils résultent d'une faute commise par les organisateurs de la chasse.

Le titulaire de droit de chasse qui organise une battue doit savoir que le bruit des traqueurs non seulement effraye les ani­maux, mais les déstabilise et est de nature à les faire fuir, notamment vers les routes proches de la battue.

Lorsque le conducteur n'a pas roulé à une vitesse excessive inadaptée aux circonstances de temps et de lieu, le placement de panneaux signalant une battue ne constitue pas dans le chef du défendeur une cause d'exonération de responsabilité, la destination d'une voie publique ouverte à la circulation étant réservée en priorité aux usagers de la route et à la garan­tie d'une sécurité indispensable (Civ. Neufchâteau, 14 décembre 1990, B.A., 1991, p. 183 et obs. M. LAMBERT; Liège, 9 mai 1990 et J.P. Florenville, 23 juillet 1991, J.L.M.B., 1992, p. 437 et note H. DE RADZITZKY D'ÜSTRO­WICK, <<Battues et accidents de la circulation>>; voy. Civ. Dinant, 14 janvier 1993, B.A., 1993, p. 628 où la survenance d'un sanglier constitue un cas fortuit; J.P. Saint-Nicolas, 13 mars 1991, J.J.P., 1993, p. 255 et note H. DE RADZITZKY, << Battues et accidents >> quant à la chute d'un faisan tiré par un chasseur sur le capot d'une voiture).

Le ricochet d'une balle ou de plombs ne constitue jamais un cas fortuit, notamment lorsqu'il est tiré vers le sol gelé et cou­vert de neige. Le chasseur agissant ainsi prend un risque qu'il connaissait ou devait connaître, vu sa qualité, de voir sa balle rencontrer un obstacle qui la fasse ricocher et blesser un autre chasseur (Liège, 22 mars 1990, J.L.M.B., 1991, p. 744; R.G.A.R., 1991, n° 11.884; voy. également les inédits de la J.L.M.B., 1988, p. 684; 1991, p. 751 et 752).

Commet une infraction à l'article 1er, a de l'arrêté de l'Exé­cutif régional wallon du 9 juin 1988 fixant l'ouverture et la fermeture de la chasse pour la saison 1988-1989 dans la Région wallonne, le chasseur qui, sans avoir formellement reconnu et

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déterminé quelle est la bête qu'il tente d'abattre, tire et risque d'abattre un gibier prohibé, en l'espèce, un cerf dix cors à chandelier bilatéral. L'éthique de la chasse impose à ceux qui la pratiquent de ne tirer sur un animal qu'avec la certitude absolue que celui-ci n'est pas protégé (Liège, 23 mai 1990, J.L.M.B., 1991, p. 745 et note H. DE RADZITZKY D'ÜSTRO­WICK, << L'éthique cynégétique comme source de droit ou les cors de cerf et l'erreur de fait >>.

25. DÉGÂTS DE GIBIER. - Quant à la prolifération du gibier, le chasseur n'est tenu que d'une obligation de moyen. Il n'est responsable que s'il a laissé celui-ci se développer dans des proportions excessives, notamment en n'organisant pas assez de battues. Pour être réparable, le préjudice doit être supérieur au dommage normal, c'est-à-dire à celui qui survient naturellement, inévitablement même lorsque le gibier est contenu dans des proportions raisonnables (article 7 et 7bis de la loi sur la chasse, J.P. Hannut, 29 septembre 1987, J.J.P., 1991, p. 158; J.P. Visé, 3 janvier 1991, J. T., 1991, p. 543 ; Civ. Audenarde, 2 novembre 1992, J.J.P., 1993, p. 230 et note H. DE RADZITZKY, << Dégâts de lapins : principe de responsabi­lité et preuve de la faute>>; voy. également sur les dégâts de gibier, J.P. Neufchâteau, 15 décembre 1989, J.J.P., 1993, p. 218; Civ. Neufchâteau, 30 septembre 1992, J.J.P., 1993, p. 219 et note H. DE RADZITZKY, <<Dégâts de gibier et faute du préjudicié>>; J.P. Fexhe-Slins, 8 octobre 1990, J.J.P., 1993, p. 225 et note H. DE RADZITZKY, <<De la faute en matière de dégâts de lapins>>; R.G.A.R., 1992, no 11.959; Oiv. Charleroi, 27 novembre 1991, J.J.P., 1993, p. 229 (lapins); J.P. Dour, 4 février 1993, J.J.P., 1993, p. 235 et note H. DE RADZITZKY, << Dégâts de lapins : dommage normal et absence de faute >> ; J.P. Marche-en-Famenne, 10 décembre 1992, J.J.P., 1993, p. 237 et note H. DE RADZITZKY, <<Dégâts de sangliers et dom­mage normal>>; Oiv. Marche-en-Famenne, 23 avril 1990, J.J.P., p. 242 et note H. DE RADZITZKY, <<Preuve de la prove­nance du grand gibier>> (sangliers) ; J.P. Marche-en-Famenne, 9 avril 1991, J.J.P., 1993, p. 245 et note H. DE RADZITZKY, << Dégâts de grand gibier dans les bois ou à un silo de maïs >> (chevreuils) ; voy. également en ce qui concerne les troubles de jouissance, J.P. Hamoir-sur-Ourthe, 21 décembre 1989,

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J.J.P., 1993, p. 247 et note H. DE RADZITZKY, <<Accords de chasse, baux de chasse et troubles de jouissance>>).

L'article 7 de la loi du 28 février 1882 sur la chasse ne crée aucune présomption de faute quant aux dégâts de lapins (Civ. Namur, 27 novembre 1989, Rev. rég. dr., 1990, p. 518; voy. de même quant à l'article 7bis : J.P. Fexhe-Slins, 8 octobre 1990, J.J.P., 1993, p. 225). Le propriétaire d'un bois ouvert au public à grand renfort de publicité rendant impossible l' exer­cice du droit de chasse doit supporter lui-même les dégâts causés aux cultures par le gibier (lapins) (J.P. Visé, 3 janvier 1991, J.T., 1991, p. 543). L'exploitant maraîcher qui cultive en bordure d'un bois doit s'attendre à subir des dégâts de lapins et prendre toute précaution utile pour s'en prémunir (Civ. Tournai, 27 janvier 1987, J.L.M.B., 1987, p. 1189, obs. V. RENIER).

26. RUPTURE DE FIANÇAILLES. - L'absence de motifs justi­fiant la rupture de fiançailles n'implique pas nécessairement que celle-ci soit fautive puisqu'il importe d'assurer la liberté du consentement au mariage (Anvers, 30 mars 1992, Rev. Trim. Dr. Fam., 1992, p. 35). Commet une ·faute qui a causé dommage à la fiancée, le fiancé qui justifie sa décision de rup­ture par la grossesse de sa fiancée alors qu'il n'aurait jamais entretenu de relations sexuelles avec elle, portant ainsi atteinte à l'honorabilité de cette dernière (Liège, 22 mai 1985, Rev. Trim. Dr. Fam., 1986, p. 182).

Abuse du droit de rupture, le fiancé qui ne se présente pas à l'hôtel de ville le jour de la célébration du mariage, après en avoir averti sa fiancée à la dernière minute (Civ. Tournai, 7 mai 1986, J.L.M.B., 1987, p. 458).

Ce sont donc les circonstances qui entourent la rupture qui doivent et peuvent être prises en considération (Civ. Charleroi, 21 novembre 1989, J. T., 1989, p. 678 ; Rev. Rég. Dr., 1990, p. 66; Civ. Liège, 8 janvier 1990, R. G.A.R., 1992, no 11.991).

Une promesse de mariage peut être rompue par chacun des fiancés et l'absence de motif alléguée pour justifier la rupture ne constitue donc pas une faute (Anvers, 30 mars 1992, Rev. Trim. Dr. Fam., 1992, p. 35 ; Ci v. Liège, 8 juin 1990, Rev. Trim. Dr. Fam., 1992, p. 39).

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27. SPORTS. - Si le critère de la faute en matière sportive est celui du droit commun (cfr. notre précédent examen de jurisprudence, cette Revue, 1987, no 17, p. 619), la distinction entre la violence ou même parfois la brutalité admise comme inhérente au sport dont il s'agit et l'acte fautif reste souvent difficile à établir (Cour militaire 28 juin 1989, R. G.A.R., 1991, n° 11.885; Gand, 12 octobre 1990, R. W., 1993-1994, p. 90).

A juste titre, en tous cas, a-t-il été jugé par la Cour d'appel de Bruxelles que commet une faute celui qui participe à une compétition sportive sans respecter les règles du jeu qui ten­dent à garantir la sécurité des joueurs ou sans se conduire en joueur normalement prudent et avisé (Bruxelles, 30 juin 1986, R. W., 1986-1987, p. 1.610 et note S. SoNCK ; Bruxelles, 10 juin 1988, R.G.A.R., 1989, n° 11.540; Gand, 12 octobre 1990, R. W., 1993-1994, p. 50; Civ. Liège, 26 janvier 1993, Bull. Ass., 1993, p. 632; Mons, 7 octobre 1987, R.G.A.R., 1989, no 11.513 ; Cour militaire, 28 juin 1989, R. G.A.R., 1991, no 11.885; voyez aussi pour un pilote de course en circuit fermé : Mons, 6 juin 1989, Dr. Circ., 1989, p. 320 ; Liège, 9 octobre 1990, J.L.M.B., 1991, p. 766.; Anvers, 18 avril 1991, Pas., 1991, II, p. 139 ; pour une faute commise au cours d'un jeu de tennis en double: Civ. Tongres, 3 mars 1989, R.G.D.C., 1989, p. 505 ; comp. Bruxelles, 19 septembre 1991, J. T., p. 793).

Sauf circonstances spéciales, le respect des règles du sport exclut la faute (Ci v. Gand, 23 jan vier 1989, R. G. D. O. , 1990, p. 86 ; comp. toutefois Anvers, 25 juin 1993, R. W., 1993-1994, p. 302 et note M. ADAMS, << Is risico-aanvaarding een zelfstan­dig juridisch concept ? >>)

Un joueur de football commet une faute lorsqu'au cours d'un match, il montre une perte inacceptable de contrôle de soi, incompatible avec le comportement normal d'un joueur (Bruxelles, 1er juin 1988, R. W., 1989-1990, p. 1.401 ; voyez aussi la note de M. ADAMS et M. V AN HoECKE, << Enkele rechtstheoretische en civielrechterlijke bedenkingen bij << voet­bal en aansprakelijkheid >>, sous Gand, 6 février 1992, R. W., 1992-1993, p. 570).

Par ailleurs, l'activité sportive n'échappe pas à l'application des articles 418 à 420 du Code pénal (Anvers, 25 juin 1993,

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R. W., 1993-1994, p. 302 et note; voy. pour les courses de véhi­cules automobiles ou motos, Civ. Huy, 5 février 1986, Pas., 1986, III, 34; R.G.A.R., 1987, no 11.248; Liège, 10 novembre 1987 et Corr. Neufchâteau, 27 novembre 1986, B.A., 1988, p. 702 et note M. LAMBERT ; Mons, 6 juin 1989, Dr. Circul., 1989, p. 320; Civ. Verviers, 27 mai 1986 et Liège, 9 octobre 1990, B.A., 1991, p. 166 et obs. M. LAMBERT ou le simple fait de perdre le contrôle du véhicule n'implique pas nécessaire­ment l'existence d'une faute; Liège, 29 octobre 1990, J.L.M.B., 1991, p. 766; R. G.A.R., 1993, n° 12.214 qui sou­ligne que s'il est dispensé de l'observation stricte du Code de roulage, le participant commet une faute en n'adaptant pas son allure aux circonstances atmosphériques, au parcours suivi, à ses possibilités et à celles de son engin ; Anvers, 18 avril 1991, Pas., 1991, II, 139; Anvers, 25 juin 1993, R. W., 1993-1994, p. 302; Liège, 10 novembre 1986, B.A., 1988, p. 139 et obs. M.J. LECLERCQ; pour le football : J.P. Molen­beek-Saint-Jean, 8 octobre 1989, J.J.P., 1991, p. 217, obs. ; Mons, 7 octobre 1987, R. G.A.R., 1989, no 11.513 ; Bruxelles, 1er juin 1988, R.G.A.R., 1989, no 11.540; Gand, 12 octobre 1990, R. W., 1993-1994, p. 50 où le joueur qui dans le feu et la dynamique du jeu exécute de manière imprudente une charge en glissant sans avoir l'intention de blesser son adversaire ne commet pas une faute ; Ci v. Liège, 26 janvier 1993, Bull. Ass., p. 632; Bruxelles, 30 juin 1986, R. W., 1986-1987, col. 1610 et note S. Sonck, << Voetbalsport : fouten, gele kaarten en burger­rechterlijke aansprakelijkheid of voetbalwangedrag in het licht van de artikelen 1382 e.v. B.W. >>; quant à la violence entre supporters : voy. Bruxelles, 26 juin 1990, affaire du Heysel, infra, no 29; J.P. Saint-Gilles, 21 décembre 1989, J.J.P., 1991, p. 230, qui décide que constitue un risque le fait de se trouver à proximité de supporters concurrents; pour le tennis, Civ. Tongres, 3 mars 1989, R. G.D. O., 1989, p. 505 ; Bruxelles, 19 septembre 1991, J. T., 1991, p. 793 ; pour les courses cyclistes : Pol. Huy, 21 juin 1988, J.J.P., 1990, p. 156).

28. ORGANISATEURS. - Il appartient à l'organisateur de manifestations sportives de prendre toutes les mesures de sécurité qui s'imposent vis-à-vis du public sans que la gratuité du spectacle puisse influencer sa responsabilité. L'acceptation

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des risques ne peut être opposée à la victime que si elle est fau­tive (Civ. Tournai, 17 décembre 1986, J.L.M.B., 1987, p. 466; comp. Civ. Turnhout, 13 novembre 1985, R. W., 1986-1987, p. 1.280; Ci v. Turnhout, 22 février 1990, Turnh. Rechtsl., 1991, p. 58 ; J.P. Molenbeek, 3 octobre 1989, J.J.P., 1991, p. 217 et obs. ; voyez également Anvers, 25 juin 1993, R. W., 1993-1994, p. 302 et note ADAMS précitée).

L'obligation des organisateurs est une obligation de moyen (Civ. Huy, 5 février 1986, R.G.A.R., 1987, no 11.248; Liège, 9 octobre 1990, Bull. Ass., 1991, p. 156 et obs. M. LAMBERT).

En l'absence de faute du sportif- en l'espèce un motocy­cliste - et de l'organisateur, la victime devra supporter son dommage propre (Liège, 10 novembre 1987 et Corr. Neufchâ­teau, 27 novembre 1986, Bull. Ass., 1988, p. 702 et note M. LAMBERT ; Corr. Verviers, 16 février 1988, J.L.M.B., 1988, p. 558; voyez pour un cas de partage des responsabilités entre la victime, le coureur motocycliste et les organisateurs : Liège, 10 novembre 1986, Bull. Ass., · 1988, p. 139 et obs. M.J. LE­CLERCQ; Pol. Huy, 21 juin 1988, J.J.P., 1990, p. 156; voyez aussi pour la responsabilité de l'Union Royale Belge des Sociétés de Football qui laisse jouer sur un terrain doté d'une buvette installée sans respecter les limites réglementaires : Bruxelles, 31 mars 1988, R.G.A.R., 1990, no 11.635; pour la faute des organisateurs de sauts en parachute sur un terrain non agréé, Corr. Tournai, 13 mai 1987, R. G.A.R., 1989, no 11.446; Mons, 16 février 1988, R.G.A.R., 1990, p. 11.743).

29. LE DRAME DU HEYSEL ET L'ARRÊT DU 26 JUIN 1990.­L'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 26 juin 1990, inter­venu à propos du drame du Heysel (R.G.A.R., 1991, n° 11. 757) est important par la notion de responsabilité collec­tive qu'il a retenue en ce qui concerne les supporters. L'arrêt décide notamment que les prévenus qui se sont associés à une action collective en y prenant part individuellement répondent des circonstances aggravantes objectives sans qu'il soit néces­saire qu'ils aient personnellement participé à ces circonstances aggravantes et même s'ils les ont ignorées.

La panique, soit un sentiment aigu d'angoisse provoquant des réactions incontrôlées, ne constitue pas en elle-même une blessure au sens de l'article 398 du Code pénal. Il n'importe

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pas de savoir si les victimes ont subi des blessures ou des coups à cause de leur propre panique ou au contraire en raison de la frayeur d'autres spectateurs qui, ayant perdu tout contrôle de leurs actes, les auraient piétinées ou écrasées en tentant de s'enfuir. Une blessure peut en effet être faite et un coup porté au moyen d'un objet qu'on utilise ou lance, d'un animal qu'on excite à cette fin, ou d'un ou plusieurs êtres humains qu'on repousse sans leur consentement (Bruxelles, 26 juin 1990, R.G.A.R., 1991, no 11.757, qui se réfère à la jurisprudence de la Cour de Cassation quant à la définition du concept de blessures).

La responsabilité de l'U.E.F.A. est retenue pour le choix du stade, tandis que celle de l'Union Belge l'est aussi pour ne pas s'être rendue compte du danger créé par la communication entre les blocs de supporters et pour ne pas avoir averti les autorités de l'augmentation des risques de la rencontre.

La responsabilité du commandant du service d'ordre sur place est sanctionnée en considérant que l'absence de réaction de sa part en présence d'une situation qui aurait dû l'alarmer constitue une faute parce que cette absence de réaction était contraire à l'exécution correcte de sa mission et au comporte­ment normalement prudent et avisé de tout officier de gendar­merie placé dans les mêmes circonstances.

30. TROUBLES DE VOISINAGE. - Au départ des deux déci­sions adoptées le 6 avril 1960 (Pas., 1960, I, 915 et concl. de l'av. gén. Mahaux) et au fil des arrêts rendus par la suite, la Cour de cassation a construit un droit du voisinage disposant d'une autonomie propre (E. KRINGS, <<Aspects de la contribu­tion de la Cour de cassation à l'édification du droit>>, J. T., 1990, p. 549, no 18; Mons, 16 juin 1987, Pas., 1987, II, p. 198). Il trouve son fondement dans trois points d'attache : l'article 544 du Code civil qui accorde au propriétaire le droit de jouissance normale de la chose, la tradition ainsi que le principe général de droit de l'équité, consacré à l'article 11 de la Constitution (article 16 actuel; J.P. Bruxelles, 14 novembre 1984, J.J.P., 1992, p. 97). La théorie des troubles de voisinage peut donc être invoquée en dehors de l'existence de toute faute et les juridictions se contentent généralement de motiver leur décision sur base du seul article 544 du Code civil. Par ail-

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leurs, les règles ne sont pas d'ordre public (Cass., 29 mai 1989, Pas., 1989, I, 1026 ; sur la possibilité de cumuler les poursuites sur base tant de l'article 1382 que de l'article 544 du Code civil, J.P. Hal, 29 janvier 1992, J.J.P., p. 172, néanmoins seule l'action fondée sur l'article 1382 sera susceptible d'abou­tir à une réparation intégrale alors que celle basée sur l'ar­ticle 544 ne peut prétendre qu'à une compensation juste et adéquate de l'équilibre rompu, Trib. Arrond. Nivelles, 7 mars 1989, R.G.D.C., 1990, p. 253; Mons, 16 juin 1987, Pas., 1987, II, p. 198).

31. TROUBLES CAUSÉS PAR LES POUVOIRS PUBLICS. -C'est également à l'article 544 du Code civil que se réfère la Cour de cassation lorsqu'un trouble est reproché à l'autorité publique, dans le cadre de travaux de voirie notamment, même s'il est souvent apprécié au regard de l'intérêt collectif (Cass., 23 mai 1991, Pas., 1991, I, 827 et les ccls de l'av. gén. Liekendael; cette Revue, 1992, p. 179 et la note J. HANSENNE ; J.L.M.B., 1991, p. 1029 et note P. HENRY,<< Travaux publics et troubles du voisinage : deux poids, deux mesures>>; Rev. not., 1991, p. 604; R. W., 1991-1992, p. 463 ; J. T., 1992, p. 267 qui publie la décision sous la date du 21 mai 1991 ; Entr. et dr., 1992, p. 205; Liège, 26 janvier 1989, R. G.A.R., 1990, no 11.699 ; Liège, 16 juin 1989, J.T., 1990, p. 134; R.G.A.R., 1991, no 11.890 sur la diminution du temps d'ensoleillement occa­sionnant une survenance d'humidité et de froid; Liège, 22 décembre 1988, Rev. Rég. Dr., 1990, p. 385; Liège, 21 décembre 1989, Rev. Rég. Dr., 1990, p. 387 qui se réfère toutefois également au principe de l'égalité devant les charges publiques- dans ces deux espèces, il a toutefois été considéré qu'il n'y avait pas de trouble excessif; Anvers, 4 janvier 1989, Limb. Rechtsl., 1989, p. 88 ; Civ. Louvain, 27 juin 1990, R. G.D. C., 1991, p. 401 ; voy. les décisions citées par J. HAN­SENNE, <<Sur le fondement de la théorie des troubles de voisi­nage et l'évaluation du dommage excessif>>, note sous Cass., 28 janvier 1991 et Cass., 23 mai 1991, R. C.J.B., 1992, p. 186, n° 6; Y. HANNEQUART, ((Voirie et troubles de voisinage>>, J.L.M.B. Centenaire, 1988, Story-Scientia, p. 179 et s.).

Néanmoins, une certaine jurisprudence, largement approu­vée par la doctrine, fonde la justification d'un droit à répara-

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tion à charge des pouvoirs publics pour troubles de voisinage sur l'égalité des citoyens devant les charges publiques, esti­mant qu'il n'est pas logique de régler la confrontation entre les droits privés et ceux de la domanialité publique par le concept d'équilibre contenu dans l'article 544 du Code civil régissant la propriété privée (Mons, 15 septembre 1987, J.L.M.B., 1988, p. 271; R .. G.A.R., 1989, n° 11.567; Civ. Huy, 3 mars 1988, Pas., 1988, III, 69; Mons, 20 février 1990, Rev. Rég. Dr., 1990, p. 389 et D. DEoM, note sous Liège, 22 décembre 1988, Liège, 21 décembre 1989 et Mons, 20 février 1990, Rev. rég. dr., 1990, p. 392, qui souligne la distinction entre, d'une part, le main­tien d'un état d'équilibre entre les propriétés et, d'autre part, la conciliation de l'exercice de pouvoirs décisionnels exercés librement avec les intérêts des tiers. Dans le premier cas (tra­vaux publics), la référence au trouble normal de voisinage garde un sens alors que dans la seconde hypothèse (organisa­tion de la voirie), le principe de l'égalité devant les charges publiques est plus approprié ; cfr. J. HANSENNE, << Examen de jurisprudence. Les biens>>, cette Revue, 1990, p. 358, no 54; J. HANSENNE, <<La protection du voisinage et les troubles de voisinage>>, Actual. dr., 1992, p. 148 ; voy. également les déci­sions citées par M. HANOTIAU, <<Troubles de voisinage : la res­ponsabilité du maître de l'ouvrage pour le dommage causé à un voisin par la faute de l'entrepreneur>>, Rev. Dr. U.L.B., 1992, p. 25, no 7 ; M. PAQUES et M. ALLARD, <<La responsabi­lité de l'administration pour dommages de travaux publics, spécificité? >>, in L'administration face à ses juges, éd. Jeune Barreau de Liège, 1987, p. 86).

Pour la première fois, ce principe d'égalité devant les charges publiques vient d'être évoqué par la Cour de cassation dans une décision du 28 janvier 1991 (Pas., 1991, I, 509, note J.F.L. et les concl. partiellement contraires de l'av. gén. M. Leclercq; R.O.J.B., 1992, p. 177 et la note J. HANSENNE; J.L.M.B., 1991, p. 1027 et la note P. HENRY, <<Travaux publics et troubles de voisinage : deux poids, deux mesures >> ; R. W., 1990-1991, p. 1407; J. KoKELENBERG, note sous Civ. Bruxelles, 17 septembre 1990, R.G.D.O., 1992, p. 373).

L'arrêt du 28 janvier 1991 a fait l'objet de diverses critiques relatives au fondement invoqué et à la méthode d'évaluation

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du dommage excessif (voy. J. HANSENNE, op. cit., cette Revue, p. 187 et s.). Il lui est reproché de rattacher ce principe à l'ar­ticle 11 de la Constitution (article 16 actuel) et de fonder sur cette disposition le droit à une compensation en cas de trouble excessif de voisinage alors que cette norme n'est pas admise pour accorder le même droit au propriétaire dont le fonds subit une servitude légale d'utilité publique, situation proche de l'expropriation régie par l'article 11 précité. L'article 6 de la Loi fondamentale (article 10 actuel) qui énonce le principe de l'égalité des Belges devant la loi serait dès lors considéré comme plus adéquat (voy. toutefois C.E., 17 mai 1990, Amén., 1990, p. 196 qui considère que le moyen pris de la violation des articles 6 et 6bis de la Constitution, en ce qu'il y aurait rupture de l'équilibre entre deux fonds, soulève en réalité la violation de l'article 544 du Code civil).

32. COMPENSATION OU INDEMNISATION. - Par ailleurs, le principe de l'égalité devant les charges du service public n'est en général admis comme fondement de la compensation que s'il va de pair avec la spécialité du dommage (J. HANSENNE, op. cit., cette Revue, p. 188). Les droits du particulier n'étant par définition pas égaux à ceux de l'autorité publique, la rup­ture de l'équilibre est vérifiée par rapport aux titulaires de mêmes droits, placés dans une situation objectivement compa­rable (Mons, 15 septembre 1988, J.L.M.B., 1988, p. 271 ; Bruxelles, 17 février 1989, R. G.A.R., 1990, no 11.621 ; Mons, 20 février 1990, Rev. rég. dr., 1990, p. 389 et note D. DEoM). Dans la décision précitée du 28 janvier 1991, la Cour casse le jugement a quo en tant qu'illimite le droit des demandeurs au dommage spécial non subi par les autres riverains. Même s'il est admis que le préjudice peut être totalement réparé, il est toutefois reproché à la Cour de méconnaître que la notion d'égalité implique la comparaison avec un autre titulaire placé dans les mêmes circonstances ... à moins qu'il faille comprendre la décision en ce que la comparaison doit être effectuée par rapport à la charge supportée par tout citoyen face à l'intérêt collectif et non par les seuls riverains d'un chantier particulier (J. HANSENNE, op. cit., cette Revue, p. 189; voy. Ci v. Liège, 4 mai 1990, R.G.A.R., 1992, n° 11.993 qui, sur base de l'ar­ticle 544 du Code civil, compare la situation du commerçant

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dont le chiffre d'affaire a diminué en raison des travaux de voirie aux inconvénients nettement moindres supportés par les citoyens <<ordinaires>>; Liège, 21 décembre 1989, R.G.A.R., 1991, n° 11.892 qui, pour refuser l'existence d'un trouble de voisinage, se référant à l'article 544 du Code civil, compare la situation du garagiste qui se plaint de la diminution impor­tante du trafic routier en raison de la construction d'une auto­route à proximité, de son point de vente à la situation com­mune de tous les commerçants installés le long de cette voirie concernée à celle qu'ont connue nombre de commerçants du pays tout entier à la suite du contournement de leur localité et de la construction du réseau autoroutier).

Si telle est la portée de l'arrêt du 28 janvier 1991, la solution adoptée par une partie de la jurisprudence, certes controver­sée, quant à la réduction du montant de la compensation à la suite de la plus-value conférée à un immeuble après qu'ait dis­paru un trouble excessif temporaire risque d'être remise en question. En effet, l'avantage appréciable dont profite le plai­gnant ne doit, selon cette conception, être pris en compte que s'il est personnel et spécifique. La plus-value postérieure est dès lors comparée à celle dont bénéficient les autres riverains, ce qui ne pourrait plus être admis selon l'arrêt du 28 janvier 1991 (J. HANSENNE, op. cit., cette Revue, p. 190; Mons, 15 septembre 1987, J.L.M.B., 1988, p. 271 et obs.; R.G.A.R., 1989, no 11.567 quant à l'effet dissuasif sur la clientèle de garagistes qui ont subi des travaux de voirie alors que l'accès à leur garage était réglementairement interdit et qu'en outre l'ampleur des travaux et les modalités d'exécution le rendaient dangereux pour les voitures).

Enfin, comment concilier l'arrêt du 28 jan vier 1991 et celui du 23 mai 1991 (voy. n° 31) ? Contrairement au premier, le second ne se réfère nullement au principe de l'égalité devant les charges publiques mais bien à l'article 544 du Code civil, alors que le pourvoi en faisait mention. La Cour souligne en outre qu'il n'existe aucun principe général de droit consacrant la prééminence de l'intérêt public sur l'intérêt particulier mais casse pourtant le jugement attaqué en ce qu'il a refusé d' exa­miner si, en l'espèce, les troubles de voisinage excédaient les charges qu'un particulier doit supporter dans l'intérêt collee-

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tif. L'égalité entre les intérêts publics et privés n'existe donc ... pas. Où se situe dès lors la marge?

En outre, le juge du fond avait précisé qu'était sans inci­dence le fait que l'autorité ait pris des dispositions pour réduire les inconvénients résultant de l'exécution des travaux ou que ceux-ci étaient utiles à la communauté (voy. également Ci v. Liège, 4 mai 1990, R. G.A.R., 1992, no 11.993 quant à la diminution importante du chiffre d'affaires d'un commerçant à la suite des perturbations de la voirie). Le juge sera-t-il doré­navant soumis à la difficile obligation de constater dans cha­que cas d'espèce que le trouble excessif était supérieur aux charges que tout particulier doit supporter dans l'intérêt col­lectif? (J. HANSENNE, op. cit., cette Revue, p. 194).

33. REFUS D'APPLIQUER LA THÉORIE DES TROUBLES DE VOI­SINAGE AUX ENTREPRENEURS. - Depuis les décisions des 10 janvier 1974 et 31 octobre 1975 (voy. les chroniques précé­dentes, cette Revue, 1980, p. 365 et s., nos 12 et s. ainsi que 1987, p. 621 et s., nos 19 et s.), est tenu à la compensation de la rupture de l'équilibre existant entre fonds voisins, le titu­laire qui, en raison d'un droit réel ou personnel, dispose à l'égard d'un fonds d'un des attributs du droit de propriété (Anvers, 21 décembre 1988, B.A., 1989, p. 4 72, obs. F. MELIS ; Ci v. Bruxelles, 27 novembre 1989, R. G.D. O., 1990, p. 359 où le recours contre le propriétaire est exclu dans la mesure où le locataire exerce un droit personnel sur l'appartement, celui-ci devant être assigné sur base de l'article 544 du Code civil). Ne se voit toutefois pas reconnaître cette qualité l'entrepreneur qui, exécutant des travaux sur un héritage, fait usage d'un de ces attributs en vertu du droit personnel qu'il a tient du contrat d'entreprise. Il ne pourra dès lors être actionné sur base d'un trouble de voisinage fondé sur l'article 544 du Code civil et ne sera tenu de réparer le dommage que ·s'il a commis une faute qui en est à l'origine (Mons, 6 mai 1987, J.L.M.B., 1987, p. 1095 ; voy. également Bruxelles, 25 février 1988, J. T., 1988, p. 302 ; Entr. et dr., 1992, p. 278 et obs. J. WERY qui décide que les entrepreneurs qui ont chacun la charge de tra­vaux sur un même fonds appartenant au maître d'ouvrage ne sont pas fondés à invoquer l'un envers l'autre la théorie des troubles de voisinage; voy. aussi notre critique de cette juris-

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prudence dans notre précédent examen : cette Revue, 1987, p. 621, n° 19; cfr. également infra, n° 41). Le préjudicié se retournera dès lors contre le maître de l'ouvrage sur base de l'article 544 du Code civil ou invoquera les articles 1382 et s. du Code civil à l'encontre de l'entrepreneur, sans préjudice du recours ou de l'appel en garantie du premier contre le second (Ci v. Turnhout, 10 février 1992, Turnh. Rechtsl., 1993, p. 163 ; Liège, 8 octobre 1986 et Civ. Huy, 7 décembre 1983, Entr. et dr., 1992, p. 275 ; Anvers, 4 janvier 1989, Limb. Rechtsl., 1989, p. 88; Bruxelles, 19 avril 1991, Entr. et dr., 1991, p. 350 où il est en outre reproché à l'architecte de ne pas avoir vérifié l'exécution dans les règles de l'art des études de sol et des son­dages, même si ceux-ci devaient être contractuellement prestés par l'entrepreneur ; concernant le recours du propriétaire condamné alors que le dommage était exclusivement dû à la faute de l'architecte :voyez Cass., 13 mars 1987, Pas., 1987, I, 834 obs.; R. W., 1987-1988, p. 22 obs.; voy. sur l'hypothèse de la faute exclusive de l'entrepreneur, M. HANOTIAU, <<Troubles de voisinage : la responsabilité du maître de l'ouvrage pour le dommage causé à un voisin par la faute de l'entrepreneur>>, Rev. dr. U.L.B., 1992, p. 7 et s. qui analyse quelques décisions de la Cour difficilement conciliables entre elles telles que Cass., 14 juin 1968, Pas., 1968, I, 1177 ; Cass., 14 octobre 1976, Pas., 1977, I, 199; Cass., 2 juin 1983, Pas., 1983, I, 1112).

Il se peut toutefois que l'entrepreneur s'engage convention­nellement à prendre en charge la couverture de tous dom­mages survenus même en l'absence de faute (voy. toutefois Gand, 27 avril 1987, Entr. et dr., 1988, p. 367 obs. qui met à charge de l'adjudicataire les troubles de voisinage sans qu'il y ait eu une faute d'exécution de sa part au motif que la clause du cahier spécial des charges lui imposant l'obligation de sous­crire une assurance pour tous dommages matériels peut être interprétée comme une obligation, formulée de manière géné­rale, de supporter le risque de tout dommage consécutif à l'exécution des travaux).

34. INTÉRÊT À AGIR. - Quant aux personnes disposant d'un intérêt à intenter l'action en troubles de voisinage, la Cour de cassation a tranché une question controversée en cas­sant une décision qui subordonnait la demande d'indemnité à

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la condition que le préjudicié soit encore propriétaire du fonds au moment de l'introduction de la demande (Cass., 28 juin 1990, Pas., 1990, I, 1244; R. W., 1990-1991, p. 1402 et note E. DIRIX, <<De aanspraakgerechtigden bij zaakschade en burenhinder >> ; J.L.M.B., 1991, p. 38). Le droit à la réparation est en effet personnel. Est également recevable, sans l' autori­sation de la députation permanente du conseil provincial pré­vue à l'article 150 de la loi communale du 30 mars 1836, la demande en justice d'un habitant, agissant ut singuli, en nom propre, en vue d'un intérêt et pour la protection d'un droit personnel, qui en vertu des articles 537 et s. et 544 du Code civil, veut faire rétablir le libre accès à sa propriété par l'utili­sation d'un chemin ouvert au public, dont la servitude de pas­sage a été acquise par la prescription trentenaire de la corn­mune, sans que la décision à intervenir puisse engendrer un droit, une obligation ou une charge pour la commune ou pour des tiers (Cass., 31 mai 1990, Pas., 1990, I, 1115; R. W., 1990-1991, p. 749).

35. NOTION DE VOISINS. - La qualité de voisin a été par ailleurs reconnue à une entreprise de distribution de gaz qui, en tant que propriétaire des canalisations, compteurs compris, enfouies dans le trottoir et fournissant le gaz à un immeuble, a été assimilée à un<< occupant>> partiel de celui-ci. En l'espèce, la compagnie a obtenu la compensation du préjudice qu'elle a subi à la suite des opérations de coupure de gaz, de remplace­ment des canalisations déformées et de réouverture de la dis­tribution, les premières ordonnées par les services de police, en raison de la menace d'effondrement de cet immeuble causé par des travaux de démolition d'un bâtiment voisin (Civ. Bruxelles, 17 septembre 1990, R. G.D. O., 1992, p. 367 et note J. KoKELENBERG qui souligne que la compagnie de distribu­tion peut être considérée également comme voisin, victime d'un trouble de voisinage lorsqu'elle occupe une partie du domaine public, quoique dans la plupart des cas, c'est elle qui soit à l'origine des inconvénients ; contra, Mons, 12 décembre 1988, J. T. , 1989, p. 216 qui rej et te l'action fondée sur l'ar­ticle 544 du Code civil et dirigée cette fois-ci contre une société distributrice de gaz naturel au motif que même si celle-ci uti­lise pour l'installation et l'exploitation de ses canalisations la

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voie publique en sous-sol, elle n'en acquiert pas pour autant la propriété. Cette conception n'est pas exacte, le concept de << voisins >> ayant une portée plus large que le simple fait d'être propriétaire {voy. no 33 où il est souligné qu'il suffit d'être titulaire d'un droit réel ou personnel et de disposer à l'égard du fonds d'un des attributs du droit de propriété).

Ne dispose toutefois pas d'un droit réel en relation avec le voisinage, le propriétaire d'une voiture endommagée en raison de l'incendie d'un immeuble alors qu'étranger au quartier, il venait de la garer pour quelque temps. Il n'en aurait pas été de même s'il habitait le quartier car le stationnement de son véhicule constituerait alors un accessoire de la jouissance de l'habitation (Anvers, 14 janvier 1986, R. W., 1987-1988, p. 1035 et obs.).

Il n'est pas nécessaire que les propriétés se jouxtent immé­diatenlent pour autant qu'elles se situent dans un voisinage proche (Ci v. Gand, 8 mai 1987, R. G.D. O., 1988, p. 577). Les voisins d'un terrain utilisé pour le décollage et l'atterrissage d'ULM qui survolent les propriétés occupées à titre de domi­cile ou de résidence secondaire disposent d'un intérêt suffisant pour saisir le juge des référés d'une action tendant à interdire la poursuite de travaux d'agrandissement pouvant être achevés en trois ou quatre jours. Leur action est fondée dans la mesure où leur environnement risque d'être compromis par une concentration plus grande d'ULM et une augmentation des nuisances liées à leur utilisation (Liège, 21 mai 1992, J.L.M.B., 1993, p. 446; sur la possibilité de déterminer en temps utile, au cours même des travaux d'aménagement des fondations du site, des mesures de prévention efficaces pour supprimer ou réduire les troubles susceptibles d'être provoqués par les activités d'un nouveau terminal pour conteneurs d'un port intérieur : Civ. Liège (réf.), 17 janvier 1991, Amén., 1991, p. 108).

36. NOTION DE TROUBLE EXCESSIF. -Le trouble de voisi­nage suppose la création d'un déséquilibre entre l'usage de leurs droits par les propriétaires voisins. Il n'est pas nécessaire qu'il provienne de l'aménagement du bien immobilier en ques­tion ou qu'il consiste en la dégradation matérielle du fonds voisin. Il suffit qu'il excède les inconvénients ordinaires du

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voisinage (Mons, 12 décembre 1988, J. T., 1989, p. 217). Le préjudicié peut se borner à établir que le dommage est objecti­vement imputable au titulaire du droit réel ou personnel sur le fonds qui est à l'origine du trouble. Depuis la décision du 7 décembre 1992 (Pas., 1992, I, 1339; J. T., 1992, p. 473 et obs. D. V AN GERVEN), il suffit qu'il ait, personnellement ou par personne interposée, provoqué le dommage, soit par un fait, une simple omission ou un comportement quelconque. Par ailleurs, le lien causal entre le dommage et le trouble n'est pas nécessairement rompu par la simple circonstance que la personne lésée a commis une faute (Cass., 18 janvier 1990, Pas., 1990, p. 591 obs. ; R. W., 1991-1992, p. 993 ; Res et jur. imm., 1990, p. 267).

Il est parfois fait référence à l'inévitable évolution des exi­gences normales de la vie en société pour rej et er la qualifica­tion de trouble de voisinage quant à l'implantation de petites ou moyennes installations sportives ne pouvant en rien être assimilés aux stades gigantesques, <<à hauts risques>>, favori­sant ainsi in casu la pratique de football en milieu urbain ou rural dans ou à proximité immédiate de zones habitées, à rai­son d'un ou exceptionnellement de deux entraînements par semaine et dont le nombre de visiteurs est inférieur à cent per­sonnes (Civ. Namur, 26 mars 1992, J.L.M.B., 1992, p. 679; J. T., 1992, p. 764 ; R. G.D. O., 1992, p. 163). Quant aux nui­sances acoustiques causées dans l'espace aérien, il a été consi­déré qu'elles ne pouvaient constituer un trouble de voisinage puisqu'elles ne provenaient pas d'un bien immobilier, ce qui nous paraît un raisonnement spécieux. Aux yeux du juge, il n'y aurait pas eu en l'espèce de trouble excessif, les nuisances constituant une conséquence normale de l'évolution économi­que à supporter par l'environnement de l'aéroport (Bruxelles, 31 juillet 1991, Amén., 1991, p. 232).

Lorsque c'est le bruit qui est en cause, les circonstances de temps, de lieu, de durée, d'intensité et de fréquence sont par­fois prises en considération, notamment en ce qui concerne l'utilisation d'une batterie de musique (J.P. St-Trond, 5 avril 1993, Rev. dr. rural, 1993, p. 260 qui relève que l'âge ou la sus­ceptibilité de la personne lésée est sans importance; J.P. St­Trond, 26 novembre 1991, Limb. Rechtsl., 1993, p. 120; sur

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l'absence d'obligation de résultat, Civ. Gand (réf.), 21 juillet 1991, T.G.R., 1992, p. 50). Ne peuvent se plaindre de<< la tona­lité d'existence supérieure à la moyenne de nos climats >> dont font preuve leurs voisins, les habitants d'un logement social, mal insonorisé, dans un quartier bruyant d'une cité surnom­mée <<Agadir>>, <<personnes aux nerfs sensibles manifestement égarées dans un milieu inadéquat>>, en raison de ce que <<la plupart des habitants y vivent au rythme de leur pays d'ori­gine, selon les mœurs et coutumes qui s'y rattachent>> même si << les nationaux doivent faire de très sérieux efforts pour y rester (remarque de la gendarmerie ... )>> (4 décembre 1987, J.L.M.B., 1988, p. 333). Excèdent manifestement les inconvé­nients normaux du voisinage en milieu rural, les aboiements provenant d'un chenil après vingt-deux heures (J.P. Lou­veigné, 19 juin 1990, J.L.M.B., 1991, p. 66). Le juge des référés peut par ailleurs, en attendant la décision sur le fond, limiter le droit de faire sonner le carillon d'une église aux seuls besoins du culte (Mons, 7 novembre 1990, J.L.M.B., 1991, p. 41 ; sur le bruit causé par l'aménagement d'une autoroute et du trafic routier qui s'y développe, Liège, 26 janvier 1989, R.G.A.R., 1990, no 11.699).

37. EXEMPLES DE TROUBLES EXCESSIFS. - Le caractère excessif du trouble de voisinage a notamment été reconnu dans les situations suivantes :

- la diminution d'ensoleillement occasionnant de l'humi­dité et du froid dans un immeuble, peu importe sa vétusté, en raison d'une importante construction de la Régie des Bâti­ments (Liège, 16 juin 1989, J. T., 1990, p. 134 ; R. G.A.R., 1991, n° 11.890).

- la présence de huit à dix ruches, même établies régle­mentairement et selon les règles d'une bonne apiculture, empê­chant l'usage normal du jardin voisin pendant les mois d'été (Ci v. Gand, 11 octobre 1990, T. G.R., 1990, p. 121).

- une infiltration d'eau en raison d'une fuite provenant de l'immeuble attenant, même si la cause exacte ne peut être éta­blie (Anvers, 21 décembre 1988, B.A., 1989, p. 472, obs. F. Melis.

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- la présence d'un bras de grue surplombant la propriété voisine (Mons, 3 mai 1988, Rev. not., 1988, p. 480).

- l'exposition de ferrailles et de détritus de tous genres devant l'immeuble ou dans la cour de celui-ci ainsi que la pré­sence permanente d'odeurs nauséabondes en raison de l'entre­tien de cinq chiens et neuf chats (J.P. Louveigné, 23 juin 1987, J.J.P., 1987, p. 306).

- l'installation d'une cuve à mazout à courte distance d'une fenêtre de cuisine, gênante notamment sur le plan esthé­tique et dégageant de mauvaises odeurs (J.P. Marchienne-au­Pont, 27 mars 1987, J.J.P., 1987, p. 209).

- la poussière et les vibrations de camions qui vont et viennent vers une entreprise de lavage de gravier, peu importe que les camions soient la propriété de tiers ou qu'une autorisa­tion ait été obtenue pour les activités. L'évaluation de la com­pensation tient cependant compte pour 50 % des mauvaises fondations de l'habitation préjudiciée (Anvers, 3 mai 1989, Limb. Rechtsl., 1989, p. 126 et note P. VAN HELMONT).

- les déversements de poussière sur un terril dont la route d'accès est un simple chemin pierreux situé à proximité d'un verger, occasionnant la pollution de celui-ci et la diminution parfois considérable de la qualité des fruits ainsi transformés en rebus, alors qu'en outre le non-respect des prescriptions administratives crée << une sorte de présomption d'anormalité >>.

Néanmoins un tiers de la responsabilité doit être laissé à charge de la partie lésée qui a pris un certain risque puisqu'elle avait été avertie par l'entreprise du dégagement de poussière et de gaz et, se doutant que la défenderesse allait s'étendre, elle aurait dû prendre certaines précautions telle que la planta­tion de peupliers afin de retenir les poussières (Corn. Tournai, 11 juin 1992, inédit et frappé d'appel).

38. TROUBLES N'AYANT PAS UN CARACTÈRE EXCESSIF :

- l'élevage porcin dans une commune rurale et dans une zone agricole, lorsqu'en outre les conditions d'exploitation sont respectées (J.P. Beveren, 10 avril 1990, J.J.P., 1990, p. 374).

- la fermeture exceptionnelle et provisoire d'une voie d'accès à un parking, créé au pied de la cathédrale, par les

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autorités de police d'une ville importante (Civ. Liège, 17 mai 1989, R.G.A.R., 1991, n° 11.797 obs.).

- la construction d'une voie rapide ne modifiant pas la configuration de la route sur laquelle est installé le garage des demandeurs, sans qu'il y ait eu atteinte aux aisances de voi­ries, la diminution importante du trafic routier étant une situation commune à tous les commerçants de la voirie concer­née et semblable à celle qu'ont connue nombre de commer­çants du pays tout entier à la suite du contournement de leur localité et de la construction du réseau autoroutier (Liège, 21 décembre 1989, R.G.A.R., 1991, no 11.892, voy. toutefois Mons, 15 septembre 1987, J.L.M.B., 1988, p. 271 et obs.; R.G.A.R., 1989, no 11.567).

N'est pas fondé à se plaindre d'un trouble de voisinage, le propriétaire d'un champ cultivé qui a, pendant plus de trente ans, laissé croître une rangée d'arbres de haute tige en bordure de son champ, de telle sorte que son voisin a acquis, par pres­cription, le droit de conserver ses arbres à cet endroit, en vertu d'une servitude réelle s'exerçant au détriment du fonds ser­vant (J.P. Fosses-la-Ville, 5 septembre 1990, J. T., 1991, p. 506). Ne peut également invoquer l'existence de troubles anormaux, la personne qui s'est volontairement installée en bordure d'une voie de grande communication où l'augmenta­tion continue du trafic était prévisible et où les aménagements apportés à la voirie répondent à une impérieuse nécessité et à un légitime souci de sécurité (Liège, 22 décembre 1988, Rev. rég. dr., 1990, p. 385). Ne méconnaît pas l'article 544 du Code civil, l'autorité qui en toute légalité interdit l'habitation d'un immeuble menaçant ruine et impose les travaux nécessaires à remédier à pareil état (C.E., 31 janvier 1992, R.A. C.E., 1992, n° 38.622).

CHAPITRE IV. - LES RESPONSABILITÉS PROFESSIONNELLES

39. LES ADMINISTRATEURS DE SOCIÉTÉ OU D' A.S.B.L. - La négligence commise dans l'accomplissement des formalités nécessaires au payement de subsides promis par les autorités aux organisateurs d'un congrès, engage la responsabilité des

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administrateurs de l'a.s.b.l. qui doivent répondre envers les tiers, même de leurs fautes légères (Bruxelles, 9 octobre 1987, J. T., 1988, p. 408; R.P.S., 1988, p. 145 et note J. T'KINT; R.G.A.R., 1989, no 11.568; voyez aussi Cass., 29 juin 1989, R.P.S., 1989, p. 175 et obs.; Pas., 1989, I, p. 1.196 et obs.; R.G.A.R., 1992, no 11.902).

Le fait pour l'administrateur d'une a.s.b.l. de contracter alors qu'il sait ou devrait savoir que l'association ne pourra faire face aux engagements pris constitue une faute de nature à engager sa responsabilité aquilienne à l'égard du contractant de l'association (Liège, 3 février 1992, R.P.S., 1992, p. 127 ; J.T., 1992, p. 479; Comp. Civ. Neufchâteau, 22 décembre 1989, R.P.S., 1992, p. 130).

Le Tribunal d'Anvers, a considéré les dirigeants d'un mou­vement de jeunesse comme les organes (de fi:lit?) de l'a.s.b.l. s'il apparaît des éléments de la cause qu'ils sont intervenus dans l'organisation des activités comme organes par lesquels le but de l' a.s.b.l. s'est matérialisé (Anvers, 6 janvier "1993, Limb. Rechtsl., 1993, p. 45).

Le non-aveu de la cessation de payement dans le délai légal de 3 jours est en principe une faute, mais cette faute n'engage­rait pas la responsabilité aquilienne vis-à-vis de tiers, par exemple les fournisseurs non payés qui n'auraient pas livré si la faillite avait été déclarée, si l'évolution du crédit de la société pouvait masquer l'état de cessation de payement (Civ. Namur, 4 octobre 1986, R.P.S., 1989, p. 183; Cass., 22 sep­tembre 1988, R.C.J.B., 1990, p. 203 et note R.O. DALCQ, << Appréciation de la faute en cas de violation d'une obligation déterminée>>; voyez aussi : Cass., 7 septembre 1990, Pas., 1991, I, p. 17 ; T.R. V., 1991, p. 86 et note M. W. ; comp. pour la responsabilité de l'administrateur en cas d'aveu tardif de la faillite et de poursuite d'une activité déficitaire : Bruxelles, 31 octobre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 201).

La responsabilité de l'administrateur de fait est sanctionnée par l'article 63ter des lois coordonnées sur les sociétés et nous renvoyons à ce sujet aux chroniques spécialisées (voyez aussi Bruxelles, 14 septembre 1988, T.R. V., 1989, p. 49 et note J. LIEVENS).

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40. AGENT IMMOBILIER. -Le mandataire contractant avec un tiers en outrepassant son pouvoir de représentation engage sa responsabilité personnelle (Bruxelles, 9 avril 1987, Res. et Jura lm., 1987, p. 223).

L'agent immobilier doit s'assurer des conditions de la vente. Si le compromis indique que l'immeuble est vendu quitte et libre, les acheteurs peuvent mettre en cause la responsabilité quasi délictuelle du courtier si cette indication ne correspond pas à la réalité (Gand, 21 octobre 1987, T.G.R., 1988, p. 15).

41. ARCHITECTES ET ENTREPRENEURS. -Si la majorité de la jurisprudence considère toujours que l'entrepreneur qui a causé par ses travaux un trouble anormal de voisinage n'est pas responsable envers les voisins sur base de l'article 544 du Code civil ( cfr .. Gand, 17 octobre 1986, Entr. et Drt, 1986, p. 215 ; Bruxelles, 24 avril 1986, Entr. et Drt, 1987, p. 40 et note ; Bruxelles, 27 septembre 1985, Entr. et Drt, 1988, p. 354 ; Anvers, 26 mai 1985, Entr. et Drt, 1991, p. 361 ; Civ. Turn­hout, 10 février 1992, Turnh. Rechtsl., 1993, p. 163) sauf prise en charge contractuelle de cette obligation (pour l'interpréta­tion de cette clause, voyez Bruxelles, 27 septembre 1985, Pas., 1985, II, p. 91), nous continuons à penser que cette solution ne s'impose pas et que rien n'empêche de retenir également la res­ponsabilité de l'entrepreneur sur base de la théorie des troubles de voisinage ( cfr. notre précédent examen, cette Revue, 1987, p. 621, n° 19; comp. J.L. FAGNART et M. DE NÈVE, <<Chronique de jurisprudence>>, J. T., 1988, p. 266, n° 129-4; voyez supra, n° 33).

La responsabilité de l'entrepreneur ou de l'architecte vis-à­vis du maître de l'ouvrage est exclusivement contractuelle (Civ. Anvers, 21 septembre 1988, Entr. et Drt, 1990, p. 40 et obs. ; Bruxelles, 18 avril 1991, J. T., 1991, p. 617). Par contre, le manquement de l'entrepreneur envers les tiers engage évi­demment sa responsabilité quasi délictuelle (voyez par ex. pour les dommages aux canalisations : Mons, 28 octobre 1985, J. T., 1987, p. 409 ; Bruxelles, 26 février 1988, J.L.M.B., 1988, p. 852 et note Patrick Henry; Bruxelles, 2 mars 1989, R.G.A.R., 1990, n° 11.673; Liège, 6 mai 1990, luvis, 1993, p. 16; Liège, 7 novembre 1991, luvis, 1993, p. 21 ; Corn. Turnh., 15 janvier 1992, luvis, 1993, p. 27; Corn. Namur,

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14 janvier 1992, luvis, 1993, p. 51 ; Corn. Tournai, 13 sep­tembre 1990, luvis, 1993, p. 25; Corn. Tournai, 20 mars 1990, luvis, 1993, p. 22; voyez aussi Mons, 7 juin 1987, Pas., 1987, II, p. 198; pour des inondations causées par une erreur d'ap­préciation au sujet du moment favorable pour la pose de cana­lisations : Bruxelles, 25 février 1988, J. T., 1988, p. 302; voyez aussi : Cass., 26 octobre 1990, Pas., 1991, I, p. 220).

Il en est de même pour l'architecte que pour l'entrepreneur.

La responsabilité de l'un ou l'autre peut être retenue sur base de la faute à côté de l'obligation du propriétaire de répa­rer les troubles de voisinage excessifs ou anormaux (Cass., 13 mars 1987, Pas., 1987, I, p. 834; R.G.A.R., 1989, no 11.451 ; voyez pour une entreprise de démolition : Bruxelles, 27 mai 1985, J.L.M.B., 1987, p. 362).

En prévoyant et en laissant construire une fosse septique dans une zone frappée d'une servitude légale non aedijicandi, l'architecte commet une faute délictuelle. L'action en répara­tion qui en découle est étrangère au régime de la responsabilité décennale et se prescrit par 30 ans (Liège, 4 septembre 1987, J.L.M.B., 1988, p. 309 et note Patrick Henry, <<Cumul des responsabilités in solidum : un dangereux cocktail. .. >>.

S'il y a fautes distinctes de l'entrepreneur et de l'architecte et que l'entrepreneur a réparé le dommage à ses frais, il ne possède aucun recours contre l'architecte ni sur base contrac­tuelle, ni sur base aquilienne (Gand, 16 septembre 1988, R. G.D. C., 1990, p. 4 7 et note R. Kruithof).

Les rapports entre le maître de l'ouvrage et les sous-trai­tants sont quasi délictuels et non contractuels ( cfr. supra, no 2). Le sous-traitant peut agir contre le maître de l'ouvrage sur base des articles 1382 et 1383 si la faute de celui-ci lui a causé préjudice (Cass., 14 décembre 1990, Pas., 1991, I, 375; voyez également pour les sous-traitants d'un teinturier : Bruxelles, 9 mai 1990, R.G.A.R., 1992, no 11.926 et obs. F.G.).

L'entrepreneur est en principe responsable en cas de négli­gence relative aux mesures de sécurité sur le chantier. L'archi­tecte peut être co-responsable si constatant l'insuffisance des précautions, il ne réagit pas (Anvers, 8 mars 1989, R. W., 1991-1992, p. 920).

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Nous ne parlerons pas de la responsabilité décennale des architectes et entrepreneurs. Cette responsabilité est en effet exclusivement de nature contractuelle ( Cass., 15 septembre 1989, R.O.J.B., 1992, p. 509 et note J. HERBOTS).

42. AvocAT.- L'avocat qui agit comme mandataire de son client doit être déclaré responsable du retard apporté à l'intro­duction d'une action (Corr. Louvain, 15 mai 1986, R. G.A.R., 1988, no 11.336, voyez les références doctr. citées dans notre précédent examen de jurispr., cette Revue, 1987, p. 633, n° 30).

L'avocat qui ne procède pas à la vérification au greffe cor­rectionnel avant l'expiration du délai d'appel afin de vérifier si un appel a été interjeté et qui néglige ainsi de suivre l'appel du prévenu commet une faute, le dommage de son client étant constitué par la perte de la chance d'être indemnisé (Civ. Charleroi, 29 mars 1988, J. T., 1989, p. 79).

Le dommage causé par la perte d'une voie de recours est égal à la valeur de la perte de la chance de voir le recours aboutir. La valeur de cette chance doit être appréciée en fait et non pas en imaginant le sort que le juge saisi de l'action en responsabilité aurait donné au fond du litige mais en estimant les chances de succès ou de pertes, en tenant compte des appréciations différentes possibles selon les magistrats (voyez pour un appel tardif : Civ. Termonde, 5 novembre 1987, R.G.D.O., 1990, p. 83; Civ. Bruges, 14 mai 1991, R. W., 1993-1994, p. 266; Civ. Liège, 23 mars 1990, R.G.A.R., 1992, n° 12.064; pour un pourvoi tardif : Civ. Malines, 13 mars 1989, R. G.D. O., 1990, p. 85 ; pour un délai de prescription conventionnelle en matière d'assurance : Gand, 29 janvier 1993, R. W., 1993-1994, p. 23 et obs.).

L'avocat doit attirer l'attention de son client sur la nécessité de respecter le délai fixé par l'expert pour lui adresser les observations au sujet de ses préliminaires. L'avocat qui au surplus assigne en référé mais n'assigne pas au fond avant l'ex­piration du délai de responsabilité décennale commet une faute (civ. Turnhout, 4 mai 1992, R. W., 1993-1994, p. 201).

43. DEVOIR DE CONSEIL. ---'-- Si la responsabilité de l'avocat est aisément retenue lorsqu'il a laissé passer un délai de pres-

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cription ou de recours, il est plus rare qu'interviennent des décisions sanctionnant la faute dans le devoir de conseil ou à propos d'une interprétation d'ordre juridique. L'on ne peut s'empêcher d'avoir le sentiment, tout au moins en présence des rares décisions publiées, que la jurisprudence est, à cet égard, moins sévère vis-à-vis des avocats qu'envers les notaires. Ainsi a-t-il été considéré que ne commet pas une faute l'avocat qui n'invoque pas la non-imputabilité à un enfant de six ans de sa propre faute dès lors qu'il n'est ni établi que les juridictions n'avaient pas une connaissance suffisante de cette théorie et qu'en outre elles auraient pu suppléer d'office aux motifs pro­posés par les parties à l'appui de leur demande (Civ. Bruxelles, 6 février 1991, J. T., 1991, p. 661 ; Bull. Ass., 1991, p. 703 et obs. BovY; R.G.D.C., 1992, p. 265; voyez aussi Civ. Bruxelles, 4 décembre 1990, R. W., 1991-1992, p. 823 et obs. ; Bruxelles, 31 mars 1993, R. W., 1993-1994, p. 363).

44. BANQUIER. - La jurisprudence en matière de responsa­bilité du banquier dispensateur de crédit a été confirmée ( cfr. notre précédent examen de jurispr., cette Revue, 1987, p. 633, no 31) en considérant que commet une faute qui modifie en sa faveur l'équilibre entre les risques qu'elle prend et ceux des fournisseurs de son client, la banque qui maintient ouvert un crédit d'escompte fournisseur alors qu'elle sait que le tiré en fait un usage abusif (Bruxelles, 30 septembre 1986, J.L.M.B., 1987, p. 151; R.G.A.R., 1989, n° 11.432 et obs. M. DATH; Bruxelles, 25 septembre 1986, J.T., 1987, p. 234; Corn. Bruxelles, 2 juin 1988, Rev. Rég. dr., 1990, p. 195 ; Bruxelles, 19 mai 1988, Rev. Banq., 1988, p. 51 et obs. ; Gand, 2 décembre 1987, J. T., 1989, p. 238 ; Bruxelles, 11 septembre 1987, Rev. dr. comm., 1989, p. 7 et note; Pas., 1988/2/1 ; Bruxelles, 25 janvier 1990, J.L.M.B., 1990, p. 1.272 ; Liège, 12 janvier 1990, J.L.M.B., 1990, p. 1.269 ; Corn. Liège, 30 novembre 1989, Rev. dr. comm., 1990, p. 1.067 et obs. ; Comm. Bruxelles, 24 octobre 1989, Rev. not., 1990, p. 196 ; Liège, 24 octobre 1991, R.P.S., 1992, p. 116 ; J.L.M.B., 1992, p. 693 et obs. Rev. dr. com. b., 1992, p. 993 et obs. ; Comm. Bruxelles, 14 février 1991, Rev. dr. com., 1992, p. 991 ; Civ. Bruxelles, 5 mars 1991, Rev. dr. comm., 1992, p. 981 et obs. ; Civ. Gand (réf.), 31 janvier 1991, Rev. dr. com., 1992, p. 984 et

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note ; Comm. Liège, 7 février 1990, Rev. dr. comm., 1992, p. 74 ; Bruxelles, 12 février 1992, Rev. dr. Comm., 1993, p. 1.041 ; R.P.S., 1993, p. 256 et note T'KINT, Pas., 1992, II, p. 23).

Par contre la responsabilité du banquier n'est pas engagée si elle ne peut être invoquée qu'en raison d'informations connues a posteriori et impossibles à découvrir lors de l'octroi du crédit (Bruxelles, 22 septembre 1988, J. T., 1989, p. 694).

Le dépositaire d'un compte de dépôt de sommes doit, en. vertu de l'article 218, al. 3, du Code civil, informer le conjoint du titulaire du compte de son ouverture. Le défaut d'informa­tion constitue une faute qui rend le dépositaire responsable sur base de l'article 1382 du Code civil des dommages que cette faute a pu causer (Gand, 11 octobre 1985, Rec. Gén. Enreg. et Not., 1987, p. 404 et obs.).

La responsabilité de la banque n'est pas engagée lorsqu'elle exécute un ordre de virement fictif, donné sur du papier du titulaire du compte et muni de sa signature habilement imitée, en faveur d'un bénéficiaire uniquement désigné par le numéro de compte, alors que cette procédure avait été suivie dans d'autres cas (Bruxelles, 18 décembre 1987, Rev. dr. Comm., 1989, p. 788).

Par contre en cas de payement d'un chèque ne comportant que 6 chiffres de référence au lieu de 8, tiré sur un compte clô­turé depuis plusieurs années, il y a lieu de partager la respon­sabilité entre la banque et le titulaire du compte (Liège, 2 novembre 1989, Rev. Rég. dr., 1990, p. 76 et obs.).

De même le banquier engage sa responsabilité en payant un chèque nominatif barré à un tiers qui n'est ni le bénéficiaire, ni l'endossataire (Liège, 19 décembre 1989, J.L.M.B., 1990, p. 1.267).

Le banquier chargé de l'encaissement de lettres de change, qui ne retourne pas celles-ci au tireur après protêt, engage sa responsabilité dans la mesure où il fait perdre au tireur la chance d'obtenir payement (Comm. Bruxelles, 9 octobre 1990, Rev. dr. com., 1992, p. 60 et obs. ).

En effectuant un transfert compensatoire, la banque doit prévoir qu'il y a danger que le notaire ne soit plus en état de

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remplir ses obligations envers ses clients ; elle commet donc une faute (Anvers, 20 avril 1993, Rev. not., 1993, p. 454).

45. FICHIERS. -L'organisation par l'Union Professionnelle du Crédit au profit de ses membres d'un fichier signalant à leur insu les débiteurs défaillants, sans possibilité de contrôle pour ceux-ci, constitue une violation du respect de la vie pri­vée et engage donc la responsabilité de ceux qui ont établi le fichier (Liège, 11 mars 1987, J.L.M.B., 1987, p. 549).

46. CONSEILLER FISCAL ET AUTRES. - La responsabilité d'un conseiller fiscal est évidemment contractuelle envers son client. Il a l'obligation d'attirer l'attention de son client, par écrit, sur l'impossibilité dans laquelle il se trouverait de rem­plir sa mission dans les délais si les documents indispensables ne lui sont pas remis. S'il a reçu les documents et s'il néglige de rentrer à temps les déclarations d'impôts de ses clients avec la conséquence que ceux-ci font l'objet d'une taxation d'office, il y a lieu de comprendre dans l'évaluation du dommage, les frais de poursuites, commandements et saisies ainsi que les honoraires d'un nouveau conseiller fiscal dans la mesure où il a fallu procéder à la révision complète du dossier (Mons, 10 février 1987, J.L.M.B., 1987, p. 67). La Cour exclut par contre du dommage les honoraires d'avocat (Sur ce point, voyez infra, 2e partie, à propos de la réparation du dommage).

Le conseiller juridique d'un syndicat engage sa responsabi­lité pour la faute la plus légère ; il doit entre autres être atten­tif aux délais de prescription (Bruxelles, 10 juin 1986, R.G.A.R., 1987, no 11.251).

Le conseiller fiscal d'une société doit attirer l'attention de sa cliente sur les conséquences fiscales du dépassement de la barre de 50 % de son capital augmenté des réserves. Il corn­met une faute s'il ne le fait pas et il doit supporter le dom­mage qui en résulte, égal au supplément d'impôt (Bruxelles, 14 octobre 1987, R.G.A.R., 1989, n° 11.464).

Une société de gestion de fortune exerce une activité où la confiance est essentielle; en refusant un remboursement sous un faux prétexte, elle commet un dol (Corn. Bruxelles, 9 jan­vier 1991, Rev. dr. cam., 1993, p. 601 et note J.F. RoMAIN,

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594 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

<<La responsabilité des gestionnaires de fortune et des conseil­lers en placement : synthèse des principes applicables >>.

47. CURATEUR. -Le curateur est tenu d'une obligation de moyen et non de résultat comme tout mandataire salarié.

Il commet une faute en refusant la résiliation du bail et la libération des lieux alors qu'il ne pouvait plus raisonnable­ment espérer valoriser le fonds de commerce avec le droit au bail (Civ. Liège, 23 juin 1992, J.L.M.B., 1993, p. 1106).

Le curateur d'une faillite commet une faute s'il procède à la vente de biens saisis au cours d'une enquête pénale et alors qu'il sait qu'il y avait une contestation au sujet de la restitu­tion de ces biens. Il est personnellement responsable des consé­quences de sa faute (Anvers, 2 juin 1992, R. W., 1992-1993, p. 405 et obs.).

48. CoNTRAT DE TRAvAIL. - L'employeur qui laisse un tra­vailleur pendant 20 mois dans une situation incertaine en maintenant d'une part la suspension du contrat de travail et, d'autre part, en ne lui donnant pas congé, se rend coupable d'une action fautive justifiant la condamnation sur base des articles 1382 et 1383 du Code civil à indemniser son employé (Cour du Trav. Bruxelles, 27 mars 1990, J. T. T., 1990, p. 339). Si la condamnation se justifie, on peut s'interroger cependant sur la justification de son fondement aquilien plutôt que contractuel.

49. CouRTIER EN ASSURANCE. -Manque à son devoir de conseil le courtier en assurance qui n'attire pas l'attention de l'assuré sur le risque de prescription (Civ. Bruxelles, 23 sep­tembre 1985, Bull. Ass., 1987, p. 518). Engage aussi sa respon­sabilité le courtier qui fait une déclaration tardive de sinistre en telle sorte que l'assureur peut invoquer une déchéance (Corn. Louvain, 7 octobre 1986, Bull. Ass., 1987, p. 523 et obs. J.R.; voyez aussi pour le manquement du courtier au devoir de conseil lors de la souscription du contrat en ce qui concerne la description des risques : Liège, 16 janvier 1986, Bull. Ass., 1986, p. 623). Il s'agit évidemment d'une responsabilité contractuelle envers son client.

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50. ExPERT. - Un expert qui néglige de rentrer son rap­port dans le délai fixé par le Tribunal et qui n'a pas requis une prorogation de délai ne doit pas s'étonner de voir le Tribunal pourvoir à son remplacement. L'expert qui ne prend pas les mesures de précaution nécessaires pour conserver des éléments de preuve engage sa responsabilité. Les prestations de l'expert qui ne présentent aucune utilité ne donnent pas droit à des honoraires (Gand, 7 avril 1992, T.G.R., 1992, p. 91).

51. HUISSIER. -Commet une faute- contractuelle en sa qualité de mandataire- l'huissier qui tarde anormalement à signifier un exploit dont le projet a été préparé, même si son attention n'a pas été spécialement attirée sur le danger d'une prescription qui devait être acquise 5 semaines après l'envoi du projet (Ci v. Nivelles, 2 octobre 1985, R. G.A.R., 1987, n° 11.209).

Manque à ses obligations de mandataire l'huissier qui n'exé­cute pas un mandat d'expulsion contre un locataire et de vente de ses biens (Civ. Huy, 25 novembre 1985, R.G.A.R., 1987, no 11.188; J.P. Lennik St. Quentin, 24 novembre 1986, R. G.A.R., 1988, no 11.322) ou qui succédant à un confrère omet de signaler pendant plusieurs mois qu'il ne retrouve pas le dossier, provoquant ainsi la dépréciation du gage de son mandant (Ci v. Charleroi, 26 janvier 1988, J. T., 1988, p. 736).

L'huissier qui saisit des biens qui n'appartiennent pas au débiteur contre lequel il doit exécuter un jugement commet une faute aquilienne (Civ. Bruxelles, 10 juin 1987, R.G.A.R., 1988, n° 11.732).

L'huissier qui omet de solliciter dans le délai prescrit la radiation des protêts alors que la banque créancière l'en avait chargé, engage sa responsabilité à l'égard du débiteur qui a réglé sa dette (Civ. Marche-en-Famenne, 22 décembre 1988, J.L.M.B., 1989, p. 338).

L'huissier chargé d'une procédure d'exécution doit s'organi­ser de manière à pouvoir suspendre immédiatement les mesures d'exécution lorsqu'il en reçoit l'instruction de son mandant. Il doit indemniser le débiteur du préjudice que peut causer tout retard dans l'arrêt de ces mesures (Civ. Bruxelles, 21 mars 1988, R.G.A.R., 1990, n° 11.718 et obs. E. CARRE).

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52. CoiFFEUR - INSTITUT DE BRONZAGE - EsTHÉTI­CIEN. -L'institut de bronzage qui conclut avec une cliente un << contrat de bronzage >> de 12 séances de 30 minutes, contracte l'obligation de sécurité de veiller à l'intégrité physique de la cliente. L'institut est également responsable de ses agents d'exécution.

Le Tribunal semble considérer, sans le dire expressément, qu'il s'agit d'une responsabilité contractuelle. L'obligation de sécurité, si l'on en croit cette jurisprudence, ne serait qu'une obligation de moyen - obligation de veiller en bon père de famille à la sécurité du client - alors que le danger d'une exposition trop longue justifierait à nos yeux que l'on consi­dère qu'il y a, à cet égard, une obligation déterminée, et donc de résultat, de ne pas dépasser les doses prévues. Peu importe au surplus qu'il s'agisse d'une obligation déterminée contrac­tuelle ou quasi délictuelle.

Commet une faute le coiffeur qui, pour faire une perma­nente, applique un produit de grande consommation mais sans avoir pris les informations utiles auprès de sa cliente et sans avoir utilisé le <<structurant>> recommandé en cas de cheveux sensibles (Bruxelles, 18 mai 1989, R.G.A.R., 1990, no 11.686).

53. JEUX FORAINS. - L'exploitant d'un parc d'attractions est tenu d'une obligation générale de prudence afin de garantir la sécurité; il doit donc veiller à ce que les armes d'un stand de tir soient soustraites à la tentation des jeunes (Liège, 5 juin 1989, Rev. Rég. dr., 1990, p. 83).

54. RESPONSABILITÉ MÉDICALE - FAUTES DIVERSES. -Commet une faute le médecin qui émet hâtivement un dia­gnostic erroné et qui prescrit dans ces conditions, sans précau­tion suffisante, un traitement présentant des risques sérieux. La faute doit être appréciée en rapport avec ce qu'aurait fait un praticien de même niveau, normalement prudent et atten­tif (Mons, 29 septembre 1986, R.G.A.R., 1987, no 11.282).

Commet une faute le gynécologue qui en présence de nou­velles complications fait transporter sa patiente vers un hôpi­tal sans disposer des moyens nécessaires pour que le transport se fasse en toute sécurité (Ci v. Turnhout, 4 juin 1984, R. W., 1986-1987, p. 2.646 et note T. VANSWEEVELT).

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Le médecin qui fait état d'une qualité de spécialiste qu'il ne possède pas trompe son patient. Le consentement du patient est vicié si le médecin a caché son incompétence dans le domaine où il est intervenu {Bruxelles, 5 avril1991, R.G.A.R., 1992, n° 11.924).

Le médecin qui a posé le diagnostic et déterminé la thérapie a l'obligation, en milieu hospitalier, de surveiller la manière dont celle-ci est appliquée (Bruxelles, 27 octobre 1988, R.G.A.R., 1990, no 11.687).

Le médecin doit être attentif aux indications que le patient lui donne, notamment quant à ses antécédents familiaux. Il engage sa responsabilité en les négligeant (Bruxelles, 1er oc­tobre 1987, R.G.A.R., 1990, n° 11.598; voyez aussi Civ. Tongres, 5 septembre 1989, R.G.D.C., 1990, p. 76).

Le médecin qui donne instruction de faire placer une perfu­sion intraveineuse à une infirmière en chef non graduée sans contrôler la qualification de la personne qui sera effectivement chargée de cette perfusion commet une faute. L'infirmière en chef qui charge une infirmière non qualifiée de l'accomplisse­ment d'un acte technique est responsable avec celle-ci de leurs fautes mais elles sont déchargées des conséquences de celles-ci en vertu de l'article 18 de la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail (Corr. Neufchâteau, 23 novembre 1989, J.L.M.B., 1990, p. 654).

L'exécution par un médecin d'une investigation superflue, non de routine et non convenue avec le patient, à laquelle des risques sont liés constitue une faute. Le médecin qui pratique dans ces conditions une cardio-pneumoangiographie et qui perfore la paroi du ventricule doit réparation de ce dommage (Motifs Anvers, 9 novembre 1987, R. W., 1987-1988, p. 1336 et note VANSWEEVELT). Inversément l'inaction et le fait de ras­surer un patient sans traitement ni recours à l'avis d'un spé­cialiste constitue une erreur fautive de diagnostic alors qu'il s'avère ensuite qu'une intervention effectuée à temps eut assuré la guérison (Anvers, 14 mai 1990, Bull. Ass., 1990, p. 805).

La faute la plus légère du médecin engage sa responsabilité. L'erreur de diagnostic constitue une faute quasi délictuelle lorsque le diagnostic est posé sans l'examen approfondi que les

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circonstances auraient exigé (Liège, 26 mars 1991, Pas., 1991, II, p. 132).

Un médecin du travail qui est chargé d'interpréter des radiographies du poumon d'un travailleur et qui n'avertit pas celui-ci de traces d'un cancer commet une faute; il doit indem­niser les proches de la perte de chance de survie du patient (Anvers, 27 octobre 1992, Turnh. Rechtsl., 1993, p. 47, obs.).

55. ANESTHÉSISTE. -La Cour d'appel de Mons, a eu à se prononcer sur la nature du rapport entre le chirurgien et l'anesthésiste et elle a considéré que lorsque l'anesthésiste est choisi par le chirurgien et même s'il est attaché à la clinique où se déroule l'intervention, ce choix peut être ratifié expressé­ment ou tacitement par le patient. Cette ratification se déduit des circonstances de fait et elle est réalisée, selon la Cour de Mons, lorsque le malade se soumet volontairement et en connaissance de cause à un examen et à des soins préopéra­toires pratiqués par l'anesthésiste en telle sorte que naîtrait ainsi un contrat séparé entre le malade et le praticien (Mons, 24 mars 1987, R.G.A.R., 1989, n° 11.458; voyez aussi Anvers, 2 mai 1989, R. W., 1989-1990, p. 260 et note Nijs). En est-il encore ainsi lorsque, comme en l'espèce, la personne opérée est un enfant de six ans ?

On comprend le désir de séparer les activités - et donc les responsabilités - du chirurgien et de l'anesthésiste mais la réalité est le plus souvent très différente de ce que considère cet arrêt de la Cour de Mons. On sait en effet qu'un nombre important de chirurgiens, en clientèle privée, n'acceptent d'opérer qu'avec un anesthésiste déterminé. Quelle possibilité de choix subsiste-t-il dans ce cas pour le malade ? Et ce choix n'existe pas davantage dans les hôpitaux publics. Le seul élé­ment qui contredit que l'anesthésiste est choisi par le chirur­gien ou l'institution et qu'il est imposé au patient est qu'il se fait honorer séparément pour ses prestations, mais cet élément postérieur à l'exécution du contrat ne nous paraît guère pou­voir en modifier la qualification. Ne serait-il donc pas plus exact de considérer l'anesthésiste comme l'adjoint du chirur­gien, celui-ci restant responsable des fautes de l'anesthésiste qu'il a choisi, ce qùi ne supprimerait évidemment pas la res­ponsabilité personnelle de l'anesthésiste lui-même puisque

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toute faute de celui-ci est constitutive du délit de coups et blessures ou d'homicide involontaires.

Le même arrêt de Mons, considère qu'il suffit de constater que l'anesthésiste a abandonné l'enfant qu'il opérait du stra­bisme pour relever une faute dans son chef, nonobstant la cir­constance qu'il fut appelé en urgence pour intuber une per­sonne qu'une crise d'asthme étouffait, dès lors qu'il lui était possible de demander à une infirmière d'assurer la surveillance de l'enfant pendant son absence, ce qu'il ne fit pas.

Le chirurgien est le coordinateur de l'ensemble des actes qui constituent le traitement du patient. Il commet un manque­ment à sa mission de surveillance en rej etant l'éventualité de risques postopératoires (Corr. Liège, 26 janvier 1989, R.G.A.R., 1991, no 11.785).

En cas d'accident dans la chambre de réveil, il a été jugé que l'anesthésiste est, en tant que commettant occasionnel, responsable des fautes commises dans l'exécution de ses direc­tives par le personnel de l'hôpital (Civ. Bruges, 10 novembre 1986, R. W., 1987-1988, p. 293 et note T. VANSWEEVELT; Corn­par. : Cass. fr., 30 mai 1986, R.G.A.R., 1987, no 11.281 qui fait peser une obligation générale de prudence sur le chirurgien à côté de l'obligation de l'anesthésiste ; voyez aussi à cet égard pour la responsabilité de la clinique : Civ. Namur, 29 février 1988, Rev. Rég. dr., 1988, p. 270).

Le médecin, candidat spécialiste en anesthésie, qui ne vérifie pas le contenu réel de l'ampoule que l'infirmière lui remet par erreur, commet une faute lourde (Bruxelles, 31 mai 1985, R. G.A.R., 1988, no 11.356 ; voyez aussi à propos de l' appa­rence d'un médicament : Ci v. Charleroi, 9 mai 1989, J. T., 1990, p. 48; Rev. rég. dr., 1989, p. 523).

56. INTERRUPTION DE GROSSESSE. - Le gynécologue qui pratique une stérilisation doit informer le couple qu'il existe toujours un risque même minime de grossesse. Il n'assume pas une obligation de résultat mais s'il n'informe pas correctement les intéressés, sa responsabilité peut être retenue parce que par sa faute, il a privé le couple de la possibilité de prendre les mesures nécessaires afin de prévenir une grossesse possible.

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Le Tribunal refuse toute indemnité pour préjudice moral, la naissance d'un enfant ne le justifiant pas, mais il accorde par contre l'indemnisation du dommage matériel qui est la consé­quence de la naissance et du devoir d'éducation (Civ. Courtrai, 3 janvier 1989, R. W., 1988-1989, p. 1.171 et obs. ; Comp. Civ. Hasselt, 23 octobre 1989, Pas., 1~90, III, p. 50; cfr. aussi Anvers, 26 février 1992, R.G.D.O., 1993, p. 401).

57. SÉCURITÉ DU MATÉRIEL UTILISÉ. - L'institution hospi­talière est responsable de l'état du matériel qu'elle met à la disposition des médecins. Commet une faute le chef du service technique d'une clinique qui fait réparer un bistouri électrique contre l'avis du fabricant. Le chirurgien qui utilise cet appa­reil, tout en connaissant cette pratique et le risque qui en découle, est également responsable vis-à-vis de sa patiente des graves brûlures aux cuisses causées par un court-circuit de l'appareil (Bruxelles, 17 novembre 1989, J.L.M.B., 1990, p. 331, R.G.A.R, 1992, n° 11.904). L'arrêt est également inté­ressant par la condamnation des usages dangereux invoqués par le médecin pour se défendre (voyez aussi dans ce sens : Corr. Charleroi, 23 novembre 1989, J.L.M.B., 1990, p. 348).

Le cisaillement d'un cathéter par l'aiguille utilisée pour son introduction implique que le médecin a commis une fausse manœuvre en telle sorte que la responsabilité contractuelle de l'institution est engagée envers le patient (Civ. Bruxelles, 12 octobre 1990, R. G.A.R., 1992, no 11.996).

58. DossiER MÉDICAL - PROPRIÉTÉ DU PATIENT. - Les demandeurs qui doivent intenter une action en responsabilité contre un médecin se heurtent encore fréquemment au refus soit du défendeur, soit d'autres médecins qui ont ensuite soigné le patient de communiquer le dossier médical. Ces médecins se conforment ainsi aux injonctions erronées du Conseil de l'Ordre. Il faut donc rappeler avec fermeté qu'il a été jugé depuis près de 40 ans que les radiographies et résul­tats d'analyse - et cela vaut évidemment aujourd'hui pour les échographies, scanner et résonances magnétiques - sont la propriété des patients et que la pratique des médecins et insti­tutions hospitalières de les conserver est illégale.

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Il faut rappeler aussi que le dossier médical est la propriété du patient et non des médecins (Réf. Civ. Bruxelles, 7 mars 1988, J. T., 1988, p. 458 ; Ci v. Bruxelles, 18 janvier 1991, R. G.A.R., 1992, n° 11.905) en ce compris, ainsi que le précise l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 20 juillet 1989 (R.G.A.R., 1990, n° 11.701), les protocoles de radiographies et d'examens à la seule exception des notes personnelles du médecin.

Nous comprenons difficilement que les magistrats qut ste­gent comme assesseurs auprès des Conseils de l'Ordre ne veil­lent pas au respect de cette jurisprudence et à la protection à cet égard des droits des patients.

59. RESPONSABILITÉ MÉDICALE - PRESCRIPTION. - L'arrêt précité de la Cour d'appel de Mons, (24 mars 1987, R.G.A.R., 1989, no 11.458, supra, n° 55) a considéré que l'abstention d'agir du médecin-anesthésiste qui avait laissé son patient sans surveillance était constitutif de coups et blessures invo­lontaires. En sens contraire, le Tribunal civil de Bruxelles, a jugé que si la faute reprochée au médecin consiste en une erreur de diagnostic sans que les soins inadéquats qui ont été prodigués exercent une influence quelconque sur l'installation et le développement du mal qui aurait progressé avec les mêmes conséquences, sans ces soins, les lésions constatées ne constituent pas des blessures au sens de l'article 420 du Code pénal (ci v. Bruxelles, 22 janvier 1987, R. G.A.R., 1990, n° 11.747).

La Cour de cassation, statuant sur les conclusions de l'avo­cat général du Jardin, s'est prononcé dans le même sens que la Cour de Mons, en rejetant le pourvoi contre l'arrêt du 24 mars 198 7 et en décidant que l'omission par l'anesthésiste de prendre les mesures qui s'imposaient pour assurer la sur­veillance du patient alors qu'il devait s'absenter quelques minutes pouvait constituer la cause extérieure d'une atteinte à la santé (Cass., 23 janvier 1991, Pas., 1991, I, p. 493 et concl. avocat gén. du Jardin; voyez aussi l'étude de Mme HEN­NAU-HUBLET, <<La responsabilité pénale pour coups et bles­sures involontaires en raison d'un comportement d'omission >>,

R.G.A.R., 1992, no 11.940).

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L'oubli d'une compresse constitue un délit de coups et bles­sures involontaires. Il s'agit d'un délit instantané et l'on a tou­jours considéré que la prescription commençait à courir dès qu'existe un dommage et ce indépendamment de l'époque à laquelle la victime a pu réaliser qu'elle subissait un préjudice (Civ. Charleroi, 20 février 1990, J. T., 1991, p. 195).

Un arrêt tout récent de la Cour de Cassation remet toutefois cette solution en cause en considérant que, bien qu'il s'agisse d'un délit instantané, la prescription ne prend cours qu'à par­tir de l'apparition du dommage, en ajoutant que le juge du fond peut fixer la date à laquelle les éléments de l'infraction sont réunis à la date à laquelle l'état de la victime a permis de déterminer l'infraction (Cass., 13 janvier 1994, J. T., 1994, p. 291 et note R.O. DALCQ; R.G.A.R., 1994, n° 12.308 et note R.O. DALCQ; voyez aussi dans le même sens l'arrêt entrepris : Bruxelles, 7 janvier 1992, R.G.A.R., 1993, no 12.132; comp. Civ. Charleroi, 20 février 1990, R.G.A.R., 1992, no 12.074).

60. RESPONSABILITÉ MÉDICALE ET CLINIQUES. - La clini­que a l'obligation d'exercer une surveillance particulière à l'égard d'un patient ayant des tendances suicidaires. Son abs­tention est fautive sans que l'on considère pour autant qu'il lui incombe une obligation de résultat (Civ. Hasselt, 8 janvier 1987, R.G.A.R., 1989, no 11.584).

L'appréciation erronée de diverses tâches d'un médecin hos­pitalier - chef de service - est constitutive de faute (Civ. Bruxelles, 20 décembre 1990, J. T., 1991, p. 504.

L'institution hospitalière librement choisie par le patient assume à son égard une responsabilité contractuelle (Civ. Bruxelles, 12 octobre 1990, R.G.A.R., 1992, no 11.996, R.G.D.C., 1991, p. 408) tandis que la responsabilité du méde­cin de garde non choisi par le patient est quasi délictuelle (Civ. Bruxelles, 12 octobre 1990 précité).

Il appartient aux institutions hospitalières de prévoir une méthode de protection des biens des patients admis incons­cients à l'hôpital avec des biens ou bijoux de valeur (Civ. Bruges, 21 novernbre 1990, R. W., 1991-1992, p. 1.397 et note VANSWEEVELT; voyez aussi Anvers, 17 décembre 1990, R.G.A.R., 1993, no 12.236).

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Dans une institution psychiatrique, le devoir de surveillance fait partie intégrante de la thérapie dont le médecin supporte la responsabilité. Les modalités de surveillance sont en consé­quence prises par les médecins et l'institution n'est en faute que si elle ne les suit pas (Civ. Anvers, 18 octobre 1989, R.G.A.R., 1992, n° 12.050; voyez aussi Civ. Bruxelles, 30 octobre 1989, R.G.A.R., 1993, n° 12.107).

Le médecin ne dispose d'aucune autorité pour s'opposer aux instructions de la directrice de l'établissement quant au choix du personnel chargé de poser tel ou tel acte. Il n'est donc pas civilement responsable du personnel infirmier (Liège, 13 novembre 1990, R. G.A.R., 1993, no 12.217).

Inversément, le médecin qui exerce son activité dans un hôpital conserve son indépendance dans le domaine médical et l'hôpital ne peut lui imposer aucune obligation à ce sujet.

L'hôpital ne peut donc être civilement responsable de la faute du médecin sur base de l'article 1384, al. 3, du Code civil (Civ. Gand, 21 janvier 1993, T.G.R., 1993, p. 52). Cette déci­sion va à l'encontre de la jurisprudence majoritaire qui a tou­jours admis qu'un médecin peut être un préposé malgré l'indé­pendance qui doit lui être reconnue dans les actes médicaux qu'il pose (Cfr. notre traité de la responsabilité civile, T. I, n°8 1143 et s.).

Les médecins dépendant de la V.U.B. ont été considérés comme des préposés et non comme des organes (Bruxelles, 27 octobre 1988, R.G.A.R., 1990, n° 11.687; voyez dans le même sens : Bruxelles, 31 mai 1985, cité dans notre précédent examen, cette Revue, 1987, p. 640, no 38 comme inédit et publié depuis lors, R.G.A.R., 1988, no 11.356; Ibidem : Bruxelles, 22 octobre 1982).

61. RESPONSABILITÉ MÉDICALE ET BIO-ÉTHIQUE. - Ün sait que notre législation ne protège pas le fœtus contre les << coups et blessures >> ; elle ne le protège contre la mort que dans le cadre de la législation sur l'avortement (cf. O. HENNAU­HUBLET, <<La protection du fœtus en droit belge>>, J. T., 1983, p. 334).

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604 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

La question s'est posée de la qualification du défaut de pré­voyance et de précaution qui cause pendant l'accouchement la mort d'un enfant en train de naître. La qualification d'homi­cide involontaire a été retenue (Cass., Il février 1987, Pas., 1987, I, p. 694 et conclusions de l'avocat général Janssens de Bisthoven; J.T., 1987, p. 738 et note KEFER; J.L.M.B., 1987, p. 630 et note PREUMONT).

L'interruption volontaire de grossesse implique-t-elle dans le chef du médecin qui la pratique une obligation de résultat ~ La Cour de Riom a retenu la responsabilité du médecin alors que l'intervention n'avait pas empêché la naissance d'un enfant parfaitement constitué mais non désiré (6 juillet 1989, J. T., 1990, p. 643 et note KEFER). Cette haute juridiction a toutefois considéré que le préjudice n'était pas établi. Cette décision a toutefois été réformée par un arrêt de la Cour de cassation du 25 juin 1995 (J.C.P., 1992, II, p. 21.784 et note BARBIER!, Dall., 1991, Jur., p. 566 et note Ph. LE TOURNEAU) (Comp. Anvers, 26 février 1992, R. G.D. C., 1993, p. 401).

Le Tribunal de Mons, a eu à connaître du cas de parents reprochant à leur gynécologue de ne pas leur avoir signalé que leur enfant risquait d'être atteint d'une anomalie particulière­ment grave en invoquant que cette faute les avait privés de la possibilité d'interrompre la grossesse conformément à l'ar­ticle 350 du Code pénal. La recevabilité de la demande était contestée en invoquant que si la faute reprochée mais contes­tée n'avait pas été commise, l'enfant n'aurait jamais vécu.

Le Tribunal écarte cette objection en considérant que<< si les parents peuvent ainsi légitimement décider durant la grossesse, que l'intérêt de l'enfant à naître commande qu'il ne soit pas mis au monde, il doit leur être également permis après la naissance de soutenir dans le cadre d'un procès en responsabilité que la vie donnée à leur enfant lui est préjudiciable>>; (Civ. Mons, 2e Ch., 6 octobre 1993, inédit et frappé d'appel, en cause Cet B cfF, R.G. 91.637).

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62. NoTAIRE (1). -Un notaire doit donner à son client les informations relatives à une procédure en droit commun pour autant que ce dernier l'ait exactement informé de la situation et que cette procédure ait quelques chances de succès (Mons, 29 avril 1987, Rev. not. b., 1987, p. 370; Liège, 17 mai 1990, J.L.M.B., 1990, p. 1.419 et obs.).

Ainsi le notaire est tenu d'éclairer les acheteurs d'un immeuble au sujet de la non-conformité du bâtiment avec les prescriptions urbanistiques. Les deux notaires qui ont passé l'acte sont solidairement responsables (Civ. Turnhout, 16 octobre 1989, Turnh. Rechtsl., 1991, p. 56).

Si le notaire est amené à vendre un immeuble dont un mineur non orphelin est légataire, il ne peut remettre les fonds au père qui n'aurait pas été obligé de fournir une hypothèque suffisante comme tuteur. Sa responsabilité est engagée envers le mineur si les fonds sont dilapidés (Bruxelles, 11 mars 1986, Rev. not. b., 1987, p. 49 et obs. R.D.V.).

Le devoir de conseil du notaire lui impose d'éclairer les par­ties sur la portée des clauses qu'il a rédigées (Mons, 2 mai 1991, Rev. not., 1992, p. 149; Civ. Gand, 8 mai 1990, T.G.R., 1990, p. 84). Il en est a fortiori ainsi vis-à-vis d'étrangers notamment au sujet du statut d'un administrateur de société (Bruxelles, 19 mai 1988, Rev. not. b., 1988, p. 531 et obs. D.S. ; R.G.A.R., 1989, no 11.569).

Ce devoir doit s'apprécier aussi en fonction du degré d'ins­truction des parties (Bruxelles, 11 mai 1985, Rev. not., 1988, p. 104). Le notaire doit évaluer la portée des conséquences juridiques des données de fait qui lui sont connues (Civ. Bruxelles, 19 septembre 1988, R. W., 1988-1989, p. 1.272). La responsabilité peut être partagée entre le notaire et les autres professionnels, parties à l'acte (Cass., 29 janvier 1988, Rev. not., 1990, p. 208).

(1) Une grande partie de la jurisprudence concernant les notaires n'est pas publiée. Ainsi en 1990, 1991 et 1992, 330 décisions concernant cette matière ont été rendues dont 124 sont coulées en force de chose jugée. Sur ces 124 décisions, 22 seulement ont été publiées. Les 102 décisions non publiées ont été recensées par les notaires Vanhalewyn et H. Jacobs comme ils l'avaient déjà fait en 1991, pour la période de 1980 à 1989.

On consultera donc utilement ces ouvrages, le premier édité par Altroca et distribué par Bruylant, le second édité par cet éditeur.

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Le notaire chargé de passer un acte de prêt hypothécaire doit s'informer de l'existence et des conditions d'un bail à vie enregistré mais non transcrit. Il en est de même de l'organisme de crédit professionnel. L'un et l'autre doivent se partager le préjudice résultant de la moins-value de réalisation (Anvers, 8 mars 1989, Rev. not. b., 1990, p. 210).

Le notaire qui omet de signaler au prêteur et aux emprun­teurs, l'existence d'une dette pouvant donner lieu à une hypo­thèque légale commet une faute dès lors que le prêteur avait subordonné son accord à l'obtention d'une inscription en pre­mier rang (Liège, 5 février 1993, J.L.M.B., 1993, p. 1.100). Le notaire doit aussi vérifier les renseignements indiqués dans le certificat de propriété délivré par le receveur de l'enregistre­ment (Civ. Charleroi, 24 février 1989, Rev. rég. dr., 1989, p. 490).

Le notaire qui tient compte d'une opposition informelle faite entre ses mains peut engager sa responsabilité vis-à-vis du débiteur saisi dont le préjudice consiste dans la perte de l'intérêt produit par les sommes immobilisées. Il en est de même s'il ne débloque pas les fonds en l'absence de renouvelle­ment d'une saisie (Mons, 23 septembre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 876, J. T., 1992, p. 331).

Est gravement fautive et assimilable à un fait intentionnel, la persistance d'un notaire dans son erreur consistant à confondre les notions d'interdiction et de mise sous contrôle judiciaire (Cass., 24 novembre 1988, Bull. Ass., 1989, p. 493 ; Mons, 13 février 1987, Bull. Ass., 1990, p. 561).

En cas de vente d'un immeuble<< pour quitte et libre>>, com­met une faute professionnelle, le notaire qui met 2 ans pour faire dégrever le bien vendu, au surplus sans avoir averti l'acheteur du temps que cela prendrait (Gand, 12 octobre 1982, Rec. gén. enr. et not., 1990, p. 245).

La clause <<pour quitte et libre de toutes charges>>, impose au notaire l'obligation d'avertir l'acquéreur du risque auquel il s'expose en payant directement la totalité du prix entre les mains du vendeur (Civ. Bruxelles, 18 janvier 1991, Rev. not., 1992, p. 160).

Le notaire qui a adopté une position concernant un litige qui fut tranché ultérieurement en sens opposé par la Cour de

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cassation ne commet pas pour autant une faute (Civ. Ter­monde, 23 mai 1990, T. Not., 1990, p. 268).

Le notaire a l'obligation en vertu de l'article 13 de la loi hypothécaire d'indiquer dans les actes authentiques les ori­gines de la propriété. En cas de contradiction, il doit se faire produire tous les actes de nature à éclaircir la situation (Civ. Charleroi, 24 février 1989, J.L.M.B., 1990, p. 1.423 et note A. KoHL ; Rev. rég. dr., 1989, p. 490 ; J.P. Menin, 25 avril 1990, J.J.P., 1992, p. 83).

63. PHARMACIEN. - Commet évidemment une faute le pharmacien qui ne relève pas la toxicité flagrante des médica­ments prescrits et ne vérifie pas, au préalable, auprès de l'au­teur de l'ordonnance, la teneur exacte de la prescription (Civ. Charleroi, 9 mai 1989, J. T., 1990, p. 48).

64. PRESSE. - Commet une faute le journaliste dont l'ar­ticle, sans doute écrit en termes modérés, est néanmoins accompagné d'un montage photographique et de titres accro­cheurs sinon provocateurs de nature à jeter le discrédit sur la personne visée alors qu'il présente comme acquises des décla­rations incontrôlables (Ci v. Bruxelles, 29 juin 1987, J. T., 1987, p. 685 et note F. RIGAUX; voyez aussi Civ. Bruxelles, 14 sep­tembre 1988, J. T., 1989, p. 8). Il appartient évidemment tou­jours au demandeur de prouver qu'à la suite de la publication imputée au défendeur il se trouve dans une situation plus désavantageuse (Courtrai, 19 novembre 1989, T.G.R., 1990, p. 116 et note P. VooRHOOF).

Le droit à l'image est inhérent à la personnalité et un jour­naliste ne peut se servir de l'image d'autrui sans autorisation sauf lorsque les usages ont admis des dérogations à cette règle, notamment pour les personnalités publiques. Commet une faute, le journaliste qui illustre un article consacré aux diffi­cultés des jeunes médecins généralistes par la photo d'un d'entre eux, sans autorisation préalable (Civ. Bruxelles, 16 décembre 1987, J. T., 1988, p. 500 ; voyez aussi Bruxelles, 8 novembre 1989, R.G.A.R., 1992, n° 11.906).

Commet une faute grave le journaliste qui affirme en des termes injurieux que des magistrats nominativement cités ont tranché un litige avec partialité en insinuant qu'il faut en

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trouver l'explication dans leurs liens avec l'extrême droite ainsi qu'avec la famille d'une des parties sans que ces insinua­tions soient soutenues par aucun élément objectif (Bruxelles, 5 février 1990, Pas., 1990, II, 154).

65. PRÊT. -La responsabilité du prêteur n'est pas compa­rable à celle du bailleur en cas de vice de la chose.

L'article 1891 du Code civil édicte selon la jurisprudence de la Cour de cassation que le prêteur n'est pas responsable contractuellement des vices de la chose prêtée, mais bien quasi délictuellement. Cette responsabilité n'existe toutefois que si le prêteur connaissait le vice et n'en a pas informé l'emprunteur. Cela s'applique en cas de prêt d'un appareil de remplacement pendant la réparation d'un appareil de T.V. (Civ. Louvain, 29 avril 1988, Pas., 1988, III, p. 113 ; Comp. pour le prêt d'une pompe à essence : Bruxelles, 12 novembre 1987, R. W., 1988-1989, p. 1.170).

66. SELF-DEFENSE. - La jurisprudence commence à connaître des cas de responsabilité concernant la victime d'une agression qui se sert d'une arme - autorisée ou non - et qui blesse ou tue celui qui tentait de porter atteinte à sa propriété.

Les circonstances de fait influencent évidemment les solu­tions juridiques en pareille espèce. Si la légitime défense est établie et si la réaction n'est pas hors de proportion avec la menace, celui qui a blessé ou tué son agresseur ne devra sup­porter aucune responsabilité. Si au contraire la réaction est hors de proportion avec la menace et s'il était possible de se protéger sans danger pour l'agresseur, la responsabilité de la personne menacée sera engagée, ce qui n'exclura pas un éven­tuel partage des responsabilités (cf. Mons, 4 juin 1987, J.L.M.B., 1988, p. 175).

L'irritation ou la colère à la suite de la répétition de tenta­tives de vol ou de vols ne constitue pas à elle seule un état de nécesssité ou de légitime défense, ni l'excuse de la provocation en telle sorte que la juridiction saisie a retenu un partage de responsabilité d'un quart à charge du prévenu et de 3/4 à charge de la victime (Corr. Verviers, 24 octobre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 100).

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67. VENDEUR PROFESSIONNEL. -Le vendeur professionnel ne peut mettre en circulation un produit de nature à causer dommage; s'il manque à cette obligation, il engage sa respon­sabilité aquilienne envers les tiers victimes. Sa responsabilité peut être conjointe avec celle de l'organisme chargé du contrôle de la fabrication en cas de faute de celui-ci (Bruxelles, 13 novembre 1987, R.G.A.R., 1989, n° 11.485; Civ. Dinant, 3 décembre 1986, R. G.A.R., 1989, no 11.585).

Un vendeur de véhicules d'occasion commet une faute lors­qu'il néglige de demander la production de la facture d'achat du véhicule pour vérifier s'il n'existait pas un financement (Mons, 8 octobre 1990, J.L.M.B., 1991, p. 506 ; Civ. Turnhout, 17 juin 1991, Turnh. Rechtsl., 1992, p. 79 ; Comm. Bruxelles, 7 mars 1988, J.L.M.B., 1993, p. 93 ; Bruxelles, 7 mai 1991, DAfOR, 1992, p. 57 ; J.L.M.B., 1992, p. 294 et obs. ; voyez aussi pour l'achat d'un tracteur alors que la facture a fait l'ob­jet d'un dépôt au greffe : Liège, 3 décembre 1992, DAfOR, 1993, p. 99).

Le vendeur d'une serrure de sécurité destinée à être placée sur un seul vantail d'une double porte ne manque pas à son obligation de renseignement en ne signalant pas l'utilité de placer une serrure sur chaque vantail (Bruxelles, 18 mai 1992, R.G.A.R., 1993, n° 12.185 et note J.L. FAGNART, <<L'informa­tion du consommateur moyen >>).

68. RESPONSABILITÉS PROFESSIONNELLES - V ARIA. - La traversée d'une route par un troupeau, au crépuscule, peut présenter un danger mais elle n'est pas interdite. Il faut évi­demment que l'agriculteur prenne les précautions nécessaires. L'intervention de 3 adultes et d'un enfant, pourvus de deux lampes électriques et d'un drapeau rouge, ainsi que le concours d'une cinquième personne pour hâter la marche des animaux constitue des précautions suffisantes sans que l'on puisse considérer comme une faute la présence d'une fillette donnant la main à son grand-père. La responsabilité de l'automobiliste qui a blessé gravement le grand-père et la petite fille est dès lors seule engagée (Liège, 22 mai 1986, J.L.M.B., 1987, p. 37).

L'agriculteur qui continue un travail avec son tracteur alors qu'il est entouré d'un groupe d'enfants qui jouent à proximité de l'engin engage sa responsabilité, Celle-ci est partagée avec

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celle de la monitrice des enfants et la responsabilité de la vic­time elle-même (Civ. Tournai, 28 mai 1986, J.L.M.B., 1987, p. 460 et obs. D. PHILIPPE; voyez aussi pour un conducteur d'autobus : Bruxelles, 4 janvier 1988, R. W., 1988-1989, p. 1132).

Le transporteur aérien ne répond pas du dommage subi par le passager qui glisse sur le tarmac recouvert de verglas; il ne commet pas de faute en ne procédant pas à un épandage systé­matique de toutes les pistes d'envol (Bruxelles, 5 février 1986, R.G.A.R., 1987, n° 11.252 et obs. J. LIBOUTON).

Avant de planter une haie près d'une prairie où paît le bétail, il y a lieu de s'informer pour vérifier qu'il n'en résultera pas de dommage. Ne pas savoir qu'une haie d'ifs est toxique pour le bétail n'est pas excusable et la planter dans ces condi­tions est fautif (Civ. Malines, 18 mars 1987, R. W., 1987-1988, p. 1.483 ; cfr .. aussi Liège, 30 novembre 1992, Rev. rég. dr., 1993, p. 240).

Si enfoncer un piquet de clôture n'est pas en soi dangereux, il en est autrement s'il s'agit d'un poteau métallique rouillé, tout homme prudent devant prévoir la possibilité que des éclats métalliques se séparent et blessent un tiers (Bruxelles, 28 juin 1988, R.G.A.R., 1990, no 11.729; comp. : Cass., 12 novembre 1951, Pas., 1952, I, p. 128 et notre traité de la responsabilité civile, T. I, no 309).

CHAPITRE V.- LES RESPONSABILITÉS DU FAIT D'AUTRUI

(article 1384 du Code civil)

SECTION 1re. - CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

69. Y A-T-IL UN PRINCIPE GÉNÉRAL DE RESPONSABILITÉ DU FAIT D'AUTRUI 1

Existe-t-il un principe général de responsabilité du fait d'au­trui comme il est admis qu'il existe un principe général - en France et chez nous d'une manière moins étendue - de res­ponsabilité du fait des choses 1

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La réponse à la question était classiquement négative. Si l'article 1384, al. 1er, est considéré comme édictant un principe général de responsabilité du fait des choses, c'est parce qu'il a vocation à s'appliquer à toutes les choses, meubles corporels ou immeubles, pour autant qu'il y ait fait de la chose en France, ou vice de celle-ci en Belgique. Traditionnellement par contre, on a toujours considéré qu'il n'y avait que trois cas particuliers de responsabilité du fait d'autrui : les parents, les instituteurs et artisans, les maîtres et commettants qui répon­dent seuls des conséquences des fautes commises par les per­sonnes dont ils doivent répondre, les enfants, les élèves ou les préposés.

Mais si la jurisprudence, allant au-delà de la volonté du législateur de 1804, a pu créer les règles applicables en matière de responsabilité du fait des choses, pourquoi ne pourrait-elle pas faire de même pour la responsabilité du fait d'autrui et considérer que quiconque a un devoir de surveillance envers autrui doit répondre des fautes de celui qu'il devait surveiller ?

La question avait été soulevée à différentes reprises, spora­diquement, dans la jurisprudence (cfr. entre autres : Dijon, Trib. Enf. 27 février 1965, Dal., 1965, J., 439 et note; cf. notre Examen de jurisprudence dans cette Revue, 1968, p. 226, n° 32, ou dans la doctrine française (cfr. SAVATIER, (<La responsabilité générale des choses que l'on a sous sa garde a-t­elle pour pendant une responsabilité générale du fait des per­sonnes dont on doit répondre ? >>, Dal., 1933, Chr. p. 81 ; voyez pour plus de détails sur les antécédents du revirement de la jurisprudence française : <<Article 1384, al. 1er du Code civil­Rien de nouveau ? >> par DEMESSE in R. G.A.R., 1991, n° 11.854, §§ 13 et s.).

L'arrêt Blieck prononcé le 29 mars 1991 par la Cour de cas­sation de France (J.C.P. 1991, II, 21673 avec les conclusions du premier avocat général M.D.H. Dontenwille et obs. GRES­TIN ; Dal., 1991, Jur., p. 324 et note LARROUMET) constitue bien en effet un revirement de la jurisprudence dans la mesure où la Cour de cassation rej et te le pourvoi contre l'arrêt atta­qué (Limoges, 23 mars 1989) qui avait admis, sur base de l'ar­ticle 1384, § 1er, du Code civil, la responsabilité d'une associa­tion pour le dommage causé par un handicapé mental placé

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dans un centre qu'elle gérait. L'arrêt constate ainsi la légalité de la décision entreprise.

Faut-il espérer que la Cour de cassation de Belgique et notre jurisprudence suivent l'exemple français ? La question mérite d'être posée et une réponse positive se justifie certainement d'un point de vue social, au moins dans certaines hypothèses.

Le problème vient d'être envisagé par Mme Moreau-Mar­grève qui a examiné la portée de l'arrêt Blieck avant de s'in­terroger sur l'opportunité de la transposition de la solution en droit belge pour y donner en termes de conclusions une réponse <<plutôt positive>> (<<Une règle générale de responsabi­lité délictuelle du fait d'autrui en droit belge ? >>, par Irma MoREAU-MARGRÈVE in Mélanges R.O. Dalcq, Ed. Larcier, 1994, p. 439 et s.).

70. PRÉSOMPTIONS DE RESPONSABILITÉ ET ASSURANCES. -Dans notre précédent examen de jurisprudence (cette Revue, 1987, p. 647, no 43), nous avions déjà souligné que l'intérêt pratique des présomptions relatives aux responsabilités du fait d'autrui avait tendance à s'atténuer.

La loi du 25 juin 1992 sur les assurances renforcera sans doute ce mouvement puisque dès lors que l'article 86 de la loi institue une action directe dans toutes les assurances de res­ponsabilité, quel intérêt le tiers aura-t-il encore à mettre le civilement responsable en cause si la personne dont il doit répondre est couverte par une assurance couvrant sa responsa­bilité civile ?

SECTION 2.- RESPONSABILITÉ DES PARENTS

71. FoNDEMENT DE LA PRÉSOMPTION. - La Cour de cassa­tion a confirmé le double fondement de la présomption -devoir de surveillance et d'éducation - en telle sorte qu'il ne suffit pas pour renverser cette présomption de démontrer qu'aucun défaut de surveillance n'a été commis et que le père n'aurait pu empêcher les faits, l'enfant n'étant pas confié à sa garde (Cass., 28 avril 1987, R. W., 1987-1988, p. 434; Pas., HJ87, I, p. 1004; R.G.A.R., 1990, no 11.653; Cass., 23 juin 1988, Pas., 1988, I, p. 1292 ; Cass., 23 février 1989, Pas., 1989,

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I, p. 649 ; J. T., 1989, p. 235 ; Bruxelles, 28 octobre 1987, Journ. procès, 1987, no 117, p. 26 et obs. F. GLANSDORFF;

voyez pour un enfant à l'école : Anvers (Ch. jeun.), 30 juin 1986, Bull. Ass., 1987, p. 146; pour un militaire encore mineur : Civ. Marche-en-Famenne, 12 octobre 1987, Bull. Ass., 1988, p. 696; pour le père alors que l'enfant est confié à la garde de la mère: Civ. Louvain, 2 septembre 1987, Pas., 1987, III, p. 101 et note A.K.).

La présomption de responsabilité ne joue contre les parents que si le mineur a commis un acte illicite, le manque de discer­nement n'excluant pas que cet acte soit objectivement illicite (Cass., 11 avril1991, Pas., 1991, I, p. 727; J.T., 1992, p. 13).

La responsabilité personnelle de l'enfant exige qu'il ait atteint l'âge du discernement (Cass., 24 janvier 1986, R. W., 1987-1988, p. 154). Jugé qu'à sept ans, un enfant jouit d'un discernement suffisant pour savoir qu'il ne faut pas traverser imprudemment une chaussée (Civ. Nivelles, 20 mars 1985, R.G.D.C., 1987, p. 86; Civ. Louvain, 17 septembre 1986, Pas., 1987, III, p. 1).

L'absence de discernement n'exclut pas la responsabilité des parents (Bruxelles, 5 mars 1986, R.G.A.R., 1987, no 11.247; Anvers, 21 janvier 1986, Dr. circul., 1987, p. 70; Huy, 7 octobre 1985, R.G.A.R., 1987, no 11.166; Bruxelles, 29 mai 1985, R.G.A.R., 1987, n° 11.203; pour un enfant de 8 ans 1/2: Civ. Malines, 27 avril 1987, R. W., 1988-1989, p. 25; pour un enfant de 4 ans : Ci v. Bruges, 28 novembre 1988, R. W., 1990-1991, p. 1.377).

Si les parents renversent la présomption, ils ne peuvent être condamnés ni aux frais de l'action publique, ni aux dommages et intérêts envers les parties civiles (Bruxelles- Ch. jeun. -18 juin 1987, J. T., 1987, p. 629).

Jugé que la présomption est renversée lorsque le fils dont la garde avait été confiée à la mère s'est engagé à 17 ans aux paracommandos, échappant ainsi au pouvoir de surveillance de ses parents et même, dans une certaine mesure au pouvoir d'éducation (Liège, 19 février 1987, J.T., 1987, p. 648; J.L.M.B., 1987, p. 1.285 et obs. P.H.).

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72. DEVOIR D'ÉDUCATION. - La bonne éducation est celle qui met en œuvre les moyens propres à assurer la formation et le développement du mineur, compte tenu de son âge et de son milieu. Le seul fait que l'enfant a dû être placé dans une institution de protection de la jeunesse ne suffit pas pour éta­blir le défaut d'éducation alors que les éducateurs spécialisés de ces institutions n'ont pu davantage empêcher le mineur de commettre des infractions (Liège-Ch. jeun.-28 avril 1983, Rev. trim. dr. jam., 1986, p. 232 ; cfr. aussi Trib. jeun. Bruxelles, 4 novembre 1987, Journ. procès, 1987, p. 31 et obs. F.G.; Civ. Bruxelles, 12 novembre 1986, R. G.D. O., 1987, p. 87 ; Ci v. Liège, 11 février 1989, R.G.A.R., 1992, no 11.941; Corr. Bruxelles, 21 février 1992, Rev. dr. pén., 1992, p. 909; Anvers, 16 décembre 1987, Dr. circul., 1989, p. 14 ; Ci v. Liège, 11 décembre 1989, Pas., 1990, III, p. 63 ; Bruxelles, 23 mai 1991, Pas., 1991, II, p. 158 ; Civ. Charleroi, 17 septembre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 670; Bruxelles, 18 février 1992, R.G.A.R., 1993, no 12322).

La gravité de la faute peut révéler le manquement au devoir d'éducation (Civ. Nivelles, 17 février 1987, R.G.D.O., 1988, p. 337 ; Bruxelles, 2 avril 1987, R. G.D. O., 1989, p. 34 7 et note D. DELl ; Ci v Bruxelles, 28 mars 1989, R. G.D. O., 1990, p. 24 7 ; Civ. Ypres, 16 février 1988, R. W., 1989-1990, p. 755 et obs. ; Bruxelles, 3 octobre 1990, R.G.A.R., 1991, n° 11.840; pour un jeune homme de 18 ans qui agresse une dame de 85 ans : Civ. Bruges, 10 octobre 1988, R. W., 1990-1991, p. 1.340 ; coups volontaires : Mons, 9 juin 1993, J. T., 1993, p. 688; incendie en jouant avec une bougie : Anvers, 24 février 1993, Limb. Rechtsl., 1993, p. 143; garçon de 15 ans qui s'empare d'un tracteur : Anvers, 13 février 1991, R.G.A.R., 1993, no 12.198; vols qualifiés, stupéfiants et 21 infractions en 3 ans dans le chef d'un garçon mineur: Civ. Bruxelles, 11 mars 1993, J.T., 1993, p. 580; conduite du véhicule des parents sans permis, en état d'ivresse : Corr. Malines, 15 décembre 1989, R. W., 1992-1993, p. 786 et obs.).

Le divorce des parents ne peut être considéré comme une faute dans l'éducation. L'échec d'une éducation n'est pas en soi révélateur d'une faute dans l'accomplissement du devoir d'éducation (Bruxelles, Ch. jeun., 10 décembre 1987,

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R.G.A.R., 1989, no 11.546; voyez aussi Anvers, 1er avril1987, R.G.A.R., 1989, no 11.449 et obs.). Mais il en est autrement, si mis en présence de réelles difficultés d'éducation, les parents se sont abstenus de consulter les personnes compétentes alors que les actes commis par le mineur révèlent une certaine incurie éducative (Bruxelles, 29 juin 1990, Bull. Ass., 1990, p. 824).

La présomption s'applique à un père adoptif. Le Tribunal a admis cependant en l'espèce que le père s'exonérait de la pré­somption en établissant que l'adoption remontait à 8 mois et qu'il n'avait pas manqué pendant cette période à ses devoirs d'éducation et de surveillance, établissant au surplus que ce n'était pas lui qui avait élevé l'enfant avant l'adoption (Civ. Bruxelles, 18 février 1986, Pas., 1986, III, p. 39). Cette déci­sion a toutefois été réformée (Bruxelles, 12 avril 1988, Pas., 1988, II, p. 183 ; comp. Bruxelles, Ch. jeun. 15 novembre 1988, Rev. trim. dr. fam., 1989, p. 198; Bruxelles, Ch. jeun., 24 mars 1987, Dr. circul., 1990, p. 53).

Le placement de l'enfant laisse subsister la présomption de responsabilité des parents (Civ. Bruxelles, 12 novembre 1986, J.J.P., 1988, p. 170 et note STASSYNS; Contra, J.P. St.-Josse, 10 décembre 1985, J.J.P., 1988, p. 27).

73. RESPONSABILITÉ DES PARENTS ET ARTICLE 1386BIS DU CoDE CIVIL. - La responsabilité des parents n'est pas limitée au montant de la condamnation de l'enfant lorsque celui-ci est anormal et se voit appliquer le bénéfice de l'article 1386bis du Code civil (Cass., 18 octobre 1990, J. T., 1991, p. 190, Pas., 1991, I, p. 110; J.L.M.B., 1991, p. 758 et note D. PHILIPPE; contra, l'arrêt entrepris : Bruxelles, 10 décembre 1987, J.L.M.B., 1988, p. 155 et note D. PHILIPPE). Des déficiences et troubles de caractère de l'enfant ne réduisent pas la respon­sabilité des parents (Bruxelles, Ch. Jeun., 7 mars 1989, R.G.A.R., 1991, no 11.796).

74. APPRÉCIATION DES DEVOIRS D'ÉDUCATION ET DE SUR­VEILLANCE. Les devoirs d'éducation et de surveillance des parents n'entraînent pas une obligation de résultat. Ces devoirs doivent être appréciés de manière humaine et raison­nable. Ainsi a-t-il été jugé, avant la modification de l'âge de la majorité, qu'il fallait interpréter raisonnablement le main-

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tien de la majorité à 21 ans alors que dans la plupart des pays d'Europe, l'âge de la majorité a été abaissé à 18 ans (Civ. Liège, 22 janvier 1990, J.L.M.B., 1990, p. 1230 et note D. PHILIPPE).

La loi du 19 janvier 1990 abaissant l'âge de la majorité à 18 ans à partir du pr mai 1990 n'a pas eu d'effet rétroactif (Anvers, 17 janvier 1991, Bull. Ass., 1991, p. 638 ; R. W., 1990-1991, p. 1170 et obs. ; Bruxelles, 23 mai 1991, Pas., 1991, II, p. 158; Civ. Bruxelles, 10 janvier 1992, J. T., 1992, p. 643).

75. CAs DIVERS. - Commet une faute le mineur d'âge qui par manque de surveillance laisse pénétrer un individu dange­reux, non invité, au cours d'une soirée dansante qu'il a organi­sée. L'indifférence manifestée par l'organisation témoigne d'une mauvaise éducation et l'absence des parents témoigne d'une surveillance insuffisante les empêchant de renverser la présomption (Bruxelles, 15 janvier 1988, R. G.A.R., 1989, n° 11.541).

N'apporte pas la preuve d'une bonne éducation, le père invalide, qui savait ou devait savoir, que le véhicule de son fils cohabitant avec lui, n'était ni immatriculé, ni assuré (Bruxelles, 23 mai 1991, Pas., 1991, II, p. 158).

76. RESPONSABILITÉ DES PARENTS ET AMENDES DE ROU­LAGE. - Les parents ne peuvent être condamnés comme civi­lement responsable des amendes auxquelles sont condamnés leurs enfants mineurs que si la loi le prévoit. Tel n'est pas le cas de la loi du 1er juillet 1956 relative à l'assurance obliga­toire de la responsabilité civile en matière de véhicules auto­moteurs (Anvers, 8 octobre 1987, R. W., 1987-1988, p. 644 et note Merckx).

77. PRESCRIPTION. - L'acte illicite d'un enfant de 11 ans qui porte des coups involontaires à un autre enfant est un délit auquel s'applique l'article 26 du titre préliminaire du Code de procédure pénale ; l'action civile de la victime se pres­crit en 5 ans tant contre l'auteur du fait qu'à l'encontre de ses parents, civilement responsables (Anvers, 5 avril 1989, Limb. Rechtsl., 1989, p. 103).

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78. CUMUL DES PRÉSOMPTIONS À CHARGE DES PARENTS ET DES INSTITUTEURS. -Il a été mis fin en 1989 à la controverse concernant le cumul des présomptions édictées par les ali­néas 2 et 4 de l'article 1384 du Code civil. Alors que par son arrêt du 22 septembre 1978 (voyez notre Ex. jurispr., cette Revue, 1980, p. 394, no 44 et 1987, p. 649, no 46), la Cour de cassation s'était prononcé contre le cumul, elle est revenue en 1989 sur cette solution critiquée par la doctrine pour admettre ce cumul comme la logique du double fondement donné à la présomption l'imposait (Cass., 23 février 1989, R.G.A.R., 1990, no 11.620; Cass., 28 septembre 1989, Pas., 1990, I, p. 117; R.G.A.R., 1992, no 11960; J.T., 1990, p. 22; Bull. Ass., 1990, p. 165 ; J.L.M.B., 1990, no 12.226 ; Cass., 21 décembre 1989, Pas., 1990, I, p. 501 et obs.; J.L.M.B., 1990, p. 1228 et note; voyez aussi : Bruxelles, 24 février 1987, J.L.M.B., 1988, p. 1024 et note D. PHILIPPE,<< A propos du cumul des respon­sabilités des parents et des instituteurs>); Civ. Nivelles, 25 février 1988, R.G.D.C., 1989, p. 86; R.G.A.R., 1989, n° 11.448 et note J. PITEUS).

SECTION 3. - MAîTRES ET CoMMETTANTS

79. ACTE COMMIS DANS L'EXERCICE DES FONCTIONS. - La Cour a confirmé qu'il suffit pour qu'un dommage ait été causé dans les fonctions d'un préposé, que l'acte illicite ait été accompli pendant la durée des fonctions et soit en relation avec celles-ci, fût-ce indirectement et occasionnellement ( Cass., 19 juin 1986, J.T., 1987, p. 196; R.G.A.R., 1987, no 11.279). Il suffit d'une faute qui cause dommage à autrui sans qu'il soit nécessaire que cette faute constitue une infraction pénale (Cass., 26 octobre 1989, Pas., 1990, I, p. 241; J.T., 1990, p. 102).

L'acte illicite du préposé, fût-il intentionnel, doit rentrer dans les fonctions du préposé mais il suffit à cet égard qu'il ait été accompli pendant le temps des fonctions et soit, même indirectement et occasionnellement, en relation avec les fonc­tions (Cass., 26 octobre 1989, Pas., 1990, I, p. 241, J.T., 1990, p. 102; R.G.A.R., 1991, no 11.870; Bruxelles, 27 septembre 1990, R.G.A.R., 1992, no 11.961).

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80. PRESCRIPTION. - Si l'acte illicite est constitutif d'une infraction, l'action civile du tiers lésé contre le commettant sur base de l'article 1384, al. 3 du Code civil est soumise à la pres­cription de 5 ans, indépendamment de l'absence de poursuites pénales (Bruxelles, 26 février 1992, Pas., 1992, II, p. 34).

81. ABUS DE FONCTION. -Le problème de l'abus de fonc­tion a été examiné à plusieurs reprises par la jurisprudence.

Ainsi une banque est responsable des agissements de son préposé, gérant de succursale, même s'il a commis un abus de confiance ou une fraude fiscale dès lors qu'aux yeux des tiers, il agissait comme préposé de la banque (Liège, 27 juin 1986, J.L.M.B., 1987, p. 443 et note D. PHILIPPE; voyez aussi Liège, 9 octobre 1991, Pas., 1991, II, p. 187; comp. contra : Gand, 27 mars 1992, T. Not., 1993, p. 198 et note Bouc­KAERT).

Par son arrêt précité du 26 octobre 1989, la Cour considère qu'en cas d'abus de fonction, le commettant reste tenu si le préposé n'a pas agi en dehors de ses fonctions, sans autorisa­tion et à des fins étrangères à ses attributions, quelles que soient les considérations personnelles qui ont pu déterminer les actes de la victime, sous réserve d'une faute éventuelle de celle-ci, pouvant résulter de la connaissance qu'elle avait de l'abus de fonction du préposé en telle sorte qu'elle n'avait pu croire à aucun moment qu'il agissait en qualité de préposé et dans le cadre de ses fonctions (voyez le commentaire de cet arrêt par Christine DALCQ, << Les limites de la responsabilité du commettant pour abus de fonction de son préposé>>, R.O.J.B., 1992, p. 216; comp. aussi note CLEVENBERGH 0., in R.G.D.O., 1991, p. 623).

La jurisprudence reste incertaine en ce qui concerne l'in­fluence sur sa responsabilité de la connaissance par la victime de l'abus de fonction du préposé.

L'arrêt du 4 novembre 1993 (J.T., 1994, p. 231) confirme à cet égard la solution retenue par l'arrêt précité du 26 octobre 1989 (sur la portée de cette jurisprudence, cf note Christine DALCQ précitée dans cette Revue, et du même auteur : << La responsabilité des préposés de sociétés>>, en collaboration avec J.L. FAGNART et X. DIEUX, in<< La responsabilité des associés,

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organes et préposés de sociétés>>, Ed. Jeune Barreau, Bruxelles, 1991, p. 123 et 124).

La portée de l'incidence de la faute de la victime semble remise en cause par l'arrêt du 11 mars 1994 (J.T., 1994, p. 611 et note de Christine DALCQ).

82. LIEN DE PRÉPOSITION ET PRÊT DE PRÉPOSÉ. - La cir­constance que le préposé est le père ou la mère de la victime est sans incidence sur l'application de l'article 1384, al. 3, du Code civil (Cass., 19 juin 1986, J.T., 1987, p. 196; R.G.A.R., 1987, na 11.279).

L'existence d'un contrat de travail n'empêche pas que le préposé soit mis à la disposition d'un tiers. Tel est le cas, lors­que l'employeur met son matériel et son opérateur à la disposi­ti on d'un tiers qui donne les ordres et en surveille l'exécution (Liège, 10 novembre 1986, J.L.M.B., 1987, p. 671; Comm. Namur, 15 mars 1988, Rev. rég. dr., 1988, p. 386; Corn. Liège, 4 mars 1985, R.G.A.R., 1988, no 11.354 et obs.; Liège, 3 novembre 1992, Bull. Ass., 1993, p. 486 ; Liège, 24 juin 1991, R.G.A.R., 1993, n° 12.199; comp. contra : Liège, 12 avril 1991, J.L.M.B., 1991, p. 835).

Le contrat de sous-traitance exclut tout lien de subordina­tion au sens de l'article 1384, al. 3 du Code civil. L' entrepre­neur principal ne répond pas vis-à-vis des tiers du fait de son sous-traitant ni de la faute commise par le préposé de celui-ci (Bruxelles, 3 octobre 1988, R.G.A.R., 1989, n° 11.553). Il n'y a pas davantage de subordination entre le maître de l'ouvrage et un entrepreneur (Bruxelles, 21 novembre 1989, R.G.A.R., 1991, n° 11.888). Telle est certainement l'orientation générale de la jurisprudence mais il ne faut cependant pas exclure la possibilité de l'existence d'un lien de subordination entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur ou son sous-traitant dans la mesure où le maître de l'ouvrage se réserve un pouvoir de direction effective et de contrôle des activités de l' entrepre­neur ou du sous-traitant.

Un pédiatre en formation, assurant le service de garde pen­dant un week-end n'est pas le préposé du directeur du service de pédiatrie qui n'a donc pas à répondre de lui sur base de l'article 1384, al. 3, du Code civil {comp. contra, supra, no 60 et

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notre Ex. prud., cette Revue, 1987, p. 640, no 38). Le pédiatre en formation agit comme organe de l'hôpital universitaire où il travaille (Civ. Liège, 5 mars 1991, J.L.M.B., 1991, p. 1454 et note D. PHILIPPE, << La responsabilité médicale en milieu hospitalier>>.

L'article 18 de la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de tra­vail n'est pas d'application en cas d'accident survenant pen­dant le déplacement de plusieurs travailleurs vers un chantier si l'accident est causé par la faute de l'un d'eux dès lors que le Tribunal a considéré qu'il ne s'agissait pas d'un accident du travail mais d'un accident sur le chemin du travail (Cass., 25 juin 1986, Bull. Ass., 1987, p. 275 et note L.V.G.; J.T., 1987, p. 197).

L'appréciation concernant l'existence d'un dol, d'une faute lourde ou d'une faute légère ne concerne pas la recevabilité de l'action mais bien le fond de celle-ci (Cass., 29 avril 1986, Dr. circul., 1987, p. 81 et note BREWAEYS ; pour un exemple de faute lourde, voyez Mons, 15 mars 1984, R.G.A.R., 1988, n° 11.353).

83. QUI PEUT INVOQUER LA PRÉSOMPTION ? - La présomp­tion ne joue qu'en faveur des tiers; elle ne peut donc être invoquée par le préposé contre son commettant (Cass., 15 sep­tembre 1988, J. T., 1988, p. 687 ; Pas., 1989, I, p. 49 ; Trib. trav. Gand, 9 janvier 1989, R. W., 1988-1989, p. 1091; voyez aussi à ce sujet, infra, no 92 et références citées).

SECTION 4.- INSTITUTEURS ET ARTISANS

84. PRINCIPE - NoTION n'INSTITUTEUR. - L'instituteur qui exécute son contrat de travail est responsable du dom­mage causé par ses élèves pendant le temps qu'ils sont sous sa surveillance. Il peut renverser cette présomption de responsa­bilité en prouvant qu'il n'a pu empêcher le fait qui a donné lieu à l'accident ou qu'il n'a commis ni dol, ni faute lourde, ni faute légère présentant un caractère habituel plus tôt qu' acci­dentel (Cass., 25 janvier 1993, J.T.T., 1993, p. 22; R. W., 1992-1993, p. 1453). La référence à la faute légère présentant un caractère habituel vise évidemment l'article 18 de la loi sur

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le contrat de travail en telle sorte que la solution retenue par cet arrêt ne vaut que si l'instituteur se trouve dans les liens d'un contrat d'emploi.

Bien que le mot << instituteur >> ne soit pas employé dans l'ar­ticle 1384 avec le sens étroit que nous lui donnons aujourd'hui (cf. notre traité de la Responsabilité civile, T. I, no 1.670), la jurisprudence exigeait habituellement pour l'application de l'alinéa 4 de l'article 1384 du Code civil qu'il s'agisse d'une personne titulaire d'un enseignement scolaire. L'arrêt du 3 décembre 1986, (déjà cité dans notre précédent examen de jur. : cette Revue, 1987, p. 652, n° 51) a été publié depuis dans différentes revues (R.G.A.R., 1987, no 11.249; Pas., 1987, I, p. 410; R. W., 1987-1988, p. 54 et obs.) ; il a élargi la notion d'enseignement en y englobant toute autre communication qu'elle soit scientifique, artistique, professionnelle, morale ou sociale {voyez contra, Civ. Bruxelles, 12 janvier 1986, R.G.D.O., 1987, p. 87; Malines, 2 janvier 1990, R.G.D.O., 1990, p. 249 pour un éducateur dans un home).

85. MÉCANISME DE LA PRÉSOMPTION. - La présomption de responsabilité des instituteurs, comme les autres présomptions de responsabilité du fait d'autrui, exige que la personne dont on doit répondre ait causé un dommage à autrui ; elle ne s' ap­plique pas si l'élève se cause dommage à lui-même (Civ. Bruxelles, 25 septembre 1985, Pas., 1985, III, p. 87; Civ. Huy, 7 octobre 1985, R.G.A.R., 1987, no 11.166; Civ. Bruges, 24 juin 1987, R. W., 1987-1988, p. 1374) ou à l'établissement dont il est l'élève (Mons, 29 février 1988, R.G.A.R., 1990, no 11.636) ou si le professeur cause dommage à l'élève (Gand, 10 janvier 1992, Bull. Ass., 1992, p. 494 et obs. De Noël).

L'assureur de l'établissement responsable sur base de l'ali­néa 4 de l'article 1384, qui a indemnisé la victime, peut se retourner contre l'élève responsable si celui-ci ne bénéficie pas de la garantie d'assurance (Civ. Louvain, 24 mars 1987, R. W., 1989-1990, p. 56 et obs.).

86. RESPONSABILITÉ PERSONNELLE DE L'INSTITUTEUR -EXEMPLE. -Un professeur de gymnastique, organisant une course de natation, engage sa responsabilité en incitant les élèves à se dépasser et à se rencontrer dans un même couloir

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ce qui occasionna la perte d'un œil (Liège, 26 juin 1991, R.G.A.R., 1993, n° 12.215 et note Christine DALCQ).

CHAPITRE VI. - RESPONSABILITÉ DU FAIT DES CHOSES

SECTION 1re. - LA GARDE D'UNE CHOSE OU D'UN ANIMAL

87. NOTION DE GARDE. - La définition de la garde donnée par la jurisprudence n'a pas évolué au cours de ces dernières années. Est gardien de la chose au sens de l'article 1384, al. 1er, ou de l'article 1385 celui qui pour son propre compte, fait usage de la chose ou de l'animal, ou en jouit avec pouvoir de direction et de surveillance (Cass., 4 avril 1986, p. 1986, I, p. 948; J.T., 1987, p. 196; R.G.A.R., 1987, no 11.275; Cass., 29 octobre 1987, Pas., 1988, I, p. 251; R.G.A.R., 1989, n° 11.542 ; Cass., 24 janvier 1991, Pas., 1991, I, p. 500 ; voyez aussi Fagnart et De Neve : Chronique J.T., 1988, p. 262, n°8 119 et s.).

Le juge du fond qui décide qu'une partie avait la garde de la structure d'une chose et d'autres parties, qui usaient de la chose pour leur compte, la garde du comportement de celle-ci, viole la notion légale de garde telle qu'elle est reprise dans l'ar­ticle 1384, al. 1er, du Code civil (Cass., 4 avril1986 précité). La circonstance qu'une personne ait eu un usage limité de la chose n'exclut pas que le propriétaire qui devait en assurer l'entretien et l'utilisait avec pouvoir de surveillance de direc­tion et de contrôle en avait néanmoins conservé la garde (Cass., 11 octobre 1985, Pas., 1986, I, p. 149).

Les exigences de la garde- usage pour son propre compte avec pouvoir de surveillance, de direction et de contrôle -sont reprises par les juridictions de fond.

Ainsi le locataire qui a la jouissance de la chose avec pou­voir de direction et obligation de surveillance et de contrôle est le gardien (Mons, 4 décembre 1985, Pas., 1986, II, p. 25 et note J.S.). Cette maîtrise de la chose peut n'être que tempo­raire, par exemple sur des biens en consignation (Bruxelles, 3 mai 1985, R.G.A.R., 1987, no 11.204; Comp. Cass.,

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29 octobre 1987, Pas., 1988, I, p. 251 ; Bruxelles, 17 novembre 1986, R. W., 1987-1988, p. 1335; Civ. Anvers, 9 novembre 1987, R.G.D.C., 1988, p. 260; Anvers, 15 janvier 1991, Turnh. Rechtsl., 1991, p. 101).

Le locataire ne peut s'exonérer au seul motif qu'il ne sup­porte pas la charge financière de l'entretien de certaines par­ties de l'immeuble. La surveillance et la direction d'une chose ne sont pas nécessairement subordonnées à l'obligation d'en supporter le coût (Civ. Liège, 9 novembre 1989, R.G.A.R., 1992, n° 12.045).

Bien que l'on enseigne traditionnellement que les notions de garde sont identiques dans le cadre des articles 1384, al. 1er et 1385 du Code civil (cf notre Traité de la Responsabilité no 2.059 et nos précédents examens de jurisprudence dans cette Revue), on peut se demander si la garde d'un animal échappé (cf. article 1385 du Code civil) peut être assimilée à la garde d'une chose, en soi inerte ? N'est-ce pas cette différence qui influence la Cour de cassation lorsqu'elle affirme que pour que la responsabilité du dommage causé par un animal soit transférée du propriétaire à celui qui s'en sert, il ne suffit pas qu'il en ait la garde mais encore que le gardien ait la maîtrise de l'animal, celle-ci comportant un pouvoir de direction et de contrôle non subordonné, sans intervention du propriétaire (Cass., 16 octobre 1986, Pas., 1987, I, p. 189; J.T., 1987, p. 196; R.G.A.R., 1987, n° 11.291 ; voyez aussi pour la garde d'un chien : Liège, 14 juin 1988, J.L.M.B., 1988, p. 1035 et obs. ; voyez aussi Liège, 3 novembre 1988, Rev. rég. dr., 1989, p. 175; voyez aussi note De Pauw sous Gand, 11 avril 1988, R. G.D. O., 1990, p. 146 ; Liège, 3 novembre 1988, R. G.A.R., 1992, n° 12.008).

L'office de navigation a la garde des voies navigables au sens de l'article 1384, al. pr, du Code civil (Cass., 24 janvier 1991, Pas., 1991, I, p. 500; R. W., 1990-1991, p. 1.406).

Le gardien ne doit pas être titulaire d'un droit sur la chose ; il ne doit pas davantage disposer des connaissances techniques nécessaires pour remédier au vice de la chose (Liège, 27 novembre 1991, Pas., 1991, II, p. 217).

Un maître de manège a la garde des annimaux montés par les élèves (Liège, 22 décembre 1989, R.G.A.R., 1992,

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no 11.977; Anvers, 16 janvier 1989, Limb. Rechtsl., 1992, p. 228; Bruxelles, 27 janvier 1992, R.G.A.R., 1993, no 12.233).

Si la garde est commune à plusieurs gardiens, chacun est tenu envers la victime, à la réparation intégrale de ce dom­mage (Cass., 29 octobre 1987, Pas., 1988, I, p. 251; Mons, 13 février 1990, Dr. circul., 1991, p. 37).

La Région wallonne à qui est confiée la gestion d'une sapi­nière use de la chose pour compte de la Commune qui continue à percevoir le profit de l'exploitation. Le pouvoir de la Région est donc un pouvoir subordonné (Civ. Neufchâteau, 18 novembre 1987, Rev. rég. dr., 1988, p. 161 ).

Le transporteur d'un animal en devient le gardien mais sa mission prend fin à l'arrivée lorsque le propriétaire se charge lui-même du déchargement (J.P. Lennik-St.-Quentin, 22 octobre 1984, R. W., 1987-1988, p. 1.068; comp. Civ. Bruxelles, 20 avril 1990, R. G.A.R., 1992, n° 11.901 et obs. Christine DALCQ).

La garde des matériaux sur un chantier appartient à l'entre­preneur (Civ. Malines, 9 mai 1988, Pas., 1988, III, p. 121 ; Mons, 13 février 1990, Dr. circul., 1991, p. 37).

L'activité professionnelle du vétérinaire peut avoir pour effet de lui transférer la garde de l'animal si la pleine maîtrise de celui -ci lui est confiée ; il n'en est pas ainsi si le propriétaire reste présent et assure lui-même la maîtrise de l'animal pen­dant l'intervention du vétérinaire (Mons, 4 décembre 1987, R.G.A.R., 1989, no 11.566; Comp. Bruxelles, 2 novembre 1987, R.G.A.R., 1989, no 11.514; Civ. Namur, 17 janvier 1991, J.L.M.B., 1991, p. 781 et note D. PHILIPPE; R.G.A.R., 1993, n° 12.096).

Celui qui confie à un tiers la mission de nourrir son chien pendant son absence ne lui transmet pas la pleine maîtrise de l'animal et en reste le gardien (Civ. Tongres, 30 janvier 1987, R. G.D. C., 1988, p. 578 ; comp. Ci v. Charleroi, 26 février 1988, J. T., 1989, p. 10).

Deux personnes peuvent être simultanément gardiennes d'un animal ; celle qui monte le cheval et l'instructeur qui lui donne une leçon (Civ. Turnhout, 14 mars 1990, Turnh. Rechtsl., 1990, p. 101 ; voyez a.ussi J.P. Visé, 16 février 1987 et

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Ci v. Liège, 30 avril 1990 ; J. J.P., 1990, p. 369 ; voyez pour la garde collective d'une bonbonne d'oxygène : Bruxelles, 28 jan­vier 1992, Bull. Ass., 1992, p. 333, et note VAN VLAENDEREN).

La Commune reste gardienne d'un bâtiment mis par elle à la disposition d'une fabrique d'église (J.P. Anvers, 5e cant. 27 décembre 1988, Pas., 1989, III, p. 64).

SECTION 2. - LE VICE DE LA CHOSE

88. LE VICE DE LA CHOSE - NOTION. - La jurisprudence reste équivoque en ce qui concerne la notion de vice et son application.

Selon la Cour de cassation, une chose est affectée d'un vice si elle présente une caractéristique anormale qui la rend, en certaines circonstances, susceptible de causer dommage. Il en est ainsi si la chaussée est recouverte d'une nappe d'eau après un orage, les avaloirs étant obstrués à la suite de l'entraîne­ment de terre et de gravier par la pluie (Cass., 19 septembre 1985, Pas., 1986, I, p. 54; R.G.A.R., 1987, n° 11.218), ce qui n'a pas empêché la Cour de cassation de décider trois mois plus tard que si le juge du fond a constaté qu'il n'y avait pas d'obstruction des égouts eux-mêmes, mais que les grilles des avaloirs avaient arrêté des détritus rendant l'écoulement des eaux difficile alors que la pluie était exceptionnellement vio­lente, il a pu << par une appréciation souveraine, en fait, ... décider légalement que, eu égard aux circonstances atmosphé­riques et plus particulièrement aux pluies abondantes, il ne peut se déduire de ces données que l'autoroute ne satisfaisait pas aux exigences requises de pareilles voies de circulation et que, partant, il n'est pas établi que l'autoroute était affectée d'un vice>>. (Cass., 5 novembre 1985, Pas., 1986, I, p. 431). Comprenne qui pourra! (Quant à la définition du vice, voyez aussi Cass., 20 février 1987, Pas., 1987, I, p. 748; Cass., 19 décembre 1988, Pas., 1989, I, p. 444; Cass., 28 novembre 1991, Pas., 1992, I, p. 242; J.T., 1992, p. 445; Cass., 2 sep­tembre 1993, J. T., 1993, p. 841 ; Bruxelles, 8 mars 1988, Dr. circul., 1988, p. 253).

Les juridictions de fond mettent fréquemment l'accent sur l'anormalité qui doit résulter de la disposition susceptible de causer dommage (Bruxelles, 20 mars 1986, R. G.D. O., 1987,

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p. 59 et note WEZEL ; Gand, 18 février 1986, Bull. Ass., 1987, p. 139 et obs. J.R.).

Le vice ne doit pas être un élément permanent et n'est pas uniquement un élément inhérent à la chose; il peut être origi­nel ou acquis, provenir de la vétusté, du défaut d'entretien ou de toute autre cause ; il peut résulter de l'intrusion d'un élé­ment étranger dans la chose; il peut être le fait d'un tiers (Mons, 21 septembre 1987, R.G.A.R., 1988, no 11.423; Cass., 20 février 1987, R.G.A.R., 1989, no 11.543; R.O.J.B., 1990, p. 45 et note VAN QuiCKENBORNE ; Cass., 3 septembre 1992, Pas., 1992, I, p. 985 ; Bruxelles, 5 mars 1992, Pas., 1992, II, p. 36).

La circonstance que la chose est devenue défectueuse par l'usage qu'en a fait le gardien, n'exclut pas que cette chose puisse être entachée d'un vice (Cass., 20 septembre 1991, Pas., 1992, I, p. 62 ; J. T., 1992, p. 445).

89. LA NOTION DE VICE : EXEMPLES. - A été considéré comme un vice de la voirie la présence d'un bloc de béton sur la chaussée (Cass., 27 février 1987, Pas., 1987, I, p. 774; R.G.A.R., 1989, n° 11.447 et obs. ; voyez aussi Cass., 29 sep­tembre 1988, J. T., 1988, p. 687 ; Pas., 1989, I, p. 108 ; Gand, 13 octobre 1986, Dr. circul., 1987, p. 80).

La propulsion de la capsule d'une bouteille établit que la bouteille était affectée d'un vice (Cass., 29 janvier 1987, J.T., 1987, p. 499; Pas., 1987, I, p. 624; Bruxelles, 3 mai 1985, R.G.A.R., 1987, no 11.205; comp. Bruxelles, 22 novembre 1991, R. G.A.R., 1993, no 12.237 : à juste titre cet arrêt ne retient que la responsabilité contractuelle du vendeur sur base de l'article 1645 du Code civil, la victime étant l'acheteur de la bouteille).

Le sol d'un immeuble n'est pas affecté d'un vice au sens de l'article 1384, al. 1, si le tribunal constate que le revêtement ne présente pas de caractéristique anormale susceptible de causer un dommage (Cass., 11 décembre 1986, Pas., 1987, I, p. 449; voyez Civ. Hasselt, 10 février 1987, R.G.A.R., 1989, nos 11.581 et 11.499).

Inversément la Cour décide aussi qu'en constatant la pré­sence de graisse animale sur la chaussée en telle sorte que

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celle-ci ne satisfait pas aux exigences normales et présentait ainsi une caractéristique anormale pouvant causer dommage, le juge du fond justifie sa décision retenant la responsabilité du gardien (Cass., 4 juin 1987, Pas., 1987, I, p. 1215; R.G.A.R., 1989, no 11.459; Dr. circul., 1988, p. 151; R.C.J.B., 1990, p. 4 7 et note VAN QuiCKENBORNE ; R. W., 1987-1988, p. 1358 et obs. ; de même une tache d'huile rendant le sol exceptionnellement glissant peut constituer un vice du sol (Oass., 22 novembre 1985, Pas., 1986, I, p. 362 ; R. W., 1987-1988, p. 154 et obs.). Par contre, une feuille de salade sur le sol d'un grand magasin près du rayon des fruits et légumes ne rend pas le sol vicieux (Civ. Liège, 24 février 1986, R.G.A.R., 1987, no 11.260). Mais un fruit écrasé sur le sol d'une voiture de tram rend celle-ci vicieuse (Anvers, 9 décembre 1987, R.G.D.C., 1990, p. 444 et noteR. DE WIT).

La Cour de cassation a considéré que la cirQ.Onstance que le sol d'une cave est rendu glissant par la présence d'un malaxeur à beurre n'implique pas que ce sol présentait une caractéristique anormale (Oass., 28 novembre 1991, Pas., 1992, I, p. 242; J. T., 1992, p. 445) mais si une chaussée est rendue glissante par la présence de mazout, le juge du fond peut considérer qu'elle est affectée d'un vice (Oass., 9 mars 1989, Pas., 1989, I, p. 705 ; J. T., 1989, p. 732). Par contre, cette appréciation ne lui est pas permise si c'est la présence de sauce vinaigrette de même couleur que le sol qui l'a conduit à consi­dérer qu'il y avait un vice du sol d'un grand magasin (Hasselt, 21 janvier 1987, R.G.A.R., 1989, no 11.498).

Il semble donc que le juge du fond ne peut légalement déduire le vice du sol d'un grand magasin de la présence anor­male d'un objet sur ce sol, s'il ne ressort pas de ses constata­tions que l'état du sol lui-même était anormal (Cass., 26 juin 1986, Pas., 1986, p. 1326; J.T., 1987, p. 195; R.G.A.R., 1987, no 11.276 ; Comp. Oass., 6 mars 1981, Pas., 1981, I, p. 736 ; Oass., 10 juin 1983, Pas., 1983, I, p. 1147; voyez apparem­ment contra : Cass., 22 novembre 1985, Pas., 1986, I, p. 362 sur base d'une motivation explicite du juge du fond ; voyez pour la présence de crème glacée sur le sol d'une parfumerie : Oass., 30 décembre 1988, Pas., 1989, I, p. 471).

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628 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

La lecture de ces décisions fait craindre que la Cour s'at­tache de plus en plus à un formalisme, fort éloigné de la réa­lité, pour interpréter les termes employés par le juge du fond.

Un dock a été considéré comme atteint d'un vice intrinsè­que du fait de la présence d'une poutre flottant sous eau, constituant une disposition anormale entravant une circula­tion normale (Cass., 14 novembre 1986, Pas., 1987, I, p. 333 et obs.; R. W., 1986-1987, p. 2145 et obs.; R.G.A.R., 1989, n° 11.497; Liège, 17 avril 1989, Rev. rég. dr., 1990, p. 61; R.G.A.R., 1992, no 11.922; voyez dans le même sens : Cass., 12 février 1976, Pas., 1976, I, p. 652 ; Liège, 27 novembre 1991, Pas., 1991, II, p. 217 ; voyez pour un fil de nylon flot­tant dans la rivière : Gand, 8 avril 1986, Jur. prud., Anvers, 1987, p. 27 ; voyez contra, Ci v. Malines, 13 juin 1988, Pas., 1989, III, p. 17).

La présence d'un châssis en bois dans un champ de bette­raves ne rend pas celui-ci vicieux (Mons, 15 janvier 1985, R.G.A.R., 1987, n° 11.206), ce qui paraît en contradiction avec l'arrêt de la Cour de cassation du 14 novembre 1986 précité, ainsi qu'avec l'arrêt de la Cour d'appel de Mons du 22 février 1988 (J.L.M.B., 1988, p. 618 et note A. DAL) considérant que la présence d'une borne dans un champ peut rendre celui-ci vicieux (voyez aussi Mons, 2 décembre 1988, Rev. dr. rural, 1990, p. 32).

Un convoi de péniches poussé par un remorq~eur qui dérive parce que le pousseur a été momentanément en panne est affecté d'un vice (Bruxelles, 22 décembre 1983, Jur. Anv., 1986, p. 211; Comm. Anvers, 30 avril1987, Dr. europ. transp., 1987' p. 416).

Si la conception d'une balançoire est telle que les jambes des enfants peuvent être coincées, cela rend cet engin vicieux (Civ. Marche-en-Famenne, 8 janvier 1987, J.T., 1987, p. 688; Voyez pour le vice d'un carrousel dans un jardin de jeux d'enfants : Bruxelles, 23 juin 1988, R. W., 1990-1991, p. 123).

La présence d'une ampoule obstruant le tuyau de descente d'une corniche ne constitue pas une caractéristique anormale du tuyau (J.P. Grâce-Hollogne, 19 avril1985, R.G.A.R., 1987, n° 11.232).

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Une barrière automatique n'est pas vicieuse si elle s'abat sur le véhicule d'un usager qui n'a pas respecté les règles d'emploi (Ci v. Bruxelles, 6 juin 1985, R. G.A.R., 1988, no 11.321).

Par contre, la circonstance que l'aire de jeu de la cour d'une école soit bordée d'un fossé profond avec une pente de 58 % constitue un vice de la chose (Bruxelles, 11 avril 1988, Pas., 1988, II, p. 1981) ou la circonstance que la porte d'un ascen­seur puisse s'ouvrir alors que la cabine n'est pas au niveau du palier, démontre que le système est affecté d'un vice (Liège, 19 janvier 1988, R. G.A.R., 1989, no 11.565; Bruxelles, 6 avril 1990, R.G.A.R., 1993, no 12.115; Bruxelles, 21 décembre 1990, R.G.A.R., 1993, no 12.153).

Il en est de même du blocage soudain de la boîte de vitesse d'une automobile (Bruxelles, 23 novembre 1987 ; R. W., 1989-1990, p. 49).

L'absence de système de sécurité constitue un vice d'une machine à laver dans un salon-lavoir (Bruxelles, 16 mars 1988, R. W., 1989-1990, p. 820).

L'effondrement de la voie d'accès à une propriété privée constitue un vice même si l'on a placé un signal d'interdiction pour tout conducteurs (Oiv. Termonde, 20 février 1989, Dr. circul., 1990, p. 16).

Le toit d'un garage qui ne supporte pas le poids d'un homme est atteint d'un vice (Mons, 3 janvier 1991, Bull. Ass., 1991, p. 671; R.G.A.R., 1992, no 12.063).

Un bac à sable accessible à de petits enfants et ayant une profondeur telle qu'ils peuvent y creuser un tunnel et s'y trouvés ensevelis est vicieux (Civ. Bruxelles, 26 décembre 1989, R.G.A.R., 1991, no 11.886).

Les grilles des caissons des convecteurs de chaleur d'une pis­cine sont destinées à protéger les nageurs contre le danger de chute de ces caissons ; elles sont vicieuses si elles coulissent facilement et n'assurent donc plus cette protection (Bruxelles, 12 décembre 1989, R.G.A.R., 1992, no 11.942).

Présente un caractère vicieux l'entrée d'une maison lorsque l'escalier d'accès n'a pas de palier et que la porte s'ouvre vers l'extérieur (Bruxelles, 6 avril1990, R.G.A.R., 1993, n° 12.115).

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630 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

L'abandon d'un objet étranger par un tiers dans une toilette rend l'installation vicieuse même si l'objet étranger et le bloc du W.C. pris isolément ne présentent aucune imperfection (Liège, 4 décembre 1991, Bull. Ass., 1992, p. 294 et obs. ; voyez contra Cass., 27 mai 1982, J. T., 1983, p. 48 ; voyez aussi supra, nos considérations concernant la présence d'un produit quelconque sur un revêtement de sol; comp. Liège, 11 mai 1989, R.G.A.R., 1992, no 11.976 qui décide que le mau­vais emplacement d'une chose ne constitue paf? un vice, celui­ci devant être inhérent à la chose elle-même).

90. CoMMENTAIRES. - On ne peut que relever ainsi les contradictions de la jurisprudence des juridictions de fond. Ces contradictions sont la conséquence des incertitudes résultant de la jurisprudence de la Cour de cassation en 1natière de défi­nition du vice de la chose, particulièrement lorsque le vice est constitué par la présence d'un objet extrinsèque à la chose qui rend cependant celle-ci dangereuse (voyez à cet égard les réflexions déjà exposées dans notre précédent examen de juris­prudence, cette Revue, 1987, p. 665, n° 63).

On peut se demander en présence de ces multiples décisions admettant ou non le vice d'un sol en raison de la présence sur celui-ci d'une matière étrangère - glace, graisse, huile, feuille de salade, etc. - si le guide que doit suivre le juge du fond pour éviter une cassation n'est pas inscrit en filigrane dans l'arrêt du 30 décembre 1988 (R.G.A.R., 1991, no 11.783). La Cour décide qu'en considérant que le sol du rayon << parfume­rie>> qui ne présentait aucun vice <<en soi>>, a acquis une struc­ture anormale en raison de l'incorporation d'un produit glis­sant, le juge du fond a décidé par une appréciation souveraine que le produit répandu formait une structure unique avec le sol, viciant celui-ci (voyez dans le même sens Cass., 2 sep­tembre 1993, J. T., 1993, p. 841).

Certes, l'appréciation apparaît physiquement douteuse quand on affirme que le produit s'incorpore à la structure du sol pour ne plus former avec celui-ci qu'une structure unique. A la rigueur, on peut l'admettre pour du bois qui aurait absorbé de la graisse mais cela paraît difficile à considérer pour un sol en pierres ou en matière synthétique. Mais peu

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importe la réalité physique, si le juge déclare qu'il y a struc­ture unique, son appréciation en fait sera souveraine !

Il serait cependant beaucoup plus simple et plus logique à nos yeux d'être moins strict dans la définition du vice. Pour­quoi exiger que le produit répandu sur le sol forme une struc­ture unique avec celui-ci pour considérer le sol comme vicieux 1 Rien dans le texte de l'article 1384, al. pr, ne justifie pareille interprétation. N'est-ce pas l'anormalité de l'en­semble - sol couvert de graisse, d'huile, d'une feuille de salade, etc. -qui révèle une situation constitutive d'un vice 1

Par contre, il est normal d'exiger que le vice soit une dispo­sition anormale. Ainsi, la présence de feuilles mortes sur une chaussée longeant la forêt ne constitue pas une telle disposi­tion et n'engage pas la responsabilité du gardien sur base de l'article 1384, § pr, du Code civil (Bruxelles, 27 juin 1988, Dr. circul., 1988, p. 254). -

91. RESPONSABILITÉ DU FAIT DES CHOSES ET PRESCRIP­TION. - La prescription quinquénale de l'article 26 du titre préliminaire du Code d'instruction criminelle ne s'applique pas à l'action fondée sur l'article 1384, al. 1er, du Code civil. Il n'y a pas de renonciation à son droit, même si la victime a attendu 10 ans avant d'introduire sa demande (Civ. Hasselt, 7 mai 1992, Limb. Rechtsl., 1992, p. 321 et obs.).

92. LA PRÉSOMPTION N'EXISTE QU'EN FAVEUR DES TIERS.­La présomption de responsabilité mise à charge du gardien n'existe qu'en faveur des victimes et ne peut être invoquée que par elles (Cass., 17 janvier 1991, Pas., 1991, I, p. 457).

Cet arrêt restreint même l'application de la présomption aux seules victimes directes, ce qui nous paraît trop abusif et sans justification s'il faut entendre l'expression en ce sens qu'elle exclut notamment ceux qui sont subrogés dans les droits de la victime (voyez sur cette question, F. GLANSDORFF, << Les présomptions de responsabilité n'existent-elles qu'en faveur des victimes>>, in Mélanges R.O. Dalcq, p. 227, Ed. Lar­cier, 1994).

93. VICE ET FORCE MAJEURE.- Un arbre qui ne résiste pas à un vent violent - 174 à 192 kmjh. - mais d'une fréquence de 3 à 4 ans doit être considéré comme atteint d'un vice (Civ.

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Nivelles, 4 mars 1991, J. T., 1991, p. 682 ; comp. Civ. Bruxelles, 18 avril 1989, Res et jur. Imm., 1991, p. 143).

94. PREUVE DU VICE. -La preuve de l'existence d'un vice de la chose doit être rapportée par celui qui s'en prévaut. Cela n'implique pas pour autant l'obligation de préciser le vice ; il suffit de prouver que sans l'existence d'un vice, l'accident n'aura pas pu se produire (Cass., 29 janvier 1987, Pas., 1987, I, p. 624; J. T., 1987, p. 499 ; Cass., 9 mai 1986, Pas., 1986, I, p. 1.094; J. T., 1987, p. 194; R.G.A.R., 1987, no 11.277; Cass., 17 janvier 1986, Pas., 1986, I, p. 605, J. T., 1987, p. 194 ; R. G.A.R., 1987, no 11.278 ; Cass., 9 février 1989, Pas., 1989, I, p. 611 ; Cass., 28 février 1992, Pas., 1992, I, p. 586; Bruxelles, 7 novembre 1989, R. G.A.R., 1991, n° 11.887 ; Bruxelles, 21 octobre 1988, R.G.A.R., 1989, no 11.582; Anvers, 7 novembre 1990, R.G.A.R., 1992, n° 12.047; Comm. Bruxelles, 4 novembre 1991, Entr. et dr., 1992, p. 105; Mons, 13 mars 1992, R.G.A.R., 1993, no 12.170; pour un aéromodèle téléguidé : Bruxelles, 5 février 1988, R. G.A.R., 1990, n° 11.684; pour le comportement anormal d'un câble électri­que et l'exclusion d'autres causes possibles que le vice : Ci v. Tournai, 28 novembre 1991, Rev. dr. rural, 1992, p. 171, voyez aussi pour la chute d'un if qui empoisonne du bétail : Civ. Tournai, 11 octobre 1990, Rev. dr. rural, 1992, p. 168).

La preuve par déduction ne peut être admise que si le juge du fond exclut toute autre cause du vice (Cass., 16 octobre 1986, Pas., 1987, I, p. 192; J. T., 1987, p. 194; Bruxelles, 3 mai 1985, R.G.A.R., 1987, no 11.205; Cass., 23 octobre 1987, T.G.R., 1988, p. 8; Cass., 9 mai 1986, R.W., 1987-1988, p. 1412; Mons, 21 septembre 1987, R.G.A.R., 1988, no 11.423; Dinant, 19 janvier 1988, Bull. Ass., 1988, p. 507 et note HAu­FERLIN).

Le ricochet du projectile dans un stand de tir démontre le vice de l'installation (Liège, 6 mars 1988, Rev. rég. dr., 1988, p. 159) ; la chute d'un câble aérien à haute tension démontre le comportement anormal et donc le vice de la chose (Gand, 21 janvier 1986, R. W., 1987-1988, p. 1036).

La chute de tuiles de la toiture d'un immeuble à la suite d'un vent violent mais non constitutif de force majeure ne s'explique que par un vice de la chose (Bruxelles, 16 janvier

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1989, Bull. Ass., 1989, p. 351 et obs. M.L. ; voyez aussi pour la chute d'un arbre : Mons, 12 décembre 1988, Bull. Ass., 1989, p. 345 et obs. M.L. ; Civ. Charleroi, 24 février 1992, Rev. rég. dr., 1993, p. 20; comparez pour un pneu qui éclate subite­ment : Anvers, 10 janvier 1989, Dr. circul., 1989, p. 142 ; pour le vice de la porte d'un ascenseur : Liège, 19 janvier 1988, R.G.A.R., 1989, no 11.565).

L'ignorance du Yi<·<' n'exclut pas la responsabilité du gar­dien (Civ. Malinet-i. t-1 .iuin 1985, Pas., 1985, III, p. 74; Cass., 29 octobre 1987, J>tt..;., 1988, I, p. 254; R.G.A.R., 1989, no 11.544; Mons, 21 septembre 1987, R.G.A.R., 1988, no 11.423 ; Ci v. Charleroi, 24 février 1992, Rev. rég. dr., 1993, p. 20; Namur, 9 novembre 1989, R.G.A.R., 1992, no 11.923).

La circonstance que le vice de la chose a pour origine une cause étrangère ou le fait d'un tiers n'exonère pas le gardien de sa responsabilité (Cass., 5 juin 1987, Pas., 1987, I, p. 1220; Civ. Malines, 9 mai 1988, Pas., 1988, III, p. 121).

SECTION 3.- LE FAIT DE L'ANIMAL

95. LE FAIT DE L'ANIMAL. - L'article 1385, bien qu'il éta­blisse une présomption légale et irréfragable de faute, à charge du gardien de l'animal, n'exclut pas une exonération de res­ponsabilité à défaut de lien de causalité, si le comportement de l'animal n'était ni anormal, ni imprévisible et que le dommage a été causé par la faute de la victime (Cass., 26 février 1987, Dr. circul., 1987, p. 241; Pas., 1987, I, p. 772; R.G.A.R., 1988, no 11.424; Mons, 24 décembre 1986, J.L.M.B., 1987, p. 456; Cass., 16 septembre 1988, Pas., 1989, I, p. 54 et obs. ; Bruxelles, 20 novembre 1991, Dr. circul., 1992, p. 147).

Le gardien d'une vache échappée courant sur une grand­route est responsab~e du dommage qu'elle cause (Mons, 3 avril 1987, Bull. Ass., 1987, p. 487 et note M. LAMBERT). Le gardien d'un chien est responsable de l'accident causé par l'automobi­liste qui dérape en freinant pour l'éviter (Mons, 22 mai 1989, Dr. circul., 1990, p. 17; Civ. Bruxelles, 6 mai 1988, R.G.A.R., 1990, no 11.732; dans le même sens pour une vache qui diva­gue Bruxelles, 7 septembre 1990, R.G.A.R., 1991, no 11.826 - ou un cheval : Mons, 14 novembre 1989, R.G.A.R., 1991, no 11.869).

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96. PRÉSOMPTION IRRÉFRAGABLE. - La présomption de responsabilité pesant sur le gardien de l'animal est absolue et ne cède que si la preuve d'une cause étrangère est rapportée (Bruxelles, 9 mai 1988, J.L.M.B., 1988, p. 1386).

Si un contact entre l'animal et la victime n'est pas indispen­sable, il faut que le comportement de l'animal soit au moins à l'origine du dommage (Bruxelles, 14 mai 198 7, R. G. D. O. , 1988, p. 226 et Note G.W.).

La chute d'une personne qui se précipite pour chasser des vaches qui ont pénétré dans son potager est causée par le fait de l'animal (Liège, 9 mars 1987, R.G.D.C., 1988, p. 224 et obs.).

Le propriétaire de bestiaux qui en contaminent d'autres est responsable du dommage sur base de l'article 1385 du Code civil (Liège, 4 janvier 1989, J.L.M.B., 1991, p. 162).

Le propriétaire d'un chien qui fait fuir des faisans d'élevage doit en supporter la responsabilité (Civ. Hasselt, 12 septembre 1989, Pas., 1990, III, p. 30).

SECTION 4.- LA RESPONSABILITÉ DU PROPRIÉTAIRE D'UN BÂTIMENT

97. CHARGE DE LA PREUVE.- La victime qui invoque l'ar­ticle 1386 du Code civil doit prouver que le défendeur est le propriétaire du bâtiment, que le dommage a été causé par la ruine de celui-ci et que celle-ci est la conséquence d'un défaut d'entretien ou d'un vice de construction. La circonstance que le défaut d'entretien résulte de la force majeure n'exonère pas le propriétaire (Cass., 17 décembre 1992, Pas., 1992, I, p. 1390; J.T., 1993, p. 443).

Si la ruine du bâtiment est causée par un vice de construc­tion ou un défaut d'entretien, l'article 1384, al. 1er, ne peut s'appliquer (Liège, 30 juin 1988, R.G.A.R., 1992, no 12.010).

Si l'accident est causé par la faute d'un conducteur et un vice de construction ayant entraîné la ruine, la décision qui met toute la responsabilité à charge du conducteur n'est pas justifiée (Cass., 7 janvier 1988, Pas., 1988, I, p. 541 et obs. ; Bull. Ass., 1988, p. 752, R.G.A.R., 1990, no 11.745).

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98. CAS D'APPLICATION DE L'ARTICLE 1386 DU CODE CIVIL. - La ruine d'un bâtiment consiste en la chute soit de l'ensemble, soit d'une partie des matériaux formant le bâti­ment. La seule dégradation des matériaux est insuffisante (Mons, 11 juin 1991, J.T., 1991, p. 840; R.G.A.R., 1993, n° 12.197).

Si une cheminée ne résiste pas à un vent violent - 33 mf sec. - rare mais non exceptionnel, il faut en déduire qu'elle était soit affectée d'un vice, soit ma] entretenue, en telle sorte que l'article 1386 du Code civil trouve à s'appliquer (Civ. Mons, 2 mars 1987, Bull. Ass. 87, p. 493 et obs. M. LAMBERT ; Civ. Nivelles, 21 novembre 1985, R.G.A.R., 1987, no 11.272).

La chute de matériaux limitée à la cheminée constitue une ruine au sens de l'article 1386 du Code civil (Civ. Charleroi, 24 février 1992, Rev. rég. dr., 1993, p. 18). Si la ruine du bâti­ment est la conséquence d'un défaut d'entretien, même justi­fiée par la force majeure, cela n'exonère pas le propriétaire de sa responsabilité (Civ. Charleroi, 2 décembre 1987, R.G.D.C., 1988, p. 337).

L'effondrement d'un toit engage la responsabilité sur base de l'article 1386 du Code civil (Civ. Malines, 29 décembre 1987, R.G.D.C., 1989, p. 415).

La chute de la balustrade d'une terrasse constitue une ruine au sens de l'article 1386 du Code civil (Civ. Marche-en­Famenne, 10 juillet 1986, R.G.A.R., 1989, no 11.545).

Une ruine partielle suffit pour l'application de l'article 1386 du Code civil (J.P. Gedinne, 9 septembre 1987, R.G.A.R., 1989, n° 11.495 et obs. M.D.).

Le propriétaire d'un bâtiment peut être exonéré de sa res­ponsabilité si la ruine est imputable à la force majeure, tel un vent exceptionnel (Anvers, 31 janvier 1990, Bull. Ass., 1990, p. 578 et obs. V AN ÜRSHOVEN ; Civ. Nivelles, 25 avril 1989, R. G.D. O., 1990, p. 170 ; Liège, 24 juin 1990, Ann. dr. Louvain, p. 25 et note F. KEFER ; Mons, 11 juin 1991, J. T., 1991, p. 840; Liège, 31 octobre 1990, J.T., 1991, p. 66; un vent de 118 kmjh. n'est pas constitutif de force majeure : Civ. Bruxelles, 17 janvier 1992, Res et jur. imm., 1992, p. 185 ; voyez pour un vent de 115 kmjh. : Civ. Hasselt, 23 novembre

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1990, R. W., 1993-1994, p. 440 et obs.; pour 122 kmfh. : J.P. Haacht, 12 décembre 1990, R. W., 1993-1994, p. 441 et obs.).

Un môle peut être considéré comme un bâtiment (Civ. Bruges, 17 juin 1987, R. W., 1990-1991, p. 509).

Si deux personnes sont coauteurs du dommage et que l'arti­cle 1386bis s'applique à l'une d'elles, cette dernière peut être condamnée à réparer une partie du dommage en fonction de sa participation effective dans la perpétration des faits (Bruxelles, 8 juin 1988, J.L.M.B., 1988, p. 1.558 et note).

CHAPITRE VII. - CAP A CITÉ AQUILIENNE ET RESPONSABILITÉ

DES ANORMAUX

99. CONDITIONS D'APPLICATION DE L'ARTICLE 1386BIS. -L'article 1386bis du Code civil n'exige pas que l'auteur du fait soit totalement incapable ; il suffit qu'il existe au moment des faits une atténuation importante du contrôle des actes ou une altération du comportement qui entraîne une diminution grave de ce contrôle (Liège, 27 janvier 1993, J.L.M.B., 1993, p. 1030).

Si le juge du fond réduit l'obligation de réparer le dommage pesant sur un mineur, conformément à la possibilité que lui donne l'article 1386bis, du Code civil, le bénéfice de cette répa­ration partielle ne peut être étendu aux parents du mineur, civilement responsable de leur fils (Cass., 18 octobre 1990, R.G.A.R., 1992, no 12.026; Pas., 1991, I, p. 171).

Dans le cadre de l'article 1386bis, le pouvoir d'appréciation du juge est souverain tant quant au principe de l'obligation que quant à son étendue (Civ. Namur, 18 janvier 1990, R.G.A.R., 1992, no 11.975; Civ. Hasselt, 6 septembre 1990, R.G.D.C., 1991, p. 86).

Dans l'appréciation en équité de l'étendue de la réparation imposée à un anormal, le juge du fond peut tenir compte d'une garantie donnée par un assureur (Gand, 21 avril 1989, R. W., 1989-1990, p. 880 et note DAMBRE; Bruxelles, 2 décembre 1985, Dr. circul., 1987, p. 15; Civ. Anvers, 3 octobre 1986, R. W., 1986-1987, p. 2.162; Comm. Audenarde, 20 janvier

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1987; R. W., 1986-1987, p. 2.317 et Note DAMBRE; Corr. Nivelles, 29 novembre 1985, R.G.A.R., 1987, n° 11.274).

CHAPITRE VIII. - CLAUSES D'EXONÉRATION

100. CoNDITIONS D'APPLICATION. -Les clauses d'exonéra­tion de responsabilité doivent être acceptées pour lier les par­ties. La circonstance qu'une société a eu connaissance dans le passé des conditions générales d'entreprise d'un de ses parte­naires commerciaux n'établit pas qu'elle les ait acceptées à l'occasion d'un contrat ultérieur. La signature par un préposé d'un document renvoyant à ces conditions ne suffit pas à éta­blir le consentement (Liège, 12 avril 1991, J.L.M.B., 1991, p. 836 et note).

Une clause d'exonération rédigée en termes tout à fait géné­raux, ne peut être invoquée par l'exploitant d'un car-wash si elle le couvre impunément en toutes circonstances alors qu'il est tenu d'une obligation de résultat (Civ. Nivelles, 10 janvier 1991, Bull. Ass., 1991, p. 451 et note M. LAMBERT).

Une clause de limitation de responsabilité ne peut suppri­mer l'objet même du contrat (Bruxelles, 10 avril 1986, Compu­ter, 1987, p. 31 et note Yves PouLLET; Civ. Bruxelles, 13 mai 1986, R.G.A.R., 1987, no 11.231).

La durée des relations entre un abonné et la société de dis­tribution ainsi que le rappel de l'application des conditions générales de celle-ci lors de toutes les facturations ne permet­tent pas à l'abonné d'invoquer son ignorance du contenu de ces conditions (Civ. Nivelles, 12 février 1990, R.G.A.R., 1991, n° 11.842).

Les termes généraux d'une clause n'impliquent pas que les parties ont voulu en étendre l'application à la faute grave (Comm. Gand, 1er juin 1984, R. W., 1986-1987, p. 2.799).

Le j~ge du fond apprécie souverainement s'il s'agit d'une clause de garantie limitée ou d'une clause d'exonération de responsabilité (Anvers, 16 novembre 1982, R. W., 1988-1989, p. 1.307 ; voyez pour le suicide d'un malade mental, assuré,

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survenant sur les voies de la S.N.C.B. : Civ. Anvers, 3 octobre 1986, Pas., 1987, III, p. 6).

Un panneau à l'entrée d'une plaine de jeux ne suffit pas à rapporter la preuve de l'existence d'une convention d'exonéra­tion de responsabilité (Civ. Marche-en-Famenne, 8 janvier 1987, J.T., 1987, p. 688; comp. J.P. Arlon, 7 novembre 1986, Dr. circul., 1987, p. 298; J.P. St. Josse, 28 octobre 1986, J.J.P., 1987, p. 220).

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Le Comité scientifique

de la Revue critique de jurisprudence belge

a décidé, en sa séance du 26 avril 1995, d'attribuer son prix de 500.000 frs

à Mme Valérie Simonart, assistante

à la Faculté de droit

de l'Université Libre de Bruxelles,

pour son livre :

<< La personnalité morale

en droit privé comparé>>.